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74ème anniversaire de la bataille de Nowo-Postojalowka

Pour ne pas oublier 74e AnniVersAire de LA BAtAiLLe de noWo PostoJALoWKA

Janvier 1943 : dans les steppes glacées d’Ukraine, la tragique épopée des Alpins

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Comme chaque janvier, nos pensées vont vers la tragique campagne de Russie et à la douloureuse bataille de Nowo Postojalowka, en janvier 1943, au cours de laquelle les Alpins de la division Cuneense tentèrent de s'ouvrir une brèche pour échapper à l’encerclement de l’Armée rouge.

Quand le thermomètre descend en-dessus du zéro et que le gel se fait pénible, nous, bien couverts, bien chaussés et bien nourris, trouvons l'hiver insupportable ; mais qui a un certain âge ne manque pas de penser aux autres hivers : aux enfers blancs qui ont emporté tant de nos jeunes dans la glace et dans l’immensité de la Russie que l'Italie fasciste avait voulu envahir à côté des alliés nazis. Par des froids de moins 30° et moins 40°, avec des chaussures en carton, des uniformes trop légers, des armes et équipements scandaleusement inadaptés, le manque de nourriture et de tranchées, pendant que les chars soviétiques piégeaient dans une étreinte mortelle nos divisions alpines. Neige rouge de sang et noire de cadavres ; destin tragique pour les prisonniers dans les goulags, longues routes du davaï1 pour les survivants, attente angoissante et sans réponses pour leurs familles. Et puis en Russie. En 1941-1942 la guerre était devenue mondiale : les Japonais avaient attaqué à Pearl Harbour les Etats-Unis, dès lors entrés en guerre au côté des Alliés ; On se battait sur les mers, en Afrique, en Asie, mais surtout en Europe. Hitler avait envahi la Russie, violant le traité de non-agression signé avec Staline. Nos Alpins, après l'agression contre la France et la brève guerre sur le front des Alpes qui nous avait coûté des milliers d'hommes gelés dans l'inattendue tourmente de juin 1940, ont été durement engagés dans les montagnes d'Albanie, de Yougoslavie et de Grèce. Jusqu’à l’engagement, durant l'été 1942, dans les immensités russes, en appui des Allemands et des divisions de notre CSIR2 .

1 Plus vite ! en russe. 2 Corpo di Spedizione Italiano in Russia

Ce mois de juillet pour les armées des généraux Gariboldi et Nasci, ce sont des préparatifs à la hâte, l’effarement et larmes des familles au départ de leurs garçons, de longs trajets à travers l'Autriche et la Pologne. Enfin la Russie : un autre monde. Pas de montagne du Caucase pour la Cuneense, la Julia, la Tridentina, mais des marches épuisantes dans la steppe poussiéreuse vers le Don pour s’opposer à une contre-offensive russe. Attaques surprises de partisans dès le 11 août, qui s’emparent d’une batterie du groupe Mondovi. Début octobre, la lutte est aussi contre la neige, les rats, les poux et la faim. Premiers membres gelés et attaques croissantes difficiles à repousser avec de vieux fusils modèle 1891. Un front de 75 kms à tenir et beaucoup de nostalgie de la famille lointaine. Mi-décembre, des actions russes engagées en profondeur causent des brèches et la nécessité de

lutter contre l'encerclement. Le bataillon Pieve et la batterie Villanova sont en première ligne. De nouvelles attaques russes se développent à Noël contre des unités du Mondovi, du Ceva, du Saluzzo, pendant que la division allemande qui est avec eux, doit se replier. Terrible début de 1943. Froid à moins 35° et nouvelles offensives russes contre la Julia et les Allemands, mais le secteur de la Cuneense résiste bien. Le 15 janvier les chars russes se dirigent sur Rossosch, et le siège du commandement doit se déplacer à Postojaly pour éviter d'être encerclé par le Nord, pendant que les chars russes font feu sur les 2000 hommes restés à Rossosh avec le Général Martinat. Là les bataillons de la Cuneense perdent 600 hommes. Les fusils et les grenades s’avèrent impuissants ou presque contre les chars. La Julia, éprouvée par les pertes reçoit l'ordre de se retirer vers le Nord-est. Sur le front du Don où les Russes intensifient les assauts, l'ordre de repli arrive le matin du 17. Le front entier est désormais en déroute en raison de l'avancée des soldats et partisans russes. Membres gelés, confusion, obstacles de véhicules en panne de carburant, ravitaillement impossible, paquetages à abandonner. La Cuneense en deux colonnes doit rejoindre Popowka dans le noir et le vent glacial, et de là se replier vers Waluiki avant que la route ne soit barrée vers l’ouest. Lutte désespérée à Nowo Postojalowka. Le 20 janvier de ce village tenu par l’ennemi partent des coups de canon meurtriers ; c'est le début d'une bataille sanglante et désespérée. Des bouches de canons sortent des isbas et plusieurs unités sont décimées. Dans la nuit on tente une contre-attaque du Ceva et du Mondovi ; mais les Russes ont reçu des renforts. Alors, on se replie sur une nouvelle position sous la pluie de l'artillerie, alors que les munitions s’épuisent. Rampant dans la neige, les Alpins avancent jusqu'au village et se lancent à découvert contre les chars. Beaucoup tombent ou sont capturés. Le général Battisti, puis le général Ricagno de la Julia s'unissent au colonel Manfredi du Mondovi et décident d’ouvrir une brèche avant l'arrivée des nouveaux renforts russes. Ils demandent des chars et des batteries mais ils ne les obtiennent pas. Ils lancent quand même une attaque désespérée contre le village sous un feu intense. On lutte entre les maisons et parmi les morts, il y a le major Trovato du Mondovi, immédiatement remplacé par le capitaine Ponzinibio. Les chars russes dominent la mêlée. Avenanti qui conduit les survivants du Ceva, blessé, se lance contre un char avec un pistolet et une bombe à main. Les munitions se font rares ; les unités se disloquent. Battisti ordonne à Manfredi de brûler le drapeau du Mondovi pour qu'il ne tombe pas dans les mains ennemies. C’est encore un nouvel assaut désespéré,

à l'arme blanche. Les Russes s'enferment dans le village et les Alpins ne débouchent pas. Dans la neige, morts, blessés et débris s’accumulent. Les pertes deviennent terribles ; deux avions soviétiques mitraillent les survivants. Dans cette soirée tragique, la bataille prend fin faute de combattants. La Cuneense est diminuée de moitié et reçoit l'ordre de se dégager de l'étreinte. Comment ? En tentant de contourner le village par le nord à la faveur de la nuit en se dirigeant vers Postojalij, que l'on espère entretemps libérée par la Tridentina. Mais on doit abandonner les blessés et les hommes gelés, au milieu des cris, gémissements et invocations qui blessent plus que les coups. La marche reprend en silence alors que les pertes se poursuivent. On parvient à rompre l’étau, mais les épreuves ne sont pas encore terminées. Avant la reddition à Waluiki le 28 janvier, d'autres malheurs, d'autres deuils s’ajoutent, même parmi les chefs : Les capitaines Monregalesi, Mario Battaglia, Giovanni Costamagna, alors maire de Mondovi et président du Club Alpin Italien, Le colonel Manfredi, meneur intrépide, tombé dans les maisons de Waluiki, le général Martinat .... Tombés, disparus et prisonniers... 4748 morts ou disparus en Russie pour le 1er régiment d’Alpini, 13.000 environ pour la Cuneense. Pour les survivants, la périlleuse longue marche de retour, où le cruel et interminable emprisonnement dans les goulags sibériens. Seul un petit groupe de survivants de cet enfer blanc parviendra à revoir Mondovi, accueilli le dimanche 13 juin 1943 à la gare par un chœur d'acclamations et un émouvant lancer de fleurs, comme le décrit la publication fasciste A Noi. Mais cette rhétorique ne pouvait cacher l'énormité et l'inutilité de la tragédie, la responsabilité de ceux qui l'avaient provoquée, ni d'éviter de penser au sort des disparus et aux souffrances pour les nombreux tombés au front. Pour beaucoup de familles l'angoissante attente restera sans réponse. De nombreux survivants se lanceront dans la lutte pour la libération de l'occupation allemande commencée en septembre 1943. Dure expérience, sacrifices à ne pas oublier et sur lesquels réfléchir. Pour eux, avec le souvenir de ce passé tragique, doit éclore une constructive volonté de paix, même pour nos jours actuels incertains.

Ernest Billo, Revue ANA, section de Mondovi, N°3/2016. “Avec l’aimable traduction de notre ami Marcello Marascio”

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