L’homme a toujours appris à lire et à déchiffrer les signes. Il a également créé des signes pour communiquer. Dans le monde d’aujourd’hui qui est dominé par l’omniprésence d’images, l’homme a codifié ces signes.Optimize vous présente une sélection de l’actualité du design dans le monde
OPTIMIZE
DIRECTION ARTISTIQUE : LOUNA HUMBERT JUAN ANDRES GOMEZ
REDACTION: VALENTIN PUJADAS
DIGITAL MEDIA : BERNARD SINGULIER
LOUNA HUMBERT
PRILL VIECELI CREMERS P.20
DESIGN SCENO & MUSIQUE TECHNOP.14
RESPIRE P.21
CHAUMONT DESIGN GRAPHIQUE P.10 SIGNES DU TEMPS P.16
FOCUS P.4
UNE SAISON GRAPHIQUE P.8 GRAPHISME EN NUMERIQUE P.16
AIR POSTER P.6
AIR POSTER P.29
CHAUMONT DESIGN GRAPHIQUE P.41
GRAPHISME EN NUMERIQUE P.43
VIENS P.45
UNE SAISON GRAPHIQUE P.39
REGARDE P. 26
HOMMAGE A ADRIEN FRUTIGER
MEMENENTO P.11
O F C
OCUS
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Air poster Air poster est né de l’envie de produire ponctuellement des formes hors du cadre de la commande, de donner corps à des idées, des envies, pour le plaisir de la recherche graphique et plastique, pour prendre l’air. C’est l’occasion pour les participants de faire partager des recherches, montrer d’autres facettes de leur production, tester des procédés, se confronter à d’autres méthodes de travail qui n’ont pas forcément l’occasion d’être mises en pratique dans leur activité quotidienne. Cela ):re un pas de coté, de changer de focale et, avec appétit : de faire, de montrer et d’être ensemble autour d’Air poster AKATRE
Akatre a été fondé en 2007, à Paris, par Valentin Abad, Julien Dhivert et Sébastien Riveron. Le trio travaille principalement autour de l’identité visuelle dans l’art, le culturel, la musique, la mode et le luxe. Ils participent actuellement à l’exposition « R ecto verso : huit pièces graphiques » au Musée des arts décoratifs.
BB-BUREAU
Designer graphique indépendant depuis 2003. Dernière fonte réalisée : Le Mineral est une écriture scintillante, fracturée en de multiple éclats quadratiques, modules rectangulaires légèrement espacés, proche du quartz et du pixel. Accompagné de deux alternatives stylistiques – Border et Outline – il a été récemment complété par deux autres variantes érodées – Blunt et Smooth.
CHEERI
Cheeri est un atelier de design fondé en 2008 par Jean-Baptiste Berthezène et Félix Demargne. Rejoints par Julien Rachedi, ils allient création, enseignement et recherche pour faire de Cheeri une structure réactive à même de proposer des solutions innovantes et sur-mesure aux problématiques de communication visuelle de ses com-
manditaires. Partagé entre recherche, enseignement et commande, le studio de design graphique a notamment créé la signalétique de l’exposition « Identités remarquables » à la Maison de l’architecture, travaillé pour les maisons d’édition Fayard, Philippe Rey, et Le Nouvel Attila.
LES GRAPHIQUANTS
Les Graphiquants inscrivent leurs réalisations dans un panel élargi d’actions culturelles françaises (Centre Pompidou, Les Arts Décoratifs, Ministère de la Culture...) et plus récemment dans la réponse de commandes privées, tel que BNP Paribas, Première Vision, Diptyque et Artemis (direction artistique de la revue Pinault Collection).
GR20
GR20 paris, studio fondé en 2009, créé des objets graphiques variés, de toute échelle: identités visuelles, interfaces numériques, publications, typographies, affiches et signalétiques. Chaque projet est une nouvelle interrogation: un dialogue attentif entre les différents acteurs garantit la singularité de la réponse apportée. Les formes et les systèmes graphiques développés, toujours au service des contenus, permettent alors de sortir des sentiers battus. La diversité des commandes amène a développer des relations spécifiques avec de nouveaux partenaires et enrichit le cadre des interventions: illustrateurs, architectes, institutions, maisons d’éditions, marques, chefs de fabrications, imprimeurs. Ces rencontres sont au cœur de l’énergie du studio. Au quotidien, une typographie, une couleur, une matière est souvent le point de départ d’un concept pour Claire. William n’a besoin de rien et se nourrit de tout. Cyriac est Sisyphe. Composé donc de Cyriac Allard, William Hessel et Claire Huberdeau, d’autres collaborateurs extérieurs rejoignent régulièrement le studio.
ZECRAFT — JEAN FRANÇOIS PORCHEZ
Fondateur de Typofonderie et ZeCraft. Il a créé des alphabets pour Arjowiggins, Baltimore Sun, Beyoncé Knowles, France Télécom, Louis Vuitton, RATP, Yves Saint Laurent Beauté… Il est président honoraire de l’ATypI, a reçu le Prix Charles Peignot en 1998 et un grand nombre de prix pour ses caractères. Il dirige le master en design typographique à l’ECV Paris, a enseigné la création de caractères à Cooper Union (É-U), à la Reading University (GB), à l’Ensad. En 2014, Perrousseaux éditeur publie sa monographie. Il vient de créer un alphabet sur mesure pour Nespresso.
CHRISTOPHE RENARD
Après avoir été Directeur artistique chez Young & Rubicam, il devient indépendant et collabore avec Martin Parr, Bruce Gilden, Alec Soth, Lise Sarfati et Paolo Pellegrin, sur les différentes éditions du Fashion magazine de Magnum. Directeur de création du magazine Stiletto pendant six ans, il continue à travailler sur des projets d’édition avec Magnum photos et les éditions Xavier Barral ou pour des clients comme Louis Vuitton, Paul Smith, Petit Bateau, Dior Horlogerie, Van Cleef & Arpels et Vilebrequin.
ALAIN VONCK
Designer graphique indépendant depuis 2013. Son travail a été exposé à Paris, Shanghai, San Fransisco et fait l’objet de nombreuses publications, comme recemment pour le magazine Idea. Il travaille actuellement sur la nouvelle identité visuelle d’un couturier, sur un projet de notebook illustré, et collabore également avec le magazine Viewpoint. Passionné de micro édition, ilv a pour projet de créer une maison d’édition indépendante, ayant pour thématique le folklore contemporain.
DES SIGNES
PARLEZ-NOUS DE L’ AFFICHE POUR RENDEZ-VOUS AUX JARDINS 2013…
Élise Muchir et Franklin Desclouds, graphistes associés, fondent le studio Des Signes en 2003. Dès le départ, ils orientent l’activité du studio dans le domaine culturel – des affiches conçues pour le Ministère de la Culture, (RDV aux Jardins, Nuit européenne des musées), à l’identité visuelle du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris – tout en restant ouverts à d’autres univers. Ils seront exposées du 6 décembre 2014 au 2 mars 2015 à la « H ong Kong International Poster Triennal » .
F.D : La thématique de cette année était le jardin et ses créateurs, dans le cadre de l’année Lenôtre. Nous avons voulu parler de cet espace maîtrisé et géométrique du jardin, en stylisant une feuille et en la multipliant. Pour la typographie, nous avons utilisé une Simplon, dont l’intervention en grand rappelle les structures minérales que l’on retrouve dans les jardins, comme les escaliers ou les statues. É.M : La couleur est intervenue à la fin, avec le choix de la trame. Nous avons choisi des verts jaunes et des bleutés, associés à des teintes rouges et roses, pour donner une sensation printanière, en rapport avec la période de l’année de l’événement. La trame nous permet à la fois d’évoquer la notion de technique et d’apporter une touche de modernité, qui nous éloigne un peu de l’art naïf du Douanier-Rousseau.
Élise Muchir et Franklin Desclouds, les deux fondateurs du studio Des Signes, nous ont accueillis dans leurs locaux parisiens. Ils nous ont parlé de leur rencontre, de leur travail et de leurs projets.
INTERVIEW COMMENT EST NÉ DES SIGNES ? F.D : Nous étions à l’Ensad ensemble en section communication visuelle. À la sortie de l’école, nous n’avons pas tout de suite travaillé ensemble. Je suis allé faire mes armes chez Philippe Apeloig et Elise chez Ruedi Baur et Jean Widmer. É.M : En 2003 nous avons pris la décision de monter Des Signes. Notre première commande était pour la BNF, ce qui par la suite a amené beaucoup de grandes institutions culturelles vers le studio. Aujourd’hui nous travaillons également avec de plus petites structures, c’est assez plaisant aussi. POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DE VOTRE FAÇON DE PROCÉDE ? QUELLE EST LA PHILOSOPHIE DU STUDIO ? É.M : Je dirais que nous procédons un peu comme le designer ou l’architecte, nous partons d’un langage formel pré-existant. Nous faisons un travail de création de formes nouvelles et singulières qui passe par une réinterprétation des codes. F.D : En début de projet, nous commençons par réfléchir tous les deux. Une fois l’esprit posé, nous échangeons avec les membres du studio (il y a actuellement 5 graphistes et 2 stagiaires). Notre approche est assez variable selon les projets, mais nous avons une sensibilité commune et nous construisons Wavec le regard critique de l’autre.
VOUS TRAVAILLEZ AVEC LE CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEUR DE MUSIQUE ET DE DANSE DE LYON, COMMENT S’EST PASSÉ LA COLLABORATION ? F.D : C’est super. Au début, il s’agissait juste d’un concours pour la refonte du site, mais nous sommes allés plus loin en créant un nouvel univers graphique. Du coup, nous avons eu carte blanche pour la conception des affiches et du programme de la saison 2013/2014. L’idée était de concevoir un objet qui se manipule dans plusieurs sens, qui danse entre les mains. É.M : Un peu comme si on chorégraphiait la lecture. La typographie est une Avant-Garde que nous avons tronqué à certains endroits pour concevoir des jeux formels et mettre en place une véritable scénographie. Ce concept leur a tellement plu que depuis un mois nous retravaillons toute leur identité visuelle. F.D : La difficulté résidait dans le budget limité. Il a fallu inventer des solutions pour mettre en place un système à la fois fort et maniable pour qu’ils puissent eux-mêmes imprimer leurs affiches. Le challenge était assez excitant ! SUR QUELS PROJETS TRAVAILLEZ-VOUS POUR L’ANNÉE 2013-2014 ? SERONTILS DANS LA CONTINUITÉ DES PRÉCÉDENTS ? F.D : Nous travaillons sur plusieurs projets en simultané : nous finissons les identités visuelles de Paris-Musée et du Musée de la chasse et de la nature – qui est un lieu incroyable – et entamons celle des éditions du ministère de l’éducation (Scéren) et de Pouti Paris. Nous avons un projet en cours avec la BnF et le Centre National des Arts du Cirque,
pour qui nous développons un site sur les disciplines majeures du cirque contemporain. É.M : Nous concevons également la signalétique de la future Cité Municipale de Bordeaux pour l’architecte Paul Andreu. Nous avons à cœur de participer régulièrement à des concours notamment d’affiches, de signalétique et d’identité visuelle lorsque les conditions de participation sont correctes ! POUR FINIR, COMMENT VOYEZ-VOUS L’AVENIR DU STUDIO ? É.M : Nous sommes assez content de la taille actuelle du studio, être une dizaine ça apporte de la vitalité, une bonne dynamique de groupe. Une refonte du site et sa mise en ligne en anglais sont prévues début 2014... Nous allons continuer à garder notre sensibilité à la couleur, notre fantaisie, c’est notre ADN. F.D : L’idée est de garder des projets de grande ampleur, pour le challenge, et puis de développer des projets plus modestes, sur lesquels nous avons plus de libertés, et où nous pouvons expérimenter au niveau typographique, poursuivre notre travail sur l’éclatement de la lettre. Le bilan que nous tirons de ces 10 années d’existence, c’est qu’aujourd’hui les gens reconnaissent la patte « des Signes ». Ça nous pousse à explorer encore plus loin...
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Une Saison Graphique
8 Entretien réalisé par Véronique Marrier, chargée de mission pour le design graphique au Centre national des arts plastiques et co-commissaire de « G raphisme en France 2014 » . UNE SAISON GRAPHIQUE 15, UN ÉTAT DES LIEUX La 7e édition de cet événement se déroule adu 18 mai au 27 juin 2015, avec en point d'orgue la semaine traditionnelle des vernissages du 18 au 23 mai, qui s'achèvera le samedi 23 mai par un parcours de l'ensemble des expositions, le temps fort de la Kermesse Graphique et de la soirée du Tetris au Fort de Tourneville. Du 15 mai au 18 juin seront également présentées dans l'espace urbain les sept affiches programme conçues par nos invités. Interroger les formes, questionner les modes de re/présentation du design graphique dans l'espace, produire des images et des projets graphiques qui témoignent du processus tout autant que du résultat, contaminer le regard, offrir des espaces et un temps de parole à une profession contrainte de se réinventer sous la pression du numérique et de la raréfaction de la commande publique et privée, faire naître ou diffuser la culture du design graphique au sein de nos territoires (réel et virtuel), proposer chaque année au public différentes approches, des univers distincts, souvent disjoints, pour que le design graphique soit à nouveau visible et lisible dans l'espace urbain le temps d'une Saison, et plus si affinités. Voici quelques uns de nos objectifs partagés, qui, nous l'espérons, se liront en creux du programme proposé pour cette édition 2015.
THE DESIGNER IS HERE En proposant de déplacer son studio dans l'exposition qu'elle a imaginée au carré du THV, Sarah Boris fait acte de présence et matérialise cet impératif pour les designers graphiques d'expliquer leur travail et les problématiques associées à cette pratique professionnelle. Ce n'est pas tant de vulgarisation que le design graphique a besoin aujourd'hui, mais de considération et de compréhension. L'exposition est une adresse au public qui se traduit autant en actes qu'en paroles. Il n'est pas facile aujourd'hui d'organiser en province autant de conférences et de rencontres en appui ou en contrepoint des expositions. Cela nous a toujours semblé un enjeu essentiel pour que le processus de création indissociable de son résultat dans le design graphique puisse être révélé au public. Faire acte de présence, et expliquer le rôle assigné au designer graphique dans nos quotidiens peut se faire aussi par la pratique et l'intégration du public au sein même du processus de création : c'est le sens même des projets du collectif Super Terrain et de la seconde édition de la Kermesse Graphique. Pédagogique, généreuse, entière, cette approche participative a séduit l'an dernier un public large et très divers. GRAPHIC DESIGN ON EACH SIDE OF THE BORDER L'arrivée du FRAC Haute-Normandie dans les partenaires d'Une Saison Graphique est une étape importante. Elle
permet de rappeler et de souligner le fait que le design graphique s'inscrit dans le champ de la création contemporaine, et se nourrit de relations fécondes avec l'art contemporain. La sélection d'affiches de Michaël Riedel, l'une des dernières acquisitions du FRAC Haute-Normandie, est d'une autre nature. Il est intéressant de montrer ici l'attachement de ce jeune artiste allemand au poster, envisagé comme une série autoproduite d'affiches uniques accompagnant ses expositions, comme un moyen de repenser continuellement son propre flux d'images. En l'occurrence, il s'agit moins de franchir une frontière que de favoriser emprunts et apports dans une logique d'interdisciplinarité. Par essence, le graphisme est entre les disciplines, ce que confirment les studios Gavillet & Rust et Antoine+Manuel. La diversité des domaines d'intervention d'Antoine+Manuel (mode, design, architecture intérieure, multimédia) les conduit à considérer l'exposition comme un espace magique, à multiples facettes. Sous tous les angles, le duo questionne et réinterprète sa pratique à la faveur d'installations, offrant au public non pas un regard rétrospectif sur leur travail, mais une expérience sensible d'un univers toujours en construction et en expansion. Particulièrement actif sur la scène de l'art contemporain, le studio Gavillet & Rust conçoit des identités visuelles, affiches et livres en parfaite adéquation avec les réflexions initiées par les artistes. Le studio suisse leur apporte une maîtrise impressionnante de la typographie et des outils de la
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création graphique, comme un échange de bons procédés. Mais il s'agit avant tout d'un dialogue, un échange d'intellectuels, de penseurs de formes qui se met en place de part et d'autre. Il est important de restituer les évolutions de ce dialogue. Si les frontières sont aussi nécessaires que perméables, elles ne doivent pas faire peur. Savoir questionner tout en pacifiant, c'est un art qu'il faut apprendre très tôt. Les graphistes réussissent parfois à surmonter les murs, les apparences, grâce à, ou sur le territoire de l'illustration jeunesse. Le travail fin et singulier d' Agathe Demois et Vincent Godeau s'attache au-delà des formes à formuler des propositions de lecture créative, à doubler les sens d'interprétation. Leur ouvrage « la grande traversée » témoigne de l'importance grandissante de cette nouvelle scène d'illustrateurs puisant leur motivation aux sources du travail fondateur de Paul Rand ou Bruno Munari. De cette soif d'ouverture à l'autre (son voisin, une autre discipline). « Connaître les images qui nous entourent signifie également les possibilités de contact avec la réalité, voir et comprendre davantage » écrivait Munari.
Sarah Garcin, associant trois étudiants de 4e année en Design graphique de l'ESADHaR, Kévin Tessier, Chengcheng Li et Angélique Boudeau, et ne doit pas être considéré seulement comme un outil de communication mais une marque de notre volonté d'affirmer désormais que le futur du design graphique est également en ligne et qu'il ne faut pas regarder comme une fatalité la faible prise qu'ont aujourd'hui les designers sur la définition des interfaces du web. Au contraire, il demeure un nouveau théâtre des opérations qu'il faudra investir très vite. Nous y reviendrons. Le programme d'Une Saison Graphique 15 est aussi riche que cet éditorial est long. Mais il nous importait de rappeler que nous ne vous invitons pas simplement à prendre part à un parcours d'expositions qui se résumerait à une série d'accrochage d'oeuvres, comme un gigantesque Google image matérialisé dans une ville. Il s'agit bien d'une réflexion critique collective, portée par les propositions des différents designers invités ici, à laquelle nous vous convions à prendre part, une réflexion et des télescopages qui parle de présence, de frontières et du futur.
IN THE PAST, EVEN THE FUTURE WAS BETTER
LE COLLECTIF D'UNE SAISON GRAPHIQUE
Beyond here and across borders. L'époque est sombre et la tentation forte de considérer ce présent sans avenir. Le projet initié par Frédéric Tacer est une proposition lucide et malicieuse qui rappelle que le design graphique peut ou doit contribuer à redonner du poids aux objets, là où le numérique semble vouloir nous conduire vers la dématérialisation de nos vies. En concevant la direction artistique d'Occur Books, le jeune graphiste s'assume comme un éditeur fictif de livres imprimés en 2084. L'anticipation est un prétexte pour parler de notre présence au monde qui nous impose de revenir à un artisanat de l'image et de la forme. Demain, le designer graphique sera-t-il encore à même de produire des objets justes et sensibles, s'attachant dans la fabrication à une qualité, une intelligence et un relief qui s'oppose en tout point à la rationalité plate des objets vite manufacturés de l'impression à la demande et de la publication électronique ? Mathieu Le Sourd AKA Maotik ne dit pas autre chose lorsqu'il puise dans la pensée de Paul Virilio la matière de ses univers numériques immersifs. La vitesse et l'accélération permanente des formes conduisent à des accidents qui fondent son esthétique très SciFi. Il nous rappelle que la production des interfaces doit également nourrir une réflexion critique permanente à même de nous éloigner de la standardisation générale des mondes numériques.
Mariina Bakic, coordinatrice d’Une Saison Graphique au Havre, nous présente cet événement et sa programmation.
A cet égard, le site web d'Une Saison Graphique 15, réalisé par une équipe conduite par Bachir Soussi Chiadmi et
UNE SAISON GRAPHIQUE S’INSCRIT COMME UN RENDEZVOUS IMPORTANT POUR LA DIFFUSION DU GRAPHISME EN FRANCE. COMMENT EST NÉ CE PROJET ? En 2008, un an avant le début d’Une Saison Graphique, l’ESADHaR et la Bibliothèque Universitaire du Havre ont consacré l’exposition « P ing Pong » à deux graphistes : André Baldinger et Philippe Millot. De ce jeu à deux, deux graphistes et deux lieux qui se renvoient la balle, est née l’envie de l’étendre à de nouvelles participations. En 2009, Le Portique a rejoint le projet et la manifestation a ainsi débuté comme Une Saison Graphique. Les années suivantes, d’autres lieux ou institutions culturels du Havre ont rejoint la manifestation. Ils constituent un réseau de structures complémentaires qui couvre la problématique du graphisme dans ses différentes acceptions dans lequel chacune de ces structures propose au collectif un graphiste ou une exposition proche de ses spécificités et de ses domaines de prédilection. QUEL EST LE PROGRAMME PROPOSÉ CETTE ANNÉE ? L’édition 2014 est composée de six expositions et de deux journées événementielles. Dans les six expositions, il y a quatre expositions monographiques
consacrées à Richard Niessen, Fanette Mellier, Felix Pfäffli et Diane Boivin. Mais, caractéristique importante de notre manière d’aborder l’exposition du design graphique, pour trois de ces expositions (Fanette Mellier, Diane Boivin et Richard Niessen), les propositions ont été élaborées comme des projets graphiques et non comme de simples présentations d’œuvres. L’édition 2014 comporte aussi deux expositions collectives : l’illustration jeune public est à l’honneur à l’exposition du collectif d’illustrateurs du magazine Georges et « C ’est affiché près de chez vous » est composée de la sélection des affiches françaises de Chaumont 2013. La Kermesse graphique est la nouveauté d’Une Saison Graphique 14. C’est un après-midi festif pour tout public, consacré au design participatif, à la création et à l’initiation aux techniques relatives au graphisme. La Kermesse a lieu le 10 mai et elle est organisée par le collectif Papier Machine. Les ateliers sont menés par Le Cagibi, Le livre Lunatique, J.J. Tachdjian, Studiobüro, Papier Machine, Julien Gobled, Atelier Bingo et Super Groupe. Le soir de la Kermesse aura lieu la soirée Raster Noton au Tetris, avec Byetone et Kanding Ray. Anette Lenz est l’auteure de la nouvelle façade du Phare - Centre chorégraphique national, qui sera inauguré le 14 juin. Le 14 juin, nous retrouverons également le Bike Polo Show à la plage du Havre, pour la quatrième fois. Côté conférences et rencontres, Richard Niessen, Diane Boivin et Fanette Mellier donneront chacun une conférence avant l’inauguration de leurs expositions respectives et la première rencontre AGI-Thé aura lieu le 10 mai à 16h au Tetris, proposée par l’Alliance Graphique Internationale, section française. Les expositions sont présentées dans des lieux très divers de la ville du Havre : école, médiathèque, bibliothèque universitaire, théâtre, de plus, de nombreux événements festifs sont organisés à l’occasion de la Saison graphique. Comment s’organise cette mobilisation ? L’organisation est d’apparence informelle et elle fonctionne par un esprit d’adhésion au projet. Les lieux qui accueillent les expositions produisent eux-mêmes leurs expositions mais le collectif veille à l’équilibre artistique et à la dynamique de chaque édition. L’association Graphisme au Havre coordonne et produit des objets « s ans murs » , comme l’exposition urbaine des affiches ou la Kermesse. La manifestation est portée par un esprit de volontariat et bien que les expositions fassent partie de la programmation culturelle des partenaires, Une Saison Graphique repose essentiellement sur l’énergie bénévole sans laquelle cette manifestation n’existerait pas.
Chaumont Design Graphique PRÉSENTATION En 1905, le député haut-marnais Gustave Dutailly léguait à la Ville son étonnante collection d’imprimés parmi lesquelles on pouvait trouver près de 5000 affiches. C’est pour valoriser et compléter ce fonds extraordinaire que la Ville a créé, en 1990, à l’initiative de Cyril de Rouvre (Maire de Chaumont de 1989 à 1995) et Thierry Simon, le premier Festival de l’affiche. Jean-Claude Daniel (Maire de Chaumont de 1995 à 2008) et Pascal Grisoni ont poursuivi le projet du Festival en l’ouvrant à toutes les formes de graphisme. Alain Weill en a assuré la direction artistique jusqu’en 2001, suivi de Pierre Bernard, Alex Jordan, Vincent Perrottet (directeurs artistiques), Jean-François Millier et Étienne Bernard (délégués généraux) de 2002 à 2009. Maire de Chaumont de 2008 à 2013, Luc Chatel initie le projet d’un Centre International du Graphisme dans le bâtiment de l’ancienne Banque de France dont la rénovation et l’extension sont confiés à l’agence Moatti-Rivière. Baptisé Chaumont design graphique, ce centre sera livré en mai 2016 sous la mandature de Christine Guillemy. La Ville de Chaumont œuvre ainsi, depuis 1990, à être la ville du graphisme. Créé pour dynamiser les affiches et documents imprimés du Fonds Dutailly, le Festival international de l’affiche et du graphisme est reconnu comme un événement international clef dans le champs du graphisme. Les graphistes du monde entier ont été invités à participer au Concours international d’affiches qui est depuis organisé chaque année. Il permet la constitution d’un fonds d’affiches contemporaines, conservé par la Ville, aujourd’hui riche de plus de 40 000 pièces, il fédère les étudiants des écoles françaises et européennes. Chaque année, il est le lieu de rencontre d’une profession à l’échelle européenne, en même temps qu’un des événements culturels majeurs du grand Est. Ouverts en 1994, les Silos, maison du livre et de l’affiche intègre un espace d’exposition, des espaces de conservation et un atelier de sérigraphie. Soutenue par la DRAC, le Conseil Régional et le Conseil Général, la municipalité a ainsi pu développer une action d’exposition, de résidence, de médiation auprès des publics et de formation. Ont été mis en place un BTS, une licence et un DSAA au sein du lycée Charles de Gaulle. Dès la réalisation des Silos était prévue
la création d’un bâti spécifiquement dévolu au graphisme. L’extension des Silos en musée de l’affiche, puis un projet sur le modèle des centres d’art en 2007 n’ont pu voir le jour. Amplifiée et aménagée, l’idée initiale d’un Centre International du Graphisme à Chaumont est aujourd’hui portée par les partenaires afin de constituer un pôle de développement artistique, culturel et pédagogique de rayonnement européen en même temps qu’un outil de développement économique et urbain du territoire. LE PÔLE GRAPHISME AUJOURD’HUI Dans la Ville et en Région, le Pôle graphisme mène un programme innovant de diffusion, d’éducation artistique et de formation, et ce auprès d’un large public. Les graphistes sont sollicités pour intervenir dans des projets conduits avec des scolaires, des associations, des centres de loisirs, des étudiants, des détenus… LE PÔLE GRAPHISME, TEL QU’IL EXISTE, DÉVELOPPE DIFFÉRENTES ACTIONS :
• Les expositions proposées aux Silos, en région et à l’international.
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• Des opérations menées avec des lieux
partenaires pour une visibilité élargie du projet.
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Le développement d’une politique d’édition à même de pérenniser et diffuser les actions menées à Chaumont. Les collections Aujourd’hui, les collections se composent :
• Du fonds ancien historique composé
du legs Dutailly, soit 5 000 affiches anciennes ayant le label Musée de France.
• Du fonds réuni depuis la création du
Festival composé d’environ 40 000 affiches contemporaines. Un fonds qui s’enrichit à chaque édition du Festival d’environ 2 000 références. LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE L’AFFICHE ET DU GRAPHISME Événement phare de Chaumont, le Festival est organisé, depuis 1989, aux mois de mai et juin. Il présente, sur plusieurs sites de la Ville, la création graphique nationale et internationale. Rendez-vous incontournable de la profession et des amateurs de graphisme, il accueille chaque année environ 25 000 visiteurs pendant quatre semaines. Plusieurs concours de haut niveau sont organisés chaque année :
• Les résidences d’artistes d’une durée •Le concours international. de 3 ans. • Le concours « Étudiants, tous à • Les ateliers de création pour les Chaumont ! ». scolaires et les associations. •La Sélection française, depuis 2010. • Le Festival international de l’affiche Le Festival est organisé au sein des et du graphisme, événement majeur qui se déroule chaque année aux mois de mai et juin. Le Pôle graphisme de la Ville de Chaumont bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Communication/ DRAC Champagne-Ardenne, du Conseil Régional de Champagne-Ardenne/ ORCCA, du Conseil général de la HauteMarne, de l’ACSE et du ministère de l’Éducation nationale. UNE ACTIVITÉ « AVANT LES MURS » Depuis 2010, ce dispositif est complété par :
• L’organisation pendant le Festival et l’itinérance d’une sélection des meilleures affiches françaises.
principaux sites culturels de la Ville (Silos, espace Bouchardon, chapelle des Jésuites…) et dans les espaces extérieurs prolongeant ainsi l’étendue de l’événement. LE CENTRE INTERNATIONAL DU GRAPHISME
Le graphisme en France est encore mal représenté dans les institutions culturelles françaises, souvent restreint au champ de la communication et de la publicité. Il ne dispose pas de la même aura que les autres arts picturaux (peinture, photographie). Quasiment absent des collections du Fonds National d’Art Contemporain, il est de ce fait méconnu du grand public qui l’associe encore souvent à l’affiche. Le Centre international du graphisme répond donc à une demande forte de la part des professionnels du
secteur pour la création d’un lieu représentatif de leur art et permettant la diffusion au plus grand nombre. Dès lors, le CIG doit s’attacher à être le premier centre à présenter, expliquer et participer à la création du graphisme. LA CRÉATION DE CE CENTRE RÉPONDRA À PLUSIEURS EXIGENCES :
•En lui donnant une réelle vocation
pédagogique et culturelle vis-à-vis des professionnels et du grand public.
• En affirmant son ouverture sur la
ville et son territoire afin de diffuser au plus grand nombre.
• En dotant la ville d’un espace de diffusion de grande qualité.
• En visant le professionnalisme dans le but de devenir le centre de référence et d’expertise sur le graphisme.
• En se positionnant comme un lieu
de création et de co-production. Ce projet est soutenu et financé par l’Union Européenne, l’État, la Région Champagne-Ardenne et le Conseil Général. Étienne Hervy, directeur artistique de « C haumont Design GraphiqueW » , présente la nouvelle édition du festival et les perspectives du futur Centre international du graphisme qui doit ouvrir ses portes en 2016. QUELLE EST LA PROGRAMMATION DU FESTIVAL CETTE ANNÉE ? Elle intègre de nombreuses publications qui sont des prolongements des expositions. COMMENT ARTICULEZ-VOUS CES DEUX PROPOSITIONS ? Nous faisons au mieux pour être là où on ne nous attend pas. La programmation commence avant même les expositions, avec le choix de l’auteur de l’affiche par exemple. À cet endroit, Loulou Picasso a conçu un objet qui agit davantage comme la pochette d’un album que serait le festival plutôt que comme un objet de communication conventionnel. Aujourd’hui, l’exposition ne peut suffire comme média pour aborder la diversité des enjeux et des pratiques du design graphique, pour relayer les approches critiques ou historiques qui se développent actuellement à son endroit. Le Festival est désormais pensé sous formes d’expositions, de publications (liées ou non aux expositions), de paroles (conférences, groupes de travail) et d’ateliers pour les étudiants (près de 140 cette année) et le grand public.
Conçue avec Mathias Schweizer pour le graphisme et Dimitri Mallet pour la scénographie, « S urface habitable » combine, par exemple, un espace physique à un espace imprimé (dans un format journal imprimé en rotatives), afin de présenter des travaux et des démarches contemporains. Cette articulation permet au visiteur de construire sa relation aux objets (re) présentés avant que la lecture n’amène des éléments d’information et de précision. Dans le lieu, des sites internet sont manifestés par six affiches et par des QR codes que le visiteur peut, ou non, activer. La réception de ces travaux est ainsi fragmentée entre l’expression des affiches, le contenu du journal et une consultation des sites possible mais différée. Une autre publication très importante pour nous est Eigengrau, tant par ses enjeux que pour ses 704 pages. Conçue avec Thierry Chancogne, Alex Balgiu et Olivier Lebrun elle vise à étendre le champ d’investigation et de discours du festival, à pointer des secteurs et des abords du design graphique qui nous semblent trop peu éclairés alors qu’ils ont essentiels pour la constitution d’une culture et d’une pratique contemporaine du design graphique. À travers ce projet, nous travaillons à ce que le festival ne soit pas uniquement adressé à ses visiteurs professionnels ou profanes, qu’il ait des répercutions sur l’ensemble du territoire français et nourrisse les discussions qui y animent le graphisme. VOUS AVEZ SOUHAITÉ ORGANISER, À L’OCCASION DE CETTE 25E ÉDITION, UN SÉMINAIRE DE TRAVAIL AVEC DES ORGANISATEURS DE FESTIVALS ET D’ÉVÉNEMENTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. QUELLES SONT LES PERSPECTIVES DE COLLABORATION DE CES DIFFÉRENTS PARTENAIRES ? D’abord échanger sur nos pratiques. Si notre rôle et de renseigner les designers, les étudiants et les profanes sur les enjeux et les réalités du design graphique, nous sommes chacun isolé dans ce travail. Clairement, et c’est une bonne chose, aucun de nous ne se pense en concurrent des autres événements. Confronter nos modèles, nos méthodes et les points de vue que nous proposons était essentiel. Croiser nos regards pour mieux se connaître donc, mais aussi pour savoir que ce que nous pouvons faire ensemble, de quelle façon et dans quel but. La première étape de notre projet commun est un réseau coordonné qui nous permette d’optimiser notre communication auprès des designers, des institutions et du public, mais aussi qui soit un outil de concertation et d’optimisation de nos expositions par exemple. Pour Chaumont
c’est la suite d’une évolution logique, qui a d’abord consisté à mettre en place une itinérance de nos projets, puis des coproductions en France d’abord, en Europe aujourd’hui et de plus en plus souvent dans des contextes jusque là étrangers au design graphique. Il s’agit aussi de faire en sorte que le Centre international du graphisme soit également utile à ces événements. Dans le même esprit nous avons ainsi organisé un atelier de travail pour les enseignants en design graphique, français et européens. LES TRAVAUX POUR LE CENTRE INTERNATIONAL DU GRAPHISME (CIG) ONT DÉBUTÉ, QUELLES SONT LES ÉCHÉANCES À VENIR, QUAND OUVRIRA T-IL ? QUE POURRONS-NOUS Y TROUVER ? La principale échéance à retenir est une fin du chantier pour la fin 2015 et donc une ouverture au début 2016. Les missions de ce lieu s’articulent autour de cinq pôles : recherche, formation, ressources, diffusion (expositions, éditions, conférences) et conservation, le tout à la destination d’un arc de publics allant des profanes jusqu’aux décideurs politiques et industriels en passant bien sûr par les designers, les enseignants et les étudiants. Ce lieu est pensé pour fonctionner en dynamique avec les autres acteurs du design graphique en France et en Europe, pour agir sur le territoire national autant que local. Le centre a vocation à prolonger la dimension culturelle du festival et de nos actions à l’année, mais également de contribuer à une appréhension du design graphique par le commanditaire qu’il soit issu du secteur économique, social ou culturel. Aujourd’hui, et malgré des avancées sensibles, la politique nationale du design passe trop souvent du design industriel au design numérique … sans passer par la case graphique. À nous d’être en mesure de remédier à cet oubli, d’être à la fois force de proposition et moyen d’action. Entretien réalisé par Véronique Marrier, chargée de mission pour le design graphique au Centre national des arts plastiques et co-commissaire de « G raphisme en France 2014 » .
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Design sceno & Musique techno À l’image du Peacock Society (We Love Art), qui s’est déroulé début juillet au Parc floral de Vincennes, le design scénographique multimédia est désormais une composante essentielle de la fête électronique. Il est loin le temps où les seuls VJs officiaient avec leurs mélangeurs basiques ou leurs projecteurs et feutrines pour habiller visuellement les fêtes techno. Désormais, dans le sillage des shows ostentatoires des stars du rock, les grandes affiches du genre se révèlent un lieu propice à un déballage technique de scénographies multimédias particulièrement poussées. Une approche qui nécessite le concours de véritables agences de création professionnelles, aptes à offrir leur compétence professionnelle et artistique pour des prestations souvent impressionnantes. Surprize au Weather festival qui s’est tenu début juin dans le bois de Vincennes ou Superbien pour la Peacock Society qui s’est déroulé les 10 et 11 juillet dernier dans le parc Floral, font partie des agences de design parmi les plus spécialisées sur la place parisienne pour ce genre de manifestation. Et si la première a su bénéficier de l’espace et du volume conséquent permis par les scènes géantes de la Plaine des Polygones avec système de multi-écrans orientés en lames modulables et constellé de jeux de lumières sur la scène Hiver, structures plus filaires et étoilées sur la scène Automne, et jeux de barres de néons coulissant sur la scène Ambient, le défi était paradoxalement plus complexe pour l’équipe de Superbien dans les hangars confinés attenant au Parc Floral. LE PLUS IMPORTANT : L’IMMERSION DU PUBLIC « L’espace intérieur du parc floral est assez particulier à travailler car il ne bénéficie que de peu de hauteur sous plafond et de très peu d’accroches. Il est divisé en travées et ne permet pas toutes les configurations », explique Tom Scalabre de Superbien. « N ous avons donc pensé la scénographie de manière symétrique et très linéaire et avons collaboré avec All Access Design, une société de light design dont nous sommes très proches en termes d’approche technologique. Lors d’événements comme celui ci, nous modélisons en 3D le lieu et le dispositif imaginé pour anticiper le plus possible. Malheureusement, il y a toujours des petites contraintes imprévues, surtout lorsque nous poussons les différentes technologies dans leurs retranchements. Pour Peacock, le but était de définir deux
espaces très distincts entre la scène 1 et la scène 2, pour créer deux ambiances différentes. Le plus important était d’immerger le public dans des ambiances très unies et profondes, et surtout de créer des expériences liées à la musique. C’est elle qui dirige notre création. Nous sommes au service des artistes et non pas l’inverse. C’est une ligne de conduite forte que nous partageons avec We Love Art, organisateur du festival. » Concrètement, chaque scène a donc bénéficié d’un travail particulier. « P our la scène 1, nous avons utilisé des murs d’écrans LED, beaucoup plus efficaces dans des conditions de festival que la vidéoprojection car celle-ci a besoin d’être préservée des sources lumineuses parasites pour garder sa puissance. La spécificité du dispositif a été d’utiliser ces écrans LED tournés à 45 degrés pour former des pyramides suivant les lignes architecturales du lieu. L’idée était de se rapprocher d’une ambiance de cathédrale, ce qui convenait parfaitement à cette grande messe de la musique électronique. Ça n’a pas été simple car ces écrans ne sont pas faits pour être utilisés de la sorte – merci aux équipes de PHASE 4 pour les bonnes solutions techniques ! Le light design est venu ensuite souligner les lignes graphiques crées par ces pyramides et l’architecture naturelle du lieu. » « P our la scène 2, nous avons choisi d’oublier le côté pyramidal des travées et de travailler sur un effet de tunnel rectangulaire créant de la profondeur sur scène. Nous avons donc construit trois arches sur scène dont la première en nez de scène était la plus grande et les autres se réduisaient vers l’arrière. Ces arches étaient des supports pour l’installation du dispositif lumineux mais également pour des tubes LED, pilotés avec de la vidéo, qui soulignaient les contours de ces arches et créaient l’effet de tunnel. Un vidéoprojecteur placé derrière les DJs et dirigé vers le public venait également créer des effets graphiques volumétriques autour des artistes, grâce à l’utilisation de fumée épaisse matérialisant les faisceaux du vidéoprojecteur dans l’espace.
LA SCÉNOGRAPHIE POUR VIVRE UNE « EXPÉRIENCE » MUSICALE DIFFÉRENTE Pour Superbien, travailler sur de l’habillage scénographique événementielle musical est devenu un véritable atout. « Nous avons par exemple aussi créé la scénographie et l’ensemble des contenus vidéos pour le SUPERCLUB, club éphémère au sein du Cinéma Paradiso de MK2 au Grand Palais », explique Tom Scalabre. « D ans ce genre de manifestation, la scénographie prend de plus en plus d’importance car le public vient vivre une « x périenc » . C’est une façon différente de consommer la musique. La musique électronique est également une musique très cinématique, qui se prête extrêmement bien aux effets visuels que nous mettons en place. Les soirées sont longues et nous permettent de créer de vraies évolutions, soutenant le travail des DJ qui construisent et déconstruisent les émotions du public. » Laurent Catala http://www.superbien.fr http://www.thepeacocksociety.fr
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PEACOCK SOCIETY © YULYA SHADRINSKY
Graphisme en numérique : entre certitudes et incertitudes
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« D ans mes moments d’euphorie les plus intenses, c’est comme si le logiciel surgissait des profondeurs de l’ordinateur. Une fois finalisé dans mon esprit, j’avais le sentiment qu’il siégeait dans la machine, n’attendant plus que l’instant de sa libération. Dans cette optique, ne pas fermer l’œil de la nuit me semblait un prix à payer bien dérisoire pour lui donner sa liberté, pour que mes idéesprennent forme. » Bill Joy, « W hy the Future doesn’t need us » , Wired, avril 2000, Metafont. Cofondateur de Sun Microsystems et coauteur du langage de programmation Java 2, Bill Joy semblait être l’exemple parfait du développeur informatique accompli. C’est pourtant depuis sa pratique des codes sources , qu’il écrit, au début des années 2000, une mise en garde adressée à ses pairs : « P ourquoi le futur n’a pas besoin de nous » Rejouant les thèses développ ées par Günther Anders dès les années 1950 dans L’obsolescence de l’homme (sans les mentionner explicitement), Bill Joy en arrive,par sa pratique de codeur, à prophétiser lui aussi « u n monde sans hommes » . Comme Günther Anders, il se base sur le traumatisme de la bombe atomique. Bill Joy entrevoit la poursuite de cet évènement paradigmatique dans le développement des ordinateurs, du génie génétique, de la robotique et des nanotechnologies. Selon lui, ces recherches « représentent une menace différente des technologies antérieures » et menacent directement notre survie ici bas. C’est l’ivresse résultant de la quête du savoir qui aveugle les scientifiques : « H appé dans le vortex d’une transformation, sans doute est il toujours difficile d’entrevoir le réel impact des choses. [...] Le progrès à l’origine de technologies toujours plus innovantes et toujours plus puissantes peut nous échapper et déclencher un processus autonome. » L’émancipation euphorisante permise par les programmes numériques masquerait elle une catastrophe inéluctable ? À travers l’exemple de Bill Joy, nous pouvons donc distinguer deux attitudes possibles face à la technique : se laisser griser par ses in nies possibilités ou travailler contre elle. L’hypothèse que nous souhaitons étudier ici est que le design ne relève d’aucune des deux. Tel que nous pouvons le soutenir, le design est un processus conscient et inconscient « d ’authentification » des techniques nouvelles. Le designer travaille dans la marge séparant la certitude de l’incertitude. Il a pour tâche de révéler ce qui, parmi nous, est recouvert de nos habitudes culturelles.
A fin de donner forme à ce changement, le designer ne doit pas se laisser « happer dans le vortex » séparant une époque d’une autre. La vigilance qu’il exerce vis à vis des avancées techniques ne va donc pas de soi. Dans le champ du numérique, le graphiste est souvent con né à n’être qu’un utilisateur des systèmes techniques. Pourtant, il a, tout comme le développeur, un rôle à jouer dans les directions soutenables ou nuisibles que peuvent prendre les programmes. Plus encore, nous pensons que le designer graphique, par sa culture du projet, apporte des éléments de réflexion qui concernent, au sens large, le rapport de l’homme aux inventions techniques. Cet article sera ainsi l’occasion d’examiner quatre situations de controverse autour des rapports entre design graphique et culture numérique. Ces analyses sont dans le prolongement des articles parus ces vingt dernières années au sein de la revue Graphisme en France. Forcément incomplètes, ces lectures croisées explorent des façons de faire du design qui ne présument pas d’avance sur ce qui peut être trouvé, et espèrent ouvrir des « p erspectives [...] aussi excitantes qu’incertaines » . RÉVOLUTION INFORMATIQUE/ CULTURE NUMÉRIQUE Écrit en 1998, l’article « G raphisme et informatique, rapide bilan d’une liaison durable » de l’historien Michel Wlassiko expose les muta tions historiques et esthétiques des logiciels de création. La « d écennie prodigieuse » du design graphique déroulée par Wlassiko nous renseigne à propos de la réception française des technologies dites nouvelles. La conclusion de son texte fait ressortir deux types de rapport à l’ordinateur : la crainte d’une homogénéisation de la création, et le développement d’esthétiques nouvelles, « radicalement différentes » . Dans son livre Le Monde du computationnel , JeanMichel Salanskis tente de penser le numérique aud elà de la promesse d’une « r évolution » . Selon lui, le
numérique rassemble une multitude d’objets contradictoires, qu’il est délicat d’englober sous une même appellation. En effet, le rapport utilitaire aux objets techniques empêche que cette problématique « r évolution » soit tout à fait la nôtre, car ce qu’ils ont d’inédit est souvent parasité par d’anciens modèles de pensée. Le dévoilement de l’ordinateur dans sa puissance de nouveauté commence par le jeu, activité libre et exploratoire. C’est pourquoi il importe que les « s ystèmes d’exploitation » ne ferment pas à tout jamais la « visite des entrailles » de nos machines. Le travail du typographe Frank Adebiaye de la fonderie Velvetyne (VTF) va dans ce sens. Distribuées sous la SIL Open Font License (OFL) , ses fontes sont accessibles librement au designer graphique, au relecteur ou à l’imprimeur, ce qui simplifie le processus d’édition. Dans un même registre, Frank Adebiaye poursuit actuellement des recherches autour de la génération automatisée de contenus destinés à l’impression. Référents non référents , son dernier livre, est un recueil de textes poétiques écrits entre 2006 et 2013. L’ouvrage est réalisé en XML, et interprété par un navigateur Web type Firefox HTML 5 . Le passage du numérique à l’imprimé s’effectue ici par un usage savant des nouvelles possibilités techniques du Web : Responsive Web Design (RWD, site Web adaptable à plusieurs résolutions d’écran), ancres (liens internes) aléatoires, fontes Web hintées (optimisées pour la lecture à l’écran) via le service en ligne Cloud Typography de Hoewer & Frere J ones, etc. Ce type de démarche est partagé par des designers pour qui le travail de la programmation numérique (« c e qui ne supporte pas l’inexactit ude » ) se fait dans l’acceptation d’une certaine marge d’incertitude. ARTISANAT NUMÉRIQUE/ CONSCIENCE INDUSTRIELLE Beaucoup de produits ont pour finalité de disparaître à l’usage. Dans le champ du design graphique, les outils numériques informent directement les pra-
tiques. Il en est ainsi, par exemple, des logiciels propriétaires dits de création, dont les conditionnements pernicieux ont aussi marqué la dernière décennie du design graphique francophone. Ces programmes ne sont pas des interfaces transpa rentes, mais bien des vecteurs d’idées voire d’idéologies . Cela n’empêche pas certains designers de jouer avec les codes de leurs environnements de travail, telle Danielle Aubert, qui compose des tableaux dans le tableur Microsoft Excel .Selon Annick Lantenois, depuis 1990, le développement des programmes a été progressivement con é aux ingénieurs, le designer se retrouvant dès lors relégué au statut de simple usager. Comme le dit Florian Cramer : « C e modèle impose un retour à un mode de travail artisanal qui exclut les artistes et les designers des évolutions des médias de masse électroniques [...]. » Une telle expression réactualise des débats très anciens sur la constitution du design comme champ autonome de l’artisanat. L’histoire d’un mouvement précurseur comme le Deutscher Werkbund est ainsi jalonnée de prises de position contradictoires sur le rapport à l’industrie – travail manuel et production de masse. Dans la synthèse qu’en donne Walter Gropius au Bauhaus, il y aurait « d esign » quand les artistes cessent de s’opposer à l’industrie et travaillent avec elle, en tension – Art et Industrie. Si la place nous manque pour développer ce dernier point, et pour en revenir aux rapports entre design graphique et culture numérique, nous noterons tout de même qu’elle implique la possibilité d’une « esthétique avec la mécanisation 25 ». Le retour au mode de vie médiéval de la communauté artistique avait déjà été expérimenté à l’orée du Bauhaus. Est- ce que le design graphique, dans les conditions techniques actuelles, gagnerait à revenir à un modèle où les notions de production en série et de standardisation ne posaient pas problème ? Ne risquerait o n pas alors, en réaction à des craintes similaires à celles de Bill Joy, de basculer dans une attitude antitechnique ? À l’opposé de ce retour à une tradition révolue,les travaux du studio Superscript2 jouent ainsi avec les codes graphiques de la production en série,hésitant ironiquement entre travail manuel et automatisation complète du processus créatif (le « s uper script » ). Ce qui est en jeu ici, c’est la fondamentale marge de liberté qui fait de toute vie authentiquement humaine une singularité non reproductible. L’enjeu du design serait alors de permettre le dévelop pement des techniques, sans qu’elles nous portent atteinte. Dire cela ne revient donc pas à accepter toute forme de production en série, mais bien au contraire à la choisir et à la transformer. À la lumière de ces quelques intuitions, nous pouvons relire ce que disait Michel Wlassikof des « l ogiciels [qui] se sont
ainsi inspirés des habitudes professionnelles et ont pris en compte les propositions des graphistes, ce qui a assuré leur adoption rapide et leur constante adaptation » . Ce mélange d’habitudes et de renouvellements dé définit bien la réalité du designer, pris dans une zone de confort qu’il cherche continuellement à dépasser. ORDONNER LE MONDE/ DONNER FORME À LA TECHNIQUE Dans « Ce que nous pourrions penser », article visionnaire publié dans le contexte de la bombe atomique de 1945, Vannevar Bush 26,chef de la recherche scientifique étasunienne, développe l’idée d’un réseau d’informations à échelle mondiale. Plus précisément, il invente sur le papier la notion d’hypertexte, qui ne sera réalisée techniquement qu’une trentaine d’années plus tard. Son concept de « memex » vise à résoudre le problème de la dispersion des articles scientifiques, dont les meilleurs tombent dans l’oubli. Sa visée plus large est d’éviter qu’un nouveau con it mondial ne se produise. Cet article, écrit comme celui de Bill Joy depuis une pratique des systèmes d’informations, interroge la façon d’organiser le savoir humain à l’époque des calculateurs. Pour Vannevar Bush, il y a un enjeu décisif à choisir ce qui doit être rendu public (partageable) dans une masse d’informations. L’hypertexte ouvre la possibilité de structurer un ux an d’isoler ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas. Si l’humanité n’est plus en mesure de transformer l’information en connaissance, alors cette indistinction deviendra indigestion, « i nfobésité » , absence de communication, con it, bombe. L’éthique de l’ingénieur développée par Vannevar Bush est aussi celle du designer : la technique doit servir l’homme pour lutter contre ses insusances. Rationalisé et rendu disponible, le savoir humain doit pénétrer toutes les couches de la société pour l’éclairer de ses vertus. Cette pensée se prolonge aujourd’hui, avec d’importantes nuances, dans des systèmes dont l’ambition ne serait plus seulement d’organiser le monde, mais de le recouvrir de leurs ordonnancements. On pourra penser ici à l’ambition de Google « d’organiser toute l’information du monde 27 ». Par là, on remarque que le monde n’est pour Google qu’une matière dont la finalité serait de produire des éléments signifiants, c’està d ire des connaissances pouvant faire l’objet d’un rendement. Dans cette configuration, nul espace n’est supposé échapper à la trame informationnelle 28 qui se tisse autour de nos existences, réduites progressivement à des entités calculables. Avec le recul dont nous disposons désormais, nous pouvons dire que « l ’informatique » dont parlait Michel Wlassikof s’est constituée en culture numérique. On retrouve l’origine française
du mot « ordinateur », dans une lettre de 1955 adressée au président d’IBM : « Cher Monsieur, écrivit Jacques Perret, que diriezvous d’ordinateur ? C’est un mot correctement formé, qui se trouve même dans le Littré comme adjectif désignant Dieu qui met de l’ordre dans le monde 29. » Cette traduction maximaliste du terme « computer » substitue ainsi à la puissance de calcul l’idéal religieux d’un ordonnancement du monde. Il y a aussi dans l’ordonnancement, au sens testamentaire, l’idée d’instaurer et de prendre des dispositions, c’est à d ire des décisions. N’est ce pas aller trop loin, au risque du contresens, que d’attribuer de telles propriétés aux machines à calculer ? Audelà de ces promesses, un champ de recherche pour les designers graphiques consisterait à faire apparaître les systèmes techniques qui disparaissent habituellement derrière des interfaces « t ransparentes » . Il ne s’agit donc plus simplement d’organiser le monde, mais avant tout de donner à le comprendre 30. Dans les projets de design qui nous intéressent, la technique n’est pas abordée dans sa dimension fabuleuse, mais révélée dans sa puissance de nouveauté. Il en est ainsi de l’a che Specimen de Fanette Mellier, réalisée dans le cadre d’une exposition au pôle graphique de Chaumont en 2009. Ce projet ne cherche pas à « faire image », mais arme son statut d’objet imprimé, appréciable à une échelle déterminée. Le recto est rempli des trames et gammes colorées servant au calibrage des machines d’impression. Ce motif obsessionnel sature la page d’éléments géométriques non symboliques, faisant de ce qui n’est habituellement pas vu l’endroit d’une expérience sensible. Le verso de l’a che contient des éléments informatifs conventionnels. Une fois pliée, l’a che joue du contraste entre ces deux modes d’approche du design graphique : manifester une technique ou délivrer un message.
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Signes Du Temps
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Entretien avec Ruedi Baur
À 56 ans, Ruedi Baur, star du design graphique, n’en finit plus de questionner le monde au travers de dizaines de projets internationaux avec ses Ateliers Intégral1 de Paris et Zurich. Cet éclaireur de signes – auteur notamment de la signalétique intérieure et extérieure de la Médiathèque Malraux à Strasbourg – impose sa patte à des espaces urbains pensés dans leurs aspects sociaux, écolos et politiques. Entretien avec l’artisan de Civic City. COMMENT VOUS DÉFINISSEZ-VOUS AUJOURD’HUI GRAPHISTE, DESIGNER GRAPHI QUE OU URBAIN, TYPOGRAPHE, SCÉNOGRAPHE ? En prenant de l’âge, le cœur et le centre de gravité de ce que nous faisons se définit plus clairement qu’au départ, où l’on a envie de dépasser les domaines de tous côtés. Je me sens de plus en plus typographe. Ce moyen d’expression est devenu bien plus central que l’image dans mon travail. Cette question de l’écriture, je la pousse de plus en plus loin vers le développement de villes, de quartiers, de rapport avec des choses les plus diverses : architecture, espace, temps, mouvement… C’est une sorte de ré-centralisation pour aller plus loin. VOUS ÊTES UN MILITANT D’UN GRAPHISME QUE VOUS QUALIFIEZ « D’UTILITÉ PUBLIQUE ». EN QUOI L’EST-IL ? Je crois fortement en l’être humain et sa capacité à se développer d’une manière communautaire dans ces
espaces restreints que sont les villes. J’aime ces grandes agglomérations qui font que des personnes d’origines, d’intentions et de cultures différentes savent vivre et faire des choses ensemble. Ma question est de savoir comment le graphisme est capable de travailler à la qualification de cet élément civique ? L’expression “militant du design” est juste car j’essaie d’être critique. Je suis un militant insatisfait de cette discipline afin qu’elle acquiert de nouveau l’importance sociale qu’elle pouvait avoir, le rôle dans le devenir de nos sociétés qu’elle revendiquait à une certaine époque. Le design ne s’est pas affaibli. Au contraire, l’homme politique sait aujourd’hui la force qu’il peut avoir même s’il est souvent utilisé à tort et à travers : l’usager, l’utilisateur, l’habitant, le participant, cette personne qui devrait être absolument centrale ne l’est plus vraiment.
LES VILLES EUROPÉENNES SONT SATURÉES DE SIGNES ET D’IMAGES, LE CITOYEN NOYÉ SOUS UN FLOT CONTINU DE COMMUNICATION. L’ÉVOLUTION DE VOTRE MÉTIER CONSISTE À CHANGER DE FOCALE, À SE RECENTRER SUR LE DESTINATAIRE, SUR L’HUMAIN ? J’essaie car c’est pour moi le cœur du design. Je fais partie de ceux qui pensent que l’un des plus grands fléaux du capitalisme est le marketing : cette idéologie qui consiste à faire vendre. Je souffre qu’une grande partie du design se soit soumise à cette idéologie et participe de cette stratégie. Je vois dans le design des rôles plus nobles et des problématiques de société bien plus urgentes à résoudre : nous pouvons répondre à des questions de citoyenneté, participer au rétablissement de l’espace public et de la République à l’heure où l’extrême droite monte de manière inquiétante. Votre intérêt pour l’espace public, que vous pensez comme un espace civique à construire, vous pousse à imaginer
des « utopies urbaines de proximité », à dessiner l’avenir par ce prisme… La question de l’utopie est importante car lorsqu’on travaille dans des quartiers périphériques où les situations semblent bloquées, on est dans une sorte de désillusion qui fait que personne n’ose réenclencher de processus positif. D’une certaine manière, arriver à croire que cela est possible et développer ce petit rêve, dans le sens où il est très proche de soi, permet d’imaginer des choses et de redonner envie de l’impossible, ou du presque impossible. CELA ME FAIT PENSER À MICHEL FOUCAULT QUI DÉVELOPPAIT L’IDÉE, DANS SURVEILLER ET PUNIR, QUE CONTRÔLER LES CORPS C’EST CONTRÔLER LA PENSÉE. VOTRE VOLONTÉ DE RÉAPPROPRIATION DES SIGNES ET DES ESPACES PAR LES UTILISATEURS APPARAÎT COMME UNE LUTTE CONTRE CETTE DOMINATION… Il y a bien entendu de cela, même si nous le faisons en étroit lien avec les urbanistes. Cet espace de discussion et de contradiction a malheureusement aussi donné des lieux d’échec majeurs d’un point de vue urbanistique. Mais nous n’avons pas toujours les moyens financiers pour tout raser et recommencer à zéro, ce qui ne serait d’ailleurs pas une solution. Je m’inscris dans la réparation, la réhabilitation, la requalification. Sans me mettre à la place des urbanistes et des architectes, je crois qu’il existe une couche extrêmement plus proche de ces éléments là qui est souvent inactive, car les problèmes sont tellement grands que l’on commence par faire des grands gestes sur de grands axes. Finalement, ce qui touche vraiment le quotidien n’est pas abordé ou alors sous le prisme sécuritaire et de critères non qualitatifs. En écho au rôle politique du graphisme que vous revendiquez, vous dénoncez souvent une certaine « esthétique sécuritaire » des signalétiques urbaines. Quel est votre rôle, celui d’enrayer la machine ? Je pense malheureusement que l’on peut créer un environnement de haine. Quand on traverse certains quartiers et situations urbaines, on a l’impression que l’être humain n’y est plus respecté. J’avais analysé la ville de Vitrolles après qu’elle soit tombée dans le giron du FN dans les années 1990 et l’on s’était aperçu que les Socialistes avaient quasiment préparé le terrain à l’extrême droite en mettant des caméras et en créant des espaces de peur et de sécurité. J’étais très choqué à l’époque. Depuis, je n’ai eu de cesse de montrer ces lieux agressifs où l’Homme n’obéit plus qu’à des commandements, entouré de grilles et d’expressions visuelles rappelant l’enfermement. Vous aviez raison de faire référence à Foucault, nous avons construit des villes remplies
de ces espaces sécuritaires qu’il dénonçait. Cela crée de l’incivisme. Or au centre du civisme réside un contrat moral entre le citoyen et l’instance qui le représente. Si ce n’est pas respecté d’un côté, le pouvoir doit donner l’exemple et malheureusement l’incivisme des hommes politiques est criant depuis quelques années. Ce contrat m’intéresse dans une analyse micro comme dans une gouvernance mondiale qui a des lacunes toutes aussi importantes. Les questions de représentation et de démocratie de ces organisations mondiales sont très fortement critiquables. VOTRE TRAVAIL SUR LE PALAIS DES NATIONS À GENÈVE S’INSCRIVIT DANS CETTE ENVIE D’AGIR À UNE ÉCHELLE INTERNATIONALE ? Cette expérience était passionnante mais extrêmement difficile car nous sommes dans ces lieux de négociation maximum, et de négociation par la négative. Il y a une addition de choses impossibles qui sont basées sur les contraintes imposées par chaque pays. Du coup, une sorte de consentement mutuel minimum rend difficile tout travail exceptionnel. Je suis tout de même fier d’y avoir réintroduit de l’humain. Tous les panneaux placés en ce lieu comporteront des photos d’hommes et de femmes pour bien rappeler à ceux qui travaillent dans ce palais qu’ils agissent pour les êtres humains du monde et que le reste est de seconde importance. Je ne sais si cela a des effets mais c’est la modeste contribution que l’on peut y apporter.
LE CHAMP CULTUREL EST SENSIBLE À VOTRE APPROCHE GLOBALE. VOUS AVEZ BEAUCOUP TRAVAILLÉ POUR DES LIEUX D’ART (MUSÉE RODIN, BEAUBOURG, VILLA ARSON À NICE, ETC.). CELA EST DÛ À VOTRE INTÉRÊT POUR L’ART OU À CELUI D’INSTITUTIONS QUI ONT CONSIDÉRÉ LE DESIGN GRAPHIQUE À SA JUSTE VALEUR ? Un peu des deux ! Les deux modes d’expression qui me nourrissent le plus sont l’architecture et l’art. Il y avait donc une certaine évidence à se situer dans ces domaines. Il y a aussi une part de hasard : par exemple, un des premiers catalogues assez radical que j’ai fait en 1983 a été notifié par le Conseil municipal de Grenoble comme « un scandale ». Cette municipalité de droite m’a ainsi fait une publicité énorme, me permettant de travailler avec de nombreuses structures culturelles et artistiques. J’ai pu exercer mon métier de manière très libre.
QUEL REGARD PORTEZVOUS SUR L’ÉVOLUTION DES TECHNIQUES ET DES POSSIBILITÉS ? On peut dire que j’ai commencé avant l’ordinateur. Nous travaillions en team avec des typographes, des photograveurs… Pour faire une affiche, le travail était divisé entre au moins quatre compétences. Aujourd’hui, le graphiste fait tout, sauf l’impression. Et encore, il peut fournir des données quasiment complètes à l’imprimeur qui n’a plus qu’à exécuter. On a développé le domaine du graphisme sans que l’économie ne suive. L’ordinateur a en même temps introduit une sorte d’appauvrissement visuel que j’ai essayé de théoriser par l’accès à la perfection. Auparavant nous essayions d’être le plus parfait possible. On découpait, collait des lignes, soignant les choses au maximum. Aujourd’hui, tout cela est géré mathématiquement, donc parfaitement. Une sorte de tension est tombée à cause de cette perfection. L’esthétique née dans les années 1980 et 1990 est consciemment ou inconsciemment faite de stratégies pour y pallier : le flou, la superposition, l’introduction de complexité, de perspectives… On a donc développé une toute autre esthétique que celle qui précédait à la machine. Elle comporte des points positifs et négatifs. Mais la perception est une donnée majeure de ce qui se fait avec l’ordinateur. Elle est sous théorisée et l’on voit bien quand on regarde l’être humain à quel point la perfection est particulière : que serait Marilyn Monroe sans son grain de beauté, Rudolph Valentino sans son regard asymétrique… Toutes les icones de la beauté n’ont rien à voir avec ce que recrée Photoshop. Les facilités nées des avancées techniques comportent aussi de grandes faiblesses
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Prill Vieceli Cremers les 3 suisses du design graphique Commandes, recherches personnelles, expositions ou encore enseignements, les 3 suisses de Prill Vieceli Cremers ont une activité débordante. Entre leurs différents projets et avant de s’octroyer une semaine de vacances bien méritée, Tania Prill, Alberto Vieceli et Sebastian Cremers, les trois têtes du studio Zurichois, ont répondu à nos questions. POUVEZ VOUS PRÉSENTER VOTRE STUDIO EN QUELQUES MOTS ? Tania Prill : J’ai rencontré Alberto Vieceli en 2001 lors d’un dîner organisé par Hans-Rudolf Lutz. Nous avons commencé à échanger à propos de différents projet et de fil en aiguille cela nous a amené à fonder notre studio Prill & Vieceli. Parallèlement, Alberto gardait beaucoup de ses anciens clients, pendant que moi j’ai commencé à enseigner la typographie et la communication visuelle. Depuis 2010, je suis professeur de typographie, à l’Université des arts de Brême. J’y dirige le Master-Studio “From Aleph to Eternity Langage & Communication» avec Samuel Nyholm. En 2010 également, Sebastian Cremers a rejoint le studio, il est devenu partenaire associé de ce qui est maintenant “Prill Vieceli Cremers”. Sebastian est aussi professeur à mi-temps de design éditorial et design d’exposition. Il y a un an, il a fondé le projet éditorial “Everyedition” et a réalisé de nombreuses créations en collaborant notamment avec des artistes et designers. EN 15 ANS, COMMENT LE STUDIO A-T-IL ÉVOLUÉ ? Y A-T-IL EU DES TOURNANTS/MOMENTS CLÉS DANS SON HISTOIRE ? Alberto Vieceli : Le studio s’est toujours concentré sur des projets de type culturel, plutôt que dans la sphère commerciale, ce qui ne signifie pas que nous ne trouvons pas intéressant de créer pour le commercial. C’est juste une chose qui n’est pas arrivée. Un des projets marquants de notre histoire commune est le catalogue pour Bruno Jakob. C’est un livre d’artiste qui a été fait en parallèle de son installation et performance réalisée dans la crypte de la Grossmünster de Zurich, il y a deux ans. On nous a demandé d’imaginer une série de livres en lien avec cette installation évolutive. Quand nous avons rencontré Bruno pour la première fois, il nous a dit qu’il ne serait pas en mesure de nous fournir des images pour le livre.
Nous lui avons recommandé d’écrire des instructions pour créer ces images et de lui envoyer. Bruno y a ensuite ajouté une phrase sur les ondes cérébrales et nous les a retournées. Donc nous avons été officiellement mandatés par l’artiste et ce problème a été résolu en créant nous même ces images. COMMENT DÉFINISSEZ-VOUS L’APPROCHE DE VOTRE STUDIO ? QUELS TYPES DE PROJETS PRÉFÉREZ VOUS ? Sebastian Cremers : Le processus de création du catalogue de Bruno Jakob est une belle illustration de la manière dont nous travaillons. Un jour, à l’occasion de la remise du prix Jan Tchichold, Martin Guggenheimer a dit à propos de notre travail “Il y a des livres dont on soupçonne l’identité du designer dès que l’on aperçoit la couverture. Vous ouvrez le livre, et reconnaisse immédiatement où vous êtes, parce que vous avez rencontré cette manière d’aborder le livre par le même studio. C’est vraiment différent quand les livres sont mis en page par Prill Vieceli Cremers. Tania Prill, ALberto Viecelli et Sebastian Cremers ne conservent jamais un style unique, ils s’adaptent à chaque nouvelle commande, chaque sujet et chaque auteur, dès qu’on leur demande de concevoir un livre”. Notre studio n’a pas une signature propre qui ressortirait dans chacune de nos créations. Nous croyons à la diversité visuelle et à la singularité de chacune des réponses en fonction des contextes. La recherche occupe une part essentielle de notre temps avec le processus de création. C’est le cas aussi pour nos projets personnels, qui nous permettent de creuser encore plus ces approches. AVEZ-VOUS DES PASSIONS, LOISIRS OU INSPIRATIONS PARTICULIÈRES QUI NOURRISSENT VOTRE TRAVAIL ? Tous : Le cinéma, le dessin, les animaux, les poèmes, la musique et l’art, sans ordre particulier… AVEZ-VOUS DÉJÀ TRAVAILLÉ AVEC DES CLIENTS FRANÇAI ? PERCEVEZ-VOUS DES DIFFÉRENCES DANS LA MANIÈRE DE TRAVAILLER AVEC DES CLIENTS SUISSES OU DES CLIENTS D’AUTRES PAYS ?
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Tania Prill : Non jamais pour un client français. On aimerait beaucoup. Alberto Vieceli : Il y a beaucoup d’échanges, expositions, conférences et workshops, par exemple au Festival de Chaumont. Tania et Sebastian vont donner une conférence sur Hans-Rudolf Lutz à la HEAR de Strasbourg en mars. Depuis l’année dernière, nous développons l’identité graphique de la fondation Bauhaus Dessau. La collaboration internationale est productive et requiert de voyager, ce que nous aimons. En revanche, nous ne voyons pas de différence particulière entre les pays, à par pour les budgets. DES CONSEILS À DONNER AUX JEUNES GRAPHISTES QUI SOUHAITENT LANCER LEUR STUDIO ? SC : Ne pas paniquer ! TP : Ne pas pleurer ! AC : Travailler ! EST-IL IMPORTANT DE COMMUNIQUER SUR LE TRAVAIL DU STUDIO ?DE PARTICIPER À DES CONCOURS ? DES PRIX ? DES EXPOSITIONS ?
Tania Prill : Nous tenons des archives sur notre site, pour essayer de rassembler nos commandes, nos créations personnelles, notre travail d’enseignant, nos dates de conférence ou encore le projet de Sebastian “everyday édition”. En ce qui concerne le travail propre au studio, nous nous demandons parfois si, en fait, nous ne tenons pas ses archives pour nous, pour avoir une sorte d’inventaire des projets sur lesquels nous travaillons. D’un autre côté, cette accumulation d’archive rend le site de plus en plus lent. En ce qui concerne la communication externe, nous envoyons nos projets à quelques festivals et expositions. Il y a quelques évènements que nous apprécions particulièrement. VOS PROJETS À VENIR ? SC : Comme nous l’avons dit, nous travaillons actuellement sur l’identité visuelle de la fondation Bahaus Dessau qui consacre son programme annuel au thème du “collectif”. Nous créons des affiches, des foyers, des magazines tout au long de l’année 2015. Au début de ce projet, notre approche était de trouver des images issues de la mémoire collective montrant des
collectifs créatifs. Par exemple, une photo légendaire des Beatles aurait été placée au même niveau que les images spécifiques et les informations, à propos du Bahaus Dessau. L’identité visuelle elle-même était poussée à un mélange d’identification et de confusion, une combinaison que l’on trouvait intrigante pour cette institution. La limite de ce système fut les copyrights. Plus les images étaient iconiques moins on avait de chance de les obtenir. Moralité : quand on est un artiste il est permis de reproduire ce qui n’est pas le cas pour les designers graphiques. De toute façon, nous n’avons pas garder ce système. Plutôt que les images, nous avons choisi du texte. Mais le texte est utilisé comme de l’image. Maintenant nous sommes libres de choisir le collectif qu’on veut, y compris les plus populaires. Désormais tous les collectifs sont égaux, cela dépend juste de la manière dont le public les connait ou non. Le niveau d’identification et de confusion de l’identité fonctionne toujours, mais maintenant dans un langage verbal. Les illustrations juxtaposées aux collectifs apportent des informations sur la nature de ce collectif. TP : Quand nous avons commencé la mise en page de ce projet, nous avons compris que le studio Experimental Jetset avait un aspect similaire dans son travail “Iconic Band T-shirt”, plus tard nommé &&&-Format. Beaucoup de personnes ont copié cette idée, changeant les noms et produisant leurs propres t-shirt. C’est une conséquence des phénomènes de mode en parfaite adéquation avec notre travail pour l’identité de la Bahaus Dessau. SC : En octobre, nous publierons aussi un autre livre de notre propre initiative aux éditions Patrick Frey. Nous travaillons depuis plusieurs années sur ce projet. Parallèlement, j’assure le commissariat d’une expo sur la relation existante entre les messages visuels et verbaux, montrant des travaux de Miklos Klaus Rozsa ou encore Hans-Rudolf Lutz. Elle aura lieu à Zurich à partir de fin mai. TP : Avec Jean-François Bandel et Annette Gilbert, j’organise aussi une exposition sur les publications underground allemande de 1965 à 1975, au Musée Weserburg de Brême. Nous sommes aussi les auteurs d’un livre sur cette collection qui sera publié par Specor Books. Je suis également invitée par Kali Nikitas pour animer un workshop au Otis College of Art and Design durant la design week de Los Angeles. http://prillviecelicremers.ch
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Hommage au typographe Adrian Frutiger, maître de l’Univers Adrian Frutiger est mort le 10 septembre 2015 à 87 ans. Ce typographe suisse, formé à l’école d’arts appliqués de Zurich, était l’inventeur de polices de caractères parmi les plus utilisées au monde. Dès 1957, il dessine l’alphabet Univers pour la fonderie Deberny et Peignot. Ses lettres régulières, équilibrée et sans empattement, se veulent, selon le slogan de l’époque, la « synthèse de la minutie suisse, de l’élégance française et de la précision britannique » . La carrière d’Adrian Frutiger coïncide avec l’apparition de la photocomposition, dont les coûteuses machines entraînent une standardisation des formes. Dans le contexte de l’après-guerre, les typographes cherchent aussi à effacer toute évocation d’une appartenance nationale. Enfin, Univers répond à une conception scientifique de la typographie, où l’on évalue avec précision la lisibilité de chaque lettre. Cependant, pour le graphiste Philippe Millot, Andrian Frutiger n’était pas un dogmatique, mais plutôt « u n mystique » : « I l pensait que lorsque l’évidence d’une forme s’imposait, c’est qu’elle exprimait la vérité. » DANS LES AÉROPORTS ET LE MÉTRO PARISIEN Adrian Frutiger s’installe à Paris en 1962. Au début des années 1970, l’architecte Paul Andreu, responsable de la construction de l’aérogare de Roissy 1, inaugurée en 1974, fait appel à lui pour concevoir la signalétique du terminal. Frutiger assouplit le caractère Univers et, pour obtenir un rapport idéal entre contraste et confort, dispose sa nouvelle police sur fond jaune. Elle sera rapidement baptisée Frutiger et sera utilisée dans de nombreux aéroports dans le monde. Beaucoup d’alphabets s’en inspireront. Adrian Frutiger a aussi dessiné Métro, la police de caractères du métro parisien, toujours dans ce style lisse et simple (elle a été remplacée à partir de 1996 par la Parisine, conçue par Jean-François Porchez). Il a signé l’ancien logo de la Réunion des musées nationaux, un simple M dans un cercle, et celui du musée Rodin, comme un R sculpté (qui, lui aussi, a été remplacé depuis). « A chaque fois, ce sont des formes qui ont des idées. Elle sont d’une intelligence graphique parfaite » , juge Philippe Millot. Pour Frutiger, comme pour ses contemporains, l’utilité de la typographie primait sur l’esthétique. « S i vous vous rappelez la forme de votre cuiller au déjeuner, c’est que cette forme était mauvaise, estimait-il. La cuiller et la lettre sont des outils ; l’une sert à prendre la nourriture dans l’assiette, l’autre à prendre l’information sur la page... Quand le design est bon, le lecteur est à l’aise parce que la lettre est à la fois banale et belle. » Comme tous les grands designers suisses, il a théorisé ses idées et les a transmises par écrit. Son livre Des signes et des hommes (éd. Delta et Spes, 1983) a été lu par des générations d’étudiants de tous pays. Il leur a appris qu’au-delà de son contenu artisanal, le travail du concepteur de caractères est au cœur de la civilisation.
« Le dessinateur de caractères ne doit pas ennuyer le lecteur avec ses caprices personnels »
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UNE SAISON GRAPHIQUE
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GRAPISME EN NUMRIQUE
Superscript
Murmur, Cheval vert
Programme Prototypo
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AGENDA LES PLUS BEAUX LIVRES SUISSES 2015
LES TROIS OURSES 6, PASSAGE RAUCH 75011 PARIS JUSQU'AU 21.11.2015
MADRID JUSQU’AU 31.10.2015
L’Office fédéral de la culture (OFC) organise chaque année le concours “Les plus beaux livres suisses”. Il entend ainsi distinguer des réalisations particulièrement significatives sur le plan du concept graphique et de la réalisation technique. En janvier, le jury a primé 17 livres publiés en 2014. Quelques semaines plus tard, le concours international “Les plus beaux livres du monde entier” décernait la Lettre d’or, la plus haute récompense, au livre
L’association Les Trois Ourses, grâce au soutien du Centre national des arts plastiques, réunit sous la forme d’un livre d’images les pictogrammes de Jean Widmer et les histoires visuelles imaginées par Katsumi Komagata. Ses pictogrammes, collages et peintures sont réunis dans une exposition à la galerie Les Trois Ourses, accompagnée par la sortie d'une mise en histoires visuelles par l'artiste japonais Katsumi Komagata. Ce dernier utilise découpes et pliages non seulement pour provoquer un effet de surprise, mais aussi pour créer un lien entre plusieurs pictogrammes. Il a imaginé ses « petits théâtres de papier » qui se déploient et que les enfants peuvent s’approprier et manipuler à l’infini en faisant dialoguer des signes choisis par l’artiste.
EXPOSITION SUR LE COLLECTIF DE GRAPHISTES GRAPUS
Le Brief Festival célèbre en octobre tous les métiers du graphisme à travers une soixantaine d’activités disséminées dans différents lieux de Madrid (CA2M, Casa Árabe, Centro de Arte Dos de Mayo...) et dédiées à la créativité : expositions, conférences, ateliers, projections, journées thématiques etc.Tout au long du mois d’octobre, l’exposition « Diseñadores con mucha letra » au Musée National des Arts Décoratifs, s'attache aux usages typographiques. Les travaux de nombreux graphistes espagnoles sont présentés, parmi lesquels Andreu Balius, Alex Trochut, Design by Atlas, Marta Cerdà, Mucho, Serial Cut TM et Vasava.
Planche(s) Contact invite depuis cinq ans des photographes contemporains à porter leur regard sur la ville et ses identités. Accueillis en résidence, leur travail sera présenté durant le festival.
CENTRE CULTUREL SUISSE 32-38, RUE DES FRANCS-BOURGEOIS 75003 PARIS JUSQU'AU 13.12.2015
JEAN WIDMER À LA GALERIE LES TROIS OURSES
Les difficultés de documentation, ou d'exposition, du travail de Grapus ont conduit les étudiants de 3e année de l’Esad d’Amiens et le duo de graphiste Syndicat à envisager une mise en espace d'objets et de formes imprimées.L’exposition interroge à la fois les notions liées à la reproduction, mais aussi les enjeux techniques, plastiques, politiques, et poétiques du travail de Grapus.
La jeune création photographique sera présente à Deauville pour la 6e édition du festival Planche(s) Contact avec Brian Griffin, Marion Poussier, Bruno Barbey, Wang Lin et Corinne Mercadier. PLANCHE(S) CONTACT, FESTIVAL PHOTOGRAPHIQUE À DEAUVILLE
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ESAD AMIENS 40 RUE DES TEINTURIERS 80000 AMIENS JUSQU'AU 09.10.2015
BRIEF FESTIVAL, LE MOIS DE LA CRÉATION GRAPHIQUE À MADRID
DEAUVILLE JUSQU’AU 29.11.2015
ROCHE BOBOIS 18 RUE DE LYON 75012 PARIS JUSQU’AU 31.10.2015
Dans le cadre du parcours privé de la FIAC, les œuvres de 13 artistes de Street Art sont exposées chez Roche Bobois. 1010, Alias Ipin, Arnaud Liard, Jean Faucheur, Kouka, Laurence Vallières, L’atlas, Logan Hicks, Lek, Stefan Winterle, Swiz, Tanc et Toxic présentent plusieurs œuvres inédites, certaines d’entre elles créées spécialement pour cet événement.
SALON DU LIVRE ET DE LA PRESSE JEUNESSE : ENTRE RÉALITÉ ET FICTION
LONDON DESIGN FESTIVAL JUSQU’AU 27.09.2015
Pour la 31e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse, le thème « Pour de vrai, pour de faux » mettra en lumière les multiples relations qui se jouent dans la littérature jeunesse, entre fiction et réalité, mondes imaginaires et mondes virtuels. La grande exposition (300m2) dédiée à Alice au Pays des Merveilles se divise en 4 grandes scènes : littéraire, vocale, graphique et numérique. En simultanée et en continu, elles donneront à découvrir, lire et entendre les grandes voix de la littérature jeunesse contemporaine.La scène graphique est un espace dédié à l’image, qui expose la richesse de l’illustration et invite le jeune public à découvrir comment la narration s’enrichit de l’illustration pour faire naître un jeu entre le texte et l’image, et proposer plusieurs niveaux de lecture. Il y a 50 ans, les graphistes anglais Jock Kinneir et Margaret Calvert créaient les panneaux de signalisation routière devenus des modèles dans le monde entier. Pour célébrer cet anniversaire, la galerie Made North a demandé à 50 artistes et graphistes de les réinterpréter à leur manière. Le directeur de Made North, Patrick Murphy, a dirigé le projet en collaboration avec Margaret Calvert, avec qui il a choisi des artistes anglais et internationaux reconnus tels que Mike Dempsey, Aubrey Powell ou encore Milton Glaser. Le but est de rappeler au public l’impact et l’omniprésence du design graphique au quotidien.
SHAKESPEARE À LA FOLIE, AFFICHES INTERNATIONALES
ESPACE D’ART CONTEMPORAIN LE PORTIQUE
INEXTERIEUR : EXPOSITION DE STREET ARTISTES
ESPACE PARIS-ESTMONTREUIL 128, RUE DE PARIS 93100 MONTREUIL À PARTIR DU 02.12.2015
60 DESIGNERS REVISITENT LES PANNEAUX DE SIGNALISATION ROUTIÈRE
Pour la saison 2015-2016, le Centre du graphisme d’Échirolles rend hommage à Shakespeare, dont les 400 ans de sa disparition seront célébrés en 2016. L’exposition «Shakespeare à la folie, affiches internationales» sera présentée aux Moulins de Villancourt et propose de mettre en avant les travaux de plusieurs dizaines d’affichistes internationaux.
MOULINS DE VILLANCOURT DU 20.11.2015
L’exposition Pacifique(s) contemporains expose les oeuvres de 14 artistes maoris et du Pacifique sur une dizaine de sites au Havre et à Rouen, sur les thèmes de l’océan, de la pratique de l’art contemporain, et de l’engagement scientifique.Dans ce cadre, le Portique (espace d’art contemporain au Havre) accueille Natalie Robertson, Rachael Rakena et Robert George, dont les travaux s’attachent aux pratiques de la pêche, à l’océan Pacifique, à la pollution marine et à l’extinction des ressources. Sous le commissariat de Jacqueline Charles-Rault et Caroline Vercoe. EXPOSITION PACIFIQUE(S) CONTEMPORAINS AU PORTIQUE DU HAVRE