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Portrait Philippe Cieren, nouveau directeur
LA VIE DE L’ÉCOLE
PORTRAIT
Philippe Cieren
En fonction depuis le 1er février 2021, le nouveau directeur de l’ensas raconte son parcours, son goût du patrimoine et sa nouvelle mission.
Propos recueillis par Sylvia Dubost Photo : Jésus s.Baptista
Pedigree : né à Pau, architecte de formation, Architecte des Bâtiments de France à Paris et chef du service départemental de l’Essonne, ancien adjoint à la sous-direction des monuments historiques, Inspecteur général de l’architecture et des espaces protégés à la direction générale des patrimoines du ministère de la culture et de la communication.
D’où venez-vous?
« J’ai fait mes études dans les années 80 à l’up5 de Nanterre, dans l’atelier d’Alain Sarfati. On était dans le post-modernisme à la française, la fin de la constitution des villes nouvelles, et on essayait de redonner de la convivialité aux grands ensembles. Je faisais partie d’un petit groupe qu’il avait pris sous son aile, moitié à l’école, moitié à l’agence, où j’ai travaillé sur la réhabilitation du Haut-du-Lièvre à Nancy [quartier construit à la fin des années 60, ndlr]. Après mes études, j’étais destiné à travailler à l’agence, sur des Ehpad. Ce chemin pré-tracé m’agaçait, et je suis parti à l’agence SaubotJullien. C’était totalement une autre filiation. À l’époque, ils avaient construit la moitié de La Défense : c’étaient des constructeurs, l’objectif était de livrer un bâtiment en bonne et due forme et dans les temps. L’architecture, c’était en plus. Je peux dire que j’ai appris
l’architecture avec Sarfati, mais j’ai appris mon métier avec Saubot. Je ne conçois plus de dessiner sans savoir comment ça tient.
Quand l’agence a commencé à décliner, je me suis mis à mon compte. Roger Saubot m’a recommandé à un client qui avait une maison à rénover, j’ai enchaîné les projets de restauration. Au bout de cinq ans, j’étais éreinté. J’avais trois enfants, je bossais sans arrêt, j’avais un carnet de commande à six mois seulement. Un jour, je suis sorti d’une réunion de chantier où j’avais passé la matinée à discuter de la couleur de carrelage chez une dame qui avait un immense appartement… Ça a été le déclic. J’ai passé le concours d’architecte urbaniste de l’État, je me suis retrouvé abf, puis chef de service, j’ai découvert Évry et le département de l’Essonne : c’était passionnant!»
Pourquoi l’architecture?
« J’avais commencé des études de médecine, je n’aimais pas ça du tout… J’ai toujours aimé l’histoire de l’art, dessiner, regarder les bâtiments. J’ai passé six mois à prendre des cours de dessin, y compris industriel, et à lire. En arrivant à l’école, j’ai su que j’étais au bon endroit. »
Pourquoi le patrimoine?
« Quand on est traîné enfant dans les châteaux et les musées, ça laisse des traces ! Pendant mes études, j’ai suivi l’enseignement de Michel Conan, spécialisé dans les jardins de la Renaissance, et j’ai eu à lire L’Institution harmonique de Salomon de Caus. J’ai trouvé ça fantastique. J’avais en main un bouquin qui avait 500 ans, avec des annotations à la main de l’auteur. J’ai eu un flash. Maintenant, quand je vois un bâtiment, j’essaye de comprendre pourquoi il est comme ça, s’il obéit à une histoire ou un site. »
Quelles sont les qualités d’un architecte?
«Savoir regarder et savoir dessiner. La transcription de l’espace à la main oblige à terminer le trait et à se demander comment ça tient. Et aussi la capacité de synthèse, à voir large, à comprendre un contexte. Être architecte, c’est jongler entre science et humanisme.»
Et celles d’un bon directeur?
« La formation d’architecte est une grande aide, car on a la capacité d’être un chef d’orchestre et la connaissance de la matière – sans quoi ce serait du management pur. Être un bon directeur, c’est mettre tout le monde autour de la table et d’un projet commun et partagé. Pour le reste, j’ai peu de dogmes, à part honnêteté, loyauté et respect des règles administratives (ça c’est mon côté fonctionnaire !). »
À quoi sert une école?
« Le métier, on ne l’apprend pas à l’école. L’école permet en revanche de concentrer une culture plus vaste que celle qu’on apprend sur le terrain. C’est le lieu du débat et des échanges. Il y a des chapelles différentes, les enseignants défendent ardemment leurs convictions, et c’est intéressant que les étudiants y aient accès. »
Un bâtiment que vous auriez aimé construire ?
« La cathédrale dans la mosquée de Cordoue, construite par les catholiques au XIVe siècle. Il n’y a pas eu de destruction, de négation de l’architecture préexistante mais une communion des deux. On rentre dans une mosquée et on commence petit à petit à voir apparaître du gothique, la transition est d’une subtilité incroyable. »