Le Chemin de Luca

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SOMMAIRE

Table des matières SOMMAIRE....................................................................2 LA NAISSANCE...............................................................3 L’ENFANCE....................................................................8 L'ADOLESCENCE.............................................................19 LA FUITE...................................................................28 LE CANADA.................................................................38 LES AMÉRINDIENS...........................................................47 L’APPRENTISSAGE............................................................59 LA CAVALCADE..............................................................79 LE PROCÈS..................................................................106 LA RENCONTRE..............................................................119 MESSAGE de l’Auteur........................................................121 LEXIQUE...................................................................122 DISTRIBUTION.............................................................123 LOCALISATION.............................................................124 LÉGENDE...................................................................124

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LA NAISSANCE «Chaque enfant est un artiste. Le rester lorsque qu’on grandit est un challenge» - Pablo Picasso

À la fin des années 50 dans la maternité d’un hôpital d'un petit village de Provence, un enfant naissait avec un double cordon ombilical autour du cou. La plupart du temps ceci était anodin, or pour ce bébé de plus de 4k, cette péripétie allait sérieusement compliquer sa survis. A bout de force

après

vingt-cinq

heures

de

labeur

Filomena

caressa

Luca sur son ventre le temps de le détacher à jamais de l’alliance de la création. C’était la fin de la souffrance pour l’une et le début pour l’autre.

Bienvenu dans le nouveau monde, c'était la génération des

bébés

boomers,

qui

plus

était,

en

période

de

Noël.

L’effectif en était réduit, et même dans ce petit village de Provence, beaucoup de bébés naissaient, hélas le personnel hospitalier se voyait tout simplement débordé.

Luca

fut

déposé

là,

depuis

plus

de

5

minutes,

et

personne ne pouvait s'imaginer ce qui aller advenir à ce petit

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Poupon. Alors qu’il gesticulait dans tous les sens, la sagefemme le cru plein d'énergie et le laissa donc découvrir son nouvel environnement, le temps d'en finir avec un autre bébé de dix minutes plus âgé que lui. Mais Luca ne jouait pas, il était tout simplement entrain de s'étouffer, l'air lui manquait, et à chaque mouvement qu'il faisait, le cordon ombilical se serrait un petit peu plus autour de

son

cou.

Minute

par

minute,

le

tin

de

son

visage

s’obscurcissait et tirait désormais vers le bleu. Pourtant, ce petit ange était bien né pour une raison! malgré qu'il avait déjà un rude combat à mener. Un ultime appel de détresse, une finale étincelle de vie lui permit

de

gémir

une

dernière

fois,

néanmoins

sans

surveillance personne n’entendit. Sa seule alternative fut de s’en remettre à Dieu tout puissant car seul un miracle pouvait le sauver.

Un homme d'une quarantaine d'année marchait avec hâte dans le hall de l'hôpital, son épouse avait certainement accouché pendant qu’il travaillait. A priori, en retard et un peu déboussolé, il cherchait la chambre de sa tendre et douce. Il se perdit dans les couloirs et se retrouva proche de la nurserie lequel entendit les gémissements de bébés, ce qui alerta sa curiosité et entra. Assez rapidement il constata ce bébé, dont la mort pointait le bout de son nez, se battre de toute son âme. Passer d'un sourire enchanté au trépas, il n’y avait qu’un pas, et cet homme comprit le danger qu'encourait le bambin. Prit de

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panique il est vrai, mais sans hésitation, et ce, sans même discerner d'où venait son agonie, il prit le bébé le plus délicatement possible et en courant dans le hall à la recherche d'un employé de l'hôpital, s’écriait:

"Le bébé, le bébé va pas bien, le bébé va pas bien." Une femme de ménage l’entendit hurler dans le couloir et sortit

de

la

chambre

qu’elle

exerçait

afin

de

tempérer

l’ambiance. La sage-femme de la nurserie sortit également de la chambre dans laquelle elle déposa le nourrisson aux parents,

et

vit

passer

à

toute

vitesse

cette

dernière

se

dirigeait vers les urgences avec dans ses bras, Luca. Aussitôt celle-ci suivit.

L'homme

encore

sous

le

choc

tenta

d’apaiser

ses

émotions quand cinq minutes plus tard la femme de ménage revint

des

urgences.

santé du bébé, reconnaissance

Aussitôt

elle

puis,

se afin

celui-ci

demanda

l’état

de

contenta de sourire en geste de d’éviter

toute

question

gênante,

continua son chemin. Soudain le médecin de garde se présenta dans le hall suivit de

la

sage-femme

en

service.

L’homme,

tout

sourire,

s’approcha du docteur.

"Bonsoir, je suis le Docteur Aquilina, et voici mon assistante Madame Scott." "Comment va le bébé?" demanda l’homme.

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"Nous ne savons pas encore" répondit le docteur "mais grâce à vous monsieur il est en vie, certes ce bébé est très faible, mais il respire." "Je suis content" rajouta fièrement l’homme. "Nous tenons sincèrement à vous remercier du fond du cœur pour votre courage et votre attention, notre personnel a tout simplement été débordé par toutes ces naissances. Je vous remercie vraiment." "Puf! c’est tout naturel" répondit l’homme. "Est­ce que nous pouvons faire quelque chose pour vous monsieur?" "Oh! je venais voir ma femme qui a sans doute accouché maintenant, je l’ai laissé ce matin pour aller au travail" dit l’homme en roulant les «R» avec un petit accent étranger. "Bien sûr on va vous orienter, vous êtes monsieur?" "Euh ! je m’appelle Giuseppe .. Giuseppe Spina et Filomena Spina, c’est ma femme, elle est .." Il s’arrêta de parler en voyant la face du docteur changer d’expression en l’espace d’une seconde puis il rajouta:

"Quelque chose ne va pas bien Docteur?" Celui-ci ne répondit pas tout de suite.

"Docteur!" insista Giuseppe.

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"Monsieur Spina .. vous .. vous venez de .. vous venez de sauver .. votre .. votre fils" répondit le docteur avec des traits graves sur son visage. L’expression de Giuseppe changea littéralement, il prit sa tête entre ses mains et se laissa tomber sur ses genoux. Regarda le plafond comme pour remercier le Seigneur et sanglota un instant.

Puis

se

ressaisit

et

injuria,

en

italien,

la

sage-

femme, le docteur, la situation se dégrada il ne put contenir son émotion, il se répétait à haute voix:

“C’est quoi cet hôpital d’incapable! si je n’avais pas été là mon fils serait probablement mort à l’heure qu’il est.” Le médecin ne put répondre, il préféra attendre qu’il se calmât et se ressaisisse. Se fut le contraire, Giuseppe se rapprocha même du docteur comme s’il voulait lui flanquer un coup de poing. Quand

soudain,

il

entendit

une

voix

rauque

et

alarmante

suppliait son nom. Brusquement il réalisa. C’était Filomena, ces nerfs avaient pris le dessus et, il l’avait complètement oublié. Giuseppe lâcha le médecin et courut vers elle guidé par sa voix. Il l'aperçut là, en face de lui, peinée, fatiguée. Elle avait tout entendu, ils se regardèrent fixement, elle le sourit avec gratitude, dissipant ainsi son inquiétude à propos de l’état de santé de Luca. Giuseppe

l’enlaça

avec

beaucoup

d’émotion,

dans

cette

tristesse Filomena ne put se contenir et fonda littéralement en larmes.

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L’ENFANCE «La force ne vient pas des capacités physiques, elle vient d’une indomptable volonté» - Mahatma Gandhi

Luca avait maintenant 9 ans et, avec sœur Camilla d’un an de plus, ils se préparaient pour se rendre à l’école Sainte Hélène, à deux pas de la mer sur la fameuse promenade des Anglais à Nice. Luca était un peu jaloux d’elle, en effet Camilla avait tout pour elle, l'intelligence, la beauté, le respect de ses parents et

puisqu'elle

était

une

brillante

élève,

elle

bénéficiait

également de beaucoup de choses. Luca ne se sentait pas traité de la même manière, en effet ses parents lui disaient souvent «tu n’as besoin de rien parce que tu ne fais pas de sport et surtout tu n’es pas studieux.» En

fait,

il

était

même

plutôt

mauvais,

il

faisait

parti

du

groupe de ceux que l’on mettait au fin fond de la classe afin de ne pas déranger les meilleurs. Pourtant Luca n'était pas un perturbateur, Ô que non! c’était un rêveur, toujours la tête dans la lune, comme aimait dire son maître monsieur Vago à Filomena dans ses nombreuses convocations scolaires.

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C'était le mois de Juin 1969, la saison scolaire était presque

terminée,

et

cette

dernière

convocation

était

un

coup de masse pour Filomena. En effet, Luca n’avait pas le niveau

pour

passer

à

la

classe

supérieure.

En

septembre

prochain il devra recommencer les mêmes leçons avec le même maître, monsieur Vago, ce qui était un cauchemar pour Luca, et ça le mettait hors de lui. Ce soir là, à la maison, il alla dans la chambre commune et pleura, il ne mangea pas, il était inconsolable. Mais ce fut pire encore quand son père entra du travail et l’inonda d’injures. En effet, il le traita d’incapable, de bon à rien, de l'âne de la classe et le compara à Camilla, ce qui ne faisait qu’augmenter son isolement. Luca avait pourtant essayé de s’intégrer à la classe en début d’année,

il

savait

que

sa

tâche

était

compliquée.

Chaque

année, c’était la même chanson et comme chaque année il arriva tant bien que mal à passer au niveau supérieur mais, avec monsieur Vago, c'était une autre affaire. Parmi tous les professeurs qui l’avaient précédé, ce dernier était le plus ignoble. En

effet,

Luca

avait

un

petit

problème,

il

bégayait

atrocement, il était incapable de dire une petite phrase en continue, ce qui agaçait monsieur Vago. Celui-ci jouait avec ce défaut en se moquant de lui à chaque fois que Luca devait prendre la parole. Il entraîna par la même, toute la classe à en rire. Le plus souvent pour plaire à monsieur Vago ou, tout du moins, faire semblant

de

participer

malgré

eux

à

sa

stupidité,

ses

camarades en abusaient cruellement, mais ils ne s’en rendaient

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pas compte. Les écoles mixtes n’existaient pas en ce temps là, les filles auraient probablement eu plus de compassion à son égard. Alors

Luca

se

bloqua

littéralement

et

décida

de

ne

plus

participer à aucune discussion durant la classe.

Quelques mois plus tôt, monsieur Vago gratifia Luca d’un surnom qu’il n’oubliera jamais, suite à un mot qu’il ne put prononcer correctement. En effet, un camarade de classe n’avait pas boutonné son pantalon

correctement

murmurer

à

l’oreille.

et

Luca

Monsieur

jugea Vago

important le

de

surprit

le

lui

debout

à

discuter avec son camarade sans en avoir eu la permission, et lui demanda de quoi il s’agissait. Très embarrassé Luca rougit puis tenta de prononcer le mot «bouton de braguette» mais avec son bégaiement cela donnait «Bou, Bou, Bou.» la suite ne venait pas, alors il accéléra et plus il accélérait et plus il balbutiait «Bou, Bou, Bou, Bou.» Monsieur Vago éclata de rire avec une telle force que toute la

classe

le

suivit.

Suite

à

cette

péripétie,

il

décida

de

rebaptiser Luca en Boubou. Ce dernier accueillit ce surnom comme

une

humiliation.

Néanmoins

il

sera

utilisé

par

son

maître et ses camarades jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Luca ne le savait pas encore mais il allait agréablement

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se surprendre. En effet, le dernier jour de l’année scolaire était

une

journée

de

divertissements,

et

on

jouait

dans

toutes les classes jusqu'à l’heure du départ. Luca restait dans son coin sans vraiment prêter une attention particulière à ce qui se passait autour de lui sauf, quand il entendit tapé à la porte. C’était madame Ricci la maîtresse de la classe supérieure. Elle demanda à monsieur Vago si cela ne le dérangeait pas de s'intégrer avec ses élèves à son groupe.

La

principale

raison

était

le

départ

anticipé

de

certains élèves qui réduisit considérablement l’effectif. Celuici accepta avec l’arrogance dont il se nourrissait chaque jour.

Au milieu de l'après-midi madame Ricci remarqua Luca, au fond de la classe. Depuis plusieurs heures celui-ci fixait la mer et les bateaux à voile à l’horizon. Madame Ricci demanda le

nom

de

ce

garçon

à

monsieur

Vago

lequel

lui

confia

également son sentiment à son égard. Et ajouta à voix haute:

“Vous perdez votre temps à vouloir l’intégrer dans un groupe de joueurs, de toute manière il ne comprend pas ce que l'école aurait pu lui apporter s’il avait fait un petit d’effort d’attention et de participation.”

Après

cette

déclaration,

celui-ci

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sortit

de

la

classe

pour


fumer. Alors madame Ricci s’approcha de Luca. Ce dernier continua à fixer l’horizon.

“Bonjour Luca, pourquoi ne joues­tu pas avec tes camarades?” demanda t­elle. Mais Luca ne répondit pas, ni même bougea sa tête.

“Ben voyons Luca je suis persuadée que tu as envie d’y jouer mais tu es un peu trop timide n’est­ce pas?” Madame Ricci avait vu juste, au fond de lui il en bavait, il n’avait jamais rien vu de pareille. Il y avait de belles voitures de collections avec les phares qui s’allumaient. L’Aston Martin de

James

Bond

avec

des

fusées

qui

s'éjectaient

de

la

calandre quand on appuyait sur un bouton, et des tiges crève pneu qui sortaient sur les côtés des roues. Il y avait aussi une centaines de soldats de plomb, certains à cheval avec des épées ou des fusils que l’on pouvait déplacer de la main à l’épaule. Des camions remorques, des grues et des tracteurs électriques. Puis des mécanos, des yoyos, des puzzles, des osselets en métal, des jeux de sociétés comme le Monopoly et le Bingo. Malgré cela, Luca ne bougea pas et conserva son attitude de tous les jours, face à monsieur Vago. Mais madame Ricci avait plus d’un tour dans son sac et elle chercha un moyen de le faire participer.

“Bien Luca, moi j’ai un petit jeu à te proposer.”

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De sa main elle déposa sur la table de Luca des allumettes.

“Connais­tu le jeu de Saute mouton avec les allumettes?” “Non Madame”répondit­il en bégayant. “Non?” s’étonna t­elle. Madame Ricci ne prêta pas attention à son bégaiement et retourna au tableau afin de parler à tous les élèves.

“J’attire votre attention les enfants! Qui connaît le jeu de Saute mouton qui se joue à l’aide d’allumettes.” Les

élèves

n’en

avaient

jamais

entendu

parler,

certains

d’entre eux intéressaient, lui demandèrent la règle du jeu.

“Et bien pour ceux qui voudraient essayer, je vais leur distribuer huit allumettes. Elles représentent des moutons marchant dans un sentier escarpé, ils n’ont aucun moyen de le contourner. Quatre moutons arrivent d’une direction et quatre de l’autre. Hum! ils vont se rencontrer et le but du jeux, c’est de passer tous les moutons par dessus ceux qui arrivent dans le sens opposé afin qu’ils puissent continuer leur chemin. Mais attention, un mouton ne peut sauter qu’un mouton à la fois venant du sens opposé seulement s’il y a un espace et, en début de jeux l’espace se trouve entre les premiers. Voilà les enfants je vous ai tout dit, maintenant ceux qui veulent participer levez la main!” Les élèves hésitaient, le jeux semblait compliqué. Réfléchir encore! pour un dernier jour d'école!

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“Hum! pas beaucoup d’amateur là! alors! ma classe juste trois élèves! et un pour monsieur Vago! Hum! À oui j’ai omis de dire que le gagnant c’est à dire celui qui trouvera le premier, la bonne formule gagnera ce gros sac de bonbons de toutes les couleurs. Alors !” Maintenant

plusieurs

enfants

levèrent

la

main,

le

sac

de

bonbons les motivait. Le but de madame Ricci était de le faire participer à une activité coûte que coûte.

“Trois, deux, un“ elle observait Luca, lequel ne bougeait pas. “partez!” Les voilà plus de dix à tenter leur chance et bien que Luca n’eut pas levé la main madame Ricci lui laissa les allumettes et ajouta:

“Luca, tu n’es pas obligé de jouer, mais si tu essayais cela me fera plaisir de

voir que tu as participé à quelque chose aujourd’hui. Tu n’as pas à bouger de ta place ni à jouer avec d’autres élèves, tu peux continuer à regarder la mer jusqu’à l’heure du départ c’est ton choix et je le respecte. Tu peux aussi tenter de gagner ce sac de bonbons. Donnes­toi une chance d’essayer, personne ne viendra voir ce que tu fais. Alors qu’en dis­tu Luca?” Luca l'observa quelques secondes. Son grand sourire gracieux y était pour beaucoup, elle était belle avec de longs cheveux blond et une silhouette de mannequin, Luca aurait tant voulu être dans sa classe l'année prochaine. Il pris une grande respiration et répondit.

“Je n’ai aucune chance face à mes camarades et ceux de votre classe.”

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Les élèves de Madame Ricci entendirent Luca parler pour la première fois et commençaient à se moquer, mais celle-ci les stoppa.

“Les enfants s’il vous plaît, se moquer de votre camarade ne va pas vous rendre plus intelligent, vous n’avez sans doute pas besoin de son amitié et c’est peut­être la raison de son isolement. J’ai néanmoins une question à vous poser les élèves de monsieur Vago. Est­ce que Luca a un jour manqué de respects, insulté ou même frappé l’un d’entre vous?” Un enfant se leva et répondit:

“Madame, Luca ne peut pas nous manquer de respects .. il ne parle jamais.” Alors

que

les

élèves

recommençaient

à

rire

madame

Ricci

enchaîna:

“D’après toi quelle est la raison de son silence?” “Ben quand Luca essaye de parler monsieur Vago se moque .. de lui et nous on rigole” répondit l’élève sans détours. “Oh! mon Dieu!” dit­elle toute retournée “et bien, puisqu’il ne vous a jamais manqué de respects, il serait très apprécié de ne pas lui rendre la situation plus difficile, ne pensez­vous pas les enfants?” Les

enfants

acquiescèrent

et

commencèrent

leur

épreuve.

Luca lui sourit en guise de remerciement, et elle ajouta:

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“Pour répondre à ton inquiétude Luca, ce petit jeu n’a rien à voir avec les connaissances acquises durant l'année, ni avec l'âge, ni avec rien d’ailleurs, c’est juste une question de logique .. alors Luca à toi de jouer!”

Le

temps

passa

et

plusieurs

élèves

montraient

leur

solution à madame Ricci mais aucune ne fut correcte. Ce

qui

attisa

le

mauvaise

réponse

s’essaya.

Madame

sens le Ricci

de

compétition

mettait observa

en sa

de

confiance

Luca, et

contribution

chaque

soudain et

il

sourit.

Monsieur Vago de retour, madame Ricci lui fit remarquer par un signe de la tête que Luca tentait sa chance. Celui-ci haussa les épaules et alla s’asseoir. Madame Ricci en profita pour lui faire part de son mécontentement au sujet de son comportement

peu

pédagogique

vis-à-vis

de

Luca.

Il

se

contenta de tourner la tête et d'éviter le sujet. Il ne restait plus que quinze minutes avant le départ en vacances. Madame Ricci alla au tableau et déclara:

“Alors les enfants aucun d’entre vous n’a trouvé la bonne réponse. Je vais donc vous l’écrire au tableau et bien sûr je vais garder le sac de bonbons. Aussi j’ai eu plaisir à jouer avec certains d’entre vous dont j’aurai le privilège d’avoir dans ma classe l’année prochain, vous verrez cela va être instructif et amusant.” Luca écouta avec attention et réalisa que pour lui cela n’allait

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pas être du plaisir et de l’instruction. Il culpabilisa et alors qu’il

commençait

à

larmoyer

il

vit

madame

Ricci

écrire

la

réponse.

“Madame!” dit­il. Laquelle s'arrêta puis dit:

“Oui Luca tu veux me dire quelque chose?” il acquiesça. Luca

expliqua

à

madame

Ricci

sa

solution,

elle

écouta

attentivement, même si cela avait prit plus de cinq minutes. Madame Ricci lui sourit avec tendresse et se dirigea vers le tableau

sans

impatiente

rien

son

dire.

verdict.

Monsieur Elle

le

Vago regarda

attendait puis

à

avec toute

l’assemblée ajouta:

“Et bien les enfants doués et surdoués .. ce n’est pas facile d’avoir du bon sens. Hum! Ce petit garçon au fond de la classe va redoubler. Il y a sans doute des raisons à cela, même si je le regrette du fond du cœur, or Luca a du bon sens car il vient de me donner la bonne formule“ puis elle se retourna vers monsieur Vago et ajouta “alors, ça vous en bouche un coin n’est­ce pas?” Les élèves applaudissaient, certains disaient même, que c'était injuste qu’il redoublait, d’autres allaient lui serrer la main.

“Bravo Luca, t’as gagné ce sac de bonbons!” s’exclama madame Ricci. Monsieur Vago demeura bouche bée stupide et sans parole, il regarda

Luca

et

ne

comprenait

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pas.

Luca

l’observa

avec


satisfaction, il venait de donner une leçon à son maître. Les élèves avaient déjà quitter l'établissement lorsque Luca se dirigeait tranquillement vers la sortie. Madame Ricci lui donna son sac de bonbons, il sourit, il était heureux comme s’il venait de gagner à la loterie. Monsieur Vago resta assis, tandis qu'elle se rapprocha:

“Monsieur Vago, vous avez très mal agi avec cet enfant, vous l’avez enfoncé jusqu’au plus profond de son être, vous avez touché son point faible et sans doute qu’il ne vous oubliera jamais.” “Madame Ricci! je ne vous permets pas de ..” répondit­il. “Taisez­vous! c'est honteux! un professeur de 30 ans d'expérience dans le primaire de manquer autant de pédagogie et de tolérance. Vous avez anéanti sa vie d'écolier, vous n’avez vu en lui que son défaut de langage qui a été pour vous un moyen de vous vider en vous moquant de son handicap. Vous n’avez pas su parler à son cœur afin de le mettre en confiance, cet enfant aurait pu être un de vos meilleurs élèves si vous lui avez tendu la main.” Monsieur Vago ne l’observait même pas. Cela énerva d’autant plus Madame Ricci.

“Je suis d’accord! chaque enfant est différent mais notre rôle d'enseignant est justement de trouver dans chaque élève ses points forts ou son point fort s’il en a qu’un. mais bon Dieu! sur son point fort afin de construire avec lui son identité, vous comprenez .. hum! pas sûr. Si l’élève est excellent en dessin et mauvais dans tout le reste, on va se servir de cette qualité pour développer

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l'écriture et les calculs sous forme graphique, afin de conserver un lien avec le dessin et ainsi l’encourager. Si votre élève n’aime pas lire, mais adore les mathématiques, faite lui lire les problèmes avant de les résoudre. C’est notre mission de motiver un élève, avec ce qu’il aime le plus. Et de se servir de ses atouts pour les adapter au mieux aux autres activités scolaires. On ne vous a pas appris ça monsieur Vago? on a peut être pas misé sur vos qualités si minimes soient­elles?” “Ça suffit! vous divaguez Madame Ricci, vous ..” “Vous me dégoûtez! j'espère qu’un jour, il puisse vous pardonner de votre impotence, votre narcissisme et votre médiocrité. Bonsoir.”

L’année suivante monsieur Vago n’avait plus Luca dans le collimateur, il eut des élèves bien plus pénibles qui lui donnaient du fil à retordre. Il se moqua moins souvent mais l’appela toujours «Boubou». Luca ne changea pas son attitude toutefois

passa

à la

classe

supérieure. Il ne

travailla

pas

mieux, mais le système académique en place ne permettait pas à un élève de redoubler deux fois la même classe. Luca espérait

avoir

madame

Ricci,

mais

celle-ci

avait

quitté

l'établissement et fut remplacée par monsieur Bernard. Le retard prit durant ces deux années avec monsieur Vago ne lui permit pas de suivre le programme de ce niveau et redoubla également.

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L'ADOLESCENCE «Ce que tu es est un cadeau de Dieu. Ce que tu deviens est ton cadeau à Dieu.» - Robert H. Schuller

À la maison Luca n’avait pas trop de contact avec son père. Il travaillait jusqu’à tard le soir, à cette époque c’était pas moins de dix heures par jour et seul le Dimanche était férié. Alors d’une manière protocolaire les familles catholiques se réunissaient le matin à l’église et au moment du déjeuner. Giuseppe, la messe ne l’inspirait pas, il disait que Dieu existait pour ceux qui y croyaient. Ben! il n’avait pas tout à fait tort. C’était un personnage plutôt coléreux qui en voulait au monde entier, sa misère lui collait à la peau et toute sa famille s’en imprégnait.

Ses

principales

discutions

tournaient

autour

de

toutes les choses qu’il ne possédait pas, et il les répétait en boucle. Il disait que le plaisir de la vie était réservé aux profiteurs et aux personnes aisées, de même que les belles autos, les vacances et les magasins de luxe ce n’était pas pour lui. Les sorties étaient rares. En période de fêtes, comme à Noël, Il disait qu’il n’y avait pas assez d’argent pour faire des cadeaux. Alors il ressortait sa phrase magique:

“Si je vous achète ça, qu'est­ce que ta mère va mettre à table pour manger? quand tu seras grand tu feras ce que tu voudras, mais ici c’est comme ça!”

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Un

jour,

par

le

biais

d’un

ami

de

travail

qui

connaissait

l’entraîneur d'un petit club de foot de banlieue, Giuseppe décida d'amener son fils à une session. Giuseppe pensa qu'il serait peut être plus doué au foot qu'à l’école. Mais Luca avait un autre petit problème que son père n’avait aucune espèce d’idée. Luca cacha cette déficience depuis l’âge de 4 ans car il ne souhaitait pas être dévalorisé plus de ce qu’il était déjà. Il aurait tant voulu avoir plus de valeur à ses yeux. Comme tout

enfant,

il

aimait

faire

plaisir

à ses

parents

et

être

félicité pour ses bonnes actions, si petites étaient-elles. En grandissant

Luca

pensait

que

les

enfants

ne

devaient

pas

subir les colères et les souffrances liées aux problèmes de ces derniers. Ils se libéraient ainsi d’un poids ou de leur propre échec en accusant même l’enfant d’exister. Quand il était en colère envers eux, il leur disait:

“Si j'avais su, je vous ai mit au monde et voilà comment vous me remerciez!” Giuseppe

et

Luca

s’approchèrent

de

l’entraîneur,

l'équipe

était déjà dans la phase d'échauffement. Ce dernier était au courant de sa venu.

“Hey bonjour, vous êtes Giuseppe n’est­ce pas?” disait l’entraîneur tout en s'avançant vers eux “et voici le futur champion je présume! quel est ton nom?” “Luca“ répondit Giuseppe. “Luca, joli prénom, moi je suis Eugène mais on m’appelle Gégé. Je suis l’entraîneur de cette équipe depuis 2 ans. Alors dis­moi, as­tu déjà joué au foot?”

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“Oui, bien sûr, il a joué avant centre” répondit Giuseppe. “Hum! je vois, je vois et dans quel club?” ajouta l’entraîneur. “Cavigal(*)” précisa t­il. Bien

entendu

tout

était

mensonge

et

à

chaque

mot

que

Giuseppe disait, Luca baissait un peu plus la tête, il avait honte de lui. L’entraîneur l’avait discerné.

“Hé! cet enfant n'a t­il dont pas de langue? c'est à lui que je pose la question.” “C’est qu'il est .. très timide et il a un problème de langage.” répliqua Giuseppe. “Hum! ok! Luca va rejoindre l'équipe et échauffe­toi. Hey! Sébastien!” criait l’entraîneur “montre à Luca quelques mouvements d’échauffement veux­tu?” “Bien monsieur Gégé” répondit Sébastien. “Bien! Giuseppe, nous allons voir ce qu’il sait faire, son problème de langage ne devrait pas trop l’handicaper sur le terrain.” reprit l’entraîneur. “Vient Luca” disait Sébastien “on a encore un grand tour de terrain à faire, puis on commencera la pratique, tu es nouveau dans le quartier?” ajouta t­il. “Oui” se contenta de répondre Luca. Et il se mit à courir avec le groupe.

“Allez les gars! dépêchez­vous, on va commencer la pratique.” Alors que le groupe passa devant les tribunes, Luca était à la traîne.

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“Hey! gamin! accéléré un peu la cadence, tu dois rester collé à l’équipe. Ouaou! ça fait combien de temps qu’il ne s'est pas entraîné?” “Ça fait .. deux à trois semaines.” “Hum! ok les gars! faites deux équipes. Sébastien prend Luca avec toi.” Sébastien mit Luca au milieu de terrain à côté de David et Alexandre

et

s’écoulèrent,

Gégé Luca

donna court

le

coup

d’envoi.

Cinq

minutes

dans

tous

les

mais

n’a

sens

pas

encore touché une balle.

“Luca!” s’écria l’entraîneur “tu dois courir plus vite sur l’adversaire, et ne pas lui laisser le temps de réfléchir comprends­tu?” Giuseppe constata qu’il disait vrai. Après dix minutes de jeu, graduellement écrevisse

et

Luca

ralentissait.

ratait

toutes

Il

était

les

rouge

passes.

comme

une

L’entraîneur

s’impatientait, Giuseppe décida d’intervenir.

“Luca!” cria son père “FONCE! je te dis de courir sur le ballon, tu m’entends!” Luca tenta de lui faire plaisir et accéléra la foulée.

“C’est mieux” lui signala Gégé enchanté. Alors

que

Giuseppe

semblait

satisfait

de

son

intervention,

Luca à bout de souffle, s’effondra et se laissa glisser comme une loque.

“Monsieur Gégé! venez vite!” cria David qui tenta de l’aider. L’entraîneur rejoignit Luca alors que Giuseppe se contenta de lever les yeux au ciel en signe de désolation:

“Qui c'est qui m’a donné un enfant pareil! quel misère! je peux rien en faire.”

23


“Et Giuseppe! s'il vous plaît” demanda l’entraîneur “votre enfant revient à lui, on dirait qu’il a .. qu'il a .. de l’asthme ou quelque chose qui lui ressemble. Vous .. vous auriez dû l’emmener à l’hôpital et non ici sur un stade, vous êtes inconscient ou quoi! cet enfant aurait pu y rester” et rajouta “je ne peux entraîner un gamin dans ces conditions il doit être soigné. Revenez me voir quand il ira mieux, vous comprenez monsieur, je suis désolé.” Il prit Luca part le bras et se dirigèrent vers la station de bus.

“Qu’est­ce que c'est ça! j’ai perdu la figure à cause de toi! hein!” Un petite tape derrière la tête afin de l’aider à parler.

“J’ai de l’asthme.” répondit Luca apeuré. “De l’asthme! c’est quoi ça encore? je ne sais pas qu’est­ce que je vais faire de toi. Tu es un âne à l’école et tu n’es pas bon au foot. AGRR! mais pourquoi je suis entré dans cette salle ce jour là?”

Quand il faisait allusion à partir de laquelle il eut sauvé son fils à sa naissance, Luca subitement culpabilisait d’exister. Puis il espérait capter l’attention de son père en boudant, afin qu’il ait pitié de lui. Il n’en était rien au contraire. Quand ils arrivèrent à la maison, Il termina la discussion en engueulant Filomena de son silence durant toutes ces années, ou tout était sa faute et à cause d’elle il avait perdu la face auprès de l’entraîneur.

24


Le sujet fut clos pour le reste de sa vie, Giuseppe n’avait pas le temps de s’occuper d’enfants souffrants de problèmes de santé.

Luca

était

asthmatique

depuis

l’age

de

4

ans.

Ses

crises démarraient dès que le soir arrivait et elles s’apaisaient au lever du jour, parfois en fin de matinée. Dans les années 70

il

n’y

temps

avait

et

la

pas

de

patience

corticoïde

étaient

comme

la

Ventoline.

incontournables

pour

venir

Le à

bout de cette gêne respiratoire laquelle le maintenait souvent dans des nuits blanches. L’ambiance

dans

cette

HLM(*)

était

des

plus

bruyantes

durant la journée, en effet en permanence il y avait des disputes

à

tous

les

étages,

des

moteurs

de

motos,

de

mobylettes et autres engins sonores. C’était la nuit que Luca alla chercher un peu de calme et d’air

frais

sur

la

terrasse

de

l'appartement.

Souvent

il

observait ses parents et sa sœur dormir à poing fermé, alors qu’une nouvelle lutte contre sa respiration l’attendait. Il

s’asseyait

sur

une

chaise

à

contempler

les

étoiles,

s’enveloppait dans une couverture et finissait sa nuit autant que

faire

se

pouvait.

Parfois

les

crises

étaient

tellement

coriaces qu’il devait attendre que la fatigue le rattrapait. C’était

au

petit

matin

qu’il

commençait

réellement

s’endormir, lorsque sa maman le réveilla pour l'école.

25

à


La nuit des Samedis Luca s’abstenait d’aller au dehors même

en

cas

de

crise.

Car

au

petit

matin,

Giuseppe

en

prenait possession. Il était temps d’avoir du plaisir, il ouvrait le journal sur la page du tiercé(*) accompagné de cigarettes et de cafés que Filomena lui préparait. Puis

il

voulait

la

paix.

Giuseppe

perdit

des

centaines

de

francs durant toute sa vie pensant qu’un jour cela ira mieux. Il y jouait chaque dimanche, il alla valider ses tickets au bistro de la cité, buvait un Pastis(*) ou deux, et après le déjeuner, il s’installait à la télé afin de voir la course en directe. Hélas, comme il perdait toujours, il devait passer l’après midi à analyser sa défaite en s’énervant contre le monde entier et les injustices.

“C’était de la triche” disait il “les jockeys sont dans le coup, mes chevaux ont ralenti à l’arrivée et les autres sont passés à la dernière seconde, Il m’en manquait qu’un pour gagner.” Finalement, il admettait parfois que le sort s'acharnait contre lui et ainsi il ne pourra jamais gagner, et si Filomena avait le malheur de rajouter:

“Et bien arrête­toi alors au lieu de t’entêter et perdre de l’argent.” Là, c’était le bouquet final, personne ne pouvait le contrôler. Il

était

très

vexé,

il

fallait

attendre

que

l’énergie

lui

manquait et le calme revint. Souvent il promettait de les emmener tous au bord de la mer. Mais cela n’arrivait jamais, son analyse sur sa défaite, ainsi que les résultats finaux et les gains, l'immobilisait le reste de la journée. Les enfants n’eurent que très peu de

26


souvenir

de

leur

père

et

c’était

mieux

ainsi

aimait

dire

Camilla, qui n’eut pas une meilleure attention de sa part.

Or avoir des amis de tous les jours dans cette HLM c'était pas de tout repos. Il y avait souvent des bagarres, des cris, des insultes, quelques coups de feu, qui figeaient Luca chez lui, la peur le saisissait et prenait le contrôle de son comportement et de ses émotions. Même

si

son

bégaiement

s’améliorait

année

après

année

la

timidité prenait le dessus sur les relations. Et par son manque d’activité

physique

à

ses

problèmes

de

santé,

peu

d'enfants le recherchaient. Il n’était pas très intrépide ou audacieux comme les autres, d'ailleurs il était toujours dans l’ombre

de

ses

amis.

Alors

parfois

Luca

aimait

bien

se

retrouver seul dans la nature, à la contempler ou parler avec elle,

il

avait

le

sentiment

de

la

comprendre

mieux

que

quiconque.

Hélas une dure épreuve allait survenir, au-delà des mots,

un

moment

irréversible

dans

le

chemin

de

Luca,

l’attendait. Filomena et Camilla étaient sorties faire quelques achats alimentaires avant que Giuseppe arrivait du travail, mais il y avait beaucoup de mouvements dans le quartier et pour cause, les policiers pourchassaient des voleurs de voitures.

27


Le ciel était bas et il pleuvait, Filomena et Camilla marchaient sur le trottoir pourtant, mais l'auto des jeunes voleurs allait trop vite et dans le virage le conducteur perdit le contrôle et finit sa course droit sur elles. Il happa Filomena de plein fouet qui n'eut pas le temps de le voir venir de l’arrière. Elles avaient pris l’habitude de ce bruit incessant et donc ne prêtaient plus attention. Le conducteur mourut sur le coup en traversant le parebrise,

le

passager

voulut

sortir

alors

que

l’auto

roulait

encore, eut son pied sectionné. Camilla fut transportée aux urgences et resta pas moins de 10 jours à cause du choc émotionnel et quelques égratignures. Filomena succomba de ses blessures.

Les

funérailles

passées,

Giuseppe,

seul

avec

ses

enfants, au milieu des pleurs et des reproches, avoua à Luca qu'il

n'avait

jamais

souhaité

avoir

d'enfants,

et

cette

nouvelle épreuve n’arrangeait pas la situation. Les factures, le loyer, le travail et les enfants étaient trop pour lui. Son Frère, l'oncle Alonso, veuf également d’un mariage avec une

métis

Canadienne,

bénéficiait

d'un

revenu

financier

beaucoup plus élevé que lui. En son temps, il acheta une maison

dans

le

nord

du

Québec.

Et

c'était

là-bas

que

Giuseppe décida d'envoyer Luca. Camilla fut placée chez sa grand-mère paternelle Rosaria dans le sud de l’Italie. La déchirure était totale, Luca aimait son père malgré tout et ne supportait pas de le quitter, aussi ne plus voir sa sœur, sa seule complice, elle qui savait tout sur lui.

28


Les enfants tentèrent à plusieurs reprises de résonner leur père, Luca lui proposa même de travailler après l’école afin de participer au budget de la maison, mais Giuseppe ne céda pas.

29


LA FUITE «Il est des moments ou les rêves les plus fous semblent réalisables à condition d’oser les tenter» - Bernard Werber

Impuissant face à la décision de son père, Luca se réveilla au milieu de la nuit, à la veille du départ pour le Canada. Il prit les affaires que Giuseppe avait préparées pour lui.

Il

observa

les

coins

et

recoins

de

l’appartement.

Il

tenta de photographier dans sa mémoire des souvenirs, des moments passés avec sa mère et sa sœur qu’il l'embrassa tendrement. Luca lui proposa de s’enfuir, mais elle refusa, l’inconnu

lui

faisait

peur.

Il

scrutait

son

père

et

avec

beaucoup de calme prit sur la commode un billet de vingt francs. Il eut une sueur froide quand son père se tourna vers lui, mais il n'ouvrit pas les yeux. Luca le regarda une dernière fois et partit, il avait 16 ans.

Son père appela Luca afin qu’il se prépare pour le départ. Sa surprise fut de taille quand il sut par Camilla qu’il s’était enfui durant la nuit. Giuseppe s’apprêtait à corriger Camilla pour son silence, leva sa main pour la gifler mais s’arrêta et hurla son nom. Furieux il sortit et demanda à tous les passants s'ils avaient aperçu un petit garçon seul. Personne ne prêtait attention à ce qu'il

30


disait

sauf,

une

vieille

bohémienne

typée,

qui

interpella

Giuseppe.

“J'ai vu ton fils passer par là, cette nuit et je sais où il allait.” “Où? par où est­il allé? parle dont vieille dame!” demanda empressement Giuseppe. Celle-ci

tendit

la

main,

elle

attendait

quelque

chose

en

échange. Giuseppe haussa les épaules et s’apprêtait à partir quand elle rajouta:

“Il est brun, cheveux courts, pas très grand ni trop gros et il était vêtu d'un pantalon beige à rayure, avec un blouson en jean.” “Ok! ok! .. il y a beaucoup de jeunes qui s’habillent comme ça .. et ..” La veille dame ne le laissa pas terminer.

“Et il bégaie fortement.” Giuseppe s'arrêta net et répondit:

“Ok, c'est lui .. combien veux­tu vieille dame, ne me plume pas je ne suis pas riche, nous devons nous aider .. nous les pauvres gens.. n'est­ce pas?” “Cinquante francs” annonça t­elle. “Quoi! où je vais trouver cette somme? c'est bien trop cher!” répondit­il avec fermeté. “Veux­tu dire que cet enfant ne les vaut pas?”

31


“Ouais! tu sais quoi! cet imbécile m'a volé vingt francs et je n'ai plus grand chose à te donner, sois généreuse vieille dame, aide­moi au lieu de me condamner.” “Pourquoi c'est­il enfui?” demanda t­elle par curiosité. “Ce n’est pas tes affaires grand­mère” lui signala t­il. “Alors donne­moi cinquante francs et je ne te poserai plus de questions” rétorqua la vieille dame. Giuseppe voyait bien qu’il devait en dire plus.

“C'est un vaut rien, un incapable, moi je n'ai pas le temps et la patience de m'en occuper .. je dois travailler et payer mes factures, tu comprends?” “Veux­tu dire que tu es sur le point de te débarrasser de ton propre fils?” Giuseppe ne voulut pas répondre et détourna le sujet.

“Suffit les paroles grand­mère, j’ai répondu à ta question, sois gentille je te donne 15 francs et c'est tout ce que je peux faire, d’accord?” La vieille dame le regarda fixement, Giuseppe baissa les yeux mais aussitôt se ressaisit.

“Ne me regarde pas comme ça grand­mère, tu sais .. ce n'est pas ma faute. Sa mère s'est faite écraser par une voiture, je .. je lui avais dit plusieurs fois de ne pas aller sur ce trottoir, il y a toujours des fous qui passent par là, et voilà cela n'a pas raté.” “Peut­être que c'est à force de le lui dire que tu as déclenché ce malheur.”

32


“Qu'est­ce que tu veux dire?” “La pensée est quelque chose de très puissante, elle est créatrice pour le meilleur comme pour le pire.” “Tu divagues vieille dame, si c’était vrai, tu ne serais pas entrain de mendier.” La vieille dame ne le lâcha pas du regard et lui répondit avec calme.

“Est­ce que j'ai l'air tourmenté comme tu peux l’être à présent? dors­tu la nuit à poings fermés? tu ne peux, car tu as tes factures à payer c’est la raison pour laquelle tu travailles n’est­ce pas? pourquoi suis­tu le troupeau comme le fait un mouton? j'ai choisi cette vie, as­tu choisi la tienne? toi, tu donnes de la valeur aux autres en regardant leur portefeuille, moi c'est en écoutant leur cœur et dans le tien je n'entends rien.” “Ce n'est pas ceux qui ont du cœur qui me donnent du travail, on se comprend?” “Ce n'est pas ceux qui te donnent du travail aujourd'hui qui vont se soucier de toi demain. Celui qui a du cœur ne te laissera jamais tomber, même s'il n'a pas d'argent il trouvera une solution pour toi.” “Mon Boss a besoin de moi, alors tout va bien.” “A quel prix? as­tu choisi de passer deux heures dans les bouchons pour te rendre au travail. Avec l'angoisse de raser les murs du bureau si tu as le malheur d'arriver cinq minutes en retard? as­tu choisi de parler avec tes potes même si tu ne les aimes pas? as­tu choisi de rester plus tard le soir quand ton

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boss te le demande .. en te disant que si tu lui fais plaisir .. et bien! peut être que tu auras une augmentation .. de quelques sous .. car lui il connaît ton jeu.” “Il n'est pas comme ça.” “Alors pourquoi n'as­tu pas assez d'argent pour payer ton loyer et nourrir la petite famille qui te reste! vois­tu! tu es obligé de t'en séparer. Et peut être qu'un jour il te le dira aussi, alors que tu auras investi toute ta vie avec lui, plutôt qu'avec les tiens, que feras­tu? vas­tu lui demander d'avoir du cœur? peut­être que là tu comprendras. Rappelle­toi jeune homme, quand l'Ange de la mort viendra te chercher, tu n’emmèneras rien avec toi, seul ton âme si tu ne l'as pas vendue au diable d'ici là, car tout le reste ne t’appartient pas.” “Ok vieille dame.“ interrompit Giuseppe “tu as gagné, je t’ai écouté, maintenant prend mes 15 francs et donne­moi l'information, dépêche­toi j'ai du travail qui m'attend, moi le mouton!” “Garde ton argent esclave .. tu en auras plus besoin que moi, et je vais te dire ce que tu attends. J'ai la ferme conviction que ton fils n'a plus rien à faire ici avec toi, mais qu'il trouvera le bonheur ailleurs.” “C’est ça, et maintenant où est­il?” “Ton fils s'est rendu à la gare, c'est là que tu le trouveras .. peut être.” Giuseppe remercia la vieille dame et partit en courant. elle le regarda jusqu’au plus loin.

34


Luca fut réveillé par les camions poubelles, il avait dormi proche de la gare, enveloppé dans un gros carton de déménagement. Moitié courbaturé il massa son ventre il criait famine(*). Il vit une boulangerie ouverte en contre bas de la rue et, sourire aux lèvres, y entra.

“Trois croissants et une baguette de pain, s’il vous plaît” demanda t­il tout content. Il sortit de sa poche le billet de vingt francs qu’il déposa. Puis

il

reprit

sa

monnaie

tout

en

mangeant

un

délicieux

croissant bien chaud. Et en allant vers la porte, son père l’attendait

devant

l’entrée.

C'était

un

choc,

une

défaite.

Luca ne put se retenir, il sanglota.

“Alors vaut rien, tu voulais t'enfuir avec mon argent, tu vas me les rendre tout de suite avant que je te flanque une raclée que tu vas t’en souvenir toute ta vie.” “je ne peux pas Papa .. je viens d'acheter des croissants et du pain et ..” “Quoi! tu as utilisé mon argent pour te goinfrer? attend un peu qu'on arrive à la maison, tu vas voir.” dit­il en changeant de tonalité. La boulangère écouta la conversation et afin de calmer la situation, reprit les croissants restants et le pain en échange de ses vingts francs. Giuseppe accepta et sortit en tenant

35


Luca par le col comme un criminel. Inconsolable Luca pleurait à

chaudes

Giuseppe

larmes réalisa

mais qu'il

ne

disait

n'avait

pas

rien.

Arrivé

tellement

à le

la

maison

temps

de

passer un savon à son fils. L'heure du départ approchait, ils devaient s'y rendre au plus tôt.

Ils couraient vite au guichet, Luca traîna un peu la patte(*),

mais

Giuseppe

veilla

au

grain(*).

Le

contrôleur

prit le billet de Luca afin de le valider et lui demanda de passer de l'autre côté. Mais celui-ci ne put, cette séparation fut beaucoup trop intense. Il supplia son père de revoir sa décision, il sanglotait, mais son père n’eut aucune réaction. Il supplia, supplia. Le contrôleur voyant cela souriait et disait.

“Et bien, on ne peut pas dire que votre fils ne vous aime pas Monsieur.” Luca regarda la tête levée son père dans les yeux. Mais rien n'en sortait.

“Mon petit je suis obligé de te demander de passer la barrière car l'avion n'attend pas.” alerta le contrôleur. “Je ne veux pas y aller Papa, je veux rester avec toi. Je t'aime, je t'aime.” Son Père resta dubitatif puis répondit dans l'oreille de Luca.

“Et bien moi .. je ne t'aime pas alors, va! maintenant.”

36


Luca baissa la tête, il avait un très gros chagrin et ce rejet lui fit réaliser qu'il était et sera toujours un mal aimé, vis à vis de son père, un bon à rien comme il disait. Puis la tête basse, passa la barrière. Le contrôleur sourit à Giuseppe en pensant qu'il avait réussi à lui dire un petit mot d'amour et de réconfort, d’où la raison de son abdication. De l’autre

coté, tout

de suite

Luca se

retourna afin de

saluer son Papa une dernière fois. Mais ce dernier était déjà parti. Alors il courut, courut afin d’évacuer sa colère d'une manière ou d'une autre et arriva tout droit dans les bras de l’hôtesse qui le réceptionna.

“Alors mon garçon que se passe t­il? tu es tout triste d'avoir quitté ta famille, n'est­ce pas?” Luca ne répondit pas.

“As­tu déjà pris l'avion?” rajouta l’hôtesse. “Non Madame.” dit­il en s’essuyant les larmes. “Non? écoutez ça les filles” disait­elle à ses collègues “ce charmant jeune homme s'appelle Luca et c’est son baptême de l’air! Allons voir où est ton siège. Hum! 59 voilà! c'est ici! tu es chanceux tu es du côté de la fenêtre. Assis­toi, met la ceinture et reste calme, tu vas voir cela va te plaire. je repasserai te voir un peu plus tard. Bonne voyage mon petit Luca.”

37


Cette hôtesse était vraiment très gentille, elle n’était pas très jeune et d'une certaine manière, lui rappela un peu sa Maman. Et un rien suffisait pour le faire pleurer. Le passager à côté de lui le voyant ainsi lui disait.

“Hé! Mon garçon ne pleure dont pas, tu vas voir cela va bien se passer. Moi c'est mon 67ème vol et tu vois j’adore l’avion. Alors ne t’en fait pas! le pilote sait ce qu'il fait .. je le connais bien.” Luca ne répondit pas, la peur de l'avion, il n'y avait même pas pensé. Les images défilaient à toute vitesse dans sa tête, sa Maman, Camilla, il les voyait sourire, l’école, les amis puis son père et son dernier aveu qui résonnait encore dans son l'oreille.

Il

ferma

les

yeux

afin

d’oublier,

mais

rien

n'y

faisait. Finalement l'avion décolla et le voilà tout impressionné par la puissance

de

cette

machine

en

métal,

comment

pouvait-il

tenir dans les airs se demanda t-il. La vue était magnifique, l'avion faisait un demi-cercle et survolait la ville, il l'observa en espérant voir le bus. Il ne put, les larmes coulèrent à nouveau sur ses petites joues d'ado. Après quelques heures de vol, Luca épuisé, s’endormit.

“Luca mon petit, c'est l'heure du dîner, que veux­tu manger?” disait l’hôtesse en lui présentant différents mets. “Je n'ai pas faim Madame.”

38


“Comment ça! on mange très bien dans les avions. n'est­ce pas monsieur?” demanda t­elle à son voisin de voyage. “C'est ben vrai mon garçon, les repas sont délicieux, oublie un moment tes soucis .. tu ne pourras rien n’y changer. Le meilleur moyen d'y faire face, c'est de laisser passer, accepte cette situation et .. dis­toi que si tu es ici dans cet avion c’est qu’il y a une raison .. que tu découvriras un jour .. mais pour le moment oublie ça et dans quinze minutes tu iras beaucoup mieux. Veux­tu faire un pari?” Le vieil homme, un peu bedonnant, lui tendit la main en guise de pari. Luca accepta.

“Ok si dans quinze minutes tu refuses de manger alors j'aurai perdu et en gage je te donnerai mon dessert, un super gâteau en chocolat que tu pourras manger quand la faim te reviendra. Mais si tu manges parce que tu vas beaucoup mieux alors c'est moi qui mangerai ton gâteau. d’accord?” Cela fit sourire Luca et l'angoisse retomba. Après presque quinze minutes Luca avait faim, une grosse faim même. Il observa son voisin s’assoupir, et ne pouvant plus résister, il mangea son plat de spaghettis, suivit d'hors-d’œuvre, d’une pomme et des biscuits. Il ne resta plus que le gâteau en chocolat. Il le prit dans ses mains, ouvrit la bouche puis, en regardant son voisin dormir le déposa sur la petite table de celui-ci.

“Vas­y petit, tu peux le manger.” dit le vieil homme tout en gardant ses yeux fermés.

39


Luca fut surprit et ne sut que dire.

“Ce pari était juste un moyen de provoquer ton âme et je peux constater que tu as toujours une flamme intérieure, alors, ne permet jamais, Ô jamais à quelqu’un de l’éteindre .. c’est promis?” Luca ne comprenait pas vraiment de quoi il s’agissait mais adhéra.

“Mange! petit mange! moi j’adore les gâteaux, ceci dit ce n’est pas recommandé pour ma santé, d'ailleurs tu peux constater que je n'ai pas mangé le mien! alors fais­moi plaisir mon garçon, mange les deux, tu me rendras service“ Luca hésita “vas­y! vas­y! mange­les.” Luca les dévora et soudain se rappela quand sa Maman les faisait autrefois. Son père en mangeait trop et grossissait, alors il ordonna à Filomena d’arrêter et plus personne n’en mangea. Quand au vieux monsieur, il s’endormit pour de vrai.

40


LE CANADA «C’est dans la nuit la plus noire que l’on voit les plus belles étoiles» - proverbe Indien

L'avion atterrit à l'Aéroport de Montréal, son voisin le salua:

“J'ai eu plaisir à voyager avec toi mon petit. Tu n'es pas très bavard mais tu es un garçon bien élevé .. je te souhaite tout le bonheur possible. Aussi souviens­ toi, seule ton âme connaît le chemin de ta destinée, alors écoute tes intuitions, tes émotions, elles te mèneront toujours dans la bonne direction .. même si parfois .. la route est parsemée d’embûches, tu devras les surpasser .” Luca enregistra et avec un large sourit enlaça le vieil homme comme si c’était son père. Celui-ci vu la souffrance dans ses yeux et devina tout l’amour enfermé dans son cœur qu’il ne pouvait délivrer. Puis il chercha son oncle dans la foule, lequel était supposé tenir une bannière à son nom. Il le perçut et y alla.

“Luca?” demanda t­il. Celui-ci acquiesça d'un signe de la tête.

“Suis­moi.” Son oncle fut bref, il marchait devant, Luca suivait avec son

41


bagage. Arrivé à l'auto.

“Monte” Luca ouvrit la porte du côté passager “non! à l’arrière” Luca hésita un moment puis acquiesça. L'ambiance

n'était

pas

des

plus

familières,

ils

roulèrent

presque une journée vers le nord du Québec sans échanger un seul mot, juste pour lui dire d'aller aux toilettes quand il s'arrêtait à une station pour remplir le réservoir d'essence. Giuseppe avait mis en garde son frère en ce qui concernait l'argent avec lequel Luca essaya de s’enfuir. Ils

arrivèrent

la

nuit

tombante

à

Saint-Félicien

dans

le

Saguenay. Son oncle présenta rapidement Luca à ses deux fils. Jean (le méchant) 18 ans et Paul (le mesquin) 20 ans.

Luca constata assez rapidement du manque de respect de

ses

cousins.

il

ne

s'entendait

pas

du

tout

avec

eux,

lesquels le traitaient de la même manière que leur père. Son intégration fut perturbée. À

la

maison

ils

lui

trouvaient

toutes

sortes

de

tâches

compliquées à faire, et s’il échouait son oncle le grondait, ça les

excitaient.

Luca

bégayait

énormément

durant

période. Un jour Paul lui dit en tapant sur son épaule:

42

cette


“Ben.ben.ben.ben.ben. Vo.vo.voi.voi.là! euh! co.com.comm.ent. dir.dir.dirais­ je.” Et tous riaient aux éclats, même l’oncle qui trouva cela plutôt amusant, pas Luca et il cria:

“Non! stop!” Paul rétorqua:

“Oui! oui!..tu.tu.tu. .. as.as.as. rai.rai.rai.son mais je.je.ne.peux.ne.peux. m’arr .. m’arr.” Et tous s’éclataient de rire. Énervé, Luca se leva et poussa Paul avec force lequel chuta. L’oncle vit rouge, prit Luca par le col et l’envoya en bas des escaliers, juste devant la porte de la cave laquelle avait été aménagée pour lui.

“C’est comme ça que tu nous remercies crisse! va dans ta chambre! et t.t.tu en sortiras qu.quand j.t. je te le dirais tabarnak!“ hurla Alonso et ajouta “à l’écouter il me fait bég.bégayer moi aussi astie! c’est contagieux c’te chose!“ Il n’en fallait pas plus pour faire rire ses cousins. Luca alla dans sa chambre en sanglotant, ne sachant que faire. Il se remémorait les moments quand il était avec sa maman, certes ce n'était pas formidable mais ici c'était bien pire.

Luca avait été inscrit à l'école mais il n'y alla jamais.

43


Lors des dîners il arrivait souvent que Luca n’avait rien dans l’assiette, car avant de se mettre à table, il devait faire ses corvées qui n’en finissaient plus, et quand il eut fini, ses cousins avaient tout mangé ou presque. L’oncle faisait mine de ne rien voir. Alors c’était durant la journée qu’il alla chercher un peu de nourriture. Quelques fruits par-ci quelques légumes par-là sur les étalages du marché. Il devint rapidement un voleur récidiviste,

mais un

jour les commerçants lui tendirent

un

piège et il se fit prendre. Étant mineur il fut reconduit chez son Oncle qui paya les dommages réclamés par les concernés. Cette soirée fut terrible. Prit de colère, son Oncle lui avoua qu'il

n'avait

pas

eu

le

choix

de

le

prendre.

Son

frère

Giuseppe lui avait rendu un service, des années plus tôt. Alonso l’accepta malgré lui, sachant qu’il était un voleur et d’ailleurs, il lui donna l’occasion de le prouver. Cette révélation abattit Luca d’autant plus qu’il fut puni pour son attitude déplorable et devait payer de sa personne. Les tâches journalières augmentèrent et pendant une semaine il ne devait pas sortir de la cave. La nuit porta conseil, et il s'enfuit à nouveau. Il avait 17 ans.

44


Au petit matin son Oncle alerta la police laquelle passa enquêter.

“Comment expliquez­vous le départ de votre neveu monsieur Spina?” demanda l’agent Dujardin. “Je ne comprends pas Monsieur l’Agent, je le traitais comme mon fils” tout en se retournant vers Jean afin d’avoir une approbation. “pas vrai Jean?” “Oh! oui père” répondit­il avec ironie. L’agent

Dujardin

se

contentait

d'écouter

et

d'écrire

la

déposition.

“J'vous l’dis pour vrai là, il ne manquait de rien” rajouta l’oncle “qu’est­ce je vais pouvoir dire à son père, tabarnak?” “Monsieur Spina, attendez un peu avant de l’alerter, il n’a pas pu aller bien loin, sans argent, hein! il va revenir très vite l’hiver arrive et dehors il fait froid. Lui avez­vous donné de l’argent?” “Ben là! crisse non!” L’oncle

était

avare

et

refusait

même

d’en

donner

à

ses

enfants, Ils avaient ce qu’ils voulaient, des vêtements, de la nourriture, des jeux mais pas d’argent. Alors de temps en temps, Paul volait dans son porte-monnaie quelques sous et

45


attendait plusieurs semaines avant d’en regrouper assez pour se

procurer

de

l’alcool

et

des

cigarettes.

Mais

un

fait

inattendu allait surgir.

“Père” disait Paul en haut de l’escalier d’un air très triste. “Oui Paul?” “Sais­tu quelque chose?” demanda l’agent. “Père .. les bijoux, pis la montre de grand père ont disparu.” “Quo' cé?” s’exclama Alonso en se relevant “tu jokes­tu là?” “Non père.” “Ha!” rétorqua l'agent “alors s’il a volé, il peut les échanger contre de l’argent .. là ça change tout.” “Père c’est pas tout” continua t­il en baissant la tête. “Tabarnak quoi encore?” bougonna Alonso. “Quoi dont?” disait l’Agent. “Il .. il est armé.” “Tu veux­tu dire qu’il a pris mon fusil, ce p’tit crisse de trou d’cul?” s’inquiéta Alonso. “Non père, ton pistolet 44 Magnum.”

46


Alonso

monta

aussitôt

dans

sa

chambre

puis

désespéré

il

ajouta.

“Crisse de tabarnak, son père m’avait prévenu qu’il était dangereux, je ne l’avais pas cru, mais c’est moins drôle en osti ça”. “Là monsieur Spina, ça change tout, il doit être arrêté au plus tôt, je dois en informer les autorités et les médias.” L’agent se dirigea vers la porte.

“Je suis désolé Monsieur Spina mais nous devons agir au plus vite.” “Sacrement! moi j’suis tanné osti! anyway, j'père que c’t’ trou d’cul sera repris” protesta Alonso. “Oui, bien sûr nous le souhaitons tous, je vous tiens au courant Monsieur Spina ne vous inquiétez pas. Et merci pour la photo?” “Bienvenu”répondit Alonso.

Luca

était

sur

l’autoroute

et

faisait

du

stop,

un

camionneur se ferma.

“Ou vas­tu petit?” demanda t­il. “Vers les collines” répondit­il sans précisions. Le camionneur ne posa pas de questions et laissa Luca là ou il le souhaitait. Celui-ci n'était jamais sorti de la ville, et sa

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première expérience avec la nature allait être suicidaire. L’automne était parfois changeant surtout dans ces régions. Sa première nuit aux étoiles, avec une simple veste sur le dos, fut correcte. Il se sentait enfin libre, plus de corvées, plus d’ordres, plus de méchants cousins, il respirait à plein poumon en observant les pics des montagnes au loin déjà enneigés et les champs d’érables aux feuilles rouges. Il guettait un vol d’aigle, c'était magique, quelle beauté, «les gens de la ville ne se rendaient pas compte de cela» pensa t-il. «Ils travaillaient jour après jour et allaient dans les magasins ou dans les parcs chercher un peu de joie, mais en réalité le bonheur est ici, dans le pré». Luca n'avait rien mangé. Au bord de la rivière il entrevit un hameçon dans la terre mi-enfoui, il fabriqua une canne à pêche avec un bâton de fortune, il trouva même du fil de nylon qu’il fixa sur sa canne. Et un ver de terre à ses pieds qu’il enfila. «Décidément la nature me veut du bien» pensa til. Deux heures passèrent et dépourvu de succès il remontait le cours d’eau. Sans y prêter attention le temps changeait, une neige automnale le surprit, Luca n'y était pas préparé. Il jeta sa canne à pêche et alla s'abriter dans la forêt sous un sapin baumier. Le froid le saisissait, Luca voyant qu’il n'était pas plus à l'abri, retourna vers la rivière, mais il ne retrouva

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pas son chemin. Alors il marcha, marcha dans le bois, quand soudain, il entendit des craquètements dans les broussailles et des frémissements de feuilles au loin. Par curiosité il se dirigea vers cet écho qui le ramena à nouveau coté

vers

de

la

un rive

courant les

d’eau

branches

plus

vigoureux.

d’une

Épinette

De

l’autre

blanche

était

bousculées. Luca pensa que cela pouvait être un chevreuil ou une biche, alors il eut une idée. Il trouva une grosse pierre angulaire et traversa la rivière par l’entremise d’un tronc abattu. Les westerns qu’il vit dans le passé à la télé, l'inspira. Il pensa alors blesser l’animal avec cette pierre et, peut-être pouvoir la manger. Alors

qu’il

se

situait

à

mi-chemin

sur

le

tronc,

l’animal

grognait fortement maintenant, lequel sortit du broussaille et c’était avec les bras brandis en l’air qu’il perçut la bête. L’imposant ours noir le repéra et s’avança vers le tronc tout en grognant. Effrayé Luca jeta la pierre et s'enfuit à toutes jambes, mais le prédateur le poursuivit. La neige tombait en abondance maintenant et il n'était ni vêtu pour affronter le froid ni armé pour se défendre. Le grognement de l’animal s’approchait, Luca s’imaginait dans sa gueule. Il pensa à sa mère, à Camilla, il voyait défiler sa courte

vie

en

un

instant.

Luca

ne

put

courir

plus

vite,

l'asthme régulait sa vitesse. Comme un dernier vœux, il leva

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les yeux au ciel avant de fléchir en cédant le pas, dos à la bête. «Mourir en ayant donner le meilleur de moi même, il n’y aucune honte, aucun reproche à me faire» se disait-il. Impuissant face à la nature qu’il croyait son ami, il allait subir le sort de son inconscience. Certes, personne ne l’avait prévenu, ni le camionneur, ni le vieil homme, comment auraitil

pu

savoir?

s'écroula

sur

Exténué des

dans

un

branches

recouverts de neige.

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et

corps des

devenu

gelé,

feuillages

à

Luca peine


LES AMÉRINDIENS «L’homme qui regarde l’horizon ne voit pas la prairie devant lui» - proverbe Amérindien

Il se réveilla doucement, réalisa qu'il était toujours en vie puis sursauta dans le hamac, il se trouvait sous un tipi. Une belle jeune fille aux yeux vert en amande était là, à l'observer.

Elle

avait

de

très

long

cheveux

tressés

noir

brillant, un collier de perles blanches, elle avait une parure bleue ciel avec des losanges dorées parsemés sur le pourtour de la robe. Des franges jusqu’au pied laissant entrevoir ses jambes fines et élancées. Elle était chaussée de mocassin à frange et d’un joli petit collier bleu contournant l’ouverture du

pied.

immobile

Elle

ne

pendant

bougea

pas

quelques

à

instants

son à

réveil.

ils

s'observer,

restèrent puis

elle

sortit.

Elle

revint

accompagnée

d'un

homme

âgé,

il

était

coiffé d’une couronne de plumes d’aigle, paré de bijoux et de colliers, des anneaux de coquillage et des bracelets en métal. Il avait une dent d'ours accrochée autour de son cou et un collier de Wampum. Plutôt grand avec de large épaules saillantes, un visage carré dominait un large cou. Sa démarche noble

et

conquérante

faisant

ressortir

une

prestance

évidente. C'était le chef de la tribu. Ils parlèrent entre

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eux, mais Luca ne comprenait rien, ni de la situation dans laquelle

il

se

trouvait,

ni

le

langage

avec

lequel

ils

s’exprimaient. Le chef s'adressa à lui:

“Moi je m'appelle Wakiza qui veut dire guerrier déterminé dans notre langue Mohawk et elle, c’est ma fille, Aiyanna qui veut dire fleur éternelle. Et toi, quel est ton nom mon petit? “Luca, monsieur.” “Monsieur!“ dit­il en souriant “non! Wakiza, monsieur c’est bon pour les blancs.” “D’accord” répondit­il. Wakiza l’analysa pendant quelques secondes puis rajouta:

“Et bien sache Luca qu'on a tué l'animal qui te pourchassait. C'était lui .. ou toi.” “Oh non! je ne voulais pas ça, je suis désolé.” “Ne le sois pas, on avait pas le choix mon petit, quel âge as­tu?” “17 ans monsieur.” “Hum!” “Euh! pardon, 17 ans.” “Le même âge qu’Aiyanna.” Ils se regardèrent un instant, mais Aiyanna baissa les yeux.

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Wakiza observa, et ajouta.

“Tu as eu beaucoup de chance que l'on chassait dans le bois, Aiyanna t'a aperçu et a tiré sur l'ours à quelques mètres de toi.” Luca remercia Aiyanna avec un petit sourit.

“Mais tu n'avais rien entendu” continua le chef “tu étais en hypothermie dû au froid et pourtant ton système cardiaque était très emballé. as­tu un problème pulmonaire?” puis il reprit “oh! tu dois avoir très faim mon garçon. Qu’on lui apporte de la nourriture.” La nourriture fut amenée il dévora tout ce qui se présentait, et, tout en mangeant Luca répondit:

“Oui .. oui je suis asthmatique” Luca bégaya moins fur à mesure qu'il s’apaisait “et .. et je ne respire pas bien quand je panique.” “Hum! que pouvais­tu bien faire dans ces collines sans rien à manger ni boire ni vêtement étais­tu .. conscient du danger?” “Je ne savais pas que c'était dangereux. Dans mon pays les montagnes sont sûres.” “D'où viens tu?” demanda Aiyanna avec une voix douce et féerique. Luca

fascinait

par

sa

tonalité

resta

bouche

bée

pendant

quelques secondes, se ressaisit et répondit sans détour:

“Je viens de France, mais je vivais chez mon oncle à Saint­Félicien depuis un an et demi.”

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“T’es­tu enfui petit?” Luca hésita à répondre.

“T’es­tu enfui petit?” répéta Wakiza avec plus d’insistance. “je dois savoir quoi faire avec toi.” “Oui, mon oncle ne m’aime pas vraiment.” répondit­il après avoir pris une grande respiration. “Ok, ton oncle a sans doute donné ton nom à la police car tu es mineur et tu étais sous sa responsabilité. Hum!“ Wakiza réfléchissait puis “la police te recherche à présent, nous .. nous devons te ramener chez lui.” “Oh! .. oh! non monsieur euh! non s’il vous plaît je ..“ Luca bégaya beaucoup plus fur et à mesure que l’angoisse revenait ”je ne veux pas retourner chez mon oncle. Je préfère ..“ “Ok, ok calme toi petit.” interrompit Wakiza. ”je n’ai pas le choix je ne veux pas avoir de problèmes avec la police comprends­tu .. tu dois ..” (Raké:ni (papa).” l’interrompit Aiyanna et poursuivit en Mohawk ”donne lui une chance). (Nous l’avons déjà fait par le passé, avec Eduardo as­tu oublié? ) lui rappela Wakiza. (Je n’ai pas oublié Raké:ni). (Qu’est­que cela m’a apporté .. que des problèmes avec l’administration, ce garçon, je l’ai élevé comme mon fils pendant 6 ans, puis à 18 ans qu’est­ce

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qu’il a fait! Il a disparu avec ta demi­sœur Awan (fumée qui s'élève sur l'eau). La Police avait même cru que nous l’avions tué et enterré te souviens­tu maintenant?) Wakiza semblait s’énerver fur à mesure que les souvenirs lui revenaient.

(Je sais Raké:ni .. mais celui­ci .. est différent). (Différent .. différent en quoi? c’est un enfant en détresse, laisse lui prendre ses repères et tu verras). (Non Raké:ni, celui­ci ..) elle tourna son visage vers Luca et poursuivit (celui­ ci à le cœur pur comme le soleil et l’âme vibrante comme notre Terre­Mère .. seule sa conscience est endormie). (Ce n’est pas possible Aiyanna, il n’est pas des nôtres) certifia Wakiza. (C’est pourtant vrai Raké:ni. Nous devons l’aider à éveiller sa conscience) ajouta t­elle en regardant son père avec les yeux qui brillaient. Wakiza resta immobile quelques secondes. Luca l’observa. Celui-ci

fit

un

balancement

de

la

tête

comme

s’il

était

embarrassé, leva les yeux au ciel, puis s’exclama (puf!) et quitta le tipi sans rien ajouter. Luca ne comprenait rien de ce qui venait de se passer, il regarda Aiyanna avec inquiétude mais avec des yeux attentifs. Aiyanna comprit son désarroi et ajouta.

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“T’inquiète pas Luca, mon père n’a rien contre toi en particulier, mais il a été comme .. échaudé autrefois par un .. garçon de race blanche qu’il avait élevé comme son fils et .. un jour il disparut sans rien dire sans adresse .. sans message .. il .. s’enfuit avec .. ma demi­sœur Awan. Voilà 10 ans maintenant. Père a été très atteint moralement et il s'était juré de ne jamais recommencer à s’occuper d’un blanc.” “Je comprends il doit regretter que tu m’aies sauvé la vie.” “Non pourquoi dis­tu cela?” répondit Aiyanna “non .. non .. le problème n’est pas là.“ “Ha!” répondit Luca d’une manière étonnée. “Oui, Il y a quelque chose en toi .. qui est .. étrange.” “Étrange?” même expression sur son visage. “Oui .. différent, je ne sais pas .. quoi, je ne pourrai l’expliquer, mais étrange.” “Mais comment ça étrange?” “Je ne sais pas .. mais ton .. âme a une haute fréquence.” Luca fronça les sourcils, il ne comprenait pas très bien ce que l'âme venait faire dans son propos.

“Mon âme!” “Hum!“ en hochant la tête ”ok, je peux .. je peux ressentir la fréquence .. la vibration qu’émet une âme cela .. me permet de communiquer avec elle.”

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“Communiquer! vraiment!” répondit­il d'un air perplexe. “Oui .. mais pas avec tous les êtres .. je peux .. d’une certaine manière, communiquer avec .. tous les animaux. Par l’oscillation des vibrations je peux comprendre leur message, tu sais .. c’est un réel langage.” Les yeux de Luca se froncèrent à nouveau, il n’avait jamais entendu cela auparavant.

“Mais c’est fabuleux, comment tu fais ça?” “Ben, je pourrai t’expliquer cela une autre fois. Ceci dit, avec les humains c’est différent .. je ne peux que ressentir leur fréquence.” “Ha! et?“ “La fréquence qu'émet ton âme est .. très élevée, je n’avais jamais ressenti cela avant, excepté, celle de mon père .. je .. je ne pensais pas cela possible .. mais ton âme m’envoie une fréquence bien plus haute encore, je .. je ne peux pas l’imaginer, et c’est ce qui a mit mon père dans cet état” dit elle en souriant “il sait .. que je ne me trompe jamais à ce sujet. Tu as une sorte d'âme légendaire .. mais tu n’en a pas conscience .. du moins pas encore.” “Mais comment ça? je suis plutôt banal .. et ton père a peur de ça?” “Non tu ne comprends pas Luca. Mon père n’a peur de personne ni de rien, pas même des ténèbres. Ce qui l'inquiète ce n’est pas que ton âme soit plus élevée que la sienne, un peu .. oui, mais .. c’est que .. c’est qu’elle est plus élevée .. dans le corps d’un .. blanc .. et .. et là il est piégé.”

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“Piégé comment ça?“ “Comment ça, comment ça .. peux­tu arrêter de te répéter?“ “Ben je suis désolé je n’ai pas d’autre mot, mon oncle dit toujours ça.” Aiyanna soupira puis répondit:

“C’est moi qui suis désolée, je me suis emportée pour rien, pardonne­moi.” “C’est pas grave.” “Quand je disais qu’il est piégé, c’est qu’il n’a plus le choix de te garder avec nous.” “C’est vrai! c’est super!” répondit joyeusement Luca. “Non ne crois pas ça Luca.” “Comment ç .. “Aiyanna fixa Luca, et Luca reprit “euh! je veux dire pourquoi?“ “Nous croyons à la venue sur terre d’âmes fortes .. afin d’aider le peuple à s'éveiller. Mon père dit que nous avons l’avantage d’avoir conservé la connexion avec notre terre, ces terres renferment des sanctuaires sacrés, nous nous battons pour protéger notre mode de vie et nos langues depuis des siècles. Nous luttons avec nos prières, nos chants et nos cérémonies. Nous sommes les gardiens de la terre. Les blancs ont perdu ce lien. “Je ne savais pas ça.”

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Père dit aussi que ces derniers n’observent même plus la nature, les oiseaux, et ne sentent plus le sol sous leurs pieds. Ils sont trop préoccupés par leur individualité, absorbés par ce qu’ils possèdent et par l’accumulation de biens. Ils ne réalisent plus qu’il y a beaucoup de choses gratuites, mille fois plus belles autour d’eux. Il dit aussi que nous, humains, subissons un lavage de cerveau par les institutions quelles qu’elles soient, afin de nous persuader que nous sommes autres que ce que nous sommes vraiment. Ceci dit, nous avons un point en commun .. c’est les responsabilités de nos souffrances. Nous sommes à un moment de l’existence ou certaines âmes sont prêtes à s’éveiller, mais encore faut­il que leurs consciences soient elles­mêmes éveillées .. c’est notre culture d’amener ces âmes fortes à leur potentiel. Malheureusement .. comme je te l’ai dit précédemment, j’ai le pouvoir de ressentir les fréquences des âmes humaines. Mais en aucun cas je ne peux traduire les messages qu’elles émettent, ou même dialoguer avec elles.” “Mais qui .. qui peut traduire les messages des âmes?”

Aiyanna hésita quelques secondes, ne sachant pas si elle devait continuer à s'étendre sur ce sujet. Néanmoins elle rajouta:

“On dit .. qu’il existe des shamans sur cette terre qui ont cette faculté, on dit qu’il y en aurait une dizaine seulement .. mais personne ne les a vu. On dit qu’ils sont reconnaissables par un tatouage bien spécial sur l'épaule droite.” “Quel est ce tatouage spécial?“

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“Un hippocampe .. qui est le signe de la sagesse, mais cet hippocampe est emprisonné.” “Comment ç.. euh! .. je veux dire il est dans une prison?“ “Non .. non!. Il aurait une peau striée dans le sens horizontal comme la cage d’une prison, c’est pour ça qu’on dit qu’il est emprisonné. C’est pour qu’ils se souviennent de ne pas utiliser leur pouvoir contre autrui. Il est conservé à tout jamais dans la cage de la conscience.” “Mais en quoi ce pouvoir de dialoguer avec les âmes est dangereux! c’est que .. c’est qu’un échange d’information. Puis pour quoi faire?“ “Oh que si c’est dangereux.” Luca fit juste signe de la tête qu’il attendait la suite sans rien dire.

“Et bien” rajouta Aiyanna en renvoyant ses longues tresses en arrière. “on dit qu’ils peuvent demander aux âmes dans quels corps ont­elles vécus par le passé. Alors ces shamans pourraient rappeler ces esprits à revivre une nouvelle fois en remplaçant ou fusionnant avec l’esprit d’un vivant. En fait, toutes les qualités et tous les défauts de cet esprit du temps passé seraient .. ou pourraient être utilisés dans le présent . Peux­tu comprendre le danger?“ Luca acquiesça.

“Mais alors” continua ce dernier “ces gens là pourraient changer la vie de n’importe qui?“

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“C’est exacte, mais non .. non attend! .. on dit que cela ne pourrait fonctionner que si la personne concernée donne volontairement son consentement. Il faut que l’esprit vivant soit en accord avec son âme.“ Luca ne comprenait pas très bien. Aiyanna s’en aperçut:

“Mais ceci est une autre histoire, et d’ailleurs je n’en sais pas plus que ça.” “Mais ton .. ton père, que va t­il .. que va t­il faire de moi?“ demanda Luca. Aiyanna ne savait quoi répondre.

“Je ne sais pas, cela va sans doute prendre un peu de temps .. peut être pas, je ne suis pas sûr, je suis .. je suis désolée. Repose­toi, et puis nous verrons bien.“ “D’accord, merci encore de m’avoir sauvé la vie.“ “De rien Luca, ainsi Ataensic l’a décidé“. “Ataensic!” “Oui c’est notre Déesse de la création .. un peu comme .. votre Dieu.” Puis Aiyanna se dirigea vers l'extérieur quand Luca rajouta.

“Au fait, où est l'ours qui me pourchassait? j’aimerai bien le voir.“ “Tu peux le voir de là“ répondit Aiyanna. “Le voir de là? mais comment ça. euh! je suis désolé, mais, je ne vois pas d'ours?“ Et tout en riant elle répondit:

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“L'ours qui te poursuivait et maintenant entrain de chauffer ton corps en guise de couverture.“ Luca fit un bond en arrière lorsqu’il comprit. Elle éclata de rire et sortit.

Amarok était l’élu. Il attendait Aiyanna à l’extérieur. C’était

un

fervent

guerrier,

de

taille

moyenne,

tout

en

muscle avec de long cheveux tressés. Il lui disait en Mohawk.

(Qu’est­ce que ce blanc fait ici?) (Te souviens­tu la dernière fois avec père nous sommes partis chasser dans le bois.) Amarok acquiesça.

(C’est là, nous avions aperçu Luca se faire chasser par un ours noir.) (Luca!) (Oui c’est son nom.) (Quand partira t­il?) (Je ne sais pas Amarok, père souhaite le garder.) (Quoi!) (.. pour un temps) le rassura t­elle.

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(A t­il perdu la raison? ça ne lui a pas suffit avec Eduardo, il veut recommencer!) (Dis pas ça Amarok! je te rappelle qu’il est notre chef avant d’être mon père et nous lui devons autorité et respect.) (Je dois lui parler.) (Tu ne peux pas il est en conférence avec les anciens tu ne peux le déranger maint ..) (J’ai besoin de savoir tout de suite.) Et d’un pas décidé, il se dirigea vers le tipi des anciens.

(Amarok! non! attend!) cria Aiyanna. Amarok s’arrêta net sans se retourner.

(Amarok écoute!) Le regard figé vers l’horizon.

(Amarok! ce garçon est spécial.) (Spécial! c’est un blanc .. que peut­il avoir de spécial?) (Son âme est pure Amarok .. elle émet des vibrations très hautes.) (Wakiza a ce potentiel non? il n’y a rien de spécial à cela.) (Non Amarok, c'est .. c'était vraiment différent.)

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(Différent!) répondit Amarok étonné. (Quand je m’approche de père, à un mètre de lui j’ai des picotements dans tout le corps, je peux alors ressentir sa puissance et le rayonnement de la fréquence de son âme. Avec Luca, j’ai éprouvé des picotements quand .. je suis entrée sous la tente, il dormait encore dans le hamac.) (Ce n’est pas possible) répondit Amarok d’un ton agacé. (En m’approchant .. une douce chaleur .. m’envahit, et .. plus je m’approchais et plus mon corps vibrait c'était .. comme .. une sensation pure et légère, je me sentais comme .. flottée .. tu vois? j'étais attirée par cette fréquence qui me remplissait d'énergie.) (Tu te trompe Aiyanna, pas chez un blanc.) (Mes sensations ne me trahissent jamais, tu le sais, et tu dois me croire) (Je dois en parler à Wakiza) reprit­il (il n’a rien à faire dans notre camp.) (Calme­toi Amarok, que t’arrive t­il? dit­elle en essayant de tempérer ses ardeurs.) Amarok s'avança vers elle, lui fit une bise sur le front et ajouta:

(C’est rien Aiyanna, c’est juste que .. je ne souhaiterai pas qu’il te choisisse pour le former.) (Hum! toi tu fais allusion à Awan, n’est­ce pas?)

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(Ces étrangers sont capables de tout.) (Ok Amarok, j’irai discuter avec père après le conseil de sachems(*)) (Je vais donner à manger aux chevaux, on se voit plus tard.)

L’APPRENTISSAGE «Je

ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends» - Nelson Mandela

Aiyanna rejoignit le groupe.

(Raké:ni! allons­nous garder Luca au campement .. ou vas­tu le transférer à la confédération?) demanda Aiyanna. Wakiza réfléchissait un instant puis s’exprima:

(Notre déesse Ataensic nous l’a envoyé?) (Oui Raké:ni.) (Alors qu’il soit blanc ou pas .. nous devons l’aider, et lui enseigner nos traditions Mohawk .. c’est l’essence même de notre présence sur Terre­Mère.) (Oui Raké:ni.)

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(Il restera avec nous au campement, et .. tu t’en chargeras Aiyanna, après tout .. tu lui as sauvé la peau .. non?) (J’en prend la responsabilité Raké:ni) répondit Aiyanna. (Ok, j’en référerai à Amarok .. je sais, cela ne va pas lui plaire .. mais telle est ma décision.)

Effectivement Amarok n’adhéra pas vraiment à cela, mais il s’y résigna, il ne pouvait contester l'autorité.

Les premiers mois furent très protocolaires pour Luca. Il

s’imprégna

des

traditions

indiennes

par

leurs

rituels

et

exigences.

Aiyanna

lui

des

des

leurs coutumes. Il

devait

montra

se

conformer

comment

sauvages,

à

cueillir

des graines

de

certaines

et

choisir

tournesol et

noix,

également

fruits

comment

entailler les érables pour en extraire le sirop. Avec le temps il cultivait les trois sœurs ”la fève, le maïs et la courge“. Puis viendra le moment d’apprendre à monter à cheval sans la selle, à pêcher le poisson dans les cours d'eau des environs et sans doute le plus difficile, il devra chasser l'ours, le cerf ou

le

castor.

Les

après-midis

il

rencontra

l’amie

la

plus

proche d’Aiyanna, Kaya afin de lui enseigner la langue Mohawk.

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Le soir les danses autour des shamans parlant aux esprits de la nature, impressionnaient Luca.

“Aiyanna, est­ce que Kaya est ta sœur?“ demanda Luca. “Non, mais je la considère comme telle” répondit­elle. “Alors pourquoi appelle t­elle Wakiza, Raké:ni comme toi? “Oh! ok .. à l'âge de 4 ans Kaya a perdu ses parents dans un accident de voiture et mon père l'a adoptée et élevée comme sa fille. Nous sommes très proche, Kaya n'est pas son vrai nom, elle s'appelle Kisos mais c'est ma petite sœur et c'est ce qu’Kaya veut dire en Amérindien et ..” Soudain au bout de la ligne.

“Aiyanna! je crois que j’en ai un” signala Luca. “Ah! oui, attend j’arrive” répondit­elle. “Non je dois y arriver par moi­même.” Il sortit une grosse truite de l’eau, elle bougeait tellement que

Luca

en

eût

peur.

Il

s’approcha

de

la

berge

sans

vraiment prêter attention, glissa et tomba dans la rivière, et ainsi fit partir la prise. Aiyanna s’éclata de rire en voyant comment Luca avait beaucoup à apprendre. En

sortant

de

l’eau

il

s’allongea

en

souriant.

Aiyanna

l'observa, il sentit qu’il captait son attention, voilà plusieurs

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semaines qu’ils se voyaient, juste tous les deux et, c’était la première fois qu’elle osa le regarder sans le dévier. À son tour Luca fut gêné et avec délicatesse dériva son regard, lorsqu’il

fut

surpris

par

un

écureuil

se

désaltérant

à

la

rivière.

“Regarde! un écureuil!” “Ou?” demanda Aiyanna. “Là! à ta droite! attends je vais l’attraper .. Luca se leva, aussitôt l'écureuil monta dans l’arbre.

“Oh! mince c’est raté.” Aiyanna s’éclata de rire à nouveau.

“Pourquoi tu te moques de moi Aiyanna?” “Pardon Luca! je ne me moquais pas de toi comme on pourrait se moquer par manque de respect, je ris .. je ris de ton .. éternelle innocence Luca, ta façon de t’exprimer est pure et sans hésitation, tu ne réfléchis pas. Tu le dis sans détour .. comme le ferait un enfant.” “Mais je .. je ne suis pas un enfant.” “Oui Luca, tu n’es pas un enfant .. tu es juste différent.” “Oui ça je sais .. on me l’a assez répété.”

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“Ne te fâche pas Luca, tiens! regarde cet écureuil dans l’arbre, regarde­le bien et ne bouge surtout pas.” Bien qu’il ne comprit la raison Luca se tut. Aiyanna ferma les yeux, et se concentra sur sa respiration qui devenait plus profonde mais plus lente, l'écureuil ne bougea pas mais après quelques

secondes

stupéfaction tendit

de

la main

il

Luca

descendit l'écureuil

le

long

du

s’approcha

tronc, d’Aiyanna,

à

la elle

avec un gland dans sa paume toujours en

gardant les yeux fermés, l'écureuil était maintenant sur sa main, saisit le gland sans se presser, se mit sur ses pattes arrières observa Aiyanna quelques secondes puis s’en alla.

“Com .. Comment fais­tu ça? et .. et pourquoi ne l’as­tu pas fait avec l’ours?” “Je peux communiquer avec les âmes animales, n’est­ce pas? mais certaines sont plus difficiles ou prennent plus de temps. Avec l’ours je ne voulais prendre aucun risque.” “Mais que .. que dis­tu à l’animal?” “Et bien, la plupart du temps les animaux sont stressés par la présence des humains, alors en premier lieu .. je les rassure, je les calme, je leur envoie une énergie haute et sécurisante.” “Mais comment?” demanda Luca avec excitation. “Par la pensée et par la respiration .. en fait je réduis mon système cardiaque cela va signaler à l’animal que je suis très calme, un chasseur serait plutôt

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nerveux avant de tirer .. puis par la pensée je lui envoie des messages d’amour, de bonheur et de fraternité, alors son âme entre en contact avec moi, et si l’animal réceptionne correctement mes messages il va venir près de moi .. ou partir .. cela dépendra de mon message ..” Ensuite ils marchèrent au bord de la rivière quand soudain un pygargue à tête blanche passa à quelques mètres seulement au dessus d’eux.

“Ouah!” s’exclama Luca “as­tu vu l’aigle .. il est .. il est magnifique!” “Ce pygargue à tête blanche c’est Pika” répondit Aiyanna. “Tu .. tu le connais? l’as­tu apprivoisé?” répondit­il tout excité. “Non Luca.” dit­elle en souriant. Puis ajouta.

“Il y a longtemps .. enfin .. quand j’avais 14 ou 15 ans .. j’ai remarqué un aigle sur le sommet d’un sapin, un magnifique aigle .. ce pygargue à tête blanche. Les aigles sont sacrés dans notre communauté. Des chasseurs étaient entrain de se frayer un chemin afin de se rapprocher et de le tirer avec plus de précision. Voyant cela, je lui ai envoyé un message de crainte, de danger, afin qu’il prenne la fuite et .. et l’aigle s’est enfui! tu vois Luca! le plus difficile dans ces cas­là .. c’est de rester calme .. car si j’avais paniqué ou augmenté mon angoisse comme l’aurait sans doute fait un chasseur .. cela n’aurait pas fonctionné, comprends­tu? depuis lors, il apparaît à moi de temps en temps, souvent quand un événement va arriver .. bon ou mauvais, il me prévient pour ainsi dire.“

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“Ouah c’est incroyable” Luca était en complète admiration, et également sur la manière dont elle le racontait.”mais c’est super Aiyanna.” “Oui c’est assez plaisant je le reconnais, tu devrais essayer .. avec le temps tu y arriveras toi aussi.” “Hum! oui peut­être, j’essaierai avec une mouche.” “Une mouche! pourquoi une mouche?” répondit­elle en éclatant de rire. “Ben, je n’arrive pas à dormir la nuit, les mouches tournent autour de ma tête, alors si je leur envoie un message de danger elles s'enfuiront.” Tout en souriant Aiyanna rajouta:

“Oui Luca essaye dont, c’est trop mignon.” Elle

se

retourna

vers

Luca

et

lui

donna

un

bisou

sur

le

front, lequel rougit instantanément.

“Tu es un garçon marrant, ne change pas Luca, j’aime bien ta personnalité, et ton humour.” Luca la regarda puis sourit.

“Merci Aiyanna, mon père disait souvent que je n’avais pas beaucoup d’atouts pour affronter la vie, mais il disait que j’avais beaucoup d’humour et que cela pouvait sans doute m’aider.” “Oui Luca ton père avait raison, on manque d’humour dans notre communauté, alors c’est super! .. j’adore!”

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Ils étaient très proche l’un de l’autre, ils se regardèrent yeux dans les yeux,

quand soudain

Amarok arriva à toute

vitesse. Il imagina la scène et, saisit un peu par la colère, stoppa son cheval à quelques pas de Luca, lui envoyant ainsi pas mal de poussière sur le visage. Aiyanna regarda Amarok avec étonnement, Amarok refléta ce regard, avec plus de sérieux et d’agressivité. Aiyanna baissa la tête.

(Je ne veux pas avoir de problème avec ce blanc) dit­il (tiens­toi à l'écart sinon je vais le taper.) (Que vas­tu imaginer Amarok) répondit Aiyanna. (As­tu bien compris?) insista Amarok en accentuant la tonalité. (Monte derrière moi maintenant on rentre au camps.) (Ben, je ne peux pas laisser Luca tout seul.) (Il connaît le chemin maintenant, il rentrera seul.) “Oui je peux .. rentrer seul Aiyanna ne t’en fait pas.” À la stupeur d’Amarok, Luca avait compris de quoi il parlait. Aiyanna fut surprise également.

“Ben les leçons avec Kaya sont efficaces” disait Aiyanna. “Je peux .. juste comprendre certains mots.”

72


“Alors à plus tard Luca” répliqua Aiyanna. “Oui Bye!” Amarok donna un coup sur le flanc du cheval avec ses talons, le cheval hennit, se révéla sur ses pattes arrière et fila à toute

vitesse

vers

le

campement.

Aiyanna

jeta

un

dernier

regard vers Luca, lequel ne la lâcha pas des yeux jusqu'à ce qu’ils disparaissent. Puis il marcha vers le campement.

Arrivé au tipi Amarok descendit du cheval sans dire un mot.

“Ou vas­tu Amarok?” demanda Aiyanna. “Je vais discuter avec Wakiza, je ne veux plus que tu enseignes des choses à ce blanc.” Amarok

était

très

jaloux

et

décida

d'interrompre

cette

relation, il fit part de ses souhaits à Wakiza. Mais ce dernier refusa sa requête, il lui demanda de ne pas agir, il avait dans l'espoir de former Luca comme un Mohawk. Il demanda à Amarok d'être patient et d’accepter la volonté d'Ataensic qui elle seule pouvait juger ce qui était bon ou mauvais pour le Clan. Amarok s’en retourna plus en colère que jamais.

Luca

devait

tirer

sur

73

un

poisson

dans

la

rivière


Mistassini

dans

la

réserve

Hickman.

En

effet

c’était

son

premier jour de chasse.

“Là! Luca là vient par ici” demanda Aiyanna. Luca obéit.

“Voilà Luca, tu dois faire le moins de bruit possible, ok.” “Ok.” “Alors je vais te montrer c’est vraiment facile.” Aiyanna enleva ses sandales, arma son arc et entra lentement dans l’eau.

“Tu vois Luca, l’eau ne doit pas éclabousser, faire un pas après l’autre avec douceur.” “Ok, je vois.” “Chut!” Luca fit signe qu’il avait compris, Aiyanna sourit, maintenant elle chuchota.

“Là, je me place ici et j’attends, je tends mon arc comme si le poisson était déjà là, présent, proche de moi. Et observe.” Un saumon remontait la rivière, il s’approcha à quelques pieds d’Aiyanna, elle ne fit rien. Luca leva son bras mais Aiyanna fit une grimace en signe de ne pas bouger. Il resta avec son

74


bras en l’air jusqu’à ce qu'elle le constata et lui fit signe de le baisser. Puis le poisson s’approcha d’elle à moins de deux pieds, Aiyanna était prête à tirer, elle observa Luca et d’un signe

de

la

tête

lui

demanda

s’il

avait

bien

compris

la

procédure lequel acquiesça.

“Voilà Luca” disait­elle tout en retournant sur la rive. Le poisson se déroba en moins d’une seconde.

“Mais Aiyanna pourquoi as­tu laissé filer le poisson?” s’exclama Luca. “Et bien, c’est la partie la plus facile, je n’ai pas besoin de le tuer pour te montrer ça, le but c’est que tu aies compris la technique, ok?” “D'accord j’ai compris.” “Tu dois essayer Luca, hier tu t’es entraîné sur une cible inerte aujourd’hui ça bouge?” “Oui ok, passe­moi l'arc s’il te plaît.” “Tiens!” Luca enleva ses sandales, saisit l’arc et alla dans l’eau en respectant au mieux les consignes. Il arma son arc prêt à tirer mais pas de poisson, Il s’impatienta un peu.

“Aiyanna as­tu attiré l’attention du poisson comme tu l’as fait avec l’écureuil?”

75


“Pas du tout Luca, je te le promets je suis restée très calme et patiente c’est de ça dont tu as besoin, maintenant ne parle plus, respire profondément et imagine le poisson entrain de s’approcher”. Soudain

il

distingua

une

truite

de

deux

pieds

s’avançait

doucement vers lui. Excité, il avisa Aiyanna, qui l’avait déjà perçu

bien

avant

lui.

Luca

hocha

la

tête.

La

truite

s’approchait de ses pieds, il sourit en regardant Aiyanna qui lui fit signe de plutôt observer le poisson et d’agir. Luca acquiesça et lâcha la flèche qui transperça le flanc de la truite. Il agrippa la tige et souleva sa prise hors de l’eau qui gigotait encore. Aiyanna applaudissait.

L'après midi il rejoignit Kaya pour les cours, et à sa surprise il se rendit compte que lorsque il parlait en Mohawk il

ne

bégayait

pas,

ce

qui

lui

donnait

encore

plus

envie

d’apprendre. Et après quelques semaines, Luca était capable de discuter avec Aiyanna.

(Qu’est­ce qu’on va faire aujourd’hui, Aiyanna) demanda t­il. (Ah! aujourd’hui tu vas monter Ozalée comme la dernière fois, veux­tu?) Ozalée qui veut dire soleil levant, c’était une jument à la robe gris pommelé.

76


(Oui, mais elle est trop doucement.) Aiyanna sourit et corrigea Luca.

(Calme Luca pas doucement, calme.) (Ok, calme.) (Voilà, mais tu dois progresser en douceur, DOUCEMENT comme tu as dit tantôt.) (Ah! ok.) (Aujourd’hui tu vas monter Ozalée sans la selle) rajouta Aiyanna. Ils marchèrent vers l'écurie et Luca aperçut Chayton, qui veut dire faucon, c’était un grand cheval à la robe pie baie.

(Je veux monter Chayton!) demanda Luca. (Ben là! Luca!) répondit avec surprise Aiyanna. (Avec la selle) rajouta­il. (Mais il est sauvage). (Allé je t’en prie, dis oui! tu es là et tu peux lui mordre!) (Quoi! lui mordre, qu’est­ce que tu veux dire Luca). Luca reprit l’explication dans sa langue.

“Je veux dire que .. que tu peux parler à son âme.”

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“Oh! parler c’est” (parler .. parler) dit­elle en souriant. (Oui, parler) se corrigea t­il. (Te sens­tu prêt?) (Oui.) “Ok Luca, mais Chayton est spécial et il n'écoute pas toujours.” Luca acquiesça.

“Ok, alors allons­y je te suis avec Yuma.” Yuma, qui veut dire fils du chef, est un grand cheval à la robe pie alezan. Luca essaya de monter sur Chayton, mais le cheval ne resta pas en place et recula. Luca s’y reprit à plusieurs reprises et à chaque fois il échoua.

“Ben là! Aiyanna! toi qui parle aux animaux demande­lui de rester calme.” “Je vais essayer Luca.” Aiyanna

prit

une

grande

respiration

puis

ferma

les

yeux

quelques secondes et en effet Chayton se calma et Luca put le monter.

“Tu vois Aiyanna tu as réussi, il est devenu calme comme un agneau.” Aiyanna sourit.

“Oui, on dirait .. mais reste sur tes gardes Luca.”

78


À peine eut-elle fini de parler que Chayton hennit puis se cabra, Luca tenait bon les rennes, mais Chayton commença à faire un sorte de rodéo en avant et en arrière. Aiyanna ne souriait plus.

“Luca saute!“ cria t­elle “lâche les rennes et saute!” Mais Luca tint bon et Chayton partit au galop, Aiyanna le suivit. Elle parvint à revenir sur Luca mais au loin un danger. Il y avait un obstacle à sauter et une branche à éviter, afin de négocier ce saut, il fallait pratiquement s’allonger sur le dos du cheval, mais Luca n’avait pas encore les qualités et expertises d’un grand cavalier.

“Luca saute!“ supplia Aiyanna. Mais Il n’entendit pas et lorsque Chayton sauta l’obstacle, Luca heurta la branche de la tête et tomba en arrière proche du fossé, et perdit connaissance. Aiyanna arriva tout de suite sur lui.

“Luca! Luca! m’entends­tu? Luca .. je suis désolée .. je .. suis désolée, j’aurai dû t’empêcher de monter Chayton, Luca! Luca! répond­moi! je t’en prie.” Elle saisit la tête de Luca dans une main et lui caressa le visage avec l’autre.

“Luca! Luca! parle­moi! Luca! oh! je n’aurais jamais dû accepter, je suis une idiote!”

79


Pendant qu’Aiyanna s’injuriait tout en observant le ciel, Luca ouvrit un œil, il voyait encore trouble mais il constata qu’il avait la tête dans ses mains. Pika survolait autour mais elle ne

prêta

pas

délicatement

attention.

la

main

sur

Luca ses

sans

longs

rien

dire,

cheveux

déposa

noires.

Elle

sursauta et baissa la tête pour le voir. Tout en souriant, elle soupira de joie, ce qui déclencha instantanément des larmes d’émotion

qui

coulèrent

le

long

de

ses

joues.

Ils

s’observèrent longuement, Aiyanna rapprochait son visage de celui de Luca.

“Alors tu .. tu n’as pas parlé à son âme?” disait Luca en essuyant les larmes d’Aiyanna. “Tais­toi un peu le cavalier“ reprit­elle en souriant. Elle se rapprocha encore et, cette fois sans détourner le regard,

et

délicatement

sans sur

rajouter les

lèvres

un

seul

avec

mot, une

elle

l'embrassa

innocence

et

une

insouciance d’adolescente. Luca et Aiyanna oublièrent pendant un temps tout ce qui les entourait, ni Pika qui continuait à tournoyer dans le ciel tout en glatissant, ni les cours de Mohawk, ni Wakiza et encore moins Amarok ne comptaient. Ils restèrent au bord de la rivière l’un sur l’autre jusqu'à ce que le soleil les libère en se couchant à l’horizon et seul leur amour naissant importait.

80


Pendant

ce

temps

Kaya

alla

prévenir

Wakiza

qu’elle

Wakiza,

lequel

n’avait pas vu Luca venir au cour de Mohawk.

“As­tu vu Aiyanna?” demanda Wakiza. “Non Raké:ni, je ne l’ai pas vu.” Amarok

entendit

comprit

et

tourna

la

discussion la

tête.

et

Mais

regarda Amarok

courut

vers

son

cheval, sauta par l’arrière et traversa le campement aussi vite que possible.

“Amarok! non!” cria Wakiza. “Je te l’avais dit Wakiza, tu n’as rien voulu entendre” protesta Amarok en passant au galop. “Amarok!” répéta Wakiza. Mais il n'était pas en mesure d'écouter, il était déjà loin.

“Kaya!“ s’écria t­il “prend Waban et Yahto avec toi et suivez­le, ils sont sans doute au bord de la rivière.” “Bien Raké:ni.” Kaya appela les deux guerriers et partirent.

“Aiyanna, crois­tu au destin?”

81


Aiyanna réfléchit quelques secondes puis répondit:

“Tu veux dire .. tous les deux .. pourquoi nous sommes là .. en ce moment .. au bord de la rivière?“ “Oui .. j’aurai pu être en France, ou chez mon oncle, mais tu sais quoi?“ “Non Luca.“ “Un vieil homme dans l’avion m’a dit qu’il y avait sûrement une raison pour que je quitte mon père afin de m'installer ici.“ “Oui Luca je le pense aussi, mais peut­être .. qu’il faut laisser faire ce qu'Ataensic a réservé pour nous dans cette vie. Mon père me dit souvent que si je me sens bien dans ce que je fais, alors je suis dans mon chemin. Et avec toi Luca, je me sens bien.“ Ils s’embrassèrent à nouveau.

“Oh! Aiyanna, Aiyanna tu es vraiment très belle, je t’aime depuis le premier jour que je t’ai vu mais, je n’osais te le dire à cause ..” “Amarok, n’est­ce pas?” simplifia Aiyanna. “Oui .. tu es sa destinée, comment pourrait­il en être autrement?” “Eh là minute, j’ai mon mot à dire dans tout ça, je suis concernée non? .. je suis sa promise certes, mais rien n’est écrit dans la roche.” “Oui, mais ..”

82


“Chut!” Aiyanna mit son doigt sur la bouche de Luca pour le faire taire ”je me sens bien avec toi Luca, je sais que tu n’as rien d’un guerrier, pourtant tu me réconfortes. Tu n’as rien d’un cavalier pourtant je te suivrais. Tu ne connais pratiquement rien à nos traditions mais j’apprendrai les tiennes. Aussi” rajouta t­elle en riant “tu n’as rien d’un bavard, mais je m'enivrerai de ta pudeur et de ta modestie.” Après quelques baisers:

“Ton âme m’apaise en permanence je me nourris d’elle sans limite, je ne ressens pas cela avec Amarok. Qu’est­ce qu’il y a en toi? une force intérieure qui forge mon âme, qui m’interpelle en continue. Je n’ai pas le pouvoir de lire son message ce qui me frustre quelque part. Qui es­tu exactement? je ne sais pas, mais j’ai envie de poursuivre l’aventure avec toi Luca.” “Je le veux aussi, tu es ma flamme tu es la lumière en moi, tu es la tendresse que je veux chérir pour le reste de ma vie .. mais, je ne veux pas m’enfuir .. ici je me sens bien parmi vous. Alors que vas­tu dire à Amarok?” “Je ne sais pas encore, je vais en parler à père en premier, puis ..“ Soudain

une

cavalcade.

C'était

Amarok

arrivant

au

galop.

Aiyanna n’eut pas le temps de lâcher Luca et de se lever. Amarok les avait bien vu enlacés, ses yeux rivés sur Luca, il sauta du cheval et se dirigea à grand pas vers lui avec à la main, un tomahawk. Luca observa Aiyanna, il comprit que la confrontation était inévitable. Il eut le temps de se mettre debout en position de combat. Aiyanna courut vers Amarok afin de le stopper.

83


“Amarok non! tu ne peux pas faire ça, il n’est pas armé et ce n’est pas un guerrier, il ..” Amarok ne laissa pas Aiyanna finir sa phrase il l'agrippa par les épaules et la jeta sur le côté, elle retourna sur Amarok mais celui-ci avait déjà placé un coup de poing sur le visage de Luca or il n’avait aucune notion du combat et tomba en arrière. Aiyanna tenta de l'arrêter en sautant sur son dos, mais Amarok l’éjecta à nouveau la tête dans le sable. Luca se replaça le nez en sang, Amarok revint sur lui et tenta un coup sur la face avec le manche du tomahawk lequel put l’esquiver. Mais un coup de pied suivit immédiatement qu’il récolta sur le flanc ce qui le paralysa. Alors qu’il se courba afin d’apaiser la douleur, Amarok prit de l'élan et souleva son bras très haut préparant l’arme pendant qu’Aiyanna criait:

“Non Amarok! pas ça, tu vas le tuer.” Il se retourna vers Aiyanna et répondit avec les dents serrés de haine.

“C’est bien mon intention.” Pendant ce temps Kaya, Waban et Yahto arrivèrent lesquels coururent vers Amarok afin d'éviter le pire.

“Non! Amarok!“ cria Kaya Yahto était maintenant très proche d’Amarok et sauta sur lui.

84


Mais ce dernier se laissa tomber sur Luca et avec son poids, accentua

le

coup.

Et

le

manche

du

tomahawk

finit

sa

trajectoire sur la nuque de Luca qui ne s'était pas encore remis du coup de pied. Il tomba comme une mouche avec Amarok et Yahto sur lui. Yahto saisit aussitôt le tomahawk d’Amarok

et

avec

Waban

le

prirent

par

les

bras

et

le

poussèrent vers l'arrière afin d'éviter un autre coup. Mais celui-ci ne se releva pas, il était inanimé à même le sol.

“Noooonnnn!” cria Aiyanna tout en courant vers Luca, Kaya observa. “Je vous l’avais dit que je le tuerai, c’est chose faite” s’extasia Amarok. Aiyanna se retourna vers Amarok.

“Comment peux­tu être aussi cruel, il n’a rien d’un guerrier et tu as profité de ta force pour le tuer, jamais je ne t'épouserai, tu me dégoûtes, je ne veux plus te voir Amarok.” “Si tu n’es pas à moi, tu ne seras à personne c’est notre loi, tu m’étais promise par le grand chef Wakiza et tu as rompu ton engagement, désormais tu ne seras à personne, c’est notre loi tu dois l’accepter.” “C’est ta loi Amarok! pas celle du clan, puis ce n’était pas à toi de prendre de telle décision, Wakiza est le chef suprême qui peut donner son accord ou la refuser et, c’est cela qui t’a fait peur, voilà pourquoi tu es intervenu.” Puis Aiyanna retourna vers Luca toujours inexpressif.

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“Luca parle­moi Luca s’il te plaît ne meurt pas, Luca” supplia t­elle en sanglotant. Wakiza

arriva,

il

regarda

Amarok,

le

saisit

par

le

bras

fermement et lui dit:

“Nous parlerons de cela avec le comité. Va maintenant!” Et Amarok s’en alla avec un petit sourit mesquin sur le coin du visage.

“Il respire” cria Kaya. “Yahto, Waban prenez Luca délicatement et amenez­le au camp on va le soigner“ ordonna Wakiza. Les deux hommes le saisirent et le déposèrent sur une civière de bois accroché au cheval de Wakiza qui avait pressenti cette éventualité.

Wakiza convoqua Amarok au conseil de sachems lequel avait été assez clément envers lui. Il eut dix jours de travail communautaire et il devait rester seul dans un cabanon à méditer sur son comportement. Luca se retrouva dans son tipi avec un gros bandage autour de la tête rempli d’herbes et de feuilles ramassées autour du campement, de l’encens pour

chasser

les

mauvais

esprits,

86

mais

il

était

toujours


inconscient. Aiyanna resta à son chevet toute la journée à lui changer son bandage régulièrement. Elle lui parlait alors qu’il semblait endormi. Après 4 jours de coma, Wakiza décida de le

transporter

respirait,

il

ne

à

l'hôpital se

de

nourrissait

Jonquière pas,

alors

car sa

bien vie

qu’il

pouvait

vraiment être en danger. Wakiza emmena Luca en 4x4 avec à ses cotés, Aiyanna, Kaya et Yahto. L’Hôpital de Jonquière (Saguenay) était à environ deux heures de route.

87


LA CAVALCADE «Quand tu ne sais pas ou tu vas, souviens-toi d’où tu viens» - proverbe Africain

Luca

fut

emmené

en

salle

de

réanimation

pour

les

premiers soins d’urgence.

“On ne peut pas se prononcer Wakiza” disait le docteur Humbert, qui connaissait très bien les membres du campement “ il est toujours dans un coma. Comment cela est arrivé?” “Difficile à dire .. une chamaillerie avec un membre du clan a dégénéré, et .. il a heurté quelque chose en tombant” répondit Wakiza. Aiyanna voulut l’interrompre mais Wakiza rajouta.

“Nous l’avons soigné pendant quatre jours mais rien n’a changé.” “Hum! je vois .. on va attendre .. je te suggère de rentrer calmement chez vous et je te tiens au courant ok? ” Pendant que le groupe se dirigeaient vers le 4x4, Wakiza fit quelques chose

provisions

l’alerta.

En

et

en

effet

passant la

photo

devant de

un Luca

pub

quelque

passait

aux

dernières nouvelles, un homme à l'écran était interviewé. Wakiza entra. l'homme disait que Luca était recherché pour vol d’armes et de plusieurs bijoux précieux. Son oncle montra

88


les

photos

des

objets

volés.

Dès

lors

l’adolescent

était

considéré comme un dangereux individu en liberté.

Wakiza

était

décomposé,

il

marchait

doucement

vers

l’auto, s’assit à la place du conducteur. Et Kaya demanda:

“Raké:ni .. va t­on dire à son oncle que Luca est aux urgences?” Il ne répondit pas.

(Quelque chose de grave est arrivé Raké:ni) demanda Aiyanna (quelque chose ne va pas, n’est­ce pas?) Il démarra le 4x4 et quitta le parking.

(Raké:ni parle­moi, tes vibrations sont basses, qu’y a t­il?) insista t­elle. Le feu tricolore passa au rouge, Wakiza s'arrêta. Le clan était dans l’attente, puis il parla:

(Je t’avais dit que .. je ne voulais plus m’occuper de personnes différentes de notre culture, te souviens­tu Aiyanna?) (Oui Raké:ni mais pourquoi dis­tu ça, fais­tu allusion à Luca?) (À qui d'autre alors!) (Je ne comprends pas Raké:ni, ce n'est pas la faute de Luca ce qui est arrivé, mais d'Amarok a ...) (Amarok avait raison) affirma Wakiza.

89


(Quoi! qu'est­ce que tu dis Raké:ni, personne ne le comprend, car il est différent .. et tu le sais ..) (Non! il n’est pas) dit­il en haussant le ton (il n’est pas! tu t’es .. trompée voilà tout.) (Ce n’est pas possible Raké:ni, son âme ne peut me tromper.) (Tu t’es trompée .. son âme est ordinaire.) (Pourquoi soudain dis­tu cela Raké:ni) rajouta Kaya inquiète. (Raké:ni veux­tu parler enfin, qu’est­ce qu’il a fait de mal .. il a suivi ton plan à la lettre tu ne peux rien lui reprocher) reprit Aiyanna. (Tais­toi Aiyanna et écoute .. c’est un imposteur, il cherchait juste un abri pour se cacher, c’est pour cela qu’il se trouvait sur ces collines. La police et son oncle le recherchaient pour .. vol de bijoux .. et vol d’arme à feu .. d’arme à feu! comprends­tu enfin! .. voilà ce qu’est Luca un menteur et un imposteur.) (Ce n’est pas possible, c'est son oncle le menteur, Luca n’est pas un voleur, oh! non! il n’est pas!) Dit-elle en regardant son père fixement.

(Son oncle a des preuves Aiyanna .. Amarok avait raison du scepticisme à son égard, et dire que je l’ai fait condamner à dix jours de réflexion. Désormais, je ne veux plus entendre son nom dans mon campement, c’est compris?”) (Ou as­tu eu cette information subite Raké:ni .. ou?) questionna t­elle.

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(Pendant que vous marchiez je suis entré dans le pub, par chance ce voleur passait aux informations .. son oncle était interviewé et il a montré sur des photos l'arme et les bijoux volés.) (Non! non! je ne veux plus entendre de telles sottises, c’est un cauchemar, ça suffit! qu’est­ce qui t’arrive père tu dis .. tu dis n’importe quoi!) Aiyanna perdit son self­contrôle. (Ne me parles pas ainsi Aiyanna! tu es amoureuse .. comment peux­tu être objective?) Aiyanna saisit l’opportunité du feu tricolore au rouge pour s’enfuir en courant.

“Yahto! reste avec elle, on rentre au camp, je te renvoie Waban avec l’auto, va!” “Ok Wakiza” et exécuta.

“Part Yahto” cria Aiyanna “laisse moi seule, je n’ai pas besoin d'être surveillé comme un bébé.” “Je suis désolé, ce sont les ordres Aiyanna.” “Grr! les ordres je m'en fous! laisse moi tranquille.” Les

gens

dans

la

rue

se

retournaient

au

regard

d’une

indienne qui criait, puis ils se regardaient comme pour la critiquer. Aiyanna leur tirait la langue et pleurait. Elle ne

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comprenait pas ce qui lui arrivait, elle se sentait blessée. Cette histoire l’avait atteint au plus profond de son cœur, son amour pour Luca en était maintenant durement affecté. Yahto se contenta de la suivre.

“Comment est­ce possible que je me sois trompée” se disait­elle en boucle. Elle s’assit sur un banc au bord de la rivière, ainsi la nuit passa elle s’endormit. Yahto se mit à coté d’elle à même le sol. Entre temps Waban les avait rejoint, il sortit un édredon qu’il déposa délicatement sur Aiyanna, puis il retourna dormir dans l’auto.

A l'aube Aiyanna remarqua Yahto à ses pieds et Waban dans l’auto endormis. Avec la légèreté d’un chat elle s’en alla. Mais Yahto ne dormait que d’un œil et quand elle fut assez

loin,

il

courut

vite

à

l’auto

réveiller

Waban

et

la

suivirent à distance. Aiyanna ne tarda pas à les apercevoir et soudain elle eut une idée, elle se plaça au milieu de la route. Waban s’arrêta et ouvrit la porte arrière laquelle y entra.

“Ok, vous n’allez pas me lâcher n’est­ce pas?” “Tu le sais bien Aiyanna .. c’est un ordre de Wakiza.” répondit Waban.

92


“Ok, ok faites­moi une faveur.” “Quelle faveur veux­tu Aiyanna?” reprit­il d’une manière étonné. “Retournons à l'hôpital je dois voir Luca.” “Quoi! tu n’est pas sérieuse! nous ne pouvons pas .. Wakiza nous l’a interdit.” “Stop! soyez gentil, je dois savoir .. je dois interroger son âme, s’il vous plaît! On ira au campement après ça. Promis!” Waban ne savait trop quoi dire.

“Ok Aiyanna mais .. pas plus de quinze minutes” ordonna t­il. “Ok chef” confirma t­elle d’un salut militaire.

Ils étaient au pied du lit de Luca, mais celui-ci était vide, plus de vêtements, plus rien. Aiyanna ne comprenait pas.

“Qu .. quoi! mais .. mais où est­il?” balbutia t­elle puis agrippa une infirmière qui passait dans l'allée central “s’il vous plaît où avez­vous déplacé Luca?” “Pardon Madame! de qui parlez­vous?” “Luca! le jeune homme qui est arrivé hier soir .. où est­il?”

93


“Désolée, je ne sais pas de qui vous parlez, allez plutôt demander à la réception. Je dois y aller j’ai du travail” en lui faisant signe qu’elle lui tenait encore la manche de sa blouse. Aiyanna pensa un court instant puis la lâcha:

“Ok, ok pardon!” L'infirmière s’en alla mais n’avait pas apprécié la manière dont Aiyanna l’avait retenue dans l'allée.

“Alors?” demanda Waban. “Descendons à la réception, il a peut être été transféré dans une autre chambre.” A la réception.

“Pardon Madame pouvez­vous m’indiquer dans quelle chambre vous avez transféré le patient de la chambre 143 du nom de Luca Spina?” “Donnez­moi une minute je vous prie.” Elle lut sur son écran une note dont le message stipulait:

«Si

quelqu’un veut avoir des informations au sujet du patient de la chambre 143 au nom de Luca Spina, appelez-moi» signé docteur

Humbert.

C’est

ce

qu’elle

répondit à Aiyanna.

94

fit

immédiatement

et


“Je n’ai pas d’information à son sujet mais le Docteur Humbert est au courant de votre visite, il sera là d’une minute à l’autre. Si vous voulez bien patienter dans la salle d’attente sur votre droite au bout du couloir .. merci”. La troupe y alla.

“C’est incroyable que personne ne veut nous dire ce qui se passe avec Luca” s’exclama Aiyanna. Après une heure d’attente le docteur Humbert rejoignit le groupe.

“Bonjour bonjour, je suis désolé de vous avoir fait attendre si longtemps, j'ai eu quelques soucis.” “Ce n’est pas grave Docteur, alors comment va Luca et où est­il?” Le docteur ne répondit pas tout de suite.

“Et bien euh! .. c’est un peu délicat.” “Non! non! il .. il est décédé de ses blessures .. c'est ça Docteur?” supposa Aiyanna dans l’affolement. Il ne répondit pas.

“Docteur!” insista Aiyanna “est­il mort? .. a t­il été transporté à la morgue?” “Et bien je ne pourrais te répondre” rajouta t­il. “Mais! comment ça vous avez bien quelque chose à nous dire, je suis peut être trop jeune et vous ne voulez pas me blesser alors dites le à Waban il va avoir 35 ans.”

95


Waban

mit

une

tape

sur

l'épaule

d’Aiyanna

en

signe

d’information inappropriée.

“Non .. non .. ce n’est pas la raison!” reprit­il. “Ben alors quoi?” Aiyanna commença à s'impatienter. “Et bien la vérité je te dis Aiyanna, je ne sais pas s’il est en vie .. parce que ..“ “Parce que!“ “Il a été transféré ce matin .. dans un hôpital militaire.” “Un hôpital militaire! .. mais .. mais pour quelle raison?” “Aiyanna! tu le connaissais bien?” “Il était avec nous au campement depuis plusieurs mois .. pourquoi?” “Des informations à son sujet nous sont parvenues, disant que .. ce Luca, est un .. criminel recherché depuis plusieurs mois. Nous ne le savions pas, mais .. même si nous l’avions su, notre première mission est de soigner les blessés sans jugement ni opinion. Puis quand ils sont hors de danger alors nous appelons la police, cela m’est déjà arrivé dans le passé.” “Ben alors! vous venez de dire qu’il n'était peut­être pas guéri alors pourquoi avez­vous appelé la police?” s'étonna Aiyanna. “Oh! ce n’est pas un membre de notre service qui l’a appelé. Les ordres sont formels, ici personne ni déroge .. non, non, .. c’est quelqu’un qui a parlé, et a .. divulgué son identité.”

96


“Quoi! mais qui aurait fait cela .. son oncle?” Soudain une infirmière arriva dans la salle et dit au docteur.

“Docteur Humbert on vous demande à la chambre 2007.” “Attentez Docteur .. qui a fait ça?” insista Aiyanna. “Euh! .. je ne sais pas .. tu devras chercher par tes propres moyens” puis il rajouta “je suis .. désolé Aiyanna, c’est tout ce que je peux te dire, je dois y aller maintenant.” Aiyanna resta sans voix, elle s’assit un moment puis ajouta:

“Je .. je ne saurai jamais la vérité, il est parti .. je ne saurai jamais.” Waban mit la main sur son épaule afin de lui rappeler que les quinze

minutes

étaient

écoulées

depuis

longtemps.

Elle

les

suivit avec difficulté jusqu’à l’auto.

Elle alla directement dans son tipi sans vouloir voir ou parler avec qui que ce soit. Elle resta dans son lit le reste de la journée sans manger ni boire. En fin de journée Wakiza alla s’asseoir à ses côtés, caressa ses longs cheveux et dit:

“Je suis désolé Aiyanna, mais c’est mieux comme ça.” Pendant ce temps Amarok entra. Il fut libéré plus tôt.

“Qu’est­ce que tu fais ici, sort de mon tipi” cria Aiyanna.

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“Aiyanna! voyons.” reprit Wakiza. “Tout est arrivé par sa faute père” rajouta Aiyanna. “Ne dis pas ça Aiyanna, les choses se passent toujours comme elles doivent se passer. On ne peut pas aller contre cela Aiyanna, ainsi Ataensic l’a décidé. Pour ma part .. j’ai revu ma position sur ce point et si tu dis vrai, si tu ne doutes pas de lui, alors il reviendra la tête haute et il s’expliquera de ses actes au conseil.” “Mais il ne reviendra pas” s’exclama Amarok. “Comment es­tu certain Amarok, comment le sais­tu? ah! je sais maintenant, c’est peut être à cause de toi qu’il a été transféré dans un hôpital militaire.” “Quoi! il n’est plus à l'hôpital de Jonquière?” répondit Wakiza tout étonné. “Non Raké:ni .. quelqu’un l’a vendu à la police.” “Hum! .. comment le sais­tu?” reprit Wakiza. “J’y suis retournée Raké:ni. Je .. je devais parler à son âme afin de ressortir la vérité au sujet de ce soi disant vol. L'âme ne ment pas .. ses vibrations sont sincères, il aurait été facile pour moi d’avoir la réponse à cette question de voleur. Et Amarok le savait, c’est la raison pour laquelle il l’a vendu, pas vrai Amarok?” Amarok ne répondit pas, il la fixa dans les yeux, mais Aiyanna ne les baissa pas cette fois. Puis il sortit. Wakiza avait son idée mais ne disait rien, car pour lui l’affaire était close, la

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vie

reprendra

son

cour,

les

blessures

se

cicatriseront

à

nouveau et puis, le temps fera le reste.

Pendant ce temps, l’oncle envoya un courrier au père de Luca pour lui raconter la fuite et les vols commis, il précisa aussi qu’il avait été retrouvé et sera jugé bientôt. Son père sourit quand il la lut. Il pensait que son fils en était capable. Il lui retourna un courrier disant «Merci de m’informer, je suis désolé pour ce qu’il t’a volé, n'hésite pas à témoigner contre lui lors du jugement, il aura ce qu’il mérite» signé ton frère bien aimé.

À un hôpital militaire dans l’Oregon (US), Luca reprit connaissance après dix jours de coma. Accoudé à son lit, Il discerna deux soldats le sergent chef William et le caporal Abbott.

“Mon p’tit, on pensait t’avoir perdu à jamais, mais je dois reconnaître que tu es plus coriace que tu ne parais” disait le sergent. Cela fit rire le caporal Abbott. Luca se gratta la tête car la douleur était encore présente, puis il dit:

“Ou suis­je?” “Oh! voilà une grande question, tu es dans un hôpital militaire mon p’tit.”

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“Qu’ .. qu’est­ce qui s’est passé, où .. où est Aiyanna?” “Aiyanna! il n’y a pas d’Aiyanna. Ici .. que des militaires, des infirmiers et des médecins.” Luca essaya de se lever et cria:

“Aiyanna! Aiyanna!“ Mais le caporal lui en empêcha, le chef rajouta:

“Reste couché mon p’tit tu en a bien besoin, de sérieux rendez­vous t’attendent.” “Des rendez­vous? mais avec qui?” “Le Commissaire Godefroy est en route afin de t’interroger sur les voles que tu as commis.” “Des voles! quels voles! je n’ai commis aucun vole!” “Hum! peut­être que tu n’aurais jamais dû te réveiller, tu n’as pas l’air de savoir ce qui t’attend ..” Cela fit rire aux éclats le caporal Abbott.

“C’est un cauchemar ou une blague n’est­ce pas?” répondit Luca. “Attend de voir le Commissaire Godefroy, il ne blague pas, lui! tiens, le voilà qui arrive, nous, on va aller dans le hall pendant qu’il t’interrogera, on se verra plus tard, ok?” Le commissaire était accompagné de l’avocate maître Turnills.

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“A t­il parlé?” demanda t­il au chef. “Non .. il dit .. qu’il n'a commis aucun délit.” “Oui .. oui c’est classique .. ok merci.” Ils s’assirent en face de lui. Luca se contenta d’observer et d’attendre ce qui allait bien se passer. L’officier engagea la conversation.

“Bonjour Luca, je suis le Commissaire Godefroy chargé de ton dossier et voici Maître Turnills qui va te représenter lors de ton jugement.” “Jugement!” “Oui je suis désolé mais les faits démontrent que tu es coupable de vols.” “Coupable!” Les deux protagonistes pensaient que Luca jouait bien son jeu. Me Turnills s'approcha de lui et rajouta:

“Luca .. Luca tu pourrais réduire ta peine si tu nous disais où as­tu caché ce que tu as volé à ton oncle?” “À mon oncle!” Luca se leva brusquement la douleur reprit de plus belle “Aie! j’ai mal à la ma tête, pouvez­vous appeler l'infirmière?” “Luca! .. nous allons t’aider mais réponds à ma question d’abord.” “Je n’ai rien à dire, je ne sais pas de quoi vous parlez, je n’ai rien volé .. à personne.”

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“Ce n’est pas ce que dit ton oncle” rajouta Me Turnills. “Mon oncle ne m’aime pas comme mon père voilà pourquoi” puis il reprit ”j’ai mal à la tête.” “Oui ok, Monsieur le Commissaire s’il vous plaît, pouvez­vous aller chercher l'infirmier de garde?” “Oui bien sûr.” “Merci .. ok! Luca tu vas bientôt avoir un calmant, maintenant écoute, pour quelle raison voudrais­tu que ton oncle raconte ce genre d’histoire? dans quel but?” “Je ne sais pas moi, c’est ridicule je n’ai jamais rien volé, c’est une histoire de fou où est Aiyanna, elle me connaît, elle sait que je ne mens pas.” “Je suis désolée je ne connais pas cette personne, mais je souhaiterai juste te faire comprendre Luca que ton oncle n’avait aucune raison de mentir alors .. ” “Mais .. mais qu’est­ce­que je suis supposé avoir volé? je ne sais même pas c’est quoi.” L'infirmier arriva et dit:

“S’il vous plaît ne le fatiguez pas trop il est conscient que depuis quelques minutes soyez bref. Tiens prend ceci.” Il donna un calmant à Luca et le commissaire reprit:

“Luca tu as volé des bijoux précieux et surtout une arme à feu.”

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“Une arme à feu!” “Un 44 magnum” rajouta le commissaire. “Un quoi! mais c’est une blague?” Luca perdait le contrôle et se mit à pleurer “Je veux entrer chez moi, c’est un cauchemar ou je suis ici?“ L’infirmier demanda aux intervenants de le laisser se reposer, qu’ils reviennent demain mais pour aujourd'hui cela suffisait.

“Ok Luca, tu es plus malin que nous le pensions, nous passerons demain” reprit le commissaire. “Je ne suis pas malin, je ne sais pas de quoi vous parlez” dit­il en sanglotant. “Sortez! s’il vous plaît” insista l’infirmier. “Ok, ok” tout en marchant vers la sortie “à demain Luca et réfléchit, la nuit porte conseil et nous voulons savoir la vérité.” “C’est la VÉRITÉÉÉÉ!” s’écria t­il “c’est la vérité” murmura t­il tout en pleurant. Les

deux

soldats

reprirent

du

service

au

départ

du

commissaire et de l’avocate.

“Mon p’tit” dit le chef “nous restons dans le hall si tu as besoin de quelque chose juste appelle­nous.” “Je n’ai besoin de rien, je veux sortir d’ici, je n’ai rien à faire ici, rien, rien” et s’allongea avec ses joues baignées de larmes.

103


Après quelques minutes, il s’endormit. Sa nuit fut agitée, des souvenirs d’Aiyanna lui vinrent à l’esprit, Amarok et son coup de tomahawk, le cheval, la rivière puis les baisés. À sept heures du matin les soldats arrivèrent.

“Alors mon p’tit ça va mieux aujourd’hui” dit le chef. Luca sursauta quand il prit conscience où il se trouvait.

“Hein! quoi! oui” bafouilla t­il. “Bien, la mémoire t’est revenu?” “Je n’ai jamais perdu la mémoire.” “Ok mais ton oncle a porté une plainte contre toi ce qui veut dire que si tu ne restitues pas ses objets tu iras dans une maison de redressement pour adolescents .. tu n’es pas majeur, n’est­ce pas?” “Luca va fêter ses 18 ans à la fin de l’année, et c’est proche.” répondit en arrière Me Turnills aux deux soldats puis rajouta “si Luca est déclaré coupable c’est bien la prison qui l’attend.” Les traits du visage de Luca s’altérèrent.

“Tu es bien mieux de nous dire où tu as caché l’arme et les bijoux” répondit Me Turnills. “Je ne sais pas je vous dit, je ne sais pas, comprenez­vous?” hurla t­il.

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“Luca .. Luca calme­toi, tu n’auras pas le choix lors du procès, je pourrais t’aider mais j’ai besoin de plus d’information.” “Je me suis enfui de chez mon oncle, je n’ai rien emporté avec moi à part quelques fruits et tranches de pain, allez­vous m’accuser pour ça?” “Il continue” répondit le commissaire. “Très bien Luca, tu ne nous aides pas beaucoup, nous nous verrons alors à la cour dans dix jours, tiens .. voici ma carte si tu as envie de nous dire vraiment ce que tu sais alors appelle­moi. Je pourrais d’aider, rappelles­toi de cela Luca” argumenta Me Turnills. “Je .. je n’ai rien à rajouter .. rien.” “Ok Luca, c’est ton choix, partons!” dit le commissaire.

À la fin de la semaine Luca demanda un téléphone afin de

communiquer avec Me Turnills.

“Ok, Luca as­tu quelque chose à nous dire” demanda l’avocate. “Oui Madame. Je me souviens” “Tu te souviens ou as­tu caché les objets?” “Oui” murmura t­il. “Très bien Luca“ ajouta le commissaire “où sont­ils?”

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“Je ne connais pas exactement le nom .. mais je sais comment y aller, c’est vers le lac St Jean au Canada.” “Le lac St Jean dans la région du Québec?” “Oui ” Avec satisfaction, l’avocate et le commissaire souriaient.

“Et bien Luca, voilà qui est bien mieux, il nous reste exactement cinq jours avant le jugement, nous avons le temps, j’ai besoin de l’accord du docteur et nous allons planifier le voyage. Qu’en penses­tu?” “Bien Madame.”

On enleva les menottes à Luca dans l’avion, alors Me Turnills s’assit à côté de lui, les soldats sur les sièges juste en arrière et le commissaire seul en avant. L’avion décolla de l'aéroport

de

Portland,

un

peu

plus

tard,

Me

Turnills

engagea la conversation.

“Luca tu disais que ton père et ton oncle ne t’aiment pas beaucoup, n’est­ce pas?” “Oui, surtout mon père, mon oncle avait dû recevoir des ordres .. ” “As­tu une idée pourquoi?” “Je pense qu’il avait des espoirs surréalistes.”

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“Ah bon, quoi par exemple?” “Il voulait sans doute que je sois un footballeur international, un docteur ou un architecte.” “Ben Luca, il n’y a pas de mal à cela?” “Ben non, je n’ai pas pu réaliser un seul de ses souhaits .. malgré moi, est­ce une raison d’ignorer son enfant?” “Bien sûr que non, mais pourquoi dis­tu malgré toi, n’as­tu pas eu le choix?” “Pas vraiment .. non .. je suis asthmatique assez chronique .. j’ai des grosses douleurs parfois imprévisibles, alors le sport ce n'était pas pour moi.” “Ok, je suis désolée d’apprendre ça .. et les études, est­ce que ça a été mieux?” “Pas vraiment .. non .. comme vous l’avez remarqué je bégaie beaucoup.” “Oui ok mais cela n'empêche pas le cerveau de fonctionner, non?” dit­elle en souriant. “Ben, les moqueries de mes camarades ne me permettaient pas de me concentrer.” “Mais c’est cruel! et ton maître! ne disait­il rien pour stopper cela?” Luca sourit puis ajouta:

“C’est lui qui a déclenché tout ça à mon sujet, c’est pourquoi je me suis enfermé sur moi­même.”

107


“Quoi! mais .. c’est immonde qu’est­ce qu’un tel personnage fait dans l’enseignement? sans pédagogie ni tolérance.” “C’est aussi ce que je pensais. “Et tes parents, sont­ils intervenus?” “Ils n’ont jamais su. Mon père était trop préoccupé par son travail et ma mère en avait suffisamment avec nous. Je ne désirais pas la surcharger avec les moqueries et les mauvaises notes.” “Et bien, je suis désolée, mais c’est du passé maintenant .. comment ce fait­il que tu te retrouves chez ton oncle?” “Au décès de notre mère, mon père n'était plus capable de nous élever, alors il eut une bonne idée de nous séparer, ma sœur en Italie et moi au Canada.” “Pourquoi dis­tu une bonne idée?” “Désolé je fais de l’humour sarcastique comme dit ma sœur.” L'hôtesse annonçait l’atterrissage sur Montréal était imminent.

“Je vois .. qu’est­ce qu’il s’est passé chez ton oncle pour que tu t’en ailles?” “Pour la même raison mes cousins se moquaient de moi et mon oncle me donnait beaucoup de tâches ménagères à faire. Je ne supportais plus et je me suis enfui.” “Ok, maintenant j’ai une question importante pour toi.” Luca le savait au fond de lui que cette question allait bien

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arriver lors du voyage.

“Pourquoi as­tu voler les bijoux et une arme à feu?” Me Turnills regarda Luca droit dans les yeux. Luca baissa la tête mais ne répondit pas.

“Pourquoi Luca, dis­le moi, maintenant?” Les soldats et le commissaire observaient de loin Luca, afin d’entendre sa réponse, et Luca répondit.

“Pour me venger de sa mauvaise attitude à mon égard.” Quelques minutes plus tard.

“Nous sommes arrivés Luca, nous devons te remettre les menottes pour des raisons de sécurité.”

Sur la route du lac St Jean à quelques kilomètres.

“Alors Luca quelle est la direction?” demanda le commissaire. “Il faut aller vers Alma.” “Alma, ok allons­y.” À Alma.

“Vers le centre maintenant.” “Comment connais­tu cet endroit?” demanda Me Turnills.

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“Les premiers temps, mon oncle n'était pas trop pire, il nous sortait.” La voiture passait devant un supermarché.

“Voilà c’est proche d’ici, peut­on s’arrêter aux toilettes c’est urgent” demanda Luca. “Ok, Monsieur le Commissaire pouvez­vous l'emmener?” demanda l’avocate. “Oui bien­sûr”. Ils entrèrent dans le supermarché, menottes aux poignets, et se dirigèrent vers les toilettes.

“Monsieur le Commissaire les toilettes sont en bas” disait Luca tout en lui montrant ses mains menottées. Le commissaire hésita quelques secondes, Luca rajouta afin d’éviter qu’il ne pense trop.

“Il n’y a pas d’issue“ Mais le commissaire n’était pas convaincu.

“Je vais vérifier par moi­même.“ Il jeta un rapide coup d’œil et constata juste une petite fenêtre à barreaux dans le fond.

“Je vais rester en haut des escaliers je te donne cinq minutes pas plus.” dit­il en lui ôtant les menottes. “C’est suffisant.”

110


La dernière personne dans les toilettes en sortie, vite Luca prit l’escabeau et le plaça sous la fenêtre qui donnait dans l’arrière cour. Luca avait vu un jour un sans-abri sortir de la nourriture par là, en effet un des barreaux était juste posé. Il sauta afin d’avoir plus d’élan et tapait fort et, après quelques tentatives le barreau céda. Il tenta à plusieurs reprises de se hisser au travers, mais il lui manquait quelques centimètres, il commençait à angoisser. Le commissaire s’impatientait en regardant sa montre, les cinq minutes étaient écoulées.

“Il est temps de remonter” dit­il. “J’arrive une minute” afin de rassurer le commissaire. Luca

essaya,

essaya.

Enfin

ses

mains

et

sa

tête

passaient

presque entre les barreaux, il lui manquait un peu de force pour se hisser complètement. Épuisé il resta suspendu. Le chagrin l’envahissait à nouveau et supplia.

“S’il vous plaît aidez­moi, s’il vous plaît aidez­moi, .. je ne veux pas aller en prison .. s’il vous plaît.” Il tirait fort sur ses coudes mais il n’y parvenait pas.

“Ok Luca c’est assez, remonte maintenant.” À bout de souffle il ne put répondre. Le commissaire se doutait de quelque chose, prit l'escalier et s’écria:

111


“Luca! Luca!” Soudain deux mains à l'extérieur de la bâtisse saisirent les poignées de Luca, il ne pouvait voir qui c'était mais il se laissa prendre et ce dernier l’extirpa jusqu'aux hanches. Le commissaire

perçut

demeuraient

à

Luca

l’intérieur,

à

la

fenêtre,

celui-ci

sauta

seules sur

les le

jambes

peu

qu’il

pouvait et attrapa le pied de Luca.

“Ah! mon p’tit salaud tu essayais de nous fuir.” dit­il en le retirant en arrière. “Ah! il m’a attrapé le pied! il m’a attrapé le pied! je suis foutu” cria Luca tout affolé. La personne à l’extérieur lui suggéra.

“Ne te laisse pas impressionner gamin, tu es presque tout dehors, envoie­lui ton autre pied dans sa face.” Luca exécuta

et

eut

le

commissaire

en

plein

dans le

nez

lequel lâcha prise. Seule la chaussure lui resta dans la main. Frustré il la balança à l'extérieur à travers les barreaux. Luca réalisa que son sauveur était un sans-abri.

“Il s’agit de ne pas traîner dans le coin maint'nant p'tit.” Ils fuirent vers des chemins de traverse, le commissaire, un mouchoir dans le nez, rejoignit les autres dans la voiture.

“Il s'est enfui par l’arrière .. faisons vite le tour, vous par là.“ mais Luca n’y était plus.

112


“Ou est­il passé ce petit morveux!” se questionna t­il. “Qu’est­ce qui s’est passé Commissaire?” demanda Me Turnills. “Il est sorti par ce petit trou de souris, là .. vous voyez, ici, quelqu’un de l'extérieur l’a aidé, il avait bien calculé son coup ce trou d'cul.” “Je commençais à croire à son innocence” reprit Me Turnills ”j’éprouvais une certaine empathie je l’avoue, comme quoi, le naturel revient toujours au galop.” “Il faut alerter la police canadienne .. nous n’avons plus le choix.” “Ok monsieur le Commissaire je m’en occupe” répondit un des soldats.

“T'arrête pas gamin, je vais t'aider.” “Merci monsieur.” “Georges, appelle­moi Georges, et toé?” “Luca.” Ils s'approchaient d'une sortie d'égout sur le bord de la rivière.

“Viens, par ici Luca, vas­y entre là dedans.” Luca observa l’ouverture, Elle s'enfonçait dans l’obscurité, et avec suspicion répondit:

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“Là! .. là .. dedans?” “Oui, icitte.” “Ben .. non je .. peux .. pas.” “N’aie pas peur gamin, tu penses­tu avoir le choix? entends­tu les sirènes des policiers? que préfères­tu?” Luca le fixa, lequel n’était pas très vieux, mais assez ridé par l’effet de l’alcool et la cigarette. Il avait une longue barbe poivre et sel tout ébouriffée, des trous d'acnés dans les joues et peu de dents au devant. Ses yeux d’un bleu azur, étaient rouges sur les extrémités.

“Alors! t'décides­tu gamin?” “Ok” répondit Luca. Il entra en premier, Georges le suivit, il faisait de plus en plus sombre. Un peu plus loin se trouvait une échelle qui donnait accès à un sous-sol.

“Descend.” lui demanda Georges. Luca hésita.

“Descend fais­moi confiance.” Au bas de l'échelle il faisait vraiment noir, pas de lumière mais il y avait du bruit, de l'agitation, comme si des gens

114


parlaient.

Luca

continua

doucement,

fur

à

mesure

qu’il

descendait ses yeux s’habituaient à l’obscurité. Puis il y avait un tunnel d’environ cinquante mètres de long sur trois mètres de large, quelques bougies de fortune faisaient office de lampe, cela sentait très mauvais, de l’eau y stagnait, quelques rongeurs

s'enfuyaient

à

leur

passage.

Ils

traversaient

et

arrivaient à une espèce de grotte. Ils n'étaient pas seuls. Plusieurs sans-abris s'y trouvaient, peut-être une quinzaine.

Pendant ce temps, la police canadienne arriva sur les lieux. Le sergent se dirigea vers le commissaire avec son coton dans le nez.

“Bonjour monsieur le Commissaire avez­vous vu le gars qui l’a aidé de l'extérieur?” demanda t­il. “Malheureusement non.” “Avez­vous une piste ou des informations que vous avez pu recueillir durant le voyage?” “Non pas vraiment.” “Ok allons au quartier général, j’aurai peut­être des pistes qui pourront vous aider.”

115


“Alors Georges, qu’est­ce que tu nous ramènes là, un petit homme?” disait Élisa une vieille dame. “Ouais, il était poursuivi par la police” répondit Georges. “Ben crisse! qu’as­tu dont bien fait, astie!” “Rien madame.“ “Hé sacrament! moi c'est Élisa.“ “On me reproche d’avoir volé une arme à feu et des bijoux quand je vivais chez mon oncle, mais je ne sais pas de quelle affaire ils parlent, ils veulent me mettre en prison.” “Crisse de câlice de tabarnak, ça à pas bon sang, quelqu'un t'a vendu” reprit Élisa. “D'où viens­tu petit? tu n’as pas l'accent de chez nous” demanda François environ la soixantaine, chauve avec une énorme barbe grise. “Je viens de France.” “Qu'est­ce qui dit, tabarnac j'comprends rien“ demanda Jim, un homme dans la quarantaine avec de grosse lunette épaisse. “Il dit qu'il vient de France, ciboire ouvre tes oreilles!“ reprit Élisa. “Ouaou ouais! pour vrai tu viens­tu de France?” rectifia Jim.

116


“Écoute mon gamin“ reprit Georges “tu veux­tu rester avec nous? Il y a de la place et icitte personne ne te cherchera.” “Merci, c’est très gentil, mais j’aimerai rejoindre mes amis à Dolbeau­ Mistassini.” “Tu vois­tu Georges, le jeune veut déjà repartir” disait François. “j’connais quelqu’un qui a un char, il pourrait faire une «ride» pour toi” reprit Georges. “Et petit t’as­tu une blonde qui t’attend” demanda Hubert un jeune avec des longs cheveux blonds. “Arrêt de l’achaler Hubert, crisse” reprit François. “Ben! Tabarouette on peut plus rigoler” s'exclama Hubert. “Eh Georges qui c’est qui a un char?” demanda Élisa. “Le fils d'Arthur qui courait la galipote” répondit­il. “Ben crisse, c’est pas un char .. c’est une barouette, ah! ah!” ajouta Élisa. Tout le monde se mit à rire sauf Luca qui ne comprenait pas le Québécois.

“On s’en câlice! ça fera la job de même. Que c'est plate Men! ne les écoute pas Luca, on remonte par l’autre côté, histoire de pas se faire pogner.” “J'ai rien compris“ répondit Luca et tout le monde se mit à rire.

117


“Ok Luca la prochaine fois que quelqu'un t'achale, juse tu réponds, j'm'en crisse en tabarnak, ok!“ Tout le monde rit à nouveau.

“Ok, ben .. ou va t­on?” “On va chez Arthur, son fils à un char, on va y causer” reprit Georges. “Et toé, tu vas­tu avec eux?” demanda Germaine à Hubert, une jeune décolorée toute décoiffée, en sirotant une bière. “M'enfin Germaine, quoi qu’j’vais remuer là­bas câlice!” répondit­il. “Allé ciboire, on crisse son camp” rajouta Georges. “À la revoyure mon p'tit Luca, good luck” lui dit Eliza, et pour qu'il comprenne bien elle rajouta “passe nous voir de temps en temps.” “Tabarouette, tu lui veux­tu du trouble, toé?” répondit Hubert. “Comment ce que t'es cabochon astie” répondit Eliza. “On peut plus avoir les oreilles qui te claquent dans la face“ s'interrogea t­il. “Mange donc d'la marde“ répliqua t­elle. Tout le monde rit à nouveau.

“Merci Eliza” dit Luca avec un petit sourit. “Bienvenue mon p’tit” reprit­elle.

118


LE PROCÈS «Le regard a l’innocence de l’âme qu’il reflète» - Ameline

Les deux compères sortirent du tunnel et remontèrent par une allée qui donnait sur l’autre côté de la rive. Georges tapa

à

la

porte

de

l'appartement

d'Arthur,

au

douzième

étage d'un immeuble.

“Hey! Georges! qu’est c'que tu fais icitte? entre dont” dit Arthur qui était un grand homme mince au regard rieur. “Merci Art, lui c'est Luca.” “Salut Luca, entre dont.” “Merci.” “Comment va ton fils?” demanda Georges histoire de ne pas traîner. “Ça va ben .. toujours compliqué avec les pitounes, ah! ah! .. alors .. vous restez pour le dîner?“ “Ben c’est pas de refus Art.“ “Ok Guys! mettez­vous à table j'étais entrain de me faire un burger frites.” Tout en mangeant.

119


“Qu’est­ce que Willy peut faire pour toé?” demanda Arthur. “Pour moi rien Art .. c’est pour Luca .. il voudrait aller visiter ses amis à Dolbeau­Mistassini.” “Oh j'comprends! .. il a besoin d’un ride.” “Correct.” “Ok, Willy! .. WILLY!” s'écria Arthur “hum! il doit être encore dans sa douillette.” Puis il se leva et hurla en direction des chambres.

”Eh! sacrament! t'as encore l'oreiller étampé(*) dans la face ou quoi!” La porte de sa chambre au premier s'ouvrit.

“Quessé tu veu?” répondit Willy. “Descend icitte” reprit son père. “Tiens! c’est Luca, il a besoin d'un «ride», tu peux­tu l’amener à Dolbeau.” “Quand?” “Le plus tôt possible ..” rajouta Georges. “Ouaaou!” “Quand tu peux­tu l’amener?” demanda Arthur.

120


“Ben asteur j’suis pas mal occupé.” “Ouais! ouais! j'm'en câlice astie, toé là! t'es pas mal occupé avec la pitoune. Alors tu fais un break .. ok! elle est grassette elle peut attendre.” “Ben .. ok .. Pa.” “Dans trente minutes ils seront prêts, alors traîne pas, ok!” “Ok.” “C’est ça, va t'débarbouiller, ça sent le t'sour de bras.” Ils finirent leur dîner tranquillement, remercièrent Arthur, et se dirigèrent vers l'auto. Luca se tourna vers Georges:

“Sans votre aide, j'aurais été dans des graves problèmes .. merci encore.” Georges l'enlaça et répondit:

“Bienvenu Buddy, moi j'crois que t'dis vrai, j'ne pense pas que tu aies volé de quoi, j'espère que là ou tu vas, tu trouveras la solution à tes problèmes.” Puis ils partirent en direction de Dolbeau-Mistassini dans une vieille Chevrolet Corsica rouillée de 79. Les sièges étaient troués partout

par

endroit

dans

l’auto

il et

y

avait

on

n’y

des

mégots

voyait

tellement le pare-brise était sale. Elle

à

de

peine

cigarette au

dehors

faisait un boucan

d'enfer son tuyau d'échappement était fondu à l'extrémité, mais elle roulait.

121


Au quartier général, le contingent Américain faisait la connaissance du chef de caserne, le capitaine Frank Nelson.

“Attendez! il faut remonter dans l'historique et voir les informations que nous avons” disait le commissaire Godefroy. “C’est exacte” répondit maître Turnills “comment Luca est arrivé à l'hôpital?” “Ben, oui c’est vrai, nous avions été alerté par un Amérindien” répliqua le commissaire. “Mon Capitaine combien y a t­il de campements dans votre circonscription?” “Attendez je vais consulter mes agents” le capitaine décrocha le téléphone et parla avec l'un d'eux. “Il y a une dizaine de campements me dit­on .. trois vers le nord, cinq au sud, trois à l’ouest et quatre à l’est.” “Ok nous devons nous séparer et visiter tous les camps” répondit le commissaire. “Avez­vous des agents disponibles Capitaine?” demanda maître Turnills. “Oui, je peux vous affecter quatre agents et quatre autos pour votre mission. Ils connaissent très bien les communautés.” “Ok, alors il n’y a pas de temps à perdre” répondit maître Turnills.

122


Après

en

avoir

sondés

quelques-uns

sans

succès,

le

contingent du commissaire Godefroy arriva au campement de Dolbeau-Mistassini.

Ils

stationnèrent

à

deux

pas

et

se

dirigèrent vers le premier tipi en face de l'entrée, photo de Luca à la main. Ils parlèrent avec le premier Amérindien qu’ils rencontrèrent.

“Bonjour, nous aimerions parler avec votre chef, dans quel tipi pourrions­nous le trouver?” demanda le commissaire. “Allez tout droit vers le sud, son tipi est rouge et jaune vous le reconnaîtrez.” “Ok, merci beaucoup.” Tandis

qu’ils

se

dirigeaient

vers

la

tente,

le

commissaire

téléphona à maître Turnills.

“Allô Maître .. du nouveau?” “Malheureusement rien pour l’instant” répondit­elle “nous nous dirigeons à présent vers le campement de Stadaconé, c’est le dernier dans notre secteur. Avez­vous des nouvelles des deux autres contingents?” “Oui, même chose rien trouvé. Nous sommes également au dernier campement du secteur, celui de Mistassini, nous nous apprêtons à discuter avec le chef, je vous tiens au courant, à plus tard.” “Ok très bien monsieur le Commissaire, à plus tard.” Justement Wakiza et Aiyanna sortaient du tipi quand soudain

123


les

policiers

les

surprenaient.

Ils

se

regardèrent

puis

avancèrent vers eux. De loin Amarok observait la scène.

“Bonjour” dit Wakiza “qu’est­ce qui vous amène par ici messieurs les policiers?” “Bonjour” répondit le commissaire “vous êtes le chef n’est­ce pas?” “Wakiza en personne devant vous, que puis­je faire pour vous?” répondit­il. Le commissaire montra la photo de Luca et rajouta.

“Lui, nous désirons savoir si vous connaissez cet individu?” Wakiza se tourna vers Aiyanna qui, afin éviter de montrer une quelconque émotion se baissa pour refaire son lacet. Le commissaire la regarda avec étonnement mais Wakiza enchaîna tout de suite.

“Non .. nous .. nous ne l’avons jamais vu .. mais qu’a t­il dont fait?” Après

un

moment

de

réflexion

en

observant

Aiyanna

qui

tarda à se remettre debout, il ajouta:

“Vous ne lisez pas les journaux? on parle également de lui aux informations.” “Nous évitons ce genre de supports qui ne reflètent pas la réalité. Les tueries, massacres, viols et autres ont toujours existé depuis la nuit des temps. Cela n'a jamais empêché l'humanité d'y faire face. Aujourd'hui .. elle a juste besoin de se réveiller.”

124


“Hum! Je comprends .. anyway .. nous avons tout lieu de croire que Luca Spina est un dangereux individu .. et ..” “A t­il commis un meurtre ou un délit?” répondit Wakiza sans lui laisser le temps de finir sa phrase. “Non! .. pas à notre connaissance .. mais cela se pourrait .. nous n'en sommes pas certain. Ceci dit, il est armé, nous l’avions capturé et il nous a filé entre les doigts à Alma.” “Pourquoi cherchez­vous cette personne ici .. chez nous?” “Un membre de votre communauté nous avait communiqué son identité mais .. nous n’avons pas pris la peine de noter son nom. C’est une erreur de notre part je le reconnais. Aujourd’hui nous sommes convaincus que Luca va essayer de reprendre contact avec elle assez rapidement.” “Dans quel but, d'après­vous?” “Il y a une raison évidente .. il détient une arme .. cela pourrait être un règlement de compte ou une quelconque vengeance. Nous sommes sur nos gardes.” Aiyanna se releva enfin et regarda Wakiza comme pour savoir quoi dire à son sujet mais avant qu’elle n’ouvrit la bouche, Wakiza poursuivit:

“Nous pouvons vous aider, laissez­nous une photo si vous le voulez bien. Je la ferai circuler dans la communauté.”

125


“Vous voulez dire que vous ne le connaissez pas?” redemanda le commissaire. Wakiza hésita quelques secondes.

“Non .. non nous ne le connaissons pas .. mais, nous allons investiguer pour vous, est­ce que cela vous convient” Wakiza essayait de clore la discussion par une question fermée. “Oui bien sûr ..” répondit le commissaire. En lui donna une reproduction.

“Merci beaucoup monsieur Wakiza” reprit­il. “Bienvenue“ répondit­il. Et prirent le chemin du tipi, mais le commissaire avez un doute en ayant observé le comportement d’Aiyanna.

“Attendez!” Wakiza

et

Aiyanna

s'arrêtèrent

de

marcher

retourner, le commissaire s'approcha d’eux.

“Mademoiselle.” Aiyanna ne bougea pas.

“Mademoiselle s’il vous plaît.” Laquelle se retourna.

“Connaissez­vous Luca?”

126

sans

se


Wakiza s’approcha pour lui dire.

“On vous a dit ..” Mais le commissaire l’interrompit.

“S’il vous plaît, c’est à elle que je pose la question ..“ Il l’observa à nouveau et:

“Avez­vous entendu ma question Mademoiselle?” “Oui” fit­elle d’un signe de la tête. “Alors je vous le redemande et j’attends une réponse claire .. connaissez­vous Luca Spina?” Le commissaire regarda Aiyanna droit dans les yeux, Aiyanna était comme hypnotisée, quelques secondes passèrent.

“Mademoiselle, j’insiste .. connaissez­vous Luca Spina?” Quelques joues.

larmes

Elle

ne

commencèrent pouvait

pas

à

couler

répondre

à

le

long

cette

de

ses

question,

c'était trop intense, trop d'émotion au fond elle. Aiyanna se

retourna

et

partit

en

courant

dans

son

tipi,

Wakiza

d’appeler

maître

l’appela mais elle ne répondit pas.

“Je l'avais senti” se disait le commissaire satisfait. Puis

il

s'éloigna

quelques

secondes

127

afin


Turnills.

“Allô” répondit­elle. “On le tient, rejoignez­moi au campement de Dolbeau­Mistassini.” “Ok on arrive tout de suite.” “Je vais appeler les deux autres contingents” renchérit le commissaire. Tandis qu'il raccrocha le téléphone, il retourna vers Wakiza et lui dit:

“Maintenant je suis sûr que vous allez nous aider, n’est­ce pas?” Wakiza le regarda et cligna des yeux comme pour approuver sa demande.

“T'as une blonde qui t'attend à Mistassini?” lui demanda Willy. “Je ne sais pas si elle m'attend avec les choses qu'on dit sur moi.” “Men! oublie ça! tu perds ton temps, il y a des pitounes dans toutes les rues, tu t'en calice Men. Écoute Men! La vie passe trop vite 'stie! Tu la fourres et tu crisses ton camp, c'est la vie Men! Moi tu vois j'suis chez mon père, j'travaille pas et je vis sous le social et j'fourre et that's it that's all. ” “Je l'aime, elle est mon ange gardien, j'adore l'écouter parler”

128


“Et Men! Elles parlent toutes, moi là quand elle m'agace pu, j'suis tanné, faut que je cruise Men.” “Je comprends pas tout ce que tu dis, mais moi je pourrai la voir marcher pendant des heures sans me lasser, son amour c'est la lumière de mon cœur .. ” “Crisse! Tu jokes­tu, tu m'fais capoté Men, oublies­ça.”

Après

deux

heures

de

route,

ils

arrivèrent

au

campement de Mistassini. Luca remercia Willy pour son aide et les bons moments passés en sa compagnie et repartit. Il était très nerveux et excité à la fois de revoir Aiyanna. Il entra, tout paraissait calme et paisible, il disait bonjour à tous ceux qu’il connaissait et alla tranquillement vers le tipi d'Aiyanna

quand

soudain

Kaya,

qui

avait

beaucoup

d'affection pour lui, surgit de nulle part.

“Luca enfuis­toi!” “Hey! Kaya! Je suis .. je suis très heureux de te revoir.“ “Enfuis­toi! Luca tu es en danger ici.” “Mais qu’est­ce que tu dis Kaya, qu’est­ce qui se passe?” “La police est là, elle attend que tu ailles rejoindre Aiyanna pour te capturer.” “Mais .. mais comment .. comment ont­ils su ..”

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“Amarok .. Amarok t’a dénoncé quand tu étais .. inconscient à l'hôpital.” “Quoi! .. mais .. dénoncé de quoi?” “Pars! je te dis, pars! tu n’as aucune chance de la voir.” “Mais je n’ai rien fait, tout est faux, je dois lui dire la vérité ..” “Je te crois Luca“ reprit Kaya “mais tu n’auras pas le temps de lui parler ils te captureront tout de suite .. d'ailleurs elle n’est pas dans sa tente.” “Ah! non! ou est­elle?“ “Amarok la tient avec lui .. il est au courant de ta venue.” Luca n’hésita pas une seconde, il se dirigea vers la tente de celui-ci.

“Non!” cria Kaya “sauves­toi Luca!” “Non! Kaya! elle doit savoir .. même si je dois aller en prison elle doit savoir .. la vérité.” Amarok

entendit

Kaya

crier.

Aiyanna

s'apprêtait

à

sortir

lorsqu'il l’intercepta.

“Non! Toi, tu restes ici.” Luca était maintenant très proche de la tente, il ouvrit la toile pour entrer quand soudain Amarok se jeta sur lui et basculèrent. Puis Amarok prit Luca par le col et lui envoya

130


un uppercut, il retomba à nouveau. Aiyanna sortit en criant:

“Amarok non!” Luca vit Aiyanna, son visage en souffrance là, devant lui. Il lui

vint

une

sorte

d'énergie

avec

laquelle

il

put

pousser

Amarok et ainsi le faire tomber, puis il courut vers Aiyanna qu’il prit dans ses bras.

“Aiyanna! je t’aime, je t’aime” cria t­il en pleurant “ne crois pas ce qu’on dit sur moi .. je n’ai rien fait .. rien tu m’entends!” Elle put enfin vibrer au rythme de son âme qui était plus pure que jamais. Comment pouvait-il être un voleur ou un meurtrier? cela n’avait pas de sens.

“Je sais Luca, maintenant je sais .. moi aussi je t’aime Luca mais tu dois t’enfuir au plus vite!” Pendant ce temps Amarok se releva et fonça sur lui, le fit basculer et s'apprêta à lui envoyer un direct dans la face quand Wakiza arriva sur les lieux avec les policiers.

“Amarok arrête! .. tout de suite!” Amarok

hésita

quelques

secondes,

policiers saisirent Luca.

131

pendant

ce

temps

les


“Tu t'es fais piéger pour l'amour d'une femme mon p’tit” lui disait le commissaire Godefroy “tu voulais te venger en supprimant l'indien n'est­ce pas? .. mettez lui les menottes.” Aiyanna tenta de s’accrocher à lui mais quelques membres de la communauté la tenaient.

“Non je n’ai rien fait, lâchez­moi je ne suis pas un voleur, je ne suis pas un criminel, c’est pas vrai, je ne suis pas un voleur vous m’entendez .. lâchez­ moi.” “Lâchez­le! il dit vrai, Luca! Luca non!” reprit Aiyanna “Raké:ni fait quelque chose, ils ne doivent pas l'emmener .. Raké:ni!” Mais Wakiza ne savait plus qui croire, sa fille, ou la police, de plus il savait pertinemment qu'il n'avait aucun pouvoir sur l'autorité judiciaire, même dans sa communauté. Ils mirent Luca à l'arrière de la voiture de police, lequel n’arrêta pas de crier en boucle.

“Aiyanna je t’aime, Aiyanna je reviendrai .. je reviendrai te chercher” Aiyanna

entendait

ces

mots

qui

étaient

une

résonance

de

l'âme, un message ouvert qui s’exprimait à travers lui. À gorge

déployée,

jamais

Luca

ne

fut

dans

cet

état.

Sans

pouvoir agir et dans la souffrance elle pleurait en se roulant à même le sol dans l'espoir de se libérer des membres de la communauté qui la tenaient comme on sert un objet dans un

132


étau. Elle put juste libérer un bras qu’elle tendit en direction de

Luca

comme

si

elle

voulait

s’accrocher

à

lui.

Le

commissaire Godefroy et maître Turnills remercièrent Amarok pour son aide et toute la troupe de voiture de Police s’en alla. Luca et Aiyanna ne se quittèrent pas des yeux, des pleurs, des cris, et des adieux jusqu'à la disparition des voitures.

Pour des raisons de sécurité, personne ne sût où il fut

emmené.

Luca

Spina

passa

en

cour

martiale

il

venait

d’avoir 18 ans. Il fut déclaré coupable pour vole de bijoux, vole

d’arme

à

feu,

délit

de

fuite

prémédité

et

bénéficia

d'une clémence quant à l'homicide volontaire pour preuves insuffisantes. Il écopa douze mois de prison ferme.

133


LA RENCONTRE «Les rencontres les plus importantes ont été préparées par les âmes avant même que les corps ne se voient» - Paulo Coelho

Les premiers jours de Luca, dans le pénitencier de Fort Leavenworth dans le Kansas(US), furent dans la douleur et

la

tristesse.

Il

ne

comprenait

pas

ce

qui

lui

arrivait,

pourquoi était-il là, dans cette cellule qu’il partageait avec un colosse Congolais du nom de Balouka. Il se remémorait ses journées passées avec celle qu’il aimait le plus au monde, Aiyanna. Comment ces synchronicités l'ont amené ici malgré lui, c'était incroyablement injuste. La cloche sonna, c’était le moment de la distribution des repas. Aujourd’hui, comme hier, comme avant hier, riz à l’eau avec des haricots et une pomme toute desséchée. Cela faisait deux

jours

présentait.

que

Luca

Balouka,

ne

quand

mangeait à

lui,

rien

prenait

de sa

ce

qui

se

part

sans

lui

demander son avis, afin d'éviter de rendre le plat avec de la nourriture

auquel

cas

la

portion

serait

réduite

la

fois

suivante. Balouka chantait ou sifflotait souvent la chanson de Bob Marley Tree Little Birds.

134


“Don't worry about a thing“ “Cause every little thing gonna be alright.“ “Don't worry about a thing“ “Cause every little thing gonna be alright.“ Balouka était très imposant, plus de six pieds de haut et de larges épaules musclées. Il avait également une cicatrice sur le côté gauche de la bouche qui remontait jusqu’au lobe de l’oreille. Puis quelques tatous, dont un énorme cobra coloré sur chaque bras. Celui-ci enroulait le biceps et remontait jusqu’au contour de l'épaule pour retomber sur le pectoraux. La tête de la bête s'y trouvait avec d’effrayants yeux verts et

la

bouche

grande

ouverte

dont

les

pointes

des

dents

apparentes étaient rouges sang. Balouka assit sur son lit le dos contre le mur, tandis qu’il s’essuya la bouche d’un revers de manche il dit avec une tonalité profonde.

“Et gars! t'devrais mangeotter .. cause k'dans peu d'temps t'seras bon pour les rongeurs .. il y en a plein ici k’attendent k'ça.” “Je n’ai pas faim” répondit Luca très calmement.

135


Ce roman contient plus de 270 pages avec une belle pagination sur le Paperback

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MESSAGE de l’Auteur

Un peu au-delà de la simple histoire de fiction, Luca joue en partie mon histoire personnelle jusqu’au chapitre ‘le Canada’, avec quelques variances. Puis Luca prend son envol en solo avec

l’inspiration

qui

m’a

été

envoyé

par

mes

guides

spirituels. En effet, j’avais le souhait de faire passer des émotions, des sentiments et messages. L’écriture me permet cela et ainsi, de

provoquer

quelque

chose

en

vous,

chères

lectrices

et

chers lecteurs. Vous

avez

lu

ce

fabuleux

roman

jusqu’ici.

Merci

de

tout

cœur, ce qui prouve un certain intérêt pour L’Éveil de soi. À votre tour si vous le souhaitez, vous pouvez me laisser un message (E-mail voir en dernière page). Amicalement.

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LEXIQUE «Relever les défis n’est pas une question d’âge, mais plutôt une question de motivation» - Noël Savignano

* Pastis - est le nom donné à une boisson alcoolisée 40% parfumée à l'anis et à la réglisse. * Famine - une façon de dire que son estomac était vide dû aux repas non réguliers. * Cavigal - est un club omnisports français basé dans la ville de Nice. * Le Conseil de Sachem - Le terme sachem réfère au chef suprême d'une tribu amérindienne. Il s'agit souvent d'un ancien qui jouait le rôle de conseiller et de chef chez les Amérindiens du Canada et des États-Unis. Contrairement au chef blanc, le sachem n'a pas de pouvoir, il n'ordonne pas, il propose et il est écouté parce qu'on l'estime et respecte sa sagesse. * Traîner la patte - ralentir le pas. * Veiller au grain - s'assurer que cela se passe bien. * Étamper – imprimer. * Les poulets – la police. * le fion – le cul. * Il part en live – il dit des bêtises. * Le ciboulot - le cerveau. * HLM – habitation destinée aux personnes physiques ayant des ressources modestes et construite grâce à une aide financière de l'État. * Tiercé - pari mutuel où l'on doit désigner les trois chevaux arrivant les premiers soit dans l'ordre, soit dans un ordre différent. * Pilé grave(*) - freiné très très fort.

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DISTRIBUTION Filomena Spina: la maman de Luca Giuseppe Spina: le père de Luca Camilla Spina: la sœur aînée Rosaria: la grand-mère Docteur Aquilina – Sage-femme Madame Scott - la femme de Chambre Docteur Humbert – la Sage-femme - l’Infirmière Le Maître Monsieur Vago – La Maîtresse Madame Ricci - Monsieur Bernard Eugène l’entraîneur, Sébastien, David et Alexandre Une vieille dame - le contrôleur - l’hôtesse – le passager Oncle Alonso – Paul – Jean - l’agent Dujardin - le camionneur Aiyanna - Kaya – Amarok – Yahto – Waban – Tawana – Awan - Eduardo Balouka – Miro – Tim – Jason – Jacek – Marvin – Moustache – José – Jack Tsu Lao-Jendra – Miyamoto Musashi - Maton Jim – Eliza – Georges – François – Hubert – Germaine – Arthur - Willy L’agent Sullivan – Capitaine Monack – Commissaire Godefroy – policier Canadien - Capitaine Frank Nelson - Sergent chef William - Caporal Abbott Maître Turnills Pico – Bill – Gust – Xelina Luiz – Lee – Joao – Kim – Tanawat – Koga – Dan – Ibrahim – Koga – Raj – Siu – Fernando – Sergey – Freddy – Yamoto

Musiques Bob Marley Tree Little Birds Deva Premal & Miten with Manose In the light of love

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LOCALISATION Nice (France) - Dolbeau-Mistassini, Alma, Montréal et Saint-Félicien (Québec) - Fort Leavenworth (USA) – Sao Paulo Stadium (Brésil)

LÉGENDE •

Récit: le chemin de Luca

"Dialogue" le chemin de Luca

"(Dialogue en différente langue)" "(le chemin de Luca)"

"Dialogue en bégayant" "le chemin de Luca"

«Information additionnelle» le chemin de Luca

(*)voir lexique

.. (temps de pause de plus de 2 secondes durant une conversation)

(un moment plus tard ou autre sujet)

Copyright © 2016 noelsavignano.com - contact@noelsavignano.com

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