La Grande guerre du XXe siècle
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La Grande guerre du XXe siècle. 1916/06. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter utilisationcommerciale@bnf.fr.
La Grande Guerre du XXe XX' Siècle 0
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:
118
»
CITÉS DANS NOTRE - REVUE JOURNAUX SUR LES —
Afin d'accroître la valeur documentaire de notre Revue, nous nous efforçons de varier le plus possible les extraits de 1.
.références. presse et nous précisons toutes nosarticle d'un journal ne con2. Mais le fait de reproduire un stitue pointl'approbation de tout ce qu'apubliéetpublierace on journal. — Avant de donner sa confiance à une feuille dont ignore les tendances, il va de soi qu'il faut prendre conseil auprès de personnes prudentes et bien informées.
SOMMAIRE Belle figure de religieux soldat Le lieutenant Louis Rivet, du i" régiment étranger, religieux profès de la Compagnie de Jésus, professeur,de droit canonique à l'Université grégorienne à Rome
1915).
645 mai La transfusion du sang. 65o L'héroïsme du (9
Fraternité
Breton.
franco-be-lge.
Quelques prêtres « donneurs de sang » l'abbé Marme l'abbé et le soldat Briand Bourdoncle et le soldat l'abbé Ballouard Beau l'abbé Pujol ; l'abbé Adrien les abbés PerroPruvost l'abbé chain et Godard Juhen et le soldat Louis Dubois, « Je sais que cela fera plaisir à mon fils «Je donne mon sang, je ne le vends pas « Un professionnel du dévouement a C'est de la bonne marchandise que je te livre là
:
; ; ; ;
650
;
»H. 65g
H.». !
652
660 661
663
Deux chefs chrétiens. Le général Ganeval, commandant une brigade aux Dardanelles : notes biographiques sa campagne aux Dardanelles sa mort et
;
;; : ; ;
ses funérailles
son testa-
;
jour.
L'offensivefrançaise enArtois. La conquête du Labyrinthe (3o mai-19 juin 1915) : Ré-
cit officiel
679 681 683 685
de-bataille.
Le champ Les aveugles sous la mitraille. La mort d'un soldat breton..
La bataille d'Hébuterne. L'enlèvement du Saillant de Quennevières (5-9 juin
igi5)
officieL.
687
officiel.
690
Récit La prise des tranchées de Touvçnt (7-ie juin igi5) : Récit Sous le bombardement boche. Le combat de Touvent vu par un officier Le récit d'un :
69a
allemand. tirailleur.
695 696
Les chasseurs de l'Ililsenfirst
698
.,
La Guerre en Alsace. Le combat de Metzeral (i522 juin 1915) : Récit offi-
ciel.
officiel. Braunkopt. (14-21
juin
1915)
:
Récit
701 704 706 706
Sur le Le chasseur aux grenades. Un combat à Un aumônier de chasseurs inscrit au livre d'or de l'armée 707
Metzerai.
teurs
alliés.
;
;
Quelques exploits des avia-
d'infanterie jeunesse ; l'officier le chef son couendurance physique rage et morale le chrétien sa mort; citations à l'ordre du 670
;;
cardier.-
La lutte aérienne.
664 ment Le commandant Hébrard, du 208
souterraine.
678 Guerre Belle mort d'un prêtre bran-
676
Un Zeppelin abattu par le lieutenantWarneford(7juin 1915) : communiqué offirécit du vainqueur ciel
708
mort du lieutenant Warneford (17 juin 710 Le bombardement aérien de Carlsruhe (i5 juin 1915) : communiqué officiel français ; les résultats du bom-
igiS).
bardement. hangars
Bombardement des à Zeppelins de Friedrichshafen: le sous-lieutenant Gilbert prisonnier en Suisse ; Gilbert raconte mm exploit ;
711
-
; ;
sa carrière d'aviateur une évasion évasion manquée
réussie et retour en exil..
713
franco-anglais.
Deux succès
aux Dardanelles (juin1915) L'assaut des tranchées turques
de Kérévès-Déré (4-5 juin 1915) : Récit 717 Conquête de la redoute du (21 juin 1915) : « Haricot Récit 718
officiel.
» officieL.
boche. coloniaux. s'amusent. proclamation
,Une
turco-
'Avec les
Les enfants
719 720 723
Sur le front oriental. L'offensive austro-allemande en Galicie et en Pologne
igi5). Abandon de Przemysl par les (avril-juillet
;
Russes (3 juin 1915)
724
communiqué officiel la reprise de Przemysl et les commu725 niqués Réoccupation de Lemberg par les Austro-Allemands (23 juin igi5) : communiqués officiels l'évacuation de Lemberg jugée en :
allemands.
;
Russie.
Livre d'or de l'armée.
: ;
727
Reconnaissances et missions Légion d'honpérilleuses médaille militaire neur citations à l'ordre du jour. 73o
;
Morts glorieuses. Le lieutenant-colonel Morris,
commandant le 47e d'infan736 terie (3 juill. Le capitaine Eugène de Bcnoist, du Ier régimentmixte de.zouaves (17 juin if)i5)-. 737 Le lieutenant Pascal Patella, du 6e bataillon dechasseurs, vicaire à Saint-André, diocèse de Marseille (i5 juin
1915).
igi5)74O
sous-lieutenant Gaston Berloin, sous-préfet de Saint-Affrique (14 juin
Le
1"5).,
19
Le
sous-lieutenant François Carlet, du 333*d'infanterie,
ï9t5).
prêtre du diocèse de Belley
743
(a5 juin Le sous-lieutenant
744
Jacques
Jacquier, du oi' d'infanterie "G juin 746 Le caporal infirmier André Cobigo, du 170" d'infanterie, novice de la Congrégation des Eudistcs (i5 juin
1915).
1(15).
748
Le soldat Charles Simon, du 205e d'infanterie, secrétaire général de la Fédération gymnastique et sportive des
1915).
de France patronages (i5 juin 750 Le soldat Pierre Bergcrot, du 6" chasseurs alpins, clerc minoré des MissionsEtrangères de Paris (i5 juin
1915).
La dernière bénédiction d'un soldat à son fils Sœur Cécile, des FiJJcs de la
Charité (mars
1(15).
752 753 754
Messes et processions de la Fête-Dieu en 1915. L'heure de garde auprès du Saint 755 La Fête-Dieu au 755
Sacremcnt. 2goe.
Masscyamc:. Dans la \Voëvre.
A
Près du Bois de la Mort. Sur le front Dans un cantonnement d'ar-
d'Artois.
rière,
.-».
756 757 758 759 761 763
Lourdes Poèmes de la Grande Guerre. Comme à
Fête-Dieu (DE LA Morineïuf). 764 Prière d'un soldat aveugle
Trochu) 7G4 mères douloureuses
(FRANCIS
Aux
(HENRY
BATAILLE).
765
Bibliographie de la Grande Guerre. des récents ouvrages publiés par les éditeurs « Archives cantonales de guerre», Attinger, BergerLevrault, Bloud et Gay, Armand Colin, Editions pra-
Liste
tiques et documentaires, Jouve, Larousse, Lethiel767 leux, Levé,
Perrin.
BELLE FIGURE DE RELIGIEUX SOLDAT
Le lieutenant Louis Rivet du 1er régiment étranger, religieux profès de la Compagnie de Jésus, professeur de droit canonique à l'Université grégorienne à Rome.
(f9 v
mai 1915.)
©$m
Le R. P. Louis Rivet, da la Compagnie de Jésus, professeur de droit canonique à la célèbre Université grégorienne de Rome, consulteùr de la Congrégation des Evêques et Réguliers, auteur d'un important traité sur les Institutions du droit privé ecclésiastique, dont la second volume parut quelques jours avant la guerre, lieutenant au ier régiment étranger (division marocaine), a été tué à l'assaut de la Targette, le 9 mai igi5.
à
Né à Lyon le 3 mai 1871, Louis Rivet fit ses études dans cette ville, l'externat Saint-Joseph. Ses condisciples se rappellent un brillant
élève, assez heureux pour enlever à quinze ans le diplôme de bachelier avec la mention « très bien ». Un an de préparation à l'école 'de la rue des Postes, à Paris, lui ouvrit les portes de Saint-Cyr. Sorti quatorzième, avec la liberté de choisir son arme, Rivet voulut servir au 308 bataillon de chasseurs à pied, à Grenoble. Mais déjà un autre idéal avait séduit son âme très élevée. grand-père, Auguste Rivet, avocat à Lyon, décédé en 1890, dont la ,vie avait été exclusivement consacrée aux oeuvres, avait fondé bien , 'des années auparavant l'œuvre des Douze 'Apôlres pour promouvoir les vocations sacerdotales. Son exemple et ses entretiens jetèrent, sans doute, de bonne heure des germes dans l'âme ardente de son petit-fils. En 1893, le lieutenant rendait le double galon d'argent pour prendre la robe du religieux. Dans sa vie nouvelle, il n'oublia pas son cœur resta fidèlement attaché à ses chasseurs « Nous passons avant la cavalerie », disait-il en souriant, mais non sans un certain enthousiasme. Il était prêtre, professeur de droit canon à Rome, quand éclata la guerre. Il rentra en France le premier jour de la mobilisation et, sa classe n'étant pas encore mobilisée, il sollicita un poste d'aumônier militaire. Cette demande fut refusée. Son âme sacerdotale répugnait à l'effusion du sang une fois encore, il demanda à servir
Son*
:
;
;
comme aumônier en première ligne, au poste le plus exposé. Un nouveau refus calma les scrupules de sa conscience. C'est comme lieutenant à la tête d'une section de la légion étrangère qu'il devait donner sa vie à la France. Le 31 octobre, il partait pour le front. Il n'avait aucun doute Ion sacrifice était fait il ne pensa plus qu'à s'immoler tout entier en excellantcomme religieux et comme soldat. Cette double préoccupation se trahit dans les notes intimes, écrites dans des termes dont il croyait se réserver le secret sur un carnet retrouvé sur son corps, écorné par des balles. Elle paraît également dans ses lettres, généralement très brèves, qu'il écrit pour donner des nouvelles à ses parents ou à sa famille religieuse. De nombreux témoignages l'ont montré payant toujours de sa personne dans les endroits les plus dangereux. En Champagne, il va sous le feu relever des blessés ou donner la sépulture à des morts. Son influence s'exerce par des conversions le jour de Pâques, il recevra l'abjuration d'un luthérien un autre jour, il baptisera un juif. Comme il parle couramment l'anglais, l'allemand, l'italien, il a une sphère d'influence exceptionnelle à la légion.
;
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:
L'heure du sacrifice approchait. Le 21 avril, à la veille de quitter la Champagne pour l'Artois, il écrit à la prieure du Carmel français à Rome « Pour le succès de nos armes et la régénération tant désirée de notre cher pays, les sacrifices obscurs et les morts ignorées servent autant et quelquefois plus que les actions d'éclat et les traits héroïques que nous lisons avec admiration chaque jour. » Et il faisait cet aveu « J'ai eu le bonheur de célébrer chaque jour, sauf un, depuis la mobilisation. Priez Notre-Seigneur que cela continue ainsi. » Son carnet prouve qu'il réussit, en effet, à réaliser cet ardent désir jusqu'au matin de sa mort. Le sergent qui, parti avec lui de Lyon le 3i octobre, se trouvait encore à côté de lui au moment de sa mort, racontait avec émotion l'impression causée à ces légionnaires, sortis des milieux les plus différents, par cet officier qui, pour dire sa messe, tantôt restait à jeun jusqu'à plus de midi, tantôt devait renoncer au repos de la nuit, et qui, dans toutes les marches, portait lui-même une chapelle dans son sac. Un légionnaire espagnol écrivait ainsi les impressions que lui avait laissées le P. Rivet deux jours avant sa mort
:
:
C'était le7 mai 1915, et je ne m'attendais pas à être évacué le lendemain. Je voulais être prêt pour l'attaque. Malgré ma faiblesse, j'étais 80rti du cantonnement au bois, pour m'en aller à l'église d'Aiguières (Pas-de-Calais), une église vieille, petite église de campagne. Le P. Rivet était en train d'adresser la parole aux soldats. Dans la nef, légionnaires et artilleurs, nous nous pressions. Après le Salut, le P. Rivet annonça qu'on altaii commencer
;
«
les confessions. A ce moment, un jeune homme s'avança vers l'autel, causa avec le curé et le P. Rivet et reçut après le Viatique. Je ne connaissais pas le légionnaire qui communia ce soir. Bientôt, le P. Rivet est au confessionnal; j'y passe, mêlé à la foule des légionnaires. Beaucoup prient les larmes aux yeux. Quand je sors de la confession, je suis plus encouragé. Le P. Rivet avait une gentillesse et un savoir-faire avec douceur qui vous captivaient. De cette confession et de ce confesseur, je me souviendrai toutema vie. Quelle douceur, quelle admirable manière de comprendre la vie II avait toujours la bonté dans la figure et la charité aux lèvres. humaine n, était un cœur admirable. Il était un officier modèle. Il est mort comme un vaillant soldat.
I
de
Il semble, d'ailleurs, qu'il avait le pressentiment sa mort depuis quelques semaines. Le 24 avril, en prévenant son ancien, supérieur de son départ pour l'Artois, il ajoutait L'heure est aux grandes choses et aux efforts virils je me recommande plus instamment que jamais à vos prières, afin que je fasse mon devoir pleinement et contribue un peu au bien de ceux parmi lesquels je
:
:
me trouve. Et s'il plaît au bon Dieu que mon nom allonge bientôt la liste de ceux qui, de chez nous, ont donné leur vie pour la France, vous voudrez bien contribuer à consoler généreusement ceux qui s'affligeront de mon
départ.
Le 6 mai, il envoie au même religieux comme une sorte
:
de tes-
tament spirituel
:
Je crois que les événements vont se précipiter pour noua c'est dire qu'il faut s'attendre à tout. J'espère que le en particulier Sacré Cœur me donnera, pour les grandes circonstances, force, courage et confiance. Les prières constamment dites pour nous nous en sont le garant. Voici, d'ailleurs, le premier vendredi du mois, puis l'anniversaire de Jeanne d'Arc (8 mai, apparition de Saint-Michel). Quant à moi, s'il plaît à Dieu de me demander le sacrifice suprême, comme c'est au moins probable, il me reste à le remercier des grâces reçues durant quarante-quatre ans de vie et vingt-deux et demi de religion. Je lui demande pardon de mes infidélités, mettant toute ma confiance en les mérites de Jésus-Christ et l'intercession de Marie Immaculée. Je remercie aussi de tout cœur la S. J. fia Compagnie de Jésus] de m'avoir reçu, entouré de tant de soin. comblé de tant de bienfaits. J'espère en la grâce de la vocation pour mon heure suprême et en l'aide de ses suffrages après. Le 8 mai, le P. Rivet écrit à son correspondant d'Ore Place en ÎAngleterre (la lettre a été envoyée par un ami à son destinataire) : Quelle date! Et comme on désirerait un succès en ce jour, samedi, fête de saint Michel, anniversaire de la bienheureuse Jeanne d'Arc! Le succèà, noua l'attendons avec confiance de la miséricorde divine, mais quand' Pour moi, je m'attends à marcher, et alors A la garde de Dieu Noue sommes prêts, nous l'espérons un bon nombre de nos soldats se sont lIÙII en règle avec Dieu ils désirent, eux aussi, échanger la vie monotOM 6 mai 1915.
; ;
?.
1
des tranchées avec les poignantes émotions du combat. Priez le bon Dieu de me donner pour ce moment le courage, l'habileté, et en même temps la possibilité de faire encore quelque bien aux combattants. Qulle belle chose que la communion en viatique à ceux qui vont partir ! C'est consolant et impressionnant. C'est d'ailleurs, pour beaucoup, le seul moyen de com-
munier.
Adieu, cher ami, et si bientôt je suis sur la liste, pensez à moi au
iaintautel.
Dans les jours qui ont précédé l'attaque du 9 mai, on le vit, pour tout préparer, déployer des qualités guerrières de nature à surprendre autour de lui ceux qui le connaissaient mal il allait faire de ses hommes des héros, coupables seulement d'être allés trop vite dans les lignes ennemies. La veille, 10 heures du soir, il se confessa à l'aumônier divisionnaire, convaincu qu'il allait à la mort, sans rien perdre de ce calme et de cette force sereine qui faisaient la caractéristique de son âme. Une dernière fois, à l'aube, il célébra le Saint Sacrifice et dit à un ami en sortant « C'est sans doute ma dernière messe. » C'est, en effet, le 9 mai qu'il tomba, dans cette charge merveilleuse et peut-être sans précédent, où la légion étrangère avança de 7 kilomètres sous le feu de l'ennemi. Une relation minutieusement établie décrit ainsi ses derniers moments
;
à
:
:
Le P. Louis Rivet est tombé glorieusement le dimanche 9 mai, à 10 h. 1/2 du matin. Il chargeait à la tête de sa compagnie, sur la redoute devant la route d'Arras à allemande appelée « les Ouvrages Blancs Béthune, juste entre la Targette à droite et Carency à gauche. Sa compagnie était sortie de la tranchée à 10 heures juste, comme toute l'infanterie, après quatre heures d'un bombardement effroyable des tranchées allemandes. A 10 heures, le tir des 75 s'allongea mathématiquement de 200 en 200 mètres, et l'infanterie débusqua des tranchées. Le lieutenant Rivet enleva sa compagnie avec beaucoup d'entrain. Ils conquirent les Ouvrages Blancs, les dépassèrent, laissant aux escouades le soin de faire les prisonniers et d'évacuer, de « nettoyeurs de tranchées à coups de grenades, les abris profonds où se terraient les Allemands puis ils marchèrent sur la route d'Arras à Béthune, qui formait, à 5oo mètres derrière les Ouvrages Blancs, un ruban parallèle à leur ligne d'attaque et passe à la Targette, la dépassèrent aussi et, arrivés face au bois de la Folie, le lieutenant dit à ses hommes couchez-vous — Mes enfants, Lui resta debout, la jumelle à la main, examinant le terrain devant lui, pour découvrir les lignes sur lesquelles il allait repartir à l'attaque à ce moment, une balle l'atteignit en plein front et l'étendit raide par terre. Ses hommes poursuivirent leur attaque, et quand ils repassèrent, ils trouvèrent le corps de leur lieutenant criblé de balles. Ce sont des balles c'est l'une d'entre elles qui A perdues qui l'ont atteint après sa mort
»,
»
;
:1
traversé son porte-cartes militaire,
:
;
:
prêtre jusqu'au D'autres récits précisent un détail émouvant bout, il chargea en tête de tous, mais le sabre au fourreau et lo revolver dans l'étui. Un de ses confrères, M. À. Gaudon, infirmier, recueillant les sou., venirs d'un légionnaire polonais, écrivait le 29 juin 1915 ;
:
Le lieutenant Rivet était renommé pour sa grande bravoure, marchait toujours en tête de ses hommes dans les assauts. En partant pour l'attaque où il devait être frappé, il a dit à ses hommes « Mes enfanta, il faut que, demain matin, je dise ma juesse à Douai. »
;
Une lettre venue de l'état-major du généralissime Joffre fut lue aux très rares officiers survivants on y remarquait ces paroles : C'est la division marocaine qui, la première, a enfoncé la muraille Allemande. C'est à la légion étrangère qu'en revient l'honneur. Dans cet honneur et dans cette gloire, on peut puiser a pleine mains pour auréoler la mémoire du Jésuite lieutenant.
;
Je ne suis guère pratiquant — écrivait un des rares officiers survivant. de la légion — et peut-être peu croyant mais, si jamais il existe des saints, le P. Rivet en est un.
Ainsi, c'est un Jésuite expulsé de France qui est tombé l'un des premiers en tête d'une des colonnes d'assaut de « la grande division ». Il s'était avancé si loin que sop corps resta plus de cinq mois sans sépulture on ne pouvait l'approcher. Enfin, le 26 octobre 1915, un sergent brancardier, prêtre lui-même, M. l'abbé L., le relevait et recueillait le crucifix de religieux qui, depuis son noviciat, ne l'avait jamais quitté. Grâce au dévouement inlassable de M. l'abbé L., les restes du P. Rivet ont pu, après de nombreuses difficultés, être transportés dans le cimetière militaire d'Ecoivres, où ils reposent depuis le 11 mars 1916.
:
M. Le 4 septembre 1915, le lieutenant Rivet était cité à l'ordre de la division marocaine en ces termes très laconiques, par suite, sans doute, du glorieux trépas de la plupart des officiers qui l'avaient connu RIYET (LOUIS), rA
lieutenant au
IW
régiment etranger:
:
;
fait preuve en toutes circonstances d'un dévouement calme et résolu le 9 niai [f915"|, a été tué à la tête de sa section, qu'il portait à l'assaut de retranchements ennemis sous un feu violent d'artillerie et de mitrailleuses [Notes adressées à la Grande Guerre au XX' SiècleJ
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lia traijçfuçior) du çarçg
•
#
@
L'héroïsme du Breton.
C'est dans un hôpital de province. Il y a dans une chambre deux* blessés. L'und'eux se meurt d'hémorragies successives. On ne peut le sauver que par l'opération de la transfusion du sang. Mais qui voudra se dévouer ? Son voisin de lit, Isidore Colas, un Breton, presque rétabli de sa blessure, s'offre. Et pourtant il ne connaît pas celui pour lequel il va donner son sang. — Je ne pourrai pas vous endormir, dit le docteur. — Tant pis ! Allez-y. Et avec un courage inouï, il subit l'ouverture d'une plaie au bras, la souffrance qu'on devine et qu'il ne laisse pas paraître. L'opération est terminée. Celui qu'on espère sauver rassemble ses forces, mais ne peut parler. Il passe son bras sous la tête de celui qui vient de lui donner un peu de sa vie, le serre contre lui de toutes ses forces et l'embrasse avec deux gros baisers, bien forts, bien reconnaissants, pendant que des larmes coulent de ses yeux. Croyez-vous, dit la Guerre Sociale, qui raconte cette émouvante histoire, qu'une médaille militaire ne ferait pas bien sur ce cœur de Breton ? [Crotz.
17
nov. 1914.]
Fraternité franco-berge. Lettre ouverte à M. Millerand, ministre de la Guerre
:
MONSIEUR LE MINISTRE,
Lorsque vous connaîtrez l'acte touchant et si simplement beau que je veux vous signaler, vous m'approuverez certainement d'avoir voulu qu'il ne passe pas inaperçu. Le héros de ma belle histoire est un petit soldat français, atteint gravement aux deux jambes par un éclat d'obus et à peine remis de ses blessures. Cela s'est passé à l'ambulance que la générosité des Américains, amis de la France, a fondée à Neuilly, boulevard dinkermann, au lycée Pasteur. Le fait n'a pas eu une renommée retentissante il est cependant digne de l'admiration de tous les Français et aussi de nos héroïques amis les Belges, et tous mes compatriotes en seront justement fiers.
;
-
Landais., un tout jeuSë 3e la classe 1913T effet, d'un s'agit, Il en Louis Dehez, de Saint-Yaguen (Landes), soldat du 1538 d'infanterie (régiment de Béziers). Un soldat belge, à côtede lui, grièvement consentait pas à se dévouer blessé, allait mourir si un camapade pour le sauver, en lui donnant par transfusion une partie de son - sang. Louis Dehez, sans hésiter, a fait ce sacrifice pour soùfrère H l'a arraché ainsi à la mort certaine, et dans les veinei d'armes de ce héros belge coule désormais un peu de sang jeune, généreux: et tain d'un bon petit Français. Louis Dehez a une âme simple de berger, qui trouve naturel son dévouement, et les félicitations unanimes de ceux qui l'entourent l'étonnent presque. notre jeune Landais Mais je trouve, moi, que Pacte généreux consacre de façon splendide et délicieuse les sentiments d'admiration de la France entière à l'égard du vaillant peuple, si éprouvé pour avoir voulu sauvegarder son honneur et son indépendance ! Un soldat français donnant une partie de son sang à un soldai belge L.. Quelle image plus saisissante etplus magnifique de l'union même cause sacrée la de deux peuples luttant ensemble pour liberté 1 Louis Dehez est actuellementdans"un dépôt deconvalescents. Il y est l'objet de soins attentifs et délicats. C'est là que j'ai pu le voir, encore un peu pâle, et lé féliciter chaudement. Pour moi, j'estime qu'il est bon que les Français, que les soldats éle notre grand pays sachent ce bel acte d'un des nôtres il est il est, pour tout simple, mais il est d'une grandeur émouvante dire, bien français 1 Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma oonsidé-, ration la plus distinguée. PIERRE DEYRIS, député des Landes.
ne
;
3e
:
la
;
(BuUetin
tesArmées, 3-5
mal
:
1915.]
;
Cet acte généreux vient d'avqir son émouvante réplique.: Un blessé français hospitalisé à Saint-Lô allait - mourir pour lé sauver, il fallait recourir à la transfusion du sang. Spontanément, le clairon Van de Broeck, du lie de ligne belge, grièvement blessé lora des combats épiques livrés à Dixmude en octobre, s'offrit pour arracher son.frère d'armes à la mort. Ce double sacrifice affirme de la manière la plus touchante la confraternité des soldats français et des soldats belges. Leurs cœurs battent à l'unisson, et c'est le même sang — le sang des braves qui coule dans leurs veines.
-
[Bulletin des Armées,
13-15
mal
1915.]
-
-
Quelques prêtres
«
donneurs de sang ».
L'ABBÉ MARME ET LE SOLDAT BRIAND
:
Lettre de M. l'abbé Bourrel, curé de Liausson et infirmier militaire Il y a quelques semaines, arrivait à l'hôpital de Creil le soldat Briand. C'était, comme on lui disait plaisamment à la salle d'opérations, « un vrai voleur aux Allemands ». N'était-il pas, en effet, un trésor de mitraille ? N'en avait-il pas sur lui une splendide collection ? Le brave s'était dévoué sans compter, et son caporal a déclaré «
: C'était bien un miracle qu'il soit debout après tant d'héroïques
actions.
»
jambe gauche fracturée, d'une façon horrible, et, en plusieurs endroits, labourée profondément par des éclats d'obus son pied droit, près de la cheville, était aussi percé de part en part c'était une loque sans énergie. Mais bientôt, au contact de l'infirmier de salle, comme des autres malades devenus vite ses amis, l'énergie revint. Et d'ailleurs, le mieux était réel, les majors referaient un peu la pauvre loque. Sauver la vie d'abord, puis le membre s'il est possible, telle est la ligne de conduite de nos majors aussi dévoués que consciencieux. Mais les jours, les semaines s'écoulent, et, malgré tous les soins, malgré toute la science, le pauvre héros, ranimé un instant par la A son arrivée, Briand avait la
;;
:
visite de sa chère femme, va en s'affaiblissant. Tous les pansements font découvrir de nouveaux foyers d'infection débris de pantalon, de verre, de capote que les éclats d'obus entraînent avec eux. Le jeudi 8 avril [1915] et le lendemain, l'état du pauvre blessé devient inquiétant. Le samedi, l'infirmier, qui aime et soigne ses malades comme un frère, s'alarme les majors déclarent l'amputation nécessaire, le pauvre blessé s'y résout bien vite, il souffre tant L'opération a lieu le dimanche matin dans des conditions excellentes. Mais la faiblesse de l'amputé gagne à tout instant. Le mercredi matin 14 avril, le malade est si bas que le major désespère, et le brave infirmier aussi. Les docteurs, toutefois, voient encore une chance, une seule. et peut-être. la transfusion. L'infirmier, l'abbé Marme, que les élèves du collège catholique de Cette aiment tant, de dire aussitôt : le puis. je major, le Monsieur — Le major ne veut pas. Les majors se refusent à priver le sèrvice d'un infirmier qu'ils ne sont pas les seuls à apprécier. A l'admiration de toute âme française s'offre alors un véritable duel de dévouement. Le docteur confie à l'infirmier-major, un caporal prêtre, de lui trouver quelqu'un qui veuille se dévouer. Le caporal s'offre aussitôt. Et alors Alors l'infirmier-major fait valoir qu'il peut, après la transfusion, continuer très bien son service, qu'il
;
?
!
est prêt à se dévouer pour sauver un camarade, un père de famille. L'infirmier fait valoir ses droits indiscutables à ce dernier acte de charité à l'égard des blessés qu'il soigne de tout son cœur sans trêve ni repos. Duel sublime. Le major hésite, les deux prêtres insistent, tout le monde attend. L'infirmier l'emporte. Mercredi soir 14 avril, vers 3 heures, couché côte à côte sur les tables d'opération avec le pauvre blessé, le plus malade de sa salle, donc le plus gâté, l'abbé Marme donne généreusement son sang pour ce soldat qu'il désire conserver à sa famille et à la France. Hélas ! la faiblesse du pauvre Briand est trop grande, il ne peut s'assimiler ce sang généreux, plus généreusement donné encore. Le lendemain, presque à la même heure, à peine Mme Briand, à qui cette prolongation de vie a permis d'arriver, a-t-elle déposé sur le front aimé un baiser d'adieu, que le héros s'endort pieusement pour aller là-haut recueillir la couronne des braves. Et de là-haut, sans doute, il laisse tomber avec sa protection quelques brindilles de laurier sur le cher infirmier, qui à tout prix voulait encore le retenit ici-bas. [Sem. Rel. de Montpellier,
mai
1er
1915.]
S. Em. le cardinal de Cabrières, évêque de
:
Montpellier écrivait à l'abbé
Marme, quelques jours après MON CHER AMI,
Vous pensez bien que je m'étais associé déja aux éloges si mérités qui vous ont été décernés par vos chefs militaires et spécialement par M. le général commandant de la deuxième armée, M. de Castelnau. L'acte généreux que vous avez accompli en donnant de votre sang tout ce qui paraissait nécessaire au chirurgien pour rendre possible la guérison d'un blessé est de ceux qui suscitent partout un mouvement d'admiration. Les témoins de votre sacrifice n'ont peutêtre pas tous senti comme vous-même, comme vos confrères prêtres, l'honneur que vous aviez de reproduire ainsi sensiblement quelque chose de ce que Notre-Seigneur a fait une fois pour nous sur le Calvaire et renouvelé chaque matin, quand nous célébrons la messe. C'est, mon ami, à cette école mystique que, sans vous en rendre compte, vous avez appris cet échange du sang qu'il vous aété donné de réaliser et qui vous a mérité l'étonnement et la vive sympathie de vos camarades de l'armée. Je vous remercie, mon ami, comme je remercie tous vos confrères de l'Hérault, qui rivalisent avec vous d'ardeur, de dévouer ment et d'endurance je vous remercie de faire honneur ainsi à votre diocèse et de préparer avec tous les prêtres de France mobilisés et employés aux armées la seule réponse qu'il faudra faire aux seci taires, aujourd'hui mornes et soumis, et qui se promettent de célé-
;
:
brer nos méfaits militaires et politiques d'une voix retentissante « Montrez, Messieurs, vos états de service. Où étiez-vous quand on se battait ou quand, près du front, on soignait les blessés, exposé Quand avez-vous été cités à l'ordre de vos régià l'être soi-même ments et de l'armée ? » Votre citation, mon ami, celles de vos confrères déjà venues ou à venir, sont pour nous un sujet d'orgueil légitime, et notre modeste Semaine sera fière de la publier. Croyez, mon cher Marme, à mon paternel attachement et à mon respect en Notre-Seigneur. •}• Le cardinal DE CABRIÈRES,
?
[SemRel. Montpellier,
]
évêque de Montpellier.
mai 1915 Voici le texte de la citation de l'abbé Marme à l'ordre du jour de l'armée du 25 avril 1915 (Journal Officiel, 20 mai 1915) : MARME (LÉOPOLD),
8
infirmier à l'hôpital d'évacuation n°16
:
Fait preuve depuis le début de la campagne de la plus intelligente initiative et du plus absolu dévouement. A demandé avec insistance d'être choisi comme « donneur » de sang au cours d'une transfusion qui seule pouvait sauver un blessé de la salle dont il avait la garde. M. L'ABBÉ BOURDONCLE ET LE SOLDAT BEAU
; et.
le
soldat Au matin du 23 février [1915], arrive à l'hôpital de Creil d'infanterie de Châteauroux un obus, à Poperinghe, Beau, du la jambe gauche; lui avait emporté l'index de la main droite une double hémorragie fort abondante avait suivi il ne lui restait plus que quelques heures à vivre. Les majors ne voient aucun moyen de le sauver, ou plutôt il y en aurait un, mais héroïque, la transfusion du sang. Or, s'il est des héros, et par milliers, dans l'armée française, il semble qu'ils doivent leur sang à la défense de la patrie pour laquelle le soldat Beau vient de perdre un membre, et le moyen de la défendre encore. Mais Beau est père de famille et il laisse femme et enfant. Un soldat infirmier qui écoute, grave, la déclaration des majora, a vite fait de prendre sa décision l'héroïque charité, lui semble-t-il, ne peut entrer en conflit avec le devoir patriotique il offre son sang à transfuser au pauvre blessé. Les majors qui entendent la généreuse proposition de l'infirmier ont devant eux un robuste Aveyronnais ; ils le félicitent de son beau geste, mais ne lui laissent pai ignorer le danger qui en résultera pour lui. Je m'abandonne à la Providence, répondit notre infirmier. Ecoutons l'abbé Bourdoncle raconter lui-même à sa famille ni impressions pendant qu'il donnait si généreusement son sang
:
-
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:
?
:
Je suivis l'opération, dit-il, sans trop d'émotion, mais avec un peu de souffrance. Je savais le danger que je courais si, par malheur, un caillot de sang s'était formé et avait pénétré dans mon artère, c'en était fait de moi vous ne m'auriez plus revu. Mais je me suis abandonné entre les mains de la Providence. Elle a permis que tout aille à souhait. Le blessé était sauvé, il est revenu petit à petit à la vie, l'hémorragie n'est plus à craindre au bout d'une semaine, il était hors de danger, et tous les jours il mange une bonne côtelette. j'ai passé une nuit dans des Ce n'a pas été sans souffrance pour moi douleurs cuisantes, car l'artère ayant été sectionnée et ligaturée par ses deux bouts, le sang devait se frayer d'autres issues à travers les veines mais, petit à petit, la circulation s'est rétablie, la plaie s'est refermée, et deux semaines après me voilà à peu près remis. Je suis on ne peut plus satisfait de voir que mon sacrifice n'a pas été inutile. Et il raconte ça, le bon abbé Bourdoncle, simplement, naturellement, tout heureux seulement, vous le voyez, d'avoir exposé sa vie pour sauver celle d'un soldat français père de famille. Car le soldat Beau, natif de l'Indre, âgé de trente-deux ans, est marié et père d'un petit garçon de dix-sept mois. Sa femme est venue le voir, la semaine dernière, et vous jugez de sa joie et des remerciements qu'elle a exprimés lorsqu'elle a connu l'acte d'héroïsme qui lui valait de pouvoir encore embrasser son On nous dit que l'abbé Bourdoncle sera prochainement cité à l'ordre du jour je doute que toutes les récompenses qui pourront lui être décernées dans la suite vaillent pour son -âme de prêtre et de Français la satisfaction qu'il éprouve aujourd'hui en songeant que, grâce à lui, il n'y aura pas d'orphelin au foyer de son nouveau frère, le soldat Beau, du 90e d'infanterie.
;
;
;
mari.
:
[Sem. Rel. Bourges,
;
24
avr. 1915.]
Du Journal Officiel (28 mars 1915), parmi les citations à l'ordre du jour de l'armée du 3 mars 1915 :
soldat à la 16e section d'infirmiers militaires, infirmier à l'hôpital d'évacuation n° 16 BOURDONCLE (JOSEPH-BASILE),
:
Consciencieux et zélé en tout temps, s'est spontanément offert,1er23 février 1915, pour fournir le sang nécessaire à une transfusion effectuée sur un blessé arrivé à l'hôpital d'évacuation, exsangue et dans un tel état de fai. blesse générale que la survie obtenue est manifestement due à son généreux dévouement.
ose C'est à Creil même que les deux prêtres infirmiers, MM. Manne et Bourdoncle, ont reçu la croix de guerre des mains du commandant de dragons Jobert. Voici en quels termes la Semaine de l'Oise, journal radical-socialiste deCreil, raconte cette émouvante cérémonie
:
Le samedi 19 juin [1910], nous avons assisté, à Creil, à une Êmoun vante cérémonie. A 9 heures du matin, une compagnie d'infanterie et les militaires chargés du service des ambulances avaient été convoqués sur la place Albert-Dugué, en face l'église, pour être présents à la remise des croix de guerre qui avaient été précédemment accordées à deux militaires cités à l'ordre du jour de l'armée pour leur belle conduite. A 9 heures précises, M. le commandant de dragons Jobert, escorté de M. le capitaine Bontoux, arrive sur la place et passe la revue des troupes qui sont sous les armes. Les tambours battent « aux champs ». Au nom du président de la République, M. le commandant Jobert remet la croix de guerre : 10 A M. l'abbé Marme, préfet des études du collège catholique de Montpellier. 20 A M. l'abbé Bourdoncle, vicaire à Marcillac (Aveyron), tous deux ambulanciers à l'hôpital militaire de Creil. MM. les abbés Marme et Bourdoncle ont généreusement offert et donné leur sang pour faire la transfusion à deux militaires blessés qui se trouvaient à l'hôpital de Creil. Une petite fille de Creil, la jeune Pauline Rodwick, s'avance et offre une gerbe de fleurs aux nouveaux médaillés. Ls tambours battent « aux champs », la troupe rentre dans ses la foule, fortement impressionnée, se retire, non casernements cependant sans aller serrer la main de ces braves qui ont fait si généreusement le sacrifice de leur sang pour sauver leurs semblables. Nous n'avons pas voulu laisser passer cet événement, si simple en apparence, si impressionnant en réalité, sans adresser à ces braves soldats et à ces courageux aumôniers nos sincères et chaudea félici-
;
talions.
M. L'ABBÉ BALLOUARD
Dans une ambulance où se trouve comme infirmier M. l'abbé Troussaint Ballouard, aumônier des Sœurs de la Croix, de Tréguier, un malade se trouvait en danger de mort par suite de la perte presque totale de son sang. Les médecins ne virent d'autre moyen de le sauver que de lui infuser du sang puisé dans les veines d'un homme bien portant. Ils il s'en présenta deux. Le premier était demandèrentdes volontaires un étudiant de l'Université catholique de Louvain l'autre, M. l'abbé Ballouard. L'étudiant relevait de maladie, co fut le prêtre qui fut choisi, et, grâce à son dévouement, le malade est maintenant sauvé. L'opération de la transfusion du sang n'est pas extrêmement douloureuse, à ce qu'il paraît, mais elle produit chez celui qui donne son sang une impression d'angoisse mortelle et une faiblessequi dure
;
;
longtemps. Ainsi, M. l'abbé Ballouard a dû garder le lit pendant plusieurs jours, ses forces étant anéanties. Il est aujourd'hui sur pied, plus vaillant que jamais, avec la joie d'avoir sauvé la vie à un brave défenseur de la France. C'est ainsi que nos prêtres se vengent des calomnies de ceux qu'offusque la supériorité de leur vertu. aSsiëz
[Nouvelliste de Bretagne,
janv.
30
]
1915
et#, Cet acte de dévouement a valu à M. l'abbé Ballouard la citation suivants à l'ordre du jour n° 56 de la 10e région, signée par le général Vautier : Le général porte à la connaissance des troupes l'acte de dévouement accompli le 22 décembre 1914, à l'hôpital complémentaire n° 2 de Saint-Lô, par le caporal BALLOUARD, de la 10e section d'infirmiers, qui s'est volontairement offert comme « donneur dans une transfusion de sang jugée comme le seul moyen à tenter pour essayer de sauver un de ses malades, et a contracté du fait de cette opération une maladie grave.
»
M. L'ABBÉ PUJOL
:
D'une lettre adressée à Mgr Germain, archevêque de Toulouse, par M. l'abbé M., aumônier militaire au XVIIe Corps 20 juin 1915. J'éprouve un vif plaisir à vous raconter l'acte de dévouement d'un de vos bons prêtres de Toulouse l'abbé Pujol, vicaire à Saint-
:
Sernin. A l'ambulance ou il est infirmier arrivait hier, dans la soirée, un dans un état de faiblesse provoqué par une abon« grand blessé dante hémorragie tel que, pour le sauver, le chirurgien jugea indispensable la transfusion du sang. Préoccupé, le major se présente dans un groupe d'infirmiers un prêtre était là. Comme se parlant à lui-même, car il ne veut imposer ce sacrifice à personne, le médecin laisse cependant voir ses craintes,
»
;
:
ses espérances transfusion du sang, je le « sauverais ».x — Si on pouvait opérer la Pendant ce temps, tous, les larmes aux yeux, car au même moment les Allemands sont en train d'arroser d'obus asphyxiants les environs de l'ambulance, distraits, ne portent que peu d'attention aux paroles du major. Mais l'abbé Pujol, qui a bien entendu, s'ap-
:
proche du docteur et, spontanément — Si vous parlez sérieusement, lui dit-il, je suis là. Et il en fut ainsi fait. Une transfusion d'une durée de huit minutes fut donc décidée et pratiquée sur-le-champ, et au bout de cet espace
:
de temps r-- Monsieur le major, je n'éprouvé ni faiblesse, ni maux de tête,
ni vertige, si vous avez encore besoin de sang, vous pouvez continuer. Et sur cette insistance on prolonge la transfusion jusqu'à douze minutes. Je crois, Monseigneur, que tout commentaire affaiblirait la sublimité de cette simplicité dans la bonté et le dévouement. Tous ceux qui ont assisté à l'opération étaient heureux d'avoir, pour expliquer
les larmes dont leurs yeux étaient remplis, le motif des obus asphyxiants qui tombaient à moins de cent mètres de la salle d'opé-
ration.
[Sem. Cath. Toulouse,
4
juill.
1915.]
M. L'ABBÉ ADRIEN PRUVOST
Un de nos prêtres, infirmier à la ambulance du 1er corps d'armée, rentrait de permission le jeudi 21 octobre [1916]. Il aperçoit, dans la salle dont il est chargé, un blessé qui avait perdu beaucoup de sang. Le médecin-chef cherchait des yeux un homme de dévouement. Notre infirmier s'offre spontanément quelques minutes après, on lui ouvrait l'artère radiale, et son sang généreux ramenait la vigueur dans lecorps épuisé de son pauvre camarade. On félicite le jeune héros, on veut le proposer pour la croix de mais lui, modestement, se contente de dire guerre — J'ai fait mon devoir de soldat et de prêtre. M. l'abbé Adrien Pruvost, vicaire de Lillers, permettra du moins à ses confrères du diocèse d'Arras d'applaudir à son geste.
:
;
:
[Croix du Pas-de-Calais, 7 nov. 1915.]
LES ABBÉS PERROCHAIN ET GODARD
A l'hôpital n° 9 de Fontenay-le-Comte, le chirurgien en chef, M. Chastenet, se voyait obligé d'amputer le bras à un blessé menacé de gangrène, Léonisse Midey, âgé de trente un ans. Mais ce blessé étaittellement fatigué que le docteur ne vit de salut pour lui que dans la transfusion d'un sang plus généreux. Deux infirmiers et un autre blessé s'offrirent à donner le leur. Le chirurgien opta pour l'un des infirmiers, l'abbé Henri Perrochain, missionnaire diocésain de
et
Luçon. L'opération a merveilleusement réussi. A l'hôpital mixte de Caen venait d'être amputé d'une cuisse et trépané un soldat blessé, âgé de quarante-deux ans, père de sept enfants. Sa faiblesse était telle à la suite de ces opérations que le chirurgien, M. Auvray, jugea nécessaire pour le sauver, de pratiquer la transfusion du sang. Un prêtre, M. l'abbé Godard, ancien
vicaire d'une paroisse de Caen, depuis curé aux environs, et qui soigne avec un grand dévouement les blessés, s'offrit spontanément pour donner son sang. Il supporta avec un beau courage l'opération. Le blessé va beaucoup mieux et paraît tout à fait hors de danger.Le généreux prêtre recouvre peu à peu ses forces, heureux d'avoir pu, par son sacrifice, sauver la vie d'un combattant. [Croix de l'Isère, 19 nov. 1915.]
L'abbé Perrochain a été cité à l'ordre du jour en ces termes (déc. 1915) : Perrochain, soldat infirmier à l'hôpital n° 9, à Fontenay-IeComte
:
Infirmier héroiqtU, qui n'a pas hésité à se prêter à l'opération délicate de la transfusion du. sang sur un malade de l'hôpital.. L'opération a très heureusement réussi.
M. L'ABBÉ JUHEN ET LE SOLDAT LOUIS
DUBOIS.
ni*
de ligne, était en traitement à l'hôpital mixte du Creusot, pour une fracture de la jambe gauche, nécessitant, de façon urgente, l'amputation. Mais cette amputation était considérée comme impossible en raison de l'état de faiblesse du blessé, qui avait perdu une quantité de sang si considérable que cela seul constituait déjà pour lui un danger de mort. Un unique espoir demeurait la transfusion du sang. M. l'abbé Juhen, curé de Jambles, près de Chalon-sur-Saône, et mobilisé comme infirmier dans notre ville, offrit courageusement son sang pour sauver le malheureux agonisant. La dangereuse et difficile opération eut lieu la semaine dernière avec un plein succès, et trois jours après, le blessé put subir l'amputation de la jambe broyée. Quant à M. l'abbé Juhen, il dut s'arrêter pendant quarante-huit heures, car, en plus de la faiblesse occasionnée par la douloureuse intervention supportée par lui avec un admirable courage, un peu d'infection s'était déclarée. Aujourd'hui, tout danger a disparu pour lui, et le prêtre soldat a voulu reprendre ses occupations d'infirmier. Le soldat Dubois Louis, du
:
[Réveil dit Charollais, 30 avr. 1915.]
«
Je sais que cela fera plaisir à mon fils.
»
La scène est d'hier. A l'ambulance américaine installée au collège de Juilly, un blessé perd son sang en abondance. Sa faiblesse est extrême et l'on peut craindre un dénouement fatal. Les docteurs décident da tenter l'opération délicate de la transfusion du sang.
Aussitôt, un caporal du 3e zouaves, Aimé Verdura, originaire de Marseille, s'offre pour sauver son camarade, lui aussi zouave. Et comme on fait remarquer qu'il faudra peut-être une transfusion assez considérable, Verdura répond Prenez tout le sang qui sera nécessaire!. Il se couche alors auprès du moribond, et pendant une heure et demie, donne son sang avec le plus grand calme. Comme on le félicitait, ce brave, déjà décoré de la médaille du Maroc et dont le bras a été fracassé dans les tranchées, a simplement ajouté — J'ai trois enfants, là-bas; je suis heureux d'avoir été assez vigoureux pour sauver mon camarade, car je sais que cela fera plaisir à mes fils. Cette réponse, où l'on découvre que l'amour de la famille, loin d'être un obstacle à l'héroïsme chez nos troupiers, leur est un stimulant, ne vaut-elle pas les plus beaux traits de l'antiquité ? Grâce au caporal Aimé Verdura, le blessé est aujourd'hui hors de danger, et son sauveur, que cette douloureuse opération n'a nullement affecté, promène à travers les fraîches allées du parc de Juilly le bon sourire de ces magnifiques soldats, terribles aux Allemands, mais si tendres pourleurs frères d'armes.
:
-
:
[Echo de Paris, tt
8
juin
1915.]
Je donne mon sang, je ne le vends pas!
»
C'est une scène véritablement touchante que celle qui s'est passée dans l'un des hôpitaux de la Croix-Rouge, à Biarritz Un des salons du Grand Hôtel a été transformé en salle d'hôpital. Autour d'un lit où est étendu un jeune gars normand, aussi blanc que l'oreiller sur lequel repose sa pauvre tête endolorie, des infirmières s'empressent. Le chirurgien, silencieux, recueilli, regarde cet enfant dont la vie semble peu à peu fuir le corps meurtri, puis, tout à coup, il dit, comme se parlant à lui-même : opération, il faudrait une tenter Il est trop une pour exsangue — transfusion du sang. Mais qui ? Comment ? Il regarde autour de lui et ne voit que d'autres blessés, quelques rares rescapés qui sont près de leur camarade presque moribond. Mais voilà un de ces rescapés, tout jeune, lui aussi, mais déjà remis, les joues roses, les yeux brillants de la joie que donne le retour à la santé, qui a entendu les paroles du docteur. Hésitant, gauche, il s'approche et, d'une voix que l'émotion rend un peu rauque voulez, Monsieur lé docteur, dit-il, vous si Comme vous ça, — pouvez en prendre de mon sang pour le camarade. Il n'est plus temps d'hésiter, le médecin fait l'incision, la trans-
:
:
fusion s'effectue et nous voyons peu à peu les joues et les lèvres 'du soldat normand se colorer, ses yeux s'ouvrent lentement. Puis, avec les forces, l'intelligence revient il regarde le Breton et murmure frères, — Ben, maintenant que j'ai de ton sang, nous sommes pjasvrai? L'opération pourra se faire, et un Français de plus sera conservé à la patrie menacée. Pendant ce temps, les quelques témoins de cette émouvante scène se sont empressés autour du soldat breton et ont fini par savoir qu'il est orphelin et sans le sou. On se consulte dans l'embrasure d'une des grandes baies, d'où l'on voit l'océan aux vagues agitées, et peuaprès une quête se fait et on remet à l'habile chirurgien la somme de 5oo francs pour le brave petit Breton qui, spontanément, simplement, vient de nouveau de verser son sang pour la France. Ravi do pouvoir offrir, pas comme récompense, mais comme preuve de la sympathie que sa belle action lui a acquise,les docteur s'approche du petit soldat et, avec quelques mots émus, lui tend les billets bleus et blancs. Geste de refus du Breton, insistance du docteur. Nouveau refus, et le jeune héros de dire : — Non, merci bien tout de même, Monsieur le docteur je donne mon sang, je ne le vends pas 1
;
:
;
[Croix de Saône-et-Loire, « Un
13
juin
1915.]
professionnel du dévouement.
»
Le petit Breton va mourir, non point que sa blessure soit gravè, mais elle a provoqué plusieurs hémorragies et tout son sang s'en est allé le peu qui lui en reste est sans vigueur, les globules rouges
;
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ont fui. Le petit Breton va mourir mais quoi, laisser s'éteindre ainsi un gars de vingt ans, bien constitué et qui ne demanderait qu'à vivre, faute d'huile dans la lampe ? Ne trouvera-t-on pas un peu de sang bien rouge, bien vif, qu'on lui infusera dans les veines, et qui lui permettrait d'attendre le rétablissement certain que ne manqueront pas d'amener la nourriture fortifiante et un long repos ? Pierre est déjà convalescent. A la Maison du Passeur, une balle lui a traversé le bras, occasionnant une fracture simple. La plaie se cicatrise à merveille, pas trace d'infection. C'est que Pierre est un solide gaillard, robuste, bien charpenté un individu sain, de corps et d'àme. Il suffit de le regarder en face, une seconde, pour en être tout de suite convaincu. Il est très fort et très bon, un peu téméraire parfois. Là-bas, il s'est conduit en héros, ne faisant en cela que auivre une habitude déjà ancienne plusieurs médailles de sauvetage sont là pour l'attester c'est un professionnel du dévouements
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:
:
Aussi, sans hésitation, est-ce à lui tout d'abord que le chirurgien est allé exposer le cas du petit Breton. Pierre n'a pas été long à comprendre. Voici qui est bien. Il est « costaud pour deux, un autre profitera de sa vitalité débordante.
»
Les fortes ampoules électriques de la salle d'opérations laissent tomber une lumière crue sur un petit visage chiffonné, exsangue. Un soupçon de moustache jaunâtre, des dents jaunâtres, mal plantées, irrégulières, écartées, des lèvres et des gencives déoolorées. A voirce pauvre visage, ce cou, ces bras d'un blanc cireux, plus blafards encore sous la lumière éclatante des centbougies, on peut se demander si l'on a devant soi un être vivant ou un cadavre. Mais non, le petit Breton n'est pas encore mort il respire, faiblement ; il va falloir agir vite. A la face extérieure du bras gauche étendu, une piqûre de novocaïne produira l'anesthésie locale. L'incision faite, quelques gouttes d'un liquide à peine rosé tachent la serviette. Ça, du sang ? C'est difficile à croire. Pierre s'amène en voisin, chemise de flanelle et pantoufles, très calme, malgré l'atmosphère particulière du lieu. Il s'allonge, comme
;
on le lui demande, sur une seconde table, tend le bras. Une piqûre de novocaïne l'empêchera de sentir la douleur, mais lui laissera toute sa lucidité et, avec une attention constante, sans un geste de nervosité, il suivra toutes les péripéties de ce drame où il est à la fois acteur et spectateur. L'artère mise à nu, on décide d'essayer un nouvel appareil dont on dit grand bien une sorte d'éprouvette qui agit à la façon d'une pompe aspirante. Et le sang riche et coloré de Pierre monte et M précipite, envahit le flacon bientôt plein du précieux liquide vermeil. Il s'agit maintenant de faire passer le sang qu'il contient dans les veines appauvries du petit Breton. Hélas 1 la pompe qui aspirait Moment d'angoisse. si bien ne semble pas vouloir refouler secondes sont précieuses. Elles tombent l'une après l'autre dans le silence, et le sang de Pierre est coagulé dans l'éprouvette. Tout est à recommencer. Mais cette fois on suivra la vieille méthode, féconde en bons résultats. On rapproche les deux tables jusqu'à ce que les bras des homme* se touchent. Tout près, plus près. Pénétration intime et émouvante s'il en fut. Le sang de Pierre, sans intermédiaire, cette fois, bondit dans le corps du petit, s'en va jusqu'au coeur, qull emplit. Les veines du cou se gonflent légèrement, la peau se teinte, les artères des tempe* se mettent à battre; le miracle s'accomplit.
;
I
la
-
"Et Pierre, chaque jour, rend visite à son « enfant », gui renaît graduellement à la vie. Ah le beau regard mouillé-de reconnaissance, de dévouement absolu que le petit Breton tourne vers son sauveur Alice LAMAZIÈRE. -
1
1
[Revue hebdomadaire, 17 Juill. 1915.]
a C'est de fa bonne marchandise que Lettre d'une religieuse de l'A.
je te
livre là. »
:
M., septembre 1915. - Dan. une de nos grandes ambulances arrivait dernièrement uù jeunesoldat de Tourcoing grièvement blessé, il fallut l'amputer d'une jambe et peu après, à la suite d'une violente hémorragie, le docteur jugea la transfusion du sang nécessaire. Il se rend dans la partie de l'ambulance réservée aux mécanos (blessés qui font de la mécanothérnpie) et demande :« Qui veut donner son sang » Prêta à le verser pour la France, ces braves n'hésitent pas davantage à se sacrifier pour un de leurs frères~d'armes tous les doigts se lèvent tous s'écrient a Moi Moi » Le docteur choisit un petit, trapu, gouailleur, qui criait plus fort que les autres pendant l'opération, tandis qu'avec son sang sesforces l'abandonnent « Tu sais, mon. vieux, dit-il à son camarade, contentc'est,de la bonne marchandiseque-je te livre là, tu en seras ça vaut cher ! » Depuis ce jour, une affection toute fraternelle unit ces deux hommes, le premier chrétien fervent, l'autre libre penseur se vantant de ne croire à rien; Et Dieu, le grand médecin, opéra une plus merla foi de l'un passa au cœur de l'autre il veilleuse transfusion promit de communier sitôt son ami rétabli mais il n'attendit pasl la guérison tant souhaitée le 15 août, crânement comme il fait toute chose, on pouvait le voir s'agenouiller à la sainte Table. Le petit blessé-est toujours calme et souriant, le docteur a dû lui amputer la seconde jambe ! Au milieu d'atroces souffrances il demandait, une nuit, à la Sœur qui le veillait Ma SoeuT, on dit qu'il faut des victimes pures croyez-vous — que je sois assez pur pour être une de ces victimes choisies 2
:
:
1
?
:
1
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:
:
[Commanioué à la Grande Guerré du
;
XXe
Siècle.]
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DEUX CHEFS CHRETIENS
LE GÉNÉRAL GANEVAL COMMANDANT UNE BRIGADE AUX DARDANELLES Notes biographiquetl. Le général Ganeval, né à Xertigny (Vosges), le 29 septembre 1853, s'était engagé pour la durée de la guerre, le 23 novembre 1870 ; la guerre terminés, il rengagea dans l'infanterie de marine, où il était sous-lieutenant, le 26 octobre 1875. Il prit part à la campagne du Tonkin au cours de laquelle il fut promu capitaine, et continua à faire campagne à Madagascar et au Cambodge. En 1895, comme chef de bataillon, il fit partie de l'expédition dirigée par le général Duchesne à Madagascar.
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Il passa ensuite dans l'infanterie métropolitaine, fut promu lieutenantcolonel le 16 mai 1901, et colonel le 27 septembre 1906. Nommé général de brigade le 23 mars 1911, il a commandé la 668 brigade d'infanterie à Montauban, puis au début de la guerre, il avait été nommé au commandement d'une formation de réserve du 120 corps, et au moment de la constitution du corps expéditionnaire des Dardanelles, il demanda à en faire partie. Il était commandeur de la Légion d'honneur. Aux Dardanelles, il commandait la 3* brigade métropolitaine du corpt expéditionnaire d'Orient. Ses soldats l'appelaient familièrement « le père Ganeval ». C'est le premier général français qui ait arrosé de son sang la coin de terre de la presqu'île de Gallipoli occupé par nos troupes.
Sa campagne aux Dardanellea. Un des officiers qui combattait sous ses ordres retrace dans les lignes sulvantes quelques épisodes de sa campagne aux Dardanelles (LibertéJ 29 août 1915)
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Nous quittâmes Marseille avec lui sur la Savoie, le beau bateau transformé en croiseur auxiliaire il avait comme officier d'ordonnance son fils, officier de chasseurs, revenu blessé du front occidental, aussi froid et timide que son père était exubérant et hardi. La plus grande gaieté ne cessa de régner parmi nous les soirées splendides se passaient sur le pont, et nous ne nous lassions pas d'entendre notre bon général nous rappeler ses souvenirs d'ExtrêmeOrient et de Madagascar. Sorti des rangs, il mettait un point d'honneur à raconter ses débuts difficiles, ses grades conquis l'un après l'autre à chaque expédition. 11 narrait avec amour ses chevauchées en lndQ-Chine, ses chasses miraculeuses, ses aventures de
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chef de poste et decercle ; on sentait dans ses récits la vérité et la: simplicité. Il ne dissimulait à personne ses ambitions modestes. n avait accepté d'enthousiasme le commandement d'une brigade, qu'il avait la conviction de conduire à un feu plus violent que celui qu'il quittait. Sans morgue, sans prétention, il exposait ses idéeff sur la conduite de la troupe avec lucidité et netteté. tous vous — Je ne veux pas, nous dit-il, tracer de règles fixes rappelez-vous seule, avez l'habitude de commander à des hommes ment que vous avez à les ménager comme vous devez vous ménager Tous-mêmes. C'est pour avoir oublié ses propres principes qu'il nous a quittés bravement, héroïquement, prématurément.
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En arrivant à Moudros, le général prit passage, avec son étatmajor, sur YAskold, cuirassé russe qui devait les conduire fi Sedd-ul-Bahr il allait remettre au 28 zouaves, nouvellement forme, son drapeau que portait le sergent Giraudoux, actuellement officier, décoré après s'être brillamment comporté à l'attaque du 21 juin; dernier. Nous le rejoignions le lendemain, et notre première journée se passa en installations sous le feu de l'ennemi. Le général avait élu domicile au sommet de la crête Zimmermann. Habitué aux installations provisoires, il avait organisé sa demeure en vieux colonial. La première pièce, réservée à l'état-major, ressemblait assez aux tanières des lions de l'Atlas dans les récits de chasse de Jules Gérard. Un boyau. à droite communiquait avec le poste téléphonique un boyau à gauche conduisait à l'antre du papa Ganeval. Dans ce repaire, un lit Picot, 2 cantines, et, dans le coin le plus sombre, une source captée répandait dans la pièce une fraîcheur trop intense, qui devenait, la nuit, l'humidité la plus désa-: gréable et la plus dangereuse, mais ce tempérament d'acier ne redoutait pas les rhumatismes. Le premier gourbi servait de salle 11 manger la popote était particulièrement bien installée, abondamment pourvue et d'une générosité sans pareille. Il y avait toujours à la table du général une assiette libre et un pliant non occupé. Quel brave homme !
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Dès le premier soir, alors que la non-arrivée de nos convois nous menaçait de coucher à la belle étoile, le général nous offrit la plus généreuse hospitalité nous dormîmes, ou plutôt nous fîmes semblant de dormir, six dans un espace où trois officiers eussent été prodigieusement serrés. Toute la nuit, le feu des Turcs se fit
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entendre, violent, dangereux pour ceux que le vin de Lorraine du père Ganeval obligeait à des promenades sentimentales. Les deux sentinelles, devant la porte, furent blessées grièvement l'une après
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l'autre aucun de nous ne fut atteint, et le général partit dès l'aube pour la tranchée, qu'il ne quitta pas de la journée. Toutes les nuits, soit pour nous éprouver, soit pour avoir une société et l'occasion d'une causerie, l'un de nous était appelé. Le général, sa petite pipe courte dans les dents, à cheval sur son pliant, nous communiquait les ordres, les expliquait, les commentait et y ajoutait 181 instructions personnelles, qui étaient toujours frappées au coin du bon sens et de la prudence la plus minutieuse. Une nuit, par un temps affreux, les balles. turques sifflaient dans toutes les directions ; le silence n'était interrompu que par les détonations stridentes de nos 75, qui cherchaient à impressionner l'ennemi et à interdire toute - offensive de surprise. Je fus brusquement tiré d'un sommeil profond par l'appel d'un planton « Mon capitaine, le général vous demande de suite. » A peine dévêtu, j'enfilai une paire de bottes et je me précipitai sur la porte du commandant de la brigade. Pendant le court trajet qui nous séparait, j'entendis à mes oreilles le bourdonnement bien connu des mouches turques, et aussi, à mi-chemin de mon parcours, j'entendis assez vaguement des rires derrière moi sans y faire attention, je précipitai ma marche, j'arrivai à la salle à manger de l'état-major. Il était 10 heures la table était encore garnie. Le général, selon son habitude, était à cheval sur son pliant, sa pipe aux dents, sans tunique, sans coiffure, le nez dans une carte. — Ah ! vous voilà, vous ? Vous en mettez du temps, pour obéir aux ordres ! aussitôt appelé. général, je suis Mais, venu mon — je vais Vous — Assez. Asseyez-vous, fumez votre cigarette annoncer unebonne nouvelle. J'imaginai la prise du Haricot, la bousculade des sauvages d'Acte Baba, la destructiond'un fort, et j'interrogeai des yeux mon grand chef. — Ne cherchez pas, Monsieur l'indiscret, vous ne devineriez jamais. Voilà j'ai reçu un cadeau, une bouteille de vraie chartreuse, et nous n'avons pas voulu l'entamer sans vous. Est-ce chic, cela ? J'avoue que mon premier mouvement fut de la mauvaise humeur me réveiller pour me faire prendre un verre de liqueur que je déteste ! me flanquer la frousse d'une mauvaise nouvelle, toujoun possible, pour une gourmandise ! J'étais furieux 1 Je ne le fus pas longtemps, car, à côté de la chartreuse, s'étalait un plan des tranchées sur lequel le général traçait l'emplacement de nos bataillons désignés pour l'attaque. Le lendemain, le régiment se distinguait. mais nos jeunes soldats y prenaient une leçon de bravoure et d'en-
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durance.
Sa mort et ses tanérailles. -
juin 1915, le général Ganeval était frappé à mort dans les circon. stances suivantes, dont le récit a été fait par un témoin (Petit Provençal, 26 juin 1915) : Le 7 au matin, il était parti de bonne heure, comme il le faisait presque chaque jour lorsque la brigade était en première ligne. Il était accompagné de l'officier de liaison. et d'un interprète anglais, car il voulait, ce jour-là, passer par lestranchées anglaises qui occupent toute la partie gauche du front qui s'étend en direction Nord-Sud sur la presqu'île de Gallipoli, du détroit des Dardanelles jusqu'à la mer Egée. Comme toujours, le général Ganeval n'avait pour toute arme que son inséparable cravache, taillée dans une peau d'hippopotame, souvenir de ses campagnes africaines. Il s'agissait pour lui, ce jour-là, d'assister au réglage du tir de l'artillerie et de sa rendre exactement compte de son effet. Le général Ganeval, après avoir passé dans les lignes anglaises, c'est rentra dans le secteur français, celui de son commandement là qu'il assista d'abord au dont il observait le résultat, dédaignant le périscope, la tête hors de l'abri. Les coups frappaient juste. Il félicita les observateurs, puis s'en fut pour voir un boyau en construction à moins de cent mètres de la tranchée turque. Il s'y engagea le premier, à peine courbé pour ne point trop se découvrir. Puis, s'arrêtant, il s'assit sur un petit rebord pour mieux observer et, brusquement, leva le buste presque tout entier hors de l'abri. Immédiatement, un coup de feu partit de la ligne turque et le général, sans dire un mot, s'affaissa, blessé mortellement à la tête. Après un pansement sommaire au poste de secours, on le descendit, baignant dans son sang, à travers les boyaux aux multiples méandres. Il respirait encore faiblement. Son fils, lieutenant de chasseurs, attaché à son état-major, l'attendait avec l'angoisse que l'on devine à la sortie du boyau de descente, et il ne put avoir que la faible consolation, en étreignant son père mourant, de l'entendre une dernière fois murmurer son prénom « Albert ! » Le général Ganeval expira dans la voiture d'ambulance qui le menait à l'hôpital de campagne installé à Sedd-ul-Bahr. Le
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tir.
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Ses obsèques, qui eurent lieu le soir même, au crépuscule, furent émouvantes. Chacun des régiments de la brigade était représenté par une compagnie, et des zouaves territoriaux, fortes moustaches et teints hâlés, semblables à ceux que nos peintres militaires
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ont coutume de nous représenter, formaient, immobiles, baïonnette au canon, la haie d'honneur entre. laquelle, lentement, défila le cortège attristé. Une grande croix de bois, portée par un soldat et
suivie par deux aumôniers et un Pqe à la grande robe blanche immaculée, précédait le cercueil, placé sur un fourgon du train et recouvert par un vaste drap noir sur lequel s'étalaient, en son milieu, les couleurs du drapeau national. Derrière le cercueil marchait le fils du général, le lieutenant Ganeval, ayant à sa droite le général Gouraud, commandant le corps expéditionnaire d'Orient, tet, à sa gauche, le général Bailloud, commandant la 28 division puis venaient les généraux et les officiers d'état-major anglais et français, le général Sir Jan Hamilton, commandant en chef le corps expéditionnaire méditerranéen, W. P. Braithwaite, major général anglais, le général Simonin, les colonels Buleux, Marty, Choullot, Bernadotte, etc., etc. Et, pendant que, sur la route de Sedd-ul-Bahr, se déroulait le cortège, au loin, la canonnade emplissait l'air de furieux grondements. C'est dans un petit bois qui borde la route, au pied d'un cyprès, que fut déposé le cercueil. Les prêtres récitèrent, au milieu de cette assistance recueillie, les prières des morts, tandis que le bombardement faisait rage et que l'on percevait, par instants, le crépitement d'une fusillade intense. Les prières terminées, le général Bailloud s'avança vers le cercueil et, en termes émus et éloquents, salua celui qui fut son compagnon et camarade de campagne à Madagascar, en Chine, au Tonkin, dans toutes les guerres coloniales auxquelles ils prirent part côte à côte. « Quant au grand rêve que nous faisions ensemble en contemplant la ligne bleue des Vosges, il n'a pu en voir la mais il a eu la mort réalisation, étant tombé prématurément glorieuse du soldat tombé face à l'ennemi. La lutte continue, d'ailleurs, et il est enterré au sondu canon qui, chaque jour, nous rapproche de la délivrance et de la victoire. » Le général Gouraud, commandant le corps expéditionnaire français, apporta, lui aussi, son tribut d'hommage au défunt, puis éleva sa pensée vers « les séjours infinis où les simples soldats comme les généraux, tombés en accomplissant leur devoir, doivent se trouver côte à côte, sans distinction de grade combattons ici. comme nos frères « Sur cette terre, dit-il, nous d'armes du front principal, le même ennemi, la haineuse Allemagne qui a soulevé contre nous un peuple qui était jadis notre ami. Enfin, termina-t-il, pour celui que nous ensevelissons ce soir, rien ne pourrait être plus agréable que de saluer en même temps que lui le symbole et l'image de la patrie lointaine. » Alors, tirant l'épée du fourreau et saluant « Soldats, au drapeau ! », toute l'assistance, mue comme par un ressort, se tournait d'un coup vers le drapeau tricolore, les tambours battirent et les clairons sonnèrent « le salut au drapeau ». Ce fut un moment de
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poignante Emotion et des larmes alors perlèrent aux yeux de tous ces braves qui, chaque jour, affrontent cent fois la mort, mais dont le cœur n'en est que plus sensible à tout ce qui vient lui rappeler la France. v Le cercueil descendu dans la fosse, chacun vint y jeter une poignée de terre, et quelques couronnes faites de branches d'olivien furent déposées sur la tombe.
••• Son fils, le lieutenant Ganeval, écrivait à l'occasion de la mort et des funérailles du général (Nouvelliste de Bordeaux, 25 juin 1915) :
Mon père a eu les plus belles funérailles que l'on puisse rêver, conduit sur un caisson, avec ses soldats, ses drapeaux. Ses hommes, qui l'adoraient, pleuraient. Le général Gouraud a fait sonner une dernière fois au drapeau pour son vieux compagnon d'armes. Pendant tout le temps qu'ont duré les funérailles, tous les canons tapaient à toute allure, et ceux d'en face auront payé cher de telles obsèques. Il repose maintenant dans le vieux cimetière turc, en face des Dardanelles. C'est de là que j'espère pouvoir l'emmener bientôt pour la France. Ce sera peut-être une consolation à la peine des pauvres femmes qui, maintenant, doivent le pleurer que de le savoir auprès d'elles, en terre française. Mon frère et moi, nous avons une autre consolation, celle des soldats, le souvenir du sacrifice qu'il avait librement consenti et pour lequel nous sommes prêts le jour où il faudra. N'est-elle pas admirable cette lettre d'un fils qui sourit à la gloire de son père, devant sa tombe ouverte sur cette terre de mirages et de légendes qu'il était si joyeux de fouler avec lui pour une aventure qu'il avait rêvée
merveilleuse
De tels sacrifices ne peuvent rester
vains. Son testament.
Voicienfin deux passages de ses lettres cités par un de ses amis (Nouvelliste de Bordeaux, 25 juin 1915) :
L'esprit de devoir n'allait pas chez lui sans l'esprit de sacrifice. « Quand viendra la bataille, m'écrivait-il à la nouvelle de sa désignation pour les Dardanelles, après une pensée vers Dieu et les miens, tout sera pour la France. Que Dieu la protège » « Que Dieu garde la France ! écrivait-il encore le jour de son départ. Qu'il nous garde les miens, les jeunes. Quant à moi, mon sacrifice est fait depuis longtemps. A Dieu va ! »
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LE COMMANDANT HÉBRARD DU 20e D'INFANTERIE Jeunesse C'est une fière et noble figure, d'une crânerie toute française, que le commandant Pierre Hébrard, du 20. d'infanterie, à qui nos petite chasseurs du A8 ont, le 18 octobre 1915, rendu les honneurs suprêmes, sur ce champ de bataille de Perthes empourpré de son sang et reconquis enfin par la vaillance de nos troupes. Issu d'une vieille famille du Languedoc (1), profondément chrétienne, Pierre Hébrard avait puisé, dans les exemples du foyer paternel et dans les leçons des prêtres éminents (2) à qui fut confié le soin de son éducation, les traditions d'honneur, l'ardent patriotisme et la robuste foi auxquelles il resta toujours fidèle, parfois même jusqu'au sacrifice de ses légitimes ambitions (3). Ses professeurs eurent vite discerné ce que serait un jour le jeune écolier : « Il aura du caractère, écrivait alors l'un d'eux, de la franchise et cette rondeur virile et catégorique qui fait l'homme fort. » (4) Un autre (5) lui rend aujourd'hui ce témoignage « Je l'ai connu et beaucoup aimé à l'Esquile. Il provoquait la sympathie de tous par les dons exquis de sa riche nature et l'épanouissement de son âme toujours ouverte à tout ce qui était beau, grand et généreux. »
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Ilébrard (de Grisolles, Tarn-et-Garonne), dont les origines remontent au n* siècle, appartenait à cette noblesse de province qui, par sa foi et ses mœurs patriarcales, fut l'honneur de l'ancienne société française. Emile Hébrard, père du commandant, était un admirable chrétien. Sa haute compétence dans les questions économiques et agricoles le firent hautement estimer dans toute la région, tandis que chacun l'aimait pour la bonté de son cœur et ses nobles qualités. Du côté maternel, Pierre Hébrard avait également de qui tenir. Son grand-père, Auzies, issu d'une vieille famille de l'Ariège, s'était fixé à Toulouse dès sa jeunesse. Conseiller à la Cour d'appel, mainteneur des Jeux floraux, membre écouté du Conseil de Fabrique de la basilique Saint-Sernin, son nom reste encore en vénération. (2) Les professeurs du Petit Séminaire de l'Esquile, à Toulouse, puis ceux du collège Sainte-Marie du Caousou, qui, par suite des événements, passa des mains des Pères Jésuites à celles des prêtres diocésains. (3) Dans une ville de garnison du Midi, on se souvient encore des jeunes officiers qui, lors de l'affaire des fiches, affirmèrent hautement leur dégoût pour la campagne de délation dans l'armée et n'en manifestèrent que plus ouvertement leurs convictions religieuses. Le lieutenant Hébrard, l'âme du petit groupe, fut, comme ses camarades, changé de régiment et vit, de ce chef, retardé de plusieurs années l'avancement tout prochain que lui assuraient ses états de service. (4) Le chanoine Valentin, doyen de la Faculté libre des lettres, alors professeur au Petit Séminaire de l'Esquile, à Toulouse. (5) Le chanoine Bepmale, ancien supérieur du Petit Séminaire de l'Esquile. (1) La famille
L'officier. Les promesses de son adolescence se sont pleinement réalisées.
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A Saint-Cyr comme au collège, au régiment comme au milieu de ses relations, Pierre Hébrard, aussi tendre aux siens que fidèle en amitié, se fait estimer et chérir de tous. A mesure qu'il avance dans sa carrière, ses qualités militaires et sa haute valeur morale s'affirment davantage. Le brillant officier, à la physionomie sympathique, à l'élégante tournure, que chacun fête pour sa gaieté de bon aloi et son aimable caractère, est un véritable père pour ses soldats. Très strict dans le service, il ne sévit qu'à regret et sait trouver dans son cœur les accents virils et persuasifs qui relèvent les courages abattus et conquièrent les plus récalcitrants. Un de ces derniers, rentré si complètement dans le chemin du devoir que bientôt
il fut proposé pour la médaille militaire, conserve une profonde reconnaissance pour le chef auquel il doit son heureuse transformation. Tous ses hommes l'aiment et l'admirent. Ecoutez-les parler « La capitaine est toujours juste, et si bon, si dévoué », dit un d'eux. (Garrigues, soldat, de Sarlat.) « C'est un gueirier entre les guerriers », reprend fièrement un camarade. (Justou, soldat originaire de Canals, T.-et-G.) « C'est un des plus braves officiers, ajoute un autre, et des meilleurs pour le soldat. et des plus aimés. » (Regagnou, sergent décoré, de Saint-Girons.) A ce concert d'éloges se joindront les plui — trop tôt, hélas — touchants témoignages d'affection et de douleur, quand parviendra au régiment la nouvelle du tragique destin du chef regretté.
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Le chef: son courage.
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guerre éclate. Le capitaine Hébrard fait à Dieu et à la France le sacrifice de sa vie. L'âme déchirée, mais toujours vaillante, il s'arrache aux tendresses des siens et part, le sourire aux lèvres et l'espoir de la revanche au cœur. A cette heure décisive où l'héroïsme court les rues, il trouve encore moyen de se signaler. D'un magnifique sang-froid, d'une bravoure inspirée par le plus ardent patriotisme et qui va jusqu'à la témérité lorsque la situation semble désespérée, il ne craint rien. a On le voit toujours au poste le plus périlleux, raconte un de ses hommes. Dans la Marne, au moment de la retraite, pendant que nous étions abrités ou couchés sur le sol il restait debout sous la mitraille, son képi à la main ou sa jumelle, aux yeux. Il était si crâne qu'il nous entraînait tous. Grâce à lui, nous savions qu'il fallait vaincre ou mourir. » Au plus fort de l'action, si ses hommes viennent à fléchir, il Ml
Stressedevant eux, tête nue, les bras croises, semblant defier le feY et le feu, il les électrise par son audace et les enlève à sa suite. C'est que ce superbe insouciant qui se rit du danger à tel point qu'on le croit invulnérable est aussi un meneur d'hommes. « Quel officier nous avions là 1 répéteront-ils plus tard à l'envi. Et comme il était bon ! n Que de traits charmants d'beroisme simplement accomplis, nous pourrions citer ! Au début de la campagne, a Betrix, un de ses hommes, exténué, mourant de soif, était si effrayé qu'il n'osait boire. Le capitaine se lève, prend sa gourde et la vide lentement, face à l'ennemi. Les soldats rient, applaudissent, et c'en est fait de la peur. Un jour, à Mesnil-les-IIurlus, comme il changeait de vêtements, un obuséclate à côté de lui. Affolement général. Lui seul n'a pas bougé. « Vous le voyez, dit-il, il n'y a pas de quoi avoir peur ! » Une autre fois, vers le 20 septembre 1914, il tient tête avec huit hommes a des forces allemandes considérables et les empêche d'avancer. Plus tard, au début de la guerre de tranchées, sa compagnie reçoit l'ordre de pénétrer dans une tranchée ennemie presque à découvert. Le danger est effroyable, les hommse tremblent et n'osent marcher. Hébrard s'élance sur le parapet, et y demeure immobile, sous une grêle de projectiles, jusqu'à ce que le dernier des siens ait passé. Combien ses soldats qui l'adorent sont heureux et fiers lorsqué leur chef aimé, trois fois cité à l'ordre du jour pour sa glorieuse nommé commandant sur le champ de bataille. Cette conduite, joie, ses camarades la ressentent également il leur est si sympathique ! « Toujours la main tendue, disait un d'eux, le lieutenant Lalubin, et le sourire aux lèvres ! » D'après le témoignage du général lui-même, jamais récompense n'avait été mieux gagnée. « Les officiers de cette valeur sont rares, nous dit-il. Et comme il détestait les Allemands I Il était trop brave pour tomber vivant entre leurs mains. »
est
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Endurance physique et morale. A son mIle courage, l'énergique officier joignait de superbes qualités d'endurance physique et morale et ce joyeux entrain qui décuple le prixdes sacrifices. de la Marne, déclareun témoin, il est « Au moment de la victoire resté quatre jours avec nous sans boire, manger ni dormir. » (Pech, réserviste de Bordeaux.) Que lui importaient, à ce bon Français, la fatigue des longues marches épuisantes, les jeûnes prolongés et les nuits sans sommeil,
pourvu que la France fût sauvée !
On peut parfaitement, écrit-il à sa famille, avec cette gaieté juvénile qui est un des traits saillants de son caractère, vivre deux "cc
jours d'une croûte et d'une pomme verte, je le sais bien. C'est rafraîchissant et cela repose l'estomac. Puis nous étions en pleine victoire de la Marne « On apprend à se passer de » Et encore savon et de linge frais. Quelle économie de temps et d'argent quand je rentrerai ! » « Tout irait bien sans les morts qu'on apprend tous les jours. C'est la rançon de la France et Dieu paraît avoir pitié de nous. » Mais si les privations personnelles le laissent indifférent, il n'en est pas de même quand il s'agit de ses soldats. Il s'intéresse à toutes leurs souffrances de corps et d'âme et met tout en œuvre pour les adoucir. Un d'eux est-il triste ou semble-t-il blessé, il l'interroge affectueusement, le console et fait l'impossible pour le soulager. En ces jours terribles où son régiment qui protège la retraite n'est pas ravitaillé, il monte à cheval, après avoir assuré à ses hommes un abri ou du moins un lieu de repos, et part seul dans la nuit, à la recherche de quelque nourriture pour eux, tout heureux quand, au prix de beaucoup de fatigues et de difficultés, il peut leur rapporter des conserves ou un peu de pain. La horde des envahisseurs rejetée en arrière, a commencé la rude vie des tranchées avec ses alternatives de furieux assauts et de longues journées d'attente. Pour le soutenir aux heures de danger et pour charmer la monotonie des autres, le vaillant officier évoque de chères images, une mère, une sœur ardemment aimées dont il sent à travers la distance l'enveloppante tendresse, et cette jeune femme (1) fidèle gardienne du foyer où deux petits anges prient avec elle soir et matin pour le cher absent. ; Le chrétien.
1.
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Très brave et très bon, Pierre Hébrard est encore un chrétien fervent. Le grand élan de foi qui souleva la France au début des hostilités avait fait vibrer son âme de croyant. Voici en quels termes enthousiastes il décrit à sa mère ce renouveau des âmes et les cérémonies du front auxquelles il assisteaussi souvent qu'il le peut. plusieurs « Nous avons le dimanche des offices merveilleux messes et des Saluts comme on n'en entend pas souvent même dans les grandes villes. Il y a ici des artistes remarquables et un violoniste épatant. Quant aux fidèles, c'est curieux comme la fréquentation des marmites porte à la dévotion. Je vous assure qu'il n'y a pas beaucoup de respect humain. Les renforts qui arrivent ne sont
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(1) Le capitaine Hébrard avait épousé, en 1907, 101. M.u<h<
famille d'officiers de marine.
Philippe, d'une
pas encore au point, mais dès qu'ils ont été un peu au chaud dans la tranchée, leur mentalité change et tout leur vieux fonds de foi reparaît. Le voisinage constant de la mort change bien des idées. Il y a plus de communions chaque jour que dans bien des villes au moment de Pâques. » Profondément respectueux de tout ce qui touche a la religion et aux saints mystères, il n'est jamais plus heureux que lorsqu'il a pu arracher à la destruction ou à la profanation quelque objet du culte. « J'ai eu la joie, écrit-il, de sauver hier un admirable triptyque et les vases sacrés de la petite église de Mesnil-les-Hurlus, près de laquelle nous tenons depuis si longtemps et qui est si souvent bombardée par les Allemands. » Cette magnifique œuvre d'art a été déposée par lui dans un lieu sur, d'où, par les soins de la Société archéologique de Montauban, elle sera rendue, après la guerre, au sanctuaire relevé de ses ruines (1). Depuis le début de la campagne, le commandant Hébrard trouvait dans ses fréquentes communions le secret de son héroïsme. II remplissait fidèlement et avec bonheur ses devoirs religieux, et le matin même de sa mort il reçut le Pain des forts. Sa mort.
C'était entre Perthes et Mesnil-les-Hurlus, à l'aubé du 20 décembre 1914. Ordre avait été donné de s'emparer d'une tranchée allemande formidablement organisée. Un des survivants, Faure, soldat au 20e de Bordeaux, raconte ainsi la sanglante épopée « Le commandant est parti à l'assaut à la tête de notre bataillon. Il tenait à la main, selon sa coutume, un grand bambou afin de nous permettre de le distinguer et de le suivre. Il a, franchi en courant environ cent cinquante mètres qui nous séparaient de la tranchée allemande, sous une véritable pluie de mitraille. Soudain, j'ai vu tomber son bambou. Ah ! le commandant est touché, ai-je pensé. Quel dommage ! un homme si bon, si aimé de tous ! » Un an bientôt s'est écoulé depuis l'heure tragique qui fut pour le martyr l'aurore du triomphe, et pour les siens, hélas ! les prémices d'une inconsolable douleur. Il repose à Perthes-les-Hurlus, à l'ombre du drapeau, au milieu de ses compagnons d'armes, non loin du petit bois qui porte aujourd'hui son nom (Marne) dans cette parcelle de
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(1) Tous les détails concernant ce triptyque sont contenus dans une lettre adressée
par le commandant à M. le chanoine Pottier, archiprêtre de la cathédrale et directeur de la Société archéologique de Moatauban, dont Pierre Hébrard faisait lui-même partie.
terre française dont son sang généreux fut la rançon. Les mains sacrilèges, souillées de meurtreset de rapines, des envahisseurs maudits, n'ont pas touché ses restes glorieux. En leur épargnant cette profanation, Dieu, toujours juste, aura voulu récompenser l'intrépide croyant qui, peu auparavant, s'élançait, au péril de sa vie, dans l'église de Mesnil-Ies-Hurlus, à demi ruinée où pleuvaient les obus, pour sauver le tabernacle abandonné dans lequel reposaient
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encore des hosties consacrées (1) Mourir dans un rayonnement de gloire, en laissant derrière soi un souvenir que rien n'altère ni ne déflore, est un rare bonheur. Dieu fit cette dernière faveur au héros tombé pour la défense de son pays. Le Maître divin qu'il a servi jusqu'à son dernier souffle lui a déjà payé son magnifique salaire. Puisse cette pensée être un réconfort et une douceur à ceux qui l'ont tant aimé et qu'il attend
la-haut
!
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LA HOUSSAYE.
Citations àl'ordre du jour.
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Le commandant Hébrard à été trois fois cité à l'ordre du 1°Le 25 septembre 1914, à l'ordre du 20e régiment HÉBRARD,
jour
capitaine commandant provisoirement un bataillon 2
Le 20 septembre a, par son énergie, fait progresser sa troupe, malgré un feu nourri de l'artillerie ennemie, s'est emparé des tranchées allemandes, qu'il a occupées en les retournant contre l'adversaire. 2° Le 25
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décembre 1914, à l'ordre de la 66e brigade
Le colonel commandant la 66e brigade adresse un hommage plein d'émotion aux braves du P1 bataillon du 20e morts dans le plus bel élan patriotique, sous la conduite de l'héroïque commandant Hébrard.
le4 février 1915, à l'ordre du HÉBRARD, chef de bataillon
3° Enfin A
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20e
régiment:
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fait preuve d'un courage et d'un sang-froid remarquables en conduisant son bataillon à l'assaut d'une position allemande formidablement organisée (20 décembre 1914). [Notes adressées à la Grande Guerre du XXe Siècle.] (1) Lorsque le
commandant Hébrard pénétra, sous le bombardement, dans l'église du Mesnil pour sauver les vases sacrés, il constata qu'un ciboire contenant la réserve avait été oublié dans le tabernacle. Il envoya chercher un des aumôniers et attendit sous la mitraille que celui-ci eût emporté le Saint Sacrement. Ce même jour, il fit enlever le triptyque dont ses connaissances archéologique* lui avaient permis do reconnaître la valeur.
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L'OFFENSIVE FRANÇAISE EN ARTOIS
La conquête du Labyrinthe (30mai-19juin1915.)
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ffëeit officlel. Le système d'ouvrages et de tranchées que nos soldats ont baptisé le formait entre Neuville-Saint-Vaast et Ecurie un saillant de la « Labyrinthe ligne ennemie et c'est sa position qui expliquait sa puissance. On l'avait renforcé pendant des mois, parce qu'on le sentait exposé d'où le dédale de blockhaus, d'abris, de tranchées et de boyaux, dont
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nos avions nous avaient rapporté l'impressionnanteimage. Orienté d'Ouest en Est, dans une sorte de cuvette, le « Labyrinthe » avait pour axes principaux deux chemins creux profonds d'où rayonnaient sur deux kilomètres de côté des ouvrages de toutes sortes garnis de mitrailleuses et de lance-bombes. Notre attaque du 9 mai avait à peine mordu sur l'extrémité Sud. Les journées suivantes n'avaient pas modifié la situation et notre offensive, soit au Nord, soit au Sud, restait toujours exposée aux feux de ce redoutable flanquement. A la fin de mai, le commandement français décida d'en finir, et l'ordre fut donnéd'enlever pied à pied le « Labyrinthe ». Les difficultés. — L'opération comportait deux phases principales et de nature différente. Il fallait d'abord, par un assaut bien préparé et vivement mené, prendre pied dans l'organisation ennemie. Il fallait ensuite progresser à l'intérieur des boyaux en refoulant pas à pas l'adversaire. Ces deux opérations ont duré plus de trois semaines. Elles nous ont valu un succès complet. Le débouché devait être dur. Car de nombreuses batteries allemandes, comprenant du 77, du 150, du 210, du 280 et même du 305, concentraient leurs feux sur nous. Il y en avait à Givencby, à la Folie, à Thélus, à Farbus et à Beaurains, au sud d'Arras. Nos hommes le savaient et en prenaient leur parti. L'assaut du 30 mai. — C'est le 30 mai que l'assaut fut donné, un régiment marchant du Sud au Nord, un de l'Ouest à l'Est, l'autre du Nord au Sud. L'élan fut admirable sur tout le front, et, partout, sauf à droite, on enleva la première ligne.,. que nos engins de tranchées avaient complètement écrasée,
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Derrière cette première ligne, il y avait un grand nombre de barricades les autres nous arrêtèrent. et de fortins nous en prîmes quelques-uns 150 prisonniers, surpris dans leurs trous par la charge furieuse de l'infanterie française, tombèrent ce jour-là entre nos mains. La guerre de boyaux. — Dès ce moment, la guerre de boyaux commençait. Il y avait le boyau von Klück et le boyau d'Eulenbourg, les Buissons et la Salle des Fêtes, sans compter d'innombrables ouvrages numérotés, dont le plan donne le sentiment des difficultés inouïes que nos troupes avaient à vaincre. Sans arrêt, du 30 mai au 17 juin, elles se sont battues dans ces terres trouées et pleines de morts. Le combat n'a jamais cessé ni de jour ni de nuit. Les éléments d'attaque, constamment renouvelés, écrasaient les Allemands à coups de grenades, démolissaient la barricade en sacs à terre, quand l'ennemi cédait, la reconstruisaient 50 mètres plus loin pas une heure de trêve, pas un instant de répit. Les hommes, sous le soleil si chaud dans les boyaux, se battaient nu tête, en bras de chemise. Pas un n'eût admis l'hypothèse de s'arrêter avant entier. de tenir le « Labyrinthe On a tout dit de l'élan de nos fantassins. Mais on n'a pas assez dit que leur ténacité égale leur élan et que leur volonté obstinée est un des éléments essentiels de leurs succès. Trois semaines d'héroïsme. — Chacune de ces journées sanglantes et monotones a vu des actes d'héroïsme incomparables. Le 1er juin, un lieutenant, avec un homme, va reconnaître en rampant, la grosse barricade, qui barre le chemin creux, centre de la résistance ennemie. L'ouvrage lui dix minutes semble peu garni. Il saute dedans, appelle sa compagnie après, 250 prisonniers sont cueillis par une force quatre fois moins nombreuse, au sortir de leurs abris. Le même jour, dans la partie Sud, 15o autres Allemands se font prendre et des mitrailleuses aussi tombent entre nosmains. Par trois côtés à la fois, nous atteignons le chemin creux, où les Allemands avaient creusé, à 10 mètres sous terre, de redoutables abris. L'artillerie ennemie, sans discontinuer, tire en arrière de notre première ligne que son contact immédiat avec l'adversaire protège contre les obus. Nos réserves souffrent, car dans ce terrain bouleversé, où chaque coup Be pioche déterre un cadavre, on ne peut aménager que lentement les abris profonds qu'exige la situation. Nous perdons du monde. Mais le moral ne fléchit pas. Les hommes ne demandent qu'une chose aller de l'avant et se battre à la grenade au lieu d'attendre, l'arme au pied, la chute implacable des marmites. Les conditions du combat. — Ce sont de dures journées. Aux combattants, il faut porter constamment des munitions, des vivres et surtout de l'eau. Car, à lancer sans arrêt leurs grenades, couverts de sueur et de poussière, ils s'épuisent vite. Tout le monde fait de son mieux. Sous le feu, on pousse en avant les canons de tranchées dont les énormes projectiles, lancés à courte distance, épouvantent l'ennemi. Les sapeurs creusent la terré pour éventer les mines possibles L'un
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d'eux, avec soncaporal, défend une barricade contre toute une section. Le caporal est tue. Mais le sapeur continue, repousse l'ennemi et s'en tire sain et sauf, — avec la médaille militaire. Tout près de la lignede combat, un bataillon territorial travaille la terre et fait les corvées. Chacun a sa place, et, de son mieux, collabore à l'effort commun. L'assaut du 16 juin. — Ainsi, peu à peu, notre progression, signalée par le nuage de poussière que soulève le combat à coups de grenades, nous a conduits à l'extrémité Nord du « Labyrinthe ». Nous étions face à un grand boyau, le boyau d'Eulenbourg. Le 14 et le 15, nous avons creusé à 100 mètres une parallèle de départ. Entre notre parallèle et la ligne ennemie s'étendait un champ de coquelicots d'un rougeéclatant. Le 16, à midi 15, nos hommes sont sortis de la parallèle. Ils se sont dressés sur le talus et ont couru à travers lescoquelicots. Ils ont atteint le boyau allemand etils ont sauté dedans.L'opération a duré trois minutes. Avec une belle précision, l'artillerie ennemie a aussitôt déclanché son tir. Mais le fantassinfrançais garde ce qu'il tient. On s'est battu dans les tranchées Eulenbourg et voisines l'après-midi du 16, la nuit du 16 au 17, la journée du 17 et jusqu'au iD. Finalement tout cela est à nous après des alternatives diverses et te Labyrinthe nous appartient. Les pertes allemandes. — Les Allemands ont perdu au Labyrinthe un régiment entier, le 1618. Nous avons fait un millier de prisonniers le reste est mort. Un régiment bavarois a été aussi décimé. Nos pertes se montent à 2 000 hommes dont beaucoup de blessés légers. La résistance a été furieuse, comme l'attaque. Malgré le terrain, malgré l'organisation défensive accumulée depuis sept mois, malgré l'artillerie, les lance-bombes et les mitrailleuses, nous sommes restés cependant vainqueurs. Nos soldats ont gagné, parmi les souffrances du combat, la foi absolue dans leur supériorité, que le résultat affirme. [Journal Officiel, 23 juin 1915.]
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Guerre souterraine.
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Récit d'un officier blessé, allemande
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juin, au cours d'une contre-attaque
Imaginez-vous d'étroites galeries, éclairées faiblement par de modestes lampes à huile, dans lesquelles les adversaires ne sont séparés que par des sacs de sable qu'ils poussent les uns contre les autres. Dès qu'une ouverture apparaît, c'est un effroyable corps à corps où la grenade à mains et la baïonnette sont les seules armes possibles. Les Allemands, eux, font parfois usage de couteaux et de brownings, même ils n'ont pas hésité, un jour, à nous arroser d'un liquide corrosif qui nous causa de graves brûlures. Mais, en dépit de ces lâches procédés, les nôtres ont toujours eu le dessus, faisant
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preuve d'un merveilleux. esprit d'initiative. Ils 88 battaient à coups de crosse, à coups de poing quand il le fallait leur vaillance ne fut jamais en défaut et les Allemands s'en aperçurent. Les couloirs dans Vesquele nous avancions avaient six mètres de profondeur, parfois huit et dix l'eau suintait de partout et l'odeur fade qui se dégageait était insupportable. Songez aussi que, pendant ces trois semaines, nous n'avons pu enlever les cadavres parmi lesquels nous avons séjourné nuit et jour. Un boyau de 60 mètres de longueur nous demanda treize jours de lutte incessante pour le conquérir entièrement. Les Allemands y avaient installé des barricades, des trappes, des pièges de toutes sortes. Nous risquions, en tombant, de nous, empaler sur des baïonnettes traîtreusement cachées dans des cavités légèrement recouvertes de terre. Et tout cela se faisait dans une obscurité presque complète. Nous devions nous servir de lampes électriques de poche et n'avancer qu'avec une extrême lenteur. A tous nos soucis s'ajouta un autre sujet d'inquiétude. Un jour, nous entendîmes distinctement un bruit significatif. L'ennemi poussait une sape pour nous faire sauter. Nos sapeurs, heureusement, éventèrent la mine et remédièrent au danger qui noua menaçait. Pendant toute cette période, nous n'avons pas aperçu une seule fois la lumière du jour, combattant sans cesse lOua terre, ne prenant pas un instant de repos. Malgré ces souffrances, les hommes ne cessèrent de manifester une excellente humeur, un entrain splen'dide, une résistance extraordinaire. Plusieurs hommes de ma compagnie, blessés, ont refusé de se laisser évacuer. L'un d'eux ne consentit à se laisser emmener qu'à sa troisième blessure. On ne 'dira jamais assez la vaillance déployée en cette circonstance par nos
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soldats. D'ailleurs, un officier allemand, que nous fîmes prisonnier le 16 au matin, pendant l'assaut final, ne put cacher son admiration « Jamais je ne pensais, avoua-t-il, que vous prendriez le Labyrinthe. Vraiment, vous avez des soldats merveilleux ! » L'hommage de ce vaincu fut très sensible à nos poilus. (Liberté 1" juill, 1915.1
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Belle mort d'un prêtre brancardier Extrait de notes de campagne publiées sous le titre De Champagne en. Artois) par M. Jean SONGY) 23 juin 1915. — Je remonte le Chemin Creux, sur le talus duquel nos hommes sont toujours couchés, le visage tourné vers le Bois en Hache. Les obus ne cessent d'y pleuvoir et leurs éclats déchirent l'air avec un cri aigu. En arrivant à V., près des voitures, j'entends s'écrier à côté de moi « Ah ! les bandits ! ils m'ont
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coupé le pied ! » Je reconnais la voix de un des hommes de liaison que j'ai été chargé d'instruire. Un éclat d'obus vient de lui arracher une semelle en lui coupant la plante du pied. Mais il me suit en se traînant sur les genoux pour échapper à cet enfer. Notre chemin est traversé par un boyau qui vient du Bois Carré. Je m'arrête, voyant plusieurs hommes étendus devant moi. L'un d'eux me dit : « Courbez-vous, mon lieutenant une mitrailleuse du Bois carréprend le boyau en enfilade. » En effet, le sifflement des balles se fait entendre au-dessus de nos têtes. Dans ce boyau gisent deux blessés, deux chasseurs à pied de la brigade que nous avons relevée depuis trois jours. Combien y a-t-il donc de temps que ces malheureux, auxquels leurs camarades n'ont pu faire qu'un pansement sommaire, attendent d'être transportés à l'ambulance Mais avant les blessés, ce sont les outres d'eau, les vivres et les munitions que, pendant ces courtes nuits de juin, il faut transporter en aussi grand nombre que possible aux combattants qui les attendent. Le premierdevoir est d'assurer la continuation de la lutte c'est seulement quand il est rempli qu'on a le droit de s'occuper des victimes. Un brancardier qui est agenouillé auprès d'un blessé tourne les yeux vers moi. A la clarté douteuse du petit jour qui, à l'horizon, commence à remplacer les étoiles, je reconnais l'abbé M., rencontré jadis à la ferme du L., auprès du premier soldat à la mort duquel j'ai assisté. Les deux blessés dont il s'occupe ici ne laissent guère d'espoir. L'un d'eux, le visage emmaillotté de bandelettes, n'a déjà presque plus de connaissance et fait entendre de l'autre accueille avec résignation les exhorfaibles gémissements tations que lui adresse l'abbé M. Je parle à celui-ci de C. dont l'affreuse blessure réclame des soins urgents. Impossible de l'emporter sans brancard. Mais il n'y a pas de brancardiers. « J'irai seul, répond gravement le prêtre. J'en ai l'habitude. Pour transporter un blessé, je le prends sur mon dos en croisant ses bras sur ma poitrine, mais pour d'aussi longues distances, cela est pénible, continue-t-il, comme se parlant à lui-même. » Ces mots me frappent de respect et d'admiration. Dans ce terrain que tous traversent à la hâte, tant il est balayé par les obus, je le vois marchant dans les fondrières, obligé de s'arrêter cent fois pour prendre haleine et laisser reposer le malheureux blessé auquel, pour le sauver, il impose les plus cruelles tortures. Où donc puiset-il la force surhumaine qui lui permet de toujours recommencer ce terrible voyage
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qui va recommencer l'assaut. Une effroyable averse a transformé les
boyaux en marécages. Je remonte péniblement la Tranchée des Saules, pataugeant dans la boue jusqu'aux genoux et m'efforçant de ne pas glisser encore dans un abri plein d'eau, comme il m'est arrivé tout à l'heure. Je rencontre le médecin-major du deuxième bataillon. Il vient du Chemin Creux où je retourne pour la nouvelle attaque. dis-je. — M. est-il encore là-bas ? lui étendu, les bras en croix, près de — Mort, répond-il. Je l'ai vu la barricade. Il a reçu un éclat d'obus dans la tête en essayant d'aller ramasser un blessé. L'abbé M. est mort. Pour un instant, j'échappe aux tristes réalités qui nous entourent : ce bombardement incessant, ces cadavres étendus dans la boue, ces soldats en file indienne, courbant le dos sous la pluie, qui vont à l'attaque où tomberont encore des centaines d'hommes. Je pense à la sublime abnégation de l'humble brancardier. J'entends toujours cette voix grave, intérieure, et je revois ce visage, transfiguré par la bonté, se détachant sur le nimbe dont l'entouraient les premières lueurs de l'aube. JEAN SONGY.
[Revue des Deux Mondes,
1er
avril
1916.]
Le champ de bataille. Oui, j'ai la chance, ou plutôt le grand honneur de me trouver avec l'élite de nos soldats et sur ce coin du champ de bataille, le plus effroyable peut-être des 3 000 kilomètres de la ligne de feu qui sillonne l'Europe. Je vous présente les personnages et le décor Les personnages — Des chasseurs, ces diables bleus desquels on a tout dit et qu'on n'a pu vanter assez. Troupes splendides, incarnant la merveilleuse bravoure française : gaieté, jeunesse, crânerie, oubli de soi, endurance et (c'est là leur plus belle qualité et le plus complet éloge de leurs chefs) sentiment de la discipline exemplaire et émotionnant. Le théâtre de leur héroïsme ? — C'esticiqu'il faut d'avance se déclarer impuissant. Cela dépasse toute conception. Ni description, ni photographie, ni peinture, rien, rien ne peut approcher de l'effroyable réalité. Représentez-vous un coin des petits vallonnements de l'Artois. Après le savant ravage des pelles et des pioches, les obus, par centaines de mille, sont tombés sur ce sol. La terre est brûlée, calcinée, cuite et recuite, labourée par l'acier, ensemencée de plomb. Les arbres — car il n'y avait pas mal de petits bois sur les pentes, — quand ils restent debout, sont effroyablement déchiquetés, sortes d'allumettesgéantes, demi-noircies, desquelles pendent de pitoyables flambeaux. A cette époque de sève irrésistible et dans cette région
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si fertile, pas une feuille et, sauf l'exception signalée plus bas, pas un brin d'herbe. Il semble qu'une vague de feu a passé par là. Ce que lefer n'a pas brisé, l'explosion l'a tué, la flamme de l'obus l'a grillé. Indescriptible chaos Mais ce qui fait la suprême horreur de cette vision d'épouvante, c'est qu'on s'y trouve au royaume de la mort 1 Elle plane sur ce coin de terre, elle vous étreint, elle semble vous appeler de mille voix furieuses et vous dire que rien qu'à pénétrer dans ce domaine, vous aller, comme tous ceux-là, devenir sa proie. Partout des cadavres et des cadavres, dans toutes les positions, dans tous les coins, en tas, isolés, entiers ou mutiles il y en a dans les boyaux, dans les abris, sur le parapet, dans le parapet, devant, derOn reste atterré. C'est bien, comme me disait un chef, ï( un tapis de cadavres ». Et les obus les travaillent encore, et la pelle des pionniers doit s'y ouvrir un passage, la nuit, à tâtons, dans cette pauvre terre,effroyable amalgame de chair humaine, de vêtements en lambeaux, d'innombrables débris mêlés à la pous-
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rière.
sière ou pétrisen une boue sanglante. Songez qu'il y a là, autour de nous, dans un rayon de 1 500 à 2000 mètres environ, 100000 cadavres (la plupart allemands), m'ont dit plusieurs officiers 60000 au minimum, selon les plus réservés « montagne de victimes au pied de la Sainte Vierge », dont le sanctuaire, à l'extrémité du dernier contrefort, s'érigeait jadis dominant tout le pays. Nul être vivant, sauf d'intrépides martinets, dont le vol acéré semble défier celui des obus, et aussi — ce n'est pas une des moindres souffrances — des myriades de grosses mouches bleues qui passent indifféremment des morts aux vivants et sont insupportables par cette chaleur. Par dessus tout cela, une incessante mitraille qui pulvérise les dernières mottes d'argile, déchire les sacs à terre, pilonne les ruines, déchiquette les cadavres, fait de la charpie de tout ce qu'elle rencontre et semble vouloir ajouter encore à l'horreur de cet enfer. Dans cet enfer, cependant, vivent des hommes. des chrétiens, des enfants du bon Dieu. Hâves, terreux, brûlés de soleil, pelotonnes sur eux-mêmes afin de se faire plus petits, sous le coup de la hache sifflant de l'acier barbelé, pauvres corps secoués et brisés, mais âmes fortes transparaissant dans le regard d'une énergie sautoujours aux aguets et prêts, sur un signe do leur chef, à vage bondir au grandjour pour regagner à leur patrie quelques centaines de mètres dans cette aride plaine. P. C., aumônier militaire.
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jetaites.b-20 août
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1915
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aveugles sous la mitraille. Sous Arras,
Juin
1915.
Il est certain que la position n'a rien de ce qu'un officier d'état-major, blond, ironique et décidé, appelait, hier, « de particulièrement agréable ». Mais, ajoutait-il, « tout a une fin, vous verrez ! Cette ville, placée entre deux feux depuis tantôt huit mois, a pu voir chaque jour, comme d'une veine brisée s'écoule le sang goutte àgoutte, s'enfuir ses habitants, par groupes qui s'égaillaient le long de la route que les obus boches, de temps en temps allongeant leur tir, visitaient de façon furibonde en fauchànt les arbres. La route ! Elle va de cette ville d'Arras pitoyable, que les bandits teutons arrosent de leurs projectiles, vers Aubigny, à nous et bien tranquille. Sous lapluie battante, nous suivions en auto, ce soir-là, cette route. Dégagés pour quelques heures de toute besogne militaire, nous étions allés à Arras, que les Boches, furieux, bombardaient sans relâche. Dans le quartier de la gare, tout achevait de s'écrouler sous l'acier allemand. Les toits se mariaient aux pavés de la rue; les murs des maisons se fondaient sous la mitraille boche, et, çà et là, dans ce chaos immense que dominait, pantelante, l'ossature déchiquetée du beffroi, on entendait des cris à travers les explosions. Mes amis A. et M. et moi, nous assistions à cette destruction systématique de toute une cité qui, jusque-là, avait vécu dans sa robe toute dentelée par les gloires et les traditions. Tout un passé, sous le canon des Barbares, se fracassait devant nous. Les corniches, les fenêtres, les portes s'abattaient, qui furent aux temps héroïques amoureusement sculptées par des artistes passionnés. Pour communier dans la mort impie, comme si les choses avaient une âme et que, devant la horde germanique, le passé voulût se réunir au moderne, les fils télégraphiques et téléphoniques s'abattaienten même temps que les vieilles statues du XVe siècle, dans la même chute éperdue, saerilège ! Au coin d'une rue que les obus ne fouettaient pas encore, un gendarme était blotti sous une entrée voûtée. Il nous aperçut et, de son abri, nous cria — Mais f.z donc le camp ! Vous allez vous faire fusiller par les Boches ! C'est pas idiot ! Vous ne les voyez donc pas lia sont là 1 Du doigt, il nous désignait un point derrière la gare. C'est vrai qu'ils étaient là, mais absorbés par nos tristesses devant tousces désastres, vraiment, nousn'y pensions pas.
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Nous nous éloignâmes par la porte Baudimont — détruite, entre parenthèses, depuis avant-hier, ainsi que la rue de ce nom. — Une minute après, un obus arrivait, de la ligne arrière, à cet endroit. On n'a jamais revu le gendarme qui, s'il ne reçut pas un éclat du projectile, dût être écrasé par le mur s'abattant sur lui sans misé-
ricorde.
Nous revenions donc d'Arras en automobile. Notre voiture, maintenant dans la nuit, dépassait une longue file de braves autobus distribuant, aux lueurs rougeâtres de leurs lumignons prudents, les viandes sanglantes du dernier abatage des troupeaux militaires. Le ciel pleurait a verse sur toute la misère humaine. A droite, les tours du mont Saint-Eloi se découpaient, dans leur martyre, aux feux brusques de nos batteries allumant soudain dans le ciel noir l'éclair bref de leurs distributions, — elles aussi. A gauche, des meules de paille et la plaine zébrée de pluie qui s'étendait jusqu'à l'ouate épaisse des nuages bas qui semblaient épouser le sol. On alluma le phare de l'auto. Plus de risques ! Nous étions maintenant dans la région des 75 qui avaient l'air, chaque fois qu'ils tiraient, de rire d'un rire gouailleur, suivi de ce sifflement qui nous faisait l'effet d'une note bien nourrie de ténor. Soudain, dans le brouillard, que notre phare, cependant puissant, ne pouvait réussir à dissoudre complètement, sur la gauche, nous distinguâmes des ombres grisâtres qui déambulaient à la
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queue-leu-leu. Ces ombres tâtonnantes semblaient soudées les unes aux autres, maillons blafards d'une chaîne que nous percevions, s'arrêtant quelquefois, vacillant un instant, puis repartant dans le noir opaque qui bordait funèbrement le bas côté de la route. Notre voiture stoppa et s'inclina vers le cortège, projetant en plein salumière à gauche. Dans la circonférence de clarté, nous aperçûmes alors une Sœur de Saint-Vincent de Paul qui marchait en serre-file, puis nous reconnûmes, le cœur serré, dans cette théorie falote, les aveugles des deux sexes de l'asile d'Arras que les Filles de Charité évacuaient sous les obus boches ! Les yeux creux, les mains agrippées à la jupe ou au veston des êtres humains qui les précédaient, ils allaient d'une allure fatale, buttant à chaque pas dans les branches des arbres fracassés par la S mitraille. Ils n'avaient nulle plainte, pas un mot ne sortait de leur bouche serrée, et l'on sentait, à les voir, dans le halo de notre phare, que leur attention, toutes les facultés qui leur restaient tendaient sans cesse à ce double but aller vite et ne pas tomber. De temps en temps, le long de la file en grisaille, une voix s'éle-
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vait quis'efforçaitd'être d'un enjouement décidé. C'était une cornette détrempée de pluie qui exhortait tel ou telle de ses aveugles. — Allons, Charles, allons Encore un petit effort 1 Voyons, Thérèse, ne lâchez pas la jupe de Céline, sinon vous tomberez 1 Les pauvres infirmes tournaient vers la voix leur triste visage fermé. — Oui, ma Sœur, Une fillette aveugle, plus hardie, demanda 2 — Est-ce qu'on arrivera bientôt Notre auto, maintenant, allait au pas, projetant sur le cortège son pinceau de lumière, aidant ainsi les deux religieuses, en tête, à avancer sans encourir le risque de choir et à entraîner toute la suite sur un terrain à peu près sûr. On marcha longtemps ainsi. La pluie venait de cesser. Le ciel se nettoyait et prenait une teinte violette où les fusées lumineuses de l'ennemi mettaient, par brusques poussées, des notes fulgurantes jaunes et rouges, éclairant parfois au-dessus d'une ligne d'arbres qu'on devinait confusément à l'horizon, sur la droite, le ventre pléthorique d'un « draken-ballon » boche. Dans l'air lourd, la gorge puissante des canons jetait dans cette nuit terrible de l'invisible et implacable bataille ses hoquets de mort. Au loin brillaient quelques faibles lumières. — Allons, du courage ! On arrive, on y est presque Les maisons de la route apparurent enfin, basses et trapues, sous les arbres. Les admirables Sœurs de Charité les aperçurent. Une de celles qui formaient l'extrême-pointe cria: — Voilà Aubigny ! Voilà Aubigny 1 C'était le port, c'était le salut, la gare libératrice, le train qui file au loin, hors des combats. Fini, l'exode ! SINCLAIR. Toutes se signèrent. Leurs aveugles étaient sauvés
! disaient-ils. ?
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[Echo de Paris, 23 juin 1915.]
La mort d'un soldat breton. Durant la nuit qui suivit la terrible attaque du 16 juin, je me trouvai seul, par une obscurité profonde, au milieu d'un carrefour de tranchées récemment conquises, en compagnie de trois mourants. Deux n'avaient déjà presque plus la force de parler. Quand je me tournai vers le troisième, j'entendis ses lèvres qui remuaient. C'est l'aumônier, petit. Quelle chance ! Justement je priais. Je souffre tant ! Je voudrais trop mourir. Est-ce que c'est un péché, dites P Quel genre de blessé avais-je devant moi Vite, un coup de lampe électrique, rapide, pour ne pas nous faire repérer, en formant abatjour avec la paume de la main. Pauvre ami ! cen'était plusqu'un
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tronçon d'homme. Une jambe était partie, l'autre pendait, paquet de drap sanglant et terreux enveloppant des os broyés. Sous le même éclair, j'avais regarde le nom ; c'était un de ces noms bretons dont la sonorité rappelle trop le mot d'Armor pour qu'on les oublie jamais. Le cher enfant avait remarqué mon examen. — Monsieur l'Aumônier, croyez-vous que je puisse vivre ? — Mon petit, tu sais, moi je ne suis pas médecin, mais s'ilfallait mourir, cela t'ennuierait-il ? — Oh ! non, au contraire. , — Tu iras voir le bon Dieu. Il y eut un silence. Comme ça ? Tout de suite ? Oh ! non. Et pourquoi pas ? Oh ! Monsieur l'Aumônier, je ne le mérite pas. Comment n'as-tu pas fait ton devoir ? — Si, si, autant que j'ai pu, mais comme les autres, pas mieux ! les acceptes Et maintenant, tes souffrances, est-ce que Oh ! oui, toutes. Pour l'expiation de tes fautes ?
--- ? -• --Pour —
Oui.
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Pour la France Oui, pour la France. — tes parents? — Oui, pour tous. Notre-Seigneur ? de souffrances En union aux — Oh1oui. Et en disant cela, de quel cœur il pressait sur ses lèvres le crucifix que je lui tendais Mais alors, mon petit, pourquoi ne veux-tu pas aller au ciel tout droit ? Si vite ! Je ne croyais pas qu'on pouvait. — Je ne sais pas Alors, peut-être dans quelques minutes
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— Peut-être. — Oh ! que je suis content ! Et, pour endormir sa souffrance, il se remit à prier, tandis que je procédais sur ses chers membres meurtris aux suprêmes onctions. En de pareils moments, je ne sais quel désir vous prend qu'un obus vienne et vous broie, afin d'accompagner celui que l'on console. Il semble qu'accroché à une âme aussi belle, on monterait plus vite et plus droit. Illusion peut-être là surtout, il faudrait être digne. G. GUITTON, aumônier militaire.
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[Etudes. 20 févr. 1916.]
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La bataille d'Hébuterne 4feéb L'enlèvement du saillant de Quennevières. (5-9juin1915.) Récit officiel. Entre l'Oise et l'Aisne, à l'Est de la région vallonnée que couvre la forêt de Laigue, se déploie un vaste plateau, compartimenté par le cours raviné des ruisseaux qui descendent vers l'Aisne. C'est un pays de grande culture, d'un vaste horizon. Quelques boqueteaux marquent l'emplacement des fermes (Ecafaut, Quennevières, Touvent, les Loges), grands bâtiments entourés de vieux arbres. Les tranchées sillonnent le plateau, striant de raies brunes les champs où le blé et l'avoine ont poussé à l'aventure dans les chaumes de l'an dernier. Ecafaut et Quennevières sont dans nos lignes. Les Loges et Touvent sont à l'ennemi. Le plateau est incliné en pente légère de l'Ouest vers l'Est. Devant la ferme de Quennevières, le front allemand formait un saillant à la pointe duquel était organisé une sorte de fortin, tandis que des ouvrages de flanquement protégeaient les deux extrémités. La première ligne était renforcée à très courte distance d'une seconde, et sur certains points même d'une troisième. A la corde de l'arc formé par le saillant, une tranchée en crémaillère constituait le deuxième front de défense. Toute cette organisation très puissante a été prise d'assaut le 6 juin. C'est donc l'ensemble du système défensif ennemi, sur un front d'environ 1 200 mètres, qui est tombé entre nos mains. Les premières pièces d'artillerie allemande se trouvaient immédiatement en arrière, à hauteur d'un ravin qui descendvers Touvent. La préparation d'artillerie. — L'attaque fut précédée d'un bombardement méthodique de la position. Nos tirs se poursuivirent pendant toute la journée du 5 juin, coupés de longs intervalles, repris ensuite par rafales défenses accessoires avaient été bouleviolentes. A la fin de la journée, versées et brisées. Pendant la nuit, le tir fut lent mais continu et accompagné de feux de mousqueterie et du jet de torpilles aérienne, de façon à interdire à l'ennemi tout travail de remise en état. Le 6 juin, de 5 heures à 9 heures, le bombardement reprit avec une plus grande intensité. Puis il se fit un grand silence jusqu'à 9 h. 45. A ce moment, des rafales courtes mais d'une extrême violence se succédèrent à des intervalles très rapprochés. Un fourneau de mine, préparé sous le fortin, fit explosion. A10 h. 15, l'infanterie sortit des tranchées. Les effets du bombardement. — L'ennemi, à ce moment, avait déjà beaucoup souffert. Le front de Quennevières était tenu par quatre compagnies du 80e régi-
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ment, composé d'hommes des villes hanséatiques et de Prussiens du Schleswig. Dès le 5, en prévision d'une attaque, les compagnies de soutien placées dans le ravin de Touvent avaient renforcé la garnison des tranchées et deux compagnies de réserve étaient venues prendre leur place. Les deux bataillons qui se trouvaient ainsi au complet en ligne avaient subi, par le bombardement, de grosses pertes. Sous le feu de notre artillerie, les Allemands s'étaient terrés, par groupe de quatre, six ou dix, dans leurs abris souterrains. Mais nos gros obus avaient défoncé la couverture de plusieurs de ces trous, tuant ou ensevelissant les hommes. Les guetteurs eux-mêmes s'étaient cachés. L'artillerie avait à peine allongé son tir qu'ils virent surgir au-dessus du parapet nos troupiers.
L'assaut. — L'assaut fut donné par quatre bataillons, zouaves, tirailleurs et Bretons. Les hommes étaient sans havresac, ayant chacun trois jours de vivres, 250 cartouches, 2 grenades à main et I sac à terre qui, promptement rempli, devait leur fournir un premier abri dans les tranchées prises et retournées contre l'adversaire. Chaque bataillon avait deux compagnies de première ligne, ayant ordre de pousser au delà des premières tranchées. La seconde vague était chargée du nettoyage de la ligne conquise. A l'heure fixée, les premières compagnies furent dehors. 150 à 200 mètres les séparaient de la tranchée ennemie. Les baïonnettes brillaient au soleil on vit toute la ligne d'un même mouvement s'avancer. L'artillerie allemande, rapidement alertée, s'était mise à battre le terrain. L'infanterie, au contraire, fut surprise. Quelques coups de fusil furent tirés presque à bout portant sur nos soldats au moment où ils abordaient la tranchée. Un officier de zouaves tomba frappé ainsi il ne poussa qu'un cri : « Vive la France ! » L'on entendit pendant quelques instants le bruit sec d'une mitrailleuse, mais les mitrailleurs n'avaient plus le sang-froid de pointer ils tiraient en l'air. La première vague submergea la tranchée. La mitrailleuse se tut. L'attaque avait été déclanchée à 10 h. 15. A 10 h. 40, les premiers prisonniers arrivaient au poste de commandement du général de division. Un feldwebel, interrogé sur les pertes de l'ennemi, ne put que répéter, avec un Bayonett œil agrandi d'épouvante » « Bayonett
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Les pertes ennemies.
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Le « nettoyage » prescrit fut rapide et complet. 25O prisonniers représentent les uniques survivants des deux bataillons du 86e. Les compagnies de soutien du ravin s'étaient portées en avant au moment de l'attaque, mais elles tombèrent sous le feu de notre 75 et en quelques instants furent décimées et dispersées. Quelques hommes, cachés dans des trous ou derrière des buissons, se rendirent dans la journée ou dans la nuit. Les compagnies ayant un effectif de 230 à 250 hommes, près de 2000 hommes ont été ainsi, en quelques instante définitivement mis hors de combat.
Les canons. — Les zouaves, dépassant la deuxième ligne, s'élancèrent vers le ravin de Touvent. Des patrouilles les précédaient. Tout d'un coup, dans un champ de luzerne, on vit les patrouilleurs vaciller et tomber. Il y eut parmi ceux qui les suivaient un instant d'hésitation. Cependant, aucun coup de feu n'avait été tiré. il reconnut, caché dans le champ, Le chef de bataillon courut en avant un réseau de fil de fer qui protégeait à quelques mètres plus loin un ouvrage garni de trois canons. Tandis que les hommes tombés se relevaient, il franchit rapidement les fils de fer et, grimpant sur une pièce, il appela à lui ses zouaves. leur abri. C'est là qu'ils furent pris. Les servants s'étaient tapis dans On y trouva également un officier d'artillerie couché, en chemise et en caleçon, à qui l'on remit un pantalon de treillis et une veste, et qui fut, dans cet équipage, renvoyé sur l'arrière.
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L'organisation de la position. — Le commandement s'était aussitôt préoccupé d'organiser la position conquise. Grâce à des têtes de sape déjà poussées avant l'attaque dans la direction des postes d'écoute allemands, la nouvelle ligne était immédiatement reliée à notre ancienne position par des boyaux. Des équipes de sapeurs aux deux extrémités du saillant mettaient en état de défense, avec des sacs à terre, les barrages au point de souduro des deux lignes, où le contact était immédiat. Les canons de 77 ayant été mis hors d'usage, les éléments qui avaient dépassé la deuxième ligne y étaient ramenés, et notre nouveau front de défense était aussitôt garni de mitrailleuses. Les contre-attaques. — L'ennemi, qui toutd'abord n'avait réagi qu'avec son artillerie, lança bientôt, avec ses réserves locales rapidement alarmées,
une contre-attaque mal préparée et follement téméraire. Les troupes se déployèrent en terrain découvert. Sous le feu de nos mitrailleuses et du 75, les lignes de tirailleurs tourbillonnèrent, se brisèrent et fondirent en quelques instants. Quelques officiers vinrent braveils ne furent pas suivis. ment se faire tuer devant la tranchée Nos aviateurs avaient signalé l'arrivée de nouveaux renforts deux bataillons amenés de Roye en autobus. Ces troupes attaquèrent au cours de la nuit, à huit reprises, et furent chaque fois arrêtées par nos tirs de barrage ou nos feux d'infanterie. Au matin, renonçant à l'attaque de front, l'ennemi chercha à progresser aux deux extrémités du saillant par les boyaux. Mais écrasés soua une pluie de grenades, les Allemands s'épuisèrent. Leur attaque mollit, puis cessa. La fin de la journée du 7 fut calme.
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Le bilan. — Nous avons compté sur le terrain des contre-attaques environ 2000 cadavres. Les pertes totales de l'ennemi en tués dépassent donc certainement 3 000 hommes, à quoi s'ajoutent les blessés. Nous avons eu de notre côté 250 tués et 1 500 blessés, presque tous atteints légèrement par éclat d'obus. Les blessures par balles sont très peu
nombreuses. Notre butin comprend vingt mitrailleuses et un très important matériel de tranchées (boucliers, téléphones, cartouches et grenades, jumelles binoculaires).
d'honneur. — Le 9 juin, le général commandant l'armée à remis au commandant des bataillons d'assaut la croix de guerre décernée à ces unités, citées chacune à l'ordre de l'armée. Dans une clairière, les compagnies déléguées à cette cérémonie formaient un grand quadrilatère lignes bleu de ciel des fantassins, lignes kaki Le tableau
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des troupes d'Afrique. La canonnade incessante ponctuait les paroles du général qui exprimait à tous sa satisfaction et sa reconnaissance. L'un des bataillons cités à l'ordre de l'armée appartient au régiment de Palestro, celui sur les contrôles duquel le roi Victor-Emmanuel III figure aujourd'hui, ainsi que jadis son illustre aïeul, avec le grade de caporal. Le régiment allemand n° 85, auquel l'affaire de Quennevières coûté la perte totale de deux bataillons, porte le nom de : « Fusilier Régiment Kœnigin ». Sonchef est l'impératrice d'Allemagne, reine de Prusse. [Journal Officiel, 11 juin 1915.]
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La prise des tranchées de Touvent. (7-10
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juin 1915.)
Récit officiel.
Une double ligne de tranchées sur un front de I 800 mètres, dont le contour atteint un développement de 2 500 mètres, telles sont lespositions allemandes qui, devant la ferme Touvent, entre Serre et Hébuterne, ont été conquises par nos troupes du 7 au 10 juin. Le gain en profondeur varie de 200 mètres à un kilomètre. La position. — La partie du plateau d'Artois où s'est déroulée cette action présente un paysage monotone de champs de blé et de betteraves, coupé çà et là de haies vires que jalonnent de grandsarbres. Les villages et les fermes sont entièrement cachés dans la verdure. De larges ondulations de
hauteur inégale restreignent l'horizon. Nous occupons Hébuterne. Les Allemands sont à Serre. Les deux villages se font face à 3 kilomètres l'un de l'autre, chacun au sommet d'une légère hauteur. Les tranchées allemandes se trouvaient à midistance en avant de la ferme Touvent dont les champs s'encadrent d'une rangée de grands arbres. des postes d'écoute Le système défensif allemand était très perfectionné formaient des avancées ; les boyaux de communication étaient sinueux et nombreux en avant était installé un réseau de fils de fer dense et large. Certaines parties des tranchées avaient été préalablement minées. De cette organisation si complète, travail de huit mois, nos soldats n'ont plus trouvé que les débris. Le mérite de cette destruction revient à la perfection de la préparation d'artillerie. Le réglage précis des tirs, l'emploi d'une artillerie lourde puissante, la consommation très large des munitions ont permis ce résultat : les fils de fer étaientarrachés, les tranchées et les boyaux plus ou moins comblés, l'entrée des abris souterrains bouchée. Les pertes ennemies. — La garnison de Çlel ouvrages était assurée par an régiment badois, le 170e.
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Cinq compagnies, d'un effectif moyen de 200 hommes, qui occupaient l'ouvrage, ont été entièrement mises hors de combat. Tué ou prisonnier, échappé. aucun homme Deux compagnies, qui se trouvaient en réserve (Je- secteur, ont été, elles aussi presque entièrement détruites au cours des. premières contre-attaques. Il est difficile d'évaluer les pertes des autres régiments qui ont participé aux contre-attaques suivantes. Deux bataillons du 99e régiment, ramenés précipitamment de la région d' Arras et lancés dans le combat sans sacs et sans vivres paraissent avoir beaucoup souffert. Le nombre des prisonniers faits jusqu'au Il juin atteint 580, dont 10 officiers. Les combats. — Les combats ont suivi les phases suivantes : le 7 juin, assaut sur un front de 1 200 mètres le 8, élargissement du gain vers ïe Nord et progression en profondeur le 9, extension des gains par un combat dans les boyaux le 10, prise-, de vive force, d'une nouvelle ligne d'un développement de 500 mètres au sud des positions déjà conquises. Les troupes qui ont mené ces diverses actions sont composées de Breelles ont été appuyées par des unités appartenant tons et de Vendéens au recrutement des Alpes. Elles ont toutes fait preuve d'un élan et d'une résistance dignes des meilleures traditions de l'infanterie française. L'assaut. — L'heure de l'assaut avait été fixée à 5 heures. Dès 3 heures dumatin, l'ennemi, alarmé par la préparation d'artillerie, et craignant d'être attaqué, avait ouvert sur nos tranchées un feu très violent. Nos batteries achevaient en même temps leur tir de préparation. Des nuages de fumée couvraient toutes les positions. Au milieu du vacarme des éclatements, sous cette pluie de fer, les troupes d'assaut demeuraient impassibles, dans les parallèles de départ, les commandants de compagnie, l'œil fixé sur leur montre. A 5 heures exactement, d'un même mouvement, sans une hésitation, toute la première ligne sortit et s'élança dans la fournaise. En dix minutes, elle avait dépassé les deux tranchées allemandes et parvenait au point fixé par le commandement où les officiers donnèrent aussitôt l'ordre de se retrancher. Les hommes étaient joyeux ils criaient « Vive la France », s'embrassaient ; quelques-uns ne voulaient pluss'arrêter et leurs chefs curent quelque peine à leur faire prendre la pelle. Dans les tranchées allemandes. — La deuxième vague avait pénétré dans les tranchées ou plus exactement dans ce qu'il en restait. Depuis la veille, les communications de ces tranchées avec l'arrièreavaient été coupées par notre artillerie ; les hommes n'avaient plus pu recevoir ni vivres ni munitions. Ils étaient blottis par petits groupes quelques-uns tirèrent on ou deux coups de fusil. Les autres levèrent les mains en criant et se précipitèrent à toutes jambes vers nos lignes où les troupes de soutien eurent la surprise de voir arriver à grande allure cette troupe confuse les mains en l'air, ils couraient en criant à tue-tête « Kamerad 1 Kamerad ! » Ceux qui avaient essayé d'opposer quelque résistance furent rapidement mis hors de combat ; chacun de nos hommes s'attachant à « son Boche » -
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Un troupier qui, depuis longtemps avait pu, à certains indices, repérer dans la tranchée allemande, en face de la sienne, l'abri d'un officier, avait dit àses camarades « Pour le jour de l'attaque, celui-là, je m'en charge. » Et, en effet, au jour dit, on Le vit foncer à toute vitesse vers l' « offizier unterstand » et en ramener le propriétaire. Dans les tranchées, on prit ou l'on déterra six mitrailleuses plus ou moins détériorées par notre bombardement, et un matériel nombreux. L'occupation de la position. — La position une fois conquise, il fallut la mettre en état rouvrir les boyaux comblés et aménager les abris. Tout ce travail de terrassement se fit avec une remarquable célérité. Les hommes se mirent à l'ouvrage sous le feu. L'ennemi, en effet, avait entrepris, comme il en a coutume, un bombardement systématique des tranchées perdues. Il y employa une artillerie de gros calibre (210 et 105). Sous les obus, nos soldats ne bronchèrent point, et cette impassibilité sous le feu n'est pas moins digne d'admiration que l'audace dans l'assaut. Un officier, retraçant avec émotion l'attitude de ses hommes, racontait — Les marmites tombaient et ils plaisantaient. Grâce à ce courage, fait de bonne humeur et de fidélité absolue au devoir, nous avons non seulement maintenu tous nos gains en repoussant des contre-attaques, mais nous les avons, par d'incessants combats, élargis en donnant à nos adversaires l'impression de la supériorité incontestable de notre infanterie. [Publié le 13 juin 1915
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Sous le bombardement boche.
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Lettre d'un religieux assomptioniste, soldat au 1408 d'infanterie Le 20 juin 1915. — Le 27 mai, vers les 2 heures du matin, nous étions relevés par les chasseurs à cheval et un régiment de formation récente. Deux jours de repos à 10 kilomètres du front le temps de prendre les vivres de réserve, les tampons contre les gaz asphyxiants, de s'équiper à neuf et de se munir de plus de 250 cartouches par homme. Et nous partons en auto-camions, plus au Nord, à Harfonville, où nous attendons dix jours le signal de l'attaque. Le 4 juin commence la sarabande d'artillerie. Nous avions
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organisé, dans une misérable église, une petite fête du Saint Sacrement avec quelques fleurs, nos meilleurs chants et toute la piété de nos braves soldats, nous arrivons à rendre un peu d'honneur à Jésus-Hostie. Pendant que Dieu nous bénit de l'ostensoir, le canon gronde et fait trembler les vitraux de l'église. L'émotion le danger est proche, on le sait. Cela fait remue tous les cœurs réfléchir et rapproche instinctivement de Dieu. Le soir, à 10 heures, départ pour la ligne, marche d'approche de 15 kilomètres qui nouséreinte. Arrivés le matin, à 2 Heures, il noustaut aussitôt occuper les tranchées de réserve, les places d'armes aménagées à l'arrière, sur
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toute la ligne d'attaque. Le bombardement s'accentue à l'aurore toutes les pièces donnent, et les Boches commencent à répondre. Nous sommes comme assommés, et nous nous endormons jusqu'à l'heure de l'assaut. A 7 heures, un coup de téléphone nous fait avancer de 500 mètres. C'est l'assaut qui commence là-haut, sur la hauteur de Touvent. Les gars bretons, vrais fils des Chouans. le mènent avec le plus bel entrain. Ils crient « Vive la France ! » Ils chantent comme à une fête. Des assaillants nous l'ont raconté. Passant par-dessus la tranchée boche, ils occupent la seconde, et, là, tiennent en joue les Badois du 170.. Pris entre deux feux et dans l'impossibilité d'opposer aucune résistance, tous les Boches, officiers et soldats, montent par-dessus leur tranchée, lèvent les bras et crient « Franzos, pas kapout ! » Sans coup férir et sans pertes, nous faisons près de 400 prisonniers. J'en ai vu passer 104, presque tous très jeunes, se portant très bien. Peu de blessés. Quelques-uns témoignaient par des gestes cocasses leur joie d'être délivrés de notre artillerie. Sur nos places d'armes, les marmites commencent à pleuvoir sérieusement. On se terre dans nos trous de taupe, on se recroqueville le plus possible pour donner moins de prise aux éclats de mitraille. Les blessés commencent à affluer aux postes de secours. A mesure que l'action se développe, les blessures s'aggravent, l'artillerie boche précise son tir et fait donner toutes les grosses pièces. Nous grillons dans nos trous, exténués de faim et de soif. Il faut attendre II heures de la nuit pour se ravitailler. On boit un peu de soupie, un quart de « jus », on grignote une croûte de pain, à la lueur des éclatements d'obus, et l'on s'endort jusqu'à 2 heures. Nous devons monter en deuxième ligne, à l'emplacement de la tranchée boche la plus avancée. Deux compagnies du bataillon sont chargées de creuser une tranchée pour élargir nos positions et parer à une attaque de flanc. La marche est longue et pénible, à travers les boyaux encombrés de blessés, de morts, de « poilus qui vont se ravitailler en eau. Nous stationnons dans une place d'armes une heure, et nous y perdons une quinzaine d'hommes, tués ou blessés. Tous nos mouvements sont repérés par la saucisse boche qui se balance au-dessus de Puisieux.
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Enfin, après quatre heures de marche et de contre-marches, nous arrivons en première ligne. Rien pour s'abriter. Les « poilus se couchent à plat ventre dans un boqueteau et sur une petite hauteur. Ils creusent à la dérobée des trous pour abriter leurs têtes, attendant la nuit pour les convertir en tranchée. Le commandant et sa liaison se cachent dans un trou de 2 m. 20. Quand une marmite approché, on se plaquecontre le sol, le sac sur la tête, se croyant suffisamment
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garanti. Mais il en tombe tellement qu'à la fin on ne prend plus la peine de s'abriter. C'est l'abandon complet à la volonté de Dieu ; s'il nous veut blessé ou tué, qu'il soit obéi. Le- sergent qui est à côté de moi a comme abri une toile de tente. Les blessés et les morts abondent. On entend leurs cris au milieu de la fumée noire des 210 et des 105. Les brancardiers sautent pardessus les tranchées et les emportent à travers champs. Ils sont admirables de dévouement et de témérité. Nous attendons là, dans notre trou, jusqu'au lendemain à 4 heures du soir, sans boire ni manger. Un petit orage éclate vers le soir. Nous enlevons nos képis pour nous rafraîchir un peu et nous recueillons l'eau toute boueuse dans le pli de nos caoutchoucs ou de nos
toiles de tente. Dans un espace de 200 mètres carrés, l'artillerie boche nous a tué ou blessé, en un seul jour, plus de 70 hommes. Au fond, les « poilus » ne demandent pas mieux que de se battre, de marcher de l'avant et d'aller à l'assaut. Quand la préparationd'artillerie est bonne, c'est une fête. Après deux jours de demi-repos dans les places d'armes de l'arrière, notre bataillon tout - entier remonta en deuxième ligne, à l'extrême-gauche des positions conquises. Les anciennes tranchées boches étaient déjà mieux organisées, mais l'artillerie nous prenait de trois côtés sur les deux flancs et de face. Impossible de remuer une pelletée de terre sans entendre aussitôt le « zim, pan » (le 77 ou le 105). C'est ainsi que presque toutes La liaison du commandant fut tuée ou blessée.
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Désirant occuper une ancienne « kania » boche, nous étions en train d'en nettoyer les abords quand un 105 fusant éclate juste audessus du groupe. Un agent de liaison est tué sur le coup, les deux autres blessés gravement le sergent adjoint Rozier, séminariste de Grenoble, a l'épaule emportée et le côté droit ouvert. Je suis précipité par le choc au fond de la kania, mais, grâces à Dieu, je n'ai aucune égratignure. Revenu de mon émotion, je me précipite au secours des blessée et dès mourants. Le pauvre sergent perd le sang à gros bouillons. Je lui demande s'il me reconnaît il me répond « Oui, oui, oui. » Je lui adresse quelques paroles de réconfort et lui donne l'absolution. Les brancardiers l'emportent et il meurt une heure après sur le brancard. Je perds en lui un excellent camarade qui me facilitait toutes choses pour la célébration de la messe, et qui contribua pour sa large part aux progrès religieux des hommes du 140e. Décoré de la médaille militaire pour sa belle conduite Chaulnes, il était connu et estimé de tous les anciens. Sa mort
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pressentait. de 6
est un deuil pournous, mais le repos définitif pour lui et la recompense. On aurait dit qu'il le partir au juin au soir,avant Voici ce qu'il écrivait le combat : J'attends la fusillade pourrevivre ces moments où les forces, le courage ee décuplent, où la vie se double et où on a du plaisir à marcher, après un instinctif élan d'amour vers Dieu, et sans un seul regard en arrière. Vive Dieu et vive la France !Si là doit s'arrêter mon existence,vive Dieu, et que maman forte et ne me pleure pas. J'aurai été l'élud'uneordination sublime et je serai prêtre -au ciel.
soît
Ses confrères de Grenoble étaient ordonnés ce
jour-là(i) Á!R-SÈNE
B.
[Communiqué à la Grande Guerre du XXe Siècle.]
Le combat de Touvent vu par un officier allemand. D'une lettre du sous-lieutenant Hellmann, fait prisonnier, à sa sœur Hopital .x., le 15 juin 1915. MA CHÈRE
SŒUR,
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que je t'écris c'est de la captiest juin. Une î}'(}I':IDidaible canonnade, les jours précédents, nous avait préparés à uneattaque. Le 6 juin, canonnande reprit et se prolongea trois heures de bonneheure, avec une intensité encore plus grande. J'étais assis en observation au sommet d'un arbre, tout près de ma batterie, Les obus sifflaient sans arrêt auprès de moi, arrachant, tour à tour, les petits rameaux et les grosses branches. Leposte était téméraire. Je faisais lecrâne dans observatoire rien, sans penser à la mort ni au danger. Et v'lan ! au cours de la troisièmeheure, un coup vigoureux dans la cuissegauche ! Un éclatd'obus venait de m'ouvrir une large blessure d'environ 10 centimètres de long sur de large. Ce n'est qu'à force d'énergie que je parvins descendre de l'ariare. A terre, jeperdis connaissance. Je fus aussitôt pansé. Quand à me transporter, il n'y fallait pas songer, à cause de la violence dubombardement. Je restai dôaac Qui l'aurait cru ? C'est de vité La chose arrivée le 1)
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(1) Le 9 octobre1914, le sergent Rozier, alors caporal, avait reçu la médaille militaire nov-191/1) ÏLONRCN (HTWTÏVI^, coporsil au ïlio* régiment d'infanterie : dans la journée du 25 septembre [1944],alors que m « Etant simple soldait, compagnie était assailliepar des forces supérieures et jitenaçatt de se désorganiser, su, par son calme et son sang-froid, retenir sa section, en a pria le commandement et fait exécuter des feux qui ont protégé la retraite du restant de sa «ompapnie.
(J.0.,8
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touché, revêtu seulement de mon linge de corps et de meS chaussettes dans un abri souterrain. Au bout de trois heures, le feu d'artillerie cessa. L'ennemi s'avança X l'assaut avec une supériorité écrasante. Il enfonça les lignes d'infanterie situées devant nous et eut vite fait de prendre possession de notre batterie. Le reste est silence. D'immenses tombeaux marqueront, un jour, la place du plus formidable des combats. Bien peu des nôtres, infiniment peu auront réussi à s'en réchapper, peutêtre personne C'est, sans doute, parce que j'étais blessé et désarmé que j'ai échappé à la mort et que je suis explicitement mentionné, dans le communiqué français du 6 ou du 7, comme unique officier fait prisonnier. « Un officier d'artillerie », pourras-tu lire dans co communiqué. Conserve-le-moi comme souvenir. 1
[Petit Parisien.]
Le récit du tirailleur. ELhemdooI&h 1 (Louanges à Dieu.)
En guirre. le houit joula.
Mon chire baba,
Ji vos assoure qui tos li jornals zami, quand même qu'c'est oune grande blaguor, y pourra vo dire xactement les sozes commenta sont passé, dans la ferme de M'siou Quannefières (Quennevières) et la molinde M'siou Soutouvent (Moulin-sous-Touvent). Ci quéque soze di plous fort que le plous fort ! Vos autres, mon chire pire, que tu es oune vio tiraillor di soixantediss, vous avi jamais pu entendre oune bataille comme cila. Fouguirez vos que nous sont tos, avic Brahim, Akli, l'cabral Bouchtita, J'sergean Kessera et tos les camarades, itcitira, itcitira, i avic nos otres la liothan Kourchef nous sont tos couchi dans la tranchi envancée, quant tôt à cop, sidi cap'taine, il vient en nos disant — Domen le matin, fire entention, li z'andizènes, fire bien entention ouvrez li zios et la bone, parce que nous sommes d'attaque. A dix hores, y faudra qu'tu me foutras ton baionnite dans totes les yentres de citte grande salopries di Boches ! Tos nous sont bien contents, parce que y en a assi qu'ti riste dans la tranchyète. Ji souis pas oune chacal, ou bien oune fourmi por qui ji reste dans la tirre. Et pouis, m'sieu Boche, y faire trop de zistoires. Tojors y mettre di bout di papiers, ousqu'y en a écrit qu'cite saleti d'Guillaume, ci Joui l'Soltane di Zarabes, qui faut, nos autres li tiraillors, aller chez li Boches N'al oualdk 1 (juron arabe). Et bien, mon chère baba, nous sommes tos foute l'camp chez li
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Boches, mais pas comme li Boches, y z'auroril voulu. Tu verras tôt à l'hore. Donc, tote la nouit, li canons y commence à fire boum ! boum ! et y tombent guedgued (juste) chez li Boches. A quand y vient 10 hores, l'sergean y crie : « Baionnitte dans l'canon J» Mon baba, j'vos assore que ji souis bien content. Mais quand même, mon cor y fire : toc, toc, toc. Ji pense à vos, à ta femme qu'il est la mire de ma pitite sor Fatma, à totes li moutons, li chivres, li borriquots qui sont avic vos autres. Ji pense que bititrëi (peut-être) j'vas fire guelbou (tomber) et qui ji voar plous tout çd. Tot à cop m'siou Canon il a fermé! son gueule. Alors kif-kif là gazelle, nous sont sorti d'la tranchiè. Nous sommes courus fiçàfiçà (très vite) et d'un cop nos sont sauti dans la dozienne ligne di Boches. la, baba 1 Ti voar votre fils 1 Ti voar li Zarabes 1 Y en a pas comme tiraillors por travailli avic l'baionnitte. L'zouaves y sont m'siou soldats grand cabote (soldats de la ligne) y sont bons bons l'sasseur d'Afrique il est bon mais ci l'tiraillor qu'il est le) mcillor. Tote la journée, j'enfonce, j'enfonce ma baionnitte dans tos les ventres. Ji pas tiri un cop d'la fousil. Un cop d'guernade, UEÏ. cop d'baionnitte tojors comme ça. Li zouaves, li grands cabotes y z'ont bien travaillé aussi. L'sabor d'Ugénie (sapeurs du génie) y z'ont vite fabriqui oune franchie dans li boyaux di Boches, ça fi ça quand li Boches y sont venus por, prendre place, y zont pris 'Asbah 1 (juron arabe). Houite fois y sont vinus li Boches, houite fois y sont partis. Pas los encore ! Si vo voyi a prisant citte champ d'bittrave 1 Ci trop dd trop 1 Plous que cent mille ou biène oune million di Boches y sonï crivi par tirre. Mais citte viande là y sente mauvais, kif-kie, VChichma (latrines). Li zouffici françi y sont bien corageux aussi. Ti voar, mon bire, j'en ai biene travailli. Ji croa qu'sidi générar y va m'flre cado dla médaille malatire. Cofiance, cofiance. Ci tout por citte fois. Ti rendre la riponsë tité d'souitè aveci l'babor (vapeur d'Marsille). Ton fils.
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Signé
KERBOUCHE,
soldat iiraillor en France sur le fronl. Madame Croix Bogë il m'envoie tojors di tabac, di bonbons. Y sont bienne gentilles. [Bulletin dea Armées,i3-ia juin 1915J
LA GUERRE EN ALSACR
^$
Le combat de
tyetzeral
(f5-22jr-iiin.1915.) BÉ.C1XOFFICIEL
Les opérations qui, dans la vallée de la Fechfc méridionale, nous ont resdus maîtres de Metzeraî et de S'oodettnach, ont étéremarquables à la fois par les eoBceptioBS mises en œuvœ et par l'exécution. Les alpins et bes bataillons, des regÙINnhlt, de ligne* à qui revient l'hoaneuf de ces succès* ont rivalisé d'audace et d'abniptioa : ces troupes CIIIŸ triomphé de toutes les difficultés qui leur étaient opposées. Le terratR. — Owand, après avoir franelft la frontière tracée ea 1871, on descend les pentes eht liehneefc vers l'Alsace, on aperçoit à ces pieds les profondes éekaneiures dia deux vallée» de Ja Feefet, qui se rejoignant à Munster,, eneadraint le grand massif de la forêt d'Argent (Stl'berwadd). Depuis le Hohneck jusqu'à Munster, les cimes s'échelonnent et s'abaissent, sommet nu et rocheux du petit Hohneck, croupes boisées du Gascheneykopf, du Sattelkopf, de Reichackerkopf, dont les derniers sapins dominent. Munster. Des pentes escarpées, descendent brusquement vers la Fecht méridionale, formée elle-même de deux branches qui se rejoignent à Metzeral l'une très étroite, coupée de prairies et de vergers, où se trouvent la village de Miftlaeh, Fusirte d.er Steisabrack, et APHentof, faobourg de Metzeral, est connue sous le nom de Grossthal ; Patrtrey orieatée du Sud aai Nord, est la Feeht de Saodersaek* Les deux vallées sont séparées par le massif du Schnepfearieth, large montagne couverte de forêts de sapins, coupées de quelques clairières la grande croupe boisée d'Anlass en forme l'avancée vers Metzeral. Les positiMtsœllemtmd>es:. — Au moment des attaques, nom tenions déjà les sommets les plus élevés l'AItmattt, le Siilatrker et le Schnepfeni-ietb. L'occupation de ce dernier sommet, réalisée après des. combats très durs, menés avec une grande obstination par - nos troupes, nous avait permis de progresser dans le Grossthal jusqu'au delà de Mittlach. Les Allemands, qui dans le Grossthal avaient fortifié les lisières de Steinabruck, restaient accrochés aux seuils qui. dominent immédiatement la vallée. Braunkopf, EiChwalde, cote 83o, et Winterhagel. Ils avaient réussi à en faire des positions que, de l'aveu des prisonniers, 11* croyaient inexpugnables. Pktsfeurs- lignes de tranchées s'échelonnaient sur chaque croupe elles étaient séparées entre elles par d'épais réseaux de fils de fer et communiquaient par une sorte de tunnel qui n'était pratipable qu'en rampant. Dans la troisième ligne étaient établis des blockhaus en épais troncs de
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cas
d'envahissement de la transapmB" permettontla résistance mêmeen chM. Plus en arrière se trouvaient des abris l'épreuve de l'artillerie lourde. Les flanquements de mitrailleusesétaient aménagés avec un soin parti8Jo, et culier. La disposition des trois bastions voisins Braunkopf, ,Eic.J¡.w.aJde, leur permettait de seprêter, en cas d'attaque, l'appui mutuel
à
cote
deleurs Jeu*d'écharpe. La préparation de l'attaque. — La préparationde l'attaque fut longue. Il fallut concentrer les troupes, assurer leurs ravitaillements de toutes sortes par delà la crête des Vosges. Plus de 32 kilomètres de chemins furent construits ou aménagés, et les transports quotidiens représentaient un poida d'environ i5o tonnes. 11 fallut également préparer le terrain et les attaques, creuser les places d'armes et lesparallèles de départ, pousser les boyaux et les sapessur des pentes rapides, nues, exposéesaux vues de l'ennemi on piochait la nuit, souvent sous le feu de l'artillerie et des mitrailleuses. L'assaut. —C'est le 15 juin, après une préparation violente et minutieuse
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que l'assaut est donné des deux côtés de la vallée. Xes bataillons de chasseurs avaientemmené leurs fanfares en première ligne. A l'heure dite, elles jouèrent la Sidi-Brahim et tous les alpins, montagnards de Savoie, du Dauphiné et duMassif Central, partent à l'attaque. Le bataillon de ligne qui attaquait la cote 83o —bataillon d'un régiment de l'Ain — fait jouer la Marseillaise avec un entrain que la grosse caisse est crevée. Elle revint sur le dos d'un prisonnier allemand dans le premier convoi que les musiciens accompagnèrent. Tandis que tous ces cuivres réveillent l'écho des valléesd'Alsace de -leur! rythmes français,mitrailleuses et canons allemands entrent enaction. L'élan de nos soldats n'est pas arrêté. Une grande partie des tranchées du Braunkopf tombe rapidement entre nos mains. A la cote 83o, les fantassins, perçant la ligne,dévalent sur les ;pentes, prenant à revers les tranchées, et ils font prisonniers deux compagnies. A l'Eichwalde et aux chaumes d'Anlass l'attaque eut un succès moins rapide. Dans le boqueteau de chênes, Eichwalde,après avoir enlevé deux lignes, les alpins se heurtèrent sous bois à un mur de pierres sèches garni de mitrailleuses. La section de tête vint s'y briser. Le corps d'un alpin fut Ntrouvé, deux jours après, cheval sur le mur crénelé il avait été frappé en le franchissant sous les yeux de l'ennemi. Sur l'Anlass, la lutte fut rapidement circonscrite autour d'un boyau ; on s'y battit avec acharnement à la grenade, mais sans réussir à progresser. L'attaque fut reprise le 16 juin, et nous rendit entièrement maîtres de Braunkopf. C'était le chemin ouvert vers -Metzeral et Après la prisede la cote 83o, l'encerclement de l'Eichwalde. Quelques mitrailleuses demeuraient dans le boqueteau de chênes pour en protéger l'évacuation. Le 17,nous y pénétrions chassant les derniers défenseurs. Mais les Allemands, restant 'à l'Anlass où notre attaque était toujours -mêlée, pouvaient de l'autre côté de la vallée Dattre les pentes du Braunkopf avec leurs mitrailleuses et arrêter ainsi notre progression.
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L'Anlass et le Winterhagel. — Tout l'effort se concentre Alors sur l'Anlass.
Renonçant
à attaquer par le chaume, nous reportons notrè action plus au Sud sur une partie des lignes où le déboisement réalisé par notre artillerie permet un réglage précis sur les positions ennemies. Le 18, une première tranchée est enlevée. Le 19, nouveaux progrès. Le 20 juin, la ligne allemande cède définitivement. Les alpins, qui avaient été soutenus par un bataillon d'un régiment de ligne, de recrutement vosgien, s'élançant dans les bois, font tomber toutes les défenses et descendent rapidement dans la vallée, capturant 6 officiers, 11 sous-officiers et 140 hommes. Une attaque dirigée en même temps au sud de l'Anlass contre la corne
du bois de Winterhagel est marquée par un incident tragique et émouvant. Un petit groupe de chasseurs qui avaient réussi à franchir les fils de fer ennemis tombe sous le feu d'une mitrailleuse de flanquement. Les chasseurs essayent avec leurs outils portatifs de se faire un abri. On entend les Allemands leur crier « Rendez-vous 1 » Pas un ne répond. La mitrailleuse fait son œuvre. Les corps de ces héros ont été retrouvés dans le bois, la face à terre, alignéts comme à la parade. -
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La prise de Metzeral. — Après la chute des bastions élevés, les attaques sont concentrées dans la vallée sur Metzeral. L'usine de Steinabruck avait été prise dans la nuit du 17 juin. Un bataillon était entré dans l'Altenhof dès le 18. Le 21, les chasseurs descendus de Braunkopf contournaient le village par le Nord et atteignaient la gare. Les Allemands, menacés d'être pris dans Metzeral, placèrent des mitrailleuses dans quelques maisons et préparèrent l'évacuation du village après y avoir mis le feu. Notre artillerie eut vite fait de démolir les maisons qui abritaient les mitrailleuses et dans les rues en flammes nos troupes pénétrèrent, les unes par le Nord, les autres par l'Ouest. Un chasseur, précédant ses camarades, poursuivait les Allemands jusqu'aux lisières est. Toute la nuit du 21 au 22, Metzeral brûla, tandis que la canonnade et le feu des mitrailleuses faisaient ragé. A la suite des Allemands, nous nous étions avancés à travers les vergers à l'est de Metzeral sur les crêtes dominant le village sur l'une d'elles, au faîte d'un petit kiosque, flottait un drapeau allemand qui fut rapidement arraché. La chute de Metzeral entraîna l'évacuation par l'ennemi du bois de Winterhagel, puis de Sondcrnach, où nous nous installions dans la nuit du 2I au 22, malgré le feu des mitrailleuses postées dans les bois de la rive droiLede la Fecht. La liaison fut établie entre les troupes descendant duSchnepfenrieth et celles qui avaient occupé Metzeral. Nous tenions ainsi toute la ligne de la Fecht à Sondernach. Le bilan. — Nous avions atteint notre objectif et fait prisonniers 20 officiers, 53 sous-officiers, 638 hommes. Les Allemands, qui avaient sur le front, au moment de l'attaque, sept bataillons, amenèrent successivement la valeur de dix nouveaux bataillons, dont les pertes, à en juger par les cadavres laissés sur le terrain, ont été çogsidérablea,
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Ces troupes appartenant à un bataillon des chasseurs de là garde, à dea régiments de réserve, 73*, 748, 78', 79', 189e, ont paru dans un bon état physique, mais moralement très déprimées par leur échec et terrorisées par les « diables bleus ». Les chasseurs ont été dignes de leur vieille réputation et les fantassins, qui venaient d'une région où ils gardaient les tranchées, déclaraient qu'ils -étaient heureux de se battre auprès d'eux. Dans ces,combats de bois, l'action du commandement est difficile, mais chaque soldat connaît son objectif. Il va droit son chemin et accomplit son personnel avec courage, conscience et habileté. « travail L'on vit au Braunkopf des hommes déplacer tranquillement sous le feu des chevaux de frise qui gênaient leur course. Ils appliquaient tous a la lettre les recommandations du commandant de l'attaque « Ne pensez aux camarades que pour les aider, jamais pour les attendre. Alignez-vous sur les fractions les plus avancées. » La valeur de tels hommes est la plus belle récompense des chefs qui leur
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donnent inlassablement l'exemple. Un capitaine, blessé mortellement à l'assaut du
juin à la tête de ses chasseurs, refusa les soins de son ordonnance ses chasseurs l'entendirent crier jusqu'à son dernier souffle « En avant ! Toujours en avant 1 /» [Journal OllicieZ,
17
juill.
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15
1915.]
Les chasseurs de l'Hilsenfirst (li-21 juin 1915.) RÉCIT OFFICIEL
rendant que se développaient les opérations qui ont amene l'occupation par nos troupes de Metzeral et de Sondernach, une autre action était engagée du 14 au ai juin au Sud de cette région dans le massif du Langenfeldkopf, où, par une série de combats brillants, nous nous rendions maîtres du som-
met de l'Hilsenfirst (1 270 mètres). Au cours de cette lutte se déroule un épisode héroïque. Une de nos compagnies, avant-garde de son bataillon, qui a fait brèche dans la première ligne allemande, se trouve séparée des compagnies suivantes par un retour offensif de l'ennemi. Elle réussit néanmoins, bien qu'entourée de toutes parts, à se maintenir sur le terrain conquis pendant quatre jours, au bout desquels elle est délivrée, renouvelant ainsi l'exploit historique des chasseurs de Sidi-Brahim. , La brèche. — Le 14 juin, à 15 h. 30, la 6e compagnie du 7e bataillon de chasseurs sort des tranchées de départ et se déploie rapidement dans une clairière face à l'objectif qui lui a été assigné. Elle est aussitôt soumise à un feu violent d'infanterie partant de la lisière du bois, d'où l'ennemi, debout et à genoux sur le parapet des tranchées, tire sans arrêt. Deux mitrailleuses allemandes entrent en même temps en action. Le peloton de tête de la compagnie s'arrête, se couche et ouvre un feu meurtrier sur les tireurs allemands qui disparaissent aussitôt. Les chasseuri se précipitent alors sur les tranchées allemandes et y pren.
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ment deux mitrailleuses. L'ennemi .«'enfuit À travers bois, vigoureusement poursuivi puis la compagnie s'arrête et, conformément aux ordres reçus, se fortifiesur place. Les patrouilles envoyées en avant font connaître au capitaine -que l'ennemi est en retraite et qu'on peut traverserses réseaux de fil de fer. Le renseignement est envoyé au chef de bataillon les chasseurs commencent à ouvrir une brèche dans le réseau. A ce moment, l'agent de liai: son envoyé en Arrière revient et rend compteque des patrouilles allemandes circulent derrière la compagnie les autres compagnies du fartailkm n'ont pas encore traversé clairière. Le capitaine donne l'ordre aussitôt à de fortes patrouilles de rétrograder en vue de rétablir la liaison. Au moment ces patrouilles parviennent aux tranchées si allègrement enlevées l'instant d'avant, elfes se heurtent à l'ennemi qui essaye d'y reprendre pied et de déménager les mitrailleuses. Attaqués avec décision et audace, les Allemands nous .abandonnent une mitrailleuse maisdes renforts nombreux leur parvienn-emt qui remontent rapidement le long des tranchées et barrent le passage nos patrouilles. La compagnie est cernée.- Il est 17 h. a5, le cercle s'est fermé. La 60 compagnie et deux sections de la If, en tout 5 officiers, dont un blessé, et 137 hommes, dont 24 blessés sont cernés. Sans perdre un instant, le capitaine délimite un carré sur les quatre faces duquel on creuse rapidement des tranchées. En arrière, au loin, on entend les clairons du bataillon sonner la charge, les fusils et les mitrailleuses crépiter puis, peu à peu, la fusillade s'apaise vers 20 heures, le calme s'établit complètement. Des deux patrouilles envoyées vers l'arrière, l'une est parvenue à passer, l'autre, vigoureusement ramenée, a eu deux hommes tués. Le juin', aupetit jour, les Allemands attaquent détachement. Malgré notre feu très nourri, ils avancent en colonnes par quatre ; l'instant paraît critique, mais au moment où la situation semble le plus inquiétamte, une rafale de 75 survenue à propos détruitcomplètement une des colonnes le reste tourbillonne et s'enfuit ; la lisière du bois est littéralement jonchée de
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cadavres allemands. Vers 19 heures, l'on voit encore poindre des partis allemands assez nombreux. Quelques patrouilles envoyées contre eux leur tuent une quinzaine d'hommes etsuffisent pour les disperser. La compagnie fait des prisonniers. — La nuit est venue, le capitaine fait reposer ses hommes par fractions le reste veille, le doigt sur la détcnle. Le 16, avant le jour, tout le monde est sur pied. Dès l'aube, un sous-lieutenant et quelques hommes surprennent m détachement composé d'une vingtaine d'Allemands ooœaïnandés par unsousofficier. Ils s'élancent sur eux le sous-officier et -deux hommes sonttués, deux grièvement blessés, trms faits prisonniers ; les autres s'enfuient à toutes jambes. Quelques instants plus tard, un brancardier, qui est aillé soignerun blessé à unecentaine de mètres sous bois, se trouve subitement nez à nez avec un Allemand. Bien que sans armes, il 3'empoigne immédiatement et le ramène dans le carré.
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La liaison est rétablie. — A 10 heures, le détachement parvient à communiquer par signaux avec le bataillon en langue provençale sont lancés des appels ; au-dessus des lignes allemandes, la conversation s'engage. La compagnie cernée apprend ainsi que le bataillon attaquera le soir l'ennemi
qui l'encercle en faisant précéder son attaque d'un copieux bombardement. Des abris solides sont alors construits pour tous dans la redoute quadrangulaire ; à l'heure convenue, le bombardement a lieu. Nos chasseurs, anxieux, entendent l'attaque- se déclaneher, puis la fusillade fait rage. puis s'espacer, puis s'éteindre. Ce n'est pas encore pour cette fois, mais no* chasseurs ont confiance. Vers 21 heures, nouvelle attaque. De nouveau, retentit au loin le refrain du bataillon, puis la charge sonnée par les clairons, la fusillade, les mitrailleuses, et puis, une fois encore, le silence. Le détachement conserve cependant son excellent moral ; mais le découquelques-uns délirent toute ragement commence à s'emparer des blessés la nuit. Pendant cette même nuit, les Allemands travaillent autour de la compagnie, dans un ravin à i5omètresenviron au-dessous d'elle, protégés par des tirailleurs qui montent peu à peu le long des pentes et deviennent très genants. La projection d'une quinzaine de grenades à main les refoule précipitamment.
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Le détachement s'organise. — La question des vivres est devenue délicate, depuis le matin. Les hommes sont rationnés une boîte de conserves
pour cinq, sans pain, ni biscuit. Le détachement a pu heureusement s'assurer de haute lutte la possession d'une source à environ i5o mètres da son carré de tranchées. Entre temps, les chasseurs ont eu le loisir de s'initier au maniement de la mitrailleuse allemande ; une équipe a été constituée sous la direction d'un sous-lieutenant un emplacement organisé pour la pièce à l'angle du carré, d'où elle peut flanquer le côté faible de la position. La redoute est devenue très forte tranchées profondes, postes d'écoute poussés très loin et protégés, reliés, par des boyaux. Une attaque par surprise de l'ennemi est devenue impossible. Les patrouilles circulent incessamment, conservant la supériorité sur l'enncrai ; elles le harcèlent sans cesse, lui enlèvent des sentinelles, s'enhardissent jusqu'à fouiller ses débris d'où elles rapportent quelques vivres et quantité de couvertures précieuses pour les blessés que la fraîcheur des nuits éprouve. Le I7 juin au matin, un essaim de patrouilles ennemies cherche à monter vers le quadrilatère dont nos chasseurs ont fait un réduit inexpugnable. La mitrailleuse tire une bande sur elles et leur tue plusieurs hommes. Ellea disparaissent. Plus tard, elles reviennent ; comme les grenades et les cartouches deviennent rares, nos « Diables bleus ont l'idée d'utiliser la raideur des pentes pour faire rouler sur elles des blocs de rochers préparé8 d'avance. Les patrouilles allemandes, dont plusieurs hommes sont écrasés, s'enfuient et ne reviennent plus. La délivrance. — Vers 10 heures, les communications par signaux sont rétablies avec le bataillon qui promet pour le soir un bombardement écra-
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sant. Mais il faut jouer serré, car l'investissement est devenu étroit. Le capitaine donne alors l'ordre de tirer deux fusées à chaque coin du carré pour permettre à l'artillerie de régler son tir le plus exactement possible. Le soir, le bombardement est déclanché. Sous la mitraille, le bois s'éclaircit à vue d'ceil les chasseurs voient passer près d'eux de nombreux groupes d'Allemands qui s'enfuient. Ils les saluent au passage par un feu sobre, mais précis chaque tireur abat son homme. Cependant, l'héroïque carré est battu en permanence par une grêle de pierres et d'éclats. La poussière et la fumée deviennent compactes et borriblements pénibles. Pourtant, grâce aux abris solides et surtout à la précisioD du tir de notre artillerie, aucun des nôtres n'est atteint. A 18 heures, notre artillerie allonge son tir ; et soudain une compagnie de secours débouche en trombe dans la petite clairière. Le détachement est délivré. Aussi calmes qu'à l'appel du temps de paix, nos officiers dressent rapidement le bilan de la lutte. Chose à peine croyable pendant ces quatre jours d'investissement, nos braves n'ont eu que deux tués et trois blessés. Le détachement n'a laissé aucun homme entre les mains de l'ennemi il a infligé à ce dernier des pertes sévères, fait 10 prisonniers, pris une mitrailleuse, plusieurs fusils et kooo cartouches dont il a montré qu'il savait se servir. Aussi le général commandant l'armée des Vosges, ancien chasseur luimême, décide-t-il qu'en souvenir de son attitude au cours de ces quatre journées la 6e compagnie du 7e bataillon de chasseurs prendra dorénavant le nom de « compagnie de Sidi-Brahim ». Ainsi se perpétuent, dans les troupes françaises, les glorieuses traditions du passé. [Journal Oftictel. 13 juill. 1915.]
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Sur le Braunkopf.
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Lettre d'un prêtre brancardier
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B.
:Vous avez sans doute lu fè nom été Alsace, le '19 juin 1915. — sur les communiqués officiels. Comme beaucoup, n'étant pas averti, vous avez dû lire ce nom avec quelque indifférence. Ah 1 pourtant, il s'est déroule là, sur ce mamelon, quelque chose d'épouvantable. Jamais de ma vie je n'ai assisté à pareil spectacle. bataillon de chasseurs alpins, soutenu par sa réserve avait Le pour mission de s'emparer de cette hauteur mamelonnée dominant le village de Metzeral. L'attaque fut préparée par un bombardement continu de quatre heures. Le 14 juin, de 1 heure à 5 heures du soir, notre artillerie lourde ne cessa d'arroser d'un ouragan de feu et de mitraille les élé-, —ments de tranchées dont on voulait se rendre maître. La montagne disparaissait sous les tourbillons de fumée et de poussière soulevés par les gros obus de io5, 120, 155 et 220. Toute la montagne était en feu on aurait dit que ce mamelon! «fiait secoué par une éruption Volcanique, C'était épouvantable.
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Pendant ce temps, les batteries ennemies, d'abord un peu surprises, ripostèrent vivement. Devinant une offensive de notre part, les Boches firent pleuvoir sur nos premières lignes un déluge d'obus. Soupçonnant que des renforts venaient appuyer les compagnies d'attaque, l'ennemi tira aussi sur les boyaux de communication. C'était là que le se trouvait. Nous eûmes un peu de mal. A 5 heures précises, nos braves Alpins s'élancèrent comme des lions sur les tranchées ennemies. Nous les vîmes partir une émo-, lion intense nous étreignait le cœur. Allaient-ils réussir ? Plusieurs tombaient, en leur course furibonde, bientôt nous les voyons se précipiter dans les tranchées. Dès ce moment, nous ne voyons plus rien. Nous entendions des coups de fusils échangés. Enfin, on nous dit que les positions étaient prises avec capture des défen-
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seurs.
Toute la nuit, nous charriâmes des blessés. L'évacuation était des plus difficiles. Il fallait suivre des boyaux de 2 kilomètres et plus de long. Nous ne pûmes tous les évacuer de nuit. Le jour, la circulation était impossible. Le matin, 16 juin, fut assez calme jusqu'à 10 ou 11 heures. A partir de ce moment, la grosse artillerie recommença ses tirs démoralisants. Les deux artilleries mélangèrent leurs grosses voix. La montagne était toute ébranlée par cette pluie de mitraille. Que 1 A de tonnes d'acier a reçues ce petit mamelon de un moment, il y eut un peu de désarroi notre artillerie lourde tapa si près des nôtres que plusieurs faillirent être enterrés. Mais l'ordre revint bientôt et ma compagnie chargea elle bondit vers les lignes ennemies. Un grand nombre de défenseurs se constituèrent prisonniers. A la vue de nos diables bleus, nos adversaires criaient : Kamerades^ Kamerades Ils se mettaient à genoux pour mieux les attendrir. Ils jetaient à terre armes et équipements. Nous avons réussi à nous emparer de tout le B.., mais au prix de quelles pertes, mon Dieu 1 Le soir, je visitais ce champ de bataille. Quel spectacle 1 Tout le sol est bouleversé on ne reconnaissait plus les tranchées les corps gisaient, déchiquetés, plusieurs râlaient encore. Toute la nuit, nous ramassâmes des blessés. On entendait partout « Brancardiers ! Brancardiers ! » Le bataillon a été particulièrement éprouvé un lieutenant prêtre a été tué et deux séminaristes sergents ont eu le même sort. Le a moins souffert, mais ma compagnie a des pertes nombreuses & déplorer. de— Jamais, nous a dit le .8, qui avait pris part à tous les combats, la Marne et de Belgique, nous n'avons assisté à un pareil bom-,
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bardement 1
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Moi-même, j'ai risqué plusieurs fois la mort, mais je m'en suis
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tiré. Je vous avoue que je n'ai jamais eu peur. La Sainte Vierge ma encore protégé. Arrive ce que Dieu voudra il sait où je suis. [Sm. rel. Viviers, 9 Jnill. 1915.] Le chasseur aux grenades. -
D'un récit d'une contre-attaque allemande à Metzeral, le 3o juin 1915 : Il y a, tout au bout de la ligne, à l'extrême droite allemande, quelques Français — trois, je crois — qui ont bien entendu la sonnerie, mais qui ne peuvent, et pour cause, rejoindre leurs camarades partis pour la charge. C'est que ces trois braves sont fort occupés. Ils contiennent seuls-une bande boche qui, on ne sait trop comment, a pu parvenir jusque-là. Un d'eux est à califourchon sur un mur. Les autres, invisibles pour les Boches, lui font passer des grenades qu'il lance au fur et à mesure dans la masse ennemie. La main du poilu est sûre. Chaque coup porte. Bras nus, vareuse déboutonnée, il continue avec une tranquille audace. La sueur inonde son visage. Revolver au point, un officier allemand qui, jusque-là, s'était tenu a l'arrière, s'avance vers le courageux chasseur. Il lève son arme. n va tirer. Il n'en a pas le temps. Une grenade en pleine poitrine abat son corps tout déchiqueté sur ceux de ses soldats. Encore quelques gestes adroits de notre vaillant grenadier et plus un seul ennemi n'est debout dans ce coin. A lui seul, notre héros avait accompli ce prodige durant que ses camarades, là-bas, s'emparaient, sans coup férir, de la fameuse tranchée de laquelle, vingt minutes auparavant, les trois bataillons ennemis s'étaient élancés. Je dois ajouter que notre poilu aux grenades — un réserviste, père de famille — reçut la médaille militaire et les galons de caporal, en attendant, selon toutevraisemblance, sa citation prochaine à l'ordre de l'armée. [Petit Parisien.
25
Juill. 1915.]
Un combat à Metzeral.
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Un prêtre brancardier du Berry nous écrit Nous avons été à la « danse du côté de Metzeral. Mon bataillon
» tués, blessés
hommes en et disparus. C'est dire que a perdu les brancardiers ont eu de rudes corvées, surtout en pays de montagnes où il faut transporter les blessés à 3 ou 4 kilomètres par tous les chemins. Vous ne savez pas ce qu'est un combat. Il faut y assister pour s'en faire une juste idée. Voici le dernier auquel je pris part. Il commença bien avant la ligne de feu. Tandis que notre artil-
lerie « marmite » les tranchées boches, nous avançons dans les boyaux. Mais l'ennemi, qui flaire notre arrivée, fait pleuvoir des obus de tout calibre. Fréquemment alors, nous faisons la « carapace », ce qui signifie, pour le profane, s'aplatir au fond du boyau pour laisser passer l'avalanche. Malgré la rafale, nous avançons toujours, quasi en rampant, et nous arrivons, sans trop de mal, v près des tranchées ennémies. Sur mon passage cependant, un pauvre bougre râlait, le crâne ouvert : je lui donnai l'absolution. Un autre était blessé à l'oreille par un shrapnell qui, heureusement, avait glissé sur la calotte d'acier qu'il portait sous le képi. A ce moment, nos 220 font rage et criblent les tranchées en face : puis tout à coup, dans chaque compagnie, le clairon sonne la charge, les hommes se précipitent, escaladent les fils de fer, les fusils foncent sur l'ennemi avec un acharnement incroyable crépitent, les baïonnettes brillent. On en vient aux mains, le sang roule. Rien n'est terrifiant comme cette ruée humaine. Cependant, les nôtres ont le dessus, ils sont superbes de vaillance et ne craignent pas la mort. Ils ont envahi les tranchées où les Boches lèvent les bras et se rendent. C'était le succès quand une nouvelle rafale arrive qui tombe, hélas I sur les nôtres, et leur fait perdre le gain de la journée. Combien, le soir, parmi les survivants, ont dû remercier dans leurs coeurs le Dieu qu'invoquent à mains jointes leurs femmes et leurs enfants
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1.
[Croix de l'Indre, 25 juill. 1915.]
Un aumônier de chasseurs inscrit au livre d'or de l'armée. (Jean-Marie), aumônier volontaire au chasseurs alpins DELÉGLISE
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138
bataillon de
D'un dévouement absolu, exerçantses fonctions avec un tact et une intel-
ligence au-dessus de tout éloge, apprenant à ses hommes le plus profond mépris de la mort, et montrant la même indifférence complète du danger; à l'assaut du 14 juin [1915], a suivi la colonne, donnant à tous le meilleur réconfort frappé à son tour, en portant un blessé sur ses épaules, s'est relevé pour continuer sa marche avec son glorieux far-w ckau; a été tué presque aussitôt d'une balle en plein front. [11 Juill. ; J. o., 5 sept. 1915.] L'aumônier volontaire Deléglise, des Pères Oblats de Marie-Immaculée, originaire de Saint-Jean de Maurienne, était avant la guerre missionnaire au Canada. Mobilisé comme simple soldat, il avait fait d'abord le coup de feu ; nommé caporal au 297e régiment d'infanterie, il fut, dans la suite, affecté comme aumônier au 138 bataillon de chasseurs alpins à la demande du colonel commandant ce bataillon. D fut tué lors de l'attaque de l'Hilsenfirst (Alsace), le 14 juin 1915,
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LA LUTTE AERIENN (Juin1915.)
Quelques exploits des aviateurs alliés
# 1
Vingt-neuf avions français ont bombardé jeudi matin (3 juin 1915), entre 4 et 5 heures, le quartier général du kronprinz impérial. Ils ont lancé 178 obus dont beaucoup ont atteint le but, et plusieurs milliers de fléchettes. Tous les appareils ont été fortement canonnés, mais tous sont rentrés indemnes. IBuUetin des Armées. 3-5 juin 1915.]
juin, à
matin, les aviateurs anglais Wilson et Mills ont attaqué le hangar de*dirigeables d'Ever, près de Bruxelles. Des bombes ont été jetées sur le hangar qui a été incendié. On ignore si le hangar - renfermait un zeppelin,mais les flammes ont atteint une grande hauteur, sortantaux deux extrémités du hangar. Les deux aviateurs sont revenus sains et saufs. Un zeppelin a opéré, dans la nuit du 6 au 7, un raid sur la côte est _de l'Angleterre, jetant des bombes incendiaires qui ont causé deux incendies, ont tué cinq personnes et en ont blessé quarante. - - [Bulletin des Armées, 6-9 juin 1915.] -
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Un avion ennemi ayant survolé nos lignes vers Aspach (Alsace), un de nos sergents aviateurs prend aussitôt son vol, le rejoint dans les nuages et entame la lutte à 3 200 mètres. L'adversaire riposte avec une mitrailleuse et atteint le moteur. Le sergent survole l'adversaire et tire trois bandes-chargeurs. A la troisième, il voit le pilote ennemi lever les bras en l'air et l'avion tomber comme une pierre. L'avion ennemi est-tombé dans nos lignes au sud-ouest de Willer, dans les bois. Quant l'avion français, il est rentré avec une hélice perforée, un cylindre traversé, la tôle arrière du moteur criblée d'éclats, la toile des ailes déchirée par des balles explosibles ; le pilote n'avait qu'une légère éraflure coude. --[Bulletin des Armées, 20-23. juin 1915.]
à
au
Un leppelin abattu par le -lieutenant\\?arneford.
juin 1915.) Communiqué officiel. (7
,
Lundi, à
heures du matin, le sous-lieutenant ayialéuïanglais iWarneford a attaqué, à 6ooo pieds de hauteur, un zeppelin entre Gand et Bruxelles. 3
L'aviateur jeta six bombes sur le zeppelin qui, atteint, ne tarda pas à exploser et à tomber sur le sol, où il brûla. L'incendie dura un temps très considérable. La force de l'explosion fut telle qu'elle fit capoter le.monoplan Morane monté par l'aviateur anglais. Le pilote réussit à redresser sa machine. Il fut obligé d'atterrir en territoire ennemi. Il put cependant remettre son moteur en marche et il revint sain et sauf à son point de départ. Les 28 hommes de l'équipage du zeppelin ont été tui$s. Le sous-lieutenant Warneford, qui est le premier aviateur ayant détruit un zeppelin, avait reçu son brevet de pilote il y a trois mois seulement. Il est de nationalité canadienne et s'entraîna à la station navale aérienne de Hendon, sous la direction du commandant Porte. Il prit sa première leçon le 21 février. Il passa ensuite à la Central Flying School, dans la plaine de Salisbury. Il reçut son brevet à Eastchurch le 15 mars [1915], et fit ensuite partie d'une escadrille en France à laquelle il appartient depuis un mois. [Bulletin des Armées,
6-9
juin
1915.]
Récit du Vainqueur. Nous avons dit que le ministre de la Guerre, M. Millerand, avait remis la croix de la Légion d'honneur au lieutenant aviateur Warneford, de l'armée britannique, qui, dernièrement, survolant la Belgique à grande hauteur, rencontra un zeppelin armé de mitrailleuses, descendit à 3o mètres du ballon et le fit exploser à coups
de bombes. On sait que l'appareil du lieutenant Warneford fut renversé et que l'officier dut atterrir. Un de ses réservoirs étant troué, il en transyasa l'essence dans le second et reprit son vol sous les balles des soldats ennemis accourus sur ces entrefaites. Il était resté à terre pendant trente-cinq minutes. A son retour, il a fait le récit suivant de son expédition. lXu milieu de la nuit de dimanche à lundi, trois aviateurs étaient partis pour aller se livrer à une reconnaissance en Belgique, avec l'intention de détruire les hangars à dirigeables dont l'emplacement 'était connu. L'escadrille était formée des lieutenants aviateurs J.-P. Wilson, cr.-S. Mills, et du sous-lieutenant Warneford. Vers h. 3o du matin, 2 les trois aviateurs arrivaient aux environs dé Bruxelles et ne tardaient pas à repérer le hangar où devait se trouver un zeppelin, à Ever. Les lieutenants Mills et Wilson descendirent à bonne hauteur, de façon à ne pas manquer leur but. Une quinzaine de bombes furent alors lâchées, provoquant la productioq d'une flamme gigantesque
qui s'éleva de la toiture du hangar. Cet exploit accompli, les deux lieutenants reprirent la voie de l'air pour rentrer à la station d'aviation, laissant le sous-lieutenant Warneford poursuivre sa reconnaissance, Vera 3 heures du matin, celui-ci crut apercevoir au loin la silhouette d'un zeppelin entre Gand et Bruxelles. L'aviateur seporta à sa rencontre en prenant le plus de hauteur possible. Il réussitdans sa manoeuvre, descendit à une trentaine de mètres au-dessus du zeppelin et lâcha six bombes. La sixième éclata en pjein sur le dirigeable. Une formidable explosion se produisit, provoquant un tel déplacement atmosphérique que le biplan anglais fut retourné complètement. L'aviateur boucla la boucle à son insu, mais il parvint par bonheur à redresser son appareil et à reprendre de la hauteur. Il vit le zeppelin gisant sur une toiture où il achevait de se consumer. La hauteur de la chute et sa violence donnaient la certitude que l'équipage avait été tué du même coup. Cette certitude acquise, l'aviateur reprit le chemin de la côte et atterrit au cap Gris-Nez, après être passé aularge de Dunkerque et de Calais.
[Bulletin des Armées,
13-16
juin
1915.]
Mort dulieutenant Warneford. (17
juin 1915.)
C'est le jeudi 17 juin 1915 que le lieutenant-aviateur Warneford s'est tué dans un accident à l'aérodrome de Bue (Seine-et-Oise). Voici dans quelles conditions
:
de
Le lieutenant Warneford avait déjeuné avec un ses amis, l'écrivain américain Henry Black Needham, correspondant de plusieurs journaux des Etats-Unis et aviateur lui aussi. Vers 4 heures, le lieutenant proposa à son ami d'essayer un nouvel appareil Farman, dont il avait l'intention de se servir pour une prochaine expédition. Tous deux se rendirent à l'aérodrome de Bue et prirent place dans
l'avion. Ils s'élevèrent à une hauteur d'environ deux cent cinquante mètres, suivis des yeux par de nombreux curieux intéressés par la personnalité du jeune vainqueur du zeppelin. Tout à coup on vit les ailes de l'aéroplane se rejoindre, et l'appareil descendit avec une rapidité vertigineuse. Warneford et Black Needham tombèrent-ils ou essayèrent-ils de sauter ? On l'ignore. Toujours est-il que leurs deux corps vinrent s'abattre sur le sol quelques seoondet avant que l'aéroplane vînt s'y briser. M. Needham, qui avait fait une chute de quatre-vingts et quelques mètres, fut tué sur le coup. Il avait le ventre ouvert. Le lieutenant Warneford, qui n'était tombé que de trente mètres, respirait encore.
Mais il expira pendant qu'on le transportait à l'hôpital de Trianon. Lo lieutenant Warneford était âgé de vingt-trois ans. n était né 'dans rinde. M. Henry Black Needham avait,environ trente-cinq etstiL [Figaro,
I3;
juin JMixï
Le bombardement aérien de Carlsruhe. (15
juin
1.915.)
Communiqué officiel français. En représailles du bombardement par les Allemand* de Tilles ouverte. françaises et angldses,, l'ordre a été donné de bombarder, le mardi 15 [juin 1915], la capitale du grand-duché de Bade. A 3 heures du matin, vingt-trois avions sont partis pour Carlsruhe. Bien que gênés par le vent du Nord-Est, ils sont arrivés au-dessus- de la ville entre 5 h. 5o et 6 h. 20. 113 ont lancé 130 psojcetiîes de go et de r55, notamment sur le château, la manufacture d'armes et la gare. Un grand nombre d'incendies se sont allumés pendant que les avions aarvolaiciit Carlsruhe. Une forte panique, a été constatée dans la gare, d'où les trains sont pa-l'Wt précipitamment, se mettant en marche dans la direction de l'Est. Les appareils ont été violemment canoanés, en particulier à l'aller à Savernc, Strasbourg, Rastatt, Carlsrohe" et au retour à Blâmant, Phalsbourg, Saverne. Tous sont rentrés, sauf deux. IBullelin des Armées 17-19 juin 1915.]
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Les résultats du bombardement. A la suite du raid des aviateurs français àur Carismhè,, il est établi que ving't personnes ont été tuées et quarante blessées grièvement. Il est possible qu'on découvre d'autres victimes. Les noms des victimes n'ont pas été publiés, l'autorité militaire ':y étant refusée. La première bombe tomba sur le Kaiserplatz, entre le monument de l'empereur et l'imprimerie Langer elle frappa la voie du tramway, tua deux personnes et en blessa une légèrement. Deux
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autres bombes tombèrent presque simultanément sur l'aile droite des bâtiments de la poste oentrale- et sur le fronrtoni d'une maison située sur la Kaimerstrame.. La première perça le toit, la seconde démolit le frontispice en pierre et frappa le trottoir, où elle fil un trou énorme. Ces bombes avaient été lancées, par les. deux premiers aviateurs arrivés au-dessus de la ville. Entre temps, de nouveaux avions avaient fait leur apparition, et les détonations se succédèrent sans interruption dans tous les coins de la ville. Dans la Waldstrasse, une bombe frappa une maison en retrait de la rue sans blesser personne deux autres bombes frappèrent dea
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bâtiments dans la Erbprinzenstrasse; l'une atteignit la maison de primeurs Della Bonna, l'autre la maison d'un tailleur, sur la place Ludwig. Ces projectiles démolirent la chaussée et cassèrent les vitres de toutes les maisons voisines une grande quantité de personnes furent tuées ou blessées. Une bombe tombée dans la Waldstrasse ne fit point explosion. D'autres tombèrent sur la Friedrichsplatz, devant le musée grand-ducal, sans causer trop de dommages. Sur la Rondellplatz, un cantonnier qui se trouvait sur une balayeuse fut jeté à terre et resta inanimé. Il avait été tué avec son cheval. La bombe qui frappa l'aile Ouest du palais du margrave, en face de l'hôtel Germania, causa des dégâts considérables cinq personnes furent tuées, le palais fut endommagé sérieusement, en même temps qu'un magasin de cigares situé en face. La véranda de l'établissement de l'Union fut réduite en miettes. D'autres projectiles tombèrent à l'angle de la Kreutzstrasse et de la Markrafenstrasse, puis près de l'hôtel Kyffhauser une personne fut tuée et une blessée toutes les fenêtres du lycée furent brisées. A l'Ecole des arts et métiers, deux soldats furent blessés légèrement par des éclats de bombes, et un arbre séculaire fut renversé sur la place Lydell. Sur la place du Marché, une bombe tomba près des étals et une autre sur la maison faisant le coin des rues Hebel et de la Kirchstrasse, où elle arracha une tuile. Un camionneur et un cheval furent tués. Deux bombes tombèrent sur la place du Château, l'une endommagea le socle du monument Frédéric-Charles, l'autre tomba tout près du Theâtte grand-ducal et creusa un trou d'un mètre de profondeur, sans causer, d'autres dommages. Une troisième bombe frappa une maison du XIXe arrondissement, transperça les deux étages supérieurs et fit des dégâts sérieux dans les appartements. Un homme qui se trouvait dans une des pièces échappa par miracle. Une bombe tomba dans une cour, dans la Kaiserstrasse une autre bombe arracha complètement un balcon. Dans les quartiers Ouest, Est et Sud de la ville, plusieurs bombes tombèrent également et tuèrent ou blessèrent plusieurs civils. Pendant le bombardement, la ville fut en proie à une agitation extrême, le grondement des batteries de défense et les bombes lancées par les aviateurs effrayèrent les gens même les plus hardis. Heureusement les rues qui conteque plusieurs bombes ne firent pas explosion naient quelques-uns de ces engins non éclatés furent barrées et gardées par des hommes du landsturm. Quelque temps après, les services compétents se chargèrent de l'enlèvement des engins et les rendirent inoffensifs. Vers midi, la grande-duchesse Louise, accompagnée de la reine de Suède, fit une promenade en voiture découverte à travers la ville pour prendre des nouvelles des victimes du bombardement,
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Les dégâts matériels sont considérables, quoiquesanssignification au point de vue militaire, les casernes n'ont pas été atteintes. L'agitation est grande à Carlsruhe, la presse locale déclare avec raison que la foule est responsable d'une partie de ces accidents. Plusieurs fois, on avait affiché des avis pour défendre les rassemblements en cas d'annonce d'aviateurs ennemis. Des groupes importants de curieux s'étaient formés en voyant apparaître les aviateurs et ne s'étaient dispersés qu'au moment de la chute des premiers projectiles. [Basler Nachrichten. 17 juin 1915; traduction publiée à Paris le 20 janvier 1915.)
Bombardement des hangars à zeppelins de Friedrichshafen. Le sous-lieutenant Gilbert prisonnier en Suisse. COMMUNIQUÉ OFFICIEL FRANÇAIS. — Dans la matinée du 27 juin 1915, un de nos avions a réussi à jeter avec succès huit obus sur les hangars à
zeppelins de Friedrichshafen (lac de Constance). Une panne de moteur l'a obligé à atterrir au retour. Il a réussi à atteindre le territoire suisse à Rheinfelden. [Bulletin des Armées, 27-30 juin 1915.]
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Gilbert raconte son exploit. J'aperçois Schaffhouse je contourne alors sagement l'enclave, et de là je pique sur le lac de Constance, que je distingue très bien, malgré un ciel nuageux. Je prends des photos et j'arrive à Friedrichshafen, but de ma mission. Les hangars s'offrent à ma vue. J'en vise un et, après avoir coupé
les gaz, je lâche mes obus de gauche. Je vire et vise à nouveau les hangars et ateliers et laisse tomber mes derniers obus dessus. Ja remets les gaz et m'éloigne, car la canonnade bat son plein. Je vire au-dessus du rivage et veux constater les dégâts. Mais les nuagesont marché et je ne peux guère distinguer. Je prends quelques photos et je vire à nouveau pour échapper aux obus qui éclatent à plusieurs centaines de mètres au-dessus et en dessous de moi. Je prends le chemin du retour. Il fait un froid terrible, car je suis à 3 600 mètres. J'aperçois à peine le Rhin par quelques trous dans les nuages, qui épaississent de plus en plus. Je contourne à nouveau Schaffhouse de très loin, évitant surtout de survoler la frontière suisse. Mon essence baisse dans le réservoir avant. Je veux pomper pour le remplir à nouveau, mais rien ne vient. Je pompe plus fort, toujours rien. Je tâte le robinet du réservoir arrière pour voir s'il ne serait pas fermé. Non. Je cherche de tous côtés et finalement je constate que le robinet a sauté. Zut ! Trois fois zut ! Je cherche dans le fuselage. Rien. Il a dû passer par le trou du plancher: Pour comble de malheur, le vent retarde ma vitesse et je n'avance plus comme
al'aller. Je coupeau
plus court tout en évitant la frontière suisse. Ilme reste 20 litresd'essence et j'ai plus de 125 kilomètres à faire ! Arriverai-je ? Je fais des efforts pour boucher avec mes doigts les trous du robinet; mais je ne puis tenir longtemps, car monappareil comà glisser. La pression repart. Je mets mon moumence à piquer choir. Le temps presse le niveau d'essence diminue. Que faire si je manque d'essence avant nos lignes Atterriren Allemagne Jamais. En Suisse ? C'est la capture certaine. Un seul espoir me reste : choisir un bon terrain, loin des maisons, en territoire suisse, atterrir, pomper vivement mon essence et repartir avant qu'on vienne. Je dois me décider vivement,car il ne me reste que quelques litres d'essence et j'ai encore 60 kilomètres à faire. Je vois Bâle, distingue Belfort et devine Fontaine. Quelle terrible situation ! C'est le supplice de Tantale. Apercevoirson nid et êtreobligé de se diriger vers un abriqui peut se changer en prison ! Quelques ratés de carburation. Il faut descendre et garder de quoi remettre le moteur en marche en cas de mauvais terrain. fais un crochet vers le Sud. Il est II h. 30. Voilà RheinJe coupe felden. Une grande prairie bordée de bois entre M. et Rheinfelden s'offre à ma vue. Je pique dessus, car elle est assez loin des habitations. Le terrain m'a l'air favorable; l'hélice va s'arrêter, je remets en marche le moteur. Je commence à rouler en disant « Ouf 1 » Mais avant que j'aie eu le temps de réfléchir, je capote et me trouve suspendu par ma ceinture. Qu'est-il arrivé ? Je ne comprends pas. Je me dégage et saute hors de mon appareil je suis complètement engourdi par le terrible froid que je viens d'endurer. D'ailleurs, cinq minutes avant mon atterrissage, j'ai traversé à 3000 mètres un nuage de neige. Je regarde mon pauvreavion. Colère et malédiction L'hélice est cassée et la cabane de même.
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[Lectures pour
:TOlU.]
Le lieutenant Gilbert fut conduit à Bâle, puis à Berne, où il passa la nuit. Le lendemain matin, à la premièreheure, on le dirigeait sur Hospenthal, près Andermatt, à 1 500 mètres d'altitude dans le
massif du Gothard. C'est là qu'est interné actuellement le valeureux pilote, navré d'avoir dû rendre son épée et de ne pouvoir plus, jusqu'à la fin de la guerre, servir sa patrie, pour laquelle il a depuis onze mois vaillamment combattu. [Lectures pourTous.] Sa carrière d'aviateur. La hardiesse de Gilbert et sa témérité étaient bien connues sa dextérité également il fit son apprentissage sans « casser un brin de bois ».
:
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»
Eugène Gilbert avait débuté dans « le plus lourd que l'air en septembre 1909 sur un aéroplane de son invention, et il avait été breveté par l'Aéro-Club de France le 6 octobre 1910. Trois ans plus tard, il accomplissait un raid étonnant qui jamais ne fut égalé. C'était à l'occasion de la coupe Pommery, que détenait alors Brindejone des Moulinais avec 1380 kilomètres (PariaVarsovie). Comme cette distance, à cause de la longueur des jours, était impossible à battre en octobre. Gilbert mit à profit un article du règlement de la coupe, laquelle était attribuée si un aviateur avait parcouru 1 000 kilomètres à une vitesse minimum de 200 kilomètres à l'heure. Le 31 octobre 1913, à & h. 31 du matin, Eugène Gilbert partait de Paris. A 1 h. 44 minutes de l'après-midi, il atterrissait à Puetnitz, en Poméranie, ayant couvert 1050 kilomètres en cinq heures quatorzeminutes. Vint la guerre, Gilbert fut naturellement engagé comme sapeur aviateur. Il « descendit quatre avions ennemis, le premier le 2 novembre, le second le 15 décembre, le troisième le II janvier, et le dernier tout récemment, près de Belfort, où il réussit à abattre Fritz », et un biplan Aviatik, que les soldats avaient surnommé
»
«
qui semblait invulnérable à l'artillerie. Gilbert, avec son rapide Morane., réussit vite à l'atteindre et pilote au moyen de sa mitrailleuse. Comme à blesser mortellement Garros, Gilbert avait sur son monoplan une mitrailleuse fixée dans l'axe de l'appareil. Il ne braquait donc pas la mitrailleuse, mais, adroit pilote, il manœuvrait son avion de manière à avoir l'ennemi droit devant lui. A ce moment, il lançait sa bordée, en tirant entre les pales blindées de l'hélice. Au cours de cet engagement, le pilote français reçut au coude une blessure dont il porte encore le pansèment.
le
[Bulletin des Armées,
4-7
Juill. 1915.]
Une évasion manquée. L'autre jour, à Andermatt, raconte le Dovere, une sentinelle frappée par l'allure singulière d'une dame qui descendait à Gœschenen, l'arrêta et ne tarda pas à lui faire avouer qu'elle était un homme en travesti féminin. Sous ce déguisement, se cachait en effet, l'aviateur français Gilbert, qui, à la suite d'une panne, dut atterrir en Suisse Gilbert s'ennuie, à mourir dans les Alpes suisses et ne songe qu'à reprendre son service en France. La femme d'un de ses amis étant venue à Andermatt, il lui emprunta ses vêtements, et comptant gagner son pays par l'Italie, il prit tranquillement le chemin de la gare de Gœschenen. Malheureusement, il tomba sur l'impitoyable sentinelle. [Temps,
1er
août
1915.]
Évasion réussie et retour en exil. Peu de temps après sa première tentative d'évasion, Gilbert fut plus heureux et réussit à quitter la Suisse. Il arriva à Paris le 23 août 1915 et y fut fêté par ses nombreux amis. Cinq jours plus tard, sur l'ordre du ministre de la Guerre, Gilbert regagnait la Suisse, son évasion ayant donné lieu à des contestations de la part des autorités militaires helvétiques. Voici d'ailleurs quelques renseignements sur cet incident Lorsqu'il prit sa détermination, le courageux aviateur eut soin d'aviser officiellement l'armée suisse qu'en présence des mesures de surveillance rigoureuses dont il était l'objet il reprenait sa parole de Etant donné le délai qui ne pas chercher à s'évader. Et il s'est écoulé entre le moment où, par lettre, il lança cet avertissement et l'heure à laquelle il quitta l'hôtel où il était interné, Gilbert pouvait, d'après les usages, se croire délié de tout engagement. Tel n'a pas été l'avis de l'état-major de l'armée suisse qui, le 26 août, a communiqué la note suivante Au sujet de l'évasion du lieutenant-aviateur Gilbert, quelques journaux français et autres tâchent de faire croire que la parole d'honneur lui avait été rendue avant sa fuite. Nous sommes à même de démentir cette allégation et de dire que le lieutenant-aviateur Gilbert s'est évadé pendant qu'il était encore engagé par sa parole d'honneur. Un officier français, un homme qui avait donne tant de gages de son courage, de son héroïsme même, ne pouvait rester sous le coup de l'accusation portée contre lui d'avoir manqué à un engagement d'honneur. Il ne pouvait faire qu'une réponse. Il l'a faite. Gilbert est parti, hier soir, par le rapide de 9h. 5, pour la Suisse, où le mandat d'amener lancé contre lui pourra facilement recevoir son exécution. [Petit Parisien, 29 août 1915.]
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partit.
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Andermatt, 9 septembre. — L'aviateur Gilbert n'a pas été envoyé à Hospenthal, son ancienne résidence, mais à Andermatt. Gilbert, qui n'a plus voulu engager sa parole, est logé dans une caserne ; un planton monte la garde devant sa porte et un factionnaire en armes se promène sous sa fenêtre. L'ameublement de la chambre occupée par le sous-lieutenant français se eompose d'un lit de soldat, d'un lavabo, d'une table et de deux chaises. L'interné peut sortir pendant deux heures, dans la journée, escorté d'un sous-officier, et prendre ses repas au restaurant d'un hôtel situé à côté de la caserne, sous la surveillance d'un détective. Il n'est pas autorisé à avoir plus de vingt francs sur lui et, sur sa solde de dix francs, huit lui sont retenus pour couvrir ses frais d'entretien. Andermatt, auquel on ne peut accéder qu'en diligence postale, est à 360 kilomètres de Genève et à une altitude de 450 mètres.
1
[Petit Parisien,
10
sept. 1915.]
Deux succès franco-anglais
aux Dardanelles
(Juin1915.)
& & &
L'assaut des tranchées turques à Kérévès-Déré. (4-5juin1915.) RÉCIT OFFICIEL
de
cette Le commandant avait décidé de procéder à unmouvement nature dans la journée du 4 juin. Toute la ligne devait entrer en action de manière à immobiliser l'ennemi et faciliter la tâche des troupes chargées de s'emparer des parties du terrain qu'on tenait à occuper et à conserver. Vers II heures, tout est prêt pour l'attaque. L'artillerie donne plus d'intensité à son feu et couvre de projectiles les tranchées ennemies. Du sol desséché par une longue période de chaleur sans pluie s'élèvent des colonnes de poussière, que le vent du Nord rabat malheureusement vers nos lignes. Nos avions sillonnent le ciel au-dessus du front turc pour observer les résultats du tir de l'artillerie et l'aider à neutraliser les batteries ad verses ils obtiennent plein succès et bientôt les canons ennemis sont réduits au silence ; pendant toute la durée du combat, les pièces ottomanes ne répondront que faiblement, à longs intervalles, aux coups répétés de nos obusiers et aux rafales des 75. A midi, l'infanterie sort de ses abris. Des falaises qui dominent le golfe de Saros jusqu'au ravin abrupt du Kérévès-Déré, on voit scintiller les baïonnettes en avant des tranchées alliées. L'effort principal se porte dans le secteur central du front anglais, auquelon a adjoint un certain nombre de batteries françaises, dont le tir balaye la côte montant à Krithia. Du premier élan, les fantassins kaki sautent dans les tranchées turques, dont presque tous les défenseurs ont été tués par les obus à la mélinite. Sans s'attarder après ce premier succès, les assaillants se lancent à nouveau en avant et prennent pied dans les tranchées de deuxième ligne. Cettepointe, poussée à 400 mètres au delà de leur point de départ, permet aux troupes britanniques de se rabattre à droite et à gauche et de prendre à revers d'autres fractions de la première ligne, qui tiennent encore une redoute turque, ainsi attaquée, est capturée avec tous ses
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défenseurs. Dans le secteur français, c'est sur la droite, à travers la région difficile qui précède le Kérévès-Déré, que nous avançons rapidement en quelques minutes, la tranchée de première ligne est à nous tous les retours offensifs ne parviennent pas à nous en déloger. La proximité d'un ouvrage turc très puissant, que nos troupiers ont dénommé le « Haricot », ne nous permet pas de passer à l'attaque de la seconde ligne, attaque qu'il faut préparer loisir, en raison des multiples défensesaccessoires, fils de fer et rangées de chevaux de frise qui barrent l'accès des tranchées. Le feu de cette seconde
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à
»
ligne et du « Haricot gêne les travailleurs occupés à organiser les retranchements conquis, dont l'aménagement n'avance que lentement et n'est terminé que la nuit. Les gains obtenus portent sur plus de 2 kilomètres de front, dans une zone d'une profondeur variant de 150 à 400 mètres. Nous avons éprouvé des pertes, comme il arrive toujours dans un assaut de ce genre, mais celles que nous avons infligées à l'ennemi sont énormes. Sur la pente de Krithia, les tranchées sont pleines de cadavres couchés les uns sur les autres les boyaux, bouleversés par les projectiles à explosifs, ont à demi enterré les files de fantassins partout des monceaux de morts attestent les effets destructeurs de notre feu. [Publié le 25 juin 1915.]
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Conquête de la redoute du « Haricot ». (21
juin 1915.)
RÉCIT OFFICIEL
Dans la journée du 21, le corps expéditionnaire français a attaqué et emporté les deux premières lignes de tranchées ennemies qui s'étendaient devant lui. L'objectif principal était la position dite du « Haricot », autour de laquelle la lutte était engagée depuis six semaines. Pendant tout ce temps, les Turcs n'avaient rien négligé pour renforcer cet ouvrage, véritable lacis de tranchées et de boyaux, précédé de plusieurs rangées de défenses accessoires. Ils avaient consenti les plus durs sacrifices pour en rester maîtres et ils y étaient parvenus, jusqu'alors. La position disputée avec tant d'acharnement est importante, parce qu'elle commande, vers le Sud, la tête de ravin de Kérévès-Déré, et, vers le Nord, prend d'enfilade le terrain du front de la ligne alliée. Après l'affaire du 4 juin, la préparation de l'attaque du « Haricot » avait été confiée à un colonel commandant une brigade d'infanterie. Il fallut quinze jours de minutieuses reconnaisances et d'un tir méthodique de notre artillerie pour bouleverser les défenses et le parapet des premières tranchées. Le 20 juin, l'attaque est fixée au lendemain. Le temps est favorable beau ciel, ni vent ni poussière. Au signal convenu, sur toute la partie de notre ligne qui traverse le plateau à l'ouest de Kérévès-Déré, notre infanterie sort de ses tranchées. A notre gauche, le premier bond conduit le le colonel come régiment d'infanterie dans la première ligne ennemie mandant l'attaque, qu'il anime de la voix et du geste, est mis hors de mais, moins d'une heure plus tard, la deuxième combat à ce moment ligne est conquise. Elle sera maintenue toute la journée, malgré les retours offensifs de l'ennemi et un tir d'artillerie d'une rare intensité. A droite, le combat est plus dur. Le régiment colonial qui attaque réussit à prendre pied dans les ouvrages ennemis, mais le lieutenant-colonel, son chef, étant également blessé, et le feu de la deuxième ligne adverse empêchant nos troupes d'aménager les tranchées conquises, elles ne peuvent se
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réorganiser à temps pour résister à une forte contre-attaque et se voient obligées de céder le terrain gagné. Cependant quelques groupes ont réussi à résister sur place, et la situation ne tarde pas à devenir confuse. On renforce par infiltration les partis isolés restés en avant. Pendant toute la journée, les attaques et les contre-attaques partielles se succèdent sans résultat décisif. A 15 heures, le général, pour en finir, fait appel à un régiment de marche d'Afrique. L'artillerie exécute un nouveau tir de préparation. Deux bataillons, un de zouaves et un de la légion, se massent devant la position disputée. nuit, le lieutenant-colonel qui dirige l'action saute sur A la tombée de le parapet et commande « En avant 1 » Toute la ligne se précipite et en dix minutes, les tranchées sont enlevées. Nos feux poursuivent les Turcs en fuite et les déciment. Les tranchées prises, commence la besogne la plus pénible, plus rude encore que le combat. Sous un feu d'artillerie violent, partant d'Atchi-Baba et d'Asie — car les Turcs ont considérablement renforcé leur artillerie avec des canons retirés d'Andrinople et du fameux croiseur de bataille Gœben — il faut, au milieu des cadavres, prendre la pelle et la pioche, creuser des boyaux de communication pour se relier aux tranchées de départ de la matinée, « retourner les parapets bouleversés et fixer des fils de fer du côté de l'ennemi. Le 22, à 3 heures du matin, les Turcs exécutent sur notre droite un retour offensif furieux en grandes masses contre les tranchées enlevées par le régiment d'Afrique. La situation est un moment critique mais, brisés par les feux d'infanterie et de mitrailleuses, ainsi que par les tirs de barrage de l'artillerie, les bataillons ottomans tournoient puis s'enfuient. Cette dernière attaque coûte à l'ennemi un régiment entier. Les résultats de l'affaire du 21 juin sont des plus satisfaisants. [Publié le 11 juill. 1915.]
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Une proclamation turco-boche. Voici le texte d'une proclamation lancée dans le camp français des Dardanelles par un taube : Sous le tonnerre du feu d'un grand nombre de vaisseaux, vous avez pu débarquer, le 25 avril et les jours suivants, sur la péninsule de Gallipoli. Grâce à la protection qui vous fut offerte par ces vaisseaux, vous vous y êtes fixes en deux points. Toutes les tentatives de pénétrer à l'intérieur ont échoué avec de fortes pertes pour vous, malgré le concours de vos vaisseaux qui n'ont cessé jour et nuit de prodiguer des quantités énormes de
munitions.
Deux des plus fiers vaisseaux de ligne anglais, le Triumph et le Majestic, ont été coulés devant vos yeux par les sous-marins, et toutes les mesures préventives et de protection n'ont pu les en sauver. Depuis ces pertes irréparables de la flotte anglaise, vos vaisseaux de guerre se sont réiugiés en lieux sûrs et vous abandonnent à votre sort. Vos vaisseaux ne sont plus à même de vous offrir le concours indispensable, parce qu'ils s'exposeraient
à devenir la proie des nombreux sous-marins qui les guettent. Votre corps expéditionnaire dépend, pour ses renforts aussi bien que pour ses provisions, pour l'eau potable, munitions et matériel de guerre, de la liberté de vos communications par mer. Déjà les sous-marins ont coulé plusieurs vapeurs qui transportaient les envois à votre destination. Sous peu, votre corps sera coupé de toutes ses communications. Vousêtesexposés à la perte certaine par la faim et par la soif. Les attaques les plus désespérées ne parviendront pas à vous dégager, vous n'échapperez à l'anéantissement qui vous attend qu'en capitulant et en passant de notre côté. Nous savons pertinemment que ni le salut de votre patrie ni la haine de nous autres ne vous ont poussés à lever les armes contre nous. Les Anglais, insatiables dans leur envie de domination, se sont assuré vos services par des dépenses dont vous ne profitez même pas. Nous vous garantissons que vous trouverez chez nous l'accueil le meilleur. Notre pays ne manque de rien. Vous y trouverez à manger à votre aise et à vivre à votre goût. N'hésitez plus! Venez! nos bras vous sont ouverts! La situation des vôtres et de vos alliés sur les autres théâtres des opérations est tout aussi précaire que la vôtre ici. On vous trompe par d'insoients mensonges sur l'état des armées allemandes et austro-hongroises. Pas un Français, pas un Anglais, pas un Russe n'occupe une parcelle du sol allemand. Par contre, depuis des mois, les troupes allemandes sont fortement et définitivement installées en Belgique et dans une partie considérable de la France. La Pologne russe se trouve, à son tour, pour une partie qui s'accroît de jour en jour, entre les mains des armées et de l'administration civile allemande. D'importantes masses de troupes allemandes et austro-hongroises ont rompu le centre de résistance des Russes en Galicie. Ils leur ont repris Przemysl. L'entrée en scène de l'Italie n'était pas faite pour arrêter leur poussée vigoureuse. Les troupes de nos alliés n'ont pas ralenti pour cela la poursuite impitoyable des étonnants résultats de leurs immenses succès en Galicie. Aussi ces troupes russes, dans lesquelles la France avait mis ses espérances, se rendent-elles tous les jours par centaines, par milliers. faits, on les travestit pour vous empêcher de La censure vouscache faire comme les Russes. Libérez-vous de cette tutelle indigne 1 Votre honneur est sauf ! De nouveaux combats seraient un inutile et stupide carnage. C'est votre devoir d'y mettre un terme. Faites comme les Russes ! 26 juin 1915, 6 heures du matin.
ces
[Croix, 25-26 juill. 1915.]
Avec les coloniaux. Extraits des lettres d'un religieux assomptioniste,interprète turco-grec au 6e colonial mixte Les Turcs sont d'excellents Dardanelles, 15 juin 1915. — élèves des Allemands, ils se défendent avec acharnement, ils ont des tireurs d'élite placés dans de petits postes en avant de leurs
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lignes, et tout homme qui passe la tête au-dessus du parapet de la première ligne est un homme mort. Ces tireurs démolissent même les périscopes. , Je ne sais si les journaux de France ont parlé de la fameuse « tranchée aux cadavres », l'une des plus avancées de notre ligne. Les Turcs, en l'abandonnant, y avaient entassé leurs cadavres jusqu'au bord nos soldats durent, sous le feu des mitrailleuses, la vider et se servir des corps comme parapet, puis les couvrir - de terre. Nous occupons toujours cette tranchée qui garde son nom de partout, des pieds il s'en dégage une odeur infecte macabre dépassent et sans doute que de l'autre côté on verrait les têtes. Dans le fond de la tranchée, où gît encore une coucha de cadavres à peine ensevelis, on a dû placer des planches qui font ressort comme sur du caoutchouc. On arrose cela d'un peu de chaux, et nos soldats, en faisant le guet par les meurtrières, plaisantent les « macchabées turcs ». La veille de notre dernière montée en première ligne, il y a eu huit jours, le tenta un assaut sur un petit fortin garni de mitrailleuses. Après un bombardement de trois heures, deux sections sautèrent par-dessus le parapet et s'élancèrent sur la tranchée turque. En quelques secondes, les deux sections tout entières furent fauchées. On n'a pu les enterrer, car tout homme qui montre sa tête tombe frappé d'une balle. Malgré toutes ces difficultés, nous forcerons quand même la ligne nous avons une artillerie formidable, et surtout des Dumézis, ces petits « crapouillots », hauts de70 centimètres à peine, qu'on charge de poudre par la gueule et qui s'allument par une mèche l'obus, trois fois plus gros que le canon, a la forme d'une grosse toupie avec trois ailes sur le ventre on introduit la queue de la toupie dans le tube du canon, le corps de la toupie restant au dehors on allume le canon, la toupie monte en l'air au bout de sa course, elle se retourne et tombe à pic. Dès que son percuteur touche à terre, l'obus éclate avec un bruit épouvantable une épaisse fumée noire. Les prisonniers disent que cette bombe est un engin plus démoralisant que nos 75. Nos troupiers sont confiants et pleins de bonne humeur.
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29 juin 1915. On a peut-être parlé en France de notre attaque du 21. J'en suis sorti sain et sauf, mais je ne puis l'expliquer sans une protection spéciale de la Sainte Vierge. Au moment où l'état-major du bataillon, dont je suis, allait enjamber le parapet pour accompagner le deuxième groupe qui partait à la baïonnette, mon commandant fut blessé par un éclat d'obus. Il m'envoya aussitôt prévenir lecolonel à la place d'armes et lui demander uN
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remplaçant. J'arrivai juste au poste du colonel une minute après qu'un obus venait de tuer ou blesser tout son état-major officiers, agents de liaison, téléphonistes, une vingtaine de personnes, et de bouleverser la place d'armes. Seuls n'avaient rien le colonel et le capitaine de Bourbon-Chalus. Après cela, j'allai prévenir l'officier désigné pour commander le bataillon. Pendant ce temps, mon groupe était parti à la baïonnette pour revenir diminué de moitié ! Je suis resté tout le reste de la journée en avant, avec l'officier adjudant-major. N'ayant pas de fusil, je faisais passer des cartouches aux hommes. De 5 heures à 5 h. 1/2 du soir, nous avons reçu de la côte d'Asie treize marmites dans un espace de 100 mètres de long -lUI' 50 de large. Par trois fois j'ai été recouvert de terre et d'éclats. Mon commandant a été blessé derrière moi, un agent de liaison à côté, et, un peu plus loin, trois hommes tués. Le colonel avait été blessé dix minutes après la catastrophe de son état-major. Nos pertes ne sont rien auprès des pertes turques. Les tranchées que nous leur avons enlevées étaient pleines de cadavres jusqu'au parapet. J'ai dû, pour aller voir les blessés turcs, marcher sur ces tas de cadavres. Les Turcs se battent merveilleusement et avec un courage auquel nos soldats ne s'attendaient pas. Leur artillerie n'est pas aussi mauvaise qu'on l'a prétendu nous nous en apercevons. Les journaux ont dû vous dire le résultat de cette journée qui nous permet de prendre les Turcs en enfilade au lieu d'être pris de cette façon nousmêmes par eux, comme auparavant. Nous avons étérelevés le 22 au soir et nous sommes au repos.
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A. T.
[Communiqué à la Grande Guerre du
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Lettre d'un soldat
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XXe
Stècle.]
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La messe se dit ici sans Les Dardanelles, 25 juin 1915. cérémonie. C'est souvent au pied d'un arbre que l'on dresse l'autel un peu à l'abri des marmites qui, souvent, tombent près de nous. Rarement nous connaissons l'heure de la messe, aussi c'est un va-et-vient continuel un cuisinier aperçoit le rassemblement vite il arrive en bras de chemise un soldat accourt entre deux corvées, mais tous nous aimons à venir élever nos âmes en présence de notre Dieu nous prions en silence, demandant au Sauveur qui s'immole la délivrance pour notre chère patrie et la grâce de revoir les chers nôtres. On se bat toujours. L'attaque qui La vie ne change guère avait échoué le 4 juin a été reprise le 21 par la brigade coloniale.
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C'est le 6e régiment mixte qui a fait l'attaque. Quatre fois nos braves coloniaux sont allés à l'assaut de la tranchée ennemie sans pouvoir la garder. Enfin, la cinquième fois, un bataillon de légionnaires les a renforcés, et, après un combat très vif, la tranchée est enfin nôtre. Le génie, aidé de nos sapeurs, a bien vite fait un boyau la reliant aux nôtres. Le soir, nous sommes allés les relever après une nuit de veille et un jourd'attente, nous nous sommes emparés de la deuxième tranchée. Nous n'avons pas eu beaucoup de pertes. Ce matin, nous repartons en seconde ligne, et ce n'est pas trop [Communiqué à la Grande Guerre du XXe Siècle.]
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tôt.
Les enfants s'amusent.
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D'un religieux soldat aux Dardanelles 11 juillet 1915. Nous sommes toujours au même point notre attaque du 21 juin a fort bien réussi. On s'installe dans le camp, on s'organise. Nos poilus, à côté des enseignes d'administration qui pullulent à gauche et à droite, s'amusent à multiplier les leurs d'un goût plus humoristique. J'en ai recueilli plusieurs à votre intention. Voici une sale guitoune c'est le « salon de coiffure : une pancarte qui flotte au vent vous annonce que, « conformément à la loi du 21 mai, le salon de coiffure du X., bataillon de la division, est transféré place Jeanne d'Arc ». — « Place Jeanne d'Arc » et « place de la Victoire » sont deux sortes de culs-de-sac débouchant sur la « rue du Général Gouraud (Ier arrondissement) M. — Il y a aussi les métiers : voulez-vous un complet, je vous mènerai chez le « tailleur en tous genres, Canivet », pancarte artistique, ornée de portraits. Avez-vous besoin de faire raccommoder vos godasses, voici la « grande cordonnerie Chavet, diplômé des culs-de-jatte transfert prochain de la maison à Constantinople. On demande un apprenti (gagnerait de suite) ! » — On a soif à Sedd-ul-Bahr, et volontiers l'on chercherait un café plusieurs bonnes volontés se sont offertes et ont essayé, mais sans pouvoir aboutir les enseignes seules sont restées victorieuses « Restaurant des Riroutes » ! Plus loin, c'est le grand « Au chien qui fume ! (avec dessin et avis) prix modérés ». — « Attention à vos mollets, S. V. P. restaurant Médor. » Celui-ci, vous le trouverez avant d'arriver à la « rue Groumard-Pacha ». C'est ainsi que les enfants s'amusent, et l'on en a grand besoin, je vous assure.
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MICHEL C.
SUR LE FRONT ORIENTAL
et en Pologne
L'offensive anstro-allemande en Calicie (Avril-juillet 1915.) rlJ1
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Extrait d'un aperçu d'ensemble sur les « opérations en Russie de février à juillet 1915 », publié dans le Bulletin des Armées (2931 juill. 1915) :
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L'EFFORT ALLEMAND REPORTÉ SUR LE FRONT ORIENTAL. — A la fin d'avril, les Allemands décident de faire un gros effort contre la Russie pour venir; en aide aux Autrichiens, car l'invasion de la Hongrie est imminente. Sur le front occidental, ils ont reconnu l'inutilité de leurs tentatives contre la ligne franco-anglo-belge dont la force s'accroît sans cesse depuis plusieurs mois, nos armées ont pris l'initiative des opérations, et les Allemands, à part quelques petites attaques locales, sont partout réduits à la défensive. Ils se résolvent donc à faire de l'économie des forces de ce côté et à
entamer contre les Russes des opérations de grande envergure.
—
Neuf divisions d'infanterie sont transportées du front français dans la Galicie occidentale. Au début de mai, une attaque extrêmement violente, appuyée par une artillerie formidable, amène un fléchissement des lignes russes au saillant qu'elles formaient le long du cours inférieur du Dunajec. Malgré les pertes subies, il n'y a pas, à proprement parler, une rupture du front, mais le mouvement de recul s'est suffisamment propagé en largeur pour mettre en danger les ailes des armées adjacentes. D'autre part, l'insuffisance quantitative de leur artillerie, et surtout celle de leurs approvisionnements en munitions ne permettent pas aux Russes de rétablir la situation par une contre-offensive. S'obstiner dans une défense trop prolongée était risquer l'écrasement complet de plusieurs corps d'armée et faire le jeu des Allemands dont le but, à l'heure actuelle, est manifestement de mettre hors de cause une partie de l'armée russe. LA BATAILLE DE DUNAJEC.
haut commandement russe prend donc la sage décision de replier progressivement la gauche de son dispositif sans le laisser entamer. Cette résolution conduit en trois mois à l'abandon des Carpathes, de Przemysl, de Lemberg et d'une partie de la ligne du Dniester la ligne russe est progressivement repliée sur la ligne ferrée Ivangorod, Lublin, Kholm, tandis que la gauche se maintient derrière le Bug, la Zlota Lipa et le cours moyen du Dniester, LE REPLI DES FORCES RUSSES. — Le
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Abandon de Przemysl par les Russes (3 juin 1915). COMMUNIQUÉ OFFICIEL
Du Bulletin des Armées (3-5 juin 1915)
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Przemysl, étant donné l'état de son artillerie, et des ouvrages détruits par lesAutrichiens avant leur capitulation,avait été reconnu comme incapable d'être défendu. Son maintien entre les mains des Russes n'était conforme à leur but que tant que la possession des positions entourant Przemysl au Nord-Ouest leur facilitait la lutte sur le San. L'ennemi s'étant emparé de Jaroslaw et de Radymno et se répandant sur la rive droite du San, le maintien des susdites positions forçait les. troupes russes à combattre sur un front inégal, très difficile, et soumettait ceux de leurs soldats occupant ces positions aufeu concentré d'une nombreuse artillerie lourde ennemie. En conséquence, lesRusses ont procédé, depuis quelque temps, à l'enlèvement successif sur ce point du matériel pris aux Autrichiens. Ce transport achevé, ils ont retiré, le 3 juin, les dernières batteries, et, la nuit suivante, conformément aux ordres reçus, ils ont évacué les front Nord et Ouest des positions entourant Przemysl et ont opéré, à l'Est, une concentration plus resserrée. LA
REPRISE
DE PRZEMYSL ET LES COMMUNIQUÉS AUSTRO-ALLEMANDS
qui cherchaient à calmer certaines appréhensions en montrant que la prise de Przemysl était un accident plus fâcheux aupoint de vue de l'effet moral qu'au point de vue stratégique, des esprits inquiets répondaient par cet argument un peu simpliste — Ce n'est pas ce que l'on disait quand les Russes prirent Przemysl ; on représentait, au contraire, ce fait de guerre comme une grande victoire dont chacun se réjouissait. A quoi il était facile de répondre que Przemysl était alors une place forte gardée par une armée de 130 000 hommes et 1 100 canons, dont 680 de gros calibre le tout fut capturé le butin de guerre était considérable et la chute de cette place pouvait être considérée avec raison comme un fait de la plus haute importance. En est-il de même cette fois Przemysl était-il investi Sa garnison a-t-elle capitulé Ses canons ont-ils été pris par l'ennemi J'ai été renseigné très exactement sur ce point par une personnaltié russe occupant une situation officielle à Paris Il est certain, m'a dit mon interlocuteur, que la mentalité russe est différente de la mentalité française je puis vous assurer que la reprise de Przemysl par l'ennemi n'a produit aucune émotion en Russie. Tout le monde s'y attendait depuis trois jours, et nos journaux l'avaient clairement annoncé au public. A ceux
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La double avance allemande au delà du San au Nord, et vers le Dniester au Sud, nous menaçait d'un enveloppement la faute eût été précisément de s'entêter à se maintenir sur un point ayant perdu de sa valeur stratégique et ne pouvant plus jouer le rôle de place forte, ses défenses ayant été détruites par les Autrichiens eux-mêmes avant la En prolongeànt notre effort sur ce front, nous aurions fait jeu de l'ennemi dont le but était précisément de nous cerner comme nous y avions cerné et capturé la garnison autrichienne, en un mot, de transformer Przemysl en un autre Sedan. Nous leur avons brûlé la politesse, voilà tout ! Nous avons méthodiquement organisé notre retraite nous avons contenu l'ennemi aussi longtemps qu'il le fallait pour déménager la place après quoi, nos troupes se sont retirées en bon ordre pour regagner les postes qui leur avaient été assignés. Quand donc nous avons pris Przemysl, nous avons enlevé une forteresse puissante les Austro-Allemands, en la reprenant, n'ont gagné que du ter-
reddition.
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sans doute, que les Austro-Allemands prétendent Vous savez, — avoir pris un butin considérable à Przemysl et nombre de prison-
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oui, seulement, Autrichiens et Allemands auraient dû c'est ainsi qu'au sujet de la commencer par se mettre d'accord prise des forts 10 et II, le communiqué allemand dit qu'on y a trouvé 8 canons et le communiqué autrichien 26. La vérité,toute simple est que nous leur avons laissé II canons autrichiens, après avoir mis ces pièces hors de service et parce que leurs affûts étaient en trop mauvais état pour en permettre le transport. Dans Przemysl même, ils n'ont rien trouvé du tout — si ce n'est des mines auxquelles ils ne s'attendaient pas. Et je puis vous dire à ce propos que Przemysl est actuellement un amas chaotique de décombres sous lesquels sont ensevelis une multitude de cadavres allemands et autrichiens. Quant aux prisonniers, vous allez voir à quelles fantaisies se les deux communiqués autrichien et allelivrent nos ennemis mand du 2 juin totalisent le chiffre de leurs prisonniers russes pour le mois de mai seulement ce chiffre se monte, selon eux, à 663 officiers et 268869 hommes. La proportion est manifestement inexacte, mais passons. Le communiqué allemand ajoute que, sur les deux fronts oriental et occidental, le chiffre total de leurs prisonniers, toujours pour ce seul mois de mai, dépasse 300 000 hommes. Or tout le monde sait que, un chiffre de prisonniers étant donné, si l'on veut connaître l'ensemble des pertes, il faut multiplier ce —
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chiffre par 8 ci, 2400000 Hommes mis hors de combat par les Austro-Allemands, en mai seulement, je le répète. Comme ce nombre fatidique de 300 000 prisonniers revient constamment dans les totaux mensuels de nos ennemis, il s'ensuivrait que, depuis dix mois que dure la guerre, ils auraient mis hors de combat plus de atf millions d'hommes, c'est-à-dire plus que n'en comportent toutes les armées européennes en campagne à l'heure actuelle. Du reste, de pareils comptes, ou contes, ne sont pas nouveaux rappelez-vous le bon tour qu'a joué aux Allemands un journal suisse, au mois de novembre dernier. Votre confrères'est amusé à totaliser les prises et le butin annoncés dans les communiqués allemands, et il était arrivé au joli chiffre de442 généraux français prisonniers et de 1336a canons capturés en France, le tout en trois mois de guerre. Si vraiment la France possédait tant de canons que cela, et qu'il lui en reste encore,elle avait une artilleriesupérieure à celle d'aucune autre armée existante, et même des armées de plusieurs grandes nations réunies Pour en arriver à la prise de Przemysl, tranquillisez vos lecteurs nous avons subi un échec, et un échec est toujours fâcheux, mais il ne faut pas s'en exagérer l'importance songez que, pour réussir à nous refouler de la Dounaïetz jusqu'au San, il a fallu que l'Allemagne et l'Autriche accumulent un million d'hommes sur un front de 52 kilomètres seulement, et qu'elles groupent contre notre centre I 800 canons, dont 1 000 de gros calibres. Nous n'avons pas encore les moyens pratiques d'amener des masses pareilles en un temps relativement court sur un front déterminé. Si nous avons reculé, ce n'est pas que nous ayons été pressés de même sur tout notre front c'était seulement pour éviter d'être rompus sur un point, et afin de conserver nos lignes intactes et bien liées. Mais le temps travaille pour nous et notre préparation fait tous les jours des progrès. Dans cette lutte à coups d'hommes, ce n'est pas nous — et pour des raisons évidentes — qui serons usés les premiers. L'Allemagne et l'Autriche font un effort gigantesque pour impressionner les neutres et leur donner le change sur leur puissance réelle elles ont réussi à nous surprendre et nous ont obligé à refluer. Attendez maintenant le retour de la marée
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RAOUL SAINT-CLAIR.
[France de demain,
6
juin
1915.]
Réoccupation de Lemberg par les Austro-Allemands. (23 juin 1915.) COMMUNIQUÉS OFFICIELS
Vienne, 22 juin. — Les combats autour de Lemberg continuent. La position de défense russe au sud de la ville a été percée dans
le secteur au sud de Domfeld par nos troupes. Nous avons occupé, en plusieurs endroits, les positions du ruisseau de Szcerek. Après de violents combats au cours desquels la landwehr viennoise s'est battue avec une violence particulière, quelques points fortifiés du front Ouest et Nord-Ouest de Lemberg sont restés en notre possession. Les troupes allemandes ont pris d'assaut les hauteurs à l'ouest de Kulikow et ont repoussé toutes les contre-attaques des Russes en leur infligeant de lourdes pertes. Au sud du Dniestr, la situation générale est sans changement. Les troupes de l'armée Pflanzer ont repoussé hier des attaques russes pertes avec de grandes pour l'ennemi. Sur le Tanew et en Pologne, la situation est inchangée. Berlin, 23 juin. — Lemberg a été prise cet après-midi, après un combat acharné par les troupes austro-hongroises. Le 34e régiment d'infanterie autrichien, dont le chef est l'empereur d'Allemagne, s'est distingué lors de l'assaut des positions fortifiées de Lysagora (Wolff). L'ÉVACUATION DE LEMBERG JUGÉE EN RUSSIE
Le correspondant particulier du Temps à Pétrograd lui a télégraphié (Temps, 26 juin 1915) :
Les commentaires que consacrent les journaux russes à l'abandon de Lvof [nom russe de Lemberg] , tout en accordant à cet événement l'importance réelle qu'il comporte, découvrent en même temps un nouvel esprit qui anime depuis quelques semaines le peuple russe, après que le pays, par l'organe de sa presse et de ses représentants, s'est promis de soutenir par la mobilisation de toutes ses forces intérieures l'armée qui lutte héroïquement au front.
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L'Invalide russe écrit « Depuis notre retraite décisive de la Dounaïetz, puis du San et de Przemysl, la presse étrangère a fait remarquer qu'on pouvait s'attendre à tout de la part des Russes. Cependant, la situation est celle-ci les Allemands éprouvaient la nécessité de nous faire accepter, coûte que coûte, une bataille décisive. Nous, au contraire, étant dans l'obligation de gagner le plus de temps possible, nous avons tout fait pour éviter cette bataille, en forçant en même temps l'ennemi à s'éloigner de sa base et à allonger ses lignes de communications, ce qui, finalement, rendra ses opérations très difficiles. L'abandon de Lvof se trouve être justement une étape de notre plan général, intimement lié au plan d'action de nos alliés sur le front occidental. Les Austro-Allemands caressaient l'espoir de nous voir faire primer dans la question de Lvof les raisons politiques sur les considérations stratégiques. Ils
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étaient persuadés que la défense de la capitale de la Galicie amènerait nos armées devant elle, ce qui leur aurait donné la possibilité de nous faire accepter une grande bataille sous les murs de cette ville. Tous ces calculs ont échoué. En général, on ne peut nier que si, au point de vue tactique, l'avantage est du côté ennemi, au point de vue stratégique — et pour les résultats généraux de la guerre qui ont une importance primordiale, — l'avantage est de notre côté au prix de Lvof, nous avons acquis le moyen de créer une conjoncture qui, dans l'avenir, nous donnera le meilleur résultat. »
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La Gazette de la Bourse, exposant la nouvelle situation créée par l'évacuation de Lvof, conclut en disant « Nos armées ont quitté notre frontière, Lvof en occupant de nouvelles positions en dehors c'est-à-dire toujours sur territoire gallicien. En diminuant ses forces, tant par les pertes subies que par l'affaiblissement consécutif à toute avance, l'ennemi n'a pas atteint le but qu'il s'était proposé, puisqu'il doit toujours tenir compte de notre armée. Les opérations en Galicie
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ne peuvent donc pas être considérées comme terminées, et désormais, devant les Austro-Allemands, vont surgir des problèmes plus compliqués encore. »
au sujet de Lvof, une argumentation disant que la guerre n'a point encore atteint son point culminant. Ce journal écrit « Dans leur élan offensif, les Allemands s'efforçaient ils ont pensé qu'avec la Galicie, d'obtenir des succès considérables la force de notre armée allait tomber. Or, celle-ci, non -seulement ne s'est pas affaiblie, mais, en se repliant vers ses réserves et ses renforts, elle devient de plus en plus puissante. La guerre est loin d'être finie, et nos troupes ont suffisamment de persévérance et de stoïcisme pour que, bientôt, la marche des opérations prenne une tout autre tournure. Il ne faut pas oublier que notre armée, après certains changements dans la répartition de ses unités, saura porter à l'ennemi le coup nécessaire, quels que soient les obstacles. Le général Joffre, dans sa retraite sur la Marne, nous a donné un exemple de sagesse. Il n'a pas craint de laisser approcher l'ennemi de la capitale même, et là, aux portes de Paris, il a infligé aux Allemands la défaite la plus cruelle en les rejetant vers le Nord. Il savait ce qu'il faisait lorsqu'il battait en retraite. Notre plan futur est sûrement pénétré du même savoir de l'art stratégique et des nécessités de la situation Le Rietch développe,
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».
CH. RIVET.
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LES PLUS BELLES PAGES DU LIVRE D'OR DE L'ARMÉE
Reconnaissances et Missions périlleuses -
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Légion d'honneur (H.L.), sous-lieutenant au
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DEFAUX
210e
régiment d'infanterie
Commandant la section d'arant-garde d'une reconnaissance chargée de constater l'existence d'un pont de bateaux et de le détruire, a fait preuve de sangfroid et d'une remarquable énergie dans la conduite de sa troupe. Bien qu'atteint d'un coup de feu au bras gauche, a continué, en arrivant sur le pont, à commander et à encourager ses hommes. [20 oct. J. O., 8 nov. 1914] DIDIER (M.-V.), capitaine au régiment mixte colonial A conduit avec une audace et on sang-froid remarquables deux reconnaissances successives (les 27 et 29 septembre [1914]). Est parvenu chaque fois, grâce à ses judicieuses dispositions, à s'approcher à courte distance de l'ennemi, à le surprendre complètement et à M infliger des pertes sérieuses sans en subir lui-même. [26 OCt. J. O., 8 nov. 1914.1
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lieutenant régiment de dragons :
GÉRARD DU BARRY (De),
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11e
Envoyé en reconnaissance, s'est trouvé nez à nez, dans un village, avec un escadron allemand en colonne par quatre sur la route. Sommé de se rendre, a chargé cet escadron, l'a traversé, tuant deux Allemands, recevant lui-même deux balles et un coup de lance, et a échappé à Fennemi» [8 oct.; J. O., 28 oct. 1914.]
GUYON (C.-O.h sous-lieutenant 26e régiment d'infanterie
:
au
Ayant été envoyé en reconnaissance avec un peloton, a fait preuve du plus grand courage en s'approchant à 100 mètres des tranchées ennemies, Est resté deux jours au contact, y maintenant énergiquement sa troupe; blessé, a refusé de quitter le commandement de sa compagnie. N'a été relevé que plusieurs heures après, en raison de sa blessure et sur l'ordre formel de son chef de bataillon. [27 OCt. 21 nov. 1914.] LAMY
; (Frédéric-Edeuard),
réserve au terie :
366e
sergent de régiment d'infan-
Sous-officier d'une haute valeur morale, animé de l'esprit de devoir et de sacrifice poussé jusqu'à l'héroïsme. Blessé cinq fois au cours du combat du 6 septembre 1944, il conservait le commandement de sa section et la maintenait sous le feu le plus violent Atteint d'une sixième blessure et mis dans l'impossibilité d'assurer son commandement etde faire le coup de feu, il se tramait près des blessés, leurdistribuant le contenu de son bidon. Revenu sur le front à peine guéri et mis, sur sa demande, à la tête d'un groupe de volontaires, a rempli avec la plus grande bravoure plusieurs missions périlleuses. Blessé grièvement le 12 novembre 1914, a domté à ses hommes l'ordre formel de l'abandonner sur le terrain, en vue de
leur éviter de tomber entre les mains de l'ennemi. [23 août J, 0., 16 sept. 1915 Le sergent Lamy est M. l'abbé Lamy, directeurau GrandSéminaire d'Amiens.
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]
de), sous-lieutenantde l'armée russe, affecté comme lieutenant au 5e régiment de dragons Depuis le 9 septembre [1914] est au front avec le 5e dragons. A marché avec toutes les reconnaissances d'officier, recherchant le danger. S'est distingué les 4, 5, 8 et 9 octobre. Les 19 et 20 janvier [1915], a donné le plus bel exemple de bravoure et d'énergie, conduisant plusieurs patrouilles, la nuit, jusqu'à la tranchée allemande. A fusillé une sentinelle dans la tranchée à bout por. tant. [4 févr. 0., 22 févr. 1915
SKADOWSKY (Léon
:
130'
(E.), sergent réserviste au
:
régiment d'infanterie
Ayant reçu l'ordre de ravitailler, dans une tranchée de première ligne, un bataillon qui commençait à manquer de munitions, a, malgré l'indication donnée de s'arrêter à un point abrité, dépassé ce point en portant au galop sa voiture à hauteur de la tranchée, parcourant ainsi un kilomètre à découvert sous une pluie de balles et d'éclats d'obus de plus en plus dense. A accompli sa mission en déchargeant sa voiture A J'extrémité de la tranchée et a rétrogradé avec un calme et un sang-froid remarquables, toujours au milieu de projectiles nombreux.
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[30 sept.
J. 0.,
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:
ment de dragons
Le 19 août [1914], a exécuté une
reconnaissance dans des conditions particulièrement dangereuses et délicates au milieu des lignes ennemies; a attaqué avec 12 cavaliers un peloton de 18 cavaliers ennemis, en a tué 14, a eu son cheval tué et a rapporté d'excellents renseignements. [28 oct.
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1. O.,
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nov. 1914.]
:
capitaine au 3° régiment de hussards Resté seul après un engagement, avec un sous-officier et un cavalier, attaqua résolument un groupe de fantassins, fit trois prisonniers et s'empara d'un drapeau. Quelques jours plus tard, a été blessé d'un coup de feu en reconnaissant -# un village. [27 sept. J. 0., 2 oct. 1914.]
SONNOIS,
] ; Médaille militaire
;J
BOURDAIS
SAISON (M.-A.),
a
nov. 1914.]
CONFOLENS (Aimé), caporal au 68° régiment d'infanterie
fourrier
:
Venu du service auxiliaire a, en de nombreuses circonstances, donné des preuves de bravoure et d'intelligente Initiative dans l'exécution de reconnais-
sances sur les tranchées ennemies, s'est particulièrement distingué aux combats des 16 et 17 décembre [1914], où il s'est offert pour porter à l'artillerie un renseignement important qui a permis un tir très efficace, et cela sous un feu très vif d'infanterie et d'artillerie, en suivant un cheminement où deux de ses camarades avaient trouvé la mort [13 févr. ; J. 0., 6 mars 1915.] LEJEUNE (J.-G.), 165°
sergent réserviste au
:
régiment d'infanterie
Sous-officier plein d'énergie, de bravoure et de sang-froid. A pris part le 11 avril [1915] à une reconnaissance qui a eu pour résultat la prise d'une tranchée allemande. S'est élancé le premier dans la tranchée, a fait trois prisonniers.
;
J. 0., 28 mai 1915.] THOMAS (Maurice), sergent au 120* régiment d'infanterie D'une activité inlassable, soutient le moral des hommes de sa demi-section par sa bonne humeur constante et les [25 avr.
:
nombreux exemples de dévouement qu'il accomplit chaque jour. Dans la nuit du 8 avril [1915], a fait cisailler complètement, par dix-neuf hommes, un réseau de fils de fer ennemi de 100 mètres de longueur sur 10 mètres de profondeur. Est allé seul, la nuit sui-
vante, en parcourant 400 mètres sous le feu des mitrailleuses allemandes, chercher des échantillons de fil d'un important réseau situé à moins de 20 mètres de la tranchée ennemie. Grièvement blessé à la tête. [17 avr. J. 0., 26 mal 1915.]
;
Citations à l'ordre sergent au ment de marche de zouaves
BALBOUS (Yves),
:
2°
régi-
Sachant inspirer à ses hommes les sentiments les plus élevés, modèle d'esprit de sacrifice et de discipline. A été blessé grièvement au cours d'une reconnaissance faite en avant des lignes. [28 mai 1915 ordre du régiment.] Le sergent Balbous est M. l'abbé Balbous, séminariste de Quimper. Relavivement remis de sa blessure, mais incapable désormais deporter les armes, il est aujourd'hui professeur à l'école Saint-Yves de cette ville.
;
BAPST,
:
maréchal des logis au
4°
dra-
gons A fait preuve, au cours d'une reconnaissance, d'un sang-froid et d'une initiative heureuse en amenant trente-six fantassins allemands à abandonner leurs tranchées et à se rendre.
;
J. 0.,28 mars 1915.] CALVEZ (Ilduc), sergent téléphoniste au 124° régiment d'infanterie A, durant l'attaque du 25 septembre [5 janv.
:
et les jours suivants, assuré d'une manière parfaite la liaison téléphonique entre le poste du colonel et les différentes unités, malgré les violents bombardements de l'ennemi. [1er oct. 1915; ordre du régiment.] Le sergent Calvez est religieux des Oblats de Marie-Immaculée. [1915]
(Louis), zouave de 2° classe au régiment de marche de zouaves
COMTE 4°
:
Zouave particulièrement brave, toujours volontaire pour les missions. Le 23 avril [1915], a fait preuve du plus grand courage en allant, sous le feu des mitrailleuses ennemies, couper des fils de fer. Le 26 du même mois a, sous un feu violent, ramené jusqu'au poste de secours un de ses camarades blessé depuis trois jours. Blessé le 26 avril [1915], avait déjà été blessé au début de la guerre. [9 juill. J. 0., 28 août 1915.]
;
(Jacques), chef de bataillon au 8* régiment de marche de zouaves Le 9 mai [1915], a pénétré dans des localités encore occupées par l'ennemi. y a fait de nombreux prisonniers. S'y est maintenu jusqu'au moment où il a reçu une autre mission. A continué, pendant les journées des il et 12, à faire progresser son bataillon sur un terrain balayé de projectiles. [1er juin; J. 0., 26 juill. 1915.]
CORTADE
sergent au fanterie :
CUEFF,
:
411e
régiment d'in-
fait preuve d'énergieet de sang-froid au cours de la rencontre d'une patrouille dont il faisait partie avec une patrouille allemande, supérieure en nombre, qui a été dispersée et a laissé un prisonnier. [28 juill. 1915; ordre de la brigade.] Le sergent Guetr est M. rabbé Cueff, prêtresurveillant au collège de Creisker, à Saint-Pol-de-Léon, diocèse de Quimper. A
(Pierre-Eagène-Gaston-Gabriel), sous-lieutenant au 20* bataillon de chasseurs.
DALAUDIER
Officier d'une bravoure, d'un dévouement à toute épreuve. Le 10 mai 1915, chargé d'attaquer avec la compagnie qu'il commandait une ligne de tranchées
ennemies, s'est porté tout seul en avant pour faire la reconnaissance, et Allea été retrouvé mort auprès de deux mands qu'il avait tués de sa main.
;
J. 0., 24 juill. DELAURE (Paul), caporal au ment d'infanterie [9 juin
:
1915.] 42°
régi-
Blessé deux fois depuis le début de la campagne, continue à faire preuve de bravoure en se proposant toujours pour les missions difficiles et périlleuses. brigade.] [24 avr. 1915; ordre de
la
Le caporal Delaure, promu sergent le 1" mai[1915], est M. l'abbé Delaure, élève au Grand Séminaire de Rodez. DELESTRE (Louis), sous-lieutenant de réserve au 29' bataillon de chasseurs à pied
:
s'est approché à la tête d'une patrouille à 40 mètres des tranchées ennemies, s'exposant personnellement au feu pour s'assurer si la tranchée était occupée. Se présente pour toutes les missions dangereuses. [13 nov. ; J. 0., 11 déc. 1914.] Lesous-lieutenant Delestre est M. l'abbé Delestre, élève au Grand Séminaire de Versailles. Le 30 septembre [1914],
(Pierre), adjudant-chef au48° régiment d'infanterie Patrouilleur audacieux,d'une bravoure et d'une énergie à toute épreuve, s'est avancé contre les retranchements ennemis au pas, sabre au fourreau, cigarette aux lèvres, s'est élancé sur le parapet, y a combattu à coups de pétards et de
DION
:
grenades jusqu'à ce qu'il tombe glorieusement. [9 juin; J. 0., 24 Juill. 1915.]
(René-Ablon), cavalier de i" classe du 6° escadron du 3° régiment de hussards
DUMONT
:
Cavalier d'une intrépidité et d'un sang-
froid au-dessus de tout éloge. Dans les premiers mois de la campagne, a rendu les plus grands services au cours de nombreuses reconnaissances. Aux tranchées, a doublé plusieurs fois sur sa demande son tour de service. S'est toujours spontanément offert pour remplir les missions les plus périlleuses. A été frappé mortellement au moment où, après être allé comme volontaire terminer un travail aux défenses accessoires dans un endroit particulièrement dangereux, il rentrait dans la tranchée.
avr. ; J. 0., 21 mai 1915.] EUSTACHY (Louis), lieutenant au i59* régiment d'infanterie A fait preuve du plus grand courage en se portant, de nuit, au-devant de ses troupes pour faire la reconnaissance d'une tranchée ennemie fortement occupée. A été assailli à coups de fusil et de grenade. [15 oct. 1915; ordre de la division Le lieutenant Eustachy est M. l'abbé Eustachy, du diocèse de Gap. Mobilisé comme caporal, le 2 août 1914, blessé le 19 août, nommé sergent le 23 février 1915, sous-lieutenant le 9 mai 1915, lieutenant le 25 septembre; fait fonction de commandant de compagnie. [21
:
]
:
FERRADINI, lieutenant-colonel à l'état-
major du
Corps d'armée A exécuté, sur tout le front du 17* Corps et sous le feu des tranchées ennemies, une série de reconnaissances ayant pour but l'organisation d'un réseau de liaisons et de commandement. S'est acquitté de sa mission avec succès, s'exposant à un péril incessant et donnant journellement la preuve de son intelligence, de son énergie et de son courage. [11 nov. J. 0., 2 déc. 1914.] 17*
;
sergent réserviste au régiment d'infanterie
FOUBERT,
:
328*
Depuis le début de la campagne, s'est fait constamment remarquer par sa bravoure et son entrain communicatif. Le 2décembre[19141,aconduitune patrouille qui est allée jeter des pétards dans les
tranchées ennemies; le 3, s'est brillamment distingué dans une contre-attaque meurtrière; le 5, est alléavec un homme jeter dans les travaux de l'ennemi une grosse charge d'explosif, bouleversant complètement une avancée et détruisant les boucliers ennemis. [31 janv. J. O., 11 févr. 1915.J GAPEL (Joseph), caporal au 124* régiment d'infanterie Dans la nuit du 24 au 25 août 1915, chef de patrouille très audacieux, ayant reçu la mission délicate de couvrir les travailleurs en se portant à la lisière d'un bois très rapproché et que l'on supposaitoccupé par des postes ennemis, n'a pas hésité à se porter en avant, s'est précipité dans le bois malgré les coups de feu qu'il recevait à quelques mètres. A obligé le poste allemand à s'enfuir, a pris sa place, remplissant ainsi complètement sa mission.
;
:
;
7. O., 21 oct. 1915.] Le caporal Gapel est un séminariste du diocèse de Laval. [18 sept.
(Jean), caporal au il* bataillon de chasseurs. Patrouilleur dont le sang-froid et la bravoure ont été maintes fois éprouvés dans des circonstances périlleuses. Le 20 mai [1915], s'est lancé en entraînant ses hommes à travers le brouillard à la poursuite d'une patrouille adverse; l'ayant rejointe et ayant eu son béret traversé par une balle, a crié à l'ennemi « Vous êtes cernés, bas les armes, réussit ensuite à le rendez-vous» mettre en fuite après avoir mis deux Allemands hors de combat. [10 juin 7. O., 9 août 1915.] LECŒUR (Jean), soldat de 2* classe au 316* régiment d'infanterie Mortellement blessé au cours d'une patrouille faite en plein jout- et sous le feu de l'ennemi pour laquelle il s'était HUGON
:
;
;
:
;
proposé volontairement a eu la suprême énergie de se traîner vers nos lignes pour ne pas tomber entre les mains de l'ennemi; a donné ainsi à tous le plus bel exemple de courage et de force morale. [23 avr. 7. O., 20 mai 1915.J
;
MOISAN
au
65*
(Charles), soldat de régiment d'infanterie
r classe
:
Quoique marié et père de famille, s'est offert depuis le commencement la campagne pour toutes les missions périlleuses; a été blessé grièvement quelques mètres des tranchées allemandes, en essayant de surprendre un poste d'écoute.
de
à
arr. ; J. O., 25 avr. 1915.] MOOG (Charles), chasseur de 2' classe au 57* bataillon de chasseurs : [let
Le 12 mai 1915, blessé d'une balle au bras, a demandé à ne pas être évacué pour continuer à faire son service. , Le 18 mai, sa compagnie se trouvant engagée dans un bois, et une fusillade intense se produisant en avant de l'aile gauche sans qu'on puisse déterminer si ce feu provenait de fractions allemandes
ou françaises, s'est proposé comme patrouilleur volontaire et, après un parcours dangereux dans un taillis épais occupé par des groupes de tirailleurs ennemis, a pris contact avec la ligne allemande et a rapporté des renseignements précis sur son emplacement.
;
[25 juir
7. O., 23 août 1915.]
(François), sous-lieutenant au 37* régiment d'infanterie A l'attaque du 9 mai [1915], est parti avec son chef de bataillon en tête de toutes les unités lancées à l'assaut, entraînant ainsi par son exemple tous les hommes placés sous ses ordres. Le 11 mai, est allé reconnaître, de sa personne, les ouvrages ennemis et a recueilli de précieux renseignements. A été blessé grièvement, alors qu'il était à la tête de sa compagnie chargée d'attaquer les ouvrages. -
:
MOREAU
mal: 7.
juin. 1515.] PANAGET (Joseph), lieutenant de réserve au 309' régiment d'infanterie: [31
O., 2
N'a cessé, depuis son arrivée au Corps, de donner les meilleurs exemples d'énergie et d'entrain. Ayant pris dans des circonstances particulièrementdélicates
le commandement de la22* compagnie, s'est donné tout entier à son nouveau service et a rapidement obtenu une compagnie entraînée, disciplinée et pleine de confiance en son chef. S'est plusieurs fois signalé par des reconnaissances hardies et bien oonduites, notamment à Blamout dans le courant du mois de septembre [1914]. Enfin, se trouvant avec sa compagnie aux avantpostes du secteur de Pcxonne et sentant les premières atteintes d'une maladie, ne s'est pas- fait porter malade et a tenu à continuer son service jusqu'à la relève des avant-postes. A été atteint d'une fièvre typhoïde particulièrement £rave.cn raisonduretardmis lesoigner, et a failli succomber. 117 févr. 1915 ordre du régiment.] Le lieuteruznt Panaget est M. l'abbé
à
;
Panaget, prêtre, surveillant à l'institution libre de Beaupréau, au diocèse d'Angers. PIERRE (Jacques), caporal au 359, régimentd'infanterie
:
conduit et exécuté avec crânerie et sang-froid des patrouilles qui l'ont conduit à quelques pas des Allemands, en a rapporté des renseignements précieux. fl5 janv. 1915 ordre de la brigade.] Leeaporallacques Pierreest M. fabbé J. Pierre,vicaireauMayet-de-Montagne, diocèse de Moulins. Nommé sergent daftfr4a suite, il fi obtenu une nouvelle citation dont voici le texte : A
;
PIERRE (Jacques),
sergent au 309* régi-
:
ment d'infanterie A montré à ses camarades
de courage
exempte
le plus bel à l'assaut d'un fortin
allemand. Umai 1915; ordre dela division.]
(François), sergent au 71* régiment d'infanterie Chargé de reconnaître un entonnoir aituè à quelques mètres de la tranchée
POILPOT
:
et qu'on croyait occupé par s'y est rendu seul, parcouru
allemande l'ennemi,
a
cet entonnoir en plein jour, y a onnurcc les boyaux d'accès de l'ennemi. A été grièvement blessé en rentrant aux tranchées, -est venu faire froidement son rapport, faisant preuve d'une grande énergie et d'une très belle bravoure.
juin;
{9
7. 0., 24 juill. 1915.]
sergent pionnier au 93" régiment d'infanterie
:
QUESNEL (Marcel),
Porté comme volontaire pourcouper deux réseaux de fils de fer, a accompli cette mission au milieu d'un violent bombardement, et a fait preuve d'un sang-froid et d'un courage remarquables. [25 sept. 1915; ordre de la division.] Le sergent Quesnel est religieux des Oblats de Marie-Immaculée. SïïDRE, adjudant de
réserve au
:
107*
ré-
giment d'infanterie Pendant la nuit s'est porté seul en avant de sa tranchée, pour aller à la recherche d'une de sespatrouilles qui tardait à rentrer. A dû, par trois fois, échanger des coups de feu avec une
:la
patrouille ennemie; a été grièvement blessé. Ramené dans la tranchée, a dit à ses hommes « Oh que je souffre 1 France! Camarades, Mais c'est pour soyez braves 1 » Est mort des suites de sablessure. [4 nov. J. 0., 8 déc. 1914.]
!
;
(Jean), sergent au 207* régiment d'infanterie N'a cessé pendant toute la journée du 17 février [19151, de faire preuve du plus grand courage et du plus grand sangfroid en assurant la transmission des ordres" en portant secours aux blessés sous un feu très violent d'artillerie. 16 mars 1915; ordre do la division Le sergent Vergne, promu adjudant au même régiment, est M. l'abbé Vergne du diodse de Tulle. VERGNE
:
et
]
MORTS GLORIEUSES * Le lieutenant-colonel Edmond Morris, commandant le 47e d'infanterie. Ct 3
juillet 1915.)
Le lieutcnant-coIonel EdmondMorris, commandant le 478 régiment d'infanterie, blessé le 29 juin 1915 au matin par un éclat d'obus, au moment où il quittait les tranchées du Labyrinthe après huit jours de durs combats, est mort le 3 juillet 1915 des suites de ses blessures.
;
C'est une belle figure de chef qui disparaît avec le colonel Morris. Chef, il l'était dans toute l'acception du mot il l'était par son dévouement, son savoir, son extraordinaire puissance de travail, sa haute valeur intellectuelle et morale. Profondément chrétien, il était avant tout l'homme du devoir, consciencieux, travailleur acharné, ne s'accordant jamais, même au temps de paix, aucun plaisir, aucune satisfaction. La guerre n'avait fait que développer et porter à leur maximum de rendement- ses qualités maîtresses plus infatigable que jamais, se faisant la plus haute idée de ses lourdes responsabilités, il voulait tout voir et tout faire par lui-même. Ce chef ne se croyait pas le droit de s'arrêter jamais, de se reposer, ou, plutôt, le travail était son bonheur, son délassement. Sa fin fut le digne couronnement d'une existence si bien remplie. So sentant frappé, le lieutenant-colonel, en tombant, fit le signe de la croix, et dès que l'aumônier de la brigade fut arrivé près de lui, il demanda tout de suite à se confesser, commençant sa con-: fession devant ses soldats. Envisageant la mort sans effroi, il l'accepta avec une admirablë résignation. Consciencieux jusqu'à la fin, il mit tous ses soins à1 préparer sa belle âme à paraître devant Dieu. Jusqu'à la fin aussi, il pense bien plus aux autres qu'à lui-même. C'est ainsi que sa dernière parole fut pour renouveler de plein cœur le sacrifice de sa vie. « Il est fait depuis longtemps, disait-il, lef sacrifice de ma vie 1 Tous les matins, je l'ai renouvelé je le fais à1 nouveau en ce moment, et tout entier pour tous ceux que j'aime pour la France 1 » Puis, se reprenant après une minute 1 1 d'arrêt mon régiment, qu'il « Et pour mon régiment aussi Ah était beau ! » Et quelques instants après, il expirait, consolé et réconforté par là douce présence d'une épouse et d'une fille tendrement aimées, à qui une délicate attention avait permis d'accourir à son chçvet*
:
eL.
:
;
;
Il est mort, le cher colonel Morris, sans avoir pu embrasser une dernière fois son fils, prisonnier de guerre sans avoir pu connaître sa promotion au grade d'officier de la Légion d'honneur ni la citation très flatteuse qui l'accompagnait, double conséquence de ses hauts mérites, qui survenait le jour même de sa mort, quelques
1. allé recevoir là-haut la récompense qui vaut mieux
heures trop tard
Mais il est que toutes les autres, l'éternelle récompense des héros et des saints. Dans une lettre à sa femme, le 15 juin [1g15], veille d'un grand combat (lettre que le colonel portait sur lui le jour où il fut frappé), il écrivait
:
Si tu reçois ce petit mot, c'est que la grande bataille pour laquelle je pars m'aura été fatale. J'aurai fait mon devoir jusqu'au bout! Ma dernière je serai parti en les pensée aura été pour Dieu, pour toi et les miens aimant de tout mon cœur. Quant à toi, ma femme bien-aimée, tourne-toi vers Dieu, en lui disant, comme je le dis présentement Que votre volonté soit faite et non la mienne.
:
:
:
Et il termine en disant
Haut les cœurs pour Dieu et la patrie1 [Croix,
22
oct.
1915.]*
**# Le 3o juin, il était promu officier de la Légion d'honneur avec cette belle citation (J. O., 24 juill. 1915) :
:
(J.-A.-E.), lieutenant-colonel, commandant le ment d'infanterie MORRIS
4t
régi-
Ii fait preuve d'énergie et d'habileté en enlevant avec son régiment plusieurs lignes de tranchées allemandes puissamment organisées, pendant les journées des 7, 8, et 10 juin 1915. Le 16, chargé de nouveau d'une attaque, a su communiquer à tous ses subordonnés le courage et l'entrain qui l'animent, permettant ainsi de renouveler par trois fois, dans la journée, une attaque sur un point garni de mitrailleuses. S'est porté enfin, de sa personne, sous un bombardement intense, jusqu'à la ligne de feu pour réorganiser ses unités fortement éprouvées, privées de leurs officiers, et parer ainsi à une contre-attaque. Le 7 juillet 1915 une citation à l'ordre de l'armée reproduisait le même motif que celui de la Légion d'honneur.
9
capitaine Eugène de Benoist, du 1er régiment mixte de zouaves. Le
(t
17
juin 1915.)
Eugène de Benoist, né le 2 avril 1884, à Senlis, était le septième de cette belle lignée de neuf enfants, une des gloires du général Jules de Benoist. Il fit de brillantes études aux collèges des Pères
Jésuites de Reims et de Vannes, et fut reçu à Saint-Cyr, à dix-huit ans, l'un des premiers. Il en sort comme lieutenant de cuirassiers, débute à Vouziers, demande bientôt le Maroc, où il est affecté au 38 spahis il prend part à la campagne de l'Ouest (septembre 1907), puis à celle de l'Est (1910-1911), s'y distingue et mérite d'être cité à l'ordredu jour. De retour en France avec sa jeune femme (née de Charnacé), qui l'avait courageusement suivi à Oudjda, E. de Benoist passe au 8° dragons de Lunéville. Comme son père, le jeune officier, grand, mince, d'une tournure si distinguée, avait les plus remarquables aptitudes militaires il joignait au sens inné de l'orientation, de la direction sur le terrain, des connaissances topographiques qu'il développait sans cesse par l'étude. Cavalier excellent, il se compléta encore à cet égard par une année de Saumur, où il fit son cours de la façon la plus brillante. Il reprenait à peine sa place à Lunéville lorsque la guerre vint l'y trouver. Eugène de Benoist partit aussitôt avec son régiment, et, dès les premiers jours de la campagne, écrivait son maréchal des logis de il s'était déjà révélé.
;
;
V.,
Avec six hommes contre quinze, il avait chargé des cavaliers westplialiens et en avait tué près de la moitié. Dans ses reconnaissances restées célèbres à la 2e division de cavalerie, il me faisait l'honneur de me garder à ses côtés. J'en étais fier. Ensemble, nous avons vu souvent la mort de près et vécu des instants tragiques et
terribles
:
Un aussi constant héroïsme valut à de Benoist plusieurs citations BENOIST (EUGÈNE DE),
lieutenant au
8e
;
:
dragons
Au cours d'une reconnaissance, le 5 août [1914], a bousculé une patrouille et ramené un prisonnier le 22 août, étant en reconnaissance avec six cavaliers, a bousculé une patrouille de quatorze uhlans et en a mis cinq hors de combat. [7 sept. 1914.]
Le 25 octobre 1914, il était fait chevalier de la Légion d'honneur (J. 0., 21 nov. 1914) : BENOIST
(E.-M.-P. DE), lieutenant au
8e
:
dragons
Ên reconnaissance le 14 septembre [i914] avec son peloton, ayant traversé un village (Woël) occupé et barricadé par les Allemands, y a pénétré de nuit avec son sous-ojficierpar les jardins, a obtenu des habitants des renseignements importants et les a fait parvenir de suite au commandant de la division. 1
;
L'automne avait été rude
un
repos relatif de six semaines paraît
;
interminable S cette vaillante nature. Eugène de Benoistdemande à il est nommé capitaine à la passer aux tirailleurs marocains 38 brigade marocaine, envoyé dans les tranchées de l'Aisne, puis sur l'Yser, prend part au combat de l'Eclusede Hetsas, où labrigade marocaine mérite cette belle citation : N'a cessé de se distinguer depuis le débat-de la campagne, vient de faire preuve d'une persévérance -et d'an entrain héroïques en enlevant àl'ennemi, par une lutte pied à pied, qui a duré plus de seize jours, tous les irejNàWdéfinipoints d1appuifortifiés qu'il tenait à l'ouest d'an canal, tivement sur la rive orientale, lui infligeant d'énormes pertes et lui- faisant de nombreux prisonniers. Le 17 juin, le Ier zouaves était cm seconde ligne dans un ravin, près deSouchez, attendant un ordre d'attaque, sous un feu de mitrailleuses. Les hommes, couchés sur le dos, -se creusaient un petit capitainede abri de terre pour parer a cet arrosage intense Benoist fut atteint à la cuisse. Un officier le tira par les pieds jusqu'à un abri. Successivement, un homme un jeune major furent blessés en le pansant. A la nuit tombée seulement, il put être enlevé sur une civière et transporté à Aubigny-en-Artois. Il avait l'artère fémorale coupée. Il annonça lui-même sa blessure à sa mère, sans lui en dire lagravité. D'ailleurs, on espéra d'abord lesauver, mais le 22 juin, de Benoist sentit qu'il touchait à sa fin ; il enavait déjà envisagé la possibilité. Voici ce qu'il avait écrit le 5 juin à l'une de ses sœurs Peut-être un sacrifice pareil sera-t-il demandé avant peu à ma femme il faut toujours se préparer à cela demander à Dieude ne pas être pris au dépourvu. L'idée qu'on laisse derrièresoi des êtres chers et ayant devant eux peut-être de longues années de luttes serait pénible, si on ne se disait que ces sacrifioes sont la rançon de la France et queDieu, en raison de leur, grandeur, doit accorder toutes les grâces nécessaires à ceux qui les font ; je crois qu'il faut demander à Dieu non pas de les éviter, mais d'être capable de les faire, s'il les exige de nous. Cet admirable chrétien, dont la foi profonde avait illuminé la vie, reçut en pleine connaissance les secours de la religion, entouré de ses camarades dont il faisait l'édification, il s'éteignit dans les sentiments du plus complet acquiescement à la volonté
le
; le
et
:
et
;
et,
divine. Quelques jours après [10 juill. igi5], il était, une fois encore, cité à l'ordre du jour de l'aTmée entermes magnifiques (Journal Officiel, 5 sept. 1915) : BENOIST (EUGÈNE-MARm-PAuL), capitaine au IER régiment mixte de zouaves et tirailleurs Officier de cavalerie, venu, sur sa demande, -dans l'infanterie.A toujours fait preuve des plus belles qualités militaires, inspirant le plusbel entrain
:
et la plus grande confiance à sa compagnie. Blessé mortellement le 17 juin [1915] en organisant avec la plus grande bravoure la position de sa compagnie, sous un violent feu de mitrailleuses. -
;
Les infirmiers et les officiers à qui nous devons ce récit ont parlé avec une profonde admiration de son énergie, de son entrain et de l'ascendant qu'il exerçait sur ses hommes il était bien le chef, le vrai chef qui commande à sa troupe, mais sait s'en faire aimer
;
c'était un soldat superbe et un ami précieux (lettre du commandant C.). Ceci n'est pas pour étonner ses amis, qui l'ont toujours connu servant avec une égale ardeur son Dieu et sa patrie. Au Maroc, il fut le discret appui de l'œuvre si intéressante de l'aumônerie militaire et contribua à la développer à Oudjda en garnison, les Conférences de Saint-Vincent de Paul le comptaient parmi leurs membres actifs. -
;
[Croix.
23
nov. 1915.]
Le lieutenant P. Patella, du 6e chasseurs,
vicaire à Saint-André, diocèse de Marseille. (t 15 juin 1915.) C'est face à l'ennemi, à la française, à la tête de sa section qu'il entraînait à l'assaut, que l'abbé Patella — frappé en plein front par un éclat d'obus — est tombé pour Dieu et la France, le 15 juin, à 6 heures du soir, sur cette terre d'Alsace que sa vaillance et celle de nos héroïques troupes rattachent pour jamais à la mèrepatrie. Il importe de dire qu'au cours de cette action, les Allemands subirent un sanglant échec. Et c'est dans un petit cimetière, non loin de Schlucht, que repose la dépouille du valeureux prêtre lieutenant, « tombé en brave », dit tout spécialement la note officielle signée de son chef de bataillon. C'est sur le champ de bataille que l'abbé Patella conquit ses galons de lieutenant. Parti le 2 août, au premier jour de la mobilisation, il se trouvait depuis le 6 du même mois à la tête de ses héroïques et chers alpins. Sa valeur militaire fut appréciée à ce point que, par deux fois, ses chefs lui confièrent le commandement de deux compagnies. L'abbé Pascal Patella n'avait que vingt-neuf ans. Né en Italie en 1886, il vint à Marseille âgé de trois ans. Son père, un brave pêcheur, s'installa au quartier de Saint-Laurent, demeuré le cœur du vieux Marseille, et où se gardent si jalousement les traditions de labeur et d'honneur. Son vénéré curé, qui nous parle de son cher vicaire avec émotion et les yeux pleins de larmes, se plaît à nous livrer les détails charmants de jeune vie de celui qui, il y a un an encore, était son précieux collaborateur à Saint-André. Il nous dit l'amour
de l'étude de l'abbé Patella, sa grande piété, comment, au soir de sa première Communion, il annonça qu'il voulait être à Dieu seul et comment, formé par le vicaire de Saint-Laurent, M. l'abbé Martini, aujourd'hui chanoine, et qui pleure l'élu du Très-Haut, l'adolescent entra au Petit Séminaire de Marseille où, chaque année, il enlevait les premiers prix. alpins. Il Puis c'est le service militaire le voici aux chasseurs [ quitte le régiment avec le grade de sous-lieutenant, après un brillant examen. Ordonné prêtre en 1912, il fut, par Mgr Fabre, nommé vicaire à Saint-André, où son activité inlassable, son zèle apostolique, son besoin d'immolation trouvèrent un vaste champ au sein de cette paroisse populeuse et si digne d'intérêt, aux soins spirituels de laquelle, d'ailleurs, il se voua aussitôt sans ménagement. C'est parmi les jeunes, surtout, que l'abbé Patella développa son effort. L'abbé Patella était un coutumier de l'héroïsme, et le gouvernement de la République tint, par une citation à l'ordre du jour de l'armée, parue en janvier dernier, à attester devant les troupes et la nation la bravoure innée du prêtre soldat. C'est en ces termes qu'était rendu cet hommage
:
:
:
PATELLA (PASCAL-MARIE),
alpins
lieutenant de réserve aux chasseurs
et
Depuis le début de la campagne, s'est distingué par son courage par son dévouement pour les blessés. En dernier lieu, à Valtaque du 27 décembre I j';f9~, a entraîné vigoureusement sa section en avant sous un feu des plus violents. -
Modeste autant que brave, l'abbé Patella, en communiquant cet ordre du jour à son curé, M. l'abbé Léon Barucco, l'accompagnait de ces nobles lignes I C'est sans doute une belle récompense dont je puis être fier avec parents et les amis. Mais ma plus belle récompense, c'est d'avoir pu remplir, atec l'aide de Dieu, mes devoirs de prêtre comme ceux de soldat. Les soldats accourent à moi en foule pour se confesser et communier les o veilles de fètes et des combats surtout. La grande majorité des officiers donnent l'exemple. Que de retours parmi les uns et les autres Dieu en soit béni 1 Que dois-je désirer de plus et qu'y a-t-il de plus consolant pour un cœur de prêtre? Les vaillants ne le sont jamais à demi. Soldat, le lieutenant Patella demeurait le prêtre dont c'est le rôle et tout l'apostolat de se dévouer, de se donner, de se sacrifier. Les actes répétés d'énergie, de mépris de la mort, d'ardeur au combat, d'entrain à l'assaut ne pouvaient que trop faire prévoir la dramatique issue d'un patriotisme assis la fois sur l'amour de la France et des. âmes. La mort, pourrait-on r
:
les
!
à i
-
affirmer, n'est que la récompense et comme le couronnement attendu et magnifique de cette bravoure et de cet héroïsme. [Soleil du Midi, i" juill.
1915.]
ODYSSE RICHEMONT.
.:
juillet 1915, il était cité une seconde fois à l'ordre du jour (J. 0., 3o août igi5) : Le 1er
LAPLAJNCHE (ELISÉE-ELIE-CLODION),
lieutenant au
6"
:
;
capitaine
bataillon de chasseurs
PATELLA (PASCAIJ);
Ont brillamment enlevé leur compagnie à l'assaut d'une position très forte. ment organisée, qui, grâce à leur audace, tomba en notre possession tombés glorieusement frappés à la tête de leurs hommes, sur la sont - position conquise par eux.
;
***
Citons enfin ce touchant récit publié par la Croix de l'Ardèche : Sur les pentes d'une forêt d'Alsace, une chapelle avait été élevée
en hâte. Un menu campanile, surmonté d'une croix, indiquait la destination de cet abri fait de planches. Une balustrade en bois rustique formait l'enceinte du petit sanctuaire-de hasard. Ce jour-là, dimanche, le ciel était De fines gouttelettes filtraient à travers le feuillage vert sombre des hauts sapins. A l'heure marquée, une foule de soldats s'étaient groupés autour de la chapelle improvisée. Je m'avance vers ce rassemblement. Au centre, j'aperçois un jeune prêtre aux traits distingués, à la pose pleine de fierté. Une moustache toute brunie me révèle que c'est un prêtre soldat qui célèbre les saints mystères. L'attitude du célébrant impressionne vivement. Il opère lentement, pieusement, avec majesté. Les gestes les plus communs de la liturgie sacrée revêtent par lui un caractère de gravité inaccoutumée. De tempsen temps, il se tourne vers l'assistance, les yeux discrètement baissés. Il ouvre amplement les bras qu'il tend levés en Dominus vobiscum. disant A maintes reprises, sa taille svelte s'incline, il baise la pierre Bacrée avec infiniment de respect. Après l'Evangile, il ne nous adresse point la parole, et ce silence
gris.
:
m'intrigue.
La messe est chantée. De son organe faible, mais excessivement juste, il entonne la Préface. Il traduit merveilleusement les mélodies de la musique grégorienne. Le ton de sa voix devient plus fort et plus ample selon le sens des paroles. A l'Elévation, il recule d'un demi-pas, il se penche vers l'Hostie et prononce les paroles de la
Consécration. Ses genoux ploient dans une adoration profonde. Il élève tant
l'Hostie toute blanche qu'il tient dans ses mains finæ. Il répète la même cérémonie sur le calice. Puis le visage du célébrant j'illumine et s'ennoblit. On se fait tout bas cette réflexion Comme sentiments de e jeune prêtre dit bien la messe 1 Pour s'exciter auxl'expression du oi et de piété, il n'y a qu'à ne point perdre de vue célébrant. Les regards braqués des quatre coins sur sa personne le distraient point. Sa pensée suit des mystères avec un monde jue les yeux ne voient point. Le chant du Pater succède. Le rythme en est saccadé. Le prêtre nsiste sur les demandes de l'Oraison dominicale. Sa voix s'attarde Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in risiblement sur ces paroles erra. Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » amais je n'avais si bien compris le sens des paroles de la prière u Maître. A la fin, d'un geste large et bien tracé, il nous bénit. La messe est finie. Le groupe ne s'en va point. L'officiant dépose ses habits liturgiques. Un bel uniforme d'officier apparaît. Deux galons d'argent brillent sur la manche de sa tunique oire. On demande son nom. C'est le lieutenant Patella, commandant la Ire compagnie du 6" chasseurs. I J'apprends qu'il est du diocèse de Marseille. Il vient de dire a dernière messe. On dirait qu'il l'a pressenti. De lourdes pensées Remblaient planer au ciel de son âme pendant toute la messe. I Depuis le début de la guerre, ce jeune prêtre officier marche à la ête de ses « diables bleus ». H les a maintes fois menés à l'assaut es positions ennemies. I Et, dans deux jours, il va tomber sur le Braunkopf, tué par un
u'il peut
:
a
:
bus. I Gel agneau se ruait comme un lion sur les tranchées allemandes. Vraiment, c'est miracle que le même homme puisse allier tant de timidité à tant d'impétuosité et tant de tendresse à tant de force. lEL je me demandais par quel mystère de tels hommes avaient pu, dans notre belle France, trouver des ennemis, et je priais le bon fDieu de dessiller les yeux de l'aveugle et de toucher le de cœur 'impie. G. L. -
|
Le
sous-Ileutenant Gaston Bertoln, sous-préfet de Salnt-Affrlque. (t 14 juin. 1915.)
D'une lettre d'un brancardier
:
Hier, dans l'après-midi, 14 juin, on nous a apporté en automobile un sous-lieutenant, gravement atteint à la tête. Un prêtre soldat lui donna sous condition les derniers sacrements, et il mourut peu de temps après, sans avoir repris connaissance. 1
i: ]
:
En faisant l'inventaire de ses objets, nous avons trouve une carte de visite M. Gaston Bertoin, sous-préfet de Saint-Affrique. Dans j son porte-monnaie se trouvait un papier un peu froissé. C'était une prière au Christ, écrite au crayon, probablement de sa main. Et, dans un petit sachet, il y avait une relique de la Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus. [Croix,
9
juill.
1915.]
;
sous-lieutenant François Carlet, du 333e d'Infanterie, prêtre du diocèse de Belley. Le
]
;
juin 1915.}
Ct 25
L'abbé François Carlet, né à Argis (Ain), le 23 décembre 1885, professeur au Petit Séminaire de Belley, sous-lieutenant de réserve au 333e d'infan- < teric, a été tué d'une balle au front, en Lorraine, en montant à l'assaut ] d'un blockhaus, dans la nuit du 25 au 26 juin igi5,
:
L'abbé Carlet était un brave depuis le début de la campagne, j il avait fait ses preuves. Parti comme sergent, peu après, ses chefs le distinguaient et lui donnaient le commandement d'une section. Il répondit à la confiance que l'on avait mise en lui il sut aussitôt j s'imposer à ses hommes par son sang-froid et son Maintes fois' on lui confia des missions périlleuses. S'agissait-il j d'aller reconnaître les positions de l'ennemi il était toujours prêt. ] Il paraissait se complaire dans ces expéditions nocturnes et il en 1 contait avec humour les divers incidents. Une fois, il faillit être fait j 1 prisonnier souvent, il n'échappa à la mort que par miracle. Le sentiment du devoir qui, en lui, était si vivant et la vie i intérieure qu'il savait entretenir en son âme lui donnaient une force intense qu'il communiquait à ceux qui étaient sous ses ordres. Demandait-il quatre volontaires pour aller avec lui, dix se présentaient. Sa fermeté ne se démentit jamais. Le 24 juin, il écrivait encore à sa famille et lui parlait, comme d'un simple fait divers, des rudes combats auxquels il venait d'être mêlé. Il demandait simplement quelques heures de repos, du reste bien 'j Le lendemain — c'était le 25, — nouvelle alerte. A la tombée de la nuit, on attaque les positions ennemies. Les hommes bondissent j j tranchée Les replient. prise. Allemands Une première est se en avant. Il faut profiter de l'avantage on poursuit. Une section s'avance à l'assaut d'un blockhaus, soutenue par la section de l'abbé Carlet. Les balles sifflent, un feu violent éclate, les hommes se couchent. Sans attendre de nouveaux ordres, le lieutenant Carlet s'élance en j avant pour les entraîner tous à l'assaut. C'est à ce moment qu'une balle le frappa en plein front. Quatre de ses soldats, au péril de j
?
; énergie.-j
;
gagné. :
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leur vie — deux furent blessés — allèrent chercher son corps. et maintenant il repose en terre lorraine, dans le petit cimetière
de
D.
Mort héroïque de soldat, sans doute, mais aussi mort de prêtre. Depuis longtemps, il avait fait à Dieu le sacrifice de sa vie pour la France, pour le collège de Belley où ses élèves avaient pour lui une sincère affection. Là comme sur le champ de bataille, son entrain, son énergie, sa droiture surtout lui avaient gagné tous les cœurs, et le jour où l'on apprit sa mort, ce fut une véritable consternation. Les jeux cessèrent sur les cours, et la vieille maison s'enveloppa dans le silence du deuil. La sympathie qui rayonnait de sa personne venait de ce qu'il avait une âme vraiment sacerdotale, un caractère ferme, loyal, et, sous un peu de rudesse, un cœur pro-
fondément bon. Nous qui l'avons connu et aimé, nous savons où il puisait sa force, son calme devant le danger, et il nous semble le voir dans cette vie qu'il nous dépeignait lui-même « Combien de fois, disait-il, ai-je parcouru la ligne de feu au son sinistre des balles, de jour, de nuit — par ces nuits profondes, noires, — par la pluie, par la neige, nuits pleines de mystères effrayants, de dangers sournois, de la sentinelle vous donne le frisson, où le où le « halte-là sifflement de la balle, la gerbe de feu du shrapnell vous font tressaillir. Combien de fois ai-je parcouru cette ligne, un fusil tout armé d'une main, mon chapelet dans l'autre, visitant mes sentie nelles pour les réconforter contre la fatigue et le danger, et donnant le mot d'ordre de la résistance au moment de l'attaque » Un fusil et un chapelet la prière et le sacrifice l'abbé, le lieutenant Carlet est là tout entier.
:
»
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;
L. B. [Sem. rel. Belley,
9
juill.
1915.]
**• Aux notes, d'un aumônier militaire publiées par la Semaine religieuse de Nancy, nous empruntons ce passage sur la mort de l'abbé Carlet : 26 juin. — Boum boum ! vlac ! tac tac tac tac -. Samedifusils et mitrailleuses font rage. Il est 2 h. 1/4. La plaine est canons, blanche d'éclairs fulgurants. Là-bas, ils se battent, tombent, meurent. Mon Dieu, quand donc tant d'angoisses finiront-elles Des mitrailleuses, six « moulins à poivre », me dit un bleu à la jambe moulue, étaient dans le boyau. Hélas 1 40 soldats blessés, un sergent, le cou traversé, mort. Mort aussi le petit lieutenant qui commandait l'attaque c'était un prêtre encore, le troisième qui tombe depuis huit jours devant ces lignes. M. l'abbé Carlet, du 333e, était professeur au Petit Séminaire de Belley. Il disait, hier soir, en partant à l'assaut ; « Je cours au grand
!
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:
je le sens !
m Oui, c'était le grand sacrifice Qui, » ». maintenant, rougira de son sang les plaines que nous foulons P. 1 Lequel, de notre légion sacerdotale, pourtant très réduite, Dieu va-t-il encore rappeler à lui ? Faut-il encore des victimes ? Alors, ce sera peut-être mon tour ? Suis-je prêt ? Fiat voluntas tua Pauvre abbé Carlet ! On vient de le ramener d'entre les réseaux., de fils de fer. Il a été déposé au numéro 13 du Vého. Avec M. l'abbé Richard, vicaire à Epinal, aumônier de la division, je viens d'aller m'agenouiller devant sa dépouille mortelle. Une balle lui i avait troué le front, un beau front dénudé. La capote était percée Í de balles. Il est tombé, me dit son major., sous le feu d'une mitrail- -1 leuse, et la mort glorieuse des braves est venue s'ajouter à une « mort sainte, doublant ainsi les fleurons de -cette couronne sacerdo- i tale qui, aujourd'hui, est déposée sur son 1
sacrifice,
!
.°
front.
1
[Sem. ret. Belley, 24 sept. 1913.]
*eu Le 10 juillet 1915, le sous-lieutenant Carlet était cité à l'ordre de l'armée en ces termes (J. 0., 31 août 1915) :
1
:
sous-lieutenant au 333° régiment d'infanterie i A toujours donnél'exemple du plus grand sang-froid et du. plus grand .j, courage. A été tué 11 la tête de sa section qu'il entreînait à l'assaut d'un ouvrage ennemi, sous un feu d'une violence atraordinaire. CARLET (FRANÇOIS),
Le
sous-lieutenant Jacques Jacquier, du 97e d'inf. (t
16
i
juin 1915.)
Jacques Jacquier, né à Rumilly (Savoie), élève des Facultés catholiques de Lyon, licencié en droit, mobilisé au 97e régimentd'infanterie comme simple soldat, parti au feu le 22 novembre 1914, promu successivement caporal-fourrier, puis sous-lieutenant au même régiment, est mort au champ d'honneur près d'Arras, le 16 juin 1915, à l'âge de vingt-deux ans. D'une notice signée Denys Buenner, nous extrayons ces quelques lignes (Echo de Notre-Dame de la Garde, 19 déc. 1915) Il avait l'art de commander. Sa personnalité exerçait toute l'in- ; fîuence morale et sa parole avait un ascendant merveilleux sur ses hommes et les entraînait au combat. C'est à leur tête qu'il est , tombé le 16 juin, debout sur le parapet d'une tranchée allemande. = Le Seigneur réalisait son désir des premiers jours en le faisant mourir en héros (I). Ce fut en ces temps que le colonel qui com- : mande son régiment apprit la mort de notre ami à ses parents.
:
:
i
(I) En septembre 1914, il écrivait, en effet, d'un camp de la Drôme « Pour nous, quand sera la vraie bataille Dieu seul le sait. H le faut prier pour qu'il nous donne alors la force de mourir en héros nous n'aurons aperçu de la vie que l'aurore, nos rêves n'auront point eu le temps de s'épanouir, mais qu'importe »
?
;
!.
;
Le
10
juillet1915
(J.0.,5sept.1915)
I,
il était cité à l'ordre du jour de l'armée
:
:
JACQUIER (JACQUES),
sous-lieutenant au 97° régiment d'infanterie
S'est étancé à l'assaut des tranchées allemandes sous un feu. des plus violents. A été tué en arrivant au parapet allemand.
te* Citons aussi cette magnifique prière composée par le jeune sous-lieu-
tenant
:
et vrai homme, notre cœur en ce moment exhale vers le vôtre un long cri de reconnaissance et d'abandon dans la foi et
0 Jésus, vrai Dieu
dans l'amour. Merci de vous être fait homme, d'avoir vécu, travaillé et souffert, d'être mort pour nous. Merci de nous avoir, par le baptême, unis à vous comme les membres au corps. Merci de nous avoir faits enfants de la Sainte Eglise, votre épouse immaculée et notre généreuse Mère. Merci de nous avoir donné des parents, des prêtres et des maîtres chrétiens, qui nous ont élevés dans la connaissance de votre Evangile, de votre loi et de vos bienfaits. Merci de nous avoir tant de fois purifiés de votre Sang divin et nourris de votre Chair adorable. Merci de nous avoir donné pour patrie la France, que nos Pontifes romains, les successeurs de Pierre, ont appelée leur Fille aînée, et qu'ils nous ont dit être le nouvel Israël, le peuple chéri entre tous de votre prédilection. Pendant les dix-huit ou vingt ans de notre première jeunesse, nous avions résolu de servir ta France, comme vous avez d'abord servi l'humanité, par le travail et la vertu au sein de votre vie cachée, puis par l'influence de notre savoir, de notre parole et de nos exemples, comme vous l'avez fait pendant les trois années de votre vie publique. Et voilà que vous nous appelez maintenant à la sauver, comme vous avez sauvé le monde par la fécondité souveraine de vos douleurs et de votre passion rédemptrice. Déjà notre cœur est immolé comme le votre à Gethséil a fallu nous arracher à la tendresse de nos parents et de nos mani frères, de nos sœurs et de nos amis, que nous ne reverrons peut-être jamais ici-bas. C'est notre corps que nous allons à présent exposer aux coups de nos adversaires, Peut-être les balles et la mitraille le déchireront-elles bientôt comme les fouets et les clous ont déchiré votre chair sacrée! Peut-être notre fierté d'hommes et de Français sera-t-elle humiliée comme la vôtre par les clameurs et les opprobres dont la couvrira un ennemi
;
puissant.
Peut-être même, ô Jésus., nous demanderez-vans de répandre tout notre sang pour la France, comme vous avez répandu tout le vôtre pour l'humanité sur la croix de votre Calvaire.
Notre humilité accepte pleinement, cette mort comme une expiation juste
etsalutairedenosfautes.
à
:
;
Notre foi voit dans une telle mort le dévouement héroïque la plus belle des causes après celle de la religion la cause de la patrie le couronnement le plus glorieux de la vie d'ici-bas, l'entrée au paradis dans la cohorte des saints et des anges protecteurs de la nation française. Notre espérance attend de ces douleurs, de ce sang versé, de cette mort joints aux vôtres, une valeur de rédemption et de prospérité religieuse et sociale. Notre amour sera enfin heureux de vous rendre ce que vous nous avez donné vie pour vie. Et ne pouvant mourir pour vous, nous sommes prêts à mourir du moins pour celle que vous aimez et qui vous aime la France. [Echo de Notre-Dame de la Garde, 10 oct. 1915.]
:
:
Le caporal Infirmier André Cobigo, du 170e d'inf., novice de la Congrégation des Eudistes.
(t
15
juin 1915.)
André Cobigo, né à Nantes le 16 octobre 1891, novice de la Congrégation des Eudistes à Gysegem (Belgique), caporal infirmier au 170e régiment d'infanterie, est mort au champ d'honneur, près de Notre-Dame de Lorette, aux portes d'Angres, le 15 juin 1915. D'une belle notice que lui consacrent les Annales de Notre-Dame des Armées (déc. 1915), nous extrayons le passage
:
suivant
partit.
mais qui pourrait redire au prix de quelles diffiSe sentir inactif, : ne voulait-on pas le garder au dépôt s'entendre traiter d' « embusqué », à cause de son caractère clérical, Son obstination vint à bout de c'était pour lui pire que la Il suivit le 1706 régitoutes les difficultés, et un jour, il ment d'infanterie. Toujours près des combattants, toujours près des mourants, toujours près des blessés. Là, sa charité se fit maternelle, apostolique. Seul, sans aumônier pour pardonner, il prépara à la mort les agonisants, il ensevelit les morts, et sur ces tombes ses mains déposèrent une pauvre croix de bois. Pas de prêtre c'était pour lui la famine spirituelle ses prières ardentes touchèrent le cœur de Dieu. M. l'abbé Dubourg, vicaire à Vesoul, fut enfin désigné pour apporter au régiment l'aide religieuse si nécessaire et si puissante. C'était un prêtre, et ce mot dit Il cultés
1.
mort.
:
partit.
;
:
tout
Notre aumônier a été blessé à quelques mètres de moi, alors que je le quittais, remontant vers minuit à la recherche des blessés inaccessibles le jour. Il était d'un dévouement à toute épreuve. Immense est le bien qu'il a fait. Universellement estimé de tous, quelles que fussent leurs opinions, on a hâte de le revoir. C'est maintenant que l'on sent quelle
;
était son action dans le régiment. Lui présent, le moral était deux fois simple, toujours gai et de belle humeur, c'était un saint plus élevé prêtre.
hommes qui allaient mourir, Dieu, dans sa miséricorde, avait envoyé le messager du pardon. Ils étaient prêts pour les opérations de Mesnil-les-Hurlus, où le régiment se couvrit de gloire. André Cobigo fut cité à l'ordre de la division dans les termes les plus élogieux A ces
:
Pendant le cours des opérations du 13 au 23 mars [1916], à Mesni esHurlus, a prodigué de jour et de nuit, avec un inlassable dévouement, ses soins aux blessés, en leur apportant son aide et son réconfort sur la ligne de feu, avec un admirable mépris de la mort qui enthousiasmait les combattants. Mais la pensée de la mort qui, revenait sans cesse.
tant de fois, l'avait épargné lui
mort, écrit-il, d'un sacrifice prochain de ma vie, ou tout au moins de ma santé m'occupe. J'ai vu tant de morts, j'ai passé à travers tant de balles la dernière fois qu'il me semble que, la prochaine fois, Jésus me demandera le dernier sacrifice. Ce soir, en union avec lesacrifice de la croix, je lui ai offert ma vie pour le salut de la France, sa rechristianisation, le salut de tous ceux qui m'aiment et que j'aime, pour l'expiation de mes fautes, et, cette offrande, je l'ai déposée à ses pieds dans le baiser de la croix au pied de l'autel. Fiat! J'aurais voulu être prêtre, être Eudiste, je n'en suis pas digne, et peut-être, plus tard, abuserais-je de la grâce. Dieu fait bien ce qu'il fait qu'il me prenne sur le champ de bataille plutôt que.je l'offense dans son sanctuaire,, La pensée de la
:
une âme qui se défie de sa faiblesse, mais qui souffre de cet idéal entrevu auquel elle ne Dieu compte tous les sacrifices. Le sacrifice de parviendra la vie n'est pas le seul celui des espérances brisées est d'autant plus douloureux que les espérances sont plus belles et plus pures. Il ne manquera pas à celui dont nous racontons la vie. Le 15 juin devait être pour lui le dernier jour de sa vie. Etabli dans un petit poste d'avant — il n'aimait que les postes périlleux, — il ne tarda pas à en sortir pour porter secours à des blessés en vain voulut-on l'arrêter. Impossible : sa devise était lï Ce sont paroles humbles qui révèlent
pas.
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relever les blessés le plus tôt possible ». Il sortit, mais à peine hors de son trou, une marmite s'abattit sur lui. Il fut tué sur le coup seul son crucifix resta intact, et sa' figure, sa belle figure de héros chrétien que la mitraille avait respectée, garda jusque dans l'immobilité de la mort ce calme suprême que la paix de Dieu dépose sur le front de ceux qui s'endorment dans le Seigneur.
«
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Il est mort. Sur la tombe où son corpsrepose, l'armée a déposé l'hommage de son admiration dans cet ordre du jour qui est le plus bel éloge qu'on puisse faire d'un héros (Journal Officiel, 5 sept. 1915, ordre du jour du 14 juill. 1915) : COBIGO (ANDRÉ) caporal infirmier au 170e régiment d'infanterie D'un dévouement et d'un courage qui ont fait l'admiration de tous, est
,
:
toujours resté en première ligne, se tenant aux postes les plus périlleux et réclamant comme lui étant dues les missions les plus courageuses. A été tué alors qu'il se portait au secours d'un blessé.
soldat Charles Simon, du 205e d'infanterie, secrétaire général de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France. (t 15 juin1915.) Le
Simon, secrétaire général de la Fédération gymnastique et sportive des patronages catholiques de France, soldat au 205e régiment d'infanterie, est tombé au champ d'honneur pendant l'attaque du LabyM. Charles
rinthe, le 15 juin 1915. Charles Simon était né à Paris, le 25 septembre 1882. Tout jeune, il était entré au patronage de Saint-Honoré d'Eylau, et c'est là, dans sa chère Etoile des Deux-Lacs, qu'il apprit la voie droite, sous la direction de M. l'abbé Biron. Classé dans le service auxiliaire pour sa santé, Charles Simon fut versé dans le service armé il y a trois ou quatre mois. Avec un courage héroïque, il supporta les multiples épreuves de la préparation intensive que la guerre réclame de nos soldats. Bien que souffrant d'une affection cardiaque sérieuse, il ne recula devant aucune marche. Le jourvint où il fallut partir pour le front il accomplit son devoir tout entier, tenant à donner à tous les jeunes l'exemple de l'obéissance. A peine arrivé au front, il fut jeté dans la fournaise au moment où la bataille faisait rage. A sa première affaire, il eut la moustache emportée par une balle sa capote fut trouée en plusieurs endroits. En nous racontant qu'il avait fait bonne figure au feu, il nous disait son bonheur d'avoir été épargné dans cette rude tourmente, son espoir de revenir sain et sauf et victorieux. Hélas ! Dieu en avait jugé autrement et, le 15 juin au soir, le Souverain Maître appelait à lui son bon et fidèle serviteur. A l'entrée de la nuit, un éclat Dr P. MICHAUX. d'obus le tuait d'un seul coup.
;
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[Les Jeunes,
Juill.août
1915.]
Retracer la vie de ce vaillant patriote et catholique militant, c'est refaire l'histoire de la grande œuvre à laquelle il avait consacré sa
vie. C'est en 1898 que le Dr Michaux, chirurgien des hôpitaux de Paris, songea à s'attacher M. Simon comme collaborateur. C'était aussi l'époque de la naissance du grand mouvement d'éducation physique qui se développa dans la jeunesse des patronages. Depuis lors, d'année en année, l'oeuvre s'agrandit dans des proportions extraordinaires. 700 gymnastes étaient groupés au premier concours d'Issy-les-Moulineaux, et c'était à peu près l'effectif du mouvement à son origine; en 1904, 120 Sociétés et 4000 gymnastes étaient réunis dans la Galerie des Machines et partout, en province, les sections se multipliaient ; chaque saison, dans les différentes régions, la F. G. S. P. F. organisait plus de vingt concours de gymnastique; elle organisait aussi de multiples réunions sportives championnats de football, d'athlétisme, d'escrime, de tennis, etc. ; la préparation militaire fut aussi l'objet de nombreux encouragements. L'œuvre magnifique se développait toujours avant la guerre, elle comptait 43 Unions régionales, 1 650 Sociétés et plus de 150 000 membres, Et cette grande Fédération, qui a donné à l'armée environ 70000 soldats si merveilleusement trempés au physique comme au moral, était surtout l'œuvre de Charles Simon, travailleur ardent et infatigable. Tandis que le Comité central lui donnait toute sa confiance et un appui bienveillant, chaque jour, et presque sans prendre de repos, l'ouvrier se remettait à la tâche et construisait l'édifice pièce à pièce. Les derniers voyages du regretté secrétaire général de la F. G. S. P. F. eurent pour objet la création des Unions régionales d'Alger, d'Oranie et de Tunisie. Là comme toujours, ses efforts furent couronnés d'un plein succès. v. Mais l'action de Charles Simon ne se borna point seulement aux inquiet de voir que les milliers de joueurs de football patronages des Sociétés de la F.G. S. P. F. ne pouvaient prétendre à l'honneur de prendre place dans l'équipe de France ni rencontrer les équipes étrangères, il réussit en quelques années, après s'être assuré le concours de plusieurs Fédérations françaises, à créer le Comité français interfédéral dont il était le président-fondateur. Ce Comité français interfédéral est encore aujourd'hui le seul pouvoir dirigeant le Football-Association en France. Enfin, en 19111, à l'issue du grand concours de Nancy, qui réunit, sous la présidence de quatre évêques et du maire de Nancy, 10000 gymnastes et 250 drapeaux, dont quelques-uns d'Alsace, du Canada, de Belgique, d'Italie et de Hollande, Ch. Simon, qui avait pourtant assuré toute l'organisation de cette triomphale journée patriotique, réussit à fonder l'Union internationale des oeuvres catholiques d'éducation physique, dont le vice-président, pour la France,
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est le Dr Michaux. Le regretté Ch. Simon était le secrétaire-trésorier de cette grande œuvre dont il assurait l'équilibre et le fonction-
nement. La participation de la F. G. S. P. F. aux différents concours organisés au Vatican, dans la cour Saint-Damase, avait voulu à M. Simon la croix de Saint-Sylvestre (Ordre pontifical). [Croix,
14
juill.
1915.]
soldat J.-P. Bergerot, du 6e chasseurs alpins, clerc minoré des Missions étrangères de Paris.
Le
(+ 15
juin 1915.)
Jean-Pierre Bergerot, né à Ahaye (Basses-Pyrénées), le 2 mai 1893, clerc minoré du Séminaire des Missions Etrangères de Paris, soldat au 6e bataillon de chasseurs alpins, a été tué à l'ennemi le 15 juin 1915, au Braunkopf
(Alsace).
[Pierre Bergerot] entendit de bonne heure l'appel de NotreSeigneur au sacerdoce. Il acquit sa première instruction au collège Saint-Jean de Mayorga, où il s'attira vite l'estime de tous par sa franchise et sa simplicité. Son amour de la vertu, joint à un naturel vif, énergique, fit bientôt pressentir qu'il deviendrait apôtre, que Dieu lui demanderait peut-être un jour un sacrifice plus complet en l'envoyant répandre la lumière de la foi « parmi les peuples encore plongés dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort ». Et, de fait, il entra bien jeune au Petit Séminaire de Larressore, pour y faire ses études qu'il acheva à Belloc. Après sa rhétorique, il entra comme aspirant missionnaire au Séminaire des Missions Etranil y passa trois ans et fit ensuite son service militaire. Il gères faisait partie du corps d'élite des chasseurs alpins et se trouvait en grandes manœuvres lorsque la guerre éclata. En vrai missionnaire qui vit de l'espérance et de la foi, en vaillant Français qui ne craint pas la mort, il envisagea froidement l'éventualité d'un sacrifice suprême, du sacrifice de la vie. Aussi, résigné à tout, put-il se montrer brave en plus d'une circonstance, comme l'atteste la lettre suivante de son ami à ses parents Le matin du lundi 14 juin, nous assistions à la messe et nous avons
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;
:
votre fils eut même la joie de servir la sainte messe au prêtre soldat qui officiait. Le mardi 15 juin fut le jour de l'attaque. Au moment où l'ordre de sortir de la tranchée fut donné, votre fils, comme c'était son habitude, sortit parmi les premiers mais il avait à peine fait vingt-cinq mètres qu'il fut atteint par une balle au ventre il eut le courage et la force de se relever et de revenir dans notre tranchée de première ligne. C'est là que je le vis. Pendant ce temps, l'attaque continuait, et le sommet du Braunkopf fut enlevé par notre bataillon. Je ne pus rester là, mais
communié
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un camarade m'affirma qu'il n'avait pas survécu à sa blessure. Votre fils a succombé en héros et en vainqueur. Il est mort sur cette terre d'Alsace qui a déjà coûté tant de sang français et sur laquelle il avait tant souffert et tant peiné. Courage donc dans la douleur que vous cause la perte de votre bien-aimé fils, vous pouvez être certains que le Dieu tout-puissant lui a ouvert toutes grandes les portes du paradis, car il s'était consacré à lui pour porter au loin la parole divine et la civilisation. Dieu l'a rappelé à lui avant qu'il ait eu ce bonheur, mais il est tombé comme le martyr, pour la civilisation et la liberté du monde, menacé par le Barbare. Soyez fiers de votre fils ; il fut ce qu'il y a de plus beau au monde : soldat de
!
Dieu et soldat de France. [Nouvelliste de Bordeaux,
13
juill.
1915.]
La dernière bénédiction d'un soldat à son fils. Le soldat qui a écrit cette lettre édifiante à son tout petit enfant a été mortellement atteint le 15 juin. Quelle belle âme transpire dans ces lignes
!
Le 7 juin 1913,
11
heures du matin.
MON BIEN-AIMÉ PAUL,
C'est pour toi que j'écris cette lettre, bien que tu n'aies que trois mois et dix jours. Cette lettre, tu la liras un jour, si Dieu te prête vie. En ce moment, moi, je suis plein d'ardeur et de courage, surtout en face de l'ennemi. Je suis là pour te défendre et chasser ceux qui veulent envahir notre chère France. Aujourd'hui, ton papa est en face de Souchez et Carency, dans le département du Pas-de-Calais, et j'attends de jour en jour pour sortir une seconde fois des tranchées et prendre à l'assaut ces côtes qui nous dominent. Dans ce combat, y laisserai-je ma vie ? Dieu seul le sait. Malgré que j'aie la ferme confiance de revenir près de toi, cela n'empêche pas de prévoir toutes choses et de t'adresser ces quelques lignes. Mon bien-aimé Paul, tu as déjà eu le malheur de perdre ta maman chérie bien jeune encore. Elle qui ne t'a chéri que quelques instants, combien elle était heureuse et fière de toi Malheureusement, la mort nous l'a ravie. Tu n'as que ton papa, mon petit aimé, qui est là-bas sur le front, bien loin de toi. A cette distance, combien il t'aime Et combien encore il voudrait être près de toi, veiller sur toi, te voir grandir en force et en sagesse Oui, ce serait bien mon plus grand bonheur ici-bas, mais si Dieu veut une seconde victime, que sa sainte volonté soit faite Au ciel, je serai avec ta maman nous veillerons sur toi, nous prierons pour toi et nos parents jusqu'à ce que tu viennes prendre place près de nous. En attendant ce jour, je veux t'exprimer tous mes sentiments d'amour. Toi, mon petit Paul, tu es aujourd'hui ma force, mon courage
!
!
!
;
!
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et ma consolation tu es le seulqui peux me donner ces trois sentiments. Il ne faut pas seulement contenter ton papa et tes parents, il y a aussi le bon Dieu à contenter. Pour y arriver, il faut l'aimer, le servir et nourrir ton âme en t'approchant souvent de la sainteEucharistie. Ici, ma plume s'arrête, mon âme te chérit, te contemple. Elle
serait heureuse de te voir travailler au ministère des autels. Cette pensée est ma plus grande consolation. Enfin, mon bien-aimé Paul, la vie qui s'ouvre devant toi sera peut-être épineuse, quelquefois douce. N'importe comment, marche toujours la tête haute, sois loyal et franc, aime tes bons parents, ton prochain comme toi-même. C'est par ces moyens que tu honoreras ton Dieu et ta famille. Suis lesconseils de ta marraine, de tes tantes, de tes oncles, afin qu'un jour nous puissions nous retrouver tous ensemble dans l'éternelle vie. Je charge ta marraine, qui est ta seconde mère, de veiller sur toi. Tu la respecteras, tu lui obéiras. Du front, ton cher papa t'envoie sa bénédiction paternelle. Pendant toute ta vie, tu prieras pour ton papa et ta maman. Au ciel, nous t'attendons. Au revoir. Louis CADOUX. [Croix,
14
août
1915.]
Sœur Céclle, des Filles de la Charité. (+ Mars 1915.) À Saint-Malo vient de mourir, à l'âge de trente-quatre ans, d'une soignant les soldats blesses, une religieuse des maladie contractée
en
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Filles de la Charité, Sœur Cécile, qui était la dernière descendante de Jacques Cartier, ce Malouin dont la ferme est encore visible, aux le Canada. environs de Rothéneuf, et qui « découvrit Il y a des familles où l'héroïsme n'a pas été un « cas » ; le flam-, beau s'y transmet de mains en mains, sans s'éteindre. La ville aux nobles remparts a suivi la noble fille avec recueillement,
»
[Libre Parole,
7
mars
1915.]
Messes
et processions de la fête-Dieu en 1915
$&$ L'heure de garde auprès du Saint Sacrement.
:
Lettre d'un séminariste poitevin à sa famille On assiste quelquefois ici à des cérémonies impressionnantes au dernier degré, à des cérémonies uniques, j'oserais dire, et inoubliables. C'est aujourd'hui la Fête-Dieu, et si nous avons été privés 'de la solennité des fêtes du pays, nous avons eu dans l'humble
cérémonie de l'adoration au front une fête encore plus belle, plus pieuse et plus réconfortante. A la place des belles processions du Saint Sacrement au milieu des étendards et des fleurs, nous avons eu la procession des différentes compagnies qui sont venues successivement monter leur heure de garde auprès du bon Dieu, exposé toute la journée dans la petite église du village. Quatre drapeaux tricolores et deux bouquets de fleurs sont les seules parures de la maison du bon Dieu. Mais des centaines de cœurs purs, tout embaumés encore du souffle de Jésus qu'ils ont reçu le matin, sont venus célébrer la gloire et chanter les bienfaits de celui qui dirige tout. La première compagnie a été bien représentée tout à l'heure, et je me disais qu'avec le flot des prières versée près de l'autel, le bon Dieu ne pouvait pas ne pas manifester sa miséricorde. L'heure d'adoration a débuté, ou plutôt a été précédée par la messe, célébrée par le lieutenant de la 2e section, la mienne, et servie par le lieutenant de la compagnie. Puis récitation du chapelet par ce dernier. Entre chaque dizaine, chant des cantiques :. Pitié, mon Dieu Reine de France. Entre chaque chapelet, méditation personnelle et récitation d'une prière. L'heure fut vite passée, et il fallut laisser la place à la 3e compagnie. A l'arrivée, le lieutenant rassembla de nouveau la compagnie et nous exhorta à faire notre devoir devant l'ennemi, rendant témoignage à notre foi : « L'homme qui n'a pas la foi ne songe qu'à sa le chrétien qui possède un idéal a le courage et le mérite peau du sacrifice de sa vie » Comme cela fait du bien d'entendre un officier parler avec tant de foi 1 J. B.
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[Sem. rel. de Poitiers,
10 JULLL.
1915.]
LaFête-Dieu au 290e. A l'occasion de la Fête-Dieu, le 290e a voulu donner au Dieu des armées un témoignage de son respect et de son amour. Le pain des
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corps ne suffit pas à ces braves qui comprennent plus que jamais la nécessité de puiser à la source même du courage sublime, il leur faut ce même aliment spirituel qui soutient leur famille dans l'angoisse. Aussi, quelle ne fut pas leur ardeur pour dresser un reposoir La prairie leur présentait ses fleurs parfumées, sa verdure en un instant, les branches d'arbre, les arbustes fleuris formaient d'élégants rideaux, près des faisceaux de baïonnettes ; les drapeaux tricolores flottaient de toutes parts, et les quarts pris aux Allemands, et, tout surpris d'un pareil usage, portaient d'innombrables bouquets. Un prêtre d'une paroisse voisine s'avança pour célébrer la messe, et, pendant le Saint Sacrifice, l'assemblée ne se contentait pas d'un silence ému les sentiments de tous se traduisaient par les chants énergiques de la chorale, dirigée par le sous-lieutenant Bouchard, dans les vibrations d'un violon, joué par le Dr Labesse. Tous ces fronts de soldats, si bien dressés en face de l'ennemi, dont le regard ardent scrute l'horizon à travers la mitraille, s'inclinaient pieusement devant l'hostie. La force humaine se prosternait devant cette douceur divine qui cache le Tout-Puissant, le Maître de la victoire, qui, seul, peut garder et réunir les êtres les plus chers. Dans ce temple d'un nouveau genre, sous l'azur immense, sur ce tapis tissé par la nature, tout près du champ de carnage où la vie d'un homme a si peu d'importance, l'émotion était vive: aussi, quand la cérémonie fut terminée, bien des mains se tendirent vers les bouquets de fleurs, et plus d'une corolle sans doute, pénétrant dans une lettre, au sein de la famille, reçut une larme ou un baiser.
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!
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[Croix de l'Indre,
27
juin
1915.]
A Massevaux.
t Massevaux,
8
juin
1915.
La Fête-Dieu a été, cette année, la plus brillante manifestation catholique que j'aie vue depuis de longues années. Tout a contribué à la rendre imposante. Le temps nous a spécialement favorisés. Dès le matin, tout le monde était sur pied, et vous auriez pu voiravec quel enthousiasme l'on ornait les maisons et l'on édifiait les reposoirs. L'autorité militaire m'avait donné la musique, les clairons et tambours et la chorale d'un régiment territorial, en tout 89 soldats. Les pompiers, la jeune musique de Massevaux, avec le Conseil municipal et M. le maire sont venus officiellement de l'hôtel de ville, comme il y a quarante-cinq ans. M. l'administrateur représentait officiellement le gouvernement et M. le commandant d'armes, officiellement aussi, l'armée. Les officiers et les soldats ont à peu près tous assisté — librement, — P0
qui était une magnifique affirmation de leur foi. L'église était bondée de monde. Lagrand'messe en musique a été chantée par la chorale, environ cinquante soldats, dirigés par un organiste mobilisé de Toulouse. Ça, c'était de la musique, et tout le monde ne pouvait assez entendre ce chœur si bien composé et dirigé. Quant à la procession, elle était tout simplement unique. Il faut l'avoir vue pour s'en faire une idée. Le premier reposoir, place de la Halle aux blés, était plus riche et plus beau que les années le second, cour du Chapitre, était le reposoir de précédentes Jeanne d'Arc. Qu'il était beau et comme tout le monde l'a admiré 1 Ces deux reposoirs étaient chacun flanqués de deux canons. Le troisième, Hôpital, est devenu, cette année, celui de la Vierge douloureuse, tout aussi beau que les deux autres. Le quatrième a été le plus admiré. Et aussi ! c'était, de nouveau, un tableau vivant. Mais, cette année, c'était l'Alsace (les enfants en costume alsacien) qui se vouait au Dieu de l'Eucharistie. Comme bouquet final, la chorale, la musique et les clairons ont donné, avec un enthousiasme indescriptible, la Cantate à Jeanne d'Arc.
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[Sem. rel. Besançon,
17
juin
t
1915.]
Dans la Woëvre Un de nos amis, médecin au front, envoie d'intéressants détails sur la vie qu'il mène dans les tranchées. Il décrit ainsi la cérémonie de la Fête-Dieu
:
Figurez-vous qu'hier, en notre village, on célébra la Fête-Dieu. Les capotes bleu clair de la classe 15 et les velours fripés de nos territoriaux remplissaient les bancs de l'église il y avait aussi quelques femmes en deuil et des vieux, faces glabres, osseuses, de rudes paysans lorrains qui n'ont pas voulu quitter leur maison. Par le portail, ouvert au grand soleil, on entendait gronder le canon. La messe finie, les cloches tintent — il n'en sonne plus guère en cetteWoëvre dévastée — et la procession s'ébranle en tête, la bannière de la Vierge avec les jeunes filles la bannière paroissiale à l'effigie du grand saint Nicolas les femmes, une demidouzaine d'enfants de chœur, quatre bambines, comme ma Geneviève, en robe blanche, avec leurs corbeilles, et qu'on s'étonne de trouver encore là, si près de l'ennemi. Sous le dais, porté par quatre bonshommes en redingote — il y a même un habit, et quel habit 1 un gibus, et quel gibus 1 — l'ostensoir rayonne aux mains d'un prêtre soldat qui porte, comme le cardinal de Retz, des moustaches en croc. Derrière, pêle-mêle, des officiers, le général, des troupiers, des villageois. On a planté en hâte, devant le presbytère, une haie de branchages, une ébauche de reposoir le clocher carillonne, les
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fleurs volent aux mains des fillettes dans la fumée des encensoirs. Un auto-camion débouche et s'arrête. Là-haut, dans le bleu, des shrapnells éclatent, semant aux trousses d'un avion tout doré de soleil un chapelet de flocons blancs. Quand ce -fut fini, le général me souffla — Ouf 1 c'est bon 1 J'avais peur. Voyez-vous un 105 là-dessus ? J'ai dit au curé de se presser. De fait, ces Lorrains sont extraordinaires on a bombardé V., notre village a reçu des obus à plusieurs reprises cette semaine les femmes travaillent sans s'émouvoir à leur vigne, une encore hottée d'échalas sur le dos, pendant que les pièces de marine tonnent sur les crêtes. Les poules picorent. Mon hôte, le charron, cogne sur l'enclume, et les soldats font la sieste, à l'ombre.
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[Croix,
24
juin
1915.]
Près du Bois de la mort. 6juin 1915. 2 heures. C'est aujourd'hui la Fête-Dieu. Je ne pensais pas, dimanche dernier, alors que j'étais en pleine bataille, la passer dans un tel calme, dans un tel recueillement, au milieu d'une nature si resplendissante de lumière et de paix. Hier soir, j'ai assisté au salut du Saint Sacrement. Ce matin, lever de bonne heure. Je veux assister à une messe matinale et recevoir Dieu dans mon cœur. Il est la force, l'énergie, le courage. J'ai besoin de ces vertus je viens les lui demander humblement, sincèrement. De dures épreuves m'attendent encore, sans doute. Je vais à lui. Il me soulagera si je suis fatigué. J'ai confiance en lui et crois à ses promesses. Mon devoir, comme me l'a suggéré le prêtre qui m'a entendu, je l'accomplirai pour lui faire plaisir, par obéissance, pour lui prouver que je l'aime. A 9 h. 1/2, messe solennelle. L'officiant est un prêtre mobilisé, notre aumônier les diacre et sous-diacre sont également des mobilisés. L'église est garnie de feuillages et de verdure, décors champêtres improvisés par nos soldats. Assistance nombreuse qui chante en chœur l'abrégé de notre foi. Je crois en vous, mon Dieu ! Je crois en vous, ô Dieu d'amour et de pardon, caché sous les voiles eucharistiques. J'accomplirai partout et toujours votre volonté. J'en prends l'engagement solennel que je renouvellerai tout à l'heure, pendant la procession. Un des nôtres, caporal de mes amis, joue un magnifique Offertoire. Le Saint Sacrifice s'achève dans le même cadre de verdure, de fleurs, 'de parfums, d'harmonie. Suis-je donc si près du Bois de la Mort ? N'est-ce pas un rêve, cette guerre terrible ? Ici, tout est à la paix, Dimanche
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à la joie, au recueillement. A l'issue de la messe, procession solennelle dans le village, hier encore bombardé. Deux reposoirs. Nos soldats y ont mis la main des drapeaux les décorent. Union intime de l'Eglise et de la patrie. La France est toujours la Fille aînée de l'Eglise. Nos chefs suivent, recueillis, l'ostensoir d'or, resplendissant sous les feux du soleil de midi. Ils s'inclinent pieusement et fléchissent lé genou quand le Christ, d'un geste large, bénit la foule qui se presse sur ses pas. Spectacle émotionnant au possible. Pas de respect humain ici. La plupart de mes camarades sont là. Ceux qui ne sont pas venus se rangent en bordure, sur le passage, et se découvrent respectueusement. Je suis fier de ma foi, fier d'être chrétien, fier d'être Français. Merci, ô mon Dieu, de m'avoir accordé la joie de vous fêter dans l'Eucharistie.
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[Croix,
22
juin
1915.]
Sur le front d'Artois.
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Au repos, lundi soir,
14
juin
1915
(région d'Arras).
Dimanche, ma journée a été bien employée. Le matin, je suis allé à la messe de communion après, je me suis occupé à faire monter un autel sur le perron du château, pour la messe militaire de II heures. Ce fut splendide. L'aumônier divisionnaire vint luimême chanter la messe avec diacre et sous-diacre. Le colonel et les officiers du régiment étaient là avec un grand nombre de soldats, tous bien attentifs et recueillis. Pendant tout le temps que dura la sainte messe, le canon tonnait comme jamais je ne l'ai entendu. Il remplaçait le son des cloches, mais d'une autre façon il sonnait la mort. L'après-midi, on fit la procession à travers le petit pays. Il y avait plusieurs reposoirs. Les tambours et clairons, ainsi que la musique du régiment, accompagnaient le Saint Sacrement nous étions un petit groupe de chanteurs. Je vous assure que c'était très beau. Je pourrai voir quelque chose de plus grandiose, mais jamais je ne reverrai une cérémonie comme celle-là. L'aumônier, en éperons, portait le Saint Sacrement. Tous nos officiers et soldats suivant la procession et, par-dessus tout, le roulement du canon se faisant entendre sans discontinuer.
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[Sem, rel. Bourges,
14
août
:
1915.]
et*
D'une lettre écrite par un de nos prêtres infirmiers, sur les combats qui se sont livrés, en juin, auprès d'Hébuterne, en Artois : Le compte rendu officiel de ces combats vous aura dit que le qoe Badois a été anéanti. Pas un seul homme n'est revenu de la boucherie. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que les Vendéens, qui ont
:
fourni la charge, sont sortis de leurs tranchées en criant « Vive le Sacré Cœur ! » et que, dans un autre régiment, avant l'attaque, l'aumônier avait promené le Saint Sacrement dans les tranchées de première ligne que tous les soldats, sans exception, s'étaient ingéniés à décorer. [sem. rel. Savoie,
D'une
29
juill.
1915.]
#«* lettre de M. l'abbé Guitton, vicaire à Juvigny-sous-Andaine
:
Assistant, le second dimanche de la Fête-Dieu, à la procession de la paroisse où se trouve le quartier général de Foch, le commandant des armées du Nord, j'ai été profondément édifié de le voir prendre part au cortège et s'agenouiller dans la poussière avec tous, lors de la bénédiction. [Sem. cath. Séez,
22
juill.
1915.] -
..-:
T.,
C'est le dimanche du Saint-Sacrement, au village de sur la ligne de feu, entre Arras et Amiens. Deux régiments sont là, parmi lesquels nous comptons beaucoup de compatriotes ils ont déjà payé largement leur dette à la patrie ils savent qu'ils rentreront ce soir dans la fournaise. Les aumôniers se sont munis de toutes les autorisations réglementaires. Des centaines de communions ont été distribuées le c'est le moment d'orgala messe solennelle a été superbe matin niser la Derrière la croix s'avancent les tambours et les clairons du régiment. Puis viennent les bannières de la paroisse portées non par des jeunes filles en blanc, mais par des sergents, tandis que les glands sont tenus par des officiers. Les chorales lilloises et roubaisiennes étaient célèbres avant la guerre il en reste bien quelques débris, assez pour exécuter les chants liturgiques d'une façon impeccable. Devant le Saint Sacrement s'avancent les régiments au comdans les rangs, on plet, ou peu s'en faut, par rangs de quatre récite le chapelet à haute voix. Le dais est porté 'par des sousofficiers ; nos chefs militaires lui font une escorte d'honneur. Cependant, l'artillerie, postée à quelques kilomètres, fait un terrible vacarme, et bien des yeux se mouillent à la pensée que, dans quelques heures, ces hommes si calmes entreront à nouveau dans le tourbillon des batailles. et que, parmi Le lendemain, on dit que l'affaire fut chaude à les plus braves, on admira les gas du Nord. CH. G.
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procession ;
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;
II.
[Croix du pas-de-Calais.]
Dans un cantonnement d'arrière. Un médecin-major, directeur d'un petit groupe de Jeunesse Catholique à Annecy, qu'ildirige avec beaucoup d'expérience et de dévouement, envoie le récit suivant à ses jeunes gens, dispersés aux quatre coils du front. Il nous autorise à le reproduire. Aujourd'hui, 6 juin [1915], dimanche de la solennité de la FêteDieu, j'ai assisté à de très intéressantes processions. Le matin, à Saint-P., la circulation militaire, toujours très intense, n'a pas permis au cortège de se dérouler, suivant l'usage, à travers la ville, mais la cérémonie n'en a pas été moins intéressante
pour cela.
le Mont », magnifique baslique de verdure qui domine la ville. Du haut des gradins, l'archiprêtre prit la parole. Avec sa haute stature, tout auréolé par la grande chape d'or, avec sa figure ascétique se détachant admirablement sur un fond de lumière, il avait véritablement grand air. De toute sa personne émanait une majesté souveraine, faite la fois de douceur et de force, et aussi de quelque chose de sacré. On sentait vraiment le ministre de Dieu. D'une voix forte, relevée par moments d'un geste sobre, il explique la signification de la cérémonie. Qu'êtes-vous venus faire ici demande-t-il à la foule. Et il répond — Un acte de foi au Christ Rédempteur, a Jésus Eucharistie, un acte de réparation, un acte d'amour, un acte d'espérance. Au moment de la bénédiction, la scène fut poignante et sublime. Au loin, le canon tonnait, le vrai canon de guerre, évoquant invinciblement les hosties sanglantes que l'Hostie blanche semblait faire monter avec elle vers le ciel bleu. Azur du ciel, blancheur de la les couleurs françaises. divine Hostie, pourpre des morts héroïques Et dans ce majestueux berceau de verdure, et sous la douce brise du printemps qui passait, agitant les grands arbres, le drapeau de France apparaissait, vraiment encadré et tout frémissant d'espérance. Quand nos grands chefs catholiques se décideront-ils à y mettre le Cœur sacré Ce jour-là, sans nul doute, « le Christ qui aime les ~, Francs montrera encore une fois qu'il est toujours « bon çais ». Sa promesse est formelle : « Mon Cœur veut être peint sur les étendards de la France pour la rendre victorieuse de tous ses Le reposoir s'élevait sur
«
à
:
.-
?
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Fran-
ennemis. » Après la bénédiction, le cortège regagne la chapelle du cimetière voisin d'où il était parti. Cette marche du divin Crucifié foulant triomphalement le domaine de la mort rappelait à cette dernière à combien peu se réduit sa puissance. A tous ceux qui meurent dans le Seigneur, le Ressuscité venait redire qu'il n'est pas le Dieu des morts, mais
,
le Dieu des vivants. A tous ces soldats dont les tombes bc multiplient chaque jour dans ce cimetière, Jésus-Hostie répétait que, victimes du devoir, leur mort n'est qu'un sommeil, et que bientôt sonnera l'heure où, définitivement vaincue, la sinistre faucheuse devra rendre sa proie et lui laisser prendre son essor vers le bonheur éternel, auprès du Dieu de gloire et d'amour.
L'après-midi, changement de décor. Nous nous transportons à quatre kilomètres, dans une toute petite paroisse où la procession est organisée par un jeune aumônier militaire. A la fois vicaire, maître des cérémonies, chef de musique, directeur de chorale, prédicateur, il est partout, il est à tout. La cérémonie dure deux heures et demie, mais le programme est si bien combiné que le temps passe sans qu'on s'en aperçoive. Prières publiques et cantiques, trompettes et chants patriotiques alternent et se succèdent pendant que, dans le lointain, orgues imposantes, les canons du front soutiennent l'ensemble de leurs voix puissantes. Pour en finir avec l'aumônier, jetez sur son uniforme d'artilleur un léger surplis, laissant apparaître de grosses bottes. Ajoutez à cela une barbe de sapeur, et vous aurez son portrait en pied. L'église ne peut contenir qu'une faible partie de l'assistance. Après une courte cérémonie, le cortège s'organise. Petits bébés jetant des fleurs et jeunes filles arborant des bannières ouvrent la marche, blanche Hostie un sillage de blancheur, dirigé traçant devant par le curé de la paroisse. Un vénérable aumônier militaire à cheveux blancs porte le Très Saint Sacrement. Derrière le dais, soutenu par les jeunes gens de la commune de la classe 1917, plusieurs centaines d'artilleurs, de nombreux officiers et la majeure partie de la population, soit environ I 500 personnes, dont la moitié seulement n'est pas militaire. grandroute et sa suffocante poussière, nous gagnons Délaissant le parc du château voisin. Ce n'est plus, comme sur « le Mont », un vaste vaisseau de verdure ouvert largement vers le ciel. Ici, les allées plus étroites rappellent plutôt les basses nefs des grandes cathédrales ou les cloîtres sans fin de la Grande-Chartreuse. Accompagnés en sourdine par leurs canons, les artilleurs exécutent les divers numéros du programme, soigneusement fixé d'avance et imprimé sur une feuille qu'on a distribuée. Deux surtout m'ont frappé En, avant sur l'air de Sambre-et-Meuse, et le chant de A l'Etendard. Ce dernier est vraiment victoire de Jeanne d'Arc de toute beauté. Quand sera-ce notre chant national ? Au troisième reposoir, dressé contre la façade même du château, avant la bénédiction et les invocations (qui feront songer à celles de Lourdes et qui, faites d'abord par le prêtre, seront répétéespar
la
la
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!
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la foule), l'aumônier, reprenant, à peu près le même thème que notre archiprêtre, le développe sobrement, dans un style bref, simple, clair,tout militaire. Ce ne sont pas, sans doute, les grands mouvements oratoires, mais c'est tout de même l'éloquence du cœur. D'ailleurs, la voix du canon ne cesse de souligner d'impressionnante façon les vérités rappelées à ces hommes que la mort guette d'un instant à l'autre. Quel prédicateur entendit jamais pareils échos répondre à ses accents ? Ces artilleurs formant la garde d'honneur du Dieu de paix, ces canons mêlant leurs chants de mort aux louanges du Dieu de vie, quel contraste ! Mais qu'importe 1 La Paix vaincra encore une fois, la Vie l'emportera sur la mort. Leshordes sauvages, qui se confient en je ne sais quelle divinité évoquée du plus lointain paganisme, deviendront elles-mêmes la proie de ce Moloch qu'elles ont réveillé pour leur malheur. Et les fils de Clovis, de saint Louis, de Jeanne d'Arc, les croisés de tous les siècles, une fois encore auront fait les gestes de Dieu et sauvé,.avec la France, la Fille aînée de l'Eglise, ouvrière de toute
;
vraie civilisation. [Echo de la
«
Jeanne d'Art
»
(Angoulême), juil. 1915.]
Comme à Lourdes.
juin 1915. — J'ai eu la joie d'assister dernièrement a une belle cérémonie. C'était le jour de la Fête-Dieu. Notrerégiment 28
avait fait, dans les rues du village, deux magnifiques reposoirs, ornés de lances, de sabres et de drapeaux tricolores. Au contre du village se trouve un château transformé en hôpital, où j'ai eu le plaisir de trouver, parmi les infirmiers, plusieurs prêtres du Limousin et de la Dordogne, amis du Petit Démocrate. Les convalescents avaient été placés sur la pelouse, couchés sur leurs brancards. Quand le Saint Sacrement, que suivait le colonel, tous les officiers du régiment sans exception et la majeure partie des hommes, est arrivé devant eux, le prêtre qui le portait s'est arrêté longuement, comme à Lourdes, et le leur a présenté. C'était une minute d'autant plus impressionnante que l'on entendait au loin le canon gronder. Puis la procession a suivi toutes les rues du village dans un ordre parfait. Quand elle est passée devant le poste de police, tous les hommes de garde, impeccablement rangés, ont présenté les armes au Saint Sacrement. Cela m'a fait un grand plaisir de voir rendre à Dieu les hommages publics qui lui sont dus, et j'ose espérer que les temps sont proches où de pareils spectacles ne seront plus pour personne un sujet d'étonnement. [Petit Démocrate,
18
juill.
1915.]
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Fête-Dieu
!
Aujourd'hui, Fête-Dieu La tête découverte, Les poilus sur le front de Thannjusqu'à Calais Rendent gloire avec nos alliés les Anglais Au Maître qui vers nous tend sa main large ouverte. A la ferme, en forêt, dans la campagne verte Se sont improvisés des reposoirs si frais Qu'on se croiraitplutôt encor en pleine paix Qu'en face le qui-vive angoissant de l'alerte. Une table, un tronc d'arbre au besoin sert d'autel, Et des milliers de voix s'élèvent vers ciel. feu,lesoldatprie. Avantderetourner Le cœur bien retrempé de courage et de foi, En holocauste il s'offre à la chère patrie Savoir mourir pour elle ou vaincre, c'est sa loi.
!
au
!
6
juin
1915.
LÉON DE LA MORINERIE.
[Sur le chemin de la Victoire.
1915-1916
(Amat, Paris, 1916).]
Prière d'un soldat aveugle Je revis à vos pieds cette heure d'agonie, Seigneur, l'heure où j'appris l'horrible vérité,
jeMon connus enfin — ! l'angoisse infinie! incurable cécité.
Où
oh
Dès qu'on m'enlèvera cette bande de toile, Demandais-je en montrant mes yeux enténébrés, Pourrai-je voir encor. ne fût-ce qu'une étoile?. » On me répondait: « Espérez » «
!
Et j'espérais toujours. Un matin, l'infirmière M'enlevait le bandeau. Ma Sœur, suis-je guéri? Dis-je, le cœur battant, vais-je voir la lumière. » Puis ce fut cet horrible cri »Etje repris, farouche la nuit encore «La nuit est-cepossible ?. Ah Seigneur, il fallait. » «Aveugle Et la sœursanglotait en posant sur ma bouche La croix de son grand chapelet.
«
!. !.
!.
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!
?
:
« IL
!.
fallait me laisser mourir
»
Toutes brûlantes
:
Des larmes emplissaient mes yeux morts pour jamais; Quand la Sœur me soufflait de ses lèvres tremblantes « Dites Mon Dieu, je me soumets. » Le pouvais-je vraiment? Moi dont les yeux d'artiste Tant de fois — tant de fois — s'étaient comme enivrés De l'azur d'un beau ciel, d'un lointain d'améthyste Ou des crépuscules dorés Je ne reverrai plus les beautés naturelles, Ces fleurs et ces moissons dont nos champs sont parés, Et tous ces chers dessins, ces fines aquarelles, Et tous mes livres préférés. 07tf surtout, moi le fils au cœur aimant et tendre, Ne plus revoir ces yeux où j'ai lu tant d'amour — Les doux yeux de ma mère — elle qui doit m'attendre,
:
!
!
Impatiente du retour!
:
Et la Sœur, que navrait tant de désespérance, Redisait, me faisant baiser son crucifix «Faites ce sacrifice; oui, pour Dieu, pour la France Qu'il me coûtait! — mais je le fis. Et depuis, ô mon Dieu, je vis dans la nuit noire Et l'ombre de mes yeux, les regrets de mon cœur; Je vous les offre encor pour qu'un soleil de gloire Eclairemon pays vainqueur Puis j'ai le ferme espoir qu'à mon heure dernière Mes yeux morts sortiront de la nuit du tombeau Etpour' toujours — toujours verrai la lumière D'un astre infinimentplus beau L'épreuvepasse avec cette vie éphémère En un réveil d'extase et de ravissement, Mon Dieu,j'irai vous voir,j'irai revoir ma mère. — Voir, oh voir éternellement
!»
!
! -je
!
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!
FRANCIS
(1.)
TROCHU
[Adressé à la Grande Guerre du XXe Siècle.]
a:Iux
mères douloureuses 17
janvier
1914.
Rien n'est plus merveilleux que la beauté des morts. Si l'on vous ditjamais que la balle, en frappant, Que l'obus, en fauchant, avaient meurtri leurs corps, Assez pour qu'on n'y vîtque la terreur dusang, (1) Auteur des Poèmes de
éditeur, 15,
la guerre, un vol. rue Racine, Paris.
in-8° écu, 3
fr.
50.
Jouve,
N'en croyez rien! Ce n'est pas vrai. Graves, superbes, Sculptés par legénie insensé de la mort, Tous ces soldats raidis sont couchésdans l'herbe, Comme des rois, vêtus de fer, de pourpre d'or. On vous dira « Hachés, mutilés, c'est à peine Si l'on voyait, de lacouverture de laine, Emerger le point noir de leurs souliers à clous. » Ou bien « Ils étaients droits, au contraire, debout. » Maisd'émantibulés! Plus des hommes. Des choses Onaurait voulu les secouer pour qu'ils bougent, Et que, rectifiant latenue, ils imposent La beauté du linceul à leur pantalon rouge. Car la mort est grotesque, abjecte. Elle profane Et du plus noble fait une caricature » Ce n'est pasvrai C'est un blasphème, le jure.
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Fronts d'ivoire, profils sereins, chairs diaphanes, Ils semblaient façonnés par quelque Praxitèle, Avec des majestés augustes, sans souillure, Ayant bien su tomber pour la pose éternelle. J'en suis certain. J'ai soulevé la couverture. Depuis plus de mille ans rien ne fut aussi beau! Jamais plus de grandeur calculée ne donna Semblable majesté aux choses du tombeau. D'ordinaire, le sang, c'est de l'assassinat. Ce fut une splendeur de gestes et de poses H faut croire auhasard correct de la beauté, Qui sait tout ordonner, et qui place à côté De l'enfant gracieux le vieillard grandiose; Qui fait tout comme il faut, couvre, atténue, efface, Compose, simplifie et met tout à saplace. Cette fois-ci, ce fut du sublime agrandi. Ceux qui l'auront nié, comme Pierre ont menti Mères Mères en deuïl! Mères de mon pays Que l'indicible horreur de votre cœur s'arracher Ils étaient là très doux, très sages, très petits, Avec leurjoue en fleur, tous ces enfants sans tache. Ce n'estpas vrai qu'on ait abîmé leurs figures Mères, rassurez-vous. Ecartez vos deux mains Du visage qui fuit la vision. Je jure Qu'ils avaient la figure empreinte du divin. Pas un, entendez-vous, pas un qui ne fût tel!.. Il faut le croire. Il faut. J'en atteste le Ciel. Mères, levezle front. J'en viens Je les ai vus Tous vos enfants étaient aussi beaux que Jésus.
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-
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HENRY BATAILLE.
[Excelsior.]
Bibliographe de la Grande Guerre BLOUD ET GAY, éditeurs,
ARCHIVES CANTONALES DE GUERRE,
33, bout. Eustache-Deschamps,Vertws
(aarne)
Archives cantonales de guerre. —1914-i9151916. Nos IV et V. — Broch. de 12 et 8 pages (21 X 13 cm.). [S, D. 1916.] NERET (L.). — Au centre de la. batailla DÎ la Marne. Général Foch et là 9' armée» — Une broch. de 48 pages (23 X 16 cm.). — [S. D. 1916]. —
1
franc.
ATTINGER FRÈRES, éditeurs,
2, rue Antoine-Dubois, Paris. Iloaea (NOELLE). — Le train des grands
blessés, avec une notice historique de M. EUGÈNE PITTARD. — Un vol. de 64 pages (23 X 15 cm.). — [S. D. 1916].. — 1 franc.
BERGER-LEVRAULT,
librairie militaire, 5-7, rue des Beaux-Arts. Paris. — Un régiment belge en campagne. Les fastes du 2e chasseurs à pied, (août 1914-janvier 1915). — Un vol. de 155 pages, 11 hors texte et 3 cartes (19 X 12 cm.). 1 fr. 50. — 1916.
-
Les communiqués officie-Is depuis la déclarationde guerre. XVII. Novembre etdécembre 1915. — Un vol. de 123 pages (17 X 11 cm.), (collection Pages d'histoire 1914-1916). [S. D. 1916]. — fr. 90. FOUGEROL (H.). — Condition civile des mobi-
-
lisés. Actes de l'état civil. Mariage par procuration. Actions et obbligations civiles. — Un vot. de 133 pages (17 X H em.). — (CoItecttoB ligisl/JU de guerre.) — 1916. — 2 francs. S. R, membre de plusieurs Sociétés savantes. Chronologie de la guerre, fil- volume
n
-
(1er juillet-31 décembre 1915.). — Un vol. de 139 pages (17 X 11 cm.). (Collection Pages
—
d'histoire 1914-1916.) — 1916. — 0 fr. 90. STANLEY WASHBRK, correspondant de guerre du Times près les armées russes. Sur le front — russe. Traduit de l'anglais par PAUL RENEAUME — Un vol. de 154 pages, 25 photographies, hors texte (22 X 14 cm.). — 1916. — 3 fr. 50. TAIUOT (JEAN). — La croix des Carmes.
Documents sur les combattants du Bois le Prêtre. — Un vol. de 101 pages, avec 5 dessins de l'an, teur (19 X 14 cm.). — 1916. — 2 francs. Voix de l'Amérique latine. Préface de GOMEZ CARRILLO. —Un vol. de 99 pages (17 X 11 cm.) (Collection Pages d'histoire 1914-1916.) — 1916.
-
0 fr. 75.
Collection Pages actuelles.. — Broch. de
19X12cm.
(P.), lieutenant interprète. — Un examen de conssienca de l'Allemagne, d'après les papiers de prisonniers de guerre allemands. Une broch. de 38 pages. — 1915. — 0 fr. 60. LECHARTIER (G). La Charité et la guerre. HAZARD
-
Tableaux et croquis. — Unebroch. de 64 pages. 1915. — O fr. 60. LORIN (HENRI), professeur à la Faculté deS lettres de Bordeaux. — L'héroïque Serbie. — Une brochure de 39 pages. — 1915. — 0 fr. 60. MALE (EMILE). — La cathédrale de Reims.— Une broch. de 39 pages. — 1915. — 0 fr. 60. MASSON (FRÉRÉRIC), de l'Académie française. — Les femmes et la guerre de 1914. — Une broch. de 40 pages. — 1915. — 0 fr. 60.
-
chroniqueur scientifique DA Correspondant. — Dans les tranchées du front. — Une broch. de 63 pages. — 1915. — 0 fr. 60. MELOT (AUGUSTE), député de Namur. — Le martyre du clergé belge. — Une broeh. de 61 pages. — 1915. — 0 fr. 60. MERCIER (S. Em. le cardinal), archevêque de Malines. — Patriotisme et endurance. Lettre. pastorale. — Une broch. de 47 pages.—1945. MARRE (FRANCIS),
BRETON (WILLY), commandant de l'arméebelge.
0
7, place Saint-Sulpice, Paris.
— 0 fr. 60.
rédacteur au Correspondant. — Le général Maunoury. — Une broch. de 45 pages (19 X 12 em). — (Collection Pages achwiwsl. — 1915. — 0 fr. 60. teiir MOUTON PRINCE (M. D.). — La guerre que l'enteadent la Américains et telle que l'en. tendentles Allemands. — Une broch. de 47 pages. — 1915. — 0 fr. 60. NARSY (RAOUL), rédacteur au Journal des Débats. — La France au-dessus de tout. Lettres de combattants rassemblées et précédées d'une introduction. — Une broch. de 72 pages. — MILES,
1915. — 0 fr. 60.
rédacteur au Journal des Débats. — La Presse et la guerre. Le «Journal des Débats P. Choix d'articles recveillis. — Une broch. de 160 pages. — 1915. — 1 fr. 20. NOTHOMB (PIERRE). — Le roi Albert — Une broch. de 32 pages. — 1915. — 0 fr. 60. OMBLAUX (MAURICEDES). — La raine Elisabeth. Une broch. de 64 pages. — 1915. — 0 fr. 60. REINACH (JOSEPH). — Le Service de santé pendant la guerre. — Une broch. de 126 pages. 1915. — 1 fr. 20. ROCHEBLAVE (SAMUEL). — La vraie France et l'évolution du patriotisme français. Conférences
- -
NARSY (RAOUL),
données à l'aula de l'Université de Genève et à la Maison du Peuple de Lausanno, février-avril 1915. — Une broch. de 62 pages. — 1915. — 0 fr. 60. SAUVEUR (ALBERT), professeur à Harvard Universiiy. — L'Allemagne et la guerre européenne. Préface de HENRI LE CUATELIER, de l'Académie des sciences. — Une broch. de 71 pages. — 1915. — 0 fr. 60. SORGUES (MAURICE DE). Les catholiques espagnols et la guerre. Une broch. de 79 pages. — 1915. — 0 fr. 60.
--
VINDEX. —L'armée
du Crime, d'après le
rapport de la Commission française d'enquête. — Une broch. de 63 pages. — 1915. — 0 fr. 60. VINDEX. — La Basilique dévastée. Destruction de la cathédrale de Reims. Faits et documents. — Une broch. de 64 pages. — 1915. 0 fr. 60. WELSCHINGER (HENRI), de l'Académie des sciences morales et politiques. — La mission du prince de Bùlow à Rome. (Décembre 494imai 1915.) — Une broch. de 95 pages. — 1915. — 0 fr. 60. WELSCHINGER, de l'Académie des sciences morales et politiques. — La neutralité de la Belgique. — Une broch. de 64 pages. — 1915.
-
0 fr. 60.
l'Institut. — Les leçons du Livre Jaune (1914). — Une broch. de 141 pages. — 1915. — 0 fr. 60. WULF (MAURICE DE), professeur aux Universités de Louvain et de Poitiers. — Guerre et philosophie. — Une broch. de 47 pages. — 1915. fr. 60. WELSCHIKGER, de
-0
LIBRAIRIE ARMAND COLIN,
103, boulevard Saint-Michel, Paris. Documents de la section photographique de
l'armée. (Ministère de la guerre.) Photographies sur la guerre avec un texte de ARDOUIN-DUMASET. Deux séries de 10 fascicules (28 X 35 cm.). — [S. D. 1916]. — Chaque fascicule, 1 fr. 25. — Les six premiers fascicules, contenant chacun 24 planches, ont paru. ÉDITIONS PRATIQUES ET DOCUMENTAIRES 1
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--
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X
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- [S. D.I.
(M.- C .- A ) , WILL SAM MAC TWAIN, etc. — Le Boschmannschucrutundkakafresserdeutsch — kolossalkulturdestruktcrkaKINNEBY
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vice-président de l'association catholique de la Jeunesse française. — Les BUCAILLE (VICTOR),
catholiques italiens et la guerre européenne.
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D.]. — 0 fr. 50.
X
12 cm.). — [S.
WETTERLÉ (Abbé), ancien député au Reichstag et à la Chambre d'Alsace-Lorraine. — La jeune
génération en Alsace-Lorraine. Préface de M. HENRI WELSCHINGER, membre de l'Institut,
Allocution de M. ANSELME LAUGEI., ancien député au Reichstag. — Une broch. de 47 pages (19 X 12 cm.). — [S. D.]. — 0 fr. 50.
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—
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La vie saharienne pendant la guerre 4914-4916. de XI-336 pages (19 X 12 cm.). — — Un vol. 1916. — 3 fr. 50. LELIÈVRE (Abbé PIERRE), aumônier volontaire aux armées. — Leur âme est immortelle. — Un vol. de 181 pages (19 X 12 cm.). — 1916. — 2 fr. 50.