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Ces Ukrainiens
Qui Vivent Parmi Nous
La famille Fedyk-Khrypta
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Je m’appelle Anna Fedyk, j’ai 35 ans et une formation d’économiste. Je travaillais pour un distributeur de friandises et de sucreries. J’avais un poste de data analyste1, dans la firme Roshen2. J’y travaillais depuis deux ans. Cette entreprise fonctionne toujours, mais à la moitié de ses capacités, la moitié de l’usine de Kiev ayant été détruite lors des bombardements. Le propriétaire de cette usine était président de l’Ukraine avant Zelensky.
Je m’appelle Olexandr Khrypta, j’ai 35 ans. J’ai fait des études de droit. Pendant treize ans j’ai travaillé pour l’Etat comme huissier de justice. En 2020, j’ai ouvert ma propre étude ; comme cela fonctionnait bien, à la fin 2021 j’ai engagé un employé et j’ai même pensé en engager un deuxième ... et puis la guerre est arrivée.
Nous avions une très bonne vie en Ukraine. Nous habitions à Rivné, une petite ville de 250’000 habitants, à 350 km de Kiev au nord-ouest. Nous avions l’habitude de planifier l’année en janvier : les endroits que nous voulions visiter, les cadeaux que nous voulions faire aux enfants, aux amis. Nous organisions notre vie en fonction de notre budget, du salaire que nous allions recevoir pendant l’année. Nous organisions également les activités de nos enfants. Nous étions très actifs. Nous avons trois enfants, Anastasia 12 ans, Volodymir 11 ans et Yura 5 ans. Avec trois enfants, sans planification, c’est difficile de vivre.
Qu’est-ce qui vous a décidé à fuir l’Ukraine et quand ?
A.F. : Mon mari avait l’habitude de me conduire chaque matin au travail, il y a vingt minutes de trajet. Le 15 mars 2022 nous étions dans la voiture, les enfants étaient à la maison. Le jour d’avant nous les avions entraînés à se réfugier dans les couloirs en cas d’alerte. Ce jour-là ils étaient à la maison avec les voisins (nous habitions dans un petit bâtiment de quatre appartements) et nous étions très inquiets, parce que nous n’arrivions pas à les joindre par téléphone et que les sirènes s’étaient déclenchées. Une heure sans nouvelles, ce fut très difficile à vivre.
Au niveau du travail, il y avait beaucoup d’incertitudes. Mon patron m’avait informée qu’ils allaient baisser mon salaire, et qu’ils ne me l’assuraient que pour quatre mois. Après c’était le mystère. Par contre le travail d’Olexandr avait complètement cessé. Nous avions un petit peu d’économies, mais nous ne savions pas jusqu’à quand nous allions pouvoir vivre avec.
Nous nous sommes dit : « Vivre avec ça, toute cette incertitude » et cela a généré beaucoup d’anxiété. Olexandr aurait éventuellement pu trouver un travail, mais vivre comme ceci, avec des alertes qui se répètent régulièrement, c’était difficilement imaginable. La nuit suivante, les sirènes ont à nouveau résonné, nous avons emporté deux ou trois choses et nous sommes allés nous réfugier dans les couloirs. Le lendemain, notre fils m’a demandé : « Maman, nous allons vivre comme ça? » Nous étions surtout inquiets pour les enfants, ce n’est pas la vie que nous avions imaginée pour eux. Ce matin-là, je suis allée voir mon chef et je lui ai dit : « Nous allons partir. »
Comment s’est déroulé votre exil ?
O.K. : En tant qu’homme j’ai pu partir, car j’ai trois enfants en dessous de 18 ans. Ma sœur vit en Pologne depuis une dizaine d’années, nous l’avons rejointe. Avec son mari, ils ont un petit appartement de deux pièces et ils nous ont accueillis. Nous avons commencé à chercher un appartement, à nous renseigner sur les possibilités de travail dans ce pays. C’était très difficile de nous enregistrer en Pologne, car nous avions passé la frontière en Slovaquie. Et c’était particulièrement difficile de trouver un logement, car il y a environ quatre mil- lions de réfugiés ukrainiens dans ce pays. C’est alors que nous avons entendu à la télévision ukrainienne que la Suisse délivrait des permis S aux réfugiés ukrainiens. C’était le vendredi. Le lundi j’ai parlé à mon père qui avait des amis qui vivaient en Suisse. Je les ai contactés par téléphone et nous avons décidé de partir pour la Suisse. C’était le 28 mars, nous avons fait nos bagages et nous sommes partis. Nous nous sommes rendus à Boudry pour nous enregistrer.
Que saviez-vous de la Suisse à ce moment-là ?
O.K. : Je savais que l’on y parle quatre langues et je connaissais un peu la Constitution, car la Suisse avait été citée en exemple lors de mes études. Je savais même que la Suisse n’a pas de capitale !3 Ce qu’ignorent beaucoup de vos concitoyens !!!
A.F. : Moi, je savais que la Suisse se trouve au milieu de l’Europe, mais ne fait pas partie de l’Union européenne. Je savais aussi que c’est un pays de montagnes, de fromages et de montres. On ne savait rien de plus, on a juste appris qu’il y avait un programme d’accueil pour les Ukrainiens. Nous sommes restés trois nuits à Boudry. Là-bas nous avons eu un entretien, nous avons dû présenter nos passeports, donner des renseignements sur nos formations et professions, on nous a demandé si nous voulions vivre avec une famille ou seuls. Ils avaient une liste d’appartements et de familles disposées à accueillir des réfugiés et ils ont commencé à téléphoner. Notre préférence était de vivre avec une famille, nous avons pensé qu’il serait ainsi plus facile d’avoir des informations diverses sur la manière dont on vit en Suisse, sur le fonctionnement de la société. Comme nous sommes cinq, ce n’était pas très facile. Michèle s’était inscrite dans le programme d’accueil. Elle nous a prêté sa résidence secondaire à Grimentz, elle possède un permis B car elle est d’origine argentine mais elle est née et a vécu de nombreuses années aux Etats-Unis. Etant elle-même une immigrée, elle est plus à même de comprendre nos problèmes et nos questionnements, elle a été d’un grand secours.
Quand êtes-vous arrivés à Grimentz et quelle a été votre première impression ?
O.K. : WAOUH !
Pour nous, la route entre Sierre et Grimentz fut un choc. Nous avons rencontré Michèle, elle nous a montré l’appartement. Ensuite elle nous a dit : « Désolée je dois partir, je dois prendre le bus. » Et nous, nous croyions que nous allions vivre ensemble ! Ensuite elle a raté son bus, alors nous avons dû la descendre à Sierre en voiture. Elle nous a demandé si nous avions des pneus-neige. Pour nous c’était une question étrange, car nous étions en avril, mais en remontant nous avons compris pourquoi : quand nous sommes remontés il neigeait. Après le lac d’accumulation de Vissoie la route était enneigée, nous avons mis quarante minutes pour atteindre Grimentz alors que les enfants nous attendaient seuls dans notre nouvel appartement !
Comment se passe votre vie actuellement ?
O.K. : C’est très tranquille, surtout au niveau du travail. En une journée je rencontrais ou j’avais au téléphone environ une centaine de personnes, alors qu’ici c’est très tranquille.
A.K. : C’est la même chose pour moi, au travail et dans le vie quotidienne. Nous allions par exemple une fois par semaine avec les enfants au cinéma ou nous prenions la voiture pour les emmener dans la nature. Nous allions aussi visiter la famille ou des amis. Les amis et la famille nous manquent beaucoup. Ici j’apprécie beaucoup la montagne, je vais marcher.
O.K. : Au début, nous ne pensions pas que la guerre allait durer, nous en avons profité pour visiter la Suisse. Maintenant comme nous travaillons tous les deux, nous avons moins de temps libre. En novembre je suis retourné voir mon père qui vit seul en Ukraine. Je travaille en cuisine à l’hôtel de Moiry depuis le 6 juillet. C’était important pour moi de travailler, c’était très difficile de ne rien faire, je n’arrêtais pas de penser, je devenais fou.
A.F. : Moi je suis femme de chambre à l’hôtel Alpina, j’ai commencé un peu avant le début de la saison d’hiver. Ici pendant la saison nous avons moins de temps pour nos enfants, nous travaillons le week-end, mais en Ukraine nous avons des amis qui travaillent dans le tourisme et c’est la même chose.
Comment se sentent vos enfants ?
A.F. : En Ukraine ils avaient beaucoup d’activités extrascolaires. Anastasia par exemple faisait de la danse et les scouts, elle a appris à skier avec les scouts. Maintenant elle fait du volleyball à Zinal. Je vais peutêtre les inscrire au camp des Moyes cet été. Notre fils faisait du taekwondo (un art martial) deux à trois fois par semaine, mais maintenant il n’a pas encore trouvé ce qui l’intéresse. Par contre il a eu beaucoup de plaisir à apprendre à skier pendant les vacances de Noël, avec les professeurs retraités bénévoles de l’école suisse de ski.
Comment voyez-vous le futur ?
A.F. : Actuellement nous travaillons tous les deux, nous avons un travail physique, mais nous sommes jeunes et en bonne santé. Nous travaillons les deux à 100% dans des professions totalement différentes des nôtres, nos enfants vont à l’école, nous sommes en sécurité, et nous vivons un jour après l’autre.
O.K. : Je ne pense pas que la guerre va cesser prochainement, je lis beaucoup d’informations sur le sujet. Certains prônent de revenir aux frontières d’avant 1991 lorsque l’Ukraine faisait partie de l’URSS, mais pour nous cela serait très difficile. Je pense que si c’était le cas, il y aurait une nouvelle révolution et que la paix ne serait que temporaire avant une nouvelle guerre. Ma mère est russe, mais je me sens complètement ukrainien. Je suis né en Russie, mais depuis l’âge de cinq ans je vis en Ukraine. La dernière fois que j’ai été en Russie c’était en 2005 : c’était terrible, je parle très bien russe, sur mon passeport il y a les deux nationalités, mais les douaniers ont été odieux avec moi.
Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous maintenant ?
A.F. : C’est de regarder ou de lire les nouvelles de mon pays, on a encore des amis, des parents là-bas et c’est difficile. En octobre nous nourrissions l’espoir d’y retourner pour passer les fêtes en famille, mais le 19 octobre il y a eu une nouvelle attaque à Kiev et nous avons compris qu’il n’y avait aucune raison d’y retourner. C’était particulièrement difficile pendant les fêtes de fin d’année. Nos amis nous racontaient qu’il n’y avait plus de lumière, plus d’électricité. J’ai deux frères, aujourd’hui le plus jeune a 19 ans et c’est triste de ne pas être avec lui. Le 22 mars 2022 nous étions en Pologne, mon frère et Olexandr ont l’anniversaire le même jour, nous étions au téléphone avec lui et tout à coup nous avons entendu le bruit des sirènes, on sait qu’à tout moment tout peut arriver. O.K. : Ce qui est difficile, c’est de recevoir des informations avec nos assistants sociaux. Ce n’est pas une question de personne, mais nous pensons que le système n’était pas prêt, c’est difficile d’obtenir des réponses à nos questions pratiques. Avant ils n’avaient pas l’habitude de s’adresser à une population comme la nôtre, il n’y avait que des réfugiés de cultures très différentes, des Afghans, des Africains, des Somaliens, etc. Par exemple lorsque nous sommes arrivés à Boudry, nous avons reçu un document qui nous expliquait comment on vit en Suisse, et on nous expliquait comment utiliser le papier toilette ! 4 nien de confiseries et de chocolat1, et en 2011 Roshen figurait à la 15e place des plus grosses confiseries mondiales.
Trois mots à propos du val d’Anniviers A.F. : Le fromage, la gentillesse des gens qui nous accueillent à coeur ouvert, les montagnes. Nous sommes fiers de vivre ici et nous pensons être chanceux, il y a des gens qui nous aident, Michèle nous a prêté son appartement, Jean notre voisin et son amie Anita nous aident chaque fois que nous en avons besoin.
3 La Suisse n’a effectivement pas de capitale officielle. Le diable se cache dans les détails: il n’est écrit nulle part que Berne est la capitale de la Suisse. La législation mentionne simplement que «l’Assemblée fédérale siège à Berne» et que «la ville de Berne est le siège du Conseil fédéral, des départements et de la Chancellerie fédérale». https://www.swissinfo.ch/fre/histoire-_les-suisses-se-sont-choisi-une-capitale--dans-les-urnes/44567130
La famille Evsutin
Je m’appelle Vasilisa Evsutina, j’ai 42 ans. J’ai deux fils Mikhail 10 ans et Ivan 18 ans. Mon mari, le père de mes enfants, est décédé dans un accident de voiture en 2017. Je suis née et j’ai habité toute ma vie à Kharkiv1, à l’est de l’Ukraine, non loin de la frontière russe. C’est la deuxième plus grande ville d’Ukraine avec 1,5 millions d’habitants. J’ai beaucoup étudié : de 1997 à 1999, j’ai obtenu mon diplôme de kinésithérapeute à la faculté de médecine, j’ai exercé mon métier dans une unité de soins intensifs pour enfants, j’ai pratiqué dans une maternité, j’ai travaillé avec des enfants dans des jardins d’enfants. Tout en continuant à travailler à la clinique, je suis entrée à l’Académie d’État de culture physique de Kharkov, j’ai écrit des articles scientifiques, j’ai publié deux monographies en collaboration avec le corps professoral. Je coopère avec les principales universités de Kharkov et d’Ukraine. Après sept années d’études à l’Académie, j’ai obtenu deux diplômes de spécialiste et un master avec mention dans le domaine de la culture physique et du sport. J’ai activement enseigné au Département de réadaptation. Avant la guerre, je travail-
1 Le data analyst a pour mission d’exploiter et interpréter les données pour en dégager des observations business utiles. Ainsi, les rapports fournis permettent d’orienter les prises de décision du management et améliorer les performances et les stratégies marketing.
2 Roshen est le plus gros producteur ukrai- lais beaucoup, je voyais peu mes enfants, ma maman s’occupait de Mikhail et Ivan était à la caserne.
4 Le nettoyage anal est la pratique hygiénique qu’une personne effectue par ellemême après la défécation. L’anus et les fesses peuvent être soit lavés avec des liquides ou essuyés avec du papier toilette. Dans de nombreuses cultures musulmanes et hindoues, ainsi qu’en Asie du Sud-Est et en Europe du Sud, l’eau est généralement utilisée pour le nettoyage anal à l’aide d’un jet d’eau, le plus souvent éclaboussé et lavé à la main.

Qu’est-ce qui t’a décidée à fuir l’Ukraine et quand ?
Le 24 février 2022 à 5h00 du matin, mon fils aîné Ivan, cadet de 1ère année de l’Université des affaires intérieures de Kharkov, commandant de compagnie me dit par téléphone : «Maman! La guerre a commencé!» Je ne pouvais pas y croire. Mon fils Ivan m’a demandé de rassembler les documents nécessaires pour que nous puissions quitter le pays. Il a correctement analysé ce qui se passait, il a pris une décision responsable en tant qu’aîné de famille. Il est diplômé des 10e et 11e années du Corps des cadets avec un entraînement physique amélioré. Cette installation stratégique militaire a été détruite par des roquettes, comme de nombreuses universités militaires de ma ville, au cours des deux premières semaines de la guerre. Pendant deux semaines, nous avons vécu dans des sous-sols froids, sans avoir le temps de manger, de nous laver et de dormir ... J’étais très nerveuse pour la vie de mes enfants. Il ne me venait pas à l’esprit que tout ce que le Seigneur avait créé puisse disparaître. Epuisés, nous avons dit au revoir à nos proches, à notre maison, et sommes partis pour nous sauver. Froid, pluie, paysage gris, cris effrayés des corbeaux, coups de feu, les avions militaires russes viennent de terminer leur « sale travail » : l’immeuble voisin est détruit, partout des morts et des blessés. Nous nous tenons debout et comprenons que nous ne voulons pas être les prochains. La décision est prise. Le cinq mars nous avons quitté l’Ukraine. J’ai décidé de rejoindre la Suisse car j’ai un ami suisse, Dominique.
Comment s’est déroulé ton exil ?
Le chemin a été long et difficile : des milliers de personnes ont quitté la ville avec nous. Nous avons pris le train, puis une voiture, puis un bus, et toujours ces fusées dans le ciel. Nous avons rejoint la Pologne. Enfin le silence, ni roquettes ni bombardements. Nous avons dormi deux nuits à Varsovie pour nous reposer de ce long voyage et avons ensuite pris l’avion pour Genève. J’ai rejoint mon ami et sa famille qui nous ont hébergés quelques jours, puis nous sommes allés dans un foyer pour candidats réfugiés à Anzère. Nous y sommes restés deux mois. C’est un chalet de groupe, qui à la base hébergeait des jeunes en camps de ski. Nous étions une soixantaine de personnes. Je tiens à dire un immense merci aux autorités du canton pour avoir organisé notre accueil et nous avoir donné un permis S. C’est là-bas que j’ai connu d’autres familles ukrainiennes qui vivent maintenant aussi dans le val d’Anniviers, nous avons pu nous soutenir mutuellement. Les enfants avaient des cours dans le cadre du foyer. Ensuite une travailleuse sociale, Barbara, nous a trouvé un appartement mis à disposition par un monsieur belge très âgé, Monsieur Hubert, à Grimentz. Nous mangions souvent ensemble, de la raclette autour d’un verre de vin et parlions. J’aimais discuter avec lui, il est malheureusement décédé cet automne.
Que savais-tu de la Suisse à ce moment-là ?
J’étais déjà venue visiter mon ami et sa famille en 2019, par la suite j’y ai fait quelques séjours d’une semaine. Et pour vous dire honnêtement, je suis tombée amoureuse de ce pays.
Quand êtes-vous arrivés à Grimentz et quelle a été ta première impression ? Nous sommes arrivés en mai. J’ai beaucoup aimé le village, pour moi le val d’Anniviers est très intéressant, c’est magnifique, c’est un monde enchanteur.... montagnes, fleurs, nature, glaciers, lacs, silence, maisons en bois insolites. Ici on s’arrête et on parle avec les gens du village sur le bord de la route (Ali, Christine, Janine, Muriel, Jean Luc, Anne-Françoise... et bien d’autres), c’était nouveau pour moi.
Comment se passe ta vie actuellement ? Je respire, ce qui veut dire que je VIS. Il y a beaucoup de plans professionnels et d’idées dans ma tête, que je veux maintenant mettre en œuvre dans des projets communs avec les Suisses ici en Anniviers. Lorsque je suis arrivée, je savais déjà un peu le français je l’avais appris à l’école: l’Ukraine a beaucoup de liens avec la culture française, c’est facile d’y trouver des livres dans votre langue. Mais c’était très difficile de parler. Depuis juillet je suis des cours à Vissoie et à Sierre. J’apprends aussi un peu l’allemand, j’écoute de la musique classique, la saison d’hiver je fais des ménages dans les chalets. J’aimerais trouver un travail plus en relation avec ma profession. Maintenant j’habite à Vissoie, j’ai dû déménager car l’appartement que l’on me prêtait est loué pour la saison d’hiver aux touristes. Une dame formidable a mis à disposition son appartement, c’est Anne-Françoise.
Comment se sentent tes enfants ?
C’est plus facile pour Ivan l’aîné, il est de nature charismatique, comprend bien ce qui se passe et s’adapte parfaitement. Ici il suit des cours organisés par l’Etat du Valais à Martigny. Il a réussi les examens cet été et est entré à l’Académie de culture physique de Kharkiv en tant qu’entraîneur de basket-ball, il a donc quitté la carrière militaire. Il suit des cours online pour devenir coach sportif. Pour Mikhail c’est difficile, il ne comprend toujours pas pourquoi nous sommes ici, pourquoi nous restons ici. Il pose beaucoup de questions, pourquoi, pourquoi... Mikhail va à l’école à Vissoie tout en poursuivant sa formation en ligne à l’école ukrainienne et il y étudie en même temps la musique dans la classe de flûte. Il joue du fifre avec les fifres et tambours de St-Jean. Il rêve de devenir jardinier.
Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi maintenant ?
Pour moi ce n’est pas difficile : déjà lors de mes premières visites en Suisse j’ai beaucoup discuté avec les gens, je me suis intéressée à votre culture, je comprends comment vous vivez. J’habitais dans une grande ville mais, pour moi, vivre ici est agréable. Dans mon enfance je partais chaque été rejoindre ma grand-mère dans un petit village de montagne, il y avait des fermes, des vaches, la nature. Mais une partie de mon coeur est en Ukraine, ma maman Maria, ma soeur Oksana et sa famille y sont restées, elles me manquent beaucoup. Pour elles la vie est très difficile, sans électricité, avec des attaques de missiles qui ne s’arrêtent pas pendant plus d’une journée. La tension est constante. Mais je respecte leur choix. En Ukraine la famille est très importante, lors de chaque fête nous nous réunissons, être ensemble c’est sacré. C’est difficile pour ma maman, elle n’a pas compris pourquoi nous sommes partis. Ici j’aime faire des photos, chaque jour je leur en envoie, je leur parle de notre vie ici, je leur montre le positif. Côtoyer une autre culture c’est passionnant.
Trois mots à propos du val d’Anniviers
L’hospitalité suisse, la cuisine suisse (fondue, vin local), les vacances de Noël, et bien sûr le ski !!! ... je suis sportive, j’aime courir, marcher. Je crois que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».
Christine Torche Mercier
P.S. L’interview de Vasilisa s’est déroulée en français.
1Karkhiv anciennement Kharkov en français
