Les cinémas de Raymond Depardon
LANGLAIS Amandine ENSAV APPROFONDISSEMENT
SOMMAIRE
Avant propos
I.
Introduction Entre photographie et cinéma : la retranscription d’une réalité ordinaire
1. La photographie et le cinéma : des médias d’images. Définitions et théories. 2. Depardon photographe et Depardon cinéaste : corrélations et influences. 3. La place de la photographie dans le cinéma de Depardon. II.
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1. La réalité quotidienne du cinéma de Depardon 2. Distance et fixité du cadre 3. Mouvements et prises sur le vif Conclusion Bibliographie Raymond Depardon : Biographie Bibliographie Filmographie
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AVANT PROPOS Choisir un sujet répondant au thème du cinéma documentaire ne c’est pas avéré chose aisée pour ma part. N’ayant que très peu de connaissances en la matière, j’ai privilégié le choix d’un cinéaste plutôt que d’une école, d’un mouvement ou d’une thématique afin de « limiter » les choix qui m’étaient offerts en termes d’analyse cinématographique et théorique. Ainsi, mon choix s’est porté sur l’œuvre de Raymond Depardon. Photographe, cinéaste et auteur de textes, Raymond Depardon est parvenu à s’imposer comme un cinéaste de talent. « Raymond Depardon est d’ores et déjà l’homme du miracle. Il est à peu près le seul photographe qui ait réussi son passage au cinéma » 1 . La relation entre la photographie et le cinéma était une piste que je souhaitais explorer en premier lieu. Le but étant de savoir si R. Depardon percevait son travail cinématographique comme un prolongement de son métier de photographe et en quoi ces rôles influaient l’un sur l’autre. Cela m’a permis d’effectuer des recherches sur des photographes dont nous avons évoqué le travail en cours qui abordent le cinéma durant leurs carrières comme le fait Depardon. Au cours des recherches effectués sur son œuvre, notamment par le visionnage d’un certain nombre de ces films documentaires, j’ai été frappée par une scission entre un cinéma fixe, avec une distance assumée et un cinéma du mouvement, régulièrement en rapport à des situations de tournage particulière (lieu de guerre et de combats, chasses poursuites au côté de reporters…)
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Serge Daney, « La Comédie humaine », Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 63.
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INTRODUCTION Raymond Depardon est un homme à la carrière prolifique. « Boulimique » 2 de l’image, il est à la fois photographe, cinéaste et écrivain. D’abord reporter photographe pour l’agence Dalmas, R. Depardon fonde sa propre agence en 1966 avec Gilles Caron: l’agence Gamma, par le biais de laquelle il couvrira un grand nombre d’événements dont certains inspireront des films marquants dans sa carrière cinématographique (Tchad, Liban…). Puis, il quitte l’agence Gamma pour l’agence Magnum où commence pour R. Depardon une recherche de l’intime et du personnel, vers ce que les images photographiées ne montrent pas. Il va donc s’essayer à l’écriture, il publiera un certain nombre d’ouvrages photographiques annotés par ces soins afin d’exprimer ce que l’image ne peut retranscrire. Il s’éloigne ainsi du photoreportage pour chercher un autre mode d’expression en mesure de représenter la réalité de façon brute : le cinéma. Dans de nombreux films de Depardon, on peut observer une certaine « fixité » de l’image, la caméra ne bouge pas ou peu. C’est comme s’il se préparait à prendre une photographie au moyen d’une caméra. A l’inverse, d’autres rappellent le photojournalisme, la prise en direct ; « sur le vif ». Se sont les deux types de cinéma de Raymond Depardon. Sa démarche ne semble pas viser à répéter ses connaissances de photographe en cinéma; il s’agirait plutôt de retranscrire quelque chose que la photographie serait incapable de transmettre, par le biais d’un autre « média » en l’occurrence, le cinéma. Son but n’est semble t‐il pas de faire de belles images « Si tu veux faire des belles images, prend ton appareil photo » 3 mais plutôt d’écouter. « […] si tu bouges, tu ne dégages pas l’écoute parce que tu la perturbes. Ce qui est important, c’est l’écoute » 4 . Ainsi, le travail qui va suivre tentera de dégager les impacts que le métier de photographe a pu avoir sur l’œuvre du cinéaste et vise versa. Quel est la place de l’expérience photographique de Raymond Depardon dans ces réalisations cinématographiques ? En quoi peut‐on dire que son cinéma est un « cinéma du réel » ? Cela passera dans un premier temps par la définition de ce que sont réellement ces deux médias de l’image et ce qui les différencie l’un de l’autre. Puis par les influences qu’ils ont l’un sur l’autre dans l’œuvre de Depardon tout comme dans celle d’autres photographes‐cinéastes. Enfin, nous tenterons de dégager les « types » de cinéma de Depardon : la fixité du cadre et la mise en distance du sujet puis la caméra d’action, la prise en direct et les mouvements. 2
Martine Robert, « Je veux imposer mon regard », L’Œil, n°609, Janvier 2009 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretien avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 35. 4 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretien avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 39. 3
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Entre photographie et cinéma : la retranscription d’une réalité de l’ordinaire. 1. La photographie et le cinéma : des médias d’images. Définitions et théories.
On ne peut nier que la photographie tout comme le cinéma relèvent chacun de pratiques qui leur sont propres, mais également de la personne qui les met en œuvre. Toutefois, on ne peut pas non plus nier qu’un certain nombre d’entre elles tendent à se recouper : on peut notamment parler de la lumière, de l’angle de vue, du cadrage, ou encore du choix du sujet. Tous ces éléments tiennent autant des connaissances techniques de l’individu que de son approche sensible (sorte de prédisposition(s) naturelle(s), innée(s)) ou encore de l’expérience, du tâtonnement et de la découverte « sur le tas ». D’ordinaire, on oppose la photographie au cinéma en fonction d’un mouvement et d’une temporalité. « Une répartition traditionnelle attribue à la photographie la saisie de l’instant – ne dit‐on pas un instantané ? – tandis que le cinéma est perçu comme un art du temps. » 5 . Ainsi, il faudrait admettre que rien ne pourrait être fixe dans ce qui est filmable et que rien ne pourrait bouger dans ce qui est photographiable. En somme, ces deux arts seraient relatifs à des temporalités différentes, or, nous savons que ce qui est photographié n’est pas nécessairement fixe et immobile. De la même façon, ce qui est filmé n’est pas nécessairement en mouvement. Le cinéma plus que tout autre média peut témoigner de l’immobilité réelle de quelque chose. Depardon l’illustre d’ailleurs dans ces œuvres à la fois photographiques et cinématographiques. De plus, ces deux supports disposent des mêmes racines concernant le « langage » de l’image qu’ils retranscrivent. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit de déterminer un cadre, une lumière, une distance, un décor, etc. Si on décompose l’image cinématographique, alors, on s’aperçoit qu’elle n’est en fait qu’une succession d’images capturées (et en cela photographiées). Le mécanisme de la caméra permettant une accélération des prises de vues ; le cinéma ne serait donc par déduction qu’un mode de photographies en rafales accompagnées d’un son. De là découle la complexité de la limite entre ces deux pratiques de l’image. En effet, l’accélération de la prise d’image peut être assimilée à une succession d’instants T (de photographies donc, selon la définition courante) pour en faire un mouvement (le cinéma). On peut ainsi déterminer que la temporalité est différente en photographie et en cinéma. Toutefois, il semble important de souligner que bien que la perception de la photographie est instantanée, elle n’en est pas moins le résultat d’un processus temporel ; celui de l’observation du photographe, où son œil et son corps tout entier participent à l’immortalisation de l’instant. Ainsi, « chaque photographie dite instantanée est, de son côté, la trace non pas d’un instant‐ jamais visible en tant que telle ‐, 5
Fleisher Alain « l’image, entre l’instant et le temps », Les laboratoires du temps : écrits sur le cinéma et la photographie 1, Ed. Galaade, 2008. Page 78.
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mais d’une perception, d’une analyse de l’espace, des événements visuels, de la lumière, qui ont précédé le moment où le doigt a appuyé sur le bouton. » 6 . La photographie est donc sujette à une temporalité plus étendu que l’instant qu’on lui attribut d’ordinaire. Elle se rapproche donc en cela de la temporalité que l’on attribut au cinéma. On peut dire que la frontière entre ces deux pratiques de l’image est mince. De là, on est en droit de s’interroger sur les motivations qui nourrissent le passage d’un média à l’autre. C’est peut‐être l’envie, le désir ou encore le besoin. Le besoin de retranscrire autre chose, de rendre compte de la réalité par un autre biais que celui de « l’image de l’instant ». 2. Depardon photographe et Depardon cinéaste : corrélations et influences. Le cinéma de R. Depardon se caractériserait selon F. Sabourault par une « approche de toute évidence pragmatique et révélatrice d’un apprentissage « sur le tas » ; il n’en reste pas moins qu’elle est empreinte d’un professionnalisme qu’il tient d’un apprentissage parallèle, celui de la photographie notamment. » 7 . Raymond Depardon a en effet, par son métier de photographe, acquis la faculté d’observer les événements présents, c’est ce que l’on appelle « l’œil du photographe » ; et par le cinéma, il semble vouloir les inscrire dans un temps qui leur sont propres. De là, on peut supposer que R. Depardon tente de faire mesurer par le spectateur, toute l’ampleur de la situation capturée. Selon P. Fraisse, R. Depardon est un homme « consciencieux c'est‐à‐dire méticuleux dans ses approches, précis dans ses doutes et rigoureux dans son questionnement » 8 . Son métier de photographe a donc forgé une sorte de « code », de rigueur qu’il met en pratique dans son cinéma. A ces débuts, R. Depardon s’impose la contrainte de « ne pas couper ». Son manque de pratique ne lui permettait sûrement pas de juger de ce qui devait être filmé et donc, afin de rendre compte de la véracité des faits, il s’imposait la contrainte de filmer en continu les événements. «Je filme les choses jusqu‘au bout. Je crois qu’une certaine vérité se révèle un peu à travers ces plans séquences que je ne peux pas manipuler. » 9 Puis, la pratique et les progrès technique en termes de capture d’images et de sons, ont fait évoluer sa vision du cinéma. Il semblerait que l’apogée de cette rigueur survient avec Urgences (1988), où la distance et la fixité du cadre face au sujet qu’il filme sont deux données essentielles de son cinéma documentaire de R. Depardon. 6
Fleisher Alain « l’image, entre l’instant et le temps », Les laboratoires du temps : écrits sur le cinéma et la photographie 1, Ed. Galaade, 2008. Page 80. 7 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. 8 Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 9 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000. Page 114.
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De là, comment mesurer l’impact que la photographie a pu exercée sur le cinéma de R. Depardon ? Et vise versa. « La photographie apporte au cinéma de Depardon l’exigence du cadre et la nécessité de l’immobile, l’exigence de la position. Le cinéma apporte à la photographie de Depardon un sens inouï de la distance qui correspond souvent à la distance nécessaire pour bien écouter, ou entendre quelqu’un. Depardon filme quand il veut enregistrer la voix » 10 . Ainsi, il semblerait que ces « médias » de représentation s’enrichissent mutuellement par l’acquisition de techniques parallèles. R. Depardon a pleinement conscience de l’interaction de ces deux arts. « Lorsque j’ai abordé le cinéma, à la fin des années 1960, j’ai vite constaté que ma formation de photographe m’imposait un style ; celui de quelqu’un qui n’intervient pas, qui filme sans rien dire ». Toutefois, il sait que leurs rôles sont différents, et qu’ils n’aboutissent pas au même résultat. « Une photo, un plan au cinéma, ne fonctionne pas du tout de la même façon. D’ailleurs je n’ai jamais fait de « film photographe ». J’ai toujours séparé les deux pratiques cinéma et photo. Je commence seulement aujourd’hui à comprendre pourquoi […] Je me suis aperçu que quand j’avais besoin vraiment de montrer l’instant décisif, je préférais me servir de la caméra et du son […] je trouve qu’avec le son, c’est plus fort.» 11 Ces débuts au cinéma apparaissent comme un prolongement du photo‐ journalisme a l’instar de d’autres personnalités telles que Leacock, Pennebaker ou encore Wiseman, cinéastes américains appliquant apparemment ce style de cinéma documentaire. L’acte de filmer sans couper, qui est en quelque sorte le leitmotiv de R. Depardon a ces débuts, pourrait être ici assimilé à une situation dans laquelle un photographe reste attentif à une action afin d’en saisir le cliché recherché. A l’exception que dans le cas d’un film documentaire (tel que le conçoit Depardon), il ne semble pas y avoir de moment clé, il n’y a que l’action qui se déroule et en définitive, on ne sait pas vraiment où l’action commence, encore moins où elle se termine. Dans Délits flagrants par exemple, l’action se déroule dans une salle d’interrogatoire où Depardon filme l’échange entre un procureur et un prévenu qui vient tout juste d’être arrêté. On assiste à un défilé d’entretiens, qui se déroulent tous de la même manière. La dernière séquence est comme toutes les autres, puis, c’est le générique de fin. Ainsi, l’on s’attend à ce qu’il y ait une action particulière, qui surviendrait comme un moment de spectaculaire, de surprenant, ce moment ne viendra pas. Le spectateur assiste simplement à la succession de ces entretiens « chroniques » sans qu’il y ait de finalité, de chute particulière. Le cadre reste fixe pour donner de l’importance à l’action, à l’échange et par respect pour les personnes filmées. Peut‐être peut‐on également avancer l’hypothèse que la fixité du cadre serait représentative d’un état d’impuissance face à l’action. Certes, il y a échange, certes les deux 10
Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 11 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 62
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protagonistes participent à défendre leur position mais finalement sans succès, car la machine judiciaire ne fait pas d’analyse au cas par cas, chaque personne est soumise de la même manière à la loi. Ainsi il serait possible d’assimiler le plan fixe à l’inaptitude des individus à contrebalancer le pouvoir de l’institution représentée dans ce film. R. Depardon ne chercherait donc pas seulement à retranscrire un réel « brut de décoffrage » et banal où chaque individu tient son rôle; mais à dénoncer le système autosuffisant de la justice, de la police ou encore de la psychiatrie. Toutefois, R. Depardon confie, au cours d’un entretien avec C. Caujolle, que le piège de partir de la photographie, c’est qu’on fait de la photo, « des plans par plans » ; et ce n’est pas du cinéma selon lui. « Le cinéma ne consiste pas à photographier des plans l’un derrière l’autre. Il peut y avoir des plans fixes bien sur, mais c’est avant tout un mouvement, une écriture. » 12 Son approche du cinéma évolue surtout grâce au son. Au début, ces films sont à une distance importante de leur sujet, comme si Depardon n’osait s’approcher, comme il a l’habitude de faire avec son appareil photo. Puis, l’arrivée du son sur les caméras l’a encouragé semble t‐il à se rapprocher pour pouvoir le prendre. De là ; ce que Depardon filmait, c’était moins l’image que le son. « Rester dans un lieu, ne plus bouger et construire un film comme ça : une bonne distance, jouer sur la durée, laisser les gens s’exprimer et dégager l’écoute. Ça, c’est ma grande théorie […] » 13 3. La place de la photographie dans le cinéma de Depardon. Depardon n’utilise par a proprement parlé la photographie dans ces films. A l’inverse de Chris Marker dans La Jetée (1962) qui superpose et enchaine des images photographiées pour les mettre en mouvement, ou encore de William Klein qui dans Muhammad Ali the Greatest (1964‐1974) décompose les mouvements en photographies afin d’en saisir les détails ; Depardon n’utilise par l’objet photographique dans ces films. Il n’en utilise que la démarche et les codes. En cela, son cinéma est une écriture à part de bien d’autres photographes‐cinéastes tels que Agnès Varda (Salut les cubain, 1962), Santiago Alvarez (Now!, 1965) ou encore Jean Daniel Pollet (Jour après jour, 2007). De son cinéma, on retient son approche du cadre et de la distance. Toujours respectueuse du sujet qui lui fait face, Depardon s’efforce de trouver sa place, toujours différente en fonction des sujets qu’il aborde. On ressent une approche lente et patiente du cinéaste, toujours respectueux et d’une grande pudeur. « Le problème de la distance est un thème récurent chez moi. Je n’aime pas être trop près, ni trop loin. Je n’ai jamais trouvé la bonne distance. Il y a une distance propre à chaque sujet que je fais. » 14 . Il filme d’une manière à laisser le temps aux mots, 12
Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretient avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Page 36 13 Raymond Depardon, citation extraite de L’être photographe, Raymond Depardon, entretient avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. Pages 39‐40 14 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000, Pages 62
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aux hésitations, aux précisions….de la même manière qu’un photographe patiente et attend le bon moment pour déclencher la prise de vue. Le temps est très perceptible dans son cinéma, où l’image animée rend compte mieux que n’importe quel autre média, de l’immobilité des choses et du temps qui passe. Mais on le ressent également dans ces photographies, comme un temps suspendu, et qui laisse devine que l’après de l’image ce poursuit de la même façon ou au contraire, qu’il file a toute allure, et qui emporte le spectateur dans une action intense.
Raymond Depardon, Asile de San Clemente, Italie
Raymond Depardon, Image de Guerre, Beyrouth
L’œuvre complète de Depardon se profile de cette manière, une approche, une distance et un temps pour chaque chose ; dans ces photographies, mais également dans ces films documentaires ou de fictions.
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Les cinémas de Raymond Depardon Cette partie visera à analyser et comparer les deux « familles » de l’œuvre cinématographique de Depardon : Assumer une distance, un cadre fixe, où l’échange et la banalité de la scène est privilégiée. C’est le cas de Urgences, Délits flagrant et 10 éme chambre, instants d’audiences. S’approcher du sujet filmé, renoncé à la « bonne distance » au profit de l’image et du son, afin de capter la réalité quotidienne. C’est le cas de Numéro zéro, Reporters, San Clemente. De là, nous tenterons de rendre compte de l’approche personnelle de Depardon concernant son cinéma, et de la liberté de création qu’il s’octroie, en interprétant au cas par cas les situations qui s’offrent à lui, notamment en terme de cadrage, de rythme de prise de vue, de distance par rapport au sujet filmé… 1. La réalité quotidienne du cinéma de Depardon : Dans les films de R. Depardon, les lieux sont très importants, ils ne font pas d’ordinaire l’objet d’un film. Toutefois, Depardon déclare « je ne voulais pas non plus m’enfermer à ne faire que du cinéma, à n’aller que dans les endroits tarte à la crème pour en faire des bons films. Je fais toujours des films avec une sincérité, une force que j’ai sans cesse améliorée, réfléchie. » L’ordinaire apparait dans toute son exactitude, Depardon ne cherche pas le spectaculaire ou le dramatique. « Nulle trace de spectaculaire, d’horreur ou de monstruosité. L’excès ici, est plutôt du côté de l’ordinaire. » 15 Il s’évertue à retranscrire au plus proche du réel les événements du quotidien dans ces lieux. « On m’a souvent reproché mon approche, qui consiste en une sorte de « caméra observante ». On m’a accusé, surtout dans les années 1970, de n’avoir ni parti pris, ni point de vue : d’être en fait à l’opposé du cinéma militant. Pourtant, un cadre, un distance, un emplacement, tous ces paramètres inévitablement présents dans mon cinéma comme dans n’importe quel autre, constituent et forment un point de vue. » 16 C’est en cela que R. Depardon est un cinéaste documentariste de talent ; il ne cherche pas à imposer son regard à nous diriger vers quelque chose qu’il aurait souhaité. Il est objectif, il prend certes le parti de choisir un placement, un cadre, etc. mais il le fait dans un souci de transmission du réel tel qu’il le perçoit en direct afin d’être au plus proche du réel. « Depardon cinéaste et photographe est à la recherche de documents, et on sent bien qu’il voudrait nous les présenter sans aucun artifice, et même sans aucune mise en scène : tout son travail porte la marque d’un conflit potentiel entre l’image et les mots, entre 15
A propos de « 10 ème chambre, instants d’audiences » dans Anne Goliot‐Lété, « Plans longs et histoires courtes : 4 films sur Paris de Raymond Depardon », Tout contre le réel, Miroirs du fait divers, sous la direction de E. André, M. Boyer‐Weimman et H. Kuntz, Ed. Le Manuscrit, Paris, 2008 16 Conférence avec Raymond Depardon, Les Mardis de la FEMIS, Confrontations, Paris, 1993.
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l’image brute et le discours, entre les documents et leur explication, leur commentaire. » 17 R. Depardon ne cherche pas à faire du cinéma politique, militant ou réactionnaire, même si les sujets et les lieux choisis sont le reflet de ces actes. « Ni conserver ni expliquer Témoigner Obsession de la distance. Recherche systématique de l’anodin, du banal, du non ‐ remarquable. Pour un but : la traversée des apparences. » 10 A l’inverse des recueils photographique de R. Depardon, composés de textes et annotations (souvent prises sur le terrain) qui ont pour but d’exprimer ce qui n’est pas perceptible par la photographie ; le cinéma parle de lui‐même. Certainement par souci de « transparence », les films de R. Depardon n’ont pas de commentaire en voix off. Il est vrai que cela paraît invraisemblable de commenter le réel d’une image diffusée, cela n’apporterait aucune information ou pire, pourrait déformer le sens premier des images en question. « Pour Depardon cinéaste et photographe du réel, il ne saurait y avoir de discours sur le réel. […] La brutalité et l’intensité des films de Depardon proviennent de cette mise en image du silence et des êtres qui interdit tout discours, toute justification, et qui nous met en présence d’un réel précis, banal, anonyme, familier et bien sûr cauchemardesque » 10 Ainsi, R. Depardon ne parle pas, il ne fait qu’un court texte de remerciements au début de ces films où il explique le contexte du film, c’est la seule intervention de discours émanent du cinéaste. Le reste est construit par les images et les sons des scènes filmées de façon discrètes. Le terme « discrètes » ici employé fait référence à l’article de Philippe Fraisse dans la revue Positif . « L’objectif de la caméra est un regard intensifié, qui justement n’a plus rien d’objectif » « comment placer une caméra dans une institution sans en bouleverser le fonctionnement ? Comment parvenir à se faire oublier pour que l’institution fonctionne indépendamment de la prise de vues ? Comment éviter, quand on filme un substitut du procureur, qu’il ne se mette à jouer au substitut du procureur, ce que Sartre appelait la mauvaise foi, décrivant dans L’Être et le Néant ce garçon de café qui joue au garçon de café ? Toujours, le photographe ou le cinéaste du réel doit compter avec cette épreuve sartrienne du regard : l’image, en me donnant une nature, un extérieur, une objectivité, m’offre une tentation, celle de me réduire à ce que je suis. » 18 R. Depardon ne cherche pas à étonner mais simplement à relater l’événement tel qu’il se déroule. « Le film [à propos de Délits flagrants] semble 17
Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90
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donc tourner le dos à une esthétique de l’étonnement et du spectaculaire, à une grande forme du fait divers, s’attachant au contraire à construire un regard à la fois patient, distancé et critique sur une réalité dépassant largement les limites de l’événement relaté. » 19 . Chaque cas semble particulier ; il apparait dans son œuvre complète que chaque sujet est abordé de façon quasi personnifiée. « Le problème de la distance est un thème récurrent chez moi. Je n’aime pas être trop près, ni trop loin. Je n’ai jamais trouvé la bonne distance. Il y a une distance propre à chaque sujet que je fais. » 20 Prenons pour exemple Tchad (1) : l’embuscade (1970) ou 10 minutes de silence pour John Lennon (1980). Ces événements qu’a filmés R. Depardon sont empreints d’une approche que l’on pourrait qualifiée de « spontanée », prise « sur le vif ». Toutefois, dans le premier, il y a les aléas de la prise du direct en période de guerre, situation dans laquelle il y a beaucoup de mouvements, de bruits…alors que dans le second règne un silence respectueux, quasi solennel, avec très peu de mouvements et de bruits. Un balayage de la foule par la caméra, pas de brutalité et de réactions instinctives en comparaison au premier. Les différentes formes des documentaires (mouvements et placement de la caméra, distance par rapport au sujet) de R. Depardon font ainsi transparaître une certaine liberté d’approche de son travail de cinéaste. Chaque cas faisant l’objet d’une retranscription filmée du réel tel qu’il est. C’est ce que nous montrerons dans la suite de ce travail. De là, comment R. Depardon détermine t‐il cette distance nécessaire, et quel(s) signification(s) lui donner ? 2. Distance et fixité du cadre Comme nous venons de le dire, R. Depardon a plusieurs manières de retranscrire les faits au travers de son cinéma documentaire. La première approche consiste à se mettre en retrait et se faire le plus discret possible. On peut observer une certaine distance de la caméra par rapport au(x) sujet(s) filmé(s) ainsi qu’une fixité dominante du cadre dans un grand nombre de ces films (ceux du corpus notamment). C’est comme une sorte de marque de style de R. Depardon, c’est même devenu une revendication. Déterminer la distance de l’objectif d’un appareil photo ou d’une caméra dépend avant tout de la volonté et du but de celui qui capture l’image. Nous avons vu que dans ces films, R. Depardon a toujours privilégié la retranscription brute et objective du réel. « Il est dès lors important de trouver très vite une distance juste par rapport au sujet. Là encore intervient mon expérience de photographe : chaque photographe a une distance qui lui est propre et
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Anne Goliot‐Lété, « Plans longs et histoires courtes : 4 films sur Paris de Raymond Depardon », Tout contre le réel, Miroirs du fait divers, sous la direction de E. André, M. Boyer‐Weimman et H. Kuntz, Ed. Le Manuscrit, Paris, 2008 20 Raymond Depardon, Errance, Seuil, Paris, 2000. Page 62.
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caractérise son contact au réel. » 21 . Il en va de même pour Depardon cinéaste. La difficulté pour lui était de trouver sa distance de cinéaste, n’étant logiquement pas la même que celle du photographe. « Il fallait me trouver une nouvelle place. Ce n’était plus celle du photographe journaliste des conseils des ministres, des voyages officiels, ou celles des faits divers pour les journaux et encore moins celle de la guerre, des douleurs universelles. J’étais devant quelque chose de nouveau. Je me devais de devenir autre chose…le mot « témoin » n’est pas le bon. Prendre de la distance, reculer de quelques mètres, trouver une nouvelle attitude. […] C’est très étrange et désagréable au début.» 22 De là, on peut se demander comment cette « bonne distance » est déterminée. On peut dire que, pour chaque cas, Depardon a une approche particulière. « Le cadrage est l’acte, ainsi que le résultat de l’acte, qui délimite et construit un espace visuel pour le transformer en espace de représentation. Cadrer c’est d’abord exclure et instituer » 23 Cadrer une image, une situation, c’est placer la caméra, les personnages et les objets de telle manière qu’ils racontent déjà, par leur positionnement dans l’espace, une partie de l’histoire que l’on veut représenter. Dans Délits flagrants, le cadre est fixé une fois pour toutes, la scène est frontale. Au centre, un petit bureau et de part et d’autre, chacun des protagonistes. Le cinéaste enregistre l’échange et le rapport qui s’opère entre les 2 personnages ; en l’occurrence un substitut du procureur chargé de décider de la suite de la procédure, et un prévenu fraîchement arrêté.
Images de deux séquences extraites de Délits flagrants, qui établissent une mise en scène simple et qui reste la même
pour tous les cas.
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Conférence avec Raymond Depardon, Les Mardis de la FEMIS, Confrontations, Paris, 1993, pages 7 à 17 22 Raymond Depardon, Préface « Le visage des mots », Paroles prisonnières, Ed. Le Seuil, mai 2004, page 10 23 Sous la direction de René Gardies, Comprendre le cinéma et les images, Ed Armand Colin, Paris, 2007. Pages 17 à 37
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On peut remarquer que la composition du cadre est symétrique dans sa hauteur, les protagonistes sont assis à la même hauteur, et sont disposés de part et d’autre d’un étroit bureau. Toutefois, on peut remarquer que la partie du côté du prévenu est un peu plus large que celle du substitut. Schéma d’analyse du cadre
De plus, l’utilisation de ce principe de cadre fixe peut être assimilée à une véritable méthode que R. Depardon applique méticuleusement quelque soit l’action qui se déroule. Ici, la fin de la séquence montre le mieux toute l’application que met Depardon à ne pas modifier sa manière de filmer. La prévenue s’en va à l’issue de son entretien avec le substitut du procureur, ce qui Image extraite de Délits flagrants, fin d’une séquence, la prévenue s’en va. entraîne un déséquilibre important de la composition dégagée sur le schéma précédent. Le spectateur ne peut pas savoir ce qui attend le prévenu à sa sortie, et ce déséquilibre pourrait signifier, si nous voulions lui donner une interprétation, l’incertitude de l’avenir de ce prévenu. Dans Délits flagrant, il existe 5 types de séquences : Le premier type de scène est celui analysé précédemment ; où un substitut du procureur et un prévenu sont de part et d’autre d’un étroit bureau.
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Le second, reprend la même disposition, toujours, le prévenu mais cette fois, avec son avocat, autours d’un bureau. Ici, les personnages semblent un peu plus enfermés dans le cadre comme pour signifier un lien plus « intime » entre le prévenu et la personne désignée pour la défendre, où un réel échange, une discussion s’opère. A l’inverse, le type précédent a un champ plus large, peut être pour signifier la partialité du rapport entre le substitut et le prévenu. Le troisième est un plan de face sur le substitut du procureur qui donne conseil à un agent de police avec lequel il s’entretient au téléphone. Ici, il n’y a pas de rapport visuel entre les deux protagonistes si bien que Depardon prend le parti de ne filmer que le substitut de face et centré. Le quatrième type est toujours construit selon un rapport de discussion de part et d’autre d’un bureau. De la même façon que les scènes qui présentent l’entretien du prévenu avec l’avocat, le cadre est plus intime, le champ plus resserré. Ici, il s’agit d’une enquêtrice de personnalité qui établit pour la justice, un rapport sur la situation professionnelle et familiale du prévenu. On peut observer un léger désaxement du cadre au profit de l’enquêtrice. Peut être pour placer le spectateur en position d’observation de la situation, du témoignage du prévenu. Enfin, il y a ces scènes de transition, entre les séquences précédentes. La première, est une déambulation dans les couloirs sombres et infinis du Parquet de Paris. C’est une scène du monde du dessous, où on voit deux hommes, un policier et un prévenu, toujours de dos, se diriger vers les salles d’entretien des types de séquences précédentes.
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Puis, il y a les scènes du monde du dessus, où la caméra reste une fois de plus fixe, et qui filme l’extérieur du palais de justice de Paris. Elles pourraient symboliser le caractère insoupçonné du déroulement de ces scènes dans le monde souterrain depuis le monde du dessus. De la même manière, dans Urgences, le cadre est délimité depuis le début de la séquence. R. Depardon décide lui‐même de ces distances puisque la prise de son est effectué par sa collaboratrice, Claudine Nougaret. Il peut donc se mettre suffisamment loin, non seulement pour construire sa scène, mais également pour faire oublier la caméra aux personnes filmées, dans un souci de saisie de l’événement la plus réaliste possible. « Il ne faut pas que le cadre bouge, pour mieux suivre la parole. J’essaie de faire oublier qu’on est au cinéma, j’essaie que le spectateur ressente au plus près de ce que nous avons vécu » 24 . Toutefois, on peut dire que le rapport établis n’est pas le même que dans Délits flagrants ; ici, la scène n’est pas filmée de manière frontale, mais désaxée, en diagonale. De plus, on peut dire que l’on est plus spectateur impartial d’un échange, mais plutôt d’une relation particulière entre la psychologue et son patient. En temps que spectateur, on se trouve du côté du cops médical, comme tenus à distance de la folie du patient qui reste alors comme quelqu’un de mystérieux ; d’inconnu.
Image extraite de Urgences
24
C. Devarrieux et M‐C de Navacelle, Cinéma du réel, avec Imamura, Ivens, Malle, Rouch, Storck, Varda…et le ciné‐journal de Depardon, Ed. Autrement, Condé‐sur‐Noireau, 1988. Page 107
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De là, comment interpréter la fixité du cadre et dans quel but est il établit ? « La distance et la fixité du cadre face au sujet qu’il filme sont deux caractéristique du cinéma de Depardon dans sa forme la plus aboutie (celle d’Urgences). Elles expriment parfaitement, sans que jamais l’un ne prenne le pas sur l’autre, cet inextricable enchevêtrement entre crainte de l’autre et respect du sujet filmé. La distance n’est pas que phobie, elle est aussi une sorte de vide sanitaire pour laisser à l’autre le champ nécessaire à une certaine autonomie. Le cadre fixe n’est pas que point de vue du cinéaste, il est aussi respect de l’échange dans sa dualité.» 25 . Ainsi, si R. Depardon persiste à mettre sa caméra à distance et à ne pas y toucher, c’est autant dans un souci de retranscription du réel que dans un profond respect des sujets filmés ; mais également dans une timidité de quelqu’un qui ne semble pas être à sa place en assistant à ces scènes. « Raymond Depardon aime aller voir loin, au‐delà des portes, et il n’en a pas honte. Il est simplement gêné : comme les timides sont gênés de leur audace, gêné d’être quelque part sans avoir de raison majeur pour le faire ou plutôt sans pouvoir dire au juste, sans bien savoir eux‐mêmes pourquoi ils le font. » 26 . Cette recherche de la distance serait donc une mise en condition du spectateur et du cinéaste lui‐même pour conforter les faits sans que viennent entravés des mouvements incongrus. C’est le cas dans beaucoup de ces films. Cette fixité est en quelque sorte le reflet d’une réalité codifiée et réglée, où les rapports de Délits flagrants par exemple, sont régis par les règles de la justice. Il y a certes une discussion entre les acteurs, mais en fait il est fait état de l’incapacité d’action des uns et des autres au sein d’un système autonome.
25
S. Sabouraud « Depardon, cinéaste », dans Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 159. 26 Introduction par Jacques Rancière « L’art de la distance », Détours, Raymond Depardon, Maison européenne de la photographie. Page 8.
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Dans cette séquence d’Urgences, R. Depardon fait un zoom avant sur le patient afin d’en isoler le visage.
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7 8 L’homme semble fatigué, et son esprit paraît vagabonder dans un autre espace. Puis soudain, alors que rien ne semble prédire un changement de situation, il ouvre très vite le champ par un zoom arrière et l’on voit l’homme se redresser sur sa chaise. Cette action témoigne de l’implication mentale et physique du cinéaste dans l’action dont il est observateur. Il a senti une tension physique, un mouvement imminent et y a répondu par un replacement du champ afin d’en saisir le déroulement. R. Depardon est un cinéaste attentif à ce qu’il cherche à transmettre et c’est par cette méthode de cadrage fixe qu’il parvient à faire preuve d’attention et d’objectivité sur le monde qui l’entoure. En somme, nous pouvons dire que le cinéma de Depardon est un cinéma du sensible. Il met en avant autant les rapports de confiance et d’échange que les relations de hiérarchies qui s’établissent entre les protagonistes. Au travers de son cinéma, Depardon semble chercher à transmettre au public des faits qu’ils n’auraient jamais pu voir, au sein d’institutions closes, de capter des relations (médecins/patients ; policier/citoyen…). Il filme le groupe et l’individu, la société dans sa diversité, ses limites et sa complexité ainsi que ces institutions
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dont les valeurs complexes en font un système difficilement compréhensible. Loin de la dénonciation et de l’attaque des fondements institutionnels de notre société, R. Depardon cherche l’ordinaire et le réaliste. Rien ne sert de dramatiser l’action puisque le réel à lui seul l’est déjà par bien des égards. « Filmer, ce n’est pas surveiller ce qui se passe dans l’œilleton de la caméra. C’est, tout au contraire, être présent à ce que l’on filme, être sensible à la présence de la personne filmée, être réceptif de façon instinctive, animale, à sa respiration. L’autre n’est pas derrière une vitre, il est dans le même espace, la même durée que le cinéaste. » 27 R. Depardon est un cinéaste du quotidien attentif à ce qu’il film. La preuve en est dans une séquence du film Urgences, où la psychologue s’entretient avec un patient. La série d’images qui suit fait état de toute la concentration du cinéaste à son action. Cette attention est également palpable dans l’autre « type » de cinéma de Depardon évoqué en début de cette seconde partie. Ici, il s’agit d’être vigilent, de surveiller et de suivre l’action qui se déroule à l’instar d’un reporter. A l’inverse de ce que nous venons d’étudier donc, il s’agit ici de filmer l’action, cela implique des mouvements importants de caméra (déplacements, zoom…) et donc un abandon de cette distance respective du sujet vers une autre distance tout a fait assumée mais qui a pour rôle de retranscrire la réalité de l’action, d’y participer tout en restant extérieur à l’action. 3. Mouvements et prises sur le vif A l’inverse des films que nous avons étudiés précédemment, San Clemente et Reporters sont deux films de Depardon qui s’apparente à ce que l’on peut qualifier de prise direct, « sur le vif ». Ici, il n’y a pas de géométrie du cadre comme nous avons pu le dégager dans les précédents schémas, il semblerai que Depardon y privilégie l’action telle qu’elle se déroule (comme dans la totalité de ces documentaires) mais avec une caméra à la fois participative et observante. « S’approcher des sujets qu’on filme, comme dans Numéro zéro ou Reporters, c’est accepter de renoncer un moment à la « bonne distance » au nom d’une autre nécessité, prioritaire : celle d’être seul au son et à l’image pour mieux capter la réalité quotidienne des paparazzi ou celle d’un journal d’ébauche. » 28 . C’est en cela que le cinéma de Depardon est un cinéma du réel. Il semble fonctionner de manière quasi instinctive, il n’hésite pas à abandonner ces exigences de mise à distance qui le rassurent (notamment en tant que photographe) pour se rapprocher d’une action afin de la retranscrire au plus proche de la réalité. 27
Jean Breschand « La place et le cadre » Le documentaire, l’autre face du cinéma, Les Cahiers du cinéma et SCEREN‐CNDP, 2002, pages 76‐77. 28 Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Pages 159‐160.
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Dans San Clemente, Depardon arpente les lieux avec sa caméra. On sent que les mouvements paraissent hésitants, il semblerai qu’il n’ose pas se fixer sur des visages, encore tenus à distance par respect des sujets filmés. Il semblerait que la caméra effectue comme un tour d’horizon sur les protagonistes sans s’en approcher, peut‐être comme pour rendre compte au spectateur de l’état des lieux et de l’ambiance pesante qui y règne. Puis, il se rapproche finalement d’un visage, en capte toute les émotions, en particulier la souffrance et le désarroi, puis change de point de vue pour en fixer un autre et ainsi de suite. Tout n’est que suite de plans séquences, comme un balayage de la scène où chacun se côtoie tout en étant dans son propre monde, dans sa propre tête ; la caméra ne se fixe pas, elle parcourt l’espace, s’arrête tantôt sur l’un, puis sur l’autre, s’accrochant régulièrement à une silhouette qui passe devant l’objectif avant de repartir dans une autre direction...
Images extraites de San Clemente
Puis, il y a les séquences où la caméra se fixe sur une personne en particulier, la suit dans ses déambulations hasardeuses, souvent sans but. On y observe des visages douloureux, empreints de souffrances, d’incompréhension même parfois, et qui laisse au spectateur un sentiment de malaise, comme si l’on était en position de voyeur.
La caméra se rapproche aussi, parfois à la limite de la décence, comme si Depardon estimait que se rapprocher au maximum du visage de quelqu’un nous permettrai de ressentir encore plus sa souffrance.
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Il ne s’agit plus ici de rester à bonne distance du sujet filmé pour ne pas influencer son comportement, il s’agit plus de rendre compte d’une ambiance générale et il semblerai qu’elle passe par une caméra plus « participante » dans la mesure où Depardon ne cherche pas à construire l’action telle qu’il a put le faire dans Délits flagrants ou Urgences. Ici, il s’agit plutôt d’une errance, comme si le spectateur devenait lui‐même acteur. Depardon filme tout ce qui se présente, suivant les allées et venues des pensionnaires, faisant des détours brusques en fonction des micro‐événements qui surviennent çà et là sur son passage dans la lenteur du temps qui passe. Il souligne là peut être la liberté physique dont jouissent les pensionnaires. Une liberté très déstructurée, dirait‐ on, qui participe une nouvelle fois à une déstabilisation du spectateur qui devient alors acteur, en totale opposition à la caméra « objective » de Délits flagrants ou Urgences, qui le mettait en sécurité dans sa position d’observateur. Dans Reporters, Depardon est également acteur. Il traque littéralement ces collègues photographes de presse, caméra à l’épaule, au cours de leurs poursuites acharnées du scoop. Il dessine un portrait critique de la profession au travers d’une temporalité propre au cinéma de Depardon. Il utilise une nouvelle fois des longs plans séquences qui rendent compte de la réalité d’une profession, de la relation qu’entretiennent les reporters avec leurs cibles et de la mise en scène organisée des évènements que le métier induit. Depardon ici, rend la vérité aux choses en décortiquant et en exposant les « combines » des photoreporters. Une nouvelle fois, il abandonne la distance aux sujets pour rendre compte de la réalité des actions, il filme beaucoup en plan serré comme pour « intimiser » la scène. Comme si resserrer le cadre permettait à Depardon de minimiser sa présence pendant des scènes qui tiennent de la planque des photoreporters, ou de leur réflexion personnelles, de leur stratégie d’attaque…
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Images extraites de Reporters
Le temps une nouvelle fois est très marqué dans Reporters. Le temps de l’action avec ces mouvements, mais surtout le temps de l’attente et des silences, constamment présents. Ainsi, on peut dire que Depardon au travers de ses films, n’a que la préoccupation de rendre compte de la réalité dans un temps et un lieu donné. Il a certes des codes et un style qui lui sont propre, mais il n’hésite pas à mettre de côté la sécurité de la distance avec son sujet pour rendre compte du déroulement d’une action de manière plus réaliste. Il est en cela un cinéaste du réel, car il ne cherche pas à faire de son cinéma un objet artistique ou esthétique mais juste un témoin de la réalité.
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CONCLUSION Par l’exploration depuis le monde de la photographie vers celui du cinéma, ce n’est pas simplement l’ajout du mouvement à l’image que Depardon a voulut transmettre, c’est surtout pour montrer « des fonctionnements » ; choses que la photographie n’est pas en mesure de faire. S’efforçant de retranscrire ce qu’il filme de la manière la plus réaliste possible, Depardon est à la recherche de la place qui lui permettrait de faire de la caméra un prolongement même de son corps afin de n’entraver en rien l’action qui se déroule. Il ne cherche pas à imposer son discours, son avis sur les choses qu’il filme, tout au contraire, il s’abstient de tout commentaire, considérant que les images accompagnées du son sont suffisantes pour que le spectateur puisse se faire une idée de l’action. « Le film n’a pas de réponse à donner. Je fais confiance à la subjectivité des images, et je laisse aux spectateurs le soin de dire se que le film représente. Je ne veux pas être celui qui a le dernier mot. » 29 Ainsi, « Le cinéma de Depardon est un cinéma essentiellement parlant, et pourtant, ce cinéma fait ressentir plus que tout autre les mutismes du monde. Les films de Depardon sont construits selon ce principe. Il y a des images, il y a des discours […] Les discours prolifèrent, et pourtant il n’y a aucune leçon immédiate à en tirer. Après avoir vu un film de Depardon, on a l’impression qu’il n’y a rien à en dire. Rien à ajouter. Rien à conclure. Comme si le dispositif avait pour but de faire émerger un silence primordial : ce n’est pas le silence que rompent les œuvres de Depardon, ce sont les bavardages. » 30 Depardon a recherché dans le cinéma ce que la photographie à l’état brut ne lui permettait pas de transmettre : la réalité telle qu’on la ressent au moment même où elle se passe, dans une temporalité qui lui est propre. Cette réalité quotidienne et non d’exception, cette réalité certes parfois difficile à supporter mais jamais dramatisée. « C’est cette cohérence étonnante entre le choix du sujet et l’application souple d’une méthode d’ « observation » que découle la force et la prégnance de ses films documentaires. » 31
29
C. Devarrieux et M‐C de Navacelle, Cinéma du réel, avec Imamura, Ivens, Malle, Rouch, Storck, Varda…et le ciné‐journal de Depardon, Ed. Autrement, Condé‐sur‐Noireau, 1988. Page 93 30 Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. 31 S. Sabouraud « Depardon, cinéaste », dans Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. Page 159.
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BIBLIOGRAPHIE Corpus de textes : Ouvrages : _ Conférence avec Raymond Depardon, Les Mardis de la FEMIS, Confrontations, Paris, 1993, pages 7 à 17. _ Jean Breschand « La place et le cadre » Le documentaire, l’autre face du cinéma, Les Cahiers du cinéma et SCEREN‐CNDP, 2002, pages 76‐77. _ « Troisième entretient : Devenir cinéaste », L’être photographe, Raymond Depardon entretien avec Christian Caujolle, Ed. de L’aube, Condé‐sur‐Noireau, 2007. _ Raymond Depardon, Préface « Le visage des mots », Paroles prisonnières, Ed. Le Seuil, mai 2004, pages 7 à 13. _ Introduction par Jacques Rancière « L’art de la distance », Détours, Raymond Depardon, Maison européenne de la photographie. _ Raymond Depardon et F. Sabouraud, Depardon/Cinéma, Cahiers du cinéma/Ministère des affaires étrangères, 1992. _ Anne Goliot‐Lété, « Plans longs et histoires courtes : 4 films sur Paris de Raymond Depardon », Tout contre le réel, Miroirs du fait divers, sous la direction de E. André, M. Boyer‐Weimman et H. Kuntz, Ed. Le Manuscrit, Paris, 2008. _ Martine Joly, « Raymond Depardon ou la cohérence par l’absence », Les contraintes de la cohérence dans le cinéma de fiction, La Licorne n° 17, 1990. _ C. Devarrieux et M‐C de Navacelle, Cinéma du réel, avec Imamura, Ivens, Malle, Rouch, Storck, Varda…et le ciné‐journal de Depardon, Ed. Autrement, Condé‐sur‐ Noireau, 1988. _ Bruno Toussaint, Le langage du cinéma et de la télévision, Ed. Dixit et CiFap, 2007. _ Raymond Depardon, Errance, Ed. Seuil , Paris , 2000. _ Alain Fleisher « l’image, entre l’instant et le temps », Les laboratoires du temps : écrits sur le cinéma et la photographie 1, Ed. Galaade, 2008. Revues : _ « La conscience du cinéaste », Le journal des cahiers du cinéma, Les cahiers du cinéma, n° 403 janvier 1988 page 3 _ Philippe Fraisse « Photographies et cinéma chez Depardon, pour une objectivité poétique de l’objectif », Positif n° 481 mars 2001, pages 88 à 90. _ Olivier Kohn « Raymond Depardon, Une rétrospective, un livre », Positif n°386, avril 1993, pages 36‐ 37. _ Martine Robert, « Je veux imposer mon regard », L’Œil n°609, Janvier 2009.
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Corpus d’images (tirées des films suivants) : _ Délits flagrants (108 min) 1994, 16mm, couleur négative. Réalisation, image : Raymond Depardon Image : N. Crédou Son : C. Nougaret et S. Chiabaut Montage : R. Ikhlef, C. Cotte et G‐H. Mauchant Mixage : D. Hennequin Production : La sept cinéma, Double D Copyright Films Distribution : La sept cinéma, Double D Copyright Films _ Urgences (104 min) 1987, super 16 mm, couleur négative. Réalisation et image : Raymond Depardon Son : Claudine Nougaret Montage : R. Ikhlef Mixage : J‐P. Laforce Production : Double D Copyright Films Distribution : Double D Copyright Films _ San Clemente (90’) 1980 (date de tournage), 16mm, noir et blanc négative. Réalisation, image et son : Raymond Depardon et Sophie Risthelhuber Coordination : Cléo Vernier Montage : Olivier Froux Mixage : Paul Bertault Production : Double D Copyright Films Distribution : Double D Copyright Films _ Reporters (90’) 1980, 16mm, couleur négative. Réalisation, image et son : Raymond Depardon Montage : Olivier Froux Mixage : Paul Bertault Production : BPI Centre Georges Pompidou et Double D Copyright Films Distribution : Double D Copyright Films Nominé aux Oscars, César du meilleur documentaire
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Raymond DEPARDON BIOGRAPHIE 1942 : Naît le 6 juillet dans une famille de cultivateur à la ferme du Garet, à Villefranche‐sur‐Saône (Rhône). 1956 : Il obtient son certificat d’études. Son père lui offre un 6*6 d’occasion. Il est engagé comme apprenti dans une boutique de photo‐opticien de Villefranche‐sur‐Saône. Il achètera un Zeiss‐Iena Verra 24*36. 1957 : Il s’inscrit à des cours de photographie par correspondance afin d’obtenir le titre « d’opérateur photographe ». 1958 : Depardon s’installe a Paris afin d’y devenir l’assistant du photographe Louis Foucherand. 1960 : Il devient photographe à l’agence Dalmas. Reporters polyvalent, il photographie les personnalités à la sortie des boîtes de nuit (Marlon Brando), les faits divers (l’enlèvement du fils de la famille Peugeot), les jeux olympiques (Tokyo 1964) et multiplie les reportages à l’étranger (construction du mur de Berlin). Il couvre la guerre d’Algérie et décroche sa première grande publication en photographiant une mission militaire française dans le désert algérien. Il devient, en cinq ans, le reporter principal de l’agence. 1966 : Création de l’agence Gamma avec Gilles Caron, Hubert Henrotte, Hugues Vassal et Léonard de Raemy. Gamma met en place un nouveau fonctionnement d’agence qui offre au photographe autonomie et responsabilité. 1969 : Premier film documentaire tourné en Tchécoslovaquie, un an après la répression soviétique du Printemps de Prague. Ian Palach rend hommage à un jeune Pragois qui s’était immolé en public. 1970 : Premier voyage au Tchad avec Gilles Caron et Robert Piedge. 1973 : Raymond Depardon prend la direction de l’agence Gamma. Il recrute des reporters et saisi l’occasion d’un putsch militaire au Chili pour redynamiser l’agence. Il reçoit la Robert Capa Gold Metal avec David Burnett et Chas Geresten pour leur livre Chili. 1974 : Il réalise des photographies et le film Tchad 1, l’embuscade qui auront une résonnance internationale lors de l’affaire Françoise Claustre, une ethnologue française retenue en otage au Tchad. Il réalise son premier long métrage, 50,81% (campagne présidentielle de VGE) 1977 : Deuxième long métrage avec Numéro zéro, à l’occasion du lancement du quotidien Le Matin de Paris. 1979 : Il quitte l’agence Gamma et rejoint la coopérative Magnum. Ses premiers reportages, pour sa nouvelle agence, sont réalisés lors de la guerre civile au Liban et en Afghanistan, après l’intervention militaire soviétique. Il publiera Note à la suite de ce voyage. 1980 : Devient vice‐président européen de Magnum. - 26 -
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1981 : Repoters, le film de Depardon obtient le César du meilleur film documentaire en 1982 et il est nommé aux Oscars américain. Sa Correspondance new‐yorkaise, dans le quotidien Libération est remarquée et préfigure une collaboration singulière avec la presse écrite. 1984 : La Mission photographique de la Datar, qui, sous la direction de François Hers (artiste plasticien) ambitionne de renouer avec la tradition de la photographie de paysage, fait appel à Raymond Depardon. Il photographie, à la chambre et en couleurs, les lieux de son enfance et la ferme familiale. 1985 : Il réalise Empty Quarter, une femme en Afrique, film aux frontières du documentaire et de la fiction. Il sera présenté au Festival de Cannes, catégorie « un certain regard ». 1989‐1990 : Depardon photographie la chute du mur de Berlin. Il réalise La captive du désert, son premier film de fiction, avec Sandrine Bonnaire (présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1990). 1991 : Reçois le Grand prix national de la photographie. 1994 : Délits flagrants, un film qui se présente comme ne suite d’interrogatoires de prévenus par des juges d’instruction, obtient le César du meilleur documentaire 1996 et le Prix Joris Ivens. 1996 : Afriques : comment ça va avec la douleur ? Partant du Cap, en Afrique du Sud, Raymond Depardon remonte jusqu'à Villefranche‐sur‐Saône via Alexandrie. 1997 : Sortie du film Paris, dont le rôle principal est tenu par le photographe Lus Delahaye, membre de l’agence Magnum. 2000 : Détours, première exposition à la Maison Européenne de la Photographie. « Voyage à travers les livres publiés » avec un travail nouveau sur l’errance. 2001 : Sortie du film Profils paysans l’approche, premier volet d’une série consacrée au monde rural.
FILMOGRAPHIE Cours métrages : Ian Palach, 12 min, 16 mm couleur. Prague, Tchécoslovaquie 1969 Tchad, l‘embuscade, 12 min, 16 mm couleur. (1970) Yemen (Arabia Félix), 19 min, 16 mm couleur. (1973) Tchad 2 et Tchad 3, 40 min, 16mm couleur (1975‐1976) Les révolutionnaires du Tchad, interview de Françoise Claustre pour la télévision. (1975) Tibesti Too, 40 min, 35mm noir et blanc (1976‐77) 10 minutes de silence pour John Lennon, 16mm couleur (1980) Piparsod, 26min, 16mm couleur. (1982) New York, NY, 10 min, 35mm noir et blanc. (1986) Le petit navire, 6min, 35mm noir et blanc. (1987) Une histoire très simple, 4 min, 35mm noir et blanc (1990) Contacts, 13 min, 35mm noir et blanc. (1990) Carthagena (Contre l’oubli), 35mm couleur. (1992)
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Face à la mer, 3 min, 35mm couleur. (1993) La prom’ (A propos de Nice), en collaboration avec Jean‐Marie Gustave Le Clezio, 35mm couleur. (1994) Montage, 8 min, 35mm noir et blanc, Dolby (1997) Amour, 10 min, 35mm noir et blanc. (1997) Bolivia, 4 min, 35mm noir et blanc, Dolby (1997) Déserts, 10 min, 35mm noir et blanc. Commande de la Fondation Cartier pour l’exposition « Désert ». (2000) Longs métrages : 50 ,81%, campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Eistaing, 90 min, 16mm couleur. (1974). Renommé 1974, une partie de campagne à sa sortie en 2002. Numéros zéro, préparatifs au lancement du Matin de Paris, 90 min, 16mm couleur. Prix Georges Sadoul 1979. (1977) San Clemente, hôpital psychiatrique de Venise, 90 min, 16mm noir et blanc. (1980‐82) Reporters, 90 min, 16mm, couleur. César du meilleur documentaire 1982. Nominé aux Oscars (1980‐81) Faits Divers, les policier du 5ème arrondissement de Paris, 108 min, 16mm, couleur. Sélection officielle du Festival de Cannes, catégorie Un Certain Regard 1983. (1983) Les Années Déclic, autoportrait, 68mm, 35mm noir et blanc. (1984) Empty Quarter, une femme en Afrique, 90 min, 35mm couleur, sélection officielle du Festival de Cannes, catégorie Un Certain Regard 1985. (1984‐85) Urgences, service psychiatrique de l’Hôtel Dieu à Paris, 104 min, 35mm couleur. (1987) La captive du désert, 90 min, 35mm couleur. Compétition officielle du Festival de Cannes 1990. (1989‐90) Délits flagrant, 95 min, 35mm couleur stéréo. César du meilleur documentaire, 1996. Prix Joris Ivens 1996. (1994) Afriques : comment ça va avec la douleur ? , 165 min, 35mm couleur. Ouverture du festival du Cinéma du Réel 1996. Grand Prix du Festival Documenta de Munich, Prix du Festival international de films documentaires de Yamagata. (1996) Muriel Leferle, 77 min, 36mm couleur. (1996) Paris, 95 min, noir et blanc Dolby. (1997) Profils paysans, chapitre 1 l’approche, 90 min, 35mm couleur. Film sur le monde rural en milieu montagneux. (2001) Un homme sans l’Occident, 105 min, (2002) 10 ème chambre ; instant d’audience 2004 Profil Paysans, chapitre 2 le Quotidien 2005 Chacun son cinéma 2007 La Vie Moderne 2008
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Les cinémas de Raymond Depardon
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BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : Jeux Olympiques de Mexico, en collaboration avec Yves Nouchi, Solar, 1968 Chili, en collaboration avec Chas Gerresten et David Burnett, obtient le Robert Capa Gold Metal, 1974 Tchad, Gamma, Paris, 1977 Gilles Caron reporters, Le Chêne, Paris, 1977 Notes, Arfuyen X, Paris, 1979. Réédition avec La Solitude heureuse du voyageur, « Points », n° P1558 Correspondances new‐yorkaise, Libération/Editions de l’Etoile, Paris, 1981 Le Désert américain, Editions de l’Etoile, Paris, 1983 San Clemente, Centre national de la photographie, Paris, 1984 Les Fiancées du Saigon, Les Cahiers de cinéma, Paris, 1986 Hivers, Arfuyen X, Paris, 1987 Vues, Edition Le Monde, Paris, 1988 La Pointe du Raz, Marval, Paris, 1991 Depardon Cinéma, en collaboration avec Frédérique Sabouraud, Les Cahiers du cinéma, Paris, 1993 La Colline des Anges et Retour au Vietnam (1972‐1992), en collaboration avec J‐C Guillerbaud, Seuil, Paris, 1993 et « Points », n° P1557 La Ferme du Garet, Carré/Actes‐Sud, Paris, 1996 La Porte des Larmes et Retour vers L’Abyssinie, en collaboration avec J‐C Guillerbaud, Seuil, Paris, 1996 En Afrique, Seuil, Paris, 1996 100 photos pour défendre la liberté de la presse, Reporters sans frontières, Paris, 1997 Depardon Voyages, Harzan, 1998 La Solitude heureuse du voyageur, Musée de Marseille, 1998 et réédition précédée de Notes, « Points », n° P1558 Silence rompu, La Joie de lire, Genève, 1998 Raymond Depardon (texte de Michel Guerrin), CNP Nathan, « Photo‐poche » n°81, 1999, Réédition avec Actes Sud, 2006 Rêves de désert, en collaboration avec Titouan Lamazou, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2000 Détours, Maison européenne de la photographie, 2000 A tombeau ouvert, collectif dirigé par Josée Landrieu, photographies Raymond Depardon, Autrement, 2000 Corse, en collaboration avec Jean‐Noël Pancrazi, Seuil, Paris, 2000 et « Points », n° P1209 Errance, Seuil, Paris, 2000 et « Points », n° P1099 Désert, un homme sans l’Occident, Seuil, Paris, 2003 Paroles prisonnières, Seuil, Paris, 2004 J.O, Seuil, Paris, 2004 Paris journal, Harzan, 2004 - 29 -
Les cinémas de Raymond Depardon
LANGLAIS Amandine ENSAV APPROFONDISSEMENT
Images politiques, La Fabrique, 2004 7*3, une exposition de films, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Actes Sud, 2004 Afriques, Harzan, 2005 Photographies de personnalités politiques, en collaboration avec Jean Lacouture, Seuil, Paris, 2006 et « Points », n° P1649 Depardon‐New York, en collaboration avec Alain Bergala, Les Cahiers du cinéma, 2006 Raymond Depardon, introduction par Michel Guerrin, Actes Sud, 2006 et réédition précédée de CNP Nathan, « Photo‐poche » n°81, 1999 Villes/Cities/Städte, Steidl Publishing et Actes Sud, 2007 Le Désert américain, en collaboration avec Serge Toubiana, Harzan, 2007 Point de vue, en collaboration avec Christian Caujolle, Editions de l’Aube, 2007 1968, Une année autour du monde, « Points », n° P1865, 2008 La Terre des paysans, Seuil, Paris, 2008 Le Tour du monde en 14 jours, 7 escales, 1 visa, « Points », n° P2012, 2008 Donner la parole, Hear them speak, Steild/ Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2008 Manhattan out, en collaboration avec Paul Virilio, Steidl, 2008 Paysans, « Points », n° P2275, 2009
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