"Entre ciel et terre"Mémoire de recherche

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Entre ciel et terre Vers un nouvel horizon…

Séminaire d’initiation à la recherche Espace public, Arts, Anthropologie de l’espace Sous la direction de Catherine Grout et Sabine Erhmann ENSAPL 2012

Zoé Laebens


« En marchant vous ignorez que sous vos pas, sous la terre que vous pensez pleine, parce que portant votre poids, celui du bâti, il y a comme un espace, des creux d’air, des galeries, des réseaux »

Esther Salmona

2


Remerciements : En préambule à ce mémoire d’initiation à la recherche, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères à Philippe Perdereau et sa famille, propriétaire du site « troglodytes et sarcophages » à Doué la fontaine, pour m'avoir accueillie et hébergée quelques jours sur leur site. Cette recherche n'aurait pu aboutir sans le suivi de mes professeures, Catherine Grout et Sabine Erhmann que je remercie.

J'exprime ma reconnaissance à l'équipe du CAUE du Maine et Loire, à Angers, à l'équipe de l'office du tourisme de Doué-la-Fontaine, ainsi qu'au cabinet d'architecture Bruneteaux-Dahhan situé au Rosiers sur Loire pour leur collaboration interdisciplinaire et le partage de leurs connaissances.

J'exprime, également ma gratitude à Laurent Aubineau et Mr Girault Pascal qui m'ont emmenée avec enthousiasme dans les carrières et caves souterraines de la ville de Doué-la-Fontaine. Je tiens enfin à remercier ma famille et mes amis pour leur soutien au cours de la rédaction.

3


Introduction : ............................................................................ 6

II- La conquête du sous- sol ..................................................... 29

Méthodologie : .......................................................................... 9

IIA- Perceptions des «dessous de la ville» curiosité contemporaine ..................................................................................................... 29 a) Métaphores et imaginaires dans le récit. ................................................ 29 b) Architectures et Utopies ............................................................................... 33

I- Urbanisme et nouvelle densité, évolution et transformation du territoire. ................................................................................ 13

IIB- La ville profonde, paysage et épaisseur .......................................... 35

IA- Densité et disponibilité spatiale ........................................................... 13

a) Action de creuser et origine de la configuration en trou de la ville, le geste du sculpteur ............................................................................................ 35

a) La ville comme espace expérimental, laboratoire d’échange et expérience urbaine. .............................................................................................. 13

b) Se pencher pour comprendre la ville et son épaisseur. ................. 37

b) L’urbanisme souterrain dans une réflexion sur l’aménagement des villes ................................................................................................................... 15

IB- Villes, patrimoines et enjeux écologiques ....................................... 20 a) Espace vécu et mémoire collective .......................................................... 20

IIC- Objectif architectural et paysager ...................................................... 39 a) Architecture du détournement, esthétisme de la disparition et insertion paysagère ............................................................................................... 39 b) Un sol partagé pour l’aménagement d’espaces publics ................. 41

b) Patrimoine et enjeux actuels du développement durable ............... 22

IC- Territoire et sol, vers un sol urbanisé ................................................ 24 a) Stratification et paysage géologique ........................................................ 24 b) Stratification urbaine et évolution de la considération des sols ... 26

4


III- . Espaces souterrains comme révélateur de la ville sensible. ... 46 IIIA- Un interstice entre émergence et immersion .............................. 46

Table des annexes .................................................................. 72 Annexes : ............................................................................... 73

a) Données contextuelles et objets émergents comme indices de « sous » espaces. ................................................................................................... 46 b) Action de (re)descendre et de (re)monter la diagonale intervenant dans la mise en scène urbaine. ........................................................................ 50

IIIB- Les cadres sensibles de l’espace souterrain .............................. 52 a) Propriété lumineuse : entre ombres et lumières .................................. 52 b) Influences des phénomènes acoustiques .............................................. 56

IIIC- Espaces souterrains et temporalité ................................................. 58 a) Illusions et phénomènes thermaux-aérauliques .................................. 58 b) Etendue de notre regard dans le processus d’enfouissement ..... 61

Conclusion et ouverture ........................................................... 65 Table des illustrations : ........................................................... 67 Bibliographie : ........................................................................ 68

5


compacte2 minimise l’espace, ses réseaux et ses infrastructures et

Introduction : Depuis l’antiquité et le Moyen âge, le modèle des villes ne cesse de se transformer. C’est à partir de la fin du XIX ème siècle, ère industrielle marquée par de nombreux bouleversements sociaux, économiques et politiques que se posent les problèmes de l’aménagement urbain. Il s’agit d’une période où les villes se sont de plus en plus étalées créant l’avènement de nouvelles formes urbaines. Cet étalement est l’une des conséquences de l’essor démographique

encourage une concentration des villes. Dans le schéma inverse, la ville qui se diffuse est une ville qui se développe en périphérie, une ville qui s’aère. La ville du XXI ème siècle exige un développement urbain compact et intense et d’un point de vue urbanistique, l’enjeu principal est aujourd’hui de limiter le déploiement urbain en périphérie. Dans ce contexte, il s'agit de questionner les nouvelles stratégies d'aménagements qui interviennent dans cette densité3.

de cette période, qui intervient sur la croissance urbaine. En effet, l’augmentation de la population observée au XIX ème siècle eu un effet non négligeable sur le développement des villes. C’est ainsi que les villes doivent faire face à une nouvelle croissance. Une croissance

Cette réflexion sur la densification urbaine me préoccupe déjà depuis plusieurs années. Enfant déjà, sur mon vélo je me baladais beaucoup, entre villes et campagnes. Les rencontres et découvertes paysagères étaient pour moi un premier moyen d’élargir mon imaginaire infantile.

qui va questionner l’aménagement d'un futur urbanisme.

Il y a quelques années, au départ de Hem je suis partie en vélo sur les Pour

comprendre

les

principes

de

l’urbanisme

et

de

son

routes d’un voyage en direction de Paris.

développement, on distingue au début du XX ème siècle deux grands schémas urbains. Il s’agit des notions de la ville dense/compacte et de la ville diffuse/étalée. Selon Le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement 1 la ville

1

Merlin (Pierre) et Choay (Françoise), Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, deuxième édition revue et augmentée, Presses universitaires de France, 1988,p 845.

2

Politique menée, à partir des années 1980, par certaines grandes villes européennes pour enrayer les effets négatifs du desserrement de la population et des activités au cours des générations précédentes 3 D’après les sources du Larousse dictionnaire la densité est un terme de physique qui se traduit par un chiffre. Pour le démographe, elle est un outil classique d’analyse qui comptabilise le nombre d’habitants à l’hectare ou au kilomètre carré. Pour les acteurs de l’aménagement, les choses se compliquent: la densité s’exprimant par un chiffre, chacun pense que c’est un indicateur fiable, or un chiffre en lui même ne signifie pas grand chose, la densité n’étant qu’un indicateur parmi d’autres pour rendre compte des formes urbaines

6


Ce

parcours

captivant

magies

Afin de faire ma propre expérience du souterrain, je pris le choix

patrimoniales, une rencontre avec les paysages urbains et ruraux,

d’étudier la typologie troglodytique4 comme support de mon étude. Le

leurs aménagements, leurs topographies, leurs repères et lumières.

troglodytisme est né au XIII ème siècle, au début défensif il s’est

Au cours du cheminement, je commençais déjà à déceler des

transformé dés le XV ème siècle en lieu de vie. Je partis ainsi explorer

similitudes dans la composition des paysages traversés. Une certaine

l’une des villes françaises du Saumurois connue pour son patrimoine

évidence m’apparaissait alors dans les transitions entre villes et

troglodytique exceptionnel : la ville de Doué-la-Fontaine, située dans

campagnes et chaque jour, après la linéarité rurale parcourue, la

la région du Pays de la Loire, à 17km de Saumur et 50km d’Angers.5.

densité réapparaissait progressivement. C’est ici la genèse de ma

La région est considérée comme la plus dense en habitations et

première réflexion, qui interroge l’intégration des formes urbaines

exploitations troglodytiques français. Aux confins du bassin parisien

dans le profil des paysages. Le circuit vallonné me permettait de

et au contact du massif armoricain, l’extrême diversité géologique et

découvrir petit à petit la topographie et le relief des sols qui rythmaient

géothermique de ce territoire permet des formes troglodytiques

la cadence de mon avancée. Ainsi, au fil de la traversée, je portais

évoluées. Cette typologie du creux, partielle dans la ville, va influencer

progressivement

ses

l’aménagement du territoire et l’organisation des ses constructions

métamorphoses. Les villes me paraissaient de plus en plus saturées,

futures. Ce voyage m’a permis d’observer les conséquences du

discontinues et étalées. Afin de permettre aujourd’hui des villes

« trou » dans la ville et ainsi d’expérimenter les interactions et

denses, aérées et fluides il est pertinent de penser à (re)faire la ville

transitions entre le milieu aérien et le milieu souterrain

intérêt

fut

à

source

de

l’épaisseur

surprises

de

la

ville

et

et

à

sur la ville. C’est ainsi que je me suis intéressée à la troisième dimension de la ville : la profondeur. En questionnant les potentialités du sol et de son sous-sol, l’intérêt fut peu à peu porté sur l’investissement souterrain dans la ville. L’enjeu fut alors d’explorer comment

le

« dessous »

l’aménagement du territoire.

des

villes

peut

intervenir

dans

4

Pour éviter toute confusion, je tiens à faire la distinction : troglodytique désigne le mode de construction qui consiste à aménager les souterrains. Le troglodyte vient du latin « troglodyta », lui-même du grec ancien « τρωγλοδύτης », de « τρώγλη » (« caverne »), et « δύειν » (« pénétrer dans », « plonger »). Est un être humain ou un animal vivant dans les cavernes ou dans les espaces creusés. 5 cf. annexe 1 p 73

7


Conçu antérieurement aux problèmes de densité des villes modernes,

Dans un contexte de croissance/décroissance, le sous-sol intervient

le troglodytisme n’intervient pas directement comme résolution aux

aujourd’hui dans les débats villes concentrées, ville étalées. Il permet

difficultés. Consciente de ce fait, le choix de visiter les carrières et

d’anticiper la ville compacte ainsi que de répondre aux nouveaux

habitations troglodytiques fut pour moi un support de compréhension.

enjeux durables.

En effet, questionnant l’échelle du territoire, il me semblait pertinent de parcourir une ville troglodytique afin d’interroger l’évolution des

En quoi la typologie souterraine influence-t-elle lʼaménagement

aménagements urbains. Pourtant, au quotidien, en prenant le métro je

urbain et comment lʼexpérience sensorielle de ses espaces

suis confrontée à l’espace souterrain. Mais, à l’échelle de mon étude,

module-t-elle nos perceptions?

cet espace entièrement souterrain n’était, selon moi, pas adapté à mes attentes de recherche.

Les villes semblent avoir besoin d’air, on peut se demander comment aérer la ville sans la disperser dans sa périphérie? Et comment l’espace souterrain permettrait-il une nouvelle densité sans étouffer?

Il s’agit aujourd’hui dans ce mémoire d’introduire une réflexion sur l'épaisseur et l’investissement des sous-sols et d’en étudier son impact sur la transformation des territoires. Les notions d’ambiances liées à ce milieu particulier sont ici une idée clé dans la compréhension des perceptions urbaines. Ainsi, en s’intéressant aux sols /sous-sols et donc au dessous des villes, je poserai les différentes interrogations relatives à la ville de demain.

8


Méthodologie :

Les

deux

architectes/urbanistes

spécialisés

dans

l’habitat

bioclimatique et «l’archi-paysage» établissent dans leur livre des liens Par

sa

thématique,

le

séminaire

«Espace

public,

art,

anthropologie de l’espace » me conforta dans les prémisses de mes réflexions antérieures. L’idée d’explorer la notion de l’espace public m’encouragea à approfondir mes connaissances et perceptions de ces lieux qui questionnent l’urbanisme et le paysage.

pertinent entre l’habitat troglodytique et son contexte souterrain. Ainsi grâce aux contenus de leurs écrits qui questionnent d’une façon judicieuse : la manière d’habiter la roche, le mode de construction, l’impact sur l’environnement et les innovations architecturales, je pris connaissance de ces nombreux faits qui ont motivés mes quêtes sur l’habitat troglodytique comme support d’étude. Caractérisé par une

Pour réaliser ce mémoire, j’ai entrepris trois types d’actions. Tout d’abord la lecture d’ouvrages théoriques qui se sont spécifiés au cours de la recherche. Dans un second temps, la visite d’une ville troglodytique et enfin un travail d’enquête-action avec la rencontre de différents acteurs qui m’ont permis de récolter les informations nécessaires pour mon étude.

architecture en «creux», ce type d’habitat original permet des apports énergétiques, négligeable.

économiques, Interrogeant

architecturaux

l’investissement

et du

paysagers sous-sol

non

comme

hypothèse d’aménagement, je prenais la visite troglodytique comme un outil d’investigation pour la recherche. En parallèle à l’organisation du départ, la lecture des ouvrages m’indiquait progressivement de nouvelles pistes de recherches. C’est notamment avec les réflexions

Les premières lectures se sont tout d’abord orientées sur le phénomène du troglodytisme et plus particulièrement sur le mode d’habiter en sous sol. Un phénomène naissant au XV ème siècle qui se modernise au début du XX ème siècle. L’ouvrage de Jean Charles Trebbi et Patrick Bertholoo,6 Habiter le paysage, maisons creusées,

du sociologue et directeur de recherche au CNRS7 Jean Paul Thibaud, de l'architecte Grégoire Chelkoff et de Jean François Augoyard, philosophe et fondateur du CRESSON8 que mon étude s’orienta vers les ambiances en ville et plus particulièrement, aux ambiances « sous » la ville comme expérience urbaine et sensible.

maisons végétales fut une introduction au sujet de recherche. 6

Trebbi (Jean-Charles) et Bertholoo (Patrick), Habiter le paysage, maisons creusées maisons végétales, Editions Alternatives, 2006.

7 8

Centre national de la recherche scientifique Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain

9


L’ouvrage Ambiance sous la ville 9 fut révélateur pour l’étude de la

- L’agence d’architecture Bruneteaux/Dahhan situé dans la commune

troisième partie de ce mémoire. Je m’appuierai également au cours

Les Rosiers sur Loire qui a étudié l’architecture troglodytique et sa

de mon écrit plus précisément sur les auteurs spécialistes tel

réhabilitation. - Mr Perdereau, propriétaire du site « troglodytes et sarcophages » à

Françoise Choay, historienne des théories et des formes urbaines et architecturales qui a entrepris en 1965 une anthologie

10

Doué la fontaine et Mr Aubineau propriétaire du site « des perrières ».

sur

Leurs informations par mails furent nécessaires à l’organisation de

l'urbanisme, où elle explore les questions de l'évolution des

mes visites.

aménagements urbains ; à l’architecte Utudjian Edouard qui formalisa

- Mr Girault photographe et écrivain avec qui j’eu quelques échanges

l’urbanisme souterrain et au théoricien Arnheim Rudolf pour ses

avant et après le voyage.

réflexions sur la spatialité en architecture. Afin de prendre en compte la terminologie de l’espace souterrain, au travers des ouvrages, j’ai

La méthode principale fut de parcourir l’agglomération en marchant

ensuite constitué un lexique11 relevant les termes employés par les

afin de prendre conscience et connaissance des épaisseurs de la ville,

divers auteurs pour évoquer le sous-sol. Un travail qui m’a permis de

comme l’écrit Gordon Cullen dans son ouvrage The concise

prendre conscience de la spécificité et de la diversité des termes

townscape 13 «On apprend à connaître une ville en marchant, on

utilisés.

apprend à connaître un bâtiment en le parcourant». Par confort et

Pour préparer le voyage prévu pour le début du mois de février je pris

habitude j’ai choisi la marche comme outil d’investigation pour

contact avec plusieurs organismes publics et privés des villes de

comprendre l’organisation de la ville et pour m’imprégner des qualités

Doué la fontaine et Angers où se trouve le CAUE12de la région. Avec :

de son sol. Par ce moyen, je m’efforçais à rester attentive à tout contexte et indices extérieurs qui me permettaient de comprendre l’existence de cette ville immergée 14 . Je suis ainsi partie sur une

9

Chelkoff (Grégoire) et Thibaud (Jean-Paul), Ambiance sous la ville : une approche écologique des espaces publics souterrains, Convention de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, laboratoire du Cresson, 1997. 10 Choay (Françoise), L’urbanisme, utopies et réalités une anthologie, éditions du Seuil, 1965. 11 Cf annexe 9 p 84 12 Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement

période de cinq jours début février avant le commencement de mon

13

Cullen (Gordon), The concise townscape, the architectural press, 1996

14

Selon les termes de Jean-Paul Thibault, cf annexe 9 p84

10


stage en agence. Dés mon arrivée je me suis fait surprendre par les

dans les rues. La succession de dessins et de photos que j’effectuais

conditions climatiques ; le sol était en effet recouvert de 10cm de

au cours du parcours me permettait de suggérer le mouvement et le

neige! Un climat avec lequel je dus cohabiter pour mon étude. Une

temps. Le but de mes observations était de percevoir, de comprendre

fois sur place, les pieds dans la neige, je récoltais alors le maximum

les transitions entre les mondes aériens et souterrains. C’est ainsi que

de données nécessaires en créant des relevés, des dessins, des

le sol et ses usages furent l’une de mes attentions principales. Pour

schémas, des enregistrements et des photographies. J’avais au

compléter l’investigation, j'entrepris un travail d’enquête-action sur le

préalable préparé des tableaux15 à remplir afin d’optimiser le temps

site, constitué d’une succession d’entretiens avec des habitants

sur le site. Je m’efforçai également d’effectuer une analyse

troglodytes et autres propriétaires de la ville ainsi qu’avec des

séquentielle

objets

professionnels travaillant sur le sujet. Les entretiens se faisaient de

d’observations. Pour constituer cette liste je me suis inspirée de

manière spontanée au cours des visites. Ce qui me permettait de

l’ouvrage de l'architecte Dominique Spinetta16 dans lequel il donne

poser les questions selon les sites et leurs contextes urbains. Afin de

une méthode pour la lecture de la ville. Divisé en trois chapitres, il

conforter mes réflexions sur les formes et densités urbaines dans un

donne une série de définitions illustrées qui m’a permis de distinguer

enjeu durable, la visite d’un site troglodytique fut primordiale dans

quelques points importants pour mon observation.17Pour satisfaire

l’expérimentation de ces transitions entre espace aérien souterrain.

avec

pour

éléments

d’études,

divers

mon travail, en tant que future architecte, je pense que d’autres outils, tel des outils de géomètres auraient été un supplément nécessaire à

De ce fait, en première partie, les notions de densité et de

l’étude des sols.

transformations des territoires introduiront les réflexions sur une façon originale de pensée l’urbanisme : l’urbanisme souterrain. Intervenant

Les objectifs étaient fixés, je marchais et me laissais ainsi divaguer

dans l’aménagement des villes et leur patrimoine, il s’agira d’explorer comment les espaces souterrains répondent aux réflexions durables.

15

cf. annexe 10 p 86 Spinetta (Dominique), L’apprentissage du regard, savoir-faire de l’architecture, éditions de la Vilette,2002.

16

Des réflexions liées à un sol géologique et urbain qui évolue au travers du temps.

11


Ensuite, il s’agira de comprendre la genèse et l’imaginaire liés à ces espaces qui influencent encore aujourd’hui notre perception de ces lieux du « dessous ». Des lieux qui seront ensuite étudiés à l’échelle urbaine au travers de la typologie troglodytique de la ville de Doué-laFontaine.

Une

étude

qui

permettra

d’explorer

les

objectifs

architecturaux et paysagers de cette configuration, dans un contexte novateur.

Finalement, la dernière partie présentera l’espace souterrain comme espace révélateur d’ambiances. L’étude des transitions entre les deux univers ainsi que l’étude des phénomènes physiques permettra d’exploiter l’impact de ces lieux dans la perception urbaine.

12


I- Urbanisme et nouvelle densité, évolution et transformation du territoire. IA- Densité et disponibilité spatiale a) La ville comme espace expérimental, laboratoire d’échange et expérience urbaine.

Au cours de mes études et de mon apprentissage en architecture, j’ai progressivement compris que la ville est un réel laboratoire d’échange, un lieu propice aux rencontres. Ainsi, par expérience, je peux distinguer trois échelles d’observations: une échelle urbaine qui permet de (re)penser l’organisation générale des villes et de ses flux, une échelle paysagère qui (re)questionne les accès et l’empreint au

Dans un contexte d'exploration des typologies urbaines, cette

“naturel” dans les métamorphoses du territoire. Enfin, une échelle

première partie expose la ville comme espace expérimental. Depuis la

architecturale qui engage des recherches et conceptions plus à

formation des villes dans l’antiquité, les espaces urbains et ruraux

l’échelle humaine. Il est vrai que l’ensemble des actions sur le site

sont en effet considérés pour les théoriciens et les concepteurs,

interroge la morphologie des villes et donc des formes urbaines. Des

comme de vastes territoires d’expériences. En terme urbanistique,

interrogations que l'on retrouve dans l'ouvrage de Sitte Camillo18 et

architectural et paysager, ces derniers semblent être un terrain d’objet

Françoise Choay19 L'art de bâtir les villes20. Les auteurs analysent ici

propice à la manipulation. Un lieu d’action où l’on expérimente la

dans leurs écrits, les structures urbaines des villes avant leurs

spatialité et les volumes qui vont alors influencer directement

mutations et se questionnent sur l'esthétique de l'urbanisme grâce à

l’organisation et la planification générale des villes, des modes de vies

l'étude des éléments qui constituent le tissu urbain.

et ainsi de notre quotidien. Il est intéressant de visualiser les opérations de transformations comme le regroupement de l’ensemble des actions et expérimentations17.

18

Sitte Camilli est architecte et théoricien de l'architecture

19 17

Selon l’encyclopédie Wikipédia, “ l’expérimentation est une méthode scientifique qui consiste à tester par des expériences répétées la validité d'une hypothèse et à obtenir des données quantitatives permettant de l'affiner “

Françoise Choay est historienne des théories et des formes urbaines et architecturales. Elle était professeur aux universités de Paris I et Paris-VIII. 20 Sitte (Camillo), L’art de bâtir les villes, l’urbanisme selon ses fondements artistiques, édition du Seuil, 1996.

13


L’évolution

21

et l’émancipation des villes sont selon moi en

Au fil des années de formation, nous devons en tant que futurs

permanence régis par un groupement de pratiques expérimentales et

architectes, de plus en plus appréhender le territoire et tenter

théoriques qui influent au quotidien les paysages de demain.

d’expérimenter ses potentiels. Par leurs propriétés physiques et

L’évolution des formes urbaines et des stratégies d’interventions sur

morphologiques, ils présentent de forts potentiels et l’un des enjeux

et dans le sol permettent les interactions entre les sociétés et le cadre

dans la transformation des villes et l'évolution des formes urbaines

bâti dans lequel elles évoluent.

semble d’exploiter les richesses existantes, afin d’en extraire les qualités. Un travail dans la conception du projet que je ne peux pas

Durant ma formation en architecture, je suis, avec mes collègues,

dissocier des critères historiques, économiques et réalités sociales

confrontée à ces expérimentations en permanence. En effet, afin de

des sites.

comprendre les territoires, il est indispensable de prendre le temps de manipuler les formes, volumes, espaces, mais surtout les territoires et

Il est ainsi intéressant de penser la transformation de la ville comme

leurs sols, leurs limites, leurs morphologies, leurs géologies. C’est

phénomène d'intervention pour expérimenter et élargir le champ des

principalement par le biais de maquettes, que nous, étudiants en

possibles de nos modes de vies. L’urbanisme s’associe parfois à

architecture

caractéristiques

l‘architecture, parfois à la géographie. Comme en agriculture, le

morphologiques des territoires. Le plus souvent le seul contact que

terrain, «la terre» semble être le facteur essentiel aux métamorphoses.

l’on a avec le sol et le sous-sol, est lorsque que l’on dessine les

La tridimensionnalité des sites est caractérisé en terme de largeur,

fondations de nos bâtiments ou encore lorsque que l’on interroge

hauteur et profondeur. Trois dimensions qui offrent des opportunités

l’espace paysager.

d'aménagement pour le concepteur. C’est ainsi que je questionne

et

paysage,

expérimentons

les

aujourd’hui la dimension prospective du souterrain qui paraît être une nouvelle approche à la qualité des transformations. Il s’agit de 21

Extrait du Larousse : Passage progressif d’un état à un autre. Ensemble de ces modifications, stade atteint dans ce processus, considérés comme un progrès ; développement : Être arrivé à un haut degré d'évolution. Ensemble des changements subis au cours des temps géologiques par les lignées animales et végétales, ayant eu pour résultat l'apparition de formes nouvelles.

comprendre l’influence de ces espaces sur notre perception urbaine ainsi que dans nos pratiques quotidiennes.

14


En effet, il est vrai que beaucoup d’entre nous pensons la

b) L’urbanisme souterrain dans une réflexion sur l’aménagement des villes

transformation des volumes en surface en oubliant la présence de son sous-sol qui influence de manière inéluctable l’organisation des villes.

L’urbanisme est une discipline récente qui émerge au début du

22

En France, par exemple l’association de l’Aftes soutient l’importance du sous-sol, dans la configuration des villes et expose l’espace souterrain comme un outil de reconquête urbaine.

Il semble en effet enrichissant au sein de l’étude de considérer le contexte souterrain et les réalités historiques, sociales, économiques comme espace d'expérience pour la ville. Un contexte qui va influencer les interventions et les aménagements vers un nouvel urbanisme.

XX ème siècle. Selon Françoise Choay l’urbanisme est un « champ d’action, pluridisciplinaire par essence, qui vise à créer dans le temps une disposition ordonnée de l’espace en recherchant harmonie et efficacité, c’est à dire à concilier commodité et économie. Il est alternativement défini comme science, art et/ou technique de l’organisation spatiale des établissements humains» 23 . Les trois vocations de «sciences, art et technique» soulignent déjà selon moi la difficulté à saisir la définition du terme et introduisent la complexité du concept.

La réflexion introduit dans ce mémoire, la notion de l’urbanisme souterrain, un peu méconnu dans un contexte d’aménagement des villes. C’est en 1774, à Paris, après un effondrement dans le quartier St Michel que l’on commença à se préoccuper, en France, des questions relatives à l’espace souterrain.

22

Association française des tunnels et de l’espace souterrain nait en 1972 et regroupe depuis 2011 800 membres français et étrangers. l’Aftes est administré par un conseil d’administration et gérée par un bureau exécutif composé de 7 comités. Lien internet : http://www.aftes.asso.fr

23

Merlin (Pierre) et Choay (Françoise), Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, deuxième édition revue et augmentée, Presses universitaires de France, 1988

15


Plus tard, en 1910, dans un contexte d’avant guerre, l’architecte et urbaniste français, Eugene Hénard, évoque déjà le principe “de la rue à étages multiples”, où il imaginait la ville dans sa profondeur constituée d’une superposition d’usages qui s’adaptait selon les besoins urbains. Quelques années plus tard, en France, le concept d’urbanisme souterrain pris naissance en 1930 avec l’architecte et urbaniste arménien Edouard Utudjian. Monsieur Utudjian était l’élève d’Auguste Perret et fut considéré comme “apôtre de l’urbanisme souterrain” car il fut le premier à nommer et à s’intéresser réellement aux potentiels de ces espaces. Il évoque clairement ses ambitions en 1966 dans son ouvrage Architecture et urbanisme souterrains où il énonce qu’ «Après la terre, après la mer et l’air, c’est le sous-sol qu’on commence à conquérir». 24

Figure 1: Le zoning souterrain selon Edouard Utudjian, année 1950 Source : Utudjian (Edouard), L’urbanisme souterrain, presses universitaires de France, collection que sais-je, 1972. Auteur inconnu.

24

Utudjian (Edouard), Architecture et Urbanisme souterrains, Robert Laffont éditeur, 1966 p73.

16


De plus, au cours de leur ouvrage,25 Sabine Barles 26 et Sarah Jardel 27

Pour lui, il s’agit d’utiliser le sous-sol comme un espace de débarras.

définissent la notion selon les termes du précurseur Utudjian

«Le principe majeur est d’enfouir sous terre tous les organes utilitaires

« L’urbanisme souterrain, discipline visant à une utilisation raisonnée

de la cité, comme l’est la cave par rapport à la maison»

sinon raisonnable de l’espace souterrain, à la troisième selon les uns,

réflexions d’Utudjian partent en effet du constat de l’accroissement

quatrième, selon les autres dimension dans la réflexion urbanistique et

des pratiques automobiles depuis le XIX ème siècles. Ainsi la

planification urbaine ».Il est enrichissant de trouver une telle définition

congestion urbaine, notamment des modes de circulations, que l’on

dans un ouvrage qui introduit les réflexions sur l’aménagement à

peut encore observer de nos jours dans les grandes villes est en

grande échelle des villes de Montréal et de Tokyo. Cet ouvrage fait

partie, résolue par ce phénomène d’urbanisme souterrain. C'est

Architecture

principalement l’insertion des lignes de transports qui va faciliter

et urbanisme souterrains. L'architecte énonce ici la genèse, l’usage et

l'organisation des flux dans l'aménagement d’une ville dense. Au

les

sur

quotidien, nous sommes tous confrontés à ces pratiques de

que

circulation et l’enjeu majeur semble d’améliorer les conditions vitales

référence

divers

au

livre

de

Utudjian

aménagements

l’encombrement

des

flux

publié

envisagés urbains.

en

dans

En

effet

1966

une il

réflexion explique

«L’urbanisme souterrain est une solution d’allégement»28.

29

Les

des populations urbaines, dans leurs modes de circuler mais aussi dans leur manière d’habiter.

Cette émergence questionne les procédures administratives qui supposent une remise en question des conceptions et réflexions juridiques. En effet l'urbanisme souterrain semble être peu pris en 25

Barles (Sabine) et Jardel (Sarah), L’urbanisme souterrain : étude comparée exploratoire, Laboratoire théorie des mutations urbaines, “ collection que sais-je?”, Avril 2005. 26 Ingénieure en génie civil et docteur en urbanisme 27

Titulaire d'un DESS en urbanisme et aménagement (Paris 8, Institut français d'urbanisme, 2004). Chercheur au Laboratoire Théorie des mutations urbaines, de l'Institut français d'urbanisme (en 2005). 28 Utudjian (Edouard), Architecture et Urbanisme souterrains, robert Laffont éditeur, 1966 p5

compte dans les documents urbanistiques et est souvent absent du tracé cadastral. Il est vrai qu’aucune politique d’investissement du sous-sol n’est indiquée. En France les espaces creusés ne sont pas 29

Utudjian (Edouard), Architecture et Urbanisme souterrains, robert Laffont éditeur, 1966 p79

17


envisagés comme des acquisitions construites et ne possèdent donc

Le sous-sol semble une ressource complexe qu’il faut étudier de

pas d’assurance de propriété.

façon stratégique et qui nécessite une bonne gouvernance. D’après les prérequis de l’AFTES, il «mérite d’être répertorié, représenté,

Lors de mon périple dans la ville de Doué la Fontaine, j’eu l’occasion

communiqué; sa mémoire et sa connaissance doivent être gérées et

de rencontrer des habitants, et je me souviens de l’un d’eux qui

rendues accessibles à tous les professionnels de l’aménagement ainsi

s’exclama en disant « Nous, les troglos on est des rebelles, et nous

qu’aux décideurs»31 Selon Sandrine Barles, docteur en urbanisme et

sommes propriétaire du vide »30 Un fait étonnant au XXI ème siècle. Il

en aménagement, les règles de l’urbanisme tel le POS (Plan

existe en effet des différences d’imposition entre l’habitat en sous

d’Occupation

face et l’habitat en surface. Au cours d’un échange, Mr Perdereau

d’Aménagement et d’Urbanisme) devraient inclure la présence du

Philippe me confia « On a coutume de dire que ce qui est sous terre

sous sol de manière explicite. Il s’agit d’une conception où l’espace

n'est pas imposable; mais en réalité, maintenant, si l'on réhabilite un

en surface et l’espace souterrain doivent être traités ensemble et de

troglos, il faut faire les demandes administratives »33De manière

manière complémentaire. Dans l’extrait La ville, problématique de

juridique seule la façade serait pris en compte comme élément bâti.

l’espace souterrain Daniel Farray soumet d’ailleurs la réflexion d’une

Cependant chaque Français doit déclarer ses revenus et sa surface

administration raisonnée de l’espace souterrain, qui travaillerait en

habitable, en troglos la démarche est un peu particulière du fait que la

corrélation avec l’aménagement aérien. Il envisage même la

roche bouge et donc fait sans cesse varier la surface d’habitation.

dénomination de POSS, «Plan d’Occupation du Sous-Sol », qu’il

« Les propriétaires de troglos sont

soumet comme la prise en compte du sous sol dans l’aménagement

Ainsi comme témoigne Philippe souvent

atypiques

et

parfois

rebelles;

ils

peuvent

oublier

des

Sols)

et

le

SDAU

(Schémas

Directeur

urbain.

"volontairement" les démarches administratives... »30

31

30

cf. annexe 6 p 80.

Issu du Manifeste de L’aftes ; http://www.aftes.asso.fr/contenus/upload/File/Comite%20Espace%20Souterrain/Publicatio ns/AFTES%20Manifest%20a20101214_Court.pdf. 2006, consultée en mai 2012

18


Cette prise en compte semble toucher plusieurs personnalités tel

De surcroit, Pour approfondir et soutenir ces principes, de

Michel Labbe, architecte et membre au bureau de l’association

nombreuses associations 34 mondiales ont vu le jour lançant des

Espace souterrain qui écrit: « Le sous sol est introduit à devenir une

revues, des activités politiques et des congrès internationaux. Cette

partie vivante de la ville»32. L’emploi du terme «vivante» est fort et

prise en compte urbanistique questionne dés lors les nouveaux enjeux

témoigne selon moi ici le souterrain comme un espace faisant partie

environnementaux, à la fois dans la préservation patrimoniale et dans

intégrante de l’urbanité des villes.

un contexte durable.

Au fil des années, les projets à la fois urbanistiques et architecturaux prennent de l’ampleur et concernent les réflexions internationales sur l’aménagement. L’exemple le plus répandu est celui de la ville de Montréal avec ses impressionnants aménagements sous terre. Outre les pratiques classiques telles les réseaux techniques, la ville de Montréal utilise son sous-sol principalement pour les transports en communs ainsi que pour la conception de centres commerciaux. D’une longueur de 30km dans les années 1990, avec 178 accès dont 150 sur rue, avec prés de 35% des commerces du centre ville et d’une moyenne de 500 000 visiteurs par jour, on parle ici d’une réelle « ville intérieure » .33

32

http://www.aftes.asso.fr/contenus/upload/File/Espace%20Souterrain/Documents/DuPro cheAuLointain.pdf 33 Source issu de l’ouvrage de Barles (Sabine) et Jardel (Sarah), L’urbanisme souterrain : étude comparée exploratoire, Laboratoire théorie des mutations urbaines, “ collection que sais-je?”, Avril 2005.p9

34

Elles sont le plus souvent composées ingénieurs, architectes, paysagistes, géologues, juristes, biologistes, chimistes, géotechniciens.. Groupe d’études et de coordination de l’urbanisme souterrain (GECUS) fondé en 1933 par utudjian , aujourd’hui qui compte 385 membres. Aftes association française en 1972, AITES internationale en 1974 relayés depuis 1995 par CUUS, association des centres de recherche en urbanisme souterrain. En 1988 l’association française des tunnels et des espaces souterrains (Aftes) militait pour “que l’utilisation du sous-sol soit soumise aux même règles d’urbanisme que les constructions de surface” car le sous-sol fait partis des aménagements urbains. L’association ne traite pas ici les propriétés techniques des souterrains mais s’engage à faire connaître les pratiques possibles du sous-sol. Elle s’attache également à faire étudier les obstacles administratif et juridiques liés à ces espaces.

19


IB- Villes, patrimoines et enjeux écologiques

Il y eu quelques rebondissements sur la question de la préservation en

a) Espace vécu et mémoire collective

architecture, notamment avec le mouvement moderne qui a incité une rupture de l’héritage urbanistique des siècles précédent. Mais depuis

Dans

sa démarche Edouard Utudjian initia le concept

le XX ème siècle, avec la loi Malraux et la loi des secteurs

d’urbanisme souterrain dans le but premier de préserver le patrimoine

sauvegardés, la prise en compte du patrimoine existant est

urbain. Il énonce en 1966 :

importante .Classé ou inscrit, cette protection permet entre autre de conserver un héritage qui est significatif des villes. Chacune des villes

Il est regrettable qu’on abatte, comme on l’a fait naguère, et

se sont construites et se développent encore aujourd’hui sur un

comme il arrive qu’on le fasse encore, des quartiers entiers

espace urbain hérité. Le patrimoine urbain est souvent un symbole

qui ont l’histoire dans leurs murs et la beauté de leurs

pour le citadin et au fil des années se grave dans les mémoires

façade, au nom des besoins actuels; on perce des rues, on

collectives. J’aimerai introduire dans cette partie la richesse du

remplace d’anciennes constructions par des immeubles neufs, sans soucis de la réalité, sans discipline35.

patrimoine troglodytique qui interroge l’héritage architectural et urbanistique. En effet, en parallèle des actions qui ont défini l’urbanisme

Cette citation ouvre la réflexion sur les rapports entre l’aménagement des territoires urbains, les rapports temporels entre le passé, le présent, le futur et l’intérêt que je porte à la notion de patrimoine. Un patrimoine perçu en tant qu’espace vécu et en tant que support aux préoccupations durables.

souterrain,

cette

dénomination

prend

appuie

sur

l’avènement du troglodytisme. La nécessité de ce mode de construction fut à travers plusieurs civilisations à l’origine de trois besoins humains : l’exploitation, la circulation et la protection. Ainsi plusieurs études démontrent que ce patrimoine fut un atout pour le développement des territoires et fait partie d’occupations collectives et historiques.

35

Utudjian (Edouard), Architecture et Urbanisme souterrains, robert Laffont éditeur, 1966, p64

20


L’une des récentes interventions, qui ébauche les réflexions sur ce

C’est plus précisément en 2005, grâce au programme européen

patrimoine comme un atout de développement fut le colloque

«Cavesnetwork»37 que l’on entrepris la protection et la préservation

européen en Saumurois.

Car il ne faut oublier qu’au cours des

des cavités souterraines dans le monde. En lisant une fiche

dernières décennies, les villes se densifient et que les sous-sols

enseignante d’architecte sur la notion de patrimoine38, j’ai retenu trois

s’intensifient.

termes pour moi significatifs pour définir le patrimoine: «collectif»,

Au cours de mon investigation dans le Maine et Loire, je pris

«identité» et «pérennité». Il est collectif car il semble faire partie d’une

conscience de l’importance de la préservation de ces lieux

connaissance et mémoire commune; l’identité souligne la notion

particuliers, qui caractérisent le profil de la région. Comme l’énonce

d’élément distinctif dans un environnement, enfin la pérennité renvoi

Françoise Choay en 2006, dans son livre, Pour une anthropologie de

au caractère de la durée presque éternelle du patrimoine.

l’espace, « le monument sollicite et mobilise par sa présence physique une mémoire vivante, corporelle, organique »36. Il peut sembler un peu

Dans un souci de préservation de nos richesses, notre devoir en tant

paradoxale ici de parler de monument pour évoquer le troglodytisme

que concepteurs, aménageurs et gestionnaires de la ville est entre

qui est caractérisé par une architecture conçue dans la roche. Mais il

autre de préserver et de pérenniser l’avenir des patrimoines urbains.

semble important dans l'étude, de considérer cette typologie tel un monument. J’entends ici par monument, un ouvrage architecture inscrit dans son histoire. Le contexte souterrain apparaît dés lors comme témoin de notre passé, un héritage que l’on ne doit pas négliger.

36

37

Opérationnel depuis octobre 2005, « Cavesnetwork » est un projet qui a pour objectif la valorisation économique et culturelle des troglodytes et cavités souterraines à travers un programme d'échange de pratiques et de savoir-faire entre partenaires européens.

38

Service pédagogique Château Guillaume le conquérant 14700 Falaise, fiche enseignant “la notion de patrimoine” Extrait de la définition suivante « Le mot patrimoine vient du latin patrimonium qui signifie littéralement « l’héritage du père ». A l’origine, il désigne l’héritage que l’on tient de son père et que l’on transmet à ses enfants. Il a alors un sens de bien individuel. La notion de patrimoine dans son acceptation de bien collectif peut se définir comme l’ensemble des richesses d’ordre culturel – matérielles et immatérielles – appartenant à une communauté, héritage du passé ou témoins du monde actuel. Le patrimoine est aussi bien naturel que culturel. Il est considéré comme indispensable à l’identité et à la pérennité d’une communauté donnée et comme étant le résultat de son talent. A ce titre, il est reconnu comme digne d’être sauvegardé et mis en valeur afin d’être partagé par tous et transmis aux générations futures. »

Choay (Françoise), Pour une anthropologie de l’espace, éditions du Seuil, 2006, p 266

21


Un patrimoine qui doit perdurer et qui permet d’anticiper l’avenir des

b) Patrimoine et enjeux actuels du développement durable

territoires dans l’histoire.

Il

s’agit au cours de ce point d’explorer la préservation de ce

Françoise Choay prône pour l’investissement des enseignants dans

patrimoine et de son intervention au sein des préoccupations

notre formation quant à la prise en compte du patrimoine existant. Elle

actuelles liées au développement durable. En effet, dans un objectif

évoque ainsi à propos du patrimoine que «son étude, sa visite, son

de ville pérenne, c’est depuis plusieurs années que les politiques,

exploration

doute

architectes et urbanistes expriment leurs engagements en faveur du

aujourd’hui des seuls moyens de les réconcilier avec l’expérience de

durable. Il s’agit pour eux de concilier dans leurs interventions les

la durée, de leur faire découvrir l’échelle humaine»39. Impliquée au fil

aspirations des citoyens et les nouvelles contraintes liés à la

des mes études dans ces préoccupations, je peux ainsi me demander

préservation de notre environnement. Le développement durable a été

comment donner un futur au passé?

défini en 1987 au cours de la commission mondiale des Nations unies

corporelle,

son

questionnement

sont

sans

sur

l’environnement

et

le

développement.

Selon

l’article

de

Les convictions qui ont émergées sur la sauvegarde du patrimoine ont

Nascimento Iuli, “il s’agit d’un mode de croissance qui garantit au

permis un regard différent sur le patrimoine troglodytique, dans le

long terme le progrès à la fois économique, social et environnemental

monde et en France. Cet engouement pour les espaces souterrains

de la société.” 40

depuis le milieu du XX ème siècle vont ainsi de pair avec les réflexions écologiques.

L’enjeu de la recherche est ici de présenter les qualités des espaces souterrains comme espaces bénéfiques aux préoccupations durables. Car il faut le noter, il n’y a de «durable» sans la prise en compte des ressources. Les législations sur l’environnement préconisent les biens à sauvegarder essentiellement les milieux naturels avec leur 40

39

Choay (Françoise), Pour une anthropologie de l’espace, éditions du Seuil, 2006, p 315

Extrait de la revue de Nascimento (iuli), “ le développement durable “, Note Rapide IAUIDF, N°346, décembre 2003 p 2

22


patrimoine bâti et archéologique. L’environnement souterrain s'insère

Ensuite, l’inertie thermique et la faible conductivité, due à la masse de

de manière subtile et volontaire dans les nouvelles volontés politiques.

la roche, conserve la chaleur accumulée en hiver et garde la fraicheur

En effet comme l’énonce l’ingénieur géotechnicien Jean Piraud, dans

en été. Cette conception que l’on peut qualifier d’architecturale et de

l’article Utiliser et aménager l’espace souterrain 41 «la ville durable du

paysagère permet une anticipation énergétique indéniable. De plus, le

futur sera plus compacte et ne pourra se passer de son sous-sol» La

sous-sol protège et confine son espace, il figure alors comme un lieu

«disponibilité» semble être une des premières propriétés de l’espace

idéal de stockage, et principalement comme support de stockage de

souterrain. De plus dans un contexte où l’on s’engage à limiter les

gaz, de pétrole, de déchets et de CO2. .Cette capacité de réserve

dépenses énergétiques, les propriétés physiques des sous-sols

intervient directement dans la préservation de l’environnement et dans

présentent de vastes qualités. Initialement, dés la construction,

la diminution de la pollution sur terre.

l’espace souterrain semble économique, les maisons troglodytiques par exemple se sont construites par soustraction de matière. En effet,

L’opacité de ces espaces qui intègre une architecture dans le sol

on extrayait la pierre du sous-sol que l’on utilisait ensuite pour la

permet également un impact moindre sur le paysage existant et

construction des habitations en surface, un double avantage en une

assure ainsi un rôle durable dans la préservation du cadre de vie des

action.

usagers.

Il

est

facile

d’imaginer

que

le

paysage

crée

par

l’enfouissement atteste d’une interaction « harmonieuse » entre Ces espaces sont de plus avantageux en matière d’énergie grâce à

l’environnement, le territoire et l’homme. C’est ainsi que les

l’isolation sonore et thermique qui se fait de façon naturelle grâce à

aménagements envisageables de l’espace souterrain répondent à la

l'épaisseur de la roche et est donc optimale. Une roche dans la région

valorisation

du Maine et Loire qui est le falun ou le tuffeau et qui par leurs

environnements et à leurs évolutions dans un contexte durable.

des

centres

anciens,

à

l’intégration

dans

leurs

propriétés permettent la qualité de la construction.

41

Piraud (Jean) « Utiliser et aménager l’espace souterrain », revues géosciences, 10 enjeux des géosciences, 2009.p110

23


Ces évolutions vers le durable dépendent néanmoins des richesses

IC- Territoire et sol, vers un sol urbanisé

géographiques, géologiques et urbaines des territoires. Cette prise en

a) Stratification et paysage géologique

compte met en avant les propriétés des sols stratifiés qui vont influencés l'aménagement des villes.

Il y a dix millions d’années, l’ouest de la France fut partiellement envahi par la mer des faluns. En effet il est impressionnant de constater qu’à cette époque le niveau des océans était élevé et que la Bretagne était une île, la région de Doué-la-Fontaine, une zone côtière. Les faluns sont des sables composés de coquillages de l’ère tertiaire et se matérialise par un dépôt épais et pelliculaire. Dans la région du Maine et Loire, le bassin de Doué-la-Fontaine se distingue par l’importance du gisement de falun qui sera un atout pour la ville et sa formation troglodytique.

Figure 2 : Situation géographique de la ville de Doué-laFontaine il y a 10 millions d'années

Source :Carte postale

+V\t SH MVU[HPUL

Site troglodytes et sarcophages-Douéla-Fontaine

24


La composition géologique des sols est organisée de milliards de

J’imagine ainsi ici qu’il y paysage dés qu’il y a matière. Il s’agit ici

strates qui se distinguent par leurs textures, leurs couleurs, leurs

d’un paysage d’ordre géologique du sous-sol qui est rendu visible,

proportions et leurs aspects. Ce regroupement et cet étagement

par exemple dans la typologie troglodytique de la région du Maine et

créent au fil des siècles une topographie particulière qui identifie le

Loire. Creusé à la verticale ou à l’horizontale, nommé troglodysme de

relief des sites. En observant les coupes géologiques, nous prenons

plaine et troglodysme de coteau il donne à voir la matière et son relief

vite conscience et connaissance de la richesse du sol sur lequel nous

et intervient alors dans la perception urbaine. (cf. figure 10 p 39) Il faut

marchons. Le sol est ainsi selon les climats, formé par une succession

savoir ici qu’entre le sol naturel, c’est à dire un sol qui n’a pas subi

de métamorphoses permanentes liée aux processus de stratification

d’interventions, et le sol actuel il y a une multitude de strates

et de sédimentation. Il semble être un élément instable sur et dans

composites qui seront plus ou moins exploités au fil des années. Il

lequel l’homme doit appréhender son investissement.

faut dés lors, recontextualiser les potentiels du territoire, du sol dans son volume, vers une évolution des compositions urbaines. De plus, il

De surcroît, en étudiant les coupes archéologiques nous remarquons

est important de rappeler le fait qu'initialement les villes prennent

l’enchainement des couleurs et des reliefs qui forment un «paysage»

naissance sur des lieux naturels de communications. Elles sont ainsi

stratifié intéressant à distinguer. Je mets ici le terme paysage entre

fondées sur des sols sédimentaires, en grande majorité, au bord des

guillemets car la notion doit être entendu au sens large. Selon la

réseaux hydrauliques tels les mers ou rivières. La région du Maine et

définition donnée dans la convention européenne du paysage 42 «il est

Loire par exemple possède l'un des plus important réseaux

une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le

hydraulique de France, avec plus de 4000 km de rivières, fleuves,

caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de

ruisseaux. On parle ici de réseaux dés qu’il y a contacts et échanges

leurs interrelations.»

entre les flux. L’emprise spatiale est alors délimitée et la formation géologique des sols a contraint certains territoires et a donc créé un environnement qui est physiquement limité.

42

Extrait du cilabus écologie et territoire, années académique 2010 2011, gestion environnemental, chapitre 3 introduction aux approches paysagères de la diversité des territoires contemporains. p4

25


Ceci souligne les limites qu'il faut prendre en compte dans le

b) Stratification urbaine et évolution de la considération des sols

développement et l’aménagement des territoires à urbaniser. Un

Comme

investissement et une urbanité qui doit se faire à la fois en surface et en volume.

nous

l’avons

vu

précédemment

les

sources

archéologiques et géologiques permettent d’identifier les sols. Cette approche stratigraphique permet ainsi de comprendre l’histoire des villes,

leurs

géologies,

topographies

et

leurs

évolutions.

La

stratification urbaine est pressentie par l’alternance de construction, destruction et reconstruction qui ont conduit à l’empilement de couches successives. Selon Henri Galinié43, le sol est «un système complexe qui évolue, s’allonge et se rétracte».44 Il est ici selon l'auteur pressentis comme une surface qui va se modifier. Cependant, dans le contexte de mon étude sur le souterrain, il doit aussi être considéré comme volume.

Dés le début des années 1960, l’archéologie urbaine est directement liée aux politiques de réhabilitation des villes. Ce nouvel engagement de reconstruction va de manière inévitable porter atteinte aux transformations du sous-sol et de son histoire. On va le modeler et l’exploiter selon les besoins. Un travail qui va ainsi permettre de reconnaître et comprendre les activités passées et les usages urbains

43

Archéologue et spécialiste de l’archéologie urbaine médiéval. Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999.p7

44

26


associés. La notion de sol urbain fut travaillée par l’archéologue Henri

transformations plus ou moins rapides. La ville se construit entre autre

Galinié, je cite : «de façon empirique, ce qui fait reconnaître un sol

par étagement et il est simple de visualiser et de parcourir trois

urbain est relatif: il est plus divers, plus épais et plus étendu que les

profondeurs du sol urbanisé. La partie supérieure qui accueille les

autres sols»45. Selon moi, dans la conception, le sol urbain réclame

caves, parking et hall, la partie intermédiaire avec les réservoirs et

des approches complémentaires tels des aspects culturels et

garages et la partie basse qui sont les infrastructures tels le métro,

juridiques. Par autres sols il évoque de manière non exhaustive les

réserve et agencements techniques.47 Voir illustration ci contre.

sols agricoles ou encore les sols domestiques comme les jardins. Conscient que l’on puisse identifier une multitude de sols dans la ville il dit que «c’est justement l’observation de cette variété qui conduit à conclure que l’on est en présence d’un sol qualifiable, dans son 46

ensemble, d’urbain». Le sol semble être à la fois un volume, à la fois une surface complexe où les interactions sont fondamentales. Métaphoriquement, dés son origine la ville ne finit pas de s’engouffrer dans le sol. Je souligne par exemple ici le simple fait que l’on creuse depuis toujours les sols, à différentes profondeurs pour des questions d’usages, qu’il soit temporaires, les tuyaux par exemple, ou permanents tel les fondations. Dans ma recherche et dans un contexte de reconsidération du sous-sol, cette approche me fit prendre conscience de la pluralité des sols qui sont conduits à des

45

Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999.p6 46 Extrait de Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999.p7

47

Source extraite du livre de Utudjian (Edouard), L’urbanisme souterrain, presses universitaires de France, “ collection que sais-je? ”, 1972.

27


Ainsi

l’occupation

des

sous-sols

évolue

et

intervient

dans

l’aménagement des villes et varie selon les besoins urbains. Pour l’archéologue Henri Galiné, le sol «est par définition hétérogène et culturel; il constitue le (sous) sol urbain historique/anthropique.»48Ce sont en effet les éléments culturels qui se succèdent dans et sur le sol qui lui donne son caractère urbain. Les modifications de la couche superficielle qui est, ne l'oublions pas, épaisse interrogent ainsi la reconsidération des sols et de leurs usages qui constituent notre territoire. Afin d’approfondir cette notion de sol urbain, je me suis également intéressée au point de vue des pédologues. La pédologie (du grec Pedon=sol) est l’étude de la science des sols, de leur formation et de leur évolution. Selon l’écrit de Corinne Leyval, pour le pédologue le sol: «est la couche supérieure de la couche terrestre, composé de matière minérale, de matière organique, d’eau, d’air et d’organismes» il est défini comme «un système dynamique complexe, qui se forme, évolue, atteint un équilibre avant de se dégrader».49 Ce sont

ainsi

les

différentes

affectations

humaines

mais

aussi

géologiques qui régissent l’évolution et les métamorphoses des sols. Ces théorisations selon les points de vues des archéologues, 48

Figure 3 : Représentation des sous-sols parisiens Source : Aquarelle de Clément Bollinger extrait de la revue urbaine 13, p 28

écrit de Henri Galinié chapitre 1 : l’appréhension archéologique du sol urbain. issu du livre de Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999. 49 Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999 p128

28


géologues, urbanistes et pédologues me permettent de prendre en

II- La conquête du sous-sol

compte les différentes approches des sols et leurs transformations IIA- Perceptions des «dessous de la ville» curiosité

afin d’introduire la profondeur de la ville. Cités au cours de cette

contemporaine

partie, chacun des spécialistes donnent ainsi des indices d’études,

a) Métaphores et imaginaires dans le récit.

géologiques, urbanistiques, sociaux... Cette première partie exploite le sol en tant que succession de couches horizontales et verticales qui modèlent les sols et influencent l’aménagement urbain. L'épaisseur de ce sol et l'investissement de sa profondeur inspirent depuis toujours. C’est ce que nous introduirons dans la seconde partie. Il s’agit néanmoins au travers des observations sur le site de comprendre la configuration en « trou » de la ville troglodytique de Doué-la-Fontaine et son impact sur l’aménagement urbain.

Si

l’urbanisme souterrain est bien réalité, un univers étendu,

vivant et divers dans son usage, l’image que les citoyens en font est souvent loin de la vérité. En effet la symbolique attribuée aux espaces sous terre est forte. L’image du monde clos et distinct, originaire de la mythologie est évaluée soit par la littérature soit par des théories architecturales et urbanistiques. Cela peut s’expliquer notamment par l’existence des récits et des mythes de l’antiquité qui déjà imaginaient la vie en sous-sol. J’aimerai dans cette partie, confronter l’imaginaire du récit avec les sensations ressenties par les visiteurs en sous-sol. La littérature est un outil qui a transmis des idées et fantasmes et c’est notamment avec les auteurs du XIX ème siècle, tels Cyrano de Bergerac, Georges Wells et Jules Vernes que les aventures souterraines ont pris naissance. Aux travers de leurs fictions, chacun d’entre eux exploitent le souterrain. L’écrivain britannique Georges Wells utilise dans son récit La machine à explorer le temps50 des mots assez crus et lourd pour évoquer le sous sol. Il raconte en effet 50

Wells (Georges), La machine à explorer le temps, 1895

29


l’histoire de «non» possédant (les Morlocks) qui travaillent pour les

souterrain de manière positif, et c’est au cours de ses deux ouvrages

possédants (les Elois) en surface et décrit alors les Morlocks comme

Voyage au centre de la terre 53 et les Indes noires 54 qu’il puise le

«Des être souterrains qui sont des monstres humains dégénérés, aux

potentiel fantasmatique.

cheveux blanchis, aux yeux démesurément agrandis»51. Dans cette

décrire ces espaces: la figure une est vision poétique avec les

double société Wells décèle dans les profondeurs du sous-sol les

cathédrales souterraines, lacs et rivages, la figure deux est la

ténèbres de l’humanité et évoque ainsi un aspect de la civilisation. Je

rencontre du fantastique. Par ces divers écrits, je remarque que les

cite : «Nous tendons à utiliser l’espace souterrain pour les besoins les

mythes ont crées un imaginaire collectif qui influencent notre

moins décoratifs de la civilisation. Dans cette double société,

perception sur cet univers.

Il existe selon lui une double vision pour

comportant un positif et un négatif, le sous-sol est bien le lieu de l’esclavage, de la bestialité, du travail exclusif». A l’opposé, Il est intéressant d’identifier les divers points de vues avec les auteurs tel Cyrano de Bergerac et Jules Verne qui ont un imaginaire bien plus positif concernant le souterrain. Le premier d’entre eux, poète français du XVII ème siècle, parle au cours de son récit Voyage dans la lune de curieuses habitations souterraines qui transportent le voyageur hors du temps. «Les maisons sédentaires apparaissent plutôt comme des fleurs qui éclosent avec le printemps, disparaissent l’hiver, vivant ainsi en harmonie avec le cycle des saisons.»52. Jules Verne, grand écrivain français de sciences fiction et romans d’aventures, explorent lui aussi le sous-sol de la terre. Il semble l’un des rares à écrire sur le

51

53

52

54

Loubes (Jean-Paul) Archi troglo, édition parenthèses, 1984p 8 Loubes (Jean-Paul) Archi troglo, édition parenthèses, 1984p 7

Verne (Jules), Voyage au centre de la terre, Pierre-Jules Hetzel, 1864 Verne (Jules), Les indes noires, Hertzel, Paris, 1878.

30


Figure 4 : Vision poétique : cathédrales souterraines, lacs et rivages. Coal City dans les Indes noires Source : illustration issu du livre de Jean-Paul Loubes p10, auteur inconnu

Figure 5 : Celui qui lève les bras, la rencontre du fantastique. Le vieillard Silfax représentant l’esprit du mal dans les Indes noires sera finalement terrassé. Source : illustration issu du livre de Jean-Paul Loubes p10, auteur inconnu

31


Un univers que j’ai découvert, au cours de mon voyage dans le Maine

d’entre eux comparait l’espace souterrain à un labyrinthe et évoquait

et Loire grâce aux visites troglodytiques. De plus, en m’inspirant du

la succession de mur comme limite et obstacle dans son parcours qui

travail de Jean Paul Thibaud55 qui dans son ouvrage Ambiance sous la

entrainait sa perte d’orientation. «Je me suis perdu plus d’une fois»59

ville56analyse les ambiances souterraines de deux sites parisiens (les

disait-il à sa sortie. Il est vrai que la relative clôture restreint l’entendu

halls et le Louvre) ; j’ai effectué une petite enquête auprès des

de nos déplacements et perturbe le parcours. Le sentiment de crainte

visiteurs et habitants sur leurs ressenties après avoir parcouru les

et de danger fut ressenti pour l’un des adolescents qui découvrait les

lieux souterrains. C’est généralement entre la fascination et la peur

lieux pour la premières fois. Ce sentiment est souvent ressenti à

que nous appréhendons cet espace peu connu. D’après les travaux

cause de l’obscurité prédominante qui règne en sous-sol et que Wells

de Sandrine Boucher sur le sous-sol lyonnais, la journaliste exprime

par exemple évoquait dans ses récits. C’est par la métaphore de la

clairement que «Ces lieux attirent parce qu’ils sont chargés de

cave qu’il qualifia son expérience, un lieu qu’il fréquentait quand il

mystère, ils font parti de l’imaginaire mais aussi d’un passé

était enfant. De plus l’humidité des lieux n’est pas restée indifférente

commun.»57. L’emprunt de ces espaces stimule le corps et l’esprit et

aux yeux d’une jeune femme qui subissait ce phénomène se sentait

au fil de mon investigation dans la ville de Doué-la-Fontaine, les

quelque peu oppressée dans certaines pièces. Elle employa la

passants avaient recours à des termes plus ou moins métaphoriques

métaphore de la serre pour décrire ses ressenties. Les phénomènes

pour décrire leurs sensations. C’est au travers de deux sites; le site 1 :

sensibles chargés de symbole activent notre imaginaire que l’on a

des Perrières et le site 2 : troglodytes et sarcophages58, que j’ai pu

souvent construit dans notre enfance. Le milieu ambiant du sous-sol

rencontrer et interroger les visiteurs. Je me souviens bien que l’un

suscite, il est vrai d’autres phénomènes et sensations que j’évoquerai ultérieurement au cours du mémoire.

55

Chercheur CNRS au laboratoire Cresson. Chelkoff (Grégoire) et Thibaud (Jean-Paul), Ambiance sous la ville : une approche écologique des espaces publics souterrains, Convention de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, laboratoire du Cresson, 1997. 56 Amphoux (Pascal), Thibaud (Jean-Paul) et Chelkoff (Grégoire), Ambiance en débat, édition à la croisée, 2004. 57 Boucher (Sandrine) et Maihes (François) “ Voyage au ventre de la terre ”, Tribune de Lyon, dossier “ Lyon sous terre ”, mai 2006, p22 58 cf ; annexe 2/ 3 /4 p 74 75 77

59

Cf annexe 8 p 83

32


Par la succession de ces métaphores et ressenties, Jean-Paul

b) Architectures et Utopies

Thibaud 60 ne se trompait pas quand il énonça dans son ouvrage

Les raisons et les arguments en faveur de l’utilisation des sous-

Ambiance sous la ville 61 «Plonger son corps dans la carrière, c’est le laisser couler dans “l’autre monde». Un fait qui a également était illustré par les récits fantastiques tels les aventures d’Alice aux pays des merveilles qui en voulant suivre le lapin tomba dans un trou et poursuivi son aventure dans un monde ici merveilleux du sous-sol. Un «autre monde» que les architectes et autres concepteurs ont également étudié selon leurs interrogations qui sont différents de ceux des récits. C’est ce que nous allons voir dans la partie qui suit.

sols de la ville sont depuis longtemps controversés. Dés la Renaissance, l’architecte français, Philibert de l’Orme62 exprimait déjà son point de vue sur l’espace souterrain. Dans ses célèbres ouvrages sur l’architecture, il évoque le sol sous la maison «comme un matériaux hostile, qu’il faut apprendre à connaître et apprivoiser»63 Il parle également de la tendance du sous-sol comme un lieu réceptif à nos déchets. L’architecte analyse les lieux et espaces architecturaux avec précision et ce n’est qu’en 1648 qu’il exprime et prend en compte l’importance du sous-sol dans le processus de fondation des bâtiments. Je cite« Car le commencement est de si grande importance, que si les premiers fondements ne sont bien droicts, et à l’équarre, le reste de l’édifice ne sera jamais sans avoir quelque deformité.. ».

64

C’est avec son œil d’architecte qu’il met ici en avant

la cohérence verticale, d’un point de vue constructif qui existe entre la surface et la sous-face.

62

60

Jean-Paul Thibaud est sociologue, urbaniste, chercheur CNRS

61

Chelkoff (Grégoire) et Thibaud (Jean-Paul), Ambiance sous la ville : une approche écologique des espaces publics souterrains, Convention de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, laboratoire du Cresson, 1997.p 53

Né en 1510 et décédé en 1570, il est un architecte français de la renaissance, il sera architecte de Henri II et initiateur de nouvelles construction en bois. 63 De l’Orme (Philibert), Architecture de Philibert de l’Orme, Pierre Mardaga, Bruxelles, 1981 64

Von Meiss (Pierre) et Radu (Florian), Vingt mille lieux sous les terres, presse polytechniques et universitaires romandes, 2004.p17

33


Dans les années 1920, Charles-Édouard Jeanneret dit le Corbusier, issu du mouvement moderne, établit une réflexion sur la maison et son sol avec la définition des cinq points pour une nouvelle architecture moderne. Il propose ainsi de soulever les habitations sur pilotis afin de s’affranchir des caves qu’ils nomment comme des « lieux médiocres, non éclairés-ou mal-humides généralement » 65 Suite à ces réflexions sur les rapports entre sol et sous-sol, c’est en 1948 avec son coéquipier géométre Edouard Trouin que le Corbusier se lance

concrètement

dans

un

projet

souterrain

qui

n’aura

malheureusement jamais vu le jour. Il s’agissait d’un projet de basilique souterraine qu’ils qualifiaient comme «l’expérience grotte». Le mot «grotte» ici n’est selon moi pas anodin et fait référence aux termes employés par les récits mythologiques décrits ci dessus. D’après une lettre adressée à l’archevêque de Marseille, les volontés du projet étaient claires " Nous bâtirons en creux. Nous construirons en négatif. Nous ne poserons pas la première pierre, nous l'ôterons»66. Figure 6 : Projet de la basilique, la basilique traverse la montagne du versant nord au versant sud, dessin de Trouin Source internet :http://www.saintebaumetourisme.fr/medias/fichiers/Le_Corbusier_4.pdf ;mars 2010

65

Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, Altmira, Paris, 1930. 66 http://ww.saintebaumetourisme.fr/medias/fichiers/Le_Corbusier_4.pdf. Mars 2010 consulté en mai 2012

34


Par ces exemples nous pouvons remarquer que depuis le XVII ème

IIB- La ville profonde, paysage et épaisseur

siècle, le sous-sol inspire les concepteurs et parallèlement les projets

a) Action de creuser et origine de la configuration en trou de la ville, le geste du sculpteur

utopistes. L’utopie est indispensable dans les conceptions car il fait évoluer les esprits. Au début du XX ème siècle déjà, l’architecte

Dans

américain Max Abramovitz élabora un projet de ville souterraine pour Pittsburg, deuxième plus grande ville de Pennsylvanie. Un projet utopiste qui consistait à creuser les 300 000m2 d’une vallée à des fins commerciaux, de recherche, d’aire de distractions, de restaurations etc. Ce projet ambitieux ne fut pas réalisé mais l’architecte restera comme l’un des premiers a lancé le mouvement sur les interventions à grande échelle sur la spatialité du sous-sol.

la ville, les formes urbaines façonnent la spatialité de

notre environnement. La spatialité est définie par l’interaction entre les objets qui s’y regroupent, selon Rudolf Arnheim68, la spatialité est tout se qui compose l’espace qui est une «entité absolue, finie ou infinie, disponible et susceptible d’être rempli d’objets»69. Dans une réflexion sur les configurations spatiales, on peut ici distinguer, le construit et le creusé. Ainsi si l’on observe la construction des villes, on remarque que le constructeur soustrait de la matière par déblaiement et en

Le récent projet utopiste de ville souterraine dans le désert du Nevada, imaginé par le bureau d’étude américain Matsys 67 prouve l’ambition des concepteurs quant aux potentiels des espaces souterrains. Il présente un réseau de cavernes composées de

rajoute par l‘accumulation de remblaie. L’image que donne Jean Paul Loubes70 au «construit et au creusé» est celle de la cabane et de la caverne, deux archétypes que Rudolf Arnheim préfère nommer comme l’abri et le terrier.

logements et de centre commerciaux et vise à protéger les habitants des rayons du soleil qui sont de plus en plus insupportable dans ce continent. Par ces quelques projets, il est évident que ces 68

expériences «architecturales» relatives au sous-sol interrogent la spatialité des villes ainsi que sa troisième dimension: la profondeur. 67

Lien internet :http://matsysdesign.com/2009/06/25/sietch-nevada/ .2009, consulté en mars 2012.

Théoricien américain des arts et du cinéma

69

Arnheim (Rudolf), Dynamique de la forme architecturale, Architecture+recherche, Pierre Margada éditeur, 1986. P 19 70 Professeur à l’école d’architecture et de paysage de Bordeaux, chercheur au labo Architecture-Anthropologie de l’école d’architecture de Paris la Villette .Colloque Européen en Saumurois, “ le patrimoine troglodytique : un atout pour le développement des territoires ”, 25 et 26 septembre 2007. P 8

35


Ce dernier identifie au cours de son discours 71 les concepteurs

Ainsi au concave souterrain correspond le convexe de la surface du

comme les faiseurs d’abris et les excavateurs comme les faiseurs de

sol, et c’est l'acte de creuser qui permet le passage du dessus au

terrier. Pour employer la terminologie du sculpteur, Arnheim parle de

dessous reliant alors le monde aérien et souterrain.

concepteur comme le modeleur, de l'excavateur comme le tailleur. Il est dans mon étude intéressant de faire le rapprochement entre le sol

Il est intéressant au travers de cet exemple de percevoir la cohérence

que les acteurs ont façonné, et qui au fil du temps est devenu creux

entre le travail du sculpteur et celui de l’architecte qui ici travaille avec

avec le travail du sculpteur/tailleur qui soustrait la matière. Selon le

le sol et son épaisseur. Cette archi-sculpture témoigne ainsi le fait que

dictionnaire Larousse, le creux est défini comme cavité, partie vide ou

la surface du sol n’est plus une frontière infranchissable.

concave d'une surface. C’est ainsi que dans son action de creuser, le sculpteur soustrait la matière et crée dés lors de nouvelles spatialités tel le concepteur des espaces souterrains.

Je peux ici illustrer mon propos à travers le projet de «l’hélice terrestre» de Jacques Warminski, nommé aussi l’archisculpteur des troglos. Situé au lieu dit l’Orbière en Anjou dans la vallée de la Loire, le projet de l'artiste s’engouffre comme une vrille dans la terre. Sculpté dans le tuffeau, l’œuvre se compose de deux espaces qui sont indissociables; d’une part un espace entièrement creusé dans la roche et d’autre part un espace moulé et modelé à ciel ouvert. Cette configuration associe alors simultanément le creusement et la construction et prouve que le sol n’est pas plan. 71

Arnheim (Rudolf), Dynamique de la forme architecturale, Architecture+recherche, Pierre Margada éditeur, 1986. p 151

Figure 7: Entrée de l’œuvre de Warminski – lieu dit l’Orbière Source : image internet : http-//lesgrigrisdesophie.blogspot.fr/2011/10/lhelice-terrestrede-jacques-warminski.html.jpg. Auteur inconnu

36


b) Se pencher pour comprendre la ville et son épaisseur.

Lors

de mon arrivée à Doué-la-Fontaine, les premiers pas

furent révélateur pour l'étude. En effet, en marchant on se rend rapidement compte des diverses cavités de part et d’autre du trottoir. D’une profondeur variant de 10 à 12 m les «trous» se succèdent au fil

Ces dernières se manifestent dans le tissu urbain par des «trous» en surface, plus ou moins larges et profonds. On observe principalement une concentration de caves à l'ouest de la vile et une concentration de carrières situées au sud-est. Les cavités semblent ainsi être dispersées sur l'ensemble du territoire que nous devons imaginer comme un territoire à «trou» caractéristique d’une ville «gruyère».

de l'avancée. Pour illustrer cette configuration, je peux dés lors faire référence au vocabulaire de Jean Paul Loubes qui parle de configuration en trou72 pour évoquer les cavités souterraines habitées ou non. Nous avons vu dans la partie précédente la notion de «creux» comme action du sculpteur/tailleur intervenant dans la conception de l'espace. Un terme qui doit être distingué de «trou» qui selon le Larousse est un enfoncement, dépression, cavité, creux dans une surface. Il faut percevoir ici le trou comme une cavité profonde qui est supérieure à celle du creux. La commune de Doué-la-Fontaine possède de nombreuses cavités grâce au patrimoine troglodytique de plaine situé au sud de la ville. Elle se compose, en effet de 102 cavités constituées de caves et galeries, carrières qui ont, récemment

Figure 8 : Schéma-coupe sensible de la configuration en trou Source : croquis de Zoé laebens à Doué-la-fontaine-2012

été répertorié par l'organisme du BRGM73.

72

Colloque Européen en Saumurois, “ le patrimoine troglodytique : un atout pour le développement des territoires ”, 25 et 26 septembre 2007. P 8 73 Il est l'organisme public français référent dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources et des risques du sol et du sous-sol cf annexe 5 p 79

37


Figure 9 : Coupe sensible sur la ville de Doué-la-Fontaine 1 - Galeries et carrières souterraines (15 20m de profondeur) 2 - Jardins et potagers privés 3 - Habitations en surface (R1 R2) 4 - Habitations troglodytiques, troglodytisme de plaine (5 à 8m de profondeur) 5 – Espace public, voiries et trottoirs

Source : Dessin sur site de Zoé Laebens- Février 2012

38


Une ville dans laquelle il faut se pencher pour comprendre son

IIC- Objectif architectural et paysager

aménagement et la typologie troglodytique. Les parois support du

a) Architecture du détournement, esthétisme de la disparition et insertion paysagère

vide sont verticales et faiblement inclinées selon la topographie des sols. C'est en se penchant que nous prenons alors connaissance de

Comme

l'épaisseur de la ville. Une épaisseur habitée qui témoigne de la capacité de l'homme à investir le sol et ainsi composé avec le paysage. L'investissement du souterrain visible ici depuis la rue, témoigne comme le dit ci bien Pascal Girault, écrivain et photographe du patrimoine, qu'il y a «Une ville sous la ville»74.

en

trou,

nous l’avons vu précédemment, par sa configuration

l’espace

souterrain

semble

dissimulé

dans

son

environnement urbain. On peut remarquer à travers l’univers troglodytique, un patrimoine d’exception qui traduit l’impressionnante capacité de l’homme à s’inscrire dans le paysage. Le troglodytisme de plaine, creusé à la verticale comme le troglodytisme de coteau

Tout ceci questionne la notion d’intégration entre une architecture «creusée» et une architecture «construite», une interaction entre deux

creusé à l’horizontale s’intègrent chacun à leur manière dans l’environnement.

modèles vers un nouvel esthétisme de ville? Troglodytisme de coteau

Troglodytisme de plaine

Figure 10 : Typologies troglodytiques, de coteau et de plaine Source : schéma de Zoé Laebens- mai 2012 74

cf. annexe 7 p 82

39


Tandis que l’un est creusé dans un sol qui ne présente pas ou peu de

En d’autre terme, il s’agit «d‘habiter le paysage», la question est ici de

reliefs, l’autre suit les courbes de niveaux. Par une recherche

repenser le paysage urbain et non de se limiter à l'insertion de

d’équilibre entre un environnement naturel et urbain, cette insertion

volumes dans les sites.

volontaire semble participer à la singularité et à l’identité des

entendre par le terme «habiter» selon moi comme une occupation et

paysages. Lors d'un entretien avec Mr Perdereau, propriétaire du site

expérimentation de l’espace et non sous l’unique compréhension

troglodytes et sarcophages à Doué-la-Fontaine, il me parlait des

habiter/habitat. Comme l’énonce le géographe allemand Mathis

maisons troglodytes en me disant «elles sont la Nature»75. Une phrase

Stock, je cite : « Habiter, c’est pratiquer les lieux géographiques du

forte qui témoigne de l'importante perception que l'on peut avoir

Monde »77Il s'agit ici d'un investissement qui par son enfouissement

d'une architecture dans son environnement.

dans la terre et la roche s’intègre alors intimement dans le paysage.

Il est important de mentionner qu'il faut

Sous un regard d’architecte et dans ce souci de dissimulation, on De plus, comme l’énonce Jean-Charles Trebbi et Patrick Bertholon

perçoit comme un esthétisme de la disparition car il est vrai, que

dans leur ouvrage «Cette étonnante architecture en négatif, creusée

l’objet architectural semble particulièrement perméable au sol et au

dans la masse privilégie l’espace intérieur obtenu par soustraction de

paysage.

matière, et laisse disparaître son volume externe confondu dans le paysage» 76 . Ainsi cette «architecture-paysage» intervient dans la

Comme le pressent l’architecte japonais Tadao Ando qui dans un

composition de l’environnement et de sa surface. J’emploie ici le

article sur la pensée de l’espace souterrain dit ceci: « Une de mes

terme «d’architecture-paysage» pour mettre en avant l’intention de

motivations est le potentiel créatif inépuisable que je perçois dans

travailler/construire

cette idée d’architecture invisible qui permet de concevoir un espace

en

cohérence

avec

l'intention

d’intégration/préservation du paysage.

continu sans en faire apparaître la forme »78 .

77 75

cf annexe 6 p 80 76 Trebbi (Jean-Charles) et Bertholoo (Patrick), Habiter le paysage, maison creusée maison végétale, Editions Alternatives, 2006.p7

Stock (Mathis) "L’habiter comme pratique des lieux géographiques.", EspacesTemps.net, Textuel, 18.12.2004 http://espacestemps.net/document1138.html 78 Ando (Tadao), « Architecture d’aujourd’hui », numéro 338-340, mai juin 2002

40


Il met ici l’accent sur la particularité invisible de cette architecture qui

b) Un sol partagé pour l’aménagement d’espaces publics

par l'enfouissement renforce l’expression de l’horizontalité du paysage et questionne l’usage de la surface du sol et de son rapport aux publics.

Par

le phénomène d'enfouissement, la gestion et l'usage des

sols acquièrent un statut particulier. En effet il est intéressant d'identifier au travers de la typologie troglodytique que le sol de référence n'est plus unique et, comme nous l'avons vu, doit être pensé en surface et dans son épaisseur.

Figure 11 : Axonométrie d’organisation spatiale : site 1 des perrières Source : illustration issu du livre Trebbi (Jean-Charles) et Bertholoo (Patrick), Habiter le paysage, maison creusée maison végétale, Editions Alternatives, 2006.P66

41


Figure 12 : Plan de la ville de Doué-la-Fontaine : Site 1 : « site des perrières »– rue des perrières Site 2 : « troglodytes et sarcophages » – rue de la croix Mordret Source : Plan proposé par l’office de tourisme sur le site de la ville

42


Nous pouvons donc nous demander, comment l’occupation du sol intervient-il dans la perception et la pratique de l'espace public. Il est vrai que le projet souterrain libère la surface du sol et favorise ainsi les pratiques et usages collectifs. En observant le tissu urbain de la ville de Doué-la-Fontaine par exemple, nous pouvons percevoir, à certains endroits que toitures et sols se confondent. Le sol devient toit et vice versa. C'est historique, car en effet pour extraire la pierre de falun l'homme creusa une tranchée de 1 à 5m de long dans les champs de la ville (cf. figure11p41). La roche est ensuite creusée verticalement sur une profondeur entre 15 et 20m avec un élargissement progressif créant alors une forme ogivale en sous-sol. La tranchée servait à la fois pour la transmission des pierres à la surface, à la fois elle était un puits de lumière pour les travailleurs. Ainsi quand le processus d'extraction était terminé, il suffisait d'obturer la tranchée par des blocs pour continuer à cultiver les terres agricoles au dessus de ce vide souterrain. Grâce à cette technique l'homme réussissait à obtenir une complémentarité d'usages entre l'exploitation des terres en surface et l’extraction de la pierre en sous-face. À l'origine on créa des potagers pour limiter les infiltrations d'eaux de pluies et ainsi réduire l'humidité des espaces souterrains. Figure 13 : Délimitation du site 2 « troglodytes et sarcophages » avec son entrée principale – Doué-la-Fontaine Source : Vue satellite et cadastral, site public internet géoportaiL2007

43


Ainsi, par les diverses pratiques attribuées, le sol s'expose à une variété de formes et de modes d'occupations. Au cours de mon investigation dans le Maine et Loire, nous avons pu observer au sein du domaine privé qu'il peut être potager pour l'un des habitants et simultanément toiture d’habitation pour l'autre. Il semble dés lors dans ce contexte être «une épaisseur» que l'on partage et exploite en sur-face et en sous-face. Egalement support de terrasses, jardins, et terres cultivables, il offre une disponibilité spatiale non négligeable à la ville. Je peux illustrer ceci avec l'observation faite au sud de la ville sur le site «troglodytes et sarcophages» à Doué-la-Fontaine. Ici, le terrain est immense et recouvre l'ensemble de la carrière qui est aujourd'hui un territoire «sauvage» accueillant de petits cabanons, yourte, installation de ruches , ect. Un sol qui paraît, il est vrai, organisé et partagé selon les besoins et usages de chacun. Il se présente comme un toit à vivre qui compose le paysage culturel, vivant et évolutif. Par cet exemple, on y observe une cohabitation, certes originale, dont profite également l'espace public.

Il faut imaginer que le sol est presque entièrement vide, et que même sous une partie des places publiques, des routes et des trottoirs il y a Figure 14 : Occupation de la surface du sol du site 2« troglodytes et sarcophages » Doué-la-Fontaine Source : Photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

occupation d'espace par quelques habitants, de manière temporaire ou permanente (figure 9 p 38). Un fait que nous avons du mal à

44


imaginer sans avoir vécu l'expérience de cette configuration

Cette observation met en avant les «sols» filants qui sont perceptibles

souterraine peu ordinaire.

à différents niveaux dans le paysage et qui sont révélateur d'un aménagement particulier. Cette horizontalité dominante a été au cours

Outre la notion de « toit-sol » mis en avant précédemment, et pour

de mon investigation dans le Maine et Loire, accentué par un

employer la terminologie architecturale, il est important de révéler le

phénomène climatique : la neige. Par sa blancheur et son dépôt

statut paradoxal de « façade » que ce sol semble être pour certains

dense sur le sol, elle semblait unifier les lignes et recouvrir les volumes

espaces souterrains habités. Une façade qui est perçue que ce soit

et ainsi me permettait d'y voir plus clair dans la composition de la

dans un contexte d'habitation troglodytique ou dans un contexte

ville. Sa présence révélait dés alors, de manière distincte, les

public, tels les stations de métro par exemple. Généralement, chaque

quelques émergences du paysage urbain ainsi que les directions

bâtiment possède des faces en rapport direct avec l'extérieur et qui

horizontales, verticales et diagonales de cette ville caractérisée de

sont qualifiées de façades. Dans un contexte souterrain, l'existence

troglodytique.

propre de ces dernières est remise en cause. Il existe en effet plusieurs typologies du patrimoine « creusé », tel le troglodytisme de coteau qui permet l'ouverture latérale, et donc la construction de façades proprement dites. Cependant, l'enfouissement total de certain type, ne laisse apparaître qu'une surface en rapport direct avec l'environnement extérieur, il s'agit de ce « toit-sol » qui prend alors le caractère de façade. « Une façade » sur laquelle on marche, on cultive, on rencontre, on expérimente l'espace.

45


III-Espaces souterrains comme révélateur de la ville sensible. IIIA- un interstice entre émergence et immersion a) Données contextuelles et objets émergents comme indices de « sous » espaces.

L'horizontalité

du paysage observée à Doué-la-Fontaine est

nous allons le voir, rythmée de manière ponctuelle par de petites émergences, dispersées sur le territoire. Dans le cadre de la recherche, l'enjeu fut de déceler en surface les signes qui attestent de l'existence d'un monde souterrain. Comment alors le souterrain devient-il perceptible ? Il existe en effet quelques indices, parfois modestes à l’échelle urbaine, qui nous permettent de comprendre la présence d'un sous-sol habité. Il est ainsi surprenant de voir la succession de cheminées, grandes ou petites, disposées sur la surface du sol et qui s'élancent dans le paysage. Cette verticalité apparente semble être accompagné par la présence d'antennes électriques qui n'hésitent pas à se balancer au gré du vent. Nous pouvons, de plus, percevoir les larges cercles blancs des paraboles qui rythment le profil du paysage en surface. Figure 15 : Emergences dans la ville – Doué-La-Fontaine 1. Vue depuis la rue des perrières 2. Vue sur jardin depuis le site de « la rose bleu » au sud de la ville Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

46


Figure 16 : Délimitation du site 1 et 3: site des perrières avec ses deux entrées et site 3 : les habitations troglodytiques de la rue des perrières – Doué-La-Fontaine Source : Vue satellite et cadastral, site public internet géoportail .2007

Figure 17 : Emergences dans la ville – Doué-La-Fontaine 1. Vue depuis le trottoir sur le « sol-toit » du site des perrières, site1 2. Vue depuis la rue des perrières site 3 Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

47


Par cette succession d'émergences observées, tout cet ensemble forme un paysage particulier qui va influencer notre perception. Il existe également, au travers de cette typologie troglodytique, divers murets de protections qui marquent la présence du trou qui lui est adossé. Les trous de différents diamètres sont dispersés sur le territoire, et on peut les déceler aux sols ou dans les murs par la présence de grilles de protections ou encore par la présence de passoirs

79

encore

visibles. De

plus, nous

pouvons

observer

Figure 18 : Attitude souterraine : enfouie, mal cachée, émergente, montrée Source : Revue URBAINE, découvrir et repenser les villes européennes, “ Sous-sols : aire de stationnement, entrepôt de stockage ou nouvel espace de culture ”, édité par l’association dévorateurs d’espaces, N°13 printemps 2007.p75..

l’émergence soudaine d'un sol plus haut que le sol de référence80 qui atteste également d'un investissement du sous-sol.

Ces exemples prouvent qu'il paraît impossible de dissimuler entièrement le souterrain. Ces objets en relation direct avec la surface et l'environnement peuvent, comme le soumet l'architecte Frédéric Franck81 être « mal caché, émergents ou montrés ».

Une alternance qui va influencer le profil des villes soumises à la présence « d'architectures » souterraines. Car en effet, le fait d'assumer l’émergence de l'objet souterrain en surface, constitue des situations paysagères et urbaines particulières. Il est rare, au quotidien, de marcher à côté de cheminées et d’antennes électriques qui ici sont installées de manière permanente. Tout ceci offre selon moi, un caractère presque utopiste82 à la ville.

79

Le passoir et un petit trou en haut des caves qui permettait le passage du raisin. Il est ainsi visible en bas des murs des constructions. 80 J’entend ici comme sol référant celui sur lequel nous marchons en surface. 81 Revue URBAINE, découvrir et repenser les villes européennes, “ Sous-sols : aire de stationnement, entrepôt de stockage ou nouvel espace de culture ”, édité par l’association dévorateurs d’espaces, N°13 printemps 2007.p75

82

Selon le Larousse, se dit d’un esprit attaché à des vues utopiques, lié à une conception imaginaire.

48


De surcroit, il est important de mentionner quʼau quotidien et dans toutes les villes, il existe des indices en surface témoignant de l'existence du souterrain. Les plaques d'égouts, que l’on peut soulever par exemple, paraissent comme la clé des sols vers le soussol. Ces clés interrogent dans cette étude les relations et les communications entre le dessus et le dessous. L'articulation et plus précisément ce contact entre le sous-sol et la surface sont des questions centrales du point de vue de l'aménagement urbain. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, par usages et praticités, le sol peut difficilement se passer du sous-sol et vice versa. Une dépendance mutuelle de l'un et de l'autre que je peux illustrer selon mes observations, par l’image de « l'arbre qui prend racines ». Nous pouvons alors imaginer la Co-dépendance et l’interaction des deux espaces, à Doué-la-Fontaine par exemple, grâce à la présence originale de la cime d’un arbre situé au niveau de nos pied à la surface du sol, et à

la présence en sous face des branches, légères et

feuillues qui tombent au travers des cavités. Il s’agit également ici d’indices d’émergence et d’immersion d’un espace extérieur vers un espace intérieur et vice versa.

Figure 19 : Végétation et cavités, site 2 « troglodytes et sarcophages » Doué-laFontaine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

49


Deux espaces qui sont liés l’un à l’autre et qui peut aussi se

b) Action de (re)descendre et de (re)monter la diagonale intervenant dans la mise en scène urbaine.

comprendre par la roche qui dans le Maine et Loire semble être le liant principal entre l'espace aérien et souterrain. En effet il est intéressant d’observer que la pierre de falun est un élément qui évolue et se transforme au cours du parcours dans la ville. Par empilement, elle fabrique premièrement les façades, qu'il s'agisse de façade pour habitations ou autres. Elle subit parfois un rétrécissement pour former de petits murets de protection. Progressivement dans la descente, les pierres s’entassent les unes sur les autres et façonnent les murs qui se recourbent ensuite formant le plafond et ainsi la forme ogivale des carrières. Ce changement de statut nous guide progressivement vers une nouvelle direction de la ville: la diagonale qui influence la spatialité de l’environnement urbain.

La

ville semble être une scène sur laquelle se forme une

représentation toujours renouvelée par les personnes qui l’occupent. L’idée est ici d’explorer la direction de la diagonale produite par les espaces souterrains dans la ville et d’introduire son impact sur les perceptions urbaines. Il s’agit de voir cette direction dans l’espace tridimensionnel et non seulement dans un seul plan. Par ses propriétés mathématiques et physiques, la diagonale implique un glissement progressif, ici dans la ville entre l’espace public aérien et l’espace souterrain. Il s’agit alors pour parcourir cette obliquité de (re)descendre et de (re)monter les pentes ou escaliers présents sur les sites. Ce sont deux actions / déplacements / mouvements qui semblent participer à la dynamique urbaine, que ce soit sur un territoire troglodytique ou dans une ville qui possède par exemple un réseaux de métro. Le théoricien Rudolf Arnheim, étudie au cours de son ouvrage Dynamique de la forme architecturale,83 le pouvoir des effets visuels exercés par les formes urbaines et écrit je cite : “Géométriquement, il n’y pas de différence entre monter et descendre, mais physiquement et perceptiblement, cette distinction

83

Arnheim (Rudolf), Dynamique de la forme architecturale, Architecture+recherche, Pierre Margada éditeur, 1986.p42

50


est fondamentale”. L’effort est sensiblement différent quand nous

montent dans la ville, d’autres descendent »84. De manière générale, la

montons ou descendons, que ce soit une pente ou un escalier. Il est

traversée se fait en marchant. La marche est ici qualifiée comme

souvent plus difficile de gravir une pente que de la dévaler, malgré

déplacement et participe alors aux perceptions et transformations

que les deux mouvements nécessitent un effort particulier, de force

urbaines. L’alternance et la rencontre des personnes au cours du

pour l’un, de résistance pour l’autre. Ainsi, dans le contexte du

parcours de la «diagonale » fabrique de petites curiosités urbaines. Un

parcours et de l’expérience de cette diagonale au travers la ville, le

processus et une configuration originale qui interviennent dans

degré de l’inclinaison va influencer et rythmer la perception urbaine.

l’organisation de la ville et de ses flux.

« Perceptiblement » comme l’indique Rudolf Arnheim, monter ou 85

descendre engendre des interactions différentes notamment à ce

Le travail sur la « fonction oblique »

ouvre les réflexions sur la

point de transition, cette interstice entre l’espace extérieur et l’espace

construction en architecture de pentes habitables. L’oblique est

intérieur. Il y a toujours un seuil où les relations avec l’environnement

définie selon le dictionnaire Larousse, par ce qui est de biais, dévié

vont être différentes. Le seuil est caractérisé par ce passage

par rapport à une ligne, à un plan horizontal et vertical et est un

extérieur/intérieur intérieur/extérieur. Il est en effet amusant de

synonyme du terme diagonale. Lors d’une exposition à la cité de

percevoir dans le milieu urbain de Doué-la-Fontaine, l’enfouissement

l’architecture, l’architecte Claude Parent expose ces réflexions et

progressif d’une personne qui pénètre vers l’espace souterrain et d’un

décrit « l'oblique comme moyen de créer de nouveaux espaces

autre côté de la cavité, l’émergence de l’une d’entre elle provenant de

intérieurs, de nouvelles attitudes, de relier les différents niveaux (une

la sous face. On observe ainsi en surface, la disparition et l’apparition

rampe habité), de créer de la fluidité »86. L’idée est ainsi d’exploiter à

progressive des corps. Seul ou en groupe, le franchissement participe

plus grande échelle les rampes et les « promenades architecturales »

aux dynamiques et mises en scènes urbaines intervenant alors dans

que le Corbusier expérimenta au cours de son œuvre.

l’espace public. L’un des passants qui traversait la ville évoqua cette dynamique en me disant : je cite : « Tandis que certaines personnes

84

cf. annexe 8 p 83 Travail appuyé par Claude parent au cours de l’exposition 2010 à la cité de l’architecture et du patrimoine art site n38 p 18 86 Revue art site n38 p 18 85

51


Dans le parcours de ces bâtiments permis depuis le sol jusqu’à la

IIIB- Les cadres sensibles de l’espace souterrain89

toiture, l’architecte permet, grâce à l’invention des cinq points de

a) Propriété lumineuse : entre ombres et lumières

l’architecture 87 , ces « ballades architecturales ». Elles consistent à

Il

s’agit ici de se demander comment l’espace du sous-sol

multiplier les vues sur l’objet d’architecture et son environnement. Ceci montre la volonté de créer une architecture qui se vit dans le parcours. Au travers de l’expérience des traversées des carrières de Doué-la-Fontaine, l’empreint des pentes comme transition entre le milieu aérien et souterrain témoigne de la prise en compte du parcours dans les interventions urbanistiques.

module t’il les ambiances. Une étude qui se fera au travers des transitions et au travers du milieu souterrain en lui même. L’entrée dans l’univers souterrain nécessite l’immersion des corps qui vont alors être soumis à quelques métamorphoses liées aux phénomènes physiques des transitions, entre un espace extérieur et un espace intérieur. Comme l’énonce l’architecte italien Zardini Mirko,

Cette notion et cette perspective de « l’oblique » dans la ville motive aujourd’hui les réflexions des architectes dans une approche de Luminosité, sons, odeurs et surface des lieux suggèrent

reconfiguration des territoires et participe à l’anticipation de la

différentes façons de faire expérience de l’environnement urbain

construction de « bâtiment parcours ». 88 Un processus qui crée des

qui remettent en question la prédominance de la vue. Les seuils

transitions particulières entre deux espaces, aérien et souterrain, et

perceptifs se modifient, comme varient nos niveaux de

qui nous allons le voir au travers des galeries troglodytiques, touche

tolérance ou d’appréciation des odeurs, des sons, des déchets,

nos sens et influence notre mobilité et perception.

de l’obscurité, de la chaleur, du froid.

87

Les cinq points de l’architecture moderne sont régis par : les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau, la façade libre. 88 Le groupe d’architecte SANAA par exemple a en effet imaginé une bibliothèque universitaire souterraine à Lausanne qui est une expérience d’architecture créant des volumes intérieurs entremêlés d’élément circulaire ou hélicoïdaux

90

.

89

Terme emprunter à Jean-Paul Thibaud. Thibaud (Jean-Paul) « Les cadres sensibles de l’espace souterrain. Villle de Montréal ». ACUSS, 1997p1

90

Mirko (Zardini), « Sensations urbaines, une approche différentes à l’urbanisme, centre canadien d’architecture », Lars Muller publishers, 2005 p21

52


Une citation qui met en avant dans le contexte de mon étude, l’éveil

Pour l’étude, deux sites souterrains situé à Doué-la-Fontaine seront

des sens vécus dans le franchissement des limites, matérialisées par

exploités: 92 le site des perrières (site1) et le site troglodytes et

des changements simultanés d’ambiances et de volumes. Ainsi, il

sarcophages (site2) 93

s’agit de révéler dans le cheminement des passants les relations sensibles qu’ils partagent avec l’environnement. Nous allons ainsi étudier comment l’univers souterrain provoque des situations particulières qui vont nourrir et amplifier les ambiances urbaines. Selon l’architecte Grégoire Chelkoff et le philosophe Jean-Paul Thibaud, La notion d’ambiance « concerne à la fois les éléments producteurs d’ambiances (espace, objet, signe) et la construction perspective et sociale de celle-ci. Elle nous permet d’aborder simultanément des dimensions physiques et humaines »91. Elle est ainsi régie par divers phénomènes qui vont mobiliser nos aptitudes physiques

et

sensibles.

Les

qualités

sensibles

des

espaces

souterrains se déclinent selon quelques propriétés : visuelle, sonore, thermique, olfactive, tactile. Pour l’étude, trois des phénomènes seront étudiés. Tout d’abord les propriétés et interactions lumineuses propres à l’espace souterrain, la lumière sollicite le passant et lui permet dans tout espace de s’orienter facilement.

Figure 20 : Plan du site 1 : site des perrières- Doué-La-Fontaine En bleu figure le centre d’hébergement En jaune, le parcours touristique Les parties non colorées l’ensemble de la carrière non accessible Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

92

91

Amphoux (Pascal), Thibaud (Jean-Paul) et Chelkoff (Grégoire), Ambiance en débat, édition à la croisée, 2004.

cf plan des sites p 43, annexe 3 / 4 P 75 77 Je n’ai pas pu ici me procurer les plans de la carrière. On peut voir deux petits extraits dans le livre de Michel Cousin, Archéologie des carrières souterraines de Doué-la-Fontaine, éditions Gal’art, 2002 aux pages 23 et 26

93

53


Deux sites qui par leurs morphologies entretiennent un rapport

les puits de lumière vont favoriser la diffusion partielle de lumière en

particulier avec la lumière. Au cours de notre immersion, dans le

sous-sol. De surcroit, par son caractère mouvant, cette luminosité va

passage entre le milieu urbain aérien et l’univers souterrain nous

créer des reflets qui vont rythmer le pas du visiteur. Une interaction

observons une diminution progressive ou spontanée de la lumière. Il

intéressante qui sollicite notre mobilité et influence alors notre

fait presque entièrement noir ! Le site 1, complétement enfoui est

parcours. L’ambiance non homogène ici créé par cette lumière sur un

alors animé par une lumière artificielle statique et intemporelle,

volume influence ainsi l’expérience souterraine du passant.

provenant d’une succession de spots disposés au sol et parfois sur les parois. Provenant de plusieurs directions, l’une des particularités

De plus, la provenance ici de lumière naturelle par le haut semble être

de cette lumière est de masquer les ombres sur le volume des parois

un indice de notre situation dans un monde souterrain et crée le lien

rocheuses et sur la surface du sol sableux. S’agit-il ici d’un

avec le monde aérien. Car comme l’énonce l’architecte Michel Malet,

aménagement pour rassurer le passant dans son cheminement?

je cite : « la lumière établit le lien, tombant à la verticale, elle confirme le souterrain. »94. Tombant à la verticale ou étant réfléchie, elle semble

Au cours de la traversée, le passage de la lumière artificielle intérieure

également au travers des ouvertures, permettre des interactions entre

à la lumière naturelle extérieure introduit les limites de l’espace, et

le passant et le ciel. Lors de la visite sur le site 2 l’un des visiteurs me

encourage ainsi l’expérience des transitions et seuils. Ancienne

confia son ressenti: « Quand je vois un trou dans cette roche, je lève

carrière de fabrication de sarcophages, le site 2 est ponctué par de

directement les yeux vers le ciel qui me paraît alors être unique,

nombreux trous dans le volume de la roche en liaison alors, direct

comme un tableau mouvant dans cette obscurité »95

avec la surface. Ces ouvertures permettent le passage de lumière naturelle. Une lumière nettement plus contrastée, qui s’engouffre et varie au cours de la journée selon l’orientation et la morphologie du site. Elle se propage alors de façon plus ou moins intense selon le rythme des saisons et des perturbations climatiques en surface. Ainsi,

94

Von Meiss (Pierre) et Radu (Florian), Vingt mille lieux sous les terres, presse polytechniques et universitaires romandes, 2004.p 22 95 cf. Annexe 8 p 83

54


L’une des qualités mis en avant, de cet univers souterrain est que l’on voit partiellement à travers la masse mais que l’on se sent quand même séparé du monde extérieur. De plus, selon la direction des ouvertures, l’intensité de la lumière marque sensiblement le passage d’un lieu à un autre, d’une issue à l’autre. Car parfois, on observe au loin un large trou de lumière creusé dans l’épaisseur de la roche. Filtrée et orientée par le volume minéral, elle sensibilise le visiteur à la compréhension des seuils.

Ainsi, l’interaction entre les volumes souterrains et la lumière influence notre perception des échelles de l’espace. Le caractère obscur et « nocturne » des lieux souterrains est un fait réel, mais selon les sites et leurs morphologies l’intrusion de lumière est l’une des qualités sensibles des lieux qui éveillent les sens et la mobilité des passants. Ainsi comme l’énonce poétiquement Rudolf Arhneim, dans son ouvrage, Dynamique des formes architecturales, je cite :” en creusant, on peut illuminer l’obscurité”96

Figure 21 : Puits de lumière - site 2 troglodytes et sarcophages- Doué-la-Fontaine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012 96

Arnheim (Rudolf), Dynamique de la forme architecturale, Architecture+recherche, Pierre Margada éditeur, 1986.p 42

55


b) Influences des phénomènes acoustiques

Selon les spécialistes, l’effet de coupure est je cite « une chute

Les

phénomènes sonores sont de même influencés par la

soudaine d’intensité qui peut être associé à un brusque changement

composition spatiale et donc liée aux caractères propres de

d’enveloppe spatiale » Il se produit « par baisse d’intensité, par

l’environnement. Un environnement avec une morphologie spécifique

changement d’ambiance, et ou par occultation d’une source

qui, entre le passage de l’espace aérien à l’espace souterrain évolue.

sonore »

A l’entrée du site 1, les bruits urbains en surface sont nombreux et

caractéristiques sont réunies pour favoriser cet effet de coupure.

divers. Ces indices sonores liés aux compositions urbaines conçues

« L’enveloppe spatiale » est distinguée par le passage d’un milieu

avec leurs bâtis leurs voiries et leurs espaces paysagers, rythment

ouvert à un espace fermé qui va favoriser un bouleversement sonore.

notre quotidien. On peut ici distinguer un paysage sonore propre au

La baisse d’intensité est induite par la perte progressive des sons

milieu urbain qui va se modifier au cours du glissement progressif en

urbains. L’effet de coupure est ici un indice dans le changement et le

sous-sol. En descendant peu à peu dans l’univers souterrain, le

passage d’une ambiance à l’autre. Il permet ainsi de qualifier les seuils

brouhaha des passants, les bruits de moteurs et de klaxons

et les limites entre les espaces aériens et souterrains. Car en effet, la

s’estompent petit à petit nous guidant vers un espace différent. Selon

« coupure » sonore va mettre en valeur les événements qui vont suivre

le répertoire des effets sonores de Jean-François Augoyard et Henry

le phénomène. Bruit-silence-bruit. Elle intervient dés lors dans le

Torgue, l’estompage est qualifié comme « la disparition progressive et

rythme du parcours de l’espace souterrain et permet de distinguer ou

97

insensible d’une atmosphère sonore » . Au cours de l’immersion et

98

. Ici, dans l’expérience des transitions, toutes les

de différencier les parties en séquences.

en s’éloignant ainsi de l’espace urbain, il est vrai que l’atmosphère sonore se modifie, un son disparaît pour en laisser apparaître un nouveau. Mais rapidement, le silence ce fait, comme si l’immersion serait synonyme de rupture sonore. 97

Augoyard (Jean François) et Torgue (Henry), A l’écoute de l’environnement, répertoire des effets sonores, édition parenthèses, 1995.p57

98

Augoyard (Jean François) et Torgue (Henry), A l’écoute de l’environnement, répertoire des effets sonores, édition parenthèses, 1995.p39

56


De plus, parfois, au milieu d’un silence parfait, il est surprenant de remarquer l’absence d’échos. La densité de la roche semble ici absorber tous sons émis par les passants. L’écho est « la répétition simple ou multiple d’une émission sonore, liée à une réflexion dans l’espace de diffusion »99. Ce bouleversement semble faire partie de l’appartenance et à la mise en scène souterraine. Par alternance, ces fluctuations

sonores

vont

influencer

nos

déplacements

et

cheminements dans la traversée. Au fil de l’avancée, il est arrivé que l’on entende un lourd et lointain bourdonnement urbain, qui ne fut pas indifférent à l’un des passant, je cite : « Les sons ont vraiment l’air de venir de loin »100 .La transmission des bruits extérieurs à travers la masse compacte de la roche semble paradoxalement perturbée le visiteur qui s’est totalement immergé dans cette nouvelle spatialité. La succession ici des sollicitations sonores entraine parfois une confusion sensorielle qui est l’une des caractéristiques de cet univers « sensible ». Ainsi, l’expérience du souterrain permet l’expérience du contraste dont l’effet sonore semble être un outil d’intervention.

99

Augoyard (Jean François) et Torgue (Henry), A l’écoute de l’environnement, répertoire des effets sonores, édition parenthèses, 1995.p55 100 cf. annexe 8 p 83

57


IIIC- Espaces souterrains et temporalité

Les corps qui me font face deviennent de plus en plus

a) Illusions et phénomènes thermaux-aérauliques

imperceptibles.

L’accroissement

horizontales

progressif

du

degré

de

température

Comme

du

caractéristiques

dissout,

mobilier

les

perdent

tridimensionnelles.

lignes petit

à

Atténuée

verticales petit

et

leurs

dans

ses

ressentie lors de l’immersion en profondeur, participe également aux

précisions, la matière et ses contours subissent spontanément

sensations et ambiances propres à ce milieu. En effet, lors du

d’étranges déformations. C’est face à ses mouvements sinueux

passage entre un espace extérieur froid à un espace intérieur plus

que je suis soumise à une distorsion étonnante et inhabituelle. À l’image d’un feu d’artifice, les couleurs disparates et troubles

chaud, un phénomène apparaît soudainement. Sur toutes surfaces

s’agitent devant moi. Rapidement, je suis illusionnée par cette

vitrées, tel les verres de lunettes ou l’objectif d’un appareil photo, on

danse chromatique qui perturbe ma position et brouille ma

observe un effet que j’ai qualifié « effet buvard » et qui va bouleverser

perception de l’espace. De fines gouttelettes s’accumulent sur

la visibilité des lieux où nous nous trouvons.

mes verres de lunette et la brume colorée de plus en plus dense constitue alors un vaste écran. Soumise à ce brouillard

Par basse température, entre l’espace extérieur et l’espace intérieur,

envahissant je perds subitement tout sens d’orientation. C’est

un phénomène apparait:

sans moindres repères que je suis instantanément victime d’angoissants lunettes.

En franchissant le seuil, je suis soudainement surprise par

vertiges.

Instinctivement,

je

retire

mes

101

l’arrivée imprévisible et insaisissable d’un nuage blanc. Il fait si chaud.

Autour

de

moi

l’environnement

s’estompe

Le changement thermique ici a produit de la buée et contrarie notre

progressivement, plongée dans un premier flou je distingue de

visibilité, comme une illusion il provoque une appréciation difficile des

moins en moins l’animation intérieure. C’est à l’image d’un buvard que le filtre devant moi absorbe peu à peu les qualités spatiales.

distances. Le flou vécu par le bouleversement de température et d’humidité entraine alors une déformation progressive de l’espace.

101

Description personnelle d’un effet. Récit d’expérience ressentie au cours du phénomène

58


Figure 22 : de l’effet buvard Intérieur du site de la poterie de la rose bleu avant la production de l’effet Doué-la-Fontaine, salle d’exposition souterraine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

Figure 23 : de l’effet buvard Intérieur du site de la poterie de la rose bleu au cours de l’effet Doué-la-Fontaine, salle d’exposition souterraine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

59


D’autre part, dans un contexte hivernal, le degré de température plus élevé en sous-sol qu’à la surface témoigne du changement de milieu. Les transitions thermiques sont plus ou moins directes et c’est le saisissement soudain d’un effet qui traduit la prise de conscience de notre situation. Cette chaleur et cette humidité ambiante associé à l’aspect statique de l’air accentue alors l’effet d’étouffement, je cite : « On est un peu oppressé par ce manque d’air, il fait lourd »102 il s’agit ici d’une sensation qui caractérise souvent l’espace fermé. Comme pour la lumière naturelle, selon la présence d’ouvertures dans les parois ou dans le plafond, l’air est évoqué par contraste et permet alors un rapport partiel avec le milieu extérieur. Ainsi par ces exemples, intervenant dans le cadre sensible du soussol, l’espace souterrain semble offrir des situations nouvelles aux Figure 24 : Déformation visuelle de la carrière observée sous le phénomène de l’effet buvard Source : Dessin interprétatif Zoé Laebens-février 2012

ambiances urbaines. Pour reprendre les réflexions de Jean-Paul Thibault et Grégoire Chelkoff, je cite : « En terme de conception technique et architecturale l’environnement souterrain renverrait à une « maîtrise » idéale des ambiances »103 .

102

cf. annexe8 p 83 Chelkoff (Grégoire) et Thibaud (Jean-Paul), Ambiance sous la ville : une approche écologique des espaces publics souterrains, Convention de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, laboratoire du Cresson, 1997.p 59

103

60


b) Etendue de notre regard dans le processus d’enfouissement

L’univers

souterrain suscite enfin un milieu enveloppant. En

effet, comme unique matériau, la roche de falun encourage le sentiment d’immersion. Car ici à l’opposé de l’espace aérien, la roche s’impose et enveloppe l’espace. L’effet d’enveloppement se produit souvent à partir du moment où l’on s’éloigne des entrées et sorties, quand on se trouve au milieu de l’espace souterrain. Un phénomène que l’on rencontre particulièrement au cours du parcours du site 1, site des perrières, à l’instant où aucunes ouvertures ni issues ne sont perceptibles. Ainsi, paradoxalement, à 20m de profondeur, l’espace dans lequel nous nous trouvons se confine et semble petit à petit autonome. Cette sensation liée aux rapports de proportions entre hauteur et largeur provoque alors une diminution des échelles de perceptions, et questionne l’étendue de notre regard. En effet, par ce ressenti de confinement, nous pouvons nous demander si l’espace souterrain est un espace extensible ?

La succession de galeries observées, dans le parcours du site 1, module le champ visuel et influence alors l’étendue du regard des passants. En effet, la morphologie de la roche et la forme ogivale de la carrière engendre une série de plans qui va troubler notre perception

Figure 25 : Succession des plans dans la traversée du site des perrières - Doué-laFontaine Source : Photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

spatiale.

61


La photographie ci contre illustre l’enchainement des différents plans

progressivement d’atteindre l’horizon. Il est pour d’autres comme

verticaux que l’on perçoit par les divers gabarits et morphologies de la

volume, espace, un espace qui se traverse. Dans le processus de

roche. Les variations de la lumière au loin joue également ici un rôle

l’enfouissement notre perception à l’horizon varie. En effet, petit à

important et permet de séquencer le cheminement en différentes

petit, par le phénomène d’enveloppement nous perdons le caractère

phases. Dés lors, le parcours linéaire à traverser semble comme nous

aérien infini. Le souterrain offre d’autres perspectives, d’autres

pouvons le voir sur la photographie, infini. Cependant, cette sensation

« horizons ».

« d’infini » perçue, questionne notre rapport à l’horizon. Selon les environnements et sites, celui ci évolue et se modifie. En effet dans le

Au fil de la progression, on distingue parfois l’absence d’un horizon

processus d’enfouissement, au cours du passage entre le monde libre

lointain qui n’autorise pas l’œil à percevoir un espace infini.

aérien et le monde confiné souterrain, l’étendue de notre regard va

Cependant, en expérimentant les espaces extérieurs et intérieurs au

être confrontée à la masse. Il est intéressant dans un contexte

quotidien, nous sommes selon moi, capable de ressentir et d’anticiper

souterrain d’interroger la notion d’horizon. Il ne s’agit pas de faire un

le lointain. En effet, au cours du cheminement du site 2, par exemple,

exposé sur l’horizon qui est un sujet en lui même, mais de prendre en

nous sommes parfois confrontés à des chemins et espaces plus ou

compte sa complexité 104 . En effet, l’horizon est pour la plus part

moins limités .L’espace est ici beaucoup moins confiné et le rapport à

d’entre nous perçu comme une ligne, un plan intermédiaire entre deux

l’extérieur ponctuel offre de nouvelles sensations et perceptions.

milieux que l’on observe souvent entre le ciel et la surface de la mer. Il

L’emboitement des échelles perçues forme la succession des plans

peut cependant être saisi différemment, pour le paysagiste Michel

qui nous guide vers un « ailleurs »

Corajoud par exemple, l’horizon est je cite : « l’espace intermédiaire qui permet au ciel et à la terre de se toucher. » il « n’est pas délimité » 105 . Selon lui c’est l’obliquité du paysage qui permet

104

Le manque de temps sur le site ne m’a pas permis d’approfondir cette notion. Issu de la conférence, les entretiens de Chaillot 3/11/2003, “ 9 conduites nécessaire pour un apprentissage sur le paysage ” Michel Corajoud

105

62


Figure 27 : Dans cette obscurité, différents cheminements possibles vers un « ailleurs » : site 2 « troglodytes et sarcophages. » Doué-la-Fontaine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

Figure 26 : Morphologie et succession des cavités intervenant dans la perception du lointain : site 2 « troglodytes et sarcophages » Doué-la-Fontaine Source : photographie prise sur le site, Zoé Laebens, Février 2012

63


L’étendue de notre regard reste un fait essentiel à l’évolution de notre bien être. Afin de ne pas le contrarier, il arrive alors souvent que le visiteur change volontairement de chemins ou de positions pour élargir

ses

points

de

vues

et

perspectives.

Les

fréquents

changements de directions engendrés par la succession de cadrage/recadrage

permettent

un

repérage

spatial

difficile.

Cependant, la variété des cheminements possibles ici dans cette carrière, augmente à chaque instant nos chances de percevoir l’infini.

L’étude des perceptions mis en avant ci dessus permet la prise en compte des critères d’ambiances propre à un espace à l’échelle d’une conception architecturale.

Par les divers phénomènes physiques mis en avant dans cette dernière partie, l’univers souterrain apparait ainsi comme un espace multi sensoriel. Il stimule en effet nos sens et sollicite notre corps aux expériences sensitives et spatiales. La diversité observée influent nos déplacements et c’est ainsi que l’espace souterrain est saisi comme milieu sensible

64


Conclusion et ouverture

La prise en compte ici de la troisième dimension de la ville permet

Au travers de l’investigation troglodytique et de l’intérêt porté à la configuration en «trou», l’univers souterrain intervient de plus en plus, dans la transformation des territoires urbains. En s’immisçant au sein des échelles architecturales, urbanistiques et paysagères l’espace du « dessous » semble être une belle opportunité vers de nouveaux aménagements pour la ville de demain. La co-dépendance des deux milieux mise en avant au cours de ma recherche motive dés lors,

les

expérimentations

et

engagements

des

concepteurs.

Véritables laboratoires d’expériences, les dessous de la ville

également une attention particulière aux seuils et transitions. Dans les actions de monter et de descendre ses pentes, l’émergence de l’oblique dans la ville crée de nouvelles attitudes urbaines. Une configuration spatiale qui favorise alors la dynamique des mises en scènes urbaines et qui interrogent alors le profil des paysages. L’étude

des

transitions

dans

la

composition

urbaine

permet

également de (re)penser les vertus de la ville de demain et d’interroger les interactions entre les divers environnements urbains, aérien et souterrain.

interviennent dans les débats actuels sur la densité et dans les préoccupations

durables.

S’intégrant

subtilement

dans

son

environnement, cette typologie souterraine semble ainsi être un milieu en faveur d’une écologie sensible. Une approche écologique qui permet d’introduire une réflexion sur l’investissement des espaces et sur les pratiques de l’espace public. En effet, les diverses interventions dans l’épaisseur des sols participent inéluctablement à la requalification de la surface des sols. Une surface qui va bénéficier

En questionnant les ambiances urbaines, l’expérience sensorielle des espaces souterrains atteste de la capacité du milieu à être un déclencheur d’ambiances. En effet les qualités sensibles, visuelles, sonores,

climatiques,

de

cet

espace

spécifique

bouleversent

l’expérience corporelle du passant et influence les perceptions. La configuration spatiale qui intervient dans un rapport sensible à la ville, nous invite vers un nouvel espace public.

d’un nouvel espace pour accueillir diverses installations selon les besoins des usagers. Il s’agit d’un aménagement nouveau et d’un partage d’espace entre deux milieux, aérien et souterrain, qui vont intervenir dans l’organisation urbaine des espaces privés et publics.

65


Cette étude des phénomènes sensibles permet également de déceler

Déjà, en 2008, Thierry Paquot, philosophe de l’urbain parle

les environnements potentiels qui vont participer aux mouvements

« d’urbanisme sensoriel » 106 qui selon lui « transfigure les sens,

des passants et donc à leur motricité. Dans l’étude et l’évolution des

magnifie les sensations, honore l’humanité des humains. ».

perceptions, l’œil fut constamment l’organe sensoriel le plus favorisé. Les transformations des territoires modifient au quotidien nos points

Le souterrain peut-il alors participer à cet urbanisme « sensoriel » qui

de vues et permettent alors la rencontre avec de nouveaux

invite aujourd’hui aux recherches de nouvelles interactions entre

« horizons ». Ainsi, l’influence de l’environnement physique établit un

l’homme et son environnement.

instant important dans notre expérience urbaine au quotidien.

Par l’étude de l’interaction entre les deux milieux, la recherche ouvre les réflexions vers l’expérimentation d’un environnement nouveau qui prendrait en compte les cadres sensibles des aménagements. Dans une réflexion sur le devenir urbain, il s’agit alors d’expérimenter les relations entre les formes urbaines, architecturales et paysagères. La diversité des morphologies urbanistiques va permettre la valorisation de nos cinq sens et solliciter les diverses expériences sensorielles. A échelle humaine, la prise en compte de la mobilité corporelle dans les métamorphoses urbaines stimule une approche sensible de la ville. C’est une approche qui tente de comprendre le ressentis des individus dans leurs pratiques quotidiennes de l’espace public. Vers une nouvelle manière de penser l’urbanisme ? 106

Revue Urbanisme, « La défense en quête de sens » sous la direction de Thierry Paquot et Dominique Lefrançois, hors série n° 34, 2008

66


Table des illustrations : Figure 1: Le zoning souterrain selon Edouard Utudjian, année 1950.………..16

Figure 17 : Emergences dans la ville- Doué-La-Fontaine……………………...47 1.

Vue depuis sur le »sol-toit » du site des perrières

2.

Vue sur la rue des perrières

Figure 2 : Situation géographique de la ville de Doué-la-Fontaine il y a 10

Figure 18 : Attitude souterraine : enfouie, mal cachée, émergente, montrée..48

millions d'années…………………………………………………………………....24

Figure 19 : Végétation et cavités, site 2 « troglodytes et sarcophages » Doué-

Figure 3 : Représentation des sous-sols parisiens……………………………..28

La-Fontaine…………………………………………………………………………..49

Figure 4 : Vision poétique : cathédrales souterraines, lacs et rivages. Coal

Figure 20 : Plan du site 1 : site des perrières – Doué-La-Fontaine…………...53

City dans les Indes noires………………………………………………………….31

Figure 21: Puits de lumière - site 2 « troglodytes et sarcophages »-Doué-La-

Figure 5 : Celui qui lève les bras, la rencontre du fantastique. Le vieillard

Fontaine……………………………………………………………………………...55

Silfax représentant l’esprit du mal dans les Indes noires sera finalement

Figure 22 : Phénomène de l’effet buvard

terrassé……………………………………………………………………………….31

Intérieur de la poterie de la rose bleu avant la production de l’effet

Figure 6 : Projet de la basilique, la basilique traverse la montagne du versant

Doué-la-Fontaine, salle d’exposition souterraine……………………………….59

nord au versant sud, dessin de Trouin…………………………………………...34

Figure 23 : phénomène de l’effet buvard

Figure 7: Entrée de l’œuvre de Warminski- lieu dit L’Orbière…………………36

Intérieur de la poterie de la rose bleu au cours de l’effet

Figure 8 : Schéma-coupe sensible de la configuration en trou……………...37

Doué-la-Fontaine, salle d’exposition souterraine……………………………….59

Figure 9 : Coupe sensible sur la ville de Doué-la-Fontaine…………………....38

Figure 24 : Déformation visuelle observée sous le phénomène de l’effet

Figure 10 : Typologies troglodytiques, de coteau et de plaine………………..39

buvard………………………………………………………………………………..60

Figure 11 : Axonométrie d’organisation spatiale : site des perrières………....41

Figure 25 : Succession des plans dans la traversée du site des perrières-

Figure 12 : Plan de la ville de Doué-la-Fontaine………………………………...42

Doué-La-Fontaine…………………………………………………………………...61

Figure 13 : Délimitation du site 2 « troglodytes et sarcophages » avec son

Figure 26 : Morphologie et succession de cavités intervenant dans la

entrée principale – Doué-La-Fontaine.…………………………………………...43

perception du lointain : site troglodytes et sarcophages- Doué-La-Fontaine..63

Figure 14 : Occupation de la surface du sol du site « troglodytes et

Figure 27 : Dans cette obscurité, différents cheminements possibles vers un

sarcophages »-Doué-La-Fontaine.………………………………………………..44

« ailleurs » : site troglodytes et sarcophages.- Doué-la-Fontaine……………..63

Figure 15 : Emergences dans la ville Doué-La-Fontaine……………………….46 Figure 16 : Délimitation du site 1 et 3: site des perrières avec ses deux entrées et des habitations troglodytiques de la rue des perrières- Doué-LaFontaine……………………………………………………………………………...47

67


Bibliographie :

Utudjian (Edouard), L’urbanisme souterrain, presses universitaires de France, “ collection que sais-je? ”, 1972.

° Les orientations bibliographiques regroupent dans un premier temps des ouvrages divers sur l’histoire et les théories de l’urbanisme et de l’urbanisme souterrain. Des ouvrages qui m’ont permis de comprendre la genèse et les premières motivations d’investir les sous sol de la ville.

Utudjian (Edouard), Architecture et Urbanisme souterrains, robert Laffont éditeur, 1966 Le livre traite de manière rapide les différents événements liés à l’urbanisme souterrain. Il nous évoque une partie historique qui a motivé l’homme à investir le sous sol en fonction d’un contexte urbain. Par quelques exemples précis

Barles (Sabine) et Jardel (Sarah), L’urbanisme souterrain : étude comparée exploratoire,

avec le cas de Paris.

Laboratoire théorie des mutations urbaines, “ collection que

sais-je?”, Avril 2005.

Références à l’association et articles de la revue Ar’site fondé en 1986, pour favoriser

Bertholon (Patrick) et Huet (Olivier), Habitat creusé, le patrimoine troglodytique et sa restauration, groupe Eyrolles , 2005 Duffaut (Pierre) ,« L’espace souterrain, un patrimoine à valoriser » colloque du

l’architecture-paysage

des

habitations

troglodytiques

aux

architectures contemporaines conçues en étroite liaison avec le minéral ou végétal ou à l’interface entre le sol et le sous sol. ° Il fut pour l’étude indispensable de lire des ouvrages théoriques tel :

Comité espace souterrain, AFTES “ , 23 octobre 2006 Arnheim Loubes (Jean-Paul) ,Archi troglo, édition parenthèses, 1984 Maupu (Jean Louis), La ville creuse pour un urbanisme durable, l’Harmattan, 2006 Trebbi (Jean-Charles) et Bertholoo (Patrick), Habiter le paysage, maison creusée maison végétale, Editions Alternatives, 2006.

(Rudolf),

Dynamique

de

la

forme

architecturale,

Architecture+recherche, Pierre Margada éditeur, 1986. Choay (Françoise), L’urbanisme, utopies et réalités une anthologie, éditions du Seuil, 1965. Choay (Françoise), Pour une anthropologie de l’espace, éditions du Seuil, 2006

Le regard des deux spécialistes m’a permis d’introduire l’impact de l’architecture sur son environnement ; illustré, l’ouvrage présente des projets et exemples internationaux existants ou en cours de constructions.

68


Merlin (Pierre) et Choay (françoise), Dictionnaire de l’urbanisme et de

° Je me suis ensuite intéressée à des ouvrages qui traiter des exemples

l’aménagement, deuxiéme édition revue et augmentée, Presses universitaires

d’études spécifiques.

de France, 1988 Boucher (Sandrine) et Maihes (François), “ Voyage au ventre de la terre ”, Sitte (Camillo) et Choay (Françoise), L’art de bâtir les villes, l’urbanisme selon

Tribune de Lyon, dossier “ Lyon sous terre ”, mai 2006, p18 à 27

ses fondements artistiques, édition du Seuil, 1996. Colloque Européen en Saumurois, “ le patrimoine troglodytique : un atout ° Questionnant l’intervention de l’univers souterrain dans les enjeux actuels du développement durable, j’ai sélectionné quelques écrit spécifiques.

pour le développement des territoires ”, 25 et 26 septembre 2007. Organisé

par

Développement »

la

communauté

le

projet

d’agglomération

cavesnetwork

regroupe

« Saumur un

Loire

ensemble

de

Duffaut (Pierre) “ Habiter sous terre pourquoi pas ? ”, Ar’site, N° 37, décembre

professionnel qui étudient la notion de troglodysme notamment dans la région

2009, p 27

du Maine et Loire. Les principales orientations sont tournées vers les notions de patrimoine et de connaissance de ces espaces comme un atout pour le

Duffaut (Pierre), « Insertion des ouvrages souterrains dans un paysage

développement des territoires.

géologique, » colloque du Comité espace souterrain, AFTES , 23 octobre 2006

Cousin (Michel), Archéologie des carrières souterraines de doué la fontaine, à la recherche d’un passé souterrain en Anjou, édition Gal’Art, 2002.

Farray (Daniel), « La ville problématique de l’espace souterrain », colloque du Comité espace souterrain, AFTES “ , 23 octobre 2006

Fraysse (Jeanne) et (Camille), Les troglodytes en Anjou, à travers les âges, 1984.

Nascimento (iuli), “ Le développement durable “, Note Rapide IAUIDF, N°346, décembre 2003

Nagels (Marc), Les troglodytes en Val de Loire, édition Ouest France, 2009.

Zunino (Gwenaelle), “ Imaginer les espaces souterrains de la ville de demain “

Ando (Tadao), « Architecture d’aujourd’hui », numéro 338-340, mai juin 2002

, Note Rapide IAUIDF, N°579, octobre 2011 Saas (Bruno) « Seuils et passages, une étude de cas : les entrées et une station du futur métro leger de Rouen », TPFE, école d’architecture de Normandie, 1990

69


Triolet (Jérôme et Laurent), Les souterrains le monde des souterrains-refuges

Pèlegrin-genel (Elisabeth) et Pèlegrin (François), Ambiances, densités urbaines

en France, édition errance,1995.

et développement durable, édition PC, 2008

URBAINE revue, découvrir et repenser les villes européennes, “ Sous-sols :

° En questionnant les sens et ambiances de l’espace souterrain, je me suis

aire de stationnement, entrepôt de stockage ou nouvel espace de culture ”,

ensuite orientée vers des livres spécifiques sur les approches sensibles de

édité par l’association dévorateurs d’espaces, N°13 printemps 2007.

l’architecture et l’environnement.

La succession d’articles m’a permis de prendre connaissance des différents regards que l’on pouvait avoir sur les espaces enterrés.

Amphoux (Pascal), Thibaud (Jean-Paul) et Chelkoff (Grégoire), Ambiance en débat, édition à la croisée, 2004.

Von Meiss (Pierre) et Radu (Florian), Vingt mille lieux sous les terres, presse polytechniques et universitaires romandes, 2004.

Augoyard (Jean François) et Torgue (Henry), A l’écoute de l’environnement, répertoire des effets sonores, édition parenthèses, 1995.

Wagon (Angeline), « L’architecture troglodytique et sa part émergée : des

L’ouvrage se présente comme être un dictionnaire des effets sonores et m’a

exemples remarquables du Venin français vallée de Seine », MES, 1998.

permis de distinguer certains de ces effets que je pouvais appliquer au milieu urbain.

° De plus, j’ai retenu plusieurs ouvrages, articles et travaux d’étudiant qui illustrent par le biais d’exemples, l’intégration de ces nouveaux espaces à

Cullen (Gordon), The concise townscape, the architectural press, 1996 .

l’environnement. Chelkoff (Grégoire) et Thibaud (Jean-Paul), Semery (Cécile), « La ville en coupe » MES, Versailles, 2004

Ambiance sous la ville : une

approche écologique des espaces publics souterrains, Convention de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, laboratoire du

Girault (Pascal), Doué la souterraine -une citée oubliée, édition les caves se

Cresson, 1997.

rebiffent, 2007.

Une grande étude fut menée par ces auteurs sur les sites du Louvre et des halls à Paris. Par une succession d’entretiens retranscrits ainsi que

Labbé ( Monique ), Du proche au lointain, “ colloque du Comité espace

d’observations,

souterrain , AFTES “ , 23 octobre 2006

appréhender les espaces souterrains.

l’ouvrage

m’a

permis

d’acquérir

une

méthode

pour

70


Spinetta (Dominique), L’apprentissage du regard, savoir-faire de l’architecture,

Liens internet :

éditions de la Vilette, 2002

- http://www.aftes.asso.fr/publications_comite-espace-souterrain.html -http://www.presseurop.eu/fr/content/article/599641-pour-vivre-heureux-

Thomas (Rachel), Marcher en ville, faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines, éditions des archives contemporaines, 2010. Thibaud (Jean-Paul) Les cadres sensibles de l’espace souterrain. Ville de Montréal. ACUSS, 1997p1

vivons-sous-terre

- http://www.mondesouterrain.fr/ - http://www.troglonautes.com/La-Communaute-des-Troglonautes_a48.html http://www.troglos.com/

-http://www.catp-asso.org/web/p33-

- En interrogeant le sol et le territoire, la volonté était de trouver des livres écrit

le_projet_europeen_cavesnetwork.html?PHPSESSID=3dc8a63b7ec388e96b8

par différents groupes disciplinaires, ainsi par l’intermédiaire de ces lectures,

b7f9e87df1047

je pris connaissance des travaux de sociologue, urbaniste, archéologue et pédologue.

Site d’information sur le Maine et Loire :

Barles (Sabine), Breysse (Denys), Guillerme (André) et Leyval (Corinne), Le sol

-http://www.catp-asso.org/web/les_troglodytes_en_val_de_loire-imprimer-11-

urbain, édition économisa, “ collection villes ”, 1999.

page.html?PHPSESSID=66d1be1c592f463bb607db5ba02b12b1

Par les approches géologiques, archéologiques, anthropomorphiques et

-http://www.ot-douelafontaine.fr/

urbanistique, les auteurs, nombreux exploitent le sol urbain et en donne des

-http://www.ville-douelafontaine.fr/

notions intéressantes. En interrogeant le sous sol, je me suis ainsi inspiré et intéressé sur les origines l’évolution des sols stratifiés.

http://videos.tf1.fr/reportages/heureux-comme-un-troglo-6116528.html

Dvd : Extrait de la conférence, les entretiens de chaillot 3/11/2003, “ 9 conduites nécessaire pour un apprentissage sur le paysage ” Michel Corajoult Extrait de la conférence Paysage et photographie et Horizon dirigée par Catherine Grout – 6 décembre 2011

71


Table des annexes

I) Repérage des sites

Annexe 1 : Carte de la France troglodytique…………………………...73 Annexe 2 : Plan de la ville de Doué-la-Fontaine……………………….74 Annexe 3 : Information site des perrières……………………………....75 Annexe 4 : Information site troglodytes et sarcophages……………...77 Annexe 5 : Répertoire des cavités……………………………………….79

II) Rencontres et entretiens

Annexe 6 : Rencontre 1 : Avec Mr Perdereau Philippe ……………....80 Propriétaire du site troglodytes et sarcophages – Doué-la- fontaine Annexe 7 : Rencontre 2 avec Mr Girault Pascal Ecrivain et photographe du patrimoine………………………………….82 Annexe 8 : Rencontre 3 avec les habitants et les passants touristiques :………………………………………………………………..83

Annexe 9 : Lexiques……………………………………………………….84 Annexe 10 : Observations sur site.……………………………………...86

72


Annexes : I) Repérages des sites Annexe 1 : Carte de la France troglodytique Source :Trebbi (Jean-Charles) et Bertholoo (Patrick), Habiter le paysage, maison creusée maison végétale, Editions Alternatives, 2006.p59

73


Annexe 2 : Plan de la ville de Doué-la-Fontaine Source : plan proposé par l’office de tourisme sur le site de la ville

74


Annexe 3 Site Troglodytes et sarcophages, information Lien internet :http://www.troglosarcophages.fr/1024/default.asp?ref='fr' Article : Michel Pateau/ Photos : Pascal Girault/ Magazine L'Anjou - Septembre 1995 - n°30 Ces grottes sont d'autant plus captivantes que l'on connaît mal cette période [Mérovingienne] de l'histoire, alors que l'ère gallo-romaine nous a déjà livré beaucoup de ses secrets. Il fallait donc que les chercheurs archéologues soient aussi un peu spéléologues pour descendre à l'aventure dans les anciennes galeries souterraines qui abondent sous le sol angevin. Michel Cousin, responsable des fouilles dans ce hameau au sud-est de Doué, est familier de la spéléo autant que de la truelle. Depuis quatre ans, il met la lumière sur l'ombre des caves, révélant l'existence, sur environ un hectare de cette terre du Miocène, creusant les galeries au lieu-dit de la Seigneurie, d'une fabrique de sarcophages des Ve et VIe siècles ; presque à l'état où nos ancêtres l'ont laissée aux suivants.

C'est cette carrière, dont la gueule sombre s'ouvre dans la cour d'une propriété, qui a été prospectée, à l'emplacement de la maison seigneuriale appelée La Cour de Douces. Le plus étonnant est cette ancienne carrière d'extraction de sarcophages." En fait," nou explique Michel Cousin, "l'occupation du site commence à l'époque mérovingienne, et se poursuit jusqu'à l'époque moderne. Nous avons pu identifier l'activité des premiers occupants: une pré-industrie du sarcophage, dont la production est estimée à environ 35.000. " L'affaire n'a pas été éclaircie aussi facilement. Si ces vastes salles ressemblent aujourd'hui à on ne sait quelle cathédrale souterraine aux lueurs jaunes, c'est armée de truelles et de simples seaux que l'escouade d'archéologues bénévoles a déblayé le terrain, puis gratté minutieusement les parois pour découvrir ces entailles significatives, et ces grandes boîtes de pierre creuse destinées aux sépultures. […] Comme si les carriers de l'an mille avaient abandonné leur chantier la veille. […] UN FRAGMENT DE CIVILISATION EN TROIS DIMENSIONS " Nous avons retrouvé toutes les traces d'enlèvement des sarcophages, dont on voit un peu partout les formes trapézoïdales, des blocs entiers qui ont été détachés de la masse, qui ont été abandonnés sur place parce qu'ils avaient un ou plusieurs défauts. Il a fallu gratter avec circonspection pour comprendre la stratigraphie des remblaiements, des déchets occasionnés par la taille de la pierre dans la carrière, et retracer enfin la vie de nos carriers à l'époque mérovingienne. " […] UN REFUGE CONTRE LES ENVAHISSEURS

35.000 SARCOPHAGES

Tous les spécialistes du milieu troglodytique angevin savent que les périodes de troubles - crises, intempéries, invasions, guerres civiles - se sont traduites dans cette partie caverneuse de l'Anjou par une stratégie de l'enterrement. Au lieu de creuser les tombes de pierre dans la carrière de Douces, les habitants se sont eux-mêmes enterrés vivants pour survivre aux raids meurtriers des vikings. De la carrière, le monde souterrain est devenu refuge. L'archéologue angevin s'appuie sur un texte du douzième siècle relatant les événements du IXe siècle: " On y apprend que les

75


gens de Saint-Hilaire-Saint-Florent, près de Saumur, sont venus se réfugier lors des invasions normande dans les grandes caves de Doué-la-Fontaine. A ce moment-là, il n’y avait que les carrières souterraines de sarcophages qui existaient ici. Et certainement celle-ci, à Douces. Beaucoup de souterrains ont été aménagés à cette époque. " Les signes d'un recours à l'habitat souterrain se lisent notamment sur la voûte des cavernes percée de trous à l'apparence étrange: des chatières verticales destinées à permettre le passage aux troglodytes, qui aboutissaient ainsi à une galerie remontant en surface, soit dans une habitation, soit dans un taillis en pleine forêt. Ni vu, ni connu! Dans ces galeries-refuges, on trouve également des silos à céréales et des systèmes de fermeture originaux. Tels ces rondins coulissant dans une encoche creusée dans le roc que les travailleurs du chantier ont reconstituée. La galerie était précédée d'un coude à angle droit, ce qui empêchait les assaillants éventuels d'utiliser un bélier pour défoncer la porte. La carrière de sarcophages devint alors un abri pour la défense passive. […]. " Quand nous avons dégagé les déchets de taille, la pierre est restée de cette belle couleur jaune du falun, avec cet aspect agréable qu'on retrouve partout dans les galeries. Quand on songe que cette roche a près de dix millions d'années, cela donne le vertige! Dans la région de Doué-la-Fontaine, surtout, où le dépôt de l'ancienne mer des faluns a une épaisseur qui varie entre 15 et 23 mètres! Ici, à Douces, le banc pour extraire les sarcophages a été utilisé sur 3,50 m, voire 4 m. On se trouve à peu près entre six et dix mètres de profondeur par rapport à la surface, ce qui est peu important. " "Certaines céramiques ont été ébréchées, le col ayant cassé lors de la cuisson. Au lieu de les jeter, le carrier mérovingien les utilisait pour transporter des tisons à l'intérieur de la carrière. Ce qui nous donne à penser que ces tisons servaient à alimenter un foyer de forge. La pierre est un matériau assez abrasif, et les outils devaient être rebattus à la fin de la journée de travail. Il faut imaginer une petite forge, de style africain, avec quelques cailloux et un petit foyer pour retaper les outils."

Photographies prises sur place, montrant la chapelle puis une reconstitution de la fabrication de sarcophages.

76


Annexe 4 Site des perrières, informations Source : http://www.ville-douelafontaine.fr/pdf/Presentation-Centredes-Perrieres-2011.pdf

77


Plan RDC

Plan R1

78


Annexe 5 Répertoire des cavités souterraines de la ville de Doué-la-Fontaine Source : site du BRGM

79


II ) Rencontres et entretiens

Par mail : La question principale fut de savoir qu’est ce qui l’avait attiré par le

Au cours des échanges, la principale question fut de savoir quelles étaient les

troglodytique.

motivations et les intérêts porté au troglodytisme.

Annexe 6 :

“Hello Zoé,

Rencontre 1 : Avec Mr Perdereau Philippe : propriétaire du site

Pas facile de répondre à la question des enjeux et des ressentis du

troglodytes et sarcophages

troglodytisme. Avant de venir dans cette région, je ne connaissais pas le mot «

Février 2012 – Doué-la-Fontaine

troglodyte ». Je me souviens que dans ma région, j'avais 13 ans, avec des copains, nous avions décidé de faire un petit film dans une des rares grottes

Sur place:

que nous avions découverte. Je crois me souvenir que le scénario laissait planer beaucoup de mystère !

Selon moi vivre sous terre offre beaucoup d’opportunité quant à un “nouveau” mode de vie. J’ai toujours été Intéressé par l’écologie et les nouveaux modes de constructions, et je suis l’un des premiers à construire ma maison en paille. J’entrepris cette construction en extension de mon habitation troglodytique. Mes diverses carrières professionnelles m’ont permis au fil des années d’améliorer sa maison construite dans la terre. Pour améliorer mon confort, j’entreprit beaucoup de travaux en accord avec la pierre , déblaya les conduit de cheminée existant afin d’en créer des puits de lumières. Passionné par les qualités spatiales que la roche à créer dans la ville de doué la fontaine, je suis depuis 4 ans propriétaire du site “troglodytes et sarcophages” dont je connais toutes moindres anecdotes. Et quand on lui demande d’ou vient cette passion, il raconte les rencontres qu’il eu et les opportunités de construire sous terre. “être sous terre, c’est être autodidacte”

Quand je suis arrivé à Doué pour mon travail (directeur de structure d'insertion par l'emploi), en 1990, j'ai rapidement été attiré par ce monde souterrain. Le premier 1er de l'an que j'ai passé ici, fût dans des carrières « cathédrales » désaffectées, où j'avais invité des amis de toute la France. Nous avions emmenés de quoi faire du feu et des bougies pour s'éclairer, ainsi que des textes de poésie et autres récits... L'ambiance est magistrale dans ces hautes carrières de 15 à 20 m de hauteur. Ce qui m'émeut, c'est cette forme élancée et le volume de carrières sur plusieurs kilomètres. Derrière tout cela, je suis fasciné par la quantité de travail que cela suppose et toute l'activité que cela a engendrée en surface. Nous étions en plein hiver et la température à l'intérieur était bonne, elle nous semblait chaude. Au dessus, on voyait les vapeurs ‘échapper par des ouvertures. J'ai très vite voulu voir comment certaines personnes vivaient en habitat troglo. A l'époque j'avais déjà une certaine idée de l'écologie, donc de l'importance de limiter les dépenses énergétiques, d'utiliser des matériaux plus naturels, de ne pas se ruiner en payant les mensualités de la maison... J'ai

80


compris que le troglodytisme pouvait répondre à ces exigences. J'ai surtout

lumière du soleil traverse les pièces d'habitation (principe de l'effet de serre).

rencontré

toutes

Voilà ce que je peux dire sur mes relations entre le dessus et le dessous.

inconditionnelles du troglodytisme, niant parfois les inconvénients de ce type

Aujourd'hui, les habitants du cru ne veulent plus entendre parler de cet habitat

d'habitat.

méprisable, contre lequel ils ont lutté pour s'en extirper. Les « gens d'ailleurs

Mais tout ce beau monde, se retrouvait en réseau local avec lequel je me suis

»sont touchés par ce patrimoine qui dépéri. Depuis 30 ans quelques artistes et

senti en harmonie, pour faire la fête, pour refaire le monde, pour s'exprimer en

écologistes

gravant ses idées dans la pierre, par la sculpture, l'architecture, l'histoire,

malheureusement le seul principal moteur du renouveau du troglodytisme.

l'archéologie... Ancien ouvrier du bâtiment, j'ai pris un plaisir fou à façonner

Aucunes administrations, aucun responsable politique n'envisagent son

ma maison troglodytique. Le gros avantage, c'est que l'on peut dès le début

développement en dehors du tourisme. J'ai reçu l’interdiction de loger une

s'installer sous un toit avant même d'avoir commencé les travaux. Une image

personne dans mon troglo en raison de son soi-disant état d'insalubrité ; alors

me revient c'est la prise de téléphone dans la « grotte » et rien d'autre que de

que mes 4 enfants maintenant adultes n'ont jamais vu le médecin de leur vie :

la pierre brute ! Cette prise a été le premier élément d'une nouvelle vie de cet

il faut croire que le contact des microbes leur a permis de développer des

endroit qui avait uniquement servi pour faire le vin et le conserver. Je trouvais

anticorps ; arrêtons de tout stériliser !

ces maisons troglo habitées très jolies, intérieur comme extérieur : elles sont la

Le monde des entreprises du bâtiment et vendeurs de matériaux n'est pas très

Nature. Pourtant, j'ai hésité avant d'en faire ma demeure, car une chose me

ouvert, il attend l'augmentation de la demande. J'ai expérimenté par moi-

gênait, c'est justement le fait d'être sous le niveau du sol ; et ça, ça ne me

même, il y a 20 ans l'utilisation de la paille et du chanvre de mon voisin

convenait pas, moi qui vient de la Beauce, ce plat pays. Enfant, je

agriculteur. Il faudra attendre que le prix du pétrole devienne inaccessible pour

m’échappais le soir pour dormir dans un chemin duquel rien n'arrêtait ma vue.

que les choses évoluent réellement ? Tout ce patrimoine troglodytique

A des kilomètres, je pouvais parfois apercevoir la lumière des flèches de la

disparaît petit à petit, mais le fameux pic du pétrole n'est parait-il plus très loin

cathédrale de Chartres. Demandez à un marin s'il aime les paysages marins.

! Alors, seulement, de plus en plus de personnes s'intéresseront de nouveau

Pour moi la Beauce a marqué cette vision des grands espaces de blé ondulant

au troglodytisme en terme d'habitat et d'architecture. Voilà quelques

comme les vagues de la mer et j'aime ça ; alors comment accepter de vivre

réflexions, je ne suis pas très doué pour synthétiser... Concernant les plan en

sous terre ? Pourquoi la ligne d'horizon devrait-elle s'arrêter à quelques mètres

coupe, j'ai recontacté Michel Cousin (tu avais vu son livre?) . IL me dit qu'il n'y

? Je dois dire que je m'y suis fait en partie. Certes la maison est sous terre,

a pas grand chose sur le sujet. Il me renvoie à la bibliothèque du CATP,

mais il y a un puits de lumière que j'ai façonné ; et puis la cour est assez vaste,

éventuellement au projet des Perrières à Doué dont les architectes sont :

elle monte en pente douce vers la surface. Cette maison est un nid abrité des

Lecoq et Cousin. Ainsi que les Dahhan (nous les avons évoqué).

vents, du froid ou du chaud l'été grâce à l'ombre des arbres. Ici on peut se

Bon courage pour la suite. Amitiés. Philippe”

des

personnes

hors

du

commun.

Elles

étaient

ont

investi,

de

nouveau,

ces

lieux.

Le

tourisme

est

mettre à l'endroit qui nous convient en toute saison. En dehors de l'été, la

81


Concernant les taxes : « On a coutume de dire que ce qui est sous terre n'est pas imposable; mais en

“ Depuis plusieurs années, je cherche à faire connaître au plus grand nombre

réalité, maintenant, si l'on réhabilite un troglos, il faut faire les demandes

le patrimoine souvent caché de notre pays. Je suis entre autre l'auteur de

administratives »

plusieurs expositions et muséographies. La réalisation d'ouvrage est la

« Les propriétaires de troglo sont souvent atypiques et parfois rebelles; ils

poursuite logique de mon travail de sensibilisation et de recherches

peuvent oublier "volontairement" les démarches administratives... »

photographiques. Ce site est dédié en partie à ce travail d'(auto)édition. Vous pourrez y découvrir mes différents ouvrages et, si vous le désirez, les

Annexe 7

commander. En parallèle, un blog (en construction) présentera mon actualité

Rencontre 2 avec Mr Girault Pascal

et des articles de fond sur le patrimoine. Il aura la vocation aussi d'être un lieu

Ecrivain et photographe du patrimoine

d'échange ouvert à tous.

Février 2012, Doué-la-Fontaine Pourquoi les Caves se rebiffent? Je suis un passionné de ces lieux, je prends plaisir à photographier le caractère de la pierre dans tous ces états. Je suis attiré par les caves et les cavités de la région et je n’hésite pas à me mettre à plat ventre pour y découvrir les trésors. Grâce à mes connaissances archéologiques, j’essai à chaque fois de dater et comprendre l’histoire des lieux. “Se promener dans les caves, c’est parfois remonter le temps” Photographe, je m’intéresse au patrimoine vivant et insolite, au patrimoine imaginaire, je fut également une

J'ai une attirance toute particulière pour le patrimoine creusé. Le monde souterrain est caché, oublié, méconnu et pourtant remarquable. Je recherche à travers mes écrits et mes photographies la mise en lumière de tous ces éléments oubliés qui font pourtant “ En évoquant le site des perrières ainsi que sa rue, il nous dit que “ c’est un endroit réellement insolite à découvrir absolument. “Ah, si seulement les câbles électriques pouvaient être aussi enterrés! “

série sur “ terre de mégalithes” ainsi que sur les “pigeonnier “, petite architecture remarquable selon moi. Je tiens également un blog où je partage mes photographies. Au cours de l’investigation, il caractérisait la ville de Doué-la-Fontaine comme «Une ville sous la ville». Sur son site internet il évoque : http://www.photopatrimoine.com/

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Annexe 8 :

On se sent tout petit ! J’ai apprécié la visite car j’avais l’impression d’être dans

Rencontre 3 : avec les habitants et les passants touristiques :

un film de jules verne.

Zoé à un habitant troglodytique : Quelles sont les réactions des gens quand

L’humidité des lieux ne fut pas très agréable

vous leur expliquez votre mode de vie ? J’ai failli foncer dans un des murs Souvent ils sont surpris, ils ont beaucoup de préjugés sur ce type d’habitat qui semble ensevelis sous terre sans relation distincte avec la surface.

L’une des accompagnante : Quand je vois un trou dans cette roche, je lève

Mais c’est faux ! Nous nous plaisons dans cette roche qui constitue l’histoire

directement les yeux vers le ciel qui me paraît alors être unique, comme un

de notre ville et qui en fait notre fierté.

tableau mouvant dans cette obscurité

Cependant l’un deux, je me souviens apprécias la dynamique de notre rue, la rue des perrières, pendant que certains montent dans la ville, d’autres descendent.. Etant caché dans cette terre, j’aime dire souvent en ricanant que je suis propriétaire du vide. Questions posés aux enfants lors de leurs visites dans les sites « troglodytes et sarcophages » et le site des perrières. Quels sont vos ressentis après avoir parcourus le site ? J’ai eu peur car

je me suis perdu plus d’une fois, ce truc est un vrai

labyrinthe ! «Je me suis perdu plus d’une fois Il fait très noir la dessous ! C’est envoutant, je me sentais dans un autre monde !

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Annexe 9 :

lʼhabitat bioclimatique) et Patrick Bertholon (architecte, urbaniste passionné

Regroupant les termes employés pour parler des espaces

par lʼarchi paysage)

souterrains.

Terme extrait du livre Habiter le paysage, maison creusées, maisons végétales Défini comme une architecture creusée dans la masse, qui privilégie lʼespace

- “ Urbanisme souterrain “ Terme employé en 1972 par Edouard Utudjian (architecte DPLG, professeur,

intérieur obtenu par soustraction de matière et laisse disparaitre son volume externe confondu avec le paysage.

maître de conférence, directeur de la revue “le monde souterrain “ ) Extrait du livre lʼurbanisme souterrain Succinctement lʼauteur considère lʼaménagement du sous sol comme un réel urbanisme avec la mise en place de plans dʼactions. Il sʼagit pour lui dʼorganiser la vie urbaine non pas dans un plan horizontal mais dans la troisième dimension. Il évoque la notion de ville épaisse quʼil compare à la ville haute et étendue.

- “ Les sous projets “ Terme employé par Pierre Von Meiss (architecte et professeur spécialisé dans la théorie et le projet architectural et urbain) Extrait du livre vingt mille lieux sous les terres Les sous projets résultent dʼune fragmentation de la commande, gagnent en autonomie tandis que le projet global perd en cohérence. Selon eux , la nature à su faire mieux.

- “ Configuration en trou “ / “ La version enfouie de lʼarchitecture “ Terme employé par Jean-Paul Loubes (Professeur à lʼécole dʼarchitecture et de paysage de Bordeaux, chercheur au labo Architecture-Anthropologie de lʼécole dʼarchitecture de Paris la Vilette )

“ Le sous-sol comme banlieue du sur-sol “ Terme employé par Michel Malet (architecte qui a étudié à lʼécole des mines ) Extrait du livre vingt mille lieux sous les terres

Extrait du Colloque Européen en Saumurois - “ Ville immergée “ - “ La ville dʼen dessous “ Terme employé par Sandrine Boucher (journaliste indépendante spécialisé dans les questions environnementales) Extrait de lʼarticle voyage au centre de la terre

Terme employé par Jean-Paul Thibaud (sociologue) Extrait du livre vingt mille lieux sous les terres Lʼauteur se demande si il y a une écologie propre aux villes immergées. Selon lui le monde souterrain favorise un sentiment intense dʼimmersion. La ville immergée offre des situations nouvelles et atypiques caractérisant sans aucun

- “ Architecture en négatif “ / “ Ville en négatif “ / “ Ville intérieure “

doute certains traits de lʼévolution actuelle des ambiances urbaines.

Terme employé par Jean Charles Trebbi (architecte, urbaniste qui étudie

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“La ville creuse” Terme employé par Jean-Louis Maupu (chercheur à l' INRETS ) Extrait du livre la ville creuse pour un urbanisme durable La ville creuse nʼest ni compacte ni dispersée. Le terme signifie que les vides composent la ville en surface et en sous face. “ Entrailles de la ville “ “ Terre mére féconde “ Terme employé par Jimse et Caterina cipoccetta (architectes urbanistes) Extrait de la revue “urbaine n° 13” p 22 23

“ Univers parallèle “ “ espaces internes “ Terme employé par Magali Volkwein (architecte urbaniste ) Extrait de la revue urbaine n°13

- “ un espace de micro société “ “ architecture ensevelie “ “ lʼenvers de la ville “ Terme employé par Grégoire Chelkoff et Jean-Paul Thibaud ( enseignant à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de. Grenoble et chercheur au Laboratoire Cresson et sociologue...) Extrait du livre ambiances sous la ville, une approche écologique des espaces publics souterrains.

“ Face caché du territoire “ Terme employé par Pierre Duffaut (expert en génie géologique, membre de AFTES , association française des tunnels et de lʼespace souterrain ) Extrait du colloque de LʼAFTES lʼespace souterrain, un patrimoine à valoriser ;

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Annexe 10 : Février 21012 -­‐ INVESTIGATION -­‐ Phase d’analyse -­‐ Doué la fontaine -­‐ laebens Zoé SITE : Les perrières Saison : hiver Température : -­‐2 Temps du jour : Ensoleillé ° 3 étapes : 1-­‐description 2-­‐ cheminement 3-­‐ expérience Objectif : rendre compte des diverses transitions sensibles entre le milieu aérien et le milieu souterrain. Question centrale du point de vue de l’aménagement urbain et du point de vue de l’expérience souterraine en elle même. Comment le pas du passant incorpore t ’il les qualités lumineuses et sonores du site ? Examiner la notion de transition en terme d’ambiances Seuil : instant privilégié d’entrée dans un autre monde Méthode : Parcours une première fois en divaguant, Une seconde fois en étant attentive à mes objectifs d’observations. -­‐ Repérer les éléments linéaires et ponctuels qui constituent le paysage, séquences et limites. -­‐ Découper le paysage urbain en plusieurs espaces et plans. -­‐ Prêter une attention particulière à la matérialité et aux reliefs des sols (homogénéité ou pas ?). -­‐ Relevés les composants fixes (arbres, bâtiments) ou mobiles (nuages, lumières) du milieu. -­‐ Situer les lieux (sur une carte). -­‐ Étudier les Interactions entre les formes. -­‐ Relevés les différents passages, seuil et transition. -­‐ Étudier les proportions entre le bâti, le non bâti. -­‐ Relevés les sons, les odeurs, les textures… -­‐ Répertorier les ressentis et effets : (attirance, attraction, guidage, étouffement, bourdon, enveloppement, balayage visuel, échappée visuelle)

La sur-­‐face (la rue et les champs) Le sol en surface : continuité urbaine Coexistence avec le sol enterré Sol ° Matériaux du sol: (Minérale ou végétale/ponctuel ou linéaire, relief ou homogénéité) Bitume recouvert partiellement de neige, peu d’herbe ° Surface du sol : (lisse, rugueux, glissant ...) Surface glissante dût à la neige et au verglas. °Présence d’un toit : Nature de celui ci ( jardin, potager, roche) terrains vagues, potagers. Est-­‐il accessible : oui Comment : accès directs de la rue, accès une fois dans l’auberge aux différents niveaux de sol. Cheminements ° Comment j’y accède : pente assez raide ou possibilité de prendre les escaliers (fermé ce jour ci par sécurité) ° Quels obstacles : les racines des arbres qui sortent de terre. Sol non linéaire avec des buttes ponctuelles surtout dans le jardin et le potager (recouvert de neige) ° Les ouvertures : trous horizontaux dans le jardin puis verticaux dans la roche au niveau de la cour (issu du troglo de plaine). ° Passages : direct depuis la rue par la descente, une fois arrivée dans la cour, plusieurs accès, passages s’offrent à nous. Accessibles ou partiellement. ° Les points de vues : successifs vers le paysage ° Quel horizon : lointain puis de plus en plus rapproché (au cour de la descente, disparition progressive du ciel, mur qui nous entoure, puis arrivée dans la cour et son nouvel espace.

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Environnement et intégration : ° Paysage : (Couleur, lumière, arbres, végétations, nuages,) Paysage plutôt rural. Les environs de la rue sont plats. Il y a des trous de part et d’autre de la rue. Le blanc est prédominant. Les deux couleurs qui contrastent le paysage sont le blanc et le bleu du ciel. La roche sableuse prend son volume au fur et à mesure de l’avancée (refend, redans). Le falun s’entremêle ponctuellement avec le végétal. ° Architecture : (Densité du bâti, forme, esthétisme, proportions, fonction du bâti) Les rues sont étroites et sans trottoir, la densité est très faible en surface. Les quelques maisons alentours ont une typologie de type pavillonnaire. Éléments ponctuels et linéaires : Quelques arbres. ° Comment apparait le ciel : (un ciel unique, un ciel en mouvement, un ciel statique ) En mouvement dû au vent ° Les odeurs : (Odeur de roche, pluie, d’herbe) Le froid me permet difficilement de déceler les odeurs environnantes. ° Les sons : (Urbains, végétal, producteurs d’émotions) Le vent balaie les branches et les feuilles mortes encore présentes partiellement. Le bruit urbain se manifeste par les quelques voitures qui traversent la rue. Leur allure est lente dût aux conditions climatiques. ° le toucher : on pas est amorti par la neige Je touche la roche bien fraîche qui s’effrite timidement. Voit on les gens disparaitre? Et comment, a quelle vitesse : (Théâtralité et mise en scène urbaine) Les accès sont très larges, ce qui entraine peu de surprise dans l’effet de disparition des gens.

Les pentes se définissent comme une continuité du sol urbain, un sol qui semble mouvant et qui donne accès aux différentes épaisseurs de la ville.

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L’entre deux Comment apparait le ciel : le ciel apparait entre “4 murs “. On doit presque lever la tête pour le voir. (un ciel unique, un ciel en mouvement, un ciel statique ) ° Position du corps : Efforts : ° Qualité des sols : divers ° Qualités des parois : ° Obstacles : beaucoup ° Point de vues : on observe beaucoup de trous dans les parois de pierre. Le plus souvent noir (ce qui indique une profondeur..) les trous sont le plus souvent des accès. ° Sensations générales : dans le passage extérieur/intérieur, on observe une transition “jour/nuit” “lumière/obscurité/lumière” ces transitions lumineuses influent également sur les changements et mouvements des ombres. ° Emmarchement, pente : ° Lieux couvert ? Non

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La sous -­‐face Comment apparait le ciel : (un ciel unique, un ciel en mouvement, un ciel statique ) Statique et mouvant par endroit Effets et ambiances (au cours du parcours) Nombreux liés aux propriété physique de l’espace souterrain

°Quelles hauteurs sous plafond : Variation des hauteurs de 15 à 20m ° Largeur des parois : Variation : 10 à12m

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