Livres de lecture à l’école – 3H-4H CE QU’EN PENSENT LES PROFESSIONNELS
Des établissements scolaires ont décidé de ne pas utiliser le livre « Même pas peur ! »
__________________________________________________________________________ A la lecture de l’ouvrage d’Evelyne Reberg et de Nancy Ribard, « Même pas peur ! », je reste stupéfaite que cette lecture figure au programme scolaire des enfants de 2 ème primaire (4H). En effet, quel est l’intérêt, pour des enfants d’environ 8 ans, d’utiliser une lecture si lugubre et morbide. Ce livre relate l’histoire d’une fillette qui vit dans une maison sans électricité, laissée seule la nuit par sa mère qui prend plaisir à causer des accidents et qui se réjouit de faire du mal autour d’elle. Elle se révélera finalement être un vampire qui a intentionnellement fait peur à sa fille le jour de son anniversaire. La lecture est une ressource privilégiée pour nourrir l’imaginaire des enfants. Lire permet à l’enfant de s’identifier aux personnages principaux, à leurs mésaventures ou à leurs échecs. Dès lors, l’enfant s’évade dans un monde différent, fantastique où tout devient possible. Dans l’ouvrage qui nous intéresse, l’enfant se trouve plongé dans un univers lugubre, morbide, sans aide et sans espoir. La mort, la nuit, l’abandon, la violence, la peur, la méchanceté et la solitude sont les thèmes principaux de cet ouvrage. En particulier, l’omniprésence de la mort crée un univers véritablement angoissant et sans repères sécurisants. Comment expliquer et justifier qu’une telle lecture soit imposée aux enfants ? Quelles sont les valeurs que nous souhaitons leur transmettre ? « Comme ils sont bêtes les humains. Comme ils sont peureux » (extrait du livre). Est-ce vraiment ce message que nous souhaitons leur laisser ?
Pedo-Psychologue
Le livre « Même pas peur ! » ne me paraît pas très adapté pour des enfants jeunes. En effet, son plus grave défaut est qu’il confond l’imaginaire et la réalité, il ne les différencie pas assez clairement au départ, ce qui crée de la confusion et ne permet pas au lecteur de se situer facilement, à savoir si c’est une histoire imaginaire ou une histoire qui se passe dans notre réalité. Au début de l’histoire, par exemple, on croit être dans la réalité d’un enfant d’aujourd’hui et ce n’est qu’à la fin, qu’un adulte a la confirmation que c’est une histoire imaginaire et que l’héroïne est une enfant vampire. Je ne suis pas sûre par contre qu’un enfant en soit capable. Ce flou crée un malaise en le lisant. En effet, pour un vampire, il est compréhensible que la maman se fasse vilaine, que la fillette raffole des histoires horribles, que l’état de la poupée soit déplorable avec un seul œil rouge, qu’elle soit capable de voler (5 marches à la fois), etc… par contre dans la réalité, pour de jeunes lecteurs, cela peut générer des inquiétudes, des craintes, voire des peurs.
De plus, l’histoire elle-même génère des peurs (par exemple, la porte qui ne ferme pas), elle crée une ambiance bizarre et ne contribue pas du tout à découvrir comment affronter ses peurs ou à aider à les apprivoiser. Par exemple, le fait que ses peurs soient réelles au lieu d’être imaginaires. En effet, il y a vraiment un animal ailé, le loup est finalement une chauvesouris (ce qui fait peur aux enfants), et que la chauve-souris soit sa maman (à ce moment-là, pour un enfant cela crée de la peur: ma maman pourrait se transformer en chauve-souris) puisqu’à ce point de l'histoire, ce n’est pas évident que nous sommes dans une histoire imaginaire. En fait, avec les différentes allusions, un adulte peut déduire plus clairement à ce moment-là qu’il s’agit d’une histoire de vampire, ce qui n’est pas facile ni évident pour un jeune enfant. Je ne recommande donc pas sa lecture dans un programme scolaire. Psychologue- spéc. en psychothérapie FSP ___________________________________________________________
Pour ma part, bien que les images du livre « Même pas peur ! » ne soient pas très jolies, elles ne me choquent pas et ne paraissent pas être le vrai problème de cet ouvrage. En effet, ce qui me laisse beaucoup plus perplexe, c’est le contenu même du texte. Relativiser les éléments pouvant être angoissants chez l’enfant, comme le la peur du noir, des monstres ou autres me semble avoir été traité dans d’autres contes qui me paraissent plus appropriés. J’imagine que l’on essaie d’apporter de la modernité dans la littérature mais je pense que les petites filles continuent de s’identifier aux princesses et les petits garçons aux chevaliers et pas à des vampires ou à des monstres ! Alors même si les « Twilight » et « High Monster » envahissent les écrans et les consoles de nos magasins, nous ne sommes pas obligés de cautionner cela en acceptant que cela fasse partie du programme scolaire. Le bon vieux conte classique de Grimm par exemple a fait ses preuves et les « psy » se sont longuement penchés sur la question pour expliquer ses implications psychologiques chez l’enfant (et dans ceux-ci, ce sont toujours les gentils qui gagnent à la fin). »
Psychologue
Enseignante depuis 20 ans, j’étais frappée par la moralité (pour ne pas dire immoralité) du message transmise par ces livres choisis pour les élèves de 7 ans. A mon avis, nous avons tellement de jolies histoires qui apprennent des valeurs aux jeunes que nous ne sommes pas contraints à choisir justement celles-ci. J’ai lu les opinions de ceux qui s’en prennent aux contes et légendes, mais si on les examine minutieusement, on ne peut pas nier que la fin de la majorité des contes apporte une sorte de récompense à ceux qui étaient justes ou qui ont eu un comportement positif. Un autre aspect non négligeable de ces contes, c’est que les jeunes enfants, en général , les écoutent et passent ensuite à autre chose. Ici en revanche, ils y passent des semaines entières pour que les cruautés comme « égorger sa mère » (cfr. l’histoire « Mémed et les 40 menteurs ») soient bien décortiquées et encrées dans leurs mémoires de jeunes. Quant à ceux qui pensent que ces histoires sont anodines, que les enfants savent bien que ce n’est pas vrai…. Détrompez-vous ! Les enfants reproduisent souvent inconsciemment les événements qu’ils ont vus ou lus. C’est pour cette
raison que les films, les jeux (jeux vidéo) et les histoires malveillantes sont nuisibles aux jeunes. Après un geste soudain, irréfléchi (lu ou vu auparavant) envers un camarade, on ne peut plus appuyer sur le bouton «esc» et refaire comme si rien n’était jamais arrivé. Donc, en conclusion, en tant qu’enseignante, je refuse de faire travailler mes élèves avec ce genre de matériel pédagogique. Enseignante d'une école privée