CONFERENCES Aux sources de la violence. De l’enfance à l’adolescence, 8, 9 & 10 Octobre 2009, Paris. FFPP
DES JEUNES DE 14 A 16 ANS « INCASABLES » ? Itinéraires d’élèves perturbateurs et violents Michèle Guigue [mguigue@club-internet.fr] Professeur en sciences de l’éducation, Université Charles de Gaulle-Lille 3 Proféor-Cirel Dans le cadre de la réponse à l’appel d’offre de l’ONED, Les mineurs dits « incasables », nous avons réalisé une recherche sur une cohorte de 20 collégiens (14-15 ans) identifiés comme absentéistes lourds, déscolarisés ou multi-exclus (Guigue, 2008). Afin de connaître leurs itinéraires et de comprendre les raisons de leurs violences, notre groupe (Bruggeman, Tillard, Lemoine & Lesur) a collecté les dossiers scolaires et réalisé 52 entretiens avec des professionnels les connaissant personnellement (collège, travail social). Tout d’abord, aux sources de cette violence, nous mettrons en évidence un cumul de difficultés et de malheurs, les concernant eux-mêmes et leur entourage : pauvreté, violences familiales, problèmes de santé et de handicap, événements dramatiques (accidents, décès, prison). Par ailleurs, les difficultés scolaires sont souvent anciennes (traces de prise en charge dès la maternelle). Dans un second temps, nous insisterons sur le contexte de l’institution scolaire où ces jeunes sont étiquetés comme « ingérables ». 1 - Leurs comportements mettent en difficulté les professionnels et les institutions, au point que certains sont exclus de structures spécialisées et font retour dans le collège de leur secteur. 2 - Leurs comportements présentent une variabilité incompréhensible : ils peuvent être « charmants » et, soudainement, « exploser ». Ces jeunes font souvent peur, mais les professionnels ne les imaginent pas comme ayant eux-mêmes peur. 3 - Leurs comportements manifestent, d’une part, des moments d’engagement intense dans le travail scolaire et, d’autre part, l’opposition vis-à-vis des règles impersonnelles de l’école : programmes insurmontables, emploi du temps standardisé, élèves et enseignants anonymes et interchangeables (Olson, 2005). Leur absence de modération conduit à rendre insupportables les situations qui les mettent en échec. Adhésion et explosion s’enchaînant de façon imprévisible, ces élèves apparaissent comme « particuliers, bizarres, fascinants ». 4 - Leur arrivée, suite à une exclusion, dans un collège, en font des « pièces rapportées ». En effet, la communauté se construit à l’entrée en 6e, « quand on apprend à connaître les élèves et qu’on les forme alors qu’ils sont encore petits », disent les professionnels (Goffman, 1968). Un nouveau « n’est à personne ». Cette sanction est donc lourde de conséquences. Mais leur violence devenant insupportable, professeurs et élèves sont soulagés de leur départ. Ces discours, au delà des histoires personnelles et de l’identification des défaillances de l’environnement, ouvrent des pistes pour aménager la prise en charge scolaire de ces jeunes, même si c’est aux marges de la classe (Guigue, 2009). • • • • •
Goffman, E. (1968). Asiles. Paris : Éditions de Minuit. Guigue, M. (2009). Scolariser aux marges de la classe. In Euriat, N., Lhotel, H. (dir.). Paris: Broché. Guigue, M. (2008). Des jeunes de 14 à 16 ans « incasables » ? Itinéraires d’élèves aux marges du collège. Rapport à destination de l’Observatoire national de l’enfance en danger (www.oned.gouv.fr). Guigue, M. (2003). Des garçons décrocheurs et l’école. Les Sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 36, n°1, CERSE, Université de Rouen, 85-107. Olson, D. (2005). L’école entre institution et pédagogie. Paris : Retz.