HANDBOUND AT THE
UNIVERSITY OF TORONTO PRESS
Presented to
The Library of the Department
of
French
ol Unîversîty Collège
by
Dorothy Arthur Tl
nivprsity DnUpgp Alnmnff
1
QPP
S
AUJOURD'HUI ET
DEMAIN
DU MÊME AUTEUR LIBRAIRIE CALMANN-LEVY UNE TACHE d'encre.
(Oiivroge couronné par l'Aca-
démie française.)
1
vol.
1
VOl.
1
Vol.
LES NOELLET A l'aventure (croquis
italiens)
MA TANTE GIRON LA SARCELLE BLEUE SICILE. [Ouvrage couroujié par l'Académie
française.).
MADAME CORENTINE. LES ITALIENS D'aU J O U RD'h U
I
TERRE D'ESPAGNE EN PROVINCE DE TOUTE SON AME LA TERRE QUI MEURT CROQUIS DE FRANCE ET d'ORIENT LES OBERLÉ DONATIENNE PAGES CHOISIES RÉCITS DE LA PLAINE ET DE LA MONTAGNE LE GUIDE DE L'EMPEREUR CONTES DE BONNE PERRETTE
.
l'isolée
QUESTIONS LITTÉRAIRES ET SOCIALES MÉMOIRES d'une VIEILLE FILLE LE MARIAGE DE MADEMOISELLE GIMEL, DACTYLOGRAPHE LA BARRIÈRE DAVIDÉE
BIROT
NORD-SUD GiNGOLPn l'abandonné RÉCITS DU TEMPS DE LA GUERRE
LIBRAIRIE ALFRED MAME ET FILS STÉPHANETTE PAGES RELIGIEUSES
LIBRAIRIE
J.
DE GIGORD
LA DOUCE FRANCE 287-16.
—
Coulommiers. Imp. Paul
BRODARD.
—
7-16.
RENÉ BAZIN DE l'academik
française
AUJOURD'HUI ET
DEMAIN Pensées du Temps de la Guerre
PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3,
RUE AUBER,
3
Il
a été
tiré
de cet ouvrage
CINQUANTE EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE, tous numérotés.
Droits de traduction et de reproduction réservés
pour tous
Copyright, 1910, by
les pays.
Calmann-Léw.
AUJOURD'HUI
ET DEMAIN
CHOSES DE LA MAISON 18 Novembre /9/4'.
Soldats qui vous
fils,
pour
la
France,
je vois les
champs
battez
compagnons de mes
d'où plusieurs d'entre vous sont venus, et je puis vous donner des nouvelles de chez vous car les
familles
:
rassemblent aujourd'hui
se
beaucoup plus que dans
la paix.
D'abord, tous les travaux nécessaires ont été faits
:
la
moisson,
battage du froment, de
le
l'avoine et de l'orge, les
viennent de
donc
1.
finir.
ont-elles
vendanges
Vous me
fait?
»
direz
:
«
aussi, qui
Comment
Vous avez raison de
Bullelin des armées de la République.
aujourd'hui et demain.
2
mettre
féminin
le
femmes,
les
sont les mères, les
ce
:
sœurs qui ont commandé l'ouvrage.
Elles y ont pris leur grande part. Des voisins
ont aidé, de vieux domestiques aussi, dont on se
demandait
si
on ne diminuerait pas
les
gages, au printemps dernier, et que les fermes se disputent à prix d'or, êtes
aux
moment,
frontières, vous, les
les jeunes.
En
ce
labours sont en train. La terre est
suffisamment fraîche et
maintenant que vous
:
ne vous inquiétez pas,
vous retrouverez, quand vous reviendrez,
des blés déjà tout drus, des seigles, des avoines que, contre l'habitude, vous n'aurez pas d'abord
tenus en semence dans votre main et répandus à la volée.
La campagne
entière, depuis
que vous êtes
devenue silencieuse. C'est
partis, est
a pas que vous qui soyez à la guerre
vaux
qu'il n'y :
les
che-
aussi ont été pris par la conscription.
Donc, plus de carrioles ni de charrettes sur routes, plus ce bruit de trot
sonne
si
les
ou de galop qui
bien dans les journées d'automne;
plus de plainte des essieux dans les fondrières,
ou presque
plus.
Il
semble qu'on
héler, par-dessus les haies,
ait cessé
de
pour prévenir
les
CHOSES DE LA MAISON.
La campagne,
absents qu'il est temps de rentrer. à
a l'air d'un désert. Elle
certaines heures,
n'est pas ravagée cependant,
inquiète
:
3
pasmaraudée, pas
ne manque que devons. Elle n'a
elle
pas peur des Prussiens, parce que vous êtes en avant. Elle voit moins de maraudeurs, croqueurs
de poules
et
de lapins, gauleurs de châtaignes,
arracheurs de
pommes de
de vin de lune, que dans
Le plus dur de
monde
et
sœurs, salle
de l'année, c'est
par
distrait
le
commune
le soir.
J'ai
vu
de
ferme
la
la table oii
et
mère a trempée.
la lettre
qui repose,
buffet de la
«
Eh
noyer
lecture,
et
que en
et s'asseoir
bien!
la
la
soupe que
a écrit.
mère a lue
On
la
première
évidence, sur le
coin du
la
ciré; c'est la fille aînée qui fera
qui
reste
lampe, tandis que
à un marché,
des
a-t-il écrit? » il
debout,
tremblant un peu dans ses mains
de
père, les
le
fume
Les bons jours sont ceux où reprend
moment du On n'est pas
ce
ù,
journalier de hasard, rentrer dans la
deux côtés de la
travail.
le
années de paix.
vie,
la
vendangeurs
terre,
les
le
papier
le
et
approché
le père, attentif
visage soucieux,
comme
remuant
parfois les lèvres, écoute et tâche de surprendre
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
4
quelque
quelque expression de lassitude
détail,
après un combat ou une marche qui lui per-
mette de se plaindre à son tour «
Notre pauvre gars, tout de
et
de dire
même?
Car
»
:
la
plainte est dans notre nature et de notre condition.
Mais on ne
termes souvent,
de a
la
s'y arrête pas.
lettre,
où
le
On
reprend
troupier,
mis un mot pour
faire
les
bien
rire
les
parents. Les souvenirs, les images, les paroles
qu'on se rappelle, vivante dans et
presque
la lettre qui est là,
mains, complètent la famille
les
quelque façon,
tiennent, en
la
place de
l'absent.
Vraiment, vous êtes enveloppés de de tous,
même des
pour vous; on sont
remplis
soldats;
est fier
des
pensée
de vous; les journaux
traits
admirables
de
nos
une plus large sympathie entoure
familles en deuil le
la
inconnus; on prie beaucoup
:
chacun de vous
est
les
devenu
parent, le protecteur, le vengeur, la gloire
de tous.
On
voudrait vous serrer
la
main, vous
remercier, vous acclamer. Cela viendra. Mais
savez-vous une pensée que je trouve aussi par-
même même dans
tout,
chez les mères les plus tendres, les
maisons où vous manquez
le
CHOSES DE LA MAISON. plus?
a
Monsieur,
qu'ils
5
ne reviennent pas
avant d'avoir mis l'Allemagne à
la raison! Ils
font la guerre, qu'ils la fassent bien les
muselaient
pas
tout
à
recommencer dans cinq ans!
fait,
il
!
S'ils
ne
faudrait
»
Ainsi la plus vive tendresse s'unit à la vue très juste
du devoir qui
toute la France d'état de
de
piller,
et qui
:
est le vôtre et celui
de
mettre pour longtemps hors
menacer, d'envahir, de massacrer
un peuple qui ne
et
croit qu'à la force
va justement éprouver, grâce à vous,
quelle est la force
du
droit.
UN DEVOIR MATERNEL
21 Janvier
1915K
Nous sommes dans une période de saison
succèdent, où
d'attente,
le
où
Cependant tout
brumes
les
est né, bien
le
printemps.
qu'on ne
pas; la sève prête et cachée attend
d'innombrables
astres et
dans
le
l.
Il
demi-nuit
dans
voie
les
achemi-
Demandons
obéitcomme et
le
le signal
la terre,
est attendu.
que le printemps se hâte. cette
influences,
profond de
nent vers nous ce qui
Dans
se
vent crie aux portes, où rien
ne semble croître de ce qui sera
divin;
guerre
à la saison d'hiver que nous
qui ressemble vivons,
la
le reste.
cette pauvreté de
Cet article et ceux qui suivent ont été publiés dans
VÉeho de Paris.
UN DEVOIR MATERNEL. mères continuent d'élever
joie, les et
7
ceux-ci grandissent
d'après-demain.
n'y
Il
les enfants,
qui seront la France
pas
a
d'interruption
dans ce long devoir d'éducation,
et la
guerre y
change peu de chose. Elle ne change pas enfants, ils
rient, ils
ils
questionnent,
comme dans
un
si
s'efîorcent d'être grands,
ils
cela était enviable.
la vie est toujours la
village
murs
les
vivent par l'imagination,
à moitié
Leur confiance
même.
détruit,
Je connais défoncés,
toits
traversés par les obus, église plus abîmée
encore que
les
maisons;
réfugiés dans les caves;
heures tous
les habitants se
ils
les jours, les
sont
y passent plusieurs Allemands ne man-
quant presque jamais de jeter quelques bombes sur ce bourg, qui n'a ni remparts ni soldats.
Eh
bien! à peine le
posé
fini,
que
bombardement
est-il
les petites filles sortent
sup-
de leurs
caches et se mettent à jouer au cerceau. Ce n'est
que par
enfants,
à laquelle le qu'il
en
le
chagrin de leur mère que les
ou presque tous, soupçonnent l'épreuve
monde
est
soumis. Et
soit ainsi. Il faut
que
la
I
cessaient de rire tout à coup!
faut bien
paix demeure
intacte quelque part. Quelle perte s'ils
il
pour nous,
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
8
De
secrets désirs les pénètrent pourtant, des
pensées de
pitié,
de dévouement, de courage
qu'ils n'auraient point eus si
nombreux dans
un autre temps. Les enfants ne voient pas douleur de
la
noblesse. Ils
siasment
guerre; mais
entendent des
vite.
veux
moi, je
ils
en devinent
récits. Ils
Nous ignorons
ont dit déjà, ou bien je
ils
diront
la
s'enthou-
le reste.
un jour
être religieuse et soigner les
veux
la
Mais :
«
ils
Moi,
malades;
pour ceux
être religieux et prier
qui ne prient jamais; moi, je veux être prêtre et
aumônier dans
soldat et
les
armées; moi, je veux être
mourir pour
la France.
»
mots-là sont des mots d'enfants.
prononcés depuis que
Tous
Ils
guerre a éclaté;
la
seront répétés après qu'elle aura pris
et
ils
fin.
Mères françaises, vous devez avoir du pect pour ces mots-là
ces
ont été
res-
vous réjouir à cause
d'eux. Ils ne sont point la preuve d'une vocation, pas plus
langue
qu'on ne peut dire
difficile »,
ils
Je sais une
peuvent l'annon-
cer, et ils sont farouches, et ils
peut-être plus jamais dits, si
«
lorsqu'on en balbutie à peine
une ou deux phrases. Mais
ou
:
si
ne vous seront
vous vous moquez,
vous demeurez indifférentes à
l'élan
de
UN DEVOIR MATERNEL. cette
âme, qui découvrait
petite
et s'y sentait portée.
Ce sont
9 le
sacrifice
là des
mystères
que vous touchez chaque jour. Or, pour ne parler que des vocations de vos fils,
soyez bien assurées qu'ils ne se tromperont
pas sur soldats
besoins de notre temps,
les
ou
Nous aurons besoin de guerre,
s'ils
se font
prêtres.
et les
hommes
qui
appartiendraient
après
la
prétendraient
le
soldats
à
la
détestable
espèce de ces politiciens, gens de
la flatterie
contraire
qui ont empêché la France d'être
électorale,
prête pour la guerre, et qui portent la responsabilité
de beaucoup de morts, et de
de plusieurs
ayons tous,
la il
provinces.
pleine victoire
la
que nous espérons
sera nécessaire de maintenir une
puissante,
ruine
Supposez que nous
pour que l'adversaire ne
armée
soit pas
tenté d'éluder les clauses de la paix, et qu'il ne
reconstitue élevait
pas ce
formidable appareil qu'il
contre nous et perfectionnait
depuis
quarante ans, tandis que les plus dangereux de
nos concitoyens, endormeurs patentés, discouraient de la fraternité universelle et de l'abolition des frontières.
Nous devrons
veiller sur 1.
aujourd'hui et demain.
10
de nombreuses colonies; nous devrons,
pour assurer
la prospérité
même
commerciale de
la
France, montrer aux pays lointains nos navires et
pavillon victorieux,
le
trois couleurs les
avons
fait,
et
réhabituer aux
yeux de tout étranger. Nous
jusqu'à ces derniers temps, de
si
fâcheuses économies! Voilà quinze ans, l'em-
pereur Guillaume parcourait
la Palestine et la
Syrie, cherchant à prendre la clientèle et les
amitiés de la France,
nombreuses dans cet
si
Orient des croisades et des missions. Je passer; je
j'ai
me
vu
souviendrai
toujours
:
«
d'autres celle
de
Désormais
»
nouvelles
:
me
les frégates
les frégates
auront
donner au monde que
à
des der-
la triste politique intérieure
nières années 11
syrienne
Quand nous enverrez-vous
de France?
vu
de l'accent de
femme
reproche avec lequel une disait
l'ai
courir ses vaisseaux blancs. Et
et elles
devront
aller partout.
faudra des marins. Il
faudra des prêtres aussi, car
ils
meurent.
Plus de vingt mille ont été mobilisés. Beaucoup d'entre eux combattent. sion, les
Les conseils de revi-
majors ont montré un empressement
extrême à déclarer
«
bons pour
le
service
UN DEVOIR MATERNEL.
11
actif », les séminaristes,- les vicaires, les
veux
curés. Je
jeunes
croire qu'ils n'obéissaient qu'à
une inspiration patriotique.
Ils étaient certains
Je donner ainsi à nos régiments des soldats
modèles, qui ne désobéiraient pas, qui relèveraient le et qui,
moral des troupes,
en
s'il
au danger, seraient parmi
ne se trompaient pas. Que de à l'honneur de
France
et
guerre.
besoin,
les braves. Ils
admirables
traits
nos prêtres! Les journaux de
ceux de l'étranger
comme une
était
ont célébrés
les
des plus hautes leçons de cette
Que de préventions sont tombées!
Combien de paysans,
d'ouvriers, d'employés •
ont enfin connu celui qu'ils fuyaient, et qu'on leur avait appris à Ils l'ont
trouvé plein de cordialité, de loyauté,
de compassion renaître en
vent la
soupçonner ou à détester!
foi.
et
de
courage.
eux-mêmes Bienfait
voyaient pas, on
l'a
Ils
ont senti
la fraternité et bien
immense
et
sou-
que ne pré-
remarqué, ceux qui ont
voté « la loi des curés sac au dos »
;
vengeance
divine et qui se résout en bénédiction.
J'aperçois cette miséricorde. Cependant, j'ai le
cœur
serré en lisant ces faits de guerre
où
des prêtres sont mêlés. Je ne peux pas ne pas
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
12
me
souvenir que la place naturelle
et tradi-
armées
tionnelle des prêtres peut être dans les et peut être
pense
Je
armes.
au danger, mais non pas sous qu'ils
nombre. Hier, dans une
noms de
j'ai
vu
un
oblat, quatre prêtres
six
perd ses
élites,
meurent en
liste
que
prêtres à la
mais
de quel bien nous
s'il
lui
nuent! Tant de prédicateurs
champs de
de
je parcourais,
file,
comprenait
n'aurait pas assez de larmes
Tant d'âmes malades,
grand
un
jésuite,
de paroisse. Le
sommes et
les
monde
celle-là, et
redevables,
pour
bataille!
vérité
il
la pleurer.
médecins dimi-
mauvaises doctrines, la
les
et
tombent sur
Tant de péchés,
et
les les
les
prêtres qui ont mission d'intercéder et pouvoir
de pardonner deviennent plus rares! Derrière les il
armées, dans la France protégée par
elles,
y a des cantons où il ne reste que deux ou prêtres. De nombreuses paroisses n'ont
trois
plus d'offices le dimanche.
tainement
très populaire,
nombre quand
la
mais
clergé sera certrès
diminué de
guerre cessera. Dieu enverra
sa grâce et appellera des les
Le
âmes
d'enfants.
mères françaises comprennent alors
de leur devoir,
et qu'elles laissent les
la
Que
beauté
vocations
UN DEVOIR MATERNEL. nouveUes
dans
grandir
la
l'amour! Elles ont souffert;
liberté
et
dans
elles seront asso-
renaissance de l'Église de France,
ciées à
la
comme
elles
le
furent après la Révolution.
manque
L'intelligence de ces choses ne
parmi
i3
point
pour moi un sujet d'admira-
elles. C'est
tion et l'un des soutiens de
mon
espérance. Je
vois des pauvres qui ont de plus belles idées, et mille fois,
que beaucoup d'hommes puissants
et décorés. Et si
allusion, je
fais
vous
m'ont
lettres qui j'ai là,
vous voulez savoir à quoi je
sous
la
été
main,
la grosse écriture.
le
dirai
:
c'est à
communiquées, le
et
deux dont
papier tout modeste et
La femme qui
les a écrites
ignorera toujours qu'elle est une admirable,
une sublime bonne femme de France. Elle a
un
fils
titut
qui, de
bonne heure,
est entré à l'Ins-
des Frères de la Doctrine chrétienne, a
fait l'école
aux enfants du peuple,
et,
à cause
de cela, naturellement, a été persécuté par des
bourgeois athées. Revenu de l'étranger, peu après la déclaration de guerre,
pour
le
service armé,
mère, qui répondait
:
et
« J'ai
il
il
était
désigné
l'apprenait à sa
promis au bon Dieu
d'être très brave, et de remettre tout à sa sainte
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
14
Quand
volonté.
pauvres pères de
je vois des
famille qui laissent trois et quatre
me
souvent sans ressources, je
que voulez-vous que
mon
je
dis
:
enfants, et
Mon
Dieu!
vous demande pour
enfant?... Si tu dois mourir, je ne
mande
pas que tu finisses glorieusement, mais
que tu meures utilement pour en paix.
»
La
même
un ami de que
heureuse
celui-ci
Jean
dévouement absolu,
soit et
«
:
les
les
religieux,
de savoir
mères qui, dans
fils,
Combien
gagnera pas un sou dans sa vie! Voilà
âme mêmes
ton
le pays,
mère, dans
jours, songeant à la vocation de son vait à
de-
la
écri-
je suis
dans qu'il
le
ne
»
tourmente, ont
étayé la France, et qui demain vont la refaire.
LES DEUX CAMPS
28 Janvier 1915.
De
plus en plus, les
hommes
qui pensent
aperçoivent ce qu'il y a d'exceptionnel dans cette guerre. Je
ne parle pas seulement de son
développement, des qui
nous
plusieurs
reportent à
des
arrière,
méthodes employées
changements
siècles
immenses
et
en
qu'elle
causera et de l'empreinte nouvelle dont sera
marquée
la
paix future
:
non,
le
de cette guerre, c'est qu'elle
plus étonnant est,
bien plus
qu'une guerre de conquête, de rivalité ou de vengeance, une lutte entre la civilisation chrétienne
et
la
barbarie
matérialiste.
Dans
la
Revue hebdomadaire du 2 janvier, M. Gabriel
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
16
Hanotaux, essayant de portée de
guerre
la
menée contre une dégradante
définir « le sens et la
observe qu'elle
»,
sorte de religion de la force,
menaçante. Contre
et
est
elle,
les
a
grands peuples mystiques du monde se sont levés. Les trois branches de la religion chré-
catholiques,
tienne,
se sont unis
orthodoxes, protestants,
pour courir sus à
cet adversaire
sanglant de la pensée méditerranéenne et de la loi
du
économique, et
Avec
Christ.
paix politique,
la
paix
faudra faire une paix morale
il
religieuse,
refouler
c'est-à-dire
forêt et dans le
cabanon de Nietzsche
morale allemande. et
la
»
dans
la
l'atroce
Et M. Hanotaux ajoute,
j'admire l'espèce de franchise noble qu'il
faut pour
trop
dire
ces
choses à une génération
éprise de bien-être
:
«
Je ne doute pas
qu'une heure ne sonne, après de longues souffrances,
où
les
peuples ne s'aperçoivent que la
raison du ventre est la pire de toutes, que la prospérité
économique
n'est
mot du progrès humain, que
pas la
le
dernier
modération,
l'humilité, la pauvreté sont plus hautes, et plus
nobles, et plus fîères, que la violence, l'orgueil
ou
la richesse.
Les grands saints du moyen
i
LES DEUX CAMPS.
17
âge sont apparus après de longues années de
malheurs publics, pour prêcher du
loi
Christ.
des
apparaître
chefs de foule,
Peut-être
hommes, qui
le
retour à la
l'avenir
chefs
verra-t-il
d'armées ou
aux
enseigneront aussi
peuples qu'ils se sont trompés, qu'on les a
trompés,
et
que
ni
la loi
humaine
ni la loi
divine n'ont la moindre conformité avec l'idéal
allemand. » Voici donc les deux camps délimités côté,
la
civilisation chrétienne,
:
d'un
respectueuse
de l'homme, attentive à toute justice, tendre
nuancée à
pour
les souffrants,
tant
aucun progrès matériel, mais soucieuse
l'infini,
ne reje-
comme de la plus même en ce monde;
avant tout du progrès moral sûre garantie de bonheur, et,
de l'autre côté, un monstre d'orgueil
et
de
dureté, dont la conquête n'est jamais que celle
des armes, qui s'exalte à briser faibles, et
prétend imposer au
le
monde
droit des la loi
de
la force, laquelle est uniforme, cruelle et inintelligente.
une
D'un
côté, la conscience; de l'autre,
brutalité sans entrave, sans autre code
celui qu'elle se
appelle le droit.
donne à elle-même
que
et qu'elle
Nous ne calomnions pas nos
aujourd'hui et demain.
18
ennemis en affirmant pris
cela.
dans leurs rangs,
hommes.
et
Nos témoins sont
parmi leurs grands
C'est le manifeste des 93 intellectuels
allemands qui admirent
la
barbarie de leur
nation. C'est Maximilien Harden,
principaux journalistes, écrivant,
un de le
mot
bre dernier, pour repousser d'un seul
reproches
faits à
l'Allemagne
:
«
leurs
22 novem-
Quel tribunal
pourra nous juger? Notre force créera une nouvelle. qui,
pour
gique,
»
C'est
justifier
retrouve,
les
loi
chancelier de l'empire
le
l'envahissement de
aux
la
Bel-
du
applaudissements
Reichstag, l'argument allemand par excellence, la
négation de tout droit, et s'écrie
sité militaire
ne connaît pas de
loi.
:
«
Néces-
» C'est
un
autre professeur, déclarant, à la fin d'une étude
sur
le droit
des gens,
que
«
le
fait
crée le
droit », doctrine affreuse, qui mettrait désor-
mais au nombre des droits l'incendie des
villes
sans défense, l'assassinat des blessés, la violation des traités, l'habitude d'aller à l'ennemi en
poussant devant soi des boucliers vivants de prisonniers
civils,
puisque ce sont
faits
là quel-
ques-unes des pratiques allemandes. C'est un poète exaltant
la
destruction de la cathédrale
LES DEUX CAMPS.
19
de Reims, et se réjouissant que la ruine fût
si
Les cloches ne sonnent plus dans
le
grande
:
«
dôme aux deux
tours. Finie la bénédiction!...
Nous avons fermé, ô Reims, avec du plomb, maison Ces
ta
d'idolâtrie. »
redoutables
erreurs
quelqu'un
les avait
cinquante ans,
doctrinales,
comme
haines qui s'en échappent
ces
des petits,
condamnées, voilà plus de
Qui?
le
gardien,
l'unique autorité qui prévoit tout le
mal con-
le veilleur,
tenu dans les idées fausses,
bien du monde, et qui est constam-
pour
le
ment
assaillie,
le
qui le dénonce,
et
à cause de cela
IX
Pie
Syllabus,
avait
pape.
le
:
Dans
l'anathème
jeté
contre ceux qui prétendent que « le droit consiste faits
dans
le
fait
matériel »
humains ont force de
:
loi »
que ;
« tous les
que
« la vio-
lation des serments les plus sacrés, les actions les plus
criminelles,
les
plus
plus opposées à la loi éternelle,
honteuses, les
non seulement
ne sont pas blâmables, mais, au contraire sont tout à fait licites, et dignes des plus grands éloges,
de
quand
elles
sont inspirées par l'amour
la patrie ».
Aujourd'hui
que l'Allemagne
s'est
prodi-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
20
gieusement développée,
et
que
des
les erreurs
professeurs d'universités sont devenues géné-
maux
ratrices de
innombrables,
tion est sur toutes les lèvres.
la
condamna-
Le vieux
prési-
dent de Harvard exprime l'opinion de la plupart de ses compatriotes américains d'abord, et celle
de beaucoup d'habitants des pays neutres,
quand
il
dit
:
«
Les sympathies américaines
vont au peuple allemand dans ses souffrances et
dans ses deuils, mais non pas à ceux qui
gouvernent, ni à professeurs
depuis
prime
aux
et
plus d'une le
droit.
caste militaire,
la
et
qui,
les
sources de la pensée
si
l'on veut juger
seulement l'Allemagne qui philosophie
depuis cinquante
de la politique allemande.
n'est pas assez dire,
la
force
la
courte phrase résume
Cette
empoisonné
allemande
ont enseigné,
génération, que
l'erreur fondamentale
ans, a
qui
lettrés
le
aux
ni
officielle
fait la
»
Ce
non pas
guerre, mais
de l'Allemagne
ruines qu'elle a semées dans le monde.
et les Il
faut
alors lui reconnaître son véritable caractère,
qui est matérialiste.
Et je crois exacte cette
phrase d'un écrivain, M. Albert Richard, qui a habité l'étranger,
— condition
favorable et
LESDEUX CAMPS.
même
21
indispensable pour comprendre
d'un système,
—
et qui
écrivait
tout
le
récemment,
dans un journal radical-socialiste d'Auxerre «
On
parfaitement chez les neutres..., que
sait
c'est la
:
science allemande qui a détruit, dans
beaucoup
non seulement
d'esprits cultivés,
la
croyance en Dieu, mais toute sentimentalité, toute idéalité. »
L'Allemagne apparaît donc bien
comme une
nation opposée au christianisme, dans sa politique et dans les tendances de son enseigne-
comme
ment,
tout à
mêmes domaines, qu'elle
invoque
manière de des gens, C'est
m'a
de la morale de ce Dieu
si
faire la
il
éloignée, dans ces
Entre
extérieurement.
subsistant de
titre
fait
nation
guerre
chrétienne, et
de traiter
sa
le droit
y a une contradiction manifeste.
vrai qu'un missionnaire de
écrit
son
et
mes amis
de sa mission chinoise, pour
me
dire
l'horreur que ressentent les païens de la conduite des Allemands, et l'objection qu'ils en tirent contre le christianisme. «
dites-vous, rité?
une religion de justice
Mais regardez donc
invoquent
Vous
le ciel
les
et
prêchez,
de cha-
Allemands, qui
dans leurs proclamations! »
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
22 Il est
vrai qu'on peut répondre, et plus d'une
chose, mais tout cela est long à expliquer à
des auditoires de Shang-haï, de Canton ou de
Mon
Pékin.
ami, qui est Belge, m'écrit
:
«
Le
plus grand crime de l'Allemagne est d'avoir le
nom
de nation chrétienne, et de promener la
croix
du Kaiser dans
comment
tenant,
nous, c'est bien chrétiens
il
tant de fanges. Et main-
Pour
parler à nos païens? clair,
et
s'agit,
nous savons de quels
que
le
nom
n'est pas le
tout d'une chose. Mais avant d'avoir expliqué les tenants et les aboutissants
guerre,
Comment laume
de ce drame de
notre apologétique restera blessée. » les
II ont-ils
sujets
catholiques
de
Guil-
pu accepter, sans protestation,
des déclarations et des actes aussi opposés à la foi et
à la morale qui sont les leurs?
peut s'empêcher d'y songer.
guerre
On ne
Evidemment
cette
d'une manière générale, la politique
et,
extérieure de l'Empire, est dirigée par l'élé-
ment non utilise les
catholique,
concours
et
par une autorité qui
néglige les conseils. Mais
y a une autre raison, et il faut admettre que quelque chose s'est gâté, chez les catholiques il
allemands, au contact et sous la domination de
LESDEUXCAMPS. cette
23
masse pénétrée d'innombrable erreurs.
Plusieurs d'entre eux ont signé
le
manifeste
subissent une contagion.
des intellectuels.
Ils
Autour d'eux,
luthéranisme se décompose.
11
le
aboutit à des négations presque totales. Et
au sophisme semble diminuer,
la résistance
dans
minorité catholique, élevée dans les
la
mêmes gymnases les industriels
Poméranie, affaires,
de
et
même
et les la
Saxe ou
plus
en
mêmes
Universités que
les
capable
junkers de d'habileté
affaires politiques,
la
en
que de
fermeté doctrinale.
Et nous? Et la France? Par une suite de constances qu'il est permis d'admirer,
demeurée
la
cir-
elle est
nation chrétienne. Elle se trouve,
en ce moment, l'âme
même
d'une ligue de
puissances chrétiennes. Rien n'a pu prévaloir contre sa destinée. Les événements l'y ramènent.
Sous peine de mort,
elle
est
obligée de se
défendre contre l'impiété insolente,
défend glorieusement, vaincre.
Sans doute,
comme ceux si
et elle se
qui vont
on voulait chercher,
dans un passé récent, pourrait-on
lui
repro-
cher quelques-unes des violences contre quelles nous protestons
si
les-
justement aujour-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
24
parce qu'elles sont commises par nos
d'hui,
ennemis. Elle a pu voir des droits nombreux
néconnus, des faiblesses méprisées, des déchirés, des la
monuments
sacrés
traités
abandonnés à
ruine ou stupidement détruits. Cependant
jamais ces actes misérables n'ont reçu l'appronation ou
bation de la
simplement de
ses
savants et de ses intellectuels. Elle a été préservée de
la
corruption doctrinale
foules religieuses. L'antique
dans ses
baptême de son
sang, mille sacrifices cachés, la ferme défense
des catholiques, la grâce inexpliquable enfin, l'ont protégée. Si elle n'est pas toute religieuse, elle
est,
dans son ensemble
et
presque jus-
qu'aux extrêmes groupements politiques,
aux idées traités,
ment
les plus
sur
le droit
fidèle
nobles sur l'obligation des de la guerre, sur
le
dévoue-
à la patrie, sur le devoir de charité, sur
l'honneur national. Dans un vaste domaine, et qui peut s'agrandir,
Aussi
n'a-t-elle
elle
demeure unanime.
pas été rejetée. Elle est réap-
parue tout à coup, dans cette
comme
la
très juste guerre,
représentante de la civilisation chré-
tienne menacée. Elle a grandi
aux yeux de l'Europe, à cause
LES DEUX CAMPS.
25
de cette union inattendue de ses l'a
reconnue,
telle
peut revendiquer chrétiens de
les droits
fils.
vue
qu'il l'avait
L'Orient
jadis. Elle
de protection des
Il
ne pourra plus dire
qu'ils sont prescrits.
La
prescription est inter-
rompue. La France
se trouve située
comme
guerre et
elle devait l'être,
dans
l'aura dire,
par son passé
peut avoir un rôle si elle
a des
magnifique.
hommes. On
a
Elle
coutume de
dans une certaine école de savants, que
besoin crée l'organe. Je ne crois pas que
cela soit vrai dans la nature. Souhaitons la
la
par son cœur. Elle
le
là-bas.
formule se vérifie dans
affaires
publiques.
la
que
conduite des
Demandons aux
ministres
qui nous gouvernent de voir que la grandeur
de
la
France
lui vient
profond passé,
Pour voir
et
et d'y
pour agir
d'être Français?
en ce
moment
de son
conformer leur action. ainsi,
ne
suffit-il
pas
L'OFFICIER
12 Février 1915.
Les héros ne s'improvisent pas.
un long seul
Comme
tous
et
par
travail à leur point de perfection.
Un
les chefs-d'œuvre, ils arrivent
lentement
décide, mais les causes sont
instant en
anciennes. Je crois qu'on le verrait avec une
grande évidence,
si
l'on prenait la peine de
rechercher, dans la famille, dans les croyances,
dans l'éducation, dans les amitiés, la
habitudes d'esprit
et
cause de ces morts généreuses
dont on ne peut et
les
sans larmes.
lire le récit
sans enthousiasme
Rappelez-vous ceux de vos
proches ou de vos amis dont
la
conduite a été
digne d'être citée en exemple, dans cette armée
L
OÙ
il
27
y a tant de braves; demandez-vous quels pouvaient
autrefois,
signes, cette
OFFICIER.
audace,
pressentir
endurance, cette charité,
cette
cette puissance
faire
de tout perdre pour une idée
vous en trouverez toujours quelques-uns, petits qu'ils fussent, et mêlés, et voilés.
plupart des
hommes,
Chez
:
si
la
je le répète, cette prépa-
ration lointaine est éclatante.
Que de
fois j'ai pensé,
en rencontrant cet ami
Nord
qui vient de mourir dans les batailles du «
donnera sa mesure que dans
Celui-ci ne
grand danger! années où
la
»
Je ne pouvais
:
le
en ces
le voir,
guerre pouvait paraître lointaine
encore, sans savoir, de science très certaine, qu'il
était
un entraîneur d'hommes, un
chef,
un héros qui n'aurait peut-être pas l'occasion. Il l'a
eue. Je ne dis pas son
voir le
mieux
En
louer.
lui,
nom
de pou-
afin
beaucoup d'autres
pourront être reconnus. Mince, élégant,
une sorte de charme mer, en
même
cette finesse,
parfois cet
viril, si ce
il
mot peut
avait
expri-
temps que l'énergie du visage,
cette
ardeur, cette attention, et
abandon
et ce
rêve qui n'étaient
point faiblesse, mais permission, repos mesuré et
volonté encore.
Il était
musicien,
il
dessinait
28
aujourd'hui et demain.
très bien,
il
causait à merveille. Et
aucune pose chez
homme le
de cœur,
lui.
Homme
homme Un colonel, de
ses ordres a écrit, à son sujet, le portrait et
n'y avait
du monde,
foi et soldat. C'est
pur type français.
achève
il
qui
l'a
une
eu sous
lettre
qui
que je veux citer à cause
des mots heureux qui
s'y trouvent,
de
qua-
la
lité
d'âme qu'elle révèle, de l'honneur qu'elle
fait
à l'armée. Quelle
quelle est, je le
dont
les
chefs
armée plus humaine? Et
demande, l'administration sauraient rendre, à
civile
un subor-
donné, une justice plus intelligente, plus cor-
et
au père de
mon ami
Ce
sais.
de la
qu'était
sentiment Il
des écrit
:
l'homme que vous
pleurez, je le
Trois ans nous avons vécu côte à côte, début, liés bientôt, je
le
par une sincère et réciproque amitié.
Il
sympathisant dès crois,
le
France elle-même?
ensembles
«
par
relevée
plus
diale,
le
avait tout pour réussir et pour plaire intelligence,
:
une vive
toujours curieusement en éveil,
des sentiments de grande élévation, un cœur
ouvert à tous les enthousiasmes, une parfaite dignité de vie,
Comme
un charme personnel indéniable.
soldat, c'était
un amoureux du métier,
L OFFICIER.
un chaud taire le
voyant dans
patriote,
moyen
29 la carrière mili-
plus complet de servir le pays,
le
Par sa grande valeur professionnelle, par son ardeur au travail
et sa
haute culture intellec-
beau type de soldat
ce
tuelle,
vibrant s'était
latin cultivé el
une place à part au
fait
régi-
ment. Toutes ces belles qualités trouvaient leur
emploi dans
d'éducateur d'hommes qui,
le rôle
en temps de paix,
est le principal
L'ascendant qu'il avait possession de
pris,
dès sa
le
début de
la
l'ont, j'en suis sur,
mener.
S'il est
ment payé «
prise de
commandement d'escadron, com-
bien davantage encore avait-il dû
depuis
de notre vie.
développer
le
campagne! Ses hommes où
suivi là
tombé,
c'est
il
voulait les
après avoir large-
sa dette à la patrie bien aimée.
Des mots consolateurs! à quoi bon
tenter
d'en trouver? Je n'en vois qu'un qui soit digne de votre
fils,
mérité la
celui de fierté. fierté
quement pour
le
Toute sa
des siens.
vie,
En mourant
il
avait
héroï-
pays, ill'améritée plus encore.
Que son nom désormais n'évoque pour vous que l'image rayonnante d'un
donné sa des causes
h
être d'élite qui a
vie à la plus sainte, à la plus noble :
celle qui sera bientôt victorieuse. » 2.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
30
On ne
peut mieux dire. Ce beau type de soldat
latin cultivé et vibrant, c'est la définition
même,
non seulement d'un homme, mais de
immense
prennent bien à présent, auxquels toute justice, le
péril
en qui
quotidien,
cette
que nos soldats com-
élite d'officiers
ils
rendent
ils
reconnaissent,
dans
indispensable,
l'autorité
l'exemple non moins nécessaire et beaucoup de vertus d'amitié. Le jeune et cher ami que j'ai pris ici
pour modèle écrivait à son père, au
mois de septembre dernier
Dieu
qu'il
Demandez
«
:
capables de faire de
mes hommes des héros
Cela pourrait être une devise.
Eh
bien!
— sa
fin
l'a
l'étudié, lui qui a réussi,
—
à
m'inspire les gestes et les paroles
à élever jusqu'à son
soldats, je reconnais
faut d'abord
ea
âme
que pour
!
si
»
je
prouvé,
l'âme de tous ses faire des
héros
il
un soi-même, non de
être
parade, et de vanterie, et de mots qui sonnent,
mais en simplicité, tous lution
constamment affermie de
une cause noble.
Il
dans
les jours,
la réso-
dévouer à
se
faut aussi inspirer confiance
et savoir le métier très
difficile
de la guerre.
L'officier n'entraîne pas seulement,
Ceux qui dépendent de
lui
ont vite
il
le
protège.
sentiment
l'officier. qu'il est
un ménager de
prévoit,
abrite,
grâce
à
lui,
et
31
la force, qu'il veille,
qu'on peut être protégé,
tandis
que
dont on
cette folie
rntendait parler autrefois dans les réunions publiques, cette fameuse « levée en masse du
peuple
ne serait qu'une sarabande destinée
»,
au massacre immédiat.
Un
second-maître de
marine, que je rencontrais hier,
me
la
disait
:
Quand nous embarquons sur un submersible, nous regardons d'abord le commandant. S'il
«
est calé, tranquille, à l'aise
dans son réduit, où
aboutissent toutes les puissances motrices du
bateau,
on plonge volontiers.
terre aussi le
mesure
le
»
L'armée de
commandant. Et quand
chef est habile, vous voyez ce qu'elle
Mais
il
n'a toute puissance,
pour
le
fait.
bien des
troupes et du pays, qu'à une troisième condition
:
aimer
hommes,
savoir
le
laisser
à
l'occasion,
les gestes et les paroles ». C'est
une grande
toujours,
transparaître «
les
science,
et
qu'il
faut
avoir,
apprendre jeune.
On
ignore ses voisins, trop souvent, etles préjugés accroissant
l'ignorance,
et
l'envenimant, on
peut voir, dans la société peu fraternelle où
nous vivons,
une réunion d'ouvriers ou de
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
32
paysans se défier d'un bourgeois
et
réciproque-
ment. Mais ceux qui ont vécu près du peuple, dès leur jeunesse, et surtout ceux qui l'ont
abordé par rité
les
œuvres d'enseignement, de cha-
ou de mutualité, ceux qui, de bonne heure,
ont été mêlés à
la vie
d'une armée, surtout
d'une armée en guerre, sont tout de suite en intelligence, sans
aucun embarras, sans aucun
changement
d'habitude
homme.
S'ils
ont du cœur,
cœurs,
trompés
avec
découvrent mille
mais
quelquefois,
rendent vite à l'évidence; délicatesses
ils
populaires,
honnête
tout
ils
qui
se
connaissent des
des
politesses,
des
confidences aussi, et des misères, et dès bonnes
volontés
Grande
auxquelles
joie,
avantage pour point d'autre
on
ne
grande force pour l'État!
résiste
point.
l'action,
grand
Et l'école des héros n'a
commencement.
J'imagine qu'après la guerre
il
y aura des
amitiés durables entre les bons chefs et les
bons soldats. Ce sera un grand bien,
pour
nous.
mon ami
d'amis vous auriez eus!
disparu,
même
combien
LA TRANCHÉE NÉCESSAIRE
25 Février 1915.
Avec
raison, et soutenu par la France,
un
ministre a déclaré, l'autre jour, que l'Alsace-
Lorraine rentrerait dans et
que ce
n'était là
le
domaine
qu'une restitution. Ce n'est
point une conquête.
Chacun peut imaginer, au
delà, les conditions souhaitables
de
paix future. Mais
la
vœu
français,
il
ou nécessaires
semble bien que
le
de tous les Français clairvoyants deman-
dera,
comme principale
la frontière
acquisition territoriale,
du Rhin.
L'occasion
est
unique de nous mettre
à
l'abri.
D'abord, la ligne du Rhin est
la frontière
34
aujourd'hui et demain.
naturelle.
Ouvrez votre
carte de l'Europe
le
:
atlas et considérez
paysage
même
commande
avez sous les yeux explique et
La France
politique française.
Alpes
les
et trois
le fleuve,
mers. Les provinces de
gauche nous sont toutes destinées. Si
la rive
nous avons l'Alsace lot naturel,
et la
guerre
la
d'Europe,
Lorraine dans notre
même titre le On verrait très
nous avons au
tinat qui en est la suite.
après
la
est là, dessinée
avec une netteté parfaite, limitée par par
une
que vous
qui
renouvellera
la
Palabien, carte
sans qu'il y eût de contresens
et
géographique, une France s'étendant au nord jusqu'à
la
Moselle,
Mayence, Trêves Rhin, par
la
et
avec
Landau,
continuée,
le
Spire,
long
du
Belgique agrandie. Les géographes
de l'antiquité n'ont pas manqué de noter cette leçon de choses. Strabon disait
:
«
Il
semble
qu'une divinité tutélaire éleva ces chaînes de
montagnes, rapprocha ces mers, traça le
et dirigea
cours de tant de fleuves, pour faire un jour
de la Gaule
le
lieu
le
plus florissant de la
terre. »
Et
plus
brièvement, plus
nettement,
un
autre géographe, latin celui-là, formulait cette
LA TRANCHÉE NÉCESSAIRE.
même
conséquences poli-
vérité avec toutes ses
tiques
:
«
Le Rhin
deux mondes.
35
un fleuve qui sépare
est
»
C'est bien cela, en effet
la rive droite
:
tribus germaines, qui vivent
dans
aux
les forêts et
y préparent tout le temps la guerre; la rive franche aux Gaulois, guerriers aussi, mais qui défrichent volontiers les forêts et qui parlent bien, et
que
comme
déjà
les citoyens
romains considèrent
des cousins d'avenir et d'une assez
jolie civilisation.
Les Romains, maîtres de
Gaule, considérèrent toujours la
grande barrière contre
monde
sait
que Trêves
Rhin comme
la barbarie.
fut
longtemps
de la Préfecture des Gaules,
tale
comme une
jamais, depuis lors,
comme une preuve
Tout
le
la capi-
tout
et à
idée juste,
acquise de raison politique,
l'expérience romaine
des
le
la
demeure dans
la
mémoire
hommes.
Elle fut renouvelée. Je ne
manuel
d'histoire.
On ne
veux pas
faire
un
peut, cependant, se
dispenser d'observer que ces régions rhénanes
ne sont pas neuves à v"'
tiuvec
siècle,
autant
les
de
la
domination française.
Francs défendent
vigueur
le
Rhin
que l'avaient
fait
aujourd'hui et demain.
36
Gaulois et les Romains; Clovis étend son
les
royaume au delà du
Charlemagne va
fleuve;
plus loin encore; au x^ siècle, les expéditions le roi
contre
de Germanie soulèvent
le
peuple
de France, non pointa cause d'une haine, mais parce que l'instinct populaire a reconnu limites nécessaires de la
tout le
monde veut
fleuve.
«
L'armée
demeure
qu'elles soient là, sur lé
nombreuse,
était si
chroniqueur, que, de loin, ressemblaient à une
forêt
les
le
tudesque,
l'histoire des rois
à
le
un
dit
piques droites
mouvante.
de Hugues Capet, on parlait pas
les
française, et
»
Au temps
roman,
et
non
Toute
Aix-la-Chapelle,
de France, Capétiens, Valois,
Bourbons, à travers mille vicissitudes, montre la persistance
du
perd, on reprend
du Rhin
:
on
la
même
dessein
;
on garde, on
un morceau de
la frontière
IV ne
voudrait toute. Henri
pensa point autrement. Richelieu écrivit que «
la
France devait avoir
fixait la
nature
».
Mazarin projeta
nos frontières au Rhin la
les limites d' «
que
lui
étendre
de toutes parts »
.
Sous
Révolution, les généraux, les Assemblées,
les soldats bientôt furent
gauche
fut
conquise,
de
cet avis.
organisée,
La
divisée
rive
en
LA TRANCHEE NECESSAIRE.
37
départements français. Bonaparte, puis l'Empereur,
n'eut pas que des préfets
admirateurs dans
les
quand
départements de
France perdit, encore une
territoires, les habitants de
revoir! »
la Sarre,
du Rhin-et-Moselle.
du IMont-Tonnerre, la
eut des
il
:
Bonn
fois,
criaient
aux troupes françaises qui
:
«
Et,
ces
Au
se reti-
raient. Il
y
donc beaucoup de choses à répondre
a
aux personnes qui feindraient ou éprouveraient
un
jj^rand
éloignement pour toute conquête.
La conquête clairement
est
légitime,
lorsqu'elle
est si
désignée à notre ambition, lors-
qu'elle doit rattacher à la France des provinces
qui ont été nôtres dans
un passé
populations certainement
prendre
et
Avec de
récent,
capables de
d'aimer tout l'essentiel de
la justice et
cherait à la France,
de
la liberté,
la
on
des
com-
France. les atta-
d'une manière indisso-
comme nous furent soudées tant d'autres pièces du pays, comme ces Alsaciens, par
luble,
exemple,
en apparence
grandement séparés
des Français et qui n'étaient pas depuis vingt-
cinq ans
ménagés
Kmbassadeur
et
choyés par Louis XIV, que
de Prusse écrivait à son maître
;
aujourd'hui et demain.
38 « Ils
sont plus Français que les Parisiens
On
répondre
doit
aussi,
l'histoire qui fait cette réponse-là, tière
du Rhin
est
une
nécessité.
que
Deux
».
toute
c'est
et
la fronfois,
en
quarante-cinq ans seulement, nous avons vu Paris investi, ou sur
sommes mal
point de
le
Nous
l'être.
protégés contre l'invasion, et nous
le serons, tant
que l'Allemagne nous guettera
derrière les limites trop
artificielles
rapprochées de la Lorraine
et
trop
des Ardennes.
et
Il
faut mettre de l'espace entre l'ennemi et nous, et plus
que de l'espace
défendre.
Dumouriez
exprimant
:
un grand fleuve
disait,
après tant d'autres,
de la France, qui fut
la vraie idée
non de dominer, mais «
aisé à
cœur
d'abriter son
La France ne peut avoir de
qu'avec la barrière du Rhin
sécurité durable
».
Dans
le
vingt-
septième volume du bel ouvrage publié par
Touring-Club, Reclus disait années, et
il
la
Sites
et
même
le disait
:
le
monuments, Onésime
chose,
il
y a quelques
avec un sens bien curieux
de l'avenir d'alors, que nous vivons aujourd'hui. « Il n'y a
guère plus de quarante lieues, à vol
d'oiseau, de la frontière à la cité maîtresse;
toutes les vallées,
même
celle de la
Somme,
fl
LA TRANCHEE NECESSAIRE.
39
ne faut
concourent vers notre
capitale...
Il
qu'un jour de défaite,
et les trois
ou quatre
lendemains de déroute, pour que
les
armées
contraires marchent sans contrainte vers Paris, le
long de
de l'Aisne
l'Oise,
Nous venons de
comme
voir.
le
celle-ci, terrible,
et
de
la
d'être
d'insécurité
qui
»
Après une guerre
à la vie et à la mort,
nous ne pouvons accepter, comme victoire,
Marne.
replacés dans les
fruit
de la
conditions
nous ont valu ou qui ont grandes
de la
invasions
permis
toutes
l'iance.
Et vraiment, de quelque prétexte que
se
les
couvrent ceux qui prétendraient nous ra-
mener simplement aux ils
seront écartés,
seillers,
et
de
la
frontières d'avant 1870,
comme
d'imprudents con-
par les souvenirs de la guerre de 1870
guerre de 1914.
On
leur dira
avons trop souffert; nous avons
:
failli
«
Nous
mourir
du défaut de nos frontières; nous voulons maintenant vivre gagné!
»
à
l'abri,
et
nous l'avons
LA FRANCE DU LEVANT
25 Mai 1915.
Les Alliés progressent dans et sur les rives
du
moi, assurément les
noms
:
détroit.
les
Vous
Dardanelles
comme
faites
vous regardez, sur
la carte,
des forts attaqués; nous épelons du
turc et du grec; nous nous disons qu'après Kilid-Bahr, mais surtout après la pointe de NagaraKalessi, le
coude de
fer étant franchi, la navi-
gation [sera moins périlleuse, et qu'à Gallipoli s'ouvre la
mer où
renaît,
chaque matin, sur
les
eaux calmes, l'image de Constantinople. Nos
yeux errent sur
le
aboyant à l'Europe,
muffle et
carré
de
l'Asie
sur les terres qui des-
cendent, en arrière, et qui ressemblent à des
LA FRANCE DU LEVANT. pattes,
dans
le
41
dessin des géographes, serrées
qu'elles sont entre le désert pierreux et la
Médi-
terranée. C'est cette
bande de
nous intéresse
terre qui
particulièrement. Si les prédictions redoutées
par les sultans de Gonstantinople doivent s'accomplir,
comme
si
l'empire turc
plus ancienne et
la
doit être partagé,
tant de signes le font croire, l'histoire
désignent la Syrie
d'autres bonnes raisons
comme
part d'héritage
la
qui revient à la France.
Je voudrais simplement rappeler cette histoire et
quelques-unes de ces raisons, afin que
notre intérêt,
non moins que notre
clairs à tous les
yeux.
Nos témoins, dans les
peuple de France,
le
le
compter, car ce sont
dans
la
roi,
le
pensée royale,
on ne saurait
passé,
les rois
avec tout
ratifiant ce qu'avait fait
des traités
et
et le profit des
des
ambassades,
content d'avoir des cousins d'Orient et les
avouer devant
magne, recevant des Lieux-Saints,
la chrétienté. C'est
l'investiture et
le
peuple se reconnaissant
comprenant l'honneur
expéditions,
droit fussent
fier
de
Charlc-
du protectorat
accueillant l'envoyé
du
aujourd'hui et demain.
42
qui lui apporte l'étendard de Jérusalem;
calife,
c'est saint Louis,
auquel
les
populations de la
Syrie offrirent trente mille combattants et qui voulait qu'elles fussent traitées
delà France; plus faveur
défendirent
tard, c'est François 1", en
et
chacun de ses successeurs,
qui
accrurent les privilèges accordés
France, politique d'honneur et d'humanité,
la
011 l'intérêt
dit
enfants
de qui les Capitulations furent con-
senties, puis
à
comme
si
:
trouvait son compte,
comme je
l'ai
bien qu'il y eut une époque où aucun
bateau n'était admis dans
les ports
de Syrie
s'il
ne battait pavillon français. Dans des temps plus proches de nous, l'expédition de Syrie n'a
que l'affirmation par nous-mêmes
été
et la
reconnaissance par l'Europe de notre rôle historique. Les traités internationaux mentionnent
nos droits
comme un bien légitime
Tout concourt à
On
la
preuve
peut dire que
morale de
la France.
la
:
et indiscuté.
l'envie elle-même.
Syrie est une colonie
Pour
elle,
sous tous les
régimes, nous avons donné notre or, nos soldats,
nos missionnaires
éducation française, lui
lui
;
nous avons
fait
son
apprenant notre langue,
racontant notre histoire, l'initiant à nos
LA FRANCE DU LEVANT.
43
idées.
Les dissensions intérieures ont à peine
influé
sur
politique dans l'Orient des
notre
Croisades. C'est betta a dit son
propos de
h.
la Syrie
mot fameux un article
Lorsque
la foi
une sorte
« L'anticlérica-
:
lisme n'est pas
que Gam-
d'exportation.
»
ne guidait plus nos ministres, prémunissait contre
d'instinct les
l'abandon de la tradition, et
les
empêchait de
perdre ou de laisser s'affaiblir une conquête
de
la foi.
On à
peut dire, en
effet,
que
Syrie n'est pas
la
conquérir; qu'elle est à nous,
prononcer
beau qui
le
nom
soit,
de
la
France
habituée à
comme
plus
le
étonnée de ne pas nous voir
plus souvent, persuadée qu'un jour prochain la
puissance attendue, souveraine déjà, viendra
sur ses frégates,
comme une
reine pacifique,
pour prendre possession de ses Etats, laissera
un
chef,
et qu'elle
pour gouverner enfin selon
justice. Elle parle le français,
ou
elle le
la
com-
prend, bien que l'arabe soit sa langue maternelle.
Sa jeunesse
fait
écoles
françaises,
écoles
daires,
supérieures.
dans toutes
les
ses
études dans des
primaires,
secon-
Nos journaux sont
villes.
lus
La population chré-
aujourd'hui et demain.
44
tienne, et surtout celle
du Liban,
se réjouirait
de notre venue. Les Musulmans, sans avoir une
pour
affection particulière
la
France, éprouvent
à son endroit une estime tenace, héritée de leurs pères, et
de la
ils
savent que la France les délivrera
tyrannie des Jeunes-Turcs.
révolteront pas;
accepteront notre domina-
ils
tion plus volontiers qu'une autre;
même
ne se
Ils
ils
peuvent
nous servir grandement, voici de quelle
manière.
La France
est la
du monde. Or,
première puissance arabe
la Syrie,
en
même temps qu'elle
est plus pénétrée de christianisme qu'aucune
contrée du Levant, renferme les plus
autre
plus vivantee
célèbres écoles et les
Damas
coraniques.
surtout est
un centre rayon-
nant, une ville sainte pour les
monde
entier.
préférable, les C'est de là la
que part
Mecque,
l'Afrique
ou
et
musulmans du
Ce qui vient de Damas
hommes, de
la
là
sociétés
est réputé
les idées, les choses.
grande caravane pour
que s'acheminent,
vers
l'intérieur de l'Asie, les prédicants
de la doctrine.
Damas
est
une
force.
En
l'admi-
nistrant avec équité, avec douceur, et en parfaite
connaissance des choses orientales, nous
LA l'UANCli DL LEVANT.
45
consoliderons notre empire arabe tout entier.
Devant de ai
si
grands avantages,
et je
ne
les
pas tous énumérés, les objections ne tien-
nent guère. La plupart ne sont que des apparences, que la timidité appelle à son secours.
entendu des gens, qui n'avaient jamais
J'ai
quitté la France, parler avec
gneux de
la
pauvreté légendaire de la Syrie.
La Syrie que que
celle
un sourire dédai-
nous devons revendiquer
l'histoire et la
dessinée. Or, une partie tout au Syrie,
moins de
cette
une des
vilayet d'Adana, n'est pas
le
est
géographie ont ensemble
provinces les moins fertiles de l'Empire turc; la plaine d'Alep, la
TransJordanie
régions n'ont besoin que irriguées
d'être cultivées
pour valoir autant que
terres de l'Algérie et de la Tunisie. j'ai
présents dans
mon
esprit,
désolés, les paysages de pierre
chemin de pelle
des
fer
et d'autres
et
bonnes
les
Sans doute,
bien nets
que traverse
de Jaffa à Jérusalem. Je
me
et le
rap-
promenades à travers des espaces
dénués d'arbres
et
de moissons, abandonnés à
des troupeaux de chèvres, et les collines successives, semblables à des ruines de villes très
anciennes,
rompues elles-mêmes par
le 3.
temps
46
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
,
et réduites
en débris. La lumière seule en
en gerbes, à toute heure,
jaillit
Mais
le soir surtout.
je revois également des feuillages qui retom-
bent par-dessus les murs blancs, des jardins d'une tiédeur printanière sous
chaud,
et tout
plus
le soleil le
vivants de fruits et de fleurs,
ceux de
Jaffa,
oasis de
Damas, où
de Caïffa, de Beyrouth
et cette
une
l'on entre à travers
forêt d'abricotiers, plus vaste, m'a-t-il semblé,
que
la forêt
Il
de Fontainebleau.
ne faut pas s'inquiéter non plus, outre
mesure, du manque de main-d'œuvre pour culture
du
sol. L'état
de dévastation est
la
l'état
normal des possessions turques. Les Syriens émigrent en Amérique, en Egypte, au Transvaal, parce le
que personne
n'est assuré, sous
régime des Jeunes-Turcs, de récolter
duit de son travail
et
que nous aurions rendu tions
molestées
et
le
pro-
Dès
de
le
la
paix à ces popula-
pillées,
conserver.
elles
cesseraient
d'émigrer.
On
peut prévoir d'autres objections, mais ce
n'est pas
nous qui
a Palestine.
Plus
les ferons. Elles
que
concernent
partout ailleurs,
la
France a des droits acquis en Palestine. Le
LA FKANGE UU LEVANT.
47
Christ, Bethléem, les plus grands
tombeau du
souvenirs de l'histoire du monde, ont attaché tant de
cœurs à
sans doute
ardentes
des
que
compétitions, qui
celles
On
que
chrétiennes
nations
et
tout aussi
animèrent jadis
chefs des Croisés. les
y aura
cette terre sacrée qu'il
les
pourrait croire, de loin,
jalousement qu'autrefois sur
moins
veillent
le trésor
de leurs
n'en est rien, et tous ceux qui ont
origines.
Il
visité les
Lieux-Saints se souviennent, au con-
traire, des rivalités d'influence, des luttes
pu-
bliques ou secrètes entre les différentes confessions chrétiennes, d'une foule d'incidents qui seraient mesquins et méprisables
prenaient au contact,
de
la Croix,
n'étaient
comme
s'ils
les clous
une valeur inestimable,
une preuve
ne se
s'ils
rattachaient à la cause la plus sainte,
indirecte,
ne
de fer et s'ils
médiocre dans
sa forme, d'une vénération qui n'aura pas de fin.
Nulle nation n'a guerroyé, peiné,
dépensé
autant que la France pour les Lieux-Saints. Elle peut invoquer,
comme
titres
de son ambi-
tion, onze siècles d'histoire, et le protectorat
qui ne lui a jamais été enlevé par
la
papauté,
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
48 et qui
n'est
suspendu, en
que par
fait,
la
guerre. Elle ne saurait renoncer sans amoin-
drissement, ni sans froisser des millions d'âmes,
chez elle d'abord, dans tout l'univers ensuite,
témoin de ce qu'elle
fut et
de ce qu'elle est
toujours, à posséder la relique vers laquelle les
regards de tant de peuples sont tournés.
D'ailleurs, elle ne l'aurait pas
mais pour tous. Administrant personnel
la Syrie, et
pour
elle seule,
comme un
bien
par conséquent la Pales-
tine qui en dépend, elle reconnaîtrait volontiers les droits et les établissements des ortho-
doxes
et
des protestants;
elle s'engagerait à
respecter les situations acquises et à en per-
mettre
le
développement légitime. Une con-
vention préalable pourrait régler, entre nations chrétiennes, les droits de toutes dans le sanctuaire unique. Et l'on sait très bien que
nous
tiendrons parole. Si,
contrairement à l'équité,
il
n'était
possible de faire prévaloir cette solution, aurait qu'une formule acceptable
à
la
France
:
il
pas n'y
la Palestine
comme une dépendance
de la
Syrie; les Lieux-Saints internationalisés, sous le
patronage d'un prince catholique. Et pour-
I
LA FRANCE DU LEVANT. quoi pas
le roi
49
de Belgique? Pourquoi pas
le
successeur de Baudoin de Flandre, roi de Jéru-
salem?
Nous devons tous penser un peu, coup
s'il
nous
est
engagé, et aussi
patrie.
à
plaît,
Syrie, de la France
Elle est
du
cette
et
question de la
Lestant,
où l'honneur
le très positif intérêt
aussi
beau-
de la
importante qu'aucune
question européenne, et c'est peut-être la pièce maîtresse sur laquelle nous serons jugés par le
monde
attentif.
Je crois
qu'on
j'espère qu'on s'en souvient.
des temps prodigieux.
l'a
compris;
Nous vivons en
L'ENFANT DE PATRONAGE
3 Juin 1915.
Combien
il
en
hommes, ou de
leurs dimanches, les
petits
sinon
dire,
le
jeunes
ces
pendant des années, dans
patronages chrétiens
pourrait
de
mort,
est
ces territoriaux qui ont passé
de la
qui
camarades trop
les
ou trop vieux pour
France,
être mobilisés, les
parents, les vicaires souvent séparés de leur
œuvre, mais à aider,
comme
famille dispersée
Je
on
à
le
parmi
connais une
pareille
encourager, à consoler,
attentifs à
peut faire de loin, les
régiments?
paroisse
beaucoup
la
rurale,
d'autres,
n'était pas riche, et dépensait,
oii
pour
le
en cela vicaire
les enfants
ENFANT DE PATRONAGE.
L
jeunes gens de son patronage, bien plus
et les qu'il
Î51
ne recevait de
Car
la caisse diocésaine.
faut acheter des échasses, des agrès de
des
nastique,
gym-
organiser
des quilles;
boules,
il
des promenades et emporter le goûter; louer des costumes pour les pièces de théâtre; entretenir
bibliothèque,
la
détresses que l'habitude
amènent
l'amitié
du revoir
aux
ment
que
c'est dire
:
d'hommes
il
le laissèrent
à mille
et bientôt
L'abbé
confidences.
avait plus de quarante ans
de service militaire;
subvenir
et
il
;
était les
n'avait pas fait
myope extrêmepremières levées
à son poste, et qu'il vit
partir ses premiers enfants, les grands.
un peu de temps, village le
:
eh bien! sous
a lui-même quitté les
drapeaux,
il
le
reste
directeur et l'ami dos jeunes soldats de X...,
auxquels
mandat de
il
1
large
comme
marquées
les
franc,
pour
petit
— tout ce qu'on peut
faire,
chaque mois,
lettre, et
les
une
feuille
imprimée,
deux mains, sur laquelle sont
nouvelles des camarades, celles
la paroisse, et
tations
un
envoie,
— un bout de de
il
Depuis
le
quelques réflexions
temps de
la
et
exhor-
guerre. Cela est
d'un grand réconfort, plus grand que vous ne
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
52
pensez peut-être. Et
que je voudrais
c'est ce
montrer. Je voudrais que plusieurs de ceux qui connaissent peu la vie catholique, séparés d'elle
par l'éducation, le fracas
les
du monde
préjugés, les ignorances, et la
poussière du jour,
pussent apercevoir ce qu'il y a de magnifique
dans ces pauvres petites œuvres de de
campagne,
la
en ce
moment
et
la ville et
quel service elles rendent
à la France tout entière.
Prenez un modeste patronage de campagne, et
voyez comment
monde,
je
il
est
veux dire tout
composé. Tout le
petit
monde
le
des
enfants peut venir dans ce jardin du presbytère,
dans cette maison transformée, à laquelle
un pré sans
récolte de foin est attenant;
ou
dans cette autre qui a été bâtie, tout exprès
pour et
le
peuple,
dédaigné.
nulles.
par quelque riche intelligent
Les
formalités
d'entrée
Vous venez? Tant mieux;
aux barres. Les
fils
jouer
des artisans et des com-
merçants du bourg se rencontrent fils
allez
sont
là
avec
les
des fermiers, deux éléments assez dissem-
blables,
assez
difficiles
à bien
accorder l'un
avec l'autre, mais qui finissent par s'entendre.
ENFANT DE PATRONAGE.
L
On
on plaisante,
joue,
s'exerce au
de
tir
la
cidre.
A
la
enfants, dans la
on
tombée du
la famille est reconstituée, père,
mère,
maison du bourg, ou dans
fermes éparpillées, de
haut,
parle
carabine; les aînés boivent
un coup de vin ou de jour,
on
53
et distantes l'une
les
de l'autre
portée de la voix, jusqu'au bout de la
la
paroisse.
Cinq ans,
dix
ans se passent.
Les jeunes gens ont grandi.
Un bon nombre
préservés
et
ont
été
débauche
:
huit
ans,
de l'ivrognerie
et c'est
déjà
un grand
de
la
bien, je
ne dis pas seulement pour eux, mais pour
la
France. Elle ne s'est pas assez défendue contre la corruption, et dix mille
dans
les
patronages de plus,
années encore voisines de nous,
lui
eussent été plus précieux qu'une récolte abondante, ou qu'une colonie nouvelle
son empire. Mais
il
augmentant
y a un autre bien qui
dépasse celui-là. Ces jeunes gens ne resteront pas tous où après villes.
près, qu'ils
le
ils
sont ni ce qu'ils sont. Plusieurs,
service militaire, émigreront dans les
Un plus grand nombre oublieront à peu même tout à fait, le peu de religion
ou
auront appris. Ces réunions
du passé
aujourd'hui et demain.
34
plus ou moins lointain, où l'on causait avec le
on
vicaire; ces offices auxquels
camarades qu'on n'a pas revus;
ces
assistait;
et plus
d'un
sentiment, et plus d'une pensée qu'on avait en ce temps-là
tout cela semblera efîacé. Mais
:
vienne une grande douleur; vienne
la
guerre
qui est faite de tant de douleurs assemblées, et tous
vie
Devant l'épreuve
se souviendront.
ils
ne se révolteront pas ordinaire,
:
ils
seront prêts.
et
ils
se réveilleront de la
L'explication
religieuse de la soufîrance leur apparaîtra de
nouveau
telle qu'elle est
nable et tendre.
Ils
:
mystérieuse, raison-
seront transfigurés,
— non
pas eux seulement, car je ne limite pas à eux
compréhension de l'épreuve,
seuls la
eux
surtout,
Toutes
les
eux
presque
nécessairement.
puissances de l'âme seront
sifiées, et la patrie profitera
tion réfléchie
de
— mais immen-
de cette accepta-
la discipline et
de la mort
possible.
J'admirais, ces jours derniers, la beauté du
langage qu'on peut tenir à ces jeunes hommes. J'avais reçu,
chures,
nage,
parmi d'autres journaux
un exemplaire d'un d'un
des plus
et
bro-
Bulletin de patro-
anciens patronages de
l'enfant de patronage. France, fondé à Angers sous
55
vocable de
le
Notre-Dame-des-Champs. Beaucoup d'iiommes qui furent les pupilles et qui demeurent les
de
sociétaires
l'œuvre
combattent pour
la
France; beaucoup d'autres sont morts, dans ces régiments de l'Ouest, que les
Allemands
connaissent bien, pour les avoir vus de près, et
souvent; des jeunes attendent l'heure de partir.
Le Bulletin
donc plein de noms propres,
était
de nouvelles des soldats, de citations à l'ordre
du jour, de souhaits lignes
plus
refrain,
».
de plaisanteries, et de
fréquentes
mêlées à toute cette vie,
même
minaient de
neur
et
courtes,
A
la
:
«
comme un et qui se ter-
Mort au champ d'hon-
première page
était
directeur,
adressée à son petit
l'épreuve,
et
une
lettre
du
peuple dans
m'apparaissait qu'elle faisait
il
grand honneur à celui qui
l'avait écrite, et à
ceux qui étaient jugés dignes de la comprendre. Et je songeais que, sans doute, à des
hommes
dans une serait
et à des
jeunes gens nés
et élevés
même
langage
mais que
ville,
elle s'adressait
le
entendu des enfants du moindre groupe
ouvrier ou rural
:
moindres ont leur
car la doctrine est une et les part.
.
aujourd'hui et demain.
56
Que si j'ai
lui
disait ce directeur? Il devait être absent,
bien compris et sans doute aux armées,
aussi.
Et
disait
il
mesurent ni aux
Nos mérites ne
«
:
ni
talents,
se
aux succès, mais
y a des crises d'où on sort un lâche ou un héros, un réprouvé
aux
aux
efforts et
ou un
saint.
l'épreuve,
sacrifices... Il
Lorsque
la
la
volonté triomphe de
présence de
intime ou plus
agissante,
Dieu et
se fait plus
l'âme est cou-
ronnée d'une dignité nouvelle... Mais sommes-
nous prêts? Je ne parle pas seulement de grande revue la visite
finale.
Sommes-nous
la
prêts
du
de Dieu dans la douleur, celle
labeur professionnel, celle du foyer ou de vie des camps?... le service
à
la
Le service de Dieu comprend
de la famille et celui de la Patrie. La
France pourra donc compter sur nous,
que jour nous nous entraînons à
Dieu nos volontés. Mais, en toute
si
cha-
sacrifier
à
sincérité,
que valons-nous? Pensons-nous à préparer nos âmes, pour qu'elles soient
fortes, à assouplir
nos volontés pour que
répugnance ne
paralyse
pas?...
la
les
Sommes-nous des hommes
résignés, qui se contentent de ne pas reculer,
ou bien des braves, prêts à marcher de
l'avant,
l'enfant de patronage.
Combien
à s'offrir aux sacrifices?
que
la vie à la société fût
fice!...
vous et
Je vous parle un
vous savez du
sacri-
langage austère, mais
que
reste
je voudrais
une école du
courageux pour
êtes assez
57
la
pas la joie. Dans tout ce que
peut contredire la gaieté
comprendre,
le
fermeté n'exclut j'ai dit, rien
ne
votre jeunesse.
de
Restons joyeux en devenant
forts... »
pleines de sens, qui supposent
Paroles
une éducation
chez ceux qui les reçoivent, et auxquelles semble
comme un
répondre,
écho
parfait
résonne chaque syllabe, ce passage d'une
homme,
d'un jeune
pour
nariste parti
son père
:
«
oii
lettre
sociétaire de l'œuvre, sémi-
les tranchées, et
Le champ de
rompra pas mon séminaire;
il
qui écrit à
bataille
n'inter-
en sera
la conti-
nuation, et ce sera tout à la fois la pratique de
mon christianisme et sa méditation. » Comment des jeunes gens élevés de
la sorte
ne seraient-ils pas de merveilleux soldats? Et ces patronages,
combattus dans
trop
souvent incompris
le passé,
comment ne pas
ou voir
aujourd'hui, à l'heure du danger, qu'ils étaient et qu'ils sont des
œuvres
dis ces choses parce
que
d'utilité
nationale? Je
la justice
veut qu'elles
aujourd'hui et demain.
58
soient dites, et que les honnêtes gens de toute
opinion politique peuvent juger, en ce moment, plus d'un procès que de mauvaises plaidoiries
avaient pu embrouiller, mais que la comparution personnelle a rendus clairs et éclatants.
connu toute
J'ai
ma
vie ces jeunes gens des
patronages chrétiens, un peu partout, sur la terre de France.
cartes et
Avec eux
aux boules,
et fait
causé, joué
j'ai
aux
des promenades, et
passé bien des heures. Je ne les aime pas seuls
dans
la
jeunesse française,
compagnons
d'aimer leurs
raisons
d'autres
s'en faut, et j'ai
il
qui furent moins protégés. Mais j'aime ces
jeunes
gens
petits,
quand
de patronage,
parce que,
je les rencontrais,
ils
me
tout
disaient
bonjour, l'œil brillant et droit, et vite détourné vers le jeu.
Je et
les
aime, parce qu'ils ont, à cet âge
quand
les lâchetés se
cent, résisté
même,
préparent et s'annon-
aux moqueries
et
quelquefois aux
taloches, et fait preuve de fidélité.
Je les aime parce qu'on a pu les appeler, avec une nuance d'absurde dédain,
jeune les
homme
»,
mais qu'en
nommait ainsi,
ils
réalité,
étaient déjà des
«
le
bon
lorsqu'on
hommes,
l'enfant de patronage. et
59
de l'espèce haute et rare, de ceux qui sont
capables de se
commander eux-mêmes.
Je les aime, parce qu'ils ont un cœur prompt, sensible au
moindre mot,
et
une
politesse
populaire, exacte et délicate.
Je les aime, parce qu'il n'ont rien ajouté,
dans leur droite jeunesse, aux misères de France, très
et
qu'ils sont
la
aujourd'hui parmi ses
bons soldats.
Je les aime, à cause de la parcelle de vérité éternelle confiée à leur faiblesse l'est
à la nôtre, et qui ajoute
fraternités.
comme
elle
encore à nos
DISCOURS AUX PUBLICISTES CHRÉTIENS
s Juin 1915.
présidé
J'ai
dimanche dernier l'assemblée
générale des Publicistes chrétiens occasion, «
j'ai
prononcé
Nous sommes
le
et,
à cette
discours suivant
entre écrivains
:
si
:
nous
parlions en toute simplicité, voulez-vous? Ce serait et
te
mps de gagné pour
de la clarté, »
la
du
Vous
des
Publicistes
chrétiens,
un
qui se trouvait déjà lourdement chargé
de travail
même
de l'agrément.
êtes venus chercher, pour présider
Corporation
homme
et peut-être
vous, pour moi,
et
de
de projets.
tracas,
d'années, et
Comment
ai-je
quand
accepté cette
DISCOURS AUX PUBLICISTES CHRETIENS. charge nouvelle,
si
honorable qu'elle soit?
61
J'ai
été touché de votre sympathie, et c'est d'elle,
avant toute chose, que je vous remercie.
hommes
Je succède à deux
»
qui furent, à
des degrés divers, les créateurs de votre œuvre, le
premier l'ayant fondée,
le
second
lui
ayant
permis de vivre, tous deux l'ayant beaucoup
Le premier s'appelait Quatresolz de
aimée.
Marolles
vieux
:
nom
par soi seul blasonné,
que portait bien ce mince gentilhomme, qui avait l'âme apparente dans le sourire sans illusion,
dans
et
yeux que
les
yeux pleins
d'amitié,
la prière habituelle, m'a-t-il
comme une
des
semblé,
eau pure, rendait plus
clairs. Il a
fondé cette corporation en esprit de
foi, et cette
marque »
doit
Après
demeurer à jamais
lui
aujourd'hui
le
capitaine
collabore en ce
moment
retranché de Paris, fidélité
la
la nôtre.
vint M. Victor Taunay,
il
faut dire
du génie Taunay, qui à la défense du
homme
énergique, dont la
et l'expérience furent précieuses
sauvegarde de vos traditions
ment de votre fortune
camp pour
et l'accroisse-
professionnelle.
C'est
grâce à lui et à notre cher Joseph Mollet, que le
Syndicat des Journalistes français a eu sa 4
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
62 part,
il
y a quelques années, dans de la Presse,
la Loterie
et
les
fonds de
que vous avez pu
blir votre caisse des retraites,
éta-
nécessaire aux
si
volontaires de cette profession qui n'enrichit pas
honnêtes gens... du moins jusqu'à présent.
les »
De même que
serais tout simple
demande
la
je
vous
ai
prévenus que je
dans mes paroles, je vous
permission de ne pas abonder en
compliments
et
bienvenues. Je pourrais citer
parmi vous beaucoup d'hommes en
les
très notables,
remerciant du concours qu'ils ont apporté
au Syndicat des Journalistes,
soit
au Syn-
soit
dicat des Ecrivains français, double institution
que
d'un lien tout spirituel, la Corpora-
relie,
ne
tion des Publicistes chrétiens. Je
Nous avons
d'autres besognes,
politesse, et la vraie amitié,
aux gens comment »
ils
le ferai pas.
et la
grande
consiste à dire
doivent servir.
Cependant, je ne puis omettre de prononcer
trois
noms, parce
qu'ils sont
pour nous des
symboles, »
Je dois saluer
le
R. P. Janvier,
le
grand
conférencier de Notre-Dame, en qui sont accor-
dées l'éloquence et la doctrine, et plus encore, puisqu'il
A-^eut
bien être l'aumônier de la Corpo-
DISCOURS AUX PUBLICISTES CHRÉTIENS.
63
nos réunions, nous parler
ration,
assister à
comme mêmes
à des amis, et toujours des questions qui sollicitent
le
plus notre esprit, et
accomplit un des préceptes qu'il
que, par
là,
étudie
la Charité; je dois saluer
:
il
Collin, ancien directeur
du Lorrain de
un de ceux qui ont combattu pour longtemps avant que
rentrerons;
guerre ne fut déclarée,
la
et
Afetz,
la F'rance,
un de ceux qui ont conservé nôtre nous
M. l'abbé
vous
la terre
mon
enfin,
où
cher
Bourget, qui avez été élu, hier soir, à l'unanimité, président de notre syndicat des écrivains, et qui lui apportez, le conseil et
avec votre
nom
glorieux,
l'appui d'un des esprits les plus
solides, les plus universels et les plus braves
de notre temps. »
Messieurs,
il
faut
que
cette
journée
soit la
première d'une période de grand accroissement
pour
les
deux syndicats,
et
que
les
jeunes écri-
vains catholiques qui se battent aujourd'hui
France, dans les tranchées, sur
pour
la chère
nos
vaisseaux et jusque sur les rivages de
l'Empire turc, puissent venir à nous^ en grand
nombre. Tous ne savent pas ici
qu'ils
trouveront
des groupements professionnels importants.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
64
déjà anciens, ayant leur organisation,
leurs
caisses corporatives, et cette force, précieuse et
joyeuse,
qu'est l'unité
de la
foi.
auront
Ils
appris, là-bas, la nécessité de la discipline;
ils
viendront, ayant compris que tout ne sera pas fini
avec la guerre, qu'il y aura des fautes à
empêcher, des malheurs à prévenir, une France nouvelle
à préparer, de vieilles discordes à
mourir de faim,
laisser
et
qui seront les der-
nières victimes de la guerre, les seules regrettées.
peu, de
la
Il suffit
de s'être occupé,
même un
propagande française en pays neutre,
pour comprendre
le
tique anti-religieuse
mal immense que
le
mais parmi
parmi
les
la poli-
a fait à la France,
seulement chez nous, et nous
même
non
nations,
et
non
savions bien, celles-là
qui ne sont pas catholiques. Tous, avec
fermeté, avec générosité aussi, nous travaille-
rons pour la grande paix intérieure.
Nous demanderons qu'il n'y ait plus de Français malheureux par la faute d'autres »
Français;
que
les
forces
du pays,
toutes
ensemble, soient employées à réparer les ruines, à soulager les misères, à faire une merveilleuse patrie
pour nos enfants. Nous dirons,
et les
DISCOURS AUX PUBLICISTES CHRETIENS. revenus de
jeunes,
nous, que tant
la
6S
diront avec
frontière,
d'hommes ne sont pas morts
pour nous rendre une patrie qui continuerait d'être affaiblie par ses divisions, partagée
en
oppresseurs et en opprimés. Et croyez bien
que nous serons soutenus par des pour
aussi,
Pensez à
»
effrayez pas.
nous
ces
nous
ne vous en
lendemains,
Non seulement nous
justice
la
de
aurons pour
notre cause et les alliés
nous amènera, mais
qu'elle
alliés,
la liberté.
les
sont guère les maîtres dans de
hommes ne
tels
boulever-
sements, et ceux que vous pourriez redouter n'ont qu'une puissance bien subordonnée.
quoi?
A
des hasards qui sont la Providence.
Le monde entier
sait,
de science très sûre, que
de l'Europe sera toute remaniée après
la carte la
guerre, pourquoi penseriez-vous que la carte
intérieure, celle des partis et des
ne sera pas modifiée? Elle
ment. Et déjà
les signes
quent point autour des
on voit » la
A
Ne
le
printemps
le
programmes,
sera profondé-
de changement ne manvieilles coteries,
fleurir
comme
autour des bornes.
cessez pas de faire appel à l'équité, à^
bonne
foi,
au sentiment de
la justice. 4.
Traitez
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
66
ceux que nous avons
comme
des
hommes
qu'ils n'ont pas
eus pour
adversaires
de qui on peut attendre ce
donné. Combien de ceux qui
avaient parlé contre la patrie se sont
pour
elle!
fait
tuer
Les épreuves communes sont de
y aura des âmes
grandes guérisseuses aussi.
11
nobles, qui n'avaient pas
compris, avant la
guerre, que nous pouvions les
aider et que
nous pouvions nous aimer.
Ne vous
»
Elles
fiez
pas aux petites habiletés.
compromettent sans rien obtenir. Elles
sont indignes de la grandeur de notre temps et
de celle de notre cause. D'ailleurs, vous ne vaincriez jamais l'impiété,
même
si
vous
le
vouliez, en hâblerie et finasserie. Affirmez notre
même
temps que notre bonne volonté.
foi,.
en
Ne
craignez pas d'aller jusqu'au surnaturel,
sans insister, mais sans fléchir. Je crois que la
peur de passer pour dévots nous a mal. Nous Il
faut
le
le
sommes, dans
dire,
sans
fait
bien du
cette corporation.
sermonner, parce que
nous ne devons pas cacher notre recours,
et la
force qui fait la faiblesse invincible. »
Et puis travaillons, aujourd'hui dans
peine, et
demain dans
la joie. »
la
L'ESPRIT DE FERMETE
11 Juillet 1915.
récemment,
J'ai dit ici, tout
que
patronages
les
et,
hommes
me
patro
écrit,
comme disent comme disent les
5n vérité, je
iur plaire,
)nne
habitués
de
la tranchée,
remercier d'avoir rendu justice au
»,
pat' »,
à
ce qui est mieux, au devoir.
beaucoup de soldats m'ont >ur
grand service
catholiques ont rendu
la France, en préparant des
aux sports
le
foi,
n'ai
plusieurs,
enfants de Paris.
pas eu l'intention surtout
mais de montrer,
une
jmps méconnue iblics, et qui,
ou au
aux
esprits de
institution
populaire long-
et suspectée
par les pouvoirs
au jour de l'épreuve nationale,
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
68
apparaît dans ses
fils
comme une
magnifique
pépinière de Français patriotes, disciplinés et débrouillards.
Il
importe que toutes
sources
les
Nous
d'énergie soient signalées et reconnues.
devrons puiser à chacune guerre sera
En
finie, et qu'il
hommes
les
faudra refaire
et
auront eu
qu'ils
quoi
fait
et
d'après
les petits vicaires,
rôle
le
ils
danger. C'est pour-
les enfants des « patros », les
jeunes, peuvent être
le
dévouement dont
le
preuve dans
je
groupements
les
d'hommes seront considérés auront
le pays.
que Dieu fera prochain,
ce temps-là,
l'espère,
lorsque la
d'elles,
fiers,
et
vieux
c'est
et les
pourquoi
revenus des tranchées
et
des
postes de secours, ne seront plus insultés sans être défen la rue
:
celui-ci
dus par quelqu'un du village ou de
Eh
«
se
!
dis-donc, toi?
battait avec
Où
étais-tu
quand
nous, et portait nos
blessés sur l'épaule ? Assez causé
!
File
!
»
Je n'ai pas tout dit sur ce grand sujet, et je
me
souviens d'avoir à peine indiqué un des
traits
les
plus heureux de
d'âmes jeunes Crucifix. Les
et
ces
groupements
venues de partout autour du
enfants n'y trouvent pas seule-
ment des camarades,
et
un directeur qui
est le
l'esprit de fermeté.
un
plus souvent
dévoué
à Paris et en province, tain
quelquefois
prêtre,
non, dans tous
:
les
uns
ses conseillers
sortis
un
liiïc
grands patronages,
les
rencontrent un cer-
ils
nombre de jeunes hommes
murs,
69
d'hommes
et
du patronage
et
naturels, les autres
devenus
attirés
du
dehors, étudiants, avocats, médecins, employés
de banque ou d'industrie,
vement de sympathie,
la
artistes,
qu'un mou-
douleur de deviner
haines imméritées, et par-dessus
amènent vers
d'apostolat
ce
les
tout l'idée
jeune
peuple
inconnu. Ah! quelles amitiés se forment
là,
entre ceux qui s'ignoraient la veille les uns les autres,
que de préventions tombent,
la fraternité cesse vite d'être
devenir une joie intime, difficile
et
comme
un discours, pour à acquérir,
difficile
à conserver, mais précieuse et qui rend
acceptable
même un
long sacrifice
!
Un
enfant
de faubourg n'a pas joué une heure avec un e ces riches,
I
éjà
la
défiance,
exprime
luttes
ou de ces prétendus riches, que avec
(exploiteurs,
de classes,
phraséologie
qui
ennemis du peuple,
etc.), lui parait singulière; le
euxième dimanche,
n peu plus
la
elle lui
paraît ridicule;
tard, elle lui paraît criminelle.
De
aujourd'hui et demain.
*
70
son côté, cet étudiant ou cet employé, qui
s'est
promis de diminuer la souffrance, l'ignorance
d'amener
et la haine, et, je dirais volontiers le
de Dieu, découvre chez
monde au royaume
ses
amis pauvres des cœurs bien aisés à gagner
avec de la noblesse, une intelligence souvent vive,
un goût de
la justice,
un élan vers
l'idée
généreuse, toute une humanité française, et des difficultés
et des
de famille
et
de travail, et des vertus,
lacunes, et des luttes, et
un sentiment de
solitude, parfois à faire pleurer.
ami, une
sorte
d'avertir,
et
parce qu'on
devient un
de frère aîné, qui a
de reprendre, le voit
Je viens de
Il
lire
et
le
droit
qu'on écoute
vivre et parce qu'on l'aime.
une
lettre,
adressée par un
de ces jeunes conseillers ou confrères de patronages,
comme vous
voudrez, aux
patronage des Malmaisons,
« petits »
et j'en
du
suis tout
pénétré, à cause de la beauté et de la fermeté de la lettre, et aussi à
cause de
la destinée qui a
consacré ces deux pages. Celui qui les a écrites,
André Bognier, 25
est
mort pour
la
patrie, le
avril.
C'était
un
nombre de
riche, et
un
riche admirable,
—
le
ceux-ci est bien plus grand qu'on
'
L 110
veut
ESPRIT DE FERMETE.
même
l'adoles-
émancipé
légalement
puis
cence,
Orphelin avant
le dire.
71
à
dix-
huit ans, maître de sa fortune, à l'âge oîi l'on
dépense pour
soi, lui,
mieux
11 faisait
et les soutenait
:
il
il
donnait aux pauvres.
les recherchait,
il
de cet encouragement
les aimait et
exemple dont, bien plus que d'argent,
de cet ils
ont
besoin. Car la plus grande pauvreté est de ne
pas savoir vivre. Ce grand jeune
veux bleus, rougissant son cœur, aisément de tous
les
arts,
vite
homme aux
aux battements de
aisément gai, épris
triste,
voyageur enthousiaste
et
songeur, avait, sous l'apparente mobilité de la
jeunesse, une foi solide, directrice et nourrie.
Comment
fut-il
amené
nage de
cette
paroisse
l'une
plus
des
à s'occuper du patro-
pauvres
de Saint-Hippolyte, et,
par conséquent,
l'une des plus attachantes de Paris? Je l'ignore.
y passa bien des heures; il y devint prompiment un homme. En 1913, il s'engageait. La juerrele trouva caporal. Blessé au cours de la retraite sur la
lu corps, battre
Marne, puis, dès octobre, revenu
nommé
aux
aspirant,
endroits
fô avril, étant allé
les
il
ne cessa de com-
plus périlleux.
Le
reconnaître, avant d'engager
72
aujourd'hui et demain.
ses
hommes, une tranchée ennemie,
frappé mortellement.
mort,
même
fut
de sa
recevait son brevet de sous-lieutenant.
il
Voilà
Le matin
il
de son rapide passage, que
l'histoire
résume
cette belle citation à l'ordre
l'armée
:
«
du jour de
André Bognier, sous-lieutenant au
12" d'infanterie
:
a
montré dans toutes
les cir-
constances dangereuses une force de caractère
une bravoure à toute épreuve. Alors que
et
commandant de tué,
la
seul,
est allé,
compagnie venait
le
d'être
une reconnaissance
faire
d'une tranchée occupée par l'ennemi, avant
d'engager
A
le
peloton qu'il avait sous ses ordres,
été tué. »
Et voici, maintenant,
la lettre, l'espèce
testament que, deux jours avant de mourir,
de il
adressait aux apprentis de l'Ecole de mécanique
du patronage, à ceux dont l'affection et, autant
que cela
il
avait conquis
se peut, pris les
âmes en charge. J'emprunte
qui porte en manchette
mum des
un
un journal tout
le texte à :
«
local,
Abonnement mini-
franc par an » et qui s'appelle l'Ami
Malmaisons
:
ESPRIT DE FERMETE.
L
73
Retour des Éparges, 23 avril 1915.
«
amis,
donc
est
Il
vrai,
— puisque
le
s'en plaint si fort,
journal de Saint-IIippolyte
—
négligents, et que les
sur le »
jeunes gens mes chers
monde ne vous
que vous
êtes légers et
événements qui pèsent troublent pas?
Je n'en suis pas surpris
:
ceux qui se battent
sont parfois étonnés d'être au feu depuis
longtemps
est
il
;
normal que
semblent pas plus longs qu'à eux-mêmes la
guerre
un
pour vous qui ne
soit,
état de choses
si
mois ne vous
les
et
que
la faites pas,
auquel on s'habitue
et
qu'on
supporte aisément... Et puis les illustrés sont
pour beaucoup dans votre insouciance; vous en parcourez des piles tous représentent
guerre pas «
».
très
copain
Le
la «
guerre
comme
la
«
petite
poilu dans sa tranchée » n'est
différent, »
vous
les jours; ils
sur
images,
les
en promenade,
le
d'un
dimanche,
à
Nogent... »
Eh
fait ça,
bien! croyez-m'en, ce n'est pas tout à ce n'est
est dure, âpre,
même
pas ça du tout. La guerre
souvent horrible. C'est ce 5
qu'il
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
74
que vous sachiez...
faut
tinue
et
pourquoi
con-
elle
.
En somme, nous avons fait notre devoir, et nous sommes vainqueurs. Les Allemands ont »
envahi
Nord de
le
la
France, c'est vrai; mais
ont été refoulés à la Marne; Paris leur a
ils
échappé;
n'ont pas pris Calais; leurs efforts
ils
sur l'Yser sont de gros échecs. Et, depuis deux
nous marquons des points
mois
Nord, en Champagne, en Meuse,
:
dans
le
encaissent
ils
sans répondre. Alors, pourquoi ne pas cesser la guerre?
»
Pourquoi vouloir affirmer notre
Pourquoi tendre vers lointains peut-être,
et qui
Pourquoi de nouveaux
offensive?
les résultats décisifs si
seront
si
coûteux?
ou mieux
sacrifices,
:
pour qui? »
Eh
bien
!
jeunes gens,
nous luttons. Lorsqu'un
mon
côté, je
fait
la Patrie,
homme
s'écroule à
mais un
sacrifié
lui
pour
de France. Je répète que nous avons
notre devoir. Pères de famille ou jeunes
hommes nous ne voulons ans
pour vous que
ne salue plus seulement en
un défenseur de les enfants
c'est
la
puissance
pas que
allemande
d'ici
vingt
renouvelée
et
ESPRIT DE FERMETE.
L
75
maniée par une main plus habile vous humilie sous sa botte, » C'est
et
vous écrase sous sa
ferraille.
pour vous que nous vivons au milieu
cadavres, dans une atmosphère empestée;
(le
pour vous que nous creusons
nous veillons jour avons vieux être, »
et
et nuit,
pour
soif,
vous
la terre et
que
pour vous que nous
que
meurent
nos meilleurs camarades,
nos
et que, peut-
nous allons mourir.
Que nous devez-vous en retour?
banal
devoir de
Est-ce
un
reconnaissance? Est-ce un
merci que beaucoup n'entendront jamais? Non!
vous nous devez un pays meilleur que celui que nous avons
laissé;
vous nous devez votre vie de
travailleurs, d'honnêtes
Nous
» lais li
»
a peur!
de chrétiens.
cette paix de l'égoïste qui jouit et
Sans
cela,
malheur sur vous!
n'est ni notre rôle ni notre
us indiquer
la voie.
Des
de vous, Dieu soit loué Svangile, et «
et
luttons pour que vous ayez la paix,
non pas Ce
gens
pour vous
que celui qui a des
entende
!
heure de
prêtres sont restés !
pour vous ouvrir
le lire.
oreilles
Écoutez donc,
pour entendre,
» »
ANDRÉ BOGNIER.
»
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
76
Remarquez
mù
qui parle ainsi est utile;
être
la
et
par l'amitié;
grandeur du
France même,
L'homme
fermeté de la leçon.
la
sujet,
conscience de dire la vérité
la
la
sans
même
l'autorité. Il
en use
l'avoir voulu. Il est ce qu'il doit
moment
être, à ce
le voisi-
mort, qui affranchit des timi-
donnent
dités vaines, lui
veut
qui est la
de ne parler que de ce qu'il voit,
nage deviné de
il
de son histoire, à
de l'histoire de France,
lui. Il est
et
un des témoins qui
peuvent dire impérieusement à-des jeunes gens
non exposés au
feu
:
«
Taisez-vous! La France
qui se bat est magnifique! Elle vous sauve!
Tâchez de comprendre! Cette fermeté-là,
nous
» la
retrouverons bientôt
ou dans quelques mois, mais nous
la retrouve-
rons chez les Français vainqueurs du Boche. Elle est dans la race, lités
comme
tant d'autres qua-
avariées par la politique intérieure. Elle
appartenait à nos pères, qui avaient la réputation
de
parler
besoin. Les
fils
vertement quand
vont
s'y remettre.
il
On
en était les en-
tendra penser tout haut, et défendre ce qu'ils
aiment. La guerre aura refait leur éducation. Ils
auront
la fierté
des victorieux
et,
pour avoir
L
souvent
et
ESPRIT DE FERMETE.
longtemps bravé
de petites incommodités de sent à d'autres des dangers. accepte,
c'est
la
77
mort,
la vie,
Un
le
mépris
qui parais-
sacrifice
qu'on
du courage qu'on amasse.
Ils
seront des forts, et nous verrons enfin, dans les villes et les villages, ce
qui se faisait trop
rare avant la guerre, ce qui est l'honneur d'un
pays, la promesse de son avenir, la condition
de toute liberté
:
peur des hommes.
des
hommes
qui n'ont pas
LES PERMISSIONiNAIRES
22 Juillet 1915.
On
les voit,
depuis quelques jours, dans les
rues de la ville, chef-lieu de département ou chef-lieu d'arrondissement. ils
ne se promènent pas,
mense
les égaille et les
les voit passer,
a fait faire
cache
toilette,
des fiançailles.
et
et
fierté,
même
les
Comment
les
bourgs,
campagne im-
mais en la
ville
C'est
dont on
on
femme, qui
autant qu'on en peut
la fin des hostilités, et qui est
tente, et qui regarde de côté,
de
:
accompagnés de
un brin de avant
Dans
et la
comme
con-
au temps
une joie tendre, mêlée sait
bien que les voisins
passants prennent leur petite part.
voulez-vous qu'ils ne
soient
pas
LES PERMISSIONNAIRES.
79
reconnus, ceux qui reviennent de la tranchée? «
ont
Ils
une fils
l'air
maman
du
monsieur
front,
»,
me
disait
qui suivait, traînant la jambe, son
médaillé et hardi. Souvent des sœurs, des
frères tout jeunes, des amis, font escorte à ce
Français qui était cultivateur,
il
y a un an, ou
employé, ou commerçant, qui revient
homme
de guerre, qui a défendu la France, couru de
grands dangers, souffert,
et
dont
la
tion est pleine de choses nouvelles.
ou
six
qui
ils
conversa-
A
eux cinq
barrent la chaussée, et les plus petits,
sont aux deux ailes,
quand
ils
veulent
parler et interroger le soldat, se penchent en
avant
font une voix pointue.
se
et
boutiques bien achalandées, chez
boucher,
animés
—
le
et
Il est
boulanger,
il
se
Dans
les
l'épicier, le
forme des groupes
de peu de durée.
donc revenu,
vot' gendre,
madame
Clérambourg?
—
Pour quatre jours, sans
navette.
—
Il
compter
la
est arrivé ce matin.
Doit-elle être contente,
pauv'
petit'
homme
qui a
la
dame!
—
Et
lui,
donc! Et puis, un
bonne mine, vous savez!
L
Il
n'a maigri
que de
aujourd'hui et demain.
80
comme un vieux cuir; il parle de la guerre comme s'il n'avait jamais fait que ça. Et un moral, madame Lamce qu'il fallait;
bert!
Une
il
bronzé
est
confiance! Moi, je
l'a
toujours
dit,
la victoire.
On
l'ai
que ces hommes-là gagneraient
nommé adjudant pour les coups qu'il a reçus
mais ça
—
n'est pas à dire qu'il n'en ait pas
Sans doute, madame;
ces sortes de gens-là sont
Elle dit bien
et
moi
!
que
je dis
bons à entendre.
madame Lambert
bons à entendre. Pour
donné
:
cette
:
ils
sont
raison, et sans
parler de plusieurs autres qui sont excellentes, le
commandement
a
sagement
fait
en per-
mettant aux combattants de revoir la femme, la
maison,
la famille,
aussi, a besoin d'eux. la
preuve que ces
et le voisinage qui, lui
De
divers côtés, je tiens
visites
sont,
pour tout
monde, réconfortantes. Certains craignaient contraire. D'autres,
parmi
seconde séparation. Quand on a eu de laisser son mari partir pour la
le
les plus intéressés,
maris ou femmes, redoutaient l'épreuve de
peut l'avoir encore, mais
le
le
courage
la guerre,
douleur de
la
on
la sépa-
ration nouvelle n'efface-t-elle pas toute la joie
d'un
moment?
LES PERMISSIONNAIRES. J'ai rencontré,
femme
petite
dans un train de
81 l'Est,
une
qui racontait à sa voisine, d'âge
moyen, maternelle
et attendrie, l'équipée qu'elle
avait faite.
— voir
Je reviens du front, moi aussi!
mon
J'ai été
mari!
— Mais,
madame, répondit la voisine, intéeffarouchée par les manquements à la
ressée et
ne se peut pas!
légalité, ça
y a
Il
les ordres les
plus sévères. J'ai vu, à la gare de Châlons,
femmes
plus de vingt jeunes
obligées de faire demi-tour,
Vous
Paris.
— Pas riorité
aviez donc
sur ces dames difficile
J'étais partie,
du
et
une autorisation?
:
je ne savais pas
que
de retrouver son militaire.
pour
village détruit
et n'avais
et
de rentrer à
plus petite. Mais j'avais une supé-
la
c'était si
interrogées,
point
le
où Jules
le
plus rapproché
habitait
une cave,
emporté qu'un permis du commis-
saire de police
de
mon
quartier de Paris. Car
je suis de Paris.
—
Ça
se voit bien
:
Madame
a
un
très joli
chapeau. Elle a aussi une manière de
Mais ça ne
— Je
dire...
suffit pas.
l'ai
compris. La guerre,
c'est terrible.
aujourd'hui et demain.
82
Un
peu avant
la
gare de
Z...
où
je devais m'ar-
commençais à m'inquiéter de mon
je
rêter,
personnage, et la preuve plus rien.
Une
vieille
c'est
que je ne
disais
dame, qui m'avait regardée
plusieurs fois avec une espèce d'indulgence de
grand'mère, votre mari,
me demanda « Vous ma petite dame, il n'y :
allez voir
a pas de
doute; mais avez-vous de la parenté à Z..., une
Alors je serai votre tante,
Non? Madame Demire-
mont
coupait son
amie, quelqu'un qui réponde de vous?
je ne
(je
ne
sais
pas
si
pas vu écrit)
l'ai
;
elle
n'oubliez pas l'adresse
du Tertre- Vert. Vous pourrez
17, rue
nom, :
l'oublier
aussitôt après; je ne prétends qu'à vous obliger. »
Le
train s'arrête; je descends,
—
paquet à la main,
— un
dedans!
au bureau
Nous
et j'avais
gendarme me
petit
mis du tabac
fait
signe d'aller
bout de
militaire, à l'autre
la gare.
étions trois, mais les
deux autres étaient
mon
tour, le lieutenant,
du pays. Quand ce
fut
qui n'était plus jeune et qui
cause de Jeunes,
cela...
quand
me
— Vous aviez ils
me
faisait
tort, ce
peur à
sont les
ne sont pas amoureux, qui
ont le scrupule des consignes...
nant
mon
considéra
—
le
lieute-
un court moment, sans
LES PERMISSIONNAIRES.
même «
83
paraître y prendre plaisir, et
Vous avez votre domicile à
monsieur
le
j'habite les
Z...?
me
dit
—
Non,
:
lieutenant, je n'ai pas cet honneur,
Batignolles, mais
une
j'ai
tante,
une femme excellente,
Madame Demiremont,
du Tertre-Vert.
— Bien. Gendarme, ça
17, rue
Demiremont, à
existe,
Z...? Oui?... Très bien.
Et quelle raison avez-vous, madame, d'aller
pendant
voir votre tante,
même, monsieur paix 11
:
me
ment
le lieutenant,
songez que
c'est
considéra, une seconde les épaules, et
me
Un l'ai
K
était alîaire
—
La
que pendant
une tante à héritage! fois,
la »
leva légère-
laissa passer. Je n'étais
pas encore au bout de
Preste
guerre?
la
mes
peines. Mais le
de finesse et de gentillesse.
soldat m'a aidé. J'ai prévenu Jules, et je
vu!
Quand
la
petite
dame
eut achevé son récit
qui n'alla pas sans quelques détails amusants, je
me
crus autorisé à lui
—
Eh
bien!
demander
:
madame, puisque vous avez
réussi, contre toute espérance,
vous pouvez
me
dire qui a raison, de ceux qui prétendent qu'il
vaut mieux ne pas se revoir, ou de ceux qui prétendent
le
contraire?
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
84
— Ah! monsieur, je pleure encore de l'avoir quitté,
mais
il
n'y a pas de doute!
Et, sauf qu'elle
que
ne pleurait point, je crois
l'avis était sincère.
SENTENCE PONTIFICALE
25 Juillet 1915.
Le pape Benoît XV, dans une
lettre
que
le
cardinal secrétaire d'Etat a écrite par son ordre, et
adressée au
ministre de Belgique près le
Saint-Siège, blâme et
condamne, ou plutôt
déclare expressément qu'il a
condamné
la violation,
déjà
blûmé
par l'Allemagne, de
neutralité de la Belgique.
Il
rappelle l'aveu
et
la
du
chancelier de Bethmann-Hollweg, et l'excuse
proposée
dans
la
séance
du
Ueichstag,
4 août 1914. Le chancelier avait dit
sommes dans
la nécessité,
connaît point de le
Luxembourg
loi.
et
et
la
:
«
le
Nous
nécessité ne
Nos troupes ont occupé
ont peut-être déjà foulé
le
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
86
territoire belge. »
désormais
il
Le pape
ne subsiste aucun
avait précisément en
vue
doute,
tice...
qu'elle pût avoir été
».
C'est là
un événement considérable,
conséquences immédiates,
qu'il
du 22 jan-
réprouvait hautement toute injus-
pour quelque motif
commise
ses
il
qu'il
cette violation lors-
que, dans l'allocution consistoriale vier 1915, «
pour que
déclare,
soit
soit
par
par celles
produira sans nul doute, lorsque
les puis-
sances traiteront de la paix et des réparations nécessaires.
une réponse aux calomniateurs qui
C'est
auraient voulu faire croire que rait indifférent et
pape demeu-
neutre devant l'injustice, et
réprouver
qu'il hésitait à
le
les
abus de
la force
érigés par l'Allemagne en doctrine d'Etat. C'est aussi
comme
un
l'a dit le
fait
magnifiquement
losophie de Louvain,
moi
le
isolé. Car,
président de l'Institut de phi-
Mgr Deploige
:
« Citez-
chef d'Etat neutre qui ait osé protester
contre ces doctrines? »
Benoit
XV
l'a fait,
prédécesseurs, la lettre
que
selon la tradition de ses
et, s'il l'a fait
explicitement dans
je viens de citer, la
condamnation
SENTENCE PONTIFICALE. implicite et certaine n'en a pas
mulée
six
les autres
mois plus
87
moins
dès qu'il a jugé que
tôt, et
excuses invoquées par la diplomatie
allemande n'étaient que des sophismes celle-là,
été for-
ou que des apparences sans
comme
réalité.
Le
coupable, c'est-à-dire l'Allemagne, ne s'y est pas trompé un seul instant, ainsi que je fait
observer,
ici
même, dans un
de Rome. Tout de suite
ment
et
elle a protesté,
la
et
il
est certain
sentence renouvelée et solennelle, quand
elle sera
les
vive-
par ses ambassadeurs
inutilement,
auprès du Souverain Pontife,
que
l'ai
article daté
connue en Allemagne, troublera toutes
consciences que
le
Deutschland ûber
n'a pas éteintes. Jusqu'à
sauvage de n'étant pas
la
ailes
présent, l'agresseur
Belgique avait pu dissimuler,
nommé
:
il
ne
le
peut plus. Le doute
sur l'existence de la condamnation n'était pas très intelligent
:
il
est
désormais impossible.
Ainsi, le premier acte de guerre de l'Alle-
agne, son premier pas, son premier crime, est An condamné. D'autres le seront.
sympathie de Benoît certaine, déclarée,
XV
pour
Il
y a
la
plus.
La
France est
prouvée abondamment. Tous
ceux qui l'ont connu, lorsque, sous
le
Ponti-
aujourd'hui et demain.
88 ficat
de Léon XIII,
mêlé aux
était
il
affaires
politiques, se souviennent de la bienveillance
que témoignait aux Français, mait librement, pour
et
du goût qu'expriet la civilisa-
l'histoire
du cardinal
tion de la France, le collaborateur
Rampolla. Depuis dans
qu'il
est
tourmente où nous vivons,
la
—
de montrer par ses paroles, dites,
—
et
prend
qu'il
il
et
n'a cessé
celles qu'il a
par ses libéralités, la grande part
aux
souffrances
a causées chez nous. il
devenu pape,
envoyait un don
Il
que
guerre
la
y a quelques semaines,
magnifique,
pauvre
lui
cependant, au Secours National. Peu après, une
aumône modeste, mais accompagnée
des plus
remise en son
affectueuses paroles, était
à l'évèque de Versailles, qui a fondé une
pour venir en aide aux soldats
et
nom
œuvre
aux familles
des soldats mobilisés. Plus récemment encore, le
pape
faisait
remettre cinq
mille francs
à
l'œuvre fondée pour venir en aide aux églises dévastées.
Les
hommes que
je
connais
le
mieux, que
j'estime pour leur esprit sûr et désintéressé,
ont rapporté de Rome,
avec
le
et
Souverain Pontife,
la
de leurs entretiens
même impression,
SENTENCE PONTIFICALE. la
même
certitude que j'ai eue
89
moi-même,
le
20 mars dernier, lorsque j'ai eu l'honneur d'être reçu par lienoît s'entretenir
XV. Un de mes amis
longuement avec
le
pape, dans
deux audiences, à quelques semaines valle;
un autre habite Rome
ment; un autre peine
:
l'a
a pu
et le voit
d'inier-
fréquem-
vu voilà quelques jours
à
tous m'ont redit les paroles les plus
consolantes, les plus nettes, les plus semblables à celles que j'ai entendues, et qui montrent
chez
le
pape non seulement
douleurs imposées à
gence de
la
France et
France, mais
la
mission de
prouver par des actes
pour
la pitié
la
France,
qu'il a
le
l'intelli-
le désir
de
gardé pour la
la prédilection traditionnelle
d'augmenter, dès qu'elle
les
des papes,
souhaitera, les
prérogatives qu'elle a tenues jadis de leur confiance. Il semble, lorsqu'on cause avec le
Sou-
verain Pontife, que les erreurs d'un passé récent n'ont pu diminuer l'affection que nous avions
méritée au cours de notre histoire. M. Fernand
Laudet
le constatait,
dans
le récit
d'une visite
qui date de quelques jours, et d'où tait
il
rappor-
des réponses d'un tour heureux,
comme
celle-ci
:
«
J'aime
la
France catholique sans
aujourd'hui et demain.
90
doute, mais je dis plus
:
j'aime la France tout
court. » Il
permis, je crois, sans audace et sans
est
irrespect, d'affirmer
pour
la
que
France, dans ce bouleversement et cet
inconnu des destinées, raisons encore que le
sympathie du pape
la
est
fondée sur d'autres
l'affinité
de l'esprit
que
noble. Le devoir
mouvement d'un cœur tout
de rester en relations avec
et
les
catholiques de
toutes les nations belligérantes, la volonté de
ménager le plus possible les catholiques aveuglés ou contraints d'Allemagne ou d'Autriche, n'ont pu empêcher cette
pape de juger
guerre formidable, son
lointain, le le
le
danger que
le caractère
de
objet secret et
ferait courir
triomphe du pangermanisme.
au monde
Ici, je
ne
fais
plus que supposer, mais d'après les plus grandes
vraisemblances
Comment
et
non selon mon
pape politique, qu'un pape conflits les
seul désir.
s'imaginer qu'un pape instruit, qu'un
du moyen âge,
italien ignore les
et quels tyrans furent
empereurs germaniques pour l'Italie d'autre-
fois?
Le danger
dominer
Rome
se renouvelle. L'ambition de et
par
varié. L'entreprise de
elle le
monde
n'a pas
domination universelle
SENTENCE PONTIFICALE. qui
romain,
s'appelait le saint-empire
qu'il
ne
comme on
fût,
l'a
91
bien
ni saint, ni
dit,
empire, ni romain, a simplement changé de raison sociale et se
nomme aujourd'hui l'empire Ce sont
d'Allemagne-Autriche.
arment
instincts qui
écrivain
même
le
chrétienne
civilisation
hien
et
les
mômes
sang contre
d'esprit
peu favorable à
clair.
la
Un
papauté,
la
l'auteur de l'Essai sur l'Histoire r/cnérale, a dit
de ces longues violences contrel'Italie ancienne «
Ces princes tranchaient tout par
:
le glaive...
Les Italiens n'obéissaient jamais que malgré
eux au sang germanique... Si
empereurs avait duré,
les
que leurs chapelains,
et l'Italie
Pensez-vous que de
tels
qu'ils
cette autorité des
papes n'eussent été eût été esclave. »
souvenirs s'eiïacent?
ne reviennent pas d'eux-mêmes, quand
on voit
les intrigues
allemandes en
l'Allemagne déjà établie, la veille
de
la guerre,
comme
dans
les
et
Italie,
elle l'était
à
pays qu'elle
voulait envahir?
Le passé ne donne cependant qu'une idée incomplète nations. il
Il
de
la
lutte
engagée
entre
dix
y a dix nations qui se battent, mais
n'y a' que deux causes qui se heurtent.
On
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
92
toujours bien défini ce combat sans
n'a pas
Les apparences peuvent tromper.
précédent.
Les devises ne sont pas toutes
écrites sur les
étendards; mais un instinct profond avertit la
jeunesse
qui
se
meurt ou
qu'elle
sacrifie,
s'expose à la mort pour une idée sublime.
même
soldats, «
peu
Nos
disent souvent
lettrés,
Nous combattons pour la liberté du monde.
Et cela
:
»
entièrement vrai. La France a con-
est
science que, dans cette guerre, et malgré ses fautes, et
ceux qui
malgré l'incrédulité de plusieurs de la
conduisent,
défend avec ses
alliés la
elle
qu'aucun
moment de son
traits
d'héroïsme
histoire n'en a
de plus nombreux ni de plus beaux; qu'elle
est très
combattre
et
et
cause de la chrétienté.
Elle se sent enveloppée de tels
représente
voisine,
elle
vu
pense
par sa manière
de
de se sacrifier, et par les mots
qu'elle retrouve, de ce qu'elle fut à l'époque
des croisades. Devant
elle, les
forces
ennemies
rappellent aussi, par la cruauté et par la haine
du nom
moyen
chrétien, ce que furent les Sarrasins
âge.
Haine
secrète, bien entendu,
du
mais
certaine, dans toutes les puissances de direction, soit de l'empire
d'Allemagne, soit de
la poli-
SENTENCE PONTIFICALE. tique autrichienne.
On
93
suit la procession
du
Saint Sacrement, mais on livre son empire à
non catholiques,
des ministres
l'Allemagne.
dent à
même
pénétrée, en
Or,
et ceux-ci l'inféo-
toute
est
celle-ci
temps que d'orgueil, d'un
mépris systématique du
d'un respect
droit, et
sacrilège de la force. Elle n'est plus
une nation
protestante dans sa politique et dans ses principes
:
elle est
Son
tienne.
païenne
;
menaçant
renaissant et
droit
elle est le la
public,
paganisme
civilisation
enseigné
chré-
par ses
hommes
d'Etat, ses écrivains
militaires, et suivi par ses
généraux à la guerre,
professeurs, ses
est aussi
qui
barbare que celui des peuples contre
Rome
a lutté, avant Jésus-Christ.
Ne doutez des
âmes
pas que celui qui régit
guerre
cette
le
monde
n'ait aperçu, avant nous, le sens de
universelle.
provoquée par e nouvelles
Toute
la presse irréligieuse
l'agitation
tombera.
calomnies seront lancées contre
e Souverain Pontife, elles tomberont encore.
Pour une
É
le
fois
présent, retenons ceci
:
qu'un pape,
de plus dans l'histoire, a
condamné
une grande injustice que pas une puissance
humaine
n'a réprouvée parce qu'elle n'offen-
AUJOURD HUI ET DEMAIN,
94 sait
que
le droit.
Le pape continuera
pape, et l'Eglise de prier pour
ne
soit
ennemis
pas abandonné ».
Et
il
ne
le
d'être le
lui, « afin qu'il
aux mains de
sera pas.
ses
L'IDEE DE
DUREE
29
Dans
le
exprimé,
même
Juillet 1915.
courrier, je trouve, trois fois
par trois
soldats,
le
même
senti-
ment.
Le premier soldat a répondu à son qui lui demandait quitter laine,
i
I
femme mais
:
«
Vous avez eu du mal
—
et enfants?
c'est
officier,
Oui,
pour eux que je
à
mon capime bats. »
Le second, blessé, a résumé ses vœux dans
line
pbrase que reproduit
Jeunesse
catholique
:
le
Bulletin
Repartir,
«
quelque chose de chic pour
la
et
France
de la faire
».
Le troisième, un enfant de Paris, un ap-
Irenti
d'hier,
écrit
à
un
vieil
ami
:
«
Nous
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
96
un second hiver sous
repasserons peut-être
drapeaux. Ce ne sera pas payer trop cher
les
la paix future et la liberté des générations qui
viendront après de
sacrifice et plus
ma
Je
nous.
vie
fais
d'avance
pour une France plus
grande, et aussi plus chrétienne
devra bien ça à Dieu, après
Remarquez-le
:
belle, :
elle
la victoire. »
se battent
ils
le
pour ce qui
doit survivre, les enfants, la France, les géné-
rations à venir. Ils ont l'idée de la durée. C'est
une de
démontrer, esprits et finie et
en
remettre
dans
que
celles qu'il
les lois,
faudra réenseigner,
honneur dans
les
lorsque la guerre sera
ses leçons seront encore présentes.
Elle a été chez
nous combattue ou méconnue.
Elle l'a été dans l'enseignement de l'histoire.
On
peut dire que de l'histoire de leur patrie
les
enfants du
peuple ont été instruits à
la
pu connaître,
et
le leur fait pressentir,
la
beauté morale très ancienne de notre pays,
le
manière pauvre. l'instinct
rôle de
Ils
seulement
la
n'ont
France dans
le
monde,
l'aide évi-
dente qu'elle a reçue de Dieu en plusieurs occasions, le patient
amour avec
ont acquis pièce à pièce
lequel ses princes
le territoire,
maintenu
L IDEE
DE DUREE.
les provinces, unifié les
cœurs. Par haine stu-
pide de la religion, des faits
conversion do la Gaule,
la
institutions
97
monastiques
immenses comme les Croisades, les
du moyen âge,
mission de Jeanne d'Arc, ont été omis ou
la tra-
vestis; la haine de la royauté en a dénaturé
ou
supprimé d'autres. Interrogez des enfants
de
plus belle histoire du
la
monde,
:
est resté
il
dans leur esprit quelques dates, l'horreur de féodalité,
quelques légendes sur
ancienne du paysan,
et
l'intérêt électoral, sur la
mps
1^ La
condition
des notions plus éten-
mais toutes politiciennes et dl dues, par
la
la
commandées
Révolution
et le
présent. faute
est
beaucoup moins aux
institu-
teurs,
qui ont suivi les directions et les con-
seils,
qu'aux
seignement
inspirateurs successifs de l'en-
public,
hommes
que de pédagogie. De
même
de
parti
les
enfants ne
avent rien de leur province, de leur eur bourg.
S:
l'a
déploré.
pour si
le
On
l'a
remarqué en haut
Le défaut de respect
passé de la France a paru
et si
plus
ville,
de
lieu
on
;
d'amour grand, et
fâcheux, que les principaux harangueurs de
l'Etat se sont mis, depuis plusieurs années,
6
à
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
98
célébrer toutes nos gloires,
même les
les impériales,
même
les royales,
un
signe, dans
et c'est
temps ordinaires,
qu'il se pourrait qu'il
y
eût un certain changement de méthode, et une
meilleure justice, après une décade ou deux.
Mais
la
guerre aura abrégé les délais.
C'est
tout de suite qu'il faut redonner leurs aïeux véritables à ces enfants dont les pères se battent, et souffrent, et parlent
en héros.
dront ce qui doit étonner
le
Ils
compren-
plus intelligent
parmi eux, comment nous ne sommes jamais seuls dans le bien, soufflés
par
mais précédés, entourés,
disent tout bas
Fais
«
:
aimeront encore mieux sauront, au lieu de est
le
aimée depuis des
libertés
même race, comme nous! »
qui
France, quand
ils
d'autres de la
publiques
la
Ils
deviner, que la France siècles.
Ils
auront des
une plus juste
idée.
Ils
auront constaté qu'elles existaient chez nous
longtemps avant d'avoir ce nom-là,
et qu'il fut
peint sur les murs. L'idée de durée n'a pas été moins attaquée
dans
la famille et
dans
les traditions familiales.
Elle l'est par le divorce qui est et,
particulièrement,
un grand mal
un grand mal ouvrier.
DE DUREE.
L IDEE
99
Elle l'est par les lois qui divisent fatalement l'héritage, et rendent
conserva-
la
si diflicile
tion des entreprises qui ont réussi, et obligent
à remplacer
le créateur
le chef,
de l'industrie
ou du commerce, par un directeur de société
anonyme.
Elle l'est par toutes les influences
qui détournent
le
fils
du métier paternel.
Influences presque innombrables, où l'orgueil, l'est-à-dire la sottise cipale.
Je
)aroisse
même,
tient la place prin-
hier dans le bulletin d'une
populaire de Paris,
très justes
t Ses
lisais
:
«
remarques
ces
Voici l'enfant sorti de l'école,
parents se préoccupent de le « placer ».
>ù et
comment? Grave
li'avenir
de toute une
résolution d'où dépend
vie.
Osons
le dire
:
peu
résolutions sont prises plus légèrement que
le
îelle-là.
L'important pour beaucoup de per-
lonnes est d'aboutir ss
indications d'un
rapidement. parent, d'un
On
suivra
ami, d'un
mrnisseur, de la concierge... L'essentiel est [ue l'enfant soit « casé » et qu'il «
Trop souvent, presque toujours, lire
continuer
père par
gagne
».
l'idée
de
le fils
sera tout à fait
absente de ces délibérations. Je
veux bien que
fintérêt
le
de cette continuation soit à peu près
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
100
nul pour certaines professions rudimentaires, auxquelles suffisent la force et la santé. Mais les
autres,
habileté,
toutes celles
un goût, une
ou beaucoup vidu
et
pays,
le
famille nouvelle,
sorte d'amour,
un peu
quelle erreur pour l'indi-
d'art,
pour
demandent une
qui
si
toujours une
c'est
un sang nouveau, un
esprit
sans atmosphère professionnelle qui entre en apprentissage! tal
A
chaqie génération, un capi-
d'expérience,
d'a^;titude
recettes de travail, de
compagnonnage
relations, se trouve perdu.
que l'enfant
et
de
Et pourquoi? Pour
grossir l'armée
aille
de
physique,
des porte-
plume, devienne employé de quelque société, habite la ville
ne l'habite déjà,
s'il
avant d'avoir atteint la retraite.
manuel
travail
France;
les
a
lois
beaucoup
meure
salaire
augmenté
du en
qui favorisent la condition
matérielle de l'ouvrier sont
peut dire que,
Le
et
nombreuses
;
on
relativement au paysan ou à
l'employé, l'ouvrier est un privilégié, et l'on sait la
dans
grande part que
la
les catholiques
ont eue
préparation de cette législation,
n'est incomplète,
que parce
qu'ils
ou fautive en certains n'ont pas été
qui
points,
entièrement
l'idée de DUREE.
Mais
écoutés.
Donner des manuels
enrichir
retraites
pas
n'est
ennoblir.
aux vieux travailleurs
pas honorer
n'est
101
le travail.
des comptes n'est pas l'organiser.
Il
Ouvrir
faut
que
le
maître ouvrier sente l'estime publique pour
le
métier;
il
faut qu'il puisse prétendre à des
même
dignités corporatives, et que
il
lui soit
permis, grâce au suffrage des compagnons et des témoins, de représenter la corporation dans
métier ne sera pas seulement
l'Etat. Alors, le le
gagne-pain,
pour
les plus
il
sera aussi
le
gagne-honneur,
braves et les plus persévérants.
La représentation des
intérêts relèverait sin-
gulièrement chaque métier,
et
engagerait l'en-
fant à garder la tradition paternelle. fit
pour Il
n'a
»et
lui et
serait
pour toute
la nation!
aisé de prouver que
que trop manqué à
la continuité
la politique française,
depuis longtemps. Je ne
voulu simplement
Quel pro-
attirer,
le ferai pas.
J'ai
sur cette condition
de toute prospérité, individuelle ou nationale, l'attention d'un
en ce
moment,
Dans un raire,
article
grand nombre d'hommes qui, au lendemain.
réfléchissent
que publie
M. Camille Mauclair
la
dit
Semaine
lilté-
avec raison que 6.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
102
de grands changements se préparent,
et
non
pas seulement dans la littérature, objet de cet article intitulé
à
croire,
Prévisions littéraires.
;
dit-il,
hommes, envers si
une
belle et
que
les
lesquels
si
de
milliers
le
« Il est
jeunes
pays contracte une
lourde dette d'honneur, exi-
geront, au retour,
mieux que des
fleurs, des croix et des discours
réformée... » Ils cherchent,
ils
voient ce qui nous manque.
:
galas, des
une France
interrogent,
Eh
ils
bien! qu'ils
songent à cette notion essentielle de la duréie, et
que, plus tard, lorsque des réformes seront
proposées,
ils
veuillent bien
défendre
avec
préférence, et imposer celles qui fortifieront la famille, le
souvenir
:
métier,
l'entreprise, l'alliance,
le
ce qui n'est pas sans nous, mais ce
qui dure plus que nous.
THEOPHILE BOUGHAUD VENDÉEN
12 Août 1915.
J'ai
communication, par un ami de
reçu
Vendée,
de
plusieurs
grandement
la
|ui
va loin
le la
et
France.
assurément,
cement de
famille
voisinage
[crites, et le
la
le
de
honorent
qui
celui
qui
les
a
plus proche, et l'autre
qui est tout Il
et
lettres
le
peuple chrétien
à été publié de belles lettres
nombreuses, depuis
le
commen-
guerre, qui venaient de pauvres
gens, et montraient d'une manière éclatante et délicieuse
indépendante
combien de
la
beauté des âmes est
l'inégalité
des
conditions.
Mais je ne crois pas avoir lu quelque chose
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
104
que
d'aussi parfait
les lignes
que je vais
citer.
Elles sont d'un domestique de Vendée, d'un
enfant de famille très
manqué
n'auraient pas
d'un ami de Dieu. Je
de mourir. de
Il
d'ajouter
comme
fais
:
de
Il
pères
sont vient
Bouchaud,
Saint-Philbert-de-Bouaine.
pour soulager
et
elles
eux.
s'appelait Théophile
la paroisse
Tout jeune,
pauvre, et nos
parents qui
les
avaient du mal à vivre, et pour faire l'apprentissage,
il
avait été gardeur de vaches, petit
une métairie,
valet de ferme dans
et,
un peu
plus tard, pour quelle raison, je l'ignore,
Vendée
avait quitté la
il
une place
trouvé
et
chez un commerçant de Nantes.
Mais
comme
à la ville
Vendéen de race pure en paroles
et
prêt à souffrir
pas la
mais
pour
la
comme
le
ce
déclaré,
âmes moins et
de récompense
est
temps
ne maudissant
les
comprenant,
la bénédiction.
qu'on m'en donne pendant
un chrétien
le fallait, et
s'il
elle l'épreuve suivie
éternelle
à la campagne,
en actions, sans peur aucune,
souffrance,
instruites,
était
Une
voyant en et la
quête
des preuves
que Théophile Bouchaud,
qu'il
servit à Nantes,
quelle que fût la fatigue du jour, ne
et^
manqua
THÉOPHILE BOUCHAUD, VENDÉEN.
105
jamais à l'usage qu'il avait de veiller toute une nuit,
chaque mois, devant
le
Saint Sacrement.
femme digne
de
lui,
Marié à une enfants,
il
père de deux
de ses économies et
avait acheté,
de celles de sa femme, une maison et quelques hectares de terre au Calvaire de Saint-Philbert-
de-Bouaine. Et
le
rêve était de revenir
ensemble, reprendre
là,
tous
plus beau et le plus
le
libre métier qui soit, celui de la terre, lorsque
guerre fut déclarée.
la
Théophile Bouchaud
s'est battu
onze mois.
de Bellacourt,
a été tué le 3 juillet, près
Il
dans le Pas-de-Calais. Et vous pensez bien qu'un être d'exception rité.
comme
Vous ne vous trompez
guet, dans la tranchée
cent vers
lui,
entendent
le
sur la ligne.
un
et,
;
mort par cha-
pas.
Il
était
de
deux camarades s'avan-
quand
sont tout près,
ils
ils
sifflement d'un obus qui arrive Il
y
a,
dans
la
Cachez-vous
ses
vite, les
muraille de terre,
pour deux hommes.
petit abri, tout juste
Bouchaud y pousse «
lui est
deux camarades
gars! » Lui,
il
:
reste
dehors, et l'obus, éclatant à ses pieds, le réduit miettes.
ten I
1
J'ai là, entre les
mains, plusieurs des lettres
aujourd'hui et demain.
106
homme,
qu'a écrites cet
qui n'est pas seule-
ment bien mort, mais qui n'ai pas la plus longue,
avait bien vécu. Je et je
ne
que
la cite
d'après copie.
Au mois fille
:
de mars,
écrivait à son
qui m'a été donné (je suppose,
que
lettre,
Pour
c'est
l'instant,
mais plus
fils
une Vie
livre
d'après
une
de Jeanne d'Arc).
ne vous intéressera guère,
il
quand vous
tard,
verrez là ce que doit être
comme on
et à sa
un
espoir de vous envoyer
J'ai
«
il
serez grands,
chrétien,
vrai
le
doit faire des sacrifices,
vous
même
très
grands, plutôt que d'engager sa conscience. »
Un ce
peu plus
qu'elle
tôt, sa
devrait
femme lui ayant demandé
faire
s'il
disparaissait,
répond par ces mots admirables
que je ne avant de
t'ai
«
Tu me
il
dis
pas dit mes dernières pensées
partir.
les voici,
:
Mes
désirs,
pour votre avenir,
que je revienne ou non
:
que mes
enfants soient de parfaits chrétiens; que toute leur vie, et le
aient pour but la gloire de Dieu
salut des
affaires
avec
ils
les
âmes
;
qu'ils
dirigent
leurs
temporelles pour les mettre d'accord premières.
Si je
dois mourir à la
guerre, et que la Providence daigne m'admettre
THEOPHILE BOUCHAUD, VENDEEN dans
le Ciel, je crois
les vois
que
je serai
loppe sa pensée, l'adresse
il
heureux
si
je
de la sorte. »
Dans une autre occasion,
et
107
il
à la
celle qui déjà est
de-Bouaine «
un
écrit
il
insiste,
il
déve-
véritable testament,
compagne de
sa vie, à
retournée à Saint-Philbert-
:
Ma
» C'est à toi
chère Marie,
de veiller à ce que nos enfants
soient plus tard des personnes fortes dans la foi.
Ne
leur parle pas de leur père de façon
gardent
qu'ils n'en
souvenir qu'avec des
le
yeux. Fais-leur comprendre,
larmes dans
les
bien
soient jeunes
qu'ils
ici-bas le
encore, qu'il y a
deux causes devant qui tout
s'efface
:
devoir du chrétien envers son Dieu, et du
Français envers sa patrie. C'est pour remplir ce dernier
que je suis
obligé de verser
mon
là, et si
un jour
sang pour
la
je suis
France,
comme si je le versais pour Dieu. Tu me dis que tu offres tes larmes au bon
c'est
»
Dieu.
Oh!
je
ne doute pas qu'elles ne
soient très agréables; mais
il
me
semble
lui
qu'il
serait plus content de te voir porter la croix
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
108
de séparation, par amour pour Lui, que de
te
voir la traîner dans les larmes. Sache qu'il est nécessaire d'avoir des croix pour aller dans le paradis.
meurs
Si je
»
à la guerre, qu'en souvenir
de leur papa, Marie prenne
bonne mort,
et
Joseph
mon
Christ de la
médaille des
la
Hommes
de France au Sacré-Cœur.
Aujourd'hui, premier vendredi du mois,
»
je vais
de
me
transporter en pensée dans l'église
Bouaine, pour assister à la messe avec
vous.
Que Joseph
et
Marie ne s'étonnent pas
de ne m'avoir pas vu
un
pilier. Qu'ils
je serai cac^i.3 derrière
:
prient
:
toutes ces prières ne
peuvent pas rester sans bien
même
résultat,
croirait-on tout perdu,
et, il
quand
faudrait
espérer encore. »
Remarquez, l'ordre, le
calme
Le précepte
cœur de
cet
dans
cette
et la plus
et le conseil
lettre
étonnante,
tendre bonté réunis.
évangéliques sont au
homme. Au moment
le
plus grave
de sa vie, loin de sa maison, menacé par
mort,
il
ne se trouble point
;
il
la
ne se trompe
ni sur l'essentiel ni sur la perfection; ni sur le
mérite du sacrifice, ni sur
le
devoir de suppli-
THÉOPHILE BOUCHAUD, VENDEEN.
109
cation, ni sur l'espérance qui doit naître
de
tant de prières envolées, et qui sera le dernier
mot de son testament. Placez cet
homme
du
tidiennes
devant
de l'obéissance,
travail,
charité, de la patience
plus forte raison,
il
les difficultés
:
quo-
de la
ne voyez-vous pas qu'à
saura se décider avec une
entière sûreté? Il est
une conscience formée
et claire, à qui
rien n'échappe de ses obligations de chrétien et
de ses obligations de Français.
son catéchisme
âme de Ce
et
il
l'a
vécu,
Il
a étudié
et voilà
une
toute grandeur.
qu'il dit,
dans cette page écrite pour sa
Marie, surpasse en sagesse, en pouvoir de consolation, en bienfaisance sociale, tout ce qu'il
aurait appris, en vingt années, dans les livres
qui forment la lecture ordinaire de la majorité des
hommes,
et
encore je suppose qu'il eût
été guidé.
Que peut demander un pays pour
être victo-
rieux, puis paisible et
heureux,
hommes pareils à celui
qui vient de nous parler?
Tous C'est
ces
morts
si
réconcilient
ce n'est des
les
vivants.
une des récompenses visibles de leur 7
110
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
sacrifice.
Il
faut
que
entrepreneurs
les
de
haines nationales ou locales tiennent compte
de ce
fait
:
à l'exception d'eux-mêmes et de
monde Une foule
leur personnel entraîné, le
a changé et
va changer plus encore.
de Français
aperçoivent la nécessité de s'entendre pour se
défendre ils
et
pour fonder. Dans
voient clairement que
saires,
du temps de
anciens adver-
les
sont souvent de
la paix,
bons camarades au temps
la tranchée,
de la guerre,
et
bien utiles; à l'arrière, les plus anciens, qui
ne
se saluaient pas toujours les
uns
les autres,
réunis aujourd'hui dans les ambulances, les
comités, les œuvres de toute sorte, éprouvent, à se rencontrer,
une certaine douceur encore
mêlée d'étonnement, France eût été plus vaillé
forte,
et
Il
la
tra-
y a eu
quelques préjugés. Que
aussi elle établisse la paix
!
et qu'entre » 3Iais la
cause de l'estime réciproque et de
commencée,
Que
«
nous avions
si
guerre nous en délivre,
liation
:
ensemble depuis quarante ans!
de grandes fautes la
pensent
et ils
la
nous
grande réconci-
ce sont les grandes vic-
times tombées pour la cause
commune. Les
paroles sont peu de chose, mais l'exemple est
THEOPHILE BOUCHAUD, VENDEEN. d'un grand pouvoir
émeut;
il
:
nous
attire;
IH nous
il
est vivant h tout jamais.
il
Aucun
être
doué de raison
capable de
et
noblesse ne peut refuser son admiration, ni
un peu de son amitié à des héros de France,
comme
Bouchaud
ce Théophile
d'autres qui l'ont
et
précédé dans
comme le
Lorsque
la paix intérieure sera rétablie,
celante
et
rétablie
cependant par
menacée
nous
éprouvés,
la
ouvriers,
victimes,
bourgeois,
«
Vous qui
ïtimé
des
nous
la
et
place-
de
protection
paysans, nobles,
pour chacun de nous,
mais
volonté des Français
croyons,
rons l'unité nationale sous ces saintes
chan-
pour longtemps,
qui
tant
sacrifice.
domestiques,
prêtres
tombés
nous leur dirons
:
avez, dans la longue épreuve,
camarades qui ne vous ressemen toute chose, mais
qui étaient
raves et qui aimaient la France,
nous ferons
laient pas
>mme »
vous, et avec amitié.
Vous qui avez
et qui
été des héros et des saints,
avez soulevé l'admiration du monde,
soyez les patrons de cette France réconciliée
en vous! Veillez sur l'union de la famille, qu'elle
ne meure plus
!
»
et
FAMILLES FRANÇAISES
22 Août 1915.
La méconnaissance de
la
France, par quel-
ques-uns des neutres, vient de
trois
premièrement de ce que nous avons
causes
:
été vaincus
en 1870, et de ce que la victoire, qui remettra
beaucoup de justice dans encore un
fait
monde,
le
n'est pas
accompli secondement, de fautes ;
politiques indéniables, que l'étranger considère
comme voulues ou acceptées
par
le
pays, tandis
qu'elles sont subies par lui; et, enfin, de ce
que
du peuple de France
fait
la meilleure
partie
moins de bruit que
l'autre, et
demeure ignorée.
Si vous parlez de la famille française à étranger,
même
bienveillant,
un
vous vous aper-
FAMILLES FRANÇAISES.
113
cevrez, à ses paroles, à son sourire
ou à son
silence, qu'il croit à la famille allemande, à la
même
famille anglaise, peut-être
à la famille
américaine, mais qu'il ne croit pas qu'il existe
encore une famille française. Cette pensée-là, je la devine servait,
se
dans ces
la
formule plus ample dont
jours
un journal
derniers,
catholique espagnol, El Universo,
dans quelle mesure
germanophile.
est
de bonne
foi;
magne
de
«
et
il
la
et
pour quelles raisons
Il l'est
l'est
traîne
que
avec restrictions,
par ignorance de
France,
Notre germanophilie,
la crainte
expliquant
la défaite
qu'il dit-il,
il
et
l'Alle-
prétend juger. consiste dans
de l'Allemagne n'en-
une éclipse des idées d'organisation
et
de discipline sociales, qui sont la base de tout
progrès fécond, et dont
disparition,
la
selon
toute probabilité, favoriserait la révolution. »
Pas d'organisation, pas de et,
si
l'on pressait
famille et
:
un peu
discipline sociale,
les termes, plus
de
voilà ce qu'on reproche à la France,
pourquoi d'honnêtes gens redouteraient sa
victoire.
Je ne veux retenir de la réponse que ce qui
concerne
la famille.
Il
s'y
trouve une petite
H4
aujourd'hui et demain,
part de vérité. Oui, la famille a été attaquée
chez nous
et blessée
:
elle souffre
du divorce,
des mauvais conseils de l'égoïsme, de toutes
qui sont faites pour substituer
les tentatives la
tutelle
légitime des
politique à l'autorité
parents, et pour administrer la jeunesse
un
capital
flottant
qui
l'État
entravé
doit et
le zèle est
négligence de
maux? Une
le seul
étude,
et
la
court et sans cesse
préoccupations
les
Mais sommes-nous pareils
la
combattre l'ivrognerie
dont
par
anonyme; de
société
du respect; de
l'effritement
débauche,
de
comme
électorales.
peuple à souffrir de
même
superficielle,
de n'importe quel pays étranger, ne permetelle
mêmes
pas de voir que les
corruption terre,
puissances de
du droit travaillent par toute
la
avec un succès plus ou moins grand,
partout sensible, pour
le
malheur des races
et
des individus?
En
France,
comme
partout,
les
premières
victimes, les plus nombreuses, des lois et des
menées
antifamiliales,
ce
sont
parce qu'ils ont moins de défense. être protégés,
leur
fait
ils
les
pauvres,
Ils
devraient
ne savent pas se protéger.
prendre pour une liberté
l'état
de
On fai-
FAMILLES FRANÇAISES. blesse morale
on
les
ment
menace,
les
même,
où on et
les
115
abandonne.
souvent
ils
Ou
bien
cèdent. Assuré-
armées
familles saines, conservées,
sont nombreuses dans les villes et dans
campagnes. J'en connais partout d'admi-
les
Cependant, parmi
rables.
que de
fois
j'ai
les ouvriers surtout,
souffert
de rencontrer des
familles désorganisées et défaites par les causes
que de
j'ai dites et
par l'éloignement, tout
mère qui
la
travaille,
elle
aussi,
le
jour,
dans
les
usines! Quelle imprévoyance ou quelle nécessité cruelle! le
souci
de
Que de braves gens leurs
premiers
bonheur même, parce
qui ont perdu
intérêts
et
du
qu'ils n'ont plus l'idée
des âmes, d'un avenir autre que l'humain, et
comme enfermés dans la misère savaient, comme ils briseraient le complot
qu'ils sont S'ils
!
qui tend à désorganiser la famille à faire d'eux;
mêmes, de
leur
femme, de
leurs enfants, des
poussières séparées; à détruire, chez eux, avec la
notion de leurs devoirs, la meilleure joie et
la
meilleure dignité, et
comme
ils
obligeraient
leurs délégués politiques à inscrire la famille
parmi
les droits
de l'homme!
Mais ce mal est bien loin d'être général. Ce
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
116
n'est qu'au théâtre et dans l'opinion des étran-
gers
mal informés que
la famille française est
corrompue. Dans l'ensemble, je
supé-
la crois
rieure à toute autre. Nulle part elle n'est natu-
rellement plus tendre et plus serrée. Nulle part l'intimité
Une
ne se prolonge aussi longtemps.
des preuves les plus nettes pourrait être fournie
par l'administration des postes. L'énorme cor-
respondance échangée entre nos soldats
et la
famille demeurée au village ou dans
ville
la
montrerait, aux plus sceptiques des neutres, la solidité
du
lien qu'ils croient si ténu et
ché. Je pourrais
des
citer
si
cultivateurs,
relâ-
des
menuisiers, des ouvriers mineurs, qui ne sont plus de la première jeunesse, dont les doigts
n'avaient guère l'habitude du porte-plume, et
qui écrivent tous les jours à leur
femme ou
à l'un des enfants; des jeunes gens qui n'ont
pas manqué, depuis treize mois bientôt, d'écrire
deux
fois
par semaine au père ou à
Demandez aux
facteurs
devenue pesante,
et
s'il
si
la
mère.
la boîte n'est
pas
y a beaucoup d'oubliés?
Lisez les lettres publiées dans les journaux, et
voyez
le
soin
que prennent ces soldats de
mettre bout à bout
les petites
nouvelles de la
H7
FAMILLES FRANÇAISES. tranchée,
un mot de bonne humeur, une
mation qu'on ne
sait
qu'on tiendra tant la
pas quand ça
et j'espère
que
même. » En mainte
finira,
mais
pour
finir,
qu'il faudra, et,
formule de courtoisie
:
Je
«
me
affir-
porte bien,
présente vous trouvera de
la
circonstance, au nord ou au midi,
à l'est ou à l'ouest, nous avons tous observé et
admiré plus
modèle,
la famille
émouvant que puissent
avec beaucoup de patience
chef-d'œuvre
le
et
bâtir les
d'amour.
le
hommes Où que
nous soyons, en arrivant dans un coin du
domaine
français,
est aisée
nous pouvons affirmer qu'elle
à découvrir.
harmonie,
Tout
s'y
rencontre en
la liberté et l'autorité, le respect et
l'abandon. C'est la grande fabrique d'honneur
où
la
France puise en ce moment,
et
que
la
guerre n'épuisera pas. C'est aussi, très souvent, la
grande source de sainteté. Celui qui a réussi
ce chef-d'œuvre n'a pas
lui-même, ni pour
Ieulement J'ai
et
est encore
un
qui en a
homme
infi-
digne de toute estime.
toujours tenu
comme une
sa vie, ni pour
la patrie, et celui
approché
rment précieux
manqué
injustice
comme une cette
sottise
et
manie, devenue 7.
aujourd'hui et demain.
118
moins fréquente, des romanciers,
feuilleto-
dramatiques, qui ne pouvaient
nistes, auteurs
rencontrer, sur leur route, un château, sans
y placer une famille inutile, toujours semblable ou à peu près, copie de copies anciennes, et
qu'on n'avait pas de peine à rendre déplai-
sante. C'est de la jalousie habillée de littérature,
proprement une
et
peu;
ils
importe
peuvent avoir leurs défauts,
comme
vous avez mais
tant qu'on voudra, le
les vôtres et
comme
sur quatre,
trois fois
ancienne
mauvaise action.
nom
Hobereaux
et attachée
au
j'ai les
les vertus,
rares
:
qui
ce
l'honneur,
sont une force
une
école,
je ne dis pas de toutes
mais des plus
est difficile, le
:
sont de race
s'ils
sol, ils
familiale, trop repliée sur elle-même,
méconnue ou aimée,
miens
désintéressement, l'accep-
tation des charges lourdes et de la vie effacée, le
sentiment
armes
et la
de
la
passion de la France.
que j'aime bien, qui sans qu'il y écrivait,
ait
Il
le
goût des
Un homme mais
n'est pas châtelain,
de sa faute,
le
comte de G.
ces jours-ci, d'une tranchée de l'Ar-
gonne ou de amis.
continuité,
la
venait-
Champagne, d'être
fait
à
l'un de
chevalier
mes
de
la
FAMILLES FRANÇAISES. Légion d'honneur,
et
119
de recevoir la Croix de
guerre, après des actes répétés de bravoure, et il
répondait à celui qui l'avait
suis
heureux de ces deux témoignages
qui diront à
mes
enfants que
modestement mais de mon de
félicité
ma
tions de
foi,
si
Dieu
Que
je
— qui
goûte cet
me « et
eux
et
ceux qui
dans ces
le veut,
soit
—
tradi-
venu de mes
bien suffisant »
et bien
pères. »
!
mieux
familles, défendons-les,
que nous ne l'avons
fait jusqu'ici,
ennemis déclarés, qui sont de la patrie; soyons très la
officiels,
de vaillance et d'honneur, qui
Gardons nos
après
Je
continué,
j'ai
sont à peu près Tunique héritage, suffisant,
«
mieux, les traditions
race. Cela les affermira,
naîtront d'eux,
:
les
contre leurs
ennemis secrets
fiers
d'elles;
et si,
guerre, quelque neutre, de plus en plus
bienveillant,
nous honore de sa
visite,
nous
le
présenterons à nos meilleurs amis, nous lui ferons connaître notre propre famille
de retour dans son pays, justice,
et
il
il
alors,
nous rendra pleine
changera de ton,
aurons changé de fortune.
:
comme nous
LE MORAL DU
«
FRONT
»
16 Octobre 1915.
Quand sera
tout ce que nous voyons à présent
passé,
ruines, les
et
que
hommes
la
se
aura couvert
les
demanderont, admirant
de nos soldats
force de volonté
la
vie
:
«
Que
pensaient-ils, ceux qui se battaient en 1914, et
surtout en 1915?
rage
si
Où
durable et
était le principe
beau?
si
»
d'un cou-
La réponse
n'est
pas indifférente. L'expérience de chacun peut contribuer à la former. J'ai
dans j'ai et,
regardé défiler tant de permissionnaires les gares,
dans
causé avec un
si
les rues, sur les routes,
grand nombre d'entre eux,
dans d'autres circonstances,
j'ai
rencontré
LE MORAL DU
«
FRONT
121
».
tant de combattants, plus près de la ligne de bataille,
que
les caractères
surtout
j'ai
cru discerner, par moments,
généraux de l'espèce. ceux
vieux,
les
de
les villes et les villages
reins tendus, les
avaient encore
l'arrière,
chez eux,
jambes
écartées,
Par
le sac.
comme
les s'ils
petites escouades,
souvent rapprochés dans ces jours où
très
pourraient être
«
égaillés »,
achètent
ils
ensemble du tabac, du chocolat, du brosses,
du savon;
tables des cabarets; tains
étalages. Les
ils ils
les font rire,
s'arrêtent devant cer-
rire bref.
de curiosité, moins qu'avant
demander
s'ils
les intérêts
le
de
la
ont peu
Ils
départ
guerre
:
on peut
sont vraiment revenus. Le les a
pas repris, en général
;
d'avenir ont cessé de les préoccuper
autrefois; ce n'est pas
Iomme n employé, jBpasse
des
estampes, les cartes pos-
mais d'un
goût du métier ne
fil,
s'asseyent autour des
tales qui représentent des scènes
se
mois,
marchent un peu penchés en avant,
ils
ils
14
dangereuse. Dans
plus
la
et
ont
c'est-à-dire de la vie
18 mois de campagne,
exceptionnelle
qui
regardé
J'ai
dans
un contremaître,
un comptable, un marchand qui le
quartier de l'usine, du bureau
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
122
OU du comptoir,
un
c'est
un
un
fantassin,
cavalier en permission.
On ne
peut en dire
tout à fait autant du cultivateur
encore un
indéterminé,
autour
et
pays.
sent,
le
il
qu'il
lui
âme au
bien
étrangers,
Pour
lointains
devenus des
il
on s'aperçoit
n'a pas rapporté toute son
l'incertitude de vivre
tous,
rend et
images de
les
la
dominantes;
et
les projets
dérisoires.
comme
Ils
sont
soldats.
L'un d'eux, dans d'admirables publiées
c'est
pour un temps et
demeurent présentes
guerre
:
paysan qui rentre à la ferme, mais
autre chose que paysan,
est
artilleur,
André Chevrillon, dans
Paris, a écrit
pour mériter
:
la
«
Je
fais
des
lettres la
qu'a
Revue de
vœux
ardents
grâce du retour, mais, à part
des petites secondes d'impatience bien humaine, je
peux
être
dire
s'est
présent. »
que
la plus
grande partie de
vouée à l'acceptation du moment Cette
ténacité,
que
les
admirent chez nos combattants
une
qualité
qu'elle est partie,
acquise,
voulant
dire
:
étrangers
et appellent
empruntée aux voisins,
qu'une qualité ancienne
au métier.
mon
surtout n'est,
en
l'application
Nous connaissons moins bien
la
LE MORAL DU
FRONT
«
123
».
constance dans les idées; beaucoup de petites
improprement
passions,
peuvent ne pas durer,
vrai
celui
que
le
dans
et la perpétuité
défiance nous est difficile été
opinions,
appelées
:
Français
mais
il
la
a toujours
de bonne
espèce,
qui n'a pas été contaminé par l'anar-
chisme, aime à bien faire ce qu'il sidère la « d'état,
bonne ouvrage
».
et
fait,
Ils
con-
ont changé
pour un temps qu'on voudrait bien
abréger, mais qui ne peut être très court.
Deux
permissionnaires à longue moustache gauloise, qui s'en allaient devant moi, disaient tu,
mon
d'être soldat.
Quand
il
sera
fini,
a qu'un.
—
C'est vrai;
faut, le faut bien. »
l'acceptation
choses
Vois-
on pensera à
en trouver un autre, mais à présent,
sommes
«
:
vieux, notre métier, maintenant, c'est
:
il
n'y en
est tous pareils; le
Mots simples qui expriment
d'abord, faut se
obligés
on
il
et
plusieurs
autres
battre parce que nous y
par la
loi
commune;
parce
que nous avons été attaqués injustement, aussi parce
et
que nous ne voulons pas que nos
enfants et nos frères jeunes soient soumis k
une épreuve semblable. Nous irons jusqu'au bout; mais qu'ils ne souffrent pas ce que nous
aujourd'hui et demain.
124
Que
menaces, ses
souffrons
!
espions,
son empereur ne troublent plus
l'ennemi,
ses
la
paix que nous achetons au prix du sang! Ainsi résolution, acceptation de la guerre
comme
d'un métier, d'une période qu'il faut
non pas seulement d'un accident
vivre et
d'un
effort,
compréhension plus ou moins nette,
mais générale parmi
les
premiers du
«
la solidité
de ce
à l'abri duquel tout ce qu'ils
aiment continue de vivre
vérité,
— de l'immensité de
engagée, assurance de
mur d'hommes,
— je ne
combattants,
dirais pas cela des civils, la partie
et
:
voilà les éléments
moral du front
»,
une grande merveille, parce
qui
est,
en
qu'il n'avait
préparé, et que ce sont les assises
pas été
mêmes
de la race, que
le
danger a mises
à nu.
Tout
le reste est
secondaire.
Mais dans ce peuple immense, qui frontière,
breuse
:
il
est notre
y a une élite singulièrement
nom-
âmes vibrantes qui comprennent
que d'autres soupçonnent seulement
et
ce
qui
aiment, mieux que d'instinct, la patrie; âmes enthousiastes,
âmes
religieuses. Et ce
point là des catégories fermées
:
ne sont
mais, par un
LE MORAL DU «FRONT». privilège auquel la
grandeur,
France doit en partie sa
plus frustes et les plus ignorés
les
peuvent tout à coup, dans
mort
et
pour
salut
le
ver, à travers des
le péril,
commun,
bel héroïsme, dire des
devant
la
s'élever au plus
mots sublimes, retrou-
années d'oubli,
les accents
des saints, devenir tout pareils à ces
et la foi
hommes dont nous apprenons livres
125
de
l'histoire,
le
nom
dans
les
sont l'honneur de
et qui
chez nous. Leurs actions d'éclat, innombrables déjà, n'ont pas le
seulement commencé de sauver
pays du plus grand péril qu'il
couru
ait
répétées par les journaux, publiées à travers
monde,
elles
ont rétabli
:
le
réputation de la
la
France que plusieurs causes avaient pu amoindrir; elles ont fait croire à
de ceux qui croyaient
la
plus.
son avenir plusieurs
connaissaient mal et qui n'y C'est
ce
qui
Kudyard Kipling, interprète
a
fait
dire à
ce jour-là
des
millions d'étrangers qui nous regardent, que,
dans cette épreuve sans seconde, vert la
Un
elle
a décou-
mesure de son âme. jeune écrivain dont
justement remarqués, aimés
les
débuts ont été
et
défendus, Jean
Variot, combattant d'hier, blessé, publiait tout
aujourd'hui et demain.
126
récemment
un mince volume.
de i9i5, où
j'ai
«
trouvé ce récit
Ce jour, où dans cet
Petits Écrits :
tom-
étroit espace,
baient sans arrêt tant de boîtes à mitraille, que, sitôt
montés à
la place désignée,
hommes
nos
revenaient un par un, et celui-ci portait ses
deux mains à et cet autre
ses yeux,
demandant
se traînait sur les
troisième voulait à boire, et
il
la
lumière;
genoux; fallait
et ce
tous les
remplacer, pour tenir. Alors, quand arrivèrent les renforts, l'un qui n'avait
qui
savait
très
comme les « Où que
c'est
habitude
bien ce
autres,
pas vingt ans et
qui
l'attendait,
lui
demanda tranquillement
qu'on doit se mettre?
séculaire
d'obéissance
»
:
par
d'hon-
et
neur. »
Voyez ces fragments de plusieurs m'ont
été écrites
lettres qui
ou communiquées ces jours
derniers. Elles furent écrites, les unes par des
hommes sans
ou
montrent
très
des la
cultivés, les autres par des arti-
ouvriers
vocation
différences entre elles?
de de
la la
terre.
A peine la forme.
ces cimes aimantées désignent le et,
Toutes
France. Quelles
Toutes
même
pôle,
remuées, secouées par l'humaine faiblesse.
LE MOHAL DU s'accordent dans
FRONT
«
sacrifice
le
127
».
dans l'espé-
et
rance.
Lettre d'un jeune gars de ferme, soldat du train des équipages «
:
Figurez- vous que, le soir, je m'arrête quel-
quefois à regarder la lune ou les étoiles, en
songeant que, peut-être, au
me
ceux qui
même moment,
sont chers regardent les
mêmes
points, et qu'ainsi nos regards se rencontrent. »
Lettre d'un sous-lieutenant à sa
femme
:
mon
moral, je suis en proie à un
sentiment de paix
et d'allégresse indéfinissable.
«
On si
Quant à
est
impressionné par
radical,
si
subit,
le
changement de
vie
mais on n'a aucune pensée
d'épouvante. Puis, on est unis tout d'un coup
par un sentiment de solidarité étroite, affectueuse,
qui va du plus grand au plus petit.
Pour ma tection
part, je
me
sens
si
bien sous la pro-
immédiate de Dieu, que
tranquille que peut l'être
bien, en ce
je suis aussi
un mortel. Dites-vous
moment, que votre mari
est à
un
poste d'honneur, et que dès aujourd'hui, c'est
un
vrai guerrier, qui n'a pas froid
encore moins au cœur.
»
Lettre d'un soldat philosophe
:
aux yeux,
et
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
128
Ah!
«
âmes,
réalité
la
ne
et rien
de
la patrie est
dans nos
comme
puissance
la fortifie
la
du sentiment d'immortalité qui y impie
qu'il serait
et sacrilège
est déposé,
de contrarier, de
diminuer ou de détruire. Ce ne sont pas des lieux
communs mystiques que
c'est le
quotidien
avec
souffrent,
ceux
renoncement
La
je
rapporte
;
sentiment exact né en moi au contact
ceux
pour qui
total,
combattent
qui la
guerre
est
et
un
une austérité continuelle.
qualité de leurs espérances est aussi
un
fac-
teur trop important de la France de demain,
pour qu'on
n'ait
pas
le
souci de les vouloir
supérieures. » Lettre d'un ouvrier de carrière «
Je
suis
près
d'Arras, à la
grande attaque de notre
d'une
fait
nos
la
Je ne puis
sans
soucis
ma
vie, si
heureux de donner
demande, pour
la
les
à la
petits testaments
entre camarades. Je m'en vais, matériels, très
on a
masques contre
Tous nous nous sommes préparés
mort; nous avons
Dieu
veille
part. Cesjours-ci
distribué des casques, des gaz.
:
France. »
lire ces lignes, et tant d'autres
qui
peuvent leur être comparées, sans que se pré-
LE MORAL DU sente à
trouvée
mon
FRONT
».
129
esprit cette formule
si
belle qu'a
jeune peintre que
le
début de cet
article, et
a publié les lettres.
en
Il disait
:
le
pire
pour obliger ;
on s'étonne de ce que l'àme peut trouver
soi,
Où
déjà cité au
noblesse humaine à se manifester
toute la
mort.
j'ai
dont André Chevrillon
probablement
« Il faut
alors
«
pour l'opposer à
la souffrance et à la
»
celui qui a dit cela, cet artiste qui
est-il,
voulait peindre, et qui était doué de tous les
dons de riche
si
ser
l'écrivain, d'une
que
c'est
que je ne
Je ne sais pas son
que ces
si
évidente et
une peine pour moi, de pen-
lirai
lettres
manière
peut-être plus rien de lui?
nom. Je ne connais de
écrites à sa
tendres, enthousiastes, d'un esprit déjà
d'un cœur plein de jeunesse.
mier
chant du
poème
lui
mère, ces pages et
a écrit le pre-
Il
futur
mùr
de la Grande
Guerre. Qu'on fasse une édition populaire de
que
ces lettres et
un
fils
admirable.
nous! Sur il
les
est porté «
après
la
un
France
les lise! Elle avait là
Puisse-t-il
contrôles
disparu
»
de
depuis
revenir parmi
son régiment, le
mois
combat dans l'Argonne.
d'avril,
Et tant
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
130
que je viens de célébrer,
d'autres, de cette élite
sont
disparus
comme
ou tombés
lui
pour
jamais! Si nombreux que nous disons souvent,
songeant
ceux
à
que
proches, nos amis s'en vont,
Eh bien
il
nous
aimions,
nos
ce sont les meilleurs qui
:
n'en restera plus!
bien! non.
souvent
Beaucoup survivront. inconnus,
de
nous
mêmes, ceux qui sont destinés nouveaux. Et
c'est lui
encore qui
et
sont
d'eux-
à relever la
Chaque jour en
patrie et à la refaire.
Ils
révèle de
le disait, lui
qui s'arrêtait de se battre pour décrire un soleil
couchant.
Comme
nos plaintes élite,
mère
s'était fait l'écho
et lui avait parlé
répondait
il
sa
:
«
de
des morts de notre
Dis à M... que
si le
frappe les meilleurs, ce n'est pas injuste
qui survivent en seront améliorés.
:
sort
ceux
Vous ne
savez pas l'enseignement donné par celui qui
tombe
:
moi
je le sais. »
«
TENIR
AUX CHAMPS
»
25 Octobre 1915.
Toutes celui-ci,
les fois
que, dans un journal
un écrivain
métier, surtout
s'il
traite
comme
une question de
parle de la terre, les répon-
ses lui arrivent immédiates,
nombreuses, pres-
santes, éloquentes souvent par leur accent de vérité et de soulTrance personnelle. J'ai dit
que nous aurions une
crise aj^raire
après la guerre. Tous les États en connaîtront
une semblable. C'est une conséquence
fatale
des guerres modernes, qui vident les fermes
encore plus complètement que faut la limiter, punir très
les ateliers. Il
fermement
neurs de mauvais conseils,
—
il
les
y en
don-
a,
—
aujourd'hui et demain,
132
soutenir les courages chancelants, faire
prendre
de l'abandon, aider les cultiva-
la folie
entre leurs mains
qui ont,
trices
faibles,
France
de la
fortune
principale
com-
sa
:
la
terre
labourable, son pain de demain, sa vigne, ses oliviers, ses bois,
son immense trou-
et tout
peau, et tout ce qui vole et picore autour des paillers.
Les toutes
lettres le
que
même
j'ai
reçues donnent presque
son. Qu'on nous soutienne!
Nousvoulons bien demeurer, nous devinons que, nous
nous quittons
la terre,
attendre, «tenir»;
nos enfants,
et
nous serons des errants
sans métier ni crédit, et que la flée,
nous accueillera mal
vons
suffire
au
si
:
ville,
déjà gon-
mais nous ne pou-
travail, et la terre
nous payant
moins bien, comment pourrons-nous payer la
redevance? Qu'il y
ait
cette
rude traverse, que
pas
sur
s'émeuve,
nous et
un arrangement, pour la
malechance ne porte
seulement,
que
la
demain sera meilleur,
charité et
nous
resterons.
Cela
femme
me
parait juste, en principe,
est seule à la
samment
aidée.
quand
maison, ou très
L'îine d'elles
expose
la
insuffile
pro-
«
TENIR
AUX CHAMPS.
»
133
blême d'une manière toute digne, émouvante et sensée. Elle est veuve. Elle vient de perdre
son mari à
la guerre.
«
Nous avons
loué, dit-
y a quelques années, une grande ferme en Normandie. Après une belle période de
elle,
il
travail, les
l'exploitation étant en plein rapport,
fermages payés,
part le reste,
la
guerre éclate,
premier jour de
mon
mari
mobilisation.
la
avec mes trois enfants très jeunes, à
Je la
tête de cette grosse exploitation, pleine d'en-
thousiasme
et d'espoir,
récolte est déficitaire.
commencement de et
«
le
travail
mari
au
tué
est
l'année. Malgré l'économie
qu'on a vues sur
sois
Mon car
excessif,
fles et les pailles
de courage aussi. La
les
suis
je
de celles
barges recevoir les trè-
nouvelles
bien que je
»,
me
mise à conduire nos chevaux, trop vigou-
reux pour être confiés à des
hommes
âgés ou
trop jeunes, et à charger les voitures, je perds,
en raison de
la
mauvaise récolte
mentations de salaires, plus de
et
des aug-
la valeur
de
mon
fermage. J'ai demandé une réduction au propriétaire
:
je n'ai
pu
l'obtenir.
A
présent, je ne
puis ensemencer en blé que les deux tiers des terres qui
devaient
me
donner des céréales. 8
AUJOURD HUI ET DEMAIN,
134
Donc
déficit certain
je reste,
le
pour l'année prochaine. Si
mon
peu que
Le
enfants sera englouti. est très
je ne quitte
forcée.
ma
ne m'effraie pas
:
j'y suis
demanderez avec
juste partage les pertes entre
loi
nos propriétaires
Pas tout à
cœur brisé
ferme que parce que
J'espère que vous
moi qu'une
le
ses
champs
travail des
il
à
laisse
dur à celles qui restent
l'âme en pleurs; mais
et
mari
et nous... »
fait.
Pas une
Mais qu'un
loi.
arrangement intervienne entre
les
uns
et les
autres. Les largesses de l'État, outre qu'elles
sont
faciles,
faites
par appétit de popularité
plus que de justice, et qu'elles suppriment le mérite, sociale,
pas,
c'est-à-dire
un élément
très
souvent, blesser l'équité. Qu'on se
voie et qu'on s'entende ces
!
Nous sommes
moments de grande
grande charité,
parler.
On
clergé
à
perturbation
celle qui n'est pas
mais d'aide affectueuse, pleine
les.
d'harmonie
manquent trop de souplesse pour ne un de oîi
la
d'aumône,
et difficile, doit
Nos pères ont connu des heures
pareil-
se souvient des dons volontaires du
ou de
la
noblesse, dans
guerres de jadis, pour
le
bien
les
grandes
commun. Et
«
TENIR
AUX CHAMPS.
»
135
combien de générosités ignorées, de conventions de
bonne amitié, en vue de sauver
les
familles rurales et de maintenir la charrue dans
remises partielles, adoucisse-
le sillon français,
ments, transactions, en
somme
paix intérieure, sans laquelle des agglomérations humaines
traités
pour
la
peut y avoir
il
et tout
un appa-
de civilisation, mais point de bonheur et
reil
même
point de nation. Le propriétaire ne peut
pas supporter tout
Une
le
dommage
de
la
guerre.
sorte de légende populaire, exploitée avec
soin pour tous les trouble-peuples qui ne man-
quent pas chez-nous,
le
considère
comme une
sorte de cofîre-fort vivant, à qui l'argent vient
on
ne
sait
l'impôt et
d'où,
même
prêter, avancer,
qui
doit
payer largement
tous les impôts, souscrire,
donner toujours,
et recevoir
par exception. Très souvent ce n'est que
ouïe
petit-fils
de gens de mince condition, qui,
à force de labeur et d'économie,
quelque
le fils
facilité
de vivre
dont
lui ils
ont laissé n'ont
pas
voulu jouir. Des accidents répétés de fortune,
ou de
législation, auraient vite raison de lui, et
ce ne sont pas les pauvres qui en hériteraient,
car c'est une
loi
du monde,
qu'ils n'héritent
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
136
de l'injustice. Mais les
jamais
fermiers
non
plus ne doivent pas être contraints de donner
quand une épreuve,
tout le loyer de la terre,
comme
celle qui passe sur nous, a réduit leurs
moyens,
la récolte et l'espoir
Qu'on s'entende,
chaine.
de l'année pro par l'aide
que,
et
mutuelle, la paix intérieure soit fortifiée
!
L'État doit aussi veiller à enrayer cette crise et,
ce qu'il n'a guère fait jusqu'ici,
il
doit diri-
ger les enfants qu'il élève vers la profession première, la plus nécessaire, la plus libre, celle
de
la culture
vent de roge
du
la ligne
sol.
de
demandent
Les paysans qui m'écri-
bataille,
que
ces
ceux que
j'inter-
fermes menacées
d'abandon, ces maisons en peine soient secourues
dès
mêmes,
à
ou
présent,
par
par les
quelques
fermiers
volontaires,
euxqui
reviendraient pour quelques semaines et remettraient en
ordre
les
cultures.
dans une étroite mesure, car d'abord la présence des
la
Et peut-être,
guerre exige
hommes, pourrait-on
dégarnir les services congestionnés de l'arrière et
de
l'auxiliaire.
Ils
demandent un emploi
plus aisé de la main-d'œuvre allemande ce qui n'est peut-être pa« souhaitable,
et
pour bien
TENIR
«
(les raisons. Ils
AUX CHAMPS.
»
137
expriment souvent leur regret
comme
avec une passion qui
me
dant dont
est datée des tranchées
«
Sous
le
la lettre
ravit,
canon qui gronde,
et
cet adju:
qui m'a jusquici
épargné, je reste, monsieur, un fidèle gardien
de
terre. Cultivateur, je suis
la
d'une famille de
douzième
le
grandi et peiné sur
treize. J'ai
cette terre, à laquelle pourtant je reste recon-
naissant, vieilli,
aux côtés de chers parents, qui ont
de sœurs
de frères que j'adore, et qui
et
pour ne former qu'une cause
se sont associés
commune aux jours de
labeur
:
bonheur,
le vrai
croyez-moi. J'ai passé par toute la hiérarchie
du métier,
et,
ces
faire. »
Tous,
méprisés.
On
pour
mais pour
même qués
:
y a quatorze mois,
belles
parais,
villes,
il
ils
mot
semailles que je n'ai
pu
se plaignent d'être a délaissés,
fait
des lois pour les ouvriers des
mineurs, pour
les
les
je les pré-
paysans?
»
les apprentis,
Une fermière
dit
y a des embusmais trouvez-en parmi nous? »
ce
significatif
Je ne veux pas relever trop aisé,
comme
le
:
le
« Il
propos
;
il
n'est
que
font journellement d'indi-
gnes Français, et en toute liberté, de provoquer les
guerres de classes
et,
après
elles, les 8.
guerres
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
138
de catégories. n'en
sommes
Il
y a un parti de
pas. J'indique
la haine.
Nous
seulement que
paysans sentent très bien qu'entre eux
les
et d'au-
tres le traitement n'est pas égal.
Sans doute, est
dans
les lois.
ne puisse être
Mais
ils
c'est
s'imaginent que
Et je ne dis pas qu'aucune
faite
et
loi
en faveur de la campagne.
un renversement de
qu'il faudrait,
remède
le
l'esprit politique
un rétablissement du sens
commun. Les
défenseurs, de moins en moins
nombreux, de
l'état
mœurs,
disent volontiers,
du médiocre que porte à garde
!
présent des choses et des
On
intérêt la terre.
a
fait
la
que «
quand on leur parle la
puissance publi-
Vous
péréquation
foncier! » Je n'y contredis pas la
n'y prenez pas
;
de l'impôt
mais
c'est
de
péréquation des citoyens français que nous
avons besoin. J'admets
chacun
ait les siens,
mérite,
et ils
les libertés
les privilèges;
mais que
selon son ordre et
s'appelleront de leur vrai
de métier. Que
son
nom
la culture et les
:
gens
de la terre soient honorés; que les écoles de
campagne ne détournent pas
les
métier magnifique; qu'on habitue
enfants du les fils
de
fermiers à être fiers de leur état futur, à aimer
«
TENIR
»
AUX CHAMPS.
139
leur canton, leur province et l'histoire de chez
entreront dans la plus grande
eux, par où
ils
histoire. Je
ne cesserai de
remède
la
répéter
à la crise agraire est dans
de l'enseignement. terre les
le
fils
maison
Il
le
vrai
une réforme
consiste à élever pour la
de paysans,
les filles
:
et
pour
le travail
de nos fermières.
de
L'ORDRE
i^ï"
J'entends dire parfois
ment qu'après gée?
la
elle est
«
:
Croyez-vous vrai-
guerre la France sera chan-
Assurément je
»
Novembre 1915.
le
crois,
et
déjà
même
changée
Les signes en sont nombreux, mais je dirai qu'ils
ne sont pas tous au
maturité.
Les
uns,
même
degré de
enveloppés encore dans d'une sève sans
ne
leur gaine,
pleins
jailliront et
ne prendront leur couleur qu'au
soleil
de victoire; les autres sont déjà
que, pour ne pas les voir,
il
éclat,
si
visibles
faut être aveuglé
par les préjugés ou par ce grand mal qui est refus
d'espérer
et
la
résignation
à
le
l'hiver
l'ordre. éternel.
141
Comment, par exemple, ne pas
être
frappé par la qualité des lettres et des confi-
dences
nous viennent des combattants?
qui
Qu'ils soient braves, le
l'admire. Mais regrettent,
ils
eux-mêmes, nous
cela
ils
réfléchissent,
ils
jugent
ils
entier le sait et ils
découvrent,
vie, ils se
la
jugent
deviennent des consciences,
et
un bien de grande importance
est
car à quoi
monde
servirait-il
:
qu'ils fussent braves,
ne défendaient qu'une patrie destinée à
s'ils
mourir de
Voyez tude,
la
paix?
cette lettre,
que
d'une
étonnante pléni-
si
trouve dans une petite feuille
je
paroissiale de Paris. Elle a été écrite par soldat, et je
un
suppose qu'elle est adressée, à
quelque directeur ou conseiller de patronage, par un camarade élevé, on va idées tout opposées
« »
ma
Je
me
faute.
Mon
dans des
:
cher camarade,
sens en désordre. Ce n'est pas de
Je croyais
que ce désordre la supériorité.
est
le voir,
même, avant
était la liberté,
Depuis,
peu de chose
j'ai
l'indépendance,
vu que
et qu'il faut
la guerre,
une
loi
la société
au-dessus
aujourd'hui et demain.
142
des conventions sociales. cet esprit critique tant
qui
ce
plus, cette liberté,
admirés par moi, voilà
perte ou plutôt les difficultés
la
fait
De
actuelles de la France. Alors je suis logique
ma
ayant offert il
faut
Et
mon lui offre mon
que je
de
l'intérêt
xie,
sang pour esprit et
:
la patrie,
mon
cœur.
nécessite une organi-
la patrie
sation des esprits sous une règle supérieure. »
J'ai
vécu
religion. Je
sans
foi.
élevé sans
été
ne suis pas baptisé.
mariage en dehors de peut durer.
J'ai
J'ai contracté
Tout
l'Église.
recours à toi pour
J'ai
cela
me
ne
guider
m'aider à porter remède à ce désordre. Je
et
me
défie de
moi-même, connaissant
la force
de
des sophismes libéraux.
Com-
prends-moi bien. Ce n'est pas seulement
la for-
l'habitude et
formalité de l'acte
du baptême qui m'importe.
C'est l'ordre intérieur. J'ai besoin d'une discipline,
devoir
me
de
séculaire,
rattacher
à
une
organisation
de servir. Je crois que
d'homme
et
c'est
mon
de Français, voilà... »
Cette lettre appelle plusieurs réflexions.
D'abord, par un
et
de toute évidence,
homme
elle est écrite
qui est dans le voisinage
diat de la foi chrétienne, et
que
la
immé-
logique et la
ORDRE,
L }5'énérosité
vérités premières.
Sans
baptême comme
phème
une
contraire,
cela,
d'une
involontaire, et
société est peu de
pour
faite
vidu.
le
et
et le
progrès de
demande
a vécu
il
que ce
qu'il appelait
faiblesse, Il
les
Il
:
qu'il
autour de
!
y a
lui, et
indépendance n'est que
comprend la nécessité d'une
extérieure.
il
vivait,
jugements
Société,
porte
lumière
la
Jusqu'à
la
mots n'avaient pas de sens pour milieu où
:
isolement et impuissance de servir.
aspire à l'ordre.
discipline
vie,
Effort
jusqu'ici.
Et j'admire ce qu'il aperçoit déjà
dans sa
des
force
la
dure à ouvrir, par où doit entrer
lui,
l'indi-
à son ami de
magnifique d'une àme sur elle-même
désordre en
au
est,
la famille primitive,
reconnaît
qu'il
sophismes dont
la
sent bien cette insuffisance
de doctrine, puisqu'il guider,
que
grande chose, nécessaire,
bonheur il
ne parlerait pas
chose, lorsqu'elle
très
Lui-même
il
« formalité », blas-
n'écrirait pas
il
née du développement de
le
jusqu'à
mais qui n'est pas instruit de certaines
elle,
(lu
esprit conduiront
son
de
143
la
les
il
guerre, ces lui.
Dans
le
entendait sans déplaisir
plus
insolents
contre
la
Famille, la Religion, la Morale,
AUJOURD'HUI ET DEMAIN.
144
l'Armée, tout au moins
il
goûtait l'ingéniosité
des paradoxes, et croyait élégant de ne pas se
prononcer lui-même sur
les
tiels, et de tenir à distance,
tunes,
les
avait
S'il
moqué
inoppor-
son service militaire,
fait
il
s'était
sans doute des règlements, du respect l'exactitude, des petites exi-
quotidiennes
gences
rompent le
comme
solutions qui obligent à l'action.
dû au grade, de
pour
problèmes essen-
la
et
innombrables
qui
volonté personnelle, et établissent,
bien
commun,
l'autorité
du
chef.
Com-
bien de nos soldats, dans les années qui se sont écoulées depuis 1900, n'ont pas compris
l'armée?
Ils lui
répandu dans
apportaient un esprit d'anarchie
la vie civile,
encouragé ou toléré
par les plus imprudents des chefs du peuple, et la discipline militaire la caserne, leur et
dans
l'état
de paix, à
parut une atteinte à la dignité
quelque chose de rétrograde,
disent. Aujourd'hui,
dans
comme
ils
les tranchées, ils
ont
découvert qu'elle est la condition de leur salut personnel et du salut de
que
le
la patrie.
début de leurs réflexions,
Et ce ne fut
et le
commen-
cement de leurs progrès. Brusquement
tirés
de
chez eux, sortis de l'illusion des choses quoti-
ORDRE.
L
monde,
(liennes qui leur cachait le
de longues veillées,
145 astreints à
se sont trouvés
ils
dans
les
conditions de recul et de solitude nécessaires
pour juger,
ont jugé ce dont
et ils
d'être séparés: la vie
ils
venaient
la politique,
civile,
le
métier, et leur propre famille, finalement, leurs actes depuis qu'ils ont
men
de conscience a fouillé
Sous sont
làge d'homme. L'exales
menace perpétuelle de
la
demandé
Ceux qui
:
Où
«
profondeurs. la
vais-je aller
mort, si
ils
se
meurs?
je
se préparent n'ont-ils pas raison?
Pourquoi personne ne m'a-t-il donné de moi-
même un
SI
plus grande idée qui soit ? Pourquoi
la
petit
nombre d'hommes
table esprit de justice? pas, sur le front,
plus, et la
pourquoi
la
ménages
ont-ils
appauvri
elle aurait
Est-il
besoin
donc possible
une morale sans autre appui que
hommes,
lia,
véri-
un million de Français de
les
prompte victoire?
d'établir
changer
un
Pourquoi n'avons-nous
France des enfants dont
pour
ont-ils
les
?
qui auront intérêt à la violer et à la
Non,
comme
je le
vois par
moi-même.
»
l'espoir de revenir de la guerre
importe
et doit
l'emporter sur la crainte de
lourir: «
Quand
je reviendrai, je ne supporte9
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
146
autrement; je
rai plus telle injustice, je parlerai
qu'autrefois
me
suis
mon
de
ferai plus
ne
estime
la vie n'est pas ce
:
même
le
usage
que
j'ai cru.
Je
la
vérité,
et
trompé. Je chercherai
déjà je la devine. »
Les aumôniers
que pour une des
C'est
esprits.
d'abord
et les prêtres soldats
la
hommes
les
ne sont
dans ce mouvement
petite part
qui instruit
nécessité
capables
de
réflexion;
c'est l'intime supplication de la France en péril c'est la plus terrible
;
leçon de choses que puisse
recevoir l'éternel écolier.
Ah
!
on
s'était
pourrait être le
vie,
luxe
humanitaires et voilà
imaginé que leur
trompée par
que, dans l'épreuve,
ils :
«
voulons l'ordre autour de nous
raisonnable Ils
cri
:
se sont relevés
L'ordre et
!
Nous
en nous
!
»
que puisse pousser un être
!
sont bien des milliers qui pensent de la
sorte, les uns dont
ou
la
lois
beaucoup de paroles vaines
tout à coup, et qu'ils crient
Le plus beau
de
bon marché, quelques
à et
soif d'idéal
le laisser aller
les
perdus
nous connaissons
confidences,
parmi
les
les
les lettres
autres silencieux et
combattants
:
hommes
l'ordre. d'étude,
hommes
147
de métier, tous renouvelés,
tous supérieurs par l'élan de l'Ame.
pas
besoin que beaucoup
cette
clarté
et
il
d'hommes
convaincus de ces hautes vérités, l'ordre avec
Or
et
soient
réclament
cette force,
qu'on puisse dire, en toute assurance
en France, quelque chose de changé.
n'est
:
Il
pour y
a,
LA Toussaint en alsace
9
J'ai
Novembre
1915.
pu entrer dans l'Alsace française
et
parcourir deux vallées de la Terre silencieuse et fidèle.
L'automne
est bien
avancé; déjà les
hauts sommets des Vosges commencent à être
poudrés de neige. Ce n'est qu'un décor. passe aisément. Mais
les
feuilles
On
des hêtres
sont tombées. Elles ont bruni, elles ont pris, sur les pentes, la couleur des vieux bois, et seuls,
dans
les forêts
de hêtres, de sapins ou
de chênes, les bouleaux lèvent leur lance d'or,
que commande, çà la
et là,
plus éclatante et large,
lance pourpre d'un merisier. Mais tout
reste
demeure
:
les lignes fines qui
le
descendent
LA TOUSSAINT EN ALSACE. vers
le
Rhin,
bleu des ravins,
le
149
des
le bruit
eaux, les détours innombrables de la route, et les
échappées sur
ferme au
la plaine,
avançant
toit
le
de rentrer chez
cœur
Nous Je
la
devinez
comprend-il
où nous sommes,
n'en
doutais
tout ce que
j'ai
la
moins
Je ne puis dire
visite.
qu'il faut
:
France, et
doute
J'en
vu, tout ce que
Mais je dirai ce
demander
lendemain?
et le
pas.
encore après cette courte
c'est
:
dans un pays dont
soi,
a été tout français, et de se
aime-t-il, et
l'heure
prés en talus.
et les
L'émotion nouvelle, vous celle
sur un village, une
j'ai
entendu.
pour qu'un peu de
l'émotion vivifiante soit partagé. Il
n'y a plus de frontière, plus de douane,
On vous
plus de passeport à montrer. « C'était là,
mais
le
poteau a été arraché
villages sont au travail;
dans
le reste
service.
de
la
pancartes
restaurant,
graines
».
:
Les
moins d'hommes que
France ont été pris par
le
Au-dessous des enseignes en allemand,
ou bien clouées sur des
dit
».
ont
les
été
maréchal
anciennes enseignes, posées
ferrant,
Les gens regardent
:
«
Coiffeur,
commerce de les visages
nou-
veaux; beaucoup saluent; des cavaliers bros-
aujourd'hui et demain.
150
attachés à la boucle des
sent leurs chevaux
murs; on n'entend guère
canon;
le
les pre-
mières pentes des Vosges ont été conquises, en
comme
août 1914,
l'avait été
toute l'Alsace
sous Louis XIV, presque sans coup
comme
premiers villages
les
villes n'ont point
les
front. L'Alsace
premières
commémore
villes,
sermon où sont rappelés
le
et le
souvenir des morts
dogme de l'immense communion des saints, il y
fraternité qu'est la
et le
cimetière.
Je
étaient là,
ou peu
tante, et,
que
pense
quand
tous
les habitants
Sur deux rangs,
suivaient la route
ils
mon-
furent groupés dans l'en-
ils
du cimetière,
je
comptai
au moins quinze cents, dont
hommes. Dans
a procession au
s'en faut.
récitant le chapelet,
des
loin
ses défunts le
jour de la Toussaint. Après les vêpres
ceinte
et
de ruine.
Je choisirai une de ces petites
du
férir,
qu'ils étaient
la moitié étaient
l'allée centrale, des vases,
pleins d'eau bénite, avaient été placés, et chacun
des assistants prenait une feuille d'arbre, la
trempait dans l'eau, et ses proches.
de
soldats
Au
allait
bénir la tombe de
fond du cimetière, des tombes
allemands
et
d'autres
de soldats
LA TOUSSAINT EN ALSACE.
151
français étaient alignées, les premières conve-
nablement ornées,
amour, de tées
secondes décorées avec
les
feuillages,
de plantes vivaces plan-
en forme de croix;
la croix
de marbre du
Souvenir Français disparaissait sous
cou-
les
ronnes nouées de rubans tricolores. Tout en haut de cette croix, une couronne plus grande
que
les autres portait
Aux
«
:
libérateurs de
l'Alsace ». Les familles, agenouillées, priaient
autour des tombes;
le clergé,
aux quatre points
cardinaux, puis au centre du cimetière, chantait le
Libéra.
Dans
Ah!
les
résolus!
mêmes
les
jours,
j'ai visité
bonnes figures roses, Je
reconnaissais la
frondeuse, cordiale.
Ils
une
école.
les
yeux
et
race
guerrière,
comprenaient déjà
français. Ils se levaient avec
le
une promptitude,
un ensemble, une énergie, qui venaient de la discipline
— qu'on point, — mais
condamner en
ce
naient avec une rapidité,
ils
m*a raconté, partout où les enfants,
j'ai
ils
compre-
souriaient avec
une nuance qui étaient bien de
qu'ils
ne doit pas
allemande,
la
Gaule.
On
pu pénétrer, que
du premier coup, ont
été nôtres, et
montrent, pour apprendre
le
français.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
152
mieux que de
la
bonne volonté
un enthou-
:
siasme. Le A'icaire a ouvert un cours du soir
pour
les adolescents
hommes
m'a
avec
fois,
main,
lui
précipitent, et des les
chemins
considérable, Français reconnais-
dit
le
ils s'y
mêlent à eux. Dans
se
un homme sable,
:
que
les
gamins l'accostaient par-
plus grand sérieux, la casquette à la
demandant
:
N'y
«
aurait-il pas
moyen,
monsieur, un petit moment, de parler français? » Ils se
soldat.
sont mis, naturellement, à jouer au
Dans
la ville, ils
voient tantôt un régi-
ment, tantôt un autre. Immédiatement,
ils
se
griment en alpins, en fantassins, en dragons,
même et ils
en Marocains, en se noircissant
vont se battre, un drapeau en
la figure,
tête.
Contre
qui? Vous pensez bien qu'on cherche à défier les
camarades d'un village voisin.
prendre des mesures pour empêcher dégénérer. Les petites
nouée sur
la
tête,
filles,
un
Il
a fallu
le
jeu de
avec une serviette
tablier blanc et
deux
galons de laine, se costument en dames de la
Croix-Rouge,
et tous,
sage des officiers qui
garçons
et filles,
commandent
gnies en marche, se rangent sur
chemin
et font le salut militaire.
les le
au pas-
compa-
bord du
LA TOUSSAINT EN ALSACE.
1^3
Les générations un peu plus Agées n'ont pas cette exubérance;
beaucoup de
tact et
il
faudra, assurément,
de libéralisme, et un grand
respect des traditions, pour que l'unanimité
nous appartienne, dans un pays pendant quarante-cinq ans travaillé par des maîtres experts
dans
le
dressage. Mais l'Alsace que
ne diffère guère de celle que
longtemps
le
;
cœur
j'ai
connue
j'ai
est resté fidèle et
revue il
y
a
chaud
sous l'apparence réservée. L'expérience a été dure, qu'on parle seulement
si
quand on
est
en sûreté. Mais alors, quelle merveille de sensibilité et
de courage!
Une jeune femme Alsacienne de
la
devinant toute, m'a raconté
dans
l'entrée des Français
sentiment que
le
rencontrée,
j'ai
ne connaissant pas
vieille race,
mais
la France,
que
la ville.
c'était la race
Et j'avais
même
qui par-
lait.
«
Nous
étions au
jours, nous disions » Ils
un
:
«
Quand
viendront-ils?
ne viendront donc jamais?
gamin
maison. »
mois d'août. Depuis des
Il
tomber
arrive
en
lève les bras.
ma
»
courant Il
crie
:
Un
matin,
devant « J'ai
laissé
casquette à force de galoper 9.
la
!
Les
aujourd'hui et demain.
154 »
voilà!
»
de
—
Tu
la forêt.
»
les as
vus?
—
Je monte dans
les voyait très bien, à
Ils
descendent
le grenier.
On
cause du rouge. C'était
comme
des grappes de cerises. Le cœur nous
battait.
On ne
savait
les
fonctionnaires
là.
Une dame
coupa des
l'œil partout.
»
Vous
allemands
dans
Près
pas.
son jardin,
un Allemand
des
roses?
Mais
Nous sommes Français
offi-
ils
dit
:
Nous vous » Il voulait
ne reviendront
à toujours! »
Et, disant cela, elle était délicieuse tion, d'ardeur et
tous
encore
au premier
enverrons du Vergiss mein nichl.
parler des bombes.
:
la ville, étonné, content,
d'elle,
leur offrez
faire
étaient
dans
descendit
roses, et les offrit
cier qui entrait
«
comment
de jeunesse.
d'émo-
FAITS D'ARMES AU CAMEROUN
16 Novembre 1015.
Pendant que nos armées, retranchées en territoire
de France et d'Alsace, protègent la
ligne tracée par la victoire de la Marne, et pré-
parent l'offensive finale, d'autres troupes, françaises
anglaises, s'emparent
et
ment des
très
méthodique-
importantes colonies allemandes
d'Afrique. L'œuvre est avancée. Si l'Allemagne a,
comme
elle dit,
des hypothèques sur certains
départements français
et
sur la Belgique, nous
en avons de notre côté, sur sions
acquises selon la
les riches posses-
de nos ennemis, dont les unes furent
menace
et
le droit, les
autres arrachées par
cédées dans un
moment
de
fai-
aujourd'hui et demain.
156
Ce
blesse.
sont des milliers de kilomètres
carrés qui sont déjà, là-bas, butin de guerre, et
l'éloignement seul nous empêche d'apprécier
la
valeur de pareils gages, d'y songer
Les nouvelles détaillées,
même.
les récits, les
notes
de route, commencent cependant à nous parvenir.
J'ai
communication de plusieurs
eu
longues
lettres et
français
dans
le
ments curieux,
de carnets d'un combattant
Cameroun allemand. Docu-
qu'elle est partout la
âme
même,
montrent
qui
réconfortants,
bien qu'il n'y a qu'une
militaire française, et
que
méthodes
les
de guerre, en 1913, ne varient point selon latitudes, le
même
mais qu'on trouve, dans
que
la brousse,
adversaire terrassier, mineur, piégeur,
invisible, qu'en
même
les
Champagne ou en
officier insolent et dur.
cette insolence
On
Artois, le
verra aussi
tombe tout à coup.
La colonne, dont je résume bien rapidement la
marche,
était
colonel Brisset,
commandée par un de
le lieutenant-
ces coloniaux à la fois
soldats très braves, organisateurs, inventeurs
au besoin, pionniers de
civilisation,
qui ont
magnifiquement besogné en Afrique depuis un quart de siècle, et qui ne cessent de démentir
FAITS
ARMES AU CAMEROUN.
I»
157
silencieusement, victorieusement, par les actes, cette
calomnie d'après laquelle nous ne serions
Nous
pas colonisateurs.
le
sommes,
et
depuis
hommes
toujours, à condition d'employer les qu'il faut.
On
de Fort-Lamy, en octobre 1914
part,
deux compagnies
et
une section
montagne. Le but à atteindre,
d'artillerie
c'est
:
de
une mon-
tagne lointaine, où se sont réfugiés les Alle-
mands, venus de et
de
différents points
du Cameroun
de Kousseré, enlevée à
la ville
la
nette par le lieutenant-colonel Brisset,
baïon-
au mois
de septembre. Là, au pied de la montagne on rencontrera les Anglais, qui ne peuvent, n'étant pas en forces, tenter seuls d'enlever fortifiée
de Garoua.
Le 4 octobre, et
la position
remonte
le
la
colonne passe dans
le
cours du Logoué, à travers une
A
forêt épineuse.
onze heures,
elle s'installe
Kabé, gros village de pêcheurs. On guerre
:
Il
«
en
les
nombreux porteurs dans les cases,
banians qui ombragent
Nuit délicieuse,
lette les
est
à
faut établir des postes et loger les
troupes et les
ou sous
Chari,
notes
:
écrit le soldat
les places.
dont je
feuil-
nous nous endormons au son
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
158
de
musique des moustiques
la
seille
pas aux nerveux.
ne
je
:
la
con-
Le lendemain, étape
»
de 30 kilomètres, de Kabé à Karnak (comment ce
nom,
là?)
A
On
d'origine celtique, est-il traverse des
venu jusque-
champs de mil immenses.
Karnak, un détachement français
se joint à
avait là, naguère,
un sultan
l'expédition.
y
Il
noir qui n'était pas de nos amis.
Nos tirailleurs
n'ont point de patience pour leurs « Boches de l'intérieur ».
Un jour qu'il descendait la rivière,
au milieu de ses pagayeurs, croyant apercevoir sur la rive des Allemands victorieux, et qu'il criait
«Hoch! Hoch!
:
une
»,
balle l'étendit
raide dans sa pirogue. Depuis ce temps-là, les
Français sont très considérés dans la région.
Son
voisin, d'ailleurs, le sultan
qu'on appelle
Sâr
le
inquiété de ce
(oii ai-je
vocabulaire
subsistait?) n'avait point la
pour nos ennemis. Aussi,
Quand
à prix. tanat,
il
la
du Mandara,
lu qu'on s'était
et
que
même
avaient-il
le
doute
admiration
mis sa
tête
colonne entra dans son sul-
vint au-devant d'elle,
monté sur un
beau cheval, accompagné de cavaliers vêtus de rouge, rateurs
et
». Il
il
nomma
fit
plus, et
les Français « il
leur
offrit,
nos
li
bé-
à l'étape,
FAITS U les
cadeaux de
du
lait,
ARMES AU CAMEROUN.
la
bienvenue,
des œufs, du miel.
le mil,
11
159
des gâteaux,
voulut
même
faire
escorte à nos soldats bien au delà de sa capitale
en
pisé, et
il
put voir avec plaisir ses sujets, et
ceux de quelque Melchior ou Baltliazar voisin, apporter à nos troupes tout ce dont elles avaient besoin, converser avec elles, et manifester des
sentiments qu'il éprouvait lui-même pour nos
canons de 80, que traînaient des bœufs du pays.
La route dire
:
dure, ai-je besoin de le
fut très
chaleur terrible, à faire cuire la cervelle,
marécages où
les
chevaux
et les
bœufs enfon-
çaient jusqu'au poitrail, moustiques, serpents,
munis de coutelas
forêts d'arbustes
pons qui tailladent
les
vêtements
Mais tout doit être vaincu dans éléments
comme
et
de har-
et la chair.
la guerre, les
bataillons ennemis;
les
on
passe. D'autres renforts sont récoltés en che-
min. la
On
arrive au
montagne où
les
camp des
Anglais, près de
Allemands sont retranchés
dans Garoua, à 500 mètres en tout autour, est riche.
proximité du les
femmes
et les
camp
A
Le pays,
Nassarao, qui est à
anglais et du
travaillent
l'air.
camp
pour nourrir
français,
les troupes
porteurs. Je trouve, dans les notes de
aujourd'hui et demain.
100
mon
soldat,
ces lignes
tirailleurs est faite
:
L'acide pour
«
les
chaque jour par les femmes
et portée, la nuit, sur le terrain d'attaque. »
C'est qu'en effet, des
deux
côtés,
on
fait la
guerre de tranchées. Lentement, prudemment, les
troupes franco-anglaises resserrent l'inves-
tissement de la forteresse.
y a des recon-
Il
naissances, des essais infructueux de sortie
obtenu
résultat
est
celui-ci
:
du nord
est
Des mois
mobile
la force
allemande qui devait opérer dans
ou
Le premier
de surprise de la part de l'ennemi.
le
Cameroun
immobilisée dans Garoua. s'écoulent,
communiqués,
ils
et,
s'il
y avait eu des
auraient été conçus d'une
certaine manière que nous connaissons
de nouveau à signaler
»,
ou bien
:
«
:
«
Rien
Nos sapeurs
ont éventé une mine allemande et l'ont
fait
sauter ». Le principal événement fut peut-être 'arrivée d'une pièce de 95,
énorme
et luisante,
nécessaire pour emporter la place et qui, venue
de loin, à travers forêts,
d'un
la
brousse, les marais, les
voyage accompagnée de 400 hommes,
escadron de cavalerie
d'obus
et
des porteurs
et de vivres. Elle décide le sort de la
redoute allemande.
FAITS D ARMES AU CAMEROUN. Les obus de gros calibre entament cations de l'ennemi.
161
les fortifi-
Des incendies sontallumés.
Les Allemands répondent d'abord très vivement. La cavalerie française empêche taillement de Garoua.
Au commencement
juin, les tranchées d'approche
pendant
gagné
la nuit.
du
Le 10 juin, nos troupes ont
terrain.
comme
«
Les
du
montagne, la
les
le
parole ».
Des déserteurs
soldat.
noirs racontèrent que la peur est au les
marine
de
pièces
prennent ensemble
dit le carnet
ennemis, que
de
sont creusées
anglaises, les pièces françaises de
canon de 95
le ravi-
camp des
ouvrages sont démantelés
et
victimes déjà nombreuses. Cependant, on
ne peut encore donner l'assaut, trop grande,
et
la distance est
les mitrailleuses,
placées au
sommet des glacis entièrement nus, faucheraient nos troupes.
Tout à coup, à quatre heures de l'après-midi, le
drapeau blanc apparaît sur
le
point
G de
la
redoute. L'état-major des alliés se porte en avant.
Le
feu cesse. D'autres
drapeaux sont
hissés par les Allemands, à droite, à gauche,
partout.
blanc
De
notre côté, on n'a pas de drapeau
pour répondre au signal.
Un
officier
aujourd'hui et demain.
162
enlève sa chemise et la met au bout de son épée.
Un
parlementaire à cheval descend de
Garoua. C'est
nom du
au
Wanka,
capitaine
le
capitaine
des conditions de la capitulation.
que
les
quitter
qui vient,
von Crailsheim, Il
traiter
demande
troupes allemandes soient autorisées à
Garoua avec armes
aller oui
il
leur plaira.
et
Il est
bagages,
et
à
répondu qu'elles
doivent se rendre sans conditions, mais que ni les
Européens,
ni
les
indigènes
ne
seront
Le capitaine demande 24 heures
molestés.
pour répondre
:
on
lui
Une demi-heure capitulait, des
en accorde deux.
plus
tard,
la
forteresse
otages nous étaient remis.
Au
petit jour, le 11, les troupes franco-anglaises
pénétraient dans le village et dans les forts. vit
l'importance des fortifications con-
alors
struites par les
abris de
On
canon
Allemands, et
les tranchées,
les
de mitrailleuse, les trous de
loup garnis de lances. Nous faisions prisonniers quatre capitaines allemands et leurs auxiliaires blancs
et
noirs,
3 canons de 60,
nous prenions des
un canon de 37 avec
fusils,
bouclier,
10 mitrailleuses, des projectiles, 80 000 cartouches, des réserves considérables de mil et de
FAITS D ARMES AU CAMEROUN.
800 pointes d'ivoire.
sel,
quer
Comment
«
prétendu que
le
expli-
jusqu'au bout?
qu'ils n'aient pas résisté
Et qu'ils n'aient pas détruit
163
matériel?
des Europeéens étaient
les nerfs
tellement tendus qu'aucun officier ou officier n'était plus
intellectuel
ont
Ils
sous-
capable du moindre eflort
Mon
ou physique.
avis est plutôt
que ces gens-là ont bu trop d'alcool dont nous avons retrouvé en quantité incroyable.
et d'absinthe,
les bouteilles vides,
»
Aussitôt après la reddition de la forteresse, chefs
les
des
environs vinrent amicalement
rendre visite aux Français et aux Anglais. Les capitaines allemands furent et le
commandant de
emmenés au
loin,
peu après
l'escorte écrivit
qu'il avait hâte d'arriver à destination, parce-
que, sur le passage, les populations témoi-
gnaient une vive hostilité contre les prisonniers, qui s'étaient montrés
gouvernaient
le
sans
pitié
Cameroun, au
quand
nom
ils
de l'Alle-
magne.
Quant à
la
colonne française,
ne tarda
elle
pas à quitter Garoua. Le rédacteur du carnet
de
notes termine
sommes
ainsi
vainqueurs
,
son
nous
récit
:
«
sommes
Nous con-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
164 tents,
nous sommes disponibles. Demain nous
partirons,
anglais rages. »
selon l'expression d'un
facétieux,
camarade
pour de nouveaux pâtu-
LE BIEN DES AUTRES
25 Novembre 1915.
J'ai
entendu un permissionnaire qui
d'un cabaret, très animé, dire à son «
Tu
es
comme
moi,
rien et tu défends
pour leur bien! 11
ricanait,
le
toi,
mon
sortait
compagnon
:
vieux, tu n'as
bien des autres!
Tu
te
bats
»
en disant ce blaphème, content
d'étonner la rue, suivi d'un camarade qui ne
répondait pas, figurer le
et qui
compagnon
semblait être là pour passif des
mauvais gars
en marche. Je vous
ai
entendu avec douleur, Miron;
avec vos airs de chef
et d'orateur,
qu'un écho, à demi conscient
:
vous n'êtes
mais, pour
un
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
166
peu du moins, vous pas
n'ignorez
responsable
êtes
;
vous
complètement où tendent ces
mots-là, et vous vous obstinez à les dire, parce
que vous
êtes «
du
Tous
parti ».
autres
les
sont de France, uniquement. Vous n'êtes pas
mais d'une
d'une famille mauvaise, affaiblie,
tèle
diminuée,
comme
il
famille
y en a trop,
clien-
désignée pour les semeurs d'inimitié. Ah!
comme ils
savent bien que
humaine
est paresse
le
fond de
nature
Comme
envie!
et
la
au lieu de
étaient sûrs que vous répondriez,
si
vous
conduite
conseiller
disaient
:
le
méthode
l'épargne,
«
travail,
rude
la
et
ils
lente,
ils
et
vous
Jouissez et haïssez! » Personne,
autour de vous, ne vous reprenait; l'exemple
manquait
:
l'école
ne nous avait pas formé,
mais seulement rendu capable
d'augmenter
votre misère morale, en lisant ce qui était plus
mauvais que vous,
et, le
dimanche, vous vous
échappiez à bicyclette, pour courir les cabarets
borgnes de
la banlieue, tandis
que
le père, atta-
blé au plus près, croyait se reposer,
perdaitle droit de vous dire
Vous vous
battez
autres, dites-vouB?
:
«
D'où viens-tu?
pour défendre
On
quand
le
il
»
bien des
a cherché à vous faire
LE niEN DES AUTRES. croire, et
167
vous croyez à moitié que ceux-là,
seuls,
devraient se battre qui ont à défendre une maison, un
champ ou un
portefeuille, et qu'il s'agit
d'abord d'argent à perdre ou à gagner, dans
arme l'une contre
cette guerre qui
nations du
les
l'autre toutes
monde! Des journaux
et des
agitateurs secrets vous ont fait naguère cette injure de vous considérer esprit qu'on pouvait tise
énorme,
et
comme un
vous pousser à
vous ne vous en
si
pauvre
vous persuader d'une sotla
répandre. Et
Vous vous
êtes pas aperçu!
êtes cru très fort! Dites-moi, ces populations
de
— —
l'arrière,
et
pour lesquelles vous vous battez,
vous n'êtes pas, j'en suis sûr, un lâche,
n'ont pas que des propriétés
elles
:
sont
menacées dans leur vie, dans leur liberté, dans leur honneur.
des faibles.
y a des femmes, des enfants,
Il
Vous
les protégez.
Vous remplissez un célébré,
parmi
les
Vous
les sauvez.
rôle qui a toujours
hommes, comme
le
naturel et le plus beau. Quel sens a le
de
fraternité,
si
soi-même pour Et
si
elle
été
plus
mot
ne va pas jusqu'au don de
le salut
des .autres?
vous vous peinez pour autrui,
vous tout gratuitement,
et n'ont-ils
le faites-
pas peiné
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
168
pour VOUS? Parmi ceux auxquels vous avez de reprocher, Miron,
l'air
leur rendez,
il
le service
n'y a pas que les gens de l'arrière,
mais encore des compagnons, des des soldats, que la guerre a
mouvementée.
A
La
vie là-bas est
votre droite, un bataillon a
repoussé une attaque allemande.
nos
il
officiers et
emmenés ensemble
et mis dans les tranchées.
fois,
que vous
Une fois, deux
empêché l'ennemi de pénétrer dans
a
lignes. Si
vos voisins n'avaient pas tenu,
vous
étiez
mort ou prisonnier, tout au moins
vous
étiez
en danger. Et quand vous avez été
à l'assaut, est-ce
que personne
n'était
devant
vous? Est-ce que, jamais, une balle de mitrail-
ou de shrapnell, qui devait vous venir
leuse
tout droit, n'a été arrêtée en route? sûr,
Il est
bien
peut-être ne vous en doutez-vous pas, que
d'autres
hommes
sont morts pour vous.
vous battant pour d'autres, vous
ment
ce
faites
En
simple-
que d'autres font pour vous. C'est une
des grandeurs
de
l'armée,
ce
dévouement
pour ceux qui n'en remercieront pas, ce support de l'épreuve qui sera épargnée au camarade.
Mais vous n'avez pas pensé que vous vous
LE BIEN battiez aussi
169
étranger à cette guerre, et
veut bien s'y mêler, par condescendance.
Vous ne
l'êtes
L'intérêt et l'honneur,
point.
quand une guerre comme n'ont qu'une
même
rarement d'être
si
aux armes tous
les
un
autres.
pour votre compte. Vous parlez
comme un homme (|ui
dp:s
fusil et
celle-ci est déclarée,
Ça leur
trompette.
bien d'accord.
Ils
arrive
appellent
hommes
qui peuvent tenir
fournir une étape.
Vous ne possédez
pas une motte de terre? J'y consens. Peut-être
en posséderiez-vous une,
si
vous aviez été tou-
jours aussi jaloux de l'argent gagné que de l'argent à gagner, et
si
vous n'aviez pas mis
tous vos soins à vous ruiner hebdomadaire-
ment? Je veux inopérante et
l'ignorer. Je connais la réponse
triste
que vous
paye m'appartenait, j'en
me
feriez
fait
ai
:
«
Ma
ce que j'ai
voulu. » Mais vous avez des outils de travail,
un meuble où vous serrez vos vêtements, un lit
de noyer, ce que vous appelez
et, si les
le
«mon ménage»,
quatre murs ne sont pas à vous, tout
duvet du nid vous appartient. Demandez ce
qu'il est
advenu à ceux dont
envahie par les
Prussiens?
femme, des enfants
:
la
demeure a
été
Vous avez une
rappelez-vous ce qu'ont 10
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
170
ennemis, en Belgique
fait les
et
dans
le
Nord
Informez-vous encore mieux; apprenez- vous à
comprendre
régime de terreur, de délation,
le
de réglementation vexatoire qui pèse sur ceux qui ont été épargnés.
On vous
vage; pour de minces raisons
a parlé d'esclaet dès
que votre
pouvait être en conflit avec celui du
intérêt
vous
patron,
mot où
avez
vous-même prononcé enfermé
tant de douleur est
;
ce
mais ce
qu'un jeu d'éloquence ou de mauvaise
n'était
humeur, vous
le
savez bien
:
toute la réalité est
administrées par
là-bas,
dans ces
caporal
Surhomme. Vous imàginez-vous, par
villes
hasard, que vous seriez admis et
comme un homme
libre,
comme un
dans
le
le
égal
royaume
de Bochie? Demandez-le aux Danois, deman-
aux Polonais, demandez-le aux Alsaciens,
dez-le et
a
aux otages, des ouvriers marcher devant
fait
les batailles de l'Yser.
peu qu'on vous le
mal qui
velléités
est
ait
les
comme
vous, qu'on
troupes armées dans
Vous avez une âme
:
le
en nous tous
et
du bien, toujours en goût de
si
donné l'habitude de refréner de soutenir bataille,
la justice,
un besoin de
les
vous
avez des qualités qui sont la marque de race
:
la
liberté.
LE BIEN DES AUTRES.
171
quelque chose de loyal qui vous empêcherait de mentir ou de
Tout
cela,
même
et c'est la
périrait,
Vous
France qui
est
vous-
en vous. Tout
vous ne combattiez pas l'ennemi.
si
un
et qui
dans une autre
et
au hasard dans
être jeté
peut indifféremment passer
y vivre. Vous êtes un Fran-
né d'un sang qui ne s'habitue point à
honte. ce
à la parole donnée.
c'est votre bien, c'est
n'êtes point
une nation
çais,
manquer
Miron,
Votre avenir
que vous
quand vous
le ferez.
veillez
est
parmi nous.
Vous
le
Il
la
est
défendez aussi
aux tranchées.
Le bien des autres? Miron,
c'est la dernière
des raisons pour lesquelles vous vous battez. Celui qui vous a soufflé la menteuse formule n'était pas votre
même un le
ami.
S'il
croyait ce qu'il disait,
peu, tenez-le pour un imbécile, et ne
gardez pas près de vous.
c'était
une
canaille.
S'il
n'y croyait pas,
LE RÔLE MATERNEL
DES INSTITUTRICES
7 Décembre 1915.
J'ai présidé, le
dimanche 3 décembre, V Union
pai'isienne des institutrices libres de la Seine, et j'ai dit
à peu près ceci
:
Je suis sur, mesdames, que vous aviez com-
l'homme qui a
pris l'éminente valeur de sidé,
depuis
ans,
votre
libres.
était
Je
le
début
l'ai
connu,
pré-
pendant plus de cinq
Union parisienne des et
je
institutrices
puis
dire
qu'il
de ceux vers lesquels j'étais porté par une
sympathie qui avait
temps avait rendue il
et
été
forte.
immédiate
et
Et cependant,
que
le
comme
arrive dans tous ces deuils, je regrette à
LE RÔLK MATERNEL DES INSTITUTRICES.
173
connu,
de
présent de
no
pas
l'avoir
assez
n'avoir pas profité de toutes les occasions de
m'enrichir de rience
grand
cette
i
richesse d'expé-
humaine embellie «l'amour de Dieu.
M. Maurice Sabatier, ayant
été
un avocat des
plus réputés, pendant trente-cinq ans, dans ce
milieu judiciaire haut et fermé que sont le Conseil
d'Etat
et
Cour de Cassation,
la
le
plus beau de son talent, le meilleur de l'incessante production de son esprit, ont échappé au
grand public. Nous n'avons point eu tout profit de l'éloquence, de et
de toute
la
le
l'enseignement moral
lumière qu'il mettait en chacune
de ses plaidoiries. Il
dont
avait le
une figure de combattant, large,
regard
tout
allait
droit
à celui qui
venait, et ne se baissait point rapidement,
tâchait
de
pénétrer
jusqu'à
et
l'âme
mais
de celui
qui devait être, dans quelques secondes, son interlocuteur ou son adversaire.
de la riposte
le
qu'après un moment, et tait,
qu'on
de réserve
voyait
la
si
l'entretien s'y prê-
disparaître
et d'attente
marqué. Alors
Son habitude
mettait en garde. Ce n'était
cette
nuance
dont son accueil
bonté paraissait;
elle 10.
était riait
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
174
au fond de ses yeux bruns, de ce sourire jeune qui
est,
dans un visage
mation tranquille talité.
L'homme
passagère d'une immor-
et
qui aime la justice et sait être
indulgent a déjà dépassé
Dans une
l'affir-
vieilli,
niveau commun.
le
notice qu'il a écrite sur la vie et
l'œuvre d'un ancien avocat général à la Cour
de Cassation, M. Sabatier a
Ce
pas la justice à moitié.
dit
« Il n'aimait
:
n'est pas à lui qu'il
aurait été besoin de rappeler la grande parole .
que
de Bossuet,
trahir
c'est
de travailler faiblement pour travailla pour
peut
voir
de
elle
la
elle...
fortement
»
Lui,
et toujours.
manière,
quelle
que
justice
et
il
On
connaître
quelque chose de sa logique, de son
style
concis et prompt, de sa joie secrète d'avoir raison
contre
de
adversaires
puissants
ou
contre des erreurs tenaces, dans son. Etude sur le le
Concordat, et dans sa Plaidoirie pour S. S.
pape Léon
on peut voir
A III et
le
cardi^ial
là aussi, et
dans
Rampolla. Mais
les
Etudes
stir la
psychologie juridique de Napoléon, sur Berryer,
sur
le
Concordat, sur son ami Thureau-Dangin,
dans ses Souvenirs où
il
rappelle l'enthousiasme
de sa jeunesse pour l'éloquence de Lacordaire,
LE RÔLE MATERNEL DES INSTITUTRICES. 175 que
jurisconsulte
ce
beaucoup
avait
philosophe, beaucoup d'un historien,
ne point errer,
guide
le
d'un
pour
et,
d'une
très assuré
foi
réfléchie et savante.
Quand Son Eminence
le
cardinal Amette,
dont nous pouvons bien dire entre nous, ce pas, qu'il a le génie des œuvres,
présent
de
désigner
M.
que je viens de vous rappeler, le service
s'en
que vous rendrait un
doutait
pas.
surpris. Je crois
archevêque
et
vous
il
fit
ce
comme
Sabatier
président de votre association,
n'est-
savait tout ce
11
avait deviné
homme
M. Sabatier
fut
qui ne
d'abord
que sa déférence envers son cet
de justice qui
esprit
le
portait à défendre les causes attaquées furent
premières
les
de
raisons
Bientôt sa bonté s'émut
:
son la
acceptation.
vôtre lui était
apparue. Et c'est ainsi que vous avez eu
le
plus assidu, le plus dévoué des présidents,
lié
à votre
œuvre par
gouvernaient sa Il
la
n'est
vôtre,
les
puissances
mêmes
qui
vie.
guère de profession plus haute que
mesdames, quand on
comme une
la
considère
mission pour les âmes. Vous avez
à former de futures femmes, de futures mères
:
aujourd'hui et demain.
176
vous avez, entre vos mains maternelles, ces
commencements
d'intelligence, de passion, de
besoin de la vérité et de penchant à l'erreur,
de faiblesse
et
de
enfants.
De vous,
blement
le
que sont
générosité
les
ces petites tiendront proba-
meilleur de leur avenir. Elles vous
devront beaucoup du bonheur qu'elles auront, de celui qu'elles donneront, et de l'exemple
et
qui sera transmis par
du
elles.
ouvrier,
travail
Car
celles
les conditions
de
l'habitation
ouvrière, se trouvent aujourd'hui presque en
opposition avec les obligations, les
douceurs de
tion constante petite
fille,
la vie
faire
:
avec
de famille. Cette atten-
que réclame l'éducation d'une
combien
elles
du peuple qui peuvent Elles
comme
la
sont rares les mères
donner!
vous confient ce qu'elles ne peuvent Et
c'est le
principal de leur mission
Le choix
maternelle.
qu'elles font de vous,
institutrices chrétiennes, indique l'orientation
de leur esprit très
strictes.
et
vous charge d'obligations
Vous devez aux
enfants, avant
toute chose, l'éducation morale. Elles doivent
apprendre de vous ce que leur dire
:
les
mères n'ont pu
ce qui est nécessaire
pour vivre.
LK RÔLE MATERNEL DES
pour de
se décider
l'intérêt et
liN
STIT UTRICES. 177
dans l'incessante contradiction
du devoir, pour conserver à
France un peuple sain, défendu par
commun
par
et
foi
la
erreur, pour faire des
capables de tenir un
donner un
du luxe
le
la
sens
contre l'innombrable
femmes
ménage
fidèles et fîères,
aussi bien
que de
conseil, de résister à la provocation
et
du
plaisir,
pagnes agréables
d'être enfin des
com-
Rien, à beaucoup
et sages.
près, ne vaut cette part royale de votre ensei-
gnement. Là
est votre gloire, et, je puis bien
dire votre privilège.
pensé que
le
Aussi
j'ai
bien souvent
souci des brevets tenait trop de
place dans les préoccupations des écoles,
catholiques,
même
à tous les degrés de l'enseigne-
ment. C'est
pour cela que
j'ai
par certains programmes celui d'un tnent
été
et,
très intéressé
notamment par
Cours normal catholique d'enseigne-
ménager, fondé à Paris, sous
nage du cardinal-archevêque,
et qui
le
patro-
ne porte
pas seulement sur les matières habituellement
comprises
ménager et
coupe,
sous :
ce
cuisine, etc..
titre
d'enseignement
blanchissage,
repassage
mais sur ce qui sera toujours
AUJOURD'HUI ET DEMAIN.
178 l'essentiel
et de la
la
:
formation morale de
mère, ce qu'on peut appeler Les jeunes
la famille ».
la
femme
« l'art
de
qui suivent ce
filles
cours normal y reçoivent des leçons de religion et de vie chrétienne;
religion
au foyer,
femme, puis nelle,
les
la
on y voit enseigner
:
formation catholique de
la la
principes d'éducation mater-
éducation des sentiments, éducation de éducation de la volonté', les élé-
l'intelligence,
ments de l'économie sociale à côté de l'économie domestique
:
«
notions de la famille, du travail,
du bon usage des biens, de droit usuel », etc.
y
ait là
Ne
la mutualité,
du
croyez-vous pas qu'il
quelques idées à prendre,
même
pour
l'enseignement primaire? Si
vous
l'extrême
considérez
vigueur morale où sont toutes
besoin
les classes
de
de la
nation française, vous ne croirez avoir bien
rempli votre tâche que
si
vous avez fait d'abord
des âmes fortes.
Vous
n'êtes pas,
—
et c'est votre
— seulement des maîtresses à mais
le conseil
toujours présent, quelque chose
de l'avenir, une créature sûre,
honneur,
lire et à écrire,
plus âgée et plus
mieux défendue, qui peut
tenir la
main
LE RÔLE MATERNEL DES INSTITUTRICES. 179 d'une autre
et recevoir,
petite tête fatiguée.
vous avez entre
les
mesdames Jeunes !
sur sa poitrine, une
Quelle précieuse matière
mains, près de votre cœur, filles
ou femmes, je voudrais
que chacune de vous, quand
où tous
les
adniirabilis
!
jour sera venu
mérites seront connus, pût être
nom
appelée du
le
de sa vraie vocation
:
mater
LOUIS GEANDREAU
iU
Il
poète.
était
donnera un jeunes
On ne
verger
Décembre 1915.
sait
en
fleur.
hommes bien doués
jamais ce que
Beaucoup de
ont de trop prompts
succès, dans les petits cénacles, dans les petites
dans
revues,
les
petits
théâtres,
et
ne vont
point au delà. Quelque chose les empêche d'y atteindre le
quelquefois un défaut de puissance,
:
plus souvent
Geandreau la
aurait-il écrit
travail.
Louis
de belles œuvres, et
promesse, digne d'attention, aurait-elle été
tenue? Il
un défaut de
Il
avait
avait la grâce, qu'il faut avoir reçue. cet
autre'
don de l'émotion cachée,
aveu d'un cœur passionné, qui ne veut pas
LOUIS GEANDREAU. tout dire et se laisse deviner. aussi qu'avec son
181
Je crois bien
de n'y pas toucher et
air
d'écrire des vers au courant de la
style
quand l'habitude
Dans
s'y prête.
lières
les
que je vais
nécessaires,
un
quis,
il
est prise et
plume,
il
devient du
avait cette facilité laborieuse qui
que
le sujet
fragments de lettres fami-
citer,
à côté de négligences
y a des raccourcis, des cro-
sentiment
de
qui
l'essentiel,
un
seulement
ne
tempérament
révèlent
pas
d'artiste,
mais, par la justesse des touches et
leur sobriété,
va
qui
le travail
devenir
l'eussent été,
déjà long de l'apprenti
maître.
Maîtres,
plusieurs
dans cette génération décimée
par la guerre; les grands sujets leur étaient
commentés;
iposés, expliqués,
ne
l'est pas,
les atten-
nous guetterons tous,
bientôt,
enveloppait; un
dait.
Comme
les chants
que
monde renouvelé
"qui est infinie tandis les
la souffrance,
nouveaux
la joie
et forts
de ceux qui sur-
vivront!
Ce vie
qu'il faut se rappeler,
ou
la
mort d'un homme,
courages de mille sortes
:
quand on juge c'est qu'il
la
y a des
tous parents. Celui
de Geandreau était de l'espèce gaie. Plaisanter, il
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
182
un
tourner légèrement
billet,
écrit
sous
quand
pensée de
quand on
Cela devient très beau
la mitraille.
c'est
pour
sourire
rassurer les autres, c'est déjà fort joli
soutenu, quand on devine que
la
mort venait souvent à
la
celui qui
chantait la vie, et qu'elle ne le troublait pas.
Louis Geandreau avait trente ans. écrit fait
beaucoup de vers, surtout pour
avait
le théâtre,
représenter plusieurs comédies et revues,
fondé un journal Il
Il
dans
littéraire
le
sud-ouest.
appartenait au groupe enthousiaste et
nom-
breux des jeunes amis d'Edmond Rostand. Je ne citerai guère de lui que de la prose, et qui n'était pas travaillée trouve.
J'ai
sous
yeux
les
lettres qu'il écrivait,
mais l'homme
:
s'y
des extraits des
pendant les premiers mois
de la guerre, à sa jeune femme.
dS octobre i9il. première
lettre!
Quel trouble!
—
«
Enfin
la voilà, la
chère
Quel événement! Quelle joie!
et,
Je veux que tout
chose étrange, quelle le
monde
le sache.
fierté!
Pas assez
pitoyable peut-être pour ceux dont les mains
sont encore vides, je vais criant,
le
clamant. Je
encombrés de larmes,
le
la et,
disant partout, le lis
avec des yeux
à travers ce cristal
LOUIS GEANDREAU.
chaque mot m'apparaît embelli... Je
naturel, t'écris
d'une
183
assis sur
un banc
belle rivière,
qui descend de le
ministre de
le
nom,
rustique, au
bord
au pied d'une large pelouse
mon château... La rivière, dont la guerre me défend de te dire noble
est à la fois
et
charmante. Les
propriétés particulières, villégiatures de riches Parisiens, la bordent; mais,
de ces
comme
besoins de
la guerre, je puis,
bord de
rivière,
l'autre, et
murs
ont été ouverts pour les
propriétés
la
les
admirer
sans quitter
passer d'une le
goût
le
propriété à
et la fantaisie
des
propriétaires absents, avec facilité. Je vois des
choses ravissantes. Je passe d'un style à l'autre
en
un
clin
Celui-là
d'oeil.
aime l'ordre des
jardins français; celui-ci le désordre affecté et le
pittoresque des jardins anglais. Pavillons,
Henri
II
d'amour,
temple
tonnelles, :
j'ai tout,
si,
Se
ramenait à
moment, dans un avec
la réalité
octobre 1911.
mon
la
de temps en temps
l'éclatement d'un obus, plus ou
me
à
j'admire tout, je bade à
atout. Et j'oublierais,...
ne
escaliers
—
«
moins
lointain,
des choses... »
Nous sommes, en
petit village.
ce
Nous occupons,
capitaine et deux lieutenants, une
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
184
maison qu'un horticulteur habitait en des temps plus heureux. L'horticulteur est parti, les fleurs
sont fanées,
pagnie
a
il
reste
une serre où une com-
son bureau,
installé
chrysanthèmes penchants
et
quelques
et
mourants. Parfois,
par-dessus nos têtes, un sifflement de vipère qui
finit
au loin par un éclatement
les obus,
:
ce n'est pas pour nous; ce sont les artilleries,
qui se chamaillent trois fois dans la journée,
matin, vers midi et
le soir; elles se
Leur
l'une l'autre, sans pouvoir se découvrir. tir
ne
fait!
signifie
que
cela
:
Ah! Ah!
«
Je suis toujours là! »
signification, je t'assure...
que que
tu
Il
le
cherchent
c'est
bien
n'a pas d'autre
Ah!
je sais bien
voudrais plutôt des histoires
je n'en sais pas. Inconnue
la
:
je te dis
fameuse
charge à la baïonnette, inconnue la blessure
inconnus
glorieuse,
les
dangers merveilleux
qui font ouvrir les yeux et former le cercle, plus tard, on les raconte. Voilà
lorsque,
position
je
:
cantonne dans un village;
il
ma y a
des tranchées par devant que nous occupons,
chacun à notre tour,
monde; quand
le
il
se
le
plus simplement
canon tonne au
loin,
on
du
se baisse
rapproche; en résumé, on attend
LOUIS GEANDREAU.
185
l'événement. Quel événement nous attendons?
que
gauche
l'aile
battu
ait
Allemands. Tant que
l'aile
droite
l'aile
des
gauche n'aura pas
battu, je n'aurai pas d'histoire à le raconter. »
—
/" novembre i9il.
Mon
paquet!
On
en train de passer une revue, quand on
était
me
«
Je n'ai pas osé l'ouvrir au
apporté.
l'a
milieu de la compagnie en carré. Je le tenais
mon bras, en me disant « N'aie pas peur, mon vieux tu ne t'en iras pas maintenant. » La revue finie, j'ai pris mon petit sac
sous » »
:
mystérieux; je suis monté sur la
pour se mettre à et là,
comme
teau et
un
j'ai
petit
ficeleur.
l'ogre, j'ai tiré
coupé
les ficelles.
quart d'heure.
Quand
j'ai
hostilités. Je
lettre
plus haut de
des coups de
l'abri
vu
l'ai
que vous vous
mon
l'artillerie,
grand cou-
Ça m'a demandé
Je
félicite
le
bon
la lettre qu'il contenait
dans sa première écorce, les
le
dans une petite cabane construite
colline,
j'ai
arrêté
aussitôt
lue avec religion, cette êtes
mis à quatre pour
écrire, afin qu'elle soit plus affectueuse. Mais,
comme
chez
moi
l'attendrissement
même
s'accompagne toujours d'images intérieures, j'ai
pensé tout de suite à l'histoire du Petit
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
186
Marmouset.
Celui-là
l'avait
pesé,
l'avait
porté
Petit
conçu,
celui-là
ficelé,
celui-là
l'avait
au bureau ambulant,
Marmouset
ne manquait
l'avait
celui-là
pour
le
a qui n'en voulait tant ». Il
rien. J'ai tout trouvé, tout adoré,
tout serré... »
Je suis
manqué village
entendre
allé
les
vêpres,
ayant
messe, ce matin^ dans l'église du
la
Toujours drôle.
voisin.
couchent dans
l'église,
la
Les soldats L'église
nuit.
est
pleine de paille d'une épaisseur de 40 centi-
mètres. Ça ne
rien
fait
le
:
bon Dieu
doit se
sentir chez lui, puisqu'il est né sur la paille.
Quelques femmes chantaient
y avait une de nos battequi envoyait, par moments, de ces coups
qu'à vingt mètres ries
faux... Il est vrai
dont on peut dire
pour s'en
faire
dérange un peu
il
qu'il faut les avoir
une les
idée.
Alors,
entendus
dame! Ça
cordes vocales des femmes
sensibles. » 5 novembre iQlA.
—
«
Nous
voici revenus
au temps de l'homme des cavernes. Mais
les
inscriptions que la postérité découvrira, dans
nos grottes modernes, différeront légèrement
de
celles
qu'on découvre à Brantôme et aux
LOUIS GEANDREAU. Eyzies.
Un
animal, en
bien connu.
effet,
187
a succédé au renne
Nos descendants en examineront
avec étonnement (car j'espère qu'à
les vestiges
époque cet animal aura complètement
cette
disparu)
c'est
:
le
Boche. Nos cavernes sont
remplies de portraits de cet animal redoutable.
Des inscriptions véhémentes
vindicatives
et
traduisent l'opinion de l'humanité »
Boches
!
On leur z'y cassera
i7 novembre 19 il.
—
Depuis quelques jours, je en tête
:
la g.
Mort aux
etc.
!
C'est
«
n'ai
«
:
. .
,
curieux!
que des cadences
des cadences flottantes, sans idée,
sans direction. C'est physique, rien de
mais »
etc. »
plus,
c'est drôle.
Allez donc
me
chercher
le
sergent de
semaine. »
On
»
Quatre
n'a pas entendu le canon, ce matin.
hommes
de corvée au commandant
qui gronde... »
Sans intérêt
:
grands poèmes!...
mais cela nous présage de J'ai
remarqué qu'à défaut
de grog, une strophe bien amenée réchauffe
un peu
les
hommes.
Hier,
comme on
pataugé pendant des heures dans
les
avait
boyaux
de communication et les chemins impossibles,
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
188
mis à
se sont
ils
vers de » ainsi
Flambeau
que des
quand
rire :
Nous
«
carottes,
je leur ai dit les
qui pour arracher
— Nos jambes à la boue
— Devions
»
énorme des chemins,
»
gner quelquefois à deux mains.
bien tout à
»
vus aussitôt
très fiers et
C'était
si
pas loin de
fait ça, qu'ils n'étaient
pour eux. Je
croire que ces vers avaient été faits les ai
empoi-
les
presque consolés.
Je veux essayer de ce système. Tous les jours,
au rapport, je leur
quelque chose. Je
lirai
apporter l'Aiglon. Je mets cela sur de l'ordinaire, avec la mention
S3 novembre une
lettre
i9i4^.
«
:
Tu
«
compte
le
Eau-de-vie
as
».
dû recevoir
en vers ou, pour être plus sincère,
une poésie qui ne jet,
—
fais
comme
le
fut point écrite de
sont les épistoles.
premier
La
vérité
m'oblige à dire qu'elle fut écrite cependant
dans des conditions assez honorables, dire
dans
la
tranchée
de
première ligne
atmosphère de poudre, sifflement des
grognement du se sentir » Ici
c'est-à-
balles,
75. Il suffit d'être à l'abri
courageux à ce
:
pour
point...
Je viens d'aller faire une petite promenade.
on a une certaine
journée
comme
tu les
latitude. Il faisait
aimes
:
une
or en poudre,
LOUIS GEANDREAU.
189
dominés
lointains estompés. Auloinles villages
par leurs églises courageuses, qui ont par-dessus
les
maisons tremblantes,
l'air,
d'offrir
leur poitrine aux obus; les bois qui ne sont
plus que du bois, car toutes les feuilles sont parties; le soleil sans conviction, qui a toutes les si
peines du
monde
à
donner de
lumière, et
la
peu, mais de chaleur point, a dû recevoir
shrapnell sur
la figure, et
un
veut bientôt qu'on
l'évacué, lui aussi... Je suis revenu dans
un
chemin rayé à chaque instant de vols d'oiseaux de toutes les variétés et de toutes les couleurs.
Ces petits lascars ne croient pas à
Ou
plutôt
ils
ont dû constater que
avaient la paix depuis que les
la guerre. les
oiseaux
hommes s'étaient
mis en guerre. C'est étonnant, en
effet,
nombre de compagnies de perdreaux
le
ya autour de nous. Ces compagnies-là ont moins souffert
que
les nôtres...
qu'il
Je n'ai rien découvert,
qu'un renard desséché, mort depuis plusieurs mois, à côté de son trou. n'était
qu'un dessin sur
6 décembre 19 le.
organisé,
—
Il était si
plat
que ce
le sol... »
a
Les soldats avaient
aujourd'hui dimanche, un concert
que j'avais encouragé. Très ingénieusement, 11.
AUJOURD RUI ET DEMAIN.
490 ils
avaient construit, à côté des cuisines, sous
un hangar de les
la
ferme, une scène avec des toi-
Un parc à lapins, abandonné, serd'estrade. Un bruit de fritures accompa-
de tente.
vait
gnait les romances sentimentales. Mais ce sont les
chœurs qui ont eu
gros succès.
le
Il
y a
ici
cinq à six Bordelais, une vingtaine de méridio-
naux lais
et
200 gars de
qui font tout marcher. Les septentrionaux
les regardent, les ils
Ce sont mes Borde-
l'Est.
bouches bées, admiratifs... Ah!
chœurs bien connus, quel sens nouveau empruntaient à
Pyrénées; Beau
la situation
ciel
de
Pau;
rives fugitives de l'Adour,
souvent chanter sur
la
si
me
Montagne
des
Dacquoise (ô
que j'entendais
routes
les
Marsan), tous ces chants croyais incapables de
:
si
de Mont-de-
entendus que je
les
procurer jamais une
émotion, dans cette pauvre grange pleine de soldats attentifs, à la lueur de quatre bougies
économisées parcimonieusement, ont retrouvé toute leur force d'émotion des premiers jours, et je voyais,
comme les Cadets aux sons du fifre,
s'étendre devant » soirs sur la
moi
Garonne
donnée tout à coup...
«
la verte
», et
»
ma
douceur des
petite vie
aban-
LOUIS GEANDREAU. Le poème dont c'était, le
il
parle,
—
191
le dernier,
en strophes légères, soignées
même thème
plus développé
—
et tendres,
« Il n'y a
:
point de guerre, je vous assure, rien qu'un peu
de bruit, et des promenades qu'on voudrait faire à
deux. »
Ne
de son cœur tout
fallait-il
le
pas garder au fond
tragique et
rude de
le
la
guerre, et la faire presque douce, invraisemblable, sinon tout à fait gaie,
de chansons, pour la jeune les lettres, et
pleure
du moins coupée
femme qui médite
même si elles sont joyeuses?
La guerre, mon amour, il faut bien te le dire, Ça n'est pas si terrible, en somme, que l'on croit.
Il
disait le réveil matinal, les rêves
eus, le café, le lever le courrier, la
et réfectoire soir, les
du
sécurité
qu'on a
soleil, l'avion qui passe,
du bon
terrier, « dortoir
qui nargue la sifflante
»,
puis le
songes qui reviennent. mon
cher amour, ce que c'est que la guerre. autrement, par la gorge a menti! La vérité, vois-tu, c'est qu'on n'y souffre guère Que de l'absence, mon petit. La guerre, c'est tout ça. Le reste est vain tintaille. Cependant, tout à l'heure, ils ont tous remarqué Que je ne t'avais pas parlé de la bataille C'est la place qui m'a manqué. Voilà,
Qui
t'en parle
:
aujourd'hui et demain.
192 11
est
mort à
l'assaut d'une tranchée,
le
13 janvier 1915, au nord de Soissons, devant ses
hommes
pas de cette là
qui l'aimaient bien. Je ne m'étonne fin
héroïque. Elle étonnera ceux-
seulement qui ne savent^pas
coup de force déjà pour Et,
«
dans
le civil »,
nant Louis Geandreau? ver,
qu'il faut
beau-
un simple ennui.
taire
qu'était-il, ce lieuteIl
aurait
sur sa carie de visite
:
«
pu
faire gra-
Employé des
P. T. T., service des ambulants, Bordeaux. »
AURAS
Noël 1915.
J'ai
On
vu Arras dans sa désolation. se bat
au nord, à
au sud. L'ennemi
l'est et
a des tranchées à quelque six cents mètres de la
gare,
cesse de
et,
depuis
bombarder
le
5 octobre 1914,
cette jolie ville.
Le
il
ne
croi-
riez-vous? Elle est encore jolie. Elle avait tant
de grâce qu'il lui en est resté.
On
retrouve,
jusque dans ses ruines, son air ancien, son
humeur de
ville accueillante,
riche, qui s'était
commerçante
et
mise à vivre delà vie moderne
en gardant ses bijoux d'autrefois, et ses relations d'histoire avec tout le
nord de l'Europe-
aujourd'hui et demain.
194 et
avec
lointaine Espagne. Elle
la
avait eu
cent clochers, disait-on, au temps de sa grandeur. Quelques-uns étaient encore debout.
que ces Allemands, qui
tiraient
Ah!
mal au début
de la guerre, sont devenus de bons viseurs de
Le matin
clochers, d'églises et d'ambulances!
même du
jour où
achevé d'abattre
le
Saint-Sacrement.
sommet, dont le beffroi!
que tout
avaient
du couvent du
clocher
du
cassure était toute fraîche. Et
Je suis allé à
communal,
des armes
ils
J'ai vu, à terre, les pierres
d'abord.
lui, tout
centre de la vieille ville,
était le
l'hôtel
la
Arras,
j'ai visité
et portait à
d' Arras
il
son
Il
dominait
faîte le lion
tenant la girouette. Pres-
est détruit.
J'ai suivi,
en automobile, une grande rue
déserte, tourné j'étais déjà
à
droite,
gauche,
puis à
et
devant cet îlot d'architectures trouées
par les pointes d'obus, fendues par
les éclate-
ments, achevées par l'incendie, qui se lève à
cinquante pas, et qu'enveloppe un bourrelet
de briques
et
de pierres éboulées. Quelques
arcades ont résisté, quelques encadrements de fenêtres ogivales, et,
un bout de
haut encore par-dessus,
frise: le
un pavillon
moignon
carré
ARRAS.
195
de la tour, qui n'est plus beau par sa forme,
mais qui ses
ce jour-là, par la couleur de
l'était,
murs mis
à nu, de ses arêtes effritées, de
toute sa masse rajeunie par la ruine nouvelle, et
qui tombait d'une seule coulée, d'un blanc
parmi
doré,
autour
débris
les
pensais, en m'approchant,
Je
d'elle.
sombres amoncelés
aux quatre cloches ensevelies sous ces décombres et fondues sans doute
:
la Joyeuse,
la
Cloche du Guet, la Cloche du Couvre-Feu, et la Cloche d'Effroi. Elles avaient sonné de mauvais jours, et elles se racontaient les malheurs
quand
passé, elles
le
vent soufflait entre
ne connaissaient pas
est d'être
une œuvre
servi par des
tour de
je
temps, et se
—
d'art à portée d'un
qui
canon
faire le les
pierres et de pierrailles, lorsque
submergés par
le
tordus d'une automobile.
mon
mais
commençais à enjamber
j'aperçus, à moitié les restes
:
la pire misère,
surhommes. Je voulais
l'îlot, et
monceaux de
elles
du
remblai,
En même
chauffeur s'approcha delà ferraille
pencha.
Que
faites-vous,
pas l'intention de
la
Gustave? Vous n'avez
réparer?
— Pas précisément. Mais
c'est
mon automo-
196
aujourd'hui et demain.
bile, celle
que je conduisais, pour mieux
voilà des
semaines. J'étais
un obus
arrive l'état.
Moi,
là,
à côté d'elle;
c'est lui qui l'a
:
dire,
mise dans
je n'ai rien eu.
— Alors? — Je vous
prends un boulon de souvenir. Et puis
ferez bien de ne pas séjourner; l'endroit
bon;
n'est pas
Quand
ils
ne préviennent pas.
l'hôtel de ville, celle
ou
Beffroi, loin,
je
que commandait
je fus sur la place
quand
la
qu'on appelle Place,
Petite
compris mieux
presque toutes
la
un peu
et
je pénétrai dans la
la place
du
plus
Grande Place,
grandeur du désastre
les claires façades
:
sont debout,
alignées et égales, autour des deux rectangles
des places; leurs pignons à volutes se décou-
pent sur
le ciel; elles
reposent sur
les
colonnes
de grès; les arcades vont de l'une à l'autre,
comme jadis.
Mais ce n'est plus qu'un décor
:
l'intérieur est brisé, les étages sont effondrés,
on voit
le
hommes
bleu à travers les fenêtres. Quelques
s'éloignent dans l'ombre des arcades.
Civils? militaires? je ne sais
gue. Je vais plus loin.
dans
les
:
la place est lon-
Nos canons de 75
tirent
campagnes voisines; un aéroplane
est
ARRAS. en
197
les ailes
presque transpa-
rentes, le corselet fulgurant
de lumière. Les
très haut,
l'air,
rues, l'une après l'autre, sont désertes, et les
portes barricadées. Sur l'une d'elles, une inscription
:
La
«
police veille! » Je découvre
boutique d'épicerie, j'entre
une
:
— Vous brave, madame! — On — Vous n'avez pas quitté? — Pas un jour. — Vous avez des postales? — A volonté. — n'en Quelques pas plus pas mes yeux, — une bourriche d'huîtres fraîches êtes
le dit.
cartes
loin,
est
je
crois
posée sur un guéridon, devant un magasin
de primeurs. C'est d'ailleurs toute la primeur
que
j'ai
entre
ces
vue
là.
files
Quelle étonnante solitude,
de murs encore debout!
deux enfants qui jouent aux drale,
énorme,
la
billes!
Ah!
La cathé-
nef ouverte, une moitié de
voûte tendue en parasol, se lève derrière eux. Je passe près du palais de Saint-Waast, l'ancien
musée, incendié
et
vide
:
le
gardien est en uni-
forme. Je traverse une ruelle, j'entre dans une place de médiocre étendue et de belle architec-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
198 ture,
OÙ
voici
un homnie.
bile.
C'est
prodigieux. Cependant
le silence est Il est
un ancien d'Arras. Que
m'approche
fait-il?
du pointu de sa bêche,
:
immo-
courbé, presque
l'herbe entre les pavés.
Un
il
gratte
homme
vieil
Je
qui
continue la lutte contre l'herbe, deux enfants qui jouent, une
femme
toute la vie que
j'ai
bardée... là,
Pardon
:
c'est
observée dans Arras bom-
j'ai
:
un tuyau de
qui est vaillante
noté aussi, par-ci, par-
poêle,
sortant du soupirail
d'une cave, et qui fumait.
Autour d'Arras, tandis que
je revenais,
dans
la nuit commençante, je regardais du côté où
est l'ennemi
:
grandes vagues de terre nue
les
s'embrumaient une à une,
les plus lointaines
d'abord; les villages à mi-côte, toujours protégés
du vent par un bouquet de
fondaient dans
le
futaie,
brun des jachères
;
se
nulle
part je ne voyais la ligne des tranchées alle-
mandes ou
la ligne
des nôtres, nulle part, dans
ces
vallonnements, une
un
cheval,
un
troupe
en
mouvement. Je
marche,
suivais
une
route de crête interdite au ravitaillement. Si je n'avais, par
moments, aperçu
la
fusée éclairante, entendu le départ
lueur d'une
ou
l'éclate-
ARRAS.
ment d'un j'avais
obus,
j'aurais
199
pu
devant moi, occupant tous
toutes les hauteurs,
immobiles
oublier les
que
creux et
deux armées en présence,
et cachées.
TERRITORIAUX
U Janvier 1916.
J'aime j'admire
où
l'âge
bien les jeunes le plus, ce
mais ceux
sont les vieux.
Ils
ils
que
ont passé
sang qui coule vite nous
le
l'aventure;
:
jette à
laissent derrière eux une femme,
des enfants, une maison, des soucis, des projets
:
tout ce qui nous retient
si
fort.
Rien
qu'en partant
comme
hésitation,
ont donné de leur courage une
ils
ils
l'ont fait,
preuve certaine. Et, depuis c'est-à-dire depuis le
qu'ils
sans une
combattent,
début de la guerre,
jamais rencontré de chef qui ne
me
fit
je n'ai
l'éloge
de ses territoriaux. Essentiellement,
ils
sont défenseurs des tran-
TERRITORIAUX.
La chasse à courre
chées, chasseurs à l'affût. est
pour
tiennent
ils
Ceux-ci attaquent. Ceux-là
les jeunes.
gardent. Mais le
201
comme
voisines du front,
si
comme
gardent bien,
ils
Sur
terrain conquis!
vous
les routes
les rencontrez,
aux
heures tardives où se prépare la relève, vous reconnaîtrez à deux signes,
les
marchent sans coquetterie
ils
nant un peu la semelle, et
même
de loin
:
militaire, en traî-
ils
portent tout ce
qu'on peut emporter avec soi;
sacs, les
les
couvertures, les bidons, les musettes gonflées, les cartouchières, le litre la
dont
poche bleue, bossuent
élargissent les hanches.
le
goulot sort de
penchés
les reins
Quand vous
et
serez près
d'eux et que vous pourrez voir leur visage,
beaucoup de ces hommes ne vous regarderont pas
:
emportent aussi leur songe.
ils
quelle rude semaine pluie et
sances
;
savent
vont passer; mais
boue des tranchées ne leur
fait
pas
peur; la patience est leur lot très ancien; acceptent
s'en vont,
on ne verra
ils
risque de mourir, sachant bien
le
qu'ils protègent tout leur ils
la
vent sont leurs vieilles connais-
le
la
ils
Ils
comme
la
monde en
arrière
:
et
à un grand labour, dont
moisson que bien des mois plus
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
202
En
tard.
vérité, ces chefs de ferme, ces vigne-
rons, ces bouviers, ces charretiers, ces petits closiers, plus les
nombreux que
tous autres parmi
combattants d'aujourd'hui, auront eu un
magnifique dans
rôle
faudra que l'histoire tice
aux
Grande Guerre.
la
le dise,
villages de France, et
aimer
décident à
à
et
11
qu'on rende jus-
que
favoriser
silencieux, qui auront tant fait
les lois se
ces
héros
pour sauver
le
pays. Ils
confondus avec
s'en vont, très vite
ou perdus dans
talus de la route
la
les
brume que
le soir épaissit. Arrivés dans les tranchées,
reprennent gourbi,
continuent
jours plus
créneaux
est
la
sape
et qui a
tôt,
des camarades, et
même
habitudes,
leurs
quand
venu,
se
retrouvent
commencée
ils
le
huit
progressé aux mains le
tour de guetter aux
rencognent
dans
le
trou de la muraille de glaise, où le dos
du guetteur
est
moulé. Pas de mouvements
inutiles; pas de presse; pas de bravades; pas
de ces pétarades, à coups de grenades
et
de
bombes, par quoi d'autres troupes plus jeunes manifestent tout de suite leur présence dans la tranchée,
et
qui,
naturellement,
provoquent
TERRITORIAUX.
On
riposte.
la
tient,
dans
régiment,
le
et,
on se
et
viennent, les Boches!
on a vu ce disait
y a de bons dans l'attaque du
pertes;
savent
ils
dans
7,
Un officier me le minimum de
faire.
excellent à se terrer;
fondent avec
y
tireurs
pointe du jour,
la
Avec eux, on a
«
:
qu'ils
Qu'ils
tait.
Il
de surprise du 15, à
l'essai
203
ils
con-
se
les mottes. »
Plusieurs secteurs
du front sont occupés par
cette solide infan-
terie,
qui est notre vieille garde. Sur l'Yser, à
l'automne de 1914,
quand
mandes, tenues en
réserve
même,
se
belge
l'armée
à
précipitaient et
armées
les
pour la
menaçaient
alle-
objet
cet
poursuite
de
côtes
du
les
Pas-de-Calais, une division territoriale a supporté
choc et brisé tous
le
les
des
assauts
meilleures troupes de l'empire.
Qu'on ne s'imagine point une vie inactive; les
travaux ne manquent pas;
est le
des
même
nuit
temps des relèves, des ravitaillements, de
reconnaissances,
réseaux de secteur
la
est
fil
de
le
Il
le
écrit
passé où
des
réparation
Cependant, quand
tranquille,
heures de liberté.
pour tout
fer.
la
il
territorial
beaucoup.
a Il
le
des écrit
ne composait point
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
204
de
lettres, si ce n'est
tout l'avenir, où
il
se
au premier de
porte-plume immobile, couché dans
pour
l'an;
promet bien de
laisser le la rainure
de la petite bouteille à encre, sur la tablette de
cheminée. L'un d'eux
la
mon
gare de
la
servira après
neaux?
disait
une boîte aux
paraît qu'on a fait placer
dans
me
village?
A
:
«
Il
lettres
quoi qu'elle
guerre? De nid aux moi-
la
»
Beaucoup de
ces lettres ne renferment
que
des jours sans événements, et les for-
le récit
mules d'usage, d'amitié ou d'amour, banales pour
et celles
mais précieuses pour ceux
public,
le
qui attendent
chaque mot,
le
soir,
des jeunes
femmes de
vent tous
les
La guerre a
et
qui commenteront
à la lampe. Je connais
campagne qui
la
reçoi-
jours une lettre de leur mari.
servi d'école d'adultes à plus d'un
mobilisé. Quelquefois, tout le
convenu dispa-
raît et c'est la race qui parle, et la foi cachée,
et toute
l'âme qui sans doute ne
révélée ainsi. J'ai cité une
nobles
lettres.
En
voici
jamais
ou deux de ces
très
une autre qui m'est
demeurée pendant une
communiquée.
Elle est
année dans
poche du soldat
la
s'est
territorial qui
TERRITORIAUX.
comme une
l'avait écrite
puis
l'homme a
mains de
la
205
sorte de testament;
venue aux
été tué, et elle est
veuve. Lisez-là et dites
si
vous
n'auriez pas voulu avoir pour voisin et pour
ami où si
celui qui a écrit ceci
jamais tu
faisant
mon
Ma
«
:
que je
les lis, c'est
chérie, le jour
cœur bien
j'écris ces lignes, j'ai le
gros,
et,
mort en
serai
demande, avant de
devoir. Je te
disparaître, de toujours bien élever nos enfants
dans l'honneur,
et à la
mémoire de moi, car je
beaucoup aimés,
les aurai
pensant à eux et à
et je serai
Dis leur que je suis
toi.
mort au champ d'honneur,
demande de la
se sacrifier de
et
que
même,
cœur. Conserve ce j'ai
certificat
et
leur
de leur
de bonne conduite
eu en partant du régiment,
tard, tu leur feras savoir
je
jour où
le
France aurait besoin de leurs bras
que
mort en
et,
plus
que leur père aurait
eu à cœur de vivre uniquement pour eux et
pour
toi
que
toujours tant aimée. Mainte-
j'ai
nant, je ne voudrais pas que tu passes le reste
de ta vie dans traire, si,
le culte
dans
ta
d'un mort. Tout au con-
vie,
tu rencontres
garçon travailleur
et
ment à élever nos
enfants, eh bien
un bon
capable de t'aider loyale!
unis ta vie 12
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
206
à la sienne, et ne lui parle jamais de moi, car, s'il
ombrage de
t'aime, ça lui porterait
l'ombre d'un mort planer autour de cbérie, c'est fini; je t'aime, et
jusque dans
l'éternité.
Ton Jean qui
le ciel.
sentir
lui...
Ma
pour toujours,
Adieu! Je t'attends dans t'adorait. »
Je souhaite que les jeunes romanciers qui
auront vu
la
guerre se persuadent qu'il y a de
beaux romans dans que tous
les
pourvu que
le
monde
le
plus simple,
cœurs sont capables de grandeur, l'idée
de sacrifice
leur ait
été
enseignée, et que c'est là le rachat de toutes les inégalités.
Ces jours derniers, quand faisaient rage, s'était
à
un
me
vent
et la pluie
racontait qu'il
approché de deux guetteurs, immobiles
leur poste, dans
ligne, et s'était
—
officier
le
la
tranchée
de première
mis à plaisanter avec eux.
Voyons, mes enfants, de quoi a-t-on
besoin?
— De moins de boue. — J'y comme vous. De quoi encore? — De de — Vous promets. On est vous suis
ceci, et
ça...
l'aurez, je
le
fatigué?
1
it
TERRITORIAUX.
207
— Un peu. — Découragé? une figure
le
regar-
pour nous dire des choses
comme
prirent
Ils
terrible,
dèrent, et lui dirent ensemble
— Si
c'est
ça que vous êtes venu, c'était
pas
la peine!
n'est pas chez
—
mon commandant,
vrai,
Découragés? Ah! non! ça
nous qu'on
L'officier ajouta
:
le sera!
:
Ce sont des gens admirables. On devrait
tous les décorer,
mes vieux!
REPONSES DU LEVANT
8 Janvier 1916.
S'il fallait
ajouter une preuve à toutes celles
qui nous viennent de l'histoire, pour établir l'étroite affinité entre les
çais,
on
la trouverait
avec laquelle
les
Syriens et les Fran-
dans l'incroyable aisance
Syriens parlent et écrivent
notre langue. Leur connaissance du français, ils la
doivent aux maîtres qui les ont élevés,
là-bas,
principalement aux religieux et
reli-
gieuses qui ont maintenu nos amitiés d'Orient; ils
l'ont perfectionnée
mais
le
tour
souvent par des voyages
heureux de leurs phrases,
:
le
choix des mots, l'ardeur qu'on y sent vivre,
dénotent quelque chose de plus,
et
qui ne
REPONSES DU LEVANT.
On
s'apprend guère.
étrangère que
langue
n'écrit si
209
plus
il
:
faut
Au mois même, un de
la
suffit pas,
une parenté
où
l'a faite.
l'application
non
d'esprit.
de mai dernier,
article
par
participe,
quelque don essentiel, au génie qui
Le voisinage ne
une
bien
très
l'on
publié,
j'ai
ici
je rappelais l'importance
question syrienne, l'ancienneté de nos
droits,
le
consentement joyeux de
presque
tous les habitants de la Syrie, et les limites
d'une province qui ne vaudra pour nous que si
nous avons l'enveloppe en
le
noyau.
J'ai
même
temps que
reçu bien des réponses, tantôt
de Paris ou de Lyon, tantôt d'Egypte, tantôt des
grecques où les Syriens s'étaient réfu-
îles
dans l'orage
giés. Je n'en ai rien dit parce que,
où nous sommes, selon que l'éclair
temps
est
les
yeux sont
brille
ici
vite détournés,
ou
revenu de parler de
mais
là;
la
le
France du
Levant. Je citerai seulement trois de ces lettres.
La
première demandait d'abord, pour dissiper
les
craintes de quelques Syriens élevés à l'étranger,
que
la Syrie,
l'avenir français,
dans ce qu'on peut fût
nommer
mieux choyée que 12.
cer-
AUJOURD HUI ET DEMAIN,
210
taines de nos colonies, ce qui ne saurait être
mis en doute, car
la
formule des protectorats
méditerranéens paraît être tout à Elle continuait ainsi
et souple.
est civilisée,
fait
heureuse
«
La Syrie
:
d'une civilisation française. Elle
est instruite. Elle s'est
formée dans l'étude de
votre histoire. Elle a suivi votre évolution, elle a vécu avec vous, elle s'est fondue en vous. Elle ignore tout de la Turquie. »
Dans saluant
seconde
la le
lettre,
un poète connu,
rêve de toute sa vie, le rêve d'une
Syrie française, entière et formant un Etat et
une âme, avec Adana, Alep, Alexandrette Palestine, disait
:
Quand
«
la
et la
France prendra
possession de la Syrie intégrale, qui a été de tout temps lui
rire
moralement sienne,
elle la
verra
de tous ses vergers, de toutes ses
sources claires, les bras chargés des présents
de son
sol,
l'âme pleine de gratitude et d'affec-
tion. »
La troisième
nommé amis
lettre
seulement
me gourmandait
les
d'avoir
Maronites parmi
nos
de Syrie, non pas qu'ils n'eussent pas
droit à ce titre,
mais parce que
les autres le
méritent, ceux qui sont d'autre race et d'autre
RÉPONSES DU LEVANT. habitation
«
:
Vous
écrivez, et
2H se chiffrent
ils
par millions les lecteurs qui vous lisent
:
population chrétienne, fort nombreuse,
spé-
cialement
et
l({
Maronites, se réjouiraient de notre
les
venue. Et pourquoi donc,
vous aux Alaronites
mon
Dieu, attribuez-
le privilège
de vous aimer,
donc de vous désirer d'une manière spéciale?
Nous
les
estimons, mais notre sentiment racial
se trouve
douloureusement
qu'entre
nos sympathies pour
les leurs
on
établit
chaque
froissé,
fois
France
la
et
une sorte de classement à
leur avantage... Si les Maronites, en vertu de
leur liberté d'action, due à l'autonomie de la
montagne qui liauteraent
les
leurs
abrite,
peuvent manifester
sentiments,
vous
voudrez
bien croire que les sentiments des autres élé-
ments chrétiens,
sujets
et
administrés otto-
mans, quoique plus discrètement manifestés,
nen
sont pas moins sincères...
Y
a-t-il
donc
des larmes plus sincères que celles qui coulent
en
silence, et des affections plus fortes et plus
tenaces que celles qui sont, hélas silencieuses?
!
forcément
»
Quelle jolie querelle d'amitié!
Comme
il
est
bon d'entendre ces voix! Elles mêlent leurs
aujourd'hui et demain.
212
notes vivantes à tous les raisonnements, considérations et souvenirs qui nous
avec plus de force qu'hier, de
aujourd'hui, définir
commandent
nos ambitions
et
de prendre nettement
position dans le Levant. Elles disent
choix est
fait,
:
«
Notre
depuis des siècles, et l'heure est
venue où nous appartiendrons à
la
nation de
notre âme. La guerre descend vers nous. » J'ai
entendu raconter qu'en 1876
Guillaume
le fils
de
1", Frédéric, alors prince impérial,
visitant la Syrie,
demanda un
soir l'hospitalité
à l'un des personnages les plus importants et les plus
dévoués à
la
cause française.
sèrent longtemps. Le prince disait
— Pourquoi donc aimez-vous Le Syrien répondait
— La
foi
la
Ils
cau-
:
France?
:
catholique qui est la mienne, l'école
ma
où
j'ai été
et
de voir, mes goûts, mes rêves, notre his-
toire
même
élevé,
:
elle
manière de comprendre
m'a tout donné.
— Même vos inimitiés? — Même mes préférences. Ils il
causèrent presque jusqu'au jour,
est dit
souvent dans les
c'étaient leurs
récits
comme
de l'Orient, car
deux races qui parlaient l'une à
RÉPONSES DU LEVANT. l'autre.
Au
son hôte, peine
le
portrait
matin,
le prince,
213
prenant congé do
remit une photographie. Mais à
lui
grand seigneur syrien eut touché que ses mains
se
le
mirent à trembler.
— Non, je ne puis pas accepter ce cadeau. — Et pourquoi? — Parce que prince photograle
phier dans
le
s'est fait
palais
pareil souvenir
dans
qu'un
de
Versailles,
ma
maison... Non, que
et
Votre Altesse royale m'excuse! C'est impossible!..
Frédéric lui toucha l'épaule
— Cela vous
I il,
fait
:
beaucoup d'honneur,
dit-
ne vous excusez pas.
La photographie
fut
s'en alla, plein d'estime
geant avec
retirée.
Et
le
prince
pour son hôte, son-
envie à ce pouvoir d'amour que
gardait dans le Levant la France lointaine.
LES RUSSES
11 Janvier 1916.
Nous savons alliés russes.
qu'ils ont ils
et
trop
peu de choses de nos
Les télégrammes nous apprennent
— en ce moment
avancé ou reculé,
avancent;
—
qu'ils
ont échappé aux tenailles
aux pinces-monseigneur qui devaient
se
refermer sur eux; qu'ils se battent magnifique-
ment,
et
que, derrière eux,
il
y a toute leur
nation, grands seigneurs, marchands, fonctionnaires, paysans, pêcheurs des fleuves sans fin,
cavaliers des plaines
du sud, Sibériens, gens
des tribus errantes, des villes et des forêts.
peut bien dire tout
que", derrière
eux,
un peuple de Français qui
les
il
On
y a aussi
aiment; qui
LES RUSSES. ou
s'inquiètent
215
réjouissent pour eux; qui
se
s'abordent parfois, les uns les autres, dans les villages, disant
amis de Russie!
quand
ils
:
»
« ;
Ils
et
tiennent
dont
le
coup, nos
regard, souvent,
le
boivent ensemble, se lève vers l'image
encore pendue aux murs, vous vous souvenez? la
poupe d'un vaisseau de guerre, une tente
pavoisée, le long fût des canons qui veillent l)ar-dessus, et le
président et l'empereur qui
portent les fameux toasts.
Mais ce n'est pas assez. Nous qui voyons nos enfants au combat, nous voudrions voir aussi
nos amis,
monde
souffrir
et
merci. Car
la
le sait,
avec eux,
cause est la
et
leur crier
même,
et tout le
dans cette famille de peuples
qui luttent pour de plus grands biens que sol,
que
Or,
ils
le
commerce
et
que
la
nous sont cachés par
alliés russes.
Ne
paix elle-même. la distance,
nos
pourrait-on pas nous donner
plus de nouvelles d'eux et plus de leur Si le
le
àme?
détour est assez long que doivent faire
les sacs
de
lettres et
de journaux,
ils
finissent
par arriver; que ne publie-t-on des récits vivants
des batailles qui se livrent en
Russie, aussi
bien que chez nous, pour l'Europe tout entière
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
216 et
pour chacun de nous? Je m'adresse aux
bureaux
d'où nous viennent, parfois,
officiels,
des tableaux sobres, émouvants et clairs, des actions engagées sur nos lignes. Je m'adresse
également aux
écrivains
stratégique
la
l'art
est
La
russes.
première de
liaison
toutes;
mais
d'entretenir les sympathies n'est pas de
peu d'importance.
En lu
attendant que ce
vœu
Lettres de soldats
les
soit accompli, j'ai
i^usses
publiées par
G. Montvert, à la librairie Payot. Elles sont
en trop
petit
taient pas
nombre; quelques-unes ne méri-
une traduction; du moins ce
cœur
plus le télégramme, et le
Ouvrons
le livre.
pruntées aux journaux
de la
de
fin
1913,
alliés
se
de
1914,
russes,
ou
du
c'est-à-dire d'une
de
la partie.
lettres,
sont
em-
datées
commencement période où
nos
battaient en territoire ennemi.
Les
correspondants sont des
ou
est
La plupart des
n'est
sous-officiers
officiers,
d'infanterie,
des
des soldats
cosaques.
L'un d'eux raconte les préparatifs d'un combat; tous les
voqués
:
hommes « Je me
de
la
batterie ont été con-
dirige vers les soldats, je
déploie une carte, et
me
mets à leur expliquer
LES RUSSES. la
217
mission qui nous est confiée. Je remarque
avec
que
joie
les
n'éprouvent pas
soldats
l'ombre d'une inquiétude, mais semblent seu-
lement
affairés et pénétrés
de leur importance...
De temps en temps, quelques-uns
rap-
se
prochent des pièces, et essuient quelque chose,
comme
s'ils
dernière
caressaient
fois.
»
Un
autre officier
mois de campagne, dans visionnements
:
«
Tout
dit,
s'est battu, lui, et qui,
« J'ai
cela
me
nuit. Et,
comme qu'un
le le
jour,
par la suite, a été tué, écrit: et des
les
que nous
les
tranchées
fortifions la
me
sens
combats. Je
n'ai
met
à fuir. »
Un
autre est
un château appartenant à un proche
parent de l'empereur Guillaume II
:
sûr que nous ne nous conduisons pas les
cou-
dès que nous appuyons, cette
saleté (l'ennemi) se
entré dans
et
moi dans :
de
autre, qui
matin, en avant!... Je
chez
plaisir
d'appro-
fait l'effet
Un
»
nous dormons dans
conquises
deux
de ses premiers
perdu l'habitude des oreillers
vertures;
des
les services
vacances dont je ne jouis pas.
la
qui révèle
et
disciplines
les
pour
fidèle
Note précieuse
une parenté entre armées.
un ami
lieutenants
allemands, au
«
contraire 13
Bien
comme :
en
AUJOURD HUI ET DEMAIN,
218
nous avons admiré, sans
visitant le château,
rien toucher. Mais
nous n'avons pu
résister à
la tentation de mettre du linge propre appar-
tenant à
un parent de Guillaume.
a
d'une marraine
reçu,
de
une
1914,
lettre
et
»
inconnue, à
un
petit
«
d'allumettes
J'envoie à
une pipe.
fin
cadeau,
un
tabac,
une
répond
Il
:
chère petite sœur en Jésus-
Anna Andreevna, mes
Christ,
pour
félicitations et
ma
et
soldat la
mouchoir de poche, deux quarts de boîte
Un
les
plus cordiales
prochaines fêtes de Noël
du Nouvel An... Bien que
je
ne sois pas
fumeur, j'aspire avec un plaisir indicible cette
fumée
comme un bon
qui,
réchauffe
humide,
mes membres engourdis par et je
pipe... Je
me
le
temps
chauffe les mains avec la
vous adresse une prière que je vous
prie de ne pas repousser
réponse, et écrivez-moi fille
verre de cognac,
si
:
favorisez-moi d'une
vous
une jeune
êtes
au cœur compatissant, ou bien une petite
dame? Je vous en
prie, écrivez-moi;
n'a pas
de prix,
pendant
la guerre.
vous avoir
faite
dirait-on pas
que
c'est
la
seule
une
lettre
distraction
Remerciez vos parents de
aussi c'est
miséricordieuse. »
Ne
quelqu'un de France?
LES RUSSES.
Un
219
chef, blessé, en traitement à l'hôpital de
Kiefî, essaie de définir l'Ame des soldats qu'il a
conduits au feu
:
«
Je pense à cette remarque
des correspondants de guerre, pour lesquels
le
un sphinx énigmatique.
soldat russe est resté
Celui qui a vécu côte à côte avec le soldat, qui. a
mangé, bu
et
dormi à
ses côtés, qui, tous les
jours, a entendu ses propos, ses réflexions et ses discussions, sait n'est pas
que
commun... Le
le
type du téméraire
trait le
plus fort, le
un
plus éclatant de sa psychologie, c'est
lisme robuste et bien équilibré...
fata-
Notre soldat
ignore réellement la peur, et bien certainement il
ne s'arrêtera jamais à réfléchir où
moins de danger
:
il
y a
flanc droit, flanc gauche,
sur la ligne de feu ou en arrière. Pour lui,
partout la
c'est
où
le
même
chose. Le danger est là
Seigneur l'aura voulu mettre... Et cet
esprit de fatalisme, qui s'élève des rangs grisailles
de tous ces paysans du Don, du Volga,
de Perm, forme peu
à
peu une unique
universelle atmosphère' de foi inébranlable.
leur
imprime un caractère de haute
de pondération et d'équilibre... sible de faire
Il
et Il
tranquillité, est
impos-
broncher ces hommes, ni de leur
aujourd'hui et demain.
220
perdre
faire
robuste
comme C'est là
et
convictions. Leur
leurs
forte
avant
tout...
foi
est
Leur âme
est
leur démarche, tranquille et ferme. »
une vue curieuse.
complète?
Est-elle
Est-elle assez haute, et la réalité n'est-elle pas
au-dessus? Je n'ai pas
ne connaissant pas début d'une
le
le droit
de
me
prononcer,
peuple russe. Mais voici
le
lettre
écrite
par
le
fils
expéditionnaire
dans un bureau,
sergent-fourrier dans
d'un
comme
domestique, jeune soldat qui a servi et
qui est
un des régiments
les plus
réputés de l'armée russe
:
«
Mon
cher Senia,
tu m'écris qu'il te semble impossible, n'étant
pas
militaire, de supporter ces peines et cette
terreur. Je souligne pas militaire, parce militaire, qui a
ne se
devant
carte, sans hésiter très
noble
:
lui
par rien,
laisse arrêter :
qu'un
un but déterminé, et
met tout sur
la
vie et jeunesse. Ce but est
défendre père et mère, frères et
sœurs, l'empereur
et la patrie. N'est-ce
pas un
but élevé, pour lequel personne ne regretterait ni sa vie, ni sa jeunesse?...
La guerre exige des
victimes, et toutes ces victimes se résignent à la
volonté du Créateur. Est-il possible que
cœur d'un
guerrier
russe
reste
le
impassible
LES RUSSES. devant
la
Senia, son
mort d'un brave camarade? Non,
cœur
sera remué, mais
un
bataille n'est pas
la lointaine Russie, à
dont
Les beaux livre. Il
où un
récits
nos mères
os. »
ne manquent pas dans
comme
en est d'extraordinaires,
cavalier, cinq fois décoré, raconte et 3 officiers
dans
taillé
les
marais
et
drons de cavalerie
qu'il
émouvant,
et
com-
en pièces 3 esca-
le dessin.
nourriture.
Il
même
Mais
d'une grandeur
il
si
en
y en a
simple,
donner à tous,
faut le reproduire, et le
comme une
celui
ont surpris
Je ne puis les citer tous, ni
si
le
compagnies d'infan-
et 2
indiquer la couleur ou un,
dans
nos sœurs,
et à
ment 50 volontaires
terie.
champ de
c'est affaire là-bas,
larmes arroseront nos
les
le
où pleurer ses proches
lieu
du sentiment;
ni faire
221
a été copié dans le
carnet de route d'un officier
Tard dans
«
:
la
nuit,
nous arrivons à une station importante,
où
voie a été détruite par les Allemands qui
la
viennent de se dans
le
Nous passons
wagon. Vêtu de
fait froid.
Une
retirer.
Le
ciel est
nuit
capote, je sors.
sombre
torche, agitée par
comme un
ma
la
et
un vent
Il
sans étoiles.
violent, brille
serpent rouge près de
la station.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
222
Près
de
torche,
la
des
sont
noires
tigures
rassemblées. Je m'approche. C'est un groupe
de soldats qui examinent une chemise de fine toile,
portant des
de sang.
taches
C'est la
chemise du prince Oleg. Lors d'une reconnaissance à cheval, l'a
ramené
arrière, V'^oici
On
à
il
a été gravement blessé.
On
expédié
en
station,
la
pansé,
presque mourant, avec un docteur.
une boîte d'allumettes gorgées de sang.
dit qu'il
coupent servent
ne passera pas
chemise en morceaux,
la
comme
souvenirs. «
petits frères, cela
de mourir
la nuit.
:
il
ne
fait
pas
Dans
Les soldats qu'ils
con-
cette guerre,
même
de la peine
y coule du sang royal! » dit une
voix plaintive. Je
prends dans
une
la boite
des allumettes couvertes de sang et je la cache
dans
mon
Non,
celte guerre n'est pas
naire.
De
portefeuille...
la
Je la conserverai.
une guerre
Russie divisée,
elle
a
ordi-
fait
une
Russie unie, et dans laquelle un seul sang circule. »
En
lisant ces Lettres de soldats russes, je
souvenais d'un jugement d'ensemble que
me le
comte de Maistre, longtemps ambassadeur à Saint-Pétersbourg,
a
porté
sur
le
peuple
LES RUSSES.
223
demeurés dans
russe. Les termes n'étaient pas
ma
mémoire, mais je
me
rappelais que ces
phrases, pleines de sens et d'éclat, répondaient à
une foule de et
qu'on a dites depuis
sottises
lors,
qui devaient être déjà répandues au com-
mencement du XIX" siècle. J'ai feuilleté plusieurs de ces qu'un
homme Elle est,
j'ai
qu'un étranger «
retrouvé
je pense,
ma
le
parlé des
Russes avec amour. Presque tous ont
brave,
plus
plus complet,
le
Peu de voyageurs écrivains ont
teurs.
le
La
rendu au peuple russe.
ait
côtés faibles, pour
second
citation.
l'hommage
concis et
autorisé, le plus
dans
écrits. Et,
ait
volume du Pape, voici.
sont parmi les plus grands
livres, qui
amuser
la
malice des lec-
est
éminemment
spirituel,
hospitalier,
Cependant, ce peuple bienveillant,
saisi les
entreprenant, heureux imitateur, parleur élégant, et possesseur d'une langue magnifique,
sans mélange d'aucun patois, dernières classes. »
même
dans
les
LE
CUISTOT
«
»
20 Janvier 1916.
Il
a été un personnage.
gloire,
et
Il
a eu sa période de
dans
de vraie gloire,
partie de la guerre et jusque
dans
la
première
le
commen-
cement de 1915, C'était l'heure
où
tots » d'escouade.
il
On
y avait encore des
« cuis-
pouvait sourire de lui, à
cause de ses manies, de ses propos et de son
harnachement, mais non pas assure
sur «
:
s'il
prélevait quelques bons
l'ordinaire,
pinard
»
goûtait
de la troupe,
sa part de danger.
chaude ou
et
Pour
il
je
rire,
vous
morceaux
fréquemment
avait aussi plus
le
que
leur apporter la soupe
tiède, le soir, et
pour
faire,
avant
le
LE
«
CUISTOT
225
».
jour, la seconde distribution, celle
hommes de
savaient que
la nuit, et
le cuistot
du
café, les
ne dormait pas
que, pour arriver jusqu'à eux,
il
de mauvais couloirs, où passe la
traversait
mort.
Supposez
plaines
les
du nord; un
ciel bas,
sous lequel glissent des poches d'eau informes,
poussées par à
le
vent de marée; des champs
demi abandonnés; des
vaguement
éclairés,
dans
chemins défoncés la nuit,
de deux canaux bien
droits,
en
mer
silence jusqu'à
la
par la lueur
vont
qui s'en
Avant
lointaine.
mer il y a bien des villages. Dans un détachement se prépare à partir
d'arriver à la l'un d'eux,
pour
les tranchées, qui
vient
sont
là,
vers
l'est,
d'où
grondement du canon. Les hommes
le
sortent de toutes les maisons, les granges, les ruines, car les
dix
toits
la
chaussée.
Un
achevé. taires.
ment
ruelle.
I
masse
brune
au
milieu
et
voit
de
Le rassemblement
est
presque
après
les
retarda-
le
détache-
caporal crie
Le dernier, au moment où
se
On
semaine précédente.
la
une
grouiller
obus ont crevé dix façades
met en marche, apparaît au coin d'une Il
boucle son ceinturon, difficilement, 13.
aujourd'hui et demain.
226
sur sa bedaine. C'est un
homme
bas sur pattes,
qui tangue en s'avançant et grogne dans sa
barbe d'avoir à se hâter. C'est aussi, de tous les soldats présents, le plus
chargé,
le
prévoyant,
plus chaudement vêtu,
plus
le
plus lar-
le
gement chaussé,
le
de ses poches.
a mis sur sa capote une chape
Il
plus épaissi par le contenu
en peau de mouton; turon
une
il
a pendu à son cein-
de fer-blanc;
cafetière
il
porte,
autour du cou, un cache-nez vert dénoué qui
pend comme une
étole;
il
couvrant ses
a,
mains, des moufles de bûcheron,
et,
dépassant
sa tête et lui faisant panache,
un
de tous côtés bâillant,
bossue, sonnant,
que surmontent
trois
botte de persil et
ficelé,
paquets de carottes, une
un paquet de poireaux dont
les feuilles brisées, agitées
sur son épaule Il
les
gauche de
autres cuistots.
la plus
Mais,
la section arrivera
d'un coq mort.
la
section, avec
vers huit
au village
heures,
détruit,
où
importante construction n'a que trente
centimètres de hauteur,
quelque cave où n'y
en mesure, traînent
comme la queue
se place à la
quand
sac démesuré,
il
a pas de cave,
il
s'arrêtera et gagnera
peut faire la cuisine. il
connaît un
abri,
S'il
une
LE
meule de la
paille avariée,
flamme du foyer
un
227
».
talus, qui
et le plus
cachera
gros des étincel-
Là, ce brave, pendant une semaine, fera
les.
l'homme de peine il
CUISTOT
«
et
devra cuisiner, préparer
rata et le reste
Non seulement
de veille.
soupe,
le café, la
le
pour l'escouade, mais s'appro-
visionner, à trois kilomètres en arrière, dans
un chemin tion
», et
défilé,
le
il
il
«
touche
la distribu-
porter en première ligne, à deux kilo-
mètres en avant, cela
où
doit
le faire
crépuscule
produits de son
les
entre
le
du matin.
montré sans cesse en
art.
Tout
crépucule du soir et
Un
alerte
poète entre
l'aurait les
deux
grands angélus. Et quels chemins! La boue, pluie, les trous
où Ton culbute avec
les
mites, ne sont que les moindres misères.
grande s'appelle
la
mort. Elle est
là,
la
marLa
toujours
passant dans l'ombre, quand on approche des tranchées. Car,
en ce temps déjà lointain,
il
n'existait
que des boyaux de communication peu nombreux
et
de petite longueur.
Il
fallait aller
à
découvert, souvent, pour rejoindre les camarades.
Beaucoup de
ainsi, les
k.
mains
cuistots qui s'en allaient
pleines, attendus par les
com-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
228
battants, ne sont point arrivés.
champ, une
coin d'un
balle folle les a fait tomber. Sainte
Zita la Sicilienne,
a
Au
patronne de
la
corporation,
dû en recevoir plus d'un en paradis.
mon rité
pauvre vieux,
a parlé pour
Le
toi, et les
petite demoiselle. Il
noms
gamelle est finie,
la
un
nommait
sonnent déjà dans
ses victuailles de
la
légende nouvelle.
un matin,
de l'ennemi. C'était un
les lignes voisines
dimanche.
causait avec des amis, assis sur
Il
banquette de terre, n'ayant pour paysage
qu'une paroi à pic de glaise portée
de
la
main
oubliant l'heure.
reconnaissant cette
jovial
;
Un
cette
et
de cailloux, à
malgré
cela,
soldat prêtre passa,
de
face
barbe rousse que
mèches
vieil
enfant,
le rire séparait
et et,
et
en dix
:
— La bonne rencontre répondras bien
la
y aura de
!
Je parie que tu
me
messe?
— C'est pas de refus il
de
colorés, en usage dans la grande armée,
et qui
la
cha-
langage
J'en ai connu un, qui s'était attardé,
dans
ta
cieux sont ouverts. »
pas
n'avait
cuistot
« Viens,
;
mais
il
y a longtemps
l'erreur.
— Viens tout de même, je
te soufflerai.
:
LK
CUISTOT
«
dans
Ils allèrent
déjà deux bougies,
Au
d'obus.
cagna
la «
229
».
où brûlaient
»
dans
fichées
commencement,
des fusées
le
cuisinier
retrouva seul quelques réponses en latin,
il
en
répéta d'autres, qui lui furent conseillées. Mais,
après l'évangile, quand fioles
remplaçant
l'autre d'eau, offrir
il
d'abord à
dut prendre
il
deux
les
l'une de vin,
les burettes,
se troubla,
ne sachant laquelle
l'officiant,
et
cher dans sa mémoire,
il
il
eut beau cher-
n'y trouva point de
souvenir. Alors, se penchant, et le plus poli-
ment du monde,
—
il
demanda
Dis donc, vieux,
pinard qu'on
te
Le cuistot
:
c'est-il
la flotte
ou
le
passe le premier?
était
un
homme
plein
de
res-
sources et de sollicitude. Pour son escouade,
aux heures douteuses où
mencent à
les
combattants com-
sortir des terriers et des ruines,
il
arrachait, dans les jardins abandonnés, ce qui restait des
terre
oignons, des carottes, des
semés par d'autres gens
dîners. Il apprenait,
il
Il
faisait
quelques
pommes de
pour d'autres
devinait les ressources
que renfermaient encore dés.
et
les villages
bombar-
fouilles, çà et là, qui
n'avaient point pour motif une curiosité d'ar-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
230
chéologue. Mais à quoi bon laisser derrière les fagots les vins que des rôdeurs peuvent s'appro-
prier?
Ne
mieux
vaut- il pas
braves qui défendent
aux
le distribuer
tranchée? N'est-ce pas
la
dans l'intention, secrète
des pro-
et certaine,
paysans, vignerons, que la guerre
priétaires,
avait obligés à partir?
Un
au plus dur des attaques
jour,
alle-
mandes, l'un des meilleurs cuistots d'un régi-
ment
blessés, trois
entendant
d'infanterie,
qui ne cessait
point,
lamentait en lui-même.
se
semaines,
déblayer la
il
cave
essayé
avait
du
parvenait
point
à
Ils disent, les
continue,
ils
en vain de
un
tel
de poutres, qu'il glisser,
a
camarades, que,
Quel si
ça
ne pourront pas tenir! Mais,
si
moi, je sais bien qu'ils tien-
je réussissais,
les
et
s'y
malheur!
draient! » Et
Depuis
maire. C'était
amoncellement de pierres ne
canonnade
la
voyant passer des
et
il
travaillait,
arrachant un à un
moellons du caveau. Tout à coup, un obus
tombe en plein dans
la ruine.
Le
fouilleur,
abattu par l'explosion, se tâte, puis regarde la
besogne
est
faite
et la
cachette ouverte
:
;
avec un peu d'audace et de chance, en se glis-
LE sant
ici,
puis
CUISTOT
«
en étendant
là,
».
231
les bras,
en grat-
tant la poussière... Il se redresse bientôt;
trouvé deux bouteilles intactes. quatre,
en prend dix. C'est
il
le
a des étiquettes sur le verre. «
Faut que
ne tenaient pas!
Il
a
en prend
bon coin;
Bon sang!
j'y
il
aille!
il
y
s'ils
»
Un
panier sur l'épaule, ses larges poches remplies,
sonnant de tout orchestre,
il
corps
le
comme un homme-
prend sa course vers
Les obus éclatent et ne
le
la
tranchée.
touchent pas.
Il
arrive. « Tenez, les vieux, voilà de quoi tenir!
Qui veut du bordeaux? Qui veut du bourgo-
gne? Qui préfère de
la vieille fine? C'est
M.
le
maire qui vous l'envoie, avec ordre de n'en pas laisser au?t Boches
Ainsi
fut
Aujourd'hui,
Les
blindés
chaque
»
fut
du coup.
arrêtée
plus.
!
Et l'attaque allemande
fait.
cuistot d'escouade n'existe
le
cuisines
comme
»,
les
«
trains
à proximité des lignes. Chaque
soir,
compagnie
roulantes,
disent les soldats, arrivent,
a
sa
cuisine.
Un homme,
par
escouade, va chercher la soupe et la rapporte. Et,
au
petit
mettent à
matin,
l'abri.
les
voitures reculent et se
Lequel des deux systèmes est
232 le
aujourd'hui et demain. meilleur? Le second sans doute. Mais
grands historiens qui parleront de
la
les
grande
guerre devront un souvenir au cuistot des
premiers temps, qui fut un bon serviteur
souvent un hĂŠros.
et
LE PETIT SACRIFICE
6 Février 1916.
Il
y a des hommes qui vivent de leurs
rentes,
il
y en a qui vivent d'un métier,
il
y en
a, dit-on,
qui vivent du bruit qu'ils font et du
dommage
qu'ils causent.
Il
faut revenir sur la définition et la nuisance
de cette espèce.
Nous avons, en
un certain nombre dejournalistes
ce et
moment,
de députés
qui ne font que diviser, s'opposer aux ordres et plus
exactement
à
l'ordre,
empêcher
les
réformes vraies, demander celles qu'on ne peut faire aboutir
en peu de temps, combattre les
hommes d'initiative, pousser en avant ceux qui mouvement que celui qu'on leur
n'ont d'autre
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
234
dépenses vaines ou vexatoires,
donne, voter
les
mesurer
nécessaires,
les
s'ils
et,
parlent ou
écrivent pour le public, semblent ne connaître ni le temps, ni le lieu, et n'avoir
aucun soupçon
que nous sommes en guerre,
que
joue sa
ils
leur
demande
répondent,
s'ils
et s'ils sont journalistes
leur
la
France y
vie.
Quand on dre,
et
le
motif de ce désor-
sont députés: contrôle; :
lumière. Les mots ne
manquent pas autant que
la sagesse
des
noms pour
œuvre. Maîtres de
la définition,
ont toujours
comme un
langue
parlent de
pour des
liberté
ils
jouant avec
la
enfant avec les étrennes
données par un grand-père, grandes raisons
;
déguiser leur
quand
trouvent de
ils
actions ils
vilaines,
suppriment un
quand
il
Quelles carrières cependant, et quel passé
le
droit, et
faut dire
prononcent :
«
«
corrompre
émanciper
»
».
plus souvent! Demi-jeunes, demi-vieux, vieux tout à
fait,
s'ils
jugeaient ce qu'ils appellent
improprement leurs
«
campagnes
de tribune ou de, couloirs, derrière
ils
»
de presse,
n'apercevraient
eux qu'une enfilade de démolitions,
toutes françaises. Mais
ils
n'examinent point
LE PETIT SACRIFICE. leurs responsabilités
:
ils
235
n'ont égard qu'à leur
pouvoir; leur cœur n'a point de remords;
combinent, profit, et le
convoitent,
ils
mot de
jusqu'à signifier
ils
cherchent
victoire est abaissé par
le
ils
eux
succès d'une intrigue,
scandale d'un article et
la
le
le
ruine d'un principe.
Ne comprennent-ils donc pas
qu'ils
sont
du dehors; que leurs extravagances sont
épiés
guettées par l'ennemi, qui se sert habilement,
contre la France, des paroles et des actes de ces
Français désordonnés?
Ne
savent-ils pas
et celle
que
cette politique, la leur
de leurs devanciers, a tourné contre
nous ou mis en défiance un certain nombre de neutres, cieuse,
dont et
qui
prendre pour
une
poignée
sympathie nous serait pré-
la
la
ne sont
que trop disposés à
France, muette et combattante,
d'intrigants,
de se
incapables
ranger au devoir nécessaire?
Ne
voient-ils pas l'exemple, qu'il faut hélas!
citer,
de l'Allemagne gouvernée? Depuis des
mois, les Allemands, sur notre front, n'ont eu
que des échecs.
Ils
en ont eu de
Marne, l'Yser, Ypres,
pagne
et d'autres
terribles, la
les batailles
de
de moindre étendue
:
Chamcepen-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
236
dant, les accusations contre les généraux ouïes ministres, les critiques acerbes contre l'organi-
n'ont
sation des services essentiels,
formulées à
dans
les
la
pas été
tribune du Reichstagou publiées
journaux. Quelqu'un veille à ce que
les forces de
nos ennemis ne soient pas divisées.
N'ont-ils pas le sentiment
employé, que
le
que
temps gaspillé
le
temps mal
et
perdu
est
irremplaçable? Nous n'avons pas des années
pour décider de l'avenir de de tous
et
qui
France, du sort
de chacun, du bonheur ou du malheur
de ce peuple engagé dans ait été
peut-être.
la
la plus
grande guerre
nous avons des mois, des jours
:
Chaque minute
est précieuse infini-
bien de commissions, de ques-
ment.
Il s'agit
tions,
d'interpellations et de ces bavardages!
Ceux qui administrent, comme ceux qui battent, n'ont
que
le
temps
d'agir.
Toutes
se les
querelles de méthodes, et les ambitions, et les
rancunes,
et ce
et ce qui fait
qui retarde, et ce qui trouble,
douter des
voilà les fautes qui
que
et
des choses,
la destinée n'attend pas. Elle est là, toute
proche, et celui qui faire
hommes
sont sans remède, parce
fait
perdre une bataille.
perdre une heure peut
LK PETIT SACRIFICE.
237
N'entendent-ils pas monter la réprobation
publique?
A ceux-là auxquels
défaut,
sentiment de la peur n'est jamais
le
étranger.
faut
11
donc
conscience
la
fait
sachent qu'ils
qu'ils
courent un danger. Quoi, direz-vous? Eux
si
habiles à les fuir?
— Un grave danger. — aux tranchées? — Vous connaissez peu. Iraient-ils les
— Serait-ce un danger électoral?
—
Quelque chose de plus
:
un mouvement
national de dégoût.
Rien n'est plus certain. Je ne sais par qui ces
agitateurs
sont
s'imaginent que
la
renseignés.
France
vivent dans l'illusion. libre,
nous entendons
plein de colère, et le les
est
Nous le
Mais
s'ils
complice,
qui vivons h
vent passer.
ils
l'air
Il
est
mécontentement déborde
personnages, de petite ou de grande
taille,
qui l'ont provoqué.
Je n'irai pas jusqu'au bout de
Nous ne sommes pas
ma
une heure
à
pensée. où.
nous
puissions profiter des fautes de ceux-là
mêmes
du mal. Nous ne nous
réjouis-
qui nous ont
fait
sons pas de leurs erreurs
I
:
nous voudrions
les
aujourd'hui et demain.
238
effacer. Ils sont Français.
une
même
tempête,
si
Nous sommes dans
terrible que,
du
capitaine
au dernier mousse, tout manquement à cipline,
tout cordage qui
et
la dis-
craque, et tout
hublot qui n'est pas fermé, intéresse la sécurité l'équipage
de
fermer tous
quand même, Je
ne
qu'avertir,
que
entier.
les
et la
veux
si
mer
l'on
pouvait
seule n'entrerait plus
pas récriminer,
comme
c'est le
Ah!
hublots! La lumière entrerait
d'autres
devoir de tout
je
ne veux
l'ont fait,
homme
!
parce
qui voit
clair.
La France adroit à
l'union. Elle la veut.
Il la
lui faut.
A
où tant de Français
meurent pour
l'heure
la patrie,
bien se taire pour
elle!
quelques-uns peuvent
It
LE SIEGE D'OUM-ES-SOUIGH
13 Février 1916.
La guerre européenne monde,
et
du
retient l'attention
nous-mêmes, Français, nous savons
peu de chose des
faits
au Maroc, au sud de
d'armes de nos troupes
ou dans
la Tunisie,
immense Cameroun d'où
elles
ont,
cet
avec
coopération des Anglais, chassé l'Allemand. est vrai
que
les papiers officiels,
cela regrettable,
—
— dorment dans
la Il
et je crois
les cartons,
attendant quelque historien, vieil officier, qui les lira
vers 1925 ou 1930; que personne no les
résume à notre usage; que
les
agences d'infor-
mation ont peu de correspondants parmi dunes sahariennes, dans
les
champs de mil
les
et
240
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
les forêts
de jujubiers où vivent des guerriers
nus, maigres et anthropophages, et enfin que les lettres
ne sont pas nombreuses que nous
écrivent les coloniaux, les chasseurs, les
tirail-
leurs, et, à plus forte raison, les spahis et
gou-
miers engagés dans ces grandes aventures. J'ai lettre
cependant reçu, du Sud tunisien, une qui raconte
d'Oum-es-Sôuigh,
le siège
qui eut lieu en octobre dernier,
bien faire en racontant à
mon
et je
tour ces combats
où des Français, appartenant pour ce qu'on appelle les
«
crois
la
plupart à
groupes spéciaux
», lut-
tèrent désespérément contre des rebelles tripolitains six
ou huit
fois plus
nombreux,
refu-
sèrent de se rendre, et permirent aux troupes
de secours d'arriver
ne
et
de rétablir l'ordre, qui
fut plus troublé.
Qui
l'avait troublé?
Les Allemands, vous
le
devinez.
Pour comprendre toute
l'affaire,
il
faut se
rappeler qu'à partir de Gabès, la région devient désertique et se trouve jalonnée par des postes militaires plus
ou moins importants
une ligne qui s'enfonce dans
le
sud
:
et
formant
Medenine,
Tataouine, Fatnassia, Dehibat. Cette ligne se
LE SIÈGE d'OUM-ES-SOUIGH. rapproche de plus en plus de
241
la frontière tripo-
litaine.
Or, à l'automne de 1914, les Italiens,
nos
voisins, ayant décidé, en prévision des événe-
ments dont nous sommes aujourd'hui témoins, d'évacuer une partie de leurs postes tripolitains, des colonnes italiennes franchirent la frontière, et
en
rentrèrent
par
Italie
les pistes
et
les
routes tunisiennes, en raison de la facilité plus
grande des communications. Les guerriers tripolitains, excités par deux de leurs cheiks réfugiés en Turquie et depuis
longtemps acquis à l'Allemagne, crurent l'heure favorable pour reprendre la moitié de la Tripolitaine
et,
d'Europe,
qui
sait,
à
la
faveur de la guerre
soulever nos tribus de Tunisie et
s'emparer de nos oasis, de nos puits fortins. Ils s'arrêtèrent
se rappelant les
leur
avaient
fidèles. Elles
de nos
d'abord à la frontière,
rudes leçons que -nos soldats
données.
ne
et
les
Nos
tribus
restaient
croyaient pas lorsqu'ils se
prétendaient les envoyés et les amis du grand
maître de la confrérie
Achmed. Et Seules,
elles
des Senoussistes,
avaient,
en
cela,
Si
raison.
deux tribus tunisiennes, campées aux 14
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
242
Ouderna
et
par les
désavouées
environs de Tataouine, autres, les
les
Krachaoua, se
lais-
sèrent entraîner, et passèrent la frontière pour
mêler aux pillards
se
Elles
tripolitains.
le
regrettent aujourd'hui. Il
se passa
même
politains,
ces
deux
français.
quelque temps avant que
les Tri-
renforcés par les guerriers de
tribus, osassent pénétrer
On commença
en territoire
de les voir,
ici
ou
là,
en septembre 1915. Vers cette époque, plusieurs
détachements en reconnaissance sont
attaqués autour de Tataouine et de Dehibat.
Nos
officiers
état
de défense,
des
tranchées,
achèvent de mettre et,
camps en
les
notamment, font creuser
comme
en
Argonne ou
en
Champagne. Le 2 octobre, un de
ces camps, situé sur la
ligne d'étapes de Tataouine à Dehibat et plus
près de ce dernier poste, le
camp d'Oum-es-
Souigh, est attaqué par un parti de pillards tripolitains.
L'ennemi
Avant
l'aube,
il
a été enveloppé.
sur les dunes
se tient à distance,
semées de buissons qui dominent
les
quatre
bastions du bordj, les abris pour les provisions et le puits
du milieu. De
là,
il
tire,
avec des
LE SIÈGE d'OUM-ES-SOUIGH. fusils (le
les
243
guerre de fabrication européenne, sur
hommes
qui venaient de s'éveiller et qui
pour commencer
sortaient des tentes
les cor-
vées du matin.
Les nôtres ne sont pas nombreux, moins de
deux cents hommes d'un
«
groupe spécial
» et
quelques goumiers méharistes. Presque tout de suite couru,
le
me
feu devient très vif. « dit
nous avions mulets
mon faits.
Nous avons
soldat, vers les abris
Mais
tombaient.
chevaux
les
Vers
six
que
et les
heures,
nous
lûchons quatre pigeons voyageurs, pour demander du secours. La journée se passe sans que
nous pensions
même
à boire et à
manger
:
on
n'a pas le temps. »
Les Français se battent et
très
courageusement
repoussent plusieurs charges de cavalerie,
lancées avec l'impétuosité coutumière, tous les
burnous «
flottants et les fusils à
dominant
la
poussière
»,
bout de bras,
contre les tranchées
en avant du bordj. Les goumiers donnent des signes de faiblesse, au contraire, et parlent de se rendre,
car les crêtes,
Souigh sont
couvertes
autour d'Oum-es-
de petites hachures
blanches, grises, brunes, qui sont des Arabes.
aujourd'hui et demain.
244
La chaleur a est glacée.
Le
été torride tout le jour, la nuit
On ne
3 octobre, le
peut s'approcher du puits.
combat continue sans
inter-
ruption. LIne colonne de secours, envoyée de
Dehibat, apparaît un
devant
moment
sur les dunes,
nombre des ennemis qui
le
et,
essaient de
l'envelopper, juge impossible de pénétrer dans le
camp. Pas plus que
ne peuvent se
la veille,
La
ravitailler.
encore plus que la faim. boire leur urine,
comme
Ils
les assiégés
soif les
torture
en sont réduits à
les soldats
de Sidi-
Brahim.
Le
4, la fusillade cesse tout à
coup.
Un
par-
lementaire, vêtu d'une capote de chasseur et agitant
un mouchoir,
matinée,
—
un prisonnier de
— s'avance vers
camp.
le
« Il est
la
por-
teur d'une lettre écrite en français, dans laquelle le
chef
demande
à notre capitaine de se rendre.
Malheureusement, derrière quelques
Tripolitains
se
le
parlementaire,
sont glissés,
puis
d'auties qui arrivent au galop, et sur lesquels
nous n'osons pas est là, qui pitié!
tirer,
parce que
le
capitaine
cause avec les premiers. Ah! quelle
Voilà
avaient salué
que le
l'un
des
capitaine de
Tripolitains
qui
Bermond de Yaulx
»
LE SIEGE D OUM-ES-SOUIGH.
245
a déchargé un coup de revolver en pleine
lui
poitrine.
Le capitaine
est
tombé.
nous l'avons emporté dans dit
est
:
Vive Dieu! Vive
«
la
J'étais
tranchée;
la
France!
là; il
puis
»,
a il
mort. La confusion était extraordinaire et
les balles se croisaient
Dans
en tous sens.
désordre qui suivit
le
»
l'attentat,
les
du bas-
Tripolitains avaient réussi à s'emparer
tion nord. Les Français tenaient les trois autres bastions; mais l'ennemi, à présent, avait
un
pied dans leur propre camp, et pouvait voir et abattre tout
homme
qui se hasardait hors des
tranchées. Cependant, la nuit, quelques soldats,
au
de leur
péril
vie, réussirent à aller
puits, et rapportèrent
que l'on
ou ;
lit
d'eau.
Le partage
de cette eau précieuse donna deux
trois cuillerées à
Le
un peu
jusqu'au
chaque combattant.
5, le 6, le 7, le 8 octobre, cette lutte ter-
rible continua.
Dans
tâchaient de s'abriter, plus,
et
les
autres
les bastions,
quand
ils
les soldats
n'en pouvaient
répondaient
au feu
de
l'ennemi. Autour d'eux, les cadavres pourrissaient. l'espoir
On
regardait les dunes lointaines, dans
de découvrir un sauveur. Le
entendait, dans l'air pur
du
désert,
soir,
on
monter
les
14.
aujourd'hui et demain.
246
chants des Arabes qui célébraient leurs morts.
Ni
lieutenant Paolini, qui avait pris le
le
commandement, cédèrent.
plus de
1
ni
aucun des
Cependant
«
spéciaux
avaient contre
ils
500 guerriers bien armés,
et la soif, et le soleil
du
»
ne
eux
et la faim,
désert, et l'air glacé
des nuits, et l'extrême misère.
comme
la
chaleur était déjà grande
et tremblait sur les
dunes, dans la matinée du
Enfin,
9 octobre, on aperçut les Français à l'horizon. C'étaient les chasseurs et
les
tirailleurs
du
bataillon d'Afrique
du commandant
algériens
Morand, avant-garde d'une
colonne de
forte
secours, venant de Tataouine. Ils avaient avec
eux du canon. Les assiégeants leur
La
bataille eut tout de suite
mètres.
firent face.
un front de 4
Une compagnie commença de
en avant, pour enfoncer
le centre.
Tripolitains ne l'arrêta pas.
Du
kilo-
se porter
Le feu des
bordj, on la
voyait progresser, toujours, toujours. Puis les
deux
ailes se
mirent en mouvement. Et, cédant
tout à coup, fuyant à toute allure de leurs che-
vaux ou de leurs jambes, poursuivis par décharges de
l'artillerie, les
lèrent dans les sables.
les
Arabes s'éparpil-
LE SIÈGE d'OUM-ES-SOUIGH.
Avant midi,
le
commandant de
la
247
colonne
s'avançait, suivi de ses troupes, vers les héros qu'il venait
blessés, se nillés,
drapeaux
qu'ils
se
le
parapet des
avaient orné de tous leurs
tricolores.
mains qui
les
tenaient debout, exténués, dégue-
brûlant de fièvre, sur
tranchées,
même
de délivrer. Ceux-ci,
Et quand
tendaient,
ils
virent des
des camarades qui
portaient les armes, d'autres qui sautaient de joie, ils
ne sachant comment
entonnèrent
dire, tous
la Marseillaise.
ensemble,
ENNEMIS PUBLICS
20 Février 1916.
On
peut être bête,
et cela se voit
souvent
:
y a des gens qui abusent du droit de l'être. Et, par exemple, ceux qui, dans nos campagnes, il
prêtent l'oreille à ces propos qu'on a désignés
de ce
nom juste
de l'ennemi. Je
Mais
il
silence.
le faut.
:
la
rumeur infâme.
Elle vient
rougis d'avoir à la répéter.
On ne
se défend point par le
Vous vous souvenez
:
«
Ce sont
les
riches, ce sont les prêtres qui sont cause de la
guerre;
pour les
ils
ont envoyé de l'argent à Guillaume
qu'il la déclarât! »
marchés
et les
Dans
champs de
les cabarets, sur
foire,
des gens
douteux tâchent de trouver des sots qui
les
ENNEMIS PUBLICS.
249
écoutent, des lâches qui ne leur répondent pas.
Et
ils
en trouvent quelques-uns, puisque, de
divers côtés, des plaintes nous parviennent, et
que des fonctionnaires, préfets ou sous-préfets, que
cette initiative
honore, ont invité
les
bons
citoyens à « faire la police » et à empoigner «
«
ces louches
Boches de
semeurs de guerre
civile », ces
l'intérieur ». C'est ce qu'a
répondu
M. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle. Le préfet de la Savoie l'a imité, et aussi le préfet
du Loir-et-Cher; avant eux, au début de
la
guerre, le sous-préfet de Chateaubriant avait
donné
ce conseil énergique.
relever vertement
et
ceux
faut le suivre,
Il
qu'on entendrait
ainsi parler, et les désigner à la justice militaire
ou à
la justice civile. Faites-le
menacez pas seulement
sans tarder.
Vous rendrez
agissez.
:
un plus grand service au pays que faisiez
si
vous
prendre un incendiaire ou un empoi-
Car de
sonneur.
tels
criminels
autant qu'il est en eux, à la vie France. Et en quel
Quant aux de sornettes, l'esprit,
I
Ne
si
autres, le
s'attaquent,
même
de
la
moment! aux
mieux
faibles,
aux écouteurs
serait de leur
cela pouvait se
donner de
donner de
l'un à
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
250
cigarette.
Du
moins donnez-leur quelque honte de leur
fai-
comme une
l'autre, et s'allumer
blesse; éveillez leur
bon sens ou
parfois leur
souvenir endormi lourdement. Le hasard peut s'y
Un
prêter.
magistrat,
un
de mes vieux amis, qui fut
lettré
que François Coppée tenait
homme
en affection, un
de tout bien, maire
d'un village éloigné de Paris, M. d'O..., voya-
en décembre 1915, dans un comparti-
geait,
ment de chemin de n'était pas
pour
fer
bondé de
lui déplaire. Il a
Ce
soldats.
quatre
fils.
L'aîné, père de six enfants, chef de bataillon d'infanterie,
l'ordre
deux
du jour,
prêtre,
se bat
d'infanterie,
jeune,
prêtre
grièvement
pour
comme
le
quel bel honneur, que ces deux
l'âme populaire!
cité
à
en Artois. Le second,
décoré lui aussi, est reparti plus
décoré,
Le troisième, chef de
infirmier.
est
bataillon
fois blessé,
blessé,
le front.
Le
second,
—
fils
donnés à
— appartenant comme
lui
au
clergé de Paris, aumônier militaire, a été, pour sa bravoure et pour sa charité, décoré de la
Légion d'honneur
du
jour.
tion de
Vous
mon
et trois fois cité
à
l'ordre
comprenez l'émotion, l'indigna-
ami, quand un soldat, en face de
ENNEMIS PUBLICS. lui, se
mit à dire
qui l'ont faite!
La guerre,
«
:
251
curés
c'est les
On devrait les y envoyer...
Les camarades n'approuvaient pas,
», etc.
se tai-
ils
saient. D'un mot, d'un geste, d'un grognement,
n'auraient
ils
sortait ils
pu
faire taire ce petit gredin,
du dépôt, tandis qu'eux,
s'étaient battus.
Non,
Le courage civique
ils
soldat
le
«
:
gardaient
M.
Alors, n'y tenant plus,
là-bas. Il a je souhaite
un
j'ai
l'autre.
d'O... interrompit
Vous ne savez pas
tranchées. Moi,
le silence.
que
fils
vous
ce dont
vous n'avez pas vécu de
parlez;
anciens,
les
est plus rare
qui
la vie
des
qui est aumônier
donné des preuves de bravoure que que vous
Un
imitiez.
jour, notam-
ment, sous un feu terrible des Allemands, à l'appel d'un blessé, et
est
il
chercher )s
Revenu,
khe?
seul,
allé,
il
tous les
»
)hie.
«
ijoutait
Et
il
hommes
tira
Coup de
mon
ami.
s'écria aussitôt
en
rapporté,
l'a
I\egardez-le
rait!
de
la tranchée,
terrain
découvert,
est sorti
qui appelait,
celui
bras,
il
:
!
il
et,
l'a
dans
pris
quand
il
est
l'entouraient. Est-il
Tenez
:
voici
son
por-
de sa poche une photograthéâtre et coup de
Un
soleil,
des soldats qui écoutaient
« Est-ce possible!
Je
le
recon-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
252
» nais! C'est lui, et le blessé qu'il a »
moi! Ferme
du voyage, parlèrent
sauvé, c'est
Et tout
le reste
ce furent les honnêtes gens qui
».
n'est
Il
ta g.,., le bleu! »
pas nécessaire d'être aidé par les
circonstances ou de faire de grandes recherches.
Pour
calomnie,
réfuter la
chacun n'a qu'à
regarder et à se souvenir. Les preuves abondent. Je feuillette un
l'Officiel;
je
lis
colonnes des citations à l'ordre du jour
les il
numéro de
y a de
tout,
dans ces
listes
:
d'honneur, de
quoi faire une société complète; des généraux, des caporaux
et
des soldats, des soldats de
carrière et des civils devenus soldats, des riches,
des
pauvres,
des
commerçants, des rales;
travailleurs
hommes
manuels,
des
de profession libé-
mais que de noms déjà
inscrits
dans
l'armoriai de France, que de bourgeois, que d'intellectuels, de prêtres, de religieux!
Vous
qui parlez mal d'eux, la Croix de guerre qu'ils portent, ça se ramasse sous la mitraille, allez-y
voir! Et faites-en autant!
Je reçois un billet de part, qui m'annonce
mort de les plus
la
la
vénérable aïeule d'une des familles
honorables de
la
bourgeoisie parisienne,
ENNEMIS PUBLICS.
madame Edmond
compte
A... Je
canonniers,
aspirants,
253 les officiers,
médecins,
fantassins,
chirurgiens, ingénieurs mobilisés;
ils
sont 21.
Je compte les croix de guerre, j'en trouve
Et je ne
connais pas
5.
nombre des morts
le
et
des blessés.
Le
même
Elle
jour, une lettre m'arrive du Midi.
d'une
est
comment son
grand'mère
petit-fils, le
qui
me
raconte
sous-lieutenant Ber-
nard de Boisbrunet, des chasseurs alpins, deux fois blessé,
revenu au front,
tranchées, lui 4 le
qui
chef,
si
et
dans
les
jeune, à dix-neuf ans, lui dont
s'y
connaissait
l'ardente bravoure et disait
devoir,
fut tué
joliment.
»
:
bien,
admirait
« Il a fait tout
C'était
son
cependant un
gentilhomme authentique, 6 vous qui ne savez pas que la noblesse se gagnait presque toujours
^ouloureusement,
et toujours
^Bainte cause de France.
^Breux
qui
au service de
descendait d'un
Il
fut créé comte sur le
"T^ataille d'Hastings, en 1066.
Il
champ de
était
du sang
de saint Charles de Blois, duc de Bretagne. était le dernier
D'après faites,
le
la
Il
du nom.
les statistiques les
nombre des
plus sérieusement
prêtres
mobilisés est 15
aujourd'hui et demain.
254
d'environ 25 000. les
uns dans
les
Ils
sont où la
a voulus,
loi les
troupes combattantes, à
titre
de combattants, ce qui est contraire au carac-
dans
tère sacerdotal, les autres sanitaires.
Parmi ceux qui ont
les régiments, et qui sont à
de 13 000, on comptait nière,
1
semble, et à la
même
été versés
dans
peu près au nombre
à la fin
165 morts pour
les formations-
la
de l'année der-
France. Dans l'en-
époque,
1
161 avaient été
décorés de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire
ou de
la
Croix de guerre. L'Ecole des
Beaux-Arts a perdu 119 élèves; l'Ecole nor-
male supérieure, 87. Toutes nos grandes écoles, enseignement d'Etat, enseignement été
décimées pour
la
naturelle, la A^olonté de
haussé de se
le
cœur de
table,
donner l'exemple, ont
le Bulletin
facultés catholiques de
ma
ont
cette jeunesse jusqu'à la joie
Dans
sacrifier.
libre,
Une bravoure
patrie.
Lille,
de guerre des
que
depuis quelques jours,
j'ai là, j'ai
sur
comptr
79 victimes. Paris n'est pas plus épargné,
ni
Angers, ni Lyon, ni Toulouse. Le chanoine Fonssagrives,
l'aumônier
si
connu du Cercle
catholique du Luxembourg, rencontré hier, disait
que parmi
les étudiants inscrits à la
me
Con-
ENNEMIS PUBLICS. Ozanam,
férence
qui devaient rentrer en
et
novembre 1914, plus de que
et
le
bureau
mandez à
est
la moitié
composé de
sont morts, blessés.
De-
l'état-major de l'Association de la
catholique,
jeunesse
255
combien
des siens ne
reviendront jamais prendre part à ces conseils,
dans lesquels une seule nouvelle, est agitée
de nos amis
France vers
romment les
et le
:
question,
comment
de nos frères du peuple de
premier bien qui est
l'aider,
comment
le
Des 14 membres dont
la vérité,
défendre contre
profanateurs de sa noblesse
tion?
toujours
élever l'esprit
se
"et
de sa voca-
composait
Comité régional de Paris, 9 sont morts,
le
et
dessés gravement,
Cependant,
ces jeunes
hommes tombés au
kvice du pays, tous ceux-là îs,
vous
les
et
combien d'au-
calomniez, ô malheureux qui ne
Ivezpas ce que vous avez perdu!
P'ai
là,
sous
)ndaines.
la
main, un recueil d'adresses
Cette année, le Tout Paris a fait
"^"imprimer en caractères noirs les
noms de ceux
qui sont morts pour la France. Ouvrez
volume,
et
regardez combien
il
y en
donc
a,
le
de ces
inscriptions funèbres, et de ces morts auxquels
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
236
on
gardé leur place
a
Il
faut être
parmi
vivants
les
!
sans esprit et sans cœur pour
propager, pour accepter seulement une calomnie qui tend à diviser et à salir la France. J'ai dit
qu'on ne devait pas hésiter à poursuivre
coupables. Déjà
plusieurs ont été
condamnés
par les tribunaux. Tel, hier encore, laire
du
livres,
Centre.
—
ils
On
sont nombreux,
le
Popu-
propager
doit aussi
les
— qui
les
montrent
quel beau rôle ont eu et continuent d'avoir les catholiques, et particulièrement le clergé, pen-
dant
la
Une
guerre.
autre propagande utile serait la propa-
gande par l'image. Les estampes, phies, les
les
photogra-
albums ne manquent pas non
plus.
J'ai déjà signalé les recueils publiés par le Co-
Mgr
Baudrillart.
Je veux recommander aujourd'hui
la très jolie
mité d'écrivains que préside
chromolithographie éditée par Sornin, Cassette
,
d'après
un
M. Fournier-Sarlovèze, une
même
feuille,
les
triptyque
7,
peint
rue
par
et qui représente, sur
brancardiers pendant
l'incendie de la basilique de Reims, la messe
au front, village
les
obsèques d'un soldat dans un
bombardé.
ENNEMIS PUBLICS. Ce
257
n'est pas tout ce qu'il faut faire.
La paix
publique ne doit pas être défendue seulement par les particuliers
avant tout, sous la
elle est
;
sauvegarde du président de
la
République et
des ministres. Qu'ils donnent des ordres préfets
multiplieront
avertissements.
les protestations et
La loyauté
même
Je dirai
pas M. Painlevé?
et
engagée.
est ici
—
— pourquoi ne
ferait
serait-ce
une belle chose,
et
en recommandant aux instituteurs
utile,
aux
les
qu'un ministre intelligent de
l'instruction publique,
bien
les
:
institutrices de
prémunir
l'esprit
des
enfants contre une tentative de désunion dont
nos ennemis se réjouiraient, libre. Il n'est
petits
dront quel
dans
si
elle
demeurait
pas nécessaire de faire entrer ces
le secret
trop tôt,
des tristesses qu'ils appren-
mais quelle leçon d'histoire,
enseignement de fraternité pourront-ils
jamais recevoir qui vaille celui-ci Mes enfants, :
la
France est en
péril,
est
aimée,
défendue par tous ses enfants?
elle est
mais rassurez-vous,
elle
L'UNE D'ELLES
22 Février 1916.
La guerre, en mettant tout France, les jeunes les maris, les
hommes,
femmes,
les
le
les
peuple de
jeunes
filles,
mères, en présence
des plus grands devoirs et des plus grandes douleurs, a
fait
apparaître tant de vertus et
ressources de toutes sortes, que les
tant de
nations en demeurent surprises.
Pour ne
rien
dire qui puisse blesser, car cette pensée est loin ne moi, je dirai qu'elles
sur ce ler
l'Officiel. Et,
que :
les
les
lantes,
nous jugeaient
tout à coup, elles ont aperçu
grandes crises peuvent seules révé-
âmes elles-mêmes des
milliers
et
agissantes et par-
des
milliers
d'êtres
J
i
UNE
L
D ELLES.
259
humains, anonymes, inconnus, que personne ne représente
ne cache plus dans
et
la tour-
mente, mais qui composent eux-mêmes toire
chaque jour, avec leur sang, avec
de
avec leur dévouement, avec
leurs larmes,
mots
l'his-
les
qu'ils n'ont pas préparés.
plus beaux documents de
L'un des histoire, je lettres.
dit plusieurs fois,
sont innombrables,
Elles
honorent écrites
l'ai
France,
la
pour
être
et
publiées.
ce sont les celles
qui
point
été
n'ont
qui
cette
Nous en sommes
venus à ce point de négliger, par nécessité,
la
plus grande partie de cette richesse, et de ne
Élus
citer,
àrents,
soit
que
les
de nos soldats, soit de leurs choses toutes belles, où notre
k-ance est évidente et parfaite.
C'est
pourquoi je veux
lecteurs de
YEcho de Paris,
vement, une
lettre
et
commenter
briè-
la
jeune veuve
s'était établi
dans un gros
écrite
d'un quincaillier, qui
aux
faire connaître
par
village de l'Ouest, et qui a été tué,
il
y a quel-
ques mois, à son poste de combat. Elle adressée à une de
mes proches
copie, sans changer
une
parentes. Je la
syllabe,
lement quelques phrases, car
est
coupant seu-
elle est
un peu
aujourd'hui et demain.
260
longue. La
femme
par les Sœurs;
qui
épousé, de bonne heure,
elle a
un honnête homme, sait
élevait
elle
;
a été instruite
l'a écrite
intelligent et qui réussis-,
deux enfants
sortait
elle
;
d'une vieille race rurale et chrétienne, habituée à méditer la vie et la mort tout
dans l'épreuve,
cela,
:
à cause de
et,
elle
s'est
trouvée
supérieure,... et elle ne le sait pas. J'espère ne
pas
«
le lui
apprendre.
Chère Madame, tardé
tant lettre.
à
pardonnez-moi d'avoir
répondre
votre
à
Combien cependant
reux, avons trouvé
bons amis,
et
bon
affectueuse
tous,
malheu-
si
d'avoir de réels et
que ces sympathies
si
vraies,
si
venant de cœurs ayant souffert beaucoup, ont
pour toujours cependant
cicatrisé notre plaie,
vive et profonde. »
Oh!
oui,
Madame, nous sommes
chère
éprouvés, mais croyez-nous non désolés mais résignés, plus que jamais, à la volonté
Dieu. Je vois
ma
tâche
si
matin, ayant la joie de recevoir m'est
si
nécessaire, je dis au
Mère des Douleurs
:
du Bon
lourde que, chaque le
Pain qui
Bon Dieu
et à la
Donnez-moi du courage
i
L
pour et
UNE D ELLES.
heures, que
S4-
261
votre volonté soit
faite y
à demain autant! »
nous
Il
un ouvrier formé par
reste
bien-aimc Jean.
Un ami
mon
intime de
mon mari,
réformé jusqu'ici pour une jambe trop courte, se
charge de l'apprentissage de
mon
cher petit
Jean. Donc, nouvelle séparation, et combien
pénible pour
Jeanne,
Mais
nous!
Dieu veut,
si
son intérêt.
c'est
apprendra
aussi
un
métier. »
Pour moi, Madame,
peines
et
devoirs.
ma
vie est, désormais,
Puissé-je,
vos prières
Dieu aidant, arriver à ne pas y
Madame,
je n'avais jamais
faillir.
et
Hélas!
pleuré, jusqu'ici.
Sa mort me
fait
Etait-il prêt?
De bonnes amies m'ont
peur. Elle a été
prompte!
si
offert des
images, je vous en envoie une. »
Remarquez d'abord
ces sentiments d'affec-
tion et de confiance, quelquefois trompeurs, je le
veux bien, mais personnes
entre C'est
que
depuis
le
de
cœur
longtemps
ici
;
tout à fait sincères,
conditions
est pareil.
on
l'autre; l'une qui revenait
s'est
On
différentes.
se connaît
vu vivre
l'une
de l'école, l'autre qui 15.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
262
rentrait dans sa maison,
mignonne, habitude
aux portes du
détournait pour dire
et qui se
tes parents
fait
vont bien?
comme une
»
village,
Bonjour,
«
:
La longue
parenté; avant qu'elle
fût mariée, la petite savait
que
les
âmes materune
nelles rassemblent toujours autour d'elles
Dans
famille agrandie.
me
on y revient
les
mauvais jours, com-
vite! Affections bienfaisantes,
affections nécessaires à la paix publique et
bonheur de chacun! Et cependant,
hommes qui travaillent sans cesse à Un seul mot m'a étonné, parce pas de «
Mon
la
même lignée
bien-aimé Jean
que ».
la
au
y a des
les briser.
qu'il n'est
de
le reste
Ni
il
la lettre
:
mère probable-
ment, ni la grand'mère sûrement n'auraient dit cela. Elles auraient dit
mari,
mon époux
».
:
«
Mon
ami,
mon
Je ne sais quelle extrême
pudeur défendait ce peuple bien né contre
même
superlatifs
Mais voyez ce la
les
tout légitimes. joli
femme du monde,
souci et
de
ne pas
faire
de ne pas dépenser
vainement l'argent gagné à deux, pour Jean
De bonnes amies m'ont offert des images...» Je l'ai dans mes mains, cette image.
et
Jeanne
:
«
Elle ressemble à
beaucoup d'autres
;
elle porte,
L
UNE
D ELLI5S.
263
au verso, imprimées, des pensées pieuses,
et,
parmi, une belle phrase patriotique de Maurice Barrés.
Mais
la
preuve d'une finesse, d'un
s'excuse, elle fait tact
jeune femme qui l'envoie
que personne n'enseigne, en toute condition
venir,
la race, et
du
|.
sens qui
i
un
non pour fait
instant
sans
et fer,
humaine, que de
que à
liberté
l'enfant, cette
soi,
la
mais pour
professions
Admirez surtout êtes
ici
même avenir
sans
et
reste,
le
avec un sûr amour, pour Jean et
et
la qualité
en présence
est contenu. L'esprit a déjà
«
d'un
d'une
fait
et
il
la
fausse consolation;
la
tout
domine
Je n'avais jamais pleuré jusqu'ici... et devoirs
peines
de
oîi
mesuré sa peine;
donc déjà soumise,
désormais
pour
du christiasnisme.
douleur seulement, des mots brefs,
est
mais
pour Jean celui du père.
haute signification. Pas de sensiblerie,
elle lui est
bon
lui, ce
bureaux, chemins de
vraie,
Jeanne un métier,
Vous
manière de
mère ne songe pas
ces
octroi, dactylographie
choisit,
peut
travail secret d'un esprit sage.
Voyez ce souci de l'aimer,
ne
qui
».
ma
:
vie
Aucune
vue droite; connaissance
du secours nécessaire
:
le
Pain qu'elle reçoit
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
264
chaque matin. Aucune les
soutenues. Cette
femme d'un bourg de France que
rience,
de perpétuels
faits
preuves d'une
de
fois
cette
Humble
vérité
que
toutes dite
j'ai
Elle les
plus
consciences fortes que
et,
chaque jour,
la réparaient.
sentiment, qui lui inspire cette prière
admirable
:
«
Du
demain autant!
bien
preuve,
à
observées étaient celles qui connaissaient
leur faiblesse,
Il
par expé-
recommencements.
les seules
:
sait,
grands courages sont
comme une
s'ajoute,
j'aie
plus
les
non plus sur
illusion
même
forces humaines,
lire
et à
»
est possible
me
courage pour 24 heures,
ne
que tous ceux qui voudront
me comprennent
pas dans la
conclusion que je vais dire, et soient portés à
que j'exagère un peu. Je
croire
dant,
parce que j'en
que de
telles
ai
âmes sont
l'entière
dirai cepen-
conviction,
l'une des plus puis-
santes raisons d'espérer que la France, après la
guerre, sortira de cette époque de dissen-
sions intérieures qui a bien trop duré. Elles
sont partout répandues. Le
nombre
s'est sin-
gulièrement accru, dans ces dernières années, des
hommes
et
des femmes qui n'ont pas seule-
UNE D ELLES.
L
ment des
265
aspirations morales, mais qui vivent
leur foi entièrement.
Il
s'augmentera de beau-
coup d'hommes qui, dans
le
danger du com-
bat ou la solitude de la tranchée, auront aperçu toute la vérité religeuse et toute la vérité française.
Un jour
viendra certainement où ce pays
verra se lever
saluera quelques
et
hommes
d'Etat véritables, capables de calculer les forces,
de
les classer selon leur
pouvoir de mort
ou de résurrection, d'égoïsme féroce ou de charité, d'étroitesse Ils
ou
comprendront que
ruiné
bien
d'œuvres
des
utiles
d'intelligence ouverte. si la
âmes
persécution, qui a
faibles
et
beaucoup
au peuple, a néanmoins abouti
à la création d'une élite invincible, elle doit cesser.
Condamnée par
elle l'est aussi
ennemis de
Dans
la floraison
de vertus que les
l'Eglise n'ont pas semées,
mais qui
selon des lois très anciennes, de la
naissent,
douleur
par
les ruines qu'elle a faites,
et
de l'humble patience.
cette lettre
d'une
femme
de
la
cam-
pagne, j'aperçois une puissance idéale qu'il ne faut
jamais avoir contre
soi.
LES CLAIRVOYANTS
27 Février 1916.
Plusieurs l'esprit
de
moins,
les
gement d'agir.
la
fois,
j'ai
masse
dit
serait changé,
ou que, du
éléments nécessaires pour ce chan-
apparaîtraient Il
qu'après la guerre
et
commenceraient
y faut revenir, à cause de l'impor-
tance de la proposition, et des conséquences
innombrables
qui
Combien, parmi
s'y
trouvent
hommes
les
enfermées.
qui ont réfléchi
pendant
la terrible
réfléchir
après qu'elle aura passé, ou simple-
ment
épreuve, continueront de
resteront fidèles
aperçues
pour
la
aux
vérités de tout ordre
première fois? Combien
oublieront et seront repris
par
la
faiblesse
LES CLAIRVOYANTS.
267
comme s'ils n'avaient aucun moment de leur vie, compris jamais, autre chose que l'immédiat intérêt? On peut différer d'avis et il n'importe guère. Un fait ancienne, imprévoyants ci
capital s'est
un événement sans précédent
est là,
dans
produit
hommes
de
l'existence
tous les
jeunes ou encore jeunes qui sont nés
sur le sol de France ils
ont eu
le
Ils
ont
eu,
temps de penser. A quoi?
A
tout.
auprès d'eux, des exemples de bons,
toutes sortes,
mauvais.
depuis dix-huit mois,
:
Ils
admirables, médiocres,
ont connu
des
n'avaient pas fréquentés, dont
ont senti
peut-être. Ils
le
hommes ils
poids
qu'ils
se défiaient
des
fautes
commises par ceux qui devaient préparer
la
nation, et qui se sont bornés à nier les guerres futures. la
La grande maîtresse des méditations,
souffrance, ne les a pas quittés. Bien des
jugements secrets ont
été
prononcés;
soyez
sûrs qu'il y en aura de définitifs.
comment
la
dans leurs convictions,
les
Je veux montrer aujourd'hui guerre a
fortifié,
hommes que truits
le
déjà, et
spectacle de la paix avait ins-
comment
elle a
mûri, et avec
quelle rapidité, la pensée des jeunes chrétiens.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
268
Voici
un
d'abord
écrite par
un
fragment
soldat, propriétaire
sous
lui,
armes. Sept frères soldats! Quelle louange
déjà,
pour
probité,
donc les
lettre
cultivateur,
comme
à l'un des six frères qui sont, les
d'une
famille où l'intelligence, la
cette
l'initiative
sont de
la parole réfléchie
tradition!
C'est
d'un des représentants race
que vous
La majeure partie des Français
s'est laissé
authentiques
plus
de
la
allez entendre. «
berner par de beaux parleurs, par des
dont et
la
hommes
plupart n'étaient avides que de fortune
Sous prétexte d'amener de
d'honneurs.
grandes
réformes,
malheureux, gouffre...
ils
d'améliorer
nous ont
le
des
sort
conduits dans
le
Nous, du moins, nous pouvons nous
consoler par la pensée que nous avons toujours
soutenu la
les
gens honnêtes,
et
par conséquent
bonne cause nous continuerons, plus fermes :
que jamais,
si
nous avons
le
bonheur de
sur-
vivre à celte odieuse boucherie. Et puis, pour finir,
nous avons l'espoir bien grand que
justice, qui
la
a été tant sabotée sur cette terre,
régnera quand nous
la quitterons. »
Vous entendrez maintenant
la parole,
vous
LES CLAIRVOYANTS. d'un
l'âme
devinerez
269
homme,
jeune
tout
Marcel Gaveyron, né à Ugine, en Savoie,
2o septembre 1893, caporal au de chasseurs alpins,
son
«
cité
à l'ordre du jour pour
endiablé
entrain
le
30° bataillon
mort
»,
à l'assaut
d'une tranchée allemande, d'une balle au front, 20
le
juillet
Ses
1915.
lettres
vont être
publiées, en une brochure de propagande, par
l'Imprimerie Commerciale, à Annecy.
Ce
qu'un
n'était
petit
comptable, élève des
écoles primaires, engagé aux chasseurs alpins
dans l'année qui a précédé
la guerre.
fortune, peu d'instruction, peu de
pas
même
mesure
:
délai nécessaire
le
semble bien
il
relations,
pour donner sa
qu'il
dût être sans
action et sans gloire. Quelle erreur!
de
nous,
presque d'être
si
petit
D'abord,
il
Chacun
une force
qu'il soit,
est
L'unique
condition
illimitée.
de bonne
Pas de
foi et
aimait
est
de bon vouloir. la
France pour toutes
les
raisons naturelles qu'un Français a de l'aimer; ils les
connaissait,
pouvoir.
Il
il
en sentait
la justesse et le
aimait aussi la patrie parce qu'un
devoir supérieur
le
commande
et qu'il la
toute rayonnante d'une lumière divine.
voyait
A
peine
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
270
guerre est-elle déclarée,
la
ment
de cette
le caractère
aperçoit nette-
il
lutte, qui
échappe à
de plus savants et à de plus puissants que Il
comprend
de
la civilisation
païenne, et
patrie et
chrétienne contre la barbarie «
Cela m'importe peu
officier,
pourvu que je serve
s'écrie
il
ou
d'être soldat
ma
:
mon Dieu
de toutes
sont en moi, et que je meure,
en pleine
Tout
Et
D'une
en marche.
logique, aussi,
Il
une
l'y
le
commence. lettre à
le veut,
autre,
1
premier
Elle
ne
on
suit
est interrogateur, clair,
tout français.
est
maîtres
Dieu
pensé ainsi dès
l'ascension
s'arrête point. l'esprit
si
qui
les forces
bataille. »
est là. Il a
jour.
lui.
qu'elle est la croisade nouvelle
La
de
occasion
encouragent
:
pour
guerre,
méditer.
lui
Trois
une Imitation de
Jésus-Christ trouvée, au cours d'une patrouille,
dans une ferme abandonnée; un guerre
»,
ami précieux dont
est pas révélé, et le danger,
ami. Avec eux,
devine
il
son milieu;
il
lit; il
parrain de
nom
ne nous
qui est un autre
examine son jeune passé.
les insuffisances et les
éducation;
le
«
il
Il
préjugés de son
revise les jugements de
formule,
en termes brefs
et
LES CLAIRVOYANTS.
271
souvent heureux, l'aspect nouveau que prennent
les
choses qu'il croyait savoir. Ohservez
plénitude de sens de ces phrases que j'em-
la
prunte aux « N'ai-je
devoir »
lettres, çà et là
:
pas autant de mérite à faire
comme
mon
caporal qu'autrement?
Renaissance,
Réforme, Révolution, vous
n'êtes pas des jalons de l'évolution de la civili-
sation, »
mais des étapes vers
la
négation de Dieu.
La guerre a une influence hienheureuse
sur moi. Plus cela va, plus je suis indifférent à la
mort.
Une
vie
compte peu, parmi
les mille
vies qui font la France immortelle.
mon
petit
et d'idées fausses.
Les
primaire avec
» J'ai quitté l'école
bagage de sophismes
jeunes cerveaux se laissent
si
facilement griser
par l'erreur! Ceux qui ont un fonds de religion conservent, mais en gardent une conception
Dieu pire peut-être que ^nnaît,
de
l'histoire
de son
kiode qui commence en irbarie, autocratie,
l'hostilité.
pays,
On ne que
1789. Le reste
inquisition.
la :
Vous voyez
"que l'erreur a des racines profondes. J'ai jeté,
morceau par morceau, bord.
mon
bagage par-dessus
aujourd'hui et demain.
272 » Il
saines.
faire
Après
la guerre, la
besoin...
serve et
vœu
me
rend à
de consacrer
je
coiffé
de
ma
ma
d'idées
France en aura bien
dans ses desseins, Dieu
Si,
Ah! que que
moi un semeur
veut
chère
me
maman,
pré-
je fais
vie à cet apostolat. »
je l'aurais aimé, ce jeune
homme
ne connaîtrai jamais! Je l'imagine,
de son béret d'alpin, svelte, agile, avec
un visage d'enfant décidé, des yeux qui regardent droit, comptent les
hommes de l'escouade,
s'assurent que tout est en ordre,
un ami,
rient tout à coup.
et,
apercevant
Voilà nos meil-
leures forces pour demain, ceux qui ressem-
blent à celui-là! Voilà nos amis
:
des inconnus,
des ardents, de purs Français, venus de toutes les familles et
de toutes
les professions,
con-
firmés dans leur foi ou éclairés par les leçons
de la guerre,
et qui,
ayant libéré
la
France de
l'ennemi, s'opposeront au désordre, et travailleront à la reconstituer.
PETITS ET GROS
5 Mars 1916.
connais, depuis leur enfance,
Je
bourg de ne
Je
plaisir
la
Mayenne, deux jeunes ouvriers.
vois
les
tvant la
ire,
l'aîné. Il était
dans une usine
Inq francs par jour. irtir
pour
tous deux. est,
le
disait
lettres »,
Une année environ
Grande Guerre,
mcontrer
comme
mais,
:
nous nous voyons par
nous sommes amis.
et
bien que j'aie
pas souvent,
à les retrouver
l'un d'eux, «
dans un
j'eus
et Il
l'occasion
de
comme
son
employé,
gagnait à peu près
me
dit
:
t
Je vais
régiment; bientôt, nous y serons
Ce sera dur pour
comme vous
savez,
la
grand'mère qui
toute notre famille
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
274
vivante.
Alors, depuis trois
moi, nous avons
manque de
rien
ans,
Auguste
de côté, pour qu'elle ne
77iis
pendant notre absence. Je,
vous assure qu'on a eu du mal. Enfin fait.
—
Combien avez-vous? Et nous
francs.
—
Douze
c'est
cents
pensons pouvoir y ajouter
un peu plus
cents autres francs,
trois
et
tard.
Elle aura de quoi, qu'en dites-vous? » Il disait vrai,
moi qui
ai été
je puis en
témoigner
:
car c'est
chargé de déposer l'argent dans
une banque. Je
n'ai
pas
jeunes hommes, la guerre, fait
—
—
qui sont en ce
ni de prétendre
que ce
moment qu'ils
à
ont
soit toujours possible. Il a fallu des cir-
constances favorables, êtres d'élite.
daient
Tout ce que je veux
qui
des
retenir, c'est
capital, qu'ils possé-
qu'ils étaient
donc,
de
ceux
propriétaires,
s'acharneat
socialistes, coalitions le
un
un dépôt en banque,
essentiellement,
contre
tout d'abord, deux
et,
qu'ils avaient constitué
que
de louer ces deux
l'intention
les
divers
systèmes
de jalousies aussi vieilles
monde, primées dans
les
concours élec-
toraux, encouragées par des conférenciers, des journalistes, des théoriciens secs
ou papelards,
PETITS ET GROS.
275
orateurs tonitruants, des clabaudeurs de
des tout
rang,
depuis
jusqu'à l'ancien fession, et
gréviste de
le
ministre
souvent par des
profession
également de prolois.
N'estimez-vous pas qu'il faut être dénué de la si
vertu d'humanité, pour s'attaquer à un bien légitime et
difficilement obtenu?
si
D'une
autre qualité, qui est le souci d'encourager le travail et l'épargne?
D'une autre encore dont
on peut dire qu'elle d'un
homme
public
est la :
plupart
origine,
des
fortunes
lointaine
du présent? Or,
n'ont
régulières
expliquer tant de
pas
ou proche, que
douze cents francs de mes amis fortunes
pensée de
la constante
l'avenir dans l'organisation la
première qualité
cris,
:
celle
des
je parle des
Comment
avouables.
et
d'au-tre
tant de projets d'usure
ou de confiscation, tant de mainmise déjà sur Je travail épargné, sur ce qui représente, en ime, l'effort personnel, l'intelligence personne, le sacrifice personnel, sur
lomme Stat
On
un
salaire
que
a défendu contre soi-même, et que
convoite aussitôt?
De quel
s'en tire allègrement
dans
droit? les
réunions
publiques, ou dans une certaine presse, qui en
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
276
a les habitudes,
le
On
battage et la langue.
distingue les petits et les gros. Voler les petits,
— on pense plutôt que — voler gros,
ce serait affreux, dit-on, ce serait dangereux;
tout profit, et
aisé
si
c'est
les
:
ils
se défendent mal,
ne
sont point défendus par ceux qui possèdent
moins,
fussent-ils les plus
et,
du monde,
les plus
public
s'ils
pour ennemis du bien
passent
bienfaisants,
honnêtes gens
dignes d'estime et les plus
soupirent seulement.
De
pareils
arguments, composés pour des benêts par des coquins, ne trouveraient guère preneur,
hommes
toujours
réfléchissaient
parti les pousse.
On
pour
les
quand leur
peut tirer cent preuves de
l'économie politique, de tique,
si
de
l'histoire,
la poli-
établir l'utilité, la nécessité
même
des grandes fortunes dans une nation, mais leur légitimité n'est point autrement fondée
que
celle des petits patrimoines.
légitime, piller,
et
quatre qui
promptement le
aussi.
l'est
Si
Celui
deux
qui veut
prend deux sur quatre, tenté de prendre
est
sera
un sur deux,
et
plus pauvre ouvrier, qui a placé quelques
centaines
de
francs
à
la
caisse
d'épargne,
devrait jeter les hauts cris en voyant qu'on
PETITS ET GROS.
au million de son voisin. Parfois
s'attaque
j'entends dire
cependant,
si
d'un étang
:
brochet gros les
», j'ai
il
Mes
petits,
année,
cette
:
Nul comme une carpe
«
:
l'on venait dire, a
il
vrai
»;
aux carpillons
n'ayez pas peur du
ne mange que
peine à croire qu'ils feraient
hommes,
Est
277
les
comme
pense qu'ils auraient peur.
et je
même
que
les
pauvres, ou,
si
l'on
veut, les très médiocres riches ne soient pas
par
atteints
les
lois
excessives,
qu'un brave homme, ayant
ou
fiscales
Supposez
autres, qui dévorent la propriété?
travaillé toute sa
vie, et qui n'a pas d'enfants, veuille léguer
son
champ, sa vigne ou quelques obligations de chemins de labeur, et
fer,
à
demandez
un de à
noms
camarades de
un notaire quel prélève-
ment scandaleux, quelle sous des
ses
confiscation véritable,
divers et respectables, opéreront
agents de l'État?
Je dis ces choses parce que nous
Is
loitié
sous
le
ois quarts, et
régime
sommes
socialiste, peut-être
aux
qu'un bon nombre de Français
ne s'en doutent pas, ou n'en voient pas danger.
Il
à
s'en faut, d'ailleurs,
lisme ne menace
que
que la propriété
:
le
le
socia-
il
prend
16
aujourd'hui et demain.
278
l'âme
d'abord,
C'est
un règne
hypocrisie
la
et
réduit
singulièrement.
affreux que le sien, et d'une
consommée.
Pensons-y tous. Nul autre ne les
hommes
tion
de
ramènerait
aussi près de l'esclavage. Absorp-
toutes
les
l'État, cela signifie
:
forces
individuelles
par
de toutes les forces indi-
viduelles au profit de quelques-uns. Car toute
démagogie
est
une oligarchie. Ceux qui en
doutent n'ont qu'à regarder.
JEAN DU ROSEL
7 Mars 1916.
^
C'est
un jeune, qui a
la défense,
été tué, lui aussi,
pour
l'honneur et la réconciliation de
la
France. Je
n'aurais peut-être pas parlé de
n'était nécessaire
ikore
des
faits,
de répondre, par des
lui
s'il
faits et
aux tentatives de désunion
que multiplient quelques Français demeurés dans leur passé, et très indignes du temps que
nous voyons
et
que nous vivons.
Les du Rosel de vieille famille
race
Saint-Germain
normande. Trois
militaire, nés
dans
sont une
frères de cette
la paroisse
de Saint-
Germain-du-Crioult, étaient aux armées en 1914
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
280 et
jusqu'aux deux
tiers
de 1913, Depuis
lors,
il
n'y en a plus que deux. Le plus jeune, Jean, lieutenant au 228' régiment d'infanterie, était
un
blessé le 11 juin dernier. Transporté dans
hôpital du Pas-de-Calais, ses
amis qui m'a communiqué
régiment. Mes crains qu'en été
un peu
me
le quitte
de
la
pas
bonne, de
la tête
du
superbes, mais je
Je serais tranquille
ralenti...
La pensée de
sure. »
Ma
:
voyant tomber leur élan
savais ce qu'ils sont devenus après
ne
«
le billet
compagnie a eu l'honneur de former gars ont été
un de
écrivait, à
il
:
ses « gars
ma
n'ait si
je
bles-
normands
»
signe de vocation militaire,
la vraie, qui
ne se reconnaît
point au goût de l'autorité, mais à la belle estime
pour après,
les
compagnons d'armes. Peu de jours a de leurs nouvelles
il
au possible.
mantes
Ils
et pleines
m'ont
écrit
:
« Ils
sont gentils
des lettres char-
de cœur; ce serait une faute,
une grande faute de ne pas retourner avec eux au plus repartir,
vite. » il
Pour
tourmente
les infirmières.
A
obtenir la permission de le
chirurgien, le médecin,
peine guéri, la jambe encore
traînante, après « cinq semaines d'absence »,
comme il dit, on signe
enfin sa feuille de route.
JEAN DU ROSEL. «
Me
remet
me
au
voici revenu le
Le colonel
et
d'une citation à l'ordre du
Je viens delà recevoir. J'en suis très
mes hommes
réuni immédiatement
fier, et ai
pour leur en
faire part, car c'est
eux en partie
qui l'ont méritée, et l'honneur qui m'est doit rejaillir sur leur personne.
m'ont
petits
me
commandement de ma compagnie, la surprise
fait
jour...
front.
281
fait
Les pauvres
une réception inoubliable,
fait
surtout lorsqu'ils ont appris que je reprenais le
commandement que
laisser,
obligé de
j'avais été
dans cette nuit du Labyrinthe où tant
d'entre eux sont restés... Le jour où
mon commandement, il très dure les hommes ;
a
Aujourd'hui,
» l'arrière;
il
y avait une marche sont
se
personne ne
faut faire
A
l'arrière,
concertés
doit
rester
honneur au
:
à
petit lieu-
m'appellent entre
» tenant. » C'est ainsi qu'ils
eux...
j'ai pris
tandis que les autres
com-
pagnies avaient laissé bon nombre des leurs,
moi je
n'avais que trois malades.
drapeau à leur yeux.
pour
Ils
tête,
se "redressaient,
me demander
En
j'avais des
malgré
si j'étais
Le 27 septembre, à
saluant
le
larmes aux la fatigue,
content. »
l'assaut de la
butte de
16.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
282
Tahure, ce jeune
compagnon,
à la fois et
clief
digne de sa noblesse,
officier
était
frappé à
mort.
Puissance bienfaisante
qui ne
et naturelle,
doit pas être de guerre seulement, cette influence
qu'un
homme
compagnons de
brave, exerce sur ses
Le grade y
tous
simples
des
ascendant rapide, que pas.
Voyez comment
hommes,
est plus
jeune
et
heureux
soldats,
des
deux
les
titres
imposée
:
sont
et con-
s'obtient la confiance
comment et la
commander
droit de
le
Lorsque
réunis, l'autorité est parfaite
des
Nous
prennent autour d'eux un
sous-offîciers qui
sentie.
route!
ajoute, mais ne la crée pas.
connaissons
n'explique
cordial et
bien élevé, instruit,
grâce à
elle,
chacun
France mieux servie. Ce
connaît les soldats qu'il doit con-
officier
duire au combat, avec lesquels
il
vivra dans la
tranchée, en attendant. Ils sont de son voisi-
nage, tout au moins de sa région.
humeur, leurs tout ce gés,
cœur
leur
traditions, leurs défauts, et avant
défiant, et
défendu par cent préju-
mais souffrant de l'absence
générosité,
Il sait
qu'il
faut
et
plaindre,
atteindre, qui ne résiste point
au
capable de qu'il
clair
faut
dévoue-
JEAN DU ROSEL.
ment
fraternel.
Par
la guerre,
283 il
est
mêlé avec
eux, obligé de veiller sur eux, leur nourriture, leur
leurs armes,
santé,
leur sécurité,
leur
âme elle-même qu'il faut remonter, encourager, consoler. Il doit l'exemple, à tout moment, et pas seulement celui sans quoi serait
pas
troupe ne Et sans
du courage
:
tout l'exemple,
ne serait pas un chef complet
il
chef très aimé qu'il
le fait
lui,
a
ne
et
été.
La
qu'un. Sans eux que serait-il?
quelle poussière qui s'égaillerait
au danger! Vérité en tout temps.
Que ceux qui
revien-
non pour
dront profitent de
la
eux, mais pour
pays qui ne peut vivre
le
leçon qui passe,
forces destinées à s'unir les
de
unes aux autres. C'est peut-être plus vivre que de
méthode
est la
manque
même et
les
difficile
mourir ensemble. Mais
au plus près, ne pas ce qui
si
demeurent étrangères
la
de servir sa patrie. Vivre s'isoler,
tâcher de
comprendre tout
le
donner, prendre
sa part de toute misère qui crie, aider
ceux qui
n'ont ni le temps, ni les appuis, ni souvent
le
discernement qu'il faut pour se défendre contre les
ennemis innombrables de
l'avoir,
etde
la profession, et
la récolte,
et
de
de la paix publique,
aujourd'hui et demain.
284 et des
âmes surtout
:
en vérité,
les rôles
ne
dif-
fèrent que bien peu, dans la paix et dans la
guerre. Il
faudra que chacun s'en souvienne demain.
FRAGMENTS DU POÈME HEROÏQUE
19 Mars 1916.
J'ai entre les
mains tant de
émouvantes,
belles,
ne pouvant
les
parti
lettres
de soldats,
ou simplement jolies, que,
publier en entier,
de citer aujourd'hui des
plusieurs d'entre elles.
j'ai pris le
fragments de
Les unes m'ont été
adressées directement par l'auteur, les autres
me
sont confiées par des parents ou des amis,
qui ne veulent pas,
—
ils
n'ont pas tort,
—
que trop de mots soient perdus qui pourraient trouver place dans écrit
le
grand poème héroïque
par les vivants et les morts.
D'un
artilleur
a Je
dors bien dans
:
mon
nouvel
abri. Il
y
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
286
je
me
réveille, je vois
les étoiles à travers le toit.
Ça
distrait. »
fait frais.
D'un
La
«
La
quand
nuit,
territorial
:
guerre, c'est la vie au grand air.
tout ça, voilà quatre jours que je ne
Quant
lavé.
ça
fait
D'un
à se déshabiller, faut pas
de l'avance pour blessé
le
me
suis
y songer
:
matin. »
:
Eh
Je n'ai plus guère de menton.
«
Avec
quoi? Après? Je ne travaille pas avec
bien!
ma
g...
je suis jardinier! »
D'un grognard
me
Je veux bien
«
les
femmes,
les
«
Tu
as
nous,
à la
fille
à son fiancé
il
il
est
dégoûte, c'est tuer pour des
:
rue Haute.
ne faut pas
Nous avons
sais, te
tous les
on ne s'émotionne
tourmenter,,., ce n'est
pour
D'une femme à son mari
Tu ne me
été
tombé un obus devant chez
rien, c'est de l'ouvrage
«
les vieux,
dû apprendre que nous avions
carreaux cassés.., tu pas,...
pour
:
»
D'une jeune
bombardés,
faire tuer
ce qui me peux me faire
gosses
de penser que je
embusqués.
:
les vitriers... » :
dis pas si tu dis
chaque jour
FRAGMENTS DU POEME HEROÏQUE. une
prière?
petite
287
voudrais que tu
Je
répondes.
Tu
n'as pas honte,
chéri, de
me
parler de
pourtant,
me mon
Celui qui nous pro-
tège ? »
D'un
soldat qui a vécu
de
Cette vie
«
sacrifices
a
aux Etats-Unis
dangers
forcément
:
de continuels
et
déteint
nous
sur
et
changé un peu notre mentalité. Nous percevons mieux
l'intérêt général,
mais négligeons
plus les sentiments individuels, et
si
je n'avais
peur de vous paraître un peu drôle, je
pas
que nous avons
dirais
ment
été
amenés progressive-
moins penser à nous-mêmes
à
en vue que
le
lequel nous combattons...
pour
la
mieux
et
à n'avoir
but noble et glorieux pour J'ai
trop souffert
France, pour ne pas avoir appris à
î'aimer... Je
attaché que
m'y
suis
plus jamais,
si
je
profondément crois, je
ne
la
quitterai. »
D'un «
colonial, dans le civil, cultivateur
:
Je crois que nous allons partir du côté de
Verdun, pour leur donner un main.
coup de
»
D'une mère, première
«Tu
petit
lettre à
son
fils
soldat
:
m'avais reproché, t'en souviens-tu? de
aujourd'hui et demain.
288 t'avoir
mis au monde trop
de la vie de
tes aînés.
bien-aimé,
je
n'ai
partager avec eux
tard, trop à distance
Et pour
cela,
pas voulu
le plus
grand,
mon
enfant
te refuser
de
beau devoir
le
d'une vie d'homme. Sois heureux, sois
fier
de
ton pays et de toi-même. Que je sente ton
âme joyeuse
et
forte,
toutes
et
mes larmes
Ne pense pas à mon mon amour qui veille
seront payées.
chagrin,
mais à tout
plein de
tendresse et d'espoir près de » Si tu vois
ou sans
n'importe
me
autour de
famille,
— En
je
des soldats pauvres
pour lesquels je puisse
quelle chose,
le dire.
garde-toi,
toi
toi.
ne manque pas
revanche,
t'en supplie,
tu pourrais subir de
faire
mon
cher
de
petit,
de l'influence que
camarades douteux. Ta
personnalité doit s'affirmer et grandir dans ces
heures graves. Sans qu'il y paraisse, fais dans âme un coin secret, intangible, où rien
ton
n'atteigne la loi morale, les traditions de tous les tiens. »
Tu
es, vois-tu, le
et le plus le
benjamin de
mien de tous mes
plus jeune,
le
la famille,
enfants, puisque
plus près encore de
dresses maternelles.
mes
ten-
FRAGMENTS DU POEME HEROÏQUE. »
Mon beau
soldat, je t'embrasse lon<i;ue-
mon
ment, d'un baiser où vit tout
D'un peintre en bâtiment
On
«
auparavant. Lorsque j'ai
chose pour
j'ai
vu ce que
France, et
j'ai dit
Dieu, prenez
»
tera le droit
mon
pour
c'était
:
«
que
Tenez,
mon
me
res-
bras gauche;
il
travailler ».
D'un permissionnaire alpin «
était
donner quelque
fallait
»
»
comme on
pensé qu'il
la
cœur.
:
n'est plus, à présent,
la guerre,
289
;
Six jours, ça n'est pas long!
Deux jours
de plus pourtant, on n'aurait pas pu s'en aller!
Heureusement on va retrouver sa famille du front. »
Lettre d'un sous-lieutenant à sa mère, après la
mort du «
frère aîné, tué à l'ennemi
Relisez les
lettres,
vous a
patriotique,
qu'il
début de
guerre
comme
la
moi,
d'un
;
si
depuis
écrites
vous y verrez
fait le sacrifice
:
beau souffle le
qu'il avait,
de sa vie pour
le
bien de son pays, et que son seul chagrin, au
moment sa mort,
de vous quitter
comme au moment
ne pouvait être que
la
de
douleur des
siens. »
Ne
lui faites
pas cette peine
et
ne 17
me
la
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
290
pas à moi non plus,
faites
France vous coûte un second
fils. Il
vaut mieux,
mourir jeune, après une vie de devoir sacrifices,
que d'errer
inutile
vie, à lui, n'aurait
et
de
sur cette terre
pendant de longues années. Ah!
que sa
de la
la victoire
si
je sais bien
pas été inutile, je
connaissais trop son cœur! Mais Dieu a décidé.
Pleurons-donc rons-le sans lui
:
l'aîné
de
amertume
la famille,
et
mais pleu-
sans révolte. Disons-
merci, et au revoir! Cette pure victime
ne
fait
de
me
qu'animer
mon
ardeur; je continuerai
battre jusqu'au bout, en première ligne,
pour continuer l'œuvre de
mon
aîné et pour
venger sa mort. Si je suis sa trace jusque dans tombe, nous vous préparerons, là-haut, une
la
place d'honneur, et nos âmes, heureuses de se
une
retrouver, s'uniront affectueusement dans prière fervente pour notre chère
maman.
Si la
Providence permet, au contraire, que je profite de
la victoire à laquelle j'ai si
vaillé,
sincèrement tra-
vous trouverez dans votre second
l'affection la plus
un cœur
:
je
fils
profonde dont soit capable
vous aimerai pour deux
!
»
lÊ
Lettre trouvée dans la capote d'un maréchal
des logis de cuirassiers, mort pour la France
:
FRAGMENTS DU POEME HEROÏQUE.
Ma
«
chère grand'mère,
mon
291
cher papa,
ma
maman.
chère
Pensant à ce qui pourrait bien m'arriver,
»
exempt que
n'en étant pas plus
voulu vous
les autres, j'ai
faire ces lettres d'adieu
avertir d'abord,
pour vous
pour que vos sentiments
et
un peu par mes idées person-
soient guidés nelles.
des victimes dans une guerre
» Il faut
été choisi; acceptez cette décision d'en
avec soumission et en disant toujours » soit loué » le
Que fait
!
:
:
j'ai
Haut, «
Dieu
»
votre vie ne soit changée en rien par
ma
de
disparition...
Vous me
retrou-
verez dans notre petit Pierre et dans la per-
sonne de
ma
votre
dévouée...
fille
chère femme, qui sera toujours
Mes chers
»
parents,
ne
me
mais, au contraire, soyez fiers de
France .le
un
la
vaut bien
!
ma mort
:
la
»
demande simplement
homme
pleurez pas,
s'il
est possible, à
de bon sens et de bonne
foi,
de
vouloir encore tarir ou diminuer l'une quel-
conque des sources,
et
surtout la première,
d'où naissent de pareils sentiments?
REFLECHIR!
2/
J'ai présidé,
de
la
Mars 1916.
dimanche dernier,
Corporation
des
membres
les
publicistes
Chrétiens,
réunis en assemblée générale, et je leur ceci «
ai dit
:
Nous avons
notre
pays
toute raison de
sera
sauvé,
et
que
croire la
que
France
connaîtra une victoire et une paix achetées au plus haut prix, celui du sang et de la souffrance
de toutes
les familles françaises. Il est
sible de soutenir
notre
que nous aurons du
organisation.
mystérieuse,
à
la
Nous
le
impos-
le salut
devrons à
à la
providentielle renaissance
des dons premiers de la race. Si l'on ne tient
I
réfléchir! pas compte
des
293
défaillances
des
et
taches,
qui sont, on un certain sens, négligeables, on
peut dire que
France combattante, mise
la
tout d'un coup en présence des armées enneet
en
que
le
mies, telle
péril
de mort,
monde
grands jours de son histoire,
naît, et
dont
le
retrouvée
connue aux plus
l'avait
tous ceux qui la voient,
s'est
étonne
et qu'elle
comme un
enfant qui
visage rappelle les traits d'un
ancêtre lointain. »
]\[ais
cette
qui
merveille,
n'est
point
unique dans nos destinées, n'empêche pas tous les
hommes
de bon sens d'apercevoir
convenir que nous politique
ni
de
et
ne saurions revenir à
aux mœurs d'avant
la
guerre.
la
Appauvrie, en partie couverte de ruines et en partie dépeuplée, la France
ment
victorieuse que
si la
ne sera véritablene
victoire
la divise
pas. »
que
importe,
mes
vous tous,
qui
Il
défense française,
confrères et êtes
intellectuelle
écrivains
du
et
les
de
livre
la
de la
propagande
ou du journal,
vous portiez votre attention sur nécessaires, que
mes amis,
soldats
nous mettions en
les
réformes
commun
nos
aujourd'hui et demain.
294
observations,
même
que
et
pensée
pour corriger,
nous
même
qu'une
et
soit
n'ayons
qu'une
action,
pour développer,
soit
soit
pour
créer.
Et d'abord, gardez-vous bien de n'envi-
»
sager que les revendications que nous avons à
en faveur de
faire
des consciences,
la liberté
des œuvres, des ordres religieux et du culte. Si
légitimes
qu'elles
que pour une part dans
du bien que
public.
soient, le
n'entrent
souci que nous avons
Nous ne sommes
nous cherchons ce
si
elles
catholiques
y a de plus
qu'il
y a de meilleur pour tout l'ensemble du peuple de France, et nous ne
juste
ce
et
qu'il
sommes dignes d'un
tel
nom que
charité s'étend à toutes les âmes, s'intéresse à
frons pas
dont
les
personnellement,
les
non
non aimés,
premiers lisant,
il
de
si
notre
notre esprit
des misères dont nous ne souf-
d'abord
profiteront
faibles,
si
pauvres,
les
protégés,
des progrès
et à
les
les
non compris,
c'est-à-dire, par définition, les
nos
frères.
Il
faut
qu'en vous
faut qu'en étudiant vos plans de réor-
ganisation, les Français qui ne partagent pas
entièrement notre
foi
religieuse,
ou qui en
réfléchir!
295
sont mal instruits, sentent s'émouvoir en eux cette vertu la
(le
de l'équité, qui est la sœur timide et qu'ils disent
justice,
:
Nous ne
«
»
pouvons pas méconnaître ces hommes qui
»
ne pensent pas seulement à leurs propres
»
mais à
souffrances,
»
humaine »
et k la gloire
toute
souffrance
la
de chez nous. »
Je vous invite donc à réfléchir plus spécia-
lement à certains points que voici. »
La famille
par la
divorce;
en France, par
est atteinte,
du partage égal
loi
et
le
en
nature, qui rend très difficile la conservation
du foyer
et celle
de l'industrie familiale; par
du
l'organisation
travail,
la
femme
employée trop souvent hors de chez
étant
elle,
ce
qui supprime la mère, et diminue, jusqu'au
désenchantement,
douceur de
la
maison;
la
par l'insuffisante répression de la propagande d'immoralité; projets
de
elle
loi,
et,
est
à
menacée par titre
divers
d'exemple, par
le
projet sur la tutelle des orphelins de la guerre,
emprunt
direct à la législation de l'Allemagne,
qui met tout,
même
l'enfant,
dans
la
main de
l'État.
»
La propriété
est traitée
avec un
tel
sans-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
296
gêne, soit dans le régime des successions, soit
dans celui des impôts,
soit
dans divers projets,
que l'appauvrissement général qui de ce vaste système, en voie
amènerait paresse
hommes
les
assurée
indifférente
au vol. travail,
respectée
dilemme
ce
Elle et
la
est le
grand
sti-
par conséquent, doit
encouragée. Elle
et
:
vivre ou la spéculation
de
mulant du être
à
résulterait
d'application,
est
une
garantie d'indépendance, et c'est pourquoi elle
comme un
appartient,
aux
particuliers,
exemple,
il
droit,
non seulement
mais aux associations. Par
que
n'est pas admissible
les asso-
ciations régulières ne puissent posséder libre-
ment le
et
librement disposer de leurs biens. Je
pour
dis
les catholiques, je le dis
communautés
religieuses
crites, je le dis
pour
qui n'ont
pour
aujourd'hui
les
pros-
les associations ouvrières,
aucunement
la pleine richesse et la
pleine administration qu'elles devraient avoir.
Toute
aux
liberté
charges
dans cet ordre
du budget
vigueur nationale. préjugé
stupide,
Il
est
et
un allégement
un
élément de
faut s'élever contre le
entretenu
soigneusement
contre la main-morte, par un Etat despotique
réfléchir! (jui
pas
n'a
d'autre
La question de jj;raves
297
que
propriété
la natalité
est
une des plus
de l'heure présente. Elle est
coup d'autres, parce qu'elle
celle-là.
avant tout,
est,
une question de mœurs. Vous l'étudierez la
plus urgente.
comme
Vous vous rappellerez
a quelques semaines,
beau-
liée à
qu'il
y M. Paul Leroy-Beaulieu
devant ses confrères de l'Académie
déclarait,
des sciences morales et politiques,
mouvement
décroissant de
la
que
natalité
si le
n'était
pas arrêté, dans vingt ans nos armées seraient réduites de 800 000
même
en
hommes. Vous songerez,
temps, aux privilèges à accorder,
c'est-à-dire à la justice à rendre,
aux pères de
familles nombreuses, et aussi puisque l'occasion
moi d'en
à
s'offre
parler,
aux hommes qui
auront combattu, en première ligne, pour
le
salut de la France. »
Vous
étudierez les
programmes, à
la fois
pléthoriques et insuffisants, de l'enseignement primaire, et détail,
vous vous rendrez compte,
des suppressions désirables.
une grande France, des
11
faut,
en
pour
esprits clairs, patriotes,
respectueux, hauts d'honneur, et pourvus des
notions
morales
qui
commandent une 17.
vie
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
298
Les progrès à
utile et noble.
raîtront aisément,
:
mais
celui
c'est
vous appa-
faire
travers la gloire.
chez nous aussi,
peut dire que, rationné
même à
le
On
pain est
des âmes jeunes.
Beaucoup n'ont pas
la
nourriture morale qu'il
aux âmes dans
le
temps
faut
ou n'en ont pas
vivons,
seulement
pas
Vous
diverses
qui
l'œuvre de les
assez.
où nous
Et je ne parle
de l'enseignement public.
ici
réfléchirez
difficile
également
aux méthodes
peuvent permettre d'associer à
l'école, le plus
pères et les mères
étroitement possible,
de
famille,
auxquels
appartient, essentiellement, le droit d'éducation.
Nous devrons nous entretenir encore des moyens les meilleurs d'augmenter la vie pro»
vinciale et de grouper, par exemple, dans des
assemblées autrement recrutées que les conseils généraux, des représentants de métiers professions, qui seraient, force et
réserve
un honneur,
d'hommes
n'ignore pas que
et,
pour pour
et
la région, le
de
une
pays, une
politiques compétents. Je la
décentralisation soulève
bien d'autres questions, mais
le
rétablissement
de l'honneur professionnel s'y trouve au premier plan.
réfléchir!
299
Vous ne manquerez pas de vous
»
encore des progrès obtenus, en étrangers, dans ce que
ment
dans
rural,
la
instruire
divers
pays
j'appellerai l'aménage-
construction des fermes et
des villages, condition essentielle d'un retour à
campagne. Vous comprendrez qu'après
la
guerre une '
la
foule d'industries peuvent être trans-
portées ou créées dans nos campagnes, et qu'il
y
dans l'association ou dans
a,
le
voisinage
organisé de l'industrie et de la culture,
des
sources de richesse qui n'ont point été, jusqu'ici, ';
développées. » Je n'indique
de reviser
sité
pouvoir de de
effets
que pour mémoire
la
d'augmenter
la Constitution,
l'exécutif,
la néces-
de protéger contre
perpétuelle
offensive
certains
ministres essentiels, qui ne peuvent rien
ne durent pas, çaises
P»
I
et
s'ils
de donner aux libertés fran-
une garantie permanente.
Ce
n'est pas,
vous
le
voyez, les sujets de
réflexion et de conversations qui nous ront.
le
les
manque-
Votre rôle peut être considérable dans
l'œuvre de demain, qui sera la réfection de la
France en vue des temps nouveaux.
y mettre dès à présent;
il
faut
Il
faut vous
commencer de
aujourd'hui et demain.
300
même
reconstruire,
à l'heure où les démolis-
seurs fouillent les décombres et font encore de la poussière. »
et
Vous
de
le ferez
avec
foi,
le
dans un esprit de patriotisme sentiment que votre talent
donné pour
d'écrivain vous a été
servir. J'ai
bien souvent pensé à nos aïeux, bâtisseurs de cathédrales. Ils choisissaient les plus
plus
les
et
riches
marbre, albâtre,
»
et
il
me
pierres
matériaux, pierre et
comme
dure,
sont fortes
elles
aujourd'hui, les pierres de France!
et belles,
—
—
solides
semble
qu'ils disaient
que vous avez
» élevons,
faites,
respectueusement,
«
:
mon
Avec
les
Dieu, nous
l'édifice;
avec les
»
doigts que vous avez pétris et qu'à chaque
»
seconde anime
» notre esprit
un sang renouvelé; avec
»
petite lueur destinée à s'épanouir
»
avec
»
amour des
» les
le
comme une
que vous avez créé
temps que vous mesurez lignes et
en flamme ;
avec
le
;
bel
des couleurs par quoi
choses approchent de la chaleur et de la
Rien n'est de nous,
si
ce n'est l'usage de
»
vie.
»
notre liberté. Et la joie est en nous. L'édifice
» grandit »
pour votre
Faisons de
gloire, pas
même.
»
pour
la nôtre. »
I
L'EXEMPLE
Avril 1916.
1-2
C'est le
nommer
nom
le
plus clément dont on puisse
la visite faite
ministre du
au pape par
le
premier
royaume de Grande-Bretagne
et
d'Irlande.
Evénement qui l
naux
n'a point tenu dans les jour-
la place qu'il tiendra
P sommes parmi de succèdent
si
si
dans
l'histoire.
rapidement, que
la
mesure exacte
de chacune peut bien nous échapper. plus, je
crois
Nous
grandes choses, et qui se
Au
sur-
qu'un nombre immense de nos
concitoyens ont déjà médité sur cette initiative, qui est bien dans la manière anglaise
dans
la
:
lente
préparation, décidée dans l'action et
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
302
sans retour. M. Asquith, passant à
rendre visite à Benoît
allé
accompagné de
sir
XV.
Il
Rome, y
est
est allé
Henry Howard, chef de
la
mission spéciale de S. M. britannique auprès du Saint-Siège, et le caractère de cette démarche est
Représentant d'un pays où
net.
très
les
catholiques sont nombreux, soit dans la mère patrie, soit
dans
donner
pas aux préjugés sur
le
les colonies; trop habile
tain; trop intelligent
assez fier
tudes
a
directe avec
Ce
n'est
et
voulu entrer en conversation
le là,
même
anglais,
pour ne pas prévoir,
pour savoir rompre avec des habiil
:
pour
l'intérêt cer-
chef spirituel de la catholicité.
pour
homme
un
whig, que
politique
développement
le
naturel d'une tradition déjà ancienne, et dont l'Angleterre n'a qu'à se louer
que
pire
tions
les traités
commerciales
navires
:
il
car ce respect
difficilement ob-
des consciences religieuses, tenu, loyalement accordé, a
:
mieux
servi l'Em-
d'allégeance, les conven-
ou
la
puissance
des
lui garantit la paix, l'obéissance, la
reconnaissance des peuples qui vivent sous loi
les
ou l'influence anglaise. Le pires
injustices
des
la
xviii' siècle vit
protestants
anglais
L
EXEMPLE.
303
contre les catholiques; mais quel changement
au
XIX*,
Comme
ils
structeurs,
couche
surtout
et
depuis soixante-dix ans!
ont bien compris, ces maîtres con-
que tout ébranlement de
mats! Et quelles récompenses avant
l'arbre de
agitait le navire jusqu'à la pointe des
guerre,
la
et
ils
ont reçues
dans cette guerre!
preuves sont manifestes. Dans
la
Les
loyauté de
l'Empire, la gratitude a eu sa part. Voilà quel-
hommes
ques mois à peine, un des
plus
les
estimés du Canada, et l'un de ceux qui représentent le plus parfaitement la tradition française, sir
Adolphe Routhier,
chez nous
!
et
si
—
vous voyiez le visage
entendiez l'orateur! —
disait,
nom
quel !
devant
et si le
Connaught, gouverneur du Dominion
de
vous
duc de :
«
La
nation canadienne se compose de deux élé-
ments principaux... L'un
est français et parle
la
langue française, l'autre est anglais
la
langue anglaise. Le premier
le
second
unis
et
est protestant.
forment
la
Mais
et parle
est catholique, les
doux sont
nation canadienne...
Le
dualisme canadien n'a pas encore une longue histoire,
mais
il
pour prouver sa
a déjà assez vécu et grandi vitalité, et
pour compter sur
AUJOURD HUI ET DEMAIN,
304
un grand avenir. Et quelles sont
les raisons
de
dans
la
ces belles espérances? Je les trouve
double autorité politique
et religieuse, réguliè-
rement constituée dans notre pays; libertés
nécessaires
3°
la famille,
dans
sur la morale et
;
4°
appuyées fondée sur
dans
assurant
l'Etat
la
la
1°
:
dans
2"
sur
les
l'ordre;
religion et
la
paix entre la religion stabilité
de
l'édifice
social. »
Un
hommage honore
tel
plus
fortifie
encore.
l'Angleterre.
Il la
Personne ne peut dire
quelles ont été les paroles échangées entre le
ministre du
Royaume-Uni
et le
Pape
mais on
:
pourrait parier, sans risquer de perdre, que le
Souverain Pontife a
félicité
l'Angleterre pro-
pour plus d'un acte de respect
testante,
justice envers les catholiques, et
d'Etat
britannique
n'a pas
allusion à cette paix future, le
et
de
que l'homme
manqué
de faire
sait
bien que
oii
il
Pape, avec ou sans Congrès, aura son mot à
dire; plète,
où
il
que
dications
sait le
également, de science très com-
Pape favorisera toutes
du Droit
les
reven-
violé.
Et nous, cependant, que faisons-nous? Ceux qui nous
mènent
ont-ils le
sentiment que les
l'exemple.
305
grandes occasions pas plus que les reviennent? qui
celles
Ne
voient-ils pas
passent
reproche,
notera?
l'histoire
d'flonolulu,
ou
s'ensuit-il
moins
qu'on
des
ne
de
que
retentissant,
Attendons-nous
celui
Parce qu'on a été
comme un mot
est
ou
plus
petites,
que chacune de
îles
l'exemple
Aléoutiennes?
en une certaine occasion,
sot,
ait le
devoir d'être bête dans
la suite?
Or
la
cause
est jugée.
La rupture des
rela-
tions diplomatiques avec le Saint-Siège a été
une
faute, et
nullement sait pas
que
séparation n'entraînait
la
comme une
conséquence,
et n'excu-
davantage. Tous ceux qu'on appelle
des chefs,
dans notre République,
naissent et contraire,
le disent. il
le
Pour entendre
reconla
note
faut chercher dans les groupes,
parmi ceux dont on se demandera toujours
r
partout pourquoi
ils
sont
ici
plutôt que
et
là, et
ce qu'ils comprennent, quand, par hasard, les ^
mots qu'on leur adresse, dépassant d'un
moment
et
d'un
homme,
font
l'intérêt
devenir
tout mats et dépolis des yeux tout à l'heure 1
luisants. Plusieurs ciers
si
peut-être de leurs devan-
avaient eu une illusion singulière
:
ils
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
306
avaient pu s'imaginer qu'une partie de l'Europe
admirerait ce geste de rupture, et l'imiterait.
Le rêve
mal
d'être
un ancêtre
fut
mauvais conseiller.
sont trompés, là encore.
Ils se
la galerie
européennne.
deur de France
Ils
connaissent
A peine l'ambassa-
avait-il quitté le palais
romain,
que des nations, jusque-là sans relations cielles
avec
le
Saint-Siè^e, préparaient
cordat, cherchaient
n'y aurait point, pour
s'il
quelque bien à
elles,
offi-
un con-
saisir
dans une succes-
sion en déshérence; se demandaient tout au
moins
si
l'heure n'était pas
venue de prendre
ou de reprendre place dans ce merveilleux centre
de
d'informations,
conversations
et
d'action politique, que fut toujours la cour pontificale.
Au
lieu de
nous valoir des sym-
pathies, l'attitude de la France fut jugée avec
une sévérité qui, pour pas moins formelle. préciation, le droit
naïf
être discrète, n'en est
On
alla
même, dans
l'ap-
beaucoup plus loin qu'on n'avait
d'aller
parfois
:
jusqu'à la calomnie.
et plus
souvent
On
méchant.
fut
Et
aujourd'hui, dans la terrible crise où les amitiés
étrangères sont
qui pourrait dire
devenues
si
précieuses,
que nous n'avons pas de
L
nouvelles raisons
EXEMPLE. de regretter
paraître tout autres
lit
307
nous
ce qui
que nous n'étions?
Les temps sont venus de réparer l'erreur.
Nos
voisins nous donnent
est
de
qu'ils
belle
allure.
un exemple,
Ayons autant
et
qui
d'esprit
viennent d'en montrer, une intelligence
aussi claire et brave de ce qu'est aujourd'hui et
de ce que sera demain.
LE
«
DROIT AU BONHEUR
»
16 Avril 1916.
Nos hommes
se battent
si
bien qu'ils ont
déjà rétabli, par le monde, le prestige militaire
de
la
France.
que, bien souvent,
D'oîi vient ce courage
l'éducation n'avait point préparé, et que plus
d'une cause, évidente ou
sûrement
et
menaçait
de
secrète,
diminuait
tarir?
Comment
expliquer cette transformation rapide des civils
en soldats,
des petites ambitions en grands
dévouements, des souffre peu en souffre tout?
La physionomie
même
proches a changé
et
de nos amis
et
de nos
combien plus leur âme,
qui a modelé ce visage à peine reconnaissable.
LE et l'a fait
DROIT AU BONHEUR
«
309
».
en moins de temps que n'eût mis un
sculpteur
dresser
à
problème dont
la
ébauche? C'est un
son
solution n'est pas simple, et
qu'on ne résoudra point par des mots seule-
ment bleue, «
y faut des raisons. Dans
il
:
M. Paul Gaultier donne
celle-ci
la
Revue
:
Qu'on y prenne garde! Voilà des employés, des
des patrons,
des paysans, des
ouvriers,
rentiers qui, avant la guerre,
que de leurs être,
petits intérêts,
jalousaient
ne se souciaient
aimaient leur bien-
souvent
voisins
leurs
et
n'étaient guère, en général, portés à sacrifier la
moindre de leurs
on
les mobilise,
aises à l'intérêt public.
les habille,
envoie au combat
on
les
se
muent en
soucieux de
véritables
la
faim,
froid,
le
sauvegarder leurs
aïeux
le
et
les
et,
arme, puis
brusquement,
la
France, jour et
que
la
mort,
l'ennui,
pour
pire
l'insomnie,
ils
uniquement
héros,
grandeur de
nuit affrontant la mort la
et,
on
On
patrimoine national hérité de qu'ils
transmettront à
leurs
enfants, sans peut-être plus jamais en jouir.
Voilà
des
âmes rudes
et,
pour
la
plupart,
égoïstes, qui sont parvenues, tout d'un coup,
aux plus hauts sommets du
sacrifice
et
de
aujourd'hui et demain.
310
l'abnégation. Voilà des
gence
et
leur vie,
très
âmes simples
d'intelli-
souvent bornées, qui donnent
non seulement sans compter, mais
cœur
pour
plus
sublimes
notions qu'ait élaborées l'humanité.
Comment
d'un
un
tel
prend
allègre,
miracle, le
imprévu,
—
les
car cela en est un,
mot miracle au
—
s'est-il
parce que, sous
le
si
l'on
sens d'événement
opéré? Tout simplement
coup de
la
menace allemande,
à la mentalité rationnelle s'est substituée tout
de suite, sous l'influence de sentiments com-
muns
plupart ataviques, une mentalité
et la
essentiellement mystique.
Il
n'y a pas d'autre
explication. »
La question
est
ici
bien
incomplètement résolue,
posée
elle
:
ou du moins
est
la solu-
tion vient trop vite, et les étapes disparaissent.
Pourquoi sont,
quand
race est normale,
la
l'intelligence, ni le
tion profonde. relle.
vie
Une et
et
le
que ni
cœur, n'ont subi de corrup-
Le courage
est
certaine rudesse
l'entretient.
manuel,
hommes
sont braves? Les
ils
C'est
ainsi
une vertu natu-
et
difficulté
que
de
l'ouvrier
plus peut-être que tout autre
le
cultivateur, habitué à l'effort répété, endurci à
LE la
DROIT AU BONHEUR
«
du
morsure
chaud
et
ménager de sa peine que du souvent heurté, tailladé chez
dans
lui,
ministère.
que
riche
II
du
311
».
froid,
moins
travail des bêtes,
et piqué, sera plus vite
la tranchée,
qu'un huissier de
n'aura pas tant besoin qu'un plus
lui,
do raisonner sa hardiesse ou son
(mdurance, et l'habitude de ne point compter sur
le
parente qu'on
vieille
comme une
raison.
ait
mine son-
comme
la
plus
jamais connue. Sup-
vient,
On
s'élargit.
l'on
oii
les obligations
va,
sait
mieux
pourquoi.
et
morales prennent l'auto-
commandement
d'un
souiïre
paire d'ailes qui pousse à la
domaine
Le
l'on
Toutes rité
cette
ce courage naturel pénétré par la foi.
posez
d'où
lui fera
qui accueille la misère
,i,'-euse,
C'est
beau temps
divin.
Celui
moins de peine à comprendre
a
qui la
soulîrance et peut s'élever plus haut encore; celui
qui est
commande en soi
et
victorieux
et
commandé mieux
moins
celui qui
l'autorité toujours divine
déléguée aux se sent
voit
hommes;
celui qui est
plus pitoyable envers le
vaincu, car sa fraternité a des motifs nouveaux.
Et remarquez que
les
plus simples cœurs peu-
vent se prêter pleinement à cette grandeur-là.
aujourd'hui et demain.
312 C'est
de tous les
est
où
la
surprise
jours. Observez aussi
qu'il n'y
une hiérarchie
invisible,
a point seulement à y prendre place ceux qui
Un mouve-
pratiquent en vérité leur religion.
ment spontané de la volonté, un exemple, un mot, un danger, un souvenir, peuvent y conduire jusqu'aux sommets, surtout dans un vieux pays
comme
le nôtre, tout pétri
mérite des ancêtres, ceux-là
foi et le
se croyaient
démunis, plus ou moins, de
secret qu'ils portaient en
sans
vivent,
le
savoir,
inconnues!
grand'mères
par la
mêmes
qui
l'idéal
eux-mêmes. Combien de Vave
maria des
L'héroïsme de nos
troupes ne peut être bien compris sans cette explication.
l'homme y
Il
de sublime pour que
a trop
soit seul.
Paul Gaultier ne
s'y est
pas trompé.
Pouvez-vous penser sans courage, qui
mis en
péril
On
guerre? les
les
été
années qui ont précédé
la
l'attaquait dans toutes ses sources,
l'idée
Ce n'est pas seu-
et les divines.
de patrie qui
niée par quelques-uns
moindre
que ce beau
nous sauve aujourd'hui, a
dans
humaines
lement
effroi
:
était
diminuée ou
partout la doctrine du
effort était insinuée.
Le
sacrifice et le
LE
«
DROIT AU BONHEUR
313
».
dévouement semblaient relégués parmi stitutions des anciens
noms
sous des
royaumes,
«
le
romans
littérature,
droit au
ou
écrite
bonheur »? On
cette misère mortelle;
musique; on
en
mettait
et l'égoïsme,
assemblait de faciles
divers,
au delà, toute cette
parlée, bêlant
mettait en
con-
Kappelez-vous, en 1914, en 1913
adorateurs. et
les
on
la
sur les
l'affichait
murailles. Les orateurs de carrefour, toujours
en quête des mots qui font voter, reprenaient
thème du
le
droit à la jouissance et le vulgari-
Quel réveil!
saient.
A
peine ose-t-on aujour-
d'hui écrire de pareils mots.
au bonheur? Est-ce
les
Où
est-il, le
vivants qui
le
droit
connais-
sent? Est-ce les maris qui se battent? Est-ce les
femmes
qui
attendent dans l'angoisse, ou
qui n'attendent plus? Et ne seraient-ce
celles
pas les morts? Qui peut se vanter de l'avoir?
Qui
en
devenus,
aurait si
cette
avait prévalu, l'a
fait,
l'audace?
des
et,
Que
formule d'égoïsme menteur
au lieu de
victimes
faire,
comme
individuelles
défaillances isolées, avait eu le blir et
serions-nous
et
temps
elle
des
d'affai-
de pourrir la race?
Ah! quel mortel sophisme! Nous
le
18
voyons
314
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
en ce moment. Nous voyons
nous échappons. Mais jamais, taille.
et
que
la
il
le
danger auquel
faut s'en souvenir à
leçon suffise! Elle est
de
,
LA DEVISE D'UN MARIN
25 Avril 1916.
Plusieurs livres, très différents par l'allure
ont déjà raconté
et le style,
times de
les
épisodes mari-
Grande Guerre, comme
lu
Falkland
des
îles
les
croisières
et celle
la bataille
du Dogger Bank, ou
des bateaux de l'Entente, qui
enveloppent de leurs sillages presque toutes les côtes
de l'Europe, font la police des mers
et guettent les flottes,
peu soucieuses de
sortir,
de l'Allemagne et de l'Autriche. Je viens de recevoir
bonds de tion
le
récemment
la Gloire,
n'est
n'est pas
plus
édité,
par René Milan.
les
Vaga-
Mon
inten-
nullement d'en rendre compte. Ce
mon
rôle
ici.
Je n'ai
lu,
d'ailleurs.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
316
qu'un petit nombre de pages, assez cependant
pour voir teur
:
dans deux sentiments de l'au-
clair
l'amour de
l'amour de
la
langue
la
française
et
France. Tous deux sont de belle
qualité.
Ce grand sujet de
la
guerre
maritime en
1914, 1915, 1916, donnera naissance, l'autre,
comme
comme
celui de la guerre continentale,
à toute une littérature. Les officiers de la flotte anglaise,
— peut-être
ce
mince midship, tout
dont
le
sourire était infini-
rasé, silencieux,
ment
rare et infiniment jeune, et
que
je revois
toujours sur la passerelle de son destroyer; les ravitailleurs
d'Arkhangel;
les
—
bombardeurs
périodiques des dunes belges transformées en abris militaires, et des plages autrefois
mon-
daines de Zeebrugge et d'Ostende; les ordon-
nateurs et convoyeurs des prodigieux transports de troupes entre l'Algérie, le
Maroc
et la
France; les marins de l'expédition des Dardanelles les sauvages ;
commandants des submersi-
bles allemands pourront écrire des
mémoires
qui renouvelleront tous les thèmes de l'histoire
navale et des
Mais
ils
«
voyages extraordinaires
ne seront pas
les seuls.
Chaque
».
nuit,
LA DEVISE d'un MARIN. (les
Houilles qui ressemblent à la
317
meute d'un
gentilhomme pauvre de mes amis, laquelle
compose pour
trois bassets
chien d'équipage pour terrier,
le
deux
de
essentiellement
le lièvre,
pour
le lapin,
un
chevreuil et un fox-
tout chassant d'accord,
le
se
briquets
n'importe
quoi, sortent des ports de la Manche, le soir, la nuit,
au
éteints,
exécutent des randonnées dont l'âme
petit jour, et,
naviguant tous feux
des vieux corsaires eût été réjouie. Contre-torpilleurs, torpilleurs, chalutiers
armés, entourant
quelquefois un de ces monitors anglais qui lèvent assez haut,
comme une
pendule ren-
versée tendant son balancier, l'unique tourelle
juchée sur un trépied, s'éparpillent à l'ouest, les
contournent
les
champs de mines,
l'est,
à
bancs de sable, évitent
s'arrêtent
pour attendre
une patrouille allemande, repartent, rencontrent des torpilleurs ennemis, des poseurs de
mines, de faux navires marchands qui, tout à coup,
du Nord
démasquent leurs et la
nuit, le théâtre
ignorés.
Les
batteries.
La mer
.Manche sont, presque chaque
de duels terribles
et à
peu près
communiqués ne peuvent pas
tout dire, les matelots ont défense d'écrire, et 18.
ÀUJOURD HUI Eï DEMAIN.
318
brume ne
la
dit rien.
Mais nous aurons, plus
tard, l'historien de ces
où nos
combats dans l'ombre,
courage de nos marins
le
et l'habileté
de
de ces connais-
officiers font l'admiration
seurs que sont les Anglais.
Je reviens aux Vagabonds de
L'au-
la Gloire.
teur a « vagabondé », surtout depuis le début
de
dans
la guerre,
la
Méditerranée.
Il est
le
poète des randonnées adriatiques et des croisières ioniennes. Je
ne
citerai
qu'un fragment,
à cause do la leçon qu'il enferme, et que l'au-
teur a mise
sans s'en douter.
là,
Le croiseur parcourt l'Adriatique. Un navire est signalé naître.
mis pas,
S'il
est
au large. neutre,
lui
Arrêtez-vous, sur-le-champ!
:
le
recon-
est
trans-
S'il n'obéit
un premier coup de canon à blanc rend
plus clair l'avis déjà donné. la
On va
ordre
visite?
Comment
C'est très joliment
se fait
raconté,
mais
avec trop de détails pour que je puisse transcrire
tout
le
récit.
«
En un
clin-d'œil,
une
de nos baleinières descend à l'eau, son équi-
page
saisit
les
armé du sabre grand
registre,
avirons; l'officier de corvée, et
du revolver, muni d'un
saute dans l'embarcation qui
\
LA DEVISE D LN MARIN.
319
du bord... La baleinière accoste
s'éloigne
le
vapeur, sur la muraille duquel se balance une échelle de corde, parfois une simple corde à
nœuds.
Pourquoi
courtes?... et
A
toujours
sont-elles
trop
bras tendu, empêtré d'un sabre
d'un registre, sanglé dans une redingote qui
n'est
point taillée pour la voltige,
de
s'efforce
secondes,
il
saisir
le
aux hanches, à rétablissement,
aux cordes
gage,
lécher jusqu'aux
gagne quelques échelons, glissantes,
pose enfin
et
genoux,
poitrine; d'un vigoureux
la
il
l'officier
Pour quelques
du trapèze volant; une
exécute
lame s'amuse à
hisse
l'échelle...
les
enjambe
le
se
bastin-
pieds sur le pont. »
D'abord, accompagné du capitaine, du commissaire et
du matelot
d'escorte, l'officier
chambre de navigation, où sont
gagne
les papiers
la
du
bord. Les papiers sont en règle. Alors vient l'interrogatoire
:
D'où venez-vous? Où
vous? Où vous êtes-vous arrêté? en aide à son commandant, navire
se
multiplie,
le
remplit
incisives.
Pour venir
commissaire du
un
liqueur, débouche une bouteille de glisse la
«
allez-
verre
de
Champagne,
coupe fumante entre deux questions
La main
française repousse courtoi-
aujourd'hui et demain.
320
sèment ces à son
offres d'Artaxercès.
tour,
banc
au
passe
déploie et explique les
listes
Chaque
un
ligne contient
Le commissaire, des accusés.
Il
de marchandises...
D'un calepin,
piège...
tenu à jour sur les navires de guerre,
l'officier
extrait les listes d'expéditeurs, de destinataires
favorables à nos ennemis, et vérifie que leurs
noms ne figurent pas
sur les papiers du bord.
.
.
»
Puis, tous les passagers s'alignent sur le pont,
chacun tenant à Ils
sont
la
main
ses
pièces d'identité.
graves, irrités, amusés, inquiets,
là,
indifférents, selon le
tempérament,
les risques
possibles de l'aventure, et la qualité port.
Des compatriotes, des Anglais, des An-
glaises, des
avec
Russes qui voudraient bien causer
l'officier;
des Levantins, des Chiliennes,
des Hollandais,
des Arabes,
tantôt en leur langue, :
l'officier
découvre un ennemi,
il
faut tout interroger.
une inspection rapide des
la cabine, il
confirment
faut conclure
les
Parmi eux.
un Allemand
voyageant sous un faux nom. Une ciliaire,
répondent
qui
tantôt en français des
Echelles
mais,
du passe-
visite
valises,
soupçons.
l'afj'aire
domi-
«
dans
Désor-
avec décision,
avec élégance, à la française. Investi de pouvoirs
LA DEVISE D UN MARIN.
un bâtiment neutre,
discrétionnaires sur cier visiteur
est
tenu
ton de sa voix,
la
l'offi-
courtoisies qui
à des
satisfassent les plus chatouilleux. le
321
Son
attitude,
qualité de ses paroles
en un milieu souvent hostile, tou-
ufiîrnient,
jours ombrageux, la volonté souveraine de la patrie.
L'état-major du navire, son équipage,
ses passagers,
forment un aréopage de juges
sarcastiques, de témoins libres qui dauberaient,
aux quatre coins du monde, sur maladresse.
la
moindre
Enfin nous avons la coquetterie
de ne point imiter les goujateries de nos adversaires.
L'officier
visiteur s'arrête en face de
l'Allemand, l'interpelle par son nom, pose un doigt léger sur sa
manche ou son
sans élever la voix »
Suivez
»
gages
On
mon
et
:
«
Je vous
épaule, et dit,
fais
matelot, qui va prendre vos ba-
vous conduire dans
la baleinière... »
n'ajoute rien. Ce qui est dit est
plus,
si
la
scène devient pénible,
tourne vers
prisonnier.
le capitaine...
Cela
dit.
Tout au
l'officier se
suffit... »
Les nuances sont toutes justes dans ce morceau; je ne dis pas seulement celles du style,
mais celles de .soi-même, de
l'action. Cette
surveillance de
son geste, de sa voix, do ses
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
322
mots, cette volonté de mettre de
dans
la police
ne pas digne
de guerre, ce constant souci de
faire tort à la patrie, et
11 n'est
la fran-
une règle de conduite générale.
pas besoin de la rappeler à ceux qui
se battent
pour
ou
obéissent,
qu'ils
qu'ils font aide
La
de se montrer
en toute chose, à
d'elle, et d'agir,
çaise, c'est
la courtoisie
la
France, Qu'ils ils
ou dessert
jalousie d'un chef
commandent
sentent que tout ce le
pays tout entier.
ou son imprudence,
la
négligence d'un soldat ou son insubordination, seraient des coups directs portés à la patrie en
]
guerre.
\
Mais
les civils,
eux
aussi,
chaque jour
et
en
mille occasions, peuvent être cause de force ou
de faiblesse. assez.
Ils
n'y pensent pas tous, ou pas
L'image devrait leur être toujours pré-
sente « des juges sarcastiques, des libres qui
monde, sur écrivent, S'ils
la
ont-ils
moindre maladresse toujours pesé
parlent, les ont-ils
leurs
comptés?
hommes politiques, moment de voter, l'image des
témoins
dauberaient, aux quatre coins du
ont-ils
».
S'ils
mots?
S'ils
aperçu,
sont
au
de cette joie mau-
vaise que le vote peut éveiller au delà des
LA DEVISE D UN MARIN. frontières,
France
songé que
ont-ils
toute injustice
le
renom de
la
et jalousé,
que
par nous commise dans
nos
magnifique
ainsi
est
323
discussions de famille et nos lois intérieures,
nous fait
plus d'ennemis à l'étranger qu'elle ne
fait
de victimes en France? S'ils n'ont d'autre
pouvoir que celui
souvenus de l'exercer çaise »?
«
avec élégance, à
Quand nous fondons une
industrielle l'industrie
toujours
d'élire, se sont-ils
la fran-
entreprise
ou commerciale, choisissons-nous
ou
le
commerce
qui peut
le
mieux
refouler la concurrence étrangère et avancer la
conquête française?
Dans
la
l'espère, la
France de
demain,
ce
sera, je
coutume de tous de regarder aux
neutres et à l'ennemi, d'avoir l'œil à la fenêtre, et d'agir,
en chaque occasion grave,
l'officier visiteur,
lui
comme
qui ne veut pas qu'à cause de
on médise du pays.
LE MINIMUM DE SALAIRE
30 Avril 1916.
Nous sommes dans
la
voie
entrés, depuis longtemps déjà,
des
sociales,
dites
lois
lois
d'exception, en somme, dont la plupart seraient
sans objet dans une société
du
travail serait
complète
l'organisation
oîi
et
le
devoir
suffi-
enseigné. Je tâcherai quelque jour
samment
d'exposer cette vérité pleine de conséquences.
Aujourd'hui, je veux seulement indiquer l'éco-
nomie de
la plus récente
de ces lois; de
discutée, de la plus timide les limites taillées
si
la plus
l'on considère
volontairement étroites qu'elle
dans un vaste domaine; de
la
treprenante, quand on songe qu'elle
s'est
plus en-
fait inter-
LE MINIMUM DE SALAIRE. venir l'Etat dans je
veux
mum
le
même du
contrat
du 10
juillet
travail
191o sur
le
:
mini-
de salaire.
C'est sait
dire celle
323
un
essai.
On
On
attend les résultats.
bien que l'expérience est
le
souverain juge
de ces tentatives de réformes qui touchent à
de sentiments, tention,
et parfois, quelle
peuvent
ici
que
soit l'in-
réglementer l'appa-
toujours pesant et mécanique de la
c'est la vie
elle-même,
tant
ensemble.
tous
froisser
les
La matière que prétend reil
coutumes, à
à tant de
d'intérêts,
tant
loi,
et c'est la souffrance.
Tous ceux qui vivent, par profession ou par amour, dans
la
familiarité
du monde où
le
pain quotidien n'est pas assuré, connaissent
de
l'extrême sensibilité
la
misère,
l'impuis-
sance des formules et du remède uniforme. C'est
donc bien un
Qu'a-t-il
essai.
Le mal,
lui,
les
sement des
n'est pas douteux. Il
blir
loi
y a long-
sociologues ont dénoncé l'abais-
salaires des ouvriers et ouvrières
travaillant à domicile
de
donnera-t-il?
donné?
temps que
tion
Que
:
la
première proposi-
du comte de Mun, tendant à
un minimum de
salaire, est
du 2
éta-
avril 1909. 19
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
326
L'idée est plus ancienne.
On
a voulu lutter
contre les causes multiples de l'avilissement salaires
des
qui
principalement, pour
sont
cette sorte d'industrie chez soi, l'extrême con-
currence,
intermédiaires, commission-
et les
naires, sous-entrepreneurs. Et la
sant
milieu
son
d'établir
vrières
d'expérience,
un minimum de
salaire
loi, choisis-
a
commencé
pour
les
ou-
« exécutant à domicile des travaux
dans
rentrant
l'industrie
du
vêtement
»,
tailleuses, jupières, chapelières, cordonnières,
lingères, brodeuses, dentellières, plumassières,
gantières, soit
un ensemble d'environ 850 000
personnes. Elle est, d'ailleurs, loi
souple, et
un curieux exemple de
un simple règlement d'adminis-
tration publique pourra étendre ses disposi-
tions à d'autres industries.
La détermination du confiée
à
des Comités
salaire
minimum
de salaire
et
est
à des
Comités professionnels d'expertise, délégations des conseils de prud'hommes, présidées par un
juge de paix. La mission de ces comités est des plus
difficiles. Ils
doivent rechercher quels
sont les salaires payés,
dans
la
région,
aux
LE MINIMUM DE SALAIRE.
327
ouvrières de chacune des spécialités de l'indus-
du vêtement, travaillant en
trie
atelier, puis,
ayant établi ce « salaire au temps
»,
indiquer
temps nécessaire pour l'exécution de chaque
le
pièce industrielle, par exemple d'une chemise,
d'une paire de gants, d'une forme de chapeau,
d'un col brodé. L'ouvrière à domicile gagnera
donc
ou
le
même
pourra
salaire
le
que l'ouvrière en
gagner,
aux pièces
salaire
le
atelier,
ayant été converti, par cette méthode, en salaire
au temps. Le minimum, dans
la
confection à
machine, est de 3 francs par jour;
la
jupe demande G heures de façon
donc payée
que
afin
affichés, et
elle
les
les
plus minutieuses sont soient
tarifs
que l'inspecteur du
moyens de contrôle reçoit pas,
elle sera
1 fr. 80.
Les précautions prises,
:
telle
en
publiés
travail ait les
suffisants. Si l'ouvrière
fait, le
et
ne
salaire ainsi réglementé,
peut réclamer devant
le conseil
d'hommes. Le plus souvent,
elle
ne
des pru-
le fera pas,
par timidité, par ignorance ou simplement par cette
raison que formulait devant
femme dont
la
vie se
moi une
passe au milieu des
ouvrières et à leur service
:
« Elles
sont plus
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
328
mères qu'ouvrières.
Beaucoup de choses
»
tiennent dans ces mots-là, qui sont, au fond,,
un bel éloge de l'ouvrière
française. Il se peut
donc que
la loi
l'intéressé
n'invoque pas son droit. Mais
ne soit pas respectée, et que
y ont pourvu. Je
législateurs
reux de pouvoir
hommes
suis trop
rendre justice à
heu-
quelques
compétents, qui se sont inspirés de
grande de l'honneur du métier,
l'idée
les
ont armé
et qui
syndicat professionnel, celui de la
le
couture, celui du gant, celui de la plume, et les autres, et
de
du pouvoir de
rétablir
notez-le
le
redresser
principe.
Remarquez-le,
comme un signe précurseur comme mandataire
dicat n'agit pas
vrière lésée;
il
a
un
l'erreur
droit propre,
un
:
le
syn-
de l'oudroit qui
n'est point fondé sur l'intérêt privé, mais, ce
qui est d'une autre dignité, sur
de
la
dont
il
dit très
corporation
et
le
bon ordre
sur l'intérêt supérieur,
est le représentant, chargé,
comme
l'a
joliment M. Lerolle, « de faire régner
l'honnêteté dans le travail
».
Voilà donc, exposée dans ses traits les plus
généraux,
la loi
sur
le
minimum
Qu'on me permette, à présent, un
de salaire.
certain
nom-
LE MINIMUM UE SALAIRE. l)re
329
de réflexions. Elles montreront, à ceux qui
n'auraient pas étudié notre législation du tra-
complexité des problèmes à résoudre,
vail, lu
et
parmi quelles extrêmes
difficultés les philo-
sophes sociaux essayent de
progresser
faire
leur œuvre.
L'Etat intervient dans la fixation des salaires.
De il
quel droit?
Il
n'est point partie
au contrat,
n'est ni ouvrier, ni patron. Il s'impose à
libertés, et
tient ni
de
il
Ce pouvoir,
les limite.
nature du contrat, ni de
la
il
deux ne
le
volonté
la
des parties, dont l'une au moins a intérêt à le récuser.
Aussi beaucoup de personnes ne
considèrent-elles s'en trouve
même
comme
point
parmi
ardents de la loi de
11)
le
même,
lo.
les rapports,
montre
relative
aux comités de
M. Barthélémy Raynaud, pour juger
Ce sont des
la
justice
:
législations in extremis. »
Le mot
comme
gardien
est assez juste. L'Etat agit ici
de
la
principe
le
de telles mesures, inventait-il cette formule «
Il
d'une étude approfondie sur
la législation anglaise,
salaire,
Leur langage, à
doute qu'ils gardent sur et l'auteur
le
les partisans les plus
Chambre, au Sénat, dans bien
légitime.
générale.
Son
droit,
que tant
aujourd'hui ET DEMAIN.
330
d'abus nous portent à contester, n'en est pas
moins que
Mais on doit ajouter aussitôt
certain.
l'Etat qui le possède
ne peut pas
l'appli-
La vraie manière d'exercer un pouvoir
quer.
intime dans
monde immense
le
si
des intérêts,
de l'abandonner aux règlements privés
c'est
des collèges du travail,
comme disait Léon XIII.
En avons-nous? Voyez, en second
lieu,
comment
les
ques-
tions qu'on croit résolues ne le sont pas,
plutôt
nous
comment
les
les
premières
difficultés,
quand
avons vaincues, nous laissent devant
d'autres, souvent plus grandes collines,
ou
rudes
à
monter,
successions de
:
dont chacune
est
l'écran qui cache la suivante. Jusqu'à présent,
soixante-dix-neuf comités de salaires ont déter-
miné
tenu
compte
existent entre
même
minima au temps.
les salaires
pas tous suivi
la
même
des
Ils
n'ont
méthode. Les uns ont
différences
une profession
profondes et
qui
une autre du
groupe d'industrie, certains travaux
exi-
geant un long apprentissage, ou plus de finesse de main, ou plus de force, ou l'acquisition pre-
mière
d'outils
établis par
ou de
machines.
eux sont donc nuancés,
Les et,
tarifs
tout de
1
LE MINIMUM DE SALAIRE.
VOUS reconnaîtrez
suite,
l'esprit professionnel.
Au
là l'esprit
331
de métier,
contraire, la plupart
des conseils de prud'hommes socialistes ont
répondu par une affirmation unique payer
somme
telle
du vêtement, quoi de
la broderie,
•'est là
la
il
:
faut
à l'ouvrière de l'industrie qu'elle fasse,
que ce
soit
de
chaussure ou des gants. Et
une indication curieuse de l'orientation
du socialisme, organisation politique
et
non
pas organisation de métier, groupement qui se soucie peu de la qualité du travail, et compte >t'ulement les ouvriers. Rien ne serait moins juste et rien ne serait plus dangereux, pour
que
l'avenir
du
Itiutalo.
L'ouvrière qui voit que son art ne
est point
travail français,
compté;
d'apprentissage difficile et joli,
de
la finesse
celle qui a
afin
où
il
cette égalité lui
payé des années
d'apprendre un
métier
du goût, de
l'esprit,
faut
de main;
celle qui avait acheté,
de ses économies premières, les outils de
la
profession, ou les avait pris à crédit, que ferontelles, si elles
constatent que les juges du salaire
minimum ne
font aucune difîérence entre elles
et
la
simple manœuvre, et faussent,
détriment,
la
à leur
justice? Elles seront tentées de
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
332
regretter ce qu'elles ont fait; elles se diront à tort,
mais
se
elles
diront
gagné autant avec un élèveront leurs
maternel,
filles,
dans
auraient
qu'elles
effort le
moindre;
elles
dédain du métier
finalement, la France risque de
et,
perdre, peu à peu, quelques-unes de ses élites ouvrières. centrale,
Il
que
faut espérer
la
commission
ministère du travail,
qui siège au
réformera ces sentences mal venues
On
professionnelles.
erreurs qu'il
du comité de
exagère
le
et si
peu
peut supposer d'autres salaire, et, par
minimum dans
exemple,
telle industrie.
Peut-être le patron avait-il déjà grande peine à maintenir son usine ouverte
de
fermer,
la
une
et,
:
sera obligé
il
de plus,
fois
la
concur-
rence étrangère aura place libre.
qui sera bienfaisante
Cette loi pénétrante,
ou dangereuse, selon
conscience et l'habileté
la
des agents chargés de l'appliquer, à quelles
mains
l'a-t-on confiée?
de prud'hommes. tence. faire
Mais
de
ils
telles
Ils
Je
l'ai dit
:
aux conseils
ne sont pas sans compé-
n'ont pas été
enquêtes.
Il
nommés pour
peut arriver qu'au-
cun de ceux, patrons ou ouvriers, qui siégeront dans
les
comités de salaire, n'appartienne a
la
LE MINIMUM DE SALAIRE.
333
catégorie des industries du « vêtement à domi-
que
cile », et
isolé.
Je vois aussi
ma
ce sera là
le
taux du travail
juge de paix, j'aperçois
conclusion.
pour
posent,
le
décide
Solutions hybrides et provisoires. Et
le préfet.
pour
l'atelier
De
telles lois
être équitables,
sup-
simplement
et
quelque temps vivantes, une orga-
être
nisation du travail que nous n'avons pas, et qu'il faut faire.
Pour
professionnels,
il
est
délibérer sur les intérêts
nécessaire d'avoir
syndicats professionnels,
au moins par
non
des
politiques, mixtes
la pointe, afin
que
les
chances
d'entente soient augmentées et les chances de rivalité
cats
diminuées. Je connais plusieurs syndi-
du vêtement rccommandables
catholique
:
et d'origine
syndicat des ouvrières à domicile,
38, rue Vercingétorix; syndicat des ouvrières
de l'habillement, 3, rue de l'Abbaye; syndicat
des ouvrières de la couture,
Champs.
iMais
5,
rue des Petits-
combien d'ouvrières, dans
seule industrie, ont négligé ce puissant
de protection? Combien dans urgent,
il
est
digne
cette
moyen
les autres? Il est
de l'intelligente et tendre
charité chrétienne, de
multiplier les corpora-
tions ouvrières, les organisations,
non de 19.
lutte,
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
334
mais d'arrangements,
et
de laisser les patrons
et les ouvriers délibérer sur les intérêts
profession. ils
Eux seuls
ils
les
dommage
la
connaissent bien, et
ne se connaissent pas assez,
au grand
de
des uns
le
et
plus souvent,
des autres.
Il
importe aussi de ne pas constituer des groupe-
ments sans autre puissance que passion
et
sans
responsabilité.
celle
de la
Le système
actuel est détestable, qui limite étroitement la
propriété et le droit d'administration des syndicats. Ils
doivent être riches et libres de leur
fortune.
Ah
!
que ce monde immense du
travail a
besoin d'être aimé, servi et libéré des doctrines
de mort!
,
LA CONNAISSANCE DE SOI-MÊME ET DAUÏUUI
2 Mai 1916.
Un
des grands effets de la guerre aura été de
faire connaître à
eux-mêmes
étaient blables.
Avant
coup toutes
me
qu'ils
et ce qu'étaient leurs
sem-
qu'elle n'éclatât, modifiant d'un
les
conditions de l'existence, je
souviens d'avoir déploré, plus d'une
([ue les
fois,
Français fussent juxtaposés par groupes,
ft qu'il si
beaucoup d'hommes ce
y
eût, entre ces familles artificielles,
peu de pénétration. On
de la métallurgie ou de soyeux,
était
paysan, ouvrier
la laine,
tanneur ou teinturier,
«ommerce ou de grande
mineur ou
employé de
société, propriétaire
aujourd'hui et demain.
336
rural, fonctionnaire, avocat, et le reste
que
les relations étaient courtes et
mal de juger ceux
d'à côté, ceux
ou moins proche, des
:
mais
permettaient
du clan plus
êtres fraternels pourtant
des amis possibles!
et
A
peine, quelquefois,
pouvait-on regarder
par-dessus la haie d'épines noires. Individualisme, esprit de jalousie dont vit la Révolution et
dont meurent
pays,
les
défiance,
défaut
d'une large organisation du travail qui montre à
chacun sa place
commune,
puissance dire,
et
son honneur dans
et aussi,
trépidante,
activité
il
la
faut bien le
manque de
loisir,
rigueur de ces grandes villes contemporaines qui parquent les riches, les demi-riches
et les
pauvres dans des quartiers différents,
sépa-
et,
rant les habitations, éloignent jusqu'à les sup-
primer
les
occasions de rencontre
:
voilà les
causes.
On s'ignorait là,
les
uns
— ne trouvez- vous
tiers
En
d'une époque ancienne?
à peu près sûrs des
c'étaient
les
ce temps-
pas qu'on parle volon-
des années qui ont précédé
comme juges
les autres.
la
—
âmes
guerre
les
seuls
françaises,
vieux missionnaires habitués à
LA CONNAISSANCE DE SOI ET D AUTRUI. 337 prêcher et confesser, tantôt dans une province
une autre, pleins
tantôt dans
et
d'histoires,
de mots populaires, observateurs qui
riches
pouvaient beaucoup voir
souvent comparer.
et
C'étaient encore les directeurs de patronages,
dans
les
grandes
que leur goût de
villes, et
état obligeait la
quelques industriels,
aux voyages,
et
que
le
philosophie sociale, ou simplement
l'amour passionné l'étude
des
nombre
et
de
milieux. la
gravité
mais aussi
souffrions,
la
inclinait
patrie,
Ceux-là
savaient
à le
des
maux dont nous
les
ressources
prodi-
gieuses de ce peuple, et les signes déjà nés du
renouveau.
La
littérature dépeignait surtout
Les
dilettantes
réalistes
essayaient
nous en accablaient.
nos défauts, inventaient.
ils
nos misères.
d'en
généralisaient les vices,
L'affreuse
Les
rire.
Ils grossissaient
humanité
de
romans, sortie d'une imagination sale
et
ils
en
leurs
d'une
observation superficielle, était reçue à l'étran-
ger
I
I
avec
beaucoup d'honneur, comme une
image
fidèle
nous,
même
de la France, et diminuait chez
parmi
dans nos destinées.
les meilleurs, la confiance
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
338
Vous rappelez-vous
«
le refrain
d'Allemagne, poussé par
nait
Peuple en décadence,
qui nous revele
vent d'est
:
nation corrompue,
nation Unie »? La protestation qu'il soulevait
n'empêchait pas de l'entendre. Aucun grand
mouvement répondre l'unité
national
ne
permettait plus de
victorieusement,
du pays, de
l'honneur
la
de
et
parler
de
volonté du pays, de
vivant du pays.
Et cependant
la
vérité était là.
Après deux ans de guerre, les notes, les lettres
lisez les livres,
des jeunes écrivains qui se
battent; tout ce qu'ils écrivent porte le signe
de
cette
vertu première
:
sympathie de
la
l'homme pour l'homme. Les journaux qui interrogent les auteurs et leur demandent ce
que sera
la littérature, après la paix,
ne peuvent
recevoir d'autre réponse que celle des préfé-
rences individuelles.
Nous manquons
ment de renseignements sur dans
la
l'avenir,
presse d'informations. très
plus,
ce n'est par exception, de ces
si
même
Cependant,
semble
romanesques,
décidé-
il
probable que nous ne reverrons
écrites
œuvres
sans fraternité, et qui
faisaient de nos contemporains, gens
du peuple.
LA CONNAISSANCE DE SOI ET d'aUTRUI. 339 i^ens
du monde, des brutes passionnées,
diffé-
rentes d'éducation, d'orthographe et de prononciation,
mais non point de bassesse. Toute
cette littérature
en
vinjj^t
de mépris a
mois.
vieilli
d'un siècle
L'œuvre d'Emile Zola
[ilusieurs autres,
de
et
à qui certains reprochaient
seulement d'être ordurière, apparaît aujourd'hui telle qu'elle est avant tout
La
inexacte.
:
guerre est un terrible critique de
lettres. Elle
a jugé d'un coup ces mortelles inventions, et
démontré aux gens réciproque,
sans
France que l'estime
de
laquelle
patrie, est bel et bien
il
n'y a point de
fondée autant que néces-
saire.
Lisez les
carnets de soldats,
et lisez les lettres.
avec d'autres ils
hommes qui
Les
hommes
les
trait, le
répète,
souiïrent
comprennent
aiment d'eux quelque chose;
un mot, un
ils
enfin;
admirent
courage d'une minute,
jtatience des longs jours .
je le
:
et tout est
la
renouvelé.
Quelle maîtresse d'amour que l'épreuve com-
(mune! Comme
ils
en sont grandis, ceux qu'on
voyait à peine et qu'on n'entendait point!
ami que
j'ai,
sous
le feu
Un
de l'ennemi, m'écrit,
datant sa lettre du dimanche des
Rameaux, une
aùjolud'hui et demain.
340
petite lettre « J'ai
au crayon, sur un bout de papier
vu des messes
dans
dites dans les bois et
tranchées. Mais que
les
était
celle-ci
:
belle,
dans cet ancien cabaret bombardé, tandis que
Un
obus tombaient tout près, sans cesse!
les
mauvais piano remplaçait l'orgue; on chantait;
on a distribué des rameaux deux Et à ces crucifiés on a lu
Vous reconnaissez dresse. Ces
le récit
de la Passion.
»
l'accent de la forte ten-
hommes-là, que de services
sont rendus les uns aax autres,
ils
l'officier
se
aux
Qui pourra dire
soldats, les soldats entre eux!
dépensée en un seul jour d'un bout
la charité
du
fois sacrés.
front à l'autre, les consolations, les confi-
dences, les encouragements, les assistances, les privations
même la
dangers acceptés ou
les
pour
recherchés
étranger
dans
subies,
que
peut-être la veille, section,
camarade,
leur volonté a
dans cette rude école se sont libérés en
partie de l'égoïsme ancien. Ils veulent unis,
nouveau
échappe au mauvais sort?
Tous ceux-là que leur âge ou inscrits
le
et tout
même
après
la
guerre, et
ils
demeurer ont déjà
décidé qu'ils formeraient des associations vétérans. L'un d'eux
me
disait,
au
moment
de de
LA CONNAISSANCE DE SOI ET d'AUTRUI. 341 quitter
femme
sa
et ses
enfants,
simplicité de la douleur véritable
avec
et :
la
Heureu-
«
sement qu'on va retrouver sa famille de
là-
bas. »
Jamais
le
sentiment de l'unité française n'a
pénétré tant d'hommes, ni
si
profondément.
Je pense aussi à plusieurs de ceux qui ne se croyaient capables de rien de grand,
et
qui
s'aperçoivent à présent qu'ils se trompaient. Ils
étaient dévoyés;
ils
courage de reprendre no l'avaient-ils pas (le
la la
:
le
voie droite; peut-être
guerre les a contraints
d'une extrême timidité,
l'avoir. Ils étaient
et voici qu'ils
ne se sentaient pas
ont pris de l'audace.
Ils parais-
saient tellement déshabitués de l'efîort qu'on
voyant
se
demandait, en
ils
supporteraient d'étapes
les
partir,
ils
:
ont dû marcher
pour se défendre, obéir pour vivre, redevenus
comme
des
dans
hommes. les
Il
champs,
combien
et ils sont
y a chez nous, un sous-sol, et
l'herbe de la surface ne dit pas toujours
ce
qu'il vaut.
Je
me
rappelle
gauche
et
malgré
la
un brave garçon,
si
timide,
emprunté, que ses amis souriaient gravité de
l'heure,
en
le
voyant
aujourd'hui ET DEMAIN.
342
habillé en soldat. Il n'avait pas, et sans doute il
n'aurait jamais l'allure
recommandée par
vient au soldat d'infanterie est fait il
a
la
dégagée qui con-
théorie, « cette allure fine et
».
Je
l'ai
revu.
demeuré timide, en apparence. Mais
Il
il
a
toute la campagne, depuis le 2 août 1914;
deux
Verdun a été fois
fois
parcouru
le front,
a participé à deux grandes batailles
;
deux
fois cité à l'ordre
blessé.
sérieuse,
et
giste, aurait
Comme
la
du jour,
blessure
et
était
;
une
assez
que l'homme, ouvrier métallur-
pu obtenir aisément
à l'arrière, le capitaine lui
—
de Nieuport à
Pourquoi
ne
d'être
demanda
voulez-vous
envoyé
:
pas? Vous
n'osez pas écrire une lettre? C'est ça, je parie?
— Non, mon capitaine. — Vous avez une raison une vraie? — Oui, mon capitaine. — Laquelle? — Mon capitaine, vu arriver Boche alors,
j'ai
je
veux
le
;
voir repartir.
La France et c'est
le
a repris conscience d'elle-même
un grand événement.
:
LES SOMMETS
9
Mai tOlG.
J'accorde que nous jugeons souvent mal de la sainteté,
qui est une perfection d'ensemble.
Le mot nous vient aux lèvres, bel éloge
comme
le
plus
que nous puissions prononcer, dès
qu'une action nous est racontée, très supérieure au courage moyen ou h
la
moyenne
probité.
Je conviens que nous avons la canonisation
en temps de guerre.
facile
Cependant,
il
n'est pas
douteux que nous
n'ayons des saints dans nos armées, plus peutêtre
qu'aucune époque n'en a connu,
et
que
chaque jour ne voie un certain nombre de traits,
la plupart
sans gloire, à peine devinés.
AUJOUIID HUI ET DEMAIN.
344
sans récompense humaine, et qui relèvent assu-
rément, par
beauté de
la
de
l'effort et
tion,
de
même
de certaines paroles.
l'ordre
la sainteté.
par l'inten-
Il
en est de
Je citerai trois lettres, ou plutôt trois frag-
ments
La première a
d'assez longues lettres.
été adressée à
un ami qui me
l'a
communiquée,
par un combattant, et autant que je puis savoir, elle arrive
Je viens à vous, car
«
grand besoin de
j'ai
votre soutien. Moralement vais
le
du front de Verdun.
et
physiquement, je
Les violents bombardements que
bien.
nous subissons
me
fatiguent
beaucoup cepen-
dant, et c'est les nerfs qui sont atteints.
de cela que je veux vous parler... Je
» C'est
comme
ne suis plus courageux temps; je de
que
la
prends à trembler,
premiers
et la crainte
souffrance et de la mort m'envahit sans puisse
je
chère
me
les
femme
encore
ma
réparer
le
m'en et à
mes
mal
Mais
me
fait autrefois, :
c'est là
«
pense à
ma
enfants, et cela avive
Je
tristesse.
Dieu, en lui disant » faite! »
défaire. Je
Que
dis
qu'il
faut
et j'offre tout à
votre volonté soit
un raisonnement,
plutôt
qu'un élan du cœur, qui redoute au fond
les
LES SOMMETS. douleurs à subir. chanter;
dant
il
il
J'entends un petit oiseau
ne redoute pas
les
obus, et cepen-
pourrait être aussi bien touché que nous.
comment
Voilà
345
tude, sans
ce
je voudrais être, sans inquié-
serrement de
cœur
et
cette
angoisse qui m'étreignent quand la mort passe tout près. Est-ce
»
petit, et
donc impossible?...
Que
suis
je
que je m'en rends bien compte!
»
Quel beau scrupule, dans ce courage qui s'interroge,
et
ne se trouve pas assez parfait!
Quelle sûre analyse! Et à
comme on devine
une certaine aisance de
la phrase,
que
bien, celui
Un dans la foule, de même
qui écrit estcoutumier de ces méditations! soldat cependant, perdu
que
le
dont
second, un menuisier d'art de Paris, et la
parente riche, l'éclat ni
est parente
lettre
môme
si
de
la
vous observez
précédente, la netteté et
des formules. Et rien de tout cela,
fond ni forme, ne rappelle les clichés des
lectures quotidiennes. «
Je reconnais
l'utilité
du
sacrifice...
Les
cir-
constances actuelles se prêtent merveilleuse-
ment
Ma mère a eu la mort de mon frère.
à l'élévation des âmes.
confirmation
officielle
de
la
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
346
Sa résignation
d'un parfait amour de Dieu. Ces larmes
ple
amertume
sans
gagner
le
nement
Vélile
le
son langage donnent l'exem-
et
je
sont,
se
forme,
vie,
pourvu que
d'amour...
je
3
le
Reims. Avant
Il
Il
durée
la
un acte
soit
d'un jeune prêtre
a été tué, d'une balle de
avril,
à
Nantes. Réformé,
relevé,
vie
cette
à trois kilomètres de
la guerre, l'abbé Gabriel
répétiteur
aumônier.
prend racine dans
lettre est celle
nommerai.
shrapnell,
était
l'école
Saint-Stanilas,
demanda
il
Ghoimet
à partir
belle,
quels
de
comme
avait 27 ans. Les soldats qui l'ont
dans
la
tranchée, ont trouvé sur lui
deux
cette lettre testamentaire, adressée à ses
sœurs,
de
Certai-
»
La troisième que
et
pleure.
Peu importe
sang des morts...
de la
capables
crois,
à ceux qu'on
ciel
religieuses
bénédictines.
Elle est
si
que ceux-là mêmes en seront émus, auxéchapper
peuvent
raisons d'un
de mourir,
calme
si si
quelques-unes
sacrifice et
du désir
même
vivre devait être moins parfait
que mourir. Nous devons publier de ments, parce qu'ils sont, à
réponse qui
des
la
domine
la
tels
docu-
calomnie, une
infiniment, et que le
LES SOMMETS.
347
pays tout entier est honoré, où vivent de
telles
âmes. c<
Dieu,
»
Ma
—
—
la
si
bon Dieu aura accepté
le
Avec moi, mes bien chères
non pas exaucé
ma
vous recevez cette
depuis longtemps déjà, je lui
»
France.
bien chère petite Edith,
petite Alice,
que
âmes,
les
c'est
le sacrifice
que,
de
ai fait
petites,
il
ma
vie.
faudra,
pleurer, mais remercier Dieu, qui aura
ma
prière.
Elle a toujours été en effet
en moi
faites
bien chère
lettre,
:
mon
Dieu,
votre sainte volonté. Si, fidèle à
votre grâce, je puis vivre uni à vous malgré les distractions, les tentations, les épreuves, devenir
même,
à cause
saint... j'accepte
que soient
ma
meilleur et plus
amour de
les croix à porter.
vivre, quelles
Mais
si,
cédant à
faiblesse, je dois vieillir en devenant
pre'fre,
dois
d'elles,
avec
en
me
comprenant moins
moins
la croix, si je
rechercher et travailler pour moi, au
lieu de travailler
pour
les
âmes
pour Dieu, prenez-moi de pour que, du moins, vous
et
en définitive
suite près de vous, retiriez
de
ma mort
ce que je n'aurais pas eu le courage de vous
donner par
ma
vie
:
un peu de
'bien fait
aux
aujourd'hui et demain.
348
âmes,
un
peu d'amour
pour
de gloire
et
vous... »
Il
mes chères
faudra vous dire,
petites
sœurs,... et vous ferez savoir tout cela à papa,
Fernand, Violette
et
Madeleine, que, mainte-
nant plus que jamais, j'aime chacun de vous;
que
davantage sur vos âmes; que je
je veille
vous suis dans chacune de vos journées, partageant vos joies
Vous
»
et
vos peines...
prierez aussi
obtienne de Dieu ce que je offrant
ma
vie.
pauvre sang,
Mon
afin
que votre volonté règne dans toutes n'est
Il
Ce
la
demande en
Dieu, je vous offre
que votre règne
lui
mon
arrive, et
soit faite; établissez votre les
âmes
!
»
montrer plus
ni de se
ou d'une plus large
Comment haine
lui
guère possible à une créature de
monter plus haut, nelle,
ma mort
pour que
expliquer,
frater-
fraternité.
humainement, que
la
plus tenace réponde à cet amour-là?
qu'il faut retenir, et ce qui
sembler ces fragments de trois
points
c'est
que
la
différents
lettres,
m'a
fait ras-
venues de
du front de
bataille,
France, dans ses prêtres et
l'élite
de son peuple, sans distinction de rangs, est
LES SOMMETS.
349
une nation toujours pénétrée de surnaturel,
que nul ne peut elle
assez
I
comprendre,
fortement,
cette vérité, toires.
la
s'il
n'a
ni
et
espérerpour
d'abord appris
qu'on enseigne peu dans
les his-
HISTOIRE
DE DEUX FLEURS BLEUES
lit
Vous souvenez-vous de
Mai 1916.
temps où quel-
ce
ques-uns de nos peintres, appliqués
et char-
mants, organisaient des expositions de tableaux \
dont chacune
et d'aquarelles
et
chacun repré-
sentaient l'intérieur d'un salon, d'une chambre,
d'un boudoir, d'une galerie, quelquefois d'une chapelle?
Aujourd'hui,
les peintres d'intérieur auraient;
d'étranges modèles à peindre,
et, s'ils
prenaient de
qu'il leur fau-j
drait
changer
le faire, je crois
les
entre-
couleurs de leur palette, et
ouvrir grands leurs yeux habitués à l'obscur.
HISTOIRE DE DEUX FLEURS BLEUES. 351 Les
hommes
ceux
habitent des cavernes
au temps de
qui,
:
même
pouvaient
paix,
la
avoir quelque luxe autour d'eux. Je reçois, de la
région de Verdun,
oîi la
pensée de tout
peuple de France ne cesse de voyager,
le
— chacun
avec sa peine, cherchant celui qu'il aime, et tous remerciant des soldats aussi braves,
—
trois lettres qui se font suite l'une à l'autre et
une semaine. La première décrit
racontent
justement un de ces
« intérieurs »
style, qui n'ont point
du dernier
encore de peintre, mais
me
qui ont des poètes.
Le jeune
l'envoie exprime
bien les deux puissances
opposées la
et
si
mêlées,
le
goût ardent de
pensée delà mort, que je
lettre
de
la
« Il fait
officier
la
qui
la vie et
pourrais dire la
jeunesse elle-même.
un temps admirable, un
blement bleu. C'est
le
ciel
immua-
printemps tardif de ces
régions pauvres, déshéritées de la nature, et le soleil se hâte
de prendre
le
dessus sur l'hiver
qui s'attarde encore et semble s'accrocher au lorrain
aurait
boueux un
et
lézard, à s'étendre, lent,
raviné par les pluies.
plaisir infini à
On
prendre des bains de
dans un farniente somno-
sur ce gazon épais des prairies qui des-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
352
cendent des collines,
charmantes où
et
forment des vallées
coule un ruisseau clair entre
des peupliers et des bouleaux.
bon
Il ferait
laisser vivre, respirer lentement l'air
pur
se et
bleu, et rêver le songe intérieur et secret que
chacun garde en
soi.
La
vie serait belle et
douce par ce matin de printemps. On aurait
On
volontiers sur les lèvres des mots d'amour. serait
si
bien
isolé, si
calme, et ce serait déli-
cieux de se laisser paresseusement envahir par la
chaleur du jour et la clarté du
Et nous
»
voici,
dans une cave
si
ciel.
quelque vingt hommes,
basse de plafond que je ne
puis y circuler que courbé en deux.
breux éclatements d'obus
tout
De nom-
autour,
des
bruits de moteurs d'avions, des appels sinistres
de téléphone sont
le
fracas à nos oreilles.
colonel
Deux deux
une
écrit,
fauteuils
Sur une table boiteuse
un
le
entre nous deux.
lampe
auxquels
bras, à l'autre
d'oii la paille
concert qui sonne à grand
il
manque
pied.
à l'un les
Quelques chaises
pend en traînée de misère. Quatre
paillasses par terre et
un
petit
berceau
dans
lequel une chatte abrite sa toute jeune progéniture.
En
face
du colonel, votre serviteur vous
HISTOIRE DE DEUX FLEURS BLEUES. 353
A
écrit.
côté do
un aspirant
lui,
charmant agent de
liaison,
d'artillerie,
un roman. Per-
lit
sonne ne parle. Les pipes envoient dans leurs spirales
de fumée
cryptogames que »
celle
l'air
bleue. Existence de
que nous menons.
Au-dessus de nous,
les restes
d'un village
:
désolation, lugubre amoncellement de
lieu de
pierres blanches et de tuiles, qui semblent se
démo-
plaindre, et crier vengeance contre les
lisseurs de ce qui abrita la famille et la paix. »
Notre vie
mais
c'est
ayons
de
donc loin
est
d'être paisible,
notre vie, et la seule façon que nous
trouver la vie chère.
On y
encore plus, à sa pauvre vie, quand
comme jours
aujourd'hui,
où cela
me
si
bon
vivre.
il
tient fait,
y a des
Il
mourir
serait plus égal de
qu'aujourd'hui. Je ne choisirai pas... »
J'ai
été
interrompu.
nous sommes
sortis
allés sur la hauteur.
Mon
colonel et moi,
pour voir; nous sommes
Le spectacle
est
impres-
sionnant. Delà-haut, l'horizon est extrêmement
étendu
:
collines,
et tout cela, plaines, forêts,
noyé dans un nuage immense de fumée et
grise
de fumée jaune, produit par l'éclatement des
obus. Le
bombardement ne
cessera 20.
qu'à la
aujourd'hui et demain.
354
chute du jour. C'est long. Je vous envoie deux petites
fleurs
entre
cueillies
deux trous de
marmites, presque une relique. »
Ne
trouvez-vous
écrites
pas jolies
au son du canon,
et qui disent la vérité
quand
lité,
terre
la
phrases
ces
et droites, et claires,
avec un air de tranquil-
tremble et que
la
mort
court dessus et dessous?
Le surlendemain,
bombardement violence. «
On
lettre brève,
n'a pas cessé.
11
nerveuse. Le
augmente de
attend une attaque allemande.
Vous pouvez comprendre
toute l'angoisse de
ces heures d'attente, dans l'inconnu, dans le fracas des marmites, dans l'isolement
où
l'on
semaines que je ne
me
suis
se sent. Voilà trois
déshabillé. Et je rêve de J'ai
ma chambre
tant sommeil!... Cependant
j'ai
claire.
la
con-
viction que la grande lutte touche à sa fin.
me
semble,
ainsi,
et je
ne suis pas seul à penser
que ces violents bombardements suivis
d'attaques molles de l'infanterie ennemie, et
plus souvent suivis de rien
que
le
Il
Boche n'en veut
du
le
tout, indiquent
plus, peut-être
n'en peut plus. Quelle puissance
même
d'artillerie!
Mais nous tirons plus qu'eux, certainement. Je
HISTOIRE DE DEUX FLEURS BLEUES. 355 n'ai
jamais rien vu de
ma
dans
pareil...
poche, fanées,
Ah!
je retrouve,
flétries, les
fameuses
Heurs que je vous avais annoncées. Je tâcherai d'en trouver d'autres
Quatre jours
se
qui n'a qu'un seul
prends
elles
sont rares, et
tout,
et
sans nouvelles.
passent,
un télégramme venu,
l*uis
mot
:
«
ne
je
sais d'où, et
Vivant! » Je com-
remercie,
je
et
pense
je
on ne pourra plus
aussitôt à ceux dont « Ils
mais
;
à cueillir. »
difficiles
dire
:
vivent! » Je devine des heures terribles.
J'imagine un combat sur cette pente, je vois les
hommes,
comme
les
gestes,
arrivent enfin
ilrtails
fumées,
les
des taupinières sur «
:
le
les
morts
pré ravagé. Les
Nous venons de vivre
des journées horribles, dont personne ne peut se faire
une
idée.
Les Allemands ont concentré
sur nos positions, un kilomètre de long, cinq cents mètres de large, vingts batteries.
le
feu incessant de quatre-
Le régiment a
été admirable.
Les tranchées n'ont jamais été évacuées, jamais,
vous entendez? Elles étaient nivelées. Alors,
comme les
officiers
mieux
b
la nuit allait finir,
en
tête,
nous sommes
nous disant
être tués dehors. »
:
sortis,
« 11
vaut
Et ça marmitait dur.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
356
J'y vois assez bien la nuit. Je renseignais les
Nous
sur ce que je pouvais voir.
autres
semblons tout ce que nous pouvons,
un
lente, par
montée
noire, trouée co
mme
boyau,
ras-
et c'est la
vers la crête
une écumoire,
qu'il s'agit
de disputer à F ennemi qui n'a pas encore pris pied sur
dans
sommet. Nous disposons les hommes
le
boyau, puis les officiers sortent
le
Les
premiers.
hommes,
d'abord, sautent sur Il
jour. Les
peu
aux
C'est le petit
commencent
On
oreilles.
tout de suite à nous
cinquante mètres,
fait
puis on se couche; puis un second
mètres plus
cinquante
porte
sommet...
Les
Allemands,
nous envoient
pente,
hésitants
Boches nous ont vus. Des balles de
mitrailleuses siffler
un
parapet, derrière nous.
du matin.
heures
trois
est
le
les
leurs
C'est
le
sont sur
la
loin.
qui
tirs
bond nous
de barrage, des
210, des 88, des 105 fusants, formant une haie
de
derrière
fer
nous
qu'en face de nous
ferment sortir.
le
Les
carré
et
à gauche,
pendant
et à droite les mitrailleuses
d'où nous ne croyions pas
hommes
calmes, splendides... Des
renforts sont arrivés... »
En
post-scriptum ces deux lignes
:
1
HISTOIRE DE DEUX FLEURS BLEUES. « J'ai
pu
cueillir
les
fleurs promises.
357
Les
y avait, dans l'enveloppe, deux tiges terminées par un épi bleu, toutes frêles, encore
voici. » Il
moites.
ENFANTS DE LA MINE
21 Mai 1916.
Mercredi
dernier, j'attendais, à la gare
du
qui arrive, vers 9 h. 20 du soir,
Nord,
le train
de
région minière aujourd'hui bombardée.
Un
la
ami m'avait
dit
Venez, vous verrez
«
:
descendre des wagons nos petits réfugiés de
Béthune, vous causerez avec eux. trente
d'annoncés.
»
Le
je
en remontant
commençais
manque
la
à croire
queue du
train,
comme
le flot
que
correspondance,
tout à l'heure laquelle,
y en a
train n'eut pas de
retard. Il était fort long, et, le trottoir
Il
—
je suivais
des voyageurs,
les petits
—
je
avaient
vous
dirai
lorsque, tout à la
en dehors du hall
vitré, j'en-
ENFANTS DE LA MINE. tendis sonner des voix fraîches
Madame!... Oui maman! ilrjà
»
deux mères, bien
les
accompagnaient,
sûr, car elles faisaient effort
Nous ne pouvons plus abandonner,
pour
pas; (|ui
Les enfants étaient
ne point pleurer, et leur regard disait
[lour
("est
ici!...
colonne venait au pas menu.
Deux femmes de mineurs
les
Par
«
:
rangés quatre par quatre, petits garçons,
[letites filles, et la
«
359
ils
les nôtres,
pour eux
;
il
ils
:
faut
ceux des voisins,
sauver! » Eux,
les
et
ne pleuraient
avaient des mines lasses, et des yeux
ne regardaient
uamins,
rien
fiérots, fils
relevaient
rien,
de porion peut-être, et qui
menton à
le
sauf deux ou trois
dans Paris.
l'entrée
Peu de chapeaux, point de bonnets, beaucoup de cheveux blonds. était,
parti
le meilleur, et
Je vois bien, çà et
ans dont
bien
est
comme on
hâtivement, avec un vêtement propre,
mais pas toujours
gros
On
le
le
six
ceux qu'on envoie aux soldais, dans l'enveloppe
kilogramme, au plus. Mais pendent
sans bagage.
une voyageuse de
bras s'arrondit et retient un paquet
comme serré
là,
la
de
toile
:
plupart des bras
long des robes ou des vestes.
n'a rien emporté.
On
est
un
On
une pauvre créature,
aujourd'hui et demain.
360
de
séparée
la
maison
sans
provisions,
sans
paysage,
de
famille,
la
la
du
et
moindre
connaissance des personnes et des choses qui
vont venir,
abandonnée à Elle
pour dire
et,
du grand
la charité
charité
cette
est là,
entièrement
vrai,
Paris.
qui sait souffrir
aussi bien que donner. Plusieurs dames de
la
Ligue fraternelle des enfants de France accueil-
commencent
lent les réfugiés, et
pour
renseignements
à prendre les
de
répartition
la
la
colonne en plusieurs groupes, dont l'un s'en
demain ou après-demain, vers
ira,
pagne de Bordeaux,
l'autre
vers l'extrême Midi. Les toutes paysannes,
de
la
voisine
que
— presque
qui logeront les enfants
cette misère. Je
et
prévenues.
demande
à
ma
:
Ils
sont bien plus de trente
Oui, monsieur les
cam-
en Ardèche, l'autre
familles,
mine sont déjà choisies
Nous suivons
— —
—
la
:
!
cinquante-trois.
C'est
Allemands ont beaucoup bombardé,
ces jours-ci
:
ils
tirent sur les puits de mines,
sur les machines,
sur les magasins, un peu
partout, et les enfants, les mères, les quelques
vieux mineurs demeurés
au pays,
risquent
ENFANTS DE LA MINE. quand
tués,
(l'être
sortent
ils
361
des
caves.
L'hôpital d'IIazebrouck est peut-être plus triste à visiter qu'un autre les âges,
n'ont
et
que de vouloir rue.
les blessés sont
:
de tous
à l'ennemi d'autre tort
fait
travailler,
Nous avons déjà
ou courir dans
la
placé plus de quatre
cents enfants.
— D'où viennent ceux-ci? — D'Aix-Noulette, de Bully-Grenay, à
qui est
1500 mètres des tranchées allemandes, de
Fleurbaix, qui en est seulement à loO mètres;
de Hersin-Coupigny, de Mazingarbe. Toute la it'gion
occupée
est
Anglais,
et
point central
Voyez
les
des villages du front jusqu'au
oîi est le
rendez-vous.
cœur. Pour nos enfants, tiers.
par
eux qui transportent nos
c'est
petits réfugiés
militairement
cette
ils
Ils
ont du
s'exposent volon-
jeune femme
frêle, et
tant de pitié et de courage dans les
qui a
yeux? Elle
a voyagé avec ces petits, depuis ce matin, elle a tout préparé, elle
recommencera bientôt son
voyage de sauvetage. C'est nos consuls, tout^
dans
la
qui l'aident.
madame
la
femme d'un de
R. Ch.... Elle trouve par-
région minière, des dévouements
Le sous-préfet de Béthune, qui 21
I
est
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
362
un homme brave
vraiment au combat per-
et
a prévenu les maires que
pétuel,
tel
jour, à
heure, les enfants qui doivent quitter le
telle
On
se trouveront à tel endroit.
village
pla-
carde une affiche dans une salle de la mairie,
ou dans mères
Quand Dès
s'allonge.
tombe
plus, et
lendemain,
des
noms
La date dite,
—
dans
le
:
«
Effacez
prendre
transport
—
Ça ne
petits! »
Mais,
au bas de
La
serait
et
la page.
nuit, à l'heure
trop dangereux
une grande voiture d'ambu-
un chauffeur
émigrants.
les
mes
obus tombent de nouveau
fixée est arrivée. le
la liste
y a un peu d'accalmie,
effacés sont remis
jour,
les
leurs
inscrire
donc ça ne compte plus! les
lance, conduite par
quitte,
faire
journée a été rude,
la
qu'il
accourent
elles
pour
viennent
enfants.
le
cave qui sert de mairie. Et
la
On
anglais, vient
s'embrasse, on se
on pleure. Le rendez-vous général
est
à Béthune, mais je ne veux pas dire en quel
point
de
la
ville,
parce que les Allemands
seraient capables de tirer sur ce « rassemble-
ment ils
».
Là, les petits se reposent,
ils
dorment,
mangent, puis, au matin, précédés d'un
sergent de
ville,
surveillés, encouragés, sou-
ENFANTS DE LA MINE. tenus
s'il le
vous
ai
faut par cette
nommée,
dans
entrons
je
du grand voyage. de
hall
la
Nous
gare.
des bagages.
salle
ont
qui
petits,
du
la
mère adoptive que
se rendent à la gare. Et
ils
voilà la première partie
Nous sortons
363
Là,
ces
vu quelque chose
toujours
remuer autour d'eux, se trouvent au repos, tous ensemble,
regardant les uns
se
et,
les
autres, s'attendrissent et se souviennent. Quel-
ques-uns, les
plus faibles, les
plus tendres,
quelques-unes surtout, ont de grosses larmes
dans
yeux. Et je vois des dames qui se
les
penchent
qui parlent tout bas avec eux,
et
tandis que le
un peu ému, tant
la
envoyés
gendarme de lui aussi,
main au par
entrer dans
la
képi,
la
50,
de
que
préfecture
les
omnibus,
de police,
vont
la cour.
Le jeudi matin, visite
service, correct et
vient annoncer, en por-
j'ai
voulu compléter
la veille, et j'ai été
ma
au siège social de
Ligue fraternelle des enfants de Finance, rue
enfants,
revu les
chacun
Saint-André-des-Arts.
— «
dames
revu
les
—
j'ai
ne pleuraient plus,
et ils
des
J'ai
»,
petits
—
et elles interrogeaient
voyageurs,
formaient les
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
364
groupes, prenaient note des adresses, recom-
mandaient et
d'écrire
préparaient Il
le
souvent au pays de
l'ordre était parfait; qu'une
bonté véritable avait
là
son domaine;
fondée naguère par
Faure-Goyau, selon
la
madame
respectueuse de la
parents; et que les
deux voir
mères, »,
que
Lucie
formule que nous nom-
merions aujourd'hui d'union sacrée, trait
mine,
départ du lendemain.
m'a paru que
l'œuvre,
la
foi et
de
la
se
mon-
volonté des
femmes de mineurs,
Avenues jusqu'à
Paris
«
les
pour
ayant bien écouté, bien regardé cette
présidente,
ces
secrétaires
penchées sur
les
carnets, ces travailleuses volontaires qui distri
huaient
geuse
les
vêtements neufs,
qu'elles
avaient
et la
connue
•
dame voyala
veille
et
l'avant-veille et qui revenait encore ce matinlà,
n'avaient point tort de
tout pénétré
—
Monsieur,
les petits.
me
dire,
d'un air
:
j'ai
confiance, à présent pour
DES ENFANTS!
6 Juin 1916.
Le mariap^e doit redevenir fécond chez nous, sous peine d'extinction de la race. Tous les Français avertis.
qui
ont
quelque
Nous sommes
en décroissance,
lecture
la seule
la seule
qui
en sont
grande nation
aille
vers la mort.
nous y allons volontairement, ou, pour m'exprimer d'une manière parfaitement exacte, Va
y a des hommes industrie de supprimer
nous y sommes menés. dont ce la
fut l'affreuse
France dans
la paix,
moment de Ces hommes ont en ce
que
la
Il
comme
l'ennemi essaye
supprimer par
la guerre.
tué beaucoup plus d'enfants
les balles et les
obus allemands n'en ont 21.
aujourd'hui et demain.
366
tué, et n'en tueront.
Ce sont tous ceux qui ont
osé soutenir que le père et la
mère avaient
renoncer momentanément à
droit, sans
le
la vie
conjugale, de limiter la famille; tous ceux qui
ont accepté d'être complices, est grand,
dans
l'écrivain qui
crime d'avortement, depuis
le
fausse la conscience, jusqu'au
juge qui absout; ponsabilité,
et,
sans avoir la
ceux-là
tous
si
même
à la
res-
point
sont
n'en
exempts, qui ont participé depuis
nombre en
et le
campagne,
longtemps poursuivie, contre l'union
légitime et indissoluble de
l'homme
et
de la
femme. Qu'est-ce que cette entreprise contre la race?
Le premier mot qui vient à de
folie.
Mais non
:
des intelligences respon-
sables l'ont inventée,
des volontés libres la
poursuivent avec méthode.
hommes
et
l'esprit est celui
aux femmes
On
qu'ils
affirme
aux
n'ont aucun
ordre à recevoir, ni de Dieu, ni de la nature. C'est la répétition
commencement
du
no7i
serviam prononcé au
des temps. Mais
primitif fut individuel
:
les
le
non serviam
anges qui
le
pro-
noncèrent ne devaient pas se reproduire. Chez
l'homme,
il
vise
ceux qui ne sont pas encore
,
DES enfants! qui
et
pourraient être; il
veut
n'y aura
plus
création; il
le
prétend arrêter la
il
néant
367
plus de serviteurs,
:
d'hommes,
la vie est abolie
sur la terre!
De
telles
doctrines découvrent
l'abîme
puissance
mauvaise en révolte
contre
la
:
bonheur
le
empêchant de
possible, et qui travaille, en
naître, à l'imperfection
du nom-
bre des élus.
Assurément ceux qui mènent contre l'humanité, et
secrètement contre
le ciel, cette
monstrueuse, ont des puissances
guerre
alliées
:
la
richesse et surtout la richesse facile et neuve; la
peur de perdre certaine place où de commande;
est
d'autres.
la
débauche,
la stérilité
l'alcool
et
Mais ces forces sont secondaires. La
plus redoutable est celle qui pervertit l'esprit et
supprime
de ce qu'on tion
le
remords
nomme
que l'homme
la
et la
c'est
l'enseignement
morale
libre, l'affirma-
femme
sont maîtres de
:
aux
leur corps, maîtres de se soustraire naturelles,
darrêter
la
et,
propagation de
persuasion, jetée k travers
la vie; c'est cette
la foule,
êtres maries ont le droit de dire qu'il est
lois
sans se sacrifier eux-mêmes,
en nous,
le
monde
:
que deux «
Autant
sera détruit. » Et 21..
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
368 cette
formule n'a rien d'exagéré,
traduction
de la
rigoureuse
tous les
ménages pensaient
même,
monde ne
le
est la
elle
car
vérité,
et faisaient
si
de
durerait plus que quelques
années.
Je
rappellerai
l'heure.
ce
point
Voyons d'abord
tout
essentiel
à
les destructions prin-
cipales entraînées par la limitation de la famille.
Le nombre diminue. A cause de familles
cela, les
sont moins heureuses. Les familles
nombreuses sont
celles oii l'enfant a les meil-
leures chances d'être bien élevé, d'avoir une
jeunesse gaie
et disciplinée,
d'apprendre
la vie
à l'école vivante, et d'être sociable dès ses pre-
miers pas. L'enfant unique a souvent envié
la
maison où
le
l'on n'est pas seul. Il
nombre, dans la vie,
le
mouvement
et
une douceur qui compense
vitable.
y a dans
l'abondance de le tracas iné-
Les parents ont une rude
et
longue
tâche, mais elle n'est pas sans compensation.
Assez
vite,
d'ailleurs,
elle se
trouve plus ou
moins partagée. Sauf un moment, lorsque
les
enfants sont tous eh bas âge, les parents sont aidés
dans
le
soin
des plus petits par la fdle
aînée, et le premier apprenti ajoute sa petite
DES enfants!
369
au gain du père. Si l'on prend une
journée
famille de cultivateurs,
il
n'y a aucun doute
de ne pas dépendre des valets de ferme,
tant
au large dans une
les
les Feuillet,
Il fallait
quatre grands gars de
quand
ils
et
de
terre bien « faite ». J'ai
d'exemples dans la mémoire!
naguère
la
moyen
famille nombreuse, c'est la richesse, le
vivre
:
mes
voir
voisins,
enjuguaient quatre paires
de bœufs, après la sieste de midi, et qu'ils partaient par les
drement à la
et
chemins divergents, regardés ten-
fièrement par la mère, qui s'accoudait
demi-porte de
la
maison,
et
qui ne savait
auquel envoyer son petit signe de car
ils
l'air.
la
Et
tète amical,
regardaient tous sans trop en avoir elle
sentait leur
cœur qui ne
s'éloi-
gnait point avec eux.
Dans
ces familles, la vieillesse n'est point
abandonnée, pas autant. Une famille nombreuse, c'est
une assurance de
seulement en argent, et celle
pas
une dignité. Celui
qui laisseront après eux des enfants
n'ont pas trompé la ils
retraite, et qui n'est
et c'est
communauté
en ont assuré l'avenir;
ils
oîi ils
vivent;
ont diminué la
charge de leurs concitoyens en multipliant
nombre des
le
vivants. Après eux et par eux, le
AUJOURD'HUI ET DEMAIN.
370
monde
plus
sera
riche
d'énergie,
d'intelli-
gence, et mieux défendu. Le père, en
effet, s'il
n'a pas eu l'occasion de se battre personnelle-
ment pour son quatre
trois,
pays, a
fils
fait
des soldats
deux,
:
représentent dans l'armée
le
aux jours du danger,
et
sang de leurs veines
et
il
est présent
dans
dans
le
courage qui
le
se transmet aussi et s'éduque. Si les pères et
mères avaient
leur devoir, l'Allemagne,
fait
en 1914, n'eût pas osé déclarer
la guerre.
aurions été à égalité de nombre, reste,
riorité
pour
et,
Allemands sentent bien que
les
En
n'est pas de notre côté.
nous leur en avons administré
Nous l'infé-
tout cas,
preuve.
la
le
De
sorte que l'immoralité est la cause première de la présente
guerre
:
empêché de
elle a
ceux qui eussent défendu avec nos attaqué,
et
encore de
maintenant,
la
comme vous le
Le chef de
fois.
Deux
lui
avaient
fois
il
homi-
voyez.
famille
est
donc quelqu'un de
grand, d'honorable et de précieux pour
Seul même,
pays
responsable
est
mort des enfants qui
échappé une première cide,
elle
naître
fils le
est précieux, seul
il
intéressé à la prospérité publique,
est
l'État.
vraiment
aux bonnes
DES enfants!
371
aux bonnes finances, aux projets qui ne
lois,
seront mis en œuvre qu'avec le temps. Seul,
il
est partie intégrante de l'édifice, pierre agrafée
à celles qui sont au-dessous et à celles qui sont au-dessus.
Le danger de apparaître
la
grand
si
dépopulation a
par
fini
imminent que tous
et
les
hommes
capables de réfléchir se sont mis à en
chercher
les causes.
On
les a
découvertes, et
d'abord les moindres, les petites.
Il
quante ans d'économie politique, ports, et de discours, et
de
cause principale, qui est la fût
que
généralement avouée, la
morale
est
livres,
a fallu cinet
de
rap-
pour que
la
stérilité volontaire,
et cela vient
de ce
une puissance royale, qu'on
ne peut appeler sans reconnaître son autorité, qui ne se plie point à nos caprices et à nos erreurs, et qui est,
pour tout
l'ombre vivante de Dieu. sent,
on tâche de dissimuler
les autres et
mais
enfin,
sommes
Un
On
dire,
parmi nous,
nomme
à pré-
cette cause
parmi
la
de l'accabler sous leur nombre,
on ne peut plus
l'ignorer.
Nous en
là.
savant des plus connus de notre France,
M. Armand Gautier, membre de l'Académie
aujourd'hui et demain.
372
des
l'Académie de médecine,
sciences et de
une brochure, également
vient d'écrire
par la forme et par la raison, sous ce
Pour
la fécondité des familles françaises.
emprunte ce passage
cœur de tout honnête homme, soit pas religieux.
Mais
ont toujours été
ment
de
et
:
Je lui
au fond du
gît
qu'il soit
n'est-il
religions, chez tous les
les
titre
:
morale naturelle
« Certes, la
belle
ou ne
pas certain que
peuples
civilisés,
une école populaire de dévoue-
haute
Voyez notre
moralité?...
Bretagne, notre Lorraine, notre Vendée, les Flandres,
l'Italie,
où
partout
Pologne,
la
religieuses la famille est féconde. italien et libre
de dire
:
En
Canada...,
le
se sont conservées les traditions
penseur
tous jmys,
Nitti n'a
Le
socialiste
pu s'empêcher
la religion
pousse à
la
fécondité. »
Vous
qui voulez
ardemment que
la Patrie
française puisse grandir, défendre ses foyers et
son influence bienfaisante dans
le
monde,
respectez donc l'esprit religieux. »
D'autres
moyens sont proposés pour ramener
à la vie la race la paternité
menacée.
et aider les
On
veut récompenser
parents.
M. Armand
DES ENFANTSi
373
Gautier propose, par exemple, que, dans les élections, le père de famille ait autant de voix qu'il a d'enfants vivants.
Ailleurs,
de décider que
tout
sera déchargé
du service
l'augmenter bientôt sans
avec
raison, et
sacrifice consenti.
que
de quatre enfants
père
militaire,
ce
qui
momentanément l'armée que pour
n'affaiblirait
le
propose
il
aucune proportion Il
demande, avec
la loi élargisse la liberté
supprime
la nécessité
de tester,
du partage en nature.
La Chambre de commerce de Nancy, remarquez-vous pas
les initiatives
presque toujours sensées
France
prennent en
les
et
— ne
nombreuses,
pratiques,
que
Chambres de com-
merce? Elles semblent appelées à jouer un rôle important
— donc,
la
a rédigé
une
dérants
bien
dans
le
relèvement de
la
France;
Chambre de commerce de Nancy série de
bôtis
vœux, précédés de consiet
enchaînés,
où
sont
exposés les divers aspects du problème de
la
population. Elle aussi, elle propose qu'il soit attribué
aux chefs de famille un nombre de
suffrages en rapport avec le
enfants
:
que
des
nombre de
leurs
exemptions particulières
d'impôts soient reconnues aux familles
nom-
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
374
que des subsides, sous
breuses;
leur soient accordés; que les entre-
formes,
permettant aux
de travaux
prises
différentes
de
villes
faire disparaître les quartiers insalubres soient
activées et encouragées
par l'Etat; que
les
pouvoirs publics prennent des mesures pour rendre efficace la répression de l'avortement,
propagande
la
économistes
malthusienne,
Certains
etc.
une prime
parlent d'offrir
en
espèces pour chaque nouveau-né.
Tous être
ces
moyens,
employés.
et d'autres encore,
Je
n'y
auront une certaine
mal
si
terrible,
doive être
Codex ou
il
efficacité,
n'est pas de
essayé,
qu'il
contredis
qu'il
soit
appartienne à
et,
peuvent
point.
Ils
contre un
remède qui ne inscrit
la
dans
le
catégorie des
remèdes empiriques.
Un homme « Si la
les payer. »
jours,
d'esprit écrivait dernièrement
communauté veut Paradoxe où
des enfants, il
y
une part de vérité. Mais
a, le
:
il
faut
comme
tou-
grand moyen
de reconstituer la famille est ailleurs. Nous
sommes
ici
dans
le
domaine de
la création et
de la conscience. Nous n'y commanderons pas
uniquement par des moyens humains.
Il
sera
DES ENFANTSl
375
toujours vrai, quoi qu'on fasse et qu'on propose, qu'un enfant ça ne s'achète pas
donne. Vous avez
affaire à
deux
libertés
ça se
:
:
l'une
peut être tentée plus ou moins par vos offres, l'autre,
non. Use peut qu'aucune de vos inven-
tions ne combatte,
ou
la
même
de loin, l'objection
peur qui s'élève dans
l'esprit
La femme pourra craindre pour santé,
sa vie;
peut-être.
des époux.
sa beauté, sa
pour un voyage, pour moins
L'homme aura peur
de la longueur
du temps que demande l'éducation.
Il
faudra
toujours faire intervenir d'autres puissances, d'autres sanctions et d'autres attraits. Malgré
toutes les promesses législatives
jours
qu'une
charge en
famille
même
responsabilité en
il
restera tou-
nombreuse
même temps qu'une
une
ser^
temps qu'un honneur,
et
une
douceur.
De
plus, ce
les
exemptions d'impôts qui empêcheront
ne sont pas
les
esprits de se pervertir, et, été totalement vidés
de
cadeaux en argent, les
quand ceux-ci auront
la loi naturelle,
désha-
bitués de toute pensée supérieure à l'humaine, ils
se refuseront par orgueil, et
même
par un
certain besoin de nuire et de se révolter contre l'ofrdre, à se
soumettre aux directions de
la loi.
AUJOURD HUI ET DEMAIN.
376
On ne
repeuplera la France qu'en rétablis-
sant tout d'abord les notions faussées de la
conscience, en développant par l'enseignement, et
pour tous,
les vérités naturelles, et, si l'on
veut assurer complètement cette et qu'elle soit à la fois
renaissance
rapide et pleine,
il
fau-
dra, de toute nécessité, développer en France
l'enseignement de vérités encore plus hautes.
Le salut
est là.
communication
Dernièrement, je recevais
de la lettre écrite par une jeune
campagne beauceronne à une de Elle disait «
fille
de
la
ses parentes.
:
Je serai heureuse de peupler
le
ciel
en
élevant une nombreuse famille. Je ne veux pas être
une mère
tous
mes
inutile.
Je
me
petits anges, leur
vois au milieu de
donnant à manger,
raccommodant, nettoyant. J'aime beaucoup vie de
la
s'il fallait
la
ferme. J'aurais beaucoup de peine
un jour
quitter nos grandes plaines
de Beauce. » Oui, la Beauce, une Beauceronne!
Élevez les enfants petite.
Aidez
comme
les familles
où
d'enfants; accordez-leur des.
fut
élevée cette'
y a beaucoup exemptions d'imil
DES ENFANTSi pots, des primes, des
auquel
c'est
tout, faites des consciences,
Qu'elles connaissent
instruisez-les.
morale impérative. Notre race a tant
un devoir
France a manqué; on y revient, tant
la
mieux! Mais, avant et
honneurs;
377
qu'elle
fut
ainsi
guidée.
Et
il
hommes,
et
plus que vous
loi
été féconde,
Elle
y aura des femmes,
viendra.
la
le
et
rede-
des
ne croyez, pour
comprendre ces mots, familiers à tout peuple chrétien
:
témoins à C'est là
ment que
«
Multiplier les saints, ajouter des
la gloire
de Dieu
».
une pensée sublime toutes les
qui, plus sûre-
récompenses humaines,
peut refaire les familles nombreuses. Le passé
en témoigne, et
même
le présent.
TABLE
|é^
CHOSES DE LA MAISON UN DEVOIBMATERNEL LESDEUX CAMPS
15
l'officier
26
1
6
* LA TRANCHÉE NÉCESSAIRE
33
LA FRANCE DU LEVANT l'enfant DE PATRONAGE
41
50
DISCOURS AUX PUBLICISTES CHRÉTIENS ...
80
l'esprit DE FERMETÉ LES PERMISSIONNAIRES
67 "8
SENTENCE PONTIFICALE l'idée DE DURÉE THÉOPHILE BOUCHAUD VENDÉEN
95
FAMILLES FRANÇAISES MORALE DU « FRONT TENIR » AUX CHAMPS
85
103
112
120
•
IA•ordre
131
140
A TOUSSAINT EN ALSACE FAITS d'armes au CAMEROUN
148
EBIEN DESAUTRES LE RÔLE MATERNEL DES INSTITUTRICES LOUIS GEANDREAU
165
155
I.
ARRAS TERRITORIAUX RÉPONSES DU LEVANT
.
.
.
172 180 193
200 208
TABLE.
380
LES RUSSES LE «CUISTOT» LE PETIT SACRIFICE LE SIÈGE d'oUM-ÊS-SOUIGH
214 225
233 239 248 258
ennemis publics l'une d'elles LES clairvoyants PETITS ET GROS JEAN DU R08EL
266
273 279
FRAGMENTS DU POÈME HÉROÏQUE RÉFLÉCHIR
285
292
l'exemple LE « DROIT AU BONHEUR » LA DEVISE DU MARIN LE MINIMUM DE SALAIRE LA CONNAISSANCE DE SOI-MÊME ET D'aUTRUI. LES SOMMETS HISTOIRE DE DEUX FLEURS BLEUES ENFANTS DE LA MINE DES enfants!
287-16.
—
Coulommiers. Imp. Paul
O
BRODARD.
300 308
314 324 333 343 350 358 365
—
7-16.
iv^ Wl
»
PQ
JL
U
t*J\JnJ
Bazin, René Aujourd'hui et demain
:a93 B3A8 1916
PLEASE
CARDS OR
DO NOT
SLIPS
UNIVERSITY
FROM
REAAOVE THIS
OF TORONTO
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