Les voix du Congo

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Les voix du Congo

Plus de 100.000 personnes ont fui les dernières violences autour de Goma et à travers l’est de la République Démocratique du Congo. La plupart avaient déjà dû fuir leurs foyers l’année précédente en laissant derrière des êtres chers, des maisons, des moyens de subsistance et en emportant avec eux que de maigres possessions ou rien du tout.


Aggravation de la crise Une vague de violence dans l’est du Congo a jusqu’à présent forcé 750.000 personnes cette année à fuir leurs foyers parce que les populations civiles font face aux meurtres, au recrutement forcé, à l’extorsion et aux violences sexuelles de la part de nombreux groupes armés et même des forces de sécurité congolaises. Depuis fin 2012, la crise s’est même dégradée davantage car les combats ont atteint Goma, la capitale du Nord Kivu. Au moins 140.000 personnes ont été touchées et sont maintenant hébergées dans des conditions désespérées dans les camps autour de Goma. Plusieurs d’entre elles ont été déplacées deux, trois ou même plusieurs fois, en essayant de fuir le conflit. Les gens ont un besoin urgent d’eau saine, de soins de santé, de nourriture, d’abris et de protection de la violence.

La situation

Les gens du nord et du sud Kivu ont vécu pendant des mois dans une instabilité permanente, et des décennies de conflit et de marginalisation ont détruit leur capacité à faire aux crises. Ils sont maintenant confrontés aux déplacements incessants à la recherche de la sécurité. Les besoins les plus urgents sont aujourd’hui d’obtenir l’aide humanitaire pour les personnes touchées par le conflit et pour que les populations ordinaires puissent être mieux protégées par l’armée congolaise et par les forces de maintien de la paix de l’ONU. Cependant les cause profondes des conflits – comme la pauvreté, le besoin de réforme de l’armée, les tensions à propos des terres et des ressources ainsi que la réponse internationale qui ne tient compte ni de l’opinion, ni des solutions locales – doivent également être abordées pour que les gens puissent vivre en paix. La RD du Congo est le plus grand pays de l’Afrique subsaharienne et le conflit risque de déstabiliser toute la région. Il faut une solution régionale à long terme.

James Akena

Les combats récents autour de Goma ont poussé l’une des plus grandes crises humanitaires au monde sur le bord, et la situation dans l’est du Congo est maintenant plus détériorée qu’elle ne l’avait été pendant plusieurs années. Toutefois, la crise à Goma n’est que la partie émergée de l’iceberg. Depuis avril 2011, lorsque le “M23”a commencé sa rébellion, le nombre et la portée des groupes armés se sont multipliés. L’armée gouvernementale a retiré ses troupes d’une grande partie de l’est pour se concentrer sur la rébellion et les autres groupes armés ont profité du vide sécuritaire. Au moins 25 groupes rebelles sont aujourd’hui actifs dans le nord et le sud Kivu où ils attaquent les populations civiles et déplacent des centaines de milliers de personnes. Un rapport récent d’Oxfam constate que les populations civiles sont devenues des produits de la guerre et sont contraintes de financer la guerre qui a ravagé leur vie – elles ne doivent pas seulement faire face aux tueries, viols et déplacements, mais elles sont aussi l’objet de “taxe” et de pillage lorsque les agriculteurs vont dans leurs champs ou que les commerçants vont aux marchés. Les gens souffrent de la faim dans l’une des régions les plus fertiles du monde.

Cover Photo: James Akena


KakuruHakiza, âgé de 38 ans, de Sake Il y avait beaucoup de combats – j’entendais “aussi bien les armes très bruyantes que les petites. Ce jour-là, j’ai perdu l’un de mes enfants, il avait 12 ans. Lorsque nous sommes partis tout le monde courait dans tous les sens. C’était le chaos. Nous avons d’abord couru vers Mubambiro et c’est là que nous l’avons perdu. Quand nous sommes arrivés là-bas, quelqu’un nous a dit qu’ils avaient vu son corps sur la route, et qu’il avait été victime d’une explosion. Nous sommes alors allés le retrouver et l’enterrer là-bas. Puis nous sommes venus au Lac Vert.

Combien de fois avez-vous quitté votre maison? Trois fois

Alain Wandimoyi

Qu’avez-vous perdu de plus précieux? Mon fils est ce que j’ai perdude plus précieux.

Qu’est-ce qui vous manque le plus? Ma maison. Je ne pourrai plus jamais retourner à la maison.


A quitté sa maison 10 fois à cause du conflit. Elle vient à chaque fois à Bulengo dans la région du Lac Vert. Les premières fois étaient pendant les combats avec le CNDP. Elle vit maintenant dans une église du Lac Vert.

à peu près un mois puis nous retournons à la maison pendant quelques “moisNouset restons nous pouvons travailler dans les champs. Et puis les combats recommencent et nous repartons encore. C’est devenu le rythme de la vie. La plupart du temps nous sommes surpris. Il n’y a aucun avertissement et nous fuyons sans rien emporter. C’est parfois le matin ou l’après-midi. Nous n’avons pas le temps d’emporter quoique ce soit avec nous.

Qu’avez-vous perdu de plus précieux?

En vérité, c’est une partie de notre vie que nous perdons chaque fois que nous quittons nos maisons. C’est comme aller en prison. Chaque fois que nous partons, c’est comme une peine de prison et nous perdons tout, nos professions, nos animaux – tout. Ce que nous perdons de plus précieux, ce sont les membres de nos familles – les enfants, les maris. J’ai perdu mon cousin. Peu à peu, nous perdons nos vies. Quand nous sommes à la maison, nous sommes agriculteurs et nous travaillons la terre mais chaque fois que nous partons nous perdons tout. A la maison quand nous avons besoin de quelque chose à manger, nous allons aux champs; quand nous avons besoin d’acheter quelque chose, nous pouvons vendre les denrées alimentaires que nous cultivons et obtenir de l’argent. La terre me manque parce que c’est elle qui nous permet de vivre et de travailler. La plupart des gens à Masisi travaillent comme agriculteurs et commerçants. Mais avec la guerre, nous ne pouvons rien faire et nous sommes alors incapables de donner à nos familles ce dont elles ont besoin. Ce nous que nous voulons le plus est la paix.

Que craignez-vous le plus?

Nous ne comprenons pas ce qui ce passe. Nous voulons retourner à la maison, mais c’est difficile de continuer à recommencer nos vies. Nousne savons pas qui fait cette guerre et pourquoi. Mais nous perdons tout.

James Akena

Vo VumiuyaBwiraâgé de 45 ans, de Kimoka à environ 6 km de Sake


Bernadette Nanzekuli, 70 ans, de Kibumba Bernadette avait été à Kanyaruchinya pendant 2 mois avant de fuir vers le camp de Mugunga 1 parce que les combats se rapprochaient. Elle vit maintenant dans une salle de classe avec ses six enfants et grands enfantsainsi cinq autres familles. Elle ira vers Bulengo dès qu’elle pourra.

tiraient. Nous avions eu peur et avons dû partir. Nous courions mais c’était difficile avec les enfants parce qu’ils avaient mal aux pieds.

James Akena

avions vu des hommes armés “dansNousle camp (Kanyaruchinya) et ils


Kate Holt/Oxfam

Dunia Sebayanda Boshab, 24 ans de Kimoka Dunia est seul au Lac Vert. Il a été séparé de sa femme et de ses enfants le jour où les combats ont éclaté à Sake. Jusqu’à présent il fuit sa maison trois fois.

J’étais dans les champs alors que ma femme était à la “maison avec les enfants. Lorsque les combats ont éclaté, je suis allé la retrouver à la maison mais elle était déjà partie. Je ne sais toujours pas où ils sont. J’ai demandé aux alentours mais je n’ai pas encore eu de réponse. Quand j’étais aux champs j’avais ma houe et ma machette. Mais lorsque j’ai entendu les combats, j’ai tout abandonné et je me suis enfui les mains vides.

Qu’avez-vous perdu de plus précieux? J’ai perdu deux choses, ma femme et mes enfants…et ma maison qui a été détruite dans les combats.

Qu’est-ce qui vous manque le plus? D’abord la terre puis la maison me manquent. Ma maison a été détruite. J’ai perdu mon travail ainsi que les outils avec lesquels je travaillais.

Que craignez-vous le plus? J’ai peur d’être incapable de retourner à la terre. Je crains également que cette guerre ne soit pas encore terminée. Elle pourrait recommencer à n’importe quel moment.


de Sake Il vit aujourd’hui avec une famille d’accueil jusqu’à ce qu’il puisse s’installer dans un abri qu’il construit à Bulengo.

Nous avons entendu des bom“bardements et des coups de feu. Nous n’avons pas eu le temps de prendre quoique ce soit. Il y avait des combats tout autour. Tout ce que je possède est ce que vous voyez maintenant. Le matin je vais au lac pour laver et nettoyer mes vêtements. Puis j’attends là-bas jusqu’à ce qu’ils soient secs. Je n’ai rien d’autre avec moi. Même pas une casserole pour cuisiner.

Kate Holt/Oxfam

Batechi Shamamba, 24 ans,


Eddy Mbuyi, 27 ans de Goma

Alain Wandimoyi

ans et j’ai rarement connu une “vieJ’aisans27conflit, souffrance, faim, violence et maladie. Mon pays a vu mourir des millions de personnes dans l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ce nouveau conflit est différent des nombreux que j’ai connu auparavant. Je suis père maintenant. Je dois penser à ma fillette de deux ans. Je me sens coupable. Coupable parce que je ne peux pas mettre fin à cela et garantir un avenir sûr pour elle et pour tous les autres enfants innocents qui souffrent à cause de la violence. C’est avec un cœur lourd que je la regarde quand elle joue à des jeux de guerre avec d’autres enfants – parce que je sais que leurs jeux sont plus réels qu’ils ne peuvent l’imaginer. Je passe plusieurs nuits à me demander ce que son avenir lui réserve. Est-ce qu’elle passera toute sa vie, comme j’ai passé la mienne, à vivre dans une zone de combat? Verra-t-elle jamais son pays dans un état de paix


Aider les communautés touchées en RDC Les équipes d’Oxfam ont pendant plusieurs mois renforcé notre intervention d’urgence dans l’est du Congo pendant que le conflit s’aggravait. Nous avons en outre intensifié notre intervention face aux énormes besoins humanitaires provoqués par les combats à l’intérieur et aux alentours de Goma depuis fin 2012. A la périphérie de Goma dans les camps de Mugunga 1 et Lac Vert ainsi qu’au site de Don Bosco dans la ville elle-même, les camions d’Oxfam fournissent l’eau propre et nos équipes construisent des nouvelles latrines pour éviter la propagation du choléra, et un nouveau système plus durable de distribution d’eau. Nous mettons également en place des pompes à eau pour le nouveau camp à Bulengo, celui-ci permettra de réduire le surpeuplement des autres camps. Nos équipes de santé publique travaillent avec les comités dans les camps et les groupes des enfants afin de sensibiliser sur la manière de propagation du choléra. Dans le Lac Vert, où il y a eu une grande arrivée de gens dans les dernières semaines, les équipes d’Oxfam ont construit 100 latrines publiques, 90 douches et elles fournissent 60.000 litres d’eau potable chaque jour. Oxfam a également des programmes en cours dans d’autres parties du nord et du sud Kivu – dans les régions comme Beni, Mweso et Masisi – où ils fournissent de l’eau, l’assainissement, l’argent pour que les gens puissent acheter de la nourriture, et travaillent avec les communautés locales pour les aider à exercer leurs droits dans l’absence d’une protection adéquate de la violence.

Appui aux réfugiés en Ouganda Environ 30.000 réfugiés de la RDC ont traversé la frontière pour fuir vers le sud-ouest de l’Ouganda et Oxfam a lancé une intervention d’urgence dans le camp de réfugiés de Rwamwanja. Les équipes d’Oxfam ont creusé des puits artésien pour fournir une source d’eau potable aux gens, elles ont construit environ 1.000 latrines publiques pour améliorer l’hygiène, elles ont effectué des campagnes de santé publique pour sensibiliser sur la prévention des maladies et elles ont aidé les populations à gagner un revenu et acheter de la nourriture. Dans les camps, les occasions sont réduites pour les gens pour gagner leur vie, alors Oxfam a fourni “l’argent pour le travail” dans lequel 8.000 familles reçoivent de l’argent en échange du travail à la réhabilitation et à l’amélioration des routes locales. En plus de fournir des revenus aux réfugiés, cela sera également à l’avantage de la communauté locale qui reçoit l’arrivée de tant de gens. Jusqu’à présent, environ18 kilomètres de route ont été ouverts. Oxfam travaille aussi avec une société locale de téléphonie mobile pour assurer des transferts monétaires sans condition en vue d’aider les familles les plus vulnérables afin qu’elles puissent acheter de la nourriture.

Appui aux réfugiés au Rwanda Environ 20.000 réfugiés ont fui la RDC vers le Rwanda. Ils ont d’abord trouvé abris au camp de transit de Nkamira, près de la frontière avec la RDC, où Oxfam a construit des latrines publiques, des stations de bains, a appuyé les campagnes sanitaires en recourant au théâtre et aux chansons, et a distribué des trousses d’hygiène et des jerricans. Lorsque la capacité du camp de transit a été dépassée, les réfugiés ont été déplacés vers camp un plus grand à Kigeme dans le sud-ouest du Rwanda où Oxfam a mis en place des infrastructures d’eau et d’hygiène – en installant des réservoirs d’eau, des pompes et des robinets, ainsi qu’en construisant des latrines et douches publiques – et il a formé des groupes d’hygiène pour améliorer l’hygiène dans le camp. Après avoir mis en place l’infrastructure et aidé dans l’arrivée initiale des gens, Oxfam a remis la plupart de notre travail dans les camps aux organisations locales partenaires. Nous continuons toutefois à fournir l’appui technique et à suivre la situation au cas où plus de gens arrivent.


Kate Holt/Oxfam

Ensemble nous pouvons metre fin à cette crise et changer tout pour le meilleur:

• Le changement régional doit se faire pour le bien du peuple. Alors que les négociations se poursuivent to mettre fin au conflit, l’Union Africaine doit faire preuve d’un rôle de leadership plus important afin d’assurer que les pourparlers répondent aux besoins du peuple touché par la violence.

• L’heure est venue pour honorer voire même renforcer les accords déjà

signés. Le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement de 2006 est un accord qui aiderait à apporter la paix, et l’UA devrait faire pression pour sa mise en œuvre. Tout autre accord devrait renforcer le Pacte actuel au lieu recommencer à nouveau.

• On doit donner au peuple de l’est de la RDC – qui a le plus souffert de

cette crise et qui est le plus touché – l’occasion d’aider à apporter des changements positifs. Le procéssus de consultation nationale annoncé récemment par le gouvernement de la RDC constitue un pas en avant et devrait être mis en priorité.

Pour plus de renseignements, veuillez contacter: Desire Assogbavi <Desire.Assogbavi@oxfaminternational.org> Brenda Mofya <Brenda.Mofya@oxfaminternational.org> http://www.oxfam.org/en/drc-conflict | Follow us on twitter @OxfamEAfrica


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