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Bonjour, bienvenue !
Se sentir accueillie, voilà une belle entrée en matière pour échanger avec le petit groupe des « Patronnes d’Anniviers ». Ces jeunes femmes, d’ici et d’ailleurs, sont directrices ou responsables d’hôtels–restaurants, passionnées par leur métier, désireuses de l’exercer au mieux. A l’instigation de Caroline, directrice du Chandolin Boutique Hôtel, elles ont fondé ce team pour partager joies et soucis, problèmes et solutions, apéros et convivialité.
Déjà au début du tourisme d’été au milieu du XIXème siècle Replonger dans l’histoire de l’hôtellerie en Anniviers permet de constater que dès la création des premiers hébergements, les femmes ont joué un rôle de premier ordre. Visiter l’exposition consacrée à ce thème sur le Chemin d’Images autour de la colline à côté de l’église à Vissoie et qui aboutit à la chapelle du château permet de s’immerger dans le contexte d’autrefois et de mieux appréhender cette époque. Déjà alors, des femmes se sont lancées dans l’aventure ou ont accompagné leurs époux dans ce basculement de style de vie, passant de l’état de paysans de montagnes vers celui de paysans - hôteliers, durant la saison d’été. Les activités associées, telles que porteurs, guides, serveuses, femmes de chambre, cuisinières, couturières, etc. se sont développées, permettant d’améliorer les conditions difficiles du quotidien. Ce grand espoir en un avenir meilleur leur a transmis le courage nécessaire pour oser l’aventure !
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Le siècle suivant, flamboyant et sombre, source de renaissance
Malgré les deux guerres mondiales et leurs lots de grosses difficultés de toutes sortes, l’hôtellerie de montagne a poursuivi son tracé, avec des courbes de rentabilité fluctuant au cours des années. Et puis le tourisme d’hiver a pris son essor au début des années soixante dans notre vallée. Les hôtels d’autrefois se sont adaptés à la nouvelle clientèle, ont installé chauffages, locaux à skis et… discothèques. De nouveaux établissements ont élargi l’offre, stimulant toute la branche. Durant ce siècle aussi, de nombreuses femmes ont joué un rôle déterminant et marqué l’histoire touristique de notre région. On se souvient avec émotion de Stéphanie au 2000 à Chandolin, de Gertrude au Prilet, de Lucie et Mathilde à la Fougère, puis au Beausite, de Cécile au Cervin à St-Luc, d’Antoinette à l’Avenue et de Renée aux Alpes à Vissoie, d’Elise et Modeste au Rothorn à Ayer, d’Aurélie à la Poste à Zinal, de Lydie et Adèle à la Claire Fontaine à Grimentz, de Madeleine à la Gougra à St-Jean, parmi beaucoup d’autres.
Nouvelle époque, nouveaux moyens
Les femmes d’aujourd’hui se révèlent aussi courageuses que celles d’autrefois. Le monde s’est complexifié, les souhaits touristiques se sont diversifiés, les critiques peuvent se montrer rudes et inappropriées sur les réseaux sociaux… Il en faut de la conviction et de la volonté pour mener à bien ces entreprises ! Alors, à St-Luc et Chandolin, quelques directrices d’établissement se sont regroupées, pour mettre en commun leurs souhaits, leurs idées, pour évaluer ce qui permet d’avancer, quels nouveaux moyens technologiques sont bénéfiques à la profession. L’une aurait besoin d’un lit d’enfant supplémentaire, l’autre vient de perdre un employé blessé, une autre encore ne peut pas loger des personnes surnuméraires, un petit appel sur le groupe WhatsApp et la solution se profile. Parfois même, de plus gros soucis trouvent des solutions par ce biais. Une partie du personnel est moins stable qu’autrefois, un contrat d’engagement signé ne donne plus la garantie absolue de la présence de l’employé le moment venu… Heureusement, ces situations restent marginales, mais comme elles peuvent peser quand elles surviennent !
D’Anniviers, de Belgique ou de France, une passion commune Les parcours de ces femmes sont à la fois variés et similaires. À St-Luc, Angélique Buchs a grandi à l’hôtel Bella-Tola, a fait toute sa scolarité à Vissoie, puis, après avoir terminé le collège à Sion, a intégré l’école hôtelière à Lausanne. Cette école, reconnue loin à la ronde, garantit une formation de grande qualité à divers niveaux : management, événementiel, communication, etc. C’est ainsi qu’Angélique s’est lancée dans l’événementiel sportif, puis a repris la responsabilité de l’établissement familial dans les secteurs de la restauration, de la communication et du marketing. Mélanie Glassey-Roth, née à Zinal, a pu participer à la dernière année d’école enfantine à Ayer, avant de suivre l’école primaire à Vissoie, puis l’école de commerce à Sierre. Elle aussi a intégré l’école hôtelière à Lausanne, puis travaillé au Lausanne Palace, aux 3 Couronnes à Vevey, au Nendaz 4 Vallées. Après avoir grimpé les échelons de la branche, Mélanie a postulé comme directrice au Bella-Tola où elle a repris la responsabilité de l’hébergement, du personnel et de l’administration. Voilà donc Angélique et Mélanie devenues codirectrices de cet hôtel historique. Le duo fonctionne en complémentarité et permet, peut-être mieux qu’autrefois, de se préserver une tranche de vie privée de qualité. Les points essentiels se concentrent sur la polyvalence, sur la capacité à mettre la main à la pâte dans tous les domaines du secteur. Les tâches sont variées, les relations avec la clientèle enrichissantes. Mais les difficultés ne manquent pas, la recherche de personnel devient plus compliquée.
Il y a un an tout juste, la Saviésanne Aude Héritier a repris la direction du Grand Hôtel du Cervin. Il a fallu s’adapter à une fin des travaux de rénovation menés au pas de charge et assurer l’ouverture de l’établissement à fin juillet dernier. Après avoir fait des expériences en Afrique du Sud, à Zanzibar puis être remontée le long du Rhône, à Genève, au Mont Pèlerin sur les hauts de Vevey, à Martigny, Aude a abouti à St-Luc. Les débuts ont été agités, l’adrénaline lui a tenu lieu de booster, Aude a peu, voire pas dormi durant la première semaine. Avec le recul, elle comprend que l’énormité de la tâche l’a tenue en haleine. Heureusement, les débuts de cette saison d’hiver se sont déroulés plus sereinement. Elle aussi a rejoint le groupe des « Patronnes d’Anniviers », elle apprécie cette initiative rare pour former un réseau local bienveillant et de soutien à toute épreuve.
Et dans notre village le plus haut d’Anniviers, c’est Caroline Adler, née à Genève, directrice du Chandolin Boutique Hôtel, qui mène le bal depuis trois saisons maintenant. Son parcours l’a menée de l’école hôtelière à Lausanne, à Bali, en NouvelleZélande, à Singapour, à Genève, en France, en Espagne, en Angleterre. Elle a ensuite répondu à une offre d’emploi qui ne mentionnait pas Chandolin / Anniviers comme destination ! Mais ça parlait de montagne et ça, c’était LE motif qui résonnait en elle. Caroline a débuté à Chandolin avec un peu d’appréhension, mais l’accueil a été très bon et l’a rassurée pour la suite de son parcours chez nous. C’est donc Caroline l’initiatrice de l’idée du « Club des Patronnes », association de femmes en tête de commerce de restauration et d’hôtellerie, à St-Luc et Chandolin. Se sont jointes au groupe Andréa du Panoramik, née en Belgique et Hélène du Beausite, née en France mais intégrée au point d’utiliser des expressions typiquement locales… Dans ce même mouvement et à l’instigation d’Hélène justement, l’ACA (Association des commerçants et artisans) de St-Luc a repris des couleurs et a proposé aux Chandolinards de rejoindre leur groupe.



Défis actuels et futurs en ligne de mire
Quand c’est possible, la formation d’apprentis fait partie de la mission de ces patronnes. Les compagnons de vie sont inclus dans ces parcours, associés soit par la profession, soit par le partage de la vie privée. On le sait, les horaires et rythmes saisonniers exigent une planification délicate pour tenter de faire cohabiter au mieux les différents aspects des parcours de vie.
Il émane de toutes ces femmes une passion et une approche fantastiques pour affronter les défis d’un métier réputé difficile. Ouverture et capacité d’adaptation font partie de leur quotidien. Les échanges avec une clientèle de toutes provenances et de toutes générations enrichissent leur vie en l’épiçant au jour le jour.
L’objectif de cette association du « Club des Patronnes » est de l’élargir aux autres tenancières de commerces de restauration et d’hébergement de la vallée. Car il y en a beaucoup, de ces femmes aux commandes par chez nous, à Grimentz, Zinal, St-Jean, Vissoie entre autres. Les expériences professionnelles menées par monts et par vaux donnent des outils sérieux à ces femmes pour les encourager à poursuivre leur noble mission dans l’accueil touristique de notre région. Félicitations et merci à elles ! Plus d’un siècle et demi plus tard, poursuivre la belle tâche dans laquelle quelques-unes de nos aïeules n’ont pas eu peur de s’impliquer relève de l’hommage.

