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SHOWROOM
© Radian_Arnaud Dufour
Rubrique réalisée par Alexandre Arène
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FLOS : QUAND LE DESIGN rejoint la technique
Reposant depuis ses prémices en 1952 sur les synergies entre les designers et les ingénieurs, Flos est au départ un Think Tank et se fait un nom avec des collaborations célèbres. Aujourd’hui, la marque italienne couvre de nombreux champs de l’éclairage et met en scène ses solutions dans ses deux showrooms parisiens. Le premier, Flos Flagship Store, situé à une encablure de l’Assemblée nationale, est une boutique à destination des particuliers et des professionnels. Le second, plus discret, est localisé dans une impasse à deux pas du quartier Saint-Michel et regroupe l’ensemble des solutions architecturales et professionnelles du groupe.
Coordinates « Cette grille de tiges lumineuses à l’aspect aérien et à la teinte champagne occupe l’espace sans alourdir»
Initialement développée par Michael Anastassiades pour le restaurant Four Seasons à New York, cette série de luminaires est composée de bandeaux LED et de diffuseurs en silicone. Elle est proposée en plusieurs tailles et différents modèles : suspension, plafonnier, mais aussi lampadaire, avec deux diffuseurs. Ce système comprend des tiges horizontales et verticales qui créent des structures lumineuses plus ou moins complexes offrant un design et une atmosphère uniques. Les tiges sont alimentées et maintenues grâce à un système de connexion invisible, développé pour composer quatre modèles de suspensions différents. Le modèle « Module S » a été conçu pour être répété à l’envi et créer des grilles monumentales dans le cadre de projets.
Zero Track «Le système d’éclairage idéal pour un intérieur sans travaux avec le rendu fin et discret d’un encastré »
Cette solution de rails montés en surface admet des dimensions de 7 mm de profondeur pour 17 mm de largeur qui la font ressembler à un rail encastré. Elle peut être installée de manière très graphique : son rail permet une véritable flexibilité et une évolutivité de l’éclairage. Composé d’un rail, d’angles droits ou arrondis et d’un choix parmi sept modèles de luminaires orientables, ce système d’éclairage modulaire s’intègre à tous les types de projets.
Oblique (design Vincent Van Duysen)
© Marine Tric
«Une lampe épurée qui éclaire toute la surface du bureau grâce à une technologie d’illumination en oblique»
Cette lampe de table discrète, idéale pour l’éclairage des postes de travail, diffuse une lumière en oblique, qui se déporte jusqu’à 1,10 m de la source. Le cœur de la lampe a constitué un défi technologique : les LED et les optiques sont enfermées dans une épaisseur de seulement 5 mm et génèrent un faisceau lumineux puissant et canalisé. Oblique offre un excellent confort visuel et évite les éblouissements, avec un UGR inférieur à 10. Oblique est disponible en six couleurs et sa base intègre un système de recharge sans fil pour smartphones.
Infra-Structure Episode 2 (design Vincent Van Duysen) «Cette structure tubulaire permet d’associer des éléments verticaux et horizontaux pour créer des combinaisons tridimensionnelles»
Cette nouvelle version d’Infra-Structure offre le même rendu esthétique tout en s’affranchissant de l’effet rigide de son prédécesseur. Son système de connexion permet de combiner les éléments verticaux et horizontaux grâce à des modules linéaires et géométriques. Cette succession de rails, offrant un éclairage à la fois direct et indirect, est complétée par deux luminaires : une suspension conique disponible en deux tailles et un panel. Infra-Structure Episode 2 s’adapte à son environnement pour créer des atmosphères graphiques et singulières par sa structure tubulaire sobre et polyvalente.
© Marine Tric
Light Shadow Pro «Un spot discret et
efficace, sans éblouissement
et adapté à tous types d’aménagements» Cette gamme de projecteurs, adaptée à © Marine Tric toutes les applications, ne laisse entrevoir aucun faisceau lumineux. Disponible en fixe ou articulée et en plusieurs tailles et en différents flux grâce à sa lentille en silicone microtexturée (Spot, Medium, Flood et Wide Flood), la gamme Light Shadow Pro permet un contrôle extrême du faisceau et une distribution lumineuse optimisée. Un atténuateur cut-off est intégré au luminaire pour bloquer la diffusion de la lumière dans les angles et dissimuler la source. Les accessoires de montage permettent de choisir entre une installation avec des bords visibles ou totalement encastrée.
FLOS Flagship Store 15, rue de Bourgogne, 75007 Paris Ouvert du lundi au samedi de 10 h 30 à 18 h 30 Tél. : 01 53 85 49 90 Email : shop.paris@flos.com Showroom FLOS Professionnel 20-22, passage Dauphine, 75006 Paris Visites sur rendez-vous Tél. : 01 40 64 17 44 Email : showroom.paris@flos.com
Gares du Grand Paris Express
Dossier réalisé par Alexandre Arène et Isabelle Arnaud
Triangle de Gonesse. Conception lumière : 8'18'' © Société du Grand Paris / Architecte : Atelier Novembre
Pour faire suite au premier volet paru dans le numéro 20 de Lumières, nous ouvrons de nouveau nos colonnes aux concepteurs lumière qui, parfois associés à la maîtrise d’ouvrage ou à la maîtrise d’œuvre, évoquent les interrogations que ce travail collaboratif a fait surgir sur le choix des matériaux, l’association d’artistes, la pérennité des installations, et les partis pris architecturaux.
Châtillon-Montrouge. Conception lumière : Concepto © Société du Grand Paris / Architecte : Périphériques Architectes Créteil L’Échat. Conception lumière : Light Cibles © Société du Grand Paris / Architecte : ANMA
La Courneuve-Six Routes. Conception lumière : Agence ON © Société du Grand Paris / Architecte : Chartier Dalix Massy-Opéra. Conception lumière : Concepto © Société du Grand Paris / Architecte : Ateliers 2/3/4
Saint-Denis Pleyel. Conception lumière : 8'18'' © Société du Grand Paris / Architecte : Kengo Kuma & Associates
Clichy Montfermeil. Conception lumière : Marc Dumas © Société du Grand Paris / Architecte : Miralles Tagliabue EMBT
Sevran Beaudottes. Conception lumière : Patrick Rimoux © Société du Grand Paris / Architecte : Agence Dutilleul/AREP
Hervé BLUEM Responsable des études Architecture Direction des Gares et de la Ville Unité Architecture, Culture, Design & Création Société du Grand Paris Florian COLIN, concepteur lumière Coup d’Éclat
Société du Grand Paris et Coup d’Éclat : une lecture lumière concertée
Dans le no 20 de Lumières, Florian Colin, agence Coup d’Éclat, nous avait expliqué le montage de la charte lumière en collaboration avec le groupement JFA (Jacques Ferrier Architecture). Aujourd’hui, il invite Hervé Bluem (Société du Grand Paris) à revenir avec lui sur l’évolution de la charte d’architecture et plus particulièrement le cahier des charges lumière.
Florian Colin, comment travaillez-vous aujourd’hui avec la maîtrise d’ouvrage sur la charte lumière des gares du Grand Paris Express ? Florian Colin – Nous avons mis en place en amont de ce vaste projet des ateliers de discussion entre les architectes et les concepteurs lumière ainsi que des pôles d’échanges avec la maîtrise d’ouvrage sur les points clés de la charte afin de constamment la questionner et la faire évoluer en fonction des échanges avec les maîtrises d’œuvre et les concepteurs lumière. Ces réunions ont permis à la Société du Grand Paris de s’impliquer fortement dans les aspects techniques, qu’il s’agisse du paysage, de l’acoustique ou de la lumière. Nous poursuivons ce travail malgré les conditions sanitaires, et ces rencontres continuent à s’organiser par ligne et par gare en fonction des avancements.
Hervé Bluem – Grâce aux retours d’expérience et au processus interne de suivi des avis du Pôle Architecture, nous avons des outils qui nous permettent de savoir où on en est pour chacune des gares en ce qui concerne l’architecture, l’acoustique, le végétal, les matériaux et la lumière. Nous avons ainsi pu définir nos besoins en expertise en fonction des phases du projet. Toutes les gares n’en sont pas au même stade puisque certaines doivent ouvrir dès 2024 pour les Jeux olympiques et d’autres en 2030. Nous avons édité cette année une nouvelle version de la charte d’architecture et de son cahier des charges qui aborde les grandes thématiques et détaille les éléments techniques, comme ceux liés aux prescriptions particulières pour l’éclairage.
Quel impact ce cahier des charges peut-il avoir sur la conception lumière ? Florian Colin – L’intention était de décrire de manière opérationnelle des situations types issues de la charte lumière compte tenu des interfaces architecturales. Nous avions, par exemple, des points spécifiques sur l’intégration des matériels, leur résistance, leur pérennité ou la diffusion de la lumière, en relation avec la spécularité et la brillance des matériaux. Ces préconisations ont dû être adaptées à chaque gare. Si en avant-projet, les ateliers portaient surtout sur l’interprétation de la charte, en phase Pro (A et B), l’accent était mis sur
les questions d’intégration des appareils d’éclairage dans l’architecture, au regard du cahier des charges : « Certes, pour obtenir tel effet, on utilise tel luminaire, mais où doit-on l’installer et par où faiton passer les câbles ? » La deuxième composante porte sur la maintenance et l’exploitation des gares. La charte a pour objectif d’imaginer et de proposer une lecture qui soit valable et viable à long terme, disons 20 ou 30 ans ; cela suppose que ce qui est prescrit puisse être maintenu et entretenu. A priori, les exploitants seront affectés par ligne ou par gare, il est donc préférable de bénéficier de prescriptions communes sur les typologies de luminaire ou les systèmes de pilotage par exemple, etc.
Hervé Bluem – De façon générale, nos ambitions ont été renforcées aujourd’hui vers des thèmes comme le développement durable, l’environnement, la pérennité des installations. La mise à jour de la charte d’architecture est le fruit d’un travail collaboratif mené avec Jacques Ferrier (agence Ferrier Marchetti Studio) car nous nous sommes rendu compte que les premières versions avaient peut-être été prises un peu trop au pied de la lettre. Par exemple, nous avions suggéré de favoriser les apports de lumière naturelle et certains architectes se sont évertués à faire pénétrer la lumière du jour jusqu’aux quais, soulevant des questions liées à la faisabilité même du projet. Dans la version 2020, nous demandons que la lumière naturelle pénètre dans le bâtiment, mais au niveau du parvis de l’émergence et si possible jusqu’à N-1, mais sans efforts constructifs démesurés. Autre exemple, il a fallu limiter le nombre de références d’appareils dans une même gare afin de faciliter la maintenance. La difficulté consiste à laisser une grande liberté de conception afin que chaque gare conserve son propre caractère, tout en retrouvant des éléments transversaux. Nous ne souhaitons pas brider mais il nous faut néanmoins contrôler et veiller à ce que les propositions soient durables. De plus, plusieurs gares de la ligne 15 sont passées en conceptionréalisation et cette nouvelle édition de la charte permettra de recadrer certains points techniques. Notre vigilance et notre suivi doivent aussi porter sur l’interaction entre les matériaux, les matériels, les éléments techniques et l’architecture de la gare.
Comment l’intervention de Coup d’Éclat se traduit-elle aujourd’hui auprès des agences de conception lumière ? Florian Colin – C’est un rôle à double face : à la fois Père Fouettard et Père Noël ! La situation est un peu atypique car si nous sommes habitués à traiter ces sujets, nous nous retrouvons cette fois de l’autre côté de la barrière de la maîtrise d’œuvre avec un rôle de « suivi ». Notre travail est d’accompagner la SGP sur la cohérence et le respect du programme ainsi que sur la pérennité des aménagements. Nous portons un regard critique – au sens « d’analyse » – sur les propositions des projets ; nous formulons des hypothèses sur de nouvelles approches, de façon à mieux intégrer l’éclairage. Nous bénéficions d’une vision d’ensemble sur tous les projets, avec un certain recul qui permet d’enrichir la réflexion. Nous intervenons aussi bien auprès des concepteurs lumière, des architectes que des bureaux d’études. C’est une grande première pour les concepteurs lumière et les architectes de travailler aussi en amont du projet. Si ce n’est pas sans parfois poser quelques problèmes, les équipes s’enrichissent réciproquement des expériences des unes et des autres et les collaborations restent très positives.
Quid de l’après ? Comment vous assurez-vous du respect de la prescription lumière ? Hervé Bluem – Dans le cadre des ateliers ou « revues » comme nous les appelons, nous vérifions que le projet d’éclairage évolue conformément à la charte. Ensuite, en collaboration avec Coup d’Éclat, nous émettons des avis consignés dans des tableaux qui font office d’historique à chaque étape du projet. En parallèle, la SGP a mis en place un outil que chaque maître d’œuvre doit remplir et qui permet à Coup d’Éclat d’orienter la phase suivante dans le respect des process. Il s’agit surtout d’expliquer, de conseiller, d’orienter.
Est-ce que, selon vous, cette opération a changé le regard de la maîtrise d’œuvre sur le métier de concepteur lumière ? Florian Colin – Oui, elle a mis les concepteurs lumière au cœur du projet architectural, c’est le point clé de cette expérience. Elle a contribué à faire connaître notre profession et son expertise au-delà de l’approche technique et des exigences normatives et sécuritaires, non seulement auprès des architectes, mais aussi des bureaux d’études, de la maîtrise d’ouvrage, des élus, des représentants des lignes.
Hervé Bluem – La charte d’architecture est un outil formidable pour les uns et les autres, les projets progressent bien, avec des ambitions de lumière exceptionnelles et on ne peut que se réjouir de prendre part à ce programme d’envergure. Nous espérons pouvoir organiser en 2021 des événements pour communiquer sur les avancées de tous ces projets. n
Propos recueillis par Isabelle Arnaud
Melina VOTADORO, chef de projet, CONCEPTO
Quel rôle peuvent jouer les matériaux dans les concepts lumière des gares du Grand Paris Express? Leur teinte, leur granulométrie, leur saturation, leur clarté, leur spécularité : à quel point leurs caractéristiques interviennent dans la manière dont les concepteurs lumière peuvent les utiliser dans l’espace? Melina Votadoro s’est interrogée sur cette problématique à double titre : lorsqu’elle a participé à la définition de la charte chez Coup d’Éclat et en travaillant aujourd’hui sur la conception lumière des gares, au sein de l’agence Concepto.
Les matériaux en lumière
Pourquoi avoir choisi ce thème des matériaux et de leur interaction avec la lumière? L’un des objectifs de la charte consistait à poser les règles d’une sorte de jeu auquel devaient se plier les concepteurs: architectes, concepteurs lumière, acousticiens, paysagistes. C’est un jeu collaboratif où les participants apportent leurs compétences respectives et construisent un projet commun, centré sur le parcours du voyageur et ses sensations. Or, en conception lumière comme en acoustique, les moyens de procurer ces sensations passent par les matériaux, notamment dans la spécularité, l’absorption, la diffraction des ondes lumineuses et sonores. Leurs luminances sont alors essentielles, autant que les dimensions et enchaînements des volumes les uns par rapport aux autres. Malgré les recommandations de la charte, on trouve encore des matériaux très réfléchissants comme l’Inox, ou totalement transparents tels les verres clairs, ou encore monochromes (bétons bruts). Ce qui démontre bien que le lien entre leurs caractéristiques et la lumière n’a pas été fait ou qu’il arrivera plus tard. La richesse apportée par les matériaux mats, granuleux, irréguliers, n’est sans doute pas appréciée à sa juste valeur. La seule lumière intégrée dès le début du projet est celle du soleil et bien souvent, la lumière artificielle n’arrive que pour pallier l’absence de lumière naturelle. Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit, notre travail de concepteur lumière s’appuie justement sur les propriétés des matériaux et non l’inverse : on ne peut pas élaborer un projet d’éclairage si on ne sait pas sur quelles surfaces la lumière va se réfléchir ni comment.
C’est donc la lumière qui révèle les volumes et les textures? Oui, tout ce que nous voyons est le fruit d’une réaction des matériaux à la lumière : chaque couleur, chaque texture renvoie la lumière du moment sous un angle particulier qui est alors perçue par notre œil comme rouge, verte, bleue, marron clair, beige, grise, etc. La lumière du moment, sa composition spectrale, son intensité, sa direction sont autant de paramètres avec lesquels jonglent les concepteurs lumière dans leur pratique. Pourquoi ne pas les employer dans toute leur complexité ? Par exemple, nous avons rehaussé les parois de pierre gris-bleu du Hainaut de la gare de Massy Opéra par une lumière froide, voire bleutée, comme autant d’appels, visibles de loin, qui guident successivement les voyageurs dans leur parcours. Concepto travaille sur six gares et nous devons parfois réexpliquer, justifier nos choix, et rappeler les principes de la charte
Parmi ces gares, quels exemples illustrent cette interaction entre la lumière et les matériaux? Certains architectes nous ont permis de jouer avec leur gare comme au flipper ! Par exemple, la gare de Satory (Vezzoni Architectes), à l’enveloppe translucide, devient une veilleuse dans la nuit et offre un long mur de puits, support de lumières impressionnistes. La gare de Versailles Chantiers (Dietmar Feichtinger Architectes) emploie aussi bien la lumière naturelle que la lumière artificielle à travers ses sheds qui les redistribuent généreusement dans son vaste hall. Nous espérons ainsi, à travers ces interventions, faire oublier la mécanique des gares et le sentiment d’enfermement lié à la descente, en produisant des ambiances où la lumière circule et procure des sensations positives. n
Propos recueillis par Isabelle Arnaud
Des œuvres d’art dans un écrin de lumière
Comment les artistes ont-ils été intégrés aux projets ? Nawel Creach-Dehouche – Les premiers artistes sont arrivés il y a environ un an et demi, après le rendu Pro B (étude de projet), sous l’impulsion de la Société du Grand Paris. Une commission a été créée pour choisir les artistes et les répartir sur les différentes gares. Des choix d’œuvres pluridisciplinaires, sonores, lumineuses, plastiques ou visuelles… Une réflexion a été menée par les équipes de maîtrise d’œuvre sur la manière d’accueillir ces projets artistiques. L’intégration des œuvres lumineuses a nécessité un dialogue riche entre l’artiste et l’éclairagiste.
Comment s’est déroulée cette collaboration ? Avec l’un des artistes, nous avons organisé cinq réunions de travail. Mon rôle est de les sensibiliser aux contraintes spécifiques liées à l’éclairage d’une gare, notamment des questions de luminance pour éviter l’éblouissement, de niveaux d’éclairement et de confort visuel. Je me suis également donné pour objectif de trouver une manière de laisser sa place à l’œuvre dans la gare, en adaptant les solutions d’éclairage choisies initialement pour créer un écrin. Sur le projet de la gare d’Issy RER, l’œuvre lumineuse aura pour thème la lumière dynamique et sera suspendue au plafond. Il a donc fallu réduire l’éclairage dans une zone pour éviter la surenchère et permettre aux voyageurs de mieux voir l’œuvre. Dans le grand hall, nous avons retravaillé le projet pour éviter toute interaction entre l’éclairage architectural et la création artistique. Nous avons donc opté pour des encastrés très basse luminance en remplacement des lustres monumentaux prévus pour occuper l’espace du hall. Sur le projet de la gare Villejuif Louis Aragon, l’approche a été différente. L’artiste voulait travailler la lumière colorée et intégrer de la lumière monochromatique dans le hall de la gare, ce qui était compliqué du point de vue de la lisibilité, des repères dans l’espace, des repères visuels et de la réglementation PMR (personne à mobilité réduite). L’artiste a donc repensé son œuvre pour prendre en compte ces contraintes spécifiques.
Quelles sont les particularités du travail avec des artistes ? Je suis sensible à l’art et l’idée de créer spécialement des œuvres pour des lieux donnés me plaît beaucoup. Je trouve cette collaboration très intéressante et enrichissante. C’est un véritable échange et un brassage d’idées qui permettent de faire évoluer ensemble le projet. Le fait d’échanger avec un profil différent du mien, mais qui travaille la même matière est enrichissant. Je me préoccupe davantage de la technique et du confort visuel, ce qui n’est pas dans leurs habitudes. L’intégration de l’œuvre dans la gare doit être fluide, sans poser de problèmes à l’installation électrique, notamment au câblage et aux systèmes de pilotage. Pour le projet d’Issy RER, l’artiste a intégré un élément d’éclairage architectural de la gare (la mise en valeur du verre brisé) dans son processus de création pour assurer une continuité entre l’œuvre et son environnement pour le bénéfice des usagers. n
Propos recueillis par Alexandre Arène
© Cosil-Peutz
Nawel CREACH-DEHOUCHE, conceptrice lumière, COSIL PEUTZ
Dans le projet du Grand Paris Express, les gares font l’objet d’une attention toute particulière. Tout à la fois objets architecturaux singuliers et lieux de passage et de transition, les gares ont fait l’objet d’une réflexion autour du confort des usagers et bénéficient de mises en lumière inédites. En cours de projet, la maîtrise d’ouvrage a même voulu aller plus loin, en accueillant dans les gares des œuvres d’art, comme une respiration, un moyen de détourner le regard des voyageurs. Nawel CreachDehouche, conceptrice lumière associée de l’agence Cosil Peutz en charge de la mise en lumière de cinq gares, exprime l’intérêt du travail avec les artistes et la manière dont l’intégration des œuvres a fait évoluer ses projets.
Vincent THIESSON, Agence ON Florian COLIN, COUP D’ÉCLAT
La lumière pour langage commun
Le Grand Paris Express, composé de 68 gares imaginées par 36 cabinets d’architectes, a dès le départ laissé une place inédite à l’éclairage. La charte lumière, venant apporter des éléments communs dans les différents projets, a marqué la volonté de la maîtrise d’ouvrage. Les concepteurs lumière Vincent Thiesson (fondateur de l’agence ON), en charge de la mise en lumière de cinq gares, et Florian Colin, Coup d’Éclat, à l’origine de la charte, soulignent la place des concepteurs dans ce projet hors du commun.
Comment les concepteurs lumière ont-ils été intégrés aux équipes projets sur les différentes gares ? Florian Colin – Pour un certain nombre de projets, les concepteurs lumière ont été intégrés dès le départ aux groupements et le pôle de conception a pu travailler ensemble et aller dans la même direction. Pour d’autres gares, les équipes ont contacté les concepteurs lumière tardivement, parfois pour traiter jusqu’à cinq projets en même temps. Un travail d’études à la chaîne, avec peu de concertation et des rapports visiblement plus tendus. Nous avons dû, AMO et MOA, nous battre parfois pour l’intégration des concepteurs lumière aux équipes et nous avons même surpris des bureaux d’études divers à venir présenter des projets d’éclairage. Vincent Thiesson – La question de l’intégration des appareils d’éclairage à l’architecture a été difficile à comprendre et à accepter pour les architectes. Selon les projets, les concepteurs lumière ont été intégrés soit aux pôles de conception, soit aux pôles techniques. Les architectes défendent leur objet architectural et dans certains cas, les concepteurs arrivent à la fin et sont employés comme simples bureaux d’études.
Comment s’est déroulée la collaboration entre les concepteurs lumière et les architectes ? Vincent Thiesson – Notre rôle était de partager les objectifs dictés par la charte lumière et ensuite, nous devions traduire les partis pris architecturaux en concepts lumineux. Il faut donc trouver un terrain d’entente avec les architectes. Dans les projets d’éclairage extérieur, nous bénéficions de plus de liberté, contrairement aux projets d’éclairage intérieur. L’Agence ON a été mandatée pour mettre en lumière cinq gares au total. Pour deux d’entre elles, nous avons été choisis par les architectes en amont et nous avons pris part au projet assez tôt. Pour les trois autres, nous avons été contactés en juillet pour réaliser trois études à rendre pour le mois d’août. Florian Colin – Au départ, cinq agences de conception ont été choisies pour éclairer les gares, et il en reste aujourd’hui trois ou quatre. Du côté de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, nous avons pu constater une évolution positive au fil des ateliers et des échanges. Il faut le temps à chacun de s’apprivoiser et d’échanger en amont.
La charte devait créer un langage commun entre les concepteurs lumière et définir des éléments récurrents afin de créer une unité pour l’ensemble des gares du projet. Quelle a été la réponse des concepteurs lumière à cette charte ? Florian Colin – Les concepteurs lumière ont su saisir la souplesse de la charte et proposer des solutions très variées, dépendant de l’architecture de la gare et de son environnement. L’éclairage des escaliers a par exemple été traité dans 95 % des cas par l’intégration de luminaires dans les mains courantes. En revanche, l’éclairage est parfois constitué de points, de lignes… De manière générale, nous avons constaté une appropriation et une adaptation de la charte. La charte donnait les grandes lignes et avait notamment pour objectif de créer une unité pour l’éclairage du réseau. Dans les gares, le cahier des charges s’apparentait davantage à un guide de préconisations techniques générales, à adapter à chaque typologie de projets.
Vincent Thiesson – La charte n’a pas freiné la créativité des concepteurs. Le maître d’ouvrage nous demande de répondre à des questions, ce qui est une démarche intéressante. Cela permet de créer des liens entre l’éclairage général et l’éclairage d’accentuation, entre lumière naturelle et artificielle, entre ce qui est propre à la gare ou au réseau. La question du passage du quai à l’architecture propre de la gare soulève des problématiques de transitions, auxquelles nous répondons dans notre dossier lumière. Des réponses très variées ont été apportées par les différentes équipes, malgré le peu d’échanges au sein de la profession.
Le Grand Paris Express est le premier projet urbain de cette ampleur à faire appel à des concepteurs lumière de manière systématique. Quel est votre sentiment sur l’impact de ce projet sur la prise en compte de l’éclairage dans les projets architecturaux ? Vincent Thiesson – C’est la première fois que la lumière occupe une place aussi importante dans un projet de cette envergure. La charte rédigée en amont a marqué les ambitions de la maîtrise d’ouvrage et a permis de définir un langage commun pour la mise en lumière d’architectures très différentes. Nous avons le sentiment que la vision des architectes a évolué avec ce projet grâce aux réunions récurrentes entre les équipes. La conception lumière est devenue un sujet à part entière. Florian Colin – Ce projet est une véritable vitrine pour la profession par le nombre et la diversité des objets architecturaux à éclairer. Il permet aussi de créer des liens entre les architectes et les concepteurs lumière, ce qui devrait déboucher sur des collaborations plus systématiques dans le futur.
Où s’arrêteront les missions des concepteurs lumière pour ces projets ? Vincent Thiesson – Nous souhaitons être rassurés par la maîtrise d’ouvrage pour mener un suivi jusqu’à la phase chantier. La discussion est riche en amont du projet, mais c’est aussi lors du passage en chantier et des premiers essais que l’assistance à maîtrise d’ouvrage apporte une réelle valeur ajoutée. Florian Colin – Pour le moment, notre mission va jusqu’à la phase Pro-B (étude de projet détaillée). Elle a déjà évolué à plusieurs reprises depuis le départ, qui comprenait l’élaboration de la charte, assortie du cahier des charges et des analyses de livrables. Nous avons par la suite proposé à la Société du Grand Paris d’organiser des ateliers entre les rendus. Nous souhaitons que les concepteurs lumière puissent suivre les chantiers jusqu’à la fin. Pour éviter qu’à la fin, les projets ne leur sortent des mains.
Pour la suite et les phases de chantiers, craignez-vous des contre-prescriptions ou des modifications majeures sur les études des concepteurs lumière ? Florian Colin – La maîtrise d’ouvrage souhaite réaliser un travail d’uniformisation par tronçon : soit des lignes de bout en bout, soit des morceaux de lignes. Si sur la ligne 15, par exemple, différentes références de projecteurs symétriques ont été prescrites par les concepteurs lumière, il faudra trancher et nous sommes favorables au choix d’un produit unique. D’autant que pour certains tronçons, nous ne savons pas encore qui sera l’exploitant. Cette question doit être intégrée au DCE (dossier de consultation des entreprises). Vincent Thiesson – Une des questions qui se posent est liée à la maintenance des appareils d’éclairage. Les maîtres d’ouvrage voudront très certainement proposer des produits par typologies pour simplifier la maintenance et réduire le nombre de références. Nous craignons simplement que la décision finale revienne à un acheteur, qui pourrait opter pour le moins-disant. n
Propos recueillis par Alexandre Arène
Gare du Bourget : un gisement de lumière
L’atelier Novembre et l’agence 8’18’’ travaillent ensemble sur la gare Le Bourget Aéroport, ligne 17 du Grand Paris Express, qui relie Le Bourget RER à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Elle sera l’une des premières gares, si ce n’est la première, à être livrée. Jacques Pajot et Rémy Cimadevilla nous détaillent les éléments du concept architectural et lumineux.
« La gare se situe à l’articulation entre le pôle aéronautique du Bourget, le parc des Expositions et la ville du Blanc-Mesnil, dans un contexte en forte mutation. Ce site, stratégique pour le rayonnement et l’attractivité du Grand Paris, est actuellement délaissé par les transports ferroviaires. Les accès sont possibles par l’ex-RN 2, via l’autoroute A1. L’ambition territoriale de cette zone d’activités est de constituer, par la création de la Gare GPE, un pôle métropolitain, véritable nœud aéronautiqueaéroportuaire. » C’est ainsi que l’atelier Novembre plante le décor.
Vous êtes parti du postulat que la gare devait ancrer sa genèse dans l’histoire aéronautique emblématique du site. Comment le concept architectural s’inscrit-il dans cet environnement ? Jacques Pajot – La gare bénéficie en effet de l’opportunité d’accompagner un équipement majeur, le musée de l’Air et de l’Espace. Le bâtiment, cube de 15 m de haut et de 28 m de côté, s’inscrit dans l’histoire du site et son architecture s’inspire de cette notion de légèreté qui évoque la volonté de l’homme de se libérer de la pesanteur. Lorsque nous avons réfléchi au concept de la gare, nous sommes tout naturellement partis de l’histoire de l’aviation civile qui a fait les grandeurs de la France et qui s’est écrite avec les aviateurs tels que Jean Mermoz, Louis Blériot, Georges Guynemer, Hélène Boucher. Alors, comment allions-nous faire pour évoquer ce monde de l’aviation ? Nous avons imaginé un cône métallique qui prend pour base le carré de la toiture de la gare et qui accompagne dans sa partie inférieure la trémie ronde de la descente aux quais. Cette résille métallique évasée se retourne en quelque sorte sur les façades latérales pour protéger le clos couvert d’ETFE [l’éthylène tétrafluoroéthylène est un fluoropolymère thermoplastique qui transmet la lumière de manière plus efficace que le verre, ndlr] en simple épaisseur et qui, de jour, laisse largement passer la lumière naturelle. La gare se distingue par son ouverture sur ses quatre entrées (côté esplanade, côté musée, côté palais des expositions, et enfin côté Blanc-Mesnil) qui donnent sur l’espace du rez-de-chaussée où le voyageur ne s’attarde pas, puisque les services de billetterie et d’information se situent au niveau inférieur. L’émergence n’est pas à considérer uniquement comme une entrée de gare mais bien comme un nouvel accès au site. Les gares doivent participer à la mutation de nouveaux territoires ainsi qu’à l’animation de la ville et être assimilées à la vie de la population locale. C’est un bel enjeu pour l’architecte et un défi intéressant. Dans une retenue qui nous paraissait donc évidente, notre gare ne devait pas se montrer ostentatoire ni lutter avec l’architecture du musée. C’est la mémoire du site qui va faire signe et la gare suggère cette histoire. Ainsi, depuis le parvis et le contexte environnant, l’émergence est la marque d’un renouveau et permet de porter un autre regard sur l’environnement en transformation, et cela grâce à son volume, sa perméabilité et sa matérialité. Depuis le parvis, elle est mise en valeur par la transparence des façades et symbolise cette nouvelle trajectoire ascendante dans un paysage étendu. Le bâtiment d’accès au site devient alors un repère paysager, un nouveau symbole fort. Ceci est
d’autant plus vrai que la gare du Bourget sera très probablement la première à voir le jour car elle doit être prête pour les Jeux olympiques de 2024 afin d’accueillir les journalistes dans le village qui va être édifié à proximité. Très avancée dans le concept architectural, elle l’est aussi dans l’étude d’éclairage. Nous avons porté une réflexion commune avec Rémy Cimadevilla concepteur lumière, agence 8’18’’, dès le début du projet. Nos échanges ont permis de définir ensemble un concept qui associe lumière naturelle et éclairage artificiel, composantes essentielles de l’ambiance de la gare mais aussi et surtout du parcours du voyageur.
Quelle a été l’approche de 8’18’’ du concept lumière de la gare du Bourget ? Rémy Cimadevilla – Le concept lumineux de la gare repose sur le mariage du verre et de la lumière. Pour composer le projet, nous nous sommes appuyés sur trois principes fondamentaux qui ont défini le fil conducteur de la mise en lumière de la gare : à savoir les variations de températures de couleur, l’association éclairage général et lumière d’accentuation, et l’idée de faire jaillir la lumière du « réseau » [des quais] plutôt que de la faire « tomber » de la surface. Dans les espaces voyageurs, notre solution s’articule principalement autour de deux systèmes d’éclairage : une lumière générale d’ambiance diffuse qui baigne la station et un éclairage d’accentuation discret, très basse luminance, intégré à l’architecture afin de dissimuler les luminaires. La lumière artificielle, qui souligne l’identité forte de l’architecture, traverse la station au rythme des variations de la journée, en accompagnant le voyageur du rezde-chaussée jusqu’au quai. De grandes surfaces verticales de lumière, des surfaces éclairantes en verre, jalonnent le parcours. Elles ont une double fonction : répondre aux exigences de niveaux d’éclairement et être un guide visuel qui permet d’accompagner les parcours du voyageur par la lumière en lui procurant un certain bien-être. Nous avons joué sur les proportions de ces murs de lumière qui vont en s’agrandissant au fur et à mesure que l’on s’approche des quais. L’éclairage artificiel apparaît ainsi comme la représentation en négatif de la lumière naturelle. Intense sur les quais, il diminue d’intensité au fur et à mesure que le voyageur remonte vers la surface, pour s’épuiser en léchant la maille métallique de l’émergence, traduisant ainsi l’immatérialité de la lumière ascendante, au cœur de l’image lumière. n