.
Zf$'*;.&r%*
*m%*
«
'h
Il a été tiré
de cet ouvraqe
:
Mille exemplaires offerts à Varmée par l'auteur et teurs
les édi-
;
Cinq mille exemplaires sur lesquels l'auteur a abandonné droits,
un
tiers
ses
au bénéfice de l'Assistance mutuelle des veuves
de la guerre, un
tiers
au bénéfice de l'œuvre des Amis des soldats
aveugles, un tiers au bénéfice des Orphelins de la querre de la
Savoie ;
Cent vingt exemplaires sur papier de Hollande, dont soixante
numérotés de 1 a 60
et soixante
d'hommage
;
Vingt exemplaires sur papier des manufactures impériales du
Japon, dont dix numérotés I à
Un exemplaire unique
X
et dix
sur Chine.
d'hommage
;
%&•%>
LA CHANSON DE VAUX-DOUAUMONT
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
Ce volume a
été
déposé au ministère de l'intérieur en 1917.
DU MÊME AUTEUR OUVRAGES SUR LA GUERRE La Chanson de Vaux-Douaumont
du
fort de
Vaux
(9
— —
.
I.
Les Derniers Jours
mars-7 juin 1916).
La Chanson de Vaux-Douaumont. II. Les Captifs délivrés (Vaux-Douaumont 21 octobre-3 novembre 1916). :
Trois Tombes.
La Jeunesse nouvelle.
ROMANS ET NOUVELLES La Maison. L'Amour en fuite. La Petite Mademoiselle. La Neige sur les pas. Le Carnet d'un stagiaire. (Librairie
La Robe de laine. La Croisée des chemins. Les Yeux qui s'ouvrent.
L'Écran brisé. Les Roque villard. Plon-Nourrit et G .) ie
La Nouvelle Croisade des enfants. (Librairie
Flammarion.)
La Peur de vivre. Le Pays natal. La Voie sans retour.
Le Lac noir. Jeanne Michelin.
(Librairie \. Fontemoing.)
ESSAIS DE CRITIQUE ET VOYAGES LaVieauthéâtre(1907-1909. 1909-1911. 1911-1913).—-3 Portraits de femmes et d'enfants. Paysages romanesques. (Librairie Plon-Nourrit et G ie .)
Quelques Portraits d'hommes.
—
vol.
Vies intimes.
(Librairie A. Fontemoing.)
Ames modernes
Librairie Perrin).
Les Amants de Genève,
édition de luxe (Librairie
Dorbon
aîné).
THÉÂTRE L'Écran brisé. de Campagne. En collaboration avec M. Emma-
Un Médecin
nuel Denarie. (Librairie Plon-Nourrit et G".) PARIS.
TYP. PLON-NOURRIT ET Gie , 8,
RUE GARANC1ERE.
22508.
Capitaine
HENRY BORDEAUX
LA CHANSON DE VAUX-DOUAUMONT
LES
DELIVRES
CAPTIFS
DOUAUMONT-VAUX (21
OCTOBRE-3 NOVEMBRE Avec
1916)
trois cartes
PARIS LIBRAIRIE]
PLON-NOURRIT 8,
et
C»,
PLON
m
IMPRIMEURS-ÉDITEURS
RUE GÀRANCIÈRE
1917 Tous droits réservés
6e
1/y
Copyright 1917 by Henry Bordeaux. Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
AU
GENERAL PETAIN
LES CAPTIFS DELIVRES DOUÀUMONT-VAUX (2
Deux
OCTOBRE-3 NOVEMBRE 1916)
1
dessins de Forain résument dans
un rac-
courci saisissant les deux phases de la bataille de
Verdun.
Comme un
lui impose
sculpteur, pétrissant la glaise,
une forme,
prodigieuse matière,
le
grand
artiste
a
tiré,
trique
et
marquée
cette
les traits essentiels.
Le premier, dédié au général Pétain, ne qu'une pierre
de
contient
qu'un mot. C'est une pierre kilomé:
Verdun, devant
laquelle gisent les
vagues allemandes échouées. Le mot, Bis hier, Friedland, Schiller dans son
c'est
und nicht
Wallenstein
:
:
la
borne.
weiter... dit
jusqu'ici, et
pas
plus loin.
Le second
dessin est moins noir et moins sombre.
Il est plein de
pelle
:
La
mouvement
reprise
du
fort
et
d'allégresse.
de Douaumont
Il s'apet
porte
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
2
en épigraphe
commencement du communiqué
le
mand du 26
octobre
favorisée par
1916
aile-
L'attaque française,
:
un temps brumeux... Dessous, un jambe
solidement ramassé sur la
soldat français,
gauche, envoie un magistral coup de pied dans
le
derrière d'un fantassin allemand qu'il expédie dans
au delà
l'espace
légende
La
...
:
Et
la
la victoire
:
se dissipa.
duré du 21 février au début
c'est la
borne. Elle a préparé
qui a été remportée dans
octobre et
les actions
de Genève a ainsi dégagé
clin
le
le
Journal
sens de Verdun
de Verdun marquera dans l'histoire
:
«
le
La dé-
de la puissance allemande... Lorsqu'on a vu,
après des mois d'une lutte écrasante,
mands
le
sang de leurs camarades,
monde a compris d'un coup
guerre.
les soldats alle-
reculer sur le terrain qu'ils avaient conquis
en pataugeant dans le
des
15 décembre 1916.
Lors de V anniversaire du 21 février,
bataille
Comme
reconquis.
terrain
bataille d'arrêt a
de septembre 1916
24
du
brume
le
symbole de
la
»
Verdun a pris d'emblée dans rieuse puissance de la légende.
l'histoire la
mysté-
Une matière épique
LES CAPTIFS DELIVRES
3
rassemblée qui formera plus tard, dans notre
est là
littérature,
le
comme
cycle de Verdun,
temps des Croisades ,
cycle de
le
y
il
au
eut,
Charlemagne
et celui
de Guillaume d' Orange
Je n ai pas eu de peine à rapprocher les Derniers
Vaux
jours du fort de
A
travers les siècles,
de la Chanson de Roland.
c'est,
selon la juste vision de
Barrés, le visage éternel de la France.
Au
cours de la bataille .de Verdun, sur
forts qui montent la garde autour de
deux furent faits prisonniers
resse,
25 février 1916 délivrés,
Vaux
3 novembre
Douaumont
:
7 juin. Les
le
Douaumont
ont été le
Vaux
et
les trente
la vieille forte-
le
suivant.
24
le
captifs
octobre 1916, et
C'est,
ici,
V histoire
de leur délivrance
Leur délivrance a
été précédée
de formidables
assauts allemands contre la colline et le fort de Sou-
rempart de
principal
ville,
furent
livrés les
tembre,
et
23 juin, 11 juillet,
Thiaumont, Fleury
:
1
er
Ces
août
assauts et
3
sep-
furent coupés de nos contre-attaques sur et
maintenir notre ligne.
nom
Verdun.
la bataille
Vaux-Chapitre,
V ensemble
devant Souville.
destinées à
peut prendre ce
LES CAPTIFS DELIVRES
4
un jour
L'histoire en sera écrite
:
Fleury, Thiau-
mont sont des noms qui égaleront ceux de Douaumont et
de Vaux.
A partir
sant plus des
combat sur
entre la cote tie et le
C'est
les
Somme,
sur la
deux
mule sur ce
pour alimenter
suffisants
le
rives à cause de notre offensive
restreint son effort à la rive droite,
du Poivre dont
il
fond de la Horgne à
par
Sur
de juillet, V adversaire, ne dispo-
moyens
occupe l'est
entend forcer
là qu'il
majeure par-
la
du fort de Vaux. passage
le
:
il
accu-
ce point le matériel et les effectifs.
champ de
bataille circonscrit, la principale
ossature du terrain est constituée par deux longues arêtes, l'une orientée
du nord-est au
nord-ouest
:
Douaumont-Froideterre, l'autre orientée du nordouest
au sud-est
mouvements de
:
Nawé-Fleury
Bois
terrain
se
soudent
à
Ces
.
deux
hauteur de
Thiaumont, composant ainsi une sorte de croix inégale. est
La branche
sud-ouest de la croix sur laquelle
accroché, légèrement à contre-pente,
Fleury, couvre deux ravins, le
ravin de
la
Poudrière
.
le
le
village de
ravin des Vignes
Fleury, plus régulières , ne sont entaillées que par ravin de Chambitoux qui sépare
Vaux-Chapitre de toux
est
Bazil
et
la cote
le
le
le
terrain bois&-de
320. Ce ravin de Chambi-
coupé perpendiculairement par prolongé vers
et
Les pentes nord-est de
nord par
les
le
ravin du
Fausses-Côtes.
LES CAPTIFS DELIVRES
Tous
vallonnements
ces
5
de chemine-
défilés servent
ments à l'infanterie ennemie qui, de Douaumont, sa place d'armes, cherchera à progresser vers Fleury-
V itinéraire Fausses-Cotes-Chambitoux
Souville par et,
plus tard, par
La branche Nawé,
les
couverts de Vaux-Chapitre.
nord-ouest de la croix,
face au nord
se replie
nord-est de Bras,
au-dessus
vient
et
de
ravins parallèles à cette croupe,
celle
la le
ravin de Bras
.
bois
mourir au
Meuse.
Trois
Helly, la
Dame, descendent de Douaumont
leuvre et la
du
Cou-
vers
le
Ce sont aussi des cheminements pour
l'infanterie allemande qui, de la feigne Saint-André,
cherchera à atteindre Thiaumont par V itinéraire
les
Fosses, les Chambrettes, les pentes est et ouest de la cote la
378. Notre
rejeter
dans
artillerie vigilante le
l'inévitable halte de la
hardie
descente
découvert de
Douaumont. Mais et périlleuse
Douaumont à
la
Nos observateurs en avions et les leçons
aura
ravin du Helly qui
la
vite fait
de
conduira à
après, ce sera
sur
les
pentes à
ferme de Thiaumont.
saisiront leurs colonnes,
données à leur audace seront
si
san-
glantes que l'ennemi préférera changer de parcours
en l'allongeant
mont par dont
il
le
et
amener
ravin du Bazil
occupe
ses renforts vers 'Thiauet par les
pentes de Fleury
le village.
La branche
nord-ouest de la croix
monte vers
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
6
Douaumonl en pente douce La branche
sud-est, c'est
.
Froide terre qui domine la vallée de
la
Meuse
et les
ra-
vins sud de Fleury et qui, malgré des bombardements incessants et formidables,
demeure
le
pivot de notre
V espoir d'une progression possible
défense,
veut reprendre Fleury
si l'on
un jour, Douaumont.
et,
Il
faut donc à tout prix consolider Froideterre en reprenant V ouvrage de Thiaumont perdu
Tout
cet
le
23 juin.
Au
ensemble s'appuie à deux bastions.
nord, c'est la côte du Poivre, en partie seulement en notre possession au mois d'octobre 1916, mais précieuse
par
les
vues de ses observatoires sur toute
région à l'ouest de
mamelon de
Douaumont. Au dominé par
Souville,
attaques allemandes
sud,
le fort,
qui voient en lui
c'est
la le
but des véritable
le
rempart de Verdun.
En
arrière de cette ligne de défense,
qu'une
dernière
crête
appuyée d'un côté à *des
:
n'y a plus
Belleville- Saint-Michel,
Meuse
et
de l'autre au Bois
Hospices.
Sur et
la
il
le
plan des lieux on peut mesurer l'importance
l'acharnement des combats qui se sont livrés au
cours des mois de juin, juillet, août
septembre devant Souville. Pour ville
représentait la
direct de
les
et
au début de
Allemands, Sou-
dernière étape avant
Verdun qui ne
l'assaut
serait plus alors protégée
que
LES CAPTIFS DÉLIVRES
par
la dernière
7
Pour nous,
ceinture de ses collines.
la reprise de
Thiaumont
nous fournir
la
et
de Fleury pouvait seule
base de départ indispensable à une
action de grande envergure destinée à nous rendre
d'un seul coup Douaumont plètement la repris les
ville
17-18 août
au delà de
la
et
Vaux
et
à libérer com-
de la menace allemande. Fleury et
est
nous avons pu nous établir
route de Fleury à Bras, c est-à-dire
presque en bordure de V ouvrage de Thiaumont*
Seules
les
archives du
commandement permettront
dans
de mettre en place,
de la grande
l'histoire
guerre, chaque épisode.
Aucun
peut être détaché de
l'ensemble
épisode, en effet, ne
perdre sa véritable signification.
risquer de
sans
De
la
mer du Nord
à la Mésopotamie, c'est une bataille unique qui se livre,
fragmentée en mille actions diverses. Mais ne
faut-il pas se hâter de recueillir, les
témoignages de
orale, sur
la
chacune de
quand on
tradition,
écrite,
soit
ces mille actions?
cette ti^adition est-elle susceptible d'être
peut,
le
soit
Sans doute
complétée
et
remaniée. Sans doute n'est-ce là qu'une chronique
qui n'engage que
le
chroniqueur.
recueillie avec dévotion partout
Du
moins
l'ai-je
où j'ai eu l'occasion
LES CAPTIFS DELIVRES
8
de la surprendre dans toute sa fraîcheur première,
avant quelle
ait
pu
s'altérer.
Après les Derniers jours du fort de il
pas indispensable d'écrire
acheva
la
longue
et
le récit
Vaux
de la victoire qui
dure bataille de Verdun?
H. B. i er mars
1917.
ri était-
.
LIVRE PREMIER
DANS LA CRYPTE DE VERDUN (13 septembre 1916)
13 septembre 1916.
Verdun
est
une
que romaine où
vieille ville qui,
l'un des remparts les
du monde occidental contre
invasions germaines. Lors du
de l'empire carolingien,
fameux
traité
de France
depuis l'épo-
s'appelait Virodwium, fut
elle
elle a
démembrement
donné son nom au
de 843 qui détachait du royaume
les Trois- Évêchés
l'empereur Lothaire.
pour
les
adjuger à
faudra des siècles de
Il
sagesse politique et d'esprit de suite pour réparer cette faute qui ouvrait les portes
Une Allemagne
qui se revendique de l'ancien
Empire veut trouver dans l'origine historique
que, dès riale
le
était
l'apanage
dixième
comté de Bar
les
du passé
siècle, la possession
et
impé-
que Verdun devenait
princes-évêques, rentrait,
tour, sous la suzeraineté
gée par
cette erreur
de ses convoitises, oubliant
supprimée des
aux Barbares.
tandis
un peu plus du
roi
que
le
tard, à son
de France. Assié-
armées de Charles-Quint (1544) Ver,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
12
dun
fut reprise par
Henri
II
(1559)
et,
de
fait,
définitivement annexée au royaume, en sorte que le traité
de Westphalie ne
que confirmer un
fit
état de choses établi depuis près de cent ans. Cet
état de choses, la nécessité pour la France de se
garder
l'avait créé.
fut occupée
En 1792, Verdun,
que quarante-trois jours,
tres qui l'avaient livrée
En 1870, cernée malgré une
et
sortie
trahie,
ne
et les traî-
furent punis de mort.
bombardée dès
le
13 octobre,
heureuse qui occasionna des
pertes sérieuses aux assiégeants, trompée par la
communication de dépêches qui annonçaient
la
reddition de Metz, la capitulation prochaine de Paris et la fin de la guerre, la ville se rendit le
8 novembre, mais la garnison obtint les honneurs militaires et sortit
musique en
tête et enseignes
déployées. Libres, les officiers préférèrent de-
meurer prisonniers avec
Verdun
a
vu
les
duc de Brunswick
leurs
hommes.
armées de Charles-Quint, du et
du prince de Saxe;
elle n'a
pas vu, elle ne verra pas l'armée du kronprinz.
La
bataille qu'elle soutient depuis bientôt huit
mois,
la plus
comme
longue bataille de tous
elle a fait
les
temps,
apparaître sous les démolitions
l'ancienne ceinture de fortifications qui datait du
temps des princes-évêques, met en
relief l'intel-
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
1&
ligence prévoyante des fondateurs de la force française qui marquèrent sur ses collines la limite
des invasions descendues des Ardennes
par
le
couloir de la Meuse.
Après
ses
échecs de
la
Marne
et
de l'Yser,
l'Allemagne se recueillait sur son front dental. Étonnée d'avoir manqué prise
que semblaient
lui
le
occi-
coup de
sur-
garantir sa préparation
directe à la guerre et son avance industrielle y
sachant bien que son principal adversaire était là, elle
renouvela patiemment son outillage et décu-
pla sa production. L'année 1915 confirma la fiance qu'elle gardait dans sa force
:
con-
n'avait-elle
pas contraint les Russes à reculer en Galicie, pris la
Pologne
et la
Gourlande,
mené de
concert avec
l'Autriche et la Bulgarie l'écrasement de la Ser-
bie? Alors, elle revint au plan primitif qui, seul,
pouvait amener la solution de
21 février, avec
la
même
guerre, et le
plus formidable accumulation
de moyens matériels qui
un
la
ait
jamais été réunie sur
point et qui représentait le travail pré-
paratoire de plus d'une année, elle attaqua le saillant
que notre secteur de Verdun creusait
dans ses lignes. La chute de Verdun elle rouvrir la
route de Paris,
cette carte trouvée sur
comme
un prisonnier
lui
devait-
l'indiquait le
23
juin.
LES CAPTIFS DELIVRES
14
et qui raccourcissait à dessein les distances
forteresse à la capitale, elle se rabattre
de
la
ou l'Allemagne pensait-
sur la Lorraine? Elle croyait
le suc-
pendant cinq jours.
cès certain. Elle put le croire
Aujourd'hui, 13 septembre, plus de deux cents jours se sont écoulés depuis son attaque, près de
cinq cent mille de ses soldats ont été mis hors de
combat,
et
au cœur
voitait, voici
française
et
vont
alliées
que les
même
le
—
la ville qu'elle
car
puissances
tranquillement,
y a de
il
presque
l'ironie à constater
l'impuissance du plus gigantesque effort,
une cérémonie symbolique, qui a parachevé l'œuvre de et sauvé
des
lois
du joug de
con-
président de la République
représentants des
célébrer
ironiquement,
de
la
de Verdun
la gloire la
Marne
— dans
et
de l'Yser
Force qui se met au-dessus
et des traités
la
France,
le
monde,
le
où
le
droit...
#
Verdun,
comme une
église, a sa crypte
jour n'entre pas, où ne pénètrent que les fidèles autorisés. Sa crypte, c'est la citadelle. Construite
sous
les
abbaye
fondations de l'ancienne
Saint- Vanne
qui couronnait la
placement de
la
ville,
de
proche l'em-
cathédrale actuelle,
elle
défie
DANS LA CRYPTE DE VERDUN tous les
bombardements
15
et sa vie souterraine n'a
jamais été troublée. Elle abrite de nombreux services qui n'ont pas été interrompus.
boulangeries y sont installées
Tune ou
çoit dans
l'autre
hommes demi-nus dont reflet des
brasiers et
l'enfournent.
rait
dans une
l'activité
y
est
de
ses
le torse est
aper-
travées des
rougi par
le
qui pétrissent la pâte et
des ambulances,
chirurgicales,
trique y fonctionnent.
vastes
le visiteur
:
Des magasins,
des installations
De
Une
une usine élec-
fois entré,
on
se croi-
ruche paisible et laborieuse,
grande et tant
la
tant
menace de
la
guerre en est absente. Car la ville est saccagée,
mais
la citadelle est intacte.
mais
les
remparts demeurent. Tout ce qui appar-
tenait à la cité
gère à
la
Les maisons croulent,
commerçante, trafiquante, étran-
défense, est à peu près détruit. Tout ce
qui relève de la cité militaire a résisté. Ainsi se
mesure l'impuissante rage de l'ennemi qui a précipité inutilement des milliers
sur
de tonnes de fer
Verdun sans atteindre réellement aucune de
ses fortifications.
Sans l'éclairage électrique,
la
citadelle aurait
l'aspect de l'un de ces vieux burgs formidables bâtis
dans
le
roc,
aux interminables couloirs,
aux casemates voûtées, aux oubliettes savam-
LES CAPTIFS DELIVRES
16
ment
pratiquées dans l'épaisseur des murs.
Il
faudrait des torches pour compléter ce décor des
But graves. L'escalier en colimaçon qui dessert
hommes
étages se perd dans l'ombre. Des
qués assurent
manœuvres roulent
garde. Des
la
les
cas-
des fardeaux. Le réfectoire occupe
toute une
travée et aboutit aux cuisines dont la fumée a noirci les pierres des voûtes romanes. Ce réfec-
La généreuse du général Dubois, com-
toire a reçu bien des hôtes illustres. et cordiale hospitalité
mandant d'armes, la bataille,
salle à
fait
a,
les
depuis
honneurs de
manger, qui réunit
l'éclat et
commencement de
le
au parfum d'une
la
la pittoresque
majesté d'une nef à
rôtisserie, à des princes,
à des généraux, à des ambassadeurs, à des écrivains, à des représentants de la presse française, alliée
ou neutre. Des discours historiques ont été
prononcés sera pas
ici.
Évoquer
chronique de
de
la vie
un des chapitres Verdun.
les
N'y
la citadelle
moins curieux de ai-je
il
est vrai,
en son
nom
la
pas entendu
M. Athos Romanos, ministre de Grèce à venu,
ne
Paris,
personnel et non
pas officiellement, qui, en présence de Maurice Barrés et de l'état-major de la place d'armes,
apporta dans
le
plus noble langage et avec
émotion chaleureuse
le salut
de son pays à
une
la ville
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
17
assiégée? C'était le A avril. Après ses attaques frontales sur la rive droite
du 21
février
aux pre-
miers jours de mars et sur les deux rives du 6 au 12 mars, l'ennemi avait multiplié durant tout le
mois précédent la
les attaques locales sur le fort et
région de l'étang de Vaux, sur
s'acharnait
Il
alors
d'Haucourt
et
défense à
cote 304. Déjà
tion
bois de la
sur les bois de Malancourt et d'Avo-
Caillette,
court.
le
la
positions
de Béthincourt qui servaient de
Verdun
du monde qu'elle devait
tenir. L'entrée
nos
sur
dans
fixait l'atten-
si
longtemps re-
la citadelle,
par une porte
repérée et souvent battue, n'avait pas été sans
vacarme. Le
général Dubois,
offert à ses hôtes le tour
souriant,
avait
du propriétaire
à tra-
vers les ruines qui, çà et là, fumaient encore.
Ceux-ci, pour venir de Bar-le-Duc, avaient suivi la
fameuse
voie sacrée qui alimentait de ses ca-
mions automobiles toute ils
pénétrèrent dans
la bataille.
le réfectoire
Mais,
quand
voûté, quel ne
fut pas l'étonnement des visiteurs
en voyant
la
table jonchée d'œillets blancs et rouges? Les jar-
dins de
Verdun continuaient de
les
Et
fleurir.
toast de bienvenue qui les accueillit,
le
rappelant
souvenirs classiques que les Grecs d'autrefois
nous avaient transmis, comparait aux gardiens «.
2
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
Ï8
Douaumont
des Thermopyles les défenseurs de et
de Vaux. Les Grecs d autrefois
rire
du général
:
à peine le sou-
avait-il souligné l'ironie...
* #
Le dernier « civil » venu à Verdun, avant ce mémorable 13 septembre, fut M. Lloyd George, le
ministre de la Guerre britannique. Voici cinq
jours qu'il y fut reçu.
Un
des officiers qui ont
assisté à la visite
me
attendons devant
la forteresse,
raconte, pendant que nous
l'impression qu'il
en a gardée. La plupart des assistants ne savaient pas l'anglais et M. Lloyd George ne parle pas
le
français. L'interprète de Tétat-major traduisit en
hâte ses paroles en s'efforçant d'en maintenir Faccent. Cet interprète est un érudit qui se pas-
sionne pour les finesses du langage. dès qu'il eut regardé et entendu la difficulté serait
le
comprit,
Il
ministre, que
de communiquer à une traduc-
tion ce frémissement de l'âme qui fait palpiter sa phrase.
M. Lloyd George
est célèbre
pour avoir
multiplié dans son pays les fabriques d'armes et
de munitions et allumé au service de toutes les usines de la
tend à découvrir en
la
lui ces qualités
de
guerre
On s'atcomman-
Grande-Bretagne.
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
dément, d'aisance,
d'activité
grand industriel. Et l'on d'un petit
homme
parence. Mais
physique que révèle
grand entrepreneur
d'un
l'extérieur
19
d'un
en présence
sans recherche et de peu d'ap-
yeux
les
se trouve
ou
flamme où
brillent d'une
l'on croit voir le reflet de tous les hauts four-
neaux d'Angleterre. Dès
une sorte
qu'il parle,
d'exaltation quasi religieuse s'empare de ceux qui l'écoutent.
elle
Il
est
notre Bretagne,
chargé de légendes.
idées. Et les idées,
Il
habite
le
et
monde la
matière.
du général Dubois, toujours
toast
le
des
au cours de cette guerre, ont
continué de mettre leur empreinte sur
Après
même comme
de ce pays de Galles, de
celtique que
race
ingénieux et disert, qui avait remercié
le
repré-
sentant du gouvernement anglais du témoignage qu'il venait vit
se
rendre aux défenseurs de Verdun, on
lever
homme
presque avec impatience ce petit
grave et ardent ensemble.
On
eut aussi-
quelque chose
tôt la sensation qu'il se passerait
d'important, de solennel. Ce qu'a dit M. Lloyd
George dans tacte après
cette
«
ici
la forteresse in-
deux cents jours de
entier l'a appris.
son soit
casemate de
Il
répétée
faut pourtant
siège, l'univers
que
sa pérorai-
:
Le nom de Verdun
suffira à
évoquer dans
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
20
un souvenir impéris-
Thistoire de tous les siècles sable.
Aucun des grands
toire de
France
d'armes dont
faits
est remplie
l'his-
ne témoigne mieux des
plus hautes qualités de l'armée et du peuple français, et cette
bravoure, ce dévouement à
auxquels
monde
le
la patrie,
hommage,
a toujours rendu
d'un sang-froid, d'une ténacité
se sont renforcés
qui n'ont rien à envier au flegme britannique. «
Le souvenir de
la victorieuse résistance
de
Verdun sera immortel, parce que Verdun a sauvé non seulement la France, mais notre grande cause les la
commune
l'humanité tout entière. Sur vieille citadelle,
puissance malfaisante de l'ennemi est venue
comme une mer
se briser,
granit. Elles ont le
et
hauteurs qui entourent cette
dompté
un roc de
furieuse sur
la
tempête qui menaçait
sens
remué profondément
monde. «
Pour moi,
en touchant ce
nom
personnel
je
me
sol sacré. :
émue de mon pays
Je ne parle pas en
je vous apporte et
l'admiration
de ce grand Empire dont je
suis ici le représentant. Ils s'inclinent
devant «
le sacrifice et
Une
fois
mon
devant
de plus, pour
la
défense des grandes
causes auxquelles son avenir
l'humanité se tourne vers
la
avec moi
la gloire.
même
est attaché,
France...
»
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
— le
Il
parla sur
un ton
tout frais, l'office.
comme un
me
extatique,
témoin qui rassemble pour moi
21
rapporte
ses souvenirs
prêtre récite les prières de
Nous n'avions pas besoin de comprendre
ce qu'il disait pour deviner qu'il s'agissait de sacrifice et
de gloire. Et, quand
son discours,
il
prononça en
le
il
eut terminé
leva son verre et par trois fois
il
comme une invocaardente, comme une incan-
renforçant,
tion de plus en plus
mot unique Nous nous sommes tation, ce
:
France! France! France!
tous
trouvés
debout.
Je
m'étais levé sans y prendre garde et tous mes camarades avaient dû se lever ainsi une émo:
tion indicible nous étreignait,
un
frisson
d'amour
nous secouait. Nos peines n'existaient plus
:
il
n'y avait plus que la cause à laquelle nous appar-
mot prononcé non d'une auguste, mais d'un mystérieux man-
tenions corps et âme, et que ce
avec un
accent guttural
majesté plus
revêtait,
teau d'admiration étrangère...
La
vieille citadelle est
loir d'accès disparaît la
parée.
La voûte du cou-
sous les drapeaux. Celle de
casemate réservée à
la
cérémonie,
j'allais dire
LES CAPTIFS DELIVRES
22
au culte, est tapissée de électriques
suspendent
se
Les ampoules
lierre.
comme
des fruits à
aux cou-
cette verdure. Les parois sont pavoisées
leurs des nations alliées et décorées de panoplies.
Une
au fond, est
estrade,
avec une
dressée
assemblée de fauteuils rouges. L'entrée de l'écoute qui attend et leur suite est pareillement
nons de bronze, d'un modèle servi
en 1870,
garde
la
le
devant
les officiants
Deux ca-
ornée. inusité,
qui ont
Berceau et la Marie, montent
une
cuite de la citadelle
en
reproduction
terre
du temps de Vauban. Au
dehors, une compagnie du 49 e bataillon de chasseurs à pied, en armes, clairons tête, est prête à
Dubois
et
rendre
les
son état-major sont groupés face à
porte de la ville que doit franchir
Le jour
perdent dans
la
le
en
la
cortège.
campagnes
long du fleuve
gris,
se
brume. Les hautes murailles des
remparts semblent atteindre ce entend,
le
est triste, le ciel bas, les
meusiennes, là-bas,
On
et fanfare
honneurs. Le général
comme un
ments du canon. La
ciel
rapproché.
orage éloigné,
les roule-
bataille n'est pas finie.
Que
vient-on célébrer dans Verdun pareille à la Jéru-
salem désolée des Lamentations?
La cérémonie qui va s'accomplir
est sans
DANS LA CRYPTE DE VERDUN exemple dans
La
l'histoire.
gloire de
23
Verdun
sera
unique. La cité invaincue va recevoir l'hommage
de
France
la
de toutes
et
les
nations alliées. Le
Président de la République française lui apporte
de
la croix
Légion d'honneur;
la
tants des nations alliées, rains, lui
apportent
les plus estimés.
prendre «
au
nom
de leurs souvede leurs ordres
les insignes
Verdun va grouper
l'alliance et
toute sa signification.
Depuis
le
21 février,
dans
est-il écrit
port en date du 29 août, par lequel
de
la
représen-
les
Guerre présentait au chef de
décidant l'attribution de
la
le
le
rap-
ministre
l'État le décret
Légion d'honneur à
la
place forte, la ville de Verdun, dans sa farouche résolution de maintenir son territoire
inviolé^
oppose à l'armée de l'envahisseur une résistance qui fait l'admiration du
du gouvernement de que
la ville
la
monde.
.
.
Il
est
du devoir
République de proclamer
de Verdun a bien mérité de
la patrie.
»
— A bien mérité de l'Entente, ont voulu ajouter les Alliés.
A
la vérité le
mais à
La
la
ville
nom
manière de tous
les
noms de
batailles.
représente la barrière dressée devant
l'invasion. Elle a, indéfinis,
de Verdun est un symbole^
dans cette guerre aux fronts
l'importance d'un fleuve, la Marne,,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
24
ou
l'Yser
la
Somme.
lines incurvées, la
Un
.
à un,
sans protocole apparent, les auto-
mobiles franchissent rêtent
N'a-t-elle pas, avec ses col-
forme d'un bouclier?
un peu avant
la
porte de la
ville et s'ar-
l'écoute, devant la
haie de chasseurs à pied.
A
armes, un soldat décoré de qui doit connaître son
double
voix basse, sous les
la
médaille militaire,
monde, énumère, pour
son voisin tout jeunet qui doit être une nouvelle recrue, les
noms des
— Mangin,
Un de
Anglais, la
arrivants
:
Nivelle, Pétain, Joffre.
civils.
un Russe, des étrangers. Le ministre
Guerre. Le Président.
Un
à un, tandis que les clairons sonnent aux
champs,
le
chef de l'État,
les
généraux,
les chefs
de
de Verdun remplaçant
la ville
de
la
Meuse,
ministres,
les
des missions alliées, l'adjoint
maladie rend indisponible, tés
Des
le
les
préfet
le
maire que
la
sénateurs et dépu-
du département,
le
sous-préfet de la ville défilent entre les chasseurs et disparaissent sous la voûte. Ils suivent le
couloir qui les conduit à la casemate
où
se déroulera la
rieur,
Il
aménagée
cérémonie.
Sur l'estrade a pris place République.
long
le
Président de la
est entouré du ministre de l'Inté-
du ministre de
la
Guerre
et des cinq
gêné-
DANS LA CRYPTE DE VERDUN raux
le
:
mandant
généralissime, le
le
général Pétain, com-
e
général
général
Verdun,
joint au maire, qui représente
au chef de l'État;
le
fait face
coussin où seront épinglées
décorations de la ville lui sera remis tout à
D'un côté de
l'heure. les
le
Nivelle, commandant la II armée, le Mangin, qui commande le secteur, le Dubois, commandant d'armes. L'ad-
général
les
du centre,
armées
groupe des
25
la salle
voûtée sont rangés
représentants des groupements
ral Gilinsky
pour
get pour
Grande-Bretagne,
la
ganze pour
alliés, le
Russie, le général
la
l'Italie, le
le
sir
géné-
A. Pa-
général di Bre-
major Monschaert pour
la
Belgique, le général Stefanovitch pour la Serbie, le
général Gvosvitch pour
Le
le
Monténégro.
silence s'est fait, immédiat.
République française prend
de
la
le
projet
d'hommage
ment
à l'empereur
qu'il
était
formé
la parole. Il dit
à Verdun, venu spontané-
de Russie en par
«
Il
dit le
cette citadelle inviolée
monde
et à la cité qui a »
.
temps
les
la
puissances
rendez- vous donné dans
tribut de reconnaissance à
victoire de la liberté
même
gouvernement de
le
République, et l'adhésion de toutes de l'Entente.
Le Président
»
pour
offrir
un pieux
ceux qui ont sauvé
payé de
ses blessures
«
le
la
LES CAPTIFS DELIVRES
26
murs où
Messieurs, voici les
«
se sont brisées
suprêmes espérances de l'Allemagne impé-
les
riale...
»
dit le
Il
magne
:
devancer
dont
le
empêcher
et
nom
l'Alle-
l'offensive
s'emparer
préparaient,
Alliés
les
double objectif poursuivi par
que
d'une place
historique rehausserait, dans l'ima-
gination allemande, l'importance militaire. «
Les débris de ces rêves germaniques gisent
maintenant à nos pieds. Il
dit le
plan d'action des Alliés
Chantilly, au
8
»
élaboré à
Grand Quartier Général,
décembre 1915, sous
Joffre et sur la proposition de çais, et destiné à
les 6, 7 et
présidence du général
la
coordonner
l'
état-major fran-
les
opérations de la
du front de
coalition sur l'ensemble indivisible
combat. C'est ce plan dont l'Allemagne a voulu, par
son
attaque
du 21
rompre l'exécution «
février
Verdun,
sur
:
Les admirables troupes qui, sous
dement du général Pétain ont soutenu, pendant de
et
si
le
comman-
du général
longs mois,
Nivelle,
le
formi-
dable choc de l'armée allemande, ont déjoué,
par leur vaillance
et leur esprit
desseins de l'ennemi. Elles ont permis
de sacrifice,
les
»
la
réalisation
du plan des
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
Une
états-majors.
ont été engagées
:
27
à une les offensives prévues
de
celles
la
Russie les 4 juin et
2 juillet, celle de l'Italie sur Gorizia le 25 juin,
de
celle le
er
1
la
France
et
la
Somme
juillet.
Honneur aux
«
de l'Angleterre sur
semé
et arrosé
aujourd'hui.
soldats de
de leur sang
la
Verdun!
Ils
ont
moisson qui lève
»
Par eux ces deux syllabes de Verdun ont pris
un sens tout autre que
celui
que l'Allemagne
prétendait leur attacher. «
Ce
nom de
l'intensité
Verdun, auquel l'Allemagne, dans
de son rêve, avait donné une significa-
tion symbolique et qui devait, croyait-plie, évo-
quer bientôt, devant l'imagination des hommes,
une défaite éclatante de notre armée,
ragement irrémédiable de notre pays tation
passive de la
et l'accep-
paix allemande,
représente désormais chez les neutres,
chez nos
pur
et
devenu
alliés, ce qu'il
décou-
le
nom comme
ce
y a de plus beau, de plus
de meilleur clans l'âme française.
comme un synonyme
Il
est
synthétique de
patriotisme, de bravoure et de générosité.
»
Ainsi est dégagé le sens de la bataille de Ver-
dun. Certes,
il
tire sa
et des sacrifices.
grandeur de bien des ruines
Les pierres
comme
les poitrines
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
28
humaines ont souffert
et,
plus que ces stoïques
poitrines de chair, elles ont gémi. «
Mais Verdun renaîtra de ses cendres
:
les
villages détruits et désertés se relèveront de leurs
ruines;
les
reviendront
habitants, à
leurs
trop
longtemps
foyers restaurés;
exilés,
ce pays
ravagé retrouvera, à l'abri d'une paix victorieuse, sa
physionomie riante des jours heureux. Et pen-
dant des
nom
siècles, sur tous les points
du globe,
de Verdun continuera de retentir
une clameur de
victoire et
comme un
poussé par l'humanité délivrée...
cri
le
comme de joie
»
Cette action de grâces à Verdun, rendue par le
chef de
la
France, revêt une grandeur incompa-
rable.
Cependant
passée.
Gomme, dans la consécration
la force
des paroles sera désainte, l'idée
divine prend une forme tangible, l'offrande à la ville
apparaîtra dans une réalité vivante. Tout à
coup, dans cette casemate étroite, à demi étouffée sous sa voûte de lierre, perdue au fond de l'im-
mense
citadelle,
où ne parvient aucun bruit du
dehors, les nations, tour à tour, vont répondre à l'appel de leur
nom. Les
assistants ressentiront
véritablement l'impression de leur présence réelle.
Ce sera au cœur de Verdun l'assemblée des Alliés
groupés autour de
la
France.
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
Le Président de
République, descendant un
la
degré, a repris lentement
fert
:
Verdun qui a souf-
Messieurs, à la ville de
«
pour
sacrifiée
la
France, à
pour
de Verdun qui
la ville
sainte cause
la
la ville
de Verdun dont
auront
laissé
les
du droit
de grandeur humaine, je remets «
Au nom
de
Au nom de
S.
S.
impérissable
:
M. l'empereur de Russie,
croix de Saint-Georges «
s'est
éternel, à
héroïques défenseurs
monde un exemple
au
29
M.
la
;
le roi
de Grande-Bretagne
et d'Irlande, la Military Cross; «
Au nom de
S.
M.
médaille
le roi d'Italie, la
d'or de la Valeur militaire; «
Au nom de
de Léopold «
S.
A.
Régent,
le
M.
des Belges, la croix
le roi
;
Au nom de
militaire «
S.
er
I
S. la
M.
le
roi
de Serbie et de
médaille d'or de
la
Bravoure
;
Au nom
de
S.
M.
le roi
de Monténégro,
la
médaille d'or Ohilitch; «
Au nom du gouvernement de
la croix
de
la
Légion d'honneur
guerre française.
la
République,
et la croix
de
»
Nul mot ne peut rendre l'impression de cette litanie
d'honneur. Les puissances sont
là,
non
LES CAPTIFS DELIVRES
30
pas seulement représentées, mais présentes. Et pourtant, ce qui donne tant de majesté et de
pathétique à
une autre présence,
la scène, c'est
invisible celle-là, qui s'impose
tous les assistants.
On
la
à la
pensée de
cherche des yeux,
sans la voir, aucun doute n'est possible là.
La
ville s'est faite esprit
nous. La et ses
ville,
:
elle est
non pas seulement
maisons,
:
et,
elle est
au milieu de remparts
ses
la cité militaire et la cité civile,
non pas seulement son corps troué de cent mille blessures, mais son
âme,
d'hommes accourus de
c'est-à-dire les milliers
tous les points de France,
tous ceux qui, pour elle et devant elle, ont tenu
dans
les
lages,
sur les collines,
ravins,
dans
forêts,
les
partout
dans
où
les
elle
menacée, ceux qui ont tout supporté pour
elle,
rigueurs des saisons et les supplices du fer
les
et
vil-
était
du
feu, les cruautés de la nature et celles,
bien pires, de l'ennemi, et tous fin,
terre
les
morts en-
qui resteront à jamais couchés dans cette
de Meuse dont leur chair aura
fait
une
terre humaine...
Le cérémonial
décorations sont épinglées sur
présenté par
le
Une
s'accomplit. le
à
une
les
coussin qui est
magistrat municipal de Verdun.
Voici la croix d'émail blanc de
Saint-Georges,
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
31
portée par un ruban rayé noir et orange, et la Military Cross d'argent, au ruban blanc et violet.
La médaille d'or de la Valeur militaire, aux armes de la maison de Savoie, avec l'inscription
Verdun 1916, est suspendue
Alla cita di
:
à un ruban vert; à un ruban
de
daille d'or
Léopold
couleurs
Légion
au ruban ama-
,
nationales
rouge,
:
d'honneur. Les chefs rapprochés
sions étrangères se sont
au Président de
lui-même.
çaise qui les fixe
décoration,
er
I
la
bleu
enfin notre croix de guerre et
et blanc. Voilà
les insignes
mé-
médaille d'or Ohilitch du Monté-
rante, et la
notre
la
Bravoure militaire de Serbie.
la
Voici la croix de
négro, aux
rouge,
fanfare
la
des et
mis-
passent
République fran-
A chaque
remise de
des chasseurs joue
les
premières mesures de l'hymne national du pays qui laise
conférée. Puis le tumulte de la Marseil-
l'a
emplit
la
voûte.
L'hommage de Verdun ne lement rendu
d'honneur
si
le
serait pas intégra-
grand-maître de
ne remettait encore
la
grand-officier au général Nivelle,
de
la II
e
armée,
général Pétain. citation
:
c<
comme Il
il
l'a
remise
donne lui-même
la
Légion
plaque de
commandant le 1
er
mai au
lecture de la
Commande, depuis quatre mois, une
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
32
armée qui
a résisté victorieusement
aux attaques
sans cesse renouvelées de l'ennemi et a supporté
héroïquement
les plus
affirmé
les plus brillantes
chef,
une énergie
caractère qui ont
puissamment
qualités de
A
dures épreuves.
dans ce commandement, avec
une force de
et
influé sur le dé-
veloppement des opérations engagées sur tout le front.
Après avoir enrayé l'avance de
nemi sur un la
guerre,
a
devenu l'enjeu moral de
objectif
miner l'adversaire sur
La
pied à pied
repris l'offensive
par des attaques répétées,
dernier
par
bataille portée
même
le terrain
lui sur
et,
parvenu à do-
est
pour un
avait choisi
l'en-
que ce
effort décisif.
Douaumont,
»
les
22, 23 et 24 mai, pour détourner l'orage de la
rive
gauche menacée;
les
batailles
par l'ennemi pour s'emparer de
23 juin, 11 ville
juillet,
protégé
et
1
les
er
livrées
Souville,
les
août, 3 septembre; Sou-
innombrables
opérations
entreprises par nous pour rétablir notre ligne
sur la crête Thiaumont-Fleury, au bois de Vaux-
Chapitre et à la Laufée, pendant les mois de juillet et d'août, et
pour assurer
ainsi
une base
de départ aux opérations de plus grande enver-
gure dès longtemps projetées; tout cet effort
surhumain pour endiguer
le
courant et pour
le
,
DANS LA CRYPTE DE VERDUN remonter,
A ciel le
c'est la
la sortie
33
tâche accomplie devant Verdun.
comme
de l'écoute,
va se disloquer,
le
cortège
général Pétain s'avance,
le
visage rayonnant, vers son successeur au
mandement de bras,
il
la II
donne
lui
e
offi-
armée,
lui
et,
com-
tendant
les
l'accolade. Cette étreinte des
deux chefs qui, successivement, ont tenu dans
Verdun
leurs mains le sort de
matin leur
œuvre consacrée
achève de donner à
la
vu ce
et qui ont
dans
l'histoire
cérémonie son plein sens
en complète l'émotion.
et
Les automobiles se sont éloignés.
nouveau
à
ment ne l'horizon
Porte Neuve.
la
les a
a
ont franchi
Aucun bombarde-
menacés. La brume qui recouvre
empêché
l'observation
ennemis. C'est une chance, car la nuit plus
Ils
il
est
de cinquante obus sur
Chauffour choisi pour
l'itinéraire.
des
avions
tombé dans le
quartier
Verdun, pour
sa fête, a été favorisée.
#
Avant de rentrer dans revoir
un et
Verdun en
blessé.
Mon
fidèle
moi, nous gagnons II.
la
citadelle,
je
veux
Verdun appelle comme compagnon Louis Madelin
ruines.
la
superstructure et nous 3
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
34
voici
dans
haute. La vieille tour Saint-
la ville
Vannes, vestige de l'ancienne abbaye, est ébréchée et béante.
Un chéneau
çant qui se détache décrit dans
l'air
un
la
mena-
et
dessin caricatural.
nous avons à nos pieds, de
tordu
presque à angle droit
d'elle
c'est
bien
la
Ce que
désolation
Jérusalem du prophète. Nous descendons
vers la cathédrale qui dresse, suppliants, ses térieur
sert
comme deux
deux tours presque intactes
:
bras l'in-
de garde-meubles provisoire,
est
encombré de tout un bric-à-brac de pauvres mobiliers sauvés en hâte de maisons en flammes.
Nous traversons celle-là
même
où
jamais connaître
minuscule
la
d'armes,
place
le
Kronprinz, qui n'en devait
les
dimensions, annonçait au
début de février que l'Empereur passerait à fin
du mois une revue de
la
ceinturée
fête. Elle est
de démolitions qui furent des habitations et abriPartout des façades bran-
tèrent des familles. lantes, des
où
se
sert
murs croulants, des
peuvent reconnaître
aux
hommes dans
débris d'ustensiles
de
les
la
tas
restes
vie
un
de ce qui
quotidienne
ménage, de
chaises, de vitres, de vaisselle et
d'enfants. Ça et là,
de décombres
tables,
même
toit paraît intact
pousse une porte, et l'on trouve
le vide.
de
de jouets :
on
.
DANS LA CRYPTE DE VERDUN
A
peine
de loin en loin,
si,
tendre sa voix. La journée est
muette, et ce fut une
même un
ville.
canon
comme
Nous avançons dans
brouillard.
pas
le
35 fait
en-
ouatée de
une solitude
Pas un être vivant,
Le
chien errant.
silence est le
maître de ce désert.
Au
d'un
coin
pont, une sentinelle
casquée
immobile semble garder ce cimetière de maisons.
Nous arrivons à
Porte Chaussée dont les
la
mâchicoulis et les deux tours crénelées n'ont reçu
comme un beau
que des meurtrissures, éclaboussé. Nous suivons militaire. C'est de là
le
que
visage
fleuve jusqu'au Cercle
la ville offre
un spec-
tacle d'ensemble.
Le
ciel est
si
bas que l'on distingue à peine, en
se retournant, la ceinture des collines.. Delà ville
haute au fleuve qui roule ses eaux grises,
c'est
comme
une cascade de ruines. Au-dessus des
épaves,
comme un
drale dresse ses
deux tours désolées.
Pour exprimer remonter
le
vaisseau sur la mer, la cathé-
la
douleur de Verdun,
il
faut
cours des siècles et chercher les
images des Lamentations assise solitaire, la cité
:
«
Gomment
populeuse? Elle
est-elle
est
deve-
nue comme une veuve... Elle pleure amèrement durant
la nuit, et les
larmes couvrent ses joues.
.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
36
Les chemins de Sion sont dans
que nul ne vient plus à évocation du prophète
que Verdun apparaît
:
le
deuil, parce
ses fêtes...
»
Étrange
au bord du fleuve, voici
comme une
veuve, et
larmes couvrent ses joues. Elle appelle
geance sur ceux qui
ont versé
lui
la
les
ven-
l'affliction et
qui ont précipité sur elle un torrent de maux.
Nous rentrons dans sion est tout autre. brille
la citadelle.
Dans
Là, l'impres-
cette crypte de
Verdun
flamme du sanctuaire. Nul vent ne
la
l'éteindra. Elle est le signe de la foi et de l'espé-
rance,
—
foi
dans
les
destinées
de
la
espérance dans ses puissances spirituelles térielles.
Verdun C'est ici
plus
Verdun
est déjà
doit être et sera
que
le
ardemment
cœur de
patrie, et
ma-
une défaite allemande.
une la
victoire française.
France a brûlé
le
LIVRE
II
LA VICTOIRE AILÃ&#x2030;E
LES TROMPETTES DE CHARLEMAGNE
21 octobre 1916.
Comme
appels désespérés du fort de Vaux,
les
dans cette semaine tragique de juin où
fut
il
entouré, évoquent à travers les siècles d'histoire française les appels de Roland sonnant de fant, la
dans de
grande vague d'infanterie qui va déferler
les ravins et sur les collines
la
Meuse
et délivrer les
Douaumont, évoque sur le
l'oli-
champ de
le
bataille
deux
de
la rive droite
captifs,
Vaux
et
retour de Charlemagne
de Roncevaux et
ven-
la
geance de l'Empereur.
Roland
est
mort
:
Dieu en a l'âme aux deux...
L'Empereur, cependant, arrive à Roncevaux une seule
voie,
pas
même un
.
seul sentier, pas
Pas
un
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
40
un pied de
espace vide, pas une aune, pas il
n'y ait corps de Français ou de païen.
L Empereur
fait
sonner
terrain où
.
clairons,
ses
Puis
s'avance à cheval avec sa grande armée. Enfin trouvent la trace des païens,
mune, commencent
Mais
le soir
retraite
de l'ennemi,
accomplir
d'une ardeur com-
et,
la poursuite.
descend,
la sainte
.
la nuit
— Chevauche, Tu
défaut. sait.
Mais
et supplie
le soleil
préposé vient
Charles
:
le
Sei-
dans sa course. le
la clarté
rassurer
ne
te
:
fera point
fleur de la France, Dieu
as perdu la tu
la
temps va manquer pour
le
l'Empereur met pied à terre
lui est
va recouvrir
tâche des représailles. Alors
gneur Dieu d'arrêter L'ange qui
il
ils
peux maintenant
te
venger de
la
le
gent
criminelle.
L'Empereur remonte à cheval. Le mobilise dans
avant que
le ciel.
la nuit
«
II
le
temps,
tombe, d'écraser l'armée enne-
mie. Le comte Roland, et leurs
soleil s'im-
Et les Français ont
les
douze pairs de France
compagnons sont vengés.
a beaucoup appris, dit
le
vieux poète, celui
Mais
il
ajoute que le cri
qui connut
la
douleur.
»
LES TROMPETTES DE GHARLEMAGNE
41
des Français est Montjoie et qu'aucune nation ne leur peut tenir tête.
Roland
L'olifant de
a fait trembler les Pyré-
nées, tandis que le fort de
des appels muets, par
Vaux
n'a adressé que
de ses pigeons ou
le vol
par ses signaux. Les trompettes de Charlemagne ont rempli de terreur l'armée sarrasine avant
que l'ombre de l'Empereur soir
prolongé
sera
apparût
dans
le
l'armée allemande devant Verdun
:
soudainement
par
avertie,
le
vacarme de
plus de 600 bouches à feu entrant en action le
21 octobre, de la menace qui pèse sur elle et qui
va
la
balayer pour
la
délivrance de
Douaumont
et
de Vaux. Après
les
11 juillet,
du
grandes actions er
1
août,
Souville, après les durs et
de Fleury,
il
du
du 23 juin, du
3 septembre devant
combats de Thiaumont
semble, au mois d'octobre, que
la bataille
de Verdun se meurt. Les communi-
qués ne
mesurent plus qu'une place restreinte.
lui
Pour nous
n'a-t-elle pas rempli
son rôle en bar-
rant la route à l'ennemi, en retenant et usant ses forces,
en permettant aux Alliés de réaliser leur
plan d'offensive générale? Et pour les Allemands, contraints de faire tête sur la
Somme
et
de parer
au désarroi de l'Autriche, n'acceptent-ils pas,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
42
avouant leur échec, de rester sur leurs positions? Mais cette stagnation, succédant à l'effroyable duel de plus de six mois dont
les
différentes
phases ont passionné l'univers au point de substituer une bataille d'opinion à la bataille straté-
gique, ne peut être qu'une apparence. Les positions
mêmes occupées
par
l'ennemi
permettent pas de renoncer à Verdun.
ne Il
lui
n'est
pas assez éloigné de Souville et de Froideterre
pour n'en pas subir
montrent
les
la hantise.
du monde
tactique, le regard
mêmes
L'orgueil et la et
la
exigences. Le 21 juillet,
le
53 e de
la
Kronprinz, haranguant un régiment,
50 e division,
l'a dit
le
dans
:
«
...Pour
plateau de Vaux, pour
résistance dans le difficile le difficile terrain
pour tout cela
le
après avoir rappelé les efforts
accomplis par ses troupes
combats sur
manœuvre
les
rudes
la fidèle
secteur de combat,
sur la hauteur de Vaux,
la Patrie
demeurera reconnais-
sante à la division avec qui votre brave régiment a conquis d'immortels lauriers. C'est pourquoi je suis
venu
ici
vous remercier, remercier chacun de
vous de tout cœur. Les Français se figurent maintenant que nous allons desserrer notre étreinte à
Verdun parce
qu'ils
grande offensive sur
la
commencé leur Somme. Au contraire, ils
ont enfin
LES TROMPETTES DE CHARLEMAGNE
43
nous leur montrerons
se verront déçus, et
qu'il
n'en sera pas ainsi...» La volonté allemande n'est
donc pas, ne peut pas sive
d'abandonner
être
l'offen-
sur Verdun. Mais, forcé de combattre
leurs, l'ennemi a
ail-
dû resserrer son champ d'ac-
tion sur la rive droite de la Meuse.
Au mois
d'oc-
tobre, son front entre le bois d'Avocourt et les
Éparges
est
occupé par quinze divisions, dont
huit sur le front d'attaque (entre la carrière d'Hau-
dromont
disposées de l'ouest à
et la Laufée),
Test dans l'ordre suivant sions de réserve,
réserve,
9
e
division,
50 e division. tions?
34
e
:
14 e
division,
33
e
13 e et 25 e divi-
54
e
division de
division de réserve,
Prépare-t-il de
Dans tous
,
nouvelles opéra-
les cas la disposition et
l'impor-
tance des forces qu'il maintient en ligne prouvent sa quasi-certitude de garder ses positions
en at-
tendant l'exécution d'autres projets.
De son
côté, le
commandement
peut accepter de laisser
français ne
la ligne au point où l'ont
portée les derniers combats des premiers jours
de septembre.
Il
a réagi contre
chacune des
grandes attaques allemandes. Ces répliques qui
nous ont restitué celle
de
la
la crête
Fleury-Thiaumont
et
Haie -Renard ont rendu à nos troupes
l'ascendant moral, indispensable à une plus vaste
LES CAPTIFS DELIVRES
44
entreprise. Elles ont rétabli en avant de Sou ville,
but immédiat des offensives ennemies, une barrière,
de
la
route de l'ouvrage de
Thiaumont au
bois de Vaux-Chapitre, mais une barrière qu'il faut consolider, et, partant, porter plus avant. C'est alors (mi-septembre) se ralentir.
Le duel
que
la bataille paraît
dans ce secteur
d'artillerie,
éternellement tourmenté, se
mène
à l'économie.
Et l'infanterie ne sort plus de ses trous. Les deux adversaires restent en présence, l'un rivé à ce
Verdun devant lequel point où
il
est
il
ne pouvant, au
s'use et
parvenu après tant de mois
et tant
de pertes, renoncer à son but sans humiliation, l'autre préparant la vaste et foudroyante opéra-
tion qui va devenir la victoire de
Douaumont-
Vaux.
Le 21 octobre, observations
21 février,
le
temps
par ballons
s'était-il
s'élève, facilitant les et
avions.
allemand contre Verdun. La revanche Notre
artillerie entre
Sur tout l'immense champ
et
le
est prête.
en action. de bataille ont
retenti les nouvelles trompettes de
La
Ainsi,
élevé pour le grand départ
terre tremble et les
deux
Charlemagne.
captifs,
Vaux, attendent frissonnants.
.
Douaumont
II
LA MAIRIE DE
X.
X... est un gros village dont le bas est tra-
Verdun
versé par la route de Bar-le-Duc à
et qui
s'étage sur la pente de l'un de ces longs vallonne-
ments dont église le
pays de Meuse est parcouru. Son
le
domine
s'aperçoit de très loin. fait
Le paysage qui l'entoure
alterner les boqueteaux et les prairies, les
coteaux et rain,
les plaines.
presque
comme ment
Les mouvements de ter-
semblent moutonner,
réguliers,
les lentes
en retrait de
et
de son clocher
et la petite flèche
la
vagues de l'Océan. La mairie,
grande route,
un gros
est
bâti-
carré, orné d'un fronton en arc de cercle
précédé d'un perron à double escalier massif.
Devant ce monument banal, qui donc passera plus tard sans s'arrêter? Car toire. C'est là
bataille de
ordres.
est tout
que furent élaborés
Verdun,
Là
il
le
c'est
général
de
de
chargé d'his-
les
plans de la
que sont
partis les
Castelnau
reçut le
là
LES CAPTIFS DELIVRES
46
25 février 1916, par un temps de neige, ral Pétain
qui venait prendre
de l'armée de Verdun. Là, chargé d'enrayer
nemi sur ce
les efforts
le
géné-
le
commandement
le
général Pétain,
que prononçait
l'en-
front, devant la puissance et le déve-
loppement d'une attaque qui, de
la rive droite,
gagnait la rive gauche et s'étendait d'Avocourt
aux Éparges, tantôt simultanément
et tantôt suc-
cessivement, prépara cette résistance célèbre qui devait rendre la rupture du front impossible. Là, le
général Nivelle, prenant à son tour
commandement de chef d'état-major,
la II le
e
armée, où
er
le il
1
mai
le
trouve un
colonel de Barescut, et un
état-major éprouvés par son prédécesseur, mit au point l'opération qui devait changer l'échec alle-
mand
en définitive victoire française et restituer
à la place forte la ceinture intégrale de ses forts.
Dès
le
mois
mont.
Il
commandait
le
d'avril
il
a jeté les yeux sur
alors le 3
e
corps.
Douau-
Il
prend
secteur dans les conditions les plus défavo-
rables; l'ennemi vient de s'emparer Caillette et
descend dans
ques jours plus tard
il
le
lui
du bois de
la
ravin du Bazil. Quelfaisait
remonter
les
pentes et poussait jusqu'aux approches du grand fort ses postes d'écoute.
prononce sur
la rive
En mai, quand l'ennemi
gauche une offensive qui,
LA MAIRIE DE
4T
X...
met en possession de la cote 304, il libère cette rive gauche menacée par le moyen d'une attaque montée sur la rive droite qui réussit à s'emparer (22 mai) du fort de Douaumomentanément,
le
mont où nous ne pouvons, il est vrai, nous maintenir. L'attaque a été menée parla 5 division (général Mangin). Douaumont repris a été reperdu. e
— Nous
le
général
le
Pétain,
reprendrons, a déclaré calmement Nivelle,
commandant
avec
d'accord le
le
général
groupe d'armées.
Voici que l'heure est venue. offensives de détail, qui a
La méthode des
donné en
juillet,
en
août, en septembre de bons résultats, puisqu'elle
nous a permis de réduire nos
lignes
par
23 juin, du II
les
creusé dans
le saillant
opérations allemandes
juillet,
du
er
1
du
août et du 3 sep-
tembre, doit être abandonnée. Toute progression
nous mettant en vue de l'ennemi, velle
serait
la
position nou-
immédiatement rendue intenable;
toute action de détail réussie serait à reprendre
fatalement. Seule une action à grande envergure
qui reporterait notre ligne en avant et au delà de
l'ancienne barrière des forts, ôterait à l'ennemi ses observatoires,
du
nous restituerait
la supériorité
terrain, libérerait définitivement
pas se contenter
de batailler pour
Verdun. Ne reprendre
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
48
Thiaumont ou
Damloup, mais
de
batterie
la
emporter d'un seul élan Douaumont les ravins et les collines
Vaux
et
qui les entourent
Au général Mangin a été commandement des troupes d'attaque. l'objectif.
et
tel est
:
confié le
Cette vaste opération présente de graves diffi-
L'audace de sa conception doit plaire à
cultés.
celui qui, dès qu'il a
mis
les
pieds sur
rive
la
droite de la Meuse, a affirmé son esprit d'offensive.
Le
5
avril,
le
commandant du
rédigeant un de ses ordres, écrivait
«
:
3
e
corps,
Jamais on
immédiate qui renverse
ne voit
la
rôles, le
coup de poing donné par réflexe immé-
diat,
riposte
en riposte au coup de poing reçu.
l'assailli,
il
entend
faire l'assaillant.
cution de l'attaque, reprend-il
pondre
la
»
Dans
21
»
De
l'exé-
avril,
on
Avec de l'audace,
n'est jamais trop audacieux.
rien d'impossible.
le
«
les
Mais à l'audace doit corres-
préparation minutieuse qui prévoit et
force la chance.
«
J'aimerais mieux,
a-t-il
dit
encore, ne rien faire que d'engager une opération qui serait
mal préparée.
»
L'attaque frontale d'un adversaire posté à travers
des
un
terrain découvert est, à la guerre,
manœuvres
montre
les plus hardies. L'histoire
la rareté
une nous
de son succès. La ligne ennemie
LA MAIRIE DE
en avant de Douaumont
un ensemble de
de Vaux présente
et
Où
positions formidables.
saillant trouvera-t-il le secret
la
49
X...
Tas-
de sa supériorité?
Le commandement n'a pas cru indispensable de le nombre. Par son deuxième
rechercher dans
bureau d'état-major,
il
connaît très exactement
le chiffre et la valeur des unités
allemandes
qu'il
a devant lui sur le front qu'il veut attaquer entre
Thiaumont
Laufée
et la
mière ligne,
en soutien, 10 en réserve.
7
pareillement
nombre de
le
rière ces troupes, ter le
combat.
trois divisions
21 bataillons en pre-
:
Il
sait
peuvent être alertés
et
alimen-
ne mettra lui-même en ligne que
la division
:
11
bataillons qui, der-
Guyot de
Salins,
com-
posée de zouaves, de tirailleurs et de marsouins, la division
Passaga et
— fantassins
la division
de Lardemelle,
et chasseurs à pied,
—
la
première
e
renforcée du 11 régiment d'infanterie, et la dere nière d'un bataillon du 30
main
.
Mais
il
aura sous
les réserves suffisantes, prêtes à relever
la
en
cas de nécessité les divisions d'attaque sur le terrain conquis et à assurer, soit son occupation définitive, soit la
progression ultérieure, plus deux
divisions en réserve d'armée. Ces troupes ont pré-
cédemment occupé le
secteur Thiaumont-Fleury-
Vaux-Ghapitre
connaissent donc
:
elles
le terrain
LES CAPTIFS DELIVRES
50
et l'adversaire.
La
Guyot de
division
Salins de-
puis près de deux mois, les deux autres depuis
plus de trois semaines, ont été retirées du front et
mises au repos et à l'instruction dans
la
zone
des étapes, en arrière de Bar-le-Duc. Cette instruction, après les avoir remises en main, les a
préparées directement au but poursuivi.
aménagé qui
rain a été bat.
Un
plan du fort de
dessiné
Douaumont y
exactement que, lorsque
si
chargé de prendre
Un
figurait le terrain de
le fort
fut
ter-
com-
même
le bataillon
y parviendra, chaque
soldat gagnera presque machinalement le poste
qui lui aura été assigné.
nombre, rité et
de
de
le
la
A
commandement
la
supériorité
du
a préféré la supério-
valeur individuelle, de
la
valeur morale
l'habileté technique.
Au mois
d'avril,
avant de lancer une troupe à
l'assaut, le général Nivelle écrivait
dans un ordre
du jour « Que tous, avant de partir, aient jeté leur cœur par-dessus la tranchée ennemie. » De:
venu commandant d'armée, note du 17 octobre,
moral
:
mois de
ment
«
la
il
affirme, dans
puissance de l'ascendant
Vingt-sept mois de guerre,
bataille à
une
dit-il,
Verdun ont affirmé
huit
et confir-
tous les jours davantage la supériorité du
soldat français sur
le soldat
allemand. Cette su-
LA MAIRIE DE périorité, est
dont
il
51
X...
faut que tous aient conscience,
encore accrue par
diminution progressive
la
de qualité des troupes que nous avons devant
nous
et
dont beaucoup reviennent de
très affaiblies
supériorité
au matériel manifeste
se
comme par
au moral. Cette
la
avant l'assaut... Aucun être plus favorable
aux der-
groupes nombreux,
en
affaires,
moment ne
avec
facilité
laquelle les prisonniers se sont rendus, nières
Somme
la
même
saurait
donc
pour attaquer l'ennemi,
lui
de nombreux prisonniers, mettre définitivement Verdun à l'abri de ses entreprises, abaisser
faire
encore mies.
le
moral de
la
nation et de l'armée enne-
Une artillerie d'une puissance exceptionnelle
maîtrisera l'artillerie ennemie et ouvrira la voie
aux troupes d'attaque. La préparation dans toutes ses parties est aussi
complète, aussi parfaite que
possible.
Quant à l'exécution,
manquer
d'être
discipline, à la
elle
ne saurait
également parfaite, grâce à
bonne
la
instruction, à la confiance
et à l'entrain résolu des troupes qui
auront l'hon-
neur d'en être chargées. Leur volonté de vaincre, d'apporter un gage important de plus à toire définitive, de couvrir leur
la
Vic-
drapeau de nou-
velles gloires,
rend un succès magnifique absolu-
ment
»
certain.
LES CAPTIFS DELIVRES
52
Cette préparation
a
aussi complète, aussi par-
faite
que possible
et le
moral des troupes, leur équipement, leur
»
comporte, outre l'instruction
armement, leur transport rapide à pied d'œuvre afin
que
les relèves s'effectuent sans fatigue
l'attaque.
avant
Les services d'arrière fournissent
remise à neuf de tous
équipements,
les
la
les vivres
de réserve de la meilleure qualité et du moindre poids, les outils, les munitions
ment nouveau,
il
est
si
et
;
complet
quant à l'arme-
permet à
qu'il
l'infanterie de résoudre par ses seules ressources
de nombreux problèmes du champ de bataille. Les transports auront leur part dans
pour l'ordre
et l'exactitude
le
succès,
de leur marche, se-
lon les horaires et les itinéraires combinés. «
C'est par le feu et
décident aujourd'hui
non par
les
choc que se
le
batailles,
constatait
»
déjà Napoléon. Dès avant la préparation directe
de l'opération du 24 octobre,
notre artillerie
empêche l'ennemi de mettre en
état
un
sol
bou-
leversé par les combats de juillet, d'août et
commencement de septembre t-il
que de rares
ligne.
Qu'on
l'artillerie,
siste à
se
:
ainsi
boyaux pour gagner
du
ne disposesa
première
rende compte, pour l'emploi de
des difficultés du problème qui con-
disposer sur le terrain
le
nombre de bat-
LA MAIRIE DE teries estimées nécessaires,
53
X...
souvent sur plusieurs
lignes successives, dans tous les
emplacements
favorables, à les
dissimuler aux vues aériennes,
à combiner
moyens de transport pour
les
innombrables tonnes de munitions qu'exige
consommation de
ennemi.
tir
étudier minutieusement les
par
les
moyens
la
guerre actuelle, à abriter
la
pièces, servants et munitions
des vues et du
les
pour Il
les
préserver
en outre,
faut,
objectifs à battre,
les plus scientifiques
:
photogra-
phies, instruments d'optique perfectionnés, etc., installer les
communications sûres qui permettent
aux observateurs temps, malgré
et
les
aux cadres d'opérer en tout
bombardements ennemis
plus violents, suivre au fur et à
les
mesure des des-
tructions obtenues l'état des travaux de l'adversaire, surveiller
nouveaux
qu'il renforce les
les
réfections ou les ouvrages
qu'il improvise,
ou
repérer les batteries
qu'il déplace, afin
de pouvoir
combattre efficacement. Le travail de
lerie
l'artil-
réclame une précision mathématique en
même
temps qu'une direction qui
se
peut com-
parer à celle du chef d'orchestre par qui
la parti-
tion est interprétée et de qui les instruments
reçoivent la mesure et l'élan. Et quelle savante orchestration
que
celle-ci
où,
de
l'artillerie
LES CAPTIFS DELIVRES
54
lourde à grande portée à
l'artillerie
de cam-
pagne
et
terie,
chaque canon doivent tenir leur partie!
aux engins de tranchées, chaque bat-
L'accumulation des moyens matériels ne vaut
que par
la
rigueur de l'organisation qui
les
met
en œuvre. L'agencement de cette organisation, dans
la
bataille
de Douaumont-Vaux,
a
été
poussé à la perfection.
Non moins fixent
les
étudiée est la série des ordres qui
différentes phases de
commandement
l'attaque.
a décidé d'atteindre
un
Le
objectif
qui, sur un front de 7 kilomètres, constituerait un gain de 3 kilomètres de profondeur en moyenne, des carrières d'Haudromont à l'ouest à la batterie de Damloup à l'est, en y compre-
nant
les forts
nier
devait
de Douaumont et de Vaux. Ce der-
primitivement faire l'objet d'une
opération postérieure, puis le
plan général. Ainsi
il
fut
la barrière
compris dans
des forts dressée
devant Verdun serait-elle intégralement rétablie.
Or
le terrain
à parcourir, battu depuis tant de
mois, creusé de trous d'obus qui, souvent remplis d'eau, forment fondrières, ajoute des obstacles
naturels aux obstacles dressés par l'ennemi. Ces derniers, l'artillerie les réduira, tout au
dans leurs parties essentielles. Pour
moins
les autres,
LA MAIRIE DE la qualité
55
X...
des troupes et leur connaissance du
secteur en répondent.
Il
faut pourtant insister
sur cette difficulté du terrain, sans quoi se rendrait pas
de
la
un compte
valeur des troupes.
suffisant «
On
de
Ton ne
l'effort et
a souvent tenté,
a écrit le capitaine Gillet qui connaît le secteur et qui est,
dans
la vie civile,
style riche et savoureux,
criptible, ce
un
critique d'art
paysage sans
nom
qui s'étend main-
tenant de Souville à Douaumont. a parcouru les
au
de décrire ce lieu indes-
champs de
Un
bataille
général qui
de tous
les
fronts assure qu'il n'y en avait pas, fussent les
marais de Pinsk, de comparables à celui-là. parle de paysages de cratères rait l'idée la plus exacte, ce
:
On
ce qui en donne-
sont les abords fan-
geux d'un abreuvoir piétiné par des milliers de bêtes. Mais
il
faut se figurer, au lieu d'empreintes
de sabots, des entonnoirs où des cadavres flottent
comme des mouches dans un bol.
Car, avec l'habi-
tude qu'ontles sources dans ce pays convexe de se
percher sur
les
hauteurs, chaque trou devient
un
trou de boue rempli d'un dépôt visqueux de vase et d'eau croupie. sinistres, des
Il
y a eu
là
engloutissements
des drames, des
d'hommes happés
par ces trous. Tel part en corvée dans
la nuit, tel
coureur emporte un message, qui ne revient
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
56
jamais et dont on n'a plus de nouvelles. L'eau est sur ces plateaux
une ennemie plus
traîtresse,
plus enveloppante, plus redoutable que le feu.
À
de certains endroits, autour du fort de Douau-
mont, cette argile détrempée, suante
comme du
beurre, a été tellement brassée, fouettée par
les
obus qu'elle a pris tout entière une boursouflure
d'écume,
la consistance
d'une mousse de savon,
l'apparence de ces grands bouillonnements de lait
qui est celle des mers en furie.
Afin de ne pas excéder sur les
forces humaines, la
coupée en deux avance,
le
un
»
pareil terrain
marche en avant sera Dans une première
parties.
groupement des
divisions d'attaque
doit s'emparer de la ligne générale suivante
d'Haudromont, ligne à contre-pente sur
carrière la
croupe nord du ravin de
ment au nord de de
la
:
Fausse-Côte
Vaux-Chapitre
et,
la ,
la
Dame, retranche-
ferme Thiaumont, batterie éperon sud-est du bois de
devant
le fort
de Vaux, tran-
chée Viala au bois Fumin, petit Dépôt à droite de la
route
Werder
du
fort,
tranchées
face à la batterie de
de cette position,
les
immédiatement, sans
de
Steinmetz et
Damloup. Maîtresses
troupes la consolideront répit,
en
la
reliant
aux
organisations de départ et en assureront l'occu-
LA MAIRIE DE pation par
57
X...
des unités spécialement désignées,
tandis que des reconnaissances seront poussées
au contact de l'ennemi. L'objectif assigné à seconde phase de l'action
ligne à contre-pente sur la croupe nord
de
la
la
est ensuite celui-ci
:
du ravin
Couleuvre, village de Douaumont, fort de
Douaumont, pentes nord
et est
du ravin de
la
Fausse-Côte, digue de l'étang de Vaux, village et fort de
Vaux, enfin batterie de Damloup. Cette
deuxième position conquise doit dans
les
mêmes
être
occupée
conditions que la première.
Entre ces deux objectifs, un arrêt d'une heure
permettra aux troupes de s'organiser et de re-
prendre leur dispositif de combat. La liaison, toujours
si
délicate et importante entre l'artille-
rie et l'infanterie, est réglée
un horaire
fixé,
dans
le
temps selon
ce qui apparaît possible pour
une opération limitée
et ce qui évitera la diffi-
culté ou la confusion des signaux. Les tirs s'al-
longeront selon cette
le
rythme
marche s'accomplira
fixé à la
collée
marche,
et
aux barrages
successifs.
L'installation sur les positions
façon à éviter saut,
la
crise
le
est réglée
désordre qui souvent suit
de
l'as-
de détente et d'incertitude qui
peut fournir à l'ennemi l'occasion de contre-
LES CAPTIFS DELIVRES
58
attaquer et réoccuper
perdu. Chaque
le terrain
chef de section est muni d'un plan à grande échelle et sait exactement où
hommes;
les
doit poster ses
il
compagnies de mitrailleuses con-
naissent d'avance
remplacement de
leurs pièces
et leur mission.
Ainsi la
manœuvre
prendre vie sur
est-elle articulée et prête à
le terrain.
A
partir
du 15 octobre
elle pouvait jouer. Il fallait un temps favorable. Le 20 octobre, le baromètre monte, présageant une période sèche. Les bulletins météorolo-
giques sont rassurants. Le 21 octobre, docile-
ment, arides
le soleil
se lève, éclairant
paysages de Meuse où va
bataille.
Les avions courent dans
lons se hissent en
l'air,
les
se
tristes
et
livrer la
le ciel, les
bal-
formant une immense
ligne de transmission. Après de courts réglages, l'artillerie
entreprend son œuvre de mort. Le
jour est arrêté
:
les
troupes d'attaque partiront
mardi 24 octobre. L'heure sera
le
fixée ultérieure-
ment.
A
la
mairie de X.
.
.
le
général et son état-major
ont achevé l'œuvre de préparation.
111
LE
CARREFOUR
22-23 octobre 1916.
Sur
la
route de Bar-Ie-Duc à Verdun, à quelques
kilomètres de la four a été
de
ville et
aménagé pour
le
la
Meuse, un carre-
tournant des camions
automobiles. Les troupes l'appellent C'est
quet.
là
que
prendre part à
les
le
Tourni-
régiments amenés pour
la bataille et relever les
cama-
rades en ligne descendent de voiture pour gagner leur secteur à pied.
La route de Bar coupe la
à angle presque droit
route de Sainte-Menehould à Verdun. Ce val-
lon,
que pressent des pentes couronnées d'arbres,
s'en va d'un côté vers l'Argonne, de l'autre vers le fleuve.
visés,
Ces pentes portent des villages impro-
bâtis
en
planches,
magasins ou ambulances,
—
—
cantonnements,
des écuries ouvertes,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
60
des abreuvoirs. Ce n'est qu'un rappel des travaux
de construction prodigieux effectués dans toute la
région pour supporter
le
poids de la bataille
:
voies ferrées, routes, gares, approvisionnements,
camps, hangars, aqueducs,
etc.
La guerre mo-
derne exige des ingénieurs, des architectes, des entrepreneurs, des hydrographes, des forestiers, des charpentiers, des cantonniers, etc.
Les camions s'arrêtent, puis décrivent un cercle et vont à vide
hommes
prendre
pour
la file
le retour.
qui descendent se rangent par batail-
lons en masse dans les prairies voisines,
nées que l'herbe en a disparu, forment ceaux, boivent la
Les
le
café suivant l'heure ou
soupe. Puis, en ordre,
de Verdun
qu'ils
à la nuit les
prennent
ils
si
piéti-
les fais-
mangent
le
chemin
vont contourner pour atteindre
boyaux
d'accès.
En
s'éloignant,
ils
dessinent de petites lignes bleues, bientôt confuses, et l'on dirait sur la terre
brune une fumée
légère au bord des bois déjà dépouillés à demi.
Je n'ai jamais passé
en
ai-je
eu l'occasion!
là,
—
—
et
combien de
fois
sans m'arrêter pour
regarder ces départs. De ces soldats qui vont et
viennent au repos, allument de bois mort, font
amis pour avaler
le feu,
la cuisine, se la
soupe ou
l'alimentent
groupent entre
le café,
fument,
LE CARREFOUR plaisantent, insouciants,
ou
61
s'isolent
pour
de leur musette une feuille de papier à la
sortir
lettre et
remplir d'un crayon rapide et appliqué, avant
de reprendre leur fourniment et leurs armes au signal
du commandement
savent
où
de
:
ces
s
parlent, les uns jeunes, les
tous
sol
le
autres mûrs,
de France. Parmi eux
de désignés pour
patrie.
la
ils
visages
les
poussiéreux, tendus, beaux
bronzés,
comme
de marcher
et
soldats
et il
tous
divers
y en a
Tous ne redescen-
dront pas du secteur. Et tous y montent sans se détourner. Il
semble que cette
même
gravité
confiant?
Il
fois le
est-il
:
départ n'ait pas la
plus insouciant ou plus
y a plus de gaieté dans
propos,
les
sur les figures. Est-ce le pâle soleil d'automne
qui détend les nerfs et caresse les yeux?
Un mot
comme une paume qu'on
se lance
passe et repasse
en manière de jeu d'entendre «
Il
le
pierre angulaire
»
C'est
de
la
si
bizarre
fameuse
ainsi traité familièrement!
Douaumont comme on Saint-Germain ou à Versailles. Une prome-
semble qu'on
va à
Douaumont.
:
nom menaçant aille à
nade, quoi, et un déjeuner sur l'herbe! Voici des zouaves,
et
des
C'est la division
tirailleurs,
et
des marsoijins.
Guyot de Salins qui achève de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
62
débarquer. Elle ne cloute pas une minute de
la
quête de Douaumont. Sans doute
monté
la tête
mais quel feu
:
lui
Douaumont
con-
Les
et quelle certitude!
marsouins, surtout, ne cachent pas est fixé.
a-t-on
est
but qui leur
le
devenu leur propriété,
leur villégiature. Malheur à qui voudrait le leur
enlever Tout de !
même,
il
leur faudra le prendre.
hommes
Le général de Salins connaît ses sait leur parler.
Breton d'Auray,
voyagé, beaucoup actif de
«
roulé
»
.
Il
a
il
et
beaucoup
compte à son
nombreuses campagnes coloniales. Colo-
nel à Madagascar, au début de la guerre,
a
il
pu
rentrer en France à la fin de 1914. Voici Tordre
du jour
qu'il a adressé à sa division
L'heure
est
arrivée où, après avoir barré pendant
huit mois la route de la France à notice laire et exécré,
:
ennemi sécu-
V héroïque armée de Verdun va à son
tour prendre V offensive.
A
la
...
division,
déjà illustre par ses brillants
faits d'armes sur VYser,
Chapitre, à Fleury,
reprendre
le
la cote
304, à
Vaux-
incombe l'honneur insigne de
fort de Douaumont.
Zouaves, marsouins, rivaliser de
à
tirailleurs , Sénégalais,
vont
courage pour inscrire une nouvelle vic-
toire sur leurs glorieux
drapeaux.
LE CARREFOUR
Deux
des régiments de la division ont déjà été
à V ordre de V armée;
cités
63
les
deux autres brûlent du
désir de l'être à leur tour.
Vos baïonnettes seront appuyées
par
travail
le
formidable de 650 canons. Vous serez appuyés à
gauche par
le
11 e régiment d'infanterie, quia fait
preuves à Thiaumont,
ses
et
à droite par
la belle
division Passaga, composée de chasseurs à pied et de
régiments
d'élite d'infanterie.
Votre victoire est certaine
pour
le
En
:
le
châtiment
est
proche
Boche abhorré.
avant pour
la
France!
Le général Passaga, qui commande
la division
voisine, n'a pas été en reste. Lui aussi a servi
aux
colonies.
Il
a pris part en
du Dahomey où
1892 à l'expédi-
a été blessé. C'est
un
chef expérimenté, calme, toujours maître dé
lui.
tion
Il
appelle sa division
termes
il
lui
les divisions
il
la Gauloise, et voici
en quels
propose, de son côté, un match avec
concurrentes
:
Officiers, sous-officiers , soldats.
Il
y
a près de huit mois que V ennemi exécré,
Boche, voulut étonner
le
monde par un coup de
le
ton-
LES CAPTIFS DÉLIVRES
64
nerrc en lus de
s'
emparant de Verdun. L héroïsme des poi-
France
lui a
barré
route et a anéanti ses
la
meilleures troupes.
Grâce aux défenseurs de Verdun, infliger à l'ennemi
rer près de
la
une sanglante défaite
400 000
Russie a et lui
prisonniers .
Grâce aux défenseurs de Verdun, VAngleterre France
la
elles lui
se battent
Grâce aux
les
chaque jour sur
ont déjà fait près de
Salonique,
la
Verdun,
Balkans, battent
les
et
Somme, où
60 000 prisonniers
défenseurs de
celle des
pu
captu-
.
l'armée
Bulgares
de et
Turcs.
Le Boche tremble maintenant devant nos canons et
nos baïonnettes
est
proche pour
A
.
que l'heure du châtiment
Il sent
lui.
nos divisions revient l'honneur insigne de lui
porter un coup retentissant qui montrera au la
monde
déchéance de l'armée allemande*
Nous
allons lui arracher
un lambeau de
cette terre
où tant de nos héros reposent dans leur linceul de gloire.
A
gauche combattra
notre
illustre,
composée de zouaves,
Marocains
et d' Algériens
de reprendre
Que
le
:
une division
déjà
de marsouins ,
de
on s'y dispute l'honneur
fort de Douaumont.
ces fiers
camarades sachent bien
qu'ils
peu-
LE CARREFOUR vent compter sur la Gauloise pour
ouvrir la porte
et
Officiers
65 les
soutenir, leur
partager leur gloire!
y
sous-officiers, soldats,
Vous saurez accrocher la croix de guerre à vos
drapeaux
et
à vos fanions; du premier coup, vous
hausserez votre
régiments
La
et
renommée au rang de
de nos bataillons
les
de nos
celle
plus fameux
.
Patrie vous bénira.
Cet ordre du jour, c'est chasseurs à pied qui
comme un
chait
me
l'a
un sous-officier de montré Il le remâ.
cheval son avoine.
— Douaumont! me
dit-il.
Pourquoi leur a-t-on
donné Douaumont? Il
enviait les marsouins, les tirailleurs et les
zouaves.
— faudra prendre, me considéra, étonné — Oh! couru, Il
le
Il
objectai-je. :
déclara-t-il
c'est
simplement.
Quelles troupes que celles-ci qui, d'avance, se
disputent l'enjeu! Et quelle influence d'hypnose
exerce sur tous ce
nom
de
Douaumont
!
Je n'ai
guère assisté à un départ aussi plein d'ardeur. D'habitude, on montre moins d'entrain, plus de souci. et
il
Le secteur
n'est pas
engageant
:
il
est
connu
ne jouit pas d'une réputation de tout repos. n.
5
LES CAPTIFS DELIVRES
66
Tandis que ces régiments vont au but avec certi-
Douaumont, ce formidable Douaumont
tude.
tombé on ne la division
après
y
comme
sait
Mangin
n'a
rentrée
être
le soir
pu
du 25
février,
se maintenir le
22,
le
où
24 mai
appartient
leur
d'avance. m
Les soldats de chasseurs
la division
et biffins
devant eux. Vaux
est leur objectif.
humaines. Nulle part on ne ravin des Fontaines, c'est bois
Fumin
Vaux, la
Douaumont Dur objectif :
chaque pouce de terre représente des
là,
c'est
n'a plus
un
division
la
le
un
vies
s'est tant battu.
Le
ravin de la Mort.
Le
Le secteur de
arbre.
cercle de l'Enfer. Les soldats de
de Lardemelle sont
graves qui viennent pour
tagneux,
—
de Lardemelle
— n'auront pas
Savoie,
L'existence y est sévère.
plupart de pays
la
Dauphiné,
le Il
hommes
des
le
mon-
Bugey.
n'y a guère parmi eux
de jeunes gens aventureux, avides de courir
monde, comme
il
marsouins,
tirailleurs.
les
France, toujours
y en a parmi
le
faut en conquérir
même,
un
qu'on ne leur dise
autre,
Un
les
le
zouaves, les
coin de
sol
de
leur suffit. Puisqu'il ils
sont prêts. Mais
pas de phrases
:
ils
sont
LE CARREFOUR réfléchis,
s'expriment peu,
ils
exhortations. devoir, et
feront leur devoir, tout leur
Ils
même
au delà, résolument, mais sans
On
vaine gloire et sans éclat.
grands sacrifices
les plus
et
sentent en de-
ils
Point n'est besoin de leur adresser des
dans.
tile
67
:
peut leur demander
seulement,
d'y substituer des mirages, car
ils
ils
est inu-
il
voient clair
voient de loin. Troupe de paysans obstinés
et endurants,
troupe facile à mener pour qui
la
connaît.
Le général de Lardemelle
est
jeunes divisionnaires de l'armée.
gué en Chine à la
la
un des plus Il s'est
distin-
défense de Tien-Tsin, lors de
révolte des Boxers.
Chef d'état-major d'un
corps d'armée, puis d'une armée au début de la guerre,
il
Orient.
Il
commandé
a
ensuite une division en
revient de Salonique et
Verdun
l'a
reçu.
Le long du bois à demi dépouillé, dont d'automne caresse de rouille, tion de
le soleil
les dernières feuilles d'or et
les bataillons se suivent
dans
la direc-
Verdun, laissant entre eux des intervalles.
Bientôt,
ils
ne font plus qu'une légère trace
bleue, petite
fumée surgie du
sol
de France,
d'une couleur semblable à celle qui monte des villages paisibles à l'heure
du retour des champs.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
68
Les
trois divisions d'attaque
parallèles
vont occuper leurs
ou leurs tranchées de départ.
Les camions automobiles vides attendent au carrefour.
doivent
Ils
emmener jusqu'aux
tonnements de repos, dans ou dans au fur
celle
et à
de
la vallée
can-
de l'Ornain
Saulx au sud de Bar-le-Duc,
la
mesure
qu'elles seront relevées, les
troupes des deux divisions qui ont été chargées
d'aménager Après
les
le
secteur de combat.
opérations des mois de juin, juillet,
août et début de septembre menées de
d'Haudromont à
la
Laufée,
la carrière
le sol était si
boule-
versé qu'il n'y restait plus trace des anciens tra-
vaux.
Il
fallait
les renforts,
et
créer des boyaux, des abris pour
pour
les postes
de secours, pour
de
les batteries,
commandement pour
les
de munitions. Le mauvais temps qui
dépôts
fut,
au
commencement d'octobre, presque continu, le bombardement ennemi qui ne cessait jamais, obligeaient à reconstruire plusieurs fois abris et
tranchées. Cependant, avec une obstination qui sut triompher de tous les obstacles, les travaux
ont été achevés en temps voulu.
A
partir
du
LE CARREFOUR
69
15 octobre, date primitivement fixée, nous pou-
vions aborder l'ennemi.
ne
Il
restait plus
favorable pour
guetter l'heure
la
qu'à
préparation
d'artillerie.
C'est la
une manière de combattre que de creuser
terre sous le feu, et
est juste d'associer à
il
l'œuvre de la victoire ceux qui l'ont laborieuse-
ment préparée
ne
et
la
verront pas.
Les voici qui, à leur tour, viennent s'embar-
quer au Tourniquet.
du
sissent le long
route,
de
la terre
même
de loin qui gros-
bois, sur la prairie
ras
du
sol.
les
Du
ou sur
comparer
la
à de la
Bien plutôt on croi-
en marche. Sont-ce des
ou des blocs de boue? c'est la
les voir
on ne peut songer à
fumée bleue au rait
A
hommes
casque aux godasses,
teinte uniforme, cette argile
de Verdun dont tout soldat qui a passé
là
brune recon-
naît la couleur et l'odeur, et qu'il ne saurait plus
confondre avec celle d'Artois ou de Champagne. Elle recouvre les capotes, les culottes, les molletières, les
ceinturons et les courroies, les bidons
et les musettes,
sages.
Dans
jusqu'aux
ces visages
fusils,
jusqu'aux vi-
barbus ou mal rasés,
hâves, creusés et bronzés, les yeux brillent de fierté
et
d'espoir.
Fierté de la besogne
faite,
espoir du repos gagné. Les corps se courbent
LES CAPTIFS DELIVRES
70
sous les
le sac, les
mains s'appuient sur des bâtons,
pieds traînent.
Le
poids
portent peut bien les faire plier
que ces épaules :
c'est
un
faix
vingt jours de peine au moins. Le retard de
taque a prolongé
le
dur labeur.
Ils
de
l'at-
sont à l'extré-
mité des forces humaines, cette extrémité qui n'était peut-être
bataille de
connue de personne avant
Verdun. De bons cantonnements
attendent. Demain,
la les
déjà, lavés, brossés, ayant
dormi leur saoul, ayant mangé sans marmites, ils
seront tout autres. Mais leur défilé, aujour-
d'hui, est glorieux et douloureux ensemble. C'est la
marche Ils
lente des boueux.
montent péniblement dans
béants,
ils
les
camions
s'aident à se hisser à l'intérieur,
s'installent sur les banquettes après avoir
ils
ramassé
entas, soigneusement, les armes, les fourniments, les sacs.
se
Alors les pipes s'allument, la respiration
modère, mais
la
conversation ne reprend pas
encore. La fatigue clôt les bouches. Les moteurs ronflent, les automobiles démarrent, la poussière
vient se coller sur la boue, et dans les visages gris les
yeux
brillent
comme
des veilleuses dans les
chapelles. Ils
ne verront pas l'attaque.
Ils
ignoreront,
cette fois, son angoissant réveil, les serrements
.
LE CARREFOUR
11
de main aux camarades, l'anxiété du départ,
mais aussi victoire. Ils
la
marche en avant,
Cependant
ont laissé du
fusil
ils
la
conquête,
ne sont pas tous revenus.
monde
là-haut, l'outil ou le
aux doigts. La mort frappe au hasard
vailleurs
la
ou guetteurs. Et
les
tra-
revenants aux faces
de boue et de poussière, aux regards chargés
d'ombre, disparaissent presque sans parler sur
chemin par où
les
le
troupes d'attaque sont venues,
joyeuses, pour délivrer
Douaumont
et
Vaux.
.
IV LE MOULIN
23 octobre 1916.
C'est la jeunesse de la vie, ce sont les per-
«
sonnes qui font
les
beaux
sites (1
)
.
»
Ce pauvre village meusien, tout près de Ver-
dun,
triste et sale,
au creux d'un vallon peu pro-
fond, partie en bordure de la grande route, partie
descendant vers une eau courante
bétail cherchant l'abreuvoir,
retenir les yeux. toire
Et pourtant
n'a rien qui puisse les
curieux d'his-
y viendront chercher des évocations.
Sa maison principale
est à
l'écart,
d'une cour, ceinte d'un jardin. C'est
Un
comme un
précédée le
Moulin.
salon de campagne, assez vaste, occupe la
majeure partie du rez-de-chaussée
:
des tables,
des fauteuils de cuir, des cartes sur chevalets ou
(1)
Chateaubriand.
LE MOULIN fixées
au mur,
le
73
meublent. De lourdes
toiles
de
tente le coupent en deux, séparant le cabinet de
du général Mangin
travail
et celui
de son chef
d'état-major, le colonel Fiévet.
Le général Mangin, qui commande
les
troupes
d'attaque, délibère avec le général Nivelle,
mandant mandant
la II
e
armée,
et le
général Pétain,
comcom-
groupe d'armées. La pensée de
le
bataille qui se livrera
demain
la
ne serait
est là. Elle
rien sans l'exécution. L'exécution n'est rien sans
Un plan de bataille se porte dans le comme celui d'une œuvre d'art avant de
elle.
forme.
Il
commence de
ration; puis l'action le
se réaliser
commence.
dans
Elle a
cerveau
prendre
la
prépa-
commencé
21 octobre par l'entrée en jeu de l'artillerie;
commandement
pu suivre
jour par jour,
le
destructions.
Ce 23 octobre, un incendie
déclaré dans le fort de
a
Douaumont
les
s'est
à la suite de
l'éclatement d'un obus de 400. Les abris des carrières
d'Haudromont à
Damloup
à
l'est,
l'ouest,
de
la batterie
de
sont bouleversés. Les ravins
sont fouillés et martelés.
Une
fausse attaque a
invité l'ennemi à dévoiler toutes ses batteries qui
viennent d'être reconnues au nombre de 150 environ et dont plus de 60 ont pu être immédiate-
ment
et
heureusement contrebattues.
(C'est ce
LES CAPTIFS DELIVRES
74
dans son communiqué du 24
qu'il appellera
briser
les
:
attaques françaises.) Les renseigne-
ments d'avions
et
de ballons sont complets et
concordants. u
On ne
fait
de grandes choses, écrivait Napo-
Ton
léon, qu'autant que
un
entier sur
objet, et
même
marcher à travers tous
même
contretemps vers un
concentrer tout
sait se
but à travers tous
but.
»
contretemps
les
les
Marcher vers un les trois
:
qui derrière ce rideau de toiles de tente règlent les dernières dispositions
suivi depuis des
dun hors
mois
même objet
le
d'atteinte, et
pour l'attaque ont pour-
pour cela
mettre Ver-
:
lui restituer la
ceinture de ses forts et de ses collines.
Le
soir
dre son
du 25
février 1916,
commandement
quand
venait pren-
il
sur la Meuse, le général
Pétain fut accueilli par cette nouvelle
Douaumont était pris,
est
mais
l'ordre était
village
tenait.
donné de reprendre
l'ennemi, entré par surprise, tranché. Le 27, les
pas à pied d'œuvre et
moment
le
26,
le
fort.
Mais
déjà re-
moyens matériels
n'étaient
il
fallait
colonel Joulia, qui avait
au
Dès
s'y était
village assiégé sans arrêt.
était tué
de
Douaumont
perdu. Le fort de le
le fort
:
de
la
barrer la route du
Le 28,
le lieutenant-
préparé l'opération, conduire. Le 29,
les
MOULIN
LE
75
échelles destinées au franchissement des fossés
bombardement. La male-
étaient brisées par le
chance s'acharnait contre Douaumont. Le géné-
homme
ral Pétain n'est pas
à risquer inutilement
des vies. La bataille faisait race sur tout
de Verdun
la résistance afin
ganiser
du
fleuve.
Douaumont, car Le
3 avril,
de garder
remit à plus tard
Il
front
tâche la plus pressante était d'or-
la
:
le
il
sait
quand
mandait alors
3
le
le
e
la rive droite la
reprise de
attendre son heure.
général Nivelle, qui com-
corps, vint reconnaître le
secteur qui lui était confié entre le bois de la Caillette
au sud-ouest de Douaumont
loup,
fut accueilli
il
L'ennemi s'est glissé
ferrée
s'est
par
emparé du
dans
le
ravin
cette
et
nouvelle
Dam:
—
bois de la Caillette;
du
il
Bazil jusqu'à la voie
de Fleury à Vaux. Qu'allez-vous faire?
— Attaquer. Sa volonté immédiatement.
Il
d'offensive se manifeste
a déjà le général
Mangin au-
près de lui à la tête de l'une de ses divisions.
L'ennemi,
cependant,
ne cesse pas lui-même
d'attaquer. Ses attaques et les nôtres se heurtent et se brisent. et
du
il
doit
Les nôtres finissent par l'emporter
remonter
les
pentes jusqu'aux abords
fort.
C'est dans la région de Frise,
où
il
soutenait à
LES CAPTIFS DÉLIVRES
76
la fin
de février une lutte opiniâtre et
que
général Mangin apprit
le
Douaumont. Ayant mands, il dit à ses
officiers
s'entendent à tirer
parti
succès.
un
fait
La
lu
du
reprise
— Les Allemands
de cet inconcevable
fort par
nos troupes serait
.
— Un mois
plus tard,
Verdun. En
avril, elle
.
En mai
reprenait la Caillette.
pour quarante-huit heures
fameux
reconnaissances,
pour
il
— dans
rentrait le fort.
proie.
demain —
-
24 octobre
trois chefs la réalisation
volonté ancienne.
Un
ses
approché de tout près,
comme une
Ainsi l'opération de les
—
Lui-
Dans
fort qu'il visait.
l'avait
ainsi dire
pour
elle
deux mois en intimité cons-
avait vécu ces
tante avec ce
est- elle
:
de
alle-
d'armes qui exciterait l'admiration de
sa division était appelée à
flairé
fort
radiogrammes
les
l'univers. Elle s'impose.
même
difficile,
du
la perte
—
d'une
projet longtemps porté,
longtemps ajourné par suite des circonstances, s'il
prend corps,
Douaumont,
c'est qu'il est
quel
mûr. Pourtant,
morceau royal!
Il
s'élève,
comme un
géant, au-dessus des autres collines de
Meuse.
est
Il
qui domine
pour l'ennemi l'observatoire idéal
les
deux
rives
du
fleuve.
Comment
l'ennemi ne mettrait-il pas tout en œuvre pour le
garder? Le fort de Vaux est
le
soutien ou la
LE
menace de
MOULIN
Woëvre.
la
Il
est la
Souville. Par Vaux-Chapitre
Vaux,
c'est
77
il
première
clé
de
y conduit. Perdre
Pour
renoncer à Souville.
re-
le
prendre, sommes-nous à distance d'assaut? Le
chemin
parcourir est long et épuisant
à
rien
:
que des trous pleins d'eau croupie, une boue qui colle
aux jambes, où l'on risque de
s'enliser,
chaos sans nom. Les retranchements sont
breux
et
ne peut
les
L'ennemi a dû pousser
ses
redoutables
avoir tous détruits.
l'artillerie
:
réserves, appeler ses renforts.
groupées dans
un
nom-
le secteur.
Il
a sept divisions
L'entreprise n'est-elle
bien audacieuse, au-dessus de nos forces?
pas
L'Allemagne a rempli
le
monde de
ses victoires
Douaumont et de Vaux pour les célébrer embouché la trompette héroïque, elle a
de
:
elle a
mobilisé toutes les puissances de sa presse et de ses
agences.
Gomment imaginer que d'un
seul
coup nous jetions à bas tout cet échafaudage laborieusement construit pièce à pièce en huit mois ? Et voici
que
les
doutes reviennent, que l'inquiétude
étreint le cerveau et le cœur. Pourquoi, derrière
ces toiles de tente, délibèrenW/s
A
défaut des paroles
si
longtemps?
non entendues,
il
y a
les
visages qui parlent, et voici les trois chefs. Les
visages sont tendus, mais visiblement satisfaits.
LES CAPTIFS DELIVRES
78 Ils
disent la gravité de la décision prise et l'abso-
lue confiance dans le résultat.
a son air des grands jours
:
gnement des paupières sur
les
chez
lui la
Le général Pétain
le teint pâle, le cli-
yeux qui indiquent
préoccupation, mais aussi ce rayonne-
ment du regard,
cette majesté de la tête redres-
sée qui impliquent et
communiquent
Le
pur du général Nivelle sem-
profil régulier et
blerait s'immobiliser
médaille ou il
est
calme
le
comme
marbre de
si
le
la certitude.
métal de
et respire la paix et l'harmonie,
mouvement des
lèvres
la
la statue le figeait, tant
ne
si le
non
trahissait,
le
doute, mais l'importance de la détermination.
Le général Mangin rées, le
mais
les
a les
yeux rient
pommettes un peu et la
bouche
sanglier a reniflé l'odeur du gibier,
colo-
est joyeuse il
le tient...
J'apprends que rien n'est changé aux ordres l'heure
même
est fixée.
Cependant
redevenu incertain. Le soir a tout l'horizon. je n'ai collines.
Du
pu voir
fort voisin
tiré
où
le
:
temps
:
est
des brumes sur je suis
remonté
ni la ville, ni le fleuve, ni les
Les éclairs intermittents des batteries
déchirent seuls
le
paysage de ouate violette, et
là-haut ce grand feu qui ne repose sur aucun trépied,
qui est
Douaumont
comme suspendu
qui brûle.
en
l'air,
c'est
LE MOULIN
19
Un
Voici une poignée de nouvelles.
allemand capturé apporte sous son désarroi d'un bataillon
dans ce message,
le
pigeon
aile l'aveu
du
ennemi à Thiaumont
chef déclare toutes
:
les tran-
pas en état
demande instamment la même, les hommes n'étant de combattre. Une centaine de fan-
tassins
sont constitués
chées bouleversées et relève pour le soir
se
prisonniers dans la
région de Fleury pour échapper au bombarde-
ment de
leurs abris et,
parmi eux, unof6cierqui,
interrogé, a déclaré avec assurance
:
«
Nous ne
prendrons pas plus Verdun que vous ne reprendrez Douaumont.
Pourvu
»
qu'il fasse
beau temps demain!
LA VICTOIRE AILEE
24 octobre 1916.
Du sommet
de Souville,
escalader et couronner
Nos
batailles
j'ai
vu
Douaumont.
modernes ne
la Victoire
.
s'offrent guère en
spectacle. Elles sont d'habitude cruelles et térieuses.
d'obus
trous
marquent
main
De grands espaces coupés
et
la terre
comme
mys-
vides parsemés de
de longs sillons qui les
veines marbrent la
des colonnes de fumée qui montent des
;
éclatements; une ligne d'ombres bleues qui rasent le sol,
puis disparaissent;
un
reste
de village
ruiné qui flambe; un barrage qui s'allume comme
une rampe de théâtre
et laisse
dans l'incertitude
du drame qui s'accomplit derrière ce rideau soudainement dans
tiré,
la bataille
—
et c'est tout.
Geux qui sont
n'en connaissent jamais qu'un
épisode. Elle se suit des observatoires dont le
LA VICTOIRE AILÉE
champ les
est
uns
81
souvent restreint et qui se complètent va dans les postes de
les autres. Elle s'en
commandement, conduite jusqu'à rains ou leurs abris par les
leurs souter-
téléphoniques,
fils
transmise par les signaux optiques, volant sur les ailes
des pigeons, portée par les coureurs. Mais
la victoire
du 24 octobre, je
devant moi brusquement, Sans en avoir des forces
la
l'ai
vue se dresser
comme un
être vivant.
portée, sans avoir mis
enjeu
provoqué de
telles
comparables
ni
conséquences, cette journée historique du 24 octobre nous a ramenés aux heureuses journées des 10 et
11
manœuvre de
septembre 1914 où l'immortelle la
Marne
aboutissait à la retraite
de l'armée allemande.
Verdun
J'ai traversé
jour.
Le
dépasser
sentier la
que
livide et
j'ai suivi
morose au
petit
pour atteindre, puis
caserne Marceau était obstrué par
des chevaux morts. Dans la cour intérieure de cette caserne qui n'est plus
mare de sang
:
un
viennent d'être tués
un
que décombres, une
attelage et ses conducteurs ;
des brancardiers emportent
blessé la tête recouverte, n.
*
voilé devant la 6
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
82
mort comme une femme arabe devant l'amour,
me
dit
là je le
mon compagnon
qui a vécu en Orient.
monte directement
celui de l'ennemi.
de cracher ville
que
le.
le
je suis surpris de la
de notre
artillerie et
Nos batteries ne s'arrêtent pas
connu
si
La nature
bois brisés,
tir
que ce chemin de Sou-
feu, tandis
j'ai
tout repos.
De
à Souville sans prendre
boyau trop boueux. Et
disproportion entre
»
marmite
est
presque de
est
malade, ce ne sont que
défoncements du
entonnoirs
sol,
pleins d'eau, mais on y circule presque tranquil-
lement. Mes derniers souvenirs étaient plus tra-
sommet de
giques. Le
la colline offre
tacle qui dépasse l'imagination si
un spec-
labouré
:
comme
d'invisibles charrues l'avaient retourné, tantôt
troué de gouffres et d'abîmes et tantôt redressé
en amas de
terre,
il
ressemble à une mer furieuse
chargée d'épaves, charriant des cadavres.
La cuvette de Verdun montant
:
était
recouverte
J'avais cru percer cette
brouillard.
elle
m'enveloppe
et
occupe
le
plateau
de Souville. D'elle rien n'émerge. Elle noie tonds et
les
coteaux pareillement.
paysage éloigné. Mais
elle
Un
les
n'y a plus de
semble donner de
distance aux objets rapprochés.
mutilé,
Il
de
brume en
la
tronc d'arbre
un entonnoir, une baraque démolie,
LA VICTOIRE AILEE
83
prennent une importance inattendue. Elle ajoute
une sorte d'immensité désolée à l'horreur des lieux
dont elle-même,
pourtant,
impose
les
limites.
La voûte arrondie de la tourelle nous fait Nous nous engouffrons sans hâte dans
signe.
l'ouverture. Sans hâte,
quand
il
en juin y
fallait
entrer ou bien en sortir en courant. Les Boches sont-ils terrorisés
ou intoxiqués pour riposter
si
mal à notre feu d'enfer? La rampe du couloir d'accès est
encombrée
:
des corvées descendent
des piles de pains, font rouler des tonneaux avec
On met en
précaution.
sûreté le précieux ravi-
taillement. J'arrive aux salles
du bas
:
des cou-
reurs sont rassemblés autour d'une lampe dont la
lumière sous l'abat-jour
sages dans
un clair-obscur
turellement, ordres.
Dans
ils
fait
à la
Rembrandt; na-
jouent aux cartes en attendant
la
salle
du fond,
néral Passaga donnant des officiers
apparaître les vi-
les
je trouve le gé-
instructions à
des
de liaison. Souville est son poste de
commandement. Le temps ne lui cause pas d'inquiétude. Le sort en est jeté il faut courir :
la il
chance. Mais, grave et goguenard ensemble,
ne doute point que cette chance ne
rable.
soit favo-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
84
pour guetter des
Je ressors
éclaircies.
brouillard paraît encore s'épaissir.
au moment de casser une croûte,
A
—
Le
dix heures, afin d'être
débarrassé de tout souci matériel à l'heure fixée
— une
mauvaise nouvelle nous
pour l'attaque
,
parvient
général Ancelin,
:
le
Tune des deux brigades de blessé
gravement
comme
commande
qui
la division, vient d'être il
rentrait d'une der-
nière inspection à son poste de
commandement
de Fleury. Seconde communication téléphoni-
que
:
il
est
mort. Dès
première,
la
son remplaçant est arrêté.
mandement au
le
— Je passe
choix de le
com-
colonel Hutin, ordonne le divi-
sionnaire.
Le colonel Hutin
meroun;
il
est
revenu récemment du Ca-
a été l'un des
conquérants de
la colo-
nie allemande.
— Pauvre général Ancelin!
ajoute
Passaga en se retournant vers nous.
le
Il
général
est triste
pour un chef de disparaître au moment de tion.
Il
eût bien conduit sa brigade.
l'ac-
Nous
le
regretterons demain. Aujourd'hui, soyons tout à
notre affaire. C'est la courte et belle oraison funèbre d'un
soldat par
un
soldat.
L'heure approche. Le général veut se rendre
LA VICTOIRE AILÉE
compte par lui-même de
85
des lieux et du
l'état
temps. Nous gagnons l'observatoire. Seule de toutes les hauteurs qui entourent Verdun, la col-
on
line de Souville,
Douaumont. Entre les deux rivaux émerge
comme
de Fleury qui rejoint, la
le
de Douaumont
la côte
bras d'une croix,
côte de Froideterre dont les pentes
jusqu'au fort
de
le sait, atteint l'altitude
montent
qui occupe la crête
en forme de dentelures ou de créneaux. Des ravins se creusent entre la charpente de cette
croix allongée. Ce paysage de ravins et de collines qui
domine
paravant, qu'il
le fort, je l'ai
me
tant regardé au-
sort des yeux, et
cherchent en vain devant moi.
mes yeux
Au bout du
le
ter-
rain bouleversé qui descend, je n'aperçois qu'un
arbre déchiqueté qui se dresse péniblement dans la
brume
et qui
ressemble à un calvaire.
Cependant, ce brouillard n'est pas inerte. est
comme remué,
sant et invisible des obus.
continu que, malgré
chercher en
l'air
soi,
où
ils
Leur sifflement
on lève
la tête
les
où
le
si
les
les positions
jours précédents. Et je
souviens de ces journées angoissantes de la février
est
pour
devraient former une
voûte d'acier. Notre artillerie écrase
ennemies repérées
Il
travaillé par le passage inces-
fin
vol des obus venait s'abattre
me de sur
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
86
nous. J'éprouve l'impression inverse,
j'ai la
sen-
sation de notre supériorité nettement affirmée. six ou sept cents voix de nos canons font un chœur prodigieux, s'assemblent en une clameur
Les
sauvage tration
et je
cherche à décomposer leur orchesdes 75, basses pro-
cris secs et stridents
:
fondes des 155 et des gros obusiers, plaintes déchirantes des pièces de marine, aboiements des crapouillots. C'est
Dieux ou
cule des
abîmes de
la terre
comme le prélude du comme un psaume
Crépussur les
qui s'entr'ouvrent.
Attaquera-t-on malgré cette ombre? Ne sontce pas des conditions désastreuses pour le doit
accompagner
traire,
effet
le
la
de surprise? Je consulte et
ma
un
montre, l'heure
dans cette attente on se sent gagné
par l'inquiétude de rance ajournée.
partie remise,
la
de l'espé-
L'opération a été minutieuse-
réglée, les troupes sont prêtes. Mais je sais
l'audace de l'entreprise il
qui
marche en avant? Au con-
brouillard ajoutera-t-il à l'attaque
approche,
ment
tir
est vrai,
:
trois divisions,
appuyées
mais chargées d'en déloger sept de
leurs positions
formidablement organisées. Entre-
prise hardie mais proportionnée et qui devait se réaliser
si
exactement qu'une
parut toute simple.
fois
exécutée
elle
LA VICTOIRE AILÉE
Sur
87
que je connais bien, je
l'invisible terrain
mémoire les trois divisions d'attaque carrières d'Haudromont sur ma gauche jus-
dispose de des
:
Douaumont en
qu'au fort de sion et
de
face de moi, la divi-
Guyot de Salins avec ses régiments de zouaves tirailleurs, tous déjà cités, et le
fameux
giment colonial du Maroc qui a repris de Fleury
le
et le ravin
17 août; à droite, entre
de
la
ré-
le village
Douaumont
Fausse-Côte, les fantassins et les
chasseurs à pied de la division Passaga; plus à droite, dans le secteur de Vaux-Chapitre, les ré-
giments de
la division
de Lardemelle. Je
les
ima-
gine, et je ne vois pas à cinquante mètres devant
moi. Et j'imagine aussi, non sans une angoisse secrète, l'ordre de bataille allemand, 21 batail-
lons en première ligne, réserve,
les
lignes de
7
en
soutien,
10 en
tranchées, les défenses
accessoires, les redoutes, telles
que je
les ai
vues
sur les photographies prises en avions, l'ouvrage
de Thiaumont, la carrière d'Haudromont, enfin et surtout les forts,
teries les ont-elles
cuisinés,
Douaumont
et
Vaux. Nos bat-
suffisamment réduits,
mis en bouillie?
triturés,
Gomment nos hommes
viendront-ils à bout de tels obstacles matériels et
humains?
A chaque
instant je regarde
ma montre
:
onze
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
88
heures, onze heures vingt, enfin onze heures quarante. j
'aurais
C'est l'heure
Cette attaque,
fixée.
que
dû voir déferler dans le ravih pour remon-
ter ensuite les pentes, a-t-ellelieu
en ce moment? de
L'artillerie a-t-elle allongé son tir? Impossible
Rien n'est changé au rythme des
rien savoir.
obus qui passent.
heures cinquante,
est onze
Mais qu'est-ce que j'entends sur
est midi.
droite?
Il
Le
il
ma
tac tac des mitrailleuses. Si les mi-
trailleuses tirent, l'attaque est déclenchée. Si les
mitrailleuses tirent,
il
n'y a pas de surprise et les
nôtres rencontrent de la résistance. Je ne les entends plus.
remplit l'espace, plutôt projectiles
dont
la
Le
bruit des canons
même
que leurs départs
le sifflement
sonorité est amortie par
nouveau,
c'est l'inquiétude^
qui se prolongent.
brume. De
la
c'est
l'incertitude
Pour savoir ce qui
retourne au poste de
se passe, je
commandement.
Les coureurs attendent leur tour de partir. sont coiffés du casque, le
A
des
et leurs éclatements
Ils
masque en bandoulière.
cause de l'abat-jour leurs visages sont dans
l'ombre.
Ils
pendant
les
ne parlent pas,
ils
sont prêts. Ce-
nouvelles affluent. Le départ a été
magnifique, à l'heure prescrite. La division de Salins a atteint son premier objectif
:
la carrière
LA VICTOIRE AILÉE
89
d'Haudromont, l'ouvrage de Thiaumont, puté
mois précédents,
les
la
si
dis-
ferme de Thiaumont
qui est au delà (quelle ferme! on n'en retrouve
même
pas les murs) sont à nous.
Passaga a atteint
la batterie
de
La
division
la Fausse-Côte.
La division de Lardemelle rencontre au bois Fumin une résistance acharnée. Partout on a progressé. Selon les ordres, on s'organise, repartir,
de
comme
on repart. Mais
suivre une opération!
chaque instant coupé, cité inouïe
vont sous
il
Le téléphone
et des équipes le
on va
est difficile est
à
d'une téna-
feu rétablir les
fils,
Les
coureurs, les pigeons se succèdent. Des prisonniers sont signalés
du
Petit-Bois.
officier
:
En
au poste des Carrières, à celui voici
une vingtaine dont un
maigre, enfiévré,
face brûlée disparaissant à
casque de tranchée, tions
et dit
il
les
yeux
brillants, la
demi sous l'énorme
répond à toutes
la surprise
les
ques-
des Allemands dans
le
brouillard. Les zouaves descendent dans le ravin
de
la
Dame
et
dans celui de
la
Couleuvre. Les
chasseurs montent les pentes de la Caillette...
Mais de tout cela qui, ce
soir, sera
éternelle, rien n'apparaitra-t-il
une
victoire
donc aux yeux
dans cette maudite brume? Elle a joué son rôle efficace.
Maintenant, ne va-t-elle pas se dissiper?
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
90
Je regagne les pentes de Souville. Le moteur
ma
d'un avion ronfle au-dessus de bas qu'il va
me
lard.
chant, avait fait
le
soir
que
Il
vole
la colline.
dans
et grisâtre,
si
Je
le brouil-
pen-
l'aviateur, se
geste d'applaudir les fantas-
que ceux-ci, de
sins et
accrocher
frôler,
immense On m'a dit le
l'aperçois,
tête.
avaient rendu à
la terre,
l'oiseau son salut.
Voici que, vers deux heures, le vent, plus fort,
commence de tourmenter
nuages.
les
chasse, d'autres reviennent,
Il
Il
pour-
les
redouble de vio-
lence, les déchire enfin, et les nuages poursuivis
une
se livrent à
fuite
éperdue,
comme
en mon-
tagne au passage des cols quand souffle pête.
Les
comme
nuages tordus
des drapeaux.
leur course,
et
Dans
la crête
les
de Fleury,
le village
pentes de Douaumont,
sa dentelure. Les
qu'en
un
intervalles
les
une pente, une crête
vois, je vois, je reconnais la côte
clin
de
surgissent. Je
de Froideterre,
réduit en poudre,
Douaumont
enfin et
nuages vont maintenant
d'œil leur
tem-
la
claquent
froissés
troupeau
si
vite
dis-
s'est
persé, et le paysage se livre avec cette extraor-
dinaire netteté qui précède ou qui suit le
mau-
vais temps.
Avec mes jumelles,
je
scrute
l'horizon.
Je
LA VICTOIRE AILEE pourrais compter les trous d'obus. d'eau,
ont passé
là
comment
;
comme
sont pleins
pu passer! Mais
ont-ils
ce paysage n'est point mort.
sous nous,
Ils
ou presque. Nos soldats
se rejoignent
ils
91
saisie
La
terre tremble
de frissons. L'artillerie
ennemie, ressuscitée ou renforcée, multiplie barrages. Trop tard
au
Et
delà.
là,
nos
:
hommes
les
doivent être
devant moi, sur
la
pente de
Douaumont, des hommes couleur de la terre remuent. Ils marchent en colonne par un, en ordre.
Sur
Ils
avancent,
ils
la crête à droite,
montent,
venant de
ils
approchent.
la batterie Est,
en voici un qui se profile en ombre chinoise, puis
un autre,
et
un autre encore.
11
en vient
aussi de l'autre côté maintenant. D'autres des-
cendent dans ils
gorge. Mais
la
ils
vont se faire voir,
vont se faire mitrailler. Ne vous montrez donc
comme ça! c'est insensé! Ils s'agitent, ils tournent, comme s'ils. décrivaient une ronde aupas
dessus de la
Douaumont
conquis, une farandole de
Victoire. Écrasent-ils
un corps à corps? De danse sacrée. Puis térieur.
Un
la
les
loin,
défenseurs? Est-ce c'est
comme une
plupart disparaissent à l'in-
avion décrit de grands cercles au-
dessus du fort,
Douaumont
comme un pris
!
oiseau de proie.
Est-ce possible? J'ai envie
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
92
de crier. le
J'ai
son de
ma
dû
mais je n'ai pu entendre
crier,
voix dans
le
fracas de la mitraille
qui ébranle la colline. Les obus éclatent dans
notre voisinage Souville. J'ai
un peu de
dû
terre
à nous. Le géant
mâche maintenant
crier, car je
qu'un obus vient de
ma bouche
jusque dans
Douaumont
est
faire jaillir
Douaumont
ouverte.
qui, de sa
de ses observatoires, domine
Meuse,
allemande sur
c'est la riposte
:
deux
les
est
masse
et
rives de la
de nouveau français. Le captif est
délivré.
Je
me
souviens de ce soir
dans
dernier où,
la
apprîmes que Douaumont voulions pas
ce
Douaumont, avec
carrières
Côte,
aboli.
le
est
un
pas sur
En moins
reçoit
le fort
il
la
de
Faussequatre
allemand de huit mois
;
il
se
est
veut pas croire, lui soit ravi.
ne Il
attendra plus d'une
heure avant d'oser régler son conquête. Mais
le
territoire qui va des
L'ennemi à son tour ne
tire
nous
moins de quatre heures,
tout
rendu.
travail
février
neige,
perdu. Nous ne
était
peut pas croire que Douaumont
ne
du 25
la
d'Haudromont au ravin de
nous
heures,
et
Nous ne pouvions pas
le croire.
croire. Et voici qu'en
triste
boue
tir
sur son ancienne
rattrape sur Souville qui
une large distribution. Les pentes sont
LA VICTOIRE AILÉE
93
sonne, la terre saute. Faut-il
pilées,
la tourelle
donc
vite s'arracher à cette vision
si
triomphale?
Étrange destinée de ce Douaumont pris et repris sans coup
pareil
férir,
à
que. Ion croit inaccessi-
gneuses et distantes,
tombent en un
bles et qui
femmes dédai-
ces
instant. Tandis
que
Vaux, moins important, moins solennel, ramassé là-bas sur sa colline ronde, se refuse avec obsti-
nation. Il
est quatre
tombe sur
:
il
Vous passez par
:
la
ceau. Chargez-vous de ce Boche.
voyer à
l'arrière.
Et l'on
me
prisonnier et
de
la
caserne Mar-
Vous
l'y
dépo-
L'interprète l'interrogera avant de l'en-
serez.
.
soir, déjà,
temps de redescendre de Souville
est
Verdun
heures et demie. Le
»
un infirmier allemand
confie
amené au
division.
C'est
poste de
un jeune garçon roux
A
et
ma
capote
peine sommes-nous partis
qu'un
rose, docile et serviable. Je lui
à porter.
fait
commandement
donne
obus nous couvre de boue. Nous sommes in-
demnes, mais
ma
il
s'est
couché de tout son long sur
capote que je reprends, non sans irritation,
toute maculée.
Il
est fort
penaud
et bredouille
des excuses, mais se colle au sol dès qu'il entend
un
projectile.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
04
Je retraverse
nuages,
tragique,
chaos de Souville. Entre
le
couchant
ciel
le
jaune,
enflammé.
sulfureux,
rayons obliques viennent atteindre ils
de
se reflètent; le cours
par contraste Froideterre noire.
dépassent
Ils
vers
les
Gham-
Hardaumont.
montée
à Souville a été facile, autant
descente en est pénible. L'ennemi veut se
venger de son silence de
copieusement
les
m'arrêter devant
la
compatriotes. Mais a
ses
l'attente
raisons.
ne
me
barrages avec
dun
les
il
le
le
bon
mon plaisir
est
Boche, de
ses.
bonne que
si
Marceau
et j'arrive seul à
la nuit est tout à fait
venue. Ver-
Le bombardement
fait
faubourg que je traverse. Cependant
une équipe de territoriaux s'apprête à
comme chaque ment.
arrose
maudit plus que moi.
La journée
n'est pas épargné.
rage sur
Il
cause nulle mauvaise humeur.
Enfin, je le laisse à
Verdun quand
matinée.
pentes et les ravins. Je dois les
attendre en sa compagnie
Il
airs.
disparaissent
ils
brettes ou vers
la
où
étincelle, et
une grande ombre
fait
maintenant, s'emparent des
Douaumont, la
ciel
Des
les flaques
Meuse
la
les
qu'une multitude de nos avions,
Voici
Autant
un
se découvre,
soir,
en corvée de
partir,
ravitaille-
LA VICTOIRE AILÉE
95
Qu'est-ce que ce bruit de pas et ces ombres qui s'avancent?
Un régiment
Aucune
relevé?
relève ne devait avoir lieu cette
nuit. C'est le
y en a plus d'une brigade. Déjà cinq mille, m'assure un sous-
troupeau en ordre des prisonniers.
officier
de l'escorte, et
Une colonne de cinq
il
en descend d'autres.
mille prisonniers, je n'avais
pas encore vu ce spectacle
Même
la nuit
c'est
Il
un
soir d'attaque.
une vision inoubliable. La
lumière d'une fusée lointaine, tout à coup, dé-
uniformes verts, leurs casques ou
leurs
voile
leurs bonnets de police, leurs figures terreuses.
Puis je ne vois plus que leur masse plaisante, leur défilé ininterrompu.
Partout où je passe, dans cette soirée rable, la joie rayonne.
mémo-
Quel peintre rendra
visage d'un général vainqueur,
le
immédiatement
après la victoire?
Au est
poste de
venu
le
commandement du général Mangin
généralissime.
Il
y a trouvé
les
deux
chefs successifs de l'armée de Verdun, le général
Pétain et prise,
le
Thiaumont,
heureuses,
mont, Et
général Nivelle.
Il
a reçu sans sur-
mais avec satisfaction, la suite des nouvelles
la
Haudromont,
Douau-
Fausse-Côte.
le soir
même,
à la table de travail où
le
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
96
général Pétain avait,
10
le
avril,
après
la
plus
puissante attaque allemande sur les deux rives
de
la
Meuse,
écrit son
immortel
:
Courage, on
les
aura, le général Nivelle a rédigé ce court et saisissant bulletin de victoire
:
Officiers, sous-officiers et soldats
du groupement
Mangin,
En
quelques heures d'un assaut magnifique, vous
avez enlevé d'un seul coup, à votre puissant ennemi, le
terrain
hérissé d'obstacles
et
de forteresses du
nord-est de Verdun, qu'il avait mis huit mois à arracher,
par lambeaux , au prix
d'efforts acharnés et
de sacrifices considérables
Vous avez ajouté de nouvelles les
drapeaux de l'armée de
cette
armée, je vous remercie.
à celles qui couvrent
Verdun,
Au nom
de
et éclatantes gloires
Vous avez bien mérité de
la patrie.
LIVRE
III
DOUAUMONT
I
DE LA CARRIÈRE d'hAUDROMONT AU VILLAGE DE DOUAUMONT
Les
trois divisions se sont dressées à l'heure
dite et ont
Guyot de
marché sur leur
Salins, renforcée
fanterie, de la carrière
Douaumont
objectif
du
II
e
:
la division
régiment d'in-
d'Haudromont au
fort
de
qui lui est attribué; la division Pas-
saga des angles sud-est et nord-est du fort au ravin des Fontaines
;
enfin la division de Lardee
du 30 régiment
melle, augmentée d'un bataillon d'infanterie, entre le bois
Fumin
et le
fond de
la
Horgne, face au fort de Vaux.
Le départ
s'est
donc accompli dans
le
brouil-
lard épais qui recouvre les vallonnements de la
Meuse
et la série des crêtes.
On
a progressé à la
boussole, sans hâte, en ordre, sur ce fantastique terrain de
bucher
boue
et
de trous où
ni s'enliser.
il
ne faut ni tré-
Les observatoires n'ont pu
LES CAPTIFS DELIVRES
100
tout d'abord être utilisés, mais plusieurs avions,
malgré
la
brume, sont
sortis
maîtres des airs
:
—
car leurs rivaux d'outre-Rhin ne les ont pas imités
—
et volant très bas,
sont parvenus à suivre
ils
commande-
l'avance des troupes et à renseigner le
ment. Les liaisons par fils[téléphoniquessans cesse réparés, par coureurs, et, plus tard, par postes
optiques,
quand
permis de connaître
De
brouillard
le
les
phases de
ont
dissipa,
se
la bataille.
tout le front, ou presque, les nouvelles de
victoire se sont à
peu d'intervalles succédé
dromont, ravins de
Dame
la
Thiaumont (ouvrage lage et fort,
et
ferme)
et
bois de la
de ,
la
:
Hau-
Couleuvre,
Douaumont
Caillette,
vil-
ravin de la
Fausse-Côte, bois Fumin, batterie de Damloup, tous ces coins de sol
si
chèrement disputés depuis
huit mois, enjeu de cent combats, arrosés de tant
de sang,
illustrés
de tant de gloire, tombaient
entre nos mains d'un seul coup.
Cependant, au bois Fumin réduit fortifié pour
et
au Petit Dépôt,
un bataillon qui couvre
la
route du fort de Vaux, la division de Lardemelle rencontrait une elle et
pour
résistance opiniâtre qui,
la division
pour
Andlauer chargée de
relever, devait prolonger le
combat sans
la
inter-
ruption jusqu'au 3 novembre dans des conditions
D'HAUDROMONT
A
DOUAUMONT
101
particulièrement dures. Les opérations du sec-
d'un mot
teur
de Vaux,
doit,
pour plus de
à part. Voici,
la
de Vaux
bataille
clarté, être isolée et présentée
d'après les témoignages écrits et
oraux recueillis avec diligence aussitôt après tion, les opérations
ravin de
Fausse-Côte.
la
l'ac-
du secteur d'Haudromont au
Douaumont en
est le
centre, l'objet principal, le roi. C'est la bataille
de
Douaumont. La
bataille
de Douaumont va
nous apparaître tout d'abord aux deux prise
du
fort
en sera
ailes.
La
couronnement.
le
* #
A
l'aile
gauche, notre ligne, avant l'attaque
du 24 octobre, partait de
la
Meuse au delà de
Bras, mais en deçà de Vacherauville qui appartenait à l'ennemi, et remontait les pentes de la
côte du Poivre dont nous ne possédions qu'une partie.
La côte du Poivre termine
massif de
le
Lonvemont qui vient s'opposer à la crête Fleurybois Nawé par la masse boisée d'Haudromont. Haudromont commande la route de Douaumont à Bras et les vallonnements qui conduisent au village de
Douaumont
faut descendre
et
contournent
d'Haudromont sur
le
le fort. Il
ravin de la
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
102
Goulette pour remonter ensuite sur Froideterre.
De
son importance pour l'ennemi et pour
là
nous. La carrière d'Haudromont sera donc
le
pivot de la bataille. Position rapprochée de notre front, elle peut suivre et enrayer toutes les ten-
tatives
La
que nous ferions sur Douaumont.
crête Fleury-bois
Nawé forme, on
se sou-
vient de l'image, le bras transversal de la croix
dont
la
charpente principale est
ascen-
la crête
A
dante de Froideterre au fort de Douaumont. l'ouvrage de les
Thiaumont
Après
se fait la soudure.
combats acharnés du commencement de sep-
tembre, nous tenions cette crête jusqu'à
la
route
de Fleury à Bras, sans avoir repris l'ouvrage de
Thiaumont. Le bois Nawé rejoint four au nord-ouest de
le bois
Chauf-
Douaumont par un
fouillis
de mouvements de terrain coupés de ravins ravin de la
Dame,
:
ravin de la Couleuvre et plus
en arrière ravin du Helly. Ces ravins coulent tous des pentes de
Douaumont
:
le village est
en
contre-bas du fort et à l'ouest.
Pour assurer la
gauche,
il
la possession
de Douaumont sur
faut donc s'emparer de la carrière
d'Haudromont, des ravins de Couleuvre,
de
l'ouvrage
Thiaumont. L'attaque
se
et
la
Dame
de
fera par
la
et
de
ferme
deux
la
de
batail-
D'HAUDROMONT
3
le
ments de
e
en
bataillon
gauche à
la
avec l'objectif suivant
réserve,
régi-
les
droite dans Tordre et
la :
1 I
e
régiment d'infanterie
e
d'Haudromont) 8 régiment de tirailleurs 4 zouaves (ravins de la Dame et de la Cou-
(carrière et
103
chaque régiment accolés en première
Ions de ligne,
DOUAUMONT
A
;
e
leuvre)
4 e régiment mixte, zouaves et tirailleurs
;
ferme
(ouvrage et
Douaumont) Maroc,
.
Thiaumont,
de
village
le fort lui est
réservé.
La carrière d'Haudromont, au-dessus de
Douaumont
route de
de
Quant au régiment colonial du
car elle découpe sur la colline
les crêtes voisines,
argileuse, plus proche
un long rectangle
la
à Bras, s'aperçoit de toutes
du sommet que de
clair
la base,
de 2 à 300 mètres de lon-
gueur sur 50 ou 60 de largeur. Dans sa pierre calcaire, qui est utilisée depuis bien des
par tous
les bâtisseurs
de
la
années
région, l'ennemi a
creusé des abris, des casemates, des galeries qui défient les gros calibres, et
il
en a protégé
les
abords par des retranchements et des flanque-
ments garnis de mitrailleuses. Au début de bataille
l'ont
de Verdun,
les
troupes du 20
e
la
corps qui
occupée l'avaient fortifiée en creusant en
avant une tranchée qu'elles ont appelée du
du général commandant
le
nom
corps d'armée, tran«
LES CAPTIFS DÉLIVRES
104
chée Balfourier, et sur
Nourrisson, du
flanc, courant
le
une seconde
au nord,
nom du divisionnaire.
du sud
tranchée
tranchée, la
L'ensemble
de ces travaux forme une sorte de vaste triangle
dont
la carrière serait la base.
1916,
Perdue
le
17 avril
carrière a été reprise le 21 mai, lors de
la
notre offensive sur Douaumont, et reperdue
24 avec
Le
e
1 I
régiment d'infanterie, dont
premier colonel
et
fut le cardinal
composé de Gascons
est
le
le fort.
et
fondateur
le
de Richelieu,
de Basques. C'est une
troupe remuante, ardente, loquace et d'un élan
Son chef,
gai.
un
colonel de Partouneaux, est
le
brillant cavalier qui a
seurs
commandé
le
12 e chas-
lorsque les Allemands, battus aux Éparges
:
en mars 1915, menèrent une violente offensive au mois il
d'avril suivant sur la
amena
ses escadrons
barrer la route d'état-major de là,
il
à la
si
tranchée de Galonné,
promptement
l'ennemi. Plus tard,
il
qu'il
put
fut chef
région fortifiée de Verdun.
commandement d'un
fut appelé au
De
régi-
ment d'infanterie. La tranchée de départ occupée par
le
II
e
régiment
coupe à angle droit
est la
tournée vers
et
route de Bras à Douau-
mont. A 200 mètres environ risson lui fait face,
l'est
la
tranchée Nour-
que rencontre en oblique
la
D'HAUDROMOINT tranchée Balfourier;
Le
A
DOUAUMOJNT
la carrière
ferme
105
le triangle.
bataillon Martel est chargé de se jeter sur la
tranchée Nourrisson et de gagner de
chée Balfourier, tandis que
là la tran-
bataillon Négrié
le
fera l'assaut de la carrière. Les
hommes
sont
si
impatients de partir qu'ils devancent de deux
minutes l'heure prescrite. La tranchée Nourrisson tranchée Balfourier se défend, mais
est vide, la elle est
débordée
et
dépassée, et d'ailleurs
si
bou-
leversée qu'il est assez malaisé de la reconnaître. Il
faudra revenir en arrière,
installer et
donner
qui attaque
la
la
la carrière.
La
5
déblayer pour
s'y
e
main au
2 bataillon (Négrié) e
e
et la 7
compagnies
de ce bataillon montent à l'assaut en entonnant couplet de
la Marseillaise
un peu modifié
Nous entrerons dans
Quand
les
le
:
la carrière
Boches n'y seront plus...
Les Boches y sont encore et pourraient y opposer une défense redoutable et prolongée s'ils n'étaient surpris
désemparés.
et
Il
faut avant
toutes choses paralyser l'action des mitrailleuses
qui
suffiraient à faire
avorter
l'opération.
Le
sous-lieutenant Sergent aborde avec sa section le
blockhaus par
le
sud
:
une douzaine d'Allemands
sortaient à cet instant pour servir les pièces; le
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
106
feldwebel qui
les
conduisait est tué, les autres se
rendent, les mitrailleuses sont prises et retournées.
Le sous-lieutenant Carême
hommes
par
le
nord.
Il
arrive avec ses
marche
le
premier, en
avant, et se trouve tout à coup entouré d'ennemis
armés* de grenades qui s'étaient
compagnies d'assaut nique parmi
infiltrés entre les
et tentaient
les assaillants. Il
de jeter
la
tenait à la
son pistolet-lance-fusée. N'ayant pas
le
pa-
main
temps de
chercher une autre arme ni d'appeler du secours, il
tire sur le
groupe qui s'avance. La fusée part,
traînant derrière elle toute celles.
Un
une queue
d'étin-
grenadier est atteint. Le groupe, épou-
vanté par cet engin inconnu, se hâte de se rendre
au sous-lieutenant Carême que rejoignent heureu-
sement
ses
pagnie
hommes. Deux
entrent
supérieur et
la
dans
la
e sections de la 7
carrière
lutte continue
par
com-
l'étage
au dedans
,
les
Allemands lançant des grenades de bas en haut, nos fantassins tirant de haut en bas.
Un homme
découvre un dépôt de grenades ennemies qui est aussitôt utilisé avec des cris de joie. Les sapeurs
font sauter les
casemates. Enfin, un mouchoir
blanc apparaît au bout d'un bâton. Le reste des assiégés,
une cinquantaine,
capitule.
Le 11 e régiment, au pivot de
la bataille, avait
D'HAUDROMONT
DOUAUMONT
A
107
peu d'espace à parcourir, mais une forte position à enlever. Unissant l'audace de l'attaque frontale
à l'habileté de la
manœuvre de
flanc,
il
lui fallut
néanmoins plusieurs heures pour venir à bout d'un ennemi formidablement retranché. il
dû
avait
subir,
dès
bombardement meurtrier. Dans plus rin,
et
atteinte,
comme
le
Déjà
pointe du jour,
la
un
tranchée la
la
Mau-
sous-lieutenant
commandant le peloton, venait d'être tué les hommes, immobiles, sans abri,
que
montraient quelque inquiétude, Causans,
faisant fonction
le
capitaine de
d'adjudant-major au
2 e bataillon, se porta auprès de ce peloton et,
pour
maintenir en état de confiance,
le
parapet
sur le
et
il
y demeura tranquillement.
L'usure des compagnies d'assaut obligea
mandement
monta
à faire appel au
er
1
le
com-
bataillon, mis en
réserve, pour alimenter le combat.
Le
soir,
une
contre-attaque allemande déclenchée contre la
compagnie de gauche qui perdit
trois
officiers
sur quatre, venait se briser sur nos lignes.
#
Le et
le
8
e
4
tirailleurs (lieutenant-colonel e
zouaves
Dufoulon)
(lieutenant-colonel Richaud)
LES CAPTIFS DELIVRES
108
doivent atteindre, à travers pentes nord du ravin de
les
pentes nord
les
Couleuvre. C'est un terrain acci-
la
qu'un bombardement de
denté
Nawé,
bois
le
Dame comme premier
comme deuxième,
objectif, et,
du ravin de
la
mois
huit
achevé de bouleverser, tout en bosses, en
a
taillis
arrachés, en déclivité tantôt lente et tantôt rapide, nid à traquenards et à surprises, propre à
une guerre d'embuscades, à une faudra parvenir jusqu'à
la
route
guérilla.
Il
de Douaumont
à Bras pour tenir le village et interdire à l'ouest l'accès
du
rain, sera
fort.
La
difficulté,
de maintenir
sur
un
les liaisons.
pareil ter-
On
de vue aisément, on ne peut garder
se
la
perd
même
allure sur la raideur des pentes et sur les surfaces plates.
Le combat
d'épisodes.
Ici,
se
l'on
contre mauvaise. Là,
rompra en une multitude avance presque sans renil
faut s'attardera l'assaut
d'un blockhaus ou d'un élément de tranchée. La beauté de la
la
marche
aux
détails
manœuvre
et
sera d'assurer l'unité de
de pousser au but sans s'attarder
de l'opération. Les
hommes
passe-
ront par-dessus des abris armés et bourrés de
garnison, continueront leur course au delà de l'obstacle franchi, quitte à revenir ensuite vérifier le terrain
acquis et briser les résistances qui
D'HAUDROMONT s'y
A
109
pourraient encore dissimuler ou laissant
soin de ce nettoyage
Le
saut.
soir
Dame
et
le
aux dernières vagues d'as-
du 24 octobre
trois jours qui suivront, les la
DOUAUMONT
du ravin de
la
et
même
les
deux ou
redoutes du ravin de
Couleuvre seront en-
core explorées, assiégées et réduites
il
:
en sortira
des prisonniers qui n'auront pas soupçonné les résultats de notre victoire et qui seront surpris
d'avoir été dépassés.
La merveille de et les
l'opération, pour les tirailleurs
zouaves, sera donc d'avoir suivi rigoureu-
sement l'horaire
de s'être donné
fixé et
la
main
sans interruption de la chaîne.
A
—
la
gauche,
bataillon
les
deux bataillons de
Bureau
et bataillon
marchent accolés. Sur gènes,
le
le
tirailleurs,
Donafort,
—
départ des troupes indi-
commandant Hoog, chef d'escadrons
au 4 e régiment de spahis, adjoint au colonel
commandant
le 8
e
régiment de
tirailleurs,
porte cet incident caractéristique
rap-
au point de
vue des résultats de notre politique musulmane et
de l'attachement indéfectible qu'elle a su
pirer pour la France
:
«
Aussitôt après la sortie
des tranchées qui s'était accomplie dans parfait et dans
deur
et
ins-
un ordre
un calme impressionnant de gran-
de beauté,
les tirailleurs
indigènes qui se
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
110
portaient en avant dans
commandant Donafort
immédiat du
cercle
le
précipitent
se
sur leur
chef dans un élan joyeux, lui baisent l'épaule et l'assurent par les démonstrations les plus vives
de leur bonheur de se mesurer enfin avec l'en-
nemi de
France, de
la
victoire et de
combattre jusqu'à
le
la
mourir pour leur patrie d'adoption.
Magnifique spectacle que rendait plus émouvant encore l'instant précis où
La première vague et
de
fusiliers, la
fusiliers.
est
il
s'accomplissait.
composée de grenadiers
deuxième de voltigeurs
Presque dès
le
»
et
de
départ, des mitrailleuses
ennemies, dissimulées dans des trous d'obus, entrent en action. Tandis que des groupes de
grenadiers les prennent à partie,
continue cidents
:
«
vagues déferlent à
le
des
même
la
»
.
—
«
premières tranchées
Lecoq
capitaine
19 e compagnie, se
fit
allure,
sont dirigés vers l'ar-
rière en véritable troupeau
écrit
progression
sans être retardée par ces petits inci-
les
les prisonniers affluent et
sement
la
qui
Le franchisallemandes,
commande
sans difficultés.
la
La vague
de renfort resta formée en petites colonnes pen-
dant toute
la
durée de
l'assaut,
celles-ci trouva facilement
La première vague
fut
et
chacune de
un point de passage*
un peu disloquée
(les
D'HAUDROMONT
hommes
A
DOUAUMONT
111
étant obligés de descendre et de re-
monter pour franchir
les
tranchées)
,
mais se
remit très rapidement en ordre. L'ennemi n'offrit
aucune résistance digne de soldats, mais au
contraire se rendit en masse. Les prisonniers qui
ne furent pas dénombrés furent immédiatement dirigés vers l'arrière; la soudaineté de l'assaut les
avait rendus
ennemis, dans
fous de terreur.
de
les ravins
la
Les abris
»
Dame
et
de
la
Couleuvre, regorgaient d'habitants qui pensaient éviter les ennuis de notre
bombardement. On
les
ramassa en paquets.
Au
un chef de bataillon
fut capturé avec tout son
ravin de la Couleuvre,
état-major.
Cependant un groupe ennemi escortant une mitrailleuse
bat
en retraite
méthodiquement,
s'arrêtant tous les cinquante pas la
pour remettre
pièce en batterie. Mais les grenadiers, courant
sur ses flancs, parviennent à le dépasser et le
prennent à revers
:
le
servant avait sa mitrail-
Un
leuse amarrée au poignet.
poste téléphonique
oppose une résistance acharnée à une section de la 6
pris
e
compagnie dont le
sous-lieutenant Terson a
le
commandement
capitaine
:
trois
après la mort de son
de nos
pénétrer à l'intérieur
où
hommes ils
sont
réussissent à
grièvement
LES CAPTIFS DELIVRES
112
blessés par l'explosion d'une
mine dans
ment
des appareils.
coupaient
qu'il
delà du ravin de
les
fils
Couleuvre conquis
la
patrouille pousse jusqu'au ravin
moAu
le
une
,
du Hellyoù
elle
ne découvre personne,
mais nos barrages ne
permettent pas
plus
lieutenant
porte
se
Douaumont
au
fraction
delà de
la
sous-
de
sa
route de
à Bras, trouve quatre pièces de 77
un obusier de 150 que notre
ou moins détériorés achève de
Le
ayant.
avec une
Gilbert,
compagnie,
et
d'aller
:
artillerie a plus
ne pouvant
les
ramener,
mettre hors de service avec
les
il
les
pétards qu'il a emportés et avec des grenades qu'il
allume et
leur bouche.
glisse
sodes, tandis que talle
dans l'âme des canons par
Le combat s'achève dans
au sud de
la
le
ces épi-
gros des tirailleurs s'ins-
route de Bras et entreprend
sans retard l'organisation
de
la
position
con-
quise.
e"
sa
Le 4 zouaves (lieutenant-colonel Richaud) a bonne part dans la conquête des ravins aux
pentes abruptes et perfides de la
Dame
Couleuvre. Déjà, au début de septembre, contribué à arrêter
la
et il
de
la
avait
dernière des offensives
D'HAUDROMONT
A
DOUA1ÎMONT
allemandes sur Souville par Chapitre et
ferme
la
—
colonel Richaud, torité
bois de Vaux-
Haie-Renard. Dans son rapport sur
la
événements de
les
les
journée,
chef à
et paternelle
lieutenant-
le
l'œil clair,
compose, sans
leurs adversaires,
faits
Dame
la
de
Les nom-
«
:
prisonniers dans les ravins
Couleuvre témoignent pour
de
la
la
plupart d'un ahurissement complet
s'ils
et
de
et celle
l'avoir cherché,
plus pittoresque des diptyques
breux Allemands
à l'au-
ensemble, — mettant
en regard l'attitude de ses zouaves
le
113
comme
ne s'étaient nullement attendus à notre atta-
que...
Un
officier
supérieur sorti en hâte de son
en
abri à l'appel de l'adjudant Caillard, apparaît culotte, sans molletières, tenant à la
dernières qu'il offre à «
main
ces
l'adjudant en criant
Chef de corps! chef de corps!
»
Un
:
vague-
mestre était en train de procéder au triage des lettres;
il
deux bras aux
sort de son trou, les
levés, brandissant
lettres,
monsieur!
» II
plupart criaient «
Camarades.
tassin
u
d'une main sa boîte
»
:
«Pardon! pardon,
est d'ailleurs à
remarquer que
Pardon
plus encore que
:
«
!
»
Voilà en propres traits
allemand de 1916, <
les
de l'autre une liasse d'enveloppes et
d'une voix suppliante
s'écrie
yeux hagards,
tel
le
la :
fan-
que l'attaque des 8
LES CAPTIFS DELIVRES
114
lignes de
Douaumont nous
le
révèle...
»
Quel
réconfortant spectacle offre par contraste l'autre
panneau!
«
Avant l'attaque, pendant
l'assaut,
dans l'organisation des positions conquises,
le
zouave demeure toujours égal à lui-même, digne des
traditions
certain
des
de section
glorieuses
triomphes de lui
incarne,
qu'il
demain.
donnent un
superbe
gage
Ses
chefs
et
cons-
tant exemple. C'est le lieutenant Jamilloux,
un
merveilleux entraîneur d'hommes, sérieusement blessé au bras dans l'assaut,
même
demeurant quand
à son poste de danger jusqu'à ce que ses
forces le trahissent; c'est le sous-lieutenant
Bon-
nin qui pleure de rage quand son capitaine
le
place en réserve, et qui trouve toujours un bon prétexte,
— vague de
brume ou de fumée,
à protéger, mitrailleuse à aller prendre,
dépasser l'objectif
fixé et flairer
péril; c'est le sous-lieutenant le
premier partout, à
flanc
— pour
de plus près
le
Lemaire, toujours
l'assaut, à
la
reconnais-
sance, et qui ne devient le dernier que lorsque celle-ci reçoit l'ordre
de rentrer...
»
La
citation
des gradés et des zouaves n'est pas moins savoureuse. Elle se termine par
«
leur aïeul à tous,
Redonnet, engagé volontaire à cinquante-sept ans et plus jeune de cœur que les plus jeunes*
DMIAUDROMONT présent
fait à la
A
DOUAUMONT
génération de
115
par
la victoire
la
génération élevée voici bientôt un demi-siècle
dans
crépuscule de nos malheurs...
le
»
Redonnet, simple soldat, réclame une pause de quelques minutes. Je tiens de lui-même son histoire.
faut la lui
Il
tirer
de la bouche. Ce
Gascon n'est pas vantard. Les cheveux gris, la barbe
grise,
les
joues creusées,
les traits graves, le teint basané,
pour un vieux marchand de
le
on
nez busqué, le
tout à son
tapis,
affaire et ne devant rien à personne, vifs, serrés
prendrait
si
yeux
les
entre de petites rides, ne contenaient
plus de songes que l'existence ordinaire n'en peut réaliser.
pierres.
La Il
vie l'a patiné
est
du pays de
Garonne. Dans
comme le temps les Commenge en Haute-
sa jeunesse,
il
fut colporteur et
roula un peu partout, en Espagne, en Angleterre,
au Mexique, transportant en tous lieux avec son ballot l'admiration et
quitte
l'amour du pays natal. parle que
sans cesse et ne
mariage,
le fixe
de choix. Ce
à trente-six ans dans
nomade
se
mue
de
lui.
Il
le
Le
une métairie
aisément en paysan
sédentaire, chargé de famille, élevant en paix ses
huit enfants. Mais, il
quand
la
guerre est déclarée,
veut en être. Fils aîné de veuve,
à tout service militaire.
Le
il
fut étranger
voilà qui*
un
jour$
LES CAPTIFS DELIVRES
116
annonce
femme
sa résolution.
On imagine
est consternée et effarée; sa
la
scène
mère,
sa
:
vieille
personne autoritaire accoutumée au gouverne-
ment,
déclare sans barguigner qu'il dit des
lui
sornettes, qu'il est trop vieux et ne partira pas.
Alors
fait
il
Boches,
des concessions
«
:
Je veux voir des
garder des prisonniers au Maroc.
j'irai
Des prisonniers, va pour des prisonniers
c'est
:
un métier de son âge. Et l'ancien colporteur va.
On
au Maroc
le croit
se bat à Verdun.
Il
il
:
se bat
»
s'en
en Artois,
il
revient au pays, en permission,
avec deux étoiles sur
de guerre.
la croix
«
Où
as-tu pris ça? questionne l'aïeule. Pas en gardant
des prisonniers, bien sûr.
On
coupable.
ainsi qu'il fut
capitaine,
pardonne
de
l'affaire
avait bien essayé, le vieil
homme
en route, en
le
moyen de
l'accompagnait.
couvrant une des autres
—
repart. C'est
de Douaumont. Son
de Clermont-Tonnerre,
fonctions utiles, nécessaires
il
comme un
tout de
— de
faire,
même,
le
semer
confiant l'une ou l'autre de ces
Au
à rester à l'arrière.
trouva
et
il
— parce que,
en veut trop
lui
avoue,
Il
lui
capitaine
le
»
le «
même, qui obligent moment Redonnet
dernier
rejoindre
et,
Le capitaine,
facilité
dans l'attaque,
me dit-il,
—
re-
merveilleuse pour parler
a gardé sa canne sous
le
bras pendant
D'HAUDROMONT toute la bataille.
Il
marche.
»
pour
la
A
DOtJAUMONT
ne s'en
même
est
117
pas servi
Et son accent qui carillonne
comme
précipite les syllabes
me-
aussi
elles
si
naient l'assaut.
Le capitaine de Clermont-Tonnerre qui, canne pendue au bras, conduit
comme un
bagarre
hommes
ses
la
à la
père ses enfants à la prome-
nade, ancien officier, ami et jeune disciple du
comte deMun, attaché aux œuvres sa place d'élite
comme
son illustre patron
dans l'armée et demandé
où
le
plus de prisonniers
(4
le 1
:
le e
Son bataillon
sert.
il
Jacquot) est peut-être celui qui,
ramené
naturellement
sociales, a repris tout
:
régiment capitaine
24 octobre, a
600. Sur l'heu-
reuse et presque joyeuse progression de sa
pagnie et de
la
com-
compagnie voisine, capitaine
Àgcron, un des acteurs a par les Boches dans
le
écrit
:
«
ravin de la
Un abri occupé Dame résistait,
tandis que les vagues d'assaut continuaient leur
marche triomphante. Le capitaine Ageron,
les
poches bien garnies de grenades, vient vérifier l'œuvre de ses nettoyeurs. Soudain, de
d'un souterrain, plusieurs officiers
l'orifice
surgissent,
revolver en main. Ageron lance une grenade;
par malheur
elle rate
son objectif, atteint
le
mon-
tant de l'entrée, éclate et blesse le propre ordon-
LES CAPTIFS DÉLIVRES
118
nance du capitaine. Des zouaves accourent «
camp, leur
F... le
dit
que je vous tape dessus!
Et,
»
substituant le
revolver, plus précis, à la grenade folle, se débarrasse
de
:
Ageron, vous voyez bien
six adversaires.
Un
Ageron
septième se
rendit ou, plus exactement, blessé, se releva pour
rejoindre au pas de gymnastique des
rades
»
qu' Ageron,
«
kama-
après les avoir extraits et
groupés, venait d'expédier vers l'arrière. capitaine
Ageron reçut, pour
»
Le
ses exploits dignes
des chansons de geste et accomplis dans la bonne
humeur, neur.
«
la croix d'officier
Quand
nerre, réserve
la
du
de
la
Légion d'hon-
compagnie de Glermont-Tonbataillon,
formée en
petites
colonnes d'escouades, descendit à son tour flanc
du
ravin,
on put voir ce spectacle étrange,
inoubliable, de visés
le
deux courants d'hommes subdi-
en de multiples
filets
parallèles et qui
mar-
chaient en sens inverse. L'un constitué par les
zouaves, la pipe et la bretelle, filait
la
gaudriole au bec, l'arme à
d'une allure calme et tranquille
vers les positions boches; plus épais, était formé de
l'autre, plus dense,
files
de
«
kamarades
»
silencieux qui, dans une hâte fébrile, couraient vers nos tranchées de départ, courbant l'échiné
sous les shrapnells de leurs frères.
Aucun désordre,
D'HAUDROMONT aucun mélange. Les
DOUAUMONT
A
files
d'attaque se rappro-
de captifs pour quérir,
chaient seulement des
files
au passage,
de cigares ou
par
livrés le
les boîtes
les
marche sur
objectif, rares étaient les
zouaves qui
kamarades. Pendant
ne fumaient pas un énorme cigare; fut arrivé,
saucissons
la
les
deuxième
119
le
repas de
et,
quand on
s'agrémenta
conserves
de délicatesses d'outre-Rhin. En tête de leurs
hommes, officiers
et
la
mine basse, manteau
flottant, les
allemands ne sortaient de leur attitude
de leur torpeur que pour saluer
français qui s'en allaient à l'attaque.
Un
autre trait complétera cette
précise et allègre.
Comme
mont-Tonnerre gravit de
Dame, un
la
les
officier
la
les officiers »
description
compagnie de Gler-
pentes nord du ravin
supérieur allemand pri-
sonnier, décoré de la Croix de fer et de plusieurs
autres ordres, la regarde monter, puis s'avance ,
vers le capitaine, la
main tendue en un
hésitant et une attitude contrite.
geste
Le capitaine de
Clermont-Tonnerre, qui tient son revolver d'une
main, prend de l'autre sa canne suspendue au bras
:
il
se contente
de regarder fixement son
étrange partenaire qui ramène aussitôt la main
tendue à
la visière
du casque
et s'incline
dément. Et ce dialogue s'échange
:
—
profon«
Soyez
LES CAPTIFS DELIVRES
120
sans crainte pour vos
on ne leur
hommes;
fera pas de mal.
monsieur, répond l'autre, sont
que
soldats
lang
.
j'aie
ma
vus de
se rendent,
s'ils
—
»
vie
«
Vos zouaves, beaux
les plus
—
mein Leben
>
»
#
Gomment
#
•
quitter les zouaves sans relater
Tune des aventures
les plus stupéfiantes
un véritable conte des
taille,
Mille
de
la
ici
ba-
une Nuits,
et
tout à coup intercalé parmi les chants d'épopée?
Et précisément à cause de son air de conte des Mille
une Nuits,
et
il
faudra bien donner à cet
épisode l'authenticité d'un rapport. J'ai dit que les
vagues d'assaut avaient passé par-dessus des
abris bourrés de Boches sans prendre le
de
les
et
même
nettoyer et qu'il y eut,
Tintérieur
hommes
jours
les
et
des
fantassins
temps
du 24
combats
des
suivants,
de nos nouvelles
soir
le
entre
lignes
allemands
à
nos
sortant
de leurs trous et ne comprenant rien à leur situation singulière.
Mais ce qui arriva au ser-
gent Julien est autrement bizarre. à lui tout seul de six officiers, et six mitrailleuses, et Il
appartient à
la
il
Il
s'empara
deux cents soldats
en fut
le
plus étonné.
13 e compagnie du 4 e zouaves.
D'HAUDROMOJNT Voici
comment
le fait
rapport de sa compagnie relate
le
la naît
du 24 au 25 octobre 1916,
de ravitaillement de conduite par
de
le
la
journée,
nuit
était
tanément sa heures sur
corvée
la e
e
13 compagnie du 4 zouaves,
sergent Julien,
Douaumont-Bras
la
La
121
:
Dans
route
DOUAUMONT
A
,
se
de
rendait
au cours
objectif atteint
au point de ravitaillement très
obscure
elle
:
la
de.,.
momen-
perdit
direction et se trouva vers vingt-trois le
plateau
au sud- ouest
du fort de
Douaumont. Soudain
le
sergent Julien et
qui marchaient en
tête, se
chaîne de tirailleurs dont
le
zouave Bourdassol,
virent mis en joue
par une
ombres avaient surgi à
les
quelques pas.
A peine ne
tirez
avaient-ils crié
pas!
»
qu'ils
Les
«
Quatrième zouaves,
furent entourés
zouave Gueno qui marchait la corvée
:
le
et saisis
troisième;
avec
le reste
le
de
put s'esquiver.
trois
prisonniers furent précipités violemment
dans une sape profonde au fond de laquelle s'ouvrait
une longue galerie, fort bien éclairée provisions, Ils
tonneaux d'eau-de-vie,
et
garnie de
conserves,
etc.
furent conduits dans une chambre où se trouvaient
six officiers
allemands. Ils apprirent alors qu'ils
LES CAPTIFS DELIVRES
122
M
dans un certain ouvrage
étaient
(l)
,
dépendance
du fort de Douaumont, occupé par une compagnie allemande. Interrogé par
capitaine,
le
défendit d'être prisonnier vous,
Damloup
et
vous
c'est
batterie
de
êtes cernés.
»
la
fort,
officiers témoignèrent alors une grande
et
le
commandant de compagnie donna
l'ordre de déséquiper les
pour
et sortit
le
sont entre nos mains
Les six surprise
Les prisonniers ,
«
.
Douaumont,
dit-il.
sergent Julien se
le
hommes.
Il fit
aller se rendre avec toute sa
même
de
compagnie
à V officier du régiment colonial qu'il rencontra
le
premier.
Les coloniaux entrèrent alors dans V ouvrage prirent livraison des
et
200 Allemands.
En reconnaissance,
sans doute,
au sergent Julien son revolver
le
et
capitaine
donna
son couteau-poi-
gnard à dragonne d'argent. Julien avait aperçu six mitrailleuses
deux avec V intention de
Le
sol était si
disant (1)
et qu'il
cet
officier
qu
en prit
qu'il dut
renoncer à
remit ses deux mitrail-
au lieutenant Roux, de à
//
porter à son capitaine.
peu praticable
conserver sa prise leuses
les
.
la
elles
19J52 du Génie, en appartenaient au
Cet ouvrage a été identifié. C'est l'Abri 320, proche
de Douaumont.
le fort
D'HAUDROMONT e
4 zouaves dassol
.
Il
les
roi Scharriaret
zouaves Bour-
pour
qui,
.
distraire le
l'empêcher de dépeupler l'Arabie,
inventait Aladin ou les
les
123
tranchées de sa compagnie
La sultane Scheherazade
Baba ou
DOUAUMONT
regagna ensuite avec
Gueno
et
A
la
Lampe
Quarante voleurs
merveilleuse, Aliet
d'autres
tant
histoires qu'elle enchevêtrait les unes
dans
les
autres pour en reculer le dénouement, à la façon
des architectes égyptiens
qui construisirent
le
Labyrinthe, n'aurait pu trouver mieux que l'aven-
Douaumont. Rien n'y manque,
ture du zouave de ni le
chemin perdu
et la surprise
ténébreuse descente dans
nocturne, ni
la terre,
la
ni le réveil
dans un palais enchanté, aux parois ornées de
tonneaux
et
de boîtes de conserves, ni
brillamment éclairée où ni le
les
brusque renversement de
du captif
profit
maitre
qui,
la salle
chefs se rassemblent,
tout à
la situation
coup,
devient
au le
de ses gardiens et de leurs richesses.
Assurément, dans
la
grande guerre,
de Douaumont méritait un chapitre.
le
zouave
Gomme
les
musiciens introduisaient de gré ou de force un ballet dans les opéras les plus dramatiques,
sorte
que
le
en
public fût préparé par le spectacle
des entrechats et des pointes à la mort de
Roméo
LES CAPTIFS DELIVRES
124
et Juliette,
de Raoul et Valentine, ou de
couple désigné par
mont, dans
la
la poésie, le
tel
autre
zouave de Douau-
sévère épopée de Verdun, repré-
sentera le divertissement d'usage. * # *
Le 4
e
régiment mixte, zouaves
et
tirailleurs
(lieutenant-colonel Vernois), doit s'emparer en
deux bonds de toutes sives
de
Douaumont. Ayant
organisations défen-
les
Thiaumont au
crête de
la
deux
à enlever
mêmes
bataillon
à
indigène,
un
bataillon, réservant au
dont l'élan au cours d'un
assaut est remarquable,
l'enlèvement du pre-
mier objectif (jusqu'au sommet de tre les ravins et confiant
de
la
dif-
décision de confier
colonel prit la
le
chaque mission
de
objectifs suc-
cessifs qui paraissaient présenter les ficultés,
village
Dame
et
de
au bataillon de zouaves
du deuxième objectif
(lisière
la crête
la
nord
en-
Couleuvre) la
conquête
du village
de Douaumont) qui semblait devoir exiger l'em-
manœuvrière. Le dispo-
ploi d'une troupe plus sitif
adopté fut celui-ci
:
le 6
e
bataillon de tirail-
leurs indigènes en tête, puis le 6
zouaves,
—
le 3
e
e
bataillon de
bataillon de tirailleurs restant
D'HAUDROMONT en
réserve,
—
A
chaque
double, les compagnies
colonne double,
les
DOUAUMONT
125
en
colonne
bataillon
formées également en
compagnies de mitrailleuses
échelonnant leurs sections sur
A
les flancs.
entraînés
l'heure prescrite, les tirailleurs,
par leur chef,
le
commandant Maffrey,
s'élan-
cèrent d'un seul bond hors des tranchées. Malgré les difficultés de parcours d'un terrain argi-
leux qui, sur la crête de Fleury, est particulière-
ment détrempé sans arrêt
le tir
et
bouleversé,
franchissent
ils
de barrage adverse et atteignent
en quelques minutes
les
premières tranchées
ennemies. L'ouvrage de Thiaumont est débordé sur la droite par la section de l'aspirant Baylot,
soutenue par
la
section
en renfort, tandis que
du sous-lieutenant
Ali
deux sections des
les
adjudants Beaufrère et Delbecq marchent droit sur l'ouvrage. L'aspirant Baylot arrive
mier
:
il
se heurte à la résistance
mands terrés dans un abri Le premier qu'il aperçoit à lève les bras,
tandis
que
le
comme
s'il
deuxième
l'entrée
faisait le
pre-
de sept Alle-
moitié
à
le
éboulé.
de
l'abri
Kamarad
«
met en
joue.
l'abri.
L'ouvrage
est
emporté,
la
il
,
Sans
perdre son sang-froid, l'aspirant se couche à coups de revolver et de grenades,
»
et,
nettoie
marche çon-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
126
tinue sur la ferme de Thiaumont. Le brouil-
de
comman-
vient survoler nos lignes à
moins de
lard est toujours
dement
L'avion
épais.
50 mètres de hauteur. distinguent-ils, mais
A
ils
peine
les tirailleurs le
entendent
le
bruit du
moteur. Alors un clairon, pour avertir teur, la
la marche du régiment Au drapeau. L'aviateur,
sonne
sonnerie
et
l'avia-
exécute
renseigné,
repart pour rendre compte.
Pendant que
organisent la pre-
les tirailleurs
mière position conquise,
le
bataillon des zouaves,
qui les suivait à 200 mètres, les rejoint, franchit la crête qu'ils
occupent
sur le village de
Douaumont dont
liaison étroite avec le et le
et se porte
il
s'empare en
régiment colonial à droite
4 e régiment de zouaves à gauche.
peine trois heures du
programme il
:
a-t-il été
a
fallu
Il
est à
soir. Ainsi l'invraisemblable
rempli à l'heure dite.
L'ouvrage de Thiaumont,
mont
d'un seul élan
tant de
le village
sang,
de Douau-
d'efforts
et
de temps à l'ennemi pour prendre ces amas
de ruines dont nous l'avons chassé
Sur sa hauteur,
mine tout
le
le
fort
champ de
bataille.
passé sur sa gauche. Mais que droite?*
»
*
si
vite!
de Douaumont do-
Le
voici
dé-
se passe-t-il à sa
II
DE LA BATTERIE DE DOUAUMONT AU RAVIN
DE LA FAUSSE-CÔTE
Sur
même
la droite
du
temps, s'avance
pour son premier delà
fort
de Douaumont, dans la
division Passaga qui, doit
objectif,
du fameux ravin du
où passe
Bazil
la Caillette, la batterie
de
la
au
atteindre,
ferrée de Fleury à Vaux, la partie sud
de
le
la
voie
du bois
Fausse-Côte
et,
sur le versant sud de ce ravin, les pentes nord et est
de
la
a gardé
croupe de Vaux-Chapitre dont l'ennemi
une partie en
combats de septembre
sa
possession après les
et qui
faisaient saillant
dans nos lignes. Ce premier objectif représente déjà
un
effort et
un gain considérables,
et la
division Passaga est, des trois divisions d'attaque, celle qui a le plus
long chemin à parcourir. De
plus, à cause de ce saillant
même,
ses troupes
sont disposées en équerre dans les tranchées de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
128
en sorte que
départ,
manœuvre
il
:
le
départ est déjà une
faut se redresser sans confusion,
calculer exactement les distances pour les batail-
lons accolés.
cette difficulté s'ajoute celle
manœuvre
la
du
qui complique les liaisons. Cepen-
brouillard,
dant
A
s'exécute au mieux. Le second
objectif doit porter la division jusqu'à la tourelle
qui se trouve à
l'est
du
fort,
aux pentes nord
et
du ravin de
la
Fausse-Côte et à l'ouest de
l'étang de Vaux.
Il
décrit
est
une ligne légèrement forme
même du
faut
donc des-
remonter
les pentes.
incurvée sur la droite, selon
la
Des crêtes occupées,
il
ravin.
cendre dans
La
les fonds, puis
division est
ments
à
:
gauche
le
composée de deux groupegroupement Anselin compre-
e
nant le 321 régiment (lieutenant-colonel Picard) le
36 e bataillon de
tirailleurs sénégalais
compagnies sont intercalées entre 116 e bataillon de
les
Raoult) et 102 e
sous
le
commandement du
Hutin; à droite
107
e
tiaux)
le
et le
du 321% (commandant
Florentin) réunis
lieutenant- colonel
groupement Doreau, avec
bataillon de chasseurs
;
le
(commandant Pin-
401 e régiment d'infanterie
nant-colonel Bouchez)
les
celles
chasseurs
(commandant
dont
en réserve
le
(lieutee
32 batail-
lon de chasseurs (commandant Wendling). Le
DOUAUMONT
DE
A LA
FAUSSE-COTE
129
général Anselin, inspectant ses troupes, constaté la veille est
émouvant.
»
«
:
On
avait
hommes comme il
L'enthousiasme des sait qu'il fut tué,
revenait à son poste de Fleury, une heure avant l'action.
Le colonel Hutin prend
sa place,
rem-
commandant mener personnelle-
placé lui-même par le
Raoult qui
espérait avoir l'honneur de
ment Au
à l'assaut son bataillon de chasseurs.
départ, les compagnies du 321 e ont à tra-
verser la crête glaiseuse de Fleury qui est, par
elle-même, un
obstacle.
Elles
sans arrêt, avant que le barrage
franchissent
la
ennemi
s'abatte
sur Fleury. D'ailleurs, l'artillerie allemande, sans
vues
et sans
Fleury et
renseignements, laisse
la voie ferrée
raison des difficultés
la
zone entre
à peu près indemne.
de
terrain
et
des
En
résis-
tances escomptées, spécialement pour la prise du
deuxième
objectif, le colonel Picard a
commandement de
fortement
organisé
le
saut
Estimant que l'action des chefs
«
:
la
troupe d'asétait
limitée en largeur à la vue directe de leurs élé-
ments, quatre groupements étroits mais échelonnés en profondeur étaient confiés à trois ciers supérieurs et les
troupes
du 321 il
e .
offi-
un capitaine adjudant-major,
noires
encadrées entre
Ce dispositif
très
les
unités
simple avait été pris 9
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
130
dès
départ par les éléments de deuxième ligne
le
qui devaient simplement rafler au passage du
premier objectif
les unités
de soutien des batail-
lons de première ligne et renforcer ainsi les deux ailes.
»
Le brouillard,
du départ, avait été barrages à
qui, après le redressement si
utile
pour parvenir sans
la voie ferrée, se lève
par éclaircies et
permet d'apercevoir par intervalles
Douaumont.
le
fort
de
L'effet de cette apparition est pro-
digieux. Dès lors, c'est la ruée joyeuse à l'assaut.
Cependant
souins,
nous
le
—
quelques
—
biffins
et se contenter
la tourelle
tassins.
faut laisser le fort
aux mar-
ne résistèrent pas,
verrons, à l'honneur d'y pénétrer les
premiers,
de
il
«
de
la batterie est et
qui sont bientôt couvertes de fan-
Le spectacle,
dit le lieutenant-colonel
Picard qui s'était porté de sa personne au-dessus
de
la
voie ferrée pour embrasser l'ensemble de la
position, était grandiose
:
les
coloniaux,
une marée montante, submergeaient lequel la lutte continuait; à le
les
l'est,
comme
le fort
dans
on apercevait
groupe des bataillons de chasseurs gravissant pentes de la Caillette et de
la
Fausse-Côte,
pendant qu'une interminable colonne grise de prisonniers
remontait
vers Fleury. Chacun,
le
glacis
de Chambitoux
ému, regardait son
voisin,
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-COTE
€n croyant à peine
mée
yeux
et,
chasseurs qui grimpèrent lette sont tout e
1
fut confir-
»
102 e bataillons de
Les récits du 116 e et du
16 bataillon,
sombourg
quand
de Douaumont, ce fut une minute
la prise
inoubliable.
ses
131
les
pentes de
la Cail-
débordants de mâle allégresse.
Au
capitaine adjudant-major De-
le
a pris
commandement. Avant
le
le
départ, le sergent-prêtre Nozeran passe dans les sections et
donne l'absolution
mandent, puis,
à ceux qui la de-
debout à côté de l'aumônier
qu'un obus tuera tout à l'heure, tous deux bé-
—
nissent les chasseurs qui vont partir.
heures quarante
c'est l'heure fixée,
;
«
les
Onze chas-
Le capitaine La première vague
seurs se dressent, baïonnette haute.
Desombourg
lève sa canne.
s'ébranle, suivie de près par les autres.
d'œil est splendide
:
Le coup
couverts de boue, de
la
cou-
leur de celte terre de France qu'ils défendent et
veulent arracher à l'ennemi, les chasseurs sont
Que vont-ils Combien de nids de
superbes de calme et de résolution. trouver derrière
la
mitrailleuses vont
crête? se
révéler et faucher leurs
rangs? Sous quelles rafales de gros obus vont-ils se
trouver pris? Qu'importe.
ordre
comme
à
la
Ils
marchent en
manœuvre. Le
terrain est
LES CAPTIFS DELIVRES
132
pénible figée
on
;
de
:
une mer houleuse subitement
dirait
la
boue, des débris, des cadavres. Des
chasseurs s'enlizent, on les dégage. Le barrage
ennemi commence à les
vagues passent,
éclatent derrière
gnés
Chambitoux des
artillerie,
qu'elles tra-
abris qu'a épar-
balles
grenades bien ajustées et »
.
les
Les
sifflent.
nettoyeurs de tranchées s'y précipitent
marad
impla-
déferlent
Elles
De quelques boyaux ou
notre
:
sont passées. Les obus
elles
elles.
cables dans le ravin de versent.
Trop tard
se déclencher.
:
quelques
Boches font
Ka-
«
Ahuris par notre apparition soudaine,,
hébétés par
le
bombardement,
ils
donnent des
cigares, des cigarettes, leurs bidons, leurs casques
à leurs gardiens sortir
;
de cet enfer.
n'ont qu'une pensée
ils
—
va vous y conduire,
»
«
Verdun,
dit
un
:
vite
c'est là-bas,
loustic.
on
Dans deux
abris à notre droite, des groupes ne veulent pas se
rendre,
ils
tirent sur les chasseurs.
gent M... s'approche des abris
:
Le
deux grenades
incendiaires... et l'on n'entend plus rien.
fumée épaisse s'échappe de nuent à brûler jusqu'au lente,
soir.
ser-
Une
ces abris qui conti-
L'avance continue,
méthodique. Les obus de nos 75, qui font
barrage en avant de nous, refrènent l'ardeur des impatients. La fumée augmente,
le
brouillard.
DE DOUAUMONT
FAUSSE-COTE
A LA
est épais, on se dirige à la boussole.
133
Le ravin du
Bazil est franchi, la tranchée de Berlin nettoyée,
prisonniers
les
Les
affluent.
chasseurs
sont
joyeux de voir leurs groupes qu'on ramène à l'arrière
.
A douze heures trente, la voie ferrée A douze heures trente-huit, les vagues
est atteinte.
sont arrivées au vin qui est
le
leurs, placés à
sommet de
la crête
but assigné. Les
nord du ra-
fusiliers mitrail-
quelques mètres en avant, scrutent
de tous leurs yeux
le
brouillard traître derrière
contre-attaques
lequel
les
doute.
Les chasseurs,
préparent
se
sous
cette
sans
protection,
s'organisent et creusent des tranchées pour gar-
der
le
envoyé
conquis. Le
terrain :
o
comme un fracas du
signal
e
116 chasseurs objectif
rauque
cri
bombardement.
vitesse
»
est
C'est le
»
pour atteindre successivement record de
atteint.
de victoire dominant
Cinquante-huit minutes ont
ce
convenu
prend
suffi
les les
aux
deux
vitriers
objectifs
allures
:
d'une
marche triomphale.
Non moins e
alerte et lyrique est le
102 bataillon de chasseurs qui opère à
récit
du
la droite
LES CAPTIFS DELIVRES
134
du 116
On
e .
comme
que leurs chefs écrivent
dirait
leurs fanfares sonnent et
colonnes courent
:
«
:
c'est
Tordre du général.
l'heure dite, les chasseurs quittent les paral-
lèles
de départ
aucune hésitation, aucun
:
même du
ment, en dépit l'artillerie
cun
le
de barrage que
tir
et,
dans
paysage et amollit
tingue des silhouettes s'alignent
et
en éventail,
le
brume
légère qui
formes, on disqui, en silence,
comme
pour
On
et
hommes, dont
nisme unique qui essaie conscience de sa valeur.
ses
À
forces
un orgaet
prend
treize heures, sans
colonnes d'escouade s'étirent et se
transforment en chaînes continues de la
métho-
l'énergie ramas-
sée est tendue vers l'ennemi, semblent
L'arme à
gagne
par une volonté puissante et
articulée
les
et
reparaître à nouveau.
Rien n'arrête leur progression lente
bruit,
ma-
voit ses colonnes d'escouade
s'évanouir,
tenace. Tous ces
la
de tirailleurs déployés
la ligne
102 e bataillon s'avance
ravin du BaziL
apparaître,
la les
d'hommes
rangent
se
nœuvre. Derrière
dique,
flotte-
allemande concentre sur Fleury. Cha-
son poste,
est à
ouate
le
leurs
L'attaque sera déclenchée à
onze heures quarante
À
comme
main,
les
tirailleurs.
chasseurs du 102 e bataillon
s-avancent et gagnent
la
crête qui
domine
le
DE DOUAUMONT ravin
du
Bazil.
FAUSSE-CÔTE
A LA
Aucune
résistance
135
serait-ce
:
donc un piège? De-ci,
de-là, des patrouilleurs se
détachent et gagnent
la
positions.
sont
là.
nemi
Une
croupe qui domine nos
fusillade vive les accueille.
—
Ils
Impatients, les chasseurs courent à l'en-
et
ne
crépitement des mitrailleuses
le
réussit pas à briser leur élan.
—
Rendez-vous
!
rendez-vous! Les sommations s'accompagnent de gestes significatifs, tandis
vous! Le crépitement sur
le
ciel
mine de
que de part
et d'autre
— Rendez-vous!
la fusillade reste vive.
rendez-
jaillit et l'on voit se profiler
sombre quelques ennemis qui font
jeter bas
merad... Méfiants,
les
armes
:
Kamerad, Ka-
chasseurs continuent leur
les
progression de trous d'obus en trous d'obus.
ne sont plus qu'à 50 mètres,
Ils
et l'on distingue la
haute silhouette d'un capitaine allemand qui lève les bras et incite, semble-t-iî,
suivre.
Geste loyal? non
réédition d'une vieille
:
ses
c'est
hommes
à le
simplement
la
ruse habituelle de nos
ennemis. Nos vitriers n'ont pas avancé d'une semelle que toutes les
démasquant
les
ombres s'évanouissent,
mitrailleuses.
Cette félonie re-
double l'ardeur de nos troupiers
nades arrosent bientôt faiblit sous le
choc
et
les lignes
:
balles et gre-
de l'ennemi qui
cherche son salut dans
la
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
136
fuite.
Mal
l'aide
de leurs camarades et prennent d'enfilade
les
lui
en prend. Les
fusiliers
accourent à
boyaux par où l'Allemand tente d'échapper à
nos coups. Blessés et mourants jonchent et
nos chasseurs s'élancent à
le sol,
poursuite des
la
fuyards. Leur défaite tourne bientôt en déroute;
nombre
d'entre eux, jetant armes et bagages,
cherchent refuge dans nos lignes. Heureux de leur succès, les
hommes
arrachent aux prison-
niers quelques dépouilles opimes le désir
:
la curiosité et
d'emporter un souvenir vont-ils arrêter
leur course et
compromettre
leur attaque?
Un
la
pleine réussite de
clairon a observé cet arrêt à
peine perceptible de nos lignes d'assaut et soudain, vibrant et clair, on entend retentir sur le
plateau les notes entraînantes de la charge a de
la goutte
à boire là-haut,
boire... L'irrésistible
même
de
la vieille
il
sonnerie
y
a de
y à
:
émane de l'âme
France, rappelle à chacun où
est le devoir, et la poursuite continue,
et serrée.
//
la goutte
Nous touchons au but
:
implacable
la
deuxième
ligne allemande est entre nos mains. Mais serat-il
donc impossible d'accuser le coup, de
signifier
à l'adversaire notre volonté de vaincre et de re-
conquérir pied à pied surprise,
sur
le
notre
sol qu'il
récente
nous dispute?
conquête deux
DE DOUAUMONT
A
LA FAUSSE-COTE
137
gradés viennent de planter soudain un drapeau
d'étamine aux le sol
cette heure, sur
qu'ont ensanglanté de longs mois de luttes,
nuance de
la vive
cet étendard de fortune
crier à l'ennemi défaillant «
A
trois couleurs.
poterne du Rhin.
»
:
—
«
semble
Verdun
est la
Gardiens vigilants du pa-
trimoine qu'ont amassé nos pères, fidèles aux traditions
qu'ils
nous ont léguées,
tons pour la liberté du
nous
lut-
monde. Nos pas demain
réveilleront les morts de Lorraine et d'Alsace.
»
Trop rarement, dans cette guerre souterraine de tranchées
et
de mines, d'entonnoirs et de
camouflets, de va-et-vient sur les dévastés,
mêmes
lieux
dans cette guerre d'attente, d'endu-
rance, de souffrance et de patience, l'occasion s'est
présentée de sentir passer sur soi
puissant de la Victoire. Ceux de la si
las
de leur redressement
le
souffle
Marne
étaient
fantastique
qu'ils
n'ont pu comprendre qu'après coup toute l'im-
mensité de
la
tâche surhumaine accomplie par
eux. Le désintéressement du soldat a revêtu,
pendant tant de jours, un caractère quasi sacré qui l'apparente au renoncement de la sainteté.
Mais toire,
là,
on
dans cette bataille de Douaumont, la tient
au cou, on ne
avance, on conquiert
et,
la
la vic-
lâche plus
:
on
ce que l'on conquiert,
LES CAPTIFS DÉLIVRES
138
ce sont des coins de
chargés de
sol déjà tout
passé historique par un flux et un reflux de cent
combats. Alors, de tous ces paroles recueillies, J'ai
eu l'occasion de
regarder sur
une
telle
lire
terrain
le
une
jaillit
de toutes ces
récits,
belle
flamme
claire.
bien des rapports, de
même
bien des visages
:
expression d'allégresse, je ne l'avais pas
encore rencontrée. C'est
la
fleur
poussée sur
le
Douaumont.
cratère de
Le nombre des prisonniers, leur promptitude à se rendre étonnent et réjouissent nos chasseurs et nos biffins. Voici
un capitaine qui ne
ce qu'est devenue sa
compagnie
pas, lui dit familièrement
un
:
«
Ne
d'eux, presque
pas
t'inquiète
vitrier, tu la retrou-
veras à Verdun; on te la rassemblera.
de tout jeunes qui se
sait
y en a mettent à pleurer. L'un
un enfant aux joues
»
Il
roses, qui
porte à peine quinze ou seize ans, se précipite sur le chef de bataillon du 102 e qu'il vient d'aper-
cevoir et se jette à ses genoux en joignant les
mains. Touché de sa jeunesse,
le
commandant
Florentin lui tape sur la joue en riant
:
«
Pauvre
gosse, va-t'en, nous ne faisons pas la guerre
moutards. solliciter
»
Et
le
petit
aux
Boche, rassuré, s'en va
des corvées. Sans les officiers qui les
maintiennent,
ils
n'opposeraient guère de résis-
DE DOUAUMONÏ A LA FAUSSE-COTE
139
tance. Dès que les chefs sont blessés, la défense mollit.
Sur
la
marche du 102
e
bataillon de chasseurs
à pied, voici quelques fragments empruntés' au
commandant
journal du lieutenant Jean Petit, 2 e compagnie.
hommes ciers.
et
Ils
sur leur confiance dans leurs offi-
Le lieutenant
Petit est le
du tribunal de commerce de Cyrien de 1914,
il
de guerre avec
affaires
fils
la
du président Seine. Saint-
a vingt-deux ans, trois bles-
Légion d'honneur,
sures, la croix de la
promu
la
en disent long sur l'élan des
trois
palmes.
Il
la
croix
a précisément été
chevalier de la Légion d'honneur pour les
du 24 octobre, avec
Le 24
octobre
l'assaut à
la
tête
1916
s'est
cette citation
:
brillamment élancé à
de sa compagnie
.
Arrêté par une
position intacte et
puissamment défendue, a attaqué
avec ardeur à
grenade, puis a chargé vaillam-
ment à
la
baïonnette,
la
contribuant pour une large
part à V enlèvement de la position, à la capture de
600 riel
prisonniers et à la prise d'un important maté-
de guerre. Blessé, ne
s'est laissé
évacuer que par
ordre.
Donc,
le
102 e bataillon de chasseurs
matin, dans ses tranchées de départ où
un
violent
marmitage
:
est, il
le
subit
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
140
Heures
où l'homme
terribles
appel à
doit faire
toutes les ressources de son énergie.
Quel plus bel exemple de force morale
de
et
stoï-
cisme que celui de tous ces jeunes hommes attendant,
minute suivante qui
sans sourciller ni se plaindre,
la
doit peut-être leur apporter la
mort
Les minutes semblent des
11 h. 30,
—
le
marmitage
plus atroce!
la
—
siècles.
11
Soudain, un chasseur court vers moi
lent.
lieutenant, le capitaine est blessé
dire que vous preniez
pagnie.
le
15,
h.
toujours aussi vio-
est
:
Mon
«
:
m'envoie vous
il
commandement de
com-
la
»
Quelle joie! Dès lors je ne pense plus aux mar-
moi
mites. C'est bien moi, et
l'honneur de conduire
Jx
Cela m'était bien dû
et
—
augures.
11 h. 35,
nutes, les enfants!
11
canne
h. :
40! «
.
.
.
l*
je vois «
qui vais avoir
seul,
attaque
ma
là
le
chère 2 e
meilleur des
mi-
encore cinq
allons,
—
.
»
Je
me
lève d'un
Debout! tout
le
bond
monde!
et
:
«
Le
moi qui commande ! A moi
ma
»
De chaque trou d'obus mes chasseurs La main en cornet sur la bouche, toutes les directions
brandis
surgissent.
je crie dans
capitaine est blessé la liaison!
:
c'est
»
Je vois des figures radieuses se tourner vers moi,
L
adjudant-chef Adam,
le
casque
défoncé,
la
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-CÔTE
14!
figure tuméfiée, et qui vient d'être retourné trois fois
par un obus, refuse de moi,
se faire évacuer,
il
vient à
au moment de partir, nous nous embras-
et
sons dans une profonde étreinte.
Déjà,
116
le
e
chasseurs, qui doit marcher devant
nous à 800 mètres, décolle sur
dans
le
brouillard
ma
J'assure
boussole ce
En
:
«
avant!
liaison, à droite avec le ve
enfonce
et j'agite
ma
401 d'infane
compagnie ; je sors
angle de marche 46° »
s'
.
à gauche avec la l
terie,
la crête et
»
,
c'est
canne dans
ma
notre tour
:
la direction
des Boches.
La compagnie en
lignes d' escouades
par un, sur
plusieurs vagues en profondeur, se met en
marche
tranquillement.
Nous dépassons nos
crapouillots qui se sont tus,
nous franchissons nos anciennes tranchées de première ligne,
et
nous arrivons sur
les
lignes boches,
ou plutôt sur remplacement où étaient autrefois ces lignes
Ce
.
n'est plus
qu'un bouleversement chaotique de
trous de torpilles béants, entonnoirs gigantesques
6 à 7 mètres de profondeur dans de où des mottes de
grammes paille.
de
la terre glaise,
terre de plusieurs centaines de kilo-
ont été projetées
comme
de simples fétus de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
142
Spectacle jdanétique ou lunaire?
franchissant avec peine
les
On
croit rêver
en
bords de pareils cratères.
Attention surtout de ne pas glisser dedans!
humain, dans de pareils
L'esprit
ainsi volontiers la représentation
lieux, s'imagine
du néant dans
l'au-
delà.
La zone
crapouillotée une fois dépassée,
change, nous nous trouvons dans véritable désert
Le
le
le
décor
Sahara. C'est un
au travers duquel nous avançons.
sol est nivelé par les obus, sa surface est recou-
verte de matériaux de toutes sortes, brisés, pulvérisés
havresacs
tête!
.
boches,
débris
bottes,
..,
humains, un bras! une jambe! une
tout est haché.
.
Notre marche continue, l'arme à
Le
équipements,
casques,
fusils,
:
la bretelle.
brouillard est toujours aussi dense
et
je
me
dirige toujours à la boussole.
mon
J'aperçois
gauche, à
la
camarade
Bourdier
1™ compagnie, qui me
dit
sur
ma
bonjour en
agitant sa canne.
Avec boche
—
la
mienne, je pique au passage un calot
cela
me
servira d'étendard.
J'entends soudain des exclamations sur
ma
droite,
je regarde, que vois-je! émergeant du brouillard
venant vers nous, des Boches! Oui, Boches, cueillis par
le
116
e
!
ce
sont
et
des
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-COTE Les
prisonniers
en
défilent-
143
par
colonnes
quatre. Les chasseurs exultent. Puis on franchit le
fameux
laire,
bois de la Caillette, le bois Triangu-
on arrive au ravin du
quart d'heure et
116
e
le
pour prendre
Ou
avant.
juge de
102
la
l'ardeur d'un
l'heure
il
Bazil. Là, repos
du lieutenant
son capitaine qui
prendre
commandement de
prendre
A 116
1 e
notre
Petit
:
il
et tout
à
n'a guère songé à s'apitoyer
blessure de le
le
du mouvement en
nouveau chef,
Mais son capitaine eût été
d'un
dépasse
bataillon
tête
la joie
a toute
e
le
sur la
permis de
lui a
compagnie.
la
premier à
le
com-
:
h.
40 nous
Nous dépassons
repartons.
le
Nos 75 doivent nous précéder dans
chasseurs.
marche en allongeant leur
tir
à
raison de
100 mètres en quatre minutes. Nous avançons donc chapeau des 75
et
lentement,
coiffés
toujours couverts par
le
par
le
brouil-
lard.
Le ravin de
la
«
Fausse-Cote
»
est
V atteindrons-nous? Nous savons, en défendu par de foires tranchées boche s'y
tient
et
notre objectif, effet,
qu'il est
quun
bataillon
en permanence, en réserve.
Nous franchissons un
bois déchiqueté, je passe le
LES CAPTIFS DELIVRES
144
long des tranchées retournées , un canon boche brise
gueule fêlée.
est là, la
Notre marche en
tirailleurs est p arfaite
manœuvre sur
vraie
Le
comme
terrain
le
.
C'est de la
à Salmagne
commence à descendre.
sol
Brusquement
le
nuage de bitume
se
déchire
et
devant nous, à 100 mètres en avant d'un profond
— une
ravin, des silhouettes se découpent, tirailleurs couchés,
—
ligne de
ce sont les Boches qui
nous
attendent!
Un
au
officier seul est debout,
son casque, un revolver à
la
centre, coiffé
hommes qui
semble parler à ses
Il gesticule et
de
main. se
dissimulent.
Je flaire
le
danger, mais rien n'arrête mes chas-
avançant
seurs. Ils crient tous en
venez avec nous! venez par Je
me
laisse entraîner
ici!
:
«
à crier moi-même.
L'officier allemand, toujours debout,
des gestes
incompréhensibles ,
qu'il refuse avec
même, à son crie à pleins
où je
répond par
tour,
,
et
lui-
nous fait signe d'avancer. Je
poumons à mes chasseurs
peine ai-je
démêler
crois
morgue nos propositions
donc, mais tuez-le donc
A
Camarades,
»
!
:
«
lirez
»
prononcé
ces paroles
de mitrailleuses boches se déclenchent.
que des feux
DOUAUMONT
DE
commande
Je
jetons par terre
un
éclair, le
Couchez-vous!
«
:
FAUSSE-CÔTE
A LA
145
Nous nous
»
j'ai juste le temps de voir, dans
et
crâne d'un de mes Sénégalais voler en
éclats.
A mes
cotés,
mon
caporal fourrier se roule sur
Son bras saigne.
sol en criant.
le
L'officier boche, à
coups de revolver qui m'étaient destinés, lui a traversé
le
bras droit
Bien
et brisé le
commandés par
bataillon,
cet énergique
Allemands
les
attaquer à
la
poignet gauche.
résistent.
grenade. La
lieutenant,
»
rale. le
la
baïonnette!
»
C'est
Les chasseurs enlèvent
profond ravin de
cède et
commence
cette retraite, par
«
la
ordonne
le :
jeune «
En
une ruée géné-
la crête qui
Fausse-Côte.
opérer
à
les
Y' s'débinent,
un chasseur. Et
crie
lieutenant, dressé d'un bond,
avant, à
faut
Il
lutte est très dure.
Brusquement, l'ennemi décolle.
mon
chef de
la
domine
L'ennemi
retraite.
un boyau que battent
Mais
aussitôt
nos fusiliers mitrailleurs, se transforme en capitulation. les
Six cents Boches levant
mains en
poumons c'est
le
sonnent II.
:
«
l'air
se
mettent à crier à pleins
Kamerad!
tumulte de la
charge.
brusquement
la
Au
»
La
joie est délirante,
victoire,
les
clairons
loin, sur les ruines 10
du
LES CAPTIFS DELIVRES
146
fort de
Douaumont
courent
f arrache fonne
qui se détachent sur
mon
une feuille de
aussitôt ces quelques mots
Nous avons enlevé
le ciel,
des marsouins.
les silhouettes
carnet «
:
et
je grif-
Objectif atteint.
ravin de la Fausse-Côte
le
et
cap-
turé ses défenseurs après une magnifique charge à la
baïonnette
.
terie
»
Nous nous
Je fais parvenir
installons
pli
le
au delà de
la bat-
au commandant.
Quelques minutes plus tard je vois accourir sur position
la
même
capitaine
le
Voirin,
capitaine
adjudant-major du bataillon. Je vais à
me
disant
petit!
lui. Il
:
«
me
très,
vasse
Je
ma
de
les
vie!
ordres
:
«
Se
lignes de tranchées les félicite
résister,
je
les
que
.
est
leur
»
embrasse tous
ma joie
et
fortifier sur place et creuser
tous de leur courage et je ne
L'étreinte que ces telle
mon
ce sont les minutes les plus
Sur-le-champ, j'appelle mes sous-officiers
deux
en
les briser
très bien,
»
J'en pleure de joie, belles
mains à
serre les
C'est très bien,
les
uns après
braves gens
les
peux
y
autres.
me donnent
est
à son comble.
Je redescends alors dans
le
ravin; car un de mes
.
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-COTE agents de liaison vient de
Ravin Je
était là, blessé, le
C'est
me
prévenir que
allemand qui commandait
bataillon
sur
le
le
147
chef de
camp du
le sol.
trouve, étendu de tout son long dans la boue
un homme de forte
taille,
la
moustache
coupée en brosse au-dessus des lèvres. Sa culotte
demi arrachée
et
est
à
un pansement plein de sang entoure
sa cuisse gauche qu'une balle a fracassée.
Je
—
me présente a
à lui
:
Lieutenant Petit, des chasseurs à pied.
Pensant quil comprend mal
le
»
français, je con-
tinue la conversation en allemand. Il se
nomme
—
Capitaine Mathesius, faisant fonction de chef
u
à son tour
:
de bataillon au 154 e régiment
—
«
d' infanterie prussienne
Je vous reconnais! C'est vous qui étiez sur la
crête tout à V heure, le revolver
de vos hommes, ral fourrier à
— —
«
«
c'est
mes
Non, non! Si, si,
au poing, au milieu
vous qui avez blessé
mon
capo-
côtés.
ce n'était
pas moi.
je vous reconnais, vous
êtes
officier
de réserve?
—
«
— —
«
Non (avec orgueil), aktive offizier. De quel pays êtes-vous ? Etes-vous marié?
«
Je suis Silésien, j'habite Breslau
femme, je
n'ai pas d'enfants.
»
avec
ma
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
148
L'Allemand
lui
remet
sa croix
de fer
et
son
portefeuille.
—
Je les enverrai à votre
guerre,
lui dit
Comme dans
il
généreusement
demande
pastilles
emportées. Puis
qu'il avait
après la
lieutenant Petit.
à boire, Petit lui glisse
bouche quelques
la
femme
le
il
le fait
au menthol transporter
au poste de secours par quatre chasseurs. Le
commandant Mathesius mourut dans Cependant,
le
deuxième
la nuit.
objectif atteint,
chasseurs dansent et jonglent avec leurs
Un
long
cri retentit
:
On
les
a.
Le passage de
l'avion de la division volant à quatre-vingts tres
pour repérer
les
d'entendre
le
mè-
fanions qui indiquent les
nouveaux emplacements conquis achève de enthousiasmer.
les
fusils.
les
Le bruit du moteur empêche passager, mais on voit
de ses mains qui applaudissent. C'est qui vient d'en haut,
comme
dans
les
le la
geste gloire
légendes.
# =&
A
la
=&
droite de la division, en liaison avec la
division de Lardemelle, le
(107
e
groupement Doreau
bataillon de chasseurs et
401 e régiment)
doit enlever les pentes nord et est de la croupe
DE DOUAUMONT
A LA
FAUSSE-COTE
de Vaux-Chapitre, puis gravir
du ravin de
est
la
149
pentes nord et
les
Fausse-Côte et les tenir jusqu'à
l'ouest de l'étang de Vaux.
«
Onze heures
...
trente-cinq, disent les carnets du 107
e
bataillon
de chasseurs, un silence solennel; encore cinq minutes... encore quatre... encore trois... Enfin,
un coup de corne
un
retentit,
unique, mais qui sort de toutes
répond,
et
Ton
part.
ment détrempé
.
c'est
:
qu'on patauge dans
genoux, évitant
A
Le
.
les trous faits,
d'obus innombrables.
on aperçoit une masse
compacte, en colonne par quatre
grise,
«
abominable-
boue jusqu'au-dessus des
montée de bras levés au Kamaradesi
Mais
les poitrines, lui
terrain est
avec peine, mais gaiement
la
peine cent mètres
qui semble
cri
pliants, et
pagnies
*
Eh quoi!
ne se
ils
!
Cela crie en
ciel.
et sur-
chœur
:
ce sont là les Boches!
défendent pas
:
les
voilà sup-
il y en a la valeur de plus de deux comL'enthousiasme grandit au point qu'à
peine s'aperçoit-on que
la
tranchée de Sophie est
dépassée et qu'on est déjà à Et voici à gauche
les
de chasseurs alpins
:
la
tranchée d'Eisa.
camarades du
1
pour un peu on
e 16 bataillon
se jetterait
à leur cou. Les officiers, non sans peine, arrêtent le flot;
on souffle
sur
droite,
la
et l'on se
met en ordre.
Puis,
on aperçoit d'autres camarades
:
LES CAPTIFS DELIVRES
150
401 e avec lequel on va marcher mainte-
c'est le
nant. Vite, on prend langue
re
la
:
l
s'aligne et se tient prête à filer avec le
Le moment vient
beau 401 e
le
premier, et
les abris
boches fourmillent de matériel abandonné, de mitrailleuses en parfait sont les Boches? sans encombre,
à
la
même
Mais où donc
état...
Le ravin du
comme
Bazil est traversé
parade, et peu après
nous voici à l'étang de Vaux. Déjà! Mais on de
taille
.
au deuxième objectif:
d'aller
comme pour
bah! ce sera
compagnie
est
à aller plus loin. Cependant les balles
de mitrailleuses, parties de notre droite, nous rappellent à la réalité. L'ordre est exécuté
deuxième objectif est tenu, organisons-le. Et main,
l'outil à la l
re
les
hommes du 401
compagnie du 107
creusent
la
terre
et se
on sera en
réagit,
e
bataillon de
lui
et
le
de
la
chasseurs
l'ennemi
Si
fortifient.
mesure de
e
:
vite,
répondre.
Encore des Boches qui viennent, des
blessés,
puis des équipes sanitaires boches transportant
nos propres blessés. Ah! mais voici un
deux même, interroge,
il
dant.
les
là
guetter
comme une
«Moi, couper caboche, a
:
.
que le commandant les un noir qui, son couteau à la
et tandis
y a
main, semble ticule
.
» Il
officier,
faut toute l'autorité
tiré
proie et ges-
sur
mon adju-
du colonel du 40 I e
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-COTE
pour
le
151
renvoyer à son corps. Les prisonniers
continuent à affluer, et ce sont des grenadiers, des soldats d'un corps d'élite,
de leurs pattes d'épaule et
monogramme
le
la patte
du
col l'indi-
quent. Peu à peu, la nuit tombe; mais les tran-
chées s'approfondissent saura file
à
qui parler.
Le
et, si
l'ennemi vient,
silence s'établit.
il
La brève
de nos derniers blessés s'allonge vers l'ar-
rière. Allons! la
journée a été bonne,
les pertes
pendant l'attaque; on s'endort après une
nulles
croûte cassée, espérant que le lendemain «ça collera aussi bien
»
et
qu'on
les
rejettera dans la
«
plaine.
On
s'endort
:
qu'est le
fameux Rêve de Détaille,
avec ses faisceaux bien alignés et son bivouac de jardin public, auprès
dans
la
boue
froide, sous le
continue, après
A
du sommeil de
ces enfants
bombardement qui
la victoire?
l'extrême droite du groupement Doreau,
marche donc
le
«
beau
»
à la droite le refrain est le
401 e
.
De
même;
change, plus grave ou plus aigu.
la
gauche
seul le ton «
Enivrés de
confiance par l'intensité de nos feux d'artille-
152
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
rie
auxquels ripostait faiblement l'ennemi,
hommes l'heure «
piétinaient
—
décisive.
Quel
sale
temps
!
»
impatiemment,
Onze heures quarante disaient les
où
ils
:
hommes voyant
quinze mètres, leur voi-
l'épais brouillard qui, à lait le terrain
les
attendant
devaient progresser.
Ils,
ne
comprirent qu'après, devant l'ahurissement des prisonniers, avait
de
l'utilité
écran opaque qui
de cet
masqué leur départ et leur avance. Au coup du commandant, tous les hommes bon-
sifflet
dissent sur le parapet, se resserrent d'abord en
grappes autour de leurs chefs de section pour se détendre ensuite en lignes d'escouades, en ordre,
comme
à la
s'écrient les
manœuvre.
hommes en
une étreinte hâtive
Hardi,
«
les
»
main dans
se serrant la
et
gars!
enthousiaste.
A
peine
avait-on franchi de vingt mètres notre ancienne ligne que les bras éperdus des prisonniers s'agitaient, attestant déjà,
avant
rielle, l'écrasante victoire
çais.
conquête maté-
»
Une
autre paraphrase complète le tableau de
ces rapides capitulations
qu'on reflet
la
morale du soldat fran-
vit
dans
les
«
:
C'est là, dit-elle,
yeux boches
de nos baïonnettes...
Le régiment a franchi,
la
puissance du
»
lui aussi,
le
ravin
du
DE DOUAUMONT Bazil.
A
LA FAUSSE-CÔTE
153
doit atteindre le ravin de la Fausse-Côte
Il
à son extrémité,
où ce ravin rejoint l'étang de
là
Vaux. De ce côté,
c'est le fort
de Vaux,
un grand sphinx» au-dessus de
blable à
dormantes, qui exerce sa fascination.
«
«
ces
semeaux
Rien ne
s'oppose à notre marche. Nous devons attendre
que
le
75 allonge. Nous repartons en obliquant à
gauche. L'étang de Vaux apparaît, entouré de trous d'obus qui le prolongent en marais. Rien
devant nous
:
notre coin semble désert. Plusieurs
se plaignent de ce
que l'on
nous ne sommes pas rante
dans
:
le
s'arrête
seuls.
— Treize heures qua-
notre bataillon poursuit l'avance. Alors, brouillard qui se dissipe, nous découvrons
vallon de l'étang, la ligne de
le
chemin de
gauche, une jetée à l'extrémité,
du
fort
au premier
Mais prudence, et souvenons-nous que
objectif.
la
fer à
masse grise
de Vaux, à droite, semblable à un grand
sphinx qui garde ces marais,
de Vaux dans
le
fond.
A
les ruines
du
village
gauche, une mitrail-
leuse crépite, on s'arrête, elle s'éteint. Et, l'arme
à
la bretelle,
nous remontons
la
pente nord-est
de l'étang. Posément, nous jalonnons nos deux lignes, tandis
que l'avion qui plane bien près de
nous peut saluer, au milieu des panneaux blancs,
de
petits
drapeaux aux couleurs françaises.
»
LES CAPTIFS DELIVRES
154
L'avance n'est pas aussi aisée sur tout
du régiment. La
11
e
compagnie
le front
a fort à faire
pour franchir
la tranchée Hindenburg et pour masquer l'ouvrage delà Sablière qui menace de flanc l'attaque. C'est un avant-goût de la résis-
tance opiniâtre que
rencontrera dans toute
la
de
Fumin
région de
la
Vaux. Le sphinx qui domine
fort de
de
de Lardemelle
la division
Woëvre voudra garder son
la Sablière
est
secret.
un repaire de
L'aspirant Vasseur arrive
le
devançant ses hommes.
et
Le réduit
mitrailleuses.
premier devant
Un Allemand
l'abri,
est là,
baïonnette au canon, qui en défend l'entrée.
A
nous deux
!
crie Vasseur.
— Déjà
précipite baïonnette basse, mais tête le
le
—
Boche se
s'affaisse, la
mise en bouillie par une grenade qu'a lancée
soldat Keyser accourant au
chef.
de
il
du
les plaines
Dans
fusil.
l'abri, les
Allemands
Une ou deux
la rescousse.
sections
secours de résistent à
son
coups
du 230 e arrivent à
Les grenades de Keyser, lancées
d'une main calme, tombent avec une implacable précision. Après chaque explosion, ce sont des cris et
des râles dans la fumée, jusqu'à ce que
les fusils se taisent et
par un,
les bras
en
que
les
Boches sortent un
l'air.
Ces combats locaux ne retardent pas l'ensemble
DE DOUAUMONT A LA FAUSSE-COTE de l'opération.
«
On
155
touchait à l'objectif, rap-
porte une note du régiment qui, à elle seule, fait tableau.
En
descen-
ravin de la Fausse-Côte, les
hommes
Le spectacle
dant dans
le
fut splendide.
découvraient là-haut, à gauche, leurs camarades
vainqueurs du fort de Douaumont. Électrisés par cette vue,
ils
qu'au terme
ne firent plus qu'une course jus-
fixé à leur élan.
tachait, sur la cote 330,
Devant eux
se dé-
un grand nègre agitant
un drapeau au bout de son
fusil,
pendant qu'un
autre, debout sur la crête en arrière, sonnait la
charge éperdument. Si le fort
de
»
Douaumont magnétise
ainsi à dis-
tance les combattants dont les objectifs sont à sa droite et sa gauche, quelle emprise ne doit-il pas
exercer sur ceux qui sont chargés de l'aborder, l'attaquer, le reprendre?...
III
DOUAUMONT
LE FORT DE
Douaumont égale,
de sa hauteur que Souville seul
:
domine
il
vues au loin sur
les
deux
rives
du
les vallons et les
fleuve;
il
a des
creux qui peu-
vent servir de cheminements aux Français, et
protège la
Meuse ou
sera pas
vers le Bazil. Tant
pris,
Douaumont ne
Verdun
est
que Souville ne
protégée.
sera pas repris,
nuera d'être menacée
il
de ses flancs, coulent vers
les ravins qui,
Tant que
Verdun
et la bataille
conti-
de Verdun ne
sera pas gagnée. Tous les combattants de
Verdun
ont subi sa hantise. Mais lui-même, n'est-il pas
hanté? Des prisonniers ont raconté que l'un de ses couloirs voûtés sert
bataillon.
de cimetière à tout un
Un coup heureux de
notre artillerie,
avant notre assaut du mois de mai, a incendié un
dépôt de munitions
:
la
garnison presque entière
aurait péri et l'on aurait poussé pêle-mêle les
LE FORT DE
DOUAUMONT
157
cadavres calcinés et recouverts de chaux dans
une cave qu'on aurait murée. Cependant e
ments de notre
5
22 mai n'ont pu
vérifier la
les régi-
division qui sont entrés le
chose
eux-mêmes,
:
après une lutte sanglante, débordés par tours
du
quête.
fort,
en-
ont dû abandonner leur brève con-
Douaumont porte malheur.
chenfels
les
Pareil au Dra-
qui dresse au-dessus du Rhin sa tour
ruinée où, jadis, Siegfried tua
au rocher de
la
le
dragon, pareil
Lurlei où la sirène, procédant
par avance aux perfides rigueurs de sous-marine, attirait traîtreusement
la
guerre
les bateliers
qui abandonnaient au courant leurs bateaux sans direction,
il
est déjà tout
rhénanes. Sa chute,
du
sortilège.
enveloppé des terreurs
le soir
Gomme
les
du 25
février, tient
brumes de l'automne
paraissent le reculer et l'agrandir, les combats sans
nombre dont
il
fut le
témoin
une atmosphère d'épouvante
et de
lui
composent
danger qui
le
rendent plus redoutable, plus inaccessible.
Comment
cette
légende de Douaumont, qui
risquait de rendre plus troublantes et plus aléatoires les tentatives faites
pour
le
délivrer, est-
Douaumont? Quand il eut décidé l'opération qui devait restituer à Verdun la ceinture de ses forts et de ses collines, le comelle
devenue
le
culte de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
158
mandement fut
Chacune
choisit les troupes d'assaut.
Douaumont
fut spécialement préparée à son rôle.
donné au régiment colonial du Maroc qui
avait reçu la fourragère
pour Dixmude
et Fleury.
Et ce phénomène étrange fut constaté
d'élection réservé en
loin de
:
Douaumont devenait
servir d'épouvantail,
récompense aux plus braves.
Puisqu'on leur avait donné Douaumont, avait plus qu'à y aller.
Avant de
sûrs d'y parvenir et d'y rester. l'avaient vu,
ils
saient pour sa
ils le
le lieu
il
n'y
ils
étaient
De Fleury
nivelé,
partir,
connaissaient.
Ils le
connais-
menace permanente, pour son
orgueil et sa puissance; et voici que, rapprochés
de
par
lui
le
don
qu'ils
en avaient reçu,
ils
en
parlaient avec familiarité, presque avec insolence.
On
le plaisantait,
Car on la
le
on
le foulait
campagne, près de
proche Saint-Dizier où
Maroc le sol
était
même
aux pieds.
prenait chaque jour en effigie. Dans
au repos,
Stainville, le
gros
bourg
régiment colonial du
le fort avait été
tracé sur
avec ses dimensions exactes. Des exercices
de régiment apprenaient aux bataillons à établir entre eux les accords nécessaires, aux unités et
aux divers groupes de
spécialistes à se
diriger
sans hésitation sur leurs objectifs en prenant des points de repère sur les saillants et sur les dis-
LE FORT DE
DOUAUMONT
159
tances. Chacun des trois bataillons reçut sa mis-
Au 4 (commandant Modat) e
sion spéciale.
dra
la
mise en marche,
le
Tandis qu'une compagnie
signal
revien-
du départ.
sénégalaise
une
et
compagnie de Somalis occuperont nos tranchées au net-
et procéderont, à la suite des marsouins,
toyage des obstacles que ceux-ci dépasseront, le bataillon Modat, sans se laisser distraire de son
but, atteindra le premier objectif qui, au delà
ennemies, amènera
des premières défenses
autres bataillons à distance d'assaut. er
1
bataillon
fort, le
(commandant
Groll)
les
Puis,
le
contournera
le
dépassera, se portera à 200 mètres envi-
ron en avant, et rain. Enfin le 8
là
e
organisera solidement le ter-
bataillon
(commandant Nicolay)
sera chargé d'attaquer le fort, de front, de s'en
emparer, de de
le
nettoyer et de
le
remettre en état
servir. 11
y eut entre
tion ardente.
invoquait affaires
son
les trois bataillons
Chacun voulait passé,
le
une émula-
fort.
Chacun
non pas seulement
les
de Dixmude et de Fleury, mais cL'autres
actions, plus lointaines, engagées
pour
grande France. Le bataillon
par exemple,
n'avait-il pas déjà fait
Croll,
la
plus
au Maroc son apprentis-
sage pour s'emparer des places fortes? Et
quand
LES CAPTIFS DELIVRES
lbO
empare,
garder. Le 12 juin 1914,
il
s'en
il
avait participé à la prise de la forteresse ber-
il
sait les
bère de Khenifra par
le
général Henrys. Khenifra
une des charnières
est
cette
armature de
maintenue après
la
la
général Lyautey.
lea plus
importantes de
défense du Maroc, créée et
déclaration de guerre par le
Elle
fut
assaillie,
le
23 no-
vembre 1914, avec une violence inouïe, par les tribus descendues de l'Atlas. L'assaut dura trois
jours et les assaillants durent se retirer avec de
grandes pertes.
A
cette occasion, le
commandant
Groll et son bataillon furent l'objet des citations
suivantes
:
Croll, capitaine
Resté
roc.
1
er
bataillon colonial
du Ma-
commandant d'armes de Khenifra,
23 novembre 1914, le
au
le
avec trois compagnies, alors que
détachement de sortie attaqué par un ennemi
très
supérieur en nombre venait de subir un gros échec,
perdant tous
les officiers
supérieurs , a
à la garnison son calme,
son
énergie morale grâce auxquels les
attaques
et
communique
sang-froid il
et
son
a déjoué toutes
tenu l'ennemi en respect pendant trois
jours jusquà V arrivée des colonnes de secours. 1
er
bataillon d'infanterie coloniale
13 novembre 1914,
du Maroc. Le
à l'affaire d'El Herri, sous
le
DOUAUMONT
LE FORT DE
161
feu meurtrier d'adversaires très nombreux et très mordants, s'est engagé à fond jusqu'à épuisement complet de
ses
considérables
munitions
pour aider au
cés de la colonne
en subissant des pertes
et
repli des groupes
pour protéger
et
le
avan-
convoi de blessés
par l'ennemi; avec ceux de sa
serré de très près
compagnie restés à Khenifra, a réussi, en prenant position en avant
du
blessés et à protéger
saillants très
poste, à assurer la
la
place contre
nombreux
et très
Le général Lyautey
tint à
lui-même au fanion du croix de guerre avec
rentrée des
les tentatives
audacieux
d'as-
.
honneur d'épingler
bataillon
la
première
palme décernée aux troupes
d'occupation du Maroc. La cérémonie eut lieu
au cours
dune grande
revue passée avant
départ du régiment colonial pour
le
le
front de
France au mois d'août 1915.
Cependant
le
bataillon Nicolay a été
choisi.
C'était
son tour, et aucun des trois ne peut être
l'objet
d'une préférence. Le lieutenant-colonel
Régnier qui
commande
compter sur tous
les
commandant Nicolay
le
régiment
trois
au
même
ii.
un
sort
peut
titre.
Le
arrive d'Indo-Chine et ce
sera sa première affaire. Débuter n'est pas
sait qu'il
commun.
Il
a
parDouaumont
dû beaucoup 11
intri-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
162
guer pour quitter
la
colonie où ses services rat-
tachaient, s'embarquer et prendre sa part de la
grande guerre. D'avance, gloire.
La
très grand, très
flaire sa proie et la
il
Ta brûlé
vie exotique
et vieilli.
Il
est
maigre, un peu voûté, un peu
blanchi, la moustache tombante; dans les yeux
flamme dorée qu'ont sou-
méditatifs passe cette
vent
les
regards des voyageurs et des rêveurs,
lueur restée des soleils ou des mirages entrevus. Il
marche comme
s'il
suivait ses songes et l'on
devine où vont ses songes et que rien ne l'arrêtera.
Quand
il
se redresse,
ou d'un prophète, sis
et ses
il
a l'air d'un
hommes
mage
se sentent sai-
de respect. Est-ce l'Orient qui donne aux
chefs cette grandeur, ce prestige quasi sacerdotal,
et
non pas seulement à un Lyautey, à un
Gôuraud, mais à des commandants de bataillons ou de compagnies?
J'ai
commandant
fils
siteur, le
d'Ivry,
de ce charmant compo-
marquis d'Ivry, qui
des Amants de Vérone,
Mourmelon fin
déjà vu cet air-là au
quand
écrivit la il
musique
rassemblait au
son bataillon marocain. C'était à la
d'août 1914. Je lui avais porté
départ. Je ne devais pas le revoir.
l'ordre de
On m'a
ra-
conté que, miné de fièvre, condamné, ne pou-
vant plus marcher mais refusant d'être évacué,
il
LE FORT DE
DOUAUMONT
se faisait hisser sur son cheval,
cher
On
atta-
lignes.
voyait apparaître au pas ce cavalier fantôme,
où nul être vivant ne
là
même
aux premières
ainsi se rendait-il
:
et
163
montrait de jour.
se
mourant
C'était à n'en pas croire ses yeux. Ce
entendait choisir sa mort
:
il
fut tué sur son pié-
destal.
Quand on compte de troupes.
a
vu l'homme, on
l'influence qu'il
se
rend mieux
dut exercer sur ses
Le commandant Nicolay ne
se contenta
pas de régler avec soin et méthode, pour tous les
exécutants, l'économie des divers dispositifs
d'attaque, ni de pousser à la perfection le dres-
sage individuel des fusiliers, des voltigeurs et des autres spécialistes;
il fit
êlre à mille têtes.
«
l'objet,
se
fît
a-t-il écrit,
de son bataillon un seul
La désignation dont
il
était
l'enthousiasmait, sans qu'il
illusion sur les difficultés qui l'attendaient,
ni sur les droits équivalents des autres bataillons
du régiment
à
un choix aussi désirable.
»
Chaque
soldat sait ce qu'on attend de lui, mais entend
concourir au
but
commun.
Il
n'y
a
plus de
volontés individuelles, mais une volonté collective
réglée par le chef.
officiers
Le commandant
ont pris langue avec les
et ses
officiers
129 e régiment qui sont entrés dans
le
du
fort le
LES CAPTIFS DELIVRES
164
22 mai
:
conférence utile pour éclairer
équipe sur
velle
la
nou-
précautions essentielles à
les
prendre, et qui rapproche
but en
le
possible puisqu'une première fois
montrant
le
a été réalisé,
il
bien que sans lendemain. Les photographies du fort par avions ont été officiers et
minutieusement étudiées
gradés ont été conduits en automo-
biles jusqu'à d'autres forts similaires
de Verdun qu'ils ont le
:
commandant,
«
visités.
toute
de
la
région
En somme, conclut
l'affaire
présente
se
bien, solidement montée, soumise à la chance
comme
tout projet de bataille, mais à une chance
qui valait dix fois qu'on la tentât. cette majesté de visionnaire qui
sonne
il
autour de
contribue à
Et de toute
émane de
répandre
et
à
sa per-
propager
de Douaumont. Dans la Douaumont communie tout le régi-
lui la religion
religion de
ment
»
colonial,
composé d'éléments
hétéroclites,
où se mêlent classes, races, croyances, mœurs, accents
:
une
même
foi a fait ce
miracle.
Le groupe d'attaque comprendra e
e
2 compagnies du 8 bataillon,
du génie, leuses,
la
la
les
re
l
et
compagnie 19/2
moitié de la compagnie de mitrail-
une section de lance-flammes, un groupe
médical, médecins et brancardiers, un groupe
de liaison, téléphonistes et signaleurs. Le fort de
DOUAUMONT
LE FORT DE
Douaumont, devant
pour
d'avance divisé, secteurs, l'un
prise
les
en oblique,
superstruc-
les
le cavalier, l'autre
est
en deux
assaillants,
comprenant surtout
compris
tures, y
abordé par son flanc
être
gorge
ouest et par sa
165
comprenaut
surtout les casemates du rez-de-chaussée et
Au
sous-sol.
le bataillon Croll à
Après
tance.
dernier le fort
Le 23
100 ou 200 mètres de
premier
le
devait
que
le
départ, le bataillon devait suivre
objectif
pour
donc s'ouvrir
e
le 8 bataillon
atteint,
dis-
ce
encercler
aborderait directement.
octobre, le régiment gagna ses positions
de départ. Dans l'après-midi, on s'en souvient,
un heureux obus de 400 détermina un incendie dans
le fort.
Sans doute,
un dépôt de munitions
comme au mois avait-il
dû
de mai,
sauter. Peut-
être la garnison avait-elle subi des pertes. C'était
d'un
bon
présage.
Dans
leurs
parallèles,
les
troupes confiantes attendaient l'heure fixée avec impatience. Si
minutieusement achevée que
paration,
si
toutes les affaires
soumises à
soit leur pré-
complètes que soient leurs prévisions,
la
humaines demeurent encore
chance,
dant Nicolay des
comme
projets de
le dit le
comman-
bataille.
divine est réservée. Or, dans l'affaire de
La part Douau-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
166
mont,
il
semble au début que tout conspire à son
échec. Puis la fortune tourne, le destin parle, la victoire s'envole.
Le brouillard qui pouvait favoriser en avant, qui, sur presque toute
la
marche
ligne, la
la
aucun
favorisa, ne cause en face des marsouins effet
cier
de surprise. Sentant venir l'attaque, un
allemand dont
la
hardiesse
hommes,
cher, enlevant ses
compagnie occuper
les
faillit
venu avec
était
laise,
sa
tranchées de départ que
nos soldats avaient évacuées pour laisser
Quand
libre à l'artillerie.
offi-
nous coûter
la
le
champ
compagnie sénéga-
préposée àleur garde, revient pour se mettre
en place, elle trouve la place prise.
combat s'engage chez nous, au
Un
violent
lieu d'être porté
d'emblée chez l'ennemi. Fâcheux début qui risque de tout compromettre par
le retard.
Le comman-
dant Moclat, qui doit conquérir avec son bataillon le
premier objectif
et entraîner après lui le régi-
ment, sent l'inquiétude l'heure fixée
le
gagner à mesure que
— onze heures
quarante
— appro-
che. L'heure vient, et l'on se bat toujours. N'im-
porte taillon
:
il
donne
Groll,
s'il
le
signal; derrière lui, le ba-
est nécessaire,
renforcera les
Sénégalais et les Somalis. Les premières vagues se
dressent,
franchissent
nos
parallèles
d'où
LE FORT DE
DOUAUMONT
monte, avec un bruit de
fumée des grenades le
Boche qui
boueux
«
De
la
se
Prévenu par
tranchée Augusta,
il
le
Mais
un adver-
est
tumulte, massé
attend notre attaque.
flanquement,
terribles feux de
précipitent à
et bouleversé.
aux marsouins
fait face
saire redoutable.
dans
lutte corps à corps, la
éclatées,
l'assaut sur le terrain
167
écrit le capi-
commandement du baque le commandant Modat fut blessé,
taine Alexandre qui prit le taillon après
prennent d'écharpe frappent à
la tête
les
premiers assaillants et
un grand nombre de ceux qui des boyaux glissants
s'efforcent de
sortir
mouvement ne
se continue bientôt plus
trous d'obus en trous d'obus.
Modat sent que
moment
le
est
la
même
pensée
et
dès qu'ils voient
:
le
que de
Le commandant décisif; les com-
mandants des compagnies Dessendie ont
:
Maufredi
le
chef dé
bataillon
demander
coûte,
entraînent leur compagnie violemment,
ils
l'effort
suprême coûte que
sans souci des pertes. Les officiers, les gradés et
quelques
hommes
pleins de bravoure enlèvent à
leur suite, malgré la boue, dans irrésistible, les sections qui
un mouvement
avaient ralenti leur
débouché. Le spectacle est alors admirable ne voit que des dans
le
files
:
on
d'hommes debout chargeant
brouillard à la recherche des groupes
LES CAPTIFS DÉLIVRES
168
d'ennemis qui tirent toujours. Les pertes aug-
mentent rapidement
dix officiers, dont
:
le
chef
de bataillon, sont mis hors de combat. La compagnie Maufredi perd tous ses officiers et près de la
moitié de son effectif,
la
compagnie Dessendie
est
fortement éprouvée aussi, mais l'élan définitif
est
donné,
les
marsouins ne songent plus qu'à
venger leurs chefs
éléments de
d'œil,
les
résisté
au feu de notre
courte
distance,
camarades. En un clin
et leurs
tranchées
qui
avaient
artillerie sont encerclés à
indépendamment
les
uns des
autres, par les fractions de soutien des
compa-
gnies de tête et des compagnies de soutien. Les
premières vagues, après avoir massacré ou pris tout ce qui était devant elles, s'élancent sur le
premier objectif à mille mètres environ...
»
Elles
disparaissent dans le brouillard, ayant soin de relier
fortement
la
chaîne.
Derrière elles, les
groupes ennemis qui ont été dépassés pent toujours les
la
,
et qui occu-
tranchée Augusta, paient cher
feux de flanquement
si
meurtriers qu'ils ont
exécutés quelques minutes auparavant. Cependant,
«
les survivants
de l'attaque boche étaient
dignes des marsouins qui
coup refusèrent de grenades jusqu'à
la
se
les
combattaient
:
beau-
rendre et lancèrent des
mort.
Un jeune
officier
d'une
DOUAUMONT
LE FORT DE
169
belle stature, cerné par trois coloniaux et
de se rendre, répondit en «C'est impossible.
»
Un
autre officier ennemi tira
groupes d'Allemands
qu'il fût massacré. Certains
mains quand
Heureux d'avoir
la vie
breux cigares. Quand
:
de son revolver jusqu'à ce
sans relâche les balles
levèrent les
sommé
regardant fièrement
les
ils
se virent cernés...
sauve,
ils
nom-
offrent de
la section laissée
de
»
en arrière
première vague,
s'élance
à la
hommes
présentent des cigares à leur chef qui
suite
doit se fâcher
mais qui
ment
est
pour
les
la
remettre dans la réalité,
désarmé par un courage
insouciant, et c'est avec la
fumer
»
objectif.
que
ment mixte
«
si
atteint,
rapide-
permission de
la section se dirige vers le
Le but
les
en liaison avec
le
premier 4 e régi-
à gauche et le 321 e régiment à droite,
on s'organise sur place
et
creuser une tranchée sous
la
l'on
commence
à
protection des petits
postes qui sont détachés en avant.
Au
tour maintenant du bataillon Croll.
Il
a
dû
achever, avant de partir, de briser la résistance
de
la
tranchée Augusta. Le
commandant
un
tertre, a près
poste, à peine abrité par le
à son
de
lui
téléphoniste Pain, coiffé de l'écouteur, qui
cherche à percevoir
les
marmites. Devant eux,
appels dans les
le
fracas des
casques boches parais-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
170
sent et disparaissent. Quelles belles cibles! Les
camarades font de
esclave forte.
Il
le
coup de feu
et
Pain regarde
consigne. La tentation est trop
sa
prend son arme
toujours coiffé de
et,
l'écouteur, sans changer de position et à moitié
découvert, le
il
chef? Le
cement de
glisse
une cartouche. Mais que dira
commandant
a vu le geste.
Un
fron-
sourcil et le téléphoniste reprendra sa
tâche ingrate. Non, rien, seulement une imperceptible détente dans les traits, rire.
Lentement il vise,
Dans
la
tire,
comme un
sou-
un casque disparaît.
marche en avant, à
l'est
.
de l'ouvrage
de Thiaumont, à cause du brouillard et des difficultés
parmi
de terrain, un certain mélange se produit les unités
avec déviation de direction.
Il
faut modifier les ordres primitivement donnés et
boucher d'extrême
Du bord
urgence un trou dans
les
de son trou de marmite qui
lui
sert d'observatoire, le chef de bataillon fait
un
lignes.
signe, l'agent de liaison
Demousaix, tout jeune,
presque un gosse, s'avance, ordres sans être vu, se
et
Il
l'homme
l'a
repéré.
Il
Il
les
vînt
n'y pense pas.
respectueusement penché,
ordres à transmettre.
mitrailleur
Pour recevoir
faudrait que
coucher contre son chef.
genoux les
il
a
il
A
écoute
va partir, mais un
est atteint
de plusieurs
LE FORT DE
DOUAUMONÏ
171
balles et s'affaisse sur place, perdant son sang à flots.
Un
place...
autre agent de liaision vient prendre sa
Quelques jours plus tard, au retour de
»
la bataille, le
chef de bataillon cherche un empla-
cement. Voici
Un
les
trou d'obus
anciennes lignes allemandes.
le petit
:
coureur est toujours
dans son attitude déférente, simplement
comme
projectiles.
Un salut,
il
Il
a été respecté par les
faut partir. Tout à l'heure,
brancardiers divisionnaires viendront relever
les le
était fatigué.
s'il
là,
affaissé
corps du courageux enfant...
Le bataillon occupé par le
fort
à
le
Groll dépasse le premier objectif
bataillon Modat.
droite
et
Il
doit contourner
à gauche, et le
bataillon
Nicolay, qui doit le suivre de près, abordera de front
de
Douaumont. Suivant
l'artillerie, les
le
barrage protecteur
patrouilles, précédant les va-
gues, progressent de trous en trous. Soudain,
un
obstacle plus considérable se dresse. Nul doute c'est le fossé
du
fort.
se déchirer sous l'action
fort
est là.
du vent qui
se lève.
—
si
thème de
souvent répété à Stainville. Ce fossé
amoncellement de
grillages
Le
Le caporal André Barranger qui
dirige la patrouille de tête connaît le
manœuvre
:
Le brouillard commence à
— ne
terre,
de pierres et de
doit pas être franchi.
Il
sait
que
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
172
ce sera
mission du bataillon Nicolay, ainsi en-
la
cadré par
les
compagnies du bataillon
Groll qui
s'ouvriront pour couvrir ses flancs et dépasser l'obstacle.
n'est pas
Il
retourne
se
là. Il sait
Que
server en avant.
le bataillon
:
Nicolay
encore qu'il est chargé d'ob-
pas sur cette masse?
verra-t-il,
ne grimpe
s'il
sait aussi
Il
que
fossé
le
doit être flanqué de mitrailleuses, que le fort est
un éboulis
peut-être miné. Qu'importe! Par laisse glisser
fort
dans
avec ses
hommes. Les cœurs
les poitrines.
Le
se
battent
fossé est vide et
Les marsouins montent sur
il
muet.
passeront
le fort. Ils
dessus. Ils
de
biffins a
la division
devancé
les
poi-
coloniaux. La gauche
Passaga est formée par
ment du commandant Mégemond
le
qui
groupe-
comprend
19 e et 23 e compagnies du 321 e régiment et
les
5e
Une
n'y sont pas venus les premiers.
gnée de
compagnie de
mitrailleurs.
de s'emparer d'un ouvrage, fort, et
de donner
la
main
il
le fort
ne voit pas
la
a pour mission
la batterie, à l'est
du
au bataillon -Groll en
avant de Douaumont. Quand rie,
Il
il
arrive à la batte-
le bataillon Croll.
Va-t-on laisser
échapper? Se conformant aux ordres du
commande
23 e com-
lieutenant
Rambaud
pagnie,
sous-lieutenant Leseux laisse
le
qui
la
le
gros
DOUAUMONT
LE FORT DE
173
de sa section aux abords immédiats du fossé qu'il abordait par
mes,
Dumont
et
Meydon,
quarts comblé la
et
il
met
lien,
le
Jayr et
grenadiers
les
franchit le fossé aux trois
le
pied sur l'observatoire et
Avec quelques autres
petite tourelle à Test.
hommes, dont
hom-
sud-est et avec trois de ses
le
le fusilier mitrailleur
caporal Laly et
Jul-
le fusilier
capture un sous-officier allemand et sept
il
hommes,
tandis que Jayr ouvre le feu sur
créneau de mitrailleuses, pratiqué à
petite
la
tourelle de l'observatoire. Peut-être est-ce
un
donner
l'alarme à l'ennemi avant d'être en force. Mais la petite
troupe ne quitte ces lieux fameux où
est rentrée la les
première que lorsqu'elle aperçoit
premiers éléments du bataillon colonial.
La patrouille du caporal Barranger de
elle
la
compagnie Dorey. Le
l'initiative
de franchir
tourner afin de
le fort
profiter
fait partie
capitaine Dorey prend
au lieu de
le
con-
de l'ahurissement de
l'ennemi, tout en cardant la liaison avec les unités voisines.
Le mouvement
malgré
chaos du terrain. Sa compagnie traverse
la
le
s'exécute
en
ordre,
superstructure effroyablement bouleversée et
reste
en surveillance sur
qu'à l'arrivée alors sa
le fort
pour ne
du bataillon Nicolay.
marche au delà du
fort
où
le
quitter
Elle reprend elle
se rac-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
174
corde avec
Le
autres compagnies et le 321 e
les
.
bataillon Nicolay avait pris place, le 23 oc-
tobre au soir, soit dans l'Abri des Quatre-Che-
minées qui
sur
est
la
pente
de
descendant au ravin des Vignes,
Froideterre
met en
route, par le brouillard, sur
glissant.
se
Il
dans
soit
boyaux avoisinants. Le 24, à l'heure
dite,
un
les
se
il
terrain
hâte afin de pouvoir établir sa
liaison avec le bataillon Groll qui doit le précéder
dans
la
marche sur
le
fort.
Quand
il
arrive
aux
parallèles de départ, le bataillon Groll a déjà dis-
paru dans
la
brume. Le brouillard
n'y voit pas à vingt mètres. trous plus larges
aux chaussures
donc resserrer
crevé de
marche.
en largeur
profondeur. Trois sections de il
terre très lourde
la
et ralentit la
le dispositif
pagnie s'égarent,
sol est
on
encore et plus profonds que
ceux du ravin des Vignes, colle
Le
s'épaissit,
la
Il
faut
comme
en
première com-
faut les rappeler. Enfin,
une
erreur de boussole, déviée probablement par voisinage d'un revolver, la
direction
compte de rectifier?
hésite.
Il
de
amène
le bataillon
Thiaumont. Le chef
la fausse direction.
se
rend
Dans quel sens
a gagné la tête de la colonne, et
La boussole
exactement? Quel
s'affole.
est,
Où
au juste,
le
le
dans
la il
se trouve-t-on
retard?
Il
con-
DOUAUMONT
LE FORT DE
naît la pire angoisse, celle de
175
manquer
à sa mis-
préparé et outillé
sion. Seul, son bataillon
est
pour attaquer
nettoyer et l'occuper.
S'il
est
le fort,
le
n'arrive pas à temps, la bataille tout entière
compromise, l'ennemi peut
se ressaisir et se
consolider dans l'ouvrage, et ce serait à recom-
mencer. Le commandant Modat, au départ, a traversé fois, le
une inquiétude analogue. Pour
la
seconde
régiment rencontre l'obstacle qui conduit
à l'échec. Pour vais sort.
la
seconde
Douaumont
fois,
il
conjure
comme un
brouillard se déchire
le
mau-
a son destin marqué.
Le
rideau, le fort
apparaît dans une éclaircie. Et tandis
que
les
marsouins fascinés regardent, deux prisonniers boches,
amenés à
l'arrière,
remarquant
leur
ébahissement, montrent du doigt Douaumont en leur disant
:
«
Gapout!
»
La marche
est aussitôt
reprise après redressement.
De
plus en plus le brouillard se dissipe. Quel-
ques nuées qui s'étirent encore aux flancs de
comme du
la colline,
coton traînent
trompant sur
la
Douaumont apparaît comme une montagne sainte, Douaumont approche, Douaumont est là. Le fort est abordé par la gorge. Quand le bataillon y parvient, quand il comprend ce qui distance.
va s'accomplir, pris soudainement d'un frisson
LES CAPTIFS DELIVRES
176
religieux qui se s'arrête.
communique de
l'un à l'autre,
il
Les notes du commandant Nicolay cons-
tatent cet extraordinaire arrêt, unique peut-être
dans l'histoire, du conquérant devant sa conquête
Arrachant l'un après l'autre leurs pieds de boue,
écrit-il,
pour
les
:
la
marsouins gagnèrent de l'avant
profiter de leur chance. Nulle
canonnade sur
leurs lignes, pas de résistance d'infanterie; le bar-
rage boche intense, mais loin en arrière,
dans
le
ravin des Vignes, Il était près de quinze heures,
le
détachement Dorey venait d'entrer dans
coup férir; ments
il
était installé
et tourelles,
en
le
fort sans
au sud-ouest des loge-
belle attitude,
recevant aucun coup de fusil.
Il
ne tirant ni ne
ne pouvait être
question de prendre d'abord méthodiquement la for-
mation de combat primitivement arrêtée;
au contraire attaquer au plus
tôt
il
fallait
avant que l'ennemi
fut revenu de son ahurissement.
Sous couleurs
vol bas de l'avion de France
le
croisant
au-dessus du fort,
le
aux
trois
bataillon
aborda le fossé en lignes de colonnes de section par un, chefs en
lada
les
tête et
l'arme à
la bretelle,
puis
il
esca-
pentes r aides du rempart de gorge. Arrivé
au haut de
ce rempart,
il
avait devant lui les ouver-
tures béantes des casemates
du rez-de-chaussée
et y
DOUAUMONT
LE FORT DE en avant,
Devant
cour extraordinairement bouleversée.
la
ce chaos qu'était
bole de volonté et
recouvré
les
',
regardèrent.
177
têtes
devenu
le
de puissance de colonne
Le chef de
s
grand
fort,
immobilisèrent
mouvement,
rejoignit la tête à cet instant
hommage
et d'inoubliable,
trailleuses
il
et
bataillon, qui s'était arrêté
momentanément au fond du fossé pour rendant
sym-
merveilleusement
à ce que
donna
vérifier le
tout en
et,
la vision avait
de sacré
mi-
l'ordre d'attaquer les
du fond des casemates, commen-
qui,
çaient à entrer en action. Fusiliers, grenadiers et lance-flammes eurent tôt
fait de réduire cette première résistance sans conviction qui ne nous coûta le
que quelques hommes. Puis
cavalier fut abordé et chacun, d'une manière gé-
nérale, se rendit à son objectif qu'il sut
malgré
le
changement d orientation de
de route,
coui^s
les insistances
retrouver
En
l'attaque.
rencontrées
aux
tou-
relles
furent dominées l'une après l'autre. Une sec-
tion
de
1
500
.
mitrailleuses
sous
son feu,
à
mètres, des attelages allemands sur lesquels
.
Le bombardement
indifférents
de n.
se mit de la partie. Mais,
aux gros obus,
qu'ils sentaient
rien
prit
aussi notre artillerie.
tirait .
nos
grande,
les
leur activité ni de
tout
à
œuvre
leur
marsouins, ne perdant leur sang-froid, 12
sub-
H8
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
mergèrent magne.
le
joyeux de plumer
fort,
l'aigle d'Alle-
.
Le commandant Nicolay a rédigé un rapport officiel
qui relate sans commentaires
fort et
opérations du bataillon
les
du
la prise
mais
:
il
a
voulu exprimer ce qu'il avait éprouvé au cours de cette journée mémorable. Son style grandiose se ressent
a vécu.
Il
de
la
poésie de ces pays d'Orient où
s'harmonise avec sa personne dont
prend naturellement
Le grand dont
il
la
fort est,
est difficile
il
majesté.
d'apparence, un
de reconnaître
le
ouvrages. Le fossé esta demi comblé a coulé dedans.
il
La superstructure
fouiliis
tour et les :
l'escarpe
est défoncée.
Les gros calibres l'ont pour ainsi dire coupée en deux, mettant à découvert
les
entrées des galeries
des bâtiments. Les abris des tourelles de 75 et
de 155 ont résisté; ceux des tourelles des mitrailleuses sont assez
simples et
peuvent
encore
opposeront de nications
détériorés. Les
deux coffres
double de
contrescarpe
le coffre
la
abriter
des
la
mitrailleuses
résistance, mais leurs
sont coupées.
Quant aux
qui
commusous-sols,
lorsque l'on y pénétrera, sauf ceux des casemates effondrées, on les trouvera à peu près intacts.
LE FORT DE
La superstructure
et
DOUAUMONT
179
ouvrages extérieurs
les
sont donc à nous. Le chef de bataillon se rend
au rez-de-chaussée pour organiser l'attaque des logements.
confie
Il
Perroud
capitaine
mission
cette
qui
difficile
commande
au
compa-
la
gnie 19/2 du génie, en lui adjoignant une demisection
de marsouins. Le maître-ouvrier Paul
Dumont
et le
sapeur-mineur Jean Ygon, de cette
compagnie du génie, marchant les premiers, s'emparent de nombreux prisonniers et d'un important matériel.
à
fait,
:
bataillon remonta alors sur le cavalier
la lutte avait cessé vers
au rez-de-chaussée où que
culier
les
il
dix-neuf heures ;
premières résistances rencontrées
laquelle
un sous -lieutenant
avaient
été le
rapidement
capitaine
que sa mission
était
il
revint
apprit que tout allait bien
une contre-attaque à
heures,
soir, et déjà
fort.
Le chef de
et
heures du
avant qu'elle ne fût venue tout
importait de fixer les consignes pour la
il
garde du
où
était cinq
Il
tombait
la nuit
la
,
en parti-
grenade au cours de
du
génie
surmontées.
fut blessé, Vers
vingt
Perroud venait rendre compte terminée
et qu'il
était entière-
ment maître de l'infrastructure du fort. Il avait fait une trentaine de prisonniers dont quatre officiers.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
180
Une vingtaine de Boches avaient en dans
coffre nord de
le
outre été pris
contrescarpe par
la
le
déta-
chement mixte coloniaux -génie du sergent Fainot de la l sitôt
re
compagnie Le chef de bataillon .
se rendit aus-
auprès des prisonniers pour séparer
de leur troupe,
mann
de V artillerie,
Prollius,
maire en V absence du
les officiers
guidé par
le
haupt-
commandant
intéri-
et il visita le fort,
titulaire parti à
temps en per-
mission.
Cet heureux
permissionnaire était
Marquardsen. Le
chef observateur dans s'était réfugié
dans
le
le
toyage des firent
bureau de
le
et
la
Komman-
deux
officiers,
capitaine Perroud entreprit le netsous-sols.
aucune
Les
difficulté
quatre
pour
mandant intérimaire déclara à une progression fort lui
major
secteur de la division,
dantur avec un médecin-major lorsque
le
capitaine d'artillerie Prollius,
si
se rendre. qu'il
Le com-
ne croyait pas
rapide de notre attaque
paraissait hors
d'atteinte.
l'explosion produite la veille par
ne
officiers
Il
:
le
confirma
un obus de 400
:
à la suite de cette explosion une partie de la gar-
nison avait évacué
le fort.
Lui-même
n'y était
rentré que dans la matinée et pensait remettre les défenses
en état quand
les
marsouins étaient
DOUAUMONT
LE FORT DE
En
arrivés.
outre,
informe
il
le
Nicolay qu'un incendie, allumé
181
commandant veille,
la
con-
tinue de couver dans le voisinage d'un dépôt de
6 000 grenades. aident
La
hommes
Ses
faits
prisonniers
coloniaux à l'éteindre.
les
visite intérieure
du
un spectacle
fort offre
hauptmann Prollius marche le predominé par la haute taille du commandant Nicolay. C'est tout un monde de lugubre. Le
mier, suivi de près et
que cet
couloirs, de casemates, de salles,
inté-
Le commandant Raynal, à Vaux, a tenu
rieur.
cinq jours dans un réduit moins vaste, moins aéré,
moins
tacts, sauf
aisé à défendre.
séabonde accompagne sont dans
un
le
Les corridors
repoussant. Les
plus grand désordre
équipements abandonnés gisent en
et
Toutes
les visiteurs.
de saleté
état
chambrées sont dans armes
Les murs sont in-
une voûte défoncée. Une odeur nau-
les inscriptions
des murs ont été repeintes
en allemand. Voici une
salle qui a
voulu résister;
bondée de cadavres à demi calcinés,
elle est
masques sont encore attachés sur vision de
cauchemar
à vivres est assez serves
:
viande,
et d'épouvante.
abondamment
lait,
:
tas.
haricots,
les
les
visages,
Un magasin
fourni de con-
légumes
frais,
eau
minérale, pain de guerre, sucre, thé, café, etc.
LES CAPTIFS DELIVRES
182
Demain, on
fera l'inventaire
du bureau de détruits
:
du butin. Les papiers
Kommandantur
la
n'ont pas été
demain, on entreprendra leur dépouil-
lement. Dans
les couloirs,
en
encore
leuses sont
une dizaine de
batterie;
à
mitrail-
cause
du
bombardement,
les
précaution de
descendre des tourelles, sans se
les
Allemands avaient
pris
douter qu'ils se désarmaient. Décidément,
la
ils
n'avaient pas imaginé que les Français auraient
l'audace de franchir une distance de près de trois
kilomètres et d'arriver au fort d'un seul élan.
Et
le
commandant
Nicolay, dans cette visite
comme un grand
nocturne,
prêtre chargé des
exorcismes, dissipe les fantômes, chasse les lé-
gendes d'outre-Rhin, ouvre
les portes à la claire
histoire de France. Plus de Drachenfels, plus de
Lurlei, plus de maléfices ni de sortilèges, le fort
désinfecté va redevenir un des bastions de Ver-
dun.
Toutes
les issues
des logements sont gardées à
l'intérieur par des sentinelles
pagnie du génie, extérieure.
A
les
que fournit
marsouins assurant
onze heures du
soir, le
envoie son dernier compte rendu gnies continuent à se retrancher. tion
la la
comgarde
conquérant
les compaAucune réac:
allemande ne menace directement notre
DOUAUMONT
LE FORT DE
commune
conquête, œuvre
du régiment
:
des trois bataillons
du bataillon Modat qui a ouvert
voie en brisant les premières lignes prix de pertes sérieuses
passé partie autour
pour entre
s'établir
;
du
au delà
les fossés
mandes
83
du bataillon
;
la
ennemies au Groll qui a
fort et partie sur le fort
et interposer ses
de l'ouvrage et
tranchées
les lignes alle-
du bataillon Nicolay enfin qui a
pris
possession de la forteresse. Ainsi fut conquis le fort de
Douaumont dans
l'après-midi du 24 octobre . Ainsi fut délivré
premier des deux
captifs.
le
IV LENDEMAIN DE VICTOIRE
— Un quart d'eau minérale? Bien que de marque allemande,
elle est
agréable et se laisse boire.
C'est le commandant Nicolay, nommé commandant du fort, qui, le lendemain de la victoire, fait les
honneurs de
sa
maison.
s'est installé
Il
dans un local aménagé au premier étage, déblayé
en gros,
et
que
la
découverte de deux batteries
d'accumulateurs a permis d'éclairer. Le lieute-
commande
nant-colonel Régnier qui colonial
du Maroc, son
le
régiment
officier adjoint, le capi-
taine Monnerat, et son état-major, ont établi leur
commandement dans un abri du sousles visites commencent voici le lieutenant Pichery, commandant une section de pro-
poste de sol.
Déjà
:
jecteurs, envoyé pour assurer les liaisons optiques et l'éclairage intérieur, voici le lieutenant
chargé du
service des tourelles.
d'état-major, des officiers
Des
du génie, de
Manhès officiers
l'artillerie,
LENDEMAIN DE VICTOIRE
185
se succèdent avec des missions spéciales.
organiser
le
faut
Il
en
en munitions,
ravitaillement
vivres, en eau, créer des pistes, rétablir les
com-
munications, nettoyer, rapproprier, reconstruire.
Du
haut en bas,
le fort est étudié, scruté, inter-
A la lueur des bougies, les cortèges comme les bandes de touristes dans
rogé, palpé. se suivent, les
châteaux du Rhin. Mais, dans
aux cadavres
faut prendre garde
les couloirs,
et
il
aux débris de
toutes sortes.
— Nous
n'avons pas encore
la
lumière élec-
commandant Nicolay, mais nos prédécesseurs ont eu
trique partout, explique en s'excusant le
l'attention de
nous
gènes auxquels ne tiel.
groupes électro-
laisser des
manque aucun organe
essen-
Leur remise en marche ne saurait tarder,
nous attendons un personnel spécial d'un
et
moment
à l'autre. Quant à la saleté des appartements, elle dépasse toute imagination Il
un
:
faudra plusieurs jours pour
les
L'état extérieur et intérieur
des constatations suivantes
Aspect général.
ment bouleversés
et
— Tous
véritable fumier.
remettre en état.
du
fort est l'objet
:
les
abords sont complète-
comprennent une succession
terrompue d'entonnoirs de diverses dimensions.
inin-
On
1
LES CAPTIFS DELIVRES
80
encore nettement l'emplacement des fossés
distingue
dont
les
mauvais
côtés et le fond sont en fort
état, les
maçonneries étant presque entièrement éboulées, talus
détruits
réseaux de
fil
et
la
d'escarpe
grille
de fer n'existent plus.
inexistante.
On
les
Les
trouve cepen-
dant quelques blocs de béton surmontés de morceaux
de piquets en fer ayant
fait partie
locaux de l'entrée du fort le
des créneaux. Les
sont détruits. Cependant
passage voûté de l'entrée, protégé par un mètre de
sable et résisté,
1
m. 50 de béton de ciment, semble
au moins dans
sa partie centrale. Les
mités sont obstruées par
les
avoir
deux extré-
décombres. La façade des
locaux bétonnés, qui étaient en maçonnerie ordinaire
m. 80
de
d'épaisseur, a été très fortement
endom-
magée. Les Allemands l'avaient remplacée ou doublée par un
mur
de sacs à terre, dans lequel des créneaux
pour mitrailleuses ou pour grenades avaient été parfois
ménagés. Les piédroits en bétons de 2 m. 50 sur 2 m. 50 ont été détruits en grande partie. La traverse terrassée symétrique
dement par rapport à
du massif des locaux de commanl'axe
Etat intérieur du fort.
du
fort n'existe plus.
— Le
fort se
compose de
locaux supérieurs, en maçonnerie ordinaire, protégée
par une couche de sable d'un mètre d'épaisseur et une
couche de béton de ciment ayant 2 m. 50 d'épaisseur dans
la partie
avant et
1
m. 50 dans
la partie est.
Au-
dessous de ces locaux se trouvent des locaux en soussol séparés
m. 80
par une voûte en maçonnerie ordinaire de
d'épaisseur.
.
LENDEMAIN DE VICTOIRE Tous le
les
187
locaux du sous-sol sont en parfait état, sauf
dernier local à Test dans lequel se trouvait un appro-
visionnement de grenades qui a sauté.
est possible
Il
que
remonte aux premiers temps de l'occu-
cette explosion
pation du fort par les Allemands
tous les prisonniers
:
avaient en effet raconté que l'explosion d'un dépôt de
grenades à l'intérieur du fort avait
de nombreuses
fait
explosion a entraîné
Cette
victimes.
la
chute de
la
voûte séparant ce local du local placé immédiatement au-dessus. Sur les piédroits de ces locaux apparaissent traces des
visibles les
très
déflagration des grenades...
de ce local, tous état.
Deux
les
flammes provenant de
En résumé,
locaux du sous-sol sont en parfait
d'entre eux servaient aux Allemands de
gasin aux vivres et de magasin à eau
En les
du rez-de-chaussée,
ce qui concerne les bâtiments
déblaiement.
mates de
ont
ma-
.
.
extrémités de chacun des couloirs est et ouest sont
encombrés par
les
la
exception faite
les
Ils
la partie
décombres.
On
fait
aucune
Toutes
ouest sont en parfait état
obus de gros calibre tombés sur
de leur
s'occupe
paraissent intacts.
le
les et,
béton
case-
malgré
et qui
y
des entonnoirs de profondeurs assez variables, fissure
ne se remarque sur
mates. Seule, Tune
d'elles,
percée par des 400, vers
sur
les
le
les
voûtes des case-
milieu du fort, a été
façades.
Le trou a 4 ou
5 mètres de diamètre... Presque en face, dans un local servant autrefois de magasin à munitions d'infanterie,
un autre coup de 400, venant un peu obliquement, a percé
la voûte...
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
188
En résumé, inutilisables
bon
état et
faits
par
trois
locaux d'habitation seulement sont
au rez-de-chaussée. Tous
autres sont en
les
on y retrouve les lits de casemate à quatre places d'autrefois ainsi que les lits en bois à deux étages les
Parmi
bon
Allemands...
les abris à
munitions,
état, les autres éboulés.
uns sont en
les
Les magasins de
la
tourelle de 155 n'existent plus, mais la tourelle
a
Celle
résisté.
réparable.
de 75 est endommagée, mais
La casemate de Bourges
a eu son
mur
de façade en béton armé détruit en partie. Des
murs en
sacs à terre avaient été édifiés par les
Allemands pour
le
remplacer
et le doubler.
La
plupart des communications bétonnées ont été
coupées. Les Allemands avaient projeté trois passages souterrains, mais un seul était en construction au
moment
de
la prise
du
fort
fond du couloir d'accès du sous-sol, les
:
partant du
il
desservait
locaux de gorge actuellement détruits.
Les citations de ce rapport
officiel,
27 octobre après une vue des lieux
rédigé
le
faite la veille,
répondent par avance aux tentatives d'explication
que vont donner
les
Allemands par
le
moyen de
l'agence Wolff et de leurs journaux sur leur défaite
du 24 octobre.
«
Les
forts
de
Douaumont
LENDEMAIN DE VICTOIRE et
18&
de Vaux, diront-ils, ont joué dans
la bataille
de Verdun un rôle important aussi longtemps qu'ils furent,
comme
des défenseurs.
Verdun,
ils
forts français,
au pouvoir
Afin d'affaiblir la position de
durent être rendus inoffensifs. Privés
de leurs moyens de combat et en grande partie détruits,
ils
n'offraient à l'assaillant, au point de
vue tactique, qu'une valeur limitée dès
Verdun
tant où l'attaque contre
pue
(1)
.
.
.
était
l'ins-
interrom-
»
L'Allemagne avait claironné dans tout l'univers les s'est
noms de Douaumont
et
de Vaux. Elle
chargée de leur assurer une publicité incom-
parable, colossale. Et
pour
sants deviennent
Douaumont, de
elle
en
vous
mauvais
aucune importance précisément quand
;
avez forts
noms noms de
arrière
:
défaites,
—
entendu
Vaux, parler?
démembrés,
nous allions
les
retentis-
ces
des
machine en
aussitôt elle fait
c'étaient
quand
les
sans
abandonner
Français se sont avancés.
Ils nous gênaient; positivement ils nous gênaient. Nous serons beaucoup mieux en arrière. Les
Français se sont
venus quand
(i)
même
le retrait
trop pressés
de notre ligne
Agence Wolff, 3 novembre 1916.
:
ils
sont
commen-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
190
çait
de
Simple
s'accomplir.
coïncidence
:
ils
avancent, nous reculons. Coïncidence toute fortuite; s'ils avaient
eu
la
patience d'attendre,
auraient trouvé place nette. Je ne sais
la
si
mands
est
histoire
comme
coutume des
d'accommoder
mener
pour
le
pays.
n'était
nullement
quand
le bataillon
«
Le
quand
plus tard
Nicolay
ses
nous avons
de Douaumont
le
»
réoccupa. Le génie
même
statisticiens
triompher
fourniront la
des tonnes de fer qu'il a reçues en regard de
incomplètes démolitions. Quant à son
très
importance, blir.
les
l'in-
Nous
détruit en grande partie
français qui l'a construit pourra
liste
bataille.
la
fort
En
l'histoire.
comme
travaillerons pour la vérité, travaillé
historiens alle-
ainsi
en guerre, nous n'avons pas
tention de leur laisser
ils
.
Dans
le
les
Allemands
bureau de
la
se
chargent de
l'éta-
Kommandantur,
fort
bien tenu, un dossier de plusieurs centaines de pièces,
uniquement consacré à Douaumont,
a été
dressé avec bordereau et couverture. Déjà interprètes volontaires se sont mis à
le
les
traduire,
avant qu'il soit expédié au Quartier Général de l'Armée.
On
le
dépouille en hâte et l'on y fait des
découvertes intéressantes. Dans un mémoire sur le fort,
composé en septembre 1916,
les raisons
LENDEMAIN DE VICTOIRE
191
de conserver cet ouvrage sont énumérées avec un soin extrême.
y a du plaisir à
Il
minutieux.
aussi
L'auteur
l'usage qui en serait fait
La valeur du
fort,
y
lire
n'avait
un
travail
pas
prévu
un jour.
est-il dit,
abstraction faite de la
grande importance politique de sa possession, réside dans
de dominer par notre
la possibilité
rain situé devant lui, grâce établis
dans
les
artillerie le ter-
aux observatoires excellents
Une
tourelles cuirassées.
surprise de
notre première ligne d'infanterie ne peut être empêchée
que par ce moyen. De plus,
mesure
restreinte,
un bon
le
une
fort assure, dans
abri à nos réserves, à deux
kilomètres de notre première ligne.
Vu
la
proximité de
l'ennemi, l'absence de tout point d'appui entre la pre-
mière ligne
et le fort, l'état tout à fait insuffisant des
défenses d'infanterie du fort lui-même,
encore aujourd'hui, à tout instant,
la
il
faut entrevoir
possibilité
d'une
surprise...
Excellent
dence
du
:
mémoire qui recommande la prumanque, ni la valeur politique
rien n'y
fort, ni l'intérêt,
pour
l'artillerie,
de ses mer-
veilleux observatoires, ni celui de ses abris les réserves.
mière ligne
mand
Pas de point d'appui entre et le fort
:
le
pour
la
pre-
commandement
alle-
s'en est préoccupé, car
surprise d'une attaque, et le
il
faut prévoir la
18 septembre,
le
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
192
général von Lochow, d'attaque
manière
est,
commandant
groupe
le
donne Tordre d'organiser d'une première ligne qui
très puissante cette
doit être susceptible de tenir par elle-même
La
...
:
ligne atteinte à présent doit être tenue et ren-
forcée par une défense acharnée...
Le développement
des travaux visera à établir plusieurs positions compre-
nant chacune plusieurs Il
lignes...
importe tout d'abord
— notamment
teur Thiaumont-Bergwald (Vaux-Chapitre)
bien
dans
le
— de
sec-
ren-
première ligne qu'elle puisse résister
forcer
si
même
à de fortes attaques et de diminuer les pertes des
relèves
la
en construisant des boyaux et des tranchées
d'approche... Le temps qui nous sépare de la mauvaise saison et les forces importantes qui peuvent être mises
encore en première ligne doivent être dernière énergie en vue d'activer
que des
difficultés
avec
la
travaux, de façon
ne surgissent pas en hiver, ou en cas
de diminution des ...
les
utilisés
effectifs...
La continuation des attaques ennemies
doit,
aux
termes d'un ordre intercepté par nous, être attendue avec certitude sur postes de
la rive droite
commandement
l'attitude à tenir
de
la
Meuse. Tous
les
doivent donc mettre au point
au cas où l'adversaire déboucherait sur
un point de nos
positions,
ou
même
au cas où des
attaques généralisées de sa part réussiraient. Ce calcul doit
prévoir
minutieusement
concevables et préparer dans
toutes les
les
éventualités-
moindres
détails
les
.
LENDEMAIN DE VICTOIRE contre-mesures
les plus pratiques. Il Éa ut
193
à ce sujet faire
connaître ses intentions aux unités voisines, afin que ces dernières puissent,
le
aux contre-
cas échéant, collaborer
attaques...
La bles et
situation exige qu'on
ménage
des forces disponi-
constamment prêtes à un nouveau coup de
collier
acharnées au travail, et cela partout. La relève des
divisions qui, jusqu'ici, avait lieu
faut plus compter.
fréquemment,
Le général von Lochow
Il
le
tomne
qui lui valut l'ordre
suivant, les feuilles de chêne.
pereur,
opéra-
les
Mérite auquel l'Empereur ajouta, l'au-
huit jours avant la bataille,
bre,
24 octo-
le
1915
dirigeait en janvier
tions devant Soissons, ce
pour
n'y
Allema-
jouissait en
gne d'une grande réputation avant bre 1916.
il
.
Le 17 octo-
comme
accompagné du Kronprinz,
devant Verdun
les
«
inspectait
troupes de choc
Lochow commandait,
général von
l'Em-
ce
»
que
le
dernier
adressa
au visiteur une harangue enflammée
dont
le
texte
juste
à
«
temps
parvint au
pour nous
Nous soupirons tous,
moment où fois
il
fort
de Douaumont,
être
communiqué.
disait le général, après le
nous sera permis d'attaquer une
de plus, dès que Votre Majesté jugera que
moment II.
est
venu,
»
le
Malheureusement, ce sont 13
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
194
moment
nos généraux qui ont jugé
le
a ainsi des coïncidences,
mais fâcheuses.
moins ne
venu.
Il
pour tout
sont-elles pas fâcheuses
y
Du le
monde. Son ordre
est-il assez clair?
doit pouvoir résister
La première
aux attaques ennemies. Ces
attaques sont certaines et prochaines. voir toutes les éventualités.
Et
le
tembre, des ordres de détail pour inférieurs
faut pré-
général von
les
le
20 sep-
échelons
:
Ce qui continue toute l'étendue construire en
à presser le plus, c'est d'établir sur
du front
même
la
toute première ligne et de
temps
qu'elle les obstacles et dé-
fenses accessoires qui en font partie. faites sur la
Somme
que
moyen
c'est le
nemi de culbuter
la
la
Les expériences
ont à présent démontré à nouveau
le
plus sûr de rendre difficile à l'en-
première
Le 25 septembre,
mandant
Il
commande le secteur ajoute,
Planitz qui
ligne
le
ligne...
général
Hancke, com-
e
33 division de réserve, indique, avec
l'ordre d'urgence des travaux à exécuter, l'em-
placement des lignes successives.
ment
Il
n'est nulle-
question, dans ces ordres donnés à la fin
de septembre, de prévoir l'abandon du terrain occupé. Et voici un ordre du 23 octobre 1916
—
LENDEMAIN DE VICTOIRE veille
— du général von Zwehl, com-
de l'attaque
mandant
VII
le
e
195
corps de réserve, qui achèvera
de prouver à quel point
Allemands étaient
les
que jamais à défendre
alors résolus plus
et assu-
rer leur conquête.
25 e D. R.
— 83
D'après des renseignements
e
R. R. 23/10 1916.
d'agents,
il
faut s'at-
tendre à une attaque française à Verdun. La position
de combat doit être tenue à tout prix. L'infanterie et
ment
à repousser
munitions et
les
Transporter
Krupp
le
en
et Brody),
leuvre) et ouest)
une attaque française (préparer
les
grenades à main).
nades à l'avant. mitrailleuses
les
mo-
mitrailleuses doivent être prêtes à n'importe quel
plus grand
nombre
Les réserves réserve
et
les
possible de gre-
compagnies de
au Thiaumont-Hang (abris
au Ablain-Sclilucht (ravin de
la
Cou-
au Minzensehluclit (ravin du Helly, partie
doivent être prêtes pour une entrée en ligne
immédiate.
Chaque chef de pièce
mitrailleuse
devra se
mettre
doit savoir
en position
où
(faire
sa
des
essais)..'.
Signé
Eh
bien!
est- on
:
Zwehl.
suffisamment prévenu, de
l'autre côté, d'une attaque française?
Les ordres
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
106
de veiller et de résister à outrance sont-ils
samment
nets? Mais c'est
ici
que Ton
suffi-
voit l'im-
portance des combats ininterrompus livrés par nos troupes en
juillet,
en août, au début de sep-
tembre, pour répondre aux violentes offensives de l'ennemi
les
23 juin et 11
juillet, à ses atta-
ques moins nourries mais redoutables encore des er
1
août et 3 septembre
:
nos soldats ont pris
l'ascendant sur l'adversaire. L'adversaire n'a plus
en état d'infériorité morale Ainsi tout se tient dans le grand drame de Verdun. confiance
Jamais
;
il
l'art
est
.
des préparations n'a été plus utile,
ni mieux appliqué. Les obscures luttes devant Tbiaumont, devant Fleury ont rendu possible la
victoire éclatante
morale du
mont
du 24 octobre. Cette
infériorité
soldat allemand, c'est encore
Douaû-
écrite.
Au fameux
dossier trouvé dans le bureau de la
Komman-
qui en apporte
la
preuve
dantur figurent ces instructions données dès 16 septembre 191 G par
commandant Remarques
Il
est
la
le
général von Vitzhum,
192 e division, sous
spéciales
le
au secteur
le
titre
:
:
indubitable que nos troupes se sont
fait
des
idées exagérées au sujet de la situation tactique de ce
secteur, sur les rapports d'autres troupes, etc.
Le
senti-
LENDEMAIN DE VICTOIRE ment de
que nos
l'adversaire,
sur
leur supériorité
197
avaient rapporté à juste titre du bois d'Avo-
hommes
Le grand nombre de disparus en
court, a fléchi.
preuve éloquente. C'est les officiers, et
le
devoir
en général de tous
est la
plus noble de tous
le
de cœur
hommes
les
qui sont au front, de relever la confiance chez nos trou-
La
piers.
parole, l'exemple et, avant tout, les
récom-
penses décernées judicieusement, devront être
employés
dans une large mesure pour rendre à toute
la
troupe
cette attitude résolue.
Trois circonstances rendent le secteur particu-
lièrement 1°
difficile
:
La marche d'approche pénible,
accompagnée de grosses pertes 2°
;
Le grand emploi d'engins de tranchées de
part de l'ennemi 3°
Le feu de
...
Diverses
de
feu
adverse.
compagnies ont
ennemie
l'artillerie
détachements
et
été
dispersées
n'avaient
sont produites
hommes ne tion
des
les
le
pas
assez
de
le sien.
hommes; guides
:
Les pertes
que l'ensemble des
surtout parce
couchaient pas assez tôt à l'appari-
globes lumineux ou se comportaient mala-
droitement par
se
par
ne sont arrivées aux
chaque section au moins doit avoir se
la
;
l'artillerie
premières lignes qu'avec trente ou quarante ces
souvent
par
clair
de
lune.
La conduite à
détachements nombreux,
pris
tenir
sous les fais-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
198
ceaux lumineux de l'ennemi, fera l'objet d'une instruction détaillée et très approfondie, de
rampante d'un entonnoir à
où
la
marche
même que la marche
l'autre par les nuits claires
et la course sont impossibles.
Il
ne faut
pas que ce soient les armes de l'ennemi qui nous enseignent la conduite à tenir en de pareilles circonstances.
La diminution des dans
les
effectifs
ne provient pas seulement,
compagnies, des dispersés
et des égarés,
mais
nombre important de tire-au-flanc. Ce désordre commence déjà dans le fort de Douaumont c'est pourquoi chaque compagnie laissera un poste de encore d'un
;
police, jusqu'à ce qu'elle soit partie avec tout son effectif.
Pendant
la
marche,
l'officier et le sous-officier
gés de la police suivront la
colonne, et
les
char-
hommes
seront répartis de manière que les plus vaillants et plus sûrs, qui
forment toujours
d'appui aux timorés. officiers, ni
le
dernier lieu,
il
ne
faut, chez les
indulgence, ni laisser-aller, mais des mesures
impitoyables envers
dans
En
les
majorité, servent
la
devoir par
la
les
troupes qu'on n'aura pu retenir
bonté.
.
Ces remarques sont l'indice d'un grave relâ-
chement de
la discipline.
Les cas d'abandon de
poste, les désertions abondent. Et le
dement
se
comman-
préoccupe de cet état évident de dé-
pression, à en juger par cet ordre
du général von
Lochow, appuyant avec énergie
les
de son inférieur
:
conclusions
LENDEMAIN DE VICTOIRE
Groupe d'attaque Est.
Q. G.,
199
le
16/9/16.
a Nr. 1349-Secret.
I
'Les comptes rendus présentés par les corps d'armée
sur
au
mesures prises pour diminuer
les
moment où
les
vent que je suis en parfaite les
le tirage-au-flanc,
troupes montent en ligne,
me
prou-
communauté de vues avec
généraux commandants de corps d'armée sur l'im-
portance des mesures à prendre.
Quatre points valeur 1°
sont particulièrement
à mettre
en
:
Agir énergiqtiement
ployer
les
tous ceux contre lesquels levées).
et
impitoyablement
armes ou poursuivre par
les
(em-
voies légales
des fautes auront
été
re-
Les cas particulièrement caractéristiques se-
ront rendus publics, afin d'apprendre à tous qu'il n'y a aucune mesure de pitié à attendre dans tous les cas
de lâcheté; 2°
Relever la discipline, par du rang serré; exercer
continuellement une discipline bienveillante, mais sans
au cours ou en dehors du service (attitude, marques extérieures de respect, conduite); relever le faiblesse,
sentiment de l'honneur et de la tâche à accomplir, difficile situation actuelle,
la
conviction de la nécessité
— particulièrement dans — par des théories
et
la
par un
contact personnel avec la troupe; 3°
Prendre des dispositions en vue de
la répartition
de Tordre de marche et de la détermination de
l'effectif
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
200
des troupes
montantes; répartir
les
troupes dans
abris; prévoir la place des cadres; vérifier à
indiquer
l'effectif;
arrière, etc. cis,
est
Il
par suite de
aux
l'objectif
hommes
les
nouveau
laissés
en
impossible de donner des détails préla
différence qui existe entre les sec-
teurs. L'amélioration de la position facilitera de façon
importante
la surveillance
;
par des postes à proximité de
4° Exercer,
La
zone
de feu, une surveillance active en arrière du front; patrouilles de
sur
gendarmes, cavaliers
les routes. Visite
des trains de
combat
envoyer
et des trains régimentaires
appels fréquents y seront d'autorisations écrites
;
faits.
celles-ci
fréquemment par tous
homme
et cyclistes à
des camps, des abris, des cantines,
Pourvoir
des
devront être examinées
supérieurs;
les
;
tous les isolés
arrêter
tout
trouvé non porteur de permis; ne délivrer au-
cune nourriture aux hommes n'ayant pas d'autorisation; inspecter sans se lasser les localités abandonnées, infirmeries, les
camps
et les abris.
les
Les divisions instal-
leront aussi près que possible des lignes de points de ras-
semblement pour
examen
après
ci,
les
hommes
cl
détermination de l'unité à laquelle
égarés ou débandés. Ceux-
appartiennent^ seront dirigés sur
ils
dont
ils
J'attire
états-majors
de nouveau toute l'attention des généraux
commandants de corps d'armée ces
les
relèvent ou sur des locaux disciplinaires.
mesures.
La
nécessité
sur l'importance de
où nous sommes de tenir
avec nos seules forces nous oblige d'une manière pressante à porter toutes les troupes disponibles jusqu'en
LENDEMAIN DE VICTOIRE première ligne pour
la
201
défense et l'organisation de nos
positions.
Le général commandant
la
192 e division re-
vient encore sur les mesures à prendre pour arrêter cette
démoralisation croissante
192 D. I e
:
Q. G.,
le
21/9/16.
Ni. 3087.
II a
Toute fausse
1)
pitié,
tout pardon,
aller,
toute faiblesse,
tout laisser-
pour quelque motif que ce
soit,
On
devra
rendent les supérieurs complices des coupables. intervenir avec
une main de
lances se produisent 2)
...
On
est
savoir qu'ailleurs efforts
leur
la
se produire.
hommes au
situation
repos, en
est obligé d'exiger
de
mots
Us devront
générale.
la
troupe des
incomparablement plus grands que ceux qu'on
demande,
en masse,
et
on
partout où des défail-
ou commencent à
expliquera aux
simples, quelle
fer,
et
que plus l'ennemi attaque violemment
plus
la
décision
de
la
campagne
est
proche. .
.
.
Une
caractéristique des Français est de faire
com-
prendre aux troupiers que chaque grenade restée sans réponse est un indice de leur supériorité, et que chaque prisonnier blessé
de
la
tombé dans
leurs
mains
est
démoralisation de l'armée allemande...
une preuve
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
202
Combien
commandement
le
français avait rai-
son de ne pas rechercher, pour
24 octobre,
la
supériorité
la bataille
du nombre
préférer la qualité des troupes
et
de
du lui
!
Ces témoignages ne sont pas isolés. D'autres
viennent
les
confirmer, les compléter.
tous tirés des registres de
Douaumont,
Ils
sont
classés,
étiquetés et mis en ordre dans le bureau bien
tenu
du
de
fort
un
drait écrit
la
Kommandantur. Le commandant
lui-même,
major Marquardsen, vou-
le
surcroît de pouvoirs.
Le 19 octobre,
il
:
Étant donnés l'importance du fort et son rôle essentiel
dans
le secteur,
j'estime que
le
fort devrait avoir les prérogatives d'un
commandant du commandant de
place forte.
D'autre part, fort, devrait
le
commandant, en
conserver
le
cas d'attaque
du
commandement suprême de
toute la garnison s'y trouvant, et réunir dans sa seule
main que
toutes les directions de la défense, sans compter
le
commandant du
son long séjour sur
fort, après
place, connaît exactement toutes
les particularités
du
fort et tous les besoins de la défense. Il
faudrait
moment
considérer
comme
attaque du fort
où, sans doute aucun, après
le
bombardement
systématique, l'attaque d'infanterie ennemie se produirait
dans
la direction
du
fort.
LENDEMAIN DE VICTOIRE Évidemment. Après matique, dans
la direction
du
s'est
systé-
déclenchée
fort. Elle est allée
pas donné au
vite, elle n'a le loisir
bombardement
le
française
l'attaque
203
un peu
commandant du
de réunir dans sa seule main
fort
toutes
les
directions de la défense.
Voilà ce que l'on apprend à
Douaumont, tout
en buvant de l'eau minérale bénévolement transportée par les corvées allemandes. Certes,
du
plaisir à dépouiller
les couloirs
du
dues pour
fort,
que
mitrailleuses
les
un
fait.
y a
Dans
on a ramassé dix ou quinze Allemands avaient descen-
les soustraire à
Elles étaient mises
dossier bien
il
notre bombardement.
en batterie, mais
ils
n'en ont
pas fait usage. Aujourd'hui, nous nous en servons. Ainsi en est-il du dossier de la
Komman-
dantur.
Cependant,
les visiteurs
apportent aussi, d'en
bas, leur part de nouvelles. Ils disent le chiffre
des prisonniers qui, déjà, a dépassé 5 000, plus
140
officiers
et ce
disent
chiffre
dont 8 commandants de bataillon,
augmente de jour en
l'importance
du butin
:
dans
jour. la
Ils
seule
journée du 24 octobre, 15 canons dont 5 de gros
canons de tranchée, 140 mitrailleuses
calibre, 51 et
un considérable matériel de guerre compre-
nant
fusils,
munitions, outils et deux postes de
télégraphie sans se
OEUVRES
LES CAPTIFS
204
défend encore
fait rage.
seul
coup
fil.
:
Cependant,
le fort
de Vaux
sur Vaux-Chapitre, la bataille
Vaux, décidément, ne tombe pas d'un
comme Douaumont.
Mais voici qu'un
officier
e
du 2 bureau, rassem-
blant et comparant les interrogatoires des prisonniers, reconstitue la bataille
du côté allemand.
Rien n'est plus profitable que de l'écouter
:
on a
l'impression que l'ennemi livre ses misères. Le
Douaumont est dépassé. Le commandement allemand, au
dossier de
breux
officiers,
dire de
nom-
ne croyait pas à une offensive de
grande envergure tout au plus s'attendait-il à des ;
attaques locales destinées à retenir des effectifs
devant Verdun. Le dispositif adopté compliquait les
ordres
:
sept divisions accolées sur un front
de 9 à 10 kilomètres, ayant chacune une étroite fenêtre en première ligne et des bataillons au
repos à une étape en arrière. Notre préparation d'artillerie,
commencée
trois jours
avant
l'at-
taque, avait en majeure partie nivelé les organisations défensives de l'ennemi, dans la zone qui
s'étendait
du ravin de Helly à
la
Fausse-Côte,
LENDEMAIN DE VICTOIRE défoncé
205
enterré les mitrailleuses.
les arbres,
La
destruction des abris de première et deuxième ligne eut pour conséquence d'obliger les renforts et les réserves à se disperser
pour chercher une
protection dans les trous d'obus
première ligne,
pour
soit
;
ils
comme
lors d'être disponibles soit
cessèrent dès
soutien de la
contre-attaques
les
locales automatiques telles qu'elles sont
mandées par
les instructions
allemand. Les tion,
tirs
recom-
du commandement
de destruction, de neutralisa-
d'aveuglement, ont produit leur effet sur
les batteries et les observatoires.
Le 22, au cours
d'une attaque simulée, 160 batteries s'étaient dévoilées en quelques instants, tirant sur le secteur
Hardaumont- Vaux-Chapitre. Le 24, jour de une centaine au
l'attaque, dans toute la journée,
plus ont été vues en action sur ce
On
peut juger par
Quant aux pertes au cours de que, dès
le
la
même
il
était
tir.
ennemie
infligées à l'infanterie
préparation, elles furent
23,
secteur.
des résultats de notre
là
si
élevées
devenu nécessaire de ren-
forcer ou plutôt de relever presque
toutes les
unités en ligne. Les relèves furent tentées dans la nuit
du 23 au 24
:
notre canon les
fit
avorter
ou ne permit aux renforts d'arriver qu'avec des effectifs très réduits.
Une
carte avait été dressée
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
206
17 octobre des
le
camps
et des
chemins de
re-
lèves de l'ennemi. Les interrogatoires ont établi
que
avaient effectivement et exac-
les relèves
tement
suivi
repérés et y
itinéraires ainsi
les
avaient été impitoyablement saisies, détruites ou dispersées par notre canon. Les réserves furent de
même
atteintes dans leurs
camps
et
aux emplace-
ments que nos renseignements leur assignaient. Notre attaque conditions
s'était
plus
les
donc déclenchée dans
favorables.
Ainsi
les
put-elle
atteindre d'un seul élan, sur tout le front, sauf
dans
le
secteur de Vaux, les objectifs extrêmes
qui lui avaient été fixés.
Au
centre, dans le sec-
teur Thiaumont-Douaumont, la résistance opposée
par
les
34 e
54 e divisions fut promptement bri-
et
sée, et le fort
de Douaumont tombait entre nos
mains. La 3 e division ne comptait que trois régi-
ments qui s'attendaient d'un jour à retirés
l'autre à être
du front de Verdun. La 54 e ne
plus que d'effectifs affaiblis, cent
disposait
hommes
par
compagnie. Les relèves intérieures, commencées dans
la nuit
du 23 au 24, n'étaient pas encore
terminées. Cette avance foudroyante sur Douau-
mont
un
produisit
effet
de terreur sur
les divi-
e sions voisines de droite (25 division de réserve)
et
de gauche
e
(9
division) qui eurent la sensation
LENDEMAIN DE VICTOIRE d'être
débordées
et
207
taillon
A
ne résistèrent guère.
25 e division, quelques éléments, dont
du 83 e régiment, réussirent à
3
le
e
la
ba-
se soustraire
à notre étreinte par la fuite et à se rallier au nord
du ravin du Helly.
A
la 9
e
du
gnies de première ligne
7
e
bas les armes sans combattre
;
grenadiers mirent les
compagnies de
deuxième ligne Voulurent s'enfuir dans de
la
compa-
division, les
le
ravin
Fausse-Côte où elles furent abattues ou
faites prisonnières. Trois
compagnies du 154 e ré-
giment, alertées dans leurs abris du ravin de
la
Fausse-Côte, étaient venues s'établir vers trois
heures de l'après-midi sur
la crête
sud de ce
ravin où elles essayèrent de résister. Mais, bien-
fuyards du 7 e grenadiers,
tôt entraînées
par
elles battirent
en retraite avec eux, dans
les
grand désordre, vers
les
le plus
d'Hardaumont.
bois
Toute cette colonne fut arrêtée, prise d'enfilade fauchée dans
et
le
ravin de la Fausse-Côte par
nos mitrailleuses mises en batterie à l'extrémité est
de ce ravin.
Cependant pas aux
ailes.
la
débâcle du centre ne se propagea
A
l'aile droite,
la
13 e division de
réserve résista vigoureusement derrière les organisations relativement carrières
solides
d'Haudromont
.
abords des
des
Notre
11
e
régiment
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
208
d'infanterie n'en fut maître
du
soir après
33 e division de réserve
la
que vers
un rude combat. A
heures
six
gauche,
l'aile
et surtout la
50 e divi-
sion rendirent notre progression très pénible et
24, aux lisières nord de
la limitèrent, le
boisée qui entoure taille
le
la
fort de Vaux. C'est
zone
la
ba-
de Vaux qui continue, qui ne se terminera
que par
du
la prise
fort.
Ainsi la preuve est-elle faite par l'ennemi lui-
même
de notre efficace préparation
de l'élan de nos soldats.
et
Il
d'artillerie
n'a pas seulement
perdu un terrain laborieusement gagné arpent par arpent au cours de huit mois de combats
ininterrompus
dun
il
:
l'infériorité
a
dû reconnaître devant Ver-
de son
commandement
et
de ses
troupes.
Des carrières d'Haudromont au ravin de Fausse-Côte, les vainqueurs organisent territoire reconquis.
ser
Mais
ils
n'ont pour se repo-
bombardement moderne, un soir de
qu'une boue glacée sous
ennemi. Dans victoire est
un
la bataille
soir
le
de peines et d'efforts. C'est
vainqueur qui n'a plus d'abris et qui, plus
ment
la
le vaste
le
facile-
repéré sur les positions qu'il occupe et que
.
LENDEMAIN DE VICTOIRE vaincu occupait
le
la veille
209
encore, subit la pire
averse de fer.
Nous nous sommes
un
installés, écrit
qui logeait facilement toute trou, nous
il
un
trou de 400
Là, dans ce
section.
la pluie s'étant
pieds dans Veau, pas
les
moyen de
n y fallait pas songer. Nous passions nos à grelotter de froid,
nuits et journées
également, car
jour de
ma
avons beaucoup souffert,
mise à tomber,
dormir,
le
à sa marraine
soldat du régiment colonial, dans
le
et la
faim
ravitaillement était difficile. Enfin
la relève arrive.
Nous
étions contents de
nous, car nous avons fait ce qu'il était possible à des marsouins de faire.
Le ravitaillement étant
comme
quer une
.
était
enveloppé de feu.
piste. Pas
Douaumont
difficile, Il
fallait prati-
de plainte cependant
:
on
dit
ce qui est, voilà tout.
Oui, les nuits sont froides, la boue est glacée. Il
pleut,
ses
chacun grelotte
membres
forte ces
et
peut à peine remuer
transis. Qu'est-ce
hommes
donc qui récon-
privés de sommeil, presque de
nourriture, et sans cesse menacés?
102 e bataillon de nuit.
Il
interpelle
fatigue, travaillent
—
Il fait 11
•
chasseurs
fait
Un
officier
du
ronde de
sa
des chasseurs qui, malgré la
pour
se réchauffer
:
froid, les petits gars. 14
LES CAPTIFS DELIVRES
210
— Qu'est-ce les a eus,
on
que ça
les aura.
fait,
mon
lieutenant?
On
Ça réchauffe.
Les jours suivants, une série de contre-attaques
allemandes échoue contre nos défenses déjà établies
et
,
même la
division de Salins progresse légè-
rement au delà dufortdeDouaumont, Passaga au ravin de
la Fausse-Côte.
c'est le colonel Régnier,
et la division
Devant le
fort,
commandant le régiment
colonial, qui a pris l'initiative de cette progression. Notre ligne avait été repérée par l'ennemi,
dont
le tir
par 77
et
sionner des pertes.
dans
la
située à
Une
88 commençait à nous occaIl
décide de faire occuper,
nuit du 27 au 28 octobre, une carrière
400 mètres environ au nord-est du
section
commandée
par
un
officier
fort.
est
chargée de cette opération qui réussit brillam-
ment après une simple menace d'engagement la
à
grenade.
Nous partons sous
la pluie,
en colonne par un,
raconte
le
sergent Bousson, moi entête, pour aller
occuper
les
Carrières, sautant d'un trou dans l'autre,
par une nuit bien noire ^attendant un ou une fusée pour nous diriger sole. Enfin, trois
après avoir
et
éclair de
canon
rien qu'à la bous-
rampé dans
la
boue pendant
heures au moins, nous arrivons à des abris sous
terre,
mais vides de Boches. Nous décidons avec
mon
.
LENDEMAIN DE VICTOIRE chef de rester
au
là
jusqu'au jour
nous nous mettons
:
une tranchée pour nous
nous faisons
travail,
mettre à l'abri. Pendant ce temps, et
nous fouillons
moi,
211
ces
mon
lieutenant
qui étaient
carrières
immenses , n'ayant qu'un bout de bougie que nous voulions économiser
camarade tissait
Enfin je fus chargé avec un
.
d'aller reconnaître si le souterrain n'abou-
pas au fort; mais, après avoir marché quatre
nous avons eu
cents mètres à peine,
voir une lampe allumée
et
la
surprise de
du monde qui dormait.
Sans bruit nous revenons sur nos pas pour rendre compte de notre trouvaille au lieutenant qui décida de
coups de grenades sans savoir
attaquer à
les
combien
ils
étaient.
Nous nous élançons après avoir
braqué un fusil-mitrailleuse à les
l'entrée.
avait réveillés et à notre approche
à crier
quatre
:
«
:
Camarades!
»
Mais ils
le
se mirent
Ils étaient huit et
nous nous emparons du souterrain sans
un coup de revolver qui puisse lieutenant
envoya un
nous tirer
attirer l'attention.
homme pour
Le
rendre compte
immédiatement au commandant du fort qui prendre.
bruit
les fit
.
Le lendemain,
la ligne fut tout entière
portée
à la hauteur des Carrières.
Après
la relève,
le
général Guyot de Salins
adressa cet ordre à sa division
:
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
212
Le général commandant l'armée vous a
nom
au et
...
e
que,
la
France,
remerciements
les
vous
de
exprimer
les
adressé
de
Patrie; je
la
nouveau
de
Le Kaiser allemand
maître
du fort de Douaumont,
Verdun
clef de
et
y
de
s'était
quand
entrerait
tiens
nom
au
division.
déjà,
félicitations
les
la
vanté
tenait
il
il
à
la
vou-
le
drait.
Pour reprendre Douaumont, appel à sa plus belle division, à Votre
la
France a fait
la vôtre.
par vos
attaque, admirablement préparée
camarades
artilleurs, a été
un
heures vous étiez maîtres du fort de
mont
et, si
vous n'êtes pas
Er
succès foudroyant.
trois
allés plus
Douauque
loin, c'est
vous en aviez reçu l'ordre formel.
Devant vos uniformes redoutés de marsouins de ,
zouaves, de tirailleurs ,
les
Allemands épouvantés
sont rendus en masse. Vous en avez
2 500 dont 50 Soyez
fiers
officiers.
de votre œuvre,
le titre
Au nom
de
de la
«
car vous vous
noms vous avez
couverts de gloire et à vos
jamais
se
ramené près de
attaché à
Vainqueurs de Douaumont
France
>»
.
Merci!
:
Le général Passaga, à lèbre le culte des morts
êtes
:
la division voisine, cé-
.
LENDEMAIN DE VICTOIRE .
Camarades, saluons fièrement ceux des nôtres
.
.
213
dont
le
sang généreux a payé ce triomphe.
héros ne sont pas morts
futures, fera
nobles martyrs de la plus
:
âme
iuste des causes, leur
Ces
généreuse, dans
nous
rayonner sur
les luttes
l'amour sacré
d'une Patrie chérie, indignement souillée.
.
*
Du commandant écrite
.
.
.
du
fort
Nicolay
même
:
L' enlèvement du fort de
d'un mérite collectif agréé par
Ce mérite
reçu cette lettre
j'ai
Douaumont
résulte
le destin.
de préparation minutieuse, de
est fait
volonté obstinée et d'esprit de sacrifice. Il ne s'est
pas manifesté par une
somme
d'actes
remarquables à l'inverse de ce qui premières lignes.
Au
s'est
individuels
passé sur
les
fort, notre décision collective a
pris d'emblée le pas sur la décision allemande que
nous avons dominée en allant rapidement chacun à son objectif, sans tenir compte du bombardement, sans hésiter devant
les
et
premières résistances rencon-
trées.
Cela
journée
s' est
la
passé ainsi. Il faut voir surtout dans
cette
marque du
des-
grandeur du
résultat et la
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
214 tin.
Quant à l'homme, en
très bien le
préparé,
il
s'est
tant qu'individu,
donné complètement,
sentiment de la grandeur de sa tâche
eu une seconde d'hésitation. Cela
La
prise de
où
tive
Douaumont
les efforts
est
il
était
il
a eu
na pas
et il
bien ainsi...
une œuvre collec-
est
de tout un bataillon, après
ceux des deux autres qui l'ont préparée, viennent se perdre. Le premier commandant du fort
ne veut pas qu'un rayon de cette gloire tache pour mettre un visage en lumière.
un prophète d'Orient, deux
fois. N'est-ce
déchirant
les
il
pas
invoque
le
se dé-
Gomme
le destin, et
par
destin qui, tout à coup
nuages, a désigné
le fort,
d'avance
conquis, aux assiégeants égarés? Mais, lui-même, le destin
le
ne
l'a-t-il
pas marqué?
vainqueur de Douaumont.
Il
Il est, il
pour accomplir cet exploit légendaire accompli, suffit
A
il
disparaîtra, car
une
mers
et, l'ayant
telle
fortune
à porter une vie humaine.
la
prochaine
bataille, celle
qui a pour objet d'élargir forts
restera
a passé les
de façon à
les
le
mettre hors des distances
d'assaut et qui achèvera par là
de Verdun dont
du 15 décembre, cercle autour des
même
elle est l'épilogue, le
la victoire
comman-
dant Nicolay conduit son bataillon à l'attaque du
LENDEMAIN DE VICTOIRE
camp de
camp de Heurias
Heurias. Ce
du ravin qui porte
sur les pentes
215
le
est disposé
même nom,
en arrière d'Hardaumont et devant Louvemont. 11
constitue la défense qu'il faut réduire avant que
Louvemont
découvert. C'est une sorte de
soit à
redoute avec des abris-cavernes. La surprise permettrait d'en occuper les issues et de s'en
coup
rer sans prise. la
il
empa-
n'y eut pas de sur-
Les premières vagues furent retardées par
boue épaisse qui
se collait
elles déferlèrent, la
sortir et
aux semelles. Quand
garnison avait eu
le
temps de
de se mettre en arrêt. Elles furent accueil-
une
par
lies
Mais
férir.
fusillade
meurtrière.
Un
tireur
commandant qui marchait avec elles. Comment n'aurait-il pas reconnu en lui le chef? ajuste le
Tout
le
cette
sorte de majesté qui
sonne.
désignait,
Il
haute
taille,
son allure,
émanait de
deux yeux,
et
Il
le
Son
fut atteint d'une balle entre
tomba d'un
seul coup. Mort,
continua de servir. Ses soldats enragés gèrent, et
sa per-
méritait l'honneur d'être choisi.
destin l'attendait. les
sa
le
il
ven-
camp de Heurias fut emporté. le commandant Nicolay,
Ainsi devait finir
revenu dlndo-Chine^ pour prendre
Douaumont.
le^ fort
de
LIVRE IV
VAUX
LA PREMIERE JOURNEE DE LA BATAILLE DE
VAUX
24 octobre.
Un
allemand,
officier
du 24 octobre au
Petit
vrage
la
sur
fortifié
que
lorsqu'il apprit
entre nos mains, eut
prisonnier le soir
du
est
fort
un ou-
de Vaux,
de Douaumont
était
un moment de stupeur, déclara
il
:
«
Vous avez
Douaumont, mais vous ne prendrez pas
Vaux. Il
route
le fort
puis, se ressaisissant, pris
fait
Dépôt qui
»
dans
était
commandant
le destin
de Vaux, aurait
dit le
Nicolay, d'offrir chaque fois une
résistance plus opiniâtre et prolongée que celle
de son orgueilleux
mands dès tombé que (1)
V.
les
le
rival.
9 mars,
le 7
juin
le
Assiégé par les Allefort
de Vaux n'était
(I). Il s'était
défendu
trois
Derniers jours du fort de Vaux (9 mars-7 juin 1916)
(Pion, édit).
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
220
mois
même quand
et,
commandant Raynal
il
fut investi (1
er
juin), le
l'héroïque garnison y tinrent encore pendant six jours. S'il avait nécessité
un
si
et
long siège, des pertes
l'usure de plusieurs divisions,
il
si
considérables,
représentait aux
yeux de l'ennemi un objectif d'une importance capitale vrait
pour une offensive sur Verdun.
du côté de
la
Woëvre
qu'il
Il
le
domine;
couil
lui
permettait d'utiliser les ravins du Bazil, du bois
Fumin, des Fontaines et
de
la
et les fonds
et préparer ses actions;
il
par
les bois
Le
du
Horgne
il
des vues
lui ouvrait
en6n,
de Vaux-Chapitre, l'accès de Sou-
rempart de Verdun. fort est élevé sur
une hauteur arrondie qui
est le dernier contrefort la
la
lui fournissait
sur Tavannes et sur Souville;
ville,
de
Gayette pour dissimuler ses mouvements
du massif de Souville sur
Woëvre. Cette hauteur, engagée entre Bazil au
le
ravin
nord qui aboutit au village de Vaux-
devant-Damloup,
et,
au sud,
le
fond de
la
Horgne,
ressemble à quelque lourd vaisseau échoué à
l'embouchure d'un fleuve, car ses pentes,
elle
surplombe de
d'abord lentes, puis raides,
de Woëvre, pareille à
la
mer. Elle
de ravins profonds dont tous
nus familiers
:
les
la plaine
est entaillée
noms
sont deve-
ravins des Fontaines, de la Sa-
LA BATAILLE DE VAUX
du
blière,
bois
A
Gayette.
Fumin, de
la suite
221
Horgne, de
la
la
des combats livrés dans cette
région dévastée depuis des mois, le terrain est
complètement bouleversé. Avec
trous,
les
les
fondrières, les arbres arrachés, les racines, les
débris de toutes sortes,
oppose des obstacles
il
naturels à une progression. Notre attaque devait
du Nez de
s'étendre dans ce secteur, sorte de
Souville,
promontoire au-dessus du ravin des Fon-
taines dont l'ennemi s'était
emparé au début de
septembre, jusqu'au fond de Beaupré que nous
dominions par
et qui est séparé
la crête
Elle avait
Gayette
pour
nom de crête du Mont-Blanc.
le
objectif,
401 e régiment de
Fumin
la
qu'un régiment de Savoie a désignée
ironiquement sous
le
du fond de
en liaison à gauche avec
la division
Passaga,
le bois
du ravin des Fontaines, jusqu'à
à l'est
commande l'entrée village même, toute la
l'étang de Vaux, la digue qui
du
village de
Vaux
croupe portant
cendent fond de
à la la
par
la
jusqu'aux pentes qui des-
Woëvre,
Gayette et
deux. Ainsi
les
et le
le fort
le
fond de
le village
la prise
du
la
Horgne,
le
de Damloup entre
fort serait-elle étayée
possession des pentes et des ravins qui lui
servent d'accès.
L'ennemi avait organisé, non sans habileté, sa
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
222
plus solide ligne de défense très en avant du fort
dont sés,
ouvrages extérieurs, contrescarpes, fos-
les
coffres,
notre
observatoires, tourelle, battus par
étaient en mauvais état. Cette organi-
tir,
sation comprenait
:
1°
en première ligne, une
tranchée continue, allant du Nez de Souville aux pentes sud du fond de la Gayette (tranchées Hin-
denburg,
Brochmuch, de Moltke, Glausewitz,
Seydlitz,
Mudra, Steinmetz, Werder, von Klûck);
2° à
un kilomètre environ en
ligne, partant
taines (tranchées de Gotha, le
bois
arrière,
une seconde
de l'embouchure du ravin des Fon-
Hanau, Siegen dans
Fumin, Brunehild dans
Horgne, de Saales rejoignant loup au village de Damloup)
le
fond de
la batterie ;
la
Dam-
de
3° entre les
deux,
une ligne de soutien non continue, comprenant divers points d'appui
:
la Sablière,
Carrière, le Petit Dépôt, l'Abri batterie de
Damloup;
la
Grande-
de Combat,
4° enfin, des trous
transformés en repaires de mitrailleuses.
nombre de boyaux
tain
pour
relier la
tien
trois
du
;
Petit
la
d'obus
Un
cer-
étaient en construction
première ligne à
la ligne
de sou-
de ces boyaux étaient terminés, boyaux
Dépôt, des Maîtres-Chanteurs
et
de
Tannhauser. L'aile
gauche du
dispositif allemand était
com-
LA BATAILLE DE VAUX posée, du bois
Fumin
Damloup, de troupes de
à
33 e division de réserve et de
la
La 33
e
division (67
e ,
223
364° et
la
50 e division.
30 e régiments)
1
"
avait subi de grandes pertes dans les
,
qui
combats du
début de septembre, avait été reconstituée avec des renforts de bonne qualité, anciens soldats blessés et renvoyés au front. Elle tenait les orga-
nisations du bois
Fumin
ses réserves dissimulées
et le
et
de
dans
le
la
Vaux-Régnier,
ravin
du Muguet
fond du Loup. La 50 e division (53 e
39 e et
,
158° régiments) allait du bois Chesnois à loup, ses réserves dans le ravin de la
Dam-
Plume
et
au nord de Damloup. Elle fournissait au fort sa garnison (deux compagnies du 53 e ). Elle était favorisée par
un système défensif puissant et pro-
fond, incomplètement détruit par notre préparation d'artillerie. Les déserteurs et les prisonniers faits
dans cette région, au cours des journées qui
précédèrent
la bataille
du 24 octobre, déclarèrent
que l'ennemi s'attendait à être attaqué préparait.
Il
et s'y
n'y eut pas d'effet de surprise, tan-
que Douaumont se La tâche assignée à
dis
croyait hors d'atteinte. la division
de Lardemelle,
qui livrera la bataille de Vaux, est donc particu-
lièrement délicate et
composent
Les régiments qui
difficile.
cette division (230
e ,
333 e 299 e 222 e ,
,
,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
224
plus les
un groupe de deux e
50 et 71% et un
sont, je
l'ai dit,
bataillons de chasseurs,
bataillon
du 30 e régiment)
du
fournis par des contingents
Dauphiné, de la Savoie, du Bugey. Peu ou pas de jeunes classes, des
hommes mûrs,
la
plupart
mariés et pères de famille, presque tous paysans, graves et braves, un peu taciturnes, et qui, après avoir
donné leur sueur à
donner leur sang.
«
Si
sauront
la terre,
ture, déclarait le général de Négrier,
faut faire appel au
lui
vous êtes en fâcheuse pos-
dévouement
et
s'il
vous
au cœur de
la
troupe, c'est le paysan de France qui vous tirera d'affaire.
Croyez-en
un vieux légionnaire.
»
Certes, nous ne serons jamais en fâcheuse pos-
ture pendant la bataille de Vaux; mais
durement besogner. Tandis que
leurs
il
camarades
de gauche, plus heureux, se reposeront
même
faudra
le
soir
sur les objectifs conquis, les soldats de la
division de Lardemelle ne connaîtront pas d'arrêt jusqu'à leur relève.
sauront remuer
Mais ces paysans armés
le sol et
Pour résoudre
tracer peu à peu leur
problème posé à
la
division de Lardemelle, le 24 octobre, a écrit
un
sillon.
«
le
bon juge, problème qui
s'est révélé
dès la première minute,
il
formidable
a fallu le paysan de
France conduit par des cadres exceptionnels.
»
LA BATAILLE DE VAUX
Ces cadres
:
225
souvent de petits capitaines ou lieu-
tenants de vingt à vingt-cinq ans, que suivent,
comme
des fétiches, ces
hommes
qui ont passé la
trentaine.
Le premier de ces jeunes rencontre le
le
nom
dans
officiers
bataille
la
dont je
de Vaux est
com-
sous-lieutenant Auguste Soudan, de la
e pagnie 13/63 du 4 génie. Le génie prépare
actions et les accompagne.
dans
succès.
le
Il
les
a sa grande part
Le père du lieutenant Soudan
Lui-même
instituteur à Cognin (Savoie).
est
pensait
consacrer son avenir à renseignement. Entré à seize ans à l'École
normale d'Albertville,
parait le professorat de sciences à l'École
de Grenoble lorsque Ses maîtres
mages.
Ils
d'élite
:
lui
la
guerre
vingt ans.
ont rendu de touchants
hom-
comme un
sujet
considéraient
le
le prit à
pré-
il
normale
plus encore que
son intelligence,
ils
célèbrent en lui une sorte de grâce juvénile qui prenait
le
cœur
et
une noblesse de nature qui
l'élevait bien au-dessus des intérêts habituels la vie. Il créait
par sa seule présence une atmos-
phère de bien-être moral, de paix dans cité et
l'harmonie. Artiste,
M.
de
il
la simpli-
adorait la musique, 15
LES CAPTIFS DELIVRES
22G
qui s'accordait avec
en
lui. Il
monde
le
donnait aux
parence de ces eaux pures de coulent sur de l'eut pris,
la
mousse. Dès que
la
il
pas
guerre
la
mit à sa vie nouvelle. Cepen-
dant cette transposition qui parut fit
montagne qui
ne fut plus qu'un soldat. Toute sa
il
conscience,
la
idéal qu'il portait
soirées de famille la trans-
sans
mais aucun
secousse intérieure,
Nommé
signe n'en fut révélé.
aisée ne se
si
aspirant du génie
mois après son incorporation,
quelques
commander une
section
va
il
de sapeurs dans
les
Vosges. Ce garçon qui n'est pas majeur, et qui
doux
est
et
timide
comme une
tout ce qu'il veut de ses transition
hommes.
fille,
obtient
débute sans
Il
aux plus mauvais jours de l'Hart-
mannsweilerkopf.
—
et
il
y a bien des chances
sourit et
il
ajoute
camarade, Il
— Oh
!
sourire et
pour que...
:
me
moi, cela ne
mes parents. Ce camarade devait
avait pas
fait
pas peur.
n'y
S'il
.
la
se rappeler plus
simplicité véridique
tard ce
du ton sur
lequel ces paroles furent prononcées. Mais croyait invulnérable, a-t-il ajouté. Et lui
un
Cette guerre est terrible, confie-t-il à
demandait pourquoi,
il
il
comme
le
on
en donna cette raison
..
LA BATAILLE DE VAUX étrange
227
— Parce que certains êtres ne devraient
:
pas être tués..
Après
le
bombardement viennent
les
tragiques de l'attaque du Vieil-Armand.
jours
La
sec-
du génie que Soudan commande achève
tion
la
préparation du terrain, puis monte à l'assaut
avec l'infanterie. L'aspirant est blessé devant ses
hommes
et reçoit sa
première citation (21 dé-
cembre 1915)
A
peine
voici de
demande
il
à repartir.
nouveau en face du Vieil-Armand où
Le il
a
tant de travaux de préparation et de défense.
fait
s'attache
Il
remis,
peu à peu à ce coin de
terre, à ces
vallées d'Alsace, à ces horizons de montagnes
qui
lui
capitaine
de
Belmont
nature,
la
il
mobile, grave, à se
pays
rappellent le (1),
il
la traite
se plaît
se
reprocher ces pures joies
les
Vosges
est
où tout
risé et
(1)
mont
:
il
mort,
il
11
aime
est fraî-
en arrive à guerre dans
la
devenue trop calme; la
le
en compagnie
et tendre.
ces forêts
cheur, paix et silence. Et puis
camarades sentent
Comme
en personne vivante,
émouvante
promener dans
natal.
ailleurs ses
se trouve trop favo-
pour un peu s'en adresserait des reproches.
V. la Jeunesse nouvelle et a sa famille. (Pion, édit.)
les Lettres
du capitaine Bel-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
228
Excès de scrupules et de délicatesse où se reconnaît une sensibilité trop
déjà prête au
fine,
sacrifice.
nommé
est
Il
sous-lieutenant
l'armée de Verdun. Verdun
un son héroïque
et
ramène en Savoie. les sent
partir avec
mûr dont
et
que
les
parents
Une
dernière permission
C'est
comme une
en famille. Personne ne
chacun
envoyé à
syllabes qui rendent
:
douloureux
redoutent d'entendre. le
et
dit ses
retraite
pressentiments et
On le voit un visage d'homme
peser sur son cœur.
un visage décidé,
la vie est
remplie et non plus son ingénu
visage de grand enfant. C'est ainsi que le revoient
désormais ceux qui l'ont aimé. Il
arrive aux abords de Vaux.
vaille à la
«
grande préparation
»
Le génie
dont on parle
mystérieusement aux cantonnements sera
tranohées. Cette fois, ce
la
tra-
et
dans
les
délivrance de
Verdun. Les parallèles de départ s'achèvent. Le 21 octobre, l'œuvre de
Au
l'artillerie
commence.
cours d'une reconnaissance en première ligne
avec son capitaine, reçoit
un
le
éclat d'obus
sous-lieutenant
Soudan
au cœur. La mort
touché avec précaution, d'un seul coup, sans
l'a
le
torturer, sans le défigurer.
«Nous avons rapporté son
corps, a écrit son
LA BATAILLE DE VAUX
229
meilleur
camarade,
avoir fait
un cercueil nous-mêmes, nous l'avons
et,
pieusement, après
porté en terre dans
le
de Belrupt. Belle et
triste
que
petit cimetière militaire
du drapeau
tricolore
la
files
larmes aux yeux. C'était
Devant
pendant
la
de
pente
de sa section en
armes, notre petit groupe suivait et les
:
bière recouverte
montaient
entre les deux
la colline,
cérémonie
sapeurs portant
les six
lui
la tête
basse
du jour.
la fin
tombe non comblée, notre capitaine
sa
a fait son éloge, a dit notre affection à tous, et
donné
lui a
revenus
les
le
suprême adieu... Et nous sommes
uns à côté des autres, mais sans
pouvoir échanger une parole. Deux jours après
nous étions vainqueurs. Cette victoire, dont aurait été il
ne
l'a
En
si
joyeux,
pas vue...
il
l'a
payée de son sang et
»
guise de préface à la bataille de Vaux, ne
convenait-il pas, en rendant cier
il
hommage
du génie tué au cours de
la
à
un
offi-
préparation, de
rappeler ces admirables sapeurs dont les travaux tour à tour facilitent le départ de l'attaque et
organisent
le terrain
Le 23 octobre
les
gagné?...
régiments occupent
leurs
tranchées de départ. C'est pour tous ceux-là qui
ramassent en partant, dans une rapide pensée,
la
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
230
vision d'un coin de terre, d'un toit, d'un foyer,
qu'un poète a
écrit sa Veille d'assaut
...
Un
De
la
frisson lent, parti
seconde ligne,
Court sous terre
Chacun
:
à ce signe
est averti.
Approche ton
oreille,
Puis chuchote à ton tour
Aujourd'hui
Demain
sera le Jour.
Si tu sens
C'est
Et
fais
:
c'est la Veille,
que
ta lèvre
Sèche et tremble, «
:
un
dis-toi
:
frisson de fièvre,
»
n'importe quoi.
Mange ou Et,
Ne
graisse ton arme, ton cœur se fend, crains rien d'une larme, si
Mon courageux enfant. Tu peux Sous
encore écrire,
le faible
rayon
D'un méchant bout de
Une ...
lettre
cire,
au crayon...
Revoir, dans l'ancien
monde
Brusquement entr'ouvert, L'étroite clarté
ronde
D'un calme abat-jour
vert,
LA BATAILLE DE VAUX
Une
Au
abîmée
coin de l'àtre obscur,
Une Sur
Un Un
vieille
231
fleur le
imprimée
papier d'un mur.
petit œil qui brille,
duvet fin et blond, Et le choc d'une bille Contre un soldat de plomb...
La chandelle est éteinte. Quelle heure?... Pas un bruit. Rien dans le sol qui suinte
Que
l'attente et la nuit.
Pendant ce temps, là-bas, dans les maisons tranquilles, L'enfant dort, un rameau de buis à son chevet,
Gomme Et
les
les
autres soirs la
femme
Le 24 octobre au matin, prêts.
se dévêt,
derniers passants circulent dans les villes
Ils
les
(1)...
hommes
sont
ne regardent plus en arrière, mais
devant eux,
là,
ce terrain défoncé que martèlent
nos obus, cette ligne imperceptible qui abrite l'ennemi. Malgré
le
brouillard,
ils
la
peuvent
apercevoir, car les lignes, sur presque tout front
du secteur, sont
dant
la
(1)
très
rapprochées. Cepen-
préparation d'artillerie sur
François Porche.
le
le
fort
de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
232
Vaux devait matinée du
se
24,
faire
principalement
et le
brouillard
dans
empêche
la les
réglages.
Le général de Lardemelle en deux groupements de Souville et
Vaux,
le
gauche à
route qui conduit au fort de
la droite le
e
230 régiment,
bataillons de chasseurs (50 et 71
et le
le
du 299
e ;
e )
333 (moins les
le
deux
et le bataillon
à droite, entre la route de
fond de Beaupré,
la
e
de réserve de division), e
Casella
Nez
groupement Challe comprenant de
bataillon
le
la
a disposé ses troupes
à gauche, entre le
:
groupement
Giralt
Vaux com-
posé d'un bataillon du 299 e régiment, du 222 e et
d'un bataillon du 30 e
.
faut d'abord emporter la
Il
continue
des
Souville aux pentes sud
puis
première ligne
tranchées ennemies,
du fond de
du Nez de la
Gayette,
faut parvenir à la seconde ligne qui appuie
il
à l'ouest et à l'est et, pour l'atteindre,
le fort
forcer au préalable la série des ouvrages intermédiaires. tif.
Il
Le
fort sera le troisième et dernier objec-
avait été mis tout d'abord en dehors de
l'opération, tant le
chute
commandement
difficile à obtenir, puis
moment. Le départ dans dans un ordre
et
le
estimait sa
ajouté au dernier brouillard se fait
avec un élan magnifiques. Toute
LA BATAILLE DE VAUX la
233
première ligne ennemie tombe, sauf
chée Glausewitz au centre
la tran-
une partie de
et
la
tranchée Mudra un peu plus à droite. Mais les obstacles se multiplient. C'est une série de véri-
un
tables forteresses qui exigent
siège
:
redoute
d'Hindenburg au Nez de Souville, réduit
du
Sablière dans le ravin
organisé
en
caverne
même nom,
.de la
Clausewitz
retranchements et
avec
meurtrières, Grande Carrière à gauche et Petit
Dépôt à droite de
la
Damloup
bat et Batterie de
De
ces réduits, les uns
comme loup, la
dent ou
l'Abri de
à l'extrême droite.
sont enlevés d'emblée,
Combat,
la
redoute d'Hindenburg,
witz, le Petit
Dépôt
plupart retar-
marche en avant
tombent entre nos mains que la
la
la
la
qu'il faut
à rassembler.
:
tels
Clause-
contourner pour
en une série d'épisodes que
ment parvient
ne
et
nuit venue
Sablière,
prendre à revers. La bataille générale ainsi
Dam-
de
la Batterie
Grande Carrière, mais empêchent
Com-
route du fort, Abri de
Le
le
se
le
rompt
commande-
soir
du 24 oc-
tobre est un soir de succès, puisque notre progression est assurée, mais de succès laborieux et
incomplet, et des ordres nouveaux sont donnés
pour reprendre et le village
le
lendemain l'attaque sur
le fort
de Vaux. La journée qui, des car-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
234
rières
d'Haudromont au ravin de
la
Fausse-Côte,
s'achève en triomphe, a été sanglante et disputée sur le sol bouleversé du bois la
région de Vaux.
On
Fumin
et
dans toute
continuera de
s'y battre
toute la nuit, et le matin du 25 trouvera encore les adversaires
aux
fait à distance,
comme
La défense du
prises.
aux ouvrages qui
protègent
le
des bastions avancés et qui,
fort se
rendus,
le
laisseront à découvert.
* # #
Chaque épisode mérite du
le
Nez de Souville
dispositif, entre le
Carrière, opère le
sa relation.
A
la
gauche
et la
Grande
230 e régiment qui a pour chef
lieutenant-colonel Viotte. Le lieutenant-colo-
nel Viotte, ancien chef d'état- major d'une excellente division, la 40
e ,
est
un
petit
homme
brun,
ardent, vivant, vibrant, à l'intelligence prompte,
à l'énergie comrnunicative.
Il
ressent à distance,
par une télépathie merveilleuse, tout ce que ressentent ses
—
A
la
hommes. guerre on peut tout leur demander,
déclare-t-il, et pourtant ce sont des gens paisibles
de
la
montagne.
Le 6
e
bataillon,
en liaison avec
le
401 e qui
LA BATAILLE DE VAUX
forme
235
•
droite de la division Passaga, s'en-
l'aile
gage par compagnies accolées,
deux
droite avec
compagnie de
la
sections d'assaut e
deux sections de renfort
(2
(l
re
vague),
vague), la compa-
gnie de gauche avec ses sections en profondeur (quatre vagues
dune
section chacune)
taillon part à l'attaque, ses trois
Le
.
5
e
ba-
compagnies en
profondeur, chacune avec trois sections d'assaut et
une de renfort, mais
les sections
colonnes d'escouades par un. élan, dit le rapport
en
tête, les
bon ordre,
hommes la
du 6
e
—
formées en
«
D'un seul
bataillon, les officiers
surgissent des tranchées en
baïonnette haute, et s'élancent en
avant. Le lieutenant Seigner enlève ses
au
cri
de
Quelques quelques
:
«
En avant
coups
de
les gars fusil
hommes tombent
lieutenant Seigner est du niers.
La
!
Vive
la
hommes
France
!
»
allemands claquent, tués ou blessés, et le
nombre de
ces der-
»
bataille s'engage
tranchée Brochmuch,
immédiatement. Dans
les bras se lèvent, les
ches se rendent. Mais
il
la
Bo-
faut que la section du
sous-lieutenant Gollonge contourne la tranchée
Hindenburg pour le
s'en emparer, et voici
que sur
Nez de Souville, aux ouvrages d'Hindenburg
qui
forment un labyrinthe de tranchées pro-
236
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
*
fondes avec de nombreux trous de renard, se révèle
un centre de résistance ennemie dont
garnison décidée sera
difficile à réduire.
la
Le sous-
lieutenant Place en entreprend le siège avec sa section. Vers midi et demi,
Une heure
sonniers en sortent. velle sortie
:
une quinzaine de
plus de trente,
plus tard, nou-
dont un
officier.
C'est l'effet des grenades bien ajustées. Mais
bien sont-ils donc là dedans? fusillade,
ils
A en
com-
juger par leur
doivent être encore en force. Avec
du sous-lieutenant Rey
l'aide
pri-
et
de sa section,
le
lieutenant Place, dont la section a été fort éprouvée, tente
un assaut
à la baïonnette, mais
il
repoussé à coups de grenades. Arrive alors
— qui
lieutenant Condamin, état,
— avec une section
camarade
et
demie.
les
demie du :
soir,
il
et,
vers huit heures
tient enfin l'ouvrage tout
ce qui restait de la garnison, quarante
hommes il
relève son
démonstrations, pourchasse
l'ennemi de réduit en réduit
entier
Il
le
de son
Place, poursuit le siège méthodique-
ment, multiplie
et
est prêtre
est
et
un
se précipite
officier,
s'est
rendu. Après quoi,
en avant pour rejoindre sa compa-
gnie. Caries vagues d'assaut ont progressé sous le
commandement énergique du
tier
(22
e
lieutenant Sau-
compagnie), bientôt rejointes par
la
LA BATAILLE DE VAUX
compagnie (23
e )
du capitaine Favre. Mais
taine Favre vient se heurter
Un mouvement
le
capi-
à la redoute de la
Sablière qu'assiège déjà une section
ment.
237
tournant,
du 401 e
régi-
opéré par
le
sous-lieutenant Collonge, décide de la prise des abris
où quarante-huit Allemands sont capturés
avec quatre
Le capitaine Favre
mitrailleuses.
poursuit sa marche sur
ravin des Fontaines
le
jusqu'à la tranchée Gotha en liaison e
401 régiment qui arrive sur
la
avec
le
croupe de Vaux-
Chapitre.
Dans un
tel fouillis d'actions,
mettre l'injustice de choisir
il
faut bien
et, si l'on
visage plus plaisant ou plus émouvant,
en deux
traits.
longue et
com-
rencontre le
dessiner
Les jeunes gens, sur cette guerre
triste, jettent
un charme d'aisance che-
valeresque. Plus détachés du passé,
nent avec plus d'élan à
la
ils
se
don-
tâche sacrée. Ce capi-
taine Favre est à peine majeur, et son grade lui
a été
donné à
an avant
Où
il
la
titre définitif.
guerre,
il
Entré à Saint-Cyr un
n'a passé qu'un an à l'École.
a gagné sa croix de la Légion d'honneur, à
son âge,
comment
de ce qu'il a
le saurai-je?
fait. Il est
il
ne parle jamais
aussi simple dans la
fortune que dans la mauvaise, à quoi on
bonne
le
peut
reconnaître pour Savoyard. Car le Savoyard ne
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
238
s'en laisse pas accroire. Les
maux
ni les
honneurs
ne triomphent aisément de son humeur placide. supporte
Il
uns et
les
les autres
avec sérénité. Sa
philosophie naturelle lui a enseigné qu'ils finis-
donc
sent. Voici
de
taines.
s'y
Il
commande
capitaine Favre, après la prise
abouche avec la
le
ravin des Fon-
lieutenant Féron qui
le
compagnie de droite du 401
liaison entre les il
le
descendu dans
la Sablière,
deux
e .
La
divisions est parfaite. Puis
arrive à la hauteur de la tranchée Gotha, sur les
pentes ouest du bois Fumin, un peu au-dessus du ravin
des Fontaines. Ses patrouilles n'ont pas
trouvé
contact de l'ennemi.
le
Il
pourrait pour-
marche en avant jusqu'à son dernier
suivre la
objectif qui est l'étang de Vaux, mais la résistance
rencontrée par
compagnies de droite de son
les
bataillon sur la crête et les pentes est de ce bois
Fumin ne vement.
lui
permet pas de continuer son mou-
doit rester sur place et fait construire
Il
une tranchée
qui, le
déjà une protection
ne peut
se
il
il
il
se décide
une forte patrouille aux abords de
Ma
foi, sa
compagnie
tranchée qu'elle a creusée plutôt
offre
Le matin du 25,
résoudre à l'immobilité et
à envoyer l'étang.
lendemain matin 25,
efficace.
:
il
est à l'abri
dans
la
accompagnera, ou
conduira sa patrouille composée du
LA BATAILLE DE
VAUX
239
sergent David et d'une douzaine d'hommes. Le ravin des Fontaines débouche à l'étang de
au delà, du côté du village,
est
petite troupe va jusqu'à la digue.
comme site
le
Vaux;
digue.
la
La
Brusquement,
capitaine Favre, qui est devant, vi-
une tranchée allemande entièrement bou-
leversée,
il
un Boche fumant tranquil-
aperçoit
lement sa pipe à l'entrée d'un abri au-dessous de
lui.
Car, dans cette guerre aux larges espaces,
on fume tranquillement
La
s'égorge à côté.
bataille fait rage
tranchée Gotha. Devant
lemand
se
croit
sa pipe ici, tandis
le village
coup
:
Le capitaine Favre
on a fait
se terrer sans bruit.
Ce sera
devant
Il
un beau coup de
le
la
de Vaux l'Al-
en villégiature. Vaux, dont
conquête a donné tant de mal, repris d'un
qu'on
la
ne peut être
temps de voir venir.
signe à ses
hommes
de
a déjà arrêté son plan. filet
:
toute la garnison
des abris faite prisonnière. Mais
il
lui
faut
un
renfort de grenadiers pour opérer plus sûrement.
Un
de ses compagnons va
les
chercher.
Il
en
ramène une dizaine aux musettes bien garnies, sous la conduite de l'adjudant Perret. Pendant
son absence,
le
Boche n'a pas cessé de fumer,
Fabre de l'observer et d'étudier
ni
le terrain et les
ouvertures des abris. Le chasseur à l'affût n'est
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
240
pas plus attentif à la surveillance du gibier. Mais gibier ne va-t-il
le
même où
l'instant
il
pas le dévorer? Voici qu'à
va ordonner d'occuper toutes
une section d'infanterie débouche à
les issues,
trente mètres de lui, en colonne par un, venant
du
de Vaux.
village
«
Couchez-vous,
corn-
»
mande-t-il à voix basse. Les
hommes
au
et la
colonne s'en-
Gela
fait
sol.
ne sont pas vus,
Ils
dans
gouffre
monde
cavernes.
les
dedans, et
là
il
un vieux routier
est
Avant de risquer l'aventure,
avisé et prudent.
convient de mettre de son côté toutes Il
demande deux
volontaires
et le soldat Arpaillanges se
miers.
A
eux
trois, ils
:
le
Cependant,
des
Boche fume toujours
décide à
mettre
lui
le tue. Il lève
sa pipe, car tirer
un
utiles.
:
il
pre-
les
main au
à
l'une
sa pipe.
collet
:
s'il
des
On
se
appelle,
œil étonné, prend à la
homme
une bouffée,
dement une
un
la
chances.
caporal Farjon
présentent
entrées, le
abris.
les
il
font une nouvelle recon-
naissance
on
bien du
peut-être d'autres
y a
Le jeune chef
ouvertures.
se collent
main
à demi étranglé ne peut
et se tait.
On
l'interroge rapi-
fournit les derniers renseignements
Le capitaine Favre, prompt à l'exécution
fois qu'elle est résolue,
range ses
aux diverses entrées. Une grenade
hommes
suffit;
les
LA BATAILLE DE VAUX
Allemands, sans
difficulté, sortent
plus de soixante, dont
de médecins.
«
de leurs trous
un lieutenant
Est-ce tout?
l'officier. L'officier
et
demande Favre
»
lui.
:
une paire
ne répond pas, mais ses
que non derrière
dats font signe
241
à
sol-
Évidem-
ment, une ou deux nouvelles grenades convaincraient les récalcitrants, mais le capitaine Favre,
prudent pour ses hommes, ne Test guère pour
lui-même,
et
un paladin.
par surcroît
Il
il
est
généreux
descend tout seul dans
son revolver en main, et les retardataires, leur
il
conversation avec
lie
affirmant qu'il ne leur sera
aucun mal. Les derniers sortent
fait
le total
est
comme
le réduit,
à leur tour
de quatre-vingt-deux. Maintenant
:
il
faut revenir, avec cette forte colonne, quatre fois
plus
nombreuse que son
d'être
compliqué
:
Le retour risque
escorte.
un agent de
liaison vient pré-
venir le capitaine Favre que des éléments enne-
mis progressent sur sa droite.
On
presse le pas
une mitrailleuse du 401 e protège tirant sur la crête
en
du bois Fumin. Le terrain
est
mauvais, défoncé, glissant, fait il
une entorse
a les
:
défilé
et doit rester
le
boueux. Favre se en arrière. Aussitôt,
deux majors allemands à
ses pieds qui le
palpent, le frottent, le massent et multiplient leurs services. ».
Appuyé sur cette
singulière garde d'hon16
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
242
neur, il
il
parvient à rejoindre sa compagnie, mais
commandement au
doit céder le
sous-lieutenant
Place...
A
droite de la
compagnies
compagnie Favre,
s'étaient heurtées, le
22 e
les
21 e
et
24 octobre vers
deux heures de l'après-midi, aux défenses de
la
tranchée de Gotha. L'ennemi retranché, payant d'audace, sort de l'ouvrage avec ses mitrailleuses.
Le sous-lieutenant Hugonnenq,
fils
du doyen de
Faculté de médecine de Lyon, officier remar-
la
quable et d'un courage éprouvé, est tué; son
camarade,
le
sous-lieutenant Favrichon, blessé.
Mais, aidés par la demi-section du sergent Brochier,
ils
ont eu
le
temps de
sur l'ennemi qui se replie.
jeter leurs sections
Le brouillard
sipe, les avions volent au-dessus
du
fort
se dis:
sans
connaître encore les nouvelles, par ces mystérieuses affinités qui traversent les airs
oiseaux migrateurs,
de
la victoire.
mandes
les
les
hommes
Cependant
comme
des
ont la sensation
les mitrailleuses alle-
empêchent de progresser au delà de
ce premier bond.
La nuit finie et
officiers «
On
les
quand
surprend quand la ligne
cherchent à
la lutte n'est
demeure
pas
incertaine. Les
réparer cette
n'entendait pas un bruit, a écrit
confusion. le
capitaine
VAUX
LA BATAILLE DE
Fonbonne commandant
243
21 e compagnie; seu-
la
lement retentissaient par instants
appels de
les
trompettes lancés par une fraction allemande que
nous encerclions sur
le
Nez de Souville
de faire savoir qu'elle
tait ainsi
et qui ten-
résistait
encore.
»
Ces mélanges ne sont pas rares au soir d'une attaque.
La mort du sous-lieutenant Philippe va
être causée par l'intérieur
un retour
même de
nos lignes. Le sous-lieutenant
Philippe veillait sur ses terre
offensif de l'ennemi à
hommes
qui remuaient la
pour creuser une tranchée.
en large,
Il allait
canne sous
la
pipe à la bouche,
entend des pas derrière
la
Soudain
il
renfort,
ou une relève? Sans méfiance
tourne,
il
aperçoit des
lui.
de long le
bras.
Est-ce
ombres. L'une
d'elles
s'avance et prononce ces paroles étranges en :
«
C'est
çant et couvrant ses ajoute
le
un
— «Nous venons nous rendre. Où — moi Philippe
français parfait est l'officier?»
un
se re-
il
capitaine
»
,
hommes.
s'avan-
dit «
Un coup
Fonbonne à qui je
de feu,
dois ce récit,
quelques grenades, des ombres qui traversent, fuyant vers
les lignes
Philippe était balle au
allemandes, puis plus rien.
tombé sans un
cri,
atteint d'une
cœur, tué par un parti allemand égaré
dans nos lignes et qui tentait par ruse de fuir vers le village
ou
le fort
de Vaux. Ses
hommes
le ra-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
244
mènent près de moi de froid
et
et,
de faim, je
durant
longue nuit
la nuit,
la veillée
fis
funèbre alors
qu'à quelques cents mètres Goury, qui devait
mourir le lendemain, pleurait son ami disparu. Philippe et Goury, sous-lieutenants à la
compagnie du 230
e ,
étaient tous
deux
d'apparence,
même
instituteurs
en Haute-Savoie. Une de ces amitiés guerre en noue
»
comme
la
les unissait, etpourtantils étaient,
si
différents
:
Philippe grand, sec,
robuste, plutôt silencieux, presque rigide,
cœur
ardent et sensible sous une écorce rude; Goury court et replet,
la face pleine et réjouie, le
cœur
sur la main, la plaisanterie sur les lèvres, gai
dans
les plus
dures traverses.
Comment ne
pas
rendrais-je
un hommage
mes deux glorieux compatriotes ? Auguste
rapide à
Philippe,
néàBeaumont
(canton de Saint-Julien-
en-Genevois) avait trente-trois ans. Fils de cultivateurs,
il
sortait
de
la terre
les plus solides et les plus
:
elle fait les races
soumises au devoir,
car elle est exigeante mais bonne conseillère.
Un
de ses frères, soldat au 140 e régiment, a été tué
en Champagne en septembre 1915. Instituteur à Saint-Didier, tandis
femme
qu'il
il
s'était
enseignait
instruisait
les
marié selon les
petits
petites
ses
goûts
garçons,
filles.
Ils
:
sa
prati-
LA BATAILLE DE VAUX
quaient
même
le
solidarité
humaine,
attendaient
leur qua-
idéal de
étaient heureux,
ils
ils
245
trième enfant, quand, sur cet humble bonheur, la
guerre éclata. La maladie vint compliquer la
comme
séparation. Philippe, appelé
sergent ins-
tructeur au 30 e régiment à Annecy, dut laisser sa
femme en
péril. Elle fut
sauvée et
une brève permission pour le
la
nouveau-né. Le 12 octobre,
Vosges avec
le
230 e
et
il
put obtenir
revoir et, avec elle, partait
il
pour
les
ne devait plus quitter
le
front. Ces détails de famille rappelleront à tant
de soldats vie
en
quoi
il
faut,
de temps à autre, descendre au
vie. Philippe est
nant en novembre 1914,
il
nommé
sous-lieute-
est cité à l'ordre
25 juin 1915. Mais
sa division le
militaires ne lui inspirent
les
de
honneurs
aucune vanité
en dedans, sans cesse ramené vers la
C'est pour-
reflète des milliers d'autres.
fond d'une
Une
épreuves qu'ils ont traversées.
les
:
vit
il
par
les siens
pensée, et l'on peut suivre dans ses lettres à sa
famille le travail intérieur qui le conduit à l'ac-
ceptation complète
au
sacrifice
donné pour ses
enfants.
parce qu'il
du devoir, à
accompli pour le Il
le
l'oubli
était
parti
soi,
pays, à l'exemple
soutien moral de sa
le fallait, et
de
femme
et
de
sans enthousiasme,
même
il
était
de ceux
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
246
à qui
la
comme une mons-
guerre apparaissait
trueuse erreur du passé. Ses premières lettres sont pleines de tendres souvenirs et de conseils
touchants sur l'éducation de ses enfants. La paix
de son foyer
On
connaître.
ment
Des chers
le suit.
petits
veut tout
il
devine les profondeurs du sentiPuis un autre souci
paternel.
prend,
le
peu à peu, souci de chef qui s'accorde avec conscience professionnelle scrupuleuse et rigoureuse
hommes
des
:
sa
délicate, presque
si
celui de ses
hommes,
diriger et conduire au
qu'il doit
combat. Son idéal tout humain trouve à s'ap-
hommes
pliquer. Ces
veut connaître,
il
qui dépendent de
lui,
il
les
veut se faire aimer d'eux, leur
inspirer confiance. écrit
Il
en toute simplicité, sans rien exagérer,
sans rien dissimuler.
peu
à
Aucune
peu on découvre chez
du danger que
le
«
qui est de
les rassurer
peur, et pour un peu
cache pas à sa
mais
il
femme
diminue pour
les
familiers
:
donner des
«
lui cet oubli
devoir recouvre.
cupé de sa tâche,
hommes, de
vantardise, mais
»
il
,
qu'il
est
complet si
préoc-
conduire ses
en omet d'avoir
s'en excuserait.
les risques qu'il
ainsi dire
Tu nés pas de
illusions
Il
en
les
Il
ne
court,
rendant
celles à qui
il
faut
de fausse sécurité. Je
t'es-
La bataille de
time plus haut que cela... la paix intérieure. «
Nous avons bien
wvt
ui
lui
recommande
Il
»
En mars 1916,
lui écrit
il
:
mais nous ne sommes
souffert,
que des gosses en face de ceux de Verdun. Peutêtre
que leurs
penseront
d'autres efforts.
sent que :
il
va, par
Verdun
lui
raffinée :
il
Il
lui fait
j'ai,
que tu m'as donné, tout
bonne
nécessaire pour que je fasse
il
y
hommage
Dis-toi bien,
«
la ras-
quand
—
et c'est, je crois, sa dernière lettre,
écrit-il
toi
elle pres-
;
prendra son mari.
de sa propre acceptation
que
l'effraie
n'y est pas encore envoyé. Et,
une délicatesse
dis-
Verdun, cependant,
»
préoccupe sa femme. Verdun
sure
nous
efforts, leurs souffrances
le
lui
—
courage
figure... Dis-
bien que tu es avec nos quatre chers petits
tout
mon bonheur
et toute
presque un testament.
Il
ma
ment des questions d'éducation ses enfants fussent élevés la dignité et
de
pensée...
se préoccupait :
il
»
C'est
constam-
voulait que
dans une haute idée de
la solidarité
humaines. Dans ce
constant travail de ciselure intime par lequel
il
s'affine et s'épure chercha-t-il à s'attacher
à
quelque chose de plus doux que pli
pour
gueil? «
»
le
Un
le
a
devoir accom-
devoir lui-même avec une sorte d'or-
de ses compagnons d'armes
un mystique dont
la foi
le définit
sur la fin regrettait
US
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
d'être toute
kumaine
»
et
,
comme taillée
ajoute
il
ne pouvait concevoir une
:
vilenie...
«
Son âme
elle était,
son corps, robuste et saine et
dans
le
roc...
Faction qu'il exerçait
son ordonnance ne voulut
:
pas quitter sa dépouille et
pleurant
comme
il
fut tué et vint ainsi se
il
comme
Dernier témoignage de
»
en
la veillait
coucher aux
pieds de son chef.
Cependant
le
combat reprend dans
la nuit.
Du
ravin des Fontaines à la crête et aux pentes ouest
du bois Fumin,
A
la
il
faut tenir le terrain conquis.
faveur de l'obscurité les Allemands tentent
une contre-attaque.
Ils
rôdent sans bruit, en
quête d'un passage.
Ils
surprennent une senti-
nelle qu'une grenade écrase. petit caporal
chantant tion
mais
:
Balestibeau, qui
est criblé
dont
fait partie
il
Il
de
un
nom
la sec-
a le flanc déchiré,
se redresse, s'offrant à l'ennemi, et crie
de toutes ses forces Il
éclat atteint
de vingt ans, un Landais au
du lieutenant Philippe. il
Un
:
«Aux
de coups et
faut sauver le
il
fusils,
meurt
nom. Les
:
camarades!
»
humble d'Assas fusils
partent et
l'attaque éventée échoue.
Le sous-lieutenant Goury ne survivra à Philippe qu'un demi-jour.
Il
n'avait cessé de plai-
santer à son habitude dans cette terrible journée
.
LA BATAILLE DE VAUX
du 24 octobre qu'en apprenant ami. L'aube du 25 fut radieuse
douceur avec avidité, puis section à l'attaque.
il
la
249
perte de son
il
:
dut conduire
lui-même de mourir. Cette attaque
tomba en avant de de
ses
:
se heurta à
Goury, une balle au front,
hommes
redoute allemande qu'il
la
la
sa
avait, dès la veille, accepté
Il
des défenses intactes
en respira
à quelques mètres fallait
emporter.
Il
avait exécuté sa consigne et précédé sa troupe.
Ainsi les deux amis furent-ils de la
comme
ils
Au régiment engagés, 6
e
le
du
étaient
le
même
voisin, le
5
e
pays.
333
e ,
les
.
deux bataillons
(commandant Deleuze)
(commandant Lourdel) doivent premier laissant passer
conquis
les
plus
:
le
et les
comme deuxième.
et
le
se succéder,
second après avoir
comme
tranchées de Moltke et Fulda
premier objectif, rières
même mort
Grandes
et Petites
Pas de surprise
Car-
là
non
dès que les vagues apparaissent hors de nos
tranchées, elles sont accueillies par les feux de
mousqueterie et de mitrailleuses.
compagnies, deux troisième, le
officiers
A
l'une des
tombent sur
trois
:
le
sous-lieutenant Bataillard, prend
LÈS CAPTIFS DÉLIVRÉS
250
sans désemparer
le
commandement et
tranchée de Moltke.
franchit la
Cette tranchée qui est lé-
gèrement à contre-pente a échappé à nos d'artillerie
quasi
est
:
les sapes
intacte
l'ennemi est
si
et
ne sont pas détruites, fortement occupée.
tirs
elle
Mais
stupéfait de notre élan et de notre
mépris de ses mitrailleuses en action qu'il lâche ses
armes
et se rend.
est simplifié
chent à
se
:
Le
travail des nettoyeurs
seuls, quelques groupes, qui cher-
défendre avec des pétards, sont exter-
minés. En dix minutes, cette première ligne de défense est entièrement conquise.
Un Ils
si
rapide succès excite, grise les
se précipitent sur les Carrières,
hommes.
ouvrage d'une
étendue considérable qui pouvait être un centre de résistance malaisé à réduire. Les premières
vagues
les
dépassent et vont en battre
les lisières
nord. Six mitrailleuses ennemies, sorties en hâte des profondes sapes où elles s'abritaient, n'ont
pas
temps de
le
vants.
se
mettre en batterie. Leurs ser-
ahuris de nous voir arriver, écrit un des
conquérants, alors qu'ils comptaient certaine-
ment
sur la protection que leur offrait la tranchée
de Moltke, se rendent sans combattre, à part quel-
ques les
isolés qui sont expédiés.
Carrières
sont prises
et
»
À
midi
et quart,
nettoyées presque
LA BATAILLE DE VAUX sans coup férir.
251
En une demi-heure
objectifs ont été atteints
Petites Carrières nord.
ou presque.
les
deux
reste les
[1
Le sous-lieutenant
Bailly
y court en reconnaissance avec une demi-section
un groupe d'Allemands veut tement
est
il
mis en
fuite.
se défendre,
Ton
Et
retard sur les emplacements enlevés.
Au boyau
avait continué
:
si
prodigieusement la résistance
les sections Larivière et
les
tué
comme
de ses pièces, debout sous
le
Védrines
deux chefs y
il
laissè-
commandait
rent la vie. L'aspirant Védrines qui les mitrailleurs fut
promp-
s'organise sans
Fulda, en arrière,
en vinrent à bout, mais
dirigeait le tir
feu pour
mieux voir.
Le bataillon Lourdel, qui doit dépasser bataillon Deleuze, se
pour éviter
met en marche à peu
midi.
De
le tir
de barrage
premier objectif;
deuxième vers deux heures de là,
il
ner par l'ouest
le
d'intervalle, franchit les
parallèles de départ, puis le atteint le
:
il
l'après-
doit se porter plus avant, contourle fort
de Vaux que
les
deux batail-
lons de chasseurs attaqueront de front. Mais le
mouvement ne peut
s'exécuter, à cause de ce qui
se passe sur la droite, à la
tranchée Clausewitz et
au Petit Dépôt. Contre-ordre est donné
:
les
com-
pagnies se fortifient sur place en reliant par des
tranchées
les trous
d'obus.
La
fin
de
la journée
du
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
252
24
et la nuit
du 24 au 25 sont
pour ces
utilisées
travaux.
La
résistance de l'ennemi au centre de la ligne,
c'est-à-dire
aux tranchées Glausewitz
et à l'ouvrage
du
Petit
le sol à droite
de
la
et Seydlitz
Dépôt qui dépasse à peine
route du fort et qui contient
des abris pour un bataillon entier,
fait
échouer
de Vaux.
l'attaque directe préparée sur
le fort
Pour
groupe des deux
cette attaque directe, le
bataillons de chasseurs, le 50 blés sous le
e
Or,
si le
sible
rassem-
nette devant lui.
230 e a progressé péniblement jusqu'à
emparé brillamment de
Moltke
,
faut, avant qu'il
il
qu'il trouvé place
tranchée Gotha qu'il n'a pu réduire, s'est
e
commandement du lieutenant-colonel
Desportes, a été réservé; mais soit lancé,
et le 71
et des
la
Grandes Carrières,
il
si
la
333 e
le
tranchée
de
a été impos-
au 299 e régiment (lieutenant-colonel Vidal)
de remplir sa mission dans bataillon Gasella
e
le
du 299 lance
temps ses
fixé.
Le
vagues d'as-
saut sur les tranchées Glausewitz et Seydlitz qui
sont malheureusement intactes, garnies de fer et protégées par des mitrailleuses.
vient à pénétrer que dans
Il
fil
de
ne par-
un élément d'où
il
LA BATAILLE DE VAUX
253
renvoie à l'arrière un officier et une vingtaine de prisonniers.
La
compagnie du 71
e
bataillon de chasseurs achève
de Clausewitz, mais
prise
la
heures. Reste
d'une
lutte se prolonge. L'aide
le Petit
plusieurs
après
Dépôt. Le bataillon Casella
ne peut l'aborder à cause des mitrailleuses. faut que le 71
e
bataillon de chasseurs le contourne
par l'ouest, tandis que
299
e
truit
déborde par
le
Il
le
Picandet du
le bataillon
nord-est, après avoir dé-
une section de mitrailleuses, flambé un
dépôt de munitions, dépassé un blockhaus. Mais à l'heure tardive (minuit) de ce succès
chèrement
payé, on ne peut plus songer à l'attaque du fort. Il
y faut d'autant moins songer que
les
deux
bataillons de chasseurs, destinés à l'assaut, ont
beaucoup
Le bombardement de
souffert.
l'en-
nemi, sur toute cette région de Vaux, a été continu, effroyable, meurtrier,
vu dans notre préparation
comme
s'il
d'artillerie
n'avait
des jours
précédents que l'indice d'une offensive sur Vaux,
estimantDouaumont hors de portée. Avant l'heure
même
de l'action,
le
50 e bataillon de chasseurs a
eu ses cadres décimés. Son chef, Imbert,
le
fait
le
progresser cependant à hauteur
du bataillon Lourdel du 333 e qui ,
rières. Blessé,
il
commandant
doit cédeple
est
aux Car-
commandement au
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
254
capitaine Magner. Celui-ci se porte à une dis-
tance de 3 à 400 mètres du fort, mais
il
est
arrêté par des feux de mitrailleuses et ne peut
avancer davantage, en raison de Petit
Dépôt
droite.
et
la résistance
du
du manque de couverture sur
sa
D'ailleurs les effectifs sont réduits, les
équipes spéciales de sapeurs,
de
porteurs
de
lance-flammes, de grenadiers, de nettoyeurs sont disloquées.
Le bataillon n'a plus tous
pour procéder à une attaque.
A
la
moyens
ses
nuit
il
s'orga-
nise sur le terrain qu'il a couvert, cherchant sa liaison à droite avec le 7
Le 25 au matin,
e
I
bataillon de chasseurs.
capitaine
le
à son tour, passer le
Magner
blessé doit,
commandement au
lieute-
nant Rousselot qui est chargé de ramener
le
bataillon en arrière pour le former en réserve de division. L'ordre
ne pourra être exécuté que
nuit suivante, tant le et
bombardement
la
est violent
rend impraticable une relève en plein jour.
Le 71 Cour) encore.
e
bataillon de
a traversé
Une de
des
ses
chasseurs
épreuves
compagnies,
(commandant plus
la 8
e
pénibles (capitaine
Paillard) aide le bataillon Casella à s'emparer de la
tranchée Glausewitz où
cent prisonniers et délivre
le
elle
cueille
plus de
sous-lieutenant Ber-
thelin qui avait franchi l'obstacle avec les pre-
LA BATAILLE DE VAUX
mières vagues de et
255
e 9 compagnie et qui, blessé
la
revenant en arrière,
s'était jeté
dans
les
mains
de l'ennemi à Glausewitz, croyant cette tranchée déjà entre nos mains. Glausewitz liquidé, c'est
combat du que
le
Petit Dépôt.
Il
manœuvrer
faut
:
le
tandis
bataillon Gasella l'aborde de face et que le
bataillon Picandet l'est, la
8
e
mouvement par
opère son e
compagnie du 71 bataillon de chas-
seurs prend par l'ouest.
La
7
e ,
capitaine Jolly,
vient la renforcer et subit des pertes graves par le tir
des mitrailleuses. Le capitaine Jolly, mar-
chant en tète de ses
hommes
ciance presque téméraire,
avec une
insou-
tombe un des pre-
miers. Descendu au fond d'un boyau par ses chasseurs et se sentant
avec ce message je suis
par
le
:
— Va
mort pour lieutenant
la
mourir,
dire au
France.
il
le
un de
renvoie
commandant que
—
Il
est
remplacé
Duménil qui perd presque aus-
sitôt trois
de ses chefs de section. Cependant on
aborde de
trois côtés le Petit
Dépôt, on y pénètre, grande galerie une centaine
on y trouve dans la d'Allemands qui se rendent. La liaison
s'établit
entre les chasseurs et les fantassins. Mais
il
est
minuit, et l'on ne peut songer à une nouvelle
progression immédiate. Le bataillon s'installe au
coude de
la
route de
Vaux
et
du nord du
Petit
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
256
Gomme
Dépôt.
Tordre de
comme vante.
50%
il
25 au matin,
reçoit, le
reformer en réserve de division
se
ne peut l'exécuter que
lui,
Il
le
ne
lui restait
que cinq
officiers
commandant*. Mais voici que, sur bataille
même,
trois
de ses
et,
la nuit sui-
le
dont
le
champ de
officiers, le capitaine
Fischer, les sous-lieutenants Ricoux et Ghasta-
gner, blessés au début de l'action, viennent, à
peine pansés, rejoindre leur corps. L'un est
vreux et porte
le
bras en écharpe
couvert de contusions. N'importe
que dans une et
ils
pareille bagarre
accourent sous
En revanche,
le
les
fié-
L'autre est :
ils
sentent
on a besoin d'eux,
obus et sous
les balles.
capitaine Paillard et le lieute-
nant Buisson, blessés et perdant beaucoup de sang, ne veulent pas s'en aller et
il
faut presque
les chasser.
#
Le bataillon Desbrochers des Loges (5 e ) du 222% à la droite du bataillon Casella qui fut
temps arrêté devant
les
les
prolongent s'achève,
long-
tranchées Glausewitz et
Seydlitz, a la charge de prendre, objectif,
si
comme premier
tranchées Mudra et Steinmetz qui
la
première ligne ennemie, laquelle
à l'extrême droite de notre dispositif
LA BATAILLE DE VAUX
de combat, par est confiée à
la
257
tranchée Werder dont
la prise
un bataillon du 30 e régiment,
pour second objectif,
redoutes, dont l'Abri de
Combat
Damloup. L'Abri de Combat,
et la batterie
noms que nous connaissons bien, célèbres où Ton s'est tant battu, où le 142
lieux e
et le
accomplirent des prouesses
commencement de
quand
juin
le fort
de
Dam-
batterie de
la
loup,
52 e régiments
et,
divers retranchements et
au
de Vaux fut
entouré, et qui ne furent submergés et perdus
que dans
la
grande attaque du
1 1
juillet.
L'Abri
de Combat est de dimensions étroites et n'a pas
Damloup est nombreux abris pou-
d'observatoire. Mais la batterie de
un vaste ouvrage dont
les
vaient contenir, avant
éboulée, pour
le
Son importance
qu'une partie n'en fût
moins une compagnie est
grande
:
elle
et
domine
demie. le
fond
de la Horgne, dont les pentes opposées conduisent au fort de Vaux, elle
ment de les
fonds de
village
commande
terrain, semblable à la
Horgne
et
de
la
le
mouve-
une jetée, qui, entre Gayette, conduit au
de Damloup au bord de
la
Woëvre. Le
vil-
lage est relié à la batterie par la tranchée de Saales. Prendre la batterie de tenir en partie les accès
Le
du
Damloup,
fort à l'ouest.
bataillon Desbrochers des Loges a II.
c'est
deux com17
LKS CAPTIFS DÉLIVRÉS
258
pagnies en première ligne, à gauche,
dide) droite,
et
la
une
18 e
la
19 e (capitaine Fai-
(lieutenant Golonna)
en soutien,
la
17 e
à
(lieutenant
Reneau). La compagnie Faidide saute d'un bond
dans
la
tranchée Mudra, y trouve quelque résis-
tance qu'elle brise, et s'empare d'une soixantaine
de prisonniers dont un
constamment gênée tion
du combat à
officier.
Mais
prolonga-
et entravée par la
sa
gauche dans
elle sera
la
tranchée
Seydlitz. Elle est prise de flanc par des mitrail-
leuses ennemies.
un pointeur,
Le lieutenant Onillon
tire
sur
tue et s'empare de sa pièce;
le
le
mitrailleur Gecillon tue les servants d'une autre
commande au
pièce. Mais le capitaine Morel, qui
bataillon la 5
e
compagnie de mitrailleurs, devra
mettre en surveillance face à gauche, organiser
se
la position, tirer
par intermittences dans
la direc-
tion de cet îlot qui éternise sa résistance devant le
bataillon Gasella
du 299 e Sa principale mission .
sera de couvrir sur la gauche son bataillon et de lui
permettre ainsi de progresser;
tera à merveille.
il
s'en acquit-
La compagnie Faidide pourra
se
porter en avant, prendre et nettoyer plusieurs abris, se maintenir à la
Golonna qui aura terie
hauteur de
la gloire
de Damloup, et
la
compagnie
de s'emparer de
même
la bat-
collaborer à cette
LA BATAILLE DE VAUX
259
dernière opération en fournissant l'appoint de la
du sous-lieutenant Dechatre.
section
La compagnie Colonna a commencé par enlever
tranchée
la
ennemie. Le
Steinmetz en première ligne
sous-lieutenant Marron y est blessé
à la tête et ne consent à quitter le terrain que
l'hémorragie devient trop abondante.
lorsque
Une
mitrailleuse
ennemie arrête
la
marche de
la
section Duchosal. Les soldats Gambrezat et Tripier s'élancent et debout, à quatre mètres, avec
une insolence inouïe, l'un des grenades,
ils
tirant, l'autre lançant
tuent pointeurs et servants. La
tranchée prise est pleine de cadavres ou de prisonniers. C'est
une section de
17 e compagnie qui,
la
sous les ordres du sous-lieutenant Frécaut, est
chargée d'aller en reconnaissance à l'Abri de
Combat. Le sous-lieutenant Frécaut dépasse avec ses
hommes
tion
la
tranchée Mudra, détache une frac-
sous les ordres du sergent
prendre
même
la
Roujon pour
position par l'ouest, tandis que lui-
l'attaque de face.
Il
entre dans l'abri qu'il
Un officier, blessé à la « Lieutenant, hommes
crible de grenades. se
rend avec
six
ma compagnie, peine l'abri
:
les autres
est-il
ont été tués.
»
tête,
voici
Mais à
occupé, que des mitrailleuses,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
260
venant à
l'aide,
nant Frécaut
ouvrent
le feu.
les neutralise
Le
sous-lieute-
avec ses fusils-mitrail-
leuses.
Reste
on
la
fameuse batterie de Damloup. Au 222 e
est expéditif, et l'opération n'est pas longue.
Deux
sections de face,
au sud-est
:
tel
est le
lieutenant Golonna.
Il
une au nord-ouest, une dispositif adopté par le est aidé à l'ouest
par
le
e sous-lieutenant Dechatre de la 19 compagnie, et e à l'est par une section du 30 régiment qui opère
à sa droite. A.
doute
est
deux heures de l'après-midi,
la re-
en notre pouvoir, avec une centaine de
prisonniers dont deux officiers et tout un matériel.
Le bataillon Desbrochers des Loges
un succès complet
:
a
remporté
500 hommes de troupe,
10 officiers, 2 canons de tranchée,
18 mitrail-
leuses, plusieurs dépôts de munitions sont
bés entre ses mains. La batterie de
tom-
Damloup a
fourni, de ce butin, la plus grande partie.
Enfin, à l'extrême droite,
du 30 réussi.
e
le
régiment, n'a pas Il
a enlevé la tranchée
bataillon Baillods,
moins brillamment
Werder
chée von Klûck qui se rejoignent à vrent en équerre, triangulaire.
vant
formant
ainsi
et la tran-
l'est et s'ou-
une position
La tranchée von Klûck aboutit dede Damloup dont elle complète
la batterie
LA BATAILLE DE VAUX les
défenses.
mum de
a payé sa conquête d'un mini-
Il
pertes
:
un tué
et dix-sept blessés
journée du 24. Rien dans été laissé
261
au hasard
:
dans
la
la
préparation n'avait
trois
bons observatoires
avaient permis à l'artillerie de perfectionner son tir. Il
est vrai
que
la
zone à maîtriser était sans
profondeur pour l'ennemi qui avait à dos de
la Gayette,
en sorte qu'une
le
fond
fois installé, le
vainqueur n'avait aucune réaction à redouter, à la
condition toutefois que
fût enlevée.
la batterie
de Damloup
La compagnie de gauche du bataillon
Baillods, entendant dans le brouillard des mitrail-
leuses en action de ce côté, inquiète sur son flanc
gauche, détacha une flanc-garde d'une section
pour parer à ce danger
et ce fut cette section qui
donna un coup de main à du 222
Tel est la
compagnie Golonna
.
#
de
la
e
le
#
bilan de la bataille de
première journée. Toute
la
Vaux au
première ligne
des tranchées ennemies, de Hindenburg à der, est plète.
tombée.
A
droite, la victoire est
Nous tenons sous nos feux
Gayette. La prise de
la batterie
ouvre, d'une part,
le
soir
le
Wercom-
fond de
la
de Damloup nous
chemin du
village, et
de
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
262
l'autre l'accès
dans
du
fond de
le
pentes
du
est.
Au
la
par l'ouest, en descendant
Horgne
centre
Petit Dépôt,
rières,
fort
la prise,
après celle,
ravin
lente et difficile,
rapide, des Carfort,
mais facile
A
gauche,
si
nous tenons
des Fontaines qui nous permettra de
marcher vers l'étang barrés au bois
chée Gotha.
cris
si
une distance à découvert,
à surveiller et à battre.
glants,
en remontant ses
nous conduit aux abords du
laisse à franchir
le
et
et la digue,
Fumin par
Au
la
nous sommes
défense de
la tran-
prix de sacrifices cruels et san-
nous nous sommes rapprochés, mais
les
de victoire poussés à Douaumont n'ont pas
eu d'écho à Vaux. Le fort
assailli se
reçoit des renforts, toute l'artillerie
centre ses feux pour
le
protéger.
dressé au-dessus de la
son énigme.
défend
:
il
ennemie con-
Le grand Sphinx
Woëvre garde encore
II
SUR LE FORT
25 octobre.
journée du 24 octobre n'a pas été mar-
Si la
quée, à
l'aile
droite de l'armée française, par
un
succès aussi complet qu'à son aile gauche à la Carrière
mont,
d'Haudromont
la division
et à son centre à
Douau-
de Lardemelle a pu néanmoins
réaliser
un progrès
du
de Vaux à distance d'assaut. Surtout
fort
a réduit
un
à
un
pour
suffisant
les obstacles
rapprocher elle
rencontrés, ne lais-
sant subsister derrière elle aucune
mesure
se
menace,
et,
à
qu'elle avançait, elle a consolidé son front
qui a résisté à toutes
les
contre-attaques.
La
préparation d'artillerie n'avait pas écrasé toutes les
tranchées ennemies qui, au centre, ont ralenti
notre offensive. Le brouillard de la matinée du 24 avait
empêché
les
réglages sur le fort
même.
Enfin l'importance des centres de résistance qui
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
264
au cours de l'attaque n'avait pas
s'étaient révélés
permis à nos troupes de première ligne de contourner
ces îlots sous le
sans en entreprendre
feu des
le siège.
Le général de Lar-
demelle avait jugé plus prudent poursuivre leur réduction avec
mitrailleuses
de
et plus sûr
lés unités
amenées
à leur faire face et de rétablir avec les réserves le dispositif face à la direction des contre-attaques
probables. Ainsi les circonstances l'avaient-elles contraint,
pour s'emparer du
deux
ailes, le 7
e
I
e
du 299 à
qu'il destinait à l'assaut
Le combat
a
du
la
Du
du capitaine Favre
sans rencontrer de difficulté
Fumin. Devant
Siegen,
le
:
et à
la crête et les
les
bataillon
s'est
digue
l'est
de
prisonniers.
pentes ouest du
tranchées de Gotha et de
Berthelot et
Romain du 230 régiment e
la
des abris à
ramené quatre-vingts
Mais l'ennemi tient bois
la droite,
ravin des Fon-
avancée jusqu'à l'étang de Vaux
elle a
forces
les
nuit du 24
gauche à
la
est la suivante.
taines, la reconnaissance
il
fort.
continué toute
au 25. Le 25 au matin, de
digue
les
droite. Mais
pour cette manœuvre,
avait utilisé,
la
Dépôt, à
bataillon de chasseurs à gauche,
et le bataillon Picandet
la situation
Petit
manœuvre d'encerclement par
exécuter une
le
bataillon
sont arrêtés. Seul,
le
SUR LE FORT bataillon
265
Rendu, à gauche, pourrait avancer en
bordure du ravin
et le sous-lieutenant Place, qui
comman-
a remplacé le capitaine Favre dans le
dement de digue; mais
la
e
23 compagnie, de
l'arrêt
est retourné à la
ne permet pas
la droite e
Le 333 régiment
cette progression isolée.
bonne posture, au delà des Carrières emportées à côté
l'est
de
la
en
est
a
qu'il
route du fort. C'est de son
qu'une attaque sur
pourrait être
fort
le
tentée avec chance d'aboutir. Les deux bataillons
de chasseurs ont reçu l'ordre de se reconstituer
en réserve de division. Avec leur aide,
donc et
fini
par enlever
le Petit
le
Entre
222
lui et le
,
e
le
333 e
long couloir formé par
le
a
Dépôt, vers minuit,
par s'établir au delà, en liaison avec e
299
.
le
boyau des Maîtres-Chanteurs ramène cette ligne en arrière. Enfin,
le
bataillon Desbrochers
et le bataillon Baillods
mier coup leur
Damloup, sur
e
du 30 ont
objectif,
la crête
Horgne, coupant
atteint
au delà de
qui
la jetée
domine
e
du pre-
la batterie
de
fond de
la
le
qui aboutit au village
de Damloup et tenant sous leurs feux la
du 222
le
fond de
Gayette.
Le commandement estime nette pour que l'assaut être ordonné. N'est-il pas
du
cette situation assez fort
de Vaux puisse
en droit de compter sur
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
266
désarroi causé par la chute de
le
paralyser l'adversaire? division Àndlauer
la
à la disposition
attaque
cette
:
Il
met
Douaumont pour
trois bataillons
un du 305 e
et
du général de Lardemelle pour
qui
au 25 octobre
fixée
est
dix heures du matin. Le 4 e bataillon
dant Derode) du 305 e régiment est
bonne heure
assurer sa liaison avec e
du 222 en déblayant
le
Il
à
(comman-
mené de
à la tranchée de Seydlitz
place du bataillon Picandet.
la
de
deux du 216%
où
il
très
prend
commence par
bataillon Desbrochers
boyau des Maîtres-Chan-
le
teurs que l'ennemi tenait encore et qui creusait
un
saillant
matin,
il
dans nos lignes. Puis, à
attaque
sud du fond de
les
la
(capitaine Ghaduc) et 15
e ,
six
heures du
retranchements ennemis au
Horgne et
:
la
14 e compagnie
un détachement des 13
e
sous les ordres du lieutenant Noël, mar-
chent sur ces abris,
les
trouvant de nombreux
forcent et les nettoient, y cadavres, une centaine de
un important matériel de mitraillance-bombes, fusils, munitions. La main-
prisonniers, et leuses,
mise sur de
du
la
les
retranchements et
Horgne assure notre
les
pentes du fond
droite pour l'assaut
tort.
Cet assaut se déclenche à l'heure dite, après
une préparation
d'artillerie qui a
duré toute
la
SUR LE FORT matinée.
est
Il
Gargat) et 6
e
mené par
les
267
4 e (commandant
(commandant de Varax)
bataillons
e
du 216 (lieutenant-colonel Perchenet) Le
batail-
.
lon Lourdel, du 333
e ,
quia
si
l'enlèvement des Carrières,
brillamment achevé
la veille,
doit l'étayer
à gauche en se portant à la corne nord
en liaison avec
les bataillons
gresseront dans
le bois
dessus de la digue
Vaux
:
Fumin
à
du
du
du
fort,
qui pro-
hauteur
car l'attaque
au-
et
village de
Mais
les
du 230 rencontrent au bois Fumin
les
doit suivre de près celle
bataillons
du 230
e
fort.
e
retranchements des tranchées d'Altenkirchen et
même
de Siegen qui n'ont pas été détruits, ni désorganisés par
le tir
de
est impossible d'avancer. fait
le
mouvement
l'artillerie,
et
Le bataillon Lourdel
prescrit
:
la
21 e
230 de
e
la
la suit à
les laisse
a
23 e compagnie
(lieutenant Iwolski) atteint la corne nord la
leur
il
du
fort,
150 mètres en arrière. L'arrêt du en flèche. La 21 e
glisse à la
gauche
e
23 pour former crochet défensif. Mais
les
deux compagnies sont dans une situation précaire, prises d'enfilade
homme
fort.
Dès qu'un
visé.
Les liaisons sont
droite, les
taquer
par
les mitrailleuses
quitte son trou, difficiles. e
Que
deux bataillons du 216 chargés
le fort?
il
font,
du est à
d'at-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
268
* # *
Ils
doivent partir des Carrières où
ils
ont été
massés. Les Carrières sont à cinq cents mètres du fort.
Le 6
e
bataillon a pour objectif le saillant
ouest, tandis fort par l'est.
que
le
4 e essaiera de contourner
Dans quel
du bombardement de désemparé
et
la
le
état est le fort à la suite
matinée? L'ennemi
est-il
tremblant dans ses casemates et ses
abris? A-t-il subi le contre-coup de la défaite de
Douaumont? et
ne
Laissera-t-il
lui opposera-t-il
approcher
l'assaillant
qu'une résistance molle
et
sans conviction? Dans les Carrières où les troupes
attendent l'heure,
les chefs
tâchent à s'en rendre
compte. Le chemin sera malaisé à parcourir
:
pas un coin du sol intact, partout des trous d'obus,
des fondrières, des souches arrachées, et a détrempé
tout
ce chaos. Nul
désolé, plus meurtri, plus funèbre. le la
la pluie
paysage
plus
Hardaumont
domine
et le bat de ses feux. Le fort vomit de fumée comme un cratère de volcan. Au mois
de juin, quand
le
pouvoir délivrer
commandement croyait encore commandant Raynal luttant
le
désespérément dans sa cave avec une troupe de héros, la brigade mixte, mise sous les ordres du
SUR LE FORT
269
composée du 2 e régiment de
colonel Savy et
zouaves et du régiment colonial du Maroc, parvint à déborder le fort sur les côtés, atteignit les
dut battre en retraite devant
Elle
fossés.
les
mitrailleuses qui occupaient la superstructure.
Le 216
e
heureux
sera-t-il plus
cette fois?
neuf heures et demie un obus tombe dans ;
rière sur le
groupe des
officiers
de
la
est
Il
Car-
la
22 e compa-
gnie, quatre sur cinq sont atteints, dont le lieute-
nant Brugel qui
la
commandait. Le cinquième,
sous-lieutenant Doutre, prend le L'artillerie
hommes
ennemie
attendent.
difficultés
fait rage. Ils
À
dix
Ils
:
officiers, les
Vaux, décidément,
sont prêts,
heures précises,
s'ébranlent.
commandement. Les
n'ont pas de doute sur les
de l'opération
un repaire tragique.
le
les
ils
iront.
deux bataillons
Dans chaque compagnie, deux
tions d'assaut, accolées,
est
sec-
forment deux vagues
et
deux sections de renfort deux autres vagues. Le
commandant
est
au centre du
teur de la troisième.
bonds successifs
dispositif, à
La progression
et courts.
A
gauche,
hau-
se fait le
par
bataillon
de Varax traverse sans trop d'encombre un pre-
mier Mais et
tir
de barrage, va s'appuyer à
route.
aux
saillants ouest
la ligne
qui sépare ces
les mitrailleuses placées
sud du fprt et sur toute
la
LES CAPTIFS DELIVRES
270
deux points entrent en action. Maudites mitrail-
du 8
leuses qui déjà firent échouer l'assaut
échapperont-elles donc toujours au artillerie?
Sur
fort
le
tir
juin,
de notre
comment
martelé,
de-
meurent-elles intactes? Trouvent-elles des abris
dans
bouleversement
le
Ordre
ture?
même
donné
est
de
aux
la
superstruc-
compagnies
de
stopper.
Mais
les
21 e et 22 e sont déjà parties et ne
peuvent être rappelées. Elles arrivent aux abords
immédiats du
fort. Elles
gereux Sphinx,
A
cher son secret.
l'amener
doivent
Doutre, qui
:
fort, la
le
22 e
,
pirant Néris. Le voyant tomber,
et
—
dan-
sous-lieutenant reçoit
une
c'est le dernier officier
compagnie qui tombe. A côté de ses
le
lui arra-
bonds qui
l'un des derniers
au
commande
en plein front
vont reconnaître
regarder face à face,
le
balle
de
la
lui se tient l'asil
se
tourne vers
—
hommes car tous deux étaient devant « A mon commandement, la 22 » Sous crie e
!
:
le tir
qui les arrose, tant de face que de flanque-
ment, une trentaine d'hommes parviennent aux fossés, se blottissent
dans
les trous d'obus. L'as-
pirant Néris, trois sergents et cinq grenadiers, se traînant, avancent encore et tentent d'aveugler les
fatales
mitrailleuses à coups de grenades.
SUR LE FORT
Deux hommes,
Néris est blessé à la tête.
atteignent la superstructure. Ils
Ils
sont sur
enfin,
le fort.
ont dépassé l'exploit des marsouins de Douau-
mont. Dans monstre.
Vaux. Et
la
ils
tempête,
posent
ils
le
pied sur
le
seront les premiers vainqueurs de
Ils
n'en sont pas revenus.
Les premières vagues de
pu
27J
se glisser
la
15 e compagnie ont
dans la direction du saillant sud,
cherchant à encercler
le fort
par
l'est.
Mais
elles
sont prises à partie par les batteries ennemies de la
Woëvre,
de lourdes pertes. La
et subissent
2 e section arrive jusqu'au fort avec des éléments
de
la
13 e et de la 14 e compagnies. Elle jette
des grenades à l'entrée des casemates qui lui font face. Les mitrailleuses la
ennemies crachent
mort sans discontinuer. L'angle ouest du
fort
en
est garni.
Impossible d'aller plus loin.
Pourtant, quelques fort au-dessus
du
hommes
fossé.
se
hissent
sur le
Le sous-lieutenant Mor-
gana y mène une partie de sa section. Ils ne peuvent s'y maintenir et redescendent. Les audacieux qui se sont avancés jusque-là, qui ont exécuté leur mission avec cette folie d'ardeur et de sacrifice,
n'ont
plus
que
quelques trous d'obus où biles,
de nouveaux ordres.
l'abri
ils
précaire
attendront,
Si l'ordre est
de
immode mar-
272
LES CAPTIFS DELIVRES
cher encore,
ils
du
marcheront. Mais
du monde. Toutes
reste
ils
sont coupés
commu-
tentatives de
nication par coureurs demeurent infructueuses
pas une ne parviendra à destination.
heures du matin, la nuit.
malgré
Et,
et
il
si
lente pour eux
l'ennemi, pour les découvrir,
inquiet de notre attaque, éclairantes, crée
onze
faudra rester ainsi jusqu'à
nuit venue,
la
la saison,
est
Il
:
un jour
multiplie les fusées
pour
artificiel
les
repé-
rer dans leurs trous, balaye sans cesse le terrain
du feu de
Ceux qui
ses mitrailleuses infatigables.
sont revenus de cet enfer ont connu le
de l'énergie humaine. pelés,
ils
se retrouvent
Au
petit matin, enfin rap-
aux Carrières.
L'attaque de face sur
le fort
réussi, parce qu'elle n'a pas
pu
de Vaux n'a pas
être suffisamment
étayée à l'ouest, et surtout parce que n'a pas
Vaux
pu maîtriser
doit
tomber
sa chute et d'artillerie.
:
les mitrailleuses. le
l'artillerie
Pourtant,
commandement
ordonne de reprendre Il
la
et
a décidé
préparation
faut reporter notre ligne
en arrière, jusqu'aux Carrières
Le mauvais temps
sommet
un peu
au Petit Dépôt.
et l'extrême difficulté des ob-
SUR LE FORT
273
servations vont prolonger cette préparation. Elle
pas la longue lutte entreprise sur la
n'arrête
gauche de
pour nous assurer
la division
sion définitive de la croupe la
du bois Fumin. Après
première ligne des tranchées ennemies, après ouvrages d'Hindenburg et de
les le
posses-
la
Sablière,
la
230 e a rencontré l'obstacle des tranchées de
Gotha
et
de Siegen.
tomber sur de
les
Ces
Fritzlar.
croupe du
en* a
Il
triomphé, mais pour
retranchements d'Altenkirchen
retranchements
vont
Successivement e
bataillon
mis à
Viotte qui
la
Romain,
du 305
la disposition
commande
Le 26
effort prolongé. e
village.
le
les bataillons Berthelot,
Rendu, ont fourni leur tobre, le 5
et
bois jusqu'aux pentes ouest qui des-
cendent sur l'étang de Vaux et sur
lay) est
de
(commandant
oc-
Bal-
du lieutenant-colonel
Une nouvelle
ce secteur.
attaque sera tentée sur Altenkirchen et Fritzlar
qu'une ligne solide puisse être établie de
afin
corne sud-ouest de l'étang de Vaux à de Fumin.
Au
du 305 e
bataillon frais
Viotte joint deux compagnies
230
e .
Ce bataillon est
Rendu, de
la
officier
du 6
commandé fille
le
de
croupe
le
colonel
bataillon
par
de réserve, qui est
célèbre sœur Rosalie,
e
la
la
le
du
capitaine
petit-neveu la
Charité.
Les lieutenants-instituteurs Philippe et
Goury
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
274
ont servi, en conduisant leurs
de solidarité humaine
Rendu
taine
la
;
hommes,
leur idéal
formation d'un capi-
est toute religieuse.
On
se souvient
de cette sœur Rosalie qui vint du pays de Gex
pour assouvir dans un quartier populaire de Paris au choléra
sa passion des pauvres, qui tint tête
en 1832,
pendant
et qui,
la
fut respectée des insurgés
Révolution de 1848,
au point de leur pou-
voir arracher toutes les victimes réfugiées chez elle
avec ce beau
cri
donné des
Filles
nition
Une
«
:
On ne
«
:
de
ici. »
Elle avait
Charité cette admirable défi-
la
Fille
tue pas
de Saint-Vincent-de-Paul est
une borne sur laquelle tous ceux qui sont fatigués ont la
le droit
de déposer leur fardeau.
Légion d'honneur sous
accepta
jamais
la croix
(1)
.
le
Décorée de
»
Second Empire,
par simplicité mais ne
la
elle
porta
Son petit-neveu, Xavier Rendu, ancien
élève des Beaux-Arts, architecte à Saint-Claude, la
devait mériter à son tour dans ces terribles
journées d'octobre devant Vaux avec cette citation
:
Capitaine au
230
e
régiment,
a
toujours fait
preuve des plus hautes vertus militaires tobre (1)
édit.)
1916 a V. les
conquis, dans
Semeurs
:
Sœur
un
.
Le 24
oc-
magnifique élan, les
Rosalie, par F.
Laudet (Perrin,
SUR LE FORT
275
positions allemandes de son secteur sur
une profon-
deur de 1 200 à 1 500 mètres. Arrêté ensuite dans sa progression
organisé
par un ouvrage ennemi puissamment
garni de mitrailleuses , a maintenu son
et
au contact de
bataillon
cet
ouvrage pendant deux
jours sous un feu violent, soutenant par une action personnelle
moral de
le
souci constant de la
ses troupes et conservant le
manœuvre ; a poussé
des recon-
naissances hardies très au delà de la position quil a
enveloppée pour couper nison.
de
A
le
ravitaillement de la gar-
capturé au cours de ces trois journées plus
400 prisonniers
et
7
mitrailleuses.
Le capitaine Rendu, comme Philippe, lui
comme
une femme de santé précaire
en bas âge.
le
lieutenant
tant d'autres, laissait derrière
Sa jeune
femme
et des enfants
avait offert ses
souffrances pour le salut de son mari et
réclamé «
à
même
Dieu qu'elles fussent augmentées.
Mais, disait-elle à sa garde-malade, je crains
d'avoir été présomptueuse, car parfois je souffre trop et cela nuit à l'accomplissement de
devoirs
d'état.
»
C'est ici
tueux et pieux rendu à une morte, car
elle
succomba à
mes
l'hommage respecsainte
et
à
une
ses souffrances
en
décembre (1916), comme son mari, après s'être illustré dans les combats de Vaux, avait obtenu
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
276
de venir voir leur troisième enfant nouveau-né. Il
n'est pas indiscret de
donner sur l'un ou
l'autre
de nos combattants ces détails privés sans quels ne se pourraient comprendre ni tère de cette guerre ni la tels
et la vertu
de
exemples.
Le n'a
grandeur
les-
carac-
le
tir
pu
de
l'artillerie
lourde, à cause du temps,
être réglé ni par observateurs terrestres,
ni par
A
observateurs aériens.
cinq heures du
soir, l'attaque est lancée. Elle atteint et nettoie
plusieurs abris du bois
Fumin où
de cent prisonniers, mais elle défenses toujours intactes de
la
sont se
heurte
et
de cés
compagnies fin
,
est tué.
de combat des détachements
une tranchée
la
Le
les plus
reliant
sud-ouest de l'étang de Vaux à
de
commansoir,
emplacements
s'installent sur les
et creusent
aux
neuf chefs de section. Le
sous-lieutenant Rey, du 230 e les
plus
tranchée d'Alten-
kirchen. Le bataillon Ballay perd un
dant de compagnie
faits
avan-
corne
la
la partie
ouest
tranchée de Gotha qui est en notre posses-
sion. Les prisonniers ont signalé la présence de
onze mitrailleuses dans
le
boyau d'Altenkirchen
qu'il faudrait battre d'enfilade
toute la position de la croupe
pour
faire
tomber
du bois Fumin.
SUR LE FORT
277
#
#
Le 27 octobre, commence
la relève
de
la divi-
sion de Lardemelle par la division Andlauer dont
plusieurs bataillons pris au 305 e et au 216 e ont
déjà
été
engagés. Le général Andlauer entre-
prendra une série d'opérations locales pour se relier
par
la
digue à
la division
Arlabosse qui a
relevé la division Passaga et pour entrer en possession de tout le bois
abord ouest du
fort.
Fumin
et tenir ainsi les
L'audacieuse attaque du
25 octobre qui nous a menés sur
la
superstruc-
ture a montré à l'ennemi notre volonté inébranlable de pousser notre offensive jusqu'à la prise
de l'ouvrage. L'ennemi a pu se rendre compte
que
les
jours du fort étaient comptés et ne dépen-
moyens manœuvre qui
daient plus que du renforcement de nos matériels et de l'achèvement de la
l'encagerait définitivement par la possession des
pentes ouest et
Au 28
octobre, la bataille de
nait plus de
42
est.
1
officiers, 4
Vaux nous don-
500 prisonniers hommes de troupe, canons français de 90, 23 lance-
mines, 54 mitrailleuses, deux lance-flammes et
un butin considérable de
fusils et
de munitions.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
278
Quelques jours plus tard,
général de Larde-
le
melle, voulant fixer le souvenir de cette lutte de trois jours
furent
où tant de bravoure
dépensées,
troupes
adressera
et
cet
d'endurance ordre
à
ses
:
Vous venez d'écrire avec votre sang une page admirable devant laquelle s'inclinera
Devant vous prise,
la postérité.
ne pouvait être question de sur-
il
l'ennemi vous en avait avisés
la
veille
de
l'attaque.
Devant vous, dans
la
zone des approches du fort
de Vaux, sur une profondeur de douze cents mètres,
l'ennemi avait accumulé obstacles sur obstacles, pensant ainsi rendre vaines toutes
les tentatives
dirigées
contre cet ouvrage.
Tous
ces obstacles ,
un dans une
lutte
qui dura vingt heures,
voure
et
les
avez renversés un à
et
dans laquelle votre bra-
vos qualités manœuvrières eurent raison de
la ténacité
La
vous
pied à pied d'une violence inouïe
allemande.
question des approches du fort de
été ainsi résolue
Vaux ayant
par votre vaillance, l'ouvrage de-
vait tomber sans coup férir entre nos
mains peu de
jours après. Vous avez fait ce que l'ennemi considérait
comme
SUR LE FORT impossible.
Vous
avez provoqué son admiration.
Honneur à vous, mes que vous avez remplie de vous-mêmes, votre vivra
!
279
gars,
pour
la
rude tâche
si glorieusement. Soyez fiers
race est la plus belle
:
elle
111
LE JOUR DES MORTS DANS LE FORT DE
Au
VAUX
général Andlauer revient l'honneur d'avoir
réoccupé
le
dont
fort
voqua l'évacuation par repris les villages
la
bataille de
les
Vaux
Allemands,
fameux de Vaux
pro-
et d'avoir
de
et
Dam-
loup.
Le 28 octobre, un pionnier
fait
prisonnier
donne des renseignements précis sur 300 hommes y tiennent garnison,
Pendant que et
relèves d'infanterie
118 régiments prenant e )
bétonnés,
la face sud.
les
e
216
la
le
19°
(les
place des 305
e
et
s'exécutent régulièrement, et qu'une lente
progression se poursuit à l'ouest au bois
où
:
mitrail-
les
leuses sont installées sous des abris
principalement à
le fort
305 e régiment a repris
les
Fumin
attaques du 230 e
sur les tranchées d'Altenkirchen, et à
l'est
au-
dessus du fond de la Horgne où la tranchée de Saales qui joint la batterie de
Damloup
à
Dam-
MORTS DANS LE FORT DE VAUX
LE JOUR DES
loup est pour tillerie
de
la
masse de
ses
tir
:
la
de barrage sur toutes
sur la route de
Damloup
les
le fort
et
région inha-
de harcèlement sur tous
d'interdiction dans le fond
l'ar-
155 et de ses 220.
déluge de fer rend à l'ennemi
bitable tirs
grande part occupée,
lourde écrase sans discontinuer
ses entours
Un
la plus
281
abords,
les
voies d'accès, tirs
du ravin de Fumin
à Vaux,
et
de destruc-
tirs
La
tion enfin sur le fort et sur le village.
riposte
de l'adversaire, d'abord redoutable, va en dimi-
nuant il
il
:
a tenté de résister à notre domination,
il
la subit
en grondant,
elle
redouble ses coups,
cède. Cette lutte d'artillerie dure sans inter-
ruption du 28 octobre au 2 novembre.
Le feste
2
novembre,
que
de porter
le
la
disproportion est
commandement juge
le
coup
décisif.
encore se défendre
le
si
mani-
moment venu
Sans doute
le fort
peut
l'infrastructure doit garder
:
des parties intactes et dans des conditions aussi
défavorables
le
mes, débordés
commandant Raynal et cernés,
et ses
hom-
ont tenu et n'ont été
forcés que parla soif. Mais la ténacité est
devenue
vertu française. L'attaque est fixée au 3
novem-
bre, dans la journée. se précipitent
:
le
teurs signalent des
Cependant
les
événements
2 au petit jour, nos observa-
mouvements de troupes en
LES CAPTIFS DELIVRES
282
du
arrière
s'en vont.
moins
fort; ces troupes, Il
lieu
d'approcher,
y a donc une évacuation, tout au
partielle,
un peu plus
au
du
fort.
Des explosions y sont,
tard, signalées. Enfin le
radiogramme
allemand annonce lui-même, dans l'après-midi, l'évacuation totale.
Le général décide de brusquer l'occupation. du 2 au 3 novembre,
Elle se fera dans la nuit
mais sera précédée d'une reconnaissance qui
se
rendra compte des lieux. Contraint d'abandonner
un
pareil point d'appui qui nous
la
Woëvre
donne barre sur
et qui fut le théâtre
de l'un de ses
succès les plus longuement disputés, les plus sanglants, les plus célèbres, contraint d'avouer par là sa
renonciation définitive à toute entreprise
nouvelle sur Verdun, l'ennemi a pu nous tendre
un piège, tout au moins céder un terrain miné.
Le capitaine de Persan, de l'état-major de division Andlauer,
est
envoyé, porteur des or-
dres, au lieutenant-colonel
298
e
régiment alors
Le 298 tres
dont
e ,
dont
les
Hauw, commandant
en réserve
de
drapeau
l'attaque
du
est décoré.
fort;
pénétrera dans
le
division.
contingents solides et opiniâ-
viennent du Forez, est un régiment le
la
le
le fort,
Il
était
d'élite
désigné pour
premier détachement qui il
le
fournira. Ce sera pour
LE JOUR DES
MORTS DANS LE FORT DE VAUX
revanche des journées de juin,
lui la
283
haras-
si
santes et angoissantes, qu'il passa aux abords
immédiats de Vaux où
muré. On
était
commandant Raynal
le
de
était alors sans nouvelles
l'in-
térieur dont les messages optiques ne parvenaient
quand un groupe du 101 e dont
plus,
,
dier Vanier, et
le
e
un groupe du 141 dont
brancarl'aspirant
Buffet, réussirent à s'évader dans la nuit 5 juin (1)
:
ils
e
terré
Petit Dépôt. Les
pre-
furent recueillis par
entre les Carrières et
miers témoignages,
il
le
du A au
les a
le
entendus.
298
était là
Il
encore, lorsque les zouaves et les marsouins,
dépassant
le 7 juin,
de délivrance. devant
Il
tentèrent
les
vit
le
suprême
effort
revenir après l'échec
les mitrailleuses. Ainsi,
les plus
pathé-
tiques journées de Vaux, les plus cruelles,
secteur,
le
fort qu'il a
prêt à
il
il
a été choisi pour l'assaut.
vu perdre,
il
le
reprendra.
marcher quand arrivent
les
les
Revenu
a vécues et n'en a pas perdu le souvenir.
dans
le
Il
Le
était
nouveaux or-
dres.
La mission confiée au lieutenant Diot, commandant la 21 compagnie, est celle-ci recone
:
naître
Cl)
V.
si
le fort
les
de Vaux, dans lequel un incendie
Derniers jouis du fort de Vaux.
LES CAPTIFS DELIVRES
284
occupé ou libre de tout ennemi
s'est déclaré, est
dans ce dernier cas, l'occuper. Les
hommes
;
sont
transportés en automobiles à la batterie du tunnel
de Tavannes.
Il
est huit
heures du
soir.
Le
taine de Persan, le lieutenant Diot et le
lieutenant Lavève, qui doit conduire
capi-
sous-
un détache-
ment du génie, les ont précédés. A son poste de commandement, le général Andlauer leur a donné le
ses dernières instructions.
commandant
le
1
18 e qui doit fournir une compa-
gnie de soutien. C'est elle
contournera
au delà, sur de
Vers dix heures,
lieutenant Diot s'arrête au poste du colonel
la
les
la
le fort, le
compagnie Fouache
:
dépassera et s'établira
pentes qui font face à
la
plaine
Woëvre.
Le lieutenant Diot aux abords du
fort.
se dirige avec sa
compagnie
Vers minuit, trois patrouilles
sont envoyées en reconnaissance
:
une du 298 e
sur la face ouest-sud du fort, celle qui se présente du côté français, et les deux autres du
1
18
e
avec ordre de déborder l'objectif à l'ouest et au sud-est.
Le lieutenant Diot attend
ments de aucune
ses patrouilleurs
fusée,
:
aucun coup de
les
renseigne-
la nuit est
feu,
sombre,
mais des bar-
rages en arrière, vers les Carrières et
le
Petit
Dépôt. Une escouade de coureurs est formée pour
LE JOUR DES
MORTS DANS LE FORT DE VAUX
Les patrouilleurs rentrent
assurer les liaisons.
une heure plus tard
285
:
les
abords et
le fossé
du
fort sont libres.
Le lieutenant compagnie,
la
personne avec
Diot, après avoir fractionné sa
conduit au le
y pénètre de sa sous-lieutenant Lavève et le fort. Il
détachement du génie, non sans avoir éprouvé quelque
difficulté à découvrir
une ouverture.
Il
inspecte rapidement l'infrastructure qui est déserte.
y
est
Des débris y fument encore, l'atmosphère presque irrespirable. Un peloton de sa com-
pagnie est appelé à l'intérieur. L'autre monte sur la superstructure.
Le lieutenant Labarbe
et sa
section trouvent, en haut, une issue par laquelle
descendent
ils
3
et
rejoignent les occupants. Le
novembre, à deux heures trente du matin,
presque cinq mois après sa chute, est
le fort
redevenu français. Le second captif
de Vaux est dé-
livré.
Un jour
entier, le fort est
demeuré
vide, et ce
jour, le sort a voulu que ce fût la fête des Morts.
Les lueurs
Allemands sont
partis
du matin, non pas dans
la
aux
premières
calme exécution
d'un plan mûri qui s'accomplit à l'heure
fixée,.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
286
préparatifs terminés à l'avance,
sans hâte, les
mais dans
précipitation d'un départ
la fièvre et la
improvisé qui ressemble étrangement à une
De
cette fuite le butin
abandonné
est la
un million de cartouches, un millier de
fuite.
preuve
:
bouteilles
d'eau Minérale, trois mille boîtes de conserves, tout un matériel de fusils, de grenades, de lance-
flammes, quatre mitrailleuses dont deux empaquetées,
prêtes
à
être
Gomme
emportées.
Douaumont, bien qu'en moins grande des papiers révélateurs ont été laissés
;
à
quantité,
parmi eux
une consigne, datée du 21 octobre, concernant la
défense du fort en cas d'attaque. Les fuyards
se sont bousculés. Ils ont pris leur résolution la
nuit et
ils
Ainsi n'ont-ils pas eu les
dans
ont voulu profiter des ténèbres. le
temps d'accomplir toutes
destructions qu'ils eussent souhaitées. L'ar-
rière-garde a
voqué ça petit
promené au hasard
et là l'incendie,
même
la
torche et pro-
l'explosion d'un
dépôt de grenades ou de cartouches.
nous avaient accoutumés à un travail plus
Ils fini,
plus soigné, plus perfectionné. Visiblement c'est
l'œuvre de gens pressés dont ils
la
main tâtonne. Et
ont tant bien que mal bouché
les issues
pour
retarder l'entrée du vainqueur. Départ piteux
dont
le
témoignage
est partout écrit
dans
le fort
LE JOUR DES MORTS DANS LE FORT DE VAUX sali,
somme
maculé, pollué, mais,
287
toute, intact;
départ brusqué qui ressemble à celui des voleurs
quand l'aube menace. Il
du
de minuit lorsque
était plus
envoyée par
fort. Elle a suivi ce fossé à
mur
le
la
patrouille
lieutenant Diot parvint au fossé
le
demi comblé par
d'escarpe écroulé. Elle a vaguement dis-
tingué dans l'ombre les emplacements béants des
casemates, pareils à des ouvertures de grottes.
Épiant
ment,
moindre
le
bruit,
elle a interrogé le
silence.
Puis
le
et interprété
son
lieutenant du génie et ses
le
est entré
il
moindre mouve-
lieutenant Diot s'est avancé à
son tour. Et, avec
hommes,
le
Sphinx
dans
le fort.
Mais, entre leur départ et notre arrivée, tout un
jour
s'est
Vaux ont
écoulé. Tout
leur défaite
de terre,
un
été les maîtres,
abandonne
mais
et
jour,
les
non pas
morts de
les leurs
que
recouvre d'un peu plus
les nôtres, délivrés
sous une terre
qui est redevenue française. C'est aux morts que le fort
a été rendu.
et ils attendaient,
L'ennemi ne ils
les voyait pas,
guettaient sa fuite pour
célébrer leur fête. Alors, dans les couloirs, dans les
casemates, dans
tout
ennemi
vivant,
les ils
chambres débarrassés de se sont rassemblés
comme
une mystérieuse garnison. Morts des premiers
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
288
mois de mars, morts des 407 e
assauts du e
408 régiments tués du 71 e régiment
du
à l'entrée
et
morts
village,
territorial tués sur les parapets,
morts du 3 e bataillon de chasseurs et du 158 e ré-
giment tués sur assauts de juin, rent ces
les pentes,
du 101
e
et
morts des mortels
du 142 e qui défendi-
décombres quand l'ennemi
était autour,
dessus et déjà dedans, morts tout chauds encore
du 216
e
qui, le 25 octobre,
marchèrent sous une
pluie de feu jusqu'aux fossés, morts des
brables
combats
humaine,
les voici
livrés
sur
ce
les
ils
appellent à
morts de Verdun, ceux des premières
journées qui
ont
revanche, ceux de partis avec tant
table
chair
qui se rangent en ordre par
bataillons et par compagnies. Et
eux tous
innom-
de
sol
attendu la
leur
dernière offensive qui sont
de confiance. N'est-il pas équi-
revivent
qu'ils
longtemps
si
le
jour
où
leur
s'achève, et peut-on concevoir sans eux
œuvre
la libéra-
tion d'une parcelle de territoire?
Un grand
poète de chez nous a écrit que
yeux humains ne sauraient sans templer trop longtemps «
Les déesses
niquement,
mêmes
le
se
les
détourner con-
spectacle de la douleur.
s'en lassent, ajoutait-il iro-
et les trois mille
Océanides qui vin-
rent consoler Prométhée sur sa croix du Caucase
LE JOUR DES MORTS DANS LE FORT DE VAUX s'en retournèrent le la victoire
soir. »
Vaux
289
est conquis, et
de Vaux est acquise. Avant de se tour-
ner vers cette victoire, pour que nul ne soit plus tard tenté d'oublier les sacrifices qui la payèrent,
pour que
soit
qui précéda
devant
le
symbolisée
la joie
la
douleur de Verdun
de Verdun,
triomphe cette
vigile
le
destin a placé
que
fut,
dans
fort désert, la fête des morts.
19
le
IV LA VICTOIRE APTÈRE
L'ennemi
s'est replié
Vaux. Le 3 novembre
au nord du ruisseau de
le
118 e prend possession
des glacis du fort jusqu'à la ligne de plus grande pente. le
Le
4, des patrouilles d'officiers explorent
ravin de l'ouest, jusqu'au cimetière et aux pre-
mières maisons du village
;
là elles
par des coups de feu. Mais, dès
le
sont arrêtées
lendemain
5,
e
un détachement du 19 régiment peut s'avancer au delà et capturer un sous-officier allemand et quelques hommes. De l'étang au village de Vaux, ce n'est d'ailleurs qu'un vaste marécage. Néan-
moins,
les ruines
sont fouillées et les pentes gar-
dées.
Damloup vembre.
Un
est,
de
même, réoccupé
petit poste
une cave. Le
allemand y fut
sous-officier qui
le
le
4 no-
pris
dans
commandait
ayant exprimé son désappointement d'être
cueilli
LA VICTOIRE APTÈRE
moment
au
d'une relève, nos
291
hommes attendirent
emmenèrent par surcroît. nous sommes redevenus les maîtres de
cette relève qu'ils
Ainsi
tout le plateau et des ravins qui l'entourent et
que commandent à leur embouchure
Au
de Damloup et de Vaux. tenons
la
crête militaire qui, à
mètres au nord-est,
cents
abruptes tombant sur
fort
nous
deux ou
trois
domine
mars, avant
les
les
pentes
de Woëvre. Notre
la plaine
ligne est rétablie telle qu'elle était
contre
les villages
du
delà
au début de
attaques directes de l'ennemi
le fort.
*
.
.
.
Au-dessus d'Athènes, à l'extrémité du rocher
de l'Acropole,
découpe sur
le petit le
ciel
temple de
pur
la Victoire se
comme un
mer. Ses colonnes ioniques,
si
semblent ne supporter aucun poids les
porte elles-mêmes.
domine
le
De
cap sur la
fines et élégantes,
cet
:
la
lumière
emplacement, on
port du Pirée, la baie du Phalère,
l'île
de Salamine. Tout, clarté
ici,
semble
du jour,
offrir
la gloire
font retentir. Mais
des ailes
:
l'air,
la
du passé que ces noms
la Victoire à
qui les Athéniens
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
292
offrirent
vain
lui
—
un temple
est la Victoire
chercherait-on des
C'est, expliqua jadis
aptère
:
en
ailes.
un Grec
subtil,
afin
qu'elle ne déserte plus Athènes.
La de
de Vaux n'a pas eu
victoire
la victoire
le prestige ailé
de Douaumont. Elle fut plus lente,
plus difficile, plus coûteuse. Cependant elle est
peut-être plus
significative
encore.
Un ennemi
qui abandonne une place avoue un moral plus affaibli
toire
va
qu'un ennemi qui
de Vaux, c'est
plus.
sauvée.
Elle
se
défend mal. La vic-
la victoire
aura son
aptère qui ne s'en
temple
dans Verdun
LIVRE V
LES SANCTUAIRES
VAUX 3 novembre 1916.
—
Le
Vaux
fort de
a été repris cette nuit,
mon
colonel.
—
C'est déjà
connue à
trois
une
vieille nouvelle.
Nous l'avons
heures du matin. Une chaîne de
coureurs a relié immédiatement
mier poste de commandement du 118 téléphonée à
—
au pre-
le fort e
qui Ta
demander une
faveur.
la Division.
Alors, je viens vous
— Laquelle? — Y monter. — Attendez point de La boue barrages nombreux. — D'autres y y — Évidemment. Eh commandant de :
il
n'y a
piste.
est effroyable et les
sont et d'autres
vont.
bien, le
Douglas doit y aller. Le général vous autorisera sans doute à l'accompagner. Vous serez averti.
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
296
Ainsi ai-je obtenu la promesse du colonel Fiévet,
chef d'état-major du groupement Mangin.
5 novembre.
Le rendez-vous
est à la
bord du bois des Hospices
:
ferme Bellevue, au de
là
nous passerons
entre Tavannes et Souville pour obliquer à droite
dans
la direction
du Ghênois. Voici
le
dant de Douglas, chef d'état-major de
commanla division
Andlauer après avoir commandé un bataillon de chasseurs à pied.
Du
chasseur
il
a gardé le pas
rapide et l'allure allègre. Mais notre marche est bientôt ralentie. rition, s'est
Bien
La lune, après une timide appa-
couchée, et
qu'il soit plus
rien ne présage que
jamais
boyau
finir. si
la nuit est toute noire.
de quatre heures du matin, cette
épaisse nuit puisse
Nous nous étions engagés dans un
rempli d'eau que nous devons l'aban-
donner. Aucune piste n'est encore tracée
et
nous
suivons la vague levée de terre qui accompagne ce boyau, en évitant les trous d'obus. évite malaisément, et de
mation ou
le
On
temps à autre une excla-
bruit d'une chute dans une
mare
indique suffisamment que l'un ou l'autre de petite caravane barbote
les
la
au fond d'un entonnoir.
VAUX Il
faut
trous la
si
297
décidément prendre garde.
y a des profonds qu'on risque de s'y enlizer dans Il
boue. Et l'on s'accroche à des restes de
de
souches d'arbres arrachés, et Ton fran-
fer, à des
Ma
même
ou
chit des branches travers.
fils
des troncs jetés en
de nous se décide à faire
foi! l'un
usage de sa petite lampe électrique. Mieux vaut encore attirer
Un
les
obus que
souvenir littéraire
me
se casser
une jambe.
revient. Sainte-Beuve,
qui devait se battre en duel un jour de mauvais
temps, déclara qu'il ouvrirait son parapluie sur le terrain;
un coup de
voulait bien recevoir
il
mais non pas attraper un rhume de
pistolet,
cerveau. D'ailleurs, en perdant Douaumont,
ont perdu leur meilleur
observatoire.
ils
Cepen-
dant, ces lueurs intermittentes empêchent les
yeux de s'accoutumer à l'obscurité. Quand ténèbres retombent,
il
semble que
le sol se
les
dé-
robe. Les fusées qui déchirent la nuit achèvent
de jeter
le
trouble et l'hésitation sur la
elle-même,
si
elles
permettent de
marche
rectifier
la
direction.
Le guide meilleure.
queue de
a
trouvé
Gomme
piste
en montagne, de
un peu
la tête à la
colonne, chacun passe au sui-
la petite
vant les consignes
une vague
:
entonnoir à gauche,
fil
de fer
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
298
à droite. J'ai mis
mou,
Un
pied sur quelque chose de
le
et instinctivement j'ai fait
de lumière
jet
jaillit
sur
un pas en
arrière.
un uniforme
vert,
maculé de sang.
—
Un
me
Boche,
dit
mon
voisin.
Nous avons
passé le Chênois et laissé le Petit Dépôt à notre
gauche. Nous arrivons au fond de passé
là.
Il
la
Horgne.
J'ai
n'y a guère que des cadavres alle-
mands. J'aime mieux ça.
quand
j'étais
venu,
Au commencement de mars, n'y avait que des cadavres
il
français, coureurs, relèves
ennemie
Vaux
:
ou corvées de
Au commencement de mars,
lement.
écrasait sans répit toute
les
210 arrivaient en
nôtre, aujourd'hui,
dont
la
la
région de
rafales.
C'est
la
voix domine. Les
éclairs
de nos
batteries nous
départ
comme
des regards amicaux.
teries
ravitail-
l'artillerie
réjouissaient au
allemandes répondent assez mal.
Les bat-
A
que nous nous rapprochons, néanmoins,
mesure les écla-
tements deviennent plus nombreux autour de nous. Je n'avais pas suivi ce chemin. J'avais pris par la
Vaux-Régnier
et la route
nous descendons dans
remonter ensuite
le
du
fond de
fort, tandis la
les pentes. Il fait
que
Horgne, pour
moins sombre
:
VAUX voici la pointe
du jour, une aube lugubre,
fureuse, couleur d'ocre. l'endroit
299
sul-
Nous distinguons mieux
où nous marchons. Les ténèbres étaient
préférables du moins recouvraient-elles d'un manteau pudique les blessures de la terre et les :
restes
humains. De ce
sol qui, jadis,
porta des
arbres, de la verdure, et des fleurs au printemps, la
guerre a
pouce n'est
fait
un désert chaotique dont pas un
intact, et qui est tout entier
comme
une vaste plaie purulente. Les entonnoirs
se
rejoignent, se recoupent, entrent les uns dans les autres.
Dans
les rares intervalles, la terre rejetée
forme des excroissances, des boursouflures. Au fond des trous stagne une eau verdâtre. Des
équipements, des sacs, des armes, des débris de toute nature y nagent. Çà et
là,
dans cette eau
croupie ou bien appuyé à l'une des bosses de terre,
gît
un cadavre ou quelque morceau de
cadavre. Celui-ci qui est recouvert d'une toile de tente, c'est, par exception,
Allemands, dans leur
un des
retraite, ont
nôtres. Les
laissé
de nom-
breuses plumes.
Maintenant, nous gravissons qui,
du fond de
la
la
dernière pente
Horgne, nous mènera au
fort.
Nous croisons une corvée de ravitaillement qui redescend, des brancardiers emportant un blessé,
LES CAPTIFS DELIVRES
300
au prix de quelles
difficultés! sur
peine tracée. Et
fort
nant
le
plateau
le
une
piste à
nous apparaît, couron-
allongé,
en forme de meule
écrasée et sombre. Les ouvertures des casemates
y dessinent des taches plus claires
tre.
et régulières,
mons-
aux yeux multipliés d'un
pareilles de loin
Je resterais volontiers en contemplation de-
vant cette vision
:
le
Sphinx de
la
l'appelaient les chasseurs, est
Woëvre, comme
là.
Il
est
devant
nous, celui qui a dévoré tant de victimes et dont le
nom
a pris place à
France. Mais qui entoure
et
fossé
le
était
de
copieusement arrosée. La
choc des obus. Nous nous hâtons
rapproche.
la
Il
:
n'y a plus de contrescarpe
comblé aux
est
entrons dans
l'histoire
ne faut pas s'attarder. La zone
il
le fort est
terre jaillit au le fort se
jamais dans
trois
quarts.
Nous
gorge qui a été rouverte, car
elle
bouchée. Nous descendons un escalier, nous
en remontons un autre. Nous sommes dedans. Les
couloirs,
encombrés par sommiers de
déjà déblayés en partie,
les lits
fer.
sont
allemands à deux étages
Dans une
petite salle voûtée
et
que
des bougies fixées dans des goulots de bouteilles éclairent, le
commandant du
quartier général.
de choix,
le
Nommé
de
fort a installé son la veille à ce poste
capitaine Peyron. adjudant-major au
VAUX
301
e
298 régiment, nous reçoit en tenue d'intérieur, bonnet de police,
et
comme pour
déséquipé,
affirmer sa prise de possession et la sécurité de ses fonctions.
Il
tenait conseil sur les travaux à
accomplir avec majeur,
la tète
le
capitaine Àrrighi,
enveloppée, car
il
peine
à
a reçu
un
éclat
d'obus, et le lieutenant Diot, premier occupant.
Le lieutenant Diot, qui
Roanne dans grand,
la vie civile,
entrepreneur à
est
porte trente ans
:
il
est
en force, bien découplé, une tête
taillé
impérieuse de général de
Révolution accou-
la
tumé
à toutes les initiatives, le teint olivâtre, la
lèvre
ombrée d'une mince moustache courte,
yeux noirs pleins de feu dont sentir à distance, peser sur
le
les
regard doit se
les objets
où
il
se
pose. L'ensemble est solide, dominateur et fruste.
Et rien qu'à
de cet il
le voir,
homme,
on comprend
choix qui,
le
a fait le maître de Vaux.
n'a chassé que des fantômes.
Il
en chasser l'ennemi. Sa bravoure
était
et
Du
de
fort,
taille à
son audace
sont légendaires dans son régiment. C'était une
attaque en règle qu'il devait bre, quand, dans la soirée
conduire
la
expédition,
mener
du
2,
il
le 3
novem-
fut appelé à
reconnaissance du terrain. Sur son il
est
lui-même
reconstituer dans ses détails,
très sobre. il
Pour
la
faut revenir sou-
LES CAPTIFS DELIVRES
302
vent sur
En
trait.
de
le sujet, afin
tirer
chaque
ajoutant l'un à l'autre, patiemment,
les
on arrive à recomposer l'aventure de mosaïque. Et
vail
quelque
fois
:
c'est
un
faut interroger ses
il
tra-
com-
pagnons. ... Il
est
une heure du matin,
novembre.
le 3
Le lieutenant Diot attend avec
ses
hommes en
avant des Carrières, à 100 ou 200 mètres à peine
du
retour des patrouilles qui sont par-
fort, le
ties vers
fossé.
minuit pour inspecter
Une
à
une
les
abords et
les trois patrouilles
reviennent.
Leurs renseignements sont concordants
âme
qui vive sur tout
mouvement, pas un pas une fusée; un
le
pas
:
terrain fouillé, pas
bruit, pas
le
un coup de
un
fusil,
silence presque impression-
nant. Les barrages ennemis se font en arrière, à
hauteur des Carrières est nette, la
il
du
et
Petit Dépôt.
La place
n'y a plus qu'à entrer. Pendant que
compagnie du 118
commandée par
e ,
le
capi-
taine Fouache, va contourner le fort et s'établir
au-devant,
le
lieutenant Diot
gnie jusqu'au fossé
:
amène
le
détachement de lui a été adjoint.
la
compa-
un peloton occupera
dessus, l'autre le suivra à l'intérieur.
s'avance avec
sa
le
Lui-même
sous-lieutenant Lavève
et
le
compagnie 13/63 du génie qui
La nuit
est noire
comme
l'encre,
VAUX la
303
moindre lumière révélerait
les
A
le projet.
tâtons,
explorateurs cherchent une ouverture pour
s'y glisser.
Les casemates,
la
gorge, toutes les
issues sont murées. Enfin, au coffre sud-ouest,
une
trou est découvert qui devait servir à leuse.
un
mitrail-
Le lieutenant Diot essaye de s'y introduire
:
la fente est trop étroite. Quel est le soldat le plus
maigre? Poulain
se présente qui a
tournure de
jockey. C'est lui qui, le premier, descendra bra-
vement dans
Diot se déséquipe, ôte sa
l'antre.
capote et plonge
on
à hue, à dia,
:
le
pousse par
derrière tandis que Poulain le tire à l'intérieur. Soufflant, ahanant, peinant,
par surcroît,
de Lavève.
il
A eux
soldat a allumé
ont poussé
le
il
passer et,
à
trois ils fouillent le sous-sol.
une lanterne,
les
deux
Le
officiers
ressort de leurs lampes électriques.
Leurs pas retentissent sous chent à en étouffer ignorent
parvient
a élargi la lucarne. C'est le tour
voûtes
les
la sonorité.
:
ils
cher-
Tout de même,
comment finira la visite.
Ils
sont à
la
ils
merci
d'une mine ou d'un guet-apens. Une odeur insupportable les prend à
la
gorge
:
mélange de fumée,
de gaz, de pourriture. Le spectacle qu'ils ont sous les
yeux
est sinistre
restes de
:
des détritus brûlent encore,
grenades ou de cartouches explosées,
débris sans
nom, fumier de guerre. Deux ou
trois
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
304
cadavres sont étendus dans un couloir.
Un
brasier
qui meurt jette sur eux des lueurs brèves. Cette fu-
mée, pourtant, a dû trouver une s'est
par
issue. L'incendie
propagé au dehors, des flammes ont été vues
Tout à coup un bruit de voix,
les aviateurs.
de pierres qui tombent. Les
trois
hommes
restent
revolver au poing. Mais ces voix parlent
en arrêt,
le
français.
Le lieutenant Labarbe, inspectant la su-
perstructure, a pu pénétrer à l'intérieur avec sa
La jonction
section par une voûte crevée.
gaiement. Cette chez eux. souillée
il
Ils
fois, les
réoccupent une maison française,
est vrai,
mais
commandant Raynal Ils
se fait
explorateurs se sentent
utilisable.
L'exemple du
n'a pas tenté les Allemands.
ont vidé les lieux avec promptitude.
.
Le capitaine Peyron ne manque pas de nous offrir le tour
du propriétaire. Les ouvrages extémal en point
rieurs sont assez
:
contrescarpe sont dévastés, sauf ouest aisément sauté.
réparable.
Une
Le couloir qui conduit à
Bourges de gauche est détérioré, vatoires sont en
mauvais état
quasi détruite par
un obus
On
le coffre
de
sud-
des galeries a la
casemate de
les
deux obser-
et la coupole de 75
lourd. Mais la visite
intérieure est consolante. Déjà les
propres et rangées.
les coffres
achève
chambres sont
la toilette
des cor-
VAUX
305
ridors. Et pourtant, quelle
besogne ingrate! La
boche a dégoûté
saleté
ne
prit
pour
le
298 e Jamais locataire .
congé dans des conditions aussi fâcheuses
sa réputation.
Une
galerie d'une quarantaine de mètres de
profondeur, boisée et aménagée dans
du nord,
et
dont
la
la direction
devait aboutir aux
sortie
abris qui étaient édifiés sur les pentes face à la
Woëvre,
—
a été trouvée et déblayée.
Nous nous sommes trop
général Mangin en l'apprenant
:
pressés, dira le
un peu plus
tard,
nous l'eussent livrée achevée.
ils
Nous
voici
dant d'armes,
Un
lit
à
comman-
de retour au bureau du la
Kommandantur
deux étages en occupe
le
des Allemands. fond.
Du second
étage émerge la tête hirsute de l'aumônier divisionnaire, l'abbé Rochias.
messe dans tissé.
le
a célébré
Il
hier la
grand couloir sommairement ra-
La première messe de Vaux
inoubliable pour les assistants
!
:
quel souvenir
Gomme
les
mau-
miasmes ont été chassés par la ventilation, démons d'Odin et de Wotan que les Allemands avaient amenés jusque-là ont été exorcisés. Mais comment l'abbé Rochias est monté
vais les
volontairement au fort dans
la nuit
du 3 au
ce n'est pas lui qui le dira. n.
20
4,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
306
A les
neuf heures du
novembre,
soir, le 3
comme
médecins-majors achevaient une journée assez
rude au poste d'évacuation non loin de Verdun, le
médecin-chef de
reçoit
la division, le
un message téléphoné
docteur Antoine,
lui
donnant l'ordre
d'envoyer immédiatement au fort de Vaux un
médecin
et
quatre infirmiers pour assurer
le ser-
garnison et organiser un poste de Le docteur Antoine voudrait bien se
vice de la
secours.
désigner lui-même et
il
a l'amour
son activité n'est jamais lasse
:
du danger
:
on
l'a
vu
recueillir
en
personne des blessés, ensevelir des morts en pre-
mière ligne. Mais l'importance de
ambulance,
l'attache à son
et
il
decin auxiliaire Agostini dont
il
vouement.
— Ce
Il
ne
lui
ses fonctions
désigne
était plutôt
dé-
cache pas son dépit.
La première impression
désagréable. Nous étions fatigués,
nous allions nous reposer. Et quant au
Vaux,
le
dépit nous a fait du bien, m'avoue en sou-
riant le docteur Agostini.
il
mé-
le
connaît
nous avait laissé de tristes
quand nous
fort
étions dans son voisinage au
mencement de
juin.
de
souvenirs
Le retrouver ne nous
comdisait
rien qui vaille. Puisque nous faisions envie au
médecin-chef, et
c'était
une mission de confiance,
nous sommes partis avec sérénité. Ce qui
VAUX
307
acheva de nous ragaillardir, ce
fut l'insistance
de l'aumônier pour nous accompagner. vous tranquille,
lui
Eh! vous vouliez quoi, nous
disait le
partir,
»
Tenez-
lui répliqua-t-il.
—
Sur
remmenâmes.
Les voilà en route pour Rochias,
«
médecin-chef.
le
Dépôt, l'abbé
le Petit
docteur Agostini,
les
quatre
infir-
Au Petit Dépôt, devenu un poste de commandement, changement de guide. Dame! celui-ci n'est pas miers, plus un guide qu'on leur a donné.
très sûr
mais
du chemin qui
la distance
n'est guère fréquenté,
à franchir
n'est pas
grande,
cinq ou six cents mètres. Partie à minuit du Petit
Dépôt,
la
heures
et
retard,
il
caravane n'arrivera au fort qu'à
demie du matin. Pour comprendre ce faut avoir vu le terrain. Par surcroît,
elle se perdit. Il
complète,
pleut à torrents, l'obscurité est
les trous sont
profonds, les obus tom-
bent, le guide ne sait plus très bien où s'en douter,
son
trois
il
monde aux
a contourné le fort et
il il
est.
Sans
conduit
nouvelles tranchées esquissées en
première ligne, à deux cents mètres en avant, sur les glacis face à la Woëvre.
de
On
visites, et l'on est fort surpris
Le chef de section qui s'informe à voix basse
—
n'y attend pas
de cette arrivée.
reçoit la petite troupe
car l'ennemi n'est pas
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
308
loin «
Il
— de
Nous
ce qu'elle vient faire en ces lieux. l'avez dépassé.
Un peu plus, vous On va vous montrer
faut retourner en arrière.
tombiez chez le
— Vous
allons au fort.
Boches.
les
chemin. Combien êtes-vous?
quatre infirmiers,
le
— Un médecin,
guide et l'aumônier.
— Ah!
vous avez un aumônier. Passez-moi votre aumônier...
entend passe dat.
confession de
la
à
De
ligne.
Dans un trou d'obus, l'abbé Rochias
»
un
l'officier.
sergent, qui
trou en trou,
Cependant,
le
passe
le
me
dit l'un d'eux,
cet
homme
à
un
le
sol-
prêtre fait la première
les infirmiers
attente se prolonge.
Celui-ci
attendent et leur
Malgré notre impatience,
«
nous ne pouvions qu'admirer
qui, sans ordres, par simple devoir
sacerdotal, était parti avec nous et trouvait le
moyen, sous un feu sévère, sans compter une pluie diluvienne, de
trempés
et
donner à de pauvres poilus
en danger permanent, quelques pa-
roles de paix et de consolation qui ne devaient
pas leur faire de mal. le vrai
ment
chemin du battu.
C'est la fin?
Un Il
fort.
Enfin, la caravane prend
Mauvais chemin,
n'éclate pas.
est
terrible-
obus tombe presque sur eux.
nant, déclare un
homme-là
»
un
Ça n'est pas éton-
«
des pèlerins sorcier.
»
à l'arrivée. Cet
Et
il
montre
le
.
VAUX
309
pauvre abbé Rochias tout aminci, recroquevillé, transi et réduit, qui voudrait bien se sécher.
Le temps passe,
mée les
:
il
la
Là, jadis,
:
c'était
y a
il
—
de mars
mois
une radieuse aurore
l'alouette
est déjà bien enta-
de Woëvre, faire avec
au
c'était
'lever
matinée
faut partir, mais, auparavant, regarder
plaines
tour d'horizon.
—
la
.
un
si
et
yeux un
les si
longtemps
vu
j'avais
se
entendu chanter
étrange contraste avec
tragédie que nous vivions alors, cette douceur
printanière,
ce
inondée sous un
chant
La Woëvre, un immense maré-
d'oiseau.
ciel gris, fait
cage que viennent heurter
la falaise
de Vaux,
pointe de Damloup, celle de Dicourt.
On
dirait
qu'au bord de cette plaine une main géante
appuyée, écartant
les
creusent les ravins.
A
la
s'est
doigts entre lesquels se
notre gauche, voici la crête
noire d'Hardaumont; c'est,
de ce côté,
nier observatoire de l'ennemi.
Plus
à
le
der-
gauche
Douaumont apparaît, dominant tout le Douaumont qui est à nous. La sortie n'est pas commode. Il faut attendre
encore, décor,
la
chute d'un obus, prendre son élan
et filer à
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
310
toute allure.
Eh!
«
comme
là,
ces jeunes gens
trottent! ralentissons, je vous prie.
La troupe
»
nous en profitons pour nous retour-
ralentit, et
ner et emporter dans
le
regard
le fort
aux yeux de
monstre, Douaumont le géant, et, plus près, la Woëvre dont un fugitif rayon de soleil fait tout à
coup miroiter
les
eaux. Puis nous reprenons notre
marche sur ce sol convulsé, sans végétation, dont le jour ne permet plus d'ignorer aucune horreur.
Un
paysage d'astre éteint, de
voilà ce
que
les
monde inanimé
Allemands sont venus
faire
cette terre de France. Et cette terre qui ses plaies crie contre eux. Mais le
commencé
;
:
dé
montre
châtiment a
partout gisent des équipements de
chez eux, des sacs verts, des uniformes verts, tas le
temps
même chemin
qu'au
de cadavres qu'on n'a pas encore eu d'ensevelir.
Nous avons
repris
le
départ.
Nous sommes maintenant au pied de
Souville,
mordoré dans
la
lumière pâle. Les écla-
tements autour de nous sont devenus plus rares.
Cependant, sur
la
piste
même
que nous avons
suivie, trois corps sont étendus, tués par le
projectile.
Ils
même
sont encore tout chauds. Leurs
blessures sont effroyables et leurs chairs mêlées.
A
peine à quelques pas plus loin, deux soldats
VAUX creusent un boyau.
Ils
311
ont continué leur besogne
presque sans interruption.
Ils
pour leurs camarades
rien
vont venir. Alors,
il
et les brancardiers
faut bien
Nous avons passé
fasse.
ne peuvent plus
que
le travail se
tout à l'heure
là
quoi ceux-ci plutôt que nous? C'est aurait dit le
du
fort,
il
commandant
le
:
pour-
destin,
Aux abords
Nicolay.
n'y avait pas de victimes
ici
:
comme
à la montagne, aux endroits périlleux les acci-
dents sont exceptionnels plus menacé, la
mort
quand on ne
et,
se croit
vient.
Ceux-ci ont été frappés l'outil à la main.
ont l'air de s'être serrés
les
pour unir leur faiblesse.
Il
dans
uns contre
y a deux ou
secteur des Éparges, le
le
Ils
les autres
trois jours,
commandant de
Lépinière, du 108 e régiment territorial qui est
un régiment de Savoie, pour me montrer
la soli-
darité qui lie ses vieux soldats, la plupart venus
des champs, eux.
étaient
Ils
même
deux du
l'air
la
mort de
même
l'un d'entre
patelin,
de
la
quarantaine, qui tra-
peu de distance l'un de
même
pilles qui
en
racontait la
année au delà de
vaillaient à
ser le
me
l'autre à creu-
boyau. Une de ces mauvaises tor-
mènent un grand vacarme
et
tournent
avant de choir, éclate dans leur voisi-
nage. L'un est blessé et l'autre
indemne. Le
LES CAPTIFS DELIVRES
312
blessé appelle à l'aide. L'autre accourt, prêt à
l'emporter.
Il
en a emporté tant d'autres à l'am-
bulance. C'est un
mesure pas
homme
noueux qui ne
fort et
Mais cette
ses services.
fois,
voit
il
bien que ce n'est plus la peine. Déjà la mort a
mis son ombre sur ce visage terreux. ché
«Mon pauvre
:
moribond rouvre les sais plus.
cherche,
Mais
pas plus long que insiste
yeux
et
toi.
il
—
»
répond Dis-les
Alors
muscles. Ainsi qu'on hisse il
murmure
toi, dis-les.
mourant.
le
s'est
vieux, dis tes prières.
les
fouille et
il
Il
«
:
pen»
Le
Je ne
L'autre hésite. :
«
Il
Je n'en sais
quand même,
»
l'homme tend ses un seau d'un puits,
tâche à retirer du passé des syllabes oubliées.
Mais qui
seau remonte presque vide
le
êtes
meure
aux
coi,
mourant
cieux,
finit-il
»
:
«
Notre père
par dire. Puis
il
de-
n'ayant pu trouver la suite. Et déjà
a répété d'une voix qui faiblit
père qui êtes
aux deux..,
»
Il
reste la
:
«
le
Notre
bouche ou-
verte, attendant ce qui doit venir et qui ne vient
pas. tira.
la
Ah! mais, patience, on travaille, on abouDe nouveau l'homme lance le seau et tire
corde, les veines de son front se gonflent et
cette fois
il
ramène
vous salue, Marie,
»
:
«
Je vous salue, Marie.
—
Je
a redit le blessé docilement.
Et son regard interroge encore. Mais qu'y
a-t-il
.
VAUX
313
donc après ces paroles? Quand l'homme petit, sa
mère
le savait et le lui avait
mais tant d'eau a coulé sous cette époque.
Il
un
est
ponts depuis
territorial des dernières
Ce n'est pas sa faute
classes.
les
était
appris. Oui,
chemin depuis son enfance.
s'il
a fait tant de
A-t-il fait tant
de
chemin? Sur là
la route, il y a les auberges et c'est qu'on oublie. Mais quoi? le camarade en rede-
mande
et
le laisser
tourne vers
arracher, avec il
lui
un œil suppliant.
Va-t-il
dans l'embarras? Alors, d'un effort à la
corde, toute
parvient à amarrer ce
la
margelle du puits,
troisième
commence-
ment: Je crois en Dieu. Le mourant l'a déjà happé. Il
n'y en a pas long. Et puisqu'il en réclame
encore
et
puisqu'on ne peut décidément
donner davantage, ses trois prises
litanie
:
et les fait alterner
Notre Père qui
lui
en
que l'homme enchaîne
voici
êtes
aux
comme une
cieux. Je vous salue,
Marie. Je crois en Dieu, jusqu'à ce que les lèvres
de son camarade n'aient plus soif de remuer.
et s'arrêtent
.
Nous sommes de retour. Le général Andlauer, quia repris Vaux etDamloup, veille,
un des premiers.
est
Gomme
monté au
fort la
général
Man-
le
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
314
comme
gin,
les
généraux de Salins
a passé aux colonies sa jeunesse
et Passaga,
il
s'y est dressé
il
:
à l'organisation des territoires et des expéditions.
en a gardé un goût de l'aventure physique. De
Il
Vaux de
il
a rapporté
une vision de vase où l'on
mais aussi d'orgueil. C'est
lize,
la
s'en-
dernier captif
grande bataille de Verdun enfin délivré.
Le plus étrange spectacle cours de
mort
la
Enfoncé dans
la
pose de
cette
Il
marche. En passant de
avait été
les
genoux, le
casque
ce soldat tué semblait
pour avancer encore.
la
au
renverser.
boue coagulée,
la tête saignante,
se raidir
pu
pas
n'avait
boue plus haut que
maintenu droit par tombé,
qu'il ait rencontré
guerre, c'est peut-être celui d'un
la
mort que
il
le
changé en statue.
avait gardé la
la vie à la
mort
.
Toutes ces visions d'horreur et de splendeur
mêlées forment autour de Vaux un halo légendaire.
Gomme une
sentinelle docile,
poste au bord de la ter la
Woëvre.
garde en avant de
pourtant,
il
semble
où
les
a repris son
continue de
la Ville
sauvée.
les
mon-
Il vit.
qu'il fait déjà partie
patrimoine du passé où ser,
Il
il
Et
de ce
poètes viendront pui-
conteurs chercheront des récits pour
exalter l'imagination des enfants et leur donner
à jamais l'amour et l'admiration de la France...
II
DOUAUMONT 3 décembre 1916.
Un
mois a passé depuis
la victoire
de Douau-
mont-Vaux et déjà il n'en est plus question ici où Ton est tout entier aux derniers préparatifs de la nouvelle
opération.
Cette
nouvelle
opération
achèvera l'œuvre des 24 octobre et 3 novembre qui a
Vaux par
et
les
de
de Verdun.
fortifiée
Douaumont demeurent menacés, feux d'Hardaumont qui
l'autre par les et
barrière
rétabli la
la cote
observatoires
378 qui ne
des
le
l'un
dominent,
Ghambrettes
lui est inférieure
que
d'une dizaine de mètres. Le projet est de pousser
jusqu'aux bois des Fosses et des Gaurières qui furent le théâtre des premiers combats les 21, 22 et
23
s'agit
février.
De Vacherauville
d'emporter
la cote
378,
les
la côte
à
Hardaumont,
il
du Poivre, Louvemont,
Chambrettes
et
de pousser jus-
LES CAPTIFS DELIVRES
316
qu'à Bezonvaux. Certes, la ceinture des forts est
renouée, mais, quand on veut être chez
soi,
il
faut pas laisser l'ennemi trop près de la porte
monte
Je
Douaumont avec
à
ne
(1)
capitaine
le
Cavaignac. Le départ à trois heures du matin est glacial.
Le temps
s'est
Les étoiles brillent
mis au beau, mais
comme
elles font
mains de mauvais temps, après que lavé.
Au
poste de
il
gèle.
aux lende-
le ciel a été
commandement de
la division,
nous trouvons un guide qui dort à poings fermés sur
un
dont de
fauteuil devant
un magnifique feu de bois
matériaux ressemblent
les
Nous
planchers.
place. Mais
il
fort à des débris
prendrions
volontiers
sa
faut se hâter.
La montée de
la côte
commence
de Belleville
de nous réchauffer. La nuit, l'incomparable nuit d'étoiles
nous
tient
Vaux, une planète d'éclat
—
compagnie.
Du
que nous sommes tentés de
pour une fusée
la
et d'attendre sa chute.
nous a accoutumés à
côté
la pluie
des astres
de
— a tant
Jupiter peut-être
prendre
La guerre artificiels.
Mais, plus encore, elle a rattaché l'homme aux constellations.
Il
a
si
souvent vécu
la
nuit qu'il a
s'est faite le 15 décembre 1916 Louvemont-Hardaumont qui a complété la de Douaumont-Yaux. (i) Cette
victoire de
opération
:
c'est la
victoire
DOUAUMONT pris
goûta
la
connaissance des étoiles.
—
ignore leurs noms, rieux,
—
lutions. et
vivait
sait
Il
quand
les suit
il
317
elles
Même
s'il
beaux noms mysté-
leurs
elles-mêmes dans leurs évo-
quand
elles naissent
meurent.
Un
au firmament
poète américain qui
en France, Alan Seeger, et qui,
la
guerre
déclarée, voulut servir son pays adoptif et s'enga-
gea dans
la
Légion étrangère, a magnifiquement
exprimé ce sentiment nouveau, né d'une familiarité plus étroite
avec
la
nature.
Il l'a
exprimé,
non pas dans un poème, mais dans une lettre qu'il adressait à sa mère avant d'être tué à l'assaut de Belloy-en-Santerre (4 juillet 1916) soldat en sentinelle,
écrivait-il,
:
«
Le
considérant la
crête qui appartient à l'ennemi et au-dessus de
laquelle la
Grande Ourse remonte vers
éprouve un enthousiasme sublime lui jusqu'alors,
une
le
zénith,
inconnu de
camaraderie avec
sorte de
les
n'y avait auparavant que les astro-
étoiles,
m
nomes
et les pâtres
11
et
pour ressentir cette sorte de
camaraderie...
Nous redescendons vers pour remonter
la
le
ravin des Vignes
pente de Froideterre. Mais, que
de changements depuis que
j'étais
venu! Voici
une voie ferrée où des hommes poussent des wagonnets,
et voici
une route, une vraie route
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
318
marquée sur la carte. mon compagnon, on construit
qui n'était certes
— Oui, me
dit
pas
25 kilomètres de route C'est
pour
Ce que
10 de voie étroite.
et
prochaine offensive.
la
préparation d'une offensive, dans la
la
guerre moderne, réclame et représente de tra-
vaux, on
saura un jour, avec stupéfaction. Le
le
peuple romain est grand dans l'histoire parce
peuple bâtisseur. Tout chef d'armée
qu'il a été le est
un constructeur aujourd'hui.
Ces voies ferrées, ces routes nouvelles ont été
gagnées sur l'effroyable terrain qu'est leux de Verdun. et
promener
le
Il
a fallu apporter
le sol argi-
pierre
ici la
rouleau. Mais cela ne
fait
que de
minces rubans tout bordés de précipices. De
chaque
côté,
d'énormes entonnoirs nous guet-
tent, souvent remplis d'une se
prendre
reflétant.
la
les
lueur des astres.
laissons à notre droite l'abri des Quatre
Cheminées sur
les
pentes du ravin des Vignes. Le
petit jour qui point le
en
Et d'inquiétants débris se distinguent
vaguement à
Nous
eau qui commence à
et qui brouille les constellations
poste de
nous permet de reconnaître
commandement
119, puis l'ouvrage
de Thiaumont pareil à une grosse motte de terre. Fleury est là-bas, longue tache blanche étendue
DOUAUMONT
comme un la
suaire.
douleur et de
Tous ces noms représentent de
la gloire
mettre ses doigts dans
comme Thomas et c'est les
les
voir leur réalité, c'est
:
mit dans
la voie ferrée
de Verdun,
plaies
les
les plaies
mettre ainsi après
Cependant
319
la
du
Christ,
résurrection.
que nous avions
le parti de suivre n'est pas achevée.
pris
nous faut
Il
maintenant marcher sur une piste verglassée glissante.
Il
mètres à parcourir sur un terrain durci par gelée quand, d'habitude,
fond où
il
ici
la
une boue sans
comme
sur
un maré-
perdu des
hommes
Des coureurs n'ont pas reparu. Qu'on
imagine ces voyages dans
où
c'est
faut se hasarder
cage. Des relèves ont enlizés.
et
ne nous reste que huit ou neuf cents
la
nuit et sous les obus,
l'on a la sensation d'enfoncer
dans une terre
gluante sans pouvoir trouver un point d'appui
pour
s'y raccrocher,
et
qu'on imagine ce que
représente d'efforts une marche en avant dans de telles
conditions
!
Cette masse noire qui se rapproche, c'est le fort.
Au
encore laisse se
jour naissant qui ne des
contours
perdre dans
comme une moraine
nettement la
impose pas
lui
définis
pénombre,
chaotique,
travaillée par les avalanches. Mais,
il
et
le
apparaît
déchiquetée,
de plus près,
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
320 il
humain
porte la trace du travail
et serait plutôt
comparable à quelque énorme tank dressé pour écraser de son poids allure et
le visiteur. Il
brusquement
il
avance à grande
Nous sommes
disparaît.
entrés dans la gorge et nous avons été happés par
trou d'ouverture. Nous
le
couloir central, mais
par
descendons dans
le fort a été
le
coupé en deux
obus de 400 qui a creusé un entonnoir de
vin
25 mètres de diamètre. Les galeries que nous suivons portent les
des vainqueurs
:
général Nivelle, général Mangin.
Pétain,
une
noms
tourelle Nicolay. L'ancienne
général Il
y a
kommandantur,
belle pièce éclairée par plusieurs
lampes élec-
commandant d'armes, commandant de Montalègre, du
triques, sert de logis au
actuellement
le
49 e bataillon de chasseurs à pied. Sur travail, dort
—
C'est
un gros
et gras
sa table
matou au
un allemand, nous
dit-il.
de
poil gris.
Mais nous
l'avons naturalisé.
En
effet,
il
porte autour du cou un
ruban
tricolore.
Comme
à Vaux, c'est le tour
du propriétaire.
L'héritage ennemi a été plus important à Douau-
mont
:
appareils électriques, appareils de télé-
graphie sans
fil,
appareils téléphoniques, le tout
plus ou moins utilisable. Les magasins de vivres
DOUAUMONT
321
feraient penser à quelque grande
mentation,
s'il
ne
flottait
maison
d'ali-
encore dans l'immeuble
une vague odeur cadavérique. L'étage inférieur entonnoir qui
rompu, a l'une ou
l'a
ses galeries crevées.
çoit des
fameux
L'étage supérieur, outre le
est intact.
Par
morceaux du
l'autre
de
ouvertures, on aper-
les
ciel levant,
tout vert et or,
au-dessus d'un premier plan bouleversé, reste du
demi comblé, levées de
fossé à
terre de la super-
Le con-
structure, démolitions et trous d'obus.
de ce
traste
duquel nous
fleuri
ciel le
du gouffre du fond
et
regardons
songer à quelque
fait
vision aperçue de X Enfer de Dante.
De
la
superstructure se découvre
le
paysage de
mort, moins étendu qu'on ne s'attendrait à
de Douaumont qui, de tout Souville le plus haut
en avant à
mont,
si
la cote
le
sommet, car
378
et
Meuse
:
les
ont perdu leurs yeux.
la
vue
se
au regard
Allemands, en
Il
voir
heurte
aux Chambrettes. Douau-
l'on se retourne, livre
rives de la
le
massif, est avec
le
les
deux
perdant,
ne nous offre pas à nous,
de leur côté, un aussi merveilleux observatoire. Je m'oriente, pour embrasser, avant de repartir,
champ de
le
futur
se
prépare et qui va dégager
mont
et il.
bataille, celui les
de l'opération qui
abords de Douau-
de Vaux, fixer définitivement notre ligne 21
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
322
A mes
au delà de Verdun. brunes de
pieds, ce sont les pentes
la colline, toutes
noirs et de tranchées entaillées par
une
piquetées d'enton-
comme un
visage marbré, et
de ravins. Sur
série
la
gauche,
voici les ravins de la Couleuvre et
du Helly qui
vont se perdre vers Hardaumont.
semblent sor-
tir
Ils
de cette tache blanche presque lumineuse qui
n'est autre
que
village
le
montent
dessus, ces pentes qui c'est la cote
de Douaumont. Au-
me
et
378 qui barre l'horizon
et
font face,
masque
le
bois des Fosses. Plus à droite, sur cette crête, le bois déchiqueté des Ghambrettes rassemble ses rares
plumeaux. Toute
tion,
semble frappée irrémédiablement
ne portera plus
elle
et là
cette terre, sans végéta:
jamais
ni des fleurs ni des fruits.
Çà
des colonnes de fumée qui montent des écla-
tements
et
que
les
détonations accompagnent font
penser à des volcans souterrains qui grondent.
Des souvenirs
me
reviennent des
premiers
jours de la bataille, quand de poignants messages annonçaient successivement la perte du bois des Fosses, celle
du bois des Gaurières, la victoire
nous a ramenés au
du jeudi 24
les
innombrables
soir
assauts
livrés
celle
du 24 octobre
des Ghambrettes. Déjà
février.
Tous
par l'ennemi
depuis cette date sont annihilés. Et déjà, nous
DOUAUMONT préparons
nous Il
est
323
nos
poursuivre
à
avantages.
temps d'abandonner ce belvédère,
le
chance
soleil est déjà
haut sur l'horizon. Mais
la
nous favorise
et notre sortie est aisée.
Un grand
tumulte nous
retourner
fait
:
derrière nous
un
barrage tardif fracasse des pierres et nous nous
mieux emporter
arrêtons pour
masse désordonnée le
grand
fort.
la vision
Les photographies d'avions
attribuent des contours définis et
que
ses
il
il
lui
faut croire
redoutes ont gardé leur
fossés et ses
dessin, puisque, de haut,
de plain-pied,
de cette
romantique que présente
et
ils
s'aperçoivent. Mais,
plus de
n'a
forme. C'est
la
moraine des grands mouvements géologiques. Le blanc gel qui
la
recouvre
et la
étinceler
fait
achève de nous reporter aux époques glaciaires.
Ce blanc gel donne à tout entoure une apparence à tout instant notre pler.
si
paysage qui nous
fantastique qu'il ralentit
marche pour le mieux contem-
Nous pouvons nous croire transportés sur
une chaîne des Alpes. Dans ravins, c'est la les
le
sommets,
mer de nuages.
et ces
sommets
fonds, dans les
les
Seuls,
émergent
qui, dans la réalité,
n'ont que trois ou quatre cents mètres à peine,
prennent des froide
du
airs altiers
en se caressant à
soleil d'hiver. Souville,
la clarté
aux flancs bai-
LES CAPTIFS DÉLIVRÉS
324
gnés de brume,
comme une
teau flotter
haute
laisse la ligne
sinueuse de son pla-
écharpe légère. Cette
falaise arrondie au-dessus*d'un
océan confus
qui recouvre la plaine de la Woëvre, porte
de Vaux. Autour de nous,
la
teau d'hermine sur les affreux débris
de bataille
:
un casque, une gamelle,
Ton regardait de
là et, si
bordent
les trous,
le fort
mandu champ
gelée a jeté un
brillent çà et
plus près les bosses qui
on distinguerait des cadavres.
Mais pourquoi regarder de plus près? Ce beau
met l'âme en
soleil d'hiver
Les pentes de
liesse.
Froideterre, maintenant hors des vues de l'en-
nemi, se sont animées. La voie ferrée charrie des
wagonnets de munitions
et
troupe bruyante accompagne. tier
en plein
travail.
la
nous cherchons des yeux
la
Mais
Meuse
Seules, les
nuages
Le
et
dirait
comme deux
silence revêt le plus
la
un chanouvrier
l'autre
côte de Belleville,
Meuse
Verdun sont dans
deux tours de
Un lendemain
On
L'un ou
chante à pleine voix. De
la
de vivres qu'une
et
Verdun.
le brouillard.
cathédrale sortent des
bras levés.
grand
nom du monde
sans borne enveloppe Verdun.
Là, les hommes français sont venus un à un, Pas à pas, jour par jour, seconde par seconde, Témoigner du plus fier et plus stoïque amour.
:
.
DOUAUMONT
325
sont endormis dans la funèbre épreuve. Verdun, leur immortelle et pantelante veuve, Gomme pour implorer leur céleste retour, Tient levés les deux bras de ses deux hautes tours
Ils se
(1).
Apparition prodigieuse de ces deux bras levés
au-dessus de
la
grande ruine victorieuse que
douces nuées sont venues panser,
comme
les les
déesses accourues vers Prométhée crucifié.
Le
fort
de Vaux m'avait
laissé
une impression
de douleur et de désolation. Mais ce retour de
Douaumont prend un rythme joyeux.
Ici,
le
24 octobre 1916, l'hymne de délivrance a com-
mencé de
retentir
quand
captif furent brisées.
Henri Heine, voyageant en qu'il lut pris
lon lui cria
le
les
chaînes du premier
.
moins Allemand des Allemands,
Italie,
raconte dans
les Reisebilder
d'un éblouissement quand
le postil-
:
— Nous sommes sur
le
champ de
bataille
de
Marengo. «... C'est
(1)
Mme
ici,
de Noailles.
écrit-il,
que
le
général Bona-
LES CAPTIFS DELIVRES
326
parte but
un coup
si
copieux à
gloire que, dans l'ivresse, sul,
Empereur, maître du monde
Et quand
ne put
et
se
»
la visite s'achève,
il
ajoute, le soir
«... J'aime les
:
la
devint Premier Con-
il
réveiller qu'à Sainte-Hélène.
de son pèlerinage
coupe de
la
champs de
bataille, car tout horrible qu'est la guerre, elle
témoigne pourtant de
la
grandeur
de l'homme qui peut défier puissant ennemi héréditaire.
la
intellectuelle
mort, son plus
»
Plus tard les pèlerins qui, pieusement, gravi-*
ront les pentes de ces deux sanctuaires français,
Douaumont
et
Vaux, viendront y célébrer l'im-
mortelle victoire de Verdun qui
de
la
marqua
puissance germanique. De Verdun,
l'arrêt ville
de
douleur, datera, pour la France, une nouvelle ère de gloire. Et
ils
sentiront sous leurs pieds
cette terre frémissante et
comme
soulevée par
tous les morts qui en ont fait une terre sacrée
À
force d'engloutir, la terre s'est faite
:
homme...
En aucun lieu du monde ne fut révélé au monde par les hommes un plus grand courage devant
la
douleur et devant
chose qui vaille a dit
un
la
la
mort
:
«
la seule
peine que l'histoire soit écrite,
historien,
M. de
la
Gorce, c'est-à-dire
.
DOUAUMONT le spectacle
d'une
âme
327
plus forte que le péril.
»
Et ce spectacle a été donné, pour notre salut, notre sécurité, notre paix, et renseignement de
nos générations nouvelles et à venir, par une
armée
sortie des entrailles de la nation, qui por-
tait
sur ses mille visages
vers
un but unique
nos campagnes, et la confiance
dont
aux regards tendus
la diversité
le reflet
de notre
la suite a fait notre
âpre ou riante de
de nos foyers, l'espoir
sol et
du passé millénaire
France.
Novembre 1916-Février 1917.
FIN
.
TABLE
LIVRE PREMIER
DANS LA CRYPTE DE VERDUN LIVRE
II
LA VICTOIRE AILÉE I.
II.
III.
IV.
V.
— — — — —
Pages.
Les trompettes de Charlemagne
,
La mairie de X Le carrefour Le moulin La victoire ailée
39
45 59 72 80
LIVRE
III
DOUAUMONT I.
IL
— —
De la carrière d'Haudromont au village de Douaumont De la batterie de Douaumont au ravin de la
— —
Le fort de Douaumont Lendemain de victoire
Fausse-Côte III.
IV.
99 127 156
184
LES CAPTIFS DELIVRES
330
LIVRE IV
VAUX I.
II.
III.
IV.
— La première journée de — Sur — Le jour des morts dans — La aptère.
Pages la bataille
de Vaux
victoire
219
263
le fort
le fort
de Vaux
.
280 290
LIVRE V
LES SANCTUAIRES I.
II.
_ —
Vaux Douaumont
295 315
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