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enviedebouger.com
évasion
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Je fais une petite disgression dans cette chronique. Rassurez-vous, je compte bien, dès la prochaine édition des 4 Saisons, revenir à la découverte d’une destination. C’est le but et la raison d’être d’EnviedeBouger.com. Mais, après ces quelques mois que le monde vient de vivre, et avant ceux qui se préparent, j’aimerais faire une sorte de pause, d’arrêt sur image dans un monde où l’instantanéité prime sur le recul. Ces quelques réflexions sont le fruit d’une pause forcée, un stop brutal, subi et non choisi auquel nous, amoureux du voyage, tous les oiseaux sans cages, amoureux de la liberté de circuler et de se déplacer, avons dû nous accoutumer.
Au début de l’été, le monde se réveillait lentement, un peu titubant après plus de 2 mois de léthargie quasi comatique. Et, comme après un long sommeil, le réveil a été brutal. Au bout de quelques semaines, et, alors que le risque de reprise de l’épidémie - du moins au moment où j’écris ces lignes - est à son paroxysme, on a tenté d’oublier ces semaines étranges. Pourtant, si en apparence la vie a semblé reprendre son cours normalement avec l’arrivée des beaux jours et l’insouciance qui va avec, de nombreuses choses ont changé dans nos vies. Et, parmi les choses qui ont le plus changé, il y a le tourisme.
Le tourisme, oui, mais plus largement notre rapport aux déplacements. Il est assez surprenant de voir à quel point les restrictions de mouvements mises en place dans la plupart des régions du monde ont eu un impact immédiat non seulement sur nos déplacements physiques mais aussi, et j’aurai tendance à dire surtout, sur notre conception même de la mobilité. Se rendre à quelques centaines de kilomètres de chez soi dans un contexte de confinement et de fermeture des frontières était plus compliqué que de partir à l’autre bout du monde quelques semaines auparavant. Les ressortissants de nombreux pays, notamment occidentaux, qui ont toujours eu la chance de pouvoir se déplacer librement d’un pays à l’autre – ce qui n’a jamais été le cas pour la majorité de la population mondiale, rappelons-le, ont subitement découvert la valeur de ce privilège. Ces dernières semaines, se déplacer était un luxe réservé à ceux qui ne pouvaient pas faire autrement. Si les déplacements de loisirs sont progressivement redevenus possibles, ces restrictions de circulation, ces frontières fermées, ces quarantaines obligatoires ou volontaires vont radicalement, et sur le long terme à n’en point douter, changer notre vision du voyage. Rappelons qu’au moment où j’écris ces lignes, nous sommes le 10 août, de nouvelles mesures de restrictions apparaissent un peu partout.
Avec l’effondrement du marché du transport aérien, il y a de fortes chances que, plutôt que les passagers, ce soient les prix qui s’envolent. Les compagnies low cost risquent fort de disparaître à plus ou moins court terme. Fini les weekends à l’autre
Manger local
bout du monde ! Ce tourisme de masse, destructeur plutôt que créateur, était déjà décrié avant la crise sanitaire. En apparence à son apogée, il agonisait déjà. Il y a de fortes probabilités donc pour que cette crise sonne le glas d’un certain mode de consommation touristique. Même si les milliards que lâchent les gouvernements pour remettre leurs compagnies nationales à flot montrent que, même agonisant, le tourisme de masse n’aura pas dit son dernier mot. Mais ces milliards ne sont que le chant du cygne, n’en doutez pas ! L’économie touristique vit l’une des plus grosses crises de son histoire. Et c’est une bonne nouvelle ! Bien sûr, cette phrase, un tant soit peu provocatrice, ne prend absolument pas en compte les drames humains qui se jouent en arrière-plan de cet effondrement. Que ce soient les hôtels de ville, avec une forte clientèle internationale ou les agences de voyages, personne, et a fortiori votre serviteur, n’est à l’abri des conséquences économiques que provoquera ce
Les visites virtuelles, une alternative parfois impressionnante. La tombe de Ramses comme si vous y étiez, la foule en moins !



Sinon il reste la solution du voyage par procuration !
tsunami. Et pourtant, je persiste et signe. Cette crise est peut-être la plus belle opportunité qu’ait connu le secteur du tourisme. Une opportunité de se réinventer. Se réinventer pour devenir plus durable, plus responsable et moins gourmand en ressources naturelles. Un virage que le secteur a commencé à prendre il y a déjà très longtemps. Ce virus, plus efficace que bien des mouvements politiques ou militants, aura eu pour effet de mettre la lumière sur les dysfonctionnements de l’industrie du tourisme de masse et de recadrer le projecteur sur les initiatives positives, locales et durables.
Plusieurs tendances émergent ou se confirment pour tenter de visualiser ce que sera le tourisme de demain. Car oui, nous voyagerons à nouveau ! Yes, We will travel again ! pour faire écho à une campagne d’un géant de l’hôtellerie au plus fort du confinement. Oui nous voyagerons à nouveau. Mais sans doute différemment. Il y a fort à parier que les destinations de proximité seront les grands gagnants de ce changement. Je ne suis pas devin, il suffit de constater la hausse significative de fréquentation qu’ont connu certaines destinations
Slow tourism, real experience !
en ce début d’été. Prenons l’exemple des Alpes suisses. Le Valais et ses destinations de montagne ont constaté une explosion de réservations de Suisses qui, auparavant partaient ailleurs en Europe vers des destinations moins chères. Car on commence à se rendre compte qu’on ne connaît que très mal les endroits les plus proches de là où on vit. Et ces destinations de proximité offrent un potentiel de découvertes et d’expériences non négligeable. Les habitudes prises avec les restrictions de mouvements risquent donc d’avoir la peau dure et notre conception de la mobilité ayant considérablement évolué ces dernières semaines, gageons que nombreux sont ceux qui privilégieront à l’avenir un tourisme plus local.
Le numérique et le digital seront aussi les grands gagnants de cette crise. On n’a jamais autant parlé de voyager tout en restant dans son salon que ces derniers mois. S’il y a 6 mois on nous avait dit qu’il serait possible de diriger à distance des locaux portant une caméra sur la tête pour explorer un endroit depuis son canapé, nombreux sont ceux qui ne l’auraient pas cru. Et pourtant l’expérience a vu le jour lors de ce confinement. Aux Iles Feroé. Les tours guidés ne sont plus organisés actuellement mais le concept est né… Les visites virtuelles se multiplient. Les destinations touristiques ont vu l’opportunité d’accélérer la digitalisation de leur activité. C’est le cas de l’Egypte qui, coupée du monde jusqu’à récemment avec la fermeture de ses aéroports, propose de visiter plusieurs tombes, notamment celle de Ramsès VI, et monuments depuis son canapé. D’après un porte-parole du ministère du tourisme égyptien, les visites virtuelles «desservent la double mission de promouvoir le tourisme égyptien sur tout le territoire et d’améliorer la connaissance des égyptiens de leur propre civilisation». Ce ne sont que des exemples parmi d’autres mais cela montre à quel point les expériences de voyage virtuel sont amenées à prendre de l’importance ces prochaines années. Ce phénomène n’est pas apparu avec le confinement et la crise sanitaire, mais le coronavirus a été un révélateur de l’importance de ces expériences.
Pour finir ces quelques réflexions, j’ajouterai simplement que finalement, le vieil adage est juste. Peu importe la destination, seul compte le voyage !