T-LJ rjfl
6T.
MICHAEf
TORONTO
6,
CANADA
Il a été tiré de cet
ouvrage
:
Mille exemplaires offerts à V armée par V auteur et teurs
les édi-
;
Quatre mille exemplaires sur lesquels l'auteur a abandonné ses droits,
de
la
un
au bénéfice de l'Assistance mutuelle des veuves
tiers
guerre, un tiers au bénéfice de l'œuvre des
aveugles,
Savoie
un
tiers
au bénéfice des Orphelins de
Amis des la
soldats
guerre de la
;
Cent vingt exemplaires sur papier de Hollande, numérotés de 1 à 120, dont destinataire
50
destinés à
l'armée et portant
le
nom du
;
Vingt exemplaires sur papier des manufactures impériales du
Japon, numérotés I à
XX.
LES DERNIERS JOURS DU
FORT DE VAUX (9
MARS-7 JUIN 1916)
DU MEME AUTEUR
OUVRAGES SUR LA GUERRE Les Derniers Jours du fort de Vaux. Trois Tombes. La Jeunesse nouvelle.
ROMANS ET NOUVELLES La Maison. L'Amour en fuite. La Petite Mademoiselle. La Neige sur les pas. Le Carnet d'un stagiaire. (Librairie
La Robe de laine. La Croisée des chemins. Les Yeux qui s'ouvrent.
L'Écran brisé. Les Roque villard. Plon-Nourrit et G )
La Nouvelle Croisade des
ie
enfants.
(Librairie
Flammarion.)
La Peur de vivre. Le Pays natal. La Voie sans retour.
Le Lac noir. Jeanne Michelin.
(Librairie A.
Fontemoing)
ESSAIS DE CRITIQUE ET VOYAGES La Vie au théâtre (1907-1909. 1909-1911. Portraits de femmes et d'enfants.
1911-1913).
—3
vol.
Paysages romanesques. (Librairie Plon-Nourrit et
Quelques Portraits d'hommes.
—
G
ie
)
Vies intimes. (Librairie A. Fontemoing)
Ames modernes. (Librairie Perrin)
Les Amants de Genève,
édition de luxe.
(Librairie
Dorbon
aîné)
THÉÂTRE L'Écran brisé. Un Médecin de campagne. En collaboration avec M. Emmanuel Derabié. (Librairie Plon-Nourrit et PARIS.
TYP. PLON-NOURRIT ET CU , 8,
C ta )
RUE GARANC1ERE.
22266.
Capitaine
HENRY BORDEAUX
LES DERNIERS JOURS DU
FORT DE VAUX (9
MARS-7 JUIN
1916)
PARIS LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT 8,
et
O, IMPRIMEURS-EDITEURS
BUE GARANCIÈRE 1916 Tous
droits réservés
6*
7
1955
Copyright 1916 by Henry Bordeaux. Droits de reproduction réservés pour tous pays.
et
de traduction
AUX SOLDATS DE
VERDUN
.
LES DERNIERS JOURS DU
FORT DE VAUX
Verdun
:
ces
deux syllabes que
déjà marquées sonnent aujourd'hui cuivrées d'un clairon.
En
sans frissonner d'orgueil.
l'histoire
comme
France, nul ne
En
De
la bataille,
de
la victoire
mois
perdu momentanément
le 7
îios siècles tout
militaire, nos vieilles
mouve-
.
de Verdun, voici un
celui du fort de Vaux, assiégé
:
évoque, par delà
Amé-
*
épisode et
entend
Angleterre, en
metit spontané tous les assistants se lèvent.
*
les notes
les
rique, si quelque orateur les prononce, d'un
avait
pendant
juin.
trois
Sa défense
dorés de splendeur
chansons de gestes, une chanson l
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
2
de Roland dont
le
premier personnage,
invisible et
toujours pré sentf est l'honneur français.
Comme Roland sonnant
de C olifant raconte de loin
drame de Roncevaux à Charlemagne qui repasse
le
monts,
les
le fort,
jusqu'au dernier moment, a tenu
commandement au courant de sa par
le
J'ai
moyen de
le
vie et de son agonie
ses pigeons et de ses signaux.
pu toucher
ses blessures et sa force de résis-
tance au mois de mars, avant les combats suprêmes des premiers jours de juin. J'ai interrogé ses défenseurs presque à chaque relève. J'ai connu ses appels et ses
dernières paroles. Ainsi ai-je désiré de trans-
crire les témoignages de sa gloire.
Ces témoignages, malgré mes efforts minutieux que le sort
leur
a favorisés, je n'ai pu
manque d ailleurs
secret du
cette
commandement
jamais présenter qu'un toire
la
elle-même.
et
rassembler tous.
chose essentielle qui est
me pardonnent,
les
le
de l'histoire, non l'his-
reflet
La guerre que nous
on n'en peut compter
Il
sans laquelle on ne pourra
mer aux flots sans nombre
oubliés
les
:
vivons est
on en
saisit le
comme rythme,
vagues. Que tant de héros
si je n'ai
su tirer leurs actions
de l'ombre!
Les circonstances m'ont permis de suivre différentes
phases de
la bataille de
Verdun. J'ai profité de tous
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
mes
instants de loisir
—
ces notes incomplètes que
Comment
publier.
à écrire quand un le train
3
assez rares
— pour réunir
f ai obtenu
l'autorisation
résister
de
au démon qui nous pousse
tel sujet s'offre
de lui-même?
Dans
ordinaire de la vie, j'aurais réclamé plus de
temps pour d'hui, est
mener à
le
bien.
Mais
le
temps, aujour-
mesuré à chacun.
*
*
Aucun en
*
épisode, au cours de cette guerre, ne peut,
réalité, s'isoler.
les combattants de
la Galicie,
Une
étroite solidarité
Verdun à ceux de
du Trentin, de
la
la
d'armes unit
Bukovine, de
Somme. Ce qui
passé à Vaux ne fut indifférent à aucun des rants, ni
On ne
même à aucun peuple
s'est
belligé-
de la terre.
peut parler de la victoire de
sans que la poitrine se soulève de joie
la et
Marne
sans que
monte aux lèvres un cantique de délivrance. Les départs de la
Champagne
l'allégresse des matins
et
de la
d été. La
Somme
ont toute
beauté de Verdun
plus âpre et sévère. C'est la bataille de patience sacrifice
oii
le
mot d'ordre
est
:
et
est
de
tenir et retenir. Il
faut non seulement barrer la route à l'ennemi qui
veut rompre
notre ligne, mais encore
le
fixer sur
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
4
place tandis que
les Alliés
fensive générale
et
l'exécutent. Et c'est pourquoi la
résistance du fort de
que
la
élaborent leur plan d'of-
défense d'un
Vaux coifi
victoire, elle fait partie
sert
de
un dessein plus vaste
sol. Elle se relie
d'une victoire,
mesure à l'échec du projet
et
de
à une
si la victoire se
la volonté adverses.
Qu'u?i reflet de cette beauté de nécessité et d'endu-
rance éclaire
la geste
du fort de Vaux...
H. B.
Juillet
1916.
LIVRE PREMIER
LE FORT
.
I
LE FORT
Dans
Verdun
la
grande escadre des
à distance,
sur la haute
Vaux
forts qui
comme une
flotte
mer en avant d'un
défendent
échelonnée
port, le fort de
mo-
aurait droit au rang de croiseur. Plus
derne que Souville et Tavannes, et caponnières,
moins vaste
Douaumont dont
et
forts à cavaliers
moins armé que
l'enceinte contient
un monde
de tourelles, de coupoles, de casemates, de casernes et de places d'armes, la terre ses
Bâti en
murs
il
enfonce mieux dans
arasés.
maçonnerie vers 1880,
il
fut,
après
l'invention de l'obus-torpille (1885), reconstruit
en béton, puis en béton armé et achevé seule-
ment en 1911
Au nord de
la
grand'route de Verdun à Metz,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
8
par Étain,
monte
il
face à Thionville.
la
A
garde devant
l'extrémité d'un plateau qui
Douaumont
s'encadre entre le massif de bois
mamelonnés de
la forteresse,
Laufée
la
d'eux par d'étroits vallons,
et les
et qui est séparé
semble
il
de
sortir
l'embouchure d'un fleuve bordé de collines pour venir fendre de sa proue la plaine de la Woëvre.
La mer de Woëvre bat
ses pentes nord-est qui
sont d'abord abruptes et font
un angle mort,
puis s'inclinent en pentes douces jusqu'au fossé
que flanquent
Deux
ses coffres.
villages bâtis
en longueur dans
Vaux-devant-Damloup au nord, sud,
1
escortent
comme
et
les fonds,
Damloup au
des bateaux de
commerce
un haut navire de guerre. Vaux-devant-Damloup commande trée d'un vallon
un peu plus
loin
l'étang de Vaux. la voie ferrée le
passage.
affluents,
:
c'est le ravin
du
ainsi
l'en-
Bazil qui longe
un étang précédé d'une digue,
La route
(de
Verdun à Vaux)
(de Fleury à Vaux) lui
Le ravin du
Bazil reçoit
du plateau qui porte
et
empruntent
comme
des
le fort, le ravin
.
LE FORT des Fontaines qui coupe
dans
la direction
Douaumont,
bois de Vaux-Chapitre
le
de Souville,
les bois
d'Hardaumont. Ce sont
relles, les voies d'accès qui,
conduisent à
terrain,
et,
du massif de
ravins de la Caillette et de la
les
Fausse-Côte qui traversent et
9
un
les
de
la Caillette
tranchées natu-
d'un mouvement de autre.
Un
sol
ainsi
boisé et accidenté est favorable à une guerre de
de
surprises,
d'embuscades,
traquenards,
coups de main, d'infiltration lente se prête
au flux
nade. Bois de
et
et perfide. Il
au reflux des combats à
la Caillette,
bois
de
la gre-
d'Hardaumont,
ravins de la Caillette, de la Fausse-Côte, duBazil, retraites obscures, à
geur
l'été
tirées
de l'ombre
aimait à s'égarer,
gloire sanglante fort
dont
demi sauvages, où
le
mais aujourd'hui
et toutes resplendissantes :
à leur sort est
elles sont les
voya-
lié le
d'une
destin
ouvrages avancés.
.
du
II
CE QU'IL A VU AVANT LE 21 FÉVRIER 1916
Dès
les
premiers jours
de ce brûlant mois
d'août 1914, où les nations commencèrent de s'affronter, le fort de
de
la
Woëvre du
attendait,
chocs.
La
côté de Thionville et de Metz,
anxieux, nuit,
il
Vaux, interrogeant la plaine
les
résultats
des premiers
voyait errer au-dessus de lui les
longs bras lumineux des projecteurs de Verdun,
cherchant parmi
les étoiles les
zeppelins ou
les
taubes. Des régiments, le dépassant, avaient pris position plus à Test, en avant de Jeandelize ou de
Conflans. L'attente se prolongeait.
Il
tirer le
canon, mais non pas dans
dont
avait la surveillance.
il
Longwy ou
peut-être de
entendait
la direction
Le son venait de
Longuyon La tempête, .
CE QU'IL A VD AVANT LE
contournant les
la
21
FÉVRIER
1916
II
Lorraine, semblait s'abattre sur
Ardennes.
Le 20
et le 21
août, le fort vit défiler des
troupes, le rire aux dents, la chanson aux lèvres, qui, par la route d'Ornes, montaient vers
Lon-
guyon. Elles ne connaissaient pas encore
dure
la
guerre nouvelle. Gaiement, elles s'y rendaient,
comme
à un rendez-vous de jeunesse.
La
III
e
ar-
mée, concentrée à Verdun, marchait sur Virton. Dès
le
22, elle se heurtait à l'armée du kronprinz.
Le 25, un bon tour
vint réjouir la garnison
fort qui en eut aussitôt connaissance.
mobile allemande, portant major, engagée sur
la
sur les distances,
était
dans nos lignes où
commandement
les
Une
ordres de
du
autol'état-
route d'Étain, se trompant entrée la veille au soir
elle avait
été capturée. Notre
profita de cette saisie
heureuse
du plan adverse pour tomber à l'improviste sur le flanc
gauche de
la
35 e division de landwehr
qui, jetant ses fusils, s'enfuit jusqu'à Saint-Privat, et
du XVI e corps qui formait
l'aile
gauche de
l'armée du kronprinz et qui se replia précipitam-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
12
ment
sur Bonvillers. Ce
combat
peu connu des premières
d'Étain, épisode
batailles,
fit
peut-être
échouer une attaque brusquée sur Verdun.
Cependant
il
rompre
fallut
le
contact dans la
nuit du 25 au 26 août, pour demeurer en liaison étroite avec les et
mouvements de l'armée
voisine,
passer sur la rive gauche de la Meuse, en
laissant des divisions
de réserve à
rive droite sur la ligne
la
garde de
la
Ornes-Fromezey-Hermé-
ville.
Ce que
le fort
de Vaux
de ses pentes, c'est
le
vit alors
passer au bas
spectacle que n'oublieront
jamais ceux qui l'ont vu. Plus tard,
ils le
raconte-
ront à leurs enfants, puis à leurs petits-enfants, afin
que
des générations en garde
la suite
moire. Sur
la
un havre de
mé-
route d'Étain à Verdun, cherchant salut dans la vieille forteresse qui,
plus d'une fois au cours des siècles, a dû proté-
ger les populations meusiennes contre la ruée des chars à deux
hordes germaines, se pressent
les
ou quatre roues,
les
conduisant à
main
qu'ils n'ont pas la place d'en-
leur
machine
cyclistes
la
CE QU'IL A VU AVANT LE fourcher, les
les
chiens,
FÉVRIER
21
1016
13
brouettes, les poussettes, les piétons, les
qu'il possède
troupeaux. Chacun emporte ce
de plus cher, ou ce qu'il a
au hasard dans sa maison. Sur
cueilli
les voitures
s'em-
pilent les matelas, les malles, les édredons, les
provisions, les meubles, et par-dessus ces
démé-
nagements
et
les
vieillards,
les
invalides
les
mioches. Gosses, malades et vieillards n'y ont pas tous trouvé place. Parmi ceux qui s'en vont à pied,
il
y a des aveugles et des boiteux, des
femmes qui portent
leurs petits, des petits qui
portent une poupée ou une cage. Parmi ceux qui s'en vont à pied,
il
y en a qui traînent une fatigue
trop grande pour leurs jambes tordues ou leurs
jambes trop courtes. Derrière vanté, flambent les villages.
jour dans
la
campagne. Peu
La à
cet
exode épou-
nuit,
ils
refont le
peu l'incendie
se
rapproche. Voici Rouvres qui brûle, et voici Étain.
Une femme au bord du chemin assise; elle a téter à
s'est arrêtée et
découvert son sein pour donnera
un bébé tout rond
et rose qui a déjà des
boucles frisées et qui ressemble à ces enfants
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
14
Jésus de cire exposés dans les crèches de Noël.
Autour
d'elle trois gosses se
sont groupés.
Un
un
sol-
soldat s'est approché et l'interroge. C'est
dat déjà vieux, un territorial. la
nichée
chez
si
tendrement
lui tout
un
petit
— Gomme Les s'est
— se
ils
ils
Ils
qu'il a sans
doute laissé
ma
pauvre dame
?
y ont mis le feu.
sont jolis!
ne sont pas
les
mêmes. Et cependant on
compris.
m'en manque un,
Il
dit la
femme. Et
elle
prend à pleurer.
— Qu'en avez-vous — me Ils
ont voulu
moi à
fait?
l'ont tuée. Elle avait huit ans.
l'ont tirée à la course ils
couve des yeux
monde.
— D'où venez-vous, — De Rouvres.
Il
me
le
dans
lui sa baïonnette.
la rue. Celui-ci aussi,
prendre. Je
l'y faire rentrer.
Ils
le serrais
contre
L'un d'eux a baissé sur
Mais un de ses camarades
l'a
détournée.
L'enfant est repu. Le groupe repart. C'est la guerre nouvelle, la guerre de terreur
CE QU'IL A VU AVANT LE
recommandée par Bernhardi. dans
la
la
fut
1916
15
un temps où,
les blessés.
Il
fut
un temps où,
guerre, une chevalerie s'était créée pour
protéger
moyen
Il
FÉVRIER
guerre, on faisait trêve pour enterrer les
morts et recueillir
dans
21
le faible et
l'innocent. C'était le barbare
âge. Mais la civilisation et la culture sont
venues. C'est
la
guerre sans miséricorde ni merci,
où l'un des deux adversaires, en déchirant
les
chiffons de papiers qui règlent les traités et les
devoirs des nations, en bafouant la
foi
jurée, en
écrasant les innocents et les faibles, a imposé à l'autre l'obligation stricte
à
un fou
de
lui passer,
comme
furieux, la camisole de force. C'est la
guerre qui ouvre d'infranchissables abîmes et laisse des souvenirs impérissables. C'est la
infernale qui exige
Le
fort
le
une sanction divine.
de Vaux, de sa colline, a vu cela. Et,
tatant ses pierres,
que
guerre
il
les a
trouvées moins dures
cœur des hommes qui avaient répandu ce
torrent de
maux
La route
sur la terre.
s'arrêta
de couler.
pareille à ces anciens
lits
Bientôt elle fut
de rivière qui laissent
16
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
une trace blanche au milieu de
la
VAUX
verdure pâle
des saules.
Le
fort,
dans sa solitude, songeait
— Mon tour va
:
venir. Je vais servir, j'attends.
Ce formidable Douaumont qui
me domine
défendra-t-il plus longtemps que
moi?
davantage vannes,
si
se
sollicite
Il
obus. Quant à Souville et à Ta-
les
l'ennemi vient du nord, je suis devant
eux, je les abrite.
Un personnage
important,
Verdun en personne,
le
gouverneur de
vint inspecter
ses
res-
sources, examiner son état physique et moral,
ausculter sa force.
— Vos yeux d'assez loin?
sont-ils bien protégés et voient-ils
Vos armes
sont-elles suffisantes et
vos boucliers résistants? Avez- vous de quoi tirer,
de quoi manger, de quoi boire? Connaissez-vous toutes vos consignes et spécialement la principale, celle qui est
mourir que Et,
se
commune
à tous les forts
:
plutôt
rendre?
ce disant,
il
visitait les observatoires, les
coffres, les casemates, la tourelle, la place d'ar-
.
CE QU'IL A VU AVANT LE
mes,
dépôts de vivres,
les
en revue Il
la
21
FÉVRIER
les citernes, et
1916 il
passait
garnison.
venu au début du mois d'août.
était déjà
Cette seconde visite laissait prévoir
une attaque
prochaine. L'ennemi n'était pas éloigné
:
on
signalait à Étain, à Billy-sous-Mangiennes, à
magne-sous-les-Côtes
grandes masses.
Verdun et
17
Du
:
Ro-
de petits paquets, non de
nord,
se rabattait
le
il
passait au-dessus de
surl'Argonne. Verdun, bien
défendue, servait de point d'appui à l'armée française
Un
pour l'immortelle manœuvre de
la
Marne.
des historiens neutres de la guerre, Gottlov
Egelhaaf, cité par M. Hanotaux, a écrit
:
«
Si les
kronprinz de Bavière et de Prusse avaient été en
mesure de s'emparer de Verdun en août-septembre 1914 Meuse,
les
et
de forcer ainsi
la
ligne de la
armées allemandes auraient foncé sur
Paris d'un seul
mouvement. Mais
les princes res-
tèrent accrochés à Verdun, et ainsi le
ment suprême de l'armée dut ner en arrière
l'aile
commande-
se décider à
rame-
droite de l'armée allemande.
Parce que Verdun ne put être pris,
il
.
parut né-
,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
18
cessaire de changer le plan de guerre.
»
Explica-
tion bien incomplète de notre victoire de la
Marne
mais qui, du moins, souligne l'importance du rôle joué par
réservé
deux
Verdun
fois la force
Le
fort
canon de
à
Verdun en septembre 1914.
ou briser
allemande.
qui s'est livrée sur la rive gauche
Meuse, devant Bambercourt-aux-Pots,
Beauzée, La Vaux-Marie.
au son du canon, de remontait vers
le
Il
rendu compte,
s'est
la retraite
de l'ennemi qui
nord.
Mais voilà que,
le
19 septembre,
canon plus au sud. On les
il
entend
le
Camp
Romains au-dessus de Saint-Mihiel, on les
le
se bat sur Hattonchâtel et
Hauts de Meuse, on bombarde
dans
était
de Vaux n'a pu suivre qu'au son du
la bataille
la
d'attirer et d'user
Il
des
se bat
casernes de Ghauvoncourt. L'ennemi n'a
pas renoncé à
la
tenté d'investir
proie qu'il convoite. Après avoir
Verdun par
la
revient par la rive droite. Mais
rive le
gauche,
il
front se fixe à
Spada, Lamorville et Gombres. Il
se fixe à six
ou huit kilomètres en avant du
.
CE QU'IL A VU AVANT LE fort de
Vaux
FÉVRIER
21
1916
19
sur la ligne Trésauvaux, Boinvilie,
Fromezey, Ornes, bois des Caures. Le 18 février 1915, jour mémorable,
fort reçoit
le
obus de 420. Douaumont en a reçu Puisque Douaumont en a reçu,
Le
recevoir.
les
1
5 et le
1
7
convenait d'en
fort se tâta et fut content.
— Le génie
a bien travaillé.
seule a souffert.
ture
il
le
quelques
Ma
superstruc-
Quant à mes casemates,
matériaux en sont bons.
Et
que
il
s'amusera fort
le
lendemain en apprenant
fameuse batterie de 420 a
cette
été repérée
au
bois d'Hingry, repérée, contre-battue et détruite.
On
a fait taire les géants, et
Avril
Avec
le
et
promptement.
mai furent des mois d'espérance.
printemps apporteraient-ils
la victoire?
Les canons tonnaient quotidiennement à Marché-
aux Éparges conquises. La Woëvre fumait,
ville,
comme
si
l'on y avait
vaise herbe. Puis la sité.
amoncelé
teigne
au
tenait à nos
cuir
de mau-
canonnade diminua d'inten-
La guerre, décidément,
un ennemi qui
les tas
chevelu.
serait
longue contre
campagnes comme Elle
la
réclamait de la
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
20
patience, de l'endurance, de l'obstination, de l'organisation, des munitions. Tout cela, on l'aurait.
On s'accoutuma donc vie de garnison. villages de
Vaux
comme
à la guerre,
Les territoriaux cantonnés aux et
de Damloup, quand
ils
au repos, jouaient au bouchon, dans s'installaient
à la
au cimetière
toir. Ils aidaient les
comme
étaient
la rue,
ou
dans un dor-
paysans à faire
les foins. Ils
cherchaient des champignons ou des fraises dans les
de Vaux-Chapitre
bois
et
d'Hardaumont,
Aux
après y avoir cherché des muguets.
chées
l'existence,
s'écoulait dans
si
agitée l'hiver
monotonie. Les la
relatif?
—
relatif
et
soirs d'été, sur l'escarpe
garnison s'asseyait,
petite
précédent,
un calme évidemment
mais qu'est-ce qui n'est pas
les
tran-
dans
du
— la
fort,
jambes pen-
dantes, et regardait la nuit monter de la plaine
de Woëvre. Parfois une fusée lointaine
tomber des Tant le fort
et
si
laissait
étoiles.
bien qu'un jour, à
la fin
d'août 1915,
entendit ce langage qu'on lui tenait brus-
quement
:
.,
CE QU'IL A
— Tu Ou
VL*
AVANT LE
FÉVRIER
21
n'as pas l'importance
que tu
1
G
1
t'attribues.
plutôt la terre de France toute entière a la
même
importance que
toi.
Ne
s'est-elle
pas
ouverte d'un bout à l'autre des lignes pour abriter ses défenseurs?
Maintenant
il
est avéré
que
l'on peut tenir l'ennemi en respect fur n'importe
quel point du
sol
national. Berrv-au-Bac est en
saillant isolé sur la rive droite de l'Aisne
au-Bac n'a pas cédé. qu'avec de
s'emparer
l'artillerie
de
Maintenant
n'importe
Éparges formaient une
nous avons
de
et
pris
les
la
il
Berrv-
:
avéré
est
volonté on peut
quelle
Les
redoute. naturelle
forteresse
et
Éparges. Les places fortes
n'ont pas eu de cbance au cours de cette guerre. Elles offrent
une
cible trop facile
aux obusiers
gros calibre. Anvers. Maubeuge. Varsovie.
Lem-
berg. Przemysl, se sont rendus avec leur matériel,
leurs magasins,
sera plus
une place
leurs troupes. forte.
Verdun
cune ressource, aucun butin
Verdun ne
n'offrira au-
à l'ennemi.
Verdun
ne sera qu'un point d'appui pour une armée. Toi tu ne seras plus
qu'un poste de vigie
et
un
abri.
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
22
— Je veux bien, a consenti je ne suis qu'un soldat, et
Mais fer
mon métier est d'obéir.
j'ai les reins solides. Il
pour
faire,
Le
si
me
faudra beaucoup de
Vous verrez ce que je saurai
jamais je suis abordé.
fort
l'hiver.
les casser.
le fort. D'ailleurs
diminué s'enfonça dans
De moins en moins
il
les
entendait
Sa garnison réduite s'ennuyait dans
presque déserts. Allons! rien ne avant
le
brumes de canon.
le
les couloirs
se
passerait
prochain printemps. Les nouvelles qui
venaient de l'arrière contenaient de mystérieuses allusions à
une grande offensive des
Alliés qui se
préparait lentement, qui se déclancherait à son
heure, peut-être pas avant l'Angleterre accomplissait
l'été
de l'année 1916
méthodiquement son
œuvre gigantesque de rénovation fallait
du temps à
la
militaire, et
au bord de tants
et
si
la
flatteur,
même
cam-
quand on habite
Woëvre, d'avoir des amis
lointains,
il
Russie pour cicatriser les
blessures qu'elle avait reçues pendant la
pagne de 1915. C'est
:
s'ils
si
impor-
réclament un
certain temps pour arranger leurs affaires.
CE QU'IL A VU AVANT LE
En
FÉVRIER
21
1916
23
janvier et février (1916) le fort ressentit
quelque appréhension
— Ce calme où
:
l'on
me
Ton ne
laisse
ne
me
dit rien
mais on a des
qui vaille.
Ici,
intuitions.
Ça remue de l'autre côté. Sûrement
quelque chose
se prépare.
Ça remue en dans
la forêt
sait rien,
effet
dans
la forêt
de Spincourt et
de Mangiennes. Nos avions doivent
bien s'en douter, car
ils
multiplient leurs randon-
nées. Mais le terrain se prête
mal à l'observation
avec ses vallonnements innombrables et ses couverts.
Même quand
bois
les
se
taillis
les feuilles
n'ont pas poussé,
défendent contre
photo-
les
graphes aériens.
On
signale
que
la
voie ferrée de Spincourt,
Muzeray, Billy-sous-Mangiennes,
travaille
façon inaccoutumée. La nuit, on perçoit des trains qui passent.
Il
le
d'une bruit
paraît que des pièces de
gros calibres ont été débarquées.
On
assure que de nouveaux corps allemands
ont été amenés dans la région, et parmi eux le III
e
qui revient de Serbie.
,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
24
Enfin, les clochers de Rouvres, de Mangiennes,
— comment épargnés? — ont
de Grémilly, de Foameix
été abattus par
été jusqu'alors les
Allemands
avaient-ils
:
sans doute pouvaient-ils servir de
points de repère à notre artillerie.
D'où proviennent ces bruits Il
est impossible
de
et les colportent.
dant
Il
Le
est
si
rapportent
les
silence n'est pas
y a de l'inquiétude dans
temps
le
démêler exactement. Les
remontent de Verdun
soldats qui
française.
le
et ces précisions?
—
affreux
— que
vent, tempêtes de neige
une vertu
l'air.
Cepen-
bourrasques de l'attaque paraît
improbable, ou tout au moins ajournée.
—
Demain, songe
solidité
de ses murailles.
Le 20
février, le
à sept heures
fort
le
foi
dans
la
Ou après-demain.
temps
du matin,
qui a
se
met au beau. Le 21
le
premier obus tombe
sur Verdun, proche la cathédrale. La plus grande bataille
de
la plus
grande guerre commence.
LIVRE
II
LA BATAILLE
LE VOL DES CORBEAUX
Les observateurs sur avions ou ballons qui ont
vu s'allumer
le
volcan ont déclaré qu'ils ne pou-
vaient pointer sur leur carte toutes les batteries
en action. Les bois de Gonsenvoye, de Moirey, d'Hingry, de Grémilly,
de Mangiennes,
mont liers
les forêts
les côtes
soufflaient de la
de Spincourt et
de Romagne
et
de Mor-
flamme comme des mil-
de dragons infernaux.
Le commandant d'une compagnie de chasseurs à pied, qui fut blessé au bois desCaures, a déclaré «
La violence du feu
:
avait été telle qu'en sortant
de nos abris nous ne reconnaissions plus
le
paysage
auquel nous étions habitues depuis quatre mois. Il
n'y avait presque plus d'arbres debout; la cir-
culation était très difficile à cause des trous d'obus
qui avaient bouleversé
le sol.
Les défenses accès-
28
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
endommagées, mais
soires étaient fort
un
tel
enchevêtrement de
fils
il
y avait
de fer et de branches
cassées que le tout constituait encore
un obstacle
sérieux pour les assaillants. Les boyaux de
com-
munication n'existaient plus. Les tranchées par contre
avaient été fort touchées, mais étaient
encore utilisables
:
elles furent aussitôt garnies.
Elles furent aussitôt garnies
place la volonté
:
»
constatation qui
humaine au-dessus de
toutes les
puissances physiques déchaînées. Le haut com-
mandement en
a tiré cette formule
l'artillerie réalise, c'est la
:
«
Ce que
diminution des moyens
matériels de la défense et son usure morale,
pas sa destruction.
»
De cette averse de feu
— Ça,
c'est
non
,
le fort a
reçu sa large part
:
du 150. Voilà du 210. Oh! oh! du
380 à n'en pas douter. Mes voûtes sonnent. Mes voûtes tiennent. résistent.
Et
ma
observatoires?
Il
Que deviennent mes
Ils
tourelle? Bile est debout. Les
y en a un qui est touché.
voit très bien avec
peut-être
coffres?
un
réparable.
œil. D'ailleurs le
La
contrescarpe
mal a
On est
une
LE VOL DES CORBEAUX
On
brèche?
29
bouchera un jour meilleur.
la
Mon
grand voisin, Douaumont, fume encore plus que moi.
Il
attire la
comme un chêne
foudre
orgueil-
leux sur une colline. Je voudrais bien savoir ce
Mes téléphones ne fonctionnent
qui se passe.
plus. Je suis séparé reil
du
reste
du monde. Un pa-
ouragan ne peut pas durer. Attendons
La son
fin
ne vient pas, l'ouragan roule toujours
tonnerre,
montent deux
la fin.
les
mais
les
mauvaises
nouvelles
pentes on ne sait comment. Sur les
Meuse,
rives de la
les villages brûlent, les
bois gémissent, les pierres s'écroulent.
Plus on est près des événements et moins on est
renseigné sur eux. Les corvées de ravitaille-
ment
sont encore la meilleure source. Mais ces
cuisiniers exagèrent sans nul doute
:
ils
racontent
des choses lamentables.
— Le — Le là.
bois desGauresaété perdu le second jour. bois des Gaures? impossible. Driant est
Ou Driant
— On ne n'était
que
est
sait le
mort.
pas ce qu'il est devenu. Et
bois des Gaures!
si
ce
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
30
A
en croire, Herbebois
les
le village
d'Ornes
et,
dans
Fromezeyet d'Herméville,
et le bois le la
Chaume,
Woëvre, ceux de
ces derniers
abandon-
nés volontairement pour prendre appui sur les
Hauts de Meuse, seraient aux mains de l'ennemi.
Au
diable ces cuistots de malheur, bons pour
semer
la
panique
!
Pourtant leur métier Il
s'est
singulièrement gâté.
n'y a guère que les coureurs pour en faire
Et
pareil.
gés
:
ils
même
les
coureurs ne sont pas char-
bondissent librement de trou d'obus en
trou d'obus,
ils
se
couchent, se terrent, dispa-
raissent, se relèvent, lancés et à
nouveau
coupent
un
se collent
la route,
au
comme sol
des flèches,
quand
les rafales
tandis qu'on ne trotte guère
avec vingt boules sur
le
dos et des bidons en tra-
vers ou toute une ferblanterie de boîtes de conserve,
ou des sacs de denrées de toute nature
et,
par surcroît, sur la face un masque qui vous étouffe à moitié, à cause de tous ces gaz empoi-
sonnés qui traînent longtemps dans
dans
les replis
les ravins
de terrain et vous guettent
ou
comme
LE VOL DES CORBEAUX de8 voleurs pour vous saisir à
la
31
gorge. Les fonds
Tous
de vallon sont quasi impraticables.
chemins sont repérés
et battus.
les
Les secondes et
troisièmes lignes sont aussi marmitées que les
premières. Jamais, de mémoire de biffins partis
au premier jour, de
la
Marne
et
Champagne, on fer et
et revenus,
on ne
sait
comme,
de l'Yser, de l'Artois et de
la
pareille avalanche
de
n'a
subi
de feu. Alors un cuistot qui parle, c'est un
soldat qui vient de l'arrière à l'avant avec de
l'honneur par-dessus sa charge.
Le quatrième jour, un jeudi, un agent de son assure qu'on a perdu
le bois
liai-
des Fosses et
le
bois des Caurières.
— sont déjà dans — Dans ravin de Ils
le
le
ravin de
la
la
Vauche.
Vauche? Douaumont
va donc les voir.
Maintenant allées
et
les
nouvelles affluent, à cause des
venues qui se multiplient
:
relèves,
blessés, traînards, ravitaillements se croisent sur les
pentes de
la colline,
ne cesse jamais
sous l'averse d'obus qui
et qui vise tout
spécialement
le
32
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
fort et ses abords immédiats.
solide
faut avoir la tête
Il
pour mettre un peu d'ordre dans ces nou-
velles alarmantes et souvent contradictoires. les
a vus à Dieppe, on
loup.
Enfin, on
les
les
a vus tout près de
voit partout.
Le
On
Dam-
fort,
qui
digère allègrement sa ration quotidienne de pro-
écoute avec philosophie ces propos in-
jectiles,
quiétants. Maintenant
murailles. Ce qui c'est le destin
Or,
le
il
connaît
l'intéresse
la solidité
de ses
particulièrement,
de Douaumont.
25 février au
soir,
un vendredi, trempé
de neige et transi de froid, voici qu'un blessé qui cherche son chemin, et qui a gravi clopin-clopant la colline, traînant le
une cuisse écorchée qui rougit
pansement sommaire, débarque à
la
poterne,
barbouillé de sang et de boue et les yeux cuits, et ose
annoncer qu' ils sont entrés dans
Douaumont.
le fort
de
Ça, par exemple, c'est invraisem-
blable.
On
voisin,
on n'apprend pas
a beau souhaiter quelques horions au
protestation.
Un
fort
sa
mort subite sans
ne s'avale pas
comme
ça.
Et puis un fort n'est pas un poste de secours.
LE VOL DES CORBEAUX
Un
ne reçoit pas
fort
33
n'importe
qui.
chemin, colporteur de malheur
votre
ravant,
Aupa-
vous en avez, donnez donc, tout de
si
même, quelques
— On
!
Passez
les
détails.
..
a vus sur les banquettes.
Même
on a
cru que c'étaient des zouaves. Des zouaves dans leurs uniformes kakis.
— Parbleu! Ce sont
zouaves.
les
Ils
ont passé
hier pour aller prendre position.
— Les zouaves ne coups de
—
Ils
tiré
des
fusil.
vous ont pris pour des Boches.
La nuit tère.
nous auraient pas
n'est pas faite
pour
Mieux vaut compter sur
lendemain,
c'est
éclaircir
un mys-
lendemain. Le
le
une autre musique. Des chas-
seurs qui refluent ont confirmé
la
nouvelle. Les
Allemands sont à Douaumont.
Vaux ne songe
plus à plaisanter sur les mésa-
ventures d'un vieux camarade.
On montait
la
garde ensemble depuis des années devant Ver-
dun.
On
isolée.
vivait
On
de
la
se voyait
même
vie,
un peu
triste et
de loin, on échangeait des
34
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
signes.
L'un comptait sur l'autre pour
comme deux compagnons meurt, l'autre
est
en
de tranchée.
de
et
Si
l'un
de son observa-
péril. Et,
toire intact, le fort observe les pentes
mont
la bataille,
la Caillette, les ravins
d'Hardau-
suspects et la
plaine déserte de la Woëvre.
Le dimanche 27
février, sa
viennent de Verdun, ont Exagèrent-ils?
jamais.
Ils
disent que
Verdun avec une on
le
sait,
garnison
Les renforts, des territoriaux qui
est renforcée.
récits.
petite
et
On le
bouche pleine de
la le
saura plus tard, ou
Boche
s'est
artillerie infernale,
de reste
autour du fort et sur
:
déchaîné sur
— parbleu
considérez
le fort!
—
le
!
paysage
qu'il a cru tout
casser, tout briser, tout tuer et s'avancer l'arme
à la bretelle sur un terrain nettoyé, qu'il a trouvé à qui parler au lieu des morts qu'il pensait fouler, et
que maintenant des troupes
arrivent
:
le
coup
Joffre veillait, en sa partie
quand
il
leurs Castelnau est
fraîches
nous
est raté, la route est barrée.
attendant de livrer lui-même
voudra, où
venu
il
voudra. D'ail-
et Pétain s'installe
pour
LE VOL DES CORBEAUX
commander. Pétain
Alors,
commande,
35
venu,
Gastelnau est
si
si
tout ira bien.
— Et Douaumont? Parlez-moi de Douaumont.
— Le Ne — Je mais — On ne va pas fort est pris.
je
le savais,
le
à
le
le
savez-vous pas?
ne
croyais pas.
le
leur laisser.
On
prépare
se
leur reprendre.
— Ce sera dur. Ces oiseaux-là aiment à nicher dans
les nids
des autres
et,
en un
clin d'oeil,
ils
encore
s'y enfouissent et s'y retranchent. Dites
ce que vous savez.
Le
fort,
à part lui,
que vous ne savez
murmure
pas.
»
Car
:
«
Et
même
ce
ont de
les pierres
l'expérience, et partant de l'ironie.
— Eh bien, aussi
que
mont,
il
je
la division
de fer est
ne connais pas.
Au
là.
D'autres
y a un colonel qui a déclaré
vivant, les Boches n'entreront pas.
— Toujours dangereuses, — Les Boches ne sont pas
Douau-
village de :
«
Moi
»
ces déclarations! entrés.
Ils
ont été
arrêtés devant le village. Là, nos mitrailleuses les
ont fauchés par centaines.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
36
— Et ce colonel — On Certes.
l'a
est
encore vivant?
relevé et je
l'ai
rencontré.
a une figure calme et des yeux de feu.
jamais
la voix, et l'on
Il
Il
n'élève
entend sa voix en dedans,
qui vous gouverne et vous
fait
marcher.
C'est
dans son régiment qu'au bois Brûlé, vers Saint-
un adjudant
Mihiel,
morts!
a
crié
:
«
Debout,
les
»
— Et
les
morts
ont-ils
— Que voulez-vous
répondu?
qu'ils
répondent?
— Les morts répondent toujours quand on appelle.
Les morts ont
fait
la
patrie
que
les les
vivants continuent. Ce sont des morts qui m'ont construit. Et les morts sont les os de tes os et la
chair de ta chair,
ma
comme
ils
sont la pierre de
pierre.
Cependant on a doublé qu'il est à
dans
la
Douaumont,
puisqu'il est descendu
Woëvre, l'ennemi va tenter
jour à l'autre. Le 8 mar6,
Vaux;
les sentinelles. Puis-
le
9 et le 10
il
il
attaque
l'assaut d'un le village
de
se lance à la fois contre le
village et contre le fort.
LE VOL DES CORBEAUX
Le
fort, sur sa colline,
comme un vaisseau
37
résiste à la
tempête,
battu des lames.
* *
Au-dessus du champ plaines de jetées
l'air,
de
bataille,
dans
les
ondulations électriques pro-
les
au loin vont s'inscrire en signes sur
les
récepteurs et portent aux quartiers généraux, aux nations,
au monde
entier,
par
fil,
sent
comme
les
et se livrent
des caravanes d'oiseaux migrateurs
de mystérieux combats.
L'Allemagne,
le
26 février, lâche un premier
corbeau, porteur de ce message l'est
de
télégraphie
nouvelles de la guerre. Elles se croi-
sans
A
la
la
Meuse, devant
S.
:
M. l'Empereur
et Roi,
qui était sur le front, nous avons obtenu des succès
importants. Nos vaillantes troupes ont enlevé teurs au sud-ouest de
mont
Louvemont,
le
village
les
hau-
de Louve-
et la position fortifiée qui est plus à l'est.
Dans
une vigoureuse poussée en avant, des régiments du
Brandebourg sont arrivés jusqu'au cuirassé de
Douaumont,
qu'ils
village et
ont enlevés
au
fort
d'assaut.
38
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Dans
la
Woëvre,
le front
dans
ennemie a cédé sur tout
la résistance
région de Marché ville (au sud de la
la
route nationale Paris-Metz). Nos troupes suivent l'en-
nemi de près dans Il
sa retraite.
d'assaut donné au
n'y a pas eu
Douaumont, enlevé par lage de
Woëvre
nœuvre stratégique est
de
surprise. Contre le vil-
Douaumont, tous
ont échoué. La
fort
les assauts
allemands
a été évacuée par
et l'ennemi, méfiant,
ma-
ne
s'y
aventuré qu'avec crainte, dut s'arrêter devant
Manheulles
27 février et ne put entrer dans
le
Fresnes que
7
le
mars. Mais
comme
cela fait
mieux dans un communiqué de représenter excellents mitraille
Brandebourgeois escaladant sous les
glacis
d'un
fort,
échelles sur la contrescarpe,
appliquant
montant à
ces la les
l'assaut,
franchissant les fossés, heureux de vaincre ou de
mourir sous
les
yeux bienveillants de
pereur et Roi, sans doute présent à
casque d'or sur
la tête
et
un
S.
M. l'Em-
la fête,
un
glaive d'or à la
main! Le goût des visions romantiques a gagné le
grand état-major allemand.
LE VOL DES
Le second corbeau lâché
le
la prise
mars
9
du
fort
Douaumont A l'est du
et
39
est plus audacieux.
annonce au monde
il
de Vaux. C'est
un diptyque
:
CORBEALX
offert
fleuve (la Meuse),
11
est
attentif
pendant de
le
aux nations.
pour raccourcir
les liai-
sons au sud de Douaumont avec nos lignes de laWoèvre, le village, le fort cuirassé
de Vaux, ainsi que
nom-
les
breuses fortifications voisines de l'adversaire, ont été, après une
une
enlevés dans
forte préparation d'artillerie,
brillante attaque de nuit des régiments de réserve
de Posen, n ot 6 l'infanterie
et 19, sous la direction
du général de
von Guretsky-Cornitz, commandant
la 9* di-
vision de réserve...
Comment en doute
le
la
monde
véracité
étincelant et précis? l'heure, les titre
la
la
d'un
On
radiogramme donne
lui
numéros des régiments,
du général qui
a
ne s'inventent pas. Le de
attentif oserait-il mettre
mené
le le
aussi
jour et
nom
et le
l'action. Ces détails
détail,
mais
c'est la force
méthode allemande. L'érudition
n'est
que
connaissance des détails. L'histoire? Détails ou
suite d'affirmations détaillées.
40
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Le
de Vaux
fort
serait-il pas,
Gornitz,
le il
l'a
pris?
régiments 6 et 19 de
les
Évidemment
il
:
général avec ses deux régiments
y a
le
puisque c'est le général von Guretsky-
commandant
Posen, qui
Gomment ne
pris?
est-il
de Vaux. Dès
le fort
lors,
y a d'une part
de l'autre,
et,
comment
le fort
de Vaux ne logerait-il pas ce général, et ses deux régiments avec lui?
nous?
»
«
Boche.
Cette malle est-elle à
«
demandait Robert Macaire au
trand. Et
nous.
—
il
concluait aussitôt
— Le
—
Il
fort est-il à
:
Elle doit être à
«
nous?
doit être à nous.
fidèle Ber-
demande
se
— Et
aussitôt
le il
l'annonce.
Seulement
de ne pas être à le
9,
et pas
pas à
le fort n'est
lui le 8
davantage
Guretsky-Gornitz,
mars, le
10.
commandant
lui. Il se
et pas
permet
davantage
Le général von la 9
e
division de
réserve, en est pour sa forte préparation d'artil-
pour
sa
brillante
attaque de nuit. Le
lerie
et
haut
commandement allemand ne peut pourtant
pas confesser au
Guretsky-Gornitz
monde que s'est
le fier
général von
moqué du monde. En
LE VOL DES CORBEAUX
lâche un troisième corbeau,
hâte, le 10 mars,
il
avec ce
son aile
billet sous
Les Français ont
fait
que près du
fort
:
de violentes contre-attaques
sur notre nouveau front à ainsi
l'est et
de Vaux.
Au
au sud du
ailleurs,
village,
cours de ces actions,
l'ennemi a réussi à reprendre pied dans
lui-même. Partout
41
le fort
cuirassé
assaillants ont été re-
les
poussés avec de fortes pertes.
Ainsi le tour est-il joué.
Rendons
le fort
aux
Français puisqu'ils y sont et y ont toujours été.
Rendons-le, car nous
sommes honnêtes
et
loyaux
:
nous rendons ce que nous n'avons pas. De quoi les
Français se plaindraient-ils? Nous leur avons
rendu un
fort par
une contre-attaque. Nous leur
prêtons une contre-attaque qu'ils n'ont jamais
Nous leur attribuons un succès
faite.
pas eu. dira
:
Le monde nous admirera. Le monde
— Voilà
bien
la
franchise germanique.
Les Allemands avaient pris C'était
qu'ils n'ont
un magnifique
l'ont reperdu.
Eh
le
succès.
bien!
ils
fort
de Vaux.
Le lendemain,
ils
n'hésitent pas à le
proclamer. Décidément on peut se
fier
aux com-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
43
mimiques allemands. leur désavantage.
Mais
ment
est à
sont beaux joueurs...
mensonge exige une continuité
le
dont
forts
Ils
avouent ce qui
Ils
imposteurs
les
les plus avisés
d'ef-
sont rare-
capables. Qui dit la vérité est le seul qui ne
se co'jpe jamais. Trois
mois plus tard
mois plus tard
ces trois
:
— mesurez
exactement quatre-
vingt-huit jours, soit tout l'intervalle qui sépare
de l'annonce du 9 mars le 7
la
chute réelle du
fort,
juin au petit matin, quatre-vingt-huit jours
de froid ou de chaud, de fatigue, de soif et de
manque de sommeil, de bombardements sauts,
—
mois plus tard,
trois
réellement pris. Le haut
mand
9 mars.
Il
Or,
dit
par nous...
Il
:
il
oublie son
dit pas,
Vaux
est
il
est
alle-
annonce fièrement
radiogramme du
Le fort cuirassé de Vaux
ne
fort cuirassé de
de Vaux
commandement
sait ce qu'il lui coûte. Il
la nouvelle.
le fort
et d'as-
est
n'ose pas dire
occupé :
«
Le
réoccupé par nous...
»
II
le chemin (11 mars.)
Voici Verdun, pareille à une Florence
au milieu de son cirque de jours de froid et de neige,
dans
les
tranchées
n'être plus
que
la
La
si
inattendu de :
il
est
venue brusquement déet la terre gelée.
ce
nom charmant
bien
C'est l'heure
du cou-
mauve
ligne si-
baigne d'or et de il
et
anime
les
la
eaux mornes de
Meuse débordée.
Au de
bouleversées et réduites à
Florence.
nueuse des coteaux, la
hommes
forte qu'elle fait courir sur les
lèvres déshabituées
chant
cruels à nos
membres engourdis
surprise est
Après des
jonction de trous d'obus, une
douceur printanière tendre les
si
collines.
du Nord
la
pied de la morose cathédrale,
si
différente
gracieuse Sainte-Marie-des-Fleurs aux mar-
44
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
bres colorés,
murs
à
on traverse un couloir sous des
demi démolis
rasse qui
et l'on parvient à
donne sur toute
une
ter-
douleur de Verdun
la
maisons éventrées montrant leurs étages à nu perdant leurs meubles
comme
:
et
des bêtes leurs
entrailles, façades écroulées, portes
ouvrant sur
le
vide, pans de murailles déchiquetés et dentelés,
surmontés souvent de hautes cheminées et tout
cela
qui n'est plus qu'un tas informe
de décombres fut
commerçant, Verdun,
et
paix.
le
la
rue Mazel,
le
quartier
le
plus
plus brillant, le plus vivant de
du Verdun de
mouvementé,
inutiles,
la
plaisant et gai
Le bombardement
viennent s'appuyer
les
que
le
Verdun de
a dégagé d'anciens
parts, datant sans doute
évêques, qui encerclent
guerre autrement la
rem-
du temps des princes-
la ville
haute et auxquels
ruines
de
la
nouvelle
ville.
Un
chien errant qui, seul être vivant, erre
dans
les
rues désertes, pousse de plaintifs aboie-
ments. Des obus tombent sur Jardin-Fontaine. Juste au-dessus de la ville deux avions se poursuivent.
On entend
le
tic
tac de leurs mitrail-
LE CHEMIN leuses
:
45
l'Allemand regagne en hâte ses lignes...
chaux dans
J'habite une cellule blanchie à la
une caserne de Verdun. ture, je dors sur
mandant
un
P... entre
lit
Plié
de camp, lorsque
en coup de vent
de sa petite lampe électrique, saut.
Au début de
dans une couver-
la
me
campagne
le
d'un jet
et,
réveille
il
com-
en sur-
m'avait offert
une hospitalité plus luxueuse dans
les
caves de
Berry-au-Bac. Les caves de Berry-au-Bac étaient
encombrées de bronzes d'art.
tapis,
On
de fauteuils, de glaces, de
y mangeait dans de
la vaisselle
à fleurs, on y buvait dans de la cristallerie fine. Si les services
l'illusion
de
la
étaient dépareillés,
ils
donnaient
profusion.
Nous passions l'Aisne en bateau. Parfois balles
nous accompagnaient
comme un
les
essaim
d'abeilles et l'eau semblait prolonger leur plainte.
Quand nous descendions, pour nous mettre l'abri,
à
dans ces fameuses caves voûtées, ornées
46
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
comme
des salons dont les miroirs doublaient la
perspective, nous nous
épanouissions dans un
bien-être inespéré.
—
Voulez-vous aller au fort de Vaux?
demande
à
brûle-pourpoint
Occasion unique.
Il
me
commandant.
le
faut trois officiers cette nuit,
l'un au fort, l'autre au village de Vaux, le troi-
sième à Damloup. Départ dans un quart d'heure. J'avais
exprimé
le désir
d'accomplir ce pèleri-
nage. Je suis servi à souhait l'ordre est immédiat. :
—
est nécessaire, ajoute-t-il,
Il
nuit, afin d'explorer le terrain
Un
quart d'heure
automobile,
le
après,
au
de partir de
petit jour.
nous montons en
capitaine L..., de l'état-major du
corps d'armée, et moi. Nous prendrons au passage le
capitaine H... à l'état-major de la division.
Nous suivons
la
route d'Étain, puis laissons la
voiture pour gravir à pied une pente boisée et
gagner naire.
le
poste de
La région de
commandement du la
mort commence. Au bord
du chemin que nous venons de vêtrent,
se
division-
quitter, s'enche-
mêlent des débris de chariots, des
LE CHEMIN sacs ouverts, fusils et
47
harnachements
des
souillés, des
des corps gonflés de chevaux jambes en
l'air, intestins
dehors. Dans
le bois, les
branches
cassées obstruent parfois le passage, les pieds
s'accrochent aux souches ou trébuchent dans les
Quand
entonnoirs.
notre voisinage,
les
obus écrasent
Car
la
suie, lanuitclaire.
nuit est toute claire. Entre les arbres
coule la lumière bleutée de la lune qui
jour adouci, refusait de
de
dans
une colonne de fumée noire
comme une poussière de
tache,
le sol
pudique,
délicat,
nous
laisser
comme
approfondir
un
fait si
elle
les blessures
la terre.
Nous descendons maintenant dans un ravin par un sentier en lacets pareil à un sentier de
montagne. La pente hâter
:
est forte et
mieux vaut
se
l'endroit est repéré et copieusement arrosé
sans répit.
Un
cadavre est
Plus bas, devant
le
là qu'il faut
poste de
enjamber.
commandement, un
autre qui parait dormir sous son casque.
main pieuse écrabouillé.
a
recouvert du casque
le
Une
visage
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
48
Nous entrons dans loir,
le sol creusé.
où dorment, serrés,
les
agents de liaison,
une pièce boisée, avec un siège dans
fond, un
le
lit
de
fer.
Après un cou-
et
une
table, et,
Le maître de céans,
général de B..., est penché sur sa carte. redresse en nous voyant.
Il
:
se
est jeune, allègre, la
parole nette, les yeux lucides. fatigue
Il
le
Un
seul signe de
poches qui se sont creusées sous les
les
yeux. Combien en ces chefs qui,
ai-je vus,
en pleine action, de
dominant l'épreuve physique
et le
risque, et portant sans faiblir le poids de toutes les vies confiées à leurs ordres, les plus fidèles
quand
leurs aides
succombaient au sommeil ou à
l'in-
quiétude, employaient tranquillement leur cer-
veau à l'étude d'un plan et réglaient minutieuse-
ment, sans de
les
la fièvre,
mauvais conseils de
les
moindres
la
hâte et
détails d'une opéra-
tion!
Les Allemands sont au pied du fort de Vaux et
même
ils
sont à mi-hauteur. Les pentes des-
cendent tout d'abord sans hâte, devant
pendant un espace de
trois à
le fort,
quatre cents mètres
LE CHEMIN
au plus, puis la
elles
49
coulent brusquement jusqu'à
plaine de Woëvre. Cette descente rapide fait
un angle
droit
que notre
artillerie
ne peut battre
à cause de ses trajectoires. Les Allemands sont installés
là.
importe de
Il
village et, plus à l'est,
situation
s'est
le
aux abords de Damloup?
faut, avant d'agir, la
ment. On
déloger. Quelle
au bas d'Hardaumont, sur
ligne suivent-ils
Il
les
déterminer très exacte-
battu ces jours derniers
et la
demeure quelque peu confuse. Notre
caravane se coupera donc en trois
nous aura son objectif Vaux, :
;
le fort et
chacun de
Damloup,
chacun son guide. Et je
me
mon-
souviens de ces conciliabules en
tagne avant d'entreprendre une ascension qui présentait telles ou telles difficultés, ou, dans la
cabane de Lovitel en Dauphiné, de ces
petits
conseils de guerre, la veille d'une chasse au cha-
mois
:
l'un prendrait tel sentier, l'autre tel cou-
loir; attention,
il
y a un passage dangereux,
il
convient d'emporter un bout de corde.
Après
main
et l'on
quoi, au petit jour, on se serre la
A
,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
50
part chacun de son côté pour se retrouver au
rendez-vous.
Nous remontons voici dans
un
la
pente du ravin et nous
bois de plus en plus clairsemé. Oui,
départ pour une ascension
c'est bien le
difficile.
L'air est vif, les étoiles sont à peine visibles tant
lune brille. Lorsque l'on gagne de l'altitude,
la
végétation se raréfie
la
les
:
arbres se rabou-
grissent, quelques mélèzes tenaces,
aux racines
tordues, s'obstinent à croître, puis c'est la zone
des arbustes étiolés et maigres, et enfin, plus rien que la terre nue.
retrouve
mais les
ils
ici
:
La
autour de moi
même ,
il
progression se
y a bien des arbres
sont en morceaux, les branches brisées,
troncs meurtris, les racines
sorties
du
sol
crevé, et bientôt ce ne sont plus que de lamentables balais.
ou
la
Le sommet ne doit pas
région des glaces et de la désolation.
La montagne tage du silence.
murmure et
être loin,
même
a pourtant l'incomparable avan-
On
s'habitue
si
vite
au régulier
des torrents qui roulent dans les fonds, ce
murmure
fait
comme une chanson
LE CHEMIN intérieure qui est
accompagne
obsédé par ce
51
la rêverie.
continuel
Ici,
sifflement
l'on
aigu,
menaçant, inquiétant qui précède l'éclatement des obus. Et parfois
il
faut s'arrêter, se coucher
ou plonger dans un entonnoir l'embarras du choix ser les rafales. repart.
La
—
on n'a que
— attendre pour
Quand
le
laisser pas-
barrage s'interrompt, on
terre est percée
comme une écumoire
hommes ou chevaux,
aux carrefours
les
se multiplient.
La lumière nocturne
cadavres,
;
les
recouvre
d'un mystérieux suaire. Arrêt à la carrière qui est
dement de
la
brigade.
Là
le
poste de
aussi veille
comman-
un chef qui
achève de préparer l'opération ordonnée. Grand, très
jeune d'aspect,
le
verbe haut, l'abord franc,
on retrouve pareillement en traîneurs l'élan.
d'hommes qui
Et quelle clarté
sait ils
exposés et leurs prévisions
dans ces prévisions
le
lui cette race
!
d'en-
unir la méthode à
ont tous dans leurs Quelle place occupe
souci des vies à
ménager!
Quelle franchise dans l'accent, quel art d'aller au
but directement!
Il
n'y a plus
ici
ni flagornerie,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
52
Une
ni vanité, ni désir de plaire.
morale par
tion
commandement
le
Quand on connaît
sorte d'élévas'est
faite.
question traitée, une simple
la
conversation téléphonique est un modèle de précision de langage
et
de justesse de raisonne-
ment. Ainsi, d'un poste à l'autre, le dialogue se con-
tinue dans la nuit.
On
croirait visiter successive-
même
ment des catacombes où
le
à la chétive clarté de la
lampe du sanctuaire. Et
office se célèbre
emporte une impression de respect religieux.
l'on
— Bonne
chance
!
me
souhaite
me
reconduisant sur
me
reposer quelques heures.
Il
le
le
colonel en
pas de la porte. Je vais
deux heures du matin.
est
Le plus mauvais passage
reste à
franchir
:
quinze à dix-huit cents mètres sur un plateau qui,
de jour, est çà et
là
vaguement protégé contre
vues par des boqueteaux
— mais vert.
la
Au
fileront
— quels
les
boqueteaux
î
plupart du temps est en plein décou-
clair
de lune, nos silhouettes ne se pro-
guère sur
le
chemin de
crête; le retour,
si
LE CHEMIN
nous repartons après
le lever
53
du
soleil, sera
un
peu plus compliqué.
Nous marchons à capitaine P.
,
. .
la file
indienne,
de l'état-major de
la
le
guide,
le
brigade, qui a
voulu m'accompagner, et moi. Les obus tombent
comme devenue cendre.
La
grêle. si
terre qu'ils
friable
qu'elle
ont remuée est à de la
est pareille
Quinze à dix-huit cents mètres,
beaucoup plus long qu'on ne
croit.
de presser chaque seconde de
On
a le
c'est
temps
sa vie.
Ce sont encore des souvenirs de montagne qui
me
reviennent à
passage d'un col,
de Fée et
la le
la vallée
mémoire. Cette
Neuweisthor, entre de Zermatt dans
Valaisanes. Nous avions pris un il
fallait suivre
fois, c'est le
la vallée
les
Alpes
chemin étrange;
une arête qui, de chaque côté, don-
nait sur l'abime
:
à droite, on distinguait
une cre-
vasse peu attrayante; à gauche, tout au fond, la petite ville italienne de si
directement sous
soi
Macugnaga
apparaissait
qu'on avait l'impression
de rouler certainement jusque-là, à deux ou
trois
mille mètres de profondeur, au cas où l'on trébu-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
54
L'arête était
cherait.
étroite
si
que
les
deux
pieds ne s'y pouvaient placer côte à côte,
et
qu'on ne savait où poser son piolet. Pour aggraver la situation,
si
le
guide de tête était solide,
porteur qui marchait à la queue de
la
cordée
avant de partir. Nous étions à
s'était saoulé
le
la
merci d'un faux pas de cet ivrogne. Mais son
honneur
professionnel
avait
passé
dans
ses
jambes. L'arête aboutit à une sorte de tour de
un
pierre où l'on peut souffler en s'accrochant à
me
sérieux point d'appui. Là,
mon homme, hors de et
ruisselant de
la tête
recouvré
:
il
sueur et
les
yeux
avait éliminé tout son alcool
de ses facultés de
plénitude
la
retournant, je vis
guide.
La
piste
que nous suivons n'est pas
mais autrement redoutable.
A chaque
faut franchir des corps jetés en travers.
si
ardue,
instant
Tous
il
les
dix ou douze mètres, et bientôt tous les cinq ou six pas,
nous sommes contraints d'enjamber un
cadavre ou
même
uns déchiqueté*,
des grappes de cadavres, les
les autres
dans
la
position de la
LE CHEMIN course,
comme
pleine action.
s'ils
La
55
avaient été
foudroyés
en
clarté de la lune atténue l'hor-
reur de leurs blessures sans la voiler tout à
fait.
Beaucoup d'entre eux sont de ces coureurs qui assurent les liaisons, portent les ordres, indiquent les itinéraires.
qualités
Dans cette guerre, où toutes
d'héroïsme
rendre un spécial
rivalisent,
hommage
il
convient de
à ces soldats qui,
tandis que leurs camarades se terrent
peuvent sous l'averse de
les
comme
fer, s'élancent à
ils
décou-
vert pour suppléer à la difficulté des signaux ou
à
la
les
rupture des lignes téléphoniques. Par eux efforts
se
coordonnent, l'entente se réalise
sur tous les points du front, la chaîne des unités se maintient. Si l'un
tombe, un autre aussitôt
remplace. Ceux qui restent sont toujours dispos ils
offrent
même
leurs services avant
le :
que leur
tour soit venu. Prêts aux plus dangereuses missions,
ils
composent une garde mobile autour de
leur chef et sont
ment de les
sa
le
prolongement,
le
rayonne-
pensée qui, par eux, dirige au loin
volontés et règle ou rectifie les dispositions de
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
56
combat. Ceux qui sont tombés
là,
ou du moins
quelques-uns d'entre eux, semblent avoir dans
la
mort
la
pose
des
antiques
pris
éphèbes
qui se transmettaient la torche sacrée. Est-ce la
lune qui m'aide à voir ces blanches statues brisées? Retrouverai-je au grand jour cette vision
marmoréenne? Le jour cru la
beauté de
la
mort.
Le soldat qui nous train.
11
n'est pas favorable à
donne
sert de guide
marche bon
des arrêts, quand
le signal
obus tombe trop près de nous, ou quand
un la
cadence des éclatements indique un barrage systématique.
Il
ses haltes et
ne choisit pas l'emplacement de
nous
fixe tout à
cadavres, trop heureux
si
coup
le
nez sur des
nous ne recevons pas
au visage des éclaboussements de chair morte écrasée à nouveau par l'effroyable pilon.
Mais pourquoi s'arréte-t-il en ce
cadence précisément semblait se le
cas d'en profiter.
mort. les
11 le
Le
moment? La
ralentir. C'était
voilà qui dépouille
un
soulève à demi et lui retire une à une
courroies qu'il portait en sautoir. Ainsi dégage-
LE CHEMIN
57
quatre ou cinq bidons de deux
t-il
débouche
et flaire tour à tour,
non sans inquié-
obus qui pourraient
tude à cause des
rompre dans son opération. Sa
tant de
méthode
figure
s
l'inter-
éclaire
:
Celui qu'il a dépouillé avec
est potable.
l'eau
litres qu'il
un ravitaillement en eau,
portait
et l'eau, sur ce plateau desséché, est aussi pré-
cieuse qu'au désert est
La source où
au bas des pentes
ver, ni d'en revenir.
:
l'on va puiser
on n'est pas sur d'y
Au
fort, tant
pirent après les fraîches fontaines
Le guide, ceinturé de
arri-
de lèvres sou-
!
ses courroies
de bidon,
reprend hâtivement sa course, nous entraînant
comme un A
chevreuil une meute.
cette allure
nous dépassons une caravane de
porteurs chargés d'un lot de grenades qui che-
minent
aussi vite
que
le leur
permet leur charge,
sous la pluie de fer. Rien n'arrive
d'homme. Pauvres est encore la plus
C'est
La
petits
ici
hommes dont
qu'à dos le
cœur
grande puissance militaire!
—
une guerre scientifique, a-t-on proclamé.
victoire est
au matériel. Le matériel écrase et
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
58
— Et quand
détruit tout.
l'artillerie croit
avoir
tout détruit, la volonté
humaine oppose encore
des poitrines de chair
:
supporté, gissent
le feu, la
du
donné de
faim,
des
exemples de
Le paysage
est
ont tout
le froid, la soif et
sur-
Aucune guerre n'aura
sol bouleversé.
tels
hommes
la supériorité
comme
humaine.
brûlé. Les laves d'un
volcan, les secousses d'un tremblement de terre, tous les cataclysmes de la nature ne l'auraient
pas davantage écorché. C'est un chaos sans
un
nom,
cercle de l'Enfer de Dante. Je cherche dans
ma mémoire
des visions comparables
:
peut-être
certaines solitudes alpestres dont les glaciers se
sont retirés, où les moraines alternent avec les
abîmes, et qui n'ont jamais entendu un chant d'oiseau ni subi
un contact
vivant.
Les entonnoirs se touchent, s'ouvrent
comme
des cratères béants- Des branches coupées, des blocs roulés, des détritus de toutes sortes et des
débris
humains
monte du
se mêlent.
Une odeur
sans
nom
sol convulsé.
Voici que devant nous se dresse une muraille
LE CHEMIN
59
recouverte de terre. Elle porte des balafres et
par ces fissures
somme
fossé. Mais,
dans
pierres ont coulé
les
le
toute, elle a subi l'avalancbe
sans fléchir. La porte voûtée est aux trois quarts
masquée par une masse de béton qu'a détachée
un obus de 380 ou de 420.
C'est l'antre
du Cy-
clope que bouchait une pierre et qui reçut Ulysse et ses
compagnons. Dans
l'intervalle libre
nous glissons en hâte, car l'ouverture
lement battue par vres, plus
assommait-il
les
solides
Cyclope
l'attestent. Ainsi le
étrangers.
Quelle n'est pas rieur du fort
est spécia-
ennemie. Les cada-
l'artillerie
nombreux,
nous
ma
surprise en trouvant l'inté-
intact!
Il
fut
construit
avec de
matériaux, pour avoir résisté à un
martelage.
L'escalier,
les
couloirs,
les
tel
pièces
sont encombrés. C'est un spectacle curieux qui grouille à la lumière des
lampes électriques
dormeurs étendus dans toutes couchés n'importe où,
mêmes pour
tenir le
les poses, les
les autres repliés sur
:
uns eux-
moins de place possible,
tous rebelles aux bruits, refusant de se réveiller,
€0
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
goûtant cette détente ineffable du sommeil hors
du risque; corvées chargées
ment un passage
se frayant difficile-
à travers la cohue
;
hommes de
garde redescendant ou remontant à leur poste; blessés
portant
sur leurs plaies
des bandages
blancs; sections groupées, isolés cherchant leur
compagnie.
On
ment, auquel
devine la cause de cet encombrefaut porter remède.
il
son plateau, joue tagne où
les
le rôle
Le
fort, sur
de ces refuges de mon-
caravanes perdues viennent s'abriter
contre la tempête. C'est
le
havre de salut
:
celui
qui parvient à franchir la zone dangereuse respirera à l'aise sous l'arc des voûtes.
Peu à peu nise.
le défilé
La droite
est
s'ordonne, la cohue s'orgaréservée aux
entrants,
gauche aux sortants. Voici l'ambulance, poste et voici le
la
voici le
commandement.
Notre guide obtient à l'arrivée un
Son harnachement de bidons
lui
joli succès.
vaut d'être ac-
La source
la
plus proche est au ravin des Fontaines, et
le
clamé. La soif
ici
fait
des ravages.
ravin est sans cesse criblé de mitraille. Cepen-
LE CHEMIN
61
dant on risque sa peau pour aller boire. L'eau crée des mirages
si
douloureux. Dans
informes qui leur servent d'abris,
troupes,
les
bouche brûlée, attendent de Teau avec
la
on en
est réduit, parfois,
sillons
les
fièvre
:
à boire l'eau corrom-
pue, l'eau pourrie qui stagne
dans
trous
les
d'obus; on en est réduit à boire son urine. Qui dira jamais toutes les souffrances endurées
Verdun
Un
et
pour
France qui
la
soldat déjà vieux,
un
est derrière?
territorial sans doute,
arrive avec des boules de pain sur le dos. fale,
il
souffle,
est foute
— Tu Où
blanche
de
:
la
un geste vague. Le
tait.
Où
geste de
les les
de garde.
corvée? reste de la corvée n'a
pas suivi, n'arrivera jamais.
chercher
Il s'af-
sue à grosses gouttes et sa face
es seul? interroge le sergent
est le reste
Il fait
il
pour
Cependant
il
faut
approvisionnements qu'elle apportrouvera-t-on? Loin d'ici? Nouveau
lassitude, d'indifférence, d'ignorance,
on ne peut deviner.
— Explique-toi,
à la fin.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
62
Le soldat pose
—
sa charge, se redresse
J'y retourne,
dit-il
simplement. Et
passe le seuil, suivi de deux
par
:
hommes
re-
il
désignés
le sergent.
Le commandant du domaine, toires
les
fort
me
casemates de Bourges,
dont l'un peut
son
visiter
fait
les
observa-
servir, la tourelle
démunie
de 75. Nous croisons
le
commandant du
taillon de chasseurs, qui tient le secteur
fort jusqu'au village, et
3 e ba-
devant
le
l'aumônier du bataillon,
l'abbé G..., qui, sous le casque, avec ses traits patines et sa barbe longue, ressemble plus à croisé qu'à
un moine.
Celui-ci arrive de la re-
doute voisine, petit ouvrage où
un poste de secours
— Hier,
me
qu'il a
dit-il,
il
avait installé
dû déplacer.
nos chasseurs y avaient
ramené un prisonnier tout gémissant qui ne sait
de répéter d'une voix lamentable
derî Vier Kinder !
»
pas l'allemand,
il
un
:
«
Vie?'
ces-
Kin-
Et pour ceux qui n'entendaient
montrait de
la
main une suc-
cession de tailles échelonnées et comptait quatre
sur ses doigts. Nos
hommes
l'installèrent à l'in-
LE CHEMIN
un coin de
térieur dans étroite,
G3
la
redoute qui est très
quand eux-mêmes,
faute de place, res-
taient exposés sur la porte
commandant
aux
éclats d'obus.
Le
qui passait a fait cesser cette ano-
malie. Et, tout en lissant sa barbe,
phiquement
— Après Il
il
ajoute philoso-
:
tout, ce qui
tombe vient de chez eux.
estjuste qu'ils en apprécient la qualité.
Le commandant du parapets qui,
fort
me
conduit sur
sans cesse écrasés,
les
sont rétablis
sans cesse.
— Attention, pour y
aller,
il
faut traverser au
une zone que bat une mitrailleuse enne-
plus vite
mie. Plus perfides que les sifflements d'obus, abeilles
nous passent au-dessus de
lui-même ne lés,
dans
guetteurs
se presse
la terre et,
la tête,
les
mais
nullement. Là sont instal-
creusée, tant bien que mal, les
sous des abris à peine plus résistants,
nos mitrailleuses.
Le
petit jour
commence
à poindre, effaçant la
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
64
lune.
A demi couché
sur
le
parapet, je vois se
lever la plus radieuse aurore de printemps. Elle
de
réveille les plaines
mine
les
la
Woëvre dont
ruisseaux et les mares. Voici
elle illule village
de Vaux à gauche, et voici celui de Damloup à droite. Plus loin, cet important
maisons
détruites,
n'est-ce
agglomérat de
pas
Leurs
Étain?
ruines blanches, au soleil levant, dessinent une dentelle de pierre, évoquent des cités d'Orient.
Et voici les pentes sombres d'Hardaumont. Douau-
mont nous domine, Douaumont que l'ombre garde encore
comme un mauvais
Mieux que l'ennemi, pentes du
la
génie.
lumière gravit
Elle est rapide et légère
fort.
une messagère de bonne nouvelle. elle
me montre
là,
les
comme
Souriante,
devant moi, à deux ou
trois
cents mètres en avant de la contrescarpe, sur le
gazon qui descend, de nombreuses bosses verdâtres presque alignées. Ce sont les cadavres alle-
mands, fauchés aux assauts du 9 mars. tombés devant
les
nombrer. Déjà
le
fils
de
fer.
compte n'y
On
Ils
sont
pourrait les dé-
est plus.
Avec des
LE CHEMIN
65
crocs ou des cordes leurs camarades, la nuit, les tirent à eux.
Le et
soleil s'est
monte
détaché de
vite à l'horizon.
douceur exquise dont
le
la
La matinée
et
est
J'ai derrière
pattes sans
remuant
charmante
becquetait la lumière.
pour
les
petite chose vivante
qui vibre sans se déplacer en face de moi,
tète
moi un
changer de place dans l'atmosphère
rose. Je vois cette
elle
d'une
devant moi un charnier. Cependant une
alouette chante en battant des ailes et
si
la terre
contraste est étrange
avec ces paysages tragiques.
chaos
bordure de
la
Un
chercher des yeux.
comme
guetteur lève la Il
regarde un
la
instant avec tendresse, puis reprend son observation.
Les obus qui passent ne
dérangent
la
point.
Que
se passe-t-il
donc là-bas, parmi
les
cada-
vres aux uniformes verts? L'un d'eux a fait
mouvement;
il
se glisse
dans l'herbe
un
comme une
couleuvre. L'ennemi se sert des morts
comme
d'un bouclier ou d'un trompe-l'œil et vient ainsi reconnaître
le
terrain.
Un
guetteur a surpris
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
66
comme moi
cette
anormale résurrection.
Il
tire.
Rien ne bouge. Nous avons dû nous tromper.
Longtemps
après,
un peu plus bas qu'au point
un corps bondit
suspect, disparaît
à
où
l'endroit
subitement davantage
Gomme rizon et lines.
d'un saut brusque
et
pentes s'inclinent
les
et font
en montagne, je
un angle mort.
mon
fais
donne des noms aux vallons
Douaumont, sur ma gauche,
plus haute (388 m.)
et
est la
arrière, qui soutienne la comparaison.
que
sa
menace pèse
aux
col-
cime
la
n'y a que Souville, en
il
:
tour d'ho-
Il
semble
sur tous les alentours. Je suis
séparé de lui par les pentes boisées de VauxGhapitre, par
par
les bois
se
dresse
le
ravin
du
montant de
comme une
que
je devine, et
la Caillette.
Hardaumont
Bazil
au-dessus de la
falaise
Woëvre. La Woëvre à perte de rue s'étend, coupée de boqueteaux, de routes.
Au grand jour
villages,
je vois
mieux
striée
sa misère
que l'aurore, compatissante, dissimulait. Son inculte ressemble à droite,
un
de
sol
vaste marécage. Sur la
mes yeux rencontrent
la
tache noire du
LE CHEMIN bois d'Herméville.
m'en cache une C'est
sur
là,
La
67
suite des
Hauts de Meuse
partie. le
village,
contre
ces pentes,
contre Damloup, que l'ennemi s'est brisé. Et fort,
le
sur son plateau, avec sa superstructure à
demi écrasée,
ses
semble être
formidable carcasse d'un cuirassé
la
doubles murailles ébréchées,
qui flotte sur les eaux et que son équipage n'a pas quitté. La tempête a cru
vaincu
le
foudroyer et
il
a
tempête.
la
Nous nous sommes longtemps attardés pour tout voir selon nos instructions. le soleil est
Neuf heures du matin
déjà haut. Le ciel est clair, les vues
sont bonnes, l'observation facile, et
boches nous regardent.
Il
La traversée de
repartir.
:
est plus la crête
les
ballons
que temps de risque d'être
malaisée.
En
effet, la sortie est difficile.
Nous sommes
cadavres,
maintenant indiscrets,
un
fil.
Les
exhibent
de
aussitôt encadrés. L'existence tient à
hideuses blessures. Quelques-uns seulement sont intacts
:
j'ai
peine à retrouver
les statues brisées
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
68
du
clair
de lune. Et
dans une révolte de celle d'être ainsi
n'être
même
sentiment de
le
l'être,
supprimé
plus
mort
revêt,
une horreur spéciale
:
et volatilisé, celle de
un mort, mais un amas ano-
nyme, ou une poussière de la
la
chair. Gela, et aussi
pensée de n'être pas enterré. Cette pensée n'est pas davantage
même. Nous avons
venue
d'elle-
franchi deux cadavres
petit soldat tout jeune,
:
un
imberbe, classe 1915 sans
doute, recouvert d'un peu de terre, deux ou trois pelletées qui ne réussissaient pas à le cacher, et,
tout près de lui,
un brancardier désigné par son
brassard de la Croix-Rouge, la tête fendue, tenant
encore une bêche à été tué
comme
devoir funèbre.
donnés.
Il
il
la
main. Le brancardier a
essayait d'accomplir son pieux
Ici, les
faut laisser la
morts doivent être aban-
mort ensevelir
Une légende rapporte que
les
les
morts.
âmes de ceux
qui n'ont pas été déposés en terre sainte errent
dans l'espace sans jamais trouver de repos. Mais le sol
de
la Patrie
envahie est une terre sacrée.
Qu'ils reposent en paix, ceux qui se sont couchés
.
LE CHEMIN sur elle en la défendant!
Du rappel de
L'Église
qui accompagne
mémento quia pulvis
es,
des cendres sur
front des fidèles,
le
69
la
:
pose
aurais-je
imaginé jamais paraphrase plus éloquente?
Une
dernière caravane de ravitaillement nous
croise. Elle n'a pas
pu atteindre de nuit son but.
Le jour on ne va pas au
fort d'habitude.
— Allez-vous jusqu'au — On — Bonne chance. essaiera.
.
fort?
III
LE MAITRE DE L'HEURE (14 mars)
Dans la cour de passé une
si
cette caserne de
courte nuit,
il
Verdun où j'ai
y a un peu plus d'af-
fluence que d'habitude. Et chacun suit du regard
deux généraux qui
L'un
est
promènent d'un pas
vêtu de
comme
troupe,
se
tout
bleu le
horizon,
lent.
comme
la
monde. Son visage brun,
dont je connais bien toutes
les expressions,
et
qui unit tant de bienveillance à une intelligence
en quête de précisions et de certi-
toujours
tudes, livre le secret qui le tourmente.
mande ment
le
secteur
attaqué,
le
le
com-
plus exposé, le plus violem-
plus délicat de tout le front de
l'armée qui couvre Verdun,
de tout
le
au
de Douaumont et
fort
Il
et,
en ce moment,
front de l'armée française. il
défend
Il
le
touche fort
de
LE MAITRE DE L'HEURE
Vaux.
vit
Il
hommes
71
de cœur et de pensée
avec ses
qui sont là-bas dans l'ouragan de fer et
qui tiennent le coup.
Il
soulève
le
fardeau de
leurs privations et de leurs efforts. L'inquiétude
de savoir Et ses
le
traits
dévore. Le souci de vaincre
en ont
les
creuse.
le
beaux stigmates.
L'autre, de haute taille massive, porte l'ancien
uniforme, dont leurs
les
yeux ont désappris
cou-
culotte rouge, tunique noire, képi rouge
:
à la double rangée de feuilles de chêne. fixer
les
Il
semble
au-dessus de son interlocuteur un point
invisible.
Il
semble suivre, tout en écoutant, un
songe intérieur. Le visage est barré d'une épaisse
moustache blanche. Les yeux ont une expression lointaine.
La
réalité présente leur suffit-elle,
ou
une carte du monde pour
les
faut-il, peut-être,
contenter? Voici que tous deux se sont arrêtés près de notre
groupe. Le grand chef dit à son compagnon,
comme
s'il
— un
donnait une conclusion à leur diadialogue où
ilogue
qu'ici la parole
:
il
a pris à peine jus-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
72
—
C'est bien, et
maintenant vous pouvez être
tranquille.
L'autre parait surpris.
Il
dans une inquié-
est
tude mortelle et on l'engage à
la tranquillité
!
Il
paraît attendre autre chose; c'est pourtant bien
conclusion en effet.
la
appelée.
Vous pouvez
Paix
me
être tranquille.
Un de mes cama-
dans ses courts
relit
et qui est
loisirs
aide
Guerre
et
doué d'une prodigieuse mémoire,
André Bol-
rappelle le passage où le prince
konsky,
a été
salue, c'est le départ.
Il
rades qui
Une automobile
de camp du général Bagration,
vient rapporter à
son chef ce qu'il a pu sur-
prendre des forces adverses qui menacent l'armée russe «
:
En
devant
une
l'écoutant, le prince Bagration regardait
lui, et le
prince André se demandait, avec
curiosité inquiète,
en étudiant
les traits for-
tement accusés de cette figure dont étaient
à
moitié
les
yeux
fermés, vagues et endormis,
quelles pensées, quels sentiments se cachaient
derrière ce
masque impénétrable.
»
,
.
LE MAITRE DE L HEURE
Les yeux, loin,
:3
regardent, mais regardent au
ici,
comme pour
au delà de
voir
l'horizon
de Verdun.
—
bien
C'est
comme
dit
simplement Bagration
ce qu'il venait d'entendre avait été
si
prévu par
.
lui.
Et ce qu'il vient d'entendre, c'est
la
menace
pesant sur son armée.
Ce qu'il vient d'entendre ne a
répondu
:
—
c'est bien,
l'a
pas troublé.
comme
si
la
Il
menace
ne pouvait en rien déranger ses plans. Plus tard, le sens de ce souvenir, éclairant la
phrase qui m'avait presque scandalisé, devait sin-
gulièrement se préciser dans gir
comme
mon
esprit et s'élar-
ces cercles qui, d'un jet de pierre, se
forment dans l'eau qu'en atteignant
et
ne
les rives.
cessent de s'étendre .
IV les premiers comrats de
vaux
(9-10-11 mars)
16 mars.
De
la
route, je vois des soldats étendus sur
l'herbe, se chauffant au soleil printanier, ou pé-
chant dans
la rivière,
ou jouant au ballon
comme
des collégiens. Des autobus les ont cueillis non loin
du champ de
bataille
ment, pour
les
transporter
campagnes.
Ils
n'entendent
de Verdun, brusqueici,
dans
même
la
paix des
plus le canon.
C'est étrange, ce contraste entre l'enfer de
Vaux
et ces bucoliques.
La
vallée
de
la
Saulx
est,
meusiennes volontiers un peu la plus riante, la plus fleurie,
Une eau
claire
en arrose
parmi
les
vallées
tristes et graves, la
plus coquette.
les prairies et allonge
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX
75
indéfiniment son cours par ses méandres. Voici Montiers-sur-Saulx, où cantonne pour quelques jours la 303 e brigade. Le sire de Joinville y de-
meura
:
on peut
lire
charte par laquelle
il
aux archives de
mairie
la
concéda aux habitants
la
l'ex-
ploitation d'un partie de son bois. Jeanne d'Arc
songeant à sa mission. Les troupes
le traversa,
en casque bleu-gris qui circulent sur centrale où joue la
musique
la
militaire ne sont pas
très différentes,
dans leurs uniformes
leur salade, des
hommes d'armes du temps
Par petits groupes
les
hommes
se
allument leurs pipes, causent avec C'est
place
clairs et sous
jadis.
promènent,
les habitants.
une vision de manœuvres pendant un jour
de repos,
et
même
les
démarches sont
si
alertes
qu'on imaginerait des troupes fraîches nouvelle-
ment débarquées Cependant vant
la
et prêtes à rejoindre le front.
la sentinelle
qui
monte
la
garde de-
mairie a son casque troué. D'autres cas-
ques sont bosselés ou défoncés. L'un ou l'autre de ces paisibles promeneurs a
la
main bandée ou
quelque cicatrice au visage. Le colonel qui com-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
76
mande dont
brigade porte à
la
la
joue une estafilade
sang achève de sécher
le
modestes bles-
:
sures qui n'ont pas été estimées dignes d'une évacuation.
Ces hommes-là sont ceux qui ont contenu
les
assauts des Allemands contre le village et le fort
de Vaux
les 8, 9 et
peine qu'ils ont
10 mars.
Ils se
souviennent à
reculer l'ennemi;
fait
trop occupés à oublier leurs misères, neige, le
manque de sommeil,
les
ils
sont
le froid, la
longues heures
passées accroupis dans des trous de loup, les
camarades perdus,
présence continue de
la
mort pendant ce bombardement qui
la
brise les
nerfs et broie la pensée.
Aucun d'eux ne une aventure
un mot,
si
de lui-même allusion à
fait
proche
:
qu'il faut être
par-ci, par-là,
de
la partie
seulement
pour com-
prendre. Plus tard,
chez eux ou sur un autre
théâtre de la guerre,
quand
devenu
le
passé,
ils le
ce passé-là sera bien
raconteront à leur façon.
Encore ne tarderont-ils pas à
le
mêler à d'autres
événements antérieurs ou postérieurs. Pour
le
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX
moment,
ils
se contentent
de dire que Verdun
enfonce tout, et l'Argonne,
Champagne,
bois
le
l'Artois,
et
d'Ailly,
et
graduer
à
aucune
mérites.
les
bois le
le
satisfaction
à
revenir
passeront pas »
Et
.
posément
malgré ils
«
leur
n'éprouvent
Ils
sur
accompli, sauf pour affirmer que
lourde
et la
Ces comparaisons de connaisseurs suf-
Prêtre. fisent
et
77
ce qui
est
Boches ne
les
sacrée
artillerie
s'ouvrent à la joie de revivre
et sans risque.
Pour un peu
ils
se tâte-
raient les os afin d'être surs qu'ils sont encore
bien vivants. Les visions de cauchemar qui leur
reviennent
les
en feraient douter encore.
Il
faut
sans hâte prendre contact avec leurs chefs et avec
eux-mêmes pour démêler
petit à petit la vérité et
reconstituer les premiers combats de Vaux. Il
n'y a pas eu à proprement parler de pre-
miers combats de Vaux. Les opérations forment
une chaîne ininterrompue. Maîtres de Douau-
montle 25
ment
février, les
Allemands ont immédiate-
tenté d'utiliser leur succès.
Douaumont ne
pouvait effectivement leur servir que
s'ils
parve-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
78
naient à en déboucher pour marcher sur la ligne
formée devant Verdun par le village
de Fleury à contre-pente de
de Souville et
fort
but
la crête, le
de Tavannes. Dans ce
le fort
tâcheront de progresser à l'ouest, dans
ils
bois
de Froideterre,
la côte
Nawé
le
qui est coupé d'une série de ravins
propices à l'attaque, descendant des pentes de
Douaumont de
la
vers la
Meuse
du Helly, ravin
(ravin
Couleuvre, ravin de la Dame) pour atteindre
l'ouvrage de Thiaumont
et,
de
là, celui
même
de Froi-
deterre.
Leur manœuvre sera
dans
bois de la Caillette et celui d'Hardau-
le
la
à
l'est,
mont, eux aussi traversés par des ravins (ravins de
Caillette et
la
cendre dans par
suite,
le
à
Fausse-Côte) pour des-
de Vaux-Chapitre,
direction de Souville. ils
la
ravin du Bazil et remonter en-
bois
le
de
De
dont
sur le village et
la
conquête
la réalisation
la
l'un et de l'autre côté
trouveront le chemin barré, et
l'est
dans
le fort
ils
s'acharneront
de Vaux, positions
est pareillement indispensable à
de leur plan. Repoussés du bois de
la Caillette, ils
aborderont par
le bois
d'Hardau-
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX
mont
le fort
la
qui donne la clé du ravin du
le village
Bazil et
1d
du ravin des Fontaines.
attaqueront
Ils
par ses pentes nord-est, de front, aidés par
configuration du terrain qui, une fois
le
bas
des pentes occupé, leur permet d'avancer, hors
de
la
vue
et
hors de
la
portée du canon, à cause
de l'angle de chute, jusqu'à mètres du
mur de
trois
contrescarpe.
Notre 303 e brigade (408 e occupe, dans
de
la nuit
tenant
les
tenant
le
er
1
409
e
régiments)
au 2 mars,
le secteur
bataillon
du 408
e
pentes du fort, deux bataillons du 409 e
cimetière et le village. Le fort lui-même
deux compagnies du 71 e
a pour garnison
ment
du
et
Damloup, un
la Caillette à
ou quatre cents
territorial,
régi-
composé de braves gens de
l'Anjou, consciencieux et calmes.
Mais, qu'on
n'imagine pas une ligne de tranchées continues et organisées,
avec boyaux de communication,
abris-cavernes, dépôts de munitions, etc., etc.!
La violence de le
l'attaque allemande déclanchée
21 février contre Verdun a substitué
de campagne à
la
la
guerre
guerre de siège, momentané-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
80
ment. Les lignes de défenses ont été reportées en arrière, et l'artillerie a tellement battu le terrain
qu'elle a détruit tantes.
Il
toutes les organisations exis-
n'y a plus que des trous d'obus et des
amas de décombres.
Il
a fallu tenir sur ce sol dé-
vasté, s'y accrocher, le creuser avec la pioche et,
à défaut de pioche, avec la baïonnette, avec les
ongles, vivre dessus
dedans,
quand on ne pouvait entrer
veiller, tirer, tuer,
mourir sans accepter
de reculer. Les premiers jours qu'elle occupe
progresse légèrement dans
brigade
la
le secteur, le
bois
d'Hardaumont. Une compagnie occupe l'ouvrage sud
et s'y retranche.
bombardement lider.
est
vers onze heures
menée par e
et 19
main Elle
est tel
les 5, 6 et 7
mars,
le
qu'on ne peut s'y conso-
Les ravitaillements se font difficilement.
Une attaque
(6
Mais
les
e
la
imminente. Elle
du matin, sur
se produit le 8,
le village. Elle est
fameuse brigade Guretski-Gornitz
régiments) qui devait avoir le lende-
honneurs du radiogramme allemand.
débouche, partie du bois d'Hardaumont, où
COMRATS DE VAUX
LES PREMIERS
81
notre ouvrage est perdu, partie du remblai de la voie ferrée qui
contourne
le
et qui a servi
de
Les vagues de l'infanterie ennemie
paravent.
parviennent à déborder notre première ligne et à submerger
un
bataillon
arrêtent à l'entrée du village
mitrailleuses les qu'elles
ont
occupent
même
presque entier. Nos
à
réussi
dont
atteindre et
elles
quelques maisons. Devant notre
feu les vagues d'assaut refluent, mais avec les
prisonniers que
leur
a laissés
notre première
ligne débordée.
Un peu se
plus tard,
déclanche plus à
quand une nouvelle attaque
l'est,
entre
cimetière et les
le
pentes du fort, les grenadiers ennemis qui la pré-
cèdent sont revêtus d'uniformes et de casques
dont
ils
ont dépouillé les prisonniers et
en un français chargé d'accent ajoutant
(409 la
e )
même
dont
ils
le
:
«
Ne
ils
crient
tirez pas
»
,
numéro écorché du régiment
portent
les
écussons. Déjà, dans
matinée, pour se rapprocher du ravin, l'en-
nemi
s'est servi
d'une
fois
d'une autre ruse
qu'il
a plus
employée. Des brancardiers, montrant 6
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
82
ostensiblement leur brassard de la Croix-Rouge,
semblent transporter une civière ou creuser une
tombe
une mitrailleuse,
cette civière contient
:
cette fosse est
un embryon de trancbée.
Cette série d'attaques a tout de
même
conduit
l'ennemi jusqu'aux abords du village et du cimetière
de Vaux. Par quelle erreur de liaison s'en
croit-il déjà le
veille l'a-t-il
maître? Son demi- succès de
la
Le 9 mars, au matin,
il
grisé?
e envoie deux ou trois compagnies du 19 régiment
occuper sa prétendue conquête. Les compagnies font leur entrée dans Vaux, tranquillement, en
colonnes, sans reconnaissances préalables. Or un bataillon nous est précisément
dans
la
nuit
mandant
du 8 au
Delattre.
Il
venu en renfort
9, sous les ordres
du com-
accueille cette visite par
feu d'enfer, contre-attaque à la baïonnette rejette
l'ennemi jusque
ravin d'Hardaumont.
Le commandant
diatement
le
fusil à
dépassé
de
la
la
et
la
main, entraîne
ses
un
immé-
dans
le
Delattre,
hommes.
Il
a
cinquantaine, son âge et les fatigues
campagne auraient pu
lui valoir
un repos
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX qu'il a refusé
de
guerre
la
liens sacrés.
un
:
et
un frère tués au cours
retiennent à son poste par des
le
Il
fils
83
sait d'ailleurs
où
il
va.
La
veille
a confié sans tristesse ses pressentiments
camarade
à
pays. C'est un honneur. Après frère, j'achèverai il
meurt en
Dans
la
de
le
mon
mon
effet sur le terrain reconquis.
journée du
village de
et
fils
le
mériter.
9,
l'ennemi revient à la
charge et parvient à s'installer dans
du
un
:
— H y a des familles désignées pour sauver Et
il
Vaux
et
dans
le
la
partie est
cimetière.
Il
essaie
d'atteindre le fort par son versant nord, mais ne
peut l'aborder
:
nos feux l'arrêtent à
qui a été creusée derrière
ou
trois cents
les fils
de
la
tranchée
fer,
à deux
mètres de l'ouvrage.
La journée du 10 sera plus rude encore. s'agit
de justifier
a annoncé au
Toute
fort
la
communiqué mensonger qui
monde
la nuit
née du 10,
le
Il
la prise
du
du 9 au 10 mars
fort de
Vaux.
et toute la jour-
préparation d'artillerie accable
le
de projectiles de tous calibres et tâche de
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
84
l'isoler
par
des
spécialement
Damloup,
le
fond de
le
la
Horgne du côté de
ravin des Fontaines dans le bois de
Vaux-Chapitre et
les
le fort et la partie
un
tée forment-ils
quand
l'infanterie,
de barrage qui arrosent
tirs
avancées de Souville. Ainsi,
du
village qui
écrasé sous le feu,
îlot
elle
nous est res-
où
marchera, croira ne trou-
ver que des déchets de matériel et une garnison
nettoyée
ou
tellement réduite et bouleversée
qu'elle sera incapable d'une défense.
Or 3
e
les renforts
sont venus
quand même. Le
bataillon de chasseurs est en réserve, prêt à
donner son concours à
brigade engagée. Les
du 71 e n'ont pas suspendu
territoriaux
vées
la
d'eau,
de vivres
les cor-
ou de munitions. Les
coureurs n'ont pas suspendu leurs courses. Là est le miracle continu de
bardement sans
Verdun. Sous un bom-
égal, tout se fait, relèves, ravi-
taillements, liaisons.
Une pensée
d'ordre dirige,
l'exécution s'accomplit.
Le commandant Belleculet commande au Outre
les
deux compagnies de
fort
territoriaux,
il
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX dispose d'un bataillon actif.
Il
a
85
organisé
sa
défense en avant du fort, sur les pentes déjà
abordées
de
fils
le fort
de
veille,
la
fer.
que protègent deux rangées
L'ennemi bat moins ces pentes que
lui-même, ou parce
qu'il croit ses
propres
lignes plus rappochées ou parce qu'il veut profiter,
pour amènera pied d'oeuvre
saut, de la chute plus rapide
plaines de
Woëvre après
ses troupes d'as-
du plateau sur
les trois
les
ou quatre cents
mètres de lente inclinaison devant
la
contres-
carpe.
Dès huit heures du matin, de l'observatoire qui a résisté, le
descendre la
les
gauche de
commandant
voit de petits paquets
pentes d'Hardaumont et se masser à la
voie ferrée.
Il
peut évaluer à
trois
bataillons les forces repérées. Sans doute les ré-
serves sont-elles plus considérables, hors des vues.
A sité.
midi,
A six
le
bombardement augmente
heures du soir
il
d'inten-
cesse brusquement.
Le
village et le fort sont attaqués à la fois. C'est la
brusque attaque frontale, audacieuse, presque téméraire, qui a réussi à l'ennemi au début de la
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
86
bataille de
Verdun, qui compte sur
du bois de
pas maître de Damloup,
il
la supériorité
ou l'énervement.
d'artillerie et sur la surprise
n'est pas maître
la Caillette,
et
bélier
Sur
saillant
limite la
pos-
dans nos lignes,
heurte de toute sa violence,
le
il
un
n'est
il
Il
un obstacle déterminé dont
session lui assurerait
Il
n'a aucune prise, ni
sur notre droite, ni sur notre gauche. l'opération à
VAUX
comme un
une porte. le fort, l'assaut est livré
cessives,
par vagues suc-
non pas en cordon, mais en
petites
colonnes, tantôt directement face aux parapets, tantôt en obliquant sur notre gauche, entre le
cimetière et
408 e
.
le fort,
où
il
Des brèches qui n'ont pu être réparées et
qui datent des précédents
dans il,
trouve un bataillon du
les fils
de
fer.
bombardements existent
Sans doute l'ennemi
sur ses photographies d'avions, plus impor-
tantes qu'elles ne sont en réalité.
nos mitrailleuses et nos
De
les croit-
six à huit
heures du
fusils
soir,
il
Il
est
reçu par
sur toute la ligne. revient à la charge
avec une ténacité et une vigueur qu'il est équi-
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX table de reconnaître.
tout prix.
de nos
Il
y met
Il
veut forcer
prix et
le
bonshommes
il
le
ils
passage à
échoue. Les
fusils
s'échauffent tant qu'il faut
demandent
relever les tireurs. Les territoriaux
comme une
87
faveur d'opérer cette relève.
Ma
foi
î
s'appliquent mieux que leurs jeunes cama-
rades.
Ils se
coups de
rappellent leurs affûts et leurs beaux
fusil,
dimanche, à l'orée des bois
le
d'Anjou. Pour bien
ne jamais
A
il
faut
du sang-froid
et
se presser.
l'intérieur
du
fort, les soldats
du bataillon
achevé de nettoyer et graisser leurs
actif ont
armes.
tirer,
Ils
savourent un certain bien-être. Mais
l'un d'eux propose
:
— Les vieux sont
toujours là-bas. Va-t-on les
y laisser, eux devant et nous derrière?
Personne ne rechigne.
Les chefs n'ont pas
besoin d'insister. Mais les vieux ne veulent pas
céder
la
champ de
place
qu'ils
estiment
tir est parfait,
de terrain où
les
dans une trappe.
bonne, car
le
sauf cette sacrée chute
Boches disparaissent
comme
88
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
Le canon de 75
VAUX
a sa part dans la bagarre. Ses
barrages, au bas d'Hardaumont, font merveille.
Des parapets, on voit voler en
l'air les
bras et les
jambes. Les renforts n'arriveront pas. C'est de
la
belle besogne.
dans
Et,
la
nuit
lieutenant attaché à et
envoyé
froid,
l'
sur cette
descend du
taille,
qui
est
venue, un sous-
état-major de la brigade
du champ de ba-
partie
fort
en courant. Malgré
arrive en sueur au poste de
il
le
commande-
ment.
— A boire, réclame-t-il
comme Gargantua
en
naissant.
On
l'entoure,
on
le presse,
on
l'interroge,
on
veut savoir. Le village a résisté dans sa partie principale, mais le fort? L'assaut a rible.
—
A qui
est le fort?
Ça y
est,
dû
répond laconiquement
être ter-
l'officier
en attrapant un bidon.
— Gomment, ça y — Non, Boche le
Et
il
est?
Le
fort est pris?
est battu.
achève en paix sa libation.
LES PREMIERS COMBATS DE VAUX
89
* *
Retour à Verdun dans le-Duc, je
camions
de
tées, les
ou je
croise
automobiles
nuit.
la
dépasse
Après Bardes
troupes
:
matériel du génie, munitions.
campagnes sombres,
longue
trace
pue. Parfois,
lumineuse
une voiture
théories
transpor-
À
travers
ces convois font
presque
une
ininterrom-
est pleine
de chan-
sons.
Je peux mesurer l'entretien de la route à l'ab-
sence de cahots. Dans
le jour,
on
territoriales casser les cailloux,
voit des équipes
combler
les or-
nières, refaire la voie presque sous les roues.
pierre que chacun de l'édifice
ouvriers pose sert à
commun.
Je n'entends pas la
ces
La
voiture,
d'éclairs.
éloigné...
mais
Le
le
la
champ
canon à cause du bruit de nuit
de
est
toute
bataille
palpitante n'est
plus
autour du lavoir
Dans
la
(18 mars)
cour intérieure d'une caserne de Ver-
dun, autour du vaste lavoir,
c'est
une ruée de
chasseurs bleu sombre et de biffins bleu clair qui
combattre
viennent de
ment,
et qui
semblent prêts à en venir aux mains
pour gagner un rang eau
ensemble, fraternelle-
courante.
et se
rapprocher de
Faudra-t-il
établir
un
d'ordre? Le régiment de ligne (158 e ) et e
lon de chasseurs
(3
nuit dernière.
ont
moment
Vaux
service
le batail-
ont été relevés ensemble fait le
de partir, car
village de
La
Ils
)
la belle
ils
la
coup de feu jusqu'au
défendaient
le fort et le
sur lesquels l'ennemi s'acharne.
bataille, c'est,
pour
toire ancienne puisqu'ils
le
moment, de
l'his-
en sont revenus. Après
tant de nuits rigoureuses, la chemise ouverte, les
AUTOUR DU LAVOIR bras nus,
ils
se laissent réchauffer la
soleil printanier.
gronder
et des
Sans doute
le
canon continue de
le
encadrés par
;
les
avions courent dans
les flocons
blancs que les écla-
tements font tournoyer autour vol de mouettes. Mais il
peau par
colonnes de fumée montent de Jar-
din-Fontaine bombardé le ciel,
91
deux comme un
personne n'y prend garde
:
y a de l'eau pour boire et pour se débar-
bouiller.
Imaginez-vous ce que peut être
—
et
d'une eau courante
!
la
vue de l'eau
— pour ces gars qui,
depuis dix jours, n'ont pu se laver ni rafraîchir leurs
lèvres
avec abondance?
Ils
savourent à
l'avance son froid baiser salubre et ceux qui ont
plongé tout entière en
elle leur face
pleine encore de l'éclat
du combat
poussiéreuse, et aussi
misère, la retirent toute ruisselante avec rire
de sa
un gros
de volupté. C'est leur fatigue qui coule. Les
traits
tirés,
plombés, douloureux, en quelques
instants rajeunissent.
Chacun voudrait bien pro-
longer les ablutions, mais pense au voisin qui attend son tour, et de lui-même
il
s'efface
pour
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
92
donner
au suivant. Plus tard, on pourra
sa place
revenir.
A
ou
l'un
l'écart,
Une
fenêtre, sur
l'autre, sur
caisse, installe
en un
une glace, sort une savonnette se raser.
déjà
Le
avec
clients,
coiffeur d'une
une
rapidité
clin d'œil
et s'apprête à
compagnie besogne
d'escamoteur,
prennent
sagement,
un rebord de
la
file.
et
les
Pourquoi
diable, à l'intérieur, les appelle-t-on les poilus? Ici,
le
mot ne
plaît à
quand on ne peut pas mauvais jours,
les
deviennent ensuite relève,
On
personne.
est
poilu
être autrement, dans les
jours cruels et tragiques, qui les
grands jours. Mais, dès
la
on ne demande qu'à reprendre sa bonne
figure habituelle, nullement terrible, nullement hirsute. C'est
une nation d'honnêtes gens qui
se
bat pour ses foyers, pour son sol envahi, pour
son droit et sa liberté, pour tout
le
passé qu'elle
continue, pour tout l'avenir qu'elle est chargée d'assurer, et
non pas une troupe de bohèmes à
demi sauvages, mal
policés, sans feu ni lieu. Les
plus jeunes classes sont d'ailleurs presque im-
AUTOUR DU LAVOIR berbes et
de mieux assujettir
les plus âgées, afin
le
masque contre
le
port de la barbe. Je ne
gaz asphyxiants, ont sacrifié
guère que l'aumônier qui
vois
exception.
les
93
porte
Il
une grande
fasse
barbe
noire,
tachée de gris par endroits, dans laquelle
il
mène un peigne avec
tient à
ne pas
se
obstination, car
montrer moins soucieux de
il
pro-
personne
sa
que ce groupe de jeunes lieutenants que
voici
déjà rasés, brossés, en uniformes clairs et neufs,
moustache retroussée,
la
l'oeil
vif,
transformés
par un coup de baguette magique en freluquets de garnison. Aussi informé qu'un officier d'étatmajor,
le
Père G.
.
.
,
que j'ai déjà rencontré au
de Vaux, parle avec admiration,
fort
mieux encore,
avec tendresse, de son cher bataillon de chasseurs, de ses
«
diables bleus
»
,
qu'il
accompagne
depuis l'Artois et Notre-Dame-de-Lorette (1). sort de sa
poche
le
carnet précreux où
il
Il
note ses
impressions dévie militaire. (i) ...
e
Voir Avec
les diables
bleus,
par P.
C...,
aumônier au
bataillon de chasseurs à pied (Beauchesne, édit.).
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
9Â
— Je voudrais — Laissez-moi
une de vos journées.
lire
celles
Le la
du 16 3
e
et
du
rédiger les
deux dernières,
17.
bataillon de chasseurs à pied donnera de
tablature à son mémorialiste.
sur tous les fronts.
s'est
Il
battu
Le 10 août, en Lorraine,
il
repousse seul, à Provenchères, quatre attaques
allemandes, fortes de quatre bataillons. Le 14, il
est
Du 29 de
bois
la
prendre
pour
Artois.
Le
il
Ghipotte. sa
part
il
il
d'Ypres.
On
c'est la
la
débarque
premier dans
région
En
Il
la
la
en pre-
remonte
croyait ne rien voir de pire, et Veril
retourne en Artois,
de Lorette. Le 8 mai
dans un élan magnifique, Blancs.
de
longue et dure bataille
dun viendra. En décembre, dans
rappelé
est
mière maison d'Ablain-Saint-Nazaire. :
tient
il
bataille
la
d'octobre,
il
subit de furieux
Puis
de
voici qui entre le
plus au nord
19,
août au 5 septembre,
Au début
Marne.
Le
Saint-Blaize.
engagé à Valerysthal où
assauts. les
combat de
au
est
il
1915,
attaque les Ouvrages
juin, c'est le Bois Carré et le
chemin
AUTOUR DU LAVOIR Creux; en octobre, c'est
Verdun
vient
comme un bouquet
Bois en Hache.
le
couronner
95
tous
décore un
ces
souvenirs,
Ne
toit.
Et
dirait-on
pas la tirade de Flambeau? Mais combien de nos
régiments Il
la
a perdu
peuvent reprendre?
deux de
ses
commandants,
mandant Renaud à Bréménil et
en Artois,
des
Ouvrages
Madelin qui cier,
le
8
mai
Blancs,
19 août 1914,
le
après l'attaque
1915, ce
commandant
jeune
était le type le plus
com-
le
achevé de
à la fois calme et entraîneur
l'offi-
d'hommes,
élégant et cordial, brillant et cultivé, frère de
mon
et
compagnon
d'armes, l'historien, aujourd'hui
le
sous-lieute-
nant Louis Madelin, de qui
hasards de
cher camarade de lettres
guerre
m'ont
les
brusquement rapproché
et
m'offre un asile dans sa baraque en planches.
commandant Madelin ont succédé, en
mon ami
le
commandant Pineau que
à l'état-major, puis vient de descendre
le
qui
Au
Artois,
je retrouve
commandant Tournés
du secteur de Vaux où
rencontré, préparant une attaque.
la
je
qui l'ai
96
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Un mouvement
se produit
une compagnie, dont se
dans
je devine
la
cour. C'est pertes, qui
les
rassemble en cercle autour du capitaine et du
sergent-major.
A
figures s'éclairer,
exceptionnel.
voir les cous se tendre, le
rapport
Sans doute y
offre
est-il
un
les
intérêt
question des
cantonnements de repos ou, peut-être, des permissions.
La permission, mirage
où, sur la lu-
mière, se profilent une maison et des êtres ai-
més! Je m'approche. Le sergent-major donne lecture de l'ordre le
du jour adressé
le
10 mars par
général en chef aux soldats de Verdun
:
Soldats de l'armée de Verdun! Depuis trois semaines, vous subissez le plus formidable ASSAUT QUE l'eNNEMI AIT ENCORE TENTÉ CONTRE NOUS.
L'Allemagne escomptait le succès de cet effort qu'elle croyait irrésistible et auquel elle avait con-
sacré SES MEILLEURES
TROUPES ET SA PLUS PUISSANTE
artillerie.
Elle espérait que la prise de Verdun raffermirait
AUTOUR DU LAVOIR
97
le courage de ses alliés et convaincrait les pays neu-
tres de la supériorité allemande.
Elle avait compté sans vous! Nuit et jour, malgré un romrardement sans précédent vous avez résisté a toutes les attaques et maintenu vos positions.
La lutte
n'est pas encore terminée, car les Alle-
mands ONT BESOIN D'UNE VICTOIRE. VOUS SAUREZ LA LEUR arracher.
nous anons des munitions en abondance et de nombreuses réserves.
Mais vous avez surtout votre indomptable courage et votre foi dans les destinées de la république.
le pays a dont on dira de Verdun
!
les yeux sur vous. :
« ils
vous serez de ceux
ont barré aux allemands la route
»
Le sergent,
pris
un intervalle entre
lui-même la
à sa lecture, laisse
dernière phrase et
le clas-
sique rompez! qui libère les auditeurs.
Et
la
comme à
compagnie rompt regret. Les
le
cercle, lentement,
hommes comprennent mieux
ce qu'ils ont accompli, leur misère passée brille à leurs propres yeux. Ce sentiment de solitude qui,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
98
dans à se
les
longs combats, peu à peu, porte chacun
plaindre des souffrances particulières,
croire à l'indifférence
du commandement
pays, disparaît brusquement étaient jetés au gouffre,
là-bas,
:
pays et
le
à
et
du
quand
ils
chef
les
le
voyaient tous.
Et dans
le
pendant un instant,
silence qui,
coud toutes ces
lèvres, immobilise
ces visages
devenus graves, réunit toutes ces pensées éparses dans une pensée commune, passe un frisson historique. rien ne
Les
individuels
destins
compte plus que l'œuvre
s'élargissent; collective.
Puis des groupes se forment, les bouches se délient. Et,
pour
la
première
depuis
fois
la relève,
on consent à parler des dix jours révolus dans
le
secteur de Vaux.
Impressions confuses qui se
résument dans ce
cri
— Tout de même,
de
ils
fierté
ont
f
.
.
:
.
.
le
camp
cette
nuit.
Le bombardement
infernal et continu,
si
dur
à subir dans l'attente passive, inspire des protestations.
Les vieux soldats de l'Artois comparent
AUTOUR DU LAVOIR et
99
conviennent qu'ils n'avaient jamais vu pareille
débauche de
projectiles.
— Ça ne devrait pas
être permis, déclare
un
nouveau.
comme un
Modestement,
un caporal du 158
e
banal
fait
divers,
raconte à des chasseurs sa
part du dernier combat, celui de la soirée du
16 mars, dans çais,
mi-boche
tranchées
—
le
et
coupé par des barricades
dans
les
en
On
garnit les parapets. Le
Ne vous
pressez pas, les amis,
lieutenant dit
:
«
tas.
laissez-les rappliquer.
On
tomber,
les voyait
encore.
ils
mais
On
avertissent
les laisse venir,
et
Ils
si
on
les poussait.
ont de l'aplomb.
fusillade.
sans
comme
sont revenus, et une deuxième fois
Maintenant
une
»
guetteurs
sont à bonne portée, on tire dedans.
ils
Pourtant
près de la barricade.
le village,
marmitage,
qu'e/s arrivent
quand
et des
:
J'étais
Après
de Vaux qui est mi-fran-
le village
les
témoignages crépitent
Rappel des morts
insistance
et
et
comme
des blessés,
sans tristesse
:
c'est
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
100
au destin qui choisit qui
affaire
Éloge
lui plaît.
des brancardiers qui, guidés par les cris ou l'instinct,
ramènent
les blessés, et
debout entre
qui,
les lignes,
jusqu'à cet aveugle
marchait
mains
les
en avant, sans savoir où, hagard et hurlant;
quant aux morts, velir.
—
les
obus
«
cuistots
engagé pour
s'est
la
sans quoi...
ment personnel sance
—
le
qui diri-
si
gros Suisse
guerre
la
long, ajoute-
comme un
compli-
se trotte pas avec
un
ballot
dos.
Carrières
:
j'avais rencontré
un
au poste des
visage aminci d'un dessin pur, yeux
doux habituellement
à coup
éclat
d'acier,
et qui
torse
prennent tout maigre,
vibrants, d'un ascendant irrésistible sur ses
mes
et
:
Le colonel que
bleus,
ense-
l'expression de cette reconnais-
— Parbleu, on ne sur
reçoit
Un
durée de
sans se douter que ce serait
t-il,
»
les
roulantes,
cuisines
les
portent le ravitaillement.
là
qui
ne faut pas songer à
Gratitude envers les
gent sous de
il
à qui
il
sait
communiquer
sa
nerfs
hom-
haine du Boche
AUTOUR DU LAVOIR
—
la
haine chez nous tombe
son régiment à
— La faim,
bouche
la
Vous passez
:
—
n'a que
:
le
temps
menace des grosses marmites
ce fracas et cette il
vite
si
l'insomnie et tout
la soif,
qui s'écrasent,
101
a tout supporté sans broncher.
chacun vous
suit des yeux, espère
en vous, croit en vous. Alors on tant de confiance.
On
est gonflé
est contraint
de
de bien com-
mander. Ainsi
cœurs
du
fait-il jaillir
le
de l'adhésion collective des
commandement comme
la
graine sort
sol fertilisé.
L'aumônier a
fini
grâce du monde,
il
d'écrire et, de la meilleure
me
tend
les
notes où
il
vient
de relater son séjour du G au 17 mars au fort de
Vaux ou
dans
émouvantes, à
environs immédiats. Pages
les
la fois
pittoresques,
doucement ironiques, où couru
je refais le
et retrouve l'assaut
pentes du fort,
tel
que
du
sincères
et
chemin par-
10 mars sur les
les acteurs
me
l'avaient
conté sur place. Les jours suivants, notre com-
mandement prépare
à son tour
une
petite ezpé-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
102
du bas de
dition pour s'emparer
Allemands sont
les
peut battre. Voici
journées des 16 et 17 où
cette attaque est relatée
:
Extraits du journal de l'abbé
du
où
ces pentes
que notre 75 ne
invisibles et les
VAUX
aumônier
C...,
3 e bataillon de chasseurs à pied.
Jeudi 16.
—
Grande
activité
pendant
la nuit.
L'ennemi donne des signes manifestes d'inquiétude et
de nervosité. Nombreuses fusées, travail ininter-
rompu à
leurs défenses accessoires.
Tout cela fait plaisir cet
.
Ils
élan irrésistible qui devait s'achever en apothéose
dans Verdun, en attendant s'évanouit dans des trous
fonce. les
ont donc peur! Et voilà
On
!
les
Champs-Elysées qui ,
Fébrilement , chacun s'en-
a lâché la baïonnette pour
la pioche,
prestigieuses étapes vont faire place
et
aux mono-
tones relèves.
La
tâche n est pas finie, cependant
.
dix-sept forts, je crois. Vous en tenez
rades brandebourgeois l Vraiment,
Verdun compte
un
seul,
cama-
c'est insuffisant.
AUTOUR DU LAVOIR Treize heures.
—
Le bombardement redouble.
Les coups se font plus sonores. la terre
à
103
de notre piafond
est
Il devient évident
emportée
et le
béton mis
nu en plusieurs endroits. On projette un
rafisto-
quand? Les promenades
lage en sacs à terre; mais
sur notre terrasse ne sont pas à recommander,
au
que
même
clair de lutte.
—
Le
fer
et
Quatorze heures. doit détruire les fils de
tir
du
crapouillot qui
défenses accessoires
est
impossible du fort ; trois artilleurs qui installaient la pièce sont blessés. tat est
On
mais
essaye ailleurs,
moins bon. Notre grosse
artillerie
le
résul-
n'y peut
rien non plus. L'attaque qui était fixée à ce soir est
remise au lendemain cinq heures
.
On
tentera
un coup
de surprise.
Vingt-trois
armes! Ce
cri,
heures jeté par
trente. le
cette
période dont tous
Alerte!
Aux
guetteur, roule d'un bout
à l'autre des sombres couloirs dant
—
les
.
A
cette heure, et
pen-
instants sont tragiques,
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
104 il
.
est
VAUX
particulièrement lugubre. Aussitôt, l'amoncelle-
ment des pauvres coiys engourdis, qui prenaient sur le
pavé un vague
repos, s'agite;
chacun ajuste son
équipement, s'assure que son fusil premières minutes
d' hébétude passées,
s'engagent à voix basse.
—
Que
—
Des guetteurs ont vu uns
est
bien là
et,
les
les réflexions
se passe-t-il?..
cru voir, disent quelques-
des travailleurs creuser des tranchées
tout
près des défenses accessoires du fort. Des ombres?
Des Boches? Des patrouilles égarées?.
..
Le
clair de
luneblafard, coupé de quelques nuages, semble prêter
au mirage des imaginations tendues. La mitrail-
leuse
du parapet balaye
Le four nous
le
sol.
Plus rien ne bouge.
instruira.
Visiblement, l'ennemi est encore plus agité que les nuits précédentes ; son artillerie tonne avec
un peu partout, au le
fort
arrivent lent de
et
petit
aux abords.
fureur
bonheur, spécialement sur Toutes
accusent des pertes. Les
les
corvées
hommes
qui
ruissel-
sueur après la course éperdue quils ont à
fournir pendant entonnoirs
400
mètres à travers
le
chaos des
.
.
.
AUTOUR DU LAVOIR
105
Vendredi 17 mars, deux heures matin.
—y
demie du
et
os patrouilles reviennent. Elles ont bien
D'ennemi, nulle part, du moins
fouillé les abords.
vivant.
Dans
la
matinée
en avant des
le soleil
l
outil en
instruit.
Là, un peu
de fer, on distingue de
fils
fraîchement remuée leurs,
nous
:
terre
la
à coté une dizaine de travail-
main ou
à leurs pieds,
le
corj>s
ri-
gide, encore courbé sur la tâche inachevée
Ce sont nos Boches d'hier soir surpris en plein vail
par notre mitrailleuse.
eu
temps de creuser leur fosse!
le
Mais, sans
nous trouvions
la
Ils
n avaient pas
La
même
vigilance de l'officier mitrailleur,
là,
au
petit
jour, un nid de Boches,
dont, vu la configuration du terrain , difficile
tra-
eût été bien
il
de se débarrasser. Vigilance périlleuse certes.
veille
au
soir, à cet endroit,
non loin de
lui,
mon
voisin de gauche fut tué net et celui de droite blessé
grièvement Enfin, on s'entend.
opération.
monte à
l
A
Un peu
de repos avant
cinq heures, heure dite,
observatoire. Je
me blottis,
le
la petite
commandant
l'œil
au créneau
DU FORT DE VAUX
LES DERNIERS JOURS
106
prime aurore. Le champ de vision
C'est la
On
restreint.
écoute anxieux
demi-silence. Il se
le
La mèche n
prolonge. Tant mieux.
est très
est
pas éventée.
Au
bout de dix minutes, violent combat de grenades ;
on
voit la
fumée
bleuâtre monter
du
sol, les mitrail-
leuses crépitent. Puis plus rien!... Quelle angoisse!
Vingt minutes après,
le
capitaine qui dirigeait l'at-
taque arrive. C'est un jeune
sur sa demande, a quitté
la.
et
veste écarlale
tunique sombre des chasseurs attaque
avec amour,
y
sémillant spahi qui,
.
la
monté son
Il avait
travaillant
pour
jour
et
nuit.
L' avant- veille c'eût été un intéressant coup de main,
mais après
trois jours
de contre-ordre ,
se sont totalement modifiées s^est
passé
glissés
:
habilement,
les
.
Il
les
conditions
nous raconte ce qui
huit grenadiers se sont
jusqu'au réseau ennemi
temps ont expédié aux ennemis
et le
sans perdre de
contenu de leurs
musettes, prêts à se jeter dans les fils de fer et à sauter
plus loin. Mais
les
Allemands sont nombreux
leur ligne légèrement incurvée encercle
chasseurs
.
Ils se
se poursuit.
:
un peu nos
défendent. Et l'échange des grenades
Les nôtres portent;
le
Boche hurle. Les
autour du lavoir siennes s'en vont bien trop loin;
nos diables bleus si près d'eux leurs
mitrailleuses
ils
!
s' ébranlent
.
.
.
et
107
n imaginaient pas
En même de
temps,
leur cadence
infernale fauchent sans effort tout ce qui se trouve
devant
Sous
elles.
nappe de
balles, nos
les trous et
cette pluie
hommes
joyeux de
indemnes
deux éraflures
pour un
trajet
C'est presque
cette équipée,
de plus de
Cet effort d'ailleurs
faveur de
le
sourire
cette
dans
aux
reviennent tous
insignifiantes, c'est tout,
80 mètres
miraculeux
et
se laissent glisser
quelques minutes après,
lèvres, tout :
de grenades
à travers champs.
.
est loin
cette diversioii,
la
d
être inutile.
A
la
fraction amie d'à côté
pouvait prendre pied dans une longue ligne de tranchée ennemie, en voir fuir ceux qui s'y trouvaient
et
par conséquent améliorer encore, passablement, notre situation.
Et quand
la
nuit eut étendu sur nous son voile
protecteur , nous parlons
vreux, sordides,
.
.
.
Exténués, amaigris, fié-
physiquement à bout, mais d'un
moral splendide! On
voit cela
aux yeux
brillants,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
108
aux conversations
vives, à toute celte allure qui
nifeste clairement ï empire absolu
que
ces
âmes
mavail-
lantes gardent sur des corps complètement épuisés.
Plus ou moins confusément, mais réellement, cha-
cun
se
heures.
rend compte qu'il vient de vivre de nobles
Eux,
petits, isolés, fatigués,
échec des masses énormes ; leur force morale à
que
térielle tel
semblable
.
le
ils
ont opposé l'énergie de
n'en avait jamais connu de
Quelques corps ont
été brisés.
eux
La
victoire
à la volonté humaine, à la vail-
nouveaux che-
lance froide, obstinée, à ces enfants, valiers d'une
ont tenu en
un déploiement de puissance ma-
monde
est restée à l'idée,
ils
France que l'on ignorait, qui
aussi, sous V œil de Dieu,
vent leurs pèi'es, pour
le
comme
luttent,
ont fait si sou-
droit et la justice, et persé-
véramment, depuis tantôt deux ans, offrent au
monde qui
s'émerveille le prodigieux exemple de leur
abnégation
et
Tout de la
guerre,
de leur héroïsme...
même même
chacun ne
débrouillés et une
voit
que son coin à
ce témoin-ci qui a les yeux
bonne plume.
Il
restreint à
AUTOUR DU LAVOIR
109
notre petite attaque les combats des 16-17 mars. Or, le 16 mars, dans la soirée,
il
y eut un essai
d'offensive allemande qui se prolongea la nuit,
7
e
entre
le village et le fort.
Un
bataillon
régiment de réverse allemand (121
y subit de cruelles pertes. Tout un sonniers
faits
e
du
division)
lot
de pri-
au sud-est du village a déclaré
ces pertes et souligné l'importance
A
pendant
côté de nous, l'eau
du
de l'échec.
lavoir continue de
ruisseler sur les visages, les cous et les mains. Elle efface le souvenir de l'effort et de la peine.
Et ces
hommes
qui se croyaient épuisés en arri-
vant se sentent une force nouvelle, l'avenir attend d'eux...
la
force
que
VI MÉDITATION SUR LA MORT
Même jour.
Il
est cinq
heures du
soir. Je
gagne une colline
qui domine Verdun. C'est un triomphal soir de
printemps. Les courbes de la Meuse étincellent
au
couchant
soleil
un chemin de
et dessinent sur la plaine pâle
feu,
analogue au ruban des con-
vois automobiles dans la nuit. L'air est chargé de
caresses.
Et dans ce paysage de paix rien ne
remue qui ne n'existe
soit
que pour
la
Sur Froideterre
destiné à la bataille,
guerre.
et sur Souville, les
obus sou-
lèvent en éclatant d'épaisses colonnes de noire.
Dans
le ciel,
rien
une
flottille
fumée
de nos avions
rentre au port. Les ballons captifs achèvent leur
MÉDITATION SLR LA MORT observation pendant que la
la
lumière
le
111
permet. Sur
route qui monte, passent sans arrêt des caissons des cuisines roulantes, des troupes.
d'artillerie,
Tout ce monde, tout ce matériel
rapprochent
se
des lignes afin de ravitailler ou de prendre position dans quelques heures à la faveur des ténèbres.
Je m'étends sur l'herbe pour échapper à ce contraste et ne plus respirer que la douceur soir.
Un peu
plus loin, quelqu'un a eu la
pensée que moi. il
est
Il
ma
préféré la solitude. Je le regarde
On
qu'une
plaie. Je
ne vient pas
s'accomplit
Mais
la
ici
ici
pour
Telle
que sous
qu'elle
mieux
se
:
:
c'est
sa figure
un mort.
s'isoler et rêver. Ilien le
la
manteau de
la
ne
mort.
guerre, a perdu beau-
coup de son importance. Elle lière.
venue. J'aurais
m'approche
mort, avec
même
couché de tout son long,
ne prête pas attention à
n'est
du
est
présente
devenue famila
plupart du
temps, non glorieuse et choisissant ses victimes
dans
l'ardeur
du
départ,
mais
sournoise
et
effroyable sous la forme d'un bloc de fer lancé
à des kilomètres de distance, elle inspire
le
plus
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
112
profond dégoût, certes, mais on
on subit une
vieille
son. Si
Ton ne
consent
même
forme à
comme
la subit
servante qui gouverne la mai-
se révolte pas contre elle,
l'on
si
à l'accepter, voici qu'elle se trans-
façon des sorcières de jadis dans
la
les
contes de fées. Le bideux squelette se recouvre
déjeunes cbairs qui sentent
les fleurs.
Le visage
qu'elle
approche
Dans
baiser qu'elle donne, passe la tendresse
de
le
la Patrie
pour
est
ses enfants.
Oui, chacun s'est peut-il
me
rester
d'une beauté lumineuse.
si
fait à l'idée
de
la
mort. Que
je survis à la guerre?
De mon
plus lointain passé à la
minute présente, tant
d'années dont je
compte tiennent dans
fais
le
comme un peu
mon
souvenir
de
main. Que je desserre
la
s'écoule.
d'eau dans
le
creux
les doigts et cette
Le passé rassemblé qui me
eau
paraît
si
court dépasse de beaucoup tout l'avenir que je puis espérer.
mort ne
fait
Que
cela est
que desserrer
donc peu de chose les doigts
!
La
du Temps qui
porte nos jours futurs. Et nos jours, en tombant, glissent
comme
des gouttes et ne font aucun bruit.
MÉDITATION SUR LA MORT
113
Détachement dangereux, sérénité endormante contre lesquels
il
faut se défendre.
La mort ne
doit qu'interrompre notre volonté de vivre, la
non
détendre à l'avance. C'est l'enseignement que
nous a donné, sans
le
chercher, un de nos cama-
rades, le capitaine D..., fois
deux
deux
fois blessé,
revenu au front, en nous racontant, un soir de
Verdun, sa seconde blessure.
Il
rain, la poitrine ouverte; son
ordonnance qui ne
quittait pas
le
gisait sur le ter-
avait été blessé lui aussi, mais
légèrement, à l'épaule. Tous deux Bretons, tous
deux croyants,
ils
ensemble avant de partir à
—
Nous
coups de lais
communié
avaient
l'assaut.
étions là, côte à côte, disait-il, et les
fusil s'éloignaient.
mourir
matin
le
et j'étais
Je pensais que j'al-
dans un état de joie
Mon amour pour ma femme
et
mon
infinie.
fils
que je
devais quitter n'en était nullement altéré. Je ne sais
comment vous
plus et de tais
mes
délivré.
expliquer
:
rien ne
me
plus chers sentiments je
Gomment
pareille occasion de
pesait
me
sen-
rencontrerais-je jamais
mourir? Tout, en moi, autour 8
1
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
14
comme un vol
de moi, était léger, facile Je ne souffrais plus. Dans
même,
je trouvais
difficulté à respirer
une sorte de béatitude. Je
me
comme une
par
sentais soulevé vers Dieu, le
ma
d'oiseau.
vent. Alors j'ai dit à
feuille
mon ordonnance
— Tu
:
vas t'en aller. Toi, tu n'es pas gravement touché.
Moi, je resterai rir.
—
Il
ne m'écoute pas,
relever, et,
ici.
:
—
regardé puis,
douleur
la
— Laisse-moi, Il
il
pouvant pas,
le
malgré
porter, résiste
ne
bien pour mou-
ici, j'y suis très
veut m'aider à il
cherche à m'em-
de son épaule. Je
te dis-je, je
comme
s'il
ne comprenait pas
un peu timidement d'abord
assurance,
il
m'a grondé que vous
taine, mais ce
chrétien.
—
veux mourir
arrêté dans son travail,
s'est
:
m'a
il
très bien,
et bientôt
— Pardon, mon
avec capi-
faites là, ça n'est pas
moi
J'étais scandalisé, je l'avoue,
qui m'estimais
si
me
près de Dieu.
11
reprend
:
—
Pas chrétien du tout. Le bon Dieu n'a que la vie à nous donner.
Vous
— Mais puisque
n'allez pas Lui faire affront.
c'est
Lui qui m'appelle?
—
S'il
vous appelle, vous L'entendrez bien. En attendant
MÉDITATION SUR LA MORT vous vivez encore. Et c'est et
pour nous en
la vie qu'il
servir, tant
tort.
pour ne pas
Le
— Et
faire
du
je
me
nous donne,
que nous pouvons,
pour Lui bien entendu. Vous
causer du
n'allez pas
suis laissé
Lui
emporter
tort à Dieu...
soir est tout à fait
tombé sur Verdun. Voici
des brancardiers qui viennent chercher
La
115
mon
voi-
quand
la cein-
ture de ses collines semble flotter encore
comme
sin.
ville est
déjà dans l'ombre,
une écharpe dans
la
lumière.
Il
est
temps de
redescendre. Le sentiment de la mort ne nous
demande mais de
pas en ce
l'action...
moment
des méditations,
Vil LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
J'ai dit, sans
mènent nos
en rien cacher,
la
dure vie que
soldats dans la région de
assauts terribles et l'effroyable
Vaux,
les
bombardement
qu'ils subissent, les difficultés des ravitaillements
et des
relèves
d'eau,
le
guerre
il
tenir.
Il
,
le
manque
d'abri
,
le
manque
manque de sommeil. Mais dans ne
suffit
la
pas de souffrir, de résister, de
faut atteindre,
frapper l'ennemi.
La
tâche de l'armée de Verdun est d'user l'armée
allemande devant Verdun. Le lerie
lui
occasionne-t-il
couche-t-elle
marchent à
à
l'assaut?
ses
artil-
considé-
mieux encore,
et ses relèves?
terre
de notre
dégâts
des
rables? Gêne-t-il, lui aussi et ravitaillements
tir
ses
Notre infanterie
fantassins
quand
Nos contre-attaques
ils
les
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
117
rejettent-elles avec pertes? Quelle existence con-
traignons-nous
le
Boche
nous? Nous désirons le
Nos
sachions.
vains.
Nos
mener en
le savoir.
efforts
sacrifices
à
Il
face de
que nous
faut
ne doivent
pas
être
ne doivent pas être perdus.
L'ennemi va nous apporter son témoignage. nous dira
si
nous savons nous défendre
savons attaquer, et
si
nous
et
si
Il
nous
lui laissons ses aises
en
face de nous.
Quelques
interrogatoires
quelques extraits de lettres
de
prisonniers
et
saisies sur les prison-
niers et les morts, exclusivement dans la région
de Vaux, au cours des mois de mars suffiront à
nous renseigner. C'est
la
et d'avril,
source la
plus authentique. J'ai rassemblé les témoignages les plus significatifs,
mais tous sont concordants.
Ce n'est pas diminuer un adversaire faire
avouer ce qu'il a souffert
qu'il
a éprouvées,
mais
c'est
et
les
que
lui
pertes
marquer mieux
notre force guerrière et les résultats obtenus par les soldats
de Verdun.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
118
# *
•»<?
Les prisonniers des 9 e et 13 e compagnies du 19 e régiment
combat du 9
ainsi le
1
er
V
division de réserve,
capturés à
réserve)
Le
e
(9
Vaux
le
9
e
corps de
mars racontent
:
bataillon a reçu l'ordre, dans la matinée
9 mars, d'occuper
le village
été déjà annoncée.
La 13
e
de Vaux, dont
du
la prise avait
compagnie y entre
la pre-
mière, en colonnes par quatre, sans patrouilles de sûreté ni avant-garde.
Subitement
elle est accueillie
par un feu
violent de mitrailleuses, puis chargée à la baïonnette.
Les
où
hommes
les
se sauvent et se défendent dans les
Français
les
maisons
massacrent à coups de grenade. Les
prisonniers ont l'impression que toute la 13 e compagnie
a été exterminée.
Le 3
La 9
e
e
bataillon a attaqué sur le versant
compagnie en
nord du
fort.
tête s'est engagée successivement
par pelotons. Le peloton auquel appartiennent
les pri-
sonniers s'est heurté à une tranchée française et a été
fauché par
les
mitrailleuses
:
vingt-cinq
hommes
ont
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
119
été tués, trois ont été faits prisonniers, les autres se sont
enfuis.
Les prisonniers de
la 9
e
compagnie du
réserve (121 e division) faits
ment de
le
7
e
régi-
17 mars
au sud-est du village de Vaux donnent ces détails sur
le
Le
combat des 16-17 mars
3* bataillon
quer sur tié
les
au
du 7 régiment de réserve devait e
Une
est
couchée à terre par
vingtaine
plus, parviennent
cueillis.
Le
reste a
empêchant de départ.
Ils
atta-
pentes nord du fort de Vaux. Plus de la moi-
du bataillon
françaises.
:
fuir
les mitrailleuses
d'hommes de la 9 compagnie, e
aux tranchées françaises où
dû
ils
sont
être anéanti, les feux de barrage
et de regagner
ont d'ailleurs vu tomber
les
la
tranchées de
plupart de leurs
camarades.
Le ravitaillement des troupes en première
ligne est
presque impossible. Les troupes sont réduites à consom-
mer
leurs vivres de réserve.
On
soldat
du
même
régiment retrace cette
scène qu'il tient d'un camarade rentré
récemment
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
120
de permission spéciale, Ce permissionnaire a vu passer un convoi de prisonniers français dans une
gare allemande
:
des
femmes
se
moquaient d'eux
et les insultaient. Alors l'un des Français a crié
en allemand
:
Femmes
«
allemandes, ne riez pas.
Nous sommes prisonniers,
mais
il
y a
devant Verdun des Allemands étendus par
tas
que
aussi hauts
n'ont plus rien
ça.
c'est vrai,
Alors les
»
femmes allemandes
dit.
* * #
Voici, maintenant, des extraits de lettres trou-
vées dans
le
secteur de
ou sur des morts
Du
soldat £...
Vaux sur des
:
du 6 e Leib. Gren.
Devant Verdun, 10 mars. a beaucoup de neige; opérations
de
froid,
pons à qu'il
prisonniers
elle
— Depuis
Reg'.
hier matin
il
y
arrête tout et ralentit les
devant Verdun; nous ne sortons pas du
la pluie,
de
la neige,
la belle étoile,
peut et
s'installe
chacun
de
la
boue
et
nous cam-
se fait son trou
du mieux
dans son manteau et sa
toile
de
LES TEMOIGNAGES DE L'ENNEMI
En
tente et passe sa nuit à geler.
121
outre, nous
constamment sous un feu intense
sommes
d'artillerie qui
fait
chaque jour bien des victimes, car nous n'avons ni tranchées, ni abris; jusqu'à présent nous avons été en
deuxième ligne.
Ce
ligne.
lourde
le fort et le
Le soldat du
la prise
hier matin, notre division avait pris
;
village de
parce que notre
Vaux, mais
E... a cru ce
mars.
devant
trois
de Vaux.
la position qui était
se
dû
qu'on
les
lui avait dit
pentes de
Au
lever
A
sur
régiment
Vaux
sait à
tenue par
la
position
du jour, nous occupons le
6 e régiment. Le fort
La position
cette ligne.
compose de trous qui sont réunis entre
court.
e
7
heures, départ pour
200 mètres en avant de
Deux
évacuer
les
:
—À
le fort
a
L'ober-lieutenant du
fort.
quoi s'en tenir
elle
dedans sans arrêt.
artillerie tirait
de réserve qui est sur
est à
en première
Nous ne pouvons avoir aucune confiance en notre
artillerie
1 1
nous passons
soir
eux...
cents mètres, sans doute voit-il un peu trois cents
mètres du
fort, le
1 1
mars,
on ne voyait que des cadavres. Quelques jours plus tard, un soldat, dont
le
122
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
nom
est
pentes de
illisible,
Vaux
griffonne cette carte sur les
:
Le 24 mars 1916, devant
le
fort de Vaux.
pas besoin d'en écrire davantage. Tout
—
Je n'ai
le reste se
prend. Je veux cependant avoir de l'espoir. C'est
bien amer! Je suis encore
si
jeune!
A
comamer
!
Que
quoi bon?
sert de prier, de supplier? Les obus! les obus!
La
lettre
suivante a été saisie sur
un
blessé
allemand du 56 e régiment de réserve (121 e divicapturé
sion)
date. Elle tibles.
le
mêle
2 avril. Elle ne porte pas de
la religion et l'usage
des comes-
Le correspondant venait sans doute de
l'écrire et n'avait pas
Ma chère Je vous
fais
eu
le
temps de l'envoyer
:
soeur et mon cher beau-frère, savoir que je suis en
bonne santé bien
qu'à moitié mort de fatigue et d'effroi. Je ne peux pas
vous décrire tout ce que loin tout ce qui avait
jours
environ,
la
hommes. Et bien
eu
j'ai
vécu
ici,
cela a dépassé
En
trois
plus de
cent
lieu jusqu'à présent.
compagnie a perdu
des fois je n'ai pas su
si
de
j'étais
encore
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
123
vivant ou déjà mort. Et nous n'avons pas encore été
devant l'ennemi, mais nous y allons demain
ici
et ce n'est
pas une petite affaire. J'ai déjà abandonné tout espoir
de vous revoir. Celui qui sortira remercier Dieu.
vous
l'ai
reçu votre paquet, ainsi que je
J'ai
déjà écrit par carte postale et je
immédiatement, car core
entier pourra
d'ici
je
le faire plus tard.
ne savais pas
envoyé
J'ai
l'ai
je pourrais en-
si
ma
solde à la mai-
son, car on ne trouve rien à acheter par
Le
3 avril, le lieutenant E.
réserve (9 e division
,
écrit
. .
,
du
consommé
ici...
e
6 régiment de
au sous-lieutenant L.
.
.,
e
du 202 régiment de réserve 3 avril.
— Vous
situation chez
:
pouvez vous
nous par ce
fait
que
faire le
une idée de
la
corps des officiers
entièrement renouvelé. Les pertes du régiment sont
est
assez élevées, car sa position (plateau de Vaux) est assez
dégoûtante. Nos bataillons se relèvent entre eux, mais
les
positions de réserve et de repos reçoivent autant d'obus
que
la
première ligne, à part quelques rares exceptions.
Cette lettre
du soldat
réserve, n'est pas datée
Tu ne peux
S. ..,
e
du 206 régiment de
:
pas t'imaginer à quel point
j'ai
parfois
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
124 assez
de
la
affreux
et
qu'aux
os.
Hier,
vie...
faisait
il
encore un temps
nous étions de nouveau transpercés jusAlors on a dit
:
Pourquoi ne chantent-ils
pas aujourd'hui? Et dans notre misère
il
a fallu encore
chanter...
Le
du
soldat S...,
1916
II avril
...
feu
que je
tombé tout
écrit à la date
:
Nous sommes
d'enfer, ainsi
e
du 80 régiment,
ici
directement dans
un trou
Ce n'est pas
d'artillerie,
jour et nuit.
me
imaginé. Hier un obus est
le suis
près de l'église, et du coup, trois
tués, neuf blessés.
Tu
aurais
dû nous
voir courir! Si
seulement cette malheureuse guerre prenait
un homme raisonnable ne peut
justifier
hommes
une
fin!
Pas
telle tuerie
d'hommes...
Nous sommes en ce moment au nord-est de Verdun, certainement une situation bien délicate... ...
Bien que nous ne soyons pas depuis longtemps en
position, et
nous en avons tous assez
et aspirons à la paix,
nous voudrions envoyer au front tous ces Messieurs
qui sont cause de la guerre et y trouvent encore de térêt. S'il
en
longtemps...
était
ainsi,
nous aurions
la
l'in-
paix depuis
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
125
Voici enfin une lettre qui fournit de plus plets détails sur les effets
de notre
artillerie et
nos mitrailleuses. Elle est écrite par
nant H..., du 81 e régiment,
com-
le
de
lieute-
et fut- saisie sur lui lors
de sa capture devant Verdun
:
En campagne,
le
15
avril
1916.
Mes chers parents, probablement avec impatience un
Vous attendez
signe de vie de moi. J'espère que cette lettre vous par-
viendra, mais
à
il
n'est pas facile
ici
de mettre ses lettres
la poste.
Mon beau temps ment 56 en
de liaison avec
est passé depuis déjà plusieurs jours.
officiers
fallu
d'officier
que
je
le régi-
Nos pertes
sont assez considérables, de sorte qu'il a
prenne
la
8 e compagnie,
comme comman-
dant de compagnie en toute première ligne. Je trouve actuellement avec tiné dans
un tout
ma
petit trou
me
compagnie. Je suis rata-
de boue qui doit
me
pro-
téger contre les éclats des obus ennemis qui arrivent
sans arrêt. J'ai déjà vu bien des choses à
mais je n'avais
la
guerre,
encore jamais connu une situation
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
J26
ne veux pas
aussi indescriptiblement épouvantable. Je
vous en
une description
faire
Nous sommes jour
inquiéterais inutilement.
un
«monstrueusement»
résistance
nous avons
une attaque pour prendre
d'artillerie
considérable,
très
Le 11
opiniâtre.
Nous avions commencé par
françaises.
ration
fait
et nuit sous
Les Français font une
effroyable.
d'artillerie
tir
car je vous
détaillée,
les
faire
avril,
tranchées
une prépa-
pendant douze
heures, puis l'attaque d'infanterie s'est déclanchée mitrailleuses françaises étaient sorte
que
la
absolument
:
les
intactes, de
première vague d'assaut a été immédiate-
ment fauchée par
le tir
quitté la tranchée.
En
à leur tour un
tel
des mitrailleuses dès qu'elle a
outre
les
Français ont déclanché
de barrage
tir
qu'il
d'artillerie
a été impossible de penser à aucune autre attaque.
Nous sommes dans à environ
tranchée de première ligne,
la
120 mètres des Français. Le temps
est
je voudrais
que
lamentable, froid et pluie continuels
vous voyiez en quel état je
trempés
Tous par
les
suis, bottes, pantalon,
manteau
couverts d'une couche de boue d'un pouce.
chemins sont
pris sans arrêt sous le
l'artillerie française, si
même ces
et
;
canon
bien que nous ne pouvons
pas enterrer nos morts. C'est lamentable de voir
pauvres diables gisant morts dans leurs trous de
boue. Tous
les
jours,
nous avons des tués
et des blessés.
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
127
Ce n'est qu'en risquant des existences qu'on peut mettre repas
les
à
blessés en sûreté.
3 kilomètres en
lantes, et là
aussi,
Il
faire
faut aller chercher le
arrière
aux cuisines rou-
y a danger de mort. Nous avons
il
tous les jours des tués et des blessés parmi ceux qui
vont chercher
mieux Dans
repas,
souffrir de la faim
la
Être à
le
que
d'aller
compagnie, presque tout
la pluie
dormir dans
dement
bien que
si
toute
la
la
le
monde
pendant huit jours
malade.
est
et huit nuits
complètement les nerfs. Au point de
vue santé, je vais encore assez bien. et froids et
J'espère que j'aurai le le
chercher à manger.
bouc, être nuit et jour sous un bombar-
consécutifs, cela brise
me
gens aiment
journée, complètement trempé,
effroyable, et cela
tement trempés
les
un
froid colossal
bonheur de
souhaite, car on ne peut
complè-
J'ai les pieds
aux genoux.
sortir vivant d'ici, je
même
pas y être enterré
proprement... *
Quelques réponses reçues d'Allemagne ajouteront deux ou trois traits à ce tableau de l'armée
allemande dans
le
secteur de Vaux.
Sur un mort cette
lettre
fut trouvée, toute
maculée, gardée malgré sa date ancienne
:
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
128
Cologne, 29-12 1915.
.
.
.
Certes,
mon
où nous vivons, fin.
Tu me
cher Willy,
il
est bien triste le
ne peut encore en entrevoir
et l'on
de ne pas croire tout ce qu'écrivent
dis
mung)
sur
1'
«
enthousiasme braillard
front?
le
la les
comme
journaux. Mais penses-tu donc que nous croyons
au début à
temps
(Hurra-Stim-
»
y a un an on croyait entendre
Il
l'enthousiasme guerrier dans chaque chanson que chantaient les soldats. Mais aujourd'hui! Hier soir j'ai assisté
par hasard au départ de 30 à 35 Landsturmiens. Cinq de ceux-ci étaient en train de chanter aussi bruyamment
que possible patrie, adieu ivres
qu'ils
Et je chante donc gaiement
:
!
Mais tous
durent
cent mètres derrière
darmes
qui
se le
veillaient
devienne pas excessif à lire
les
:
Chère
cinq étaient aussi tellement
soutenir
réciproquement.
groupe, marchaient
trois
A
gen-
que l'enthousiasme ne
à ce la gare.
Voir de
tableaux et
tels
ensuite dans les journaux les récits d'actes de cou-
rage, crois-tu qu'on y réfléchit seulement?
Eh
bien! oui,
Willy, voilà ce que c'est que la guerre, la guerre salutaire qui devait venir, qui était nécessaire
monde devienne
meilleur.
Il
est drôle
pour que
le
que depuis dix-
sept mois de guerre, je n'ai pas encore
pu découvrir
.
LES TEMOIGNAGES DE L'ENNEMI
dune
trace
mon
même
amélioration
entourage immédiat
!
.
parmi
lettres furent saisies
Heissen,
nous crevons de froid
depuis
le
matin jusqu'au
quefois à
maison
la
queue toute
faut faire la
il
mon
donc
qu'il
écris
le
20 mars 1916.
que vous avez dû sucer de la
J'arrête
est
ici
autrement ces
publier davantage? (1) Lire
(extraits et
pour
de
les
lettres
la
D'autres :
neige,
mon
cher petit
faim, mais crois-tu
ici?
extraits (1).
compléter
la
faim, ce n'est pourtant
vous faut souffrir de en
fait la
aussi.
ici
pas cela qui a dû vous rassasier. Oui, il
queue
cher Fritz, vous tenez en pays
tellement vous souffriez de
homme,
front
encore on rentre quel-
soir et
Strassburg (Prusse),
Tu nous
le
journée et on n'a rien à manger. C'est
la
mais,
triste,
et
:
24 mars 1916.
mains vides après avoir
les
ennemi, nous tiendrons
...
le
vaut encore mieux maintenant être sur
Il
qu'ici,
bien
personnes de
.
Sur des prisonniers, ces
...
les
129
A
quoi bon en
lettres
Devant Verdun
:
ne
l'aveu
nous
allemand
allemandes\ par Louis Madelin (Plon-Nourrit
C'\ éditeurs).
9
130
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
apprendraient rien de plus sur
allemand devant
l'état
du soldat
de Vaux. Nous y pour-
le fort
rions puiser à foison des plaintes sur les difficultés
économiques. Que
allemand qui
le soldat
se bat
à Verdun connaisse par surcroît l'insécurité matérielle
de ceux qu'il a laissés en arrière, c'est une
trop juste punition de l'abominable fléau dé-
chaîné par une nation, toute entière enivrée de sa force, qui ricanait
1870
et qui a
reur, et c'est
quand
Paris avait faim en
voulu organiser
la
guerre de ter-
une brûlure de plus dans son enfer.
Les soldats allemands appelaient
Mort-Mare
et le bois le Prêtre qui sont à l'ouest
de Pont-à-Mousson, de
la
Woëvre avec des
l'un le bois
Mort,
bois de
le
nom
Quel
à la jonction des les
ondulations de
Veuves,
l'autre le
donneront-ils à
la
la
bois
plaines
Haye, de
la
région de
Vaux? C'est la
6
e
division
du
III
e
corps
actif qui
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
131
attaqua au début de mars l'ouvrage d'Hardau-
mont. Les assauts du les 8, 9 et
J'ai cité,
V
e
de Vaux
sans commentaires, interrogatoires
de
lettres.
venu fouler, notre
:
La preuve
est faite
par
sur le sol français qu'il est
artillerie et
distribuent copieusement la il
fort
corps.
l'ennemi en personne
quand
du
e 10 mars, furent livrés par la 9 division
de réserve du
et extraits
village et
notre infanterie lui
mort ou
lui
imposent,
y échappe, une vie assez rude. C'est ce
qu'il appelle sans
doute une résitance monstrueu-
sement opiniâtre.
Ce mot d'étonnement scandalisé et aussi tude des prisonniers que
dont aucun, ou
presque
j'ai
l'atti-
vu interroger,
aucun,
et
fùt-il blessé,
malingre, abruti, hideux, ne renonce à manifester son orgueil d'être
Allemand, m'ont
chercher sur un carnet, où
j'ai
fait re-
noté quelques
pages de nos maîtres plus particulièrement propices à fournir la guerre,
la
un aliment à nos méditations de
une phrase de Fustel de Goulanges sur
façon d'écrire l'histoire en Allemagne. Les
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
132
historiens allemands, dit-il,
«
ne trouvent rien de
plus beau dans l'histoire que cet empereur alle-
mand
qui
campe
sur les hauteurs de Montmartre,
ou cet autre empereur qui va enlever dans la
Couronne impériale en passant sur lccorps de
quatre mille Romains massacrés sur
Ange. Mais que
la
lieu,
que Henri
II,
Riche-
Louis XIV, en fortifiant Metz et Strasbourg,
sauvent la
Pont-Saint-
le
France mette enfin un terme à
ces perpétuelles invasions;
de
Rome
la
France
et l'Italie
de ces débordements
race germanique, voilà les historiens alle-
mands
qui
s'indignent
s'acharnent contre
les
et qui,
vertueusement,
ambitions françaises.
Ils
ne peuvent pardonner qu'on leur interdise de
commander aux
autres peuples. C'est manie bel-
ligérante que de se défendre contre être
conquérant que de
quérir.
les
eux; c'est
empêcher de con-
»
Les historiens allemands auront de quoi plus tard s'indigner contre la borne de
Verdun qui
brisa les os de tant de leurs soldats. Mais que,
du moins,
les historiens
de chez nous, en retra-
LES TÉMOIGNAGES DE L'ENNEMI
133
çant les efforts surhumains dépensés, dans une résistance calculée et
nécessaire, destinée à se
changer ailleurs en offensive, au cours de bataille
de Verdun, exaltent chez
les
nouvelles l'orgueil d'être Français.
la
générations
VIII
DU 30 MARS AU 31 MAI
Qui
dira, jour après jour, l'épopée
Vaux? Périodiquement succèdent avec
même
la
du
fort
relevées, les troupes se
endurance dans
le
même
enfer. Saura-t-on jamais, dans cette guerre
épisodes
innombrables,
d'être fixés?
interroger
Une
nom
Que de morts
il
les
traits
dignes
faudrait réveiller et
anonyme
a bâti,
comme une
murs vivants de Verdun. Un
qu'on
pas cités,
tous
aux
!
foule
drale, les
de
cite feraient tort à s'ils
n'étaient
qu'il faut revêtir
ici
cathé-
corps,
un
ceux qui ne sont
mentionnés parce
de chair et d'os
les
exemples.
Et d'avance, n'ayant pu tout savoir ni tout rassembler, je m'excuse de tant d'omissions involontaires.
DU
MARS AU
30
31
MAI
135
Depuis qu'il a pris Douaumont dont
comme une
il
agite
cloche les syllabes sonores dans ses
communiqués, l'ennemi, pour s'emparer de ville,
cherche à aborder
fense
:
en est un des soutiens. Dès
le
battait les pentes
du
fort et les
continue de
les
heurter de front
lage. le
grande ligne de dé-
Froideterre, Fleury, Souville. Vaux, fort
et village, il
la
la
Il
même
temps,
il
9
mars
abords du
essaie son habituelle
et,
vil-
dans
manœuvre
d'enveloppement, en débouchant d'une part dans le
bois de la Caillette et, d'autre part, en débor-
dant
Au
de Damloup.
le village
sud-est du fort,
Damloup
comme une
est
pointe à l'extrémité d'une jetée entre deux ravins, le fond de la et le la
fond de
Laufée.
dont
nord-ouest,
la partie est a été
dure de
la
Bazil dont
le
sépare du fort,
Gayette qui descend du bois de
la
Au
Horgne qui
perdue, est bâti en bor-
route de Dieppe, dans il
commande
200 mètres en remontant
une digue, puis un
de Vaux,
village
le
l'entrée.
ravin,
le
petit lac
:
ravin du
le
A
150
ou
on trouve
l'étang de Vaux.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
136
C'est là qu'aboutit le ravin des Fontaines, appelé
par nos le
ravin de la mort, qui traverse
le
de Vaux-Chapitre. L'ennemi assiège
bois
mais
village, le
hommes
il
tente aussi de descendre
ravin du Bazil en progressant dans
la Caillette.
coupée de
le
le
dans
bois de
Là, dans cette région tourmentée,
futaies,
de
taillis, d'étroits
vallons, de
gorges, se livrera une lutte obscure et opiniâtre
qui se prolongera durant des semaines et
même
des mois.
L'ennemi, à de
la
Woëvre
Vaux
ces
la fin
la
de mars, a ramené du front
121 e division.
Il
va utiliser contre
troupes fraîches. Le 31 mars, après
avoir effectué la veille une importante reconnaissance,
il
couvre d'obus
le fort,
le village
et le
ravin du Bazil. C'est le présage de l'attaque. Les
communications téléphoniques sont coupées les liaisons se font
par coureurs, la région acci-
dentée ne permettant pas, sauf sur fort,
l'usage
précèdent
des
les trois
et
signaux.
le
plateau du
Les flammenwerfer
vagues d'assaut, fortes cha-
cune d'un bataillon, qui déferlent successivement
DU
30
MARS AU
31
La première
sur le village.
MAI
est
deux autres, au prix de sanglants
Le 2
foudroyée;
les
sacrifices, réus-
compagnies qui occu-
sissent à encercler les trois
pent encore
137
la partie ouest.
avril,
le
er
1
bataillon
du 149 e régiment
(commandant Maganiosc) qui occupe ,
les abris
du
ravin des Fontaines, reçoit Tordre de réoccuper le village. il
Au
petit jour
se fractionne
en
d'une compagnie,
compagnie
a
il
trois la
se porte à la digue,
où
groupes formés chacun
quatrième en soutien. Une
pour objectif
la
rue principale
;
une
autre opérera plus au nord, entre la voie ferrée et le ruisseau,
chasseurs;
la
en liaison avec
le 3
e
I
bataillon de
dernière plus au sud, par
les jardins.
En quelques bonds, nos hommes ont
atteint le
village et se sont avancés jusqu'à l'église. Mais
un barrage
d'artillerie les
isole et
empêche
les
renforts de leur parvenir. Les agents de liaison
qui réussissent à traverser ce barrage continu
apportent des nouvelles d'abord exaltantes, puis
de plus en plus inquiétantes. Les assaillants ont été contre-attaques et sont
submergés sous
les
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
138
colonnes d'assaut. Sur la rive droite, dans jardins, la
le
lieutenant Vayssière qui
compagnie a
Dans
le village
on
officiers des trois
ou capturés, qui
et
ment
ont reflué.
se bat corps à corps.
groupements sont
parmi eux
commandait
commandait
hommes
été tué et ses
la 2
e
Tous
les
tués, blessés
Toussaint
le capitaine
compagnie
les
et qui, grave-
frappé, encourageait encore ses
hommes
à
Des sous-officiers prennent leur
ne pas
se rendre.
place.
L'ennemi flambe
trole.
Le sergent Chef a
les
maisons avec du pé-
rallié les
survivants et,
les
groupant avec une section de mitrailleuses à
la
sortie
dans
la
arrêté
l'étang,
il
s'est
barricadé
dernière maison, a creusé une tranchée et
l'ennemi.
Au
nord,
même jusqu'à
tient de
ments.
du côté de
On
travaille à
tandis que son
la
sergent Chapelle
le
nuit avec quelques élé-
deux
camarade
:
l'un fait
tire.
mandes sont considérables. Un vues disait allongés
!
:
«
—
Il
un
Les pertes
trou, alle-
soldat qui les a
y en avait, chez eux, des
»
Si le village est
perdu, sauf
la
dernière maison,
DU le
chemin de
30
la
MARS AU
31
MAI
139
digue est barré. Mais, sur
le
revers nord du ravin, les Allemands ont réussi à se
rapprocher de
Dès
le
la voie ferrée.
lendemain,
le 74*
tranchées perdues de sa progression,
qu'à
la crête
il
régiment reprend ces
la Caillette et,
continuant
pousse ses postes d'écoute jus-
du fameux Douaumont.
# #
Gomment énumérer
tant de combats presque
ininterrompus, et tant de prouesses? Le
1 1
avril,
l'ennemi attaque par deux divisions accolées sur
un
front de 3 kilomètres, du
mont au
de Vaux
fort
nous l'attaquons et des
il
(trois bataillons )
200
de
l'attaque
:
la
de
la
le
Douau-
Le
15,
e
du 36 régiment ravin de la Cail-
Fausse-Côte, et
lui faisons
Le
reprise de
prisonniers.
19,
81 e brigade enlève un fortin rempli
de cadavres et de blessés,
dont 9
de
est repoussé.
éléments du 120 e entre
lette et le ravin
près
:
fort
fait
260 prisonniers
officiers, 4 aspirants et 16 sous-officiers,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
140
s'empare de mitrailleuses
et
de tout un ma-
Vainement l'ennemi
de lance-flammes.
tériel
et
essaie de reprendre trois jours de suite l'offensive
il
;
ne peut nous arracher
tranchées
les
laborieusement conquises. Toute cette période
nous
d'avril
est
dans
favorable
la
région de
Vaux. Le général Nivelle, qui commande
le sec-
teur, a préconisé, d'accord avec les instructions
du général en chef
mande
et
l'armée, une défense active qui excite
moral des troupes
et
versaire. Satisfait
du
rives
du général Pétain qui com-
de
la
déjoue
les intentions
de
résultat obtenu sur les
le
l'ad-
deux
Meuse au cours des dernières opéra-
tions, le général Pétain, appelé le
général en chef à prendre
le
30
avril
par
le
commandement du
groupe des armées du centre, avant de remettre au général Nivelle
le
commandement de
la 11
e
ar-
mée, adresse aux troupes un ordre du jour où dit
il
:
Une des plus yrandes
batailles
que l'Histoire
ait
enregistrées se livre depuis plus de deux mois autour
de Verdun. Grâce à tous, chefs
et soldats,
grâce au
DU dévouement services,
30
MARS AU
un coup formidable a
141
hommes
à l'abnégation des
et
MAI
31
des divers
à
été porté
la puis-
sance militaire allemande.
Le 10
avril,
reprenant après cinq siècles
mot de Jeanne d'Arc, On
il
avait lancé le
fameux
:
les aura.
Un
but excitant et précis est visé au cours du
mois de mai
:
la reprise
Quel soufflet serait
du
fort de
ainsi appliqué
allemand! Douaumont qui la
le
Douaumont. sur l'orgueil
lui a fait
emboucher
trompette épique; Douaumont, conquête
chée qu'il a badigeonnée de
la gloire
Douaumont reperdu,
imaginaire;
tri-
d'un assaut
ce serait dans
tout l'empire un cri de surprise et de colère. Et le
22 mai, à midi, nos bonshommes rentrent
dans
le fort
de Douaumont. Soldats de
Mangin, bataillons des 36 e
,
129
e ,
7 4
e
la division
et 5 4
e
régi-
ments, vous vous souviendrez de cette heure et de cette date où vous égalâtes conquérants!
les plus
audacieux
142
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Le
de Vaux
fort
les suivit
de ses observatoires
pénétrer par la brèche du sud.
et les vit
Hardaumont
aida de ses feux sur
Et ses murs qui sonnaient sous
ennemi semblaient bondissaient
le
les
et la Caillette.
bombardement
comme
de joie,
tressaillir
Il
les collines d'Israël, à la
délivrance
de son vieux compagnon.
Du
fort de
jalonnent trois
les
Vaux à
l'Étang, les défenses qui
pentes de la colline sont reliées par
redoutes ou retranchements plus ou moins
ruinés,
R
1 ,
R2
et
R3
en
Le capitaine
style abrégé.
Delvert qui, du 17 au 24 mai, occupe
R
1
avec
la
e 8 e compagnie du 101 régiment, et qui le réoccu-
pera du 31 mai au 5 juin, pendant tique, est
révélés à
un de
ces officiers
eux-mêmes en
ils
Normalien, agrégé d'histoire, il
est le
que
les retirant
des carrières civiles dont
de réflexion,
la
le
la
guerre a
brusquement
étaient l'honneur.
homme
contemporain,
marade d'Emile Glermont,
période cri-
il
d'étude et était le ca-
romancier doulou-
reux, délicat et subtil de Laure et à' Amour promis, qui, des spectacles de sang dont
il
avait l'instinc-
DU
30
MARS AU
31
MAI
143
un enseignement favorable
tive horreur, sut tirer
à son élévation intérieure avant d'être tué dans
une tranchée. Sa génération de tous
les
chemins de
la
était à ce carrefour
jeunesse qui nous a tour
à tour, tous ou presque tous, vus hésitants
hommes,
guerre, en lui confiant des
paré à diriger
les intelligences. Il
:
la
l'aura pré-
porte
la
Légion
d'honneur et la croix de guerre. De taille moyenne, hàlé, les
le teint
le
lorgnon,
la
yeux pleins de feu
brillant sous
voix sourde et le geste éloquent,
il
a pris l'habitude du dédoublement préconisé par
Stendhal et ses disciples.
temps
qu'il agit.
incommodé par
se
Il
la
Il
s'analyse
voit agissant sans
présence de ce
témoin. Ainsi retient-il
dans
les faits
le
être
perspicace
dans leur préci-
sion et leur signification ensemble. Les fonds de toile
ne
lui
échappent pas;
il
rétablit
aisément
le
décor des épisodes qu'il brosse en peintre, à
grands
traits
rapides
Des hommes comme
et
à
celui-là seront, plus tard,
d'admirables chroniqueurs. tragiques,
il
couleurs chaudes.
remarque
la
Aux heures
les plus
pose sculpturale d'un
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
144
grenadier, ou
il
est sensible à la caresse
laissé consulter
:
du
soleil.
recours aux notes qu'il
Plus d'une fois j'aurai
m'a
VAUX
il
y faudrait ajouter
cent à la fois concentré et ardent de ses
l'ac-
commen-
taires.
Dans
du 17 au 18 mai,
la nuit
Delvert gagne avec sa compagnie
ment R par 1
le
ravin des Fontaines.
commandant du dans sa cagna écrit-il,
le
retranche-
En
route, le
bataillon qu'il relève le reçoit
et lui passe les consignes.
«
C'est,
un homme grand, mince, d'une
quantaine d'années,
le
lèvres se plissent d'un sourire d'ironie.
En deux
lignes voilà
nous
cin-
visage glabre. Ce visage
deux beaux yeux d'intelligence
s'éclaire de
« Il
capitaine
le
un
et les
»
portrait.
reçoit, continue-t-il,
de façon char-
mante. La conversation s'engage avec notre chef de bataillon. «
— Nous
mite? «
le
mar-
allons à la digue. Est-ce très
— Mon Dieu
•
!
commandant X.
répond avec beaucoup de flegme .
.
,
un de mes
officiers a
compté
DU
30
MARS AU
31
MAI
145
dans son secteur une moyenne de quatre obus par
minute pendant toute une journée. «
— Et
chef de bataillon? Son poste de com-
le
mandement? «
—
sortir.
C'est assez solide, Il
donne
-sur
mais on n'en peut pas
un ravin perpétuellement
battu. «
a
— Et d'où tombent — Du nord, de
ces obus?
l'ouest et de l'est.
du sud que
Il
n'y a que
sauf
l'on n'en reçoive pas,
quand
nos 155 tirent trop court... (Un silence...) Et puis, vous savez, vous aurez des totos
«
— Des — Oui
«
Nous sortons de
«
geons dans taines.
!
totos? !
Quoi des poux Tout !
le
!
la
le
monde en
a.
cagna et nous nous enga-
boyau qui mène au ravin des Fon-
La désolation du paysage devient de plus
en plus poignante. Les arbres, déjà, ne sont plus
que des piquets. Pour comble, à certains endroits
— comme canal
:
il
a
plu
—
le
boyau
40 à 50 centimètres d'eau.
se
change en
»
10
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
146
Et
les
obus commencent de pleuvoir. Sauf du
sud, en effet,
il
en vient de partout.
Le capitaine Delvert débarque enfin Chaque jour,
poste.
l'officier
Voici
dresse son bilan,
de quart, sur un croiseur,
son
comme
fait le point.
journées du 18 au 24 mai. C'est
ses
tableau de
Vaux
il
à
la
vie
qu'on mène dans
la
le
région de
:
Journal du capitaine Delvert (18-24 mai).
Jeudi 18 mai.
domine
le
— Ma
tranchée de la voie ferrée
ravin de Vaux, lequel
est
troué
comme
une écumoire d'entonnoirs d'obus remplis d'eau.
En
avant, cette ruine, à soixante ou quatre-vingts
mètres du village, des
c'est la
«
maison Ouest de Vaux
»
communiqués
Le
village nest plus
qu'un monceau de murs crou-
lants sur lesquels s'écrasent nos
155.
DU
En face du
33
MARS AU
poste de
Vaux. Au nord
à
et
MAI
31
147
commandement
l'est les
est le
fort de
tranchées boches l'en-
tourent.
Rien ne saurait rendre
A
heure (dix-neuf heures)
cette
douce
la désolation est
il
de ce paysage.
enveloppé de
la
chaude lumière pourprée du couchant. Les
et
croupes apparaissent dénudées, sans un brin d'herbe.
Le
Fumin est réduit
bois
comme
croupe,
sa
sent
Massiges Chenille
que
>>
»
.
Le
que
la terre est
que
les
à quelques piquets qui héris-
les
ce
bois
de
troupiers avaient
sol a été tellement
«
Main de
la
surnommé
remué par
«
obus
les
devenue meuble comme du sable
trous d'obus
y font
la
et
maintenant des effets de
dune.
Tout à coup,
mée
se déchaîne.
canonnade qui
un peu
cal-
Nous comptons en une minute
huit
la
obus boches sifflant sur nos
Sur les
la
s'était
têtes.
croupe de Vaux, pourprée par
le
couchant,
nuages noirs de nos 155 s'élèvent de tous
côtés.
Cest un concert infernal.
Le poste de commandement recouvert de quelques poutres
et
est
un trou d'obus
d'un peu de
terre.
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
148
Sous
sont des cadavres, peut-être ceux que
sol,
le
l'obus a enterrés.
On
couche là-dessus
—
la tête
appuyée sur
sac.
le
Les hommes sont empilés dans des niches gui ne les
protégeraient certes pas de la pluie.
Attendons !
Vendredi 19.
On
ni nuit.
est
— La canonnade ne
assourdi,
comme
cesse ni jour,
hébété.
Aujourd'hui, depuis dix-huit heures,
Vaux
les
pentes de
disparaissent sous nos obus.
On les voit d'ici tomber juste sur que font dans
les lignes
blanches
la terre les tranchées et les
boyaux
boches.
La
nuit, sous les étoiles, de nos premières lignes
au fond du ravin montent des fusées longez
le tir!
Allongez
le tir! »
vertes
:
«
Al-
crient nos pauvres
camarades Et d'autres appels s'élèvent de tous côtés.
Fusées «
JSous
rouges
sur
le
plateau
sommes attaqués!
Tirez!
d' Hardaumont.
Tirez!
rades! Barrez la route devant nos tranchées!
Cama»
DU
MARS AU
30
31
MAI
140
Fusées rouges du fort de Vaux! Fusées rouges, là-bas,
au
Fumin. Que d'appels déses-
loin, derrière
pérés sur cette terre sombre!
Cependant que des lignes boches partent d'autres fusées,
éclairantes ,
des fusées
lissent des ténèbres
à
tout
celles-là,
instant
gui jail-
pour
veiller
remuée par
ce
qu'aucune
les
victimes désignées à l'écrasement des obus.
Le
pelletée de
terre
ne
soit
à
sifflement des projectiles qui se croisent en tous
sens au-dessus de nos têtes est
bord de
mer,
la
les
oreilles
tel
qu'on se croirait au
bourdonnantes de
la
houle des flots soulevés. Le fracas des éclatements
ponctue
la
tempête de coups de foudre s'écrasant en
un tonnerre continu.
Samedi 20
(vingt-trois heures)
étend ses eaux mornes jusqu'aux
.
— Le tî'ois
lac
sombre
croupes qui
ferment l'horizon. La lune tend sur ce lointain
comme un
voile d'argent où les collines s'estompent
en points plus sombres. elle
verse sur
ainsi qu'un
le
iloi
Au
pied de nos tranchées,
marais du ravin sa lumière mouvante aveuglant parmi
les frissons
de Veau.
150
A
LES DERNIERS JOURS droite,
sur
la
DU FORT DE VAUX
digue,
une théorie d'ombres
funèbres glisse en silence. C'est la relève qui passe.
Sans heurt, d'un pas continu,
monte vers
elle
le
plateau d'Hardaumont, ou s'écrasent nos obus, d'où
sans cesse s'élèvent dans
rouges ou vertes
— feu
le ciel les
gerbes blanches,
ceux qui vont
d'artifice de
mourir.
— Le beau temps
Dimanche 21 mai. La canonnade
continue.
aussi.
Minuit.
Les Boches nous ont envoyé ce soir à la nuit des sible, ces
foque;
gaz lacrymogènes. Désagréables au pos-
gaz. Les
yeux piquent
la tête est lourde.
La canonnade fait Le 124
e
:
on pleure; on suf-
Quel supplice!
rage.
sur
les
pentes
mon monde
est
à son
doit attaquer tout à l'heure
de Vaux en avant de poste de combat.
Vaux allonge rouge de
tombée de
la
La
R
l .
Tout
colline
qui domine
sa ligne sombre sous
le
la lune. Il vient se refléter
le
fort de
disque à demi
au
bas,
immo-
DU dans
bile,
30
MARS AU
MAI
31
marais, au pied de nos tranchées.
les
Une brume argentée enveloppe le
ravin
le
et
151
lointain
l'horizon, le fort,
profond où s'enfonce
la
Woè'vre.
Auprès de moi, à droite
et
à gauche, je vois, au-
dessus de la tranchée, étinceler sourdement, dans
f ombre,
forme dans
d!
les
casques des hommes. Je songe à la plate-
Elseneur
et
aux
la nuit.
Les
sentinelles,
casques deux
ici,
yeux
ne se relèvent pas. Sous ces
veillent, fouillent le
talus, le ballast de la voie ferrée. la
qui s'y relèvent
sentinelles
flamme fauve
De
ravin
et
le
tous côtés jaillit
des obus qui s'écrasent. Les éclats
retombent en pluie bruyante dans
les
marais
:
d'autres
viennent avec un ronflement de toupie se planter
dans
La
la tranchée. lutte
obscure
A une heure intense.
La
et sinistre
continue.
cinquante, la canonnade devient plus
fusillade,
C'est dans la nuit
les
mitrailleuses
un fracas confus que
crépitent.
répète l'écho
de la vallée.
Des fusées rouges partent sans cesse des lignes
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
152
allemandes. Sur poing, nous
le
parapet, l'œil au guet,
sommes
les
VAUX le
fusil au
témoins, muets d'horreur,
d'un combat mystérieux dont nous entendons cas sans voir les acteurs.
de nos tranchées
:
«
Des fusées
Allongez
une
que
la
fra-
vertes jaillissent
le tir »
,
tandis
mitrailleuse boche crépite à coups secs
Encore
le
préparation
quune
et précipités.
d'artillerie
a
oubliée.
La
vallée s'emplit d'une vapeur opaque, faite de
poussière
et
de fumée,
et
à travers laquelle on ne dis-
tingue plus rien.
Sur
le
plateau d'Hardaumont,
le petit
jour com-
mence à poindre. Mais
la lutte
ne s'apaise point. Elle fait rage, de
plus en plus violente, dans ce brouillard que rayent les
fusées
et
d'où jaillissent sans cesse
De
rouges
des éclatements.
sifflent
autour de nous. Les petits de
dont le
c'est le
parapet.
main, nous carton sur
baptême du feu,
tous
côtés
les
flammes
les
balles
la classe
16,
se pelotonnent contre
Cfficicrs et sous-officiers, les
les
le
fusil à la
exhortons. Bientôt chacun fait son
Boches que l'on voit
—
maintenant
DU le
jour
est
levé
30
—
MARS AU
31
MAI
153
refluer le long des pentes de
Vaux.
Lundi 22 mai.
mon
dans
et s'est
— Un
trou, a brisé la
aplati à côté de
Onze heures. tranchée que
le
—
ma
124 e a
les voit s'aplatir,
En
tête.
prise ce matin. Des détacheles
pentes.
puis reprendre
Braves soldats tout de même,
Un feu
Nous le
les
tirons;
pas de course.
dû
être touché.
ces gens-là.
On
se bat à la gre-
effroyable foudroie
Fumin par où
sont arrivés à la .tranchée.
nade.
doivent arriver en renfort d autres unités du
A
entré
jambe de tnon ordonnance
voici un qui reste allongé. Il a
Ils
est
Contre-attaque allemande sur la
ments boches traversent on
130
culot de
notre gauche,
Douaumont
est
124
e .
repris depuis ce
matin.
Mercredi 24 mai, une heure du matin. fois, c'est bien l'enfer. Il fait
—
Cette
une nuit d'encre. Le
vallon semble un gouffre géant entouré de collines fantastiques, masses sombres de ténèbres
aux con-
154
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
tours indécis.
Au fond du
gouffre,
les
flaques d'eau
du marais miroitent mystérieusement dans Des vapeurs sombres montent sans
et
un
blanches
faisant brusquementjaillir de l'ombre
des montagnes de ténèbres qui paraissent cerclées de lumière et rentrent aussitôt
A
noir.
cesse avec
fracas effroyable; des lueurs rouges s' entre-croisent ,
le
un
dans
instant la nuit.
travers l'air lourd, irrespirable de poussière et
de fumée, ce ne sont que glissements
invisibles, siffle*
ments, rugissements , craquements effroyables d'où jaillissent des flammes , et cela inlassablement.
Est-ce
le
Crépuscule des Dieux? Le Gôterdâmme-
rung qui hanta ï imagination grandiose de leur géant barbare?
La
terre s* entr
ouvrant
et
l'effondrement
dans un abîme de feu de ce monde sauvage dont gueule monstrueuse a failli dévorer l'humanité?
Non.
— Ce
n'est
qu'un épisode de
contre-attaque allemande sur
Une
ligne de
communiqué,
Huit heures.
— Les
R
cette
guerre
:
la
— la
l
,
peut-être.
pentes de
plus sinistres encore qu'auparavant.
Vaux paraissent
.
DU Le long de
30
MARS AU
31
MAI
155
tranchée allemande disputée, des
la
corps raidis, en capote bleue, des casques, des traînées noires.
Le
sol
par endroits semble brûlé. Un
cadavre a été dépouillé de sa capote.
On
voit ce dos
nu au
Chaque épisode de
soleil.
.
la bataille se relie à l'en-
semble des opérations. L'attaque de Douaumont aura
sa
répercussion
immédiate.
La
bataille,
sur le front de Verdun, est en fonction de la bataille l'îlot
unique qui assiégé de
monde
se livre sur tous les fronts. Ainsi
Vaux
entier.
Nos troupes n'ont pu fort de la
du
va-t-il fixer l'attention
Douaumont dont
se
maintenir dans
elles
le
n'occupaient que
superstructure et une partie des casemates.
Le 24 mai, une contre-offensive allemande réussi à envelopper et reprendre l'ouvrage. lors
l'ennemi ne cesse plus d'attaquer.
que l'audacieuse entreprise du 22 mai
Il
a
Dès
semble
ait excité
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
156
sa fureur
taureau.
comme une bande a
Il
affront le détermine à se ruer
avec une violence accrue.
un corps nouveau, 26
et 27 mai,
mont, dans
du 31 mai,
il
le
er
I
il
Il
se laisser
:
un
tel
contre Verdun
corps bavarois. Les 25, la
ferme de Thiau-
de Froideterre.
oblique sur sa gauche
pitant sur le fort de Vaux, à
rouge un
lance à l'assaut tout
fonce sur
la direction
toile
Douaumont
perdre
failli
de
détourner de
A
partir
et, se préci-
ne consentira plus
il
la
proie qu'il
voite et qu'il croyait déjà tenir trois
con-
mois aupa-
ravant.
Son plan sera de déborder le ravin l'est
A
du
le fort
à l'ouest par
Bazil et le ravin des Fontaines, et à
par Damloup. la
date du 31
mai, notre ligne remonte
encore au delà du ravin du Bazil pour contourner, dans le bois de la Caillette, le saillant d'Har-
daumont qui nous franchir
le
appartient. Puis elle revient
ravin sur la digue, passe devant les
retranchements
R
3 ,
R2
et
R
1 ,
enveloppe
le fort
à 200 mètres à peine de la contrescarpe,
des-
DU cend dans
le
30
MARS AU
fond de
la
le
MAI
157
Horgne pour
ger en pointe au village de
en arrière dans
31
fond de
Damloup la
s'allon-
et revenir
Gayette devant
la
Laufée.
Le
saillant
d'Hardaumont
et le village
de
Dam-
loup sont en flèche et leur défense est précaire.
Les retranchement sont bouleversés. Quelle barrière
peut encore
offrir le fort?
LIVRE
III
L'Ã&#x2030;TREINTE
LA PIERRE ET L
Dans quel depuis
qui,
HOMME
état est-il, ce pauvre fort de le
21
février,
depuis
reçoit sa ration quotidienne d'obus
moyenne pour
la
Vaux
cent jours, dix mille en
:
région, et de tous les calibres,
mais principalement des plus gros, du 210, du
305
et jusqu'à
du 380?
Il
doit être martelé, pilé,
écrasé, concassé, nettoyé, pulvérisé et inhabitable, peut-il être autre
nom
sans
:
inutilisable
chose qu'un amas
de pierre et de terre, de débris de
toutes sortes changés en poussière ou en cendre?
Où
l'artillerie
nablement a
de l'empereur Guillaume a conve-
travaillé,
on assure
qu'il
ne reste rien
L'herbe ne pousse plus où mes chevaux pas-
sent
»
De
,
proclamait Attila.
fait,
l'aspect extérieur
du
fort est
lamen-
n
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
162
Les superstructures sont tout à
table.
truites et le dessus n'est plus
L'entrée par
temps ne on passe soit
par
Le été
sud
le
par
le coffre
écroulée et dès long-
double du nord-ouest,
coffre double est écrasé, mais
cèdent dans
le
l'intérieur
simple du nord-est.
le coffre
aménagée à
dé-
qu'un chaos.
Pour pénétrer à
sert plus. soit
s'est
fait
une
issue a
l'usage des troupes qui se suc-
secteur à l'ouest du fort (courtine,
tranchée de Besançon). La gaine qui bâtiments est fissurée près de
la
le relie
aux
descente dans
le
fossé et crevée près de la caserne.
De même
le coffre
simple nord-est a été percé
vers l'extérieur et fournit
ments qui tiennent
les
un passage aux
élé-
tranchées est et nord
(tranchées du Fort et de Belfort)
Ces deux entrées, qui sont du côté du trapèze le plus
rapproché de l'ennemi, favoriseront
saillant. C'est il
par
là qu'il s'introduira.
l'as-
Mais peut-
s'attendre à une résistance dans une telle ruine?
La
tourelle de 75 a
munication avec
la
beaucoup
souffert; sa
com-
caserne est obstruée. L'en-
,
LA PIERRE ET L'HOMME
semble n'est pas
utilisable.
163
Les deux observa-
toires cuirassés ont résisté,
mais on ne peut y
introduire des mitrailleuses.
Le
sud-ouest est en assez bon état
:
sa
communica-
bouchée, a été rétablie
tion, qui avait été
du
coffre simple
:
n'a
il
pas d'ouverture extérieure. La caserne enfin est fissurée,
mais tient bon. Une garnison peut
s'y
abriter.
Le double réseau de
fil
de
fer qui ceinturait le
fort est
en morceaux, ou enfoui dans
d'obus.
On ne
saurait
compter sur
la
les trous
résistance
des contrescarpes et des escarpes et du fossé qui les
è
sépare
les
:
murs ébréchés ont coulé
demi comblé, Tel
n'est plus
un obstacle.
ce tronçon de fort, ce
est
et le fossé
moignon de
défense que l'çnnemi aborde. Le 9 mars, quand il
fil
l'assiégea,
de
fer,
il
rencontrait encore devant lui
des remparts, des parapets, des abris
de mitrailleuses. Maintenant, teindre
—
et
il
le
pas à 200 mètres acrobatie,
du
et
parvient à
touche presque,
—
pour
s'il
il
il
l'at-
n'en est
peut monter dessus sans
entrer
dedans
il
trouve,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
164
béantes de son côté, les deux issues des coffres nord. Maintenant
n'y a plus rien, en dehors
il
des tranchées bouleversées qui sont en avant et sur les flancs, pour s'opposer à son envahisse-
ment. Plus rien que des
comme
tempête,
des
hommes
qui attendent la
marins résolus à ne pas
abandonner leur vaisseau désemparé. a
pour chef le commandant Raynal,
du 96 régiment
d'infanterie, qui, blessé, n'a pas
La garnison e
voulu attendre sa guérison pour reprendre du service. le 7
Né
à
Bordeaux où son père
était bottier,
mars 1867, d'une famille originaire de Mon-
tauban,
le
futur défenseur de
Vaux
fait ses classes
e au lycée d'Angoulême, puis s'engage au 123 régi-
ment
le
15 mars 1885. Cinq ans plus tard,
il
entre à l'École de Saint-Maixent, en sort sous-
lieutenant
le
er
1
1891 avec
avril
le n°
Capitaine lorsque la guerre éclate,
chef de bataillon
commandé de l'armée
le
il
l
sur 328.
est
nommé
24 août 1914. Comment
il
a
son bataillon, une citation à l'ordre le
montre
de son régiment
le
:
Commandant U avant-garde
14 septembre 1914
et
ayant pris
LA PIERRE ET le
L'HOMME
165
contact dès le matin à faible distance de l'ennemi
fortement retranché, a immédiatement établi son
d appui
bataillon sur les points
énergiquement sous
le
feu de
et l'y
a maintenu
l'infanterie, des
mi-
trailleuses et de l'artillerie lourde allemandes. Blessé
sérieusement dans l'après-midi, a conservé
mandement de son ligne
pour
y
un terrain
bataillon, se tenant sur la
assurer
la direction
com-
première
du combat, dans
couvert, jusqu'à
et
difficile
le
ce
qu'une
trop grande perte de sang l'obligeât à se retirer.
Crouy, lui a
de
la
le
14 septembre, une balle de mitrailleuse
labouré
la poitrine
du côté gauche. Chevalier
Légion d'honneur du 11
promu
A
»
officier le
1 1
juillet
1900,
il
est
janvier 1916 avec ce libellé
:
Officier supérieur de haute valeur morale et militaire. Blessé
grièvement
revenu au front où
il
leurs services; blessé à
3 octobre 1915 et
méthode à
bataillon. Il
le
14 septembre 1914,
est
n'a cessé de rendre les meil-
nouveau
très
grièvement
le
alors qii il procédait avec sang-froid
la
reconnaissance du secteur de son
»
a reçu à
Tahure, en Champagne,
sa
seconde
166
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
blessure la crête
un
:
de
l'abdomen
éclat d'obus à
l'os iliaque
VAUX lui a brisé
avant de ressortir par le
dos.
Trop mal remis encore pour pouvoir assurer un
commandement il
actif,
il
y eût peu à bouger
et
Vous commanderez un
commandant découvert.
— Vaux Et
fait la
— Le
a
demandé un
beaucoup à risquer.
—
—
Le
de Verdun.
fort
grimace
il
:
préfère le terrain
fort le plus exposé.
évidemment.
le voilà parti.
—
Alors, va
Tel est
confiées les destinées
du
poste où
— Lequel? pour Vaux.
l'homme à qui sont
fort.
Sa troupe se com-
pose d'une compagnie du 142 e régiment, la 6% sous les ordres du lieutenant Alirol (120 fusils),
d'une compagnie de mitrailleurs du 142 e
(lieute-
nant Bazy), d'une trentaine d'artilleurs, d'une dizaine de soldats
du génie, d'une vingtaine
d'in-
firmiers, brancardiers ettéléphonistes, d'une ving-
taine de territoriaux
pour
les corvées.
de 250 à 300 hommes. Mais c'est
normal, réglementaire de suite
il
la
s'augmentera d'une
Au
total,
là le chiffre
garnison. Tout de
cinquantaine
de
LA PIERRE ET L'HOMME mitrailleurs
167
du 53 e régiment, puis des blessés
qu'on apportera au poste de secours, puis des éléments du 101 e et du 142 e régiments qui, protégeant
en avant
le fort
et sur les flancs, reflue-
ront à l'intérieur par les ouvertures des coffres sous la poussée ennemie. Dès le 2 juin, flera et,
s'en-
de 250, s'élèvera bientôt à plus de 600,
ce qui aggravera les difficultés déjà la
il
défense.
En
effet,
si
si
grandes de
ravitaillements en
les
munitions, génie, service de santé, sont large-
ment
suffisants, les
approvisionnements en vivres
ont été prévus pour une durée de quinze jours,
mais pour une garnison de 250 hommes. Les citernes ont bien été remplies, mais les troupes
du secteur qui
l'ont su n'ont pas
sidérer
comme un
le fort
tiellement
manqué de
con-
point d'eau, providen-
aménagé contre
la
soif
si
terrible à
supporter sur ces pentes arides et battues. Les
commandants du
fort ont
contre cette tendance ils
:
eu sans cesse à lutter
pendant
le
mois de mai,
ont réussi néanmoins à créer une réserve. Cette
réserve a été apportée par des
hommes
de corvée
168
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
porteurs de bidons de deux
litres
:
corvées héroï-
ques et parfois tragiquement interrompues.
29 mai, litres.
elle s'élevait à
peine à deux ou
La garnison normale, dès
le
Au
trois mille
début ration-
née, aurait trouvé là des ressources pour une
durée de dix à douze jours, Elle sera
débordée par
et
même
les arrivants
jour. L'eau ne tardera pas à
davantage.
dès
le
manquer
premier
et la soif
sera la plus cruelle souffrance de la défense de
Vaux.
Cependant
la
mandant Ray nal
garnison est prête, et attend.
le
com-
II
l'étreinte se resserre
Dès
le
31 mai
mières lignes de Bazil,
sur
le
le
a
l'ouest
bombardement
la Caillette et
er
(1
sur nos pre-
sur le ravin
bois de Vaux-Chapitre, le
toute la région de Vaux, sur
dépasse dans de
telles
juin)
Damloup
proportions
et la le
du
fort et
Laufée,
pilonage
accoutumé, que Ton s'attend à une offensive. Sur quel point se déclanchera-t-elle? Sur l'ensemble
de ce front, ou sur un étroit secteur ? Fidèle à sa tactique qui est d'avancer successivement l'une et l'autre épaule,
du
l'ennemi n'attaque qu'à l'ouest
fort. Il limitera ses objectifs
au saillant dHar-
daumont que nous tenons encore, bois de la Caillette, au ravin
à la lisière
du Bazil où passe
du la
voie ferrée, à l'étang et à la digue, enfin au bois
Fumin,
partie
du bois de Vaux-Chapitre qui
est à
170
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
l'est
du ravin des Fontaines.
Fumin,
il
S'il
emportera aisément
chements R 3
,
R2
R
et
1
parvient au bois
la série
des retran-
qui défendent les pentes
au-dessus de l'étang de Vaux jusque près du fort
s'empare des retranchements,
S'il
le fort
débordé
tombera à son tour. Peut-être une journée
lui
pour opérer ce mouvement tournant
suffira-t-elle
qui lui livrera
fameux
le
fort cuirassé dont la
fausse conquête avait, le 9 mars, fait tressaillir
En
d'orgueil l'Allemagne.
trois
mois, ce malheu-
reux fort a été réduit en poudre. N'importe porte un offrir
nom
aucune
raient dans
il
retentissant et sa prise ne doit
difficulté
un
:
tel
:
quels
hommes
s'enferme-
abri? Et pour en finir l'ennemi
lance, entre le bois de la Caillette et le fort, la re
e
l
division (moins le 3 grenadiers), devant le fort
la
50 e division,
division re
la
l
XV
e
combinée comprenant
division,
corps.
A
les
e
le 3
e
grenadiers de
126 e et 105 e régiments du
l'importance des effectifs engagés
encore devra-t-il la 2
Damloup une
et entre le fort et
les
renforcer dès
brigade du corps alpin
—
il
le 5 juin,
—
avec
montre tout
le
L'ETREINTE SE RESSERRE A L'OUEST
171
prix qu'il attache à cette proie déjà tant blessée.
Notre défense hors du fort est ainsi disposée
au saillant d'Hardaumont (bois delà bataillon
e
du 24 régiment; de
chement R
1
er
le
bataillon
1
la
(commandant Fralon)
e
—
la 3
e
un peloton à chaque redoute) e 2 bataillon
fort, le
101 e la 7
e
(la
8
e
à la digue,
—
lieutenant Goûtai
,
un
Caillette)
digue au retran-
du 101 régiment (une compagnie
compagnie
:
une
R etR 2 3
à
,
de R à l'ouest du 1
;
(commandant Gasabianca) du
compagnie, capitaine Delvert)
en crochet défensif devant
et à
,
à
R
1 ,
gauche du
fort.
La chaîne
se
continue par
le
142 e régiment
(colonel Tahon) qui a fourni au fort sa garnison et qui
occupe, devant et à e
l'est, la
Belfort avec son 2 bataillon vassu)
les 7
:
de Belfort,
Le
er
1
e
et 8
les
e
(commandant Che-
compagnies dans
la
tranchée
deux autres en soutien au
bataillon
en flèche de Damloup avec
gnies,
la
4 e tenant et la
sud-est.
(commandant Mouly) occupe
village
Damloup
tranchée de
en arrière
la
trois
le
compa-
batterie
tranchée de Saales qui, de
de la
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
17-2
batterie, rejoint le village. Enfin le 3 e bataillon
(commandant Bouin)
du
secteur de
la 1
Dicourt et de
plus à Test,
l'ouvrage de
la
défense. er
Le
chargé,
Des relèves ou des renforts compléte-
Laufée. ront
est
juin, à huit heures, l'ennemi, après son
intense préparation d'artillerie, attaque ce saillant
d'Hardaumont que nous tenons encore au
nord du ravin du Bazil où passent Vaux. De
et la route de Fleury à
la voie ferrée
redoute
la
sur les pentes du plateau qui porte
Vaux,
le
capitaine Delvert
le
fort
R
1 ,
de
aux premières
est
loges pour suivre Faction qui se déroule en face
de
lui,
sins
de l'autre côté du ravin.
allemands
sortir
comme
Il
voit les fantas-
des fourmis quand
on a frappé du pied une fourmilière. Les
voici
qui dévalent sur notre tranchée du saillant.
Ils
sautent dedans. La fumée blanche qui en sort
indique qu'il s'y livre un combat à
la
grenade. Des
essaims de capotes bleu clair essaient plus loin de
regrimper
les
pentes
déjà inondées de soleil
du :
ils
bois
de
la
Caillette
refluent en désordre
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST sur
173
ravin de la Fausse-Côte et redescendent
le
vers l'étang. Les obus éclatent au milieu d'eux,
mais presque personne ne tombe. Puis
mands, en colonne par un, la ils
voie ferrée. Nul doute
tiennent Ils
les Alle-
le saillant est
:
long de
se glissent le
perdu et
ravin.
le
continuent de défiler jusqu'au talus de
voie ferrée.
En nombre toujours
arrivent à la digue,
abordent
le
ils
Fumin
bois
grossissant,
Et
franchissent.
la
la ils ils
retranchements.
et les
Ces retranchements ne sont plus guère que des trous d'obus reliés entre eux,
encore un air
armé
et
nemi dont
:
pu
lui
Fumin
»
R
8
subis-
et
fauchent
les
rampe sur
les
fusils
est aussitôt repérée et fusillée. est
venu bien près
:
on
prendre sur place un lieutenant, un aspi-
rant et quatre soldats terie.
midi, R" et
larve grise qui
«
Tout de même, l'ennemi a
A
leur résistance, enfin, arrête l'en-
mitrailleuses
vagues. Toute
1
avec ses murs en ciment
son haut talus.
sent l'assaut
pentes de
fortifié
saufR qui garde
e
du 41 régiment d'infan-
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
114
ne s'arrêtera pas
Il
près du but, malgré ce
Un
bataillon remplace le batail-
A deux
heures de l'après-midi, nou-
sanglant échec. lon détruit.
si
vel assaut qui se prolonge avec des alternatives
d'avance et de recul. La lutte est chaude dans
boyaux
les
et les tranchées à
grenade, à
Ce qui
revenu
deux retranchements sont per-
tale
produit à la digue, personne n'est
s'est
le raconter.
occupés par
les
Ce qui
adressée d'un
R
2
s'est passé à R* et
3
deux pelotons, une carte pos-
du lieutenant Goûtai qui
camp de
commandant
Lanusse,
la
baïonnette, corps à corps. Mais à
la
trois heures, les
dus.
demi comblés, à
commandait,
les
prisonniers au colonel le
101 e
régiment,
et
datée du 5 juin, mais retardée dans son envoi, est
venue l'apprendre un mois plus
J'ai
rencontré
le
colonel Lanusse
nait de débarquer dans
un
tranchées chaleur,
il
:
comme
il
ve-
un cantonnement de repos,
petit village souriant
mentés de l'Argonne.
tard.
Il
au bord des vallons toursortait
d'une période de
ayant posé sa vareuse à cause de
la
accordait un piano qu'il avait décou-
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST
un habitant. Cette bonne fortune
vert chez
un amateur de musique. Une
rare pour
un violon, posés sur une
— Vous — Ou
le
voyez,
détectât,
ma grammaire Avec
même
la
d'un
flûte,
trio classique.
musica
dit-il,
me juvat.
répondis-je en pieux souvenir latine.
simplicité,
il
évoqua pour moi
semaine où son régiment
la terrible
carte
me
est
table, attendaient les
artistes, et aussi la partition
de
175
du lieutenant Goûtai Ta
réjoui
s'illustra.
La
comme une
marche guerrière, mais ne Ta pas étonné.
Il
était
sûr que les choses avaient dû arriver ainsi. Et s'il
appuya sur
ciers,
il
se hâta
lui-même,
il
le rôle
de
tel
ou
tel
de ses
offi-
de rendre justice aux autres. Sauf
me cite tout son monde.
Voici donc
le
témoignage du lieutenant Goûtai qui, en quelques
mots laconiques, résume
Blessé
mands
et
le
défense de R* et
été
»
.
"
Rs
:
ramassé par Alle-
emmené ici. Avons scrupuleusement
ordre donné prétexte
1" juin. Ai
la
exécuté
ne pas reculer d'un pouce sous aucun
C'est ainsi qu'isolés, tournés de toutes
.
176
LES DERNIERS JOURS
parts, nous avons
DU FORT DE VAUX
succombé sous
le
nombre. Je suis
tombé L'un des derniers, frappé en plein ventre par une balle Huret,
tirée
le
à dix mètres de distance. Le lieutenant
Pasquier ,
blessé.
le
L
corps.
front.
Farjou,
L'adjudant
droite broyée et la cuisse balle.
Le sous -lieutenant
bras droit fracassé.
la
main
gauche traversée par une
aspirant Tocabens, cinq éclats d'obus dans
Le
Le
sergent Lecocq, tué d'une balle en plein
reste de la
compagnie à l'avenant. Cette
énumération, plus qu'aucun commentaire, vous dira
comment nous avons compris
notre devoir
et satisfait
V honneur Je vous signale la vaillante conduite du lieutenant
Huret,
de l'aspirant
Tocabens
et
spécialement de
V adjudant Farjou, sur la poitrine duquel la médaille militaire serait bien placée.
Après chaque assaut, c'est
émouvante des chefs
et des
la
même
litanie
gradés blessés ou
morts.
La première
carte écrite le 5 juin par le lieu-
tenant Goûtai du lazaret où
il
est
soigné est
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST adressée à son colonel;
femme,
à Toulouse
lui dit-il, ai été blessé
depuis vingt jours,
bataille par
Allemands
et
d'une
emmené prisonnier. Doc-
teur estime qu'il m'en tirera. Confiance! suis
en brave, l'honneur
sa
champ de
ventre. Ai été ramassé sur
balle au
pour
est
Combattant sous Verdun
«
:
seconde
la
177
est sauf.
Mais
tombé
suis navré, car
désormais croix de guerre impossible...
Un mois
plus tard,
de détails, mais braves gens,
la
dit-il
13 juillet,
le
même
pensée
il
donne plus
l'agite
de sa compagnie, se sont
presque tous tuer ou blesser sur place, officier n'est sorti il
ajoute
:
«
indemne de
Gomment ma
un
Tout
que
un
Puis
bienfait de la Pro-
ma
un pouce de terrain
la position
et pas
la bataille.
vidence. Enfin ce sera l'orgueil de
tombé sur
fait
blessure n'a-t-elle pas
été mortelle? C'est encore
n'avoir pas cédé
Ces
:
le
vie
de
et d'être
pays m'avait confiée.
cela, vois-tu, fait oublier la souffrance et
grandit la
mémoire de
morts autour de moi...
tous les braves qui sont »
Enfin, au mois d'août, on le devine remis de 11
sa blessure
plein
et
siens, gentiment, «
DU FORT DE VAUX
LES DERNIERS JOURS
178
d'espoir.
flète
douce France d'où
la
fine et narquoise, la
comme un
demande aux
quelques cigares à dix centimes,
de ces bons cigares de
monte,
Il
fumée bleue qui
re-
coin du ciel miré dans nos belles
eaux limpides où se regardent nos coteaux, nos grands bois, notre terre chérie avec ses vingt siècles
de gloire, d'honneur et de
foi, la
enfin pour qui, avec tant de joie,
d'autres nous avons
sang. t-il
»
Pour supporter
des vers.
lettres
Ne
le
meilleur de notre
l'exil,
sans doute écrira-
convenait-il pas de citer ces
er
1
la
juin?
cours de cette journée du
reurs,
et tant
d'un prisonnier avant de revenir à
journée du
Au
donné
moi
France
er
1
juin, les cou-
presque tous volontaires,
assurèrent les
liaisons
avec un dévouement inlassable.
d'eux arrive au poste de
Fumin, franchissant
L'un
commandement du
— par
quelle chance
!
bois
— un
de barrage très serré.
tir
— Tu dit
aurais pu attendre quelques instants, lui
paternellement
le
colonel.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE Mais
— Mon de
la
L'OUEST
1T0
montre l'enveloppe.
il
Deux
A
colonel,
y avait écrit
il
autres sont envoyés
brigade.
En route
qui supprime avec
,
urgent.
:
du régiment au poste
l'un d'eux est tué
parun 1 05
dont il étaitporteur. Son
lui le pli
camarade retourne au poste du colonel, réclame une copie du pli Maîtres
et repart
pour remplir
sa mission.
des deux retranchements,
mands s'avancent dans maintenant forcer R chée du
fort, et ils
l'ouest et
même
hardiesse
le lui
Cependant
par
l ,
bois
le
Fumin.
redoute
la
la
Il
Alle-
leur faut
plus rappro-
aborderont alors le
les
le fort
par
sud. Notre surprise et sa
livreront peut-être sans coup férir. le
du 101 e
colonel
,
en bon chef
d'orchestre, accorde ses dispositions de combat. Il
place ses réserves
cherche
et trouve sa liaison
et creuse la terre la
en barrage dans
nuit suivante
sans relâche,
pour il
s'y
fera
profitant
le
bois,
au ravin des Fontaines
mieux agripper. Toute travailler
ses
hommes
de l'indécision sur
lignes qui paralyse l'artillerie
ennemie, pour
couvrir et organiser son front entre
R
l
les
se
et le ravin.
LES DERNIERS JOURS
ISO
Car er
1
la
juin.
R
redoute
Deux
1
est assiégée dès le soir
tir,
du
mitrailleuses qui battent les pentes
calment l'audace ennemie de
DU FORT DE VAUX
:
«Devant leur champ
on voit des groupes de corps
sur la terre...
»
est déjà tragique
gris
Dans nos tranchées a
:
Partout
le
les pierres
étendus
spectacle
sont ponc-
tuées de goutelettes rouges. Par place, de larges
mares de sang le
violet et gluant restent figées.
boyau au milieu du passage, sur
grand toiles
soleil,
le
Dans
parados, au
des cadavres gisent, raidis dans leurs
de tente sanguinolentes.
de débris sans
nom
:
.
.
Partout des amas
boîtes de conserves vides, sacs
é ventres, casques troués, fusils brisés, éclaboussés
de sang. Au milieu d'un de ces horribles
une chemise toute blanche rouge.
et
tas s'étale
dégouttante de sang
Une odeur insupportable empeste
Pour comble,
les
l'air.
Boches nous envoient quelques
obus lacrymogènes qui achèvent de rendre irrespirable. Et les lourds coups de
marteau des
obus ne cessent de frapper autour de nous. Ce tableau
est
vu
taine Delvert qui
le soir
du
er
1
commande
juin par
la
l'air
le
»
capi-
défense de
R
1 .
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
R
1
A
va résister jusqu'au 8 inclus.
que dans
nuit
la
du 8 au
la statue, la
défense de
image en raccourci de épisode de
per
la
nemi
sait
artiste
dans
tailler
le
redoute est une fort.
Cet
R
1 ,
d'ailleurs, se bat iso-
pas ce qui se passe à sa droite,
croit protéger
un des
ou
la
flancs
mort du
quand
fort
l'en-
réussira à passer entre le retranchement
et la contrescarpe.
tance
sera pris
d'un bout à l'autre en
ni à sa gauche, ignore la vie il
la
181
redoute, mieux vaut ne pas en cou-
empiétant sur l'avenir.
dont
1
défense du
la
le récit et le suivre
lément, ne
R ne
Gomme un
9.
ébauche une maquette avant de
marbre
L'OUEST
a,
Celui qui a
pour en être
particulière.
rables notes
mené
l'historien,
une autorité
en partie,
Voici donc,
du capitaine Delvert, du
qu'au soir du 5 où
il
fut relevé
la résis-
les
admi-
2 juin jus-
:
Journal du capitaine Delvert (2-5 juin).
Vendredi 2 juin. ment
alertée.
Nous
— Nuà ?i avons
d'angoisse perpétuelle'
pas
été ravitaillés hier.
.
La
VAUX
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
182
soif surtout est pénible. Les biscuits sont recher-
Un
chés...
obus vient de faire glisser
nest pas tombé loin. Il
commandement par fourrier,
le
pauvre
est
entré dans
la porte et a
petit
ma
C...
broyé
Tout a
plume. Il
le
poste de
mon
été ébranlé.
Pas une
J'ai été couvert de terre. Et rien!
sergent
égrati-
gnure.
Vingt heures. de leur tranchée.
— Les Boches Ici, tout le
d'en face sortent
monde
est
au créneau.
J'ai fait distribuer à tous des grenades, car à la dis-
tance où nous
Les voilà
— En S.
.
.
sommes
le
fusil est impuissant.
!
avant,
coupe
les
enfants! Hardi!
les ficelles et
nous
les
expédions
Les Boches nous répondent par des grenades à fusil,
mais qui portent trop
loin.
surpris par notre accueil, vitesse
— sauf ceux
Ceux qui
sont sortis,
regagnent Sarajevo en
qui restent de place en place,
parfois par groupes, étendus sur la plaine.
De Sarajevo (la tranchée de Sarajevo, occupée par l'ennemi, est à
50 ou 60 mètres à peine de
la re-
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST doute), on voit des
ombres
se diriger vers l'arrière
:
183
précipitamment
sortir
et
sans doute la seconde vague
qui se dérobe.
— Aux
fusils, les enfants,
feu de poursuite
!
Ch... lance une fusée rouge. Si nous avions un tir
de 75 maintenant, ce serait parfait.
Tout à coup, des flammes fusent derrière nous, avec des torrents de fumée blanche
et
noire.
Ce sont
de véritables jets de flammes. Pas de doute! Ils ont
forcé à droite
més
.
et
nous lancent
ici
des liquides enflam-
.
Mais voilà que de l'incendie montent des flammes vertes et rouges. Je
me
rends compte. C'est
pôt de fusées qui flambe.
Heureusement que
les
le
pareil
dé-
moment!
Boches ont été soignés. Des
malheureux dévalent sur ques
A un
mon
la droite
hommes s'émeuvent auprès
en criant. Quel-
de moi
et
quittent
créneau.
—
A
vos places! N... deD...! Et vous, tas de
gourdes! vous f...
le
camp parce que deux fusées
flambent!
En
moi?is de
deux minutes
l'ordre est rétabli.
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
184
Les flammes montent
dans
la nuit,
et
bouillonnent sans cesse,
au milieu des obus. A
tout
moment une
nouvelle fusée lance son jet de flammes
L'incendie gagne
commandement d'où
deux langues de feu.
bientôt sortent
d'abord sauver
Un
poste de
le
Le
crépitement.
le
nous faut
grenades qui sont à proximité.
les
sac de cartouches est resté dans
entend
Il
le
brasier, car on
terrible est
que
les
murs
sont faits de sacs à terre et alimentent eux aussi
Et
foyer.
les
obus,
et
les balles
le
qui ne cessent de
siffler.
Enfin ! Toutes blayées. terre,
Le feu, sur
diminue
lequel tombent les pelletées de
d'intensité.
Heureusement grenades.
de grenades sont dé-
les caisses
Il est
les
Boches ont été calmés par nos
vrai que maintenant
en aller chercher d'autres
une autre attaque.
On
si
il
l'on veut
en a vidé près
nous faut résister
à
de vingt
caisses.
— Un homme arrive du poste bidons d'eau — dont un vide
Vingt-deux heures.
du colonel avec cinq
— pour
toute la
compagnie
.
Ce sont des bidons de
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
deux
litres.
Cela fait neuf
litres
pour 60 hommes, 8 sergents, 3
V adjudant
A
L'OUEST
185
— à peu près —
officiers.
moi, avec une parfaite
fait devant
équité, la distribution de cette eau, qui sent le cadavre.
Samedi
—
3 juin.
//
y
a près de soixante-douze
heures que je n'ai pas dormi.
Deux heures nouveau
trente.
Boches attaquent à
:
— Du calme, On
— Les
les
enfants! Laissez-les bien sortir!
A 25 pas!
a besoin d'économiser la marchandise.
Tapez-leur dans
la
gueule!
A mon commandement!
Feu! Et allez donc
!
Un craquement d'explosions bien ensemble! Bravo !
Une fumée
noire s'élève.
les
genoux
se laisse rouler
et
voit les groupes boches
Un ou deux Boches
tournoyer, s'abattre.
sur
On
s'esquivent en rampant.
dans
la
tranchée,
tant
il
se lèvent
Un
autre
est pressé.
Quelques-uns cependant progressent vers nous, pendant que leurs camarades restés dans nous criblent de balles.
la
tranchée
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
186
Un s'avance mêmejusqu'au réseau Brun, du parapet. D.
A
trois
.
monte aux
beau
en ont assez soleil.
tête.
et l'entrent
Une chanson me
lèvres.
— Vous pris.
Il fait
ils
3 mètres
grenade en pleine
l'écrase d'une
heures trente,
dans leur trou.
—
.
à
êtes
g aiy mon capitaine.
Evidemment. D'ailleurs quand
le
parti est
A
..
six heures, les brancardiers boches sortent
ramasser leurs
blessés,
f empêche de tirer dessus.
Les Boches passent sans discontinuer occupent B*
.
ISous
sommes menacés de
situation est vraiment terrible.
serre
le
Digue.
Ils
tous côtés.
La
la
Une angoisse indicible
cœur.
....... Ce
pour
soir,
.
.
.
.
.
.
.
.
préparation d'artillerie formidable de la
part des Boches.
Nous serons sûrement attaqués de
nouveau. Je fais rétablir la plate-forme de mitrailleuses dé-
molie dans la journée
et
deux
réparer.
pièces qu'on a
pu
mettre en batterie une des
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
Pour
boire,
comme
il
L'OUEST
A
pleut, les
hommes
187
ont mis
leurs quarts dehors, et établi des toiles de tente.
A
ces Messieurs
vingt heures trente,
d'en face
sortent de Sarajevo.
Les poilus en sont joyeux
font un
tel
trailleuses
L'attaque
A
barrage à d'un
tel
la
A 15
.
mètres
grenade, appuyé par
feu, que
les
ils
les
leur
mi-
Boches n'insistent pas
est arrêtée net.
vingt-deux heures, un officier parait dans
la
cagna.
Ce sont des renforts, quelques éléments des 124' et
298
La
e
régiments qui viennent coopérer à la défense.
petite
garnison de
R
l
très
,
éprouvée, se trouve
déjà très réduite.
Les obus
se remettent à
tomber.
Impossible d'allumer une bougie dans
commandement Si peu de lumière que .
dehors,
Pour
les
poste de
l'on voie
du
marmites arrivent.
rédiger
suis obligé de
couverture,
le
et
le l'apport
de vingt-quatre heures, je
m' accroupir dans un coin, sous une d' écrire
par
terre.
Quant à reposer une seconde,
il
n'y faut pas son-
188
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
ger.
Le bombardement ne
d'autre part, twus
nous nous grattons
Dimanche 4
R
pour
mes
l
,
sommes si
—
«
juin. »
me
une minute
si criblés
comme
Boches!
les
cesse pas
et,
de totos que
nous avions
la gale.
ne sont pas vernis
Ils
jette
en passant un de
poilus.
J'étais à la redoute à organiser la liaison avec
ma
gauche.
— Eh heure-ci,
bien! hier,
me dit
à
la
cette
X...
— Oui! vous avez vu Au même
vous avez eu chaud à
cette distribution
de grenades.
instant, pétarade significative
:
on
se bat
grenade.
Je grimpe en vitesse l'étroite
dans
la tranchée et
Il fait
rampe gui me mène
gagne mon poste de combat.
un temps magnifique. Les grenades
quent de toutes parts. Très beau,
nade
:
le
le
combat à
la
cla-
gre-
bombardier, solidement campé derrière
parapet, lance sa grenade avec
le
le
beau geste du joueur
de balle. S.
.
.,
accroupi près des caisses , coupe tranquillement
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST
des cuillers et nous les passe avec beaucoup
les ficelles
de simplicité ; une le ciel,
189
fumée
noire, épaisse, s'élève
dans
en avant de la tranchée.
A quatre
heures,
tout est fini.
Encore quelques
coups de fusil. Les derniers sanglots après
la
grosse
émotion.
un
Il fait
encore
Des
soleil
la désolation
cier
s'est
Dans
le
et
.
entre autres,
.
sont entrés
a eu
le
crâne troué.
bout de tranchée qu occupent des bomba?-
diers de la
5e
et
dix
hommes du 124
e ,
deux Boches
ont été bousillés.
et
prisonnier descend. Il a la face imberbe,
yeux hagards «
des tués, ce pauvre D.
sang
dressé sur la tranchée pour abattre un offi-
boche
Un
de ce ravin.
blessés descendent couverts de
On ramène qui
radieux qui rend plus poignante
Kamarade
Il lève ses
.
! »
mains sanglantes en criant
Dans une
salle
vais.
Lugubre,
sombre mal
ce poste de
éclairée d'une
bougie, des corps gémissants sont étendus. Ils
reconnaissent
et
:
Nos hommes l'emmènent en courant
au poste de secours. J'y secours.
les
m'appellent.
me
L'un deux me de-
,
190
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
mande
depuis longtemps;
ses nouvelles
veut que je donne de
il
Un
à son frère.
VAUX
me demande
autre
d'écrire à ses parents.
Le pauvre caporal figure,
me fait
des adieux qui
Et tous souffrent fièvre,
ils
Dans
0..., qui porte la mort sur la
me
atrocement,
tirent des larmes.
car,
altérés
par
la
n'ont pas une goutte d'eau à boire.
la courtine,
classe 16, celui-là; petit, sec,
blond,
autre prisonnier boche, de la
une brute. Puis un unler-offizier
distingué
un
vingt-quatre ans,
:
architecte des environs de Cologne. •
••••• Dix-huit heures.
•
•
— Le
......
•
bombardement recom-
mence.
Le brancardier L..., haletant, quelques instants au
mur
de
vient s'appuyer
mon poste
de comman-
dement. Sa bonne figure d'honnête brave creusée;
les
yeux
cerclés
homme
est
de bleu semblent sortir de
la tête.
— Mon
capitaine, je n'en puis plus.
tons plus que trois brancardiers
:
les
Nous ne
res-
autres sont tués
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE ou
A
L'OUEST
mangé,
Voilà trois jours que je n'ai pas
blessés.
191
que je n'ai pas bu une goutte d'eau, que je ne pas allé à
On
suis
la selle.
que ce corps frêle ne
sent
miracle d'énergie.
On
que par un
tient
parle toujours de héros; en
voici un, et des plus authentiques
L'effroyable canonnade dure toujours.
Et pas de fusées vertes. D...,
R...
et
moi,
nous attendons sous un bas
hangar en planches couvertes de quelques
quinous écrasera. Les mines sont graves.
terre l'obus
On
à
sacs
sent que tous sont seiTés
Vingt heures.
par l angoisse.
— Nous sommes
Vingt-trois heures.
relevés!
— Courrier du
raison des circonstances,
le
colonel
101 e ne peut
:
«
En
être relevé,
i
Merci. Quelle déconvenue pour mes pauvres troupiers! Ils
font [admiration du lieutenant X.
quoi, mais
Lundi
il
.
Il
y
a de
ne m'en reste plus que 39!
5 juin.
les totos s'y
.
— Je
opposent.
reposerais volontiers,
mais
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
192
Le contre-ordre de
que
relève fait
la
compagnie
n'aura pas encore d'eau aujourd'hui. Sitôt
le
contre-
ordre reçu, j'ai envoyé une corvée d'eau. Elle n'est
pas revenue. Elle a dû
être prise
par
le
jour. Elle
sera restée à Tavannes ou au tunnel.
Heureusement
des toiles de tente et
Une
ma
y
hommes vont
étaler
recueilleront de Veau.
soif terrible dessèche la gorge.
Manger du ter
pleut. Les
il
singe avec
du
biscuit
J'ai
faim.
va encore augmen-
soif.
— Mon Ch...
capitaine, voilà
est
du café !
devant moi, tenant des deux mains une
gamelle fumante. C'est bien du café! Je n'en puis croire
—
mes yeux.
Mon
capitaine,
café ; alors j'ai dit
:
j'ai trouvé des tablettes de voilà
mon
affaire, je
faire du café. Si vous voulez accepter
le
vais
premier
quart?
Ah!
les
braves gens! Je suis
ému à ne
savoir que
dire
— Mais, mon ami,
— Nous
et toi?
en avons d'autre.
Et
tes
camarades?
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
—
Mais, je ne puis,
L'OUEST
A
accepter un quart!
ici,
193
Une
gorgée, je veux bien.
— Non,
mon
non,
V..., passe
Tiens,
capitaine,
pour vous.
c'est
donc des quarts ;
la
gamelle, j'en
ai besoin.
Je
me
laisse faire.
de
côté.
quart
Il
mets
Je
précieusement
me permettra
de
manger
le
un
biscuit.
Quels braves gens! Quels braves gens!
Dix-sept heures.
Pourvu
Nous la
— L'ordre
de relève
est arrivé.
qu'il soit définitif!
laisserons nos morts
tranchée.
comme
Leurs camarades
souvenir dans ont pieusement
les
placés hors du passage. Je les reconnais. Voici et et
sa culotte de velours
;
A
.
.
,
pauvre
D... qui allonge sa main cireuse,
lançait si vaillamment la grenade; et
petit, classe
L...,
et
et
celte
C, 16,
main qui
P..., et G...,
tant d'autres!
Hélas! que de lugubres sentinelles nous abandonnons!
Ils sont là, alignés
sur
le
parados, roidis dans
leur toile de tente ensanglantée, dégouttante de sang
— gardes
soleiuiels
et
farouches de ce coin de sol 13
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
19-4
français au
semblent, dans la mort, vouloir encore
ils
interdire à V ennemi.
—
Vingt et une heures.
Relève.
Le bombardement ininterrompu, l'incendie dans
voisinage du
le
assauts
quotidiens,
manque
d'eau, le
dépôt de
le
grenades, les
manque de
vivres,
manque de sommeil,
le
l'odeur
des cadavres et celle des obus asphyxiants, l'es-
rongé par
prit
vermine, ces
y a du
qu'il
lui venir
la
hommes
soleil, le
êtes gai,
rire
le
corps par la
ont tout enduré. Et parce
capitaine sent une chanson
aux lèvres.
— Vous — Évidemment. Tout
mort comme
est là.
Un
mon
capitaine.
D'ailleurs,
quand le parti est pris !
soldat qui passe jette dans
un
:
—
Ils
ne sont pas vernis pour
Oui, tout est tenir à soi.
là
:
R
l
,
les
Boches!
tenir à son poste et ne pas
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'OUEST e
La 6 compagnie du 101
e
195
est relevée le 5 juin
au soir par une compagnie du 298 e qui résistera trois jours encore,
dans des conditions de plus en
plus précaires, mais qui sera débordée dans la
nuit du 8 au 9. L'ennemi a pu progresser sur la droite. lui a
La chute du
fort, le 7
juin au petit matin,
donné un point d'appui.
Mais
R
1
,
pendant tout
7 juin, a flotté
le siège
comme une barque
vagues au flanc du grand navire.
du
fort,
du 2 au
victorieuse des
III
l'étreinte se resserre a l'est
Le 2
du matin,
juin, à six heures
Tahon, commandant
commandement du
le
village de
sur
Damloup
le
secteur qui s'étend du fort de
Le plateau qui porte l'est
colonel
le
142 e régiment, prend
Vaux au fond de Dicourt, au
diatement à
juin
2
:
le
sud-est.
le fort s'infléchit
fond de
est bâti
la
immé-
Horgne. Le
au bord de
la
Woëvre,
au point de chute d'un promontoire qui sépare le
ravin de la
fond de
de
la
la
Horgne
et le
fond de
Gayette s'appuie à
la
la
hauteur boisée
Laufée, laquelle est battue par
Dicourt.
Il
n'est pas inutile
Gayette. Ce
le
fond de
de rappeler une
fois
encore cette configuration des lieux. J'ai let,
vu
le
colonel
Tahon un dimanche de
au nouveau poste de commandement
juil-
qu'il
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
L'EST
A
197
occupait alors dans l'Argonne. Ce poste se cachait
dans un nid de verdure. L'air l'ombre
même
était
chaude. Entre
des insectes bourdonnaient dans
de clarté. Gà
et là,
les intervalles
on rencontrait une sentinelle
tation de forêt vierge. Pas
intrus. Sans ce rappel,
arrêt de la vie que le
campagnes
les
Autrefois
Dans
Un
passait,
:
la
y
cette végéfusil;
par-
comme un
on aurait pu croire à cet
promeneur remarque dans
dimanche. Autrefois, ce coin de
violemment disputé
sol fut
faisait
le
un coup de
un obus
seulement,
branches,
les
ou une corvée, troublant de leur pas
fois,
embrasé,
était
a-t-il
donc
si
et arrosé
de sang.
longtemps?
cagna soigneusement recouverte,
il
une fraîcheur de cave assez appréciable.
certain confort y régnait
:
des fauteuils, une
table et sur cette table une[ photographie, des plans, des cartes. vite
Terrant
:
Le goût du home reprend
l'abri
banal qu'il faudra quitter
demain devient en quelques
instants
quelques instants un intérieur. Ce |que fait
si
et le
pour 142* a
dans ces mémorables journées de juin, je
l'ai
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
198
su
là,
de
bouche de son chef, soucieux d'en
la
parler avec équité et de contenir l'élan qui le
hommes;
portait à glorifier ses
je l'ai su de la
bouche de ces hommes qui étaient revenus de vu soi-même,
loin. Si l'on n'a pas
il
si
reste à inter-
roger ceux qui ont vu. Lorsqu'il vint occuper son poste le 2 juin, à six heures,
une partie de
disposition
du précédent commandement,
déjà en ligne.
Le 2
e
son du fort dont l'est
avec
Damloup
les
e 7% 8
compagnie
et 5
e .
et la batterie
mandant Bouin)
,
Le
er
1
6
Le
e
)
plein.
la garni-
nord
la
le 3
et à
e
(com-
Laufée. La nuit
fort avait subi des assauts.
bruits couraient
:
le fort
aurait été
on aurait aperçu des ombres sur
pris,
était
bataillon occupait
de Damloup;
Dicourt et
avait été très agitée.
De mauvais
(la
tenait les abords au
il
la
(commandant Ghe-
bataillon
vassu) formait d'une
mises à
ses troupes,
le terre-
Les gaz d'innombrables obus asphyxiants
empoisonnaient encore l'atmosphère au lever du jour
de
la
:
dans
les ravins,
spécialement dans
le
fond
Horgne, leurs nuages traînaient, pareils à
L'ÉTREINTE SE RESSERRE ces buées
montent
qui
A L'EST
matin de
le
199 la
terre
humide.
A
huit heures, un sergent accourt tout suant,
essoufflé, effaré.
— Damloup Il
tir
est
perdu. Les Boches arrivent.
faut prendre des mesures immédiates.
de barrage est demandé à
et à Test
de Damloup et dans
de façon
le
en avant
ravin de la Horgne,
empêcher toute progression ennemie.
à
Le bataillon Bouin pagnies
l'artillerie
Un
11
(la
e ,
est alerté, et l'une
capitaine Hutinet)
de ses com-
rapprochée
pour contre-attaquer immédiatement. La 4 e compagnie (capitaine Cadet), qui a été détachée du bataillon de nit la
Damloup pour
tenir la batterie, gar-
tranchée de Saales qui
les relie afin
poser à toute sortie des Allemands
s'ils
de s'opessaient
de déboucher du village. Enfin des renforts sont
demandés
à la brigade, qui
du secteur
le
met
bataillon Pélissier
à la disposition e
du 52 régiment.
Des coureurs qui ont pu s'échapper de Damloup viennent confirmer la nouvelle apportée par le
sergent.
A
la
faveur des épaisses et mortelles
DU FORT DE VAUX
LES DERNIERS JOURS
200
vapeurs produites par
obus asphyxiants
les
stagnent dans les fonds de
la
Horgne
Gayette, l'ennemi a pu pénétrer dans
On
l'alarme.
de
et
la
le village.
Les guetteurs intoxiqués ou surpris ont
samment donné
et qui
s'est battu
insuffi-
dans
les
caves et dans les maisons, sous les jets des flammeniverfer et des grenades tardive qui n'a pas sauvé
:
défense
difficile et
Damloup. Et l'ennemi
va certainement tenter d'avancer sur
promon-
le
toire.
La compagnie Hutinet
le
peu de temps pour gagner par
boyau de
le
bout de laquelle
la
prévient.
troupe s'en vient hardiment à ciers et sous-officiers et
suit la jetée
au
et
la
marcher sur
comme
cette
rescousse, offi-
en tête! Bien peu de temps
l'ennemi a déjà organisé sa conquête.
Un la
et,
se trouve le village,
Damloup. Bien peu de temps,
a fallu
de combat
l'abri
Bruche qui
Il lui
officier
défense de
de
la
compagnie qui
la batterie
:
«
préposé à
de Damloup,
le sous-
et
donne ces
Nous voyons nos camarades
partir tête
lieutenant Brieu, a suivi détails
est
le
combat
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
d'obus. Mais les Allemands ont
démolie et
de barrage achèvent de briser
En quelques
attaque.
amené des mi-
qui faucbent nos pauvres poilus, et
trailleuses tirs
et l'on
la
le
deux sous-lieutenants grièvement
compagnie
e
est
capitaine Hutinet
lutte
viennent se réfugier près de nous.
Le
blessés.
encore, mais
son effectif est des plus réduits et
À
les
ce
débris
moment,
colonel Tahon, mis au courant, nous donne
l'ordre de tenir à tout prix la batterie et
cher
les
organise 11
contre-
instants la pauvre 11
nous ramène
restant de cette
le
iOl
de trou d'obus en trou
baissée en bondissant
leurs
A L'EST
e
ainsi
Boches d'avancer. Le capitaine Cadet la
e
position avec la 4 et les restants de la
qu'avec une section de mitrailleuses.
Nous nous mettons au nous sentons que prendre
la
pons. Toute vive...
d'empê-
les
travail
avec activité, car
Allemands vont chercher à
position importante que nous occula
journée, nous
sommes
sur
le
qui-
»
La contre-attaque de
la
1
1'
compagnie du
l
\ï
a donc été fauchée par les mitrailleuses installées
202
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
à la sortie de
de
Damloup, juchées sur
épargnés par
toits
mulées derrière
les
les
er
1
des grenades
lui
bombardements,
effectifs plus
du 52 e
bataillon
morceaux dissi-
pans de murs. Faut-il
recommencer avec des Le
les
est
la
importants?
prêt à marcher
:
ont été distribuées. Mais les
quelques heures qui se sont écoulées ont permis à l'ennemi de se
mieux retrancher. Damloup, du
côté ouest, est plus aisé à défendre qu'à attaquer.
Les ravins qui
le
flanquent sont jusqu'aux pentes
sud aux mains des Allemands et qui y conduit est étroit.
En
le
promontoire
outre, des renforts
ont été vus qui venaient de Dieppe, des travailleurs ont été signalés à l'artillerie sur les faces
ouest et sud. Mieux vaut fortifier la batterie de
Damloup,
les
du fond de organiser
la
pentes sud du fond de la Gayette et
Horgne
et profiter
de
la
nuit pour
solidement cette nouvelle ligne qui
peut tenir. Et l'on se met au travail tandis que l'artillerie
ennemis «
Les
disperse sans cesse les rassemblements
et arrose le village
hommes
perdu de Damloup.
creusent et se mettent à l'abri. Le
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'EST
203
déluge de fer a recommencé et dure toute c'est
le
la nuit
:
vacarme assourdissant des explosions
ininterrompues.
»
Le lendemain, au lever du
jour, la situation s'est améliorée et de pied ferme
hommes
nos
attendent
les attaques.
Le bombardement qui
les
précède bouleverse
tranchées aménagées hâtivement, face à
les
loup, et écrase la batterie. C'est
provoque l'incendie. Ce n'est qu'à
du
soir
Ici,
les
tocsin qui
trois
Allemands montent à
je recours à la relation
Brieu
«
que
le
Dam-
heures
l'assaut.
du sous-lieutenant
:
Le
3, le
jour se lève, trouvant chacun à son
poste et dans une situation améliorée. Je pense
rêveusement à ce que cette journée nous réserve et
j'examine mes hommes.
fatigués, cela se qu'ils
lit
Ils
sont certes très
sur leur figure, mais on voit
sont décidés et qu'on peut compter sur
eux. «
J'ai
nombre
eu hier pas mal de tués s'est
accru
la nuit et ce
et
de blessés;
matin
le
le
bom-
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
204
bardement me pauvre ami
fait
encore des victimes dont
lieutenant Métayer,
le
tué
mon
à son
poste, d'une balle au ventre. «
Tout à coup, vers quinze heures,
allemande qui son Ils
tir et
fait
rage depuis un
l'artillerie
moment
allonge
nous voyons des Boches qui s'avancent.
sont fauchés par nos balles de fusils et de
mitrailleuses.
Ils
redoublons notre
hésitent et s'arrêtent et nous tir
pendant que
celui de nos
mitrailleuses s'arrête. Je regarde et je vois au
milieu de
la
poussière des ombres qui s'agitent.
C'est le sergent Favier qui, sorti
indemne, déterre
sa pièce, la nettoie sous le feu de l'ennemi et,
aidé de ses
hommes,
quillement qu'à «
la
la
met en place
aussi tran-
manœuvre.
Vers dix-sept heures, nous voyons, à notre
grande surprise, une soixantaine de soldats français sortir des tranchées allemandes. Ils viennent
sur nous. «
Ils
ont des grenades et vont
Feu! ce sont
cri
que
et les
les
les
Boches!
»
J'ai à
les
lancer
:
peine lancé ce
feux de salve se succèdent rapidement
quelques Boches habillés en Français qui
.
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'EST
205
n'ont pas été atteints s'enfuient éperdus
et re-
gagnent leurs trous. «Vers dix-neuf heures, de deux côtés à
du nord batterie
d'assaut
de
et
ils
;
la
l'est,
les
la fois,
Boches s'avancent sur
la
veulent nous encercler et prendre
position confiée à notre garde. Mais
nous tenons bon,
l'artillerie
barrage efficaces,
le bataillon
exécute des
tirs
de
e
du 52 nous envoie
des renforts et nous repoussons toutes les attaques
Des Boches tombent à moins de dix mètres de batterie.
Certes,
les
minutes sont angoissantes,
mais nous devons tenir coûte que coûte l'ordre et nous l'exécutons. velle
la
A
:
c'est
vingt heures, nou-
attaque, nouvelle défense de
notre part.
Enfin, nous pouvons respirer, enterrer nos morts,
évacuer nos blessés, reconstituer nos positions et
nous préparer à repousser de nouveaux assauts. Mais c'est pas,
trois
la
nuits
qui
ajoutent
leurs
tout ce que nous avons enduré
Qu'importe, personne ne songe à il
dormons
troisième nuit que nous ne
fatigues à
précédemment. se reposer, car
faut garder le sol qui nous est confié.
.
.
»
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
206
Les Allemands ont attaqué batterie de trois côtés
la
position de la
à l'est en débouchant
:
Damloup avec des uniformes
village de
au nord face à
la
tranchée de Saales
en montant du ravin de assauts ont échoué, mais
français;
à l'ouest
;
Horgne. Tous leurs
la
ils
du
sont parvenus jusqu'à
dix mètres de la batterie. L'alerte a été chaude et
rude
combat. Le bataillon
le
soutenu
le
choc ou
l'a
du 52 e a
Pellissier
prévenu. Les feux des deux
bataillonsGhevassuetBouindu 142 e l'un à gauche, ,
l'autre à droite, l'un au-dessus
Horgne,
du ravin de
du ravin de
l'autre au-dessus
la
la
Gayette,
ont mitraillé l'ennemi. Les pertes de celui-ci ont été considérables. les
On
a
pu voir dans
les
fonds
taches des uniformes gris-vert se multiplier.
L'ordre donné prescrivait de
avec
la
résister sur place
dernière énergie et de maintenir nos posi-
tions ». l'être
«
Il
a été fidèlement exécuté. Pourra-t-il
dans sa seconde partie,
Par suite des pertes et de
hommes,
la situation est
nue à
grouper dans
se
le
lendemain?
l'état
de fatigue des
grave. L'ennemi conti-
le
ravin de la Horgne
:
L'ÉTREINTE SE RESSERRE A L'EST
207
notre artillerie tire sur ces rassemblements qui
mais
se dispersent
reforment. Et sur
se
la crête
de Vaux des sections allemandes apparaissent que nos mitrailleuses prennent pour cible. Le fort est-il
encore à nous? C'est l'angoissante question
qui se pose.
Une
patrouille exécutée en avant de la batterie
ramène deux prisonniers d'après
renseignements
les
cinq compagnies
du
autres, sorties
taquer «
du jour
à la pointe
fournissent,
qu'ils
occuperaient Damloup, village, seraient
trois
chargées d'at-
la batterie.
Toute
la
nant Brieu,
lemment
journée du 4, note
les
et,
C'est à ce
sous-lieute-
le
Allemands nous bombardent
dans
la
soirée,
brusquement encore. Notre
moment que
le
ils
vio-
nous attaquent
fusillade les arrête.
brave et cher capitaine
Cadet tombe, frappé d'une balle au front,
pendant que deux soldats emmènent
peu en
arrière,
tir
le
et,
corps un
nous continuons de nous battre.
Enfin, dans la soirée, nous
Un
:
sommes
relevés.
efficace de notre artillerie sur
»
Damloup,
DERMERS JOURS DU FORT DE VAUX
LES
203
sur
le
Horgne
ravin de la
rie disperse les forces
et
en avant de
ennemies, et
la batte-
passe
la nuit se
e sans attaque. La relève, par un bataillon du 305
bom-
s'accomplit sans pertes. Le 5 juin, nouveau
bardement
et
fauché avant Il
nouvel assaut parti de
même
la
Horgne
du
s'est passé à l'est
er
1
.
lant
L'ennemi,
le
Vaux
fort de
er 1
le
2 juin et
d'Hardaumont dont
a été barré au bois
qu'à
la nuit
attaques.
s'est
il
Fumin
du 8 au 9 juin,
De même,
dès
juin, s'est jeté sur le sail-
emparé. De
a pénétré dans les retranchements il
et
de déferler.
les jours suivants ce qui s'est passé à l'ouest, le
,
le
R
et 1
R3
et
devant
là,
il
R 2 mais ,
R
1 .
Jus-
résiste à toutes les
2 juin, les Allemands,
profitant de leur préparation par les gaz, occupent
Damloup, mais dit le
la batterie
débouché du
contre cette batterie
de Damloup leur inter-
village. le
forces sans cesse accrues
En
vain se ruent-ils
3 et le 4 juin avec des :
ils
ne parviennent pas
à y entrer. Plus heureuse encore que celle de sa
défense
Encore,
le
se
prolongera jusqu'au 2
2 juillet, l'ennemi en sera-t-il
R
1
,
juillet.
immé-
L'ÉTREINTE SE RESSERRE
diatement chassé tenir,
que
Ainsi le
du
le
a
L'EST
n'y rentrera-t-il,
et
209
pour y
10.
mouvement
destiné à l'enveloppement
fort a-t-ii été entravé à droite et à
gauche par
des défenses accessoires qui n'ont pu sauver fort,
mais qui,
même
après sa perte, ont ralenti
le
la
marche ennemie.
La
belle défense de la batterie de
Damloup
été soutenue par des unités réduites n'ayant
leurs vivres
de réserve,
souffrant du
a
que
manque
d'eau et privées de tout repos, de tout sommeil. 11
semblait que
dît la position
la
brusque perte de Damloup ren-
presque intenable. Mais y
a-t-il
une position intenable pour une troupe décidée?
Le
fort
de Vaux va nous révéler de
nouvelles
puissances d'endurance.
u
LIVRE IV
LA
SEMAINE TRAGIQUE
LA
BATAILLE SUR LE FORT
Ceux qui ont pu drame. Toutes soit à
les
sortir
du
(2 JUIN)
fort ont raconté le
scènes qui se sont déroulées,
l'extérieur, soit à l'intérieur, et qui sont
relatées ont été vues et vécues.
ici
sont
ici
parlé. Jusqu'au nie,
par
il
le
a
moyen de
La tempête
er
1
la
dans
commandement
de ses signaux.
juin a été chargée d'angoisse.
a obliqué sur la
gauche, mais
l'air
Bazil a été
digue a été franchie, l'ennemi a pénéle bois
Fumin. Sur
ments qui jalonnent fort,
a
jusqu'à l'ago-
imprégné d'orage. Le ravin du
perdu, tré
le
ses pigeons et
lui-même
fort
le
moment suprême,
communiqué avec
La journée du
reste
Enfin,
les acteurs.
Les témoins
les
deux ont cédé. R
l
les trois
retranche-
pentes entre l'Étang et tient encore,
mais
le
suffira-
214 t— il
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX à contenir l'ennemi? Entre
R
1
et le fort, la
tranchée de la Courtine et celle de Besançon qui
un contour au
aboutit par
coffre double (nord-
demi éventré, sont garnies par
ouest) à
pagnie du 101 e régiment. Devant
chée qui
protège
le
et,
la 7
e
com-
le fort, la tran-
plus à l'est, la tranchée de
e Belfort sont occupées par la 7 et la 8 compagnies e
e
du 142 régiment, dont
la 5
e
est sur le plateau,
en soutien. Ces troupes suffiront-elles à contenir les
Ne
assauts?
l'ouest par le bois le
fond de
fait
seront-elles
Fumin, à
l'est
Horgne sur quoi
la
pas
débordées à
par Damloup et
bombardement
le
rage?
La nuit
est toute
innombrables des fusées
sombres
animée
tremblante des
éclairs des batteries, des ascensions
et
de leur chute en
qu'elle,
des
colonnes
montent des éclatements. De
homme
et
étoiles.
de
Plus
ténèbres
l'observatoire,
un
de garde signale des mouvements au bas
des pentes.
Personne ne dort,
blessés à bout de forces.
appuyé sur
sauf quelques
Le commandantRaynal,
sa canne, fait le tour des couloirs.
Il
LA BATAILLE SUR LE FORT parle peu,
il
est
énergique rassure.
préoccupé, mais «
Les
215
son attitude
officiers, dit
un témoin,
passaient sans cesse au milieu de nous, leur calme habituel,
mais nous
l'heure était proche, car détails.
la
le lever
et les vagues,
:
elles
avant sans être rompues, et
contre
que les
du jour,
en demi-
déferlent contre nos défenseurs. Notre
barrage a été tardif
contre
sentions
examinaient tous
heures quinze, avant
ennemi s'allonge
cercle,
avaient
»
A deux le tir
ils
ils
les voici
qui arrivent
tranchée du fort qui leur
la la
ont pu se porter en
fait face,
tranchée de Besançon à l'ouest, contre
tranchée de Belfort à Test.
En
face, elles se heurtent à la 7 e
142 e régiment qui
les reçoit
Le premier peloton
compagnie du
à coups de grenades.
se fait tuer sur place après
avoir infligé à l'ennemi des pertes sévères. Le
second, qui était en soutien, se précipite à
la res-
cousse et c'est une ruée formidable contre dos forces plus
nombreuses
qu'il
empêche de
passer.
Le capitaine Tabourot commande ce peloton de
216
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Un
renfort, assisté de l'aspirant Buffet.
de
capés a
fait
lui
ce portrait
bourot
se battait
comme un
nait tous de sa haute taille,
d'une voix brève, plaçait. Puis,
grenades
il
il
fois.
lion.
Il
donnait ses ordres
il
un peu en
nous
et
le
sac aux
arrière,
il
bras, tranquillement, visant
Alors, cela nous excitait, et nous
faisions de la belle besogne.
ça n'ait pas duré
!
Quel
dommage que
»
L'héroïque troupe est tout à coup derrière, entre la tranchée et le fort. effet, la
nous domi-
puisa lui-même dans
les lançait à plein
chaque
Le capitaine Ta-
nous encourageait
se renversant
et,
«
:
des res-
par
assaillie
A
l'ouest,
en
tranchée de Besançon, après avoir re-
poussé un premier assaut, a cédé. Sa petite garnison,
débordée,
s'est
vers
repliée
le
coffre
double où se trouve l'une des deux entrées du fort. Déjà,
il
a fallu transporter à l'intérieur l'in-
trépide lieutenant Tournery,
la
tète
traversée
d'une balle, qui, mortellement frappé, mettra trois jours à
mourir sans avouer
troupe qui cesse d'être
ses tortures.
Une
commandée cherche un
LA BATAILLE SUR LE FORT abri pour se refaire.
dans
par
fort
le
verture. Mais l'ennemi
devant
interdit par
pu
Le
défend l'ou-
elle
se
glisser
fossé
nord
un canon-revolver placé dans
double, mais, -peloton
dont
a
contrescarpe.
la
décimée, rentre
Celle-ci,
le coffre
217
le
longeant,
a
il
jusque est
lui le
coffre
pris à revers le
du capitaine Tabourot.
Le capitaine nade qui
«
Domptant
sa douleur, dit le
ne
laissa pas
échapper une plainte
deux jambes. il
par derrière d'une gre-
brise les reins et lui décbiquette les
lui
déjà cité,
est atteint
témoin et
je le vois encore passer devant nous, porté par
deux de
ses sergents.
montrait l'ennemi.
Il
était
pâle, mais
il
nous
«
Les brancardiers l'emmènent à l'infirmerie. Le cortège pénètre à l'intérieur par
la
brèche du coffre
simple nord-est. Les médecins doivent pratiquer
immédiatement l'amputation double des chevilles.
Le commandant Tlavnal vient
un peu plus brève
:
tard. L'entrevue des
le
rejoindre
deux soldats
aucune parole de consolation,
est
aucune
fausse espérance. L'un se devine perdu; l'autre
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
218
l'estime trop pour recourir au
accolade, puis tente de dire
le
commandant du
êtes
Le capitaine pense à
con-
un brave.
ses
commandant,
Ma compagnie
passé.
fort se
:
— Tabourot, vous
— Mon
mensonge. Une
hommes
:
Boches n'ont pas
les
leur a barré le chemin.
Après ce témoignage,
cun a repris son poste.
il
Il
ferme est seul
les
yeux. Cha-
avec
le
méde-
cin auxiliaire Gaillard parmi les blessés qui se
lamentent.
Il
réclame après un instant l'aspirant
Buffet. Mais l'aspirant Buffet se bat avec le reste
de
la
—
compagnie. Il
faut le laisser, dit le mourant.
au médecin auxiliaire Gaillard cette
dicte
Il
lettre
pour
sa
femme
:
«
Ma
à mort, j'ai été tué en faisant bien et
maman,
ma
chérie, je suis blessé
mon
devoir. Soigne
je t'aimais bien, je vous embrasse, toi
petite fille.
»
Déjà
il
parle de lui
comme
s'il
n'était plus.
Un peu lui-même
plus tard, l'aspirant le rejoindre.
Menacé
Buffet vient de d'être tourné, ce
LA BATAILLE SUR LE FORT qui restait
du peloton
pour rentrer dans
— Approche, si
tu reviens
la
femme comment je En
dû
se frayer
un passage
le fort.
mon
de
a
219
paix avec ses
petit; toi qui es
guerre, suis
de Dijon,
tu iras dire
à
ma
mort.
hommes
conscience de
et sa
chef, le capitaine s'est tourné vers son foyer. Ce
furent ses dernières paroles. Désormais, jusqu'à la
mort qui tarde de quelques heures,
il
réserve
toutes ses forces à ne pas accuser les horribles
blessures auxquelles
il
ne pouvait survivre.
Déjà son
nom
court dans la nuit, porté par un
pigeon qui
s'est
envolé du fort à trois heures du
matin «
:
L'ennemi
est
autour de nous. Je rends
hommage
lu brave capitaine Tabourot, très grièvement blessé r
e
142 )
:
nous tenons toujours.
»
Quelques heures plus tard un second pigeon annonce «
sa
mort
:
Capitaine Tabourot, du
142
e ,
mort glorieuse-
ment, blessure reçue en défendant la brèche nord-est.
Demande pour
lui
Légion d'honneur.
«
220
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
Ce n'est
là
qu'une partie du message
:
l'autre
aux opérations.
a trait
Cependant
les
Allemands sont parvenus aux
deux brèches ouvertes, l'une dans nord-ouest et l'autre dans est. Ils essaient
le coffre
le coffre
d'en forcer
le
double
simple nord-
passage.
A chaque
entrée, c'est une lutte corps à corps. Sur la droite,
sont tout d'abord repoussés.
ils
dit
un des combattants,
«
Nos grenades,
faisaient des vides dans
leurs rangs, mais des renforts arrivaient toujours.
Leurs morts
et leurs blessés
formaient des
mouvants que venaient encore déchiqueter de nos projectiles.
éclats
On
se bat
maintenant dans
fait installer
les
»
les
coffres, conduisent à l'intérieur.
Raynal
tas;
gaines qui, des
Le commandant
des barrages de sacs à terre
préparés à l'avance.
Au
dehors,
la bataille n'est
pas moins violente.
Le bataillon Ghevassu, du 142 e régiment, va
se
trouver dans une situation critique. L'ennemi, s'il
est
contenu à l'ouest du
ment R dont 1
il
fort par le retranche-
ne peut s'emparer, a réussi à
se
LA BATAILLE SUR LE FORT glisser entre la courtine et le fort.
Damloup
côté sud. D'autre part,
ou sept heures du matin,
arrive sur le
11
a été pris à six
par
et,
221
le
ravin de
Horgne, des forces nouvelles montent
Le bataillon Ghevassu, qui dans
le fort (la
mandait la
le
6
e
effet sur la
un
,
:
la 7
la
e
que com-
a dans sa mission il
se maintient
tranchée de Belfort et sur
de Montbéliard où corps.
de
et les débris
défense du côté est du fort
à l'assaut.
deux compagnies
a
capitaine Tabourot)
la
lutte devient
la
en
tranchée
un corps à
Le sous-lieutenant Huguenin, attaqué par désarme
soldat ennemi, le terrasse, le
bat avec
et se
de son adversaire. Les Allemands
le fusil
reculent, mais reviennent à la charge, l'après-
midi, baïonnette au canon. Les
hommes du 142%
renforcés d'une compagnie du 53
au
cri
de Vive
Cependant,
la
e ,
les
reçoivent
France!
le
bataillon
est
menacé
d'être
tourné. Ses sections de mitrailleuses se déplacent, font face de trois côtés, en avant, du côté de
Damloup
à l'est, et à l'ouest contre l'ennemi qui
débouche au sud du
fort.
Les chefs de pièces
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
222
désignent calmement
Le sergent
objectifs.
les
Narcisse qui se tenait debout auprès de sa mitrailleuse est tué d'une balle en plein front. C'était
un brave qui bataille
avait reçu la médaille militaire à la
de Champagne. Le caporal Réveille
remplace
et crie à ses
pas de bile, je
hommes
:
«
Ne vous
me charge de nettoyer
les
le
faites
Boches.
»
Les observateurs en ballon signalent au nord
du
fort des troupes
de plus en plus nombreuses
qui se terrent dans nos anciennes tranchées pour éviter nos barrages et gagner les intervalles.
En
réalité,
il
du
terrain
pendant
n'y a plus de tran-
chées, rien que des trous d'obus qui ne sont pas reliés entre eux, ce qui explique le
manque de
liaison entre les sections et l'infiltration
A midi, fort, la
heures, «
ennemie.
une quarantaine d'hommes sont vus sur le plupart cachés dans des trous. le fort
L'ennemi
donne lui-même de s'est
emparé des
et blessés.
quinze
ses nouvelles
coffres nord-est
nord-ouest. Je poursuis la lutte dans
breux réfugiés
A
les
gaines.
:
et
Nom-
Officiers et soldats font
tout leur devoir etnous lutterons jusqu
au bout.
»
LA BATAILLE SUR LE FORT
A
223
sept heures du soir, les observateurs sur les
postes de la redoute de Fleury signalent que des
éléments d'infanterie en
files
de plusieurs com-
pagnies montent actuellement du nord au sud, à la
corne nord-ouest du fort de Vaux.
ladent le
se
le
fort
esca-
Ils
et disparaissent à l'intérieur
par
sommet. Pendant ce temps, d'autres groupes glissent le
long des tranchées entourant
le
fort.
Et à deux heures du matin,
mandant optique «
Raynal
envoie
encore
com-
message
ce
:
Situation inchangée. L'ennemi irai aille sur
dessus
et
autour de l'ouvrage. Faire battre
petits calibres.
le
les
fort par
L'ennemi occupe en nombre nos an-
ciennes tranchées premières lignes //
le 3 juin, le
et les a
renforcées
.
semble avoir une tranchée armée mitrailleuse face
au sud-ouest, non Cette
loin
du fossé de
la
g or (je.
mitrailleuse n'est pas dans
gorge, mais sur la superstructure
où l'ennemi a réussi à bat le côté sud.
Il
est
la
le
de
fossé
même
du
fort
transporter et d'où
impossible de
le
il
déloger du
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
224
terre-plein
tourelle de
la
:
75 est démolie,
il
n'existe pas de tourelle de mitrailleuses, et l'on
a vainement essayé de passer des mousquetons
par
des observatoires, mais ces armes
les fentes
trop longues n'ont pas sins
pu
servir à tuer les fantas-
allemands qui n'en étaient qu'à quelques
mètres.
La 8
e
du
face sud
compagnies
fort a été
2 juin par la soir,
e
1 I
e )
,
les
renforcées
le
e
et
matin du
compagnie du 53 e régiment
par un bataillon du
5
de mitrailleuses du
et la section
bataillon Ghevassu (142
sauvée par
même
et, le
régiment. Ce
bataillon devait contre-attaquer sans retard, mais il
arrive à pied d'œuvre très éprouvé par les tirs
de barrage subis en cours de route, et doit se
borner à tenir
le terrain,
à reconstruire les tran-
chées détruites et à s'intercaler entre réduites
Donc, nord il
est
du 142 le 2
et ouest.
les sections
e
au
.
soir,
l'ennemi est dans
Contenu en partie à
l'est et
maître des deux coffres nord et
progresser dans l'escalier.
En
les fossés
outre,
il
il
au sud,
essaie de
a grimpé
FORT
LA BATAILLE SUR LE dessus, et là côté sud.
il
225
bat de ses feux de mitrailleuse
Toute
devient
sortie
sinon
difficile,
impossible. Toute communication est coupée.
que
reste
les
est entassée
pigeons et
dans
les
les
Il
ne
signaux. La garnison
casernes. Elle peut accéder
encore aux observatoires
et
au coffre simple sud-
ouest qui n'a pas d'ouverture sur l'on a
le
le
dehors, où
pu installer une mitrailleuse pour battre
le
fossé sud.
— Nombreux
réfugiés
mandant Raynal.
C'est
celui de l'extérieur. et trop
et blessés,
a signalé le
com-
un danger presque égal
à
Le spectacle trop rapproché
continu des mourants et des morts qu'on
ne peut emporter risque de démoraliser
la
garni-
son. Les ordres se transmettent plus lentement
dans
les couloirs
encombrés. Enfin,
s'il
y a assez
de viande de conserve et de biscuits pour tous, l'eau va
manquer.
II
LE FORT APPELLE
Roland qui passe les
dit
aux
«
:
Je sonnerai de l'olifant,
défilés, l'entendra. Je
Francs rebrousseront chemin...
Roland a mis bien
et
hautes
»
H
l'applique
sonne de toute sa force. Les montagnes sont et le
son se prolonge.
gnons V entendent
...
vous assure que
l'olifant à sa bouche.
On
à trente grandes lieues. Charles
taille.
Charles,
et
.
Le
roi dit
:
en entendit l'écho
«
compa-
tous ses
et
Nos gens ont ba-
»
Le comte Roland , à grand'peine,
effort, et avec
grand
à
une grande douleur sonne à son
oli-
fant. Le sang clair jaillit de sa bouche. Près de son front, sa tempe est rompue. Mais le son de son cor
porte
si
Naimes
loin! Charles
V entend qui passe aux
l'entend... Et le roi dit
:
«
défilés;
J'entends
le
cor
LE FORT APPELLE de Roland. taille.
Il
ne sonnerait pas
22"
ny
s'il
avait ba-
»
Le comte Roland
...
a
bouche sanglante.
la
tempes sont rompues. Avec
Auprès de son front
les
douleur
sonne V olifant. Charles
et
peine,
il
Français l'entendent. Et haleine.
qui
est
»
Le duc
en peine.
il
:
a
répond
:
Ce cor «
C
a longue
est
Roland
trembler
l'olifant qui firent
les
y a plus de dix siècles, sont-ils plus
émouvants que
Vaux
N aimes
roi dit
»
Les appels de Pyrénées,
le
et ses
les
appels silencieux du fort de
qui, par-dessus les lignes ennemies,
muniquent au commandement
les détails
com-
de son
agonie et sa résolution de tenir?
Le
3 juin au matin,
un pigeon au
vol rapide
arrive au colombier.
— Messager,
quelles sont les nouvelles? Le fort
vit puisqu'il t'envoie.
Dis-nous
un siège jusqu'à ce que nous
En dont
s'il
peut soutenir
allions le délivrer?
vain chercbe-t-on sous son aile il
doit être porteur.
la
Mal attachée,
dépêche elle est
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
228
tombée en route. L'oiseau a
Combien Le
reste-il
au fort de
4, vers midi, le
été lâché
pour
rien.
compagnons?
ses
colombier reçoit un pauvre
pigeon blessé qui se traîne péniblement jusqu'au
On
gîte.
ses
prend, on
le
le caresse, vite
plumes. Celui-ci n'a pas
«
un voyage
fait
Voici la dépêche qu'il apporte
on soulève inutile.
:
Tenons toujours, mais nous subissons une atta-
que par
gaz
Les
et les
fumées
très
dangereuse.
Il
y
a
urgence à nous dégager, faites-nous donner de suite
communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C'est
mon
Le dernier pigeon! Les
dernier pigeon.
»
téléphoniques sont
fils
dès longtemps coupés et les signaux ne fonction-
nent pas. Le dernier pigeon 1
trait
d union avec
isolé.
le fort.
Aucun battement
paroles.
Il
restera
muet
si
lui.
sur sa
Au colombier
main
le
dernier
maintenant
ne portera plus ses
l'on ne parvient pas à
On ne
militaire
l'oiseau qui fut,
blessé en service
c'est
fort est
d'ailes
rétablir la liaison optique.
de
Le
:
commandé.
saura plus rien
un
soldat a posé
comme un
coureur,
LE FORT APPELLE
220
L'après-midi du 4 se passe sans que
pondance du
fort
soit rétablie.
un
Il
est impossible d'obtenir
doute n'a-t-on pu repérer
signal. Sans
l'emplacement de son appareil. Mais trois
heures du matin,
ment de
le
poste de
la division voit arriver
la section
lis
appar-
de projecteurs. Alors, puiset
signaux ne fonctionnaient pas,
il
avait plus
à
5,
deux hommes qui,
de pigeons
qu'il n'y
le
commande-
tout simplement, sont sortis du fort,
tiennent à
corres-
la
puisque fallait
les
bien
venir rétablir la communication. C'est l'évidence
même.
— Le — Ils
devant
fort n'est
donc pas encerclé?
sont dessus avec une mitrailleuse, mais
la sortie sud,
— — On
il
n'y a personne.
Cette sortie-là est bouchée.
saute d'une fenêtre dans
le fossé.
D'autres ont essayé, mais n'ont pas réussi
à
s'échapper. Ceux-ci ne donnent pas beaucoup de détails.
moment,
Ils ils
en
donneront plus
tard.
sont trop préoccupés.
des professionnels.
Si
Tour
le
Car ce sont
l'on tiendra? La vie
n'est
i>30
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
pas
drôle
à
enflammés de
monde
est
bon.
et à cause :
A
.
les
.
ils
Il
cause
la soif.
liquides
Et puis
il
hommes. Mais
y a trop
le
moral
de Vaux n'est plus
le fort
parle et on lui répond.
Les monts sont hauts, ténébreux
.
des
vont essayer de correspondre.
heures et demie,
7
seul.
de
plus de 600
Là-dessus,
à
l'intérieur
VAUX
immenses,
et
vallées profondes, les torrents rapides.
derrière l'armée, les trompettes
sonnent
Devant et
et
toutes
semblent répondre à l'olifant...
Mais quand sonnent
magne, Roland,
les
trompettes de Gharle-
déjà, n'est plus. Imaginez-le, se
redressant devant la mort pour écouter ces fanfares
Le
!
fort
de Vaux renseigne
le
commandement
sur la position de l'ennemi. Son message est plein
d'espérance «
L'ennemi travaille à partie ouest du fort à cons-
tituer
avec
:
fourneau pour faire sauter
artillerie.
voûte.
Tapez
vite
»
Dix minutes plus tard,
il
insiste
:
«
Où
êtes-
LE FORT APPELLE
vous?»
À
231
huit heures, n'ayant pas reçu de réponse
ou n'ayant pas pu angoisse
la déchiffrer,
:
iV entendons pas votre artillerie.
qués par
(jaz et liquides
extrémité.
A neuf mis
:
enflammés.
Sommes
Sommes
heures, enfin, ce signal
Charlemagne. Elles sont
musique
à toute
lui est trans-
Courage, nous attaquerons bientôt.
«
atta-
»
Roland mourant a entendu
fait
avoue son
il
est
si
douce!
Il
si
les
»
trompettes de
lointaines,
se redresse,
il
mais leur écoute,
il
signe à la mort d'attendre. Mais que les Fran-
çais se hâtent! Déjà, les ténèhres l'envahissent et
sa parole se trouble.
Le
fort, tout le jour, attend.
venue,
il
nuit qui
tombe ne
être compris
:
son funèbre,
il
..
nuit est
sera-t-elle pas la dernière,
pas
la suite est
ne
du suaire mortel? Le
commencement du message
.
la
donne des signes d'impatience. Cette
l'enveloppera-t-elle
«
Quand
qu'il adresse ne
peut
déjà pareille à une orai-
y parle de ses défenseurs au passé
jour précédent.
Il
:
faut que je sois dégagé ce
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
232
soir et
que ravitaillement en eau
tne
parvienne immé-
diatement ; je vais toucher au bout de mes forces. Les troupes
— hommes
et
gradés
—
en toutes circonstances
ont fait leur devoir jusqu'au bout.
N'est-ce pas l'adieu râle
de l'agonie qui
dans
le
»
suprême? N'est-ce pas
commence? Et
voici
bombardement formidable qui de
le
que,
part et
d'autre couvre de fer et de feu la colline, un de
nos postes de projecteurs
gnaux fragmentaires u
53.
...
interviendrez
France.
la
Pour
pond au »
la
la
. .
aspire.
.
de pertes.
.
complet épuisement.
Vous
Vive
la
Debout,
il
appelle.
Il
tend
douce France,
seconde
magne ont
rage.
avant
s'est relevé.
bras vers
Pour
:
blessés.
.
si-
»
Roland les
.
encore ces
saisit
fois, les
trompettes de Charle-
retenti jusqu'au val de
seconde
fort de
fois, le
Vaux
:
Roncevaux.
poste de Souville ré-
«Reçu votre message. Cou-
LE FORT APPELLE
Du t-il
courage, ce tronçon de fort en trouvera-
encore après
La tempête
les trois jours
qu
vient de vivre?
il
n'a pas cessé un seul instant d'ébran-
déchaîne
ler le plateau. Elle se
R
retranchement droite
233
1
gauche sur
à
qui a l'audace de résister, à
sur la batterie de
promontoire
et balaie le
débouché du
village,
Damloup
fond de
qui tient
Horgne
la
la
fait
succéder
semble aux attaques locales
coup toute
la
les
afin
Montbé-
attaques d'en-
d'emporter d'un
position ou d'obtenir un fléchisse-
ment en un point où
il
se précipitera.
gouffre trois divisions qu'il devra
par une brigade du corps alpin,
de
et le
Courtine, à
droite parles tranchées de Bclfort et de
L'ennemi
le
sur les abords immédiats
qui sont défendus à l'ouest par
liard.
le
trois côtés,
il
est autour,
il
même
il
est
Il
y en-
renforcer
assiège
dessus,
le il
est
refuse de se rendre. Isolé
dedans. Et, têtu,
le fort
tout un jour,
ne se sent pas abandonné.
il
tort
Au
23i
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
dehors,
il
en
l'intérieur,
cades.
Il
est certain,
il
on
travaille
pour
lui.
A
multiplie les barrages et les barri-
défend marche à marche
pas à pas, les couloirs.
les escaliers et,
supporte
Il
canon,
le
les
mitrailleuses, les grenades, les flammes, la fumée, la soif, la
l'empoisonnement, l'intoxication, l'odeur,
pourriture.
humaines,
ira
Il
encore lorsque l'on
celle qui recule
croit l'atteindre sible.
jusqu'à la limite des forces
Entre
dépasse l'attendu et
et.
pierres
ses
voûtes sonnantes,
le
resserrées,
douloureux
pos-
le
sous
sacrifice
ses s'ac-
complira jusqu'au bout.
Un
sous-lieutenant du 142 e qui
fait partie
du
bataillon Ghevassu et se bat sur le plateau hors
du
fort a décrit plus tard à
ribles journées sière,
et
:
«
Tout
un camarade
n'était
que feu
ces teret
pous-
dans cet enfer, quelques soldats aux
aguets empêchaient
les
masses boches de passer.
Leurs attaques se sont renouvelées tous tantôt frappant
ici,
tantôt là
;
jamais nous ne leur
avons cédé un pouce de terrain, tant
un soldat pour
le
les jours,
qu'il y a
défendre. Je ne te dirai pas
eu les
LE FORT APPELLE
23")
souffrances que nous avons endurées. Pas d'eau,
pas de ravitaillement, ceux qui ont voulu nous
en apporter sont restés en route.
Il
n'y a que les
munitions qui ne nous ont pas manqué. Nous
sommes
exténués, mais
si
heureux d'avoir
fait
notre devoir, d'avoir contribué à empêcher les
Boches de prendre Verdun que leur Empereur leur avait promis et qu'ils n'auront jamais...
11
faudrait qu'ils passent sur nous etqu'ils marchent
sur les cadavres de tous ceux que nous leur avons tués... fois,
Ils
nous attaquaient de
leur étreinte n'a pas
Pendant
la
ments
le
sive, le
A
pu nous
saisir...
à la
»
journée du 3 juin, l'ennemi veut
exploiter la prise de fort à l'est.
trois côtés
Damloup
et
Des éléments du 142
contiennent et
même,
e
contourner et
du 53
e
le
régi-
passant à l'offen-
contraignent à reculer.
tous les échelons,
division et brigade, le
armée, corps d'armée,
commandement
soutient
lutte qui s'étend
du bois Fumin au fond de
Gayette, alimente
le
attaques.
la
la
combat, prépare des contre-
Contre-attaque sur Damloup, dès
la
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
236
matinée du 2 juin, qui du moins dégage Contre-attaque sur
rie.
le fort
dès
la batte-
le soir
du
2,
e par un bataillon du 53 régiment qui doit traver-
peut que ren-
ser les barrages meurtriers et ne
forcer les troupes 3 juin sur notre
du secteur. Contre-attaque
gaucbe pour reprendre
des retranchements et venir en aide à
R
1
le
la ligne
qui tient
toujours. Et les observateurs en ballon ne cessent
pas de signaler des colonnes ennemies gravissant les
pentes et venant grossir
le
nombre des
assail-
lants.
Certes,
sont
là,
il
faut se relier
au
:
des camarades «
Nous
fort des camarades français,
télé-
qui attendent leur délivrance
avons dans
le
phone l'armée,
il
faut
les
dégager
entrer en liaison avec eux.
Devoir sacré. le
fort
»
et,
:
tout d'abord,
C'est le devoir de tous.
Le général Tatin, qui commande
secteur, dirigera
Mais l'ennemi
lui-même l'opération.
.ne
cesse pas d'attaquer, et
inonde son objectif d'une pluie de feu qui ne
terrompt jamais. Le 298 e régiment
A deux
heures du matin,
le 4,
est
il
s'in-
rapproché.
une attaque
est
LE FORT APPELLE
déclanchée sur le sud-est.
par
le fort,
Elle
par
elle est arrêtée
nord-ouest et par
le
commence
23"
par progresser, puis
les mitrailleuses.
Un
avion,
au petit jour, vole au-dessus du fort et descend sibasqu'il fait de l'ombre sur ce chaos. L'auda-
cieux oiseau va-t-il se faire blesser nier pigeon?
Il
parmi
glisse
comme une salamandre
dans
se redresse et s'éloigne.
sur
la
les le
comme le der-
obus
et les balles
feu et le voici qui
a rempli sa mission
Il
superstructure du fort,
il
a
:
repéré l'empla-
cement des mitrailleuses. Quelques
instants plus
tard, notre 75 et notre 155 démolissent toutes les
ennemies établies sur
installations
supérieure de l'ouvrage.
par temps
clair,
les
A
la
partie
dix heures du matin,
avions constatent que les
tranchées du fort sont complètement nivelées et
que personne n'occupe
le
dessus du fort.
La nuit suivante, l'ennemi recommence sur
la
superstructure ses travaux et ses abris de mitrailleuses.
Il
condamne
interdit le
départ
reconnaissances
ainsi et
— dès
les
la
sortie par le sud.
communications.
Il
Des
qu'elles ont été proposées,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
238 le
nombre des
le fort.
si
grand
qu'il a
ont essayé de pénétrer
Aucune n'a pu accomplir sa mission.
En revanche on le
—
un choix
fallu faire
dans
volontaires a été
a
pu
sortir.
Deux signaleurs, nous
savons, ont franchi les lignes dans la soirée du
4 juin. Quelques heures plus tard, dans la nuit du
4 au trois
5,
l'aspirant Buffet,
hommes de
à leur tour.
la 7
e
sous-officiers et e
compagnie du 142 sortent
Le problème
sortie qu'à l'entrée.
deux
est
Pour
moins insoluble à
sortir,
il
faut se garer
des mitrailleuses boches, mais pour entrer
en outre, se garer des nôtres. Le
la
fort,
il
faut,
pour ne pas
être investi, doit garderie fossé sud et ses abords.
Toute ombre qui s'approche ficulté est «
mis
dif-
de se faire reconnaître.
Courage, nous attaquerons le signal.
paratifs d'une
nombreux. 6 juin, à
La
est suspecte.
Et
le
bientôt,
commandement
»
a trans-
hâte les pré-
nouvelle attaque à effectifs plus
Elle ne pourra être déclanchée
deux heures du matin.
que
le
LE FORT APPELLE
Il
faut maintenant
revenir en
savoir ce qui s'est passé à
Depuis
le
lion secoue
même
pour
arrière
intérieur du fort.
1
matin du 2 juin,
fort,
le
comme un
crinière pleine de vermine,
sa
rongé parle Boche qui sus et
'239
est devant,
dedans, car
de côté, des-
a plongé par les
il
est
deux
ouvertures des coffres et tâche à pénétrer dans le
cœur de
la
place
mis de l'ordre dans et le reflux des le
que de
la 6
e
Le commandant Raynal la
garnison dont
a
les hlessés
éléments voisins ont trop aug-
nombre.
menté
i
ne devrait se composer
Elle
compagnie du
1
i2
e ,
de
de mitrailleuses et du génie du
la
fort.
compagnie Les
7
e
et
e 8 e compagnies du 142 qui défendirent les coffres
de droite l'ont renforcée de plus de cent la
V
e
compagnie du 101 qui défendait
fusils;
les coffres
de gauche en a ramené une cinquantaine. Une
compagnie de mitrailleuses du 53 Avec
les blessés, cela fait
un
total
est
restée.
de plus de
six
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
240
cents
hommes.
Six
abreuver quand
hommes
et
la
hommes
cents
citerne se vide
faut
qu'il
Six cents
!
parmi eux des blessés minés de
fièvre
qui réclament à boire! Cependant la garnison est
subdivisée en relèves, guetteurs et fractions au repos, et les distributions de boîtes de conserve,
de biscuits, de chocolat et
même
d'eau-de-vie
sont faites régulièrement. La ration d'eau, qui était
d'un
litre le
trois quarts
de
demi, puis
à
conditions!
31 mai, est réduite
litre. Elle
va tomber à un quart et
un quart à peine
Dès
le
2 juin à
le
et
dans quelles
4 juin, une détermination
s'imposera au commandant.
Doue, coffres.
le
matin du 2 juin, l'ennemi
Malgré ses pertes,
près les défenseurs
il
est
aux
réussit à serrer de
qui battent en retraite. Le
canon-revolver du coffre double a été mis hors d'usage par un obus. La mitrailleuse qui garde l'entrée est brisée par une grenade. est refoulée à l'intérieur.
diatement les
Un barrage
établi sous la brèche,
Allemands
le
dominent
La défense est
immé-
mais du dehors
et l'accablent
de gre-
LE FORT APPELLE
nades.
Il
241
faut reculer le barrage jusqu'au pied de
l'escalier qui
construit au
monte
à l'observatoire.
sommet de
est
Ce dernier
l'escalier.
Même
tiendra jusqu'au 4.
Un autre
manoeuvre au coffre
simple qui est à l'angle nord-est
contiennent l'ennemi devant
:
les
la grille
barrages
du couloir,
en face des cabinets d'aisance qui demeurent utilisables. «
Dans
la
demi-obscurité du
capé du 142 e lait
,
fort, écrit
un
res-
continue. L'ennemi vou-
la lutte
nous exténuer en nous privant de sommeil
en nous prenant par
la
Nous ne cédions
L'atmosphère
A chaque
lourde et empestée. rages sautaient et
soif.
la lutte à la
et
était
instant les bar-
grenade reprenait.
pas. Mais toutes ces explosions
échauffaient l'air;
la
fumée
et l'odeur
le
ren-
daient presque irrespirable et l'on se battait toujours.
Nous avions
installé des mitrailleuses qui
barraient les couloirs et qui faisaient du bon travail. C'est alors
que
les
Allemands, ayant réussi
à faire sauter un barrage, nous lancèrent des jets
de flammes et des liquides enflammés. La chais
242
LES DERNIERS JOURS
provoquèrent une minute
surprise
leur et la
DU FORT DE VAUX
d'hésitation. Mais le lieutenant Bazy qui était là
avec sa mitrailleuse s'élança et
il
fut
si
rapide
qu'avant que nous soyons revenus de notre étonneraient,
était
il
debout au milieu du couloir
et,
tout seul, se battait contre les Boches à coups de
grenades. Les flammes venaient jusqu'à ses souliers,
il
blessé,
avait le bras
mais peu
lui
ler à cause de cette
gauche bandé, étant déjà
importait
:
ne pouvant par-
fumée noire
et acre,
il
nous
donnait l'exemple. Aussi, débarrassés de notre stupeur, nous venons à tour de rôle nous placer à ses côtés. rent.
Enfin, les lance-flammes s'éteigni-
Nous avions
commencions Boches
se
réussi
à arrêter l'attaque et
à remonter le barrage lorsque les
mirent à envoyer des pétards qui nous
projetèrent tous à terre avec J'ai
bien pensé avoir
que
la force
l'infirmerie
les reins brisés et je n'ai
de mettre
l'odeur du gaz.
Un
les sacs sur le dos.
mon masque
soldat
pendant que
en sentant
m'a dégagé
et porté à
la lutte reprenait.
Allemands lançaient des gaz dont
la
eu
Les
masse lourde
LE FORT APPELLE
243
stagnait dans les couloirs. Malgré toutes leurs
de flammes,
inventions diaboliques, leurs jets leurs
leurs gaz,
pétards,
nous criaient en français
C'était superbe. Ils «
n'avançaient pas.
ils
Rendez-vous, sinon vous serez tous tués,
:
et
»
nous répondions avec des grenades dans leurs figures.
.
.
C'était
»
superbe!
que
cette
pleine bagarre, est plaisante
exclamation,
î
C'est le 4 juin vers midi
que
les projetaient
ouest.
Une fumée
fort.
Pour respirer,
«
la
par
la
produite
s'est
cette attaque par liquides enflammés.
mands
en
Les Alle-
brèche de
acre et noire
n
la
gaine
remplit
le
garnison doit déblinder les
fenêtres de la caserne.
Le feu
arrive jusqu'au
couloir des chambres. Quelques soldats sautent
même
dans
le fossé
pour reprendre haleine. Les
mitrailleuses installées sur le fort ont été détruites le
matin par notre
coupe
les issues
ment,
les
artillerie.
Le
tir
de barrage
un peu plus au sud. Tranquille-
soldats regagnent l'intérieur,
faut refermer les fenêtres.
mais
L'ennemi balance
il
clés
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
244
sacs de
grenades à fusée retardée
dans
ouvertures et tente de faire sauter ainsi
les
qu'il
envoie
plaques de blindage.
les
Cependant,
du nord-est. dans
il
Il
a progressé dans le coffre simple
a fallu refluer de quelques mètres
le couloir,
mais en deçà des cabinets d'ai-
sance. Les malades, les blessés doivent se soula-
ger sur place. Les brancardiers ont profité de
la
destruction des mitrailleuses ennemies installées sur
le fort
pour
sortir des cadavres
dans
le fossé
sud, pour nettoyer l'infirmerie de tous ses
mondices. Dès
la
nuit suivante ce travail leur
deviendra impossible.
meurer avec
im-
Les morts devront de-
Une horreur
les vivants.
sans
nom
envahit ces voûtes à demi obscures où, dans une
atmosphère méphitique
et épaisse, sans appareil
de ventilation, une garnison sans sommeil, angoissée et altérée, s'entasse et veut lutter encore. Il
bout
a suffi d'un et dressé,
homme,
comme un
au milieu du couloir, le
le
le
lieutenant Bazy, dedieu, dans la fumée,
bras gauche en écharpe,
bras droit lançant des grenades,
barrant
la
LE FORT APPELLE
245
route à l'ennemi, pour conjurer l'attaque par les
flammes. officiers
d'élite
Il suffit
du commandant, de quelques quelques
soldats
pour que subsistent, parmi ces souffrances,
une seule pensée, un
Le
de
et sous-officiers,
fort est séparé
seul but
du
:
tenir.
du monde, son der-
reste
nier pigeon a été lâché la veille, et ses signaux
ne sont pas transmis. Mais signaleurs bondissent dans blir les
la
nuit venue, deux
le fossé
:
ils
vont réta-
communications.
Le lendemain,
l'appel
du
fort est
entendu.
ni LA
Le 4
SORTIE
juin, la ration d'eau a été d'un quart.
quart de
litre,
pour des
hommes
battus et se battent dans la
qui se sont
fumée des grenades,
des flamme nufàrfer , des gaz asphyxiants
de
litre
Un
!
Un quart
pour des fiévreux qui s'agitent au poste
de secours bondé entre des mourants et des morts! Les plaintes montent, suppliantes, lamentables.
Mais
le silence se rétablit
dès que parait le et rien
Un
instantanément
commandant Raynal. Un
quart,
de plus. Qui donc a réclamé davantage?
quart, c'est déjà beaucoup. Les blessés eux-
mêmes
Chacun avale
se résignent.
sa douleur,
n'ayant plus de salive.
Le commandant ce qui n'en
fait
a
dénombré
la
garnison. Tout
pas régulièrement partie devra
LA SORTIE
A
quitter le fort.
la
247
faveur de
la nuit, la sortie
sera tentée, soit par le fossé sud en sautant des
fenêtres de la caserne, soit par le coffre sud-ouest
qui n'appartient pas à l'ennemi.
Ceux qui doivent
L'ordre est formel. essaient à la lumière
du jour de mesurer
cultés de l'entreprise
:
y
sur
a-t-il
mitrailleuses et des guetteurs? Les
le
tirs
partir
les diffi-
fort des
de barrage
allemands, à quelle distance et dans quelle direction sont-ils déclanchés?
La
sortie est bien
chan-
ceuse, mais les Français ne doivent pas être, bien loin.
À
dix heures et demie du soir, les premiers qui
sautent dans
fossé sont des volontaires
le
deux signaleurs dont les
j'ai parlé,
:
le
les
cama-
bruit de la chute, puis
silence, pas de
coups de
bombardement
habituel, rien de plus.
fusil,
les
qui vont rétablir
communications. Le cœur battant,
rades écoutent
:
pas de fusée, Ils
le le
n'ont
pas été repérés.
Les détachements du départ est
fixé
10T
et
sont rassemblés.
du 142* dont
le
248
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
—
Allez, leur dit le
commandant Raynal,
et
si
vous échappez, dites quelles sont notre situation et
notre résistance.
Les deux groupes saluent. C'est la sortie. Il est
une heure
semble que
marmitage
L'aspirant
du 142
e .
Il
le
et
moment de
demie du matin
soit
et
le
détachement
une brèche découverte à
utilise
corne sud-ouest et descend
le
il
en décroissance.
commande
Buffet
le
la
premier, suivi d'un
coureur et du caporal fourrier. La compagnie s'égaillera derrière
pour ne pas
eux en laissant des intervalles
attirer l'attention.
et les guetteurs allemands,
en
Un
caillou a roulé
du haut du
éveil, lancent des fusées et font feu.
aussitôt,
leur
artillerie
exécute
fort,
Presque
un effroyable
de barrage aux abords immédiats du
tir
fort..
L'aspirant a passé, suivi d'un petit groupe. arrivent aux lignes
mis
françaises qui sont
Ils
toutes
proches. Le premier reçoit un coup de fusil qui le
manque.
On
Il
se fait reconnaître,
s'explique,
bombardement
on s'embrasse, fait
non sans peine. tandis
rage en arrière de
que
le
la petite
LA SORTIE
249
troupe. D'autres sont en route
garde à ne pas
On
les fusiller.
après une longue attente,
deux ou de
Le
trois.
les attend,
n'en
il
que
arrive
pu traverser
reste n'a
mais,
la pluie
fer.
Un
soldat
du 142
e ,
blessé dans l'attaque par les
flammes, raconte ainsi cette paroles du
commandant,
vers la lucarne d'où
de
qu'on prenne
:
trois
il
senti
mètres. Je tâtai
une vive douleur.
fusil dirigés sur
moi
Après
me
les
dirigeai
sauter d'une hauteur
mes
reins
endoloris.
me
suis élancé. J'ai bien
J'ai
entendu des coups de mort, car
et j'ai fait le
Boches veillaient encore. Je ne
temps
«
:
je saluai et
fallait
Puis, sans réflexion, je
sortie
sais
les
combien de
je suis resté ainsi. Pourtant, au bout d'un
grand moment,
j'ai
ventre à travers de
commencé
à
ramper sur
nombreux cadavres. Douce-
ment, glissant d'un cadavre à un autre, je arrivé à sortir
du
le
suis
fossé et à franchir la Ligne. Je
pouvais à peine respirer sous
le
bombardement
qui ne cessait pas et en6n je réussis à atteindre, je
ne
sais
comment, un poste de
secours. Je ne
LES BERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
250
me
me
réveillai à
donné de grands
résultats.
souviens plus de la
une infirmerie.
La
.
.
nouvel
mais je
»
sortie n'a pas
Elle est à
fin,
recommencer. Le 5 juin, au
essai,
petit jour,
la journée s'écoule,
nouvel échec. Et
La
plus cruelle encore que les précédentes.
aux barrages reprend avec
lutte
grenades, avec les
les
flammes. L'eau ne se distribue plus que goutte à goutte. Des blessés réclament qu'on les achève. Il
faut jeter de la
chaux sur
peut pas emporter. Les
mais l'espérance a taire soir,
les
:
les
maux
jailli.
Le
morts qu'on ne
sont plus lourds,
fort n'est plus soli-
deux signaleurs,
partis la veille
ont réussi dans leur mission.
parle,
on l'entend
et
on
nous attaquerons bientôt.
lui »
Quand
répond
:
«
au
le fort
Courage,
Les camarades n'ou-
blient pas les défenseurs. Ils préparent leur déli-
vrance.
Une journée
encore, et
ils
seront
là.
Une
journée, que c'est long et dur! Mais elle passera,
comme
les autres.
On ne peut
pas rester aussi nombreux. Les
contingents du 101 e et du 142 e dont la présence
LA SORTIE
251
nouveau
n'est pas nécessaire reçoivent de
Au cours de
de partir.
hommes car
il
nuit, plus
de cent
réussissent à s'évader. Voici l'un d'eux,
faut
monde,
la
l'ordre
On ne
choisir.
et rien
ne
fait
peut
citer tout
mieux comprendre de
tragédies que de poser sa
main sur une
humaine pour en surprendre
les
la
telles
poitrine
battements.
Le brancardier Roger Vanier, du 101 e ment, a reçu
le
régi-
médaille militaire pour sa con-
duite au bois Sabot les 26, 27 et 28 février 1915,
avec ce motif «
A
fait
:
preuve cfun dévouement
d'un courage
et
héroïques. S'est dépensé pendant trois jours et trois nuits
sans prendre de repos. Est
reprises sotis
le
feu de l'ennemi chercher des blessés
entre les tranchées
ramenés. A
nombreux lequel
à
il
fait
tués.
s'est
à plusieurs
allé
A
françaises
en
et
allemandes
même temps
fait l'admiration
et
les
l'identification
a
de
du bataillon pour
aussi dévoué. Etait du service auxiliaire
la mobilisation et
Le général
a demandé à partir,
Joffre
le
décore en
25 mars (1915) à Gourtisols.
n
personne
\c
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
252
A il
la bataille
le
21 septembre,
Tordre du corps d'armée
est cité à «
de Champagne,
:
Voyant quelques camarades hésiter à sortir de la
tranchée pour l'attaque, enleva son brassard de la
Croix-Rouge, monta sur «
avant!
jambe. Il
et
»
le
alors
fut
parapet en criant blessé
d'une
balle
:
taille
à
la
moyenne,
ombre
plutôt délicat de santé, le teint brun, une
de moustache,
la figure ouverte,
ardente,
échauffée par l'expression des yeux.
danger, »
dit-il, je
Et
il
va.
ne
me est
Il
à Montfort-l'Amaury. riste,
En
»
appartient à la classe 1913
j'aille.
u
:
connais plus
«
il
:
comme Dans
faut
le
que
né d'une famille modeste
Un de
ses frères,
sémina-
e caporal téléphoniste au 146 régiment, a
été tué le 2
brisée par
mars devant Douaumont
un obus,
des Fontaines où est resté là.
il
il
:
la
jambe
a été transporté au ravin
a expiré
peu après. Son corps
Le brancardier du 101 e venu à son ,
tour dans la région de Vaux, aurait pu se trouver face à face avec le cadavre
cher de l'eau dans
le
quand
ravin.
il
Avant
allait
la
cher-
guerre,
il
LA SORTIE était, lui, valet
233
de chambre. Mais depuis qu'il a
servi son pays et
perdu son
être, après la guerre,
frère,
ne veut plus
il
qu'au service de Dieu à
la
place du mort.
Qui donc a formé ces cœurs-là? Vanier porte toujours sur lui une lettre de sa mère.
femme de Montfort-l'Amaury vrier
cœur résolu
d'un
hésitante
lui écrit le
29 fé-
orthographe
d'une
et
La bonne
:
«... Je
que ton pauvre frère
sait
à
c'est-à-dire
que
l'honneur, car,
est
à Verdun,
c'est
beau pour
l'armée française de tenir là cette horde de sauvages,
comme
il
heureux, notre lou y de voir
doit être
la
guerre hors des tranchée. Oh, que c'est grand! J'ai toujours rien de J'ai toujours
Et
mais
bien prudent,
tu
mon
peut pas sans doute.
il fie
un graiid espoir
moji trésor,
toi,
soit
lui,
doit
qu'il n'y arriveras rien.
avoir beaucoup à faire,
chéri, mais de plus en plus
courageux. Sauve tous ses malheureux blessés resté là
dans
rester
la
là
neige et
le
pe?idant qu'il
sang.
y a
Le mien
boitillone
de
tant à faire là-bas à
ramasser tous ses malheureux. Pourquoi ne pas vouloir
de
femme
là
où elle serai
si
nécessaire? Ah! oui.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
254 la
place des mères c'est de ramasser tous ces pauvres
enfants et leur donner une bonne parole. Remplace les
mères,
sible,
toi,
mon
chéri, fait
pour faire du
bien,
ramper à
te voit aller, courir,
blessés. Oui, je voudrais
mon
petit, je soit
oui,
que
Courage, courage, je
me
même
l'impos-
beaucoup de bien. Je
la recherche de tout ses
faufil 1er là près de
c'est là sait
tout,
que
ma place
toi,
près de vous.
c'est le début de la fin
qui sera bien belle pour tous ceux qui auront combattu la juste cause...
»
Ces mères françaises ne sont-elles pas au front
avec chacun de leurs enfants, saignant de toutes leurs blessures, mais les poussant en avant, vers le devoir,
pour
le
pays?
Le brancardier Vanier 1
er
est
juin, desservant avec ses
de secours, sous rables
le
au
fort depuis
camarades
commandement
médecins Gaillard, Conte
C'est lui qui, avec
un camarade,
le
le
poste
des admi-
et Boisramé.
est allé
en plein
jour, le 31 mai, chercher le lieutenant Tournery blessé et le
ramener au fort, malgré les
rage allemands.
Il
est
tirs
de bar-
coutumier des beaux gestes
LA SORTIE
de guerre.
faut
Il
2Ô5
donc à tout prix dégager
la
garnison. La sortie du 4 au soir a échoué. Le
5 fut une journée épuisante qui s'achève dans
l'étonnement de résister encore. Que
sera-t-il
du
lendemain? Mieux vaut ne pas l'attendre. Ce qui reste
du 101 e
et des 7
e
et 8
e
compagnies du
l
'ri"
va tenter de partir.
Vanier forme groupe avec Ils
sont au
nombre de
La consigne
blessés.
les
hommes du
34, et parmi eux
est
de quitter
IV
1
il
y a des
le fort
à n'im-
porte quel prix, sans s'occuper les uns des autres.
Chacun
a dans le jour repéré sa direction. Yanier,
à dix heures et demie du
dans
fossé,
le
remontent
la
soir, saute le
premier
avec un camarade. Tous deux
pente en rampant et
les voilà
cou-
rant à toutes jambes.
— Halte
là
!
—
Ils
s'arrêtent et se jettent dans
un trou d'obus. Vanier
arme son revolver pagnon
—
a compris
:
Ver da?
et dit à voix basse à son
Il
com-
:
Mon
petit,
ne viens pas avec moi. Je ne
veux pas être prisonnier
:
je
me
ferai tuer.
256
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
— Mais Ils
c'est
un Français, répond
s'approchent
200 mètres du
et
se
un détachement du 298 e On .
rière,
on leur
fait
reconnaître.
font
fort à peine
ils
emmène
— du
vin!
à l'ar-
quand
on n'a pas bu d'eau depuis trente-six heures! on
A
sont tombés sur
les
boire du vin
l'autre.
—
les interroge.
Sur
qué à
les trente-quatre,
l'appel.
cinq seulement ont man-
Vanier va rejoindre son colonel au
cantonnement de repos où
il
retrouve son régi-
ment.
— Je
te
nomme
caporal, lui dit le colonel qui
l'embrasse. Ainsi le brancardier Vanier a-t-il gagné ses
galons de laine.
IV
quelqu'un est rentré
Léon
L'aspirant
Tabourot mourant
assistait le capitaine sorti
du
dans
fort
détachement de classe 19 16.
la
sa
mère
compagnie, appartient
un ouvrier.
est
et
il
il
a réussi
était étudiant
en
a
perdu,
la
Gôte-d'Or. Excellent
au baccalauréat latin-grec lettres
Le futur professeur visage, qui porte
Il
est
à la
a été élevé au petit sé-
minaire de Flavigny, dans élève,
et qui est
nuit du 4 au 5 juin avec un
Son père
tout petit, sa
e
du 141 régiment, qui
Buffet,
quand un
la
petit
guerre
homme
une barbe courte,
et
il
l'a pris.
Frêle.
Le
est tout brûlé
par des éclats de grenade et des jets de flammes.
Quand
il
division,
arrive au poste de il
a les
commandement de
yeux presque hagards
la
et parait
être dans cet état d'agitation qui précède l'épui17
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
258
sèment nerveux. Cependant, combats à
du
l'intérieur
allemands,
sur
les
les
sur les travaux
fort,
positions
donne sur
il
allemandes,
des
précisions et des déductions telles que le division-
naire l'envoie au quartier général du secteur.
Là,
il
recommence son
Le général le
repos.
récit et ses explications.
l'écoute, l'observe, puis lui
Le jeune homme,
ordonne
à bout de forces, se
couche. Quelques heures plus tard, lavé, rasé, nourri,
il
apparaît déjà transformé.
De nouveau, presse
:
un
le
général
le
reçoit.
cas grave va se poser.
préparée pour dégager
Une
Le temps attaque est
le fort. Elle sera
déclan-
chée dans quelques heures. Le commandant Raynal peut contribuer à son succès. Qu'il signale s'il le
sur
peut
la position
le fort, qu'il dirige ainsi
l'artillerie
:
il
dans
nuit
le tir
de
travaillera ailleurs, l'ennemi dans
gaines des coffres. Mais
jusqu'à lui?
la
aidera à l'opération. Qu'il retienne,
pendant qu'on les
des mitrailleuses ennemies
A
comment
parvenir
diverses reprises, des reconnais-
sances et des corvées d'eau ont essayé d'entrer
QUELQU'UN EST RENTRÉ en
liaison avec lui,
de
le ravitailler.
Elles n'ont
pas pu franchir la gorge, arrêtées ou fauchées
par
les
barrages allemands, ou
même
par
la
mitrailleuse qu'il a fait placer pour garder le fossé
sud. Celui qui connaîtrait les êtres du fort, ses
tenants et ses aboutissants,
pourrait peut-être
remplir une mission aussi délicate. L'aspirant Buffet est seul à posséder cette supériorité.
—
J'irai, dit le
homme
jeune
qui ne laisse pas
achever.
Le général, dont
le fils
unique a été tué,
le
regarde avec une complaisance et aussi une émotion paternelles.
— Ce peu,
il
aurait dit
demande, est bien.
un ordre, mon ami
n'est pas :
mon
c'est plus
Y
enfant.
que
le
— pour un
— Ce que
je vous
devoir. Sortir du fort
rentrer, je ne vous le
commande
pas.
— répète Buffet avec énergie. — Naturellement, vous récompensé J'irai,
serez
Légion d'honneur ou
— Oh! rien.
la
:
la
médaille militaire.
non, déclare l'aspirant
:
j'irai
pour
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
260
Un
officier
demande
d'état-major
à l'accom-
pagner.
—
Je préfère être seul, objecte-t-il.
A.
l'arrivée,
com-
ce sera plus facile. Et puis, je désire être
plètement libre de mes mouvements.
Le chef d'état-major les lit, les relit, les fixe la feuille
car
:
La nuit
léger,
il
on
dans sa mémoire
le
et
Il
rend
conduit en automobile
automobiles peuvent
les
main de
serre la
les ordres.
ne doit rien emporter.
vient,
que
aussi loin
il
remet
lui
l'officier
dans
se jette
aller.
qui l'accompagne
l'ombre
Il
et,
où bientôt sa
silhouette se perd.
a été
Il
le
convenu que,
s'il
rentrait dans le fort,
projecteur terminerait ses prochains signaux
par
A
:
Vive la France.
onze heures et vingt minutes du
soir, le
mes-
sage optique transmis du fort de Vaux, après un
commencement que permis de
saisir,
le
bombardement
transmet cette phrase
interviendrez avant complet épuisement
France.
n'a pas :
:
«
Vous
Vive
la
» :
LES DERNIÈRES PAROLES
L'effort
pour dégager Vaux n'a pas cessé un
instant. Mais les attaques allemandes et les nôtres se succèdent, se heurtent, se préviennent, s'an-
nihilent les
unes
les
autres.
Aucun des deux
adversaires ne parvient à progresser. L'ennemi
ne peut déboucher de Damloup à droite brise contre la batterie.
dans
le
tête.
La
bois
Fumin
bataille
se
et
R
A 1
gauche,
se
est barré
il
continue de
prolonge dans
et
lui
tenir
fort
le
en-
fermé, incendié et affamé où l'énergie de quel-
ques
hommes
éternise la résistance.
Mais nous
ne pouvons reprendre l'ouvrage extérieur, que garnissent des mitrailleuses. Tout ses pentes sont battus au point
pareille à de la cendre.
le
que
plateau et la
terre
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
262
Dans croire
matinée du 6 juin, nous avons pu
la
un
instant
fort tout entier et
Une
que nous tenions à nouveau que
la
le
garnison était délivrée.
attaque avait été montée qui devait se dé-
clancher à deux heures.
A
quatre heures, un
pionnier allemand du 27 e régiment est
amené
tout effaré, les vêtements en lambeaux, au poste
de
commandement de
la division. Il
a été trouvé
dans nos lignes, sans armes, hagard et courant. Interrogé,
il
déclare s'être échappé du fort de
Vaux lorsque
les
Français Font entouré.
L'attaque devait aborder faces
:
le
fort par ses trois
sur la face ouest une compagnie du 238 e
sur la gorge,
régiment
et
une autre compagnie du
une section du génie, sous
du commandant Mathieu; enfin sur e
deux compagnies du 32 I sous
mandant Favre. Le
les
les
;
même ordres
la face est,
ordres du
signal devait être
com-
donné à
deux heures du matin par un bouquet de fusées.
A
droite, les
deux compagnies du 321% vigou-
reusement entraînées par leur chef, atteignirent en deux vagues
le fossé
de contrescarpe où
elles
LES DERNIÈRES PAROLES furent accueillies par un barrage de grenades et
de mitrailleuses. Décimés parle
tir
de ces mitrail-
leuses couronnant le parapet d'escarpe, les pre-
miers grenadiers refluent.
A
leur tour, les deux
vagues successivement déferlent. Mais ceux qui les
conduisent sont presque immédiatement et
presque tous atteints d'une balle à
:
commandant
le
la tête; le
lieutenant Ray,
lieutenant Rives, gravement blessés;
tenant Bellot, blessé mais ramené;
nant Morel, tué;
le
blessé.
ensemble
Une
et quel
ciers! Privée
le
sous-
sous-lieu-
le
le sous-lieute-
sous-lieutenant Billaud, tué;
sous-lieutenant Desfougères, blessé
Aymé,
Favre, tué
telle
;
le
le
lieutenant
nomenclature, quel éloge
martyrologe d'un corps
d'offi-
de direction, une troupe hésite. Le
capitaine adjudant-major
mandement du
Baume prend
le
com-
bataillon, reforme les unités en-
gagées, distribue les
commandements
et se tient
prêt à repousser une contre-attaque qui, devant l'attitude
de ses hommes, n'ose pas sortir de-
tranchées. Les coureurs tiennent la
brigade au courant de
le
régiment
la situation.
et
Quels que
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
264
soient les barrages,
nique et
parcourent ce
ils
remplacent
les survivants
sol volca-
les blessés
ou
morts.
les
e Plus à gauche, l'attaque du 328 sur la face
ouest et
gorge a rencontré
la
les
mêmes
obstacles.
Elle a, quelques instants, encerclé le fort, mais
n'a pas lerie
pu
se maintenir.
Un
l'a
de notre
artil-
pour y démolir
sur la superstructure,
mitrailleuses ennemies,
tir
les
gênée elle-même. Elle
a dû, elle aussi, se rabattre sur les positions de
départ.
Avec quelle angoisse, de
l'intérieur
du
fort, les
phases de l'action ont été suivies
différentes
!
Sentir que les camarades approchent, qu'ils sont qu'ils
là,
apportent
délivrance, et puis qu'ils
la
échouent au port, quels tressaillements d'espérance et quelle déception! matin,
le
six
heures vingt du
6 juin, ce message, brouillé à demi,
est transmis «
A
...sans
du
fort
:
avoir obtenu
ennemies au-dessus du fort être battues
par obus.
.
.
»
objectifs. :
celles-ci
Mitrailleuses
auraient dû
LES DERNIÈRES PAROLES
Où donc
sont-elles, ces mystérieuses mitrail-
leuses que notre artillerie ne parvient pas à dé-
truire?
Dans quel angle embusquées, sous quel
abri?
un compte rendu de
C'est là
la bataille
telle
que, du fort, on a pu l'observer. Quelques minutes plus tard,
donne
à ses paroles la majesté de l'hon-
fois,
il
neur
et la tristesse
Rouvrez
la
à nouveau, parle. Cette
le fort,
de l'agonie résignée.
Chanson de Roland, aux versets où
Roland vainqueur, mais grièvement traîne dans le val de
Roncevaux
blessé,
se
à la recherche
des pairs de France et ramène un à un leurs
cadavres au pied de l'archevêque Turpin qui leur
donnera
la
Roland taille,
et il
son
bénédiction suprême
a' en
va. Seul
:
parcourt
il
bat la vallée et bat les monts.
compagnon
trouve Anséis
et
Gérier,
Samson,
comte de Roussillon. revient avec
rang à
ses
il
Il
.
..
Il
trouve Ocrin
trouve Bérenger il
trouve
emporte
les
le
et
Otton,
rieur Gérard,
barons un à un,
eux vers l'archevêque,
genoux
champ de ba-
le
et
les
dépOi
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
266
Roland retourne
ami
son
cœur
et
Le
Olivier,
comme
fort
et il
il
va battre
la plaine. Il a trouvé
Va serré étroitement sur son
peut revient vers V archevêque.
de Vaux, après l'insuccès de
tentative de
ne
délivrance,
d'heures ou de minutes
il
sait
dernière
la
combien
plus
Dans
lui reste à vivre.
un message qui ressemble à un testament,
noms de
commandant rassemble
les
compagnons
rend
hommes
et
d'armes, les
au
offre
.
le
ses vaillants
hommage
à
ses
commandement. A
heures et demie, ses signaux transmettent ce
six
message
:
Je n'ai plus
«
jours précédents
.
d'eau malgré Il faut
ravitaillement en eau
que je
le
rationnement des
sois
dégagé et qu'un
me parvienne immédiatement.
Je crois toucher au bout de mes forces. Les troupes,
— hommes
et
gradés
fait leur devoir «
Je cite
:
—
en toutes circonstances , ont
jusqu'au bout.
lieutenants de Roquette et Girard du
Bazy, Albanac du 142 e , tous aspirant Buffet, adjudant
de
JSizet
et
Rabatel,
blessés, Alirol,
Brun du 142
artilleurs,
e ,
53 e
,
Fargues,
lieutenants
lieutenant
Roy
LES DERNIERES PAROLES et
«
et
Bérard du 2 e génie, caporal Bonnin
aspirant
du 142 e
.
Pertes
:
lieutenant «
76
liaires d
161
7
tués,
Tournery du 101*.
blessés dont
Conte
dont capitaine Tabourot du 142"
4
officiers et les
médecins auxi-
Gaillard.
et
Espère que vous interviendrez de nouveau éner-
giquement avant complet épuisement.
Le devoir du chef
est rempli.
Il
»
n'a oublié que
lui-même. Puis le fort garde
née du G,
aucun message.
pour braver toutes la
bataille
flammes
et
aux les
les
barrages,
la soif
libre
mort,
encore?
Il
se
recueille
les
grenades, et
:
\v
gaz et l'asphyxie, l'horreur des
loups et qui arrache Est-il
jour-
souffrances accumulées
odeurs et des spectacles sans nom, tout, la soif,
la
optiques aux aguets n'enre-
les postes
gistreront plus
De toute
le silence.
la
est-il
On ne
qui
hurler
fait
langue
par-dessus
comme
les
et les lèi rt
vivant?
sait plus.
et,
Est-il
pris,
est-il
L'angoisse de savoir
torture et excite toute l'armée. Elle se transmet à
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
268
bout de
En
Comme
les
signaux, elle va jusqu'au
la nation, elle
va jusqu'au bout du monde.
distance.
vérité, la terre entière frissonne
de ce qui se passe à Vaux. Et c'est la résistance qui, seul, a
dans l'attente le
miracle de
provoqué ce grand
fris-
son d'admiration et d'inquiétude.
Mais
le
sollicitude
fort n'est pas
abandonné. Toute
la
de l'armée est employée à son salut.
Sans retard, une nouvelle offensive est montée.
Un
régiment de zouaves
un régiment
et
d'in-
fanterie coloniale, formés en brigade mixte, sont
rapprochés de tion
région.
la
méthodique
le
Dès qu'une prépara-
permettra,
ils
entreront en
ligne.
Une fait
volonté égale anime l'ennemi qui, stupé-
de cette prolongation de lutte, veut à tout
prix venir à bout de la défense.
quel prix exorbitant carré des pentes
il
A
a déjà payé
du plateau
!
tout prix?
De
chaque mètre
Nos observatoires
signalent que des fantassins allemands montent
en colonne de compagnie à l'assaut du fort de
Vaux.
Il
est
sept
heures
et
demie
du
soir.
LES DERNIÈRES PAROLES
L'orage, encore une fait
fois, se
rage sur ce chaos.
Et
le
grand quartier général, à huit heures
demie du
mée
soir,
envoie au quartier général de
ce télégramme qui
fort par signaux optiques
«
déchaîne. L'artillerie
et
l'ar-
doit être transmis au :
Le général commandant en chef adresse au
corn-
mandant du fort de Vaux, au commandant delà garnison ainsi qu'à satisfaction
l'expression de sa
leurs troupes,
pour leur magnifique défense contre
les
assauts répétés de V ennemi. J
Dans dans line,
le
éclairs
les
OFFRE,
v
des batteries et des fusées,
fracas de la tempête dont tremble la col-
message
le
est transmis.
Mais
le
fort
ne
répond pas. Des fusées rouges en gerbes sont aperçues
au-dessus de
vivant? Est-il pris,
A neuf chef se
est-il libre
heures du
fait
lui.
Est-il
mort,
est-il
encore?
soir, la voix
du général en
encore entendre, dominant l'ouragan
de fer et de feu
:
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
210 u
la
Le commandant Raynal
Légion d'honneur. Il
est fait
commandeur de
»
faut faire l'impossible
pour transmettre cet
ordre. C'est le désir du général en chef. Vaine-
ment Vaux
est
appelé par des signaux multipliés
Vaux ne répond
plus. Or, tout à coup, le 7
petit jour, à trois heures voici
que Vaux
»
réveillé fait des appels.
— Ne
rant qui retient la
Le
fort
quittez
au
cinquante du matin, Les postes
de signaleurs saisissent ces trois mots quittez pas.
:
pas
:
main aimée. Et
de Vaux ne parlera plus.
geste
:
«
Ne
du mou-
puis plus rien.
LIVRE V
LE DÃ&#x2030;NOUEMENT
LE RÉCIT ALLEMAND
Le
Vaux
Un
7 juin, à trois
heures cinquante,
de
respirait encore. récit
allemand de son agonie
sans doute tendancieux,
rend
le fort
hommage
et
de sa mort,
mais qui, néanmoins,
à la défense, a été publié
dans
la
Breisgauer Zeilung des 16, 17 et 18 juin. La pre-
mière partie est datée du 4 juin,
du
7. Il est signé
et la
deuxième
de l'un des correspondants de
guerre admis au grand quartier général, Kurt
von Reden, mais
il
du
est daté
Général des troupes d'attaque
«
»
Grand Quartier et
il
est aisé
de
deviner, à certains détails, qu'il a été revu, sinon rédigé, à l'état-major. Voici donc, dans son texte intégral, la version adverse
:
18
274
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
PREMIÈRE PARTIE
Quartier Général des troupes d'assaut, nord-est de Vaux,
Le 2
juin, à quatre heures
pagnies
du matin,
étaient disposées en
d'assaut
100 mètres environ autour du
fort
sèrent d'un coup jusqu'au fossé
10 mètres
et
les
4 juin. quatre com-
demi-cercle,
de Vaux;
même
elles
à
pous-
qui, large de
profond de 5 mètres, entre
ses
murs
abrupts de grosses pierres carrées, enferme tout l'ouvrage, en forme de trapèze irrégulier.
A
travers
l'ef-
pu
traî-
froyable feu de barrage des Français on n'avait
ner jusque sur matériel
haches
Le
et des cisailles.
puissamment
construit, n'était plus ca-
par suite du long bombardement des pièces
lourdes,
mais
hauteur du fort qu'une partie du
des lance-flammes, des grenades à main, des
:
fort, très
pable,
la
les
de défendre efficacement l'espace alentour; abris-cavernes, creusés profondément dans
le
roc et couverts de béton armé, avaient résisté. Les coffres de
flanquement des fossés n'étaient pas non plus
hors de cause.
Il
s'agissait
donc d'abord de rendre inof-
,
LE RÉCIT ALLEMAND fensifs ses
'275
canons et ses mitrailleuses, qui, par leur feu
enragé, rasant
le
fond du fossé, interdisaient de
chir pour gagner l'intérieur du fort.
le
fran-
Chacun des deux
épaulcments antérieurs présentait une brèche ouverte, par
l'effet
de très lourds projectiles, dans
tesques blocs de béton qui était
formaient. Le
les
gigan-
les
dommage
jusqu'à un certain point réparé par des sacs de
sable; et, pour protéger la brèche, on avait placé là une
mitrailleuse qui pouvait agir vers l'obstacle principal restait
les
Cependant
le glacis.
canons des coffres qui,
de leurs étroites embrasures de béton, pouvaient balayer sans merci
la
courte étendue des fossés. L'accès de cha-
cun des épaulements revolver de 37
par
le
feu d'un canon-
m/m, d'un canon de 55 m/m
mitrailleuses. Pas
La
était interdit
mitrailleuse
un chat n'aurait pu qui,
sur
la
et
de deux
passer.
brèche
même,
gênait
notre approche, fut d'abord réduite au silence par des
grenades à main. Puis
les
pionniers rampèrent jusqu'au
bord supérieur du mur escarpé, au-dessus du disposèrent
les
lance-flammes
et
coffre ouest
d'en haut,
secours d'un bras coudé, en introduisirent
dans
les
avec
le
tuyaux-
les
embrasures. Une flamme de 2 mètres, accom-
pagnée de fumée épaisse, chassa
la
garnison loin
d<
canons. Alors trente pionniers environ, profitant
(\c>
brèches
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
276
ouvertes dans
la
VAUX
maçonnerie, purent descendre dans
couronnement du
fossé et arriver de l'autre côté sur le
parapet principal où, couchés,
le
s'aménagèrent une
ils
sorte d'abri dans l'amoncellement des décombres. Cette les
Français ayant
qui lui
interdisaient la
troupe fut aussitôt coupée,
petite
remis en jeu retraite, dès
les mitrailleuses
que dans
fumée
le coffre la
se fut dissipée.
Dans l'énorme vacarme du feu de barrage allemand
tombant à 200 mètres derrière vaient se faire entendre à
mandait dut
le fort, les cris
20 mètres.
L'officier qui
en agitant sa casquette,
faire,
ne pou-
les
comsignes
du télégraphe Morse.
À
sept heures
du matin, on
celui de l'est, après
coffre,
brèche que
les
réussit à prendre le
que
second
garnison, par
la
une
obus avaient ouverte, eut été accablée de
grenades à main
trente
:
mitrailleuses, avec
hommes y
furent pris, et les
abondance de munitions, furent
uti-
lisées.
Mais
la
fumée
façon passagère;
n'avait neutralisé l'autre coffre que de fallait
il
donc
le
comment. On remplit de grenades terre, les
on
les laissa glisser le
embrasures,
et
on
long du
prendre, n'importe à
main des
mur
sacs à
jusque devant
les fit alors exploser.
Mais cela
ne put
se faire sans
car
Français avaient posé une nouvelle mitrailleuse
les
danger pour
les
braves pionniers,
LK RÉCIT
ALLEMAND
277
dans une porte non loin des embrasures
pouvaient
et
ainsi tirer d'en bas contre toute tête dépassant le
bord
supérieur du mur. Pourtant vers dix-sept heures,
les
explosions réussirent, et l'on put ainsi pénétrer enfin
dans
le
qu'on avait attaqué
coffre
nison, par
un
premier. La gar-
le
couloir profond passant sous le fond
fossé, s'était réfugiée
dans l'intérieur du
du
L'opéra-
fort.
tion avait été longue, car les explosifs ne pouvaient, à
cause du la
de barrage des Français, être montés sur
tir
pente que par petites quantités, au prix d'extrêmes
dangers.
Du
moins, pendant l'attente,
les fantassins
explosifs
pionniers et
les
qui ne travaillaient pas directement aux
creusèrent des
tranchées
glacis, et plus à l'ouest, à côté
ces positions avec
les
du
en
fort;
haut, ils
sur
le
occupèrent
mitrailleuses conquises, contre
une attaque possible venant du sud-ouest. Vers dix-neuf heures, on poussa plus avant vers
gorge du
fort,
parapet,
le
était
après avoir franchi, derrière
second fossé, qui sous
le
le
la
premier
bombardement
devenu une excavation large où gisaient d'énormes
débris de béton. Les coupoles blindées silures dans
premier parapet
— un
poste
le
d'observation a chacun
des deux épaulements, une grande coupole au milieu,
armée de deux canons, exhaussé
et blindé, à
et
un abri
de
mitrailleuse
l'épaulement de gauche
— étaient
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
278
inutilisables et dépouillées
béton
tous côtés la
de fer de l'armature se dressaient de
tiges
les
;
de leur épais revêtement de
comme
position d'infanterie placée plus haut sur
avait été
De même
piquants d'un hérisson.
les
complètement labourée par
les
le
cavalier
obus
alle-
mands. Alors
commandant
le
dans l'ouvrage
même,
des pionniers voulut pénétrer
et cela par le
même
couloir sou-
terrain qu'avait suivi la garnison du coffre enfumé. escalier descendait palier,
profondément, puis venait un court
un roide
puis
escalier
montant jusqu'à une
chêne qui empêchait
solide porte de
d'aller plus loin.
Le lieutenant des pionniers Ruberg décida de sauter cette porte en y plaçant tout ce qu'il
grenades à main et de mettre à profit s'ensuivrait pour
donner
la
la
fallait
l'assaut avec ses soldats.
fois
de
il
Pour fallait
troupe gagnât assez de temps pour pouvoir,
mèche une ter
faire
confusion qui
n'être pas elle-même anéantie par l'explosion,
que
Un
la
allumée, descendre l'escalier et remon-
de l'autre côté, ce qui exigeait au moins un cordon
brûlant vingt secondes. Le lieutenant Ruberg, à défaut
de pétards explosifs, grenades;
il
les
lia
donc ensemble une douzaine de
assujettissait contre
lorsqu'il entendit, derrière celle-ci, le
Français et
le petit
crépitement
la
lourde porte,
chuchotement des
significatif
d'un cordon
LE RÉCIT ALLEMAND Bickford. car, en
Il
une demi-minute au
du dedans, riorité
donc plus
n'avait
et les
fit
temps de
la réflexion,
plus, la porte allait sauter
Français auraient dans ce cas
morale de
Le lieutenant
le
279
l'assaut.
signe à ses
détonateur normal
Il
donc
fallait
hommes
la
supé-
devancer.
les
de se garer,
tira le
d'une des grenades à main, qui
fonctionne en cinq secondes, et se jeta au bas de l'escalier
pour n'être pas mis en
quand
se produisit
posée
par
les
l'autre, sous
pièces.
Il
était à
une formidable explosion
Français sautait en
même
son action. La pression de
dos plusieurs
avant dans
le
éclats. Ses
la
:
charge
temps que lança
l'air
lieutenant à quelques mètres plus loin, et le
mi-chemin
il
le
reçut dans
pionniers se jetèrent en
couloir, arrivèrent jusqu'à
un croisement,
mais furent alors reçus par deux mitrailleuses placées à angle droit environ à dix pas en arrière,
devint impossible de pousser plus loin. ter toute la nuit.
Il
Il
si
bien qu'il
fallut
y avait désormais deux
patien-
comman-
dants du fort de Vaux, un
commandant
terre, et, au-dessus de lui,
un commandant allemand.
français sous
Les Français ne pouvaient nulle part sortir
la tête
recevoir aussitôt des balles ou des grenades; et
mands,
provisoirement,
lei Alle-
ne pouvaient avancer,
horrible odeur émanait de toutes
les
tissures
au plafond des casemates, Les cadavres
<le>
lani
T
l
ne
ouverte* Français
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
280
morts dans
combats précédents
les
dessous; on ne pouvait ni
gisaient encore 2à-
tirer
les
ensevelir dans le roc épais et dur.
au dehors,
Au
cours de
ni les la
nuit
une douzaine de Français essayèrent de se frayer une issue.
Ils
niers
par
furent en partie tués, en partie les
déjà
postes
installés
faits
prison-
au sud-ouest du
fort.
Le 3
juin, à cinq heures,
un aviateur
français vola
au-dessus de l'ouvrage pour reconnaître exactement la situation.
Il
pour mieux si
vite
que
descendit très bas, peut-être à 100 mètres, voir,
mais
il
volait avec de tels zigzags et
la partie sensible, le
cœur de
être atteinte dans ces quelques secondes. et,
dix minutes plus tard,
22 centimètres
un
Il
échappa
:
effroyable feu d'obus de
qu'il fallut
de
la
gorge
au plus
vite se
s'abattit sur les tranchées
que nous occupions, en sorte
ne put
l'avion,
réfugier dans les casemates conquises.
Aujourd'hui, 4 juin, voici fort est partagé entre les
à l'intérieur
comme
des
le
quatrième jour que
deux partis
;
les
le
Français sont
prisonniers rebelles
qui
se
défendent contre leurs surveillants. C'est une situation qui jamais, dans la guerre de forteresse, ne s'était à ce
point prolongée.
La conduite de
la
garnison française est admirable ;
mais encore plus admirable
est l'héroïsme des
compa-
LE RECIT
ALLEMAND
2-1
gnies allemandes qui jours et nuits, sans un
moment
de
sommeil, sans une goutte d'eau, presque sans nourriture, résistent
au feu
le
pas prise jusqu'à ce que
plus terrible, et ne lâcheront
le
dernier coin des souterrains
de Vaux soit en notre possession.
(Kurt von Reden.)
DEUXIÈME PARTIE (Relardée dans sa transmission
par
et
amputée
la censure.)
Quartier général des troupes d'assaut, nord-est de Vaux, 7 juin.
Cinq jours
et cinq nuits le terrible
combat
a fait rage
sans interruption à l'intérieur du fort de Vaux, jusqu'au
moment où les leurs derniers
restes de l'intrépide garnison, prives de
moyens de
résistance, se sont rendus au
vainqueur. J'ai
3 juin;
déjà décrit tout au long les combats des 2 ils
continuèrent
les
et
jours suivant avec une
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
282
ténacité et
un acharnement sans exemple. La
était
que dans
telle,
un deuxième
dire,
le fort s'était
fort
que
les
situation
formé, pour ainsi
Français, au mépris de
leur vie, défendirent jusqu'au bout.
Après avoir
fait
sauter la lourde porte ouvrant sur
le
du poste d'observation ouest à
la
couloir qui conduisait
caserne de
dans
la
gorge,
les
Allemands avancèrent pas à pas
le couloir. Il était très
sombre, large seulement de
90 centimètres, sur un mètre
et
demi de hauteur;
les ê
Français avaient dressé une barricade en sacs de terre sur deux mètres de profondeur, et installé derrière elle
une
mitrailleuse.
Il
fallut
encore faire sauter
la barri-
cade, pour tomber sur une autre quelques mètres plus loin. Ainsi les Français furent repousses' pas à pas sur
une longueur de 25 mètres. Près de la gorge,
la
cour de
la
caserne avait jadis
formé une plate-forme de béton, épaisse de 5 mètres environ au-dessus des couloirs et des magasins souterrains versé.
mais ce n'était plus Jqu'un vaste cratère boule-
;
Les obus lourds, dans ce cratère
sèrent encore
crevant
la
creu-
une sorte d'entonnoir, au fond duquel,
dernière voûte, une étroite ouverture pouvait
donner accès vers jusqu'alors
même,
l'intérieur
de l'ouvrage. Les Français,
complètement protégés par en haut
et
com-
plètement enfermés, furent en grand danger soudain
LE RÉCIT ALLEMAND enfumés par
d'être
ment dont
283
cette ouverture. Mais le
le fort était
bombarde-
écrasé rendait pour nous l'obser-
vation presque impossible. Les Français furent
les
pre-
miers à remarquer, de l'intérieur, que l'explosion avait défoncé complètement un plafond tant le bord de l'entonnoir,
le
;
ils
occupèrent à
l'ins-
garnirent de sacs de terre,
y installèrent une mitrailleuse;
ils
commandaient
ainsi
une partie de ce paysage accidenté quêtait devenu
le
dessus du fort. Par suite, les communications des Alle-
mands avec
cette partie supérieure, libres auparavant,
se trouvèrent
passablement limitées;
ne réussirent
ils
pas non plus à s'approcher suffisamment pour accabler
de grenades
Chez et
de
les
soif.
le
nouveau point d'appui.
Français, se multipliaient
les
Quelques-uns réussirent, par
signes de faim le
fossé de la
gorge qui restait en leur possession, à s'échapper vers le
bois de Montagne, devant
le fort
de Souville. Dans
cette direction se trouvait la première ligne d'infanterie française. Par là aussi, le
commandant du
fort,
n'eut plus de pigeons voyageurs, envoya des
quand
il
hommes
de liaison. Les communications téléphoniques souterraines étaient détruites par Les obus lourds.
La position de
la
garnison française ne cessa d'empi-
rer les 5 et 6 juin; le
nombre
des morts et surtout des
blessés s'accrut rapidement; enfin
il
oe resta plus pour
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
284
les blessés
même
blessés, depuis et,
depuis
dant
que 50
hommes non
d'eau. Les
deux jours, n'en avaient pas une goutte
le 5,
n'avaient presque rien mangé. Cepen-
Français
les
litres
continuaient à tirer du côté de
la
gorge, par les embrasures de la caserne et celles des fossés, sur tout
but qui se présentait. La garnison
mande du
de Vaux subit ainsi des pertes. Elle en
fort
alle-
subit d'autres, particulièrement sensibles, sous les feux
de flanquement continuels, que
à l'ouest, envoyait sur
Damloup
le fort.
La
situé tout près,
batterie haute de
procédait également, du sud, à
un bombar-
fort gênant.
Le 6 juin après midi, vint
point d'appui d'in-
muni d'un canon de campagne,
fanterie,
dement
le
extrêmement
la situation des
difficile.
Allemands de-
Les casemates qu'ils occu-
paient furent énergiquement et continûment arrosées,
d'abord de projectiles à gaz, quelque temps plus tard d'obus lourds. Les deux bombardements ne devaient être
que
les
avant-coureurs d'une
l'infanterie visant à la reprise
ouest.
de l'ouvrage par
Mais cette attaque fut brisée par
droyant du
seconde
tir
même
de barrage allemand, qui
où
elle se
de
le
sud-
l'effet
fou-
commença
à la
déclancha.
Aujourd'hui, au petit matin, s'est
contre-attaque
la
garnison française
rendue par l'organe de son commandant. Les
pri-
ALLEMAND
LE RECIT sonniers qui
image delà
commencent
d'arriver
285
sont
ici
vivante
la
désolation...
(Kurt von Reden
Ce texte, de rédaction convenable, appelle quelques brefs commentaires.
Le combat devant senté
comme
le
fort le 2 juin est repré-
détaché des combats livrés
sur le saillant d'Hardaumont, le bois ligne des retranchements, et, le
Damloup en
fait
et sur la batterie
éléments placés à l'ouest blés
sous
d'aborder
le
Fumin
même
et la
jour, à
de Damloup, quand
intégrante. C'est
partie
la veille
et à lest
il
des
la
retraite
du
fort et acca-
nombre qui permet
à
l'ennemi
les coffres.
Le nombre des canons
et mitrailleuses préposés
à la défense de ces coffres est doublé dans
la
\
vi-
sion allemande.
Le
fossé
nord n'étant plus battu devient pour
l'ennemi une sorte de place d'armes.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
286
La du
paradoxale
situation
fort
dessus
et
d'un
commandant
commandant du
d'un
fort
dedans, l'un allemand, l'autre français, n'était pas
nouvelle.
Elle
mai au
versée, les 22, 23 et 24
mont dont occupaient
les la
troupes
présentée,
déjà
s'était
du
fort de
général
in-
DouauMangin
superstructure et une partie des
casemates. C'est le 4 juin, vers midi,
que
les
Allemands,
par-dessus le barrage de sacs de terre, purent lancer des flammes et des gaz asphyxiants.
La version allemande nous apprend un admirable détail de la résistance, ou plutôt complète le
rapport d'un observateur d'artillerie signalant
le
6 juin que la coupole blindée
éventrée.
enfermés s'écroule.
voûte qui
du
fort serait
Les assiégés ne sont pas seulement et
enfumés. Voici que sur eux
Une ouverture les
protège.
Ils
s'est
le
plafond
produite dans
la
s'en aperçoivent les pre-
miers, bouchent en partie la fissure avec des sacs
de terre, mais réussissent à installer une mitrailleuse qui bat une partie de la superstructure et
LE RECIT ALLEMAND
gêne considérablement Cette mitrailleuse est qu'elle ne et
si
progression ennemie.
la
heureusement manœuvrée
permet pas aux
de paralyser son
287
tir
assaillants
d'approcher
avec des grenades. Cet
incident peut être fixé au 5 ou 6 juin, car
le
rap-
port de l'aspirant Buffet, qui résume
du
fort
jusqu'à
du 4 au
la nuit
Ainsi, jusqu'au
5,
le
mentionne
moment,
dernier
et la vigueur des
ne
la vie
pas.
l'ingéniosité
défenseurs ne se ralentissent
pas. Il
n'y eut aucun projet de contre-offensive de
notre
part dans
l'après-midi du 6 juin. Notre
attaque du 6, à deux heures du matin, avait
échoué de bien peu. Celle de
la
ne put avoir lieu que dans
matinée du
soir
du 6 juin,
c'est,
la
brigade mixte 8.
Le
au contraire, une violente
attaque ennemie dans
la
région de Vaux qui
échoua sous nos feux. Enfin, est-il possible de comparer avec équité
à la défense soutenue six jours dans bles conditions
que
les
effroya-
l'on sait, l'incontestable
mais
combien plus explicable endurance des troupes
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
288
d'assaut
relevées,
serait-ce
que par l'eau du
tomba à
ravitaillées,
diverses reprises
ciel
—
abreuvées,
—
ne
car la pluie
et respirant
un
air
qui n'était pas contaminé et pestilentiel?
Le
véritable vainqueur
et le récit cite
du
fort doit être
nommé
allemand ne prend pas garde
qu'il le
hommes non
blessés,
quand
il
dit
:
«
Les
depuis deux jours, n'avaient plus une goutte d'eau.
»
Plus une goutte d'eau, dans les couloirs
empoisonnés par les
la
fumée des grenades
et
par
gaz asphyxiants.
Le Soif.
véritable
vainqueur du fort s'appelle
la
II
LE DERNIER EFFORT
Les monts sont hauts, ténébreux vallées profondes,
derrière l'année,
les les
et
immenses
torrents rapides.
trompettes sonnent,
,
Devant et
les et
toutes
semblent répondre à l'olifant. L' Empereur chevauche
avec colère, lui.
et les
Français, courroucés
Pas un qui ne pleure
et
et tristes,
ne se lamente, pas un
gui ne prie Dieu de protéger Roland jusqu'à ce arrivent ensemble sur
le
avec
champ de
qu'ils
bataille et qu'ils
frappent avec lui courageusement Mais à quoi bon? .
Tout
cela est inutile;
ils
sont trop en retard pour
arriver à temps.
Les trompettes de Charlemagne ne pourront pas réveiller Roland à Roncevaux.
Le
7 juin, le fort
ne répond plus aux appels 10
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
290
optiques.
Le communiqué allemand
mais ne
prise;
9 mars?
l'avait-il
pas annoncée déjà le
Le commandement ne
l'évidence.
Il
lui
faudra
renonce à dégager
la
a annoncé sa
rendra qu'à
se
pour
la certitude
qu'il
garnison. Certes, l'ouvrage
écrasé n'est qu'un point du front et n'a plus de
valeur par lui-même. Mais
il
abrite peut-être
encore sous ses tenaces voûtes des Français. e
Le général
Nivelle,
commandant de
mée, adresse
le 7 cet
ordre du jour au groupe-
ment chargé des opérations dans Vaux
a
la
la II
ar-
région de
:
La
brigade mixte placée sous
colonel Savy, composée
du régiment
colonial
les
ordres
du 2 e régiment de zouaves
du Maroc, a reçu
et
la plus belle
mission que puisse envier une troupe française, d'aller
du
celle
au secours de compagnons d'armes qui font
vaillamment leur devoir dans des circonstances tragiques. «
les
Choisis dans l'héroïque
armée de Verdun parmi
plus dignes de la grandeur de cette mission,
le
.
LE DERNIER EFFORT
2 e zouaves
et le
291
régiment colonial du Maroc, soutenus
par une puissante
animés de
artillerie,
inébranlable d'aller jusqu'au
volonté
la
bout de leur tâche,
aborderont l'ennemi avec leur magnifique élan accou-
tumé
et
ajouteront de nouveaux lauriers à ceux qui
couvrent déjà leurs drapeaux
Le pays saura
«
leur prouver
reconnais-
sa
sance.
Bonne chance, camarades,
a
niers
préparatifs.
grenades,
des
vive la France.
R. Nivelle.
«
La journée du
et
7 juin est
consacrée aux der-
touchent des
Les bataillons
fusées,
»
des feux
de
bengale-
signaux ainsi qu'un second bidon de deux
La
distribution
Chaque
homme
vivres, car lité
il
des cartouches doit
est
litres.
complétée.
emporter quatre jours de
ne faut point compter sur
du ravitaillement. Enfin lecture
la possibi-
est
donnée
des ordres dans chaque compagnie, afin que nul n'ignore l'importance de
la
mission à accomplir
:
292
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE
VAUX
des camarades attendent qu'on vienne
à
leur
secours.
La marche d'approche conditions
où
les
:
se fait
dans
les pires
pluie, terrain détrempé, nuit noire
guides s'égarent, ce qui retardera l'entrée
en ligne de
compagnies. L'attaque doit se
trois
déclancher à quatre heures dix. l'ennemi attaque lui-même à
Une heure grenade
la
avant,
et revient
à la charge une seconde fois à la tranchée de Belfort.
Il
est repoussé,
mais
il
a jeté quelque
confusion dans nos rangs.
Néanmoins, au
petit jour, les zouaves et l'in-
fanterie coloniale abordent l'ennemi
magnifique élan accoutumé
»
.
«
avec leur
Sans doute,
poir de secourir les défenseurs de
Vaux
l'esest-il
bien précaire. Tant de signes indiquent, en effet,
radiogramme allemand
qu'il est trop tard. Si le
qui a annoncé la capitulation est sujet à caution, les observatoires
ont remarqué des modifications
dans l'aspect des voûtes le pare-éclats
:
devant
les salles 7 et 8,
en sacs de terre ou en pierre est
presque complètement détruit.
LE DERNIER EFFORT
Sous une tempête de feu garder sa conquête
—
203
car l'ennemi entend
— nos fantassins progressent.
veulent aller jusqu'aux camarades.
Ils
Un
ses
iront.
obus pénètre dans un poste de commande-
ment. L'appareil reste a les
Ils
intact,
mais
le
deux mains coupées par un
moignons à son chef
téléphoniste
éclat.
et s'excuse
tend
Il
:
— Je ne peux plus téléphoner. Gomme
l'attaque
du 6
juin,
l'attaque de la
brigade mixte parvient à entourer
l'ennemi occupe
la
le
Mais
fort.
superstructure et ses mitrail-
leuses nous occasionnent de lourdes pertes.
renforts lui arrivent sans cesse.
Le
Des
bataillon de
droite ne peut que s'accrocher au terrain après
une lente progression. Au centre, se poursuit
jusqu'aux fossés du
moment que
les
la
fort.
progression C'est à ce
mitrailleuses allemandes nous
font le plus de mal. Les chefs de l'expédition
tombent
l'un après l'autre et,
mandant Mouy,
Gilbert et
officier
du Maroc
et
le
parmi eux,
le
com-
commandant Jérôme de
de cavalerie breveté qui, revenu affecté à
un état-major d'année,
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
294
demandé
avait
le
commandement d'un
bataillon
de zouaves.
Les deux bataillons sans cadres sont contraints de renoncer à cher dans
Une
les parallèles
du
de se retran-
fort et
du départ.
explosion, tout à coup, se produit dans
une épaisse fumée noire
le fort, et
mate
la reprise
sort de la case-
5.
Aucun
être
humain
n'est plus vivant
dans ce
réduit.
#
A
huit heures du matin, le bataillon du régi-
ment
colonial qui est en soutien ne sait encore
rien de précis sur l'opération engagée, sinon que les
deux bataillons d'assaut ne sont pas revenus.
Donc
ils
ont dû progresser, et
ils
ont besoin de
munitions pour parer aux contre-attaques imminente».
Une corvée de 80 hommes
est
détachée
sous les ordres d'un ^ieutenant et de l'aspirant
Jacques Bégouen.
Ils
emportent des grenades,
des fusées et des feux de bengale pour jalonner
,
LE DERNIER EFFORT
On peut
nos lignes.
295
les suivre sur le terrain
aux notes de l'aspirant Bégouen dont
je
un passage.
Celui-là aussi sera plus tard
niqueur de
la
deux
drapeaux
comme
lui à cet
Maroc qui
dont
frères
un chro-
il
a sous
un appartient
héroïque régiment colonial du
Dixmude au mois de
s'est illustré à
décembre 1914 s'est
citerai
guerre. Fils du comte Bégouen,
dont on connaît l'érudition historique, les
grâce
et qui
,
dans
la bataille
de Verdun
acquis de nouveaux titres de gloire.
Carnet de notes de l'aspirant Bégouen.
(8 juin.)
. . .
Nous
voilà donc partis
par fractions mélangées
pour accomplir une mission des plus oit l'on
a besoin de la connaissance réciproque des
hommes, de en vous.
périlleuses, celle
.
l'aide
de bons gradés gui aient confiance
.
Le guide marche lentement en sont chargés,
il
tête.
Les
hommes
faut que tous suivent. Nous traver-
sons un bois de
taillis,
où un profond boyau
se
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
296
cache, endroit qui ne peut être pris sous l'artillerie
ennemie.
mi-mollets
.
La
liquide nous arrive à
contre-pente est finie, nous voilà arrivés de la saucisse boche.
C'est à cet endroit
de barrage
que commence
la
zone des
tirs
de battage mathématiques qui ne s'ar-
et
que sur les premières lignes françaises
La
route traversée, nous montons la pente raide
qui conduit à la sont abîmés... cisse tir
feu de
Tout va bien.
nouveau face à
rête
La boue
le
crête.
Déjà
les
arbustes
Le labourage commence. Mais
ne nous a pas encore vus
et
arbres
et les
la sau-
nous supportons
le
ordinaire de battage; cinquante ou soixante obus
à peine tombent à droite
Avant de franchir
et
à gauche du
la crête,
La première équipe en avant
petit
nous faisons
boyau.
la pause.
continue peu à peu son
chemin.
Le guide me demande vous conduire?
»
—
ligne.
»
—
lonel.
»
// ne connaît
a
tout à coup
«
Mais moi,
On m'a
je dois
pas
le
dit
:
a
Où faut-
en première
m' arrêter chez
chemin pour
le
co-
aller
en
première ligne. Nous avançons quand même. Nous
.
LE DERNIER EFFORT voilà sur
plateau de carnage, où
,e
devenus des
où
les
dans toutes
sont
toutes
mort sont
la
là
.
Je recommande à mes les
boyaux
lambeaux de
cadavres groupés par
les positions.
bonds dans
les
quelques rares troncs
pistes, la forêt,
échevilés, où le sol est fait de sortes,
297
hommes
trous d'obus,
et
me
de
suivre par
nous commençons
la
marche pendant 200 mènes.
A
moment,
ce
droite, le
encore
le
au
aller
Mais je dois
Je ne sais pas et,
guide nous arrête
boyau pour «
:
le
colonel.
aller en
—
»
du
colonel.
»
—
colonel
le
en moins de temps qu'il n'en faut pour
détale dans la direction
J'insiste
première ligne.
chemin, je vais chez
à
Voici,
«
:
Que
le
dire,
»
il
faire? Les
hommes
sont fiévreux, ne veulent pas marcher sans
guide.
Nous fonçons
du car
.
.
Le boyau ne peut
colonel. il
est
tous dans la direction
comblé de cadavres.
des biffins, des coloniaux.
de cadavres,
les
.
.
se voir Il
y
dans
pas sont marqués,
que par endroits
a de tout celle et
:
du génie,
boue mélangée
dans une
tout cela
odeur acre de sang, de chair corrompue. se tendent,
du poste
vous commencez à devenir
.
le
.
I
OS nerfs
surhomme
.
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
298
que vous serez quand
Nous guide
voilà à
poudre vous aura brûlé...
un poste de
relais de coureurs.
Notre
Je m'apprête à l'engueuler vivement et
est là.
demander des
à lui
la
quand un rempla-
explications,
çant arrive pour nous conduire, cette fois, en pre-
mière ligne. Il sait
pour reprendre
hommes Sur vite
chemin, celui-là. Demi-tour
chemin vers
sont très fatigués. instances
les
on
le
le
le
fort de Vaux. Les
Une pause
est faite.
du guide qui prétend que plus
mieux ça vaudra, nous repartons. Nous
ira
revoilà sur le bon chemin.
La première
corvée, con-
duite directement par son guide, est loin. Elle a passe le
de
plateau la
et
Mort.
feu sur eux
.
descend maintenant
En
déclanchent leurs
et
l'air.
La danse
commencent à
Le
tirs
le
de barrage, une
commence.
..
partout ça
.
avant.
ront plus.
pente du Ravin
Les Boches en ce moment ouvrent
.
pluie de fer. de tous calibres
saute en
la
est
effroyable. Les
s'espacer, si je m'arrête
ils
hommes
ne reparti-
.
soleil
éclaire
comme jamais de
tout
ce
paysage.
..
Occasion
faire une photo magnifique
:
au
.
LE DERNIER EFFORT fond, à gauche,
de
la
quant
fort de Vaux ; à droite,
le
Woè'vre ; à gauche, le
299
les
plan,
le
plaines
quelques troncs
mar-
210 fusants
bois de la Caillette, noir de
Au premier
les
champ de carnage où
les
•
trous
d'obus se touchent, se mangent, pleins de morts. Et partout des trombes de terre
de matériaux sautant
et
sous l'impulsion des obus»,. C'était unique
à prendre, puisque
Mais mon appareil
La mission ravitaillées
est
dans
c'était
était
en faisant
mon
et si facile
devoir.
.
au fort de Tavannes.
remplie et les trous
les
premières lignes
d'obus
vient au fort de Tavannes.
:
l'aspirant re-
Cependant
il
faut
retourner à l'avant, en plein jour; Bégouen y retourne.
Quelques jours plus tard, relevé, rivée au
cantonnement
Nous sommes boue, pâles
et
décrit l'ar-
:
premiers arrivés
:
fantômes de
fragiles, on accourt vers nous.
On
main, on
est
heureux de nous revoir,
nous, malgré toutes
les
souffrances, la fatigue,
)ious serre la et
les
il
.
.
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
300
nous ne donnerions rien pour changer notre place .. Pleins de joie orgueilleuse, nous serrons la •tous ces soldats
propres
Nous buvons avec bouillant. Puis
et
main de
frais qui nous entourent.
délices quelques quarts de café
on nous conduit chez nous. Avant de
nous quitter pour reparaître propres , je serre à tous ceux qui
Au
U*i
ont suivi; je
main
me souviendrai d'eux.
plus fort des assauts contre le retranche-
ment dont mire
m
la
la
il
a la garde, le capitaine Delvert ad-
pose d'un grenadier lançant ses grenades.
du 142 qui a pu e
soldat
sortir
Vaux, racontant l'attaque par
les
du
fort
flammes,
de les
gaz, les pétards explosifs et la porte qui s'écroule, et les
hommes
qui sautent, et les Boches qui se
précipitent, et le lieutenant Bazy qui leur harre le
couloir,
ne
peut
se
C'était superbe! L'aspirant
sa corvée
tenir
de
:
Bégouen, conduisant
sous la trombe de fer,
appareil photographique.
constater
regrette son
Éternelle race
amou-
reuse de beauté, chez qui rien ne peut abolir le
goût de voir et de sentir
la vie.
.
III
LA MOISSON FUTURE
Vaux
est
perdu, momentanément, mais Vaux
sera repris et la bataille de
à jour.
La
bataille de
Verdun
se
gagne jour
Verdun, jour après jour,
prend son sens. Le fantassin qui ne connait que ses
camarades
de
immense armée
tranchée
fait
partie
d'une
répartie sur tous les fronts
:
sa
sueur et son sang se mêleront dans l'histoire au
sang
et à la
tains.
Un
coin de sol disputé qui est considéré
comme un réalité,
se
sueur de ses frères inconnus et loin-
but unique dans l'espace n'est,
en
qu'un point du vaste front mouvant ©ù
heurtent
les
deux forces du monde.
Cinq jours après
la prise
général en chef porte
troupes de Verdun
à
du
fort, le 12 juin, le
la
connaissance des
les victoires russes
en Buko-
LES D
302
dans
vine et en Galicie
le plan muri par
cet
ordre du jour
:
les conseils de la coalition est
maintenant en pleine exécution.
Soldats de Verdun, c'est a votre héroïque résistance qu'on le doit. C'est elle qui a été la condition indispensable, c'est sur elle que reposent nos victoires prochaines
;
car c'est elle qui a créé sur
l'ensemble du théâtre de la guerre européenne une situation dont sortira demain le triomphe définitif
de notre cause.
Maintenant l'ennemi contenu subira notre et notre
manœuvre.
Le 10 mars, l'ennemi fort
de
de Vaux.
la
loi
Il
n'est plus qu'à 2
contrescarpe.
300 mètres, d'efforts
il
gravit les pentes nord
ou 300 mètres
Pour franchir ces
emploiera
trois
du
2
ou
mois. Trois mois
surhumains, d'attaques incessantes, de
dépense inimaginable de munitions, d'invraisemblables pertes
de jeunes hommes, fleur de
nation. Trois mois,
but dans
la
guerre.
comme
s'il
la
n'avait pas d'autre
FUTURE
LA MOISSON
pendant ces
Et,
trois
mois,
303
la coalition
achève
d'élaborer, préparer et exécuter son plan.
On se bat au
7 juin.
devant
Et
dessus et dedans, du 2
le fort,
le 4, la
première offensive russe au
sud du Pripet se déclanche. Elle contraint sans retard l'Autriche à abandonner sa propre offensive contre le Trentin.
On
se bat
devant Verdun depuis
on continue de
L'offensive italienne sur le
en juin
s'y battre le
le
et
21 février;
en
juillet.
Trentin se déclanche
25 juin, en attendant celle des premiers jours
d'août sur l'Isonzo. L'offensive franco-anglaise sur
la
Somme se
déclanche
le
er
1
juillet, et l'offen-
sive russe centrale le 3 juillet.
Soldats de Verdun, tance qu'on
c'est
à votre héroïque résis-
le doit. ..
#
Dans Gueire
et
Paix,
#
le
prince Bagration, pen-
apprend de mauvaises nouvelles,
dant
la bataille,
mais
sa tranquillité
étonne et rassure
les aides
de
.
304
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
camp
qui les apportent.
Il
a dans l'avenir de la
Un
Russie une confiance inaltérable.
mentané ne
échec mo-
saurait ébranler en lui la certitude
du triomphe
final.
Rien qu'à
ceux qui
le voir,
l'ap-
prochaient avec des figurés décomposées sentaient
calme leur revenir.
le
.
Ainsi s'explique la rassurante parole entendue à
Verdun au mois de mars, quand
première
fois, subissait la
— Vous pouvez
tempête
le fort,
une
:
être tranquille.
Car l'avenir s'organise.
Le
fort a joué
son rôle devant
la
citadelle
inviolée de Verdun. Et pendant qu'il contenait
l'ennemi, l'orage s'amoncelait ailleurs qui réduira
un jour en morceaux
la
puissance alle-
mande.
Pauvre fort de Vaux, réduit de poussière
et
de
cendre, merveille de résistance, toi qui battais
comme un fixés sur toi
cœur,
le
monde
entier eut les
yeux
pendant quelques jours. Le monde
.
LA MOISSON FUTURE
IOS
entier ne se trompait pas en ^attribuant cette
importance que ton courage vais des plans
élargissait.
que tu ne connaissais pas
aujourd'hui ta part dans toutes
les
Tu
ser-
et tu as
opérations qui
se déroulent et se dérouleront.
Les
pays
arrosés par la
montrent, quand
la
lave a passé,
incomparable. Sur ton
une moisson de une source vive çais.
lave
sol
des volcans
une
fertilité
convulsé va croître
victoires, et de ta défense jaillira et inépuisable
d'héroïsme fran-
.
Mars-août 1916.
FIN
in
ENVIRONS DU FORT DE VAUX Ã&#x2030;chelle au
Coffre double
Observatoire
i
-
observatoire
Escarpe Contrescarpe- -
Casemate
de
6/
Casemate de\Boùrges Coffre
simple
PLAN DU FORT DE VAUX
TABLE
LIVRE PREMIER
LE FORT I.
II.
— —
Paget.
Le Ce
fort
qu'il a
7
vu avant
le
21 février 1916
LIVRE
10
II
LA BATAILLE
— Le des corbeaux — Le chemin — Le maître de l'heure IV. — Les premiers combats de Vaux V. — Autour du mort VI. — Méditation sur VII. — Les témoignages de l'ennemi VIII. — Du 30 mars au 31 mai vol
I.
V3
II.
III.
7k 90
lavoir
la
LIVRE
1
10
116 15*
III
L'ÉTREINTE I.
II.
III.
— — —
La
pierre et
l'homme
161
L'étreinte se resserre à l'ouest
169
L'étreinte se resserre à lest
if
LES DERNIERS JOURS DU FORT DE VAUX
308
LIVRE IV
LA SEMAINE TRAFIQUE Page». I.
II.
III.
IV.
V.
— — — — —
La Le La
214 226 246 257 261
bataille sur le fort fort appelle
sortie
Quelqu'un est rentré Les dernières paroles
LIVRE V
LE DÉNOUEMENT II.
— —
III.
—
I.
PARIS.
273 289 301
Le récit allemand Le dernier effort La moisson future
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— I
LIVRES CHOISIS dans
le
Catalogue de
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1° Collection
de
la
(6*)
Grande Guerre
RÉCITS DE COMBATTANTS
a)
""'• DERNIERS JOURS HENRY DU FORT DE VAUX TOLDIO
L S
I
DM
mars -7 juin
(9
Le
fort.
—
La
1916)
bataille.
—
L'étreinte.
—
c-pium*
BORDEAUX ATIC 3 h- 5°
l.N-lô
La •main*
S
CAXTU
trafique.
Le dénouement.
EN CAMPAGNE
par
marcel dupont f3*MUm
Impressions d'un Officier de légère Comment
j'ai
— La
rejoint le front.
—
Le fantassin boiteux.
— —
—
La prrtn
$ir.so «re
L'aflaire de Juu gonoa. reconnaissance de Courgivault. Nsil traUne vitite à Ke m* Messe basse et salut solennel. Première rccoonaïaS<xur Gabrielle. gique dan» les tranchas Nuit de Noil. sance aérienne.
charge.
—
— —
—
AVEC UNE BATTERIE DE bx
a
Q
I
È"
71
iar
CF
—
PAUL LINTIIR mort au
(* s * ééu,oV
Souvenirs d'un canonnier
PRÉFACE D'ED. HARAUCOURT La mobilisation. — Lea marches d'approche. — Le choc. — De
la
Marne a
chlm P d'aoaaaar
l'Aisne.
La
3
k
retraite.
50
AUX MAINS
par
**
CH HENNEBOIS -
DE L'ALLEMAGNE
u»u*»>
Journal d'un grand blessé
3
50
fr.
PRÉFACE D'ERNEST DAUDET
—
— —
Blessé et prisonnier. L'hôpital mixte de Saint-Mihiel. Au Lehrerseminar de Montigny-les-Metz. Les heures pénibles. A Offenburg Les morts pour la France. in Baden. Le merveilleux retour.
—
—
—
"" Christian
ÉTAPES ET COMBATS
MALLET
Souvenirs
d'un cavalier
devenu fantassin
Le départ de Reims. charge de Gilocourt.
— —
(14*
édition)
3
fr.
50
— La — A
Le raid de cavalerie France-Belgique.
—
Staten. Verberie. baïonnette (Loos).
LES VAGABONDS
DE LA GLOIRE
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p«
Nieuport.
rené milan
<iaêidition)
Campagne d'un
la
*
fr
-so
croiseur
(août 1914-MAi 1915) La
réveil
du
croiseur.
— Les randonnées adriatiques. — Lee croisières ioniennes.
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~
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henry destre .
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rRDE la fréoeolière
Carnet de vol d'un aviateur Souvenirs d'un prisonnier de guerre
(5% Uitk>l0
PRÉFACE DE RENÉ BAZIN
^
fr
^
DARDANELLES
::
SERBIE _
SALONIQUE
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.
Impressions
,
et Souvenirs
de guerre
1915-FÉVRIER
(AVRIL
'••-
"" J
-
vassal
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191 6)
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*** 3
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50
TRADUIT DE L'ANGLAIS PAR HENRI G A UT H ER- VI LL A RS I
LETTRES D'UN OFFICIER "" u capitaine FERDINAND DE CHASSEURS ALPINS . belmont -
(2
AOUT 1914-28 DÉCEMBRE
1915)
Un
volume.
3
fr.
50
PREFACE D'HENRY BORDEAUX Avant repos.
combat. — Les — La vallée de
— La Somme. — Les Flandres. — Au — Metzeral. — Le Lingekopf — Au — Dernière étape. — Epilogue.
Vosges.
le
la Fecht.
camp de Corcieux.
.
CRAPOUILLOTS pa'PAUL DUVAL-ARNOULD Un
Notes de campagne Le canon.
—
3
fr.
50
— Le lieutenant. — Les poilus. — Mon — Nick Carter. — Gavroche. — Un pochard. — En batterie. — La revue. — Dernière — Un merci. permission. — Notes de —
Le patron.
Joli-Cœur. tampon. Le gendarme est sans
—
volume.
pitié.
bataille.
QUAND ON SE BATp«françoisdetessan Les Spécialistes de la La
bataille.
grenadiers. ci
—
victoire
Un
volume.
3
fr.
— Les agents de liaison. — Les mitrailleurs. — Le» — Pionniers et sapeurs. — Du crapouillot au 400. — Les chasse. — Reconnaissances, réglages, bombardements. — Automobilistes. — Fraternité guerrière. dans
aux
de
Des
ailes
la nuit.
50
BORDEAUX, HEIRI
PQ
2603 .06F6