Les germes de la grande guerre. 1919

Page 1


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Gass Book

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The

Library of

Congress

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BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE

1

1

f.

CUNO HOFER GERMES DE LA GRANDE

%\ LES

fll

GUERRE k.

m ZURICH 19i9 SCHULTHESSu C1E 1

BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE 1


BIBLIOTHÈQUE

INTERNATIONALE Notre maison d'édition,

qui,

propriété exclu-

sive de notre famille, existe à Zurich depuis 1791, est

Elle

une entreprise suisse absolument indépendante. a décidé de fonder une «Bibliothèque», dont

principal souci sera de mettre en relief ce qui peut unir les peuples dans tous les domaines de le

l'intelligence.

Notre collection embrassera, sous

le titre

gé-

néral de

BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE, les

sciences

morales

et

politiques

ainsi

que

les

sciences naturelles et techniques, à l'exclusion toutefois

de spécialités qui ne rentrent pas dans

le

cadre

de la culture générale. Contrairement à d'autres entreprises analogues, qui s'inspirent de préoccupations nationales, notre collection veut être internationale. Elle veut être un lien intellectuel entre les Etats civilisés et se composer, sans égard à la nationalité, à la religion, et à la langue de leurs auteurs, d'ouvrages qui contribuent au rapprochement intellectuel des peuples. C'est là que devra être le centre de gravité de notre entreprise. Ce premier volume de notre Bibliothèque a été traduit en français sur la demande de. plusieurs critiques

littéraires, qui attachèrent à l'ouvrage,

dès la publication de l'édition allemande, une importance capitale pour la compréhension du déchaînement de la grande guerre.

SCHULTHESS & Edition

::

Librairie

Cl, ::

ZURICH Imprimerie

(Maison fondée en 1791)

^


GUNO HOFER DOCTEUR EN DROIT

36j

LES GERMES DE LA

GRANDE GUERRE

ZURICH SCHULTHESS 1919

<fe

&*


-$ 6

:k o

v^


TABLE DES MATIERES Page

Introduction Notre but

1 1.

La

la Morale, adversaires

gument

de

réalité

guerre

la

impuissants de

la

5.

Le

guerre 11.

politique de la conservation personnelle 19.

Droit,

— L'ar— La

responsabilité 26.

Histoire du développement de la politique

Le principe de

l'équilibre 33.

moderne

Le Concert européen

L'ébranlement de l'équilibre 49.

Sa 39.

Les bases des

al-

entre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie 64.

liances 57.

La

Triple -Alliance L'alliance

L'origine de la Triple-Alliance 72.

Triple-Alliance 84.

La

de

fin

La

politique de

la

la Triple-Alliance 95.

La Triple-Entente

L'alliance franco-russe 102.

La Triple-Entente

123.

64

L'Entente cordiale 111.

Le contrepoids à

102

la Triple-Al-

liance 132.

L'Autriche -Hongrie La dynastie des Habsbourg

138 et ses

peuples 138.

de fortune et nouvelle orientation 141. l'Est 145. et

L'annexion de

conséquences 152.

ses

la

la

Revers

L'extension vers

Bosnie et de l'Herzégovine

La

latente

lutte

rêve d'une plus grande Serbie 159.

de

contre le

Les préliminaires

grande passe d'armes 165.

La Serbie

171

L'affranchissement de la domination turque

Royaume

et sa

première défaite 180.

Le désir

irréalisé 196.

Le

Actes sanguinaires

à l'intérieur; désillusions au dehors 185.

kanique 191.

171.

— La guerre bal-


IV

Page

205

La Russie

Les premières défaites de - L'antagonisme au 210. Orient en la politique russe L'Alliance avec la France 221. Congrès de Berlin 215. L'entente avec La première Conférence de la Haye 228. L'origine de deux buts 205.

233. l'Angleterre et l'éloignement des Puissances Centrales

La Guerre

239.

246

La France

La Les blessures de la guerre franco-allemande 246. La reconslutte contre la politique de revanche 250.

titution de l'ancienne puissance politique 255. Pacifisme, armements et guerre 272. 263.

Le Maroc

_

L'Angleterre La La politique continentale 279. 287. La rivalité de l'Allemagne et

Entre

la

guerre et la paix 300.

279 politique mondiale les

armements 293.

La guerre

308.

316

L'Allemagne

-

L'Allemagne

L'essor politique du nouvel Empire 316. politique à la Conférence de La Haye 323. - L'ère de la La déclaration L'esprit belliqueux 342. 334.

mondiale

de guerre 352.

?H5

=


INTRODUCTION Le Génie moderne fait ses preuves aujourd'hui sur les champs de bataille, dans les airs, sur mer et dans les usines. C'est là que des esprits surmenés cherchent à renouveler, avec autant de succès que possible, une antique tragédie la lutte armée des peuples. Ils :

ont déjà amplement démontré de quoi

jamais

bles;

le

monde ne

ils

étaient capa-

témoin d'un

fut

spectacle

aussi saisissant.

Quant à ceux qui n'entendent que de

loin le bruit

des canonnades, leur roulement sourd soulève toujours en

eux

l'éternelle question

:

«

Pourquoi ?

».

Cette question

pèse sur chaque conscience et quelques-uns ont essayé

Mais

d'y répondre.

elle

devait être débattue,

le

génie s'est avéré moindre que dans les tranchées, dans les

ateliers,

dans rience

les

sur

les

passerelles

cabinets mystérieux

nous

prouve

aujourd'hui,

ironie, qu'il est plus facile

une guerre en scène que de

pour la

commandement

les

par

une

hommes

notion

de

leurs

actes.

singulière

comprendre. Les peuples

L'explication

«

Neutres

l'injustice

qui

tiles querelles.

»,

en proie au

parfois

ne peut plus

succéder à l'action, et ceux qui sont à l'écart du les

et

de mettre

possédés par des passions, mais perdent

sont la

de

des états-majors. L'expé-

conflit,

sentiment angoissant de

frappe leur prochain, se livrent à d'inu-

Notre but.


_ Il

-

2

nous ne sommes pas capables

faut reconnaître que

de concevoir cette guerre tragique dans toutes ses causes

a rien

initiales. Il n'y

pent au

grands

A

faits.

hommes,

même

l'essence

et

s'agit

il

faits

échap-

ici

de très

part cela, le caractère de la guerre, en

nous ramène par

général,

Bien des

là d'humiliant.

des

contrôle

différentes sciences, de l'Etat, à

dans un do-

de la nature humaine...

maine qui appartient à

philosophie et qui est bien

la

loin d'être élucidé.

Cette

difficulté

pourtant

n'autorisera

passif et indifférent. Bien plus,

rester

devoir et de

notre

de

intérêt

scruter

il

personne à

y va de notre événements

les

autant que cela dépend de notre intelligence. C'est pour

que

cela

à

à

réussira

ce

donné

à

également

même

«

établir

Pourquoi les

l'homme

relâche

jusqu'au

causes

d'atteindre

possibilité

la

»

les

que nous appelons

calamité

cette

sans

renouvellera

se

répondre

:

ce

plus

l'on

profondes

la guerre.

but,

pour

l'effort

jour

il

de fouler aux pieds

S'il

de est

obtiendra le

corps

de la guerre et de l'extirper de l'histoire future

de l'humanité.

Aussi longtemps que ce vœu d'innombrables générations

restera

nous-mêmes

et

nous

inassouvi,

serons

redevables

à

à nos descendants de recherches con-

sciencieuses sur les événements contemporains, et cela, alors

même

que nous nous sentirons, comme nous en la vue de leur tournure

avons déjà convenu, paralysés à par trop tragique. Contre cet

effet déconcertant,

lectuels ont jusqu'à présent réagi

pas de nature à répandre

la

les intel-

dans un sens qui

lumière

n'était

de la vérité, et

ne


pouvait favoriser l'œuvre de réconciliation, qui succédera

nécessairement à la guerre.

Beaucoup au désir

d'entre les Neutres, en

d'éclaircir ce qui se passe

vérité, ont

cédé

autour d'eux, mais

se sont trompés sur leurs devoirs. Ils se sont érigés

ils

en accusateurs ou en juges au

examen

circonspect.

sont

rôles

les

Il

plus

à un

lieu de se livrer

n'y a là rien de surprenant

simples.

entendu à satiété accusations

Par ce et

fait,

;

ces

nous avons

sentences, tandis que

nous avons toujours, jusqu'à ce jour, vu négliger un point dans le procès de l'histoire universelle C'est sous cette impression

:

l'enquête.

que nous entreprenons notre

étude, afin d'établir les faits et de rechercher la

une

qui,

vérité

tempête calmée, fera son chemin. Cette

fois la

vérité à laquelle nous aspirons est celle qui reste cachée au regard chargé de haine et qui se révèle seulement aux esprits dégagés de tout préjugé, là où la passion est

sacrifiée

vérité

cette

effort loyal,

au devoir de conscience. Nous pensons à tout

C'est vers

Ainsi

pour

ne

il

récompense de

s'épanouit en

qui

imparfait qu'il

la vérité

peut être

que notre question,

chaque

soit.

travail

ni

se dirigera.

pour l'auteur,

le lecteur, de s'engager, confiant en

ni

soi-même, sur

de simples impressions. N'est-ce pas justement l'une des tâches de la science, sions

»

le

noyau de

d'extraire

la vérité ?

des

Le but

«

simples impres-

même

de cet ou-

vrage nous engagera donc à suivre fidèlement les thodes de la science, et

l'étude

mé-

consciencieuse formera

notre ligne de conduite. Ligne de conduite de la raison et

non du cœur.


_ Discerner

amené Ce

les

guerre,

la

4

circonstances voilà

si multiples qui ont quoi se borne notre tâche.

à

rôle peut paraître

dépourvu d'attraits mais n'est-il pas d'un intérêt supérieur de pénétrer, autant que cela

un

est possible,

;

destin mystérieux, plutôt que de pronon-

cer une sentence prématurée qui atteindra

mal à propos l'homme ou la cause ? Et un jugement, aussi circonspect fût-il, un jugement s'ajoutant à des millions d'autres, ne représenterait cependant jamais plus que la auteur perdu dans la foule, quelle valeur aurait-il aux yeux d'un monde divisé en deux camps ? et qui

conclusion subjective d'un

Quoiqu'on en

dise,

il

guerre,

des choses plus

lecteur

que

l'opinion

culpabilité de tel

y a sur

personnelle

homme

les origines de cette

intéressantes

ou de

de

à apprendre l'auteur

au

sur

la

gouvernement. Nous voulons sans doute rechercher les germes du grand conflit, mais sans être obsédés par le désir de les trouver chez

individu ou dans tels événements particu-

tel

Nous

liers.

symptômes grande

tel

chercherons plutôt dans l'ensemble des des circonstances qui aboutirent à cette

les et

ruée

de

peuples

entiers.

Une

fois

que

nous

aurons, dans l'histoire de chacun des Etats qui prirent part, dès le début, à la guerre mondiale, découvert, sinon tous,

du moins

tre leur gré,

les épisodes essentiels qui, parfois con-

ont

fini

par

les

conduire dans

le

conflit

guerrier, alors se précisera le tableau confus des événe-

ments auxquels nous responsabilités

assistons. Et à ce

individuelles

l'auteur les mette en relief.

se

moment

dégageront

là,

sans

les

que

Le lecteur jugera suivant ses


concepticns individuelles,

-

5

ses principes

politiques,

son

caractère et son tempérament.

La guerre que en ignore

un drame insaisissable pour quicon-

est

développement.

le

grands mobiles

que

faut le

il

;

l'on retrouve

dans

On soupçonne un

blée quelque chose de puissant,

mot de

destin

d'em-

tragique, de

l'énigme. Les épisodes

d'une dé-

l'histoire préliminaire

de guerre, sont des besoins vitaux, des ambi-

claration

tions, des passions, des spéculations, peut être aussi de

faux calculs, et dans tous les cas, une décision de haute portée. Voilà les mystères qui,

dans

la vie politique de

chacun de ceux qui entrèrent en guerre, doivent avant que nous puissions comprendre

éclaircis

être

le conflit

mondial.

Ce

même

les fauteurs présu- La réalité mais aussi contre le principe de ,a g uern guerre, que s'élève, dans les rangs de

n'est pas

mes du

conflit

de la

seulement contre

l'humanité souffrante, une indignation quelque peu inconsidérée.

Ne

la refoulons

banal que rebattu

:

« Il

pas avec l'argument aussi

devait en être ainsi.

La guerre

un mal nécessaire ». Dans un bel article, C. Widmer l essayait récemment de démontrer que la guerre ne peut pas être une nécessité appelée par la nature, et que la

est

terre accorde de plus

bles «

«

:

mais 1

Ce les

«

s

présent,

en plus de place aux êtres paisi-

n'est pas l'ours qui

a chassé

les

troupeaux qui ont chassé l'ours

Wissen und Leben

»,

12 e Fascicule,

».

troupeaux,

Et

IX e année.

il

croit

i


— .6 être «

mieux

inspiré que « les théologiens belliqueux, qui

invoquent

destruction

le

Christ lui-même pour justifier l'œuvre de

».

Non, certainement, gent l'institution n'aient pas

ni la nature, ni la religion n'exi-

de la guerre, bien que jusqu'ici elles

à l'exclure. Quant à l'homme, avec

réussi

ses idées, de quoi s'est-il montré capable ? Certes, pour autant qu'il a vraiment des idées,

consent pas à des

«

maux

nécessaires

souffrances indicibles amenées dans

».

il

Mais malgré

ne les

monde au cours

le

des siècles par la guerre, malgré les grands esprits qui,

que Kant déjà en 1795, pensaient pouvoir indiquer chemin vers une paix perpétuelle, malgré le droit, malgré la morale, malgré la foi chrétienne, nos pays,

ainsi le

si

fiers

de leurs

ébranlés par la

progrès et de leur

civilisation,

sont

guerre la plus sanglante de tous les

temps. C'est pourquoi, sans abandonner toute confiance

dans

l'avenir, parlons à

pas encore vaincu

Le la

fléau de la guerre

raison,

droit.

ni

si

droit « d'un

mal qui

n'est encore vaincu,

par la morale,

Et pourtant, ces

avaient

bon

n'est

».

trois

ni

ni par

par l'organisation du

garants de rapports cordiaux

longtemps bercé notre espoir en nous faisant

prévoir une paix perpétuelle

sances rassemblées à la

!

Haye

Lorsqu'en 1899,

les Puis-

décidèrent d'accomplir un

premier pas dans cette direction

sur la proposition

et,

de la Russie, auraient dû prendre l'engagement réciproque

de s'abstenir pendant cinq ans d'effectifs

ce

et

de

toute augmentation

de toute élévation du budget de guerre,

modeste projet échoua totalement.

«

La commission,


__

-

7

s'engager dans la voie tracée

«

malgré son

«

par les propositions russes,

«

d'une question qu'elle était incapable de résoudre

vif désir de

Tels sont les termes du rapport

La guerre a

en présence

trouvait

se

»...

officiel.

été jusqu'à présent le destin sans cesse

renouvelé de l'humanité, malgré tout ce que l'on a pu

opposer à sa cruauté,

malgré sa contradiction foncière

et

avec les principes du droit et de la morale.

En

sens,

ce

nous apparaît

en ce sens seulement, « loi mondiale ».

certes,

comme une

Cependant avant d'accepter de nous y résigner

passé

tion

«

:

il

cet

pas

paix

de

comme

hommes, ne

nouvelle

loi

universelle,

souvent compromise,

la

paix dans

encore,

si

qui, selon toute

de la ferme volonté des

substituée à l'ancienne ?

Une

l'Etat,

»

repose sur bien des garanties, mais

avant tout sur la conscience de la solidarité ganisation

le

nous faudra répondre encore à cette ques-

évidence, dépend

les limites

de choses et

état

au moins en ce qui concerne

Pourquoi donc une paix durable

s'est-elle

elle

intérieure.

encore,

les

et

sur

citoyens

l'or-

n'ont

jamais complètement renoncé à leur liberté individuelle

pour

rien

au monde

quels que soient les

!

Malgré

principes

le

fondamentaux de

malgré l'organisation juridique

tituées, le

contrat social

;

ou

l'Etat

et les autorités cons-

le droit de saisir un beau l'homme du monde, met par-

paysan se réserve

jour son voisin au collet

;

main à l'épée, et l'époux outragé, tue d'un coup de feu son ami qu'il suspecte. Dans aucun de ces cas, les mesures prévues par l'Etat pour punir une faute ou

fois la


— une

conjurer

rament,

ne sont appliquées.

offense,

sentiment

le

-

8

ou

de l'honneur,

brisent les barrières de la

irritation,

Le tempé-

une

légalité

profonde

l'homme

:

primitif se réveille et frappe.

moyens

Cette liberté élémentaire de régler par des

de leur choix toutes les questions qui concernent leurs vitaux

intérêts

un

est

ou l'honneur national,

empirique,

fait

qui en

et

cette liberté qui

même temps

la nature de la « souveraineté », les peuples

n'ont pas voulu

entier

des raisons qui exigent la

s'en le

départir.

La quintessence

maintien de cette

grave appréhension de voir remettre

prême sur

patrie,

qu'ils

des hom-

L'instinct

en tant que membres d'une association

les pousse,

politique

liberté, est

la décision su-

de l'Etat aux mains d'une juridiction

le sort

supérieure et cependant étrangère.

mes,

détermine

du monde

appellent

avec orgueil

et-

amour

leur

:

à se prémunir contre ce danger auquel s'ajoute

une méfiance

naturelle.

Ces juges supérieurs dont dépen-

draient le bonheur et le malheur des peuples, ne seraient

jamais que des hommes, dont

mis en doute

toujours être trait

le

et

sens de justice pourrait

dont la sentence

toujours plus ou moins suspecte.

citoyens d'un perfection

hommes,

même

Etat,

Si

souffrons fatalement de l'im-

de la justice organisée

et

exercée

tres de leur sort,

plutôt

que de courber l'échiné pour

toujours, sous l'autorité de juges faillibles.

d'autres leur

le

cas

motifs

liberté

par des

Etats ont préféré jusqu'ici rester les maî-

les

seulement

paraî-

nous autres,

des Grandes

encore,

absolue,

Ce

Puissances,

tiennent à

la

mais aussi des

n'est pas qui,

pour

conservation petits

Etats

de qui


connaissent un l'indépendance

A

bien supérieur à la

paix

perpétuelle

:

!

enseignements que comporte

cet égard, les

un puissant

toire offrent

-

9

l'his-

Depuis longtemps, en

intérêt.

plusieurs circonstances, des conférences d'Etats ont conçu le

projet

un

d'établir

tout simplement

La

«

une joyeuse

Sainte-Alliance

Puissances, sous était

et

le fit ressortir

ne se

qu'elle

d'amour de

Et

la paix.

comme

plus tard, dans ses mémoires, soit

lutisme et la tyrannie.

justice,

Metternich est possible

il

peuples

et

de favoriser l'abso-

Nous ne voulons pas non

mettre en doute la sincérité de l'empereur bien qu'alors déjà, de Maistre écrivît que religieuse

l'égide

pas formée dans l'intention de limiter

les droits des différents

rope

fut

vraiment ins-

à ses origines, des plus nobles pensées de

de religion

se

en l'année 1815,

de l'empereur de Russie,

spirituelle

sans

;

libre initiative.

et

qui,

»

»

juridique, mais en suivant

par quelques grandes

fondée

pirée,

arbitrium mundi

«

dogme

baser d'abord sur un

de

éclaterait

toute l'Eu-

«

devant

rire

plus

Alexandre,

le

mysti-

document diplomatique ». Par contre, on peut se demander ce que cette alliance a fait pour la cisme

de ce

paix mondiale. Elle l'on

appelle

« le

a,

ainsi

que

l'autre institution

Concert européen

que

exercé une pres-

»,

sion cœrcitive sur la volonté des Petits Etats. Les loups s'étaient

institués

les

juges des

moutons.

favoriser la paix universelle par des

pondérance des Grandes Puissances a

menacé

la sécurité

Les expériences du

et

Au

lieu

de

garanties, la préle

plus souvent

l'indépendance des Petits Etats.

siècle

passé ont démontré que,

ce


-

-

10

pas de cette manière que l'on pouvait créer une

n'est

institution

de droite

On

qui

distribuerait

a donc essayé d'ériger sur

une autorité chargée de maintenir Devait-on obtenir davantage que tien de la Sainte-Alliance,

du

Concert européen

«

Déjà

la

automatiquement,

presque

de gauche, la concorde et la paix.

et

»

le piédestal

du droit

la paix sur la terre.

par

le

symbole chré-

ou que par l'utopie politique

?

première Conférence de la Haye, en 1899,

a créé, pour arranger à l'amiable raient surgir,

les conflits qui pour-

un tribunal international permanent.

Il

ne

s'agit plus ici de l'usurpation de la justice par les puis-

sants

de ce monde, mais de la soumission volontaire

d'Etats pourvus des

mêmes

droits juridiques,

sions d'un tribunal d'arbitrage. Et

contraindre un Etat souverain à

comme

:

dans

le

déci-

est exclu de

soumission volon-

cette

taire, les Puissances participantes prirent

mutuel

il

aux

un engagement

cas d'un conflit menaçant, elles devraient

rappeler aux Etats qui seraient sur

le

point de se ren-

du tribunal arbitral de la Haye. On que chaque gouvernement assumât désormais cette noble mission de proposer, tout au moins, par cet avertissement amical, aux adversaires momentanés, une solution pacifique en cas de litige. Par contrer, l'existence

s'attendait alors à ce

ce fait,

mais

les

la paix

chefs

du monde

n'était

pas encore assurée,

d'Etats, se trouvaient

au moins en face

de sérieuses difficultées pour prendre la décision nécessaire

à l'ouverture des hostilités.

du Transvaal en

vinssent

éclatât,

Avant que

ou avant que Russes

aux mains dans

et

la

guerre

Japonais

les régions lointaines

de


la

-

11

Mandchourie, on aurait pu croire que, de toutes parts,

aux

des exhortations à la paix auraient été adressées

gouvernements disposés à se Il

mettre

les

que possible en présence de ce cas

aussi directement

de conscience.

pour

battre,

n'en n'a rien été

les neutres n'ont

;

pas

soufflé mot.

Tel

dans

était

monde l'amour pour

le

la paix.

aux gou- Le Droit et vernements de remplir un engagement, dès que leur ,aMora e ttd Lorsque on voit combien

est difficile

il

l

orgueil national ou leurs intérêts ...

politiques particuliers ,

.

en pourraient être compromis, on comprend ou .

impossible, jusqu'à ce

Etats

,., il

.,

,,,

ait ete

.

jour,

d'unir

un système complet de

en

de

et lois

grouper

les

internationales

Ceci nous conduit à parler du droit des gens (droit in ternational),

auquel on s'agrippe

depuis

politique cipe

moral

pourraient

le

veto

que

lel

le

si

volontiers pour

Nous ne voulons pas

dire la guerre. ner,

impératif d'un la

propres

paraître

à

mau

négliger d'exami

concert

d'autorité

Sainte-Alliance — jusqu'au

plus élémentaire,

future. Il est utile de

prin

tous les arguments qui

empêcher une

guerre

démontrer que personne, en 1914,

n'avait le droit d'entretenir de grandes espérances, et la

compréhension de ce tion ultérieure d'un

On

attend

travaillant

fait est

à juste

toujours

indispensable à la forma-

jugement sur titre

dans

le

la guerre mondiale.

du droit des gens, qu'en but déterminé d'une orga-

nisation juridique et par conséquent pacifique des Etats, il

puissants de ,

*

.

élimine de plus en plus les conflits et toutes les

ma-

-

»

versaires ""•

a guerre.


-lià

tières

conflit,

qui compromettent

Etats entre

eux. Or,

positives, et

malgré

si

les

cette

les

rapports

progrès pratiques très importants

dans ces dernières années, n'a

qu'elle a réalisés, surtout

pas pu réussir à empêcher la guerre actuelle, voir

un

des

avec ses règles

science,

faut y

il

indice de plus, soit dit en passant, qu'il ne faut

pas chercher les causes de la catastrophe à la surface de la

mais au fond des graves

vie internationale,

problèmes de l'existence. Le droit des gens

offre certai-

nement des moyens capables d'amener la solution pacifique d'un litige, mais il ne peut empêcher que ces moyens soient écartés, et qu'une Puissance cherche à imposer sa volonté et ses décisions mûrement réfléchies. Le droit international s'impose par moments il ;

exige qu'un traité de neutralité ou d'alliance

mais

pecté, Il

il

ne peut obtenir ce respect par

se trouve ainsi limité, dans

la réalité de la guerre, ses et là

le droit

deux

moyens

directions.

la

res-

force.

Devant

s'épuisent fatalement,

des gens pourrait

encore prétendre à

moyens de

faire entendre sa voix, les

soit

contrainte néces-

saires lui font défaut.

La et

Le

limitation

du

droit des

gens à un domaine

étroit

à des moyens restreints résulte de son caractère même. droit international puise,

dans

la

comme on

reconnaissance solidaire

des

le sait,

Etats

sa force civilisés.

De la sorte, il n'a, ni plus de compétence, ni plus de moyens qu'on lui en veut reconnaître, et ne peut en dehors de

cela, s'attribuer nulle autre prérogative.

Lui

donnerait-on une compétence d'intervention dans les pro-

blèmes politiques que

les

peuples ont à discuter entre


eux

mettrail-on

;

timidement sur

en

-

13

mains de

cette Justice qui trône

les Etats civilisés,

lance,

mais aussi

ferait

bien

l'épée...,

même

peut-être

guerres,

des

guerres, dans leurs

non-seulement

ba-

la

alors le droit des gens étouf-

toutes

les

germes. Mais nous voilà revenus

ne aux problèmes que nous avions déjà mis de côté savons-nous pas que peuples et polentats, veulent, en fin de compte, rester leurs propres maîtres ? Dès lors, le droit international ne les empêchera pas de se ;

précipiter

dans

champs de communauté des

la lice des

que l'humanité et la

pour une paix perpétuelle, alors

Une

bataille.

Etats seront

le droit

fois

mûrs

des gens n'aura

pas de peine à apporter au nouveau régime mondial un principe juridique, et à trouver les

En

encore défaut. ni

à son imperfection que

des peuples

sanctions qui

font

attendant, ce n'est pas à cette science,

entiers

et

doit

l'on

des

imputer

la faute

gouvernements souverains

veulent fonder leur puissance sur la force des armes elle est

Le

la

cause du désastre actuel. international

droit

déchaînement de

ments

:

qui

se

hongrois, nous

succédèrent n'en

la

le

toute la série des événe-

depuis l'ultimatum

trouvons

examiné avec succès à

devant

impuissant

resta

Dans

la guerre.

pas un

qui

lumière du

austro-

puisse

droit

être

des gens,

jusqu'à la pénétration des Allemands en Belgique. Alors, certes,

grave

la

politique

conflit

avec

de

guerre

le droit

les autres décisions

s'est

engagée dans un

en vigueur. Par contre, toutes

des Puissances belligérantes dépen-

daient de leur libre appréciation; qui échappent au droit positif.

il

s'agit ici d'initiatives


Mais

il

n'y a pas seulement

dans des

droit fixé

rationnel, ou, plus tice,

-

14

lois écrites,

simplement

:

il

un

droit

positif,

existe aussi

un

un sentiment de

un

droit

la jus-

qui prend racine dans la nature morale de l'homme.

C'est à ce sentiment que s'agrippent désespérément les

hommes

qui ont déjà abandonné le radeau naufragé du

ou

droit des gens,

Ce qui été troublé

;

qui, d'emblée, l'ont fui

est certain, c'est il

n'est pas

que

moins

le

prudemment,

régime pacifique a

certain

que l'humanité

a été lésée dans ses sentiments les plus profonds. donc

le

sens du droit

et

de combattre éventuellement un Etat qu'elle accusait

a-t-il

fait

défaut?

L'Autriche-Hongrie a revendiqué

le droit

d'humilier

de menacer la sécurité intérieure et extérieure de la dou-

Pour juger de cette prétention, on ne peut s'appuyer, comme nous l'avons dit, sur aucune loi juridéjà le droit international avec dique, écrite ou autre ses moyens pacifiques a été mis à l'écart. Un grand Etat menace de faire valoir son « bon droit ». Une autre ble Monarchie.

;

grande partie de l'humanité s'oppose à tion,

blâme l'ultimatum du gouvernement de Vienne

et

comme tice.

concep-

cette

lésant les notions les plus élémentaires de jus-

donc la souveraineté

Ainsi

et

la

dignité

de

la

Serbie, à leur tour, réclament leur droit.

Une

autre controverse a démontré à quelle diversité

de résultats

ner lieu de

:

l'Italie.

son du tout

le

sentiment individuel du droit peut don-

c'est la discussion

Ses anciens

qu'a provoquée

alliés lui

traité de la Triple Alliance, sa

au moins

l'attitude

demandaient, en coopération

rai-

ou

sa neutralité. L'Italie protesta contre cette


15

prétention en alléguant la situation créée, contre son gré,

par

les

Puissances centrales,

déliée de cria

à

tout

la trahison,

Rome

Berlin

proclama

le

comme

considéra

se

et

A

engagement.

et

à Vienne on

principe du

«

sacro

egoismo », et s'arrogea ainsi le droit de n'envisager, dans ces circonstances, que les intérêts exclusifs de la nation italienne.

Nous ne voulons nant

leurs

toujours pesé

aient

i

les

justice

la

la

cause qu'ils représentent, les intérêts

Par con-

l'injustice.

et

il

avec

qu'en pre-

prétendre

gouvernements mentionnés

y a dans les pays neutres belligérants, beaucoup d'hommes tre,

j

pas

certes

décisions,

comme dans qui

les

pays

considèrent que

non seulement s'accorde

qui leur sont

chers,

mais qu'elle

est

aussi l'expression la plus pure de la justice et du droit.

Nous ne cherchons pas à qui s'appuient sur le

contester

« droit »,

que ces jugements

tout en répondant à une

purement individuelle, ne puissent avoir leur du moins pour une certaine catégorie d'individus. Cependant, pour la masse, ils n'ont aucune portée la diversité des jugements en fournit une preuve évidente. logique valeur,

;

Les hommes, lorsqu'ils invoquent

«

de justice

l'esprit

sont parfois égarés par l'illusion d'avoir saisi

dans sa portée générale

et universelle.

En

»

« le droit »

réalité,

il

se

trouve dans la vie des Etats et dans leurs actions, peu

de principes qui puisent leur force le

nement de il

unanime

sentiment de justice la justice et

et leur

valeur dans

des peuples. Le discer-

de l'injustice peut varier,

et

comme

a été impossible, jusqu'à présent de mettre toutes

les

variantes en harmonie, chaque appréciation reste forcé-

ment

sujette

à caution.


-

-

16

Le jugement dont nous parlons ici procède de la raison et de l'expérience. Là où les hommes ont entre eux des points de ressemblance, là où ils sont unis par des liens politiques, nationaux ou familiaux,

il

se forme,

non sur toutes (il s'en faut de beaucoup), mais sur de nombreuses questions de morale, de droit ou de politique internationale, un courant de pensée unanime. Ceci est plus rare

dans

La pensée

peuples.

juridique la plus idéale d'une nation

peut se heurter parfois

un autre Etat avec

peut-être

plus vaste des Etats et des

le cercle

à d'autres principes, auxquels

avec

s'attache

autant de

«

autant d'opiniâtreté

droit

des idées qui

qui malheureusement,

l'arène

ples,

Il

sont propres,

lui

même

règne

antagonisme,

en

partie

l'injustice

entre les différents peu-

juridiques

des

contradictoires et

combats

remise au

fois

inconciliables

tion des

en

partie

convictions

ont

conduit

fourreau

!

!

;

mais

hommes, dans

les

suite, sont toujours restés d'avis partagés.

personne,

et

des

Rappelons seulement les de succession Pour finir, l'épée

sanglants

guerres de religion et

instinctif

Que de

contracté par l'éducation.

était

et

sur de nombreuses questions de principes, un vé-

ritable

à

de,

ne peuvent pas être soumises à

une autorité universelle capable de discerner d'avec la justice.

et

chaque gouvernement repré-

la politique internationale,

sente des traditions,

Dans

».

à n'importe quelle

époque,

A

la

cet égard,

n'a vu la

solu-

problèmes historiques posés à sa génération.

Enfin demandons-nous encore

si,

dans

les différentes

organisations sociales, un sentiment de justice propre à établir la

bonne harmonie, a déjà conduit à une appré-


ciation uniforme des celle qui s'offre

ils

sources,

ils

événements ? De ces organisations,

à première vue ont été

tous les citoyens d'école,

17

ont

puisé leurs

ont

été

lui-même.

est l'Etat

Ici,

mêmes bancs connaissances aux mêmes sur les

assis

par

inspirés

doctrines

les

les

et

•exemples des grands esprits dont s'honore la patrie, les conceptions juridiques du peuple ont trouvé leur expression dans

un code

cheminent vers unité

national. L'autorité et le peuple s'a-

mêmes

les

complète ?

Or,

buts. Et cependant

dans

que

tant

:

Y

a-t-il

des

famille

la

citoyens, les sentiments de justice divergent,

oserait-on

prétendre à une entente entre les différents peuples, avec leur éducation inégale, leurs codes disparates, et spécia-

lement avec leurs intérêts opposés ?

Mais autre chose, dans

pu sauver

rait peut-être le

la

Lorsque

que

droit positif fléchissaient,

tice divergeaient,

le

lement.

longue

et

se

difficile,

que

côte à côte,

vivant

Alors

forment

inorale

qui,

dès lors,

pensée

des

êtres

morale de la cons-

la

Ce

voix intérieures

les

s'harmonisent graduel-

peu à

peu

les

de

raison

de

lois

d'une

civilisation,

et

vivant

comme une

règles qui distinguent le bien du

premier

comme un

devoir.

mal

la

communauté de

reposent sur la

doués

n'est qu'après

réunis.

Ainsi la morale apparaît, au sein de l'association

peuple ou

et

secours de la morale ?

cience et de l'intelligence individuelle. lutte

raison

sentiments de jus-

les

Les philosophes font dériver

d'individus

la

n'était-on pas en droit d'attendre, pour

conjurer le malheur,

une

l'homme, au-

la nature de

paix.

et

Seulement

d'un

synthèse de prescrivent

cette

le

évolution


— même

-

18

indique, qu'à des principes de ce genre, de

même

manquer fatalement une autoindispensable pour obtenir un gouver-

qu'à ceux du droit, doit universelle,

rité

à diriger

nail propre

la

Et

mondiale.

politique

pourtant les principes concordent, l'unité de vue sur dre dans lequel

que

la

s'imposent,

ils

manque

morale réclame d'abord

homme

d'Etat ?

Le ménagement

voisine,

ou

sauvegarde

la

son propre pays vention

blèmes

prince

d'une

ou

faible

d'un nation

que

vitaux

intérêts

a confiés ? Le maintien d'une con-

lui

ou

signée,

selon sa propre

souvent. Qu'est-ce

d'un

des

l'or-

la

solidarité

conviction,

veut

le

avec

parti

le

bien ?

qui,

Quels pro-

non seulement pour l'homme d'Etat

difficiles,

responsable qui ne s'en soucie peut-être pas trop, mais surtout

pour

ces

toire universelle

la

critiques

sévères qui étudient

l'his-

avec un manuel de sciences morales à

main Nous ne voulons pas examiner !

si

les

hommes

de

qui dépend de décider en dernier ressort de la guerre ou

de la paix, se soucient des prescriptions de la morale. Ceci

dépendra des individus, de leur éducation, de leur caractère, et cas,

il

même

En tout hommes d'Etat

de leur croyance religieuse. d'admettre que des

est difficile

de notre époque soient capables de signer une déclara-

un un homme. Admettons le cas le plus favorable, et demandons-nous quelle loi remportera la victoire dans ce combat moral. La rétion de guerre, sans écouter la conscience qui, dans tel

moment,

semble-t-il, doit bouleverser

ponse est évidente et

:

dans leur valeur,

Si ces lois morales,

varient

selon

les

dans leur texte peuples,

alors


— l'homme d'Etat

19

conformera à

se

propre nation, à la conscience des quels

que ce

Rien dans

agit.

il

de sa

conception

la

hommes au nom

cette guerre n'est aussi

des-

probant

fait.

morale réclame l'application de

philosophie

Si la principes

dans

qui,

la

de chaque

conscience

individu

en particulier, pourraient être érigés en loi pour

homme

pour ses semblables, chaque qu'un devoir

d'Etat

lui et

ne verra

agir de telle sorte que ses concitoyens se

:

sentent forcément d'accord avec

lui.

morale éclose dans sa conscience

Alors

il

dans

et

aura choisi celle

la

de ses

semblables.

La

philosophie morale,

comme

plus loin. Elle exige que l'action finie

science,

va cependant

de l'homme

dé-

soit

par des principes qui puissent être proclamés par

sa conscience

comme

mondiales; comme

lois

lois

mon-

diales qui répondent à la volonté de toutes les créatures

Mais ici notre recherche théorique nous nouveau du domaine de la réalité. L'individu

raisonnables. écarte de

lui-même, dans

de cet

poursuite

la

loin en arrière,

idéal,

est

resté

que nous ne pouvons plus évaluer

si

la

distance qui sépare les peuples d'une perfection harmonieuse.

Du moment

qu'il

n'était

placer les relations des Etats

communes et

moraux,

et obligatoires c'était

aussi

pas

encore

possible

sous un nombre de

de L'argument lois politique de

de droit, de principes logiques

une

illusion d'attendre

de

la

la

conserva -

lon p rs ,?

nelle.

génération

acluelle

qu'elle

prévienne

son

malheureux

'


20

-

Les preuves, fournies à cet effet, nous amènent aux conclusions suivantes 1. Les efforts et la manière d'agir des peuples et de leurs Gouvernements ont bien pu s'ennoblir au cours des siècles, et les hommes d'Etat, en tant qu'individus responsables, ne sont pas soustraits aux lois que la morale et le sens du droit ont déposé dans chaque destin.

:

conscience. Ces lois ne sont cependant,

dans

la

cons-

cience des peuples et dans celle de leurs dirigeants, ni

suffisamment définies, ni suffisamment ancrées, pour assurer à la politique des Etats une évolution absolument pacifiste. c

2. Si la

morale

et le

sens du droit révèlent, dans

leur développement, de grands progrès, ces progrès scientifiques

ne pourront cependant excercer une action heu-

reuse sur les conditions politiques du monde, que lors-

que

les résultats

domaine pratique, science.

du

En

obtenus auront la

réalisé, aussi

dans

le

généralisation ambitionnée par la

effet la science

de la morale, la philosophie

droit et le droit international, travaillent

de la sphère des lumières individuelles à universelles, généralement reconnues.

l'état

à s'élever de sciences

De même

la con-

ception morale et la pénétration juridique des individus et

des peuples isolés, doivent s'élargir jusqu'à la con-

ception morale et à la pénétration juridique du

monde

civilisé, pour y trouver leur application pratique.

Une autre voie n'est guère imaginable. Nous osons prétendre, quoique cela paraisse aujourd'hui,

ques-unes

de

que durant ces

les

conditions

dernières

décades,

nécessaires

risqué quel-

à l'abandon


définitif

21

de la guerre, semblaient se réaliser peu à peu.

L'effort spirituel d'une

phalange toujours plus

pays

les plus divers, avait entraîné

courants populaires grandissants. Et, nier que, dans

pensée,

mais une pensée noble,

vague,

peut-être encore les

considé-

Une

rable était effectivement dirigé vers ce but.

leur sympathie pour

il

la

dans

à sa suite des serait injuste de

paix,

quelques

nations avaient réalisé sur d'autres un progrès, qui du

ne nous échappera pas dans nos recherches

reste

Par contre, entre

rieures.

ment du bien idéal, l'unité

public,

solidarité résulta

dans

et

a partout

hommes

les

les

fait

représentants

De

défaut.

d'un

haut

manque de

ce

finalement une opposition,

les divers Etats, les

ulté-

chargés pratique-

et

bientôt

chemins des hommes politiques

se séparèrent d'avec ceux des apôtres de la paix,

pour

se rejoindre le jour où la lutte pour la patrie vint dé-

signer à tous les citoyens un seul but la politique

1

a vaincu,

commun. Ainsi

elle est l'initiatrice

de la guerre

mondiale. Elle a refoulé tous les motifs élevés qui prescrivaient la concorde entre les peuples, et mis de force

à

l'épée

moyen «

main de

la

longtemps,

avaient

brutal

politique » a

milliers

dans

leur

d'hommes, for

intérieur

qui

de la guerre et l'abhorraient. Or,

pu réussir à briser

pacifique, si populaire

déjà,

il

la

depuis

répudié si

le

la

puissance de l'idée

faut en conclure

fatale-

ment qu'elle était soumise à une certaine nécessité. Nous avons compris que la raison et la conscience de l'humanité n'aient pu résister au flux de la guerre. 1

Nous expliquons plus

loin la signification de ce terme,


Une

question se

pose encore

:

ce

flux

guerre

de

pu puiser sa force? Voilà le problème à résoudre, une fois la réalité de guerre admise nous chercherons donc dans cet ou-

a-t-il

la

;

vrage à découvrir les forces secrètes

et visibles

qui ont

renversé la paix.

De nombreuses

et

ces

événements qui doivent

un par un, dans

être recherchés,

ligérants,

ont coopéré à l'œuvre de

forces

destruction. Ces forces

politique s'empare

un beau jour de tous

motifs et pousse

peuple au combat.

fie ici

l'art

:

des Etats bel-

l'histoire

forment la chaîne des causes de la guerre. La

le

de

l'Etat, l'art

La

ces

nombreux

politique signi-

de prévoir ses destinées, de

un point déterminé en moyens pacifiques, ou s'il est nécessaire, par des moyens violents, les obstacles qui entravent son chemin. De la même manière, réaliser ses buts. Elle se dirige vers

éliminant,

paisible

au

préalable par des

ou brutale,

ples, les pays, rielles

la politique attire vers l'Etat les peu-

en un mot les forces morales

qui paraissent lui être nécessaires ou

maté-

et

désirables

pour atteindre ses buts. La politique cherche à consolider la force de résistance et la force agressive de l'Etat

par des alliances

;

elle

assume des engagements pour

sure, par contre, des avantages. Elle choisit

un complice

redoutable, que

;

ici

elle

sées téméraires.

peuple

étrangères,

pour surprendre un voisin dans son rêve

moyens

et s'as-

ce soit pour maintenir

situation contre l'atteinte de Puissances

travaille, tantôt

le

sa

ou

paisible. Elle

avec de bons, tantôt avec de mauvais poursuit des buts modestes, là des viIl

est

cependant un but que toute

poli-


-

-

23

un but auquel doivent

tique envisage en première ligne,

contribuer tous les

moyens de

l'Etat

la conservation de

:

soi-même. Ainsi nous avons découvert

peuples

conduit les

sur

premier mobile qui

le

champ de

le

Ce mo-

bataille.

général et formant Vidée fondamentale de

bile étant

tout art politique que nous aurons plus

tard à étudier

auprès de chaque nation prise individuellement, doit être éclairci

dans nos considérations préliminaires. Mais pour

un autre motif encore en définitive,

ce mobile

:

ou

d'emblée

forme,

prétexte le plus plausible pour tout acte

le

de guerre offensif ou défensif. L'individu protégé par le

droit

sur la

l'autorité,

et loi

des actes de

violence.

des

intérêts

«

permettre.

Par contre, notre génération a

éprouvé ce que

suffisamment vert

ne peut presque plus s'appuyer

de la conservation personnelle pour commettre

Ici

vitaux

»,

les

sous

Etats,

sont

seulement l'étude des

cou-

le

capables peuples, de

de

se

leurs

besoins et de leur histoire, nous permettra de discerner la

vérité

des

apparences.

L'affirmation

de sa propre

un argument de poids il exige dans chaque cas un examen approfondi. Jusqu'à nos temps

existence est

modernes,

;

l'histoire universelle

nous

offre

le

spectacle

d'un combat opiniâtre des peuples pour la vie, en sorte

qu'on

a souvent cru

relations naturelles et

La connaissance avant

tout,

dans

l'état

d'hostilité,

les

Mais

les

normales des peuples entre eux. des

causes de

la

guerre dépend,

de la capacité de distinguer la réalité et

mensonge, dans belligérants.

voir,

problèmes d'existence affirmés par

la plus

le

les

grande prudence est nécessaire,


— u Tout honnête que puisse

l'homme,

qui,

guidé par

le

souci de la conservation de l'Etat, propose

un but à

ce

dernier, le but est

pourquoi

il

être

discutable et confus.

toujours

est difficile d'évaluer les

à la réalisation de ce but de l'Etat est en jeu

exclamation

cette

a,

!

République, qu'on

la

«

Aux armes,

le sa-

autorité tragique,

de tout temps, mis des peuples

des contrées en sang. C'était pour

pour

:

Avec une

»

C'est

nécessaires

sauvegarder l'existence du

:

pays. Quelqu'un invoque la guerre lut

moyens

se

le

et

Roi, pour l'Empereur, Etait-ce

battait.

chaque

pu sauver sa vie d'une dépend du jugement des hommes

fois nécessaire ? L'Etat n'aurait-il

autre manière ? Tout cela

du moment. Pour les uns, ennemi menace le pays, il

c'est

une tâche

facile

doit être abattu, et

il

:

un

en est

ainsi.

D'autres sont en face d'un plus grave problème

c'est

un ennemi caché, ou un ennemi futur qui menace

Ou bien nation, comme

l'existence de l'Etat.

gibles de la

en jeu,

c'est l'existence

ce ne sont pas les biens tan-

:

la terre et ses

peut-être

Autant de questions d'existence

doit être évalué

avec

qui sont

fils,

économique, l'indépendance po-

litique, ce sont des valeurs idéales,

sation.

:

!

la

Or, le

civili-

danger

l'aide de l'intelligence limitée des

un danger réel ou un armé est-il indiqué ou bien peut-il être évité ? Promet-il un résultat ou est-il sans espoir? Autant d'hypothèses parmi lesquelles l'homme

hommes. danger

avant

Est-ce

fictif

?

Le

tout

conflit

responsable doit choisir, à l'aide d'une spéculation hardie.

L'opportunité de sa décision peut toujours être con-

testée.

Quel que

soit le respect

tions insondables de

cause à

que effet

aux

rela-

l'histoire

uni-

l'on porte

dans


--

-

25

verselle, la question reste encore et

ou

telle

telle

guerre

à toujours ouverte

:

pour un Etat,

était-elle inévitable

sauver son existence politique, nationale ou éco-

afin de

nomique ? Et cependant, lorsqu'il s'agissait de décider,

les chefs

responsables des affaires de l'Etat avaient la conviction plus ou moins sincère, que

pour

seau a soutenu que

que

peuple devait combattre

le

bien immédiat ou futur de l'Etat.

le

de

politique

Rous-

J.

J.

ainsi

l'Etat,

commence dès sa naissance à

humain,

corps

le

corps

le

mourir, et porte en lui-même les germes de sa destruction

Mais l'un

«

:

et l'autre

plus ou moins robuste et

ou moins longtemps.

peut avoir une constitution

propre à

La

le

conserver de

constitution

plus

l'homme

est

l'ouvrage de la nature, celle de l'Etat est l'ouvrage de l'art »

*.

appartient à

Il

der quand

le

politique des peuples de

l'art

souci de leur

à main armée.

Cette

question

raison et à leur caractère

même

que,

à

cette

des motifs

décision ?

existence nécessite

Si la

:

déci-

la

lutte

abandonnée à leur

est

car, pourrait-on se dissimuler

inavouables, logique,

à

parfois

président elle

seule,

la

ré-

flexion calme et froide, avaient à résoudre ce problème, il

peu probable que

est

la terre eût été si

souvent en-

vahie par la guerre

Plus encore que l'intelligence, l'instinct des peuples est

un gardien

vigilant de l'existence de l'Etat

t-on pas de l'instinct de conservation ?

1

Contrat Social. Livre

III.

chap. IX.

;

ne parle-

Ce sont des

lois


-

demandent à

d'évolution qui

se manifester

cherche à se frayer un chemin,

tale

avec tous ses phénomènes la

-

26

et

la force vi-

la guerre

moyens

tous ses

et

;

que

:

depuis

haine la plus basse, jusqu'aux productions les plus

élevées du génie humain, fait irruption. C'est

ou

superflues

bons

tincts

qu'en l'année

ainsi

1914,

une appréciation

ou juste des problèmes d'existence,

fausse

crainte

la

mauvais,

et

Chaque Etat

de

dangers

des forces

futurs,

ont précipité les

des ins-

peuples dans

met son existence en jeu. Chacun, de son propre mouvement, peut-être cédant à une contrainte, ou poussé par des engagements pris, a obéi aux exigences anciennes ou spontanées de sa politique. Chacun a (tout au moins) un but de-

la guerre.

vant

la conservation de

:

La

a responsabilité.

lui

belligérant

lutte

pour

son existence

la conservation

naturellement pas les fautes

et

les

!

personnelle

n'exclut

intentions

condam-

une véritable passion, que l'on recherche d'un bout de la terre à l'autre, le bouc émisindividu ou Etat. saire Dès que l'on attribue la provocation de la guerre européenne à un peuple entier afin de faire retomber nables. C'est donc avec

:

sur lui toutes les responsabilités des autres participants,

on soulève un grand problème de nale.

Car

il

d'après les faits

du

défi

motif

il

;

a

il

politique

internatio-

ne peut seulement être question historiques,

est bien plus

obéi.

La

quel Etat a jeté

d'établir, le

gant

important d'expliquer à quel

responsabilité véritable et exacte d'une


ne

guerre

peut

être

-

27

du

déduite

premier

manière dont ce coup a

né, ni de la

coup don-

mais

porté,

été

seulement des mobiles auxquels l'Etat a obéi. Et ceux-ci n'apparaissent

dans leur

jour

vrai

et

avec précision

qu'à la lumière de l'histoire préliminaire du grand évé-

nement,

qu'elle se présente

telle

pour chaque pays sou-

cieux de son existence.

Une

à rechercher les in-

autre tendance consiste

dividus responsables, les hommes qui ont mis le feu au bûcher échafaudé par les Puissances. Il s'agit ici d'une question de politique intérieure, à examiner de plus près, afin d'écarter d'emblée de faux préjugés. Il

temps où un prince pouvait,

fut sans doute des

de son propre chef, déchaîner les guerres les plus horribles sur la tête d'un peuple aveuglément soumis et politique-

ment

ignorant.

A

l'époque de la royauté absolue, la cons-

titution de l'Etat favorisait tous les caprices, et les peuples

indifférents et timides ne pouvaient

une résistance morale aux potentat. Plus d'un et et

même

pas opposer

instincts belliqueux de

par la vie de

prince, tenté

leur

camp

avide d'aventures, a marché sur un ennemi improvisé

chargé

sa

de

conscience

cette

tourmenta Louis XIV, sur son

aimé

la guerre, avoua-t-il

ne suis pas cet exemple

!

lit

responsabilité

de mort

:

« J'ai

qui trop

au dauphin âgé de cinq ans

;

».

Lorsqu'à cette époque, on

jetait

lance du destin, seul l'entourage du

un peuple sur la baMonarque et une

classe privilégiée avaient connaissance des motifs de la décision.

Un

intérêt vital de l'Etat pouvait être en jeu

mais peut-être ne suivait-on que

la fantaisie d'un

;

mau*


-

28

vais conseiller. Mystère sans importance bilité

ne pesait que sur

Aujourd'hui,

sabilité pèse sur les peuples.

donnés pour

A

l'imposer.

plus

ainsi;

Tous

cette respon-

moyens

les

volonté

leur

valoir

faire

la responsa-

épaules du Souverain.

les

n'en est

il

-

!

leur sont

même

et

pour

notre époque, sans l'appui moral de l'opi-

nion publique, une déclaration de guerre n'est possible

dans aucune nation

civilisée.

n'est pas consultée

sur la

masse du peuple et on n'a jamais soumis une déclaration de guerre au libre Certes, la

politique

extérieure,

arbitre d'un plébiscite. Mais, en dehors de cela, les peu-

ples ont,

sinon tous les

moyens

du moins

juridiques,

beaucoup de moyens pratiques de

efficacement

résister

à une politique qui voudrait, contre leur propre volonté,

conduire

les

à

la

guerre.

L'indifférence,

cord peuvent atténuer leur responsabilité,

malgré «

le

elle

désac-

subsiste

tout.

Représentation nationale

»

tel

est

nom

le

de

l'organe constitutionnel, qui, dans tous les Etats modernes exerce, ou tout au moins, peut exercer une influence décisive sur la direction de la politique.

Les délégués sor-

tent de toutes les classes et sont

porte-voix

totalité.

Et

si

Ton

les

de

la

prétend, que les députés ne sont pas

les représentants fidèles de l'opinion publique, c'est en-

core la

masse des citoyens

responsable de cet état

de

qui,

en

choses.

fin

de

compte,

Le champ

est

étendu

de la science s'offre à tous, pour qu'ils puissent en retirer les

connaissances permettant d'intervenir dans les

destinées de l'Etat.

L'instruction obligatoire

foule, si ignorante naguère, sur les besoins

éclaire

la

réels de la


patrie, et les

-

29

met chaque individu en

De grandes

état

méditer sur

de

hommes

problèmes de l'existence des

et

des Etats.

associations sont là pour veiller aux inté-

rêts de la vie nationale

fanatique elles

économique

et

revendiquent leurs

;

avec un

avantages,

zèle

dans

et

quelle mesure, les organisations de ce genre n'ont-elles

pas influencé

Et

si

le

les décisions des

peuple, avec

se trouve encore

ses

gouvernements

!

nombreux groupements

séparé de la sphère gouvernementale

par un intervalle plus ou moins considérable, ce dernier est

cependant

depuis longtemps par la liberté

franchi

de la presse. Dans nos Etats, la solidarité morale entre les

organes les plus élevés de l'Etat

et

le

dernier des

citoyens se trouve établie par la gigantesque publicité

moderne. Les chefs de tous

groupes d'intérêts ima-

les

ginables sont à l'œuvre sur cette route de communication et

homme

depuis que tout

possède

faire entendre, la collectivité

lorsque

les

moyens de

se

partage la responsabilité,

suprêmes sont prises autour du

les décisions

tapis vert gouvernemental.

Les hommes assis autour de ce tapis ont formé leur intelligence et leur

jugement dans

pulaires. Et, quelle

que

les divers courants po-

fût leur individualité, ils

rent cependant jamais se soustraire

ences de la vie publique tous, plus

ou moins,

la personnalité

cela n'était pas le cas,

à la tête

de

Tous

hommes

les

l'Etat

moderne.

ils

aux multiples Ils

influ-

incarnent ainsi

de leur peuple;

si

n'auraient pu être maintenus

lorsque d'Etat

ne pu-

la

guerre

fut

déclanchée.

ne sont pas populaires.

doivent peut-être leur charge à la sympathie d'un

Ils

Mo-


30

narque ou à la faveur d'une

coterie

Mais

influente.

lorsque les déclarations de guerre furent échangées, les sièges

par des

des ministres devaient forcément être occupés

hommes auxquels

la majorité

du peuple tendait

la

main avec enthousiasme. En réalité, il en fut ainsi car aucun ne dut quitter sa place lorsque dans les ;

terribles journées

du

mois d'août 1914,

le

rideau

se

leva sur le théâtre de la grande guerre.

De longue

date ou hâtivement, les

avaient préparé leurs rôles. trer

en action,

sur eux.

La

et les

Ils

regards des peuples étaient

confiance à laquelle ces

leur puissant pouvoir, devenait alors

rent

d'après

l'esprit

chefs des Etats

devaient maintenant en-

leur intelligence,

de leurs concitoyens.

leurs

Ils

hommes un

fixés,

devaient

poids. Ils agi-

facultés,

selon

et

n'agirent plus avec la

force de vulgaires mortels mais avec la puissante auto-

que confère aux organes de l'Etat, la volonté unanime de tout un peuple. Et dans quel but travaillaientils ? Pour l'avenir de leur pays, pour ses besoins poliPour l'idéal du peuple et pour tiques et économiques rité

!

ses

traditions,

en

disciples

de ses

successeurs des héros nationaux, entre le passé et l'avenir

doctrines,

comme

traits

comme d'union

!

Ce ne sont pas des faits isolés, ni un meurtre, ni une infraction juridique ou morale, qui forment le point une de départ de la plus épouvantable des guerres ;

ironie semblable serait par trop désespérante. Cette ca-

tastrophe, en pleine période d'épanouissement d'une vilisation,

ci-

déchaînée malgré les puissants courants paci-

fiques, est le fruit d'un

développement funeste, qui ne


pouvait plus être

-

31

par la main

maîtrisé

hommes.

des

qu'aucun mortel ne pourrait

Elle est née d'oppositions

vaincre, parce que les intérêts et les ambitions en jeu,

de dangereux éléments de forces cherchaient à

et enfin

triompher, sans se soucier de la collision qui en résul-

Les mobiles

terait.

sonnelle,

plus divers ont fait partout de

les

la guerre une nécessité

besoins économiques,

même

obligations juridiques, et

que l'honneur

telles

tion de

soucis de la conservation per-

:

spéculations

selon l'individualité et la tradi-

chaque Puissance.

Ayant reconnu que

les

conditions capables d'éviter

la catastrophe n'ont été remplies,

par

ni

politiques,

des considérations idéales

l'initiative

individuelle

ni par la collectivité,

des

nous avons à rechercher maintenant chaînèrent la guerre mondiale.

Nous chercherons à et

les

saisir l'histoire de

ses

le

moment

signal du combat.

l'évolution historique qui a conduit le seuil de la guerre,

et objectif.

chaque Etat

ambitions, jusqu'au

où ses dirigeants donnèrent

biles qui,

causes qui dé-

Seule cette constatation

un jugement sobre

résignée peut faire naître

belligérant, sa vie

chefs responsables,

nous devrons

Dans

peuple jusqu'au

recueillir tous les

mo-

dans leur ensemble, contribuèrent à sa dé-

cision.

Nous nous que

l'individu,

rappellerons que l'Etat, est aussi conduit,

bien

dans beaucoup de ses actions,

par la force du destin, qu'en opposition avec l'individu il

n'est pas impulsif, et n'agit

jamais sous l'impression de


la colère

du moment, mais toujours après mûre

réflexion,

qui est le fruit du travail systématique et incessant de

son organisme

L'Etat sait ce qu'il

entier.

d'examiner maintenant les

événements qui

hors,

et

de

les

le

l'influencent,

évaluer.

fait

il

;

s'agit

cours de ses pensées, ainsi que

à l'intérieur

et

du de-

Sont-ce de bons ou de mau-

vais motifs qui prirent le dessus, des vues éclairées, ou

des calculs erronés, prétextes,

qui ont

de bataille ?

C'est

des raisons véritables, conduit les

peuples

ce qui peut-être

nation en particulier

ou de faux

sur les champs et

pour chaque

résultera de cette enquête.


HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE MODERNE

universelle

L'histoire

dominée en partie par Le

est

des nécessités qui, de connivence avec les passions des

hommes,

chefs et avec les faiblesses des

se sont

impo-

sées depuis l'antiquité jusqu'aux temps présents.

Les Etats

membres

— nous

d'une

en principe avec

à trouver premier

lieu,

la fatalité

doivent en tant que

de la guerre.

compter

nous reste

Il

au Mais une autre question s'impose en qui revêt, dans la guerre présente, une

importance toute spéciale fléau de la guerre six,

internationale,

causes concrètes de leur participation

les

actuel.

conflit

savons

le

communauté

a-t-il

:

par quelles circonstances

le

atteint de son souffle maléfique

sept et huit pays à la fois ?

Une

loi

dont la réapparition

constante fut relevée

par les historiens, jusque dans la politique des anciens

Grecs

des Macédoniens, vient répondre à cette question

et

Elle

se

de l'équilibre

dégage de l'expérience est

spontanément de Alexandre

:

empirique de l'équilibre.

c'est la loi

le

si

naturel

et

;

si

mais clair,

le

qu'il

la raison. Il suffit d'établir

Grand jusqu'à Napoléon,

et

principe

dérive

que depuis

même jusqu'aux 3

principe

de lé q uiubre

«


-

-

34

temps modernes, toute prépondérance dans la vie des jamais à se développer qu'au détri-

Etats ne chercha

ment des plus libre.

Parmi

faibles, pour aboutir à l'idée de

les peuples et leurs alliances,

une certaine proportion de

ment

danger d'un poing trop

le

C'est d'une idée analogue,

pouvoir

la

poli-

comme

République,

un

par

exercé

entière-

présomptueux.

mais s'appliquant à la

l'équi-

doit régner

écarte

fort et trop

tique intérieure, qu'est résultée

négation du

qui

forces,

il

homme

seul

;

la

polyarchie vint s'opposer à la monarchie. Le socialisme

moderne cherche à

faire

dans

des

la vie

composant

sociale

et

avec

en

utilisé

:

principe fondamental de la conL'équilibre

temps,

la

principe

de

même

doit

être

considéré

pensée fondamentale

scientifique

prétexte

aux

un instrument qui

de

l'équilibre »

prétentions devait,

a

plus

les

en somme, être

dans un but de paix, a contribué ces temps-ci,

comme en maintes développement 1

nous

préventif contre tout abus de puissance.

le «

parfois

effrénées

le

personnelle.

comme moyen

servi

individus

depuis longtemps, adopté dans nos cou-

Nous retrouvons

érigée

comme

principe d'un équilibre naturel.

le

servation

Puis,

et

soit des familles, soit des associations,

avons tous,

tumes

dominer une idée semblable nations,

Ce

autres

circonstances,

fatal de la guerre.

n'est pas la

écrit

lutte et ce conflit rentre

à activer

cela ne

le

change

manière de penser du capitaine von Mi-

chaelis qui, dans la préface de

guerre universelle,

Tout

:

«

son Histoire préliminaire

Toute

la

création

est

dans l'ordre normal du monde,

doit vaincre, le faible disparaîtra

».

%e la

soumise à

la

Le fort


aux alternatives qui imposent au monde

rien

comme

aujourd'hui

jadis,

Une

politique,

entre la suprématie

choix

le

d'une seule Puissance, ou

égale des forces.

la répartition

— chaque enfant balançoire. Comme la

troisième possibilité n'existe pas

compte sur sa

peut s'en rendre

prépondérance du voisin a les

35

créé, chez les peuples de tous

temps une situation des plus

ne connurent pas

le

ceux qui

intolérable,

sentiment de sécurité que procure

l'hégémonie, s'efforcèrent naturellement de rétablir tout

au moins l'équilibre. Déjà au seizième dans

gleterre,

siècle,

le

Henri VIII d'An-

roi

but d'assurer son salut,

le

lousement l'équilibre de

la

balance, qui

en faveur du puissant Habsbourg,

surveilla ja-

oscillait tantôt

l'empereur Charles-

Quint, tantôt en faveur de son rival infatigable,

France, François

I

er .

Quand

plus tard cette

même

le roi

de

dynastie

anglaise se prolongea par l'avènement de la reine Elisa-

dans toute

beth, celle-ci manifesta l'intention d'adopter

sa rigueur le

principe

le

proclama même,

dans sa politique,

et

de

son père.

les forces

sée pleine

de

s'en

inspira,

poursuivit avec un certain succès,

l'ambition

de partager

royaumes de proportions à peu près

mes dont

Elle

en

l'Europe

égales,

en royau-

devaient s'équilibrer. Mais cette pen-

promesses,

trouva une

expression

bien

plus éclatante encore, lorsque quelques années plus tard, lors de la

Guerre de

trouvèrent aux prises, portait les

:

Trente

ans,

divisées

en

les

Puissances

l'Autriche, la Bavière et l'Espagne

armées françaises de

allemands

et

l'autre,

se

deux groupes comd'un côté

;

unies à celles des Etats

à celles de Gustave Adolphe. Cet équilibre


— de forces

établi,

la paix

36 du

de Westphalie vint

traité

délivrer en 1648, d'une guerre des plus terribles, les nations

européennes épuisées. Avec

rationnelle, le

la

désagrégation effec-

de l'hégémonie impériale, ce ne fut pas une volonté

tive

mais un

fait

purement historique, qui confirma

principe définitivement

consacré de

euro-

l'équilibre

péen. Ni l'Eglise, ni l'Empereur ne régleront désormais les

destinées

du continent. Les peuples

et

Etats

les

sonverains, affranchis du régime universel de la féoda-

combattront

lité,

à l'avenir ensemble,

et

par

le

fait

de

leurs alliances, maintiendront à peu près à niveau égal

en jeu.

les forces lisée.

Sous

malgré

la

De

cette manière,

une idée

s'est réa-

forme d'un nouveau système politique

quelques

mémorables,

interruptions

et

s'est

elle

développée jusqu'à l'heure présente.

Cependant, à peine conçu,

le

principe de l'équilibre

révéla son caractère dangereux.

Il

se trouva hélas entre

les

mains de chefs d'Etat ambitieux, ce qui excluait une

action bienfaisante. Tandis que dans l'Empire allemand,

un

tiers

des

souverainetés

qui

le

composaient, durent

disparaître, sous prétexte d'équilibre, par médiatisation et

XIV,

sécularisation, la Puissance

française, sous Louis

se manifesta d'une façon

dangereuse, qu'une coalition

si

de presque tous les Etats européens, l'Angleterre, l'Autriche, la

Hollande en

quilibre, trois

Ce

n'est

tête,

entreprirent au

campagnes sanglantes contre

que lorsque

la

prépondérance

le

Roi

de

l'é-

Soleil.

française

renversée, que la lutte acharnée trouva une

Utrecht, et qu'alors, en 1713,

nom

le

fut

solution à

principe de l'équilibre

rencontra pour la première fois son expression formelle


— dans un

dans

tablie

de paix

traité

monde

le

des Puissances,

bons

de

rapports

!

car au 18 ,ne siècle,

à

une

nouvelle

la base

meilleure

la

l'équilibre...., Il

n'en est

le

même

répartition

garantie de paix

pour

rien

principe

Aux

l'Europe,

des

bien

forces

et

la

plutôt fois

qu'à

de forces

dominé

Prusse entrent en scène,

volupté

la

Pologne. C'est avec une

politique que cette

accomplie dans

les dernières

œuvre de partage

années du 18me

siècle.

Trois rivaux se sont simultanément enrichis, mais ont, de ce fait, ritorial,

et

sens du principe d'équilibre, qu'a lieu en

le

premier partage de

le

véritable fut

Russie

et

cette

côtés de ceux qui jusqu'alors avaient

la

dans

1772,

la

moment,

le

sert

éviter de nouvelles guerres entre adversaires

c'est

et

d'une bonne entente réci-

prononcée au détriment des faibles

nettement

égales.

ré-

un juste équilibre

chrétien par

forme

être

»

Le principe de

tranquillité doit

« la

amitié et

d'une

plus solide

proques.

qui

:

2 me

Selon les termes du

international.

traité

du

article

-

37

établi entre

eux un rapprochement

ils

ter-

qui peut-être un jour, deviendra dangereux.

Comme

un précédent excellent pour une application non encore introduite du le

sort de la Pologne offrait

jeune principe politique, l'habileté des diplomates put dé-

sormais s'exercer dans une voie toute nouvelle.

même, lorsque de

«

Napoléon

Il

en fut de

s'apaisa cette tempête, qui, sous »,

le

renversa les frontières des pays d'Eu-

rope, l'indépendance des peuples avec les droits calculs de

ropéen

fut

leurs souverains. si

nom

Cette

fois,

profondément ébranlé,

et

les

l'équilibre

eu-

que

les

hommes


-

38

des nations renaissantes

d'Etat

purent

une

envisager

tâche féconde en résultats.

Et tout «

le

œuvre

cette

équilibre

».

monde

sait

comment, au congrès de Vienne,

comment

accomplie,

fut

Ce dernier représentait

s'inspiraient toutes les négociations et

matiques,

il

offrait

en

même

fut

établi

cet

alors le motto dont

documents

diplo-

temps un prétexte à toutes

les spéculations collectives et individuelles.

La France,

délivrée de Napoléon, tenta dans l'intérêt de l'équilibre,

à peu près

de retrouver sa puissance primitive,

c. a. d.

ce qu'elle possédait avant

de Bonaparte.

l'équipée

De

leur côté, les quatre Puissances de la coalition, la Rus-

Prusse, l'Autriche et l'ngleterre, dans une série

sie, la

de traités qui s'appuyaient tous sur quilibre, cherchaient le

dre

perturbateur. il

;

de la

que

le

Elles

crise,

du

finirent

caractéristique que

est

le

de

principe

l'é-

à gagner un excédent de poids sur

plus grand et plus

reste

chacun des fort.

principe de l'équilibre ne

fut

par s'entenalliés

sortit

Notons en passant pas appliqué aux

petits Etats.

Pourtant, après des résultats nir

si

satisfaisants, l'ave-

du système auquel on peut imputer l'extension

la guerre

mondiale

actuelle,

était

assuré

d'emblée.

de

En

outre une nouvelle pensée devait se développer, dont nous

retrouvons encore aujourd'hui l'influence dans

certains

milieux politiques, la pensée d'une institution permanente

de solidarité internationale, pour térêts entre les

les cas

Grandes Puissances

et

de conflits d'inles

petits Etats.


De même que

39

de l'équilibre fut toujours Le Concert

la théorie

comme une

envisagée dans son application, paix,

semblait

et

même, une union des

de

réalisable,

garantie de

Puissances tendant à conserver la répartition territoriale des pays européens

Quel

tant.

dans

l'intégralité de

leurs limites,

pu devenir un instrument de paix

aurait

petit Etat se serait

monie à laquelle

veillaient

impor-

très

hasardé à troubler l'har-

alors

de

puissants

les

ce

monde désormais réunis ? Constatons en passant, que deux seuls moyens ont été jusqu'à présent conçus par des

hommes

d'Etat pour garantir une paix durable

des

libre

diminuant ou

forces,

chances d'agression d'un Etat le

du monde,

reste

l'équi-

:

rendant illusoires

isolé,

exercée d'un

et

les

l'hégémonie sur

commun

accord,

par

ceux qui, réconciliés maintenant, avaient été jusqu'alors les

perturbateurs

de la

paix.

même

pas à représenter

comme

rable,

une idée morale

telle

ou

reconnaissance

la

sans

On

n'essaie et ne songe

garantie d'une paix du-

que

respect

le

réciproque,

réserve des droits à l'exis-

tence qu'ont tous les peuples, grands ou petits.

Ces deux nouvelles garanties quillité

leurs

de l'Europe, ont

fait

«

après

preuves pendant un certain

d'après

la

paix extérieure,

Puissances paraissaient pour libre se maintint.

pereur Alexandre

En I

er

les le

réelles » le

pour

temps.

calculs

moment

A

éphémère

:

en juger

d'équilibre parfaits

;

des

l'équi-

fondant la Sainte-Alliance, l'Em-

prépara

le

terrain à cette nouvelle

manifestation de la politique continentale, dont fut aussi

la tran-

congrès de Vienne,

le

«

Concert européen

le

succès

>.

Rédigé sous l'impression d'événements tragiques,

et

européen


-

40

empreint d'une lassitude bien compréhensible,

le traité

fondamental de

caractère

la

Sainte-Alliance avait

le

inaccoutumé d'une -proclamation religieuse de principes

moraux, qui désormais, Les

des Puissances. et

de

Prusse,

pendant

devaient inspirer la politique

souverains

signataires

sur leur

des prétentions

du

conversion

d'un

esprit

de Russie, d'Autriche

s'appuyèrent

traité,

douteuse si

terre à

ce-

pour émettre

,

que leur

terre,

point de départ religieux paraissait complètement effacé.

En

Sainte-Alliance devait être

réalité la

une instance

souveraine pour la conduite des destinées de l'Europe,

pour

maintien de l'ordre existant et de

le

par

on

demanda à quoi

se

les

alliés.

l'équilibre

D'un bout du monde à

établi

serviraient

les

l'autre,

principes chré-

d'amour du prochain, lorsque leur application en politique serait confiée à trois puissants tiens de paix et

juges dont

personne.

le

bon

sée, avait refusé

contre, alliés,

traité

le

après

réflexion

à

tête

son adhésion à la Sainte- Alliance

renouvela

elle

mis en doute par

plaisir n'était plus

L'Angleterre,

le

par

;

20 novembre 1815, avec ses

de Châtillon,

donna naissance à un

repo-

ce

qui,

alors seulement,

vrai Directoire européen,

dirigé

provisoirement contre la France, mais qui pouvait aussi, le

cas échéant, se tourner contre d'autres Etats. C'est ainsi que prit naissance le principe

tervention

;

au point de vue formel,

de

l'in-

ce dernier résulte,

quand bien même atténué, des clauses de ce traité Châtillon); au point de vue pratique, il résulte de coalition

des

d'assurer

le

quatre Puissances

qui,

réunies

Concert européen, s'arrogeaient

le

(de la

en vue droit de


-

-

41

veto dans les affaires des autres Etats, et assumaient en

même temps la direction suprême de la grande politique. Comme il s'agissait aussi de réprimer l'effervescence des

nous trouvons

chies,

dans

révolutionnaires

idées

les différentes

ans plus

déjà, trois

Monar-

tard, le roi de

France au milieu de ses anciens adversaires. Le Concert européen s'élargit et devient une pentarchie. Metternich,

moyens

le

politiques

grandeur de sa

premier, sut se servir des nouveaux

pour assurer

L'équilibre des Puissances pour le

patrie.

maintien du statu quo,

me.

et le

Concert européen pour

du principe d'intervention,

plication

entendait en sa qualité

Il

conservation et la

la

tel était

d'homme

l'ap-

son program-

d'Etat dirigeant,

l'imposer, à seule fin d'affermir la Monarchie autrichienne, et

de réprimer d'une

façon

opiniâtre

toutes

tion politique, n'aurait pas signifié seulement

mais aussi pour

triche,

narchie.

et

On tion

la Prusse,

l'exprima clairement

Il

tique, qui,

France

les

idées

Suivant Metternich, l'ébranlement de l'organisa-

libérales.

peu après, devait

le

1

ruine

la

pour l'Aude

la

mo-

justifiant ainsi la poli-

séparer des voies de la

de l'Angleterre.

s'aperçut en

ne pouvait être

effet

que

appliqué

d'interven-

principe

le

dans

l'union

des

cinq

Puissances, mais seulement dans l'intimité de la Prusse,

de l'Autriche

et

du tsar Alexandre, revenu de son

ralisme passager. Déjà en 1820, lorsque

1

les

Cf.

Dupuis

Paris 1909,

Mémoires de Metternich

Le principe

:

p.

152.

cités

d' Equilibre

le

libé-

projet d'une

dans l'ouvrage de Charet

le

Concert européen.


42

répression de la révolution espagnole fut examiné, l'Anglelibérale

terre

abstint rigoureusement, et

s'en

com-

fit

prendre d'une manière non équivoque qu'elle entendait

ne pas se mêler des affaires intérieures d'Etats européens étrangers. Ici

commence

la dislocation de la pentarchie

à peine formée, dislocation provoquée non seulement par

un scrupule d'intérêts la

d'ordre moral, mais aussi par une opposition

matériels.

L'opposition de l'Angleterre

peu de mois

flammes de la Révolution emmenaçant toute l'Italie et amenant

après, les

brasèrent

Naples,

de ce

une intervention de l'Autriche. Ainsi

fait

cipe de l'intervention dut

l'encontre

Prusse le

et de

France devint intolérable au prince Metternich lorsque,

de la France

et la

être

et

le

prin-

maintenu en vigueur à

l'Angleterre. L'Autriche,

la

Russie se rencontrèrent à Troppau pour

proclamer cette

fois

à

la face

du monde

entier.

comme engagée gouvernement de Naples une déclaration de neutralité et refusa aux Puissances, de concéder au principe d'intervention une L'Angleterre, loin de se considérer

par

le décret

de Troppau,

remit au

valeur juridique quelconque. Elle opposition de principe les alliés,

règle,

au

contre le

pour autant que lieu

d'être

souleva

surtout

une

système introduit par

celui-ci serait

appliqué dans des

adopté cas

comme

exception-

nellement graves. Or la France, dans cette

importante

question de principe, partageait entièrement

le

point de

vue anglais. Ainsi nous trouvons, à cette époque importante de renaissance dans sition

le

mouvement

des

idées,

une oppo-

absolue de doctrines politiques parmi les peuples


-

-

43

européens, sans parler de la diversité des intérêts poli-

D'un côté nous trouvons deux

tiques.

Etats, dont

l'un

a déjà depuis longtemps accompli sa période de déve-

loppement constitutionnel,

un

nière durable

trésor

s'est

et

d'idées

avec ses notions politiques

dont l'autre

libérales,

ses conceptions de droit

et

De

avait passé par la rude école de la Révolution.

nous trouvons une alliance de

côté,

chacune

désirant

pour

compte

mais faisant passer avant tous

l'extérieur,

l'autre

Monarchies,

trois

propre

son

ma-

assimilé d'une

la paix

à

autres

les

buts, le maintien à l'intérieur de l'organisation politique

déjà existante.

Avec un

esprit

de

suite

à l'étranger,

le

ces

inflexible,

Monarchies se proposent de défendre chez

elles,

comme

principe de légitimité contre les courants

La

révolutionnaires.

conservation,

non pas

de l'Etat,

mais du régime monarchique, réclame une réaction énergique,

et,

à l'égard de l'étranger, une politique conservatrice

qui ne recule pas devant l'emploi des

même au sein Ne perdons pas

afin de protéger,

idéal

précieux.

moyens

de

que

la politique

conséquences qui ne

les

un

vue cette diversité

fondamentale dans l'évolution des idées sur universelle, pas plus

violents

des Etats voisins,

tar-

dèrent pas à en résulter.

Avec troupes

le

consentement du

autrichiennes

roi des

marchèrent

sur

Deux-Siciles, les l'Italie.

Et

en

1823, la France reniait les principes qu'elle avait représentés quelques années auparavant, pour s'abandonner

à un nouveau courant impérialiste

du principe de Légitimité

et

et

lancer,

au

nom

du droit d'Intervention, ses

troupes en Espagne, sans tenir

compte de l'opposition


_

44

qui s'éleva même dans son propre gouverLe désaveu de l'Angleterre, la méfiance de la Prusse, et l'indifférence de la Monarchie danubienne, violente

nement.

trop écartée du lieu de la scène, démontrèrent clairement

que

européen portait en

le directoire

sa décomposition, et que

soi

le

germe de

l'intérêt particulier des

Etats

une idée supé-

coalisés ne se subordonnerait jamais à

communauté.

rieure de

L'atmosphère pacifique d'une

de

salle

conférences,

ne réussit pas non plus à transformer cinq grands

vaux en autant d'amis. Si hors

de

d'état

concordantes la morale,

il

et

se

directoire

comme

européen

plus

était

difficile

ri-

était

propagateur d'idées

universelles sur la politique,

gardien de l'ordre

La

donner

le

le

droit,

encore qu'il devînt

le

établi.

pentarchie, dans laquelle des forces égales se con-

trebalançaient approximativement, ne se réunit plus, dans la suite,

que

lorsqu'il s'agissait de régler le sort de

secondaires. Et encore artificielle le

permît

fallait-il

et résistât

que sa

solidarité

à ces preuves de

pays assez

solidité.

Ainsi des difficultés surgirent, lorsqu'en 1825 l'empereur

Alexandre voulut confier au Concert des Puissances soin de régler la question grecque.

La

le

vive méfiance de

l'Angleterre, de la France et de l'Autriche, décida le nouvel

empereur Nicolas, bien plus

indépendant du

Concert

des Puissances que son frère Alexandre, à se détacher

des buts de

la vielle

vue que ceux de gile

Sous

Sainte-Alliance, pour

n'avoir en

la politique russe. Il brisa le lien fra-

de la pentarchie et déclara la guerre à la Turquie. les

regards vigilants des gouvernements de Paris


— et

45

procurèrent aux Grecs l'au-

de Londres, les Russes

tonomie,

au Sultan une défaite

infligèrent

cipe de Légitimité tenu en

et au prinhonneur par Metternich, un

coup mortel.

Après ces événements historiques, on dut nécessairement opposer à l'esprit d'intervention une nouvelle doctrine.

dans

qui finalement

L'idéal de la liberté des peuples,

se transformait en action,

fit

le

cycle des idées politiques.

Ce

fut la Révolution belge qui

La Belgique

une nouvelle formule

jaillir

en fournit

devait-elle être enchaînée

aux Pays-Bas dont

elle

l'occasion.

plus étroitement

à s'émanciper par la

cherchait

violence, devait-elle se jeter dans les bras de la France

ou bien devenir enfin indépendante ? Ce qui se posa pendant

que

les

problème

Puissances centrales, avec l'aide de la Russie,

réprimassent tablir le statu

voir

fut le

événements de 1830. De peur

les

la

proclama

le

soulèvement des Belges

quo ante,

la

Belgique séparée le principe de

de «

et

pussent

ré-

France, qui désirait vivement la

couronne hollandaise,

non-intervention

».

Cette pa-

role inattendue, cette nouvelle notion qui, possède sans

doute encore aujourd'hui, bien plutôt une signification politique qu'une

qui inclut enfin

valeur purement juridique, cette idée le

respect

naturel

des petits Etats et la promesse de

indépendant,

délivra la

de la souveraineté leur développement

moitié des Etats européens de

l'angoisse insupportable qu'ils avaient éprouvée pendant la première partie du XIX me siècle. C'est à la jalousie

des puissants que fut réservée l'inauguration de ce principe.

Accepté depuis longtemps

par

le

peuple anglais,


— il

hommes

produisit sur les

d'Etat allemands

tombé d'un

foudroyant

éclair

46

d'un

l'effet

révolutionnaire.

ciel

Ce

coup de foudre pouvait déchaîner l'orage que voyaient venir d'un œil anxieux tous ceux qui avaient un trône

à conserver. Les Belges, sans en être empêchés par

les

Puissances, purent achever leur séparation effective d'avec les

Pays-Bas. Ce ne fut qu'au

fait

accompli, que

le direc-

Puissances accorda la sanction qu'elle pouvait

toire des

revendiquer en sa qualité d'auteur de l'union, hollando-

Ce

belge.

n'est pas en vertu du principe d'intervention,

mais appelées comme médiatrices par Bas, Guillaume

I er ,

nirent à Londres. le

double

dans

édifice,

Il

les

en s'écroulant, ne causât des dégâts

voisinage. N'avait-il

le

européen ?

l'équilible

mener à bonne

des Pays-

roi

le

Grandes Puissances se réus'agissait avant tout d'éviter que

que

A

pas

été destiné

à

mouvement d'indépendance,

fin le

avec sympathie par une partie de l'opinion

du monde ce

entier.

Au

commun

bien

étayer

Belges pouvaient

l'intérieur, les

dehors,

des Etats

le

principe de

européens,

salué

publique

l'équilibre,

devait

rester

intact.

Du le

succès de ces efforts

raison, souhaitaient rée. Elles se

moment

pour ménager

proclamèrent

instamment que

dans les

le

désir de

intérêts de

l'indépendance

Belgique.

La

nous

connaissons,

lui

la

guerre fût conju-

trouvaient dans une situation vraiment

tique, le jour où, et

dépendait à ce

maintien de la paix. Les Puissances, pour plus d'une

neutralité

et

belge,

cri-

favoriser les Belges tout la

sous

était destinée

monde,

le

neutralité la

à

la

que une ga-

forme

offrir

elles

de


de

procède

idée

d'équilibre

matière à

conflit.

Elle

d'une

du désir d'éliminer définitivement toute

rantie et

47

paix.

Jamais acte politique d'une

telle

portée

n'a été

pourvu d'une base juridique aussi parfaite que

jour

le

où cinq Puissances s'engagèrent par leurs signatures à considérer dorénavant et pour toujours

comme fut

pris par

les

le territoire

belge

Cet engagement de droit inaccoutumé

inviolable.

contractants en prévision d'une

Etats

grande conflagration. Si cette éventualité se présentait, aucun de ces Etats ne devait pouvoir tirer avantage de la situation créée en 1830, tant par égard pour les aspirations belges que pour sauvegarder l'équilibre européen.

un

Voilà donc

principe sur lequel les Puissances, avec

leurs thèses politiques fini

par s'entendre

faire le

compte de tous

mément au

appliqué loyalement, pouvait

les

intérêts

légitimes. Confor-

principe de l'équilibre, on admit la formation

à la

d'un Etat indépendant,

condition qu'il s'abstienne

à tout jamais de faire pencher

du côté de l'une ou de

Ce

même

opposées, avaient tout de

si

et qui,

pratique mit

fait

le

plateau de la balance

l'autre des forces

enfin

en jeu.

un terme à

des rêves mystiques de la Sainte-Alliance.

la période

La

politique

européenne ne s'occupa plus que des questions concrètes, se présentant

au jour

le jour.

Des malheureuses idées

doctrinaires de Metternich, rien ne

une

vieille

une

sage

expérience abdication

bueront bien

que

la

des

désir intérêts

subsista instant

ce

si

n'est

de paix

particuliers

et

contri-

plus à la concorde parmi les Puissances,

proclamation

inapplicables

un

:

et

par

de

principes

conséquent

magnifiques toujours

mais

suspects.


Enfin, la

deux principes belge

crise

mis en

ont été

de

celui

:

48

l'équilibre,

évidence

un

et

dans

autre,

ré-

mentalité de l'époque, mais encore

pondant certes à

la

souvent contesté,

le

principe de la

«

non-intervention

».

Ce dernier, sans doute, a été au cours des temps, fréquemment enfreint surtout dans la politique de l'Orient et de l'Extrême-Orient, où d'autres considérations, telle que la protection du christianisme, offrirent des prétextes ;

vrais ou faux, pour l'application du principe d'intervention.

Du

ni l'histoire des Balkans,

reste,

ni la politique des

Puissances en Chine, n'ont donné naissance à des principes dont l'étude pourrait servir à la compréhension de la

guerre

mondiale.

Il

donc pas

n'est

tourner nos regards de la scène

européenne. de

nous pouvons

Ici,

nécessaire

même établir

bien

si

devint

qu'il

dé-

la politique

que

le

principe

dès 1830 de façon

la non-intervention fut appliqué

conséquente,

de

de

même un

précepte

de droit international. Le droit des gens prescrit effec-

tivement aux Etats de s'abstenir d'empiétements quel-

conques dans autres pays.

le Il

domaine de

résulte de

capable d'un progrès en ses moyens.

Sous

gent pas seulement

mais aussi qui

ce ce

l'autorité fait

qui

que

territoriale des

politique

la

concerne

le

est

choix de

l'influence d'idées libérales, qui n'exile

respect de l'individualité humaine,

celui de l'individualité de l'Etat, le principe

consistait

à se mêler aux affaires

intérieures

de

Puissances étrangères a été complètement renversé. Aujourd'hui, le principe opposé de la non-intervention, ne fait

pas seulement règle,

ridique,

que

l'on trouve

international, et qui

a

il

est

devenu un précepte

ju-

dans chaque manuel de droit

fait

plusieurs

fois

ses preuves.


— Quant à

l'idée

49

de l'équilibre,

ne put,

elle

même

une forme juridique. Elle resta imprécise et sujette aux interprétations les plus diverses, une simple formule de politique moderne.

dans

la suite,

Un

revêtir

principe

pourtant s'est

un certain succès, à

avec qu'elle

opposé,

même

L'ébranlé-

de l'équilibre,

avant

ment de

encore

l'idée

pût appeler la conflagration, dans laquelle plus

d'une douzaine d'Etats sont impliqués aujourd'hui. L'équilibre européen, qui s'était effectivement

maintenu durant

une longue période, rencontra soudain un adversaire qui

se souciait peu

1815

;

c'était

le

des

diplomatiques de l'an

calculs

des

principe

nationalités.

peuples avaient été soudés à d'autres, prices

de

l'histoire,

Congrès de Vienne,

soit

par

se déclara

dès

naire de 1830, une tendance vers

Belges,

par les ca-

artificielle

du

l'année révolution-

l'affranchissement et

l'indépendance de la nation. Ce fut des

soit

l'œuvre

Là ou des

le

cas des Grecs,

formant en eux-mêmes des

des Hongrois,

unités nationales. D'autres peuples par contre, poursui-

vaient

un but opposé, mais toujours dans

le

sens du

Em-

principe de nationalité. C'étaient les fragments des

au sud

et

au nord des Alpes,

Etats de l'Allemagne

et

de

pires

le

futurs,

destin et

raient

à

l'Italie,

qui

les petits

éparpillés par

condamnés à l'impuissance politique, aspien communautés plus puissantes

se grouper

de la famille des Etats européens.

Nous avons vu

déjà

comment

la

question

belge 4

ï ul

e(

"


.

-

-

50

donner

fut traitée par les Puissances, afin de

suite

aux

revendications, appuyées par l'Angleterre et par la France,

sans que l'équilibre européen ne s'en trouvât

atteint. L'af-

franchissement de la Grèce n'avait pas influencé

le

statu

quo, et s'était d'ailleurs accompli sous une surveillance assez sévère. L'insurrection de la Hongrie enfin ne fut

pas du tout examinée par l'assemblée du Concert des Puissances

elle

;

fut

par

réprimée

jeune Empereur

le

François-Joseph, secondé par les troupes du Tsar. Le rêve

Hongrois resta sans lendemain, et l'équilibre ne le douloureux épisode.

des fut

nullement compromis par Mais, lorsque

le

principe des nationalités

son œuvre d'union en Allemagne

et

en

rapidement au devant de son but, lance européenne ne inquiétante.

rants

qui,

les limites

tarda pas

De nouvelles tracées

le

s'avança

de la ba-

l'aiguille

à osciller d'une façon

nouveaux cou-

idées créent de

sans égard pour

commença

Italie, et

patrimoine,

avec sagesse

et

renversent

circonspection par

des diplomates morts et enterrés.

La une

lutte

pour

l'unité italienne fut, cependant, après

avance victorieuse des troupes de Napoléon

unies à

celles

de

Gavour,

bientôt

suspendue.

que l'armée sarde cherchait à délivrer trionale de la souveraineté étrangère, et

l'Italie

que

la

III

Tandis septen-

bannière

nationale s'élevait sur les autres points de la péninsule, l'Etat prussien veillait à ce fût

pas

cienne

sacrifié loi

à

que l'équilibre européen ne

des Italiens.

l'idéal

Au nom

physico-politique, la Sardaigne

contenter de la Lombardie

encore achevée. Avec

le

;

de l'an-

dut donc

se

l'unité italienne n'était point

temps

et les

événements seule-


-

51

En

ment, l'œuvre put être consommée. dut abandonner la Vénétie, et

Victor-Emmanuel s'emparèrent sans Enfin

était

l'Italie

Il

que lorsqu'en 1859,

et les Italiens battirent les et

le

».

les

Français

Autrichiens près de Magenta

de Solférino, la Prusse avait

victorieuses de

Rome.

de

difficulté

jusqu'à l'Adriatique

« libre

faut se rappeler

1866, l'Autriche

en 1870, les troupes de

craint

que

les

troupes

Napoléon fussent tentées de marcher sur

Rhin. Le danger de voir l'équilibre européen rompu

par la prépondérance française, avait éveillé en Prusse

une inquiétude

si

que

manifeste

les

vainqueurs, com-

battant pour le principe de nationalité, durent se résoudre

à la paix de Zurich naturel de leur

et

à une partie du prix

renoncer

victoire.

La Prusse avait la menace d'une

tement mobilisé son armée;

déjà

complè-

disproportion

de forces en faveur de la France, paraissait fournir au

Prince-Régent un motif suffisant pour s'engager au besoin

dans une guerre préventive contre l'Empereur de

France. Cette guerre fut évitée par l'esprit de conciliation très

judicieux

moyen

de

Napoléon

III.

Il

trouva lui-même

de rétablir l'équilibre menacé un instant par les

aspirations des Italiens, en annexant Nice et la Savoie

à la France.

Mais bien

plus

on, faisait

le

combat pour

fortement si

grand

l'unité

allemande vint ébranler européen

dont

nous trouvons une idée

lente,

encore l'équilibre

cas. Ici,

mais vigoureuse dans son développement. L'idée de fusion

nationale,

politique,

vint

instinct

historique

renverser tout

l'édifice

autant

que

les

maticiens de l'équilibre avaient élevé autrefois.

la

qu'idéal

mathé-


La

nécessité de créer une unité nationale fut sans

doute éprouvée par la Prusse d'une façon plus pressante

que par

les Etats qui,

sous sa conduite, devaient former

l'Empire allemand. Et cet idéal ne fut guère réalisé par

Bismarck

dans

sens des représentants du peuple

le

allemand, qui, en 1849, avaient offert sans succès la

couronne

impériale

au

roi

Guillaume IV

Frédéric

*.

L'unité de la nation allemande a finalement été accomplie

par l'épée prussienne. Or, après avoir eu raison de l'Au-

que des grands

triche ainsi

et petits

Etats allemands,

de Prusse n'avait pas seulement la gloire, mais

le roi

aussi le mérite d'avoir posé la base d'un nouvel édifice politique.

Comme

du nord,

il

chef de la Confédération de l'Allemagne

établit

autour de ses membres un cercle de

qui devait s'élargir cinq ans plus tard,

fer,

lors de la

formation de l'Empire allemand.

Ce

fut

la

subir à l'équilibre

Prusse dans

le

longtemps sous 1

«

que l'Allemagne

première pression

européen. Jusqu'alors

le

rôle

fit

de la

Concert européen avait été modeste la

tutelle

de Metternich,

elle

avait

;

à

Le Congrès de Francfort n'a pas de couronne à donner ou Frédéric Guillaume IV, dans une lettre à Bunsen.

«

à

«

D'après ce

offrir, écrivit

« fer

roi, la

par lequel,

couronne qu'on

lui, le

comme

lui

offrait

était le

collier

de

souverain de 16 millions d'hommes serait bien décidé

«

enchaîné

c

à ne pas l'accepter. Mais

des peuples, réuni en bonne et due forme, lui offrait la vraie

esclave de la Révolution. si le

Il

était

conseil des princes

électeurs et

de la nation allemande,

«

couronne antique, légitime

« «

comme doit répondre un homme auquel le plus grand honneur de ce monde a été offert. (Ph. Zorn. Im neuen

«

Reich

il

répondrait alors

p. 31).

et millénaire


peine osé élever la

ment

-

53

voix.

Son

prestige avait particuliè-

que

depuis

souffert

et plus tard le

Parlement

le

de

Francfort,

lui-même, avaient essayé sans succès

roi

de créer la Confédération allemande. Et malgré la victoire sur les Danois,

nouvelle entreprise de Bismarck

la

parut

peu

dangereuse que, outre

contre

l'Autriche

l'Italie,

qui s'associa au rival de son ennemi héréditaire,

Cours de Pétersbourg

les

si

de Paris prêtèrent au

et

Lorsque

de Prusse leur appui moral.

combat contre

victorieuse du et

ses autres adversaires

tête

la

la

roi

Prusse, sortie

Monarchie des Habsbourg

allemands, se retrouva à la

d'une ligue puissante, Bismarck n'eut aucune envie répartition de

d'accepter la

poléon au

nom

territoire

de l'équilibre.

européennes

était

l'expression

«

proposée par Na-

La proportion des

cependant devenue

revanche de Sadova

»

si

forces

dangereuse que

passa en proverbe,

non pas chez le peuple vaincu, mais chez les Français. Ici, nous pouvons enfin nous demander si une communauté politique serait moralement obligée d'écarter toutes

les possibilités

l'équilibre existant,

l'œuvre

que

des

de développement

c'est-à-dire

générations

par souci

de

pour ne pas toucher à précédentes

d'autres

et

Puissances avaient prescrit à la politique européenne

en vue de leur propre salut. face

Ne sommes-nous

d'un de ces impondérables qui

rieusement l'existence individuelle

entourent

pas en

mysté-

et collective

des peu-

une situation

difficile,

ples ?

L'Europe

était

aux

prises avec

désagréable, dont les conséquences échappaient forcément

aux hommes

d'Etat.

Les conditions du continent étaient


— transformées.

A

54

œuvre

Confédération germanique,

la

caduque du Congrès de Vienne, venaient de se substituer des facteurs nouveaux, qui ne concordaient plus avec les anciens calculs de l'équilibre. Qu'en faire ? surannée

Une

et

nouvelle répartition semblait s'imposer,

stable,

en 1870

entrepris

Le

surtout par la Prusse.

convoitée

répartition travail

non pas par des discussions

;

fut

diplo-

matiques, mais par un grand conflit d'armes.

La France qui, les

complètement battue. Cette France

fut

douée de forces inépuisables plus dures

gloire

de

son éclat dans

et

Lombardie

;

cette

et extérieures,

la

après les épreuves

et

venait de reconquérir

l'histoire,

guerre de Crimée,

la

France qui malgré ses crises intérieures renoncé à jouer un rôle

n'avait jamais

son rang séculaire

dirigeant dans le Concert européen, lui était

dans

sa

enlevé par la Prusse et par

le

nouvel Empire

allemand. Après une guerre

dans laquelle deux Etats, deux nations et deux races s'étaient heurtées, un nouvel Empire surgissait aux confins de la France. C'était l'Em« l'Empire de Charles-Quint pire que Thiers avait prévu dont le siège fut jadis à Vienne et qui pourrait bien :

un jour

renaître à Berlin

!

»

Or, la prépondérance de

lement éprouvée par

les

Bismarck ne

vaincus

;

le

fut pas seu-

voisin de l'est aussi,

jusqu'alors l'ami serviable de la Prusse, fronça les sourcils.

La

Russie, pour gagner sa liberté d'action en Orient,

laissait faire les

même empêché çais.

duisit

ennemis de

la

France glorieuse

et avait

l'Autriche-Hongrie de soutenir les Fran-

Maintenant

le

résultat de

à Pétersbourg

un

effet

la guerre

aussi

de 1870 pro-

désagréable

qu'à


-

l'Angleterre, dont la puissance maritime

Vienne. Seule était

55

encore loin d'être menacée, n'était pas fâchée d'une

dislocation

des

forces,

qui

éloignait

définitivement la

France d'Anvers.

Au

point de vue du continent entier, cette nouvelle

répartition la

n'aurait

en principe

pas été inacceptable

Révolution avait disparu dans

;

brumes du passé,

les

du principe de légitimité était enterré et la formation des grandes nations achevée. Mais personne ne semblait vouloir considérer la nouvelle situation com-

l'étendard

me

définitive, et le

vainqueurs

et

danger d'une nouvelle rencontre entre

vaincus planait dans les

empoisonner

crainte qui vint

les

airs.

relations

Ce

fut

la

réciproques

de nos Grandes Puissances européennes dans leur déve-

loppement

futur. C'est l'ère de la politique internationale,

dans l'acception rantis par des

nemis

moderne du mot, qui commence. Gamoyens de leur choix, contre les en-

intérieurs, les Etats, n'auront plus

que

le

souci

de leur sécurité extérieure, souci qui écartera désormais l'intimité de l'ancienne Sainte-Alliance.

Maintenant que et

des

peuples

l'équilibre,

la

mentalité

des Gouvernements

complètement assimilé

avait

l'idée

de

aucun Etat ne pouvait plus se bercer de

l'illusion d'avoir battu ses adversaires assez radicalement,

pour n'avoir plus jamais à

les rencontrer

de bataille. Le principe est très simple

ne

se guérit

ami

pas

complètement de

sur si

le

le

;

enfin le

champ vaincu

blessures,

se placera à l'avenir à ses côtés.... peut-être

deux ou plusieurs amis saire

ses

:

un

même

nombre qui sera néces-

pour affronter avec succès l'adversaire par trop puis-


-

56

sant, qui est toujours l'ennemi de tous. Application la plus

élémentaire de la théorie de l'équilibre Bismarck lui-même !

ne pensait pas à autre chose, lorsqu'il écrivit dans ses

Pensées

et

il

s'agissait

Souvenirs « Nous avions combattu viccontre deux des Puissances européennes de soustraire au moins un des deux puis:

torieusement

;

sants adversaires à la tentation de prendre sa revanche

en coalition avec d'autres.

»

x

Ainsi la politique européenne, activée toujours par la loi de l'équilibre, s'engagea

dans

les

eaux dangereuses

comme les alliances n'ont jamais offert entières, comme il s'agissait en outre pour

des alliances. Et des garanties

chaque pays de réunir des forces non pas morales, mais physiques, un autre symptôme se manifesta après guerre de 1870, symptôme non moins dangereux que

la

celui

des alliances. Sous

revanche

le

,

plus

menace perpétuelle de

la

puissant

se

peu

transforma de

la

à

peu en un colosse armé et, autour de lui, tous les Etats suivaient son exemple. Ainsi se regardaient depuis plus de quarante ans, face à face, les Grandes Puisssances

armées jusqu'aux dents

;

c'est-à-dire depuis

l'ancien équilibre fut ébranlé,

des

vie l'art

Etats,

que

devenues plus

difficiles,

de la politique les

moyens

La France procéda

déjà,

sation de son

armée battue

Reichstag allemand

prit les

et,

qu'en 1870

les conditions

de la

prescrivirent à

les plus radicaux.

dès 1872, à la réorgani-

deux ans plus

mesures nécessaires

tard,

le

afin de

conserver sa suprématie sur son ancienne adversaire.

1

2e

vol.


-

57

Moltke demanda aux représentants du peuple une armée capable de défendre pendant cinquante ans, ce qui avait

En

été acquis en six mois.

à peine voté une nouvelle

1875,

on avait à Versailles

pour l'augmentation des

loi

de l'armée, que l'Allemagne entreprit déjà une

effectifs

démarche diplomatique pour marquer sérieusement sa désapprobation. Les Français prétendirent n'avoir rien d'autre en vue que le rétablissement de leur ancienne puissance militaire, qui devait conserver des proportions

normales par rapport à le

prit

dans

Que

s'était-il

plissait

celles

du

ciel

époque de

d'une

l'histoire le caractère

crise.

passé ? Depuis la défaite française, s'accom-

l'inauguration

d'une

politique

de suspicion, qui avec de rares

monde en

vaincu... toujours est-il

s'assombrit subitement, et que l'année 1875

que

haleine jusqu'à

d'armements

l'explosion

de

et

a tenu

intervalles,

la

plus

le

for-

midable des guerres.

dans

C'est

s'agissait

méfiance

la

chercher la cause

non seulement

de s'assurer

le

d'alliances.

d'être bien armé,

Il

mais encore

1875 montra aux adversaires

l'Allemagne

et

la

France,

la

pour parvenir à ce but. Les menaces de citation de

définitive,

concours de compagnons d'armes étran-

gers, et la crise de conciliés,

en

faut,

qu'il

directe de la politique

l'opinion

publique

en

route

irré-

à suivre

la presse, l'ex-

Allemagne,

et

enfin

démarche de l'ambassadeur allemand à Paris, poussèrent la France énervée et en partie avide de vengeance,

la

Les Bases des alliances,


— dans

bras de la Russie.

les

bourg,

pour

ait

s'en

premier, car

le

dans ses Pensées

y

On

à Péters-

réjouit

pour deux motifs. Bismarck lui-même nous

et cela

renseignera sur

qu'il

58

il

Souvenirs:

et

«

la politique russe

l'a

clairement énoncé

On

conçoit facilement

une

limite, au-delà

de

laquelle l'importance de la France ne doit pas

être di-

minuée en Europe. Cette

limite fut atteinte, je

crois,

la paix de

ce fait

Francfort,

et

à

peut-être pas été

n'a

aussi bien compris à Pétersbourg en 1870 et 1871, que

cinq ans plus notre guerre,

tard. le

J'ai

peine à croire

cabinet russe

pendant

que,

pu prévoir

ait

distincte-

ment, qu'il aurait dans la suite pour voisin, une Alle-

magne je

aussi

aussi forte et

bien

m'aperçus qne l'on commençait

Neva, à se demander

nements

s'il

aller aussi loin,

déjà,

bon de

était

En

consolidée.

1875,

au bord de

la

laisser les évé-

sans intervenir dans leur déve-

loppement. La sincère amitié

et le respect

pour son oncle cachèrent

malaise que l'on éprouvait

le

déjà dans les milieux officiels

II

ment sur

la jalousie,

pire russe, le

mand. De

là,

la haine,

qu'éprouvait

les

avec

le

l'amitié d'A-

dont

parle

basée probable-

chancelier de l'Em-

bonnes dispositions de

mouvement

les meilleures relations entre

et cela

que

prince Gortschakoff, pour le chancelier alle-

dant la crise de 1875,

ment

ceci,

pour l'empereur d'Allemagne,

Bismarck, ne diminua en rien

II

».

Le second motif consiste en lexandre

d'Alexandre

la pleine

approbation

la

Russie pen-

amena

naturelle-

Pétersbourg

et Paris,

qui

du Tsar, qui

le

11

mars 1875, au cours d'une réception diplomatique, put donner à l'ambassadeur de France cette assurance « Comp:


tez sur

moi

menaçait

danger sérieux

quelque

si

;

France, je serais

59

premier à vous en avertir

le

Ainsi s'accomplit

le

la

» l.

rapprochement de deux puis-

sants Etats limitrophes de l'Empire allemand, le premier

Déjà

contact qui devait plus tard conduire à l'alliance. le

lendemain matin, Gortschakoff télégraphia aux repré-

sentants diplomatiques de la Russie, que la paix entre la

France

l'Allemagne

et

assurée.

était

L'équilibre

était rétabli.

En

Les

sympathie. était la

Anglais,

;

ils

surent

nement allemand, plus

de la

côté

dont

le

adversaire

principal

cœur le maintien comprendre au Gouver-

Russie, avaient avant tout à

de la paix

le

France reçut aussi du Manche, des marques de

ce printemps critique, la

de l'autre

nord,

si

le

faire

bien

de

qu'ils rendirent

ce

fait,

grand service aux Français. Ainsi, en raison

des circonstances politiques, non par sentimentalité, mais

par intérêt

essentiellement

rapprochèrent

des

empreintes déjà de

Cependant

le

personnel,

Français, l'esprit

et

les

Gouvernement allemand

qui

particulier,

que

la coalition des

quelque

cherchait

Puissances

Alliance, que je cherchais déjà

était

d'alliances,

chose

militaires,

rapport, rappelle un peu la Sainte-Alliance.

relations

de la future Entente.

longtemps partisan d'une politique prit

Anglais se

des

créèrent

de

et, «

depuis

d'un es-

La

plus

sous ce Triple-

à obtenir après la paix

Bismarck — au sujet de laquelle j'avais déjà sondé Vienne et Pétersbourg depuis Meaux, en 1870, était une alliance des trois Empereurs, avec de Francfort,

1

écrivait

Despagnet. La diplomatie de

la troisième

République

p. 19.


l'arrière-pensée de la

de

coopération

que. Cette alliance était

imminente,

craignais

-

60

entre

l'Italie

vers

dirigée

la

deux

les

la

que

sur

part, et d'autre part

je

euro-

tendance répuje voudrais dé-

nom

signer, selon les conceptions actuelles, sous le

système de l'ordre

que

tendances

péennes que Napoléon avait appelées blicaine et la tendance cosaque, et

monarchi-

lutte,

de

une base monarchique d'une

sous

nom

le

de république sociale,

au niveau de laquelle le développement antimonarchiqne tend à tomber lentement ou par bonds, jusqu'à ce que le

caractère intolérable des circonstances créées de ce

fait,

rende la population désillusionnée, accessible au retour violent vers des institutions monarchiques de forme cé-

sarienne

».

Bismarck aperçoit donc déjà

«

deux tendances

»,

qui

devront un jour se contrarier. Dans la tendance monar-

Empires devra se

chique, l'alliance des trois puissants

former

et attendre

la

livrer contre la République.

Sur

nauté de pensée des Etats, triumvirat,

qui

faudra probablement

qu'il

lutte

il

nécessairement, dominerait la politique

internationale de l'Europe

pour ce but

et,

future Puissance méditerranéenne,

défaut de

commuconstituer un

base de la

la

voudrait

solidarité

conservatrice

devrait

final, l'Italie,

— malgré

compléter

le

le

bloc

européen.

En

opposition aux alliances de la France,

sultèrent

des

circonstances,

nous

trouvons

qui ré-

le

germe

de la Triple-Alliance dans une spéculation de l'homme d'Etat

souci

allemand. de

Tandis que,

l'équilibre,

qui

d'autre

poussa

en

part,

1875

ce la

fut le

Russie


— et l'Angleterre

à intervenir amicalement en faveur de

auprès du gouvernement de Berlin

la France,

en

61

même temps

marck semble, dans totalement

et

à tendre

main au vaincu de 1870, — Bis-

la

l'élaboration

de

négligé la table

de

son

l'équilibre.

plan,

Les

avoir

luttes

que

nous apercevons dans le passé de la Prusse et de son conducteur, Bismarck, avaient été si dures que, marchant continuellement de l'avant, sans

ne trouvait plus

mand

le

reprendre haleine, on

temps d'examiner

de la balance politique

le

si

levier

alle-

ne montait pas un peu

campagne

trop haut. Bismarck qui, à l'issue de la

vic-

un nouvel et puissant songer au moissonneur qui,

torieuse, crée déjà par la pensée

instrument politique, le

avant

d'aller

La

fait

dur travail

après

de

prendre du

la

journée,

aiguise

sa faulx

repos.

«monarchiste-conservatrice» que Bismarck avait imaginée, n'aboutit pas l la Russie ne pouvait servir deux maîtres, et Gortschakoff qui, nous Triple-Alliance

;

le

savons déjà, se

la

France dans l'embarras

défiait

de Bismarck, préféra assister :

un homme d'Etat prussien

ne pouvait d'autre part songer à l'Angleterre, de sorte

que Bismarck

dut, tant bien

d'alliances à l'union de

que mal, limiter son plan

deux Monarchies. Pour une com-

binaison réduite à deux, on ne pouvait prendre en considération

l'Italie,

parce que cet Etat n'était pas assez

puissant au dehors, et que sa politique intérieure, selon l'expression 1

Le

«

différent.

en 1878.

même

du chancelier de l'Empire allemand,

Dreikaiserbund

Conclu pour

»

le «

de l'année 1872 avait un caractère tout maintien de la paix,

>

il

s'écroula déjà


— n'aurait pas

On pensa dans

avec

cadré

tendances

les

mais

il

de

son

comme

à Victor-Emmanuel,

bien

l'alliance,

62

esprit.

troisième

d'abord avoir trouvé

fallait

le

second approprié.

Les projets d'alliance n'étaient pas encore terminés, lorsque

congrès de Berlin vint, en 1878, interrompre

le

qui

traité

conclu

fut

un accommodement à l'amiable des le but de mettre en harmonie

présentait

alors,

Le

Bismarck.

de

les réflexions

Grandes Puissances, dans les

prétentions

dans

exagérées

de

Russie en Turquie

la

et

Balkans, avec l'équilibre international qui de-

les

vait aussi exister

en Orient.

Gomme

bien

l'on

pense,

y eut des désillusions et, parmi les hôtes de la caaucun ne rentra chez lui aussi mécontant que les Russes. L'Angleterre en premier lieu, s'était opposée à leur politique égoïste mais ce qui nous il

pitale de l'Empire,

;

intéresse

ici

principalement, c'est l'attitude de Bismarck.

La pensée de

encore dans son cerveau ou question

déjà écartée ? Cette

l'avait-il

la conduite de

faut retenir que la

il

planait-elle

nous préoccupera pas davantage que

ne

jugements divers sur tre,

Empereurs

l'alliance des trois

l'Allemagne

Russie se

offensée et que, jusqu'à nos jours,

sentit

n'a

elle

;

les

par con-

gravement point

fait

mystère de sa mauvaise humeur à l'égard du chancelier

de

fer.

C'est pourquoi le traité de

tenir

compte de sa

dans

la politique

deux sentiers « faites

Berlin

implicite

sans

représente

moderne, une borne d'où se séparent

distincts.

vos jeux

mencé pour

signification

»

L'acte

du croupier.

la politique

historique ressemble au

Un nouveau

européenne

;

les

jeu a com-

partis

d'équi-


-

63

libre doivent se constituer

hommes

;

d'Etat, prenez vos

décisions, elles ne souffrent plus de retard

A sie, l'

peine Bismarck eut-il senti

qu'il

n'hésita

plus à

!

de la Rus-

l'hostilité

une

conclure

alliance

Autriche-Hongrie. Le traité de Berlin fut signé

juillet

1878

;

cation, et le

3 août on échangea les actes de

le

27 du

se rencontrait déjà

même avec

mois,

le

du conseil des ministres de

le

le

13

ratifi-

chancelier allemand

comte Andrassy, la

avec

président

Monarchie danubienne.

Rien ne pouvait être plus agréable à ce dernier qu'une l'Empire allemand, son voisin

alliance avec

création d'une

dans

arme défensive contre

la presqu'île des

la

;

c'était la

rivalité

russe

Balkans. Car l'Autriche-Hongrie

y avait déjà commencé sa politique significative de « développement vers l'Orient ». « La contre-partie na-

une alliance austrol'homme d'Etat hongrois à Bis-

turelle d'une alliance franco-russe est

allemande

»,

aurait dit

marck, dès leur première rencontre

;

les

deux hommes

étaient d'accord.

Les germes des deux futurs groupes de Puissances étaient en terre.


LA TRIPLE-ALLIANCE La

L'alliance

«

entre l'Aile- précéda,

magne

et "

TT

.

Hongrie.

contre-partie » dont parlait le comte Andrassy,

à vrai

dire,

L orS q Ue Bismarck

de longtemps une alliance franco-russe. cherchait à gagner le roi de Bavière au

projet d'une alliance avec r J

l'

Autriche-Hongrie, °

convint

il

.

lui-même, dans

une longue

voulait pas de guerre en la

Russie seule,

elle

attaquer l'ilemagne lettre

du chancelier

rières,

que

que

moment,

France ne

« la

et que,

alliée

à

ne se sentirait pas assez forte pour ».

:

lettre,

ce

Nous

« le

je déplorerais

lisons

dan

s

une deuxième

danger de complications guerprofondément, non seulement

politiquement, mais aussi personnellement, n'est pas, à

mon

respectueux avis, immédiatement à craindre, mais

ne saurait nous menacer que

si

pour une action commune avec

la

France

la Russie.

était prête

Jusqu'à pré-

sent, ça n'est pas le cas... »

La

coalition,

à laquelle Bismarck voulait

la nouvelle alliance défensive, n'existait

D'où

la résistance obstinée de

résistance

si

inflexible,

que

le

opposer

donc pas encore.

l'empereur d'Allemagne; après

chancelier,

s'être

le comte Andu côté allemand, avec le roi de Bavière, dut poser la question de cabinet pour obtenir le con-

mis d'accord déjà avec François-Joseph, drassy,

et,

sentement de son impérial Souverain. pereur Guillaume ne put

être

Même

convaincu par

alors, l'Em-

les

arguments


politiques

-

65

nous apprenons de Bismarck lui-même,

;

ne donna

promesse de

la

ratifier

le

qu'il

que par

contrat,

répugnance pour un changement de personne au ministère

1

La conclusion d'un

«

.

quoique défensif,

ne

impliquait une

et

laissait

de

idée

traité,

dont

caractère

le

pas que d'être belliqueux,

méfiance

vis-à-vis

son

de

neveu et ami, avec lequel il venait encore d'échanger à Alexandrowo, en pleurant et dans la plus complète son

de

sincérité

cœur,

les

d'une

protestations

vieille

contrastait trop avec les sentiments chevaleres-

amitié,

ques que l'Empereur plaçait à

ami

avec un

la

naissance.

d'égale

base de ses relations

Le

»

fait

accompli,

l'Empereur d'Allemagne voulut interpréter lui-même de

caractère

véritable

l'alliance

avec

le

le

gouvernement

de Vienne, imposée par son chancelier, lorsqu'il donna

à entendre confidentiellement à l'Empereur de Russie

Tsar attaquait l'une des Puissances voisines, deux contre lui 2 C'était donc apparemment une alliance défensive dans le sens le plus

que, il

si

le

les aurait toutes

parfait

du terme.

même, avant

C'était

1

.

C'est

Guillaume

I

peut-être er :

« Il

de

est

tout,

cette

une précaution prise contre

époque que date l'exclamation de empereur sous un chancelier

dur d'être

pareil, > exclamation rapportée par Zurlinden dans le second volume de son superbe ouvrage Der Weltkrieg, Zurich 1917, page 44. :

7

II

paraît

même

qu'à

cette

communiqué à son impérial neveu bien que celui-ci dût rester secret,

occasion, le il

le

Monarque

texte intégral

du

aurait

traité.

ressort d'une déclaration

Car du

prince de Bismarck à une séance du Reichstag en 1888, qu'il était

connu depuis longtemps du Gouvernement russe.


— la Russie, bien plus

66

que contre

France, peu dange-

la

reuse alors. Bismarck craignait les tendances belliqueuses

du panslavisme, que politique russe, et la

commençait à sentir dans la haine provoquée à Pétersbourg par

l'on

du Traité de Berlin, lui donnait aussi à réfléchir. Le jeune Empire allemand avait encore à se plaindre des armements intenses de son voisin oriental, et dans tous les cas, l'on ne fit rien du côté russe, pour atténuer en Allemagne ce sentiment, que la paix était sérieusement compromise par la Russie. Des meles effets

naces

contre

l'Allemagne,

l'Autriche-Hongrie,

de

la jalousie

caractérisèrent

de Pétersbourg après

le

Gouvernement allemand,

demander pourquoi

qui, alors surtout, n'était

touché par la politique balkanique des Russes,

placé,

lors

de l'arrangement de

aux côtés de

La réponse Hongrie

l'Angleterre,

est

cependant

était d'accord

époque, Bismarck de

d'humeur

Congrès de Berlin. Si bien que

l'on peut, aujourd'hui encore, se

très

à l'égard de

accès

les

de position

si

la Russie.

à trouver:

l'Autriche-

facile

;

or déjà à cette

avait l'intention d'enchaîner

de

s'était

résolument,

au détriment de

avec l'Angleterre

l'Allemagne à celui

prise

1878,

le

pas

l'Empire

catégorique contre

voisin. le

de l'influence slave dans les Balkans, et

l'avenir

De

là,

la

développement

comme

résultat

de cette politique, la prescription que l'Autriche-Hongrie devrait occuper la Bosnie-Herzégovine.

heure décisive, la politique de

la

A

partir de cette

double Monarchie dans

la péninsule des Balkans, jouit de la protection de l'Alle-

magne. Mais C'est

cette politique contrariait celle des

pourquoi,

après

le

congrès

de Berlin,

Russes.

Bismarck


67

pour indispensable de se garantir contre

tint

la Russie*

collègue de Pétersbourg avait reçu un affront au

Son

congrès de Berlin

nous savons déjà ce qui en

et

sympathies personnelles

était

au

donc

d'éviter le contre-coup.

sujet des

A

cet effet

il

s'agissait

Double-Al-

la

liance fut créée.

Mais d'autres motifs encore avaient déterminé Bis« Qu'un tel arrangement n'ait pas lieu, l'on ne

marck

:

pourra en vouloir à l'Autriche-Hongrie sion des

menaces russes

de l'Allemagne, France,

magne

elle

et,

sous la pres-

si,

dans l'incertitude du côté

cherche à se rapprocher soit de la

Dans

soit de la Russie.

serait exposée,

ce dernier

cas, l'Alle-

dans ses relations avec la France,

à un isolement complet sur

le

L'Empereur

continent. »

François-Joseph, toujours menacé de divers côtés, avait

lui-même

le

plus grand

à

intérêt

à l'Empire

s'affilier

allemand, son voisin. Le Comte Andrassy, qui le

était

sur

point de résigner ses fonctions, put donc écrire à sa

femme

« Je ne doute pas que le 9 septembre 1879 nous arrivions à conclure une assurance réciproque, je :

pourrai

alors

obtenu ce qui

me

retirer

était

humainement

de la Monarchie.

l

avec

la

conscience

d'avoir

possible pour le bien

»

Bismarck pressentait cependant que aigu menaçait l'Allemagne

dans

l'avenir,

un danger

si il

était

bien

plus à craindre du côté de la frontière occidentale que

de

l'est

;

il

avait l'impression qu'un état d'hostilité direct

entre la Russie

1

J.

P.

Buss

:

et

l'Allemagne

Revue Mars, du 5

ne pouvait guère sur-

février 1916, p. 83.


— venir

par

qu'artificiellement,

Comme

-

68

sivement contre

la Russie,

à

excitation

la nouvelle Alliance était dirigée offrait

elle

haine.

la

presque exclu-

donc sans doute

de plus grands avantages au Gouvernement de Vienne

Bismarck intervint avec tant d'énergie en faveur de l'union avec la Monarchie danubienne, c'était d'une part, comme nous l'avons qu'aux Allemands.

vu, pour ne part,

malgré

Si,

cela,

pas laisser échapper son amitié,

pour une raison qui trahit

calculs

politiques

de

maintien

la

et d'autre

et les craintes et les

de l'homme d'Etat allemand

Monarchie

«

Le

comme

austro-hongroise

Grande Puissance indépendante et de l'Allemagne, une exigence de

:

forte, est,

aux yeux

l'équilibre

européen,

pour lequel la paix du pays peut être exposée en toute conscience en cas de nécessité!

»

Voici revenu l'ancien souci d'équilibre

!

La conception

allemande de l'équilibre exigeait une alliance avec un Empire voisin puissant, même si l'armée allemande devait intervenir. Cette nécessité a dominé l'histoire de l'Alliance allemande, et plus tard, de la Tiïplice, au travers

des diverses crises

européennes, jusqu'au jour,

où en 1914, l'ambassadeur de l'Empereur Guillaume II remit au Gouvernement russe la déclaration de guerre. A la fin de septembre 1879, Bismarck allait de Gastein à Vienne pour y réaliser sa pensée politique. Et, tandis que l'homme d'Etat mûrissait ses projets dans déjà

sa voiture, certes pas

A

Linz,

tant

l'approbation d'une

été consultée, vint le

chancelier

d'enthousiasme,

allemand,

ferma

foule qui

n'avait

encourager ses desseins.

les

presque rideaux

effrayé

des

de

fenêtres


— et,

à Vienne,

les

69

prendre

manifestations ne pouvaient

L'homme, qui treize ans auparavant, avait triomphé du fier Empire des Habsbourg, dans la lutte pour la prédominance allemande, venait en ami pour renouer l'ancienne alliance. La nécessité de cette action était si concluante et répondait si complètement au sentiment fin.

populaire, que la haine, amoncelée pendant de longues

années, se dissipa complètement au soleil de nouvelles

François-Joseph

espérances.

d'une visite tion, les

vel

personnelle.

son

à

hôte

l'honneur

Par leur œuvre de

réconcilia-

fit

deux adversaires d'antan préparèrent un nou-

instrument de défense, une nouvelle puissance.

Dans

deux Empires s'unirent

ce but, les forces des

en une Alliance qui fut signée

7 octobre 1879, mais

le

qui ne fut publiée que neuf ans plus tard,

le

3 février

1888. Le document stipule en trois articles. 1° Le devoir réciproque des

d'assistance

deux Empires, avec

toute

leur puissance militaire, au cas où la Russie attaquerait

l'Allemagne

ou l'Autriche-Hongrie. 2° Le devoir d'une

attitude

de neutralité bienveillante vis-à-vis du cocon-

tractant,

au cas où

celui-ci serait

attaqué par une autre

Puissance, et l'application absolue de l'engagement con-

tenu dans

l'article

i,

au cas où

Russie

la

assisterait

militairement cette autre Puissance agressive. 3° L'obligation de tenir le traité secret, communication n'en pou-

vant être faite aux autres Puissances

qu'après

entente

préalable entre les deux parties.

Le caractère défensif de sort pas

expressément de

très fortement souligné

dans

ne

res-

de sa création,

est

cette Alliance, qui

l'histoire le

texte

du document. Dans


-

-

.70

deux Monarques vont jusqu'à se pro-

l'introduction, les

que dans leur accord purement défensif, ils s'interdiraient toujours toute tendance agressive dans mettre

«

n'importe quelle direction... ce

mot

respecté

une

:

nous y trouvons encore et n'est jamais

» et

manque jamais

qui ne

fatal,

deux Souverains ont décidé de former

« les

alliance pacifique... »

Ainsi aboutit une union politique des deux Empires de l'Europe centrale, qui devait résister au colosse russe

dans tous

les cas

Monarchies,

ou

il

menacerait la sécurité des deux

couronne austro-hongroise dans sa

la

tendance vers l'Orient. Bismarck ne put s'assurer à Vienne d'un concours sans réserves pour l'ouest, où se trouvait l'ennemi de l'Allemagne, bien que ce

rablement apaisé

la

Par contre,

de l'Alliance.

eût considé-

fait

répugnance de son Empereur à l'égard satisfaction

fut

donnée aux

besoins politiques de l'Empire allemand, en ce sens que

l'Autriche-Hongrie se trouvait du moins

obligée de

se

mettre aux côtés de l'Allemagne, avec toute sa puissance militaire,

si

Russie

la

soutenait la France

dans

une

guerre contre l'Empire allemand. Il

faut remarquer en passant, que plus tard, Bismarck

prit

sans doute de plus

que

les relations

amples précautions, à mesure

entre Paris

et

Pétersbourg

devinrent

plus intimes. Insuffisamment protégé contre une coalition

de ses voisins de l'ouest et de Russie,

en 1884,

le

traité dit

l'est,

de

«

il

conclut avec la

Réassurance

»,

par

lequel les deux Puissances contractantes se promettaient

réciproquement

la

neutralité,

au cas où l'une

viendrait à être attaquée. Ainsi

la

Russie se

d'elles

trouvait


_

-

71

assurée contre une attaque de la part de l'Autriche-Hongrie

ne courait plus

l'Allemagne

et

deux côtés à

de

assaillie

le

danger d'être

Mais ce

la fois.

tions entre la Russie et l'Allemagne s'aiguisèrent

même

à

point,

tel

Alliance

l'ancienne

faire

conclue avec

Vienne, en guise d'avertissement à la Russie la France.

quand

que Bismarck trouva bon de

monde

au

connaître

à

secret

traité

à courte échéance. Peu après sa conclusion, les rela-

était

Son successeur aux fonctions de

et aussi

chancelier,

en présence de la tension des rapports entre Berlin et Pétersbourg,

la

franco-russe

Dans

1890,

le

«

traité

de Réas-

s'opposait à

la Triple-Alliance.

actions historiques par lesquelles

les diverses

premier chancelier allemand couronna

l'on

ne peut découvrir, sans parti

offensif. il

en

».

l'Alliance

le

dénonça,

Dégagée de toute obligation envers l'Allemagne, Russie put tendre la main à la France isolée et bientôt

surance

pris,

sa

carrière,

aucun caractère

Lorsqu'après la conclusion de la Triple-Alliance,

cherchait encore à s'assurer la neutralité de la Russie,

nous voyons

très distinctement

dirigea la politique de

empêcher

la

le

la victoire

vœu

qui

de 1870

:

formation d'une coalition autour des fron-

de l'Allemagne.

tières

s'exprimer

Bismarck après

sa politique était

si

De

fait,

prononcé

le

caractère défensif de

et faisait

preuve de tant

de prévoyance, que cette politique pouvait presque sembler agressive

magne la

volonté de

grandes

Dans

au

reste

du monde. Les ennemis de l'Alleà Bismarck cette ambition

reprochaient encore

maintenir un

victoires

cette

:

état

de

choses que trois

prusso-allemandes avaient

tendance

consacré.

conservatrice, historiquement

jus-


tifiée,

-

72

Em-

parce qu'elle devait assurer l'avenir du nouvel

pire, les

rivaux de Bismarck apercevaient une provocation.

Et, lorsque le chancelier

allemand accomplit une de ses

actions les plus éclatantes, en créant une alliance avec

l'ennemi d'autrefois,

vaincu à Kôniggrâtz,

Etats n'étaient point consolés encore de

autres

les

ses précédents

succès.

Ainsi, la politique

marck, créa un état

d'alliances,

continu

de

inaugurée par Bismésintelligence,

d'un

caractère plus aigu. L'union de l'Empire allemand avec

Monarchie austro-hongroise éveilla, en consolidant une situation à peine établie, la méfiance de ses adversaires. Les Alliés ne s'en tinrent pas là, mais surent la

encore attirer dans leur Alliance un troisième Etat.

Nous avons

L'origine de la Triple-

Alliance.

(]

Bismarck

e 1870,

déjà vu plus haut, qu'après la guerre avait,

son g£ au rovaume

comme

troisième

dans ses premières combinaisons,

d'Italie,

non pas comme second, mais

membre d'une

Le congrès de Berlin

offrait

prendre contact avec les

Alliance dirigée par

lui.

une occasion favorable pour

hommes

d'Etat italiens, et Bis-

marck sut la mettre à profit, en demandant directement aux négociateurs romains, si la Tunisie, la « prolongation de la Sicile » ne serait pas agréable aux Italiens. Mais

les

négociateurs,

embarrassés de tant de bonté,

ne savaient que penser d'un cadeau qui

les aurait pro-

bablement précipités dans une guerre avec

Le peuple

italien

ne fut pas moins

peu d'années après, en 1881, la France

la France.

irrité,

établit

lorsque,

sur

le


-

-

73

un protectorat régulier et formel. Ainsi la Tunisie fut perdue pour l'Italie. Sur un nouveau point des côtes méditerranéennes, une Puissance étrangère faisait face à la péninsule italienne, et Bismarck haussait les épaules. Le Gouvernement se sentit singulièrement abondonné politiquement Crispi dut, bon gré mal gré, trouver des amis au jeune royaume, des amis, qui du reste attendaient, prêts au meilleur accueil. Le ministre italien savait, « que la route de Berlin passait par Vienne » Bismarck l'avait dit depuis longtemps, en faisant remarquer que l'Italie devait, là aussi, nouer sol africain

;

;

de meilleures relations,

l'Allemagne

donc

la

les liens

si

voulait renouveler avec

elle

d'une ancienne

première condition que

amitié. Telle

l'Italie

devait

était

remplir,

avant qu'elle pût jouir de la protection du puissant Empire allemand, et il en coûta beaucoup à ce peuple, de tendre la main au pays des Habsbourg, son vieil ennemi héréditaire. L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie avaient bien dû aussi franchir un abîme pour se retrouver

;

mais

la

Prusse

était

alors

bérée de toute rivalité de la part de pire allemand et

à Vienne

raisons,

la

était créé selon

la

poignée de

l'idée

mains

bienvenue. Par contre

définitivement sa voisine,

li-

l'Em-

de ses fondateurs, fut,

l'Italie,

pour maintes

même

après

avoir gagné la Lombardie et la Vénétie, laissait en des

mains étrangères, presque un million de ses enfants, qui, au contraire des Allemands de la Monarchie danubienne, se trouvaient submergés par des populations étrangères et condamnés à l'impuissance politique. Ces Italiens qui, enclavés parmi des Allemands, des Croates


et

des Slovènes, restaient réunis à l'empire voisin

sommets, de quelques vallées

s'agissait de quelques

de quelques villes

il

et

troublèrent jusqu'en 1915 les senti-

ments réciproques des deux alliés, Jusqu'à ce qu'enfin, au bout de trentre-trois ans, se confirmât le mot de l'ambassadeur italien, le comte Nigra « L'Autriche et l'Italie ne peuvent être que des alliées ou des ennemies. » Elles furent d'abord alliées non par sympathie, mais par spéculation, non pas d'un cœur sincère, mais :

:

de mauvaise

Le

grâce.

traité

de Triple-Alliance,

aboutit sous sa première forme le 20

qui

mai 1882, en

est

Il

manquait de conséquence morale.

Un gouvernement

francophile dirigé par Cairoli, dut

une preuve évidente.

subitement faire place à un ministère Grispi de tendances germanophiles. Deux motifs décidèrent

principalement

du rapprochement avec l'Autriche-Hongrie, sous tronage

de l'Allemagne.

politique

extérieure

:

En

la situation

le

pa-

un motif de de l'Italie sur la Mé-

premier

lieu,

diterranée compromise. Jusque là et pas plus loin, pen-

sèrent les Italiens,

Tunisie

:

en

lorsque les Français s'établirent

même temps

les

en

ambitions italiennes visaient

Mais pour enrayer le développement de Gouvernement de Rome ne pouvait trouver

la Tripoli taine.

son

rival, le

d'appui plus

fort

que

l'Italie

aux deux Empires,

intérieure

:

en 1880-81,

veraineté du

lui

offrait

du nord.

en faveur de la réunion de était

un motif de

politique

la confraternité italienne, la

royaume sur

encore

chancelantes. Rien

solidité

à

l'édifice

qu'on

celui

L'autre motif, qui plaidait

le

territoire

sou-

romain, étaient

ne pouvait donner plus de

nouveau de

l'unité italienne,

que de


-

-

75

s'adjoindre deux personnalités de premier ordre dans la politique européenne, dans la société desquelles, l'impor-

tance de

Vienne

ne pouvait que grandir.

l'Italie

Lorsqu'en

Berlin furent conclus,

et

politique

menacé par

le

motif primordial de

en faveur d'une alliance,

intérieure

de plus en plus, parce que plus

Rome,

1882, les premiers accords entre

le

n'étant

arriver peu à peu

France, pouvait

la

disparut

Gouvernement royal

à dominer la papauté. Déjà s'agitaient, dans la Péninsule, des adversaires

convaincus de

la Triplice,

ture par trop artificielle leur paraissait

qu'en 1887, eut lieu

le

dont

la

na-

Lors-

suspecte.

renouvellement des accords de

1882, sous forme d'un traité définitif de Triple- Alliance, les

italiens

alliés

prétentions

leurs

firent

donc

porter

tout

le

poids de

de

la

situation

sur la consolidation

internationale du royaume. La Triple-Alliance devait assurer aux Italiens

:

1° leur qualité de

Puissance mé-

diterranéenne, 2° leur droit sur la Tripolitaine, 3° le statu

quo dans l'Adriatique et le renoncement de l'Autriche à son expansion dans la mer Egée, 4° le droit de donner leur avis dans les questions de politique balkanique. — L'on

On et

compte de ces désirs de

tint

n'a publié jusqu'ici

vu du

seulement

traité 1 .

de

que

l'Italie.

les

Triple-Alliance,

Cependant ces quatre

point instructifs, qu'ils méritent

articles et

i,

cela

articles

m,

iv

en 1915

sont

à ce

un examen plus appro-

fondi.

1

«

Documents diplomatiques concernant les relations de l'Italie du 20 juillet 1914 au 25 mai 1915.

triche-Hongrie avec

l'

»

AuLes


Le premier sens

stipule des obligations réciproques dont

nuances tombent immédiatement sous

diverses

les

-

76

le

:

Art.

Les Hautes Parties contractantes se pro-

«

I.

mettent mutuellement paix

dans

et amitié, et n'entreront

aucune Alliance ou engagement dirigés contre l'un de leurs Etats. Elles s'engagent, à procéder à un échange d'idées sur les questions politiques et

économiques d'une et se pro-

nature générale, qui pourraient se présenter,

de leurs propres intérêts

La

d'Etat sérieux.

les limites

».

précision serait-elle sacrifiée

langue ? L'on ne saurait

mes

mutuel dans

outre, leur appui

en

mettent,

le

Non,

à

beauté de la

la

supposer de la part d'hom-

sûrement avec intention

c'est

qu'on a enveloppé les décisions les plus importantes autres articles du traité de Triple-Alliance n'ont pas

que

la publicité, bien

Dans mini

3me

les alliés se soient transformés

la dernière étude qui :

La

cahier, 1916, Florence)

conclut

a paru sur

dans

Triplice Alleanza

non pas un

traité,

il

et l'Allemagne,

la

France

livrés à

la Triple- Alliance, (Salve-

Rivista délie Nazioni latine,

la

est affirmé

du

reste,

qu'en 1887, on

mais trois: l'un comportait

vellement et la prolongation du traité de 1882

litaine et

été

en adversaires.

;

le

renou-

l'autre, entre l'Italie

concernait les aspirations italiennes sur la Tripo-

une défense commune contre une attaque éventuelle de ;

le troisième entre

de l'Adriatique et de L'affirmation

la

Rome

mer Egée,

et

Vienne, réglait les questions

ainsi

que

celle

des Balkans.

de Salvemini n'a rien d'improbable en elle-même

en particulier la possibilité s'avère qu'entre

l'Italie et

l'Empire

;

alle-

mand, des arrangements spéciaux avaient pu être pris, dirigés contre la France. Car d'une part, ces deux Etats devaient alors protéger leur frontière occidentale, et d'autre part comme nous le

verrons plus loin

ques

les plus récentes,

ils

ont pris en considération, jusqu'aux épo-

une action

militaire

commune

contre la France.


dans

les

formules

les

77

-

plus imprécises. On

promet

se

paix et amitié, on ne concluera aucune alliance...

s'engagent qu'à échanger leurs

contractants ne

Et

;

les

idées.

ne se promettent assistance réciproque que dans

ils

les limites de leurs

d'idées»,

«

propres

intérêts.

Les mots

questions d'une nature générale

les limites de leurs propres intérêts »

»,

« et

échange «

prouvent plus

dans clai-

rement que tout commentaire, que les stipulations de cet article sont soumises, dans une mesure plus large encore qu'il n'est coutume, au libre jugement de chaque Si donc la convention ne contenait pas les germes

allié.

de toutes sortes de controverses, on pourrait presque dire qu'elle est sans valeur...

Art. III.

«

une ou deux des Hautes Parties con-

Si

tractantes, sans provocation directe de leur part, venaient

à être attaquées

et

à se trouver engagées dans une guerre

avec deux ou plusieurs Grandes Puissances non signa-

casus fœderis se présenterait simultanément pour toutes les Hautes Parties contrac-

taires

du présent

traité, le

tantes. »

De

cet article ressort,

en toute clarté,

le

caractère

défensif de la Triple-Alliance. L'Alliance de l'Italie avec les

deux Puissances centrales, étrangères de

partiellement opposées national, aurait

du

aux points de vue

reste fourni,

comme

races,

et

politique

et

Alliance offen-

un instrument bien imparfait. L'ensemble du traité qu'une solidarité très limitée, et combien prudente, le texte nous l'apprend suffisamment. D'après sive,

ne

laissait voir

l'article

m,

la

Triple-Alliance

ses forces militaires réunies,

que

ne doit mettre en jeu si

l'un des Alliés, sans


-

78

provocation directe de sa part, était

attaqué par

deux

ou plusieurs Grandes Puissances. Le D r Wilhelm Fraknôi n'a pas craint de déclarer: 1 « que ces conditions offraient, de toute évidence, les plus grands avantages à l'Allemagne, tandis que l'AutricheHongrie n'y trouvait qu'un grand préjudice». En

effet,

une attaque de deux Grandes Puissances n'appartenant pas à

Triple-Alliance,

la

ne pouvait se

concevoir ni

contre la Monarchie danubienne, ni du reste contre Il

aurait

Turquie,

fallu

que

la

Russie

se

pour mettre l'Autriche-Hongrie en

d'appeler les Alliés à son aide

;

Bien

attaque

plus

facile

par la

situation

une attaque de

France aidée de l'Angleterre,

par la

improbable.

l'Italie.

assister

fît

à

l'Italie

aussi

tout

était

concevoir,

était

une

de l'Allemagne par deux Grandes Puissances

;

l'Empire allemand en s'alliant avec la Monarchie danubienne, avait déjà prévu ce cas, à savoir

Français par l'ouest, des Russes par

:

l'invasion des L'article

l'est.

m

devait prévenir ce danger, tandis que les pays de Fran-

çois-Joseph restaient à découvert. Car, les

Puissances balkaniques auraient pu,

Puissances le

»

assaillir la

ou toutes

trois

comme

«

Petites

Double-Monarchie, sans amener

casus foederis pour les autres membres de la TripleGouvernement viennois n'aurait même

Alliance. Et le

pu invoquer

la

protection

de

l'Italie

,

si

la

Russie,

c'est-à-dire

une

à une

campagne. En août 1914, l'Autriche-Hongrie

telle

des Grandes Puissances, s'était jointe

Deutsche Revue. Stuttgart, Januar, 1916 p. 15. Nous trouet iv dans la publication français des articles i, l'Italie et la guerre actuelle » Grès & Cie, Paris. Pages 71 et 74. 1

vons «

le texte

m


-

79

-

en guerre contre la Russie

était

un

pour

agresseurs,

été les

du

ditions

traité

énoncées, pour

et la Serbie.

Supposons

que ces deux derniers Etats

instant,

n'en

il

d'après

résultait,

eussent con-

les

de la Triple-Alliance que nous avons

l'Italie,

pas plus que pour l'Allemagne,

l'obligation de prendre part

à

la guerre.

Par contre, Y ancienne Alliance conclue en 1879 entre Bismarck et Andrassy, qui stipule positivement une aide réciproque, au cas d'une guerre défensive contre Russie, resta naturellement en vigueur. Mais ceci

la

prouve encore plus clairement, que

l'article

ni du traité

de la Triple-Alliance, a été conçu dans l'intérêt de l'Alle-

magne

de peu d'importance pour

:

et

l'Italie

l'Autriche-

aux Allemands, au cas d'une attaque de l'est ou de l'ouest, non seulement l'aide déjà promise par la Monarchie danubienne alliée depuis 1879, mais Hongrie,

il

assurait

encore celle de L'article

l'Italie.

s'en

remet au

libre

jugement de

pour déterminer, dans chaque cas concret, pour décider «

si

l'on

du

donc combien traité.

»

il

de la part de cet

est facile d'éluder

La guerre présente a prouvé

ces questions, aucune appréciation

disons

membre

l'allié

l'agresseur

»

ne se trouve pas en présence d'une

provocation directe

çoit

«

même aucune

allié.

les

On

con-

obligations

que, dans toutes

certaine n'est possible,

appréciation

objective.

Chaque

de la Triple-Alliance pouvait s'évader sans peine

par une des petites portes latérales toutes prêtes. Art. IV. « Dans le cas où une Grande Puissance non signataire du présent traité, menacerait la sécurité des Etats de l'une des Hautes Parties contractantes, et que la partie menacée se verrait par là forcée de lui


— la guerre,

faire

deux autres s'obligent à observer une neutralité bienveillante. Cha-

les

à l'égard de leur

allié,

cune se réserve, dans ce si

elle

juge

le

avec son Ici

-

80

cas, de

prendre part à la guerre,

pour

à propos,

faire

cause

commune

allié ».

encore, seul l'état d'hostilité entre l'un des con-

tractants et

une Grande Puissance, impose une obliallié. Nous la résumerons en peu de mots

gation à son

c'est l'obligation

:

de rester neutre,

pas attaqué, mais

fait

doit être cependant

une guerre

si

l'un des alliés n'est

offensive, dont l'origine

une menace pour sa

sécurité. Il suf-

pourtant qu'une seule Grande Puissance

fit

posée. Si l'Allemagne fait alliés

resteront

Hongrie

fait

pour

le

moins neutres;

une guerre à

la Russie, la

s'impose à l'Allemagne et à

l'Italie.

lui soit op-

à la France, ses

la guerre

si

même

l'Autriche-

obligation

C'est pourquoi les

Puissances centrales durent se tenir tranquilles, lorsque les Italiens

entrèrent en guerre

contre les Turcs, lors

Quant à

la Double-Mopu avoir pour adversaire l'Alliance balkanique tout entière, sans que ses alliés 1 fussent le moins du monde contraints d'observer la neutralité — aucun des Etats balkaniques n'étant considéré comme

de l'expédition de Tripolitaine. narchie, elle aurait

Grande Puissance.

Nous arrivons

enfin

à ce

point

célèbre du traité

qui, plus tard, servit de prétexte le plus plausible à la

déclaration

de guerre

de

Personne ne s'étonnera de 1

l'Italie

cet

à

l'

Autriche-Hongrie.

avorlement des intentions

Sauf l'Allemagne en cas d'attaque contre son

vertu de la Double-Alliance de 1879. Voir page 69.

alliée,

et

en


_ originelles, lorsqu'il

81

aura pris connaissance de

l'extra-

ordinaire arrangement. Art. VII. « L'Autriche-Hongrie et objectif

quo

est de maintenir

territorial

l'Italie,

dont

autant que possible

seul

le

statu

le

en Orient, s'engagent à exercer leur

in-

fluence de telle façon, que toute modification territoriale

qui pourrait léser les intérêts de l'une ou de l'autre des

Puissances signataires du présent

Dans

traité, soit évitée.

ce but, elles se donneront mutuellement tous les rensei-

gnements qui pourraient aider à élucider réciproquement propres intentions,

leurs

Puissances. Pourtant, dans

nements,

le

ainsi le

que

maintien du statu quo dans

Balkans ou des côtes ottomanes tique et de la

en suite des

mer Egée,

des

celles

et

des

le

domaine des

îles

de l'Adria-

serait impossible, et que, soit

agissements d'une

tierce Puissance,

pour quelque autre cause, l'Autriche-Hongrie ou se

voyaient forcées de modifier

occupation

autres

cas où, au cours des évé-

le

temporaire ou durable

soit

l'Italie

statu quo, par

de

leur part,

une cette

occupation ne pourrait avoir lieu qu'après entente préalable entre les

deux Puissances. Cette entente reposerait

principe de compensations réciproques pour tous

sur

le

les

avantages territoriaux ou autres,

Puissances pourrait obtenir,

en

plus

que chacune des

du présent statu

quo, et qui devrait contenter les intérêts et les prétentions justifiés des

deux

parties. »

Cet article nous met sous les yeux un petit système de compensations, qui prévoit très

clairement et

assez

sûrement, pour deux au moins des Puissances contractantes,

un nouvel agrandissement de

territoire. Il est vrai, 6


-

82

-

ne s'étaient promis qu'en somme, les deux contractants traité de TripleLe » réciproques. que « paix et amitié - ne devait évident Alliance - ceci est maintenant générale et paix cette ou ne pouvait servir à maintenir civilisée, qu'une grande partie de l'humanité durable,

considérait déjà

bien acquis;

comme un

il

contenait au

questions litigieuses. contraire la substance de futures dans le terriprévoyait, défensive Ainsi, l'alliance |du statu quo par des Balkans, une modification toire

jour, les agisl'Autriche-Hongrie ou l'Italie, lorsqu'un quelque autre cause » sements d'une tierce Puissance ou « s'ajoutait encore une en fourniraient le prétexte. A cela rendait absolument qui malheureuse formule ambiguë, entre les vraisemblable inévitable une querelle par trop occupation temporaire de nou-

deux intéressés. Toute d'une entente veaux territoires, devait être précédée en 1914 on se querella au entre les deux Puissances mot « temporaire ». L'Italie sujet de l'interprétation du :

comme « temporaire » concevait l'occupation de la Serbie la clause des compensations, et réclamait l'application de de Vienne entendait par tandis que le Gouvernement choses semblable a occupation temporaire, plutôt un état de avant Bosnie-Herzégovine, celui qui avait été créé en avoir lui ne de alliée l'annexion. Pour reprocher à son pas put

Serbie, l'Italie connaître l'ultimatum adressé à la contractants, s'appuyer sur l'obligation des Etats

fait

contenue à

au sujet de

vu,

de s'éclairer

réciproquement

telles intentions.

que toute allianee présume la bonne formulation parfaitement des contractants, car une Il

foi

l'article

est évident


précise

et

inattaquable

inconcevable,

-

83

conventions à

des

établir

vu l'imperfection du langage humain

de son vocabulaire. Mais nous quelques années, ce

qu'il faut

savons,

est et

surtout depuis

penser de la

«

bonne foi » Il semble

des contractants pour arriver à la conciliation.

donc qu'on devrait, dans un contrat destiné soi-disant uniquement à parer des attaques étrangères, pouvoir éviter — et même si tout un catéchisme de mots était nécessaire à cet effet «

forcé

»,

aperçoit naire, et

- que chacun

à son gré. de modifier

des alliés pût se voir

le statu

quo, aussitôt qu'il

un objet de compensations à donner à son partequ'un conflit d'opinion presque inévitable sur ce

genre de questions, conduise finalement

à des compli-

cations guerrières.

De

telles

Alliances ne peuvent assurer

de l'Europe. Considérées

comme œuvres

la

sécurité

d'esprits supé-

non

le juriste ou l'homme politique, mais le simple mortel. Récemment, un savant allemand a prouvé que, 2000 ans déjà avant J.-C, les Babyloniens possédaient un code civil complet

rieurs, elles remplissent d'étonnement,

concernant

les

personnes, la famille et les obligations;

avaient aussi un code de procédure régulier. Les

ils

hommes

modernes fondent, 4000 ans plus tard, l'ordre politique, devrait autant qui que possible garantir la paix, sur des traités suspects, tant au point de vue juridique qu'au point de vue moral. La méfiance réciproque des alliés,

qui recherchent la

comment

«

paix

et

l'amitié », ne sait

se cacher dans ces documents.

Ce n'est que pour arriver à ce grave résultat, que nous avons dû nous arrêter si longtemps à l'acte de la


__

84

Triple-Alliance. Pour chercher, dans les textes de ce document diplomatique, les stipulations qui troublent une situation au lieu de l'éclaircir, qui créent des motifs de guerre au lieu de les écarter, qui fournissent des prétextes, au lieu de les éloigner. * *

La de

*

Sans doute, il faut convenir que malgré les creux Triple- e t les soutes aux poudres, l'édifice de la Triple-Alliance îance. eg res ^ i on gt em p S debout, maintenant la paix, ou mieux, commandant la paix. Les creux devaient s'effondrer les

politique la

j.

premiers, lorsque la puissante forteresse se mit à cracher

son feu. Tant que la Triple-Alliance put braver chacun de ses adversaires, en faisant valoir sa prépondérance, les

Du

canons se turent

et la structure

intime resta intacte.

dehors, l'on ne pouvait remarquer les faibleses des

fondements, puisque

le traité

de Triple-Alliance était resté

Les autres Puissances ne savaient rien de

secret.

forme des obligations réciproques, mais

elles

la

ne pou-

vaient soupçonner

que

che-Hongrie

non seulement n'écartait pas mais au contraire, que l'article vu,

et

l'ancienne rivalité,

désormais célèbre, avait

été

l'état

d'alliance entre

l'

Autri-

l'Italie,

l'établissait, la sanctionnait,

réciproquement envisagée dans

et qu'elle

l'éventualité

future d'une politique de force en Orient.

Du le

dehors, l'on ne pouvait donc percer ces secrets

dernier

ouvrage

du

prince

de

Bûlow nous

;

fera

connaître l'esprit qui régnait à l'intérieur du temple de la Triple- Alliance.

Deutsche

*

Cette

Politik, p.

69

œuvre souligne que et suiv.

les trois


-

-

85

Grandes Puissances de l'Europe centrale

s'étaient alliées

pour réaliser leurs vastes buts de politique continentale,

mais qu'elles s'étaient réservé

de poursuivre

la liberté

leurs intérêts nationaux particuliers. «

Le

traité

de Triple-

Alliance ne devait pas être la fauchette qui empêcherait

expansion, sans un motif de force majeure

la libre

par contre, contre

Biilow

laquelle,

désigne

le

même une

comme

habile

«

»

une puissance

diplomatie,

n'aurait

pu pousser aucune autre puissance pour défendre des intérêts lointains, contre laquelle

osé engager

rait

la

lutte,

aucune Puissance n'au-

à moins

d'une question de vie ou de mort. Il

tabilité

ne se fût agi

qu'il

»

y a longtemps que nous avons enregistré de l'équilibre maintenant, nous ne voyons ;

l'ins-

même

plus cette volonté, qui avait exigé son maintien pendant

demi

d'un

plus

Nous avions reconnu dans

siècle.

les

projets de Bismarck, le caractère défensif de la Triple-

Alliance,

maintenant

servèrent les alliés l'Alliance était-elle

la

« libre

expansion

nous déconcerte.

A

»

que se

ré-

cette question

un instrument de paix

? la

:

réponse

n'est pas douteuse. C'était

fermeté,

une association de Puissances

pouvait imposer la

Ses adversaires,

même

tranquillité

par sa

qui,

autour

les plus acharnés, n'ont

d'elle.

pas douté

de la loyauté de cette intention. Mais jamais une puis-

sance

excessive

n'a

pu braver

longtemps

le

malaise

de son entourage. L'Alliance des trois Puissances ses

déclarations

guerre entre la

a,

par

non seulement favorisé la Monarchie danubienne et l'Italie, mais formelles,

encore, par la situation effective qu'elle

a créée,

elle

a


-

86

déchaînement de

contribué au

conflagration univer-

la

selle.

La

remporta son premier grand où l'Empire allemand cherchait à

Triple-Alliance

succès à Algésiras,

imposer quelques restrictions à

politique

la

française

au Maroc. Comme il appartient surtout à l'Allemagne d'avoir provoqué la rencontre des Puissances et d'avoir triompher, en partie, la volonté des Puissances cen-

fait

nous pouvons

trales,

que

nous contenter de constater

ici

l'Autriche-Hongrie

— comme

et

récemment, dans son

plus

livre

chancelier,

le

au Reichstag

et,

le

prince de Biilow, en a convenu alors

aussi

fidèlement escorté leur alliée et rendu services.

minés

L'Allemagne

et

ont

l'Italie,

ainsi de

grands

à ses intérêts bien déter-

qui, grâce

à ses relations politiques,

put

parler

à

la

conférence internationale avec une autorité toute particulière,

triompha des aspirations françaises, de l'acrimonie

anglaise et de la résistance plutôt formelle de la Russie. Si le succès matériel fut de peu d'importance, le succès

moral

fut

indubitable

au point de vue de succès de

France

se

il

Triple-Alliance.

la

a avoir amené devant la

;

la politique

et

causer seules

le

considéré

comme un

consistait

avant tout

forum du Concert européen,

l'Angleterre,

de la

Il

présentait,

européenne,

qui

à

l'origine,

politique africaine.

voulaient

Le prestige

et

la signification de la Triple-Alliance toute entière furent

augmentés par

les protestations

que

fit

entendre l'Empire

allemand. Bientôt une

au sein de

la

occasion devait se présenter, toujours Triple-Alliance,

de reconnaître par un


— autre service, l'aide

-

87

apportée par l'Autriche-Hongrie à

allemande d'Algésiras. Ce fut en 1908,

la politique

lors-

que l'empire des Habsbourg annexa formellement provinces

de

Bosnie

la

les

et de l'Herzégovine, occupées

depuis 1878. Cette incorporation de territoires, occupés depuis trente ans au prix

le

de grandes dépenses

et

en

économie politique heureuse, représentait

raison d'une

premier pas vers l'Orient, que

la

Monarchie danu-

bienne put accomplir, sous la protection de son puissant

Les

allié.

fortement intéressés dans les Balkans,

Italiens,

protestèrent immédiatement.

de

de

Triple-Alliance,

la

Mais

l'article

au

l'existence,

sein

des compensations,

explique aujourd'hui mieux qu'alors, l'attitude conciliante

qu'adopta entre

à la suite de

l'Italie,

Rome

et

le

d'Autriche-Hongrie

:

conversations fécondes des

ministre

étrangères

affaires

baron d'Aehrenthal.

le

L'Empire allemand se souvint que, depuis son propre avenir voisine.

Persuadé

était lié

assisterait

son

chancelier

allié

avec une

en puisse résulter.

tout

particulier

sentit

que, était

hésitations, tête...

on La

la

de la

force

allemand proclama fidélité

Cette parole

absolue projeta

qu'il

quoi

un

éclat

1

sur l'édifice de la Triple-Alliance

derrière

ces

à sa place

;

murailles,

on devina, posé

l'Italie

avait

aussi

que

cette

audacieuse

vit

1879,

de la Monarchie

aux yeux désap-

une preuve de

le

qu'il

alliés

la destinée

qu'il fallait fournir

probateurs de l'Europe, Triple-Alliance,

à

célèbre « Nibelungentreue

».

chacun

des

:

on

trois

qu'après quelques le

casque sur sa

démarche

de

la


-

88

Double-Monarchie n'avait pas

mais

au

l'avait

En

face de ce bloc,

y avait une « entente aux intérêts en partie

il

Puissances

entre

caire,

Triple-Alliance,

effrité la

contraire, consolidée. » pré-

diver-

un Royaume de Serbie qui ne pouvait s'opposer Gouvernement viennois,

geants,

effectivement à l'acte politique du et enfin la

ferme volonté, répandue sur tout ne pas faire

européen, de cation du

statu

quo dans

continent

le

guerre pour une

la

modifi-

Balkans. Parmi tous

les

Etats adverses, ce fut la France qui se résigna

les

plus

le

facilement à une solution pacifique en faveur des Puis-

sances centrales

par contre, Londres laissa percer sé-

;

rieusement sa mauvaise humeur, grie dans

De

les

Balkans,

qui

bouda

Grande-Puissance ne

cette

fait,

sous la menace

du poing levé de

La Monarchie danubienne conserva vinces cours,

le

l'

Autriche-Hon-

plus

mais

il

La

paravant.

Triple-Alliance.

la

ses

nouvelles pro-

était plus agité, plus

Triple-Alliance

;

suivante

disposition d'esprit

la :

d'une part,

qui

son

bouillonnant qu'au-

avait donné

témoignage de son autorité peu commune, sauvée

longtemps.

soumise que

s'est

fleuve de la politique européenne reprit

le

;

fut la Russie,

ce

et

gardienne des intérêts slaves, rivale de

un nouveau la paix était

subsistait,

était

la

de l'orgueil et de la satisfaction,

de l'autre, une fureur contenue.

De nouvelle faible,

tels

contrastes naissent

situation

que ce

soit

est

toujours,

imposée par un

lorsque une

parti

au plus

par des moyens pacifiques ou

belli-

queux. Malheureusement ces contrastes sont rarement pris

en considération,

et leur influence

sur

le

futur état


pas effrayer

ne paraît

de choses,

satisfaire leur

-

89

que

volonté, bien

les Etats qui ont

oppositions

les

pu

artifi-

ciellement créées, contiennent précisément les germes les plus dangereux de guerres futures. Si l'on se

quelques

événements historiques,

que

tels

remémore transfor-

la

mation de l'Europe par Napoléon, certaines résolutions

du congrès de Vienne ou Balkans,

le

dans

slave

politique

la

sort de l'Alsace-Lorraine, et enfin la

les

réali-

sation autoritaire des prétentions indubitablement justifiées

de l'Autriche-Hongrie dans la crise bosniaque, on a l'impression que la politique des Etats cherche toujours le

succès immédiat.

Que

le

Gouvernement qui

se con-

agit,

met parfois mais ne cherche jamais créer un état de en mains, à tente

certain de

choses qui,

durablement façon permanente cilie

que

aux

qu'un

de la garantie

opposés

prennent

dangers qu'offrent leurs

souvent

même

qu'ils

le

décisions, et

d'une

et résolve

problèmes en suspens.

les

gnards à la possibilité d'un orage

Lors

lui

l'approbation universelle, récon-

les intérêts

les dirigeants

succès

tel

Il

semble

même

plaisir

que

les

monta-

à l'insécurité du sentier.

ne cherchent pas de prime abord une

solution belliqueuse,

il

répugnance à employer

leur

manque en

la force des

général

cette

armes, cette horreur

de la guerre, qui, après les terribles expériences de notre génération,

former

devrait

— mieux

vaut

jamais

la caractéristique essentielle de toute responsabilité

politique.

La

garantie

de paix qu'offrirait

répugnance instinctive du moyen de plus

tard que

sûre, parce qu'elle devrait

commmune,

et la

une

la guerre,

reposer sur

pareille

serait la

la volonté

plus naturelle, parce qu'elle répondrait


90

à la mentalité de l'homme moderne. Et cependant,

hommes

peuples et les

les

apportée, l'amour-propre ne

permettait pas

le

propre ne supporte pas un état latent,

monde

le

voquent

A

tôt

ou

vue, nous devons attacher

ce point de

la

crise de

avec allégresse

Le prince de Bulow paraît qu'en 1916,

il

que

la solution

Le puissant Empire allemand, cerné, nota

que

tivement la

pro-

l'annexion, en

1908.

qui se sentait toujours

succès de

le

la plus

sa diplomatie.

s'en réjouir longtemps, puis-

nous rappelle

qu'il

l'issue de la crise

fin

le

la Triple-Alliance

y a 8 ans, aucune

Puissance n'avait envie de se faire rompre autrui, et

ou

tard.

triompher pendant

les os

pour

bosniaque marquait

effec-

de la politique d'encerclement d'Edouard

Mais ceux qui ont

vu.

l'amour-

;

veut des succès,

politique, l'emploi de la force

grande importance à fit

il

succès supposent, en raison des volontés opposées

et les

dans

les

d'Etat ne l'ont pas encore

été

témoins des années 1914,

1915, 1916 et 1917, ne pourront plus

se

contenter de

que l'Allemagne d'alors pouvait tenir dragée haute aux adversaires de la Triple-Alliance,

cette consolation,

la

tandis qu'il se passait à Vienne quelque chose qui menaçait

de séparer, dans l'avenir, l'Europe en deux camps. Cette solution avait le

là,

défaut de ne pouvoir être définitive.

Enfin, nous devons encore établir qu'à ce

moment

une politique qui

s'écartait

la Triple-Alliance a suivi

visiblement du principe conservateur de son fondateur. Il s'agissait,

dans

en

effet,

Balkans,

de

fortifier la situation

de l'Autriche

y avait bien quelques raisons plausibles de prendre cette résolution. Mais la Tripleles

et

il


-

91

Alliance se mit à agir avec

une singulière énergie,

les adversaires savaient bien

où tendait

soudainement

l'Autriche-Hongrie

l'Italie.

de

renforcée

on

Jusqu'alors

des deux Etats,

et

compté

avait

maintenant on

les

ment unis que jamais, marcher sur et

sur

la

Aucun homme

n'a

pu

l'Albanie.

sérieux

qu'ils s'étaient acquittés de tout leur

Balkans

allié

les

programme

depuis longtemps déjà leur voisin et

allemand, leur avait assigné

Tandis que

de

à ce

croire,

dans

;

Salonique

direction

moment, les

rivalité

la

la route de

dans

de

et

plus forte-

voit,

longer la côte de l'Adriatique

et

politique

cette

champ

ce

Allemands savaient s'attacher

de la Turquie et que les

d'activité.

l'hospitalité

banques de Vienne

et Berlin

souscrivaient à l'emprunt ottoman, on esquissa les plans

du chemin de

Bagdad, projet d'une

fer de

qu'il fallut bien aussi lors, les

Puissances

désir de

s'établir

en conférer avec ne

Centrales

cachèrent

solidement en Orient,

de leur avenir économique de Potsdam de 1910,

offrit

et

politique.

plus

dans

Dès leur

l'intérêt

La rencontre

aux Gouvernements allemand

une occasion de s'expliquer,

et russe

portée,

telle

la Russie.

qui,

en présence

des futurs projets de la Triple-Alliance, et en considération de la disposition d'esprit créée par la crise

niaque, était indispensable

l'on

si

voulait

bos-

conserver la

paix. C'était sans

Alliance

;

aucun doute,

les garanties

de paix

renversées, mais consolidées

l'intention de la

ne

devaient

»

être

cependant ces garanties

reposaient sur l'autorité de forces supérieures.

expansion

Triple-

pas

La

« libre

des Puissances de la Triple-Alliance, s'effec-


92

tua donc tout en maintenant en Europe une paix stable. L'Italie eut aussi

son

Tripolitaine. Elle

récolta

tour,

et

ainsi

les

de Triple-Alliance. Or,

traité

cette

s'établir

en

meilleurs fruits

de

enfin

en 1887

cette politique qui préconisa

du

put

les

prolongement

le

hommes

d'Etat de

époque avaient bien raisonné. Sans devoir renon-

cer à ses projets,

sans

se refuser les quelques

de valse supplémentaires

»

que

l'Italie

latin, le

sur-

poussée aussi

Royaume

jeune

tours

se permit,

tout sous l'influence de l'Angleterre mais

par son tempérament

«

était resté

sous la sauvegarde d'un groupe de Puissances, dont la politique ne connaissait plus l'insuccès.

Après de

si

heureuses expériences,

pacifique, qui

imposé

avait

la

en

s'agissait,

il

renouveler la Triple-Alliance.

1912, de

Cette

conférence

Alliance

d'Algésiras,

qui avait couvert de son bouclier l'annexion de la Bos-

nie-Herzégovine,

permis à

avait

l'Italie

au Maroc

Tripolitaine, surveillait les Français

;

et

avait

sans peine une vaste politique d'expansion en

préparé Orient

de passer en

cette coalition, qui

réussit

pendant trente ans, à tenir en

sans exceptions

échec toute

et

opposition,

devait continuer d'assurer la paix en Europe et la prospérité de

La

chacun des

Alliés.

Triple-Alliance fut renouvelée en 1912, et

ma-

nifestement, sous les auspices les plus favorables. C'est en Italie

que

l'on

montra

le

moins d'enthou-

siasme, parce que la plus grande partie de tion sentait le défaut nait la péninsule

Alpes, et parce

la

popula-

moral d'une Alliance qui enchaî-

à l'ennemi

héréditaire

d'au-delà

des

qu'une attitude de méfiance vis-à-vis


-

93

de la France,

désormais

liée

toujours plus

dangereuse.

Triple-Alliance,

à l'Angleterre, paraissait

Bien

à

la

son amitié

à

qu'elle appartînt

maintenu

avait

l'Italie

l'Angleterre, en tant que

puissance maritime, et devait

persister dans cette voie,

si

elle

de guerre, d'exposer ses vastes côtes à flotte si

redoutée.

France

n'était

Une

plus

en cas

voulait éviter,

l'artillerie

de la

politique de précaution envers la

guère admissible,

présence de

en

ces relations de prudence et de sympathie avec l'Empire

britannique. Personne ne doutait du dilemme dans

le-

quel l'Italie se débattait alors, et moins que personne, M. Camille Barrère, l'ambassadeur de France à Rome, qui,

pendant

quinze ans qu'il passa à la cour d'E-

les

manuel m, n'assigna d'autre but à son détacher

l'Italie

Malgré quelques conventions

l'Entente.

que de

activité

de la Triple-Alliance, pour l'attirer vers

que

l'éminent

diplomate avait pu signer à Rome, spécialement en 1898 et

en 1900,

et qui avaient

considérablement diminué la

méfiance que la France avait de la nation sœur, quel-

ques années avant

la

homme commençait

à pâlir;

vernement

italien

la Triple-Alliance.

de

guerre mondiale, car

le

l'étoile

vaisseau

de cet

du Gou-

naviguait toujours dans les eaux de

Lorsqu'à la

fin

de 1912

San Giuliano célébra une nouvelle

le

marquis

fraternisation

et Berlin, Camille Barrère passa, aux yeux du monde diplomatique, pour un ambassadeur qui avait échoué dans son œuvre à cette époque tout le monde

avec Vienne

;

s'attendait à ce qu'il fût rappelé de

La une

fois

Rome.

force irrésistible des Puissances Centrales, avait,

de plus, triomphé du cœur d'un Gouvernement


-

94

qui avait besoin de sécurité,

et,

malgré toutes

les autres

considérations qu'il avait à prendre, resta fidèle à l'an-

nouveau document

cien état de choses. Lorsque le signé, la Triple-Alliance

fut

à l'étude de

put se remettre

ses buts pratiques. Il

semble que la convention de 1912 revêtît un ca-

ractère particulièrement intime et des plus significatifs car,

pour

un arrangement eut où

l'Italie,

allemand

l'Empire

entre

lieu

;

existait,

et

l'on envisageait des opérations militaires, et

cela contre la France.

que

que l'Alliance

la première fois depuis

On

les services pratiques

en Allemagne,

avait trouvé

que

rendait à l'union

l'Italie

des trois Puissances, étaient absolument insuffisants en

regard des avantages que la Triple-Alliance offrait aux Italiens. elle

Après trente ans

était

1913, l'Empire

tions stratégiques et autres, et en

mand envoya à qui, bien caché

cet effet

dans un grand palais de

au

sujet

d'une

L'Allemagne

d'opérations

action

commune

contre

culier prévoyait-il ?

Nous

le

ministre des

coordonnées, la

France.

était-il lié

Faisait-on

la Ville Eter-

chef d'état major

le

et l'Italie s'entendirent

militaires

hypothèses cet arrangement défensifs ?

avec

général Pollio, ainsi qu'avec

affaires étrangères,

alle-

à Rome, un plénipotentiaire

nelle, eut différents entretiens italien, le

mutu-

d'intimité, la confiance

assez solide pour permettre de parler de ques-

des

n'en savons rien

;

?

cas

quelles

Quel cas

projets ce

A

au

parti-

offensifs

ou

que nous savons

permet uniquement d'affirmer qu'au commencement de 1913, c'est-à-dire peu avant la débâcle, la Triple-Alliance avait atteint sa forme

la

plus solide,

en ce sens que


-

-

95

deux des Alliés avaient complété leur accord politique par un accord militaire. Quels rêves lointains caressaient alors

hommes

les

animaient

les

d'Etat

avait déjà posé une de se

fortifiait

contre

espérances

quelles

italiens,

lorsque l'Aigle à trois têtes, qui

Alliés,

ses serres

France ?

la

caché, aujourd'hui tout

sur

particulièrement,

africain,

sol

le

ce

c'est

nous

qui

sous

est

voile

le

du plus profond mystère.

Entre

temps,

monde.

quitté le

Marquis

le

Or,

San

de

déjà avant sa mort,

Giuliano le

La fin a vaisseau de la Triple-

imperceptiblement son ancre,

d'Etat italien levait

pour

quitter bientôt le port de la Triple-Alliance. C'était tou-

jours en 1913. Encore une fois la Triple-Alliance maintint

solidement son

bloc,

lorsque

première

la

balkanique apporta aux Puissances Centrales

guerre

la surprise

d'une victoire sur la Turquie, leur amie.

Ce tits

résultat imprévu,

des Puissances,

que

si

heureux

fût-il

pour

les pe-

peuples des Balkans, exigea l'intervention des Gran-

le

qui auraient souhaité

une autre issue

raffermissement du Monténégro, de la Serbie

et

de la Grèce. Réunis en conférence à Londres, les gardiens européens cherchaient

le

moyen d'empêcher que

Ottoman fécond en promesses, ne fût trop fortement émasculé. Avant tout, on formula le vœu que

l'Empire

l'Albanie, arrachée

à

la Turquie,

ne

soit

entre ceux qui aspiraient à sa possession,

pas partagée

mais devînt

un Etat indépendant, dont

la capitale serait Scutari.

Triple- Alliance

comme

avait

pris

prétexte

principal

La à

1£»ice.


— exigence,

cette

nationalités, qui

formule

« les

le

96

brillant

argument

du principe

des

dans

devait trouver sa réalisation

Balkans aux peuples balkaniques

»

la

dans

toute la presqu'île, sans trop s'occuper des résultats de

Ce souhait ne manquait donc pas de logique.

la guerre.

L'Albanie,

autonomie

qui n'est et

serbe

ni

ni

grecque,

aurait son

son Prince, au lieu d'être distribuée à droite

à gauche. L'Autriche-Hongrie évitait ainsi un accroissement de l'importun voisin serbe, et l'Italie était heu-

et

reuse de pouvoir empêcher que la

côte

avec son port de Valona, tombât entre la Grèce. L'Italie se

fit

solidaire de la

sud-albanaise les

mains de

Monarchie danu-

bienne, contre l'abandon de Scutari au roi du Monténégro.

Les intérêts de que

famille

Nicolas tarie,

le

;

si

le

roi

placés au-dessus des égards

Emmanuel

devait à son

Monténégro ne put obtenir

ardemment

une

la Triple-Alliance furent, après

courte lutte intérieure,

beau-père

la ville de Scu-

non

Elle ne devait pas

convoitée.

de

plus échoir au vainqueur, après qu'Essad Pacha eut aban-

donné aux troupes de Nikita, la forteresse ottomane une tragique destinée que

qu'il avait défendue. C'était le

monde

beaucoup de sympathie;

entier suivait avec

Monténégrins durent rendre quise.

Même

scène

comme

tent à

les

la ville qu'ils avaient

Puissances Centrales assistaient à cette

des parents qui, malgré ses

:

soumet-

le

principe

fît

la

l'enfant dut obéir et souf-

La Conférence de Londres

des Empires Centraux, d'après

cris,

une opération leur enfant sans défense. Mais

Triple-Alliance était d'accord frir.

les

con-

se pliant

aux exigences

respecter cette volonté, et cela,

politique,

qui

exige

que

dans

la


— mère

patrie, l'opinion

tion.

Gomme

Alliance,

pour

-

97

publique manifeste son approba-

souligner

la presse italienne

la

une campagne vigoureuse

époque,

sans parler des journaux allemands

appuyaient

qui

d'une voix

La

de la Triple-

solidité

mena, précisément à contre et

la

cette

France,

austro-hongrois,

Gouvernements sans réserve

leurs

et

forte.

résistance à la politique de la Triple-Alliance de-

néanmoins sérieuse moins au sein des Gouvernements de l'Entente que chez les peuples. On cherchait vint

;

en leur faisant comprendre

cependant à

les tranquilliser,

combien

auraient tort de s'alarmer

pour une cause au point de vue de la politique européenne. Le Gouvernement britannique n'avait jamais eu beaucoup de sympathie pour la Serbie *, et les soucis du si

ils

insignifiante

Monténégro ne parvenaient pas à exaspérer les Anglais. Le peuple français n'aurait pu davantage se rassembler autour du drapeau pour ces problèmes balkaniques, le

Gouvernement russe

et

s'efforça d'étouffer des cris d'in-

dignation, qui n'étaient pas en rapport avec l'opposition

que

la

liance.

Russie comptait soulever contre la Triple-Al-

A

Puissances

la

Conférence

Centrales

de

furent

Londres,

les

donc exaucés.

vœux Ce

fut

des la

dernière victoire de la Triple-Alliance.

La première guerre des

peuples balkaniques,

une guerre de libération contre 1

Après l'assassinat du

en 1903, l'Angleterre avait

roi

la

fut

Turquie. Dans la se-

Alexandre

et

de

même rompu, pendant

la reine

Draga,

plusieurs années,

ses relations diplomatiques avec la Serbie, pour lui témoigner son

mépris, les assassins n'ayant pas été poursuivis par le Gouverne-

ment du nouveau Roi. 7


98

conde guerre, par contre,

on se

pour savoir à

battit

qui appartiendrait la suprématie dans la

couée par l'orage, ou pour parler

le

tique, de quelle façon serait établi

«

En

alliés.

La

fois

au voisin serbe de

sous les

décision intervenue dans

deuxième guerre balkanique,

une

l'équilibre ».

la Bulgarie était terrassée

août 1913,

coups de ses anciens la

péninsule se-

langage diploma-

parut

encore

assurer

Monarchie des Habs-

la

bourg, un surcroit de puissance. Depuis longtemps déjà,

Double-Monarchie se voyait à ce point menacée

la

qu'une guerre contre

par la tournure des événements, la

Russie,

de

protectrice

Serbie,

la

danger permanent. Lorsque dans le roi

juillet,

Emmanuel

d'Allemagne à Kiel, danger de

et

à l'Empereur

que

satisfaction,

de

En ces comme

leur Allié.

jours d'été, la Triple-Alliance fonctionna encore

instrument de paix, et la rencontre de Kiel

allemande, dans

le

:

même «

ce

encore par l'intercession

Berlin auprès

de

un

européennne tout entière

une grande

était éloigné cette fois

Rome

constituait

premiers jours de

faisait visite

la presse

avec

reconnu,

avait

m

les

le

«

Temps

une plus grande

»

attendait de

cordialité italo-

but de résoudre les dernières ques-

tions orientales restées en suspens, et d'assurer la paix

en mettant un frein à la rivalité austro-russe

»

x .

Et en

Autriche, l'on était fier du succès de la Triple-Alliance, qui, toujours

plus

étroitement unie,

le

danger

cette

humeur

bravait

d'une guerre universelle.

Quels événements sont venus changer pacifique? 1

Ou

quels secrets cherchait-elle à cacher? Ce

Le Temps du 4

juillet 1913.


99

décembre 1915,

n'est qu'au cours de la présente lutte, en

que l'ex-président du conseil des

ministres

après, l'Autriche-Hongrie

conçu

avait

italien

fit

ou peu de semaines

connaître qu'à cette époque déjà,

d'une

projet

le

campagne contre la Serbie. Une demande du Gouvernement viennois, trouva le marquis de San Giuliano et M. Giolitti parfaitement décidés à refuser la participation de l'Italie à une semblable entreprise. L'Autriche-Hongrie resta, peut-être avec l'Allemagne,

d'arrêter la marche....

ou de

méraire de chercher à percer encore ces

événements

un

;

;

différer?

Il

le

brouillard qui recouvre

seul

est

fait

Triple-Alliance s'est désagrégée à la fin Elle s'est désagrégée

oublieuse des buts et

de

Vienne dans

nubienne. C'était trop à la fois

cienne rivalité Alliance.

Les aspirations

l'Italie

:

la

1913.

;

une

Rome

de

en

Monarchie da-

telle

intention con;

elle

ne con-

bonne harmonie, mais réveillait l'ansommeillait au sein de la Triple-

Le

la paix.

pouvait amener sur

que

té-

qui

de

trariées, elle fut désillusionnée

en faveur de

l'été

exécuter

voulut

tout entier de la

duisait plutôt à la séparation qu'à l'union tribuait pas à la

certain

de

de la politique

Balkans,

les

programme

Orient, le

serait

où l'Autriche-Hongrie,

à l'heure

communs

on décida

Salonique

la

route de

peut-être seule, sur la

le

paraissaient

l'Italie

dans ses

projet

de

con-

efforts constants

l'Autriche-Hongrie

terrain ceux de ses adversaires

craignait le plus. Elle refusa de suivre.

Ainsi se détachèrent, sans que

le

monde

les forces réunies de la Triple-Alliance,

avant que se déchaînât

le

s'en doutât,

à peine un an

prodigieux conflit auquel nous

assistons, entre les groupes des Puissances européennes.


-

100

Combinée en vue de protection réciproque par le développement d'une politique commune, la Triple-Alliance perdit l'un de ses membres au moment critique. La diplomatie

de

chasser les

son

encore

prêta

l'Italie

Serbes de l'Albanie,

concours

Athènes sous une forme menaçante, l'Epire

ses

propres

tout

dans

les

Balkans

devait pas davantage obtenir le sud de la

Serbie

Mais plus à

débouché

son

vers

la

la

:

sphère

de

Grèce

ne

que

l'Albanie,

mer

la

de

l'évacuation

encore

concernait

ceci

intérêts

pour

pour réclamer à

et

Adriatique.

où l'Autriche-Hongrie cherchait à solutionner, selon un ancien programme, des questions l'est,

internationales

de

haute

plus

la

importance,

l'Italie

refusa son aide.

L'Empire allemand seuls,

fumants des Balkans,

le

l'Autriche-Hongrie restèrent

et

champs de

bataille encore

vieux drapeau

de la Triple-

pour maintenir sur

les

un Allié la Roumanie. Là, il semblait encore à la fin de la mémorable année 1913, qu'une nouvelle constellation pourrait surgir qui, peu à peu, se révéla distinctement comme une nouvelle image politique Pour pouvoir combattre la Serbie et la Grèce, la Alliance. Ils avaient là depuis trente ans,

;

:

Bulgarie, la protégée

de la Monarchie danubienne, dut

abandonner, en Thrace,

les territoires

arrachés à la Turquie.

Les

Turcs,

qui

qui

avaient

avaient

été

suivi

avec anxiété celte dernière phase de la confusion balkanique, se mirent aussitôt

Andrinople. et

Demotica,

Lorsqu'il le

eut

en

devoir de

retourner à

recouvré encore Kirkkilisse

Gouvernement Jeune-Turc

se réconcilia


— avec l'adversaire bulgare

à

restitution

va sans

cela

cueillie,

à Berlin. Par contre

la Bulgarie qui, de ce fait, se

l'avenir, tourner

frontière

regards

ses

ac-

trouva

orientale,

dut,

Macédoine,

vers la

où pouvaient tendre encore

seul pays

fut

une vive satisfaction

avec

dire,

La

destinée.

l'âpre

territoires arrachés,

amputée à sa

définitivement

dans

avec

et

Turquie de

la

101

aspirations

les

bulgares.

naquit une

Ainsi

communauté

certaine

d'intérêts

entre Bulgares et Turcs, sous l'œil bienveillant de leurs

protecteurs et conseillers

l'Autriche-Hongrie et

:

l'Alle-

communauté d'intérêts tendait vers l'Ouest, pouvaient encore demander des restitutions et des

magne. Et

cette

où ils compensations à ces peuples balkaniques, qui vaincus tour à tour.

Une

les avaient

prochaine Alliance entre la

Bulgarie et la Turquie devait réduire à néant les con-

Bukarest

ditions de la paix de

garie

et

de

la

Serbie

;

plaçait

l'hostilité le

roi

de la

Bul-

Ferdinand

de

Cobourg du côté de l'Autriche-Hongrie, tandis que la Turquie se trouvait déjà depuis longtemps sous l'aile tutélaire de l'Allemagne.

Non

seulement leur

vieille

amitié et les devoirs in-

hérents à leur alliance, mais aussi des intérêts

engagèrent

les

jamais leur intimité. Leur Allié eux,

par contre

avaient pu.

La

ils

avaient

italien

politique orientale de la

perdu pour

Triple-Alliance

nouveaux arbres durent-

déjà au cours des années suivantes,

de la guerre mondiale.

était

sauvé en Orient ce qu'ils

avait jeté des racines; aussi, les ils

communs,

Puissances Centrales à resserrer plus que

braver l'orage


LA TRIPLE-ENTENTE A

L'Alliance

une époque, où

franco-russe. sibilité

de vivre

sant leurs

ne concevaient

les Etats

la pos-

paisiblement côte à côte qu'en

forces, le

principe

de

égali-

répondait

l'équilibre

mal aux conditions générales de la vie. grands événements de 1870-71, on appliqua ce

tant bien que

Après

les

principe à la nouvelle période d'évolution de la politique

européenne, inaugurée par Bismarck.

Lorsque fonctions,

il

traité parfait

le

premier chancelier allemand résigna ses

légua à son successeur, non seulement de la Triple-Alliance, mais encore

le

le traité

la Russie. L'Empire allemoment, de nombreuses dispositions qui garantissaient sa sécurité. Sans parler de

de Réassurance conclu avec

mand

possédait donc, à ce

la Triple-Alliance,

il

attaque de la part d'une

assuré de la neutralité de paix,

le

Or,

la

du moins, fortement le

le

cas d'une

Puissance étrangère,

il

était

Russie, et en temps

Gouvernement russe

comme nous

dans

:

restait

nouvel arrangement avec l'Allemagne ter était,

convention

retira de cette nouvelle

avec la Russie un double avantage

;

enchaîné

de

à ce

sa liberté de trai-

limitée.

savons déjà,

le

deuxième chance-

comte Caprivi, ne renouvela pas, en 1890, le traité de Réassurance. Bismarck lui-même a sévèrement blâmé

lier,

cette

omission de son successeur,

et

montré que ce non-


-

103

renouvellement, provoqua automatiquement la conclusion de l'Alliance franco-russe. L'on ne saurait mettre en lu-

mière d'une façon plus péremptoire

système de

l'équilibre.

Depuis

fonctionnement du

le

la crise de 1875, la

Russie

avait déjà entretenu des relations de sympathie avec la

France; cependant l'Alliance des quelque peu

le

son amie républicaine. Le

traité

Russes une garantie d'une la

trois

Empereurs, éloigna

Souverain réactionnaire Alexandre

France pouvait

cilement égalée.

A

lui offrir

de

III,

de Réassurance offrait aux

telle

valeur, que tout ce que

en compensation, l'aurait

dif-

mu-

peine cependant les obligations

tuelles furent-elles dénoncées, en suite de la tension des

rapports avec

l'Empire

l'équilibre poussait la

France

1 .

En

allemand,

que déjà

Russie isolée dans

outre, on avait publié en

la

loi

de

de la

les bras

1888 l'Alliance

austro-allemande, qui devait donner aux Français et aux

Russes une idée de 1

auf

«

si

la puissance des

La grande question en

renouvelant

est de savoir

en 1891

Gouvernement allemand aurait pu (de la Triple-Entente).

En

1896,

le

le

dit

traité

éviter

tout

alliés.

Théodore

Bitter-

de Réassurance, ce

le

développement

baron Marschall von Bieber-

stein expliquait la politique de Berlin par les multiples garanties, la plus

deux Empires

la

crainte,

que parmi

importante vînt à manquer juste

au moment décisif. Le successeur du premier chancelier aurait vu, dans le maintien du secret absolu, certains dangers en ce qui concernait les relations avec d'antres Puissances, et se serait

même

demandé, si, de ce fait, la garantie de la paix n'aurait pas pu être Il se pourrait, pensait-il, que si un conflit éclatait compromise entre nos deux Alliés de l'est, et que chacun d'eux accusât l'autre d'être l'agresseur, nous serions sollicités d'un côté, d'observer une neutralité bienveillante, de l'autre, on nous demanderait notre appui, soutenu de toute notre puissance militaire ».


L'effet

104

ne s'en pouvait faire attendre longtemps; l'Alliance

logiquement aboutir.

entre Paris et Pétersbourg devait

Bismarck

avait-il raison,

France

du

accroissement

considérable

rer « le

après cet événement, de déplo-

aggravation

et l'importante

de

prestige

des

»

La

que

cet

pourraient en résulter pour la politique allemande ?

proportion n'était-elle pas plutôt rétablie, ainsi équilibre

qui, cette fois n'était plus

mais de groupes d'Etats

dividuels,

moderne de

la

difficultés qui

formé d'Etats

in-

sur lequel l'école

une promesse de paix durable ? Certes, l'Allemagne devait se ressentir des embarras que la nouvelle Alliance apportait à sa politique. « En face de nous — dit le prince de Bûlow — nous la

basait

politique

avions la rivalité britannique, éveillée par la construction rapide de la flotte allemande, par derrière la Double-

Alliance, dont la France espérait tirer parti dans la mesure du possible, pour réaliser ses espérances. Et dans cette situation, il nous fallait chercher et trouver une transition qui nous conduisît sur le chemin de la 1

politique mondiale »

La

.

Triple-Alliance se serait bien passée du contre-

poids franco-russe. Il

vit

pourtant

Chambre

qui fut annoncée à la

nement, signature,

le

10 juin les

1895.

sources

autres se contredisent.

forme d'une Alliance

jour sous

le

française par le Gouver-

Quant à

authentiques

On admet

l'époque

de

sont muettes,

sa les

généralement jusqu'à

présent, que sa conclusion n'eut lieu qu'un ou deux ans

après l'extinction du 1

Prince de Bûlow,

traité loc.

cit.,

de Réassurance. p. 82.

Dans une


105

intéressante étude sur les

diplomates de la

«

qu'Ernest Daudet a entreprise dans

comme

indique

le

guerre

»,

il

Figaro

«

»

à Pétersbourg,

date de la signature

le

31 décembre 1893 K

hommes

Les

d'Etat chargés

avoir compris cette

dans

l'Europe,

de

heure sa

toute

mura une sadeur

de

mes

toutes

sous

signature

de

l'acte

signe de la croix et mur-

marquis de Montebello

le

retenir

ma

prévisions,

que m'inspire

si,

l'on sait qu'il

:

«

J'ai

à

contrairement

contrairement

à

la

conviction

devait

être

fu-

».

l'arrangement resta secret.

de

texte

main,

la raison, cette Alliance

neste à la Russie

Le

le

fit

imploration. Puis, se tournant vers l'ambas-

de France,

Dieu

prié

de l'histoire de

Le ministre russe

solennité.

Giers, avant d'apposer sa

l'Alliance franco-russe,

semblent

de conclure,

significative

d'une Alliance

s'agissait

Pourtant par

défensive,

laquelle les deux Puissances se promettaient assistance

mutuelle, au cas où l'un des deux pays serait attaqué.

La valeur

de ce pacte diplomatique

objective

naturellement dans

sistait

le

contrepoids

1

un danger

Par

dans un

de

Russie ou la France,

les

mai

l'ancien ministre d'Etat

récemment paru

article

res du 28 le

contre,

assaillît la

1916),

27 août 1891

;

c.

Que d'un

que

les

con-

opposait

ou

à la Triple-Alliance, déjà créée. l'autre,

qu'il

(les

côté

de Freycinet prétend

Annales politiques

et littérai-

accords définitifs furent déjà échangés

à d. peu après la mémorable visite d'une di-

vision de croiseurs français à Cronstadt,

au cours

de laquelle

Souverain de toutes les Russies écouta debout la Marseillaise. Enfin

le

ministre Ribot

déclarait

à la

Chambre

française,

le

le

— 23

janvier 1899, que les conventions furent signées en 1891 et 1892.


106

deux principales forces du continent en dehors de Triple- Alliance,

commune. La valeur sistait

vue

en

unies

étaient

la

défense

d'une

subjective de cette Alliance,

con-

pour la Russie, non seulement en l'assistance promise dans

qui lui était

mande ou

une couverture qui

l'arrière

le

d'une attaque

cas

autrichienne, mais elle lui assurait lui

alle-

encore à

permettrait de

mener à

bien en Asie, cette politique que nous aurons encore à

examiner. L'Empire du Tsar, avide d'expansion, devait aussi compter avec la terre;

la

pour

dangereuse

Double-Alliance

la France, l'Alliance défensive

un long isolement,

sécurité

la

contre l'ennemi de 1870, pal et

de

rivalité

allait faciliter

commun

l'Alliance,

faire valoir

représentait,

après

impatiemment attendue

contre l'Allemagne, le princi-

adversaire. le

de l'Angle-

sa tâche. Mais

L'effet

Gouvernement

moral,

français

qui dérivait sut

aussi

le

auprès de l'Angleterre.

Le traité de Double-Alliance n'était pas seulement un document diplomatique, il contenait aussi un accord d'ordre militaire. Gabriel Hanotaux, qui, peu après sa conclusion, devint ministre des affaires étrangères, affirme

que

généraux y ont autant travaillé que

les

mates

les

diplo-

1 s-

.

y avait maintenant dans l'arène de la politique européenne un nouvel élément de puissance moderne Il

;

à deux points de vue

:

en tant qu'Alliance durable, et

à cause de l'inquiétante force militaire qui avec

faisait corps

elle.

La 1

Triple-Alliance, fondée sept ans auparavant, était

Gabriel Hanotaux:

La

politique de l'équilibre 3 me éd. p. 124.


-

107

moyen d'un maxi-

née de la volonté de maintenir, au

mum

de forces, une situation consacrée par trois

vic-

toires allemandes. De cette idée fondamentale germani-

que, dérivèrent,

Hongrie, et

gagné

était

à l'Autrichel'Italie.

Pour

Bismarck

premier

lieu,

avait,

en

apparenté par la race à

dont les conditions

et

difficiles

l'est

d'une Alliance avec

Monarchie austro-hongroise, dont

la

nement magne, et

pensée,

sa

réaliser

dans

rôle assigné

le

désir

le

dans

l'avenir,

vitales

celui

le

Gouver-

de l'Alle-

devaient être

si

que l'Empereur François-Joseph

son ministre hongrois Andrassy durent s'unir sans

hésitation

à l'ennemi

d'autrefois.

La Double-Alliance, par

contre, était née de la né-

cessité de rassembler toutes les forces disponibles contre

une coalition

déjà organisée et qui donnait à réfléchir,

en tant qu'élément de volonté

ment redoutable. Cette mier

lieu

montrait

dans si

le

et

de puissance extrême-

nécessité prit sa source

souci de la propre conservation, et se

pressante, qu'elle triompha sans

puissants contrastes qui séparaient l'Empire tocrate, de la

en pre-

peine

des

russe au-

République démocratique. Ces deux exem-

ples, Triple-Alliance et Double-Alliance,

donnent

la

me-

sure de l'impératif des nécessités politiques, de l'oppor-

tunisme, avec lequel chaque Etat cherche à assurer son existence extérieure.

Des deux

côtés, l'idée originelle est défensive. Mais,

l'attitude de la

défense, pour

déploiement de

forces,

utile,

exige

un

tel

que chaque Alliance défensive

est toujours tentée de devenir

Si pendant des siècles,

être

un instrument d'agression.

des Etats isolés

avaient aspiré


-

108

à une puissance prépondérante, sous prétexte d'équilibre, jouaient maintenant

ils

La

le

même mais

règle restait identique,

mais

jeu,

par groupes.

les parties étaient plus

fortes, la participation plus générale. Si la lutte

jamais éclater,

une

lutte

elle serait,

par la force

même

devait

des choses,

européenne.

Lutte inévitable,

si

Puissances ne voulaient pas

les

se décider, en présence du désastre qu'elles préparaient,

à délaisser litique,

jusqu'à ce jour par la po-

les voies suivies

pour s'engager dans

que quelques

direction

la

réformateurs éclairés dans tous les pays, leur indiquaient, aspirations

de

grands

courants populaires, dans toutes les nations.

La

volonté

et vers laquelle se portaient les

de suivre ce courant humanitaire, de s'éloigner des traditions de la politique de force, pour aplanir dorénavant rivalités

les

moyen d'une

existantes

renaissantes

toujours

et

législation et d'une juridiction

nales, la ferme volonté

de faire aboutir

cette

qui devait, sinon éviter tout conflit futur,

venir les solutions sanglantes, a

qué

— à un

telle

ou

telle

réforme

du moins pré-

fait défaut.

Elle a

capitale.

Par un vague

remords de conscience on travailla bien un peu, ça à

mais en

l'organisation de la paix,

Etats,

en tant que sujets

communauté des

peuples,

«

même

absolument

dirigeaient

man-

- partout; non

degré différent sans doute

pas seulement dans

au

,

internatio-

libres »

leurs

et là,

temps,

les

de

la

vaisseaux

vers la tempête de la guerre européenne.

Malgré

la

grande valeur

franco-russe, elle le

n'était

moment, à dominer

objective

de

l'Alliance

pas destinée, du moins pour

la politique

mondiale.

Son

rôle


-

-

109

se bornait à protéger les intérêts continentaux des deux

La Double-Alliance n'empêcha pas

Puissances.

de se rapprocher de

l'Italie

en 1897-1898,

avec la nation sœur de race

si

par moment,

intimes, que

dans

clair

intentions

les

de conclure de navi-

latine, des traités

même

gation et de commerce, et de nouer

on

de

ne

des relations plus

voyait

politique

la

France

la

très

italienne.

La

Double-Alliance n'empêcha pas non plus la France de

nombreux

conclure de

avec d'autres Etats,

traités

Par contre, validité de

liance

la

Russie a bien essayé

l'Alliance

anglo-japonaise

intérêts.

La France

lorsque

la

battit

contre

deux poursuivait indépendamment ses Asie,

la

France en

Afrique.

ses

1904,

L'union

Japon.

le

fut

donc pas

en dehors des frontières européennes, en

d'étendre la

menaçait plus que jamais

des deux Grandes Puissances ne

sie

de

jusqu'en Asie orientale, où l'Al-

s'y refusa et resta neutre en

Russie se

et

Mandchourie.

laisser son Alliée aller seule en

utilisée

où chacune des intérêts

la

:

En un

Rus-

mot,

la

Double-Alliance n'avait ni l'autorité, ni les vastes aspirations de

Algésiras

Triple-Alliance,

la et

en

moins toujours

Orient,

sinon

que nous avons vue à toujours

unie. Si les Etats de la

unanime,

du

Triple-Alliance

avaient pu, au cours de trois décades, réaliser

tour à

tour d'importants effets politiques, en raison de la force

de leur Alliance, ter

la

Russie

et la

France ne durent comp-

que sur elles-mêmes pour poursuivie leurs aspirations

extra-européennes, et durent lutter pour leur

dépendamment féraient

une

l'une de l'autre.

notable

infériorité

cause in-

Ces circonstances con-

à

l'Alliance,

augmen-


— taient le sentiment de

110

responsabilité individuelle,

constituaient aussi une

mais

preuve du caractère purement

défensif, et, si l'on peut dire, local, de la Double-Alliance.

Sa conclusion tomba

un moment, où

juste à

la

France, après une courte trêve coloniale, porta de nou-

veau ses regards au-delà des mers, à la poursuite de buts auxquels s'opposait toujours l'Angleterre. En 1893

une canonnière anglaise

fut

même

envoyée dans

le golfe

de Siam, parce qu'à la suite d'une querelle de frontières, entre

les

Français établis en

Siam, conseillé par l'Angleterre, des

Annam

et le roi

hostilités

France

d'éclater en Indo-Chine. L'opinion populaire en fut,

à

de

menaçaient

cette époque, fortement excitée contre l'Angleterre.

Pendant ces jours d'énervement, une escadre russe et ses officiers de marine à Paris le Président de la République et le Tsar échan gèrent des télégrammes cordiaux — compléments de vint en visite à Toulon, ;

franco-russe.

l'Alliance «

Times

Un

ancien

correspondant

raconte que l'enthousiasme était

»

la capitale,

que pendant plusieurs jours,

les

si

Anglais n'osè-

rent presque plus se montrer dans les rues de Paris.

France

jubilait de sa fraternisation

avec

quels les Anglais préparaient, en Asie, les

qu'aux Français

:

l'Angleterre

était

du

grand dans

les

La

Russes, aux

mêmes

l'ennemi

misères

commun.

L'Alliance disposait donc, pour faire face à cet antagoniste,

non de moyens matériels, mais d'une

assis-

tance morale réciproque, qui fut tout spécialement avan-

tageuse aux Français, et se

fit

bientôt sentir

dans

négociations en suspens entre Paris et Londres.

les


— L'Angleterre lance

de

-

Ul

trouvait

se

européen,

l'équilibre

observant la ba- L'Entente

isolée,

ne

et

avoir

paraissait

Cela

d'autres prétentions que de contrôler cet appareil.

répondait du reste, aux traditions du royaume insulaire

n'avions-nous pas beth le

et

chez son

le

pour

intérêt

vif

;

reine Elisa-

continent ?

lion britannique n'avait pas d'amis, des rivaux

seulement. Séparé du

mer que dominait

de

Henri vin, un

père

jeu des forces sur

Le

rencontré chez la

déjà

par un bras

continent européen

puissante

sa

le

flotte,

Royaume

d'Angleterre n'avait besoin ni de frères d'armes ni d'es-

dans

corte, et

les colonies,

où aucune

péenne ne se sentait encore bien à déjà chez

pher

lui.

Puissance euro-

l'aise,

l'Anglais était

Ses vaisseaux de guerre faisaient triom-

la volonté

du Gouvernement de Londres, en

de-

hors de toute participation étrangère. Mais, des et

comme

différends

en Afrique,

l'antagonisme

surgirent la

mélancolie

à se manifester au

avec

la

avec

bord de

France avaient

pris

russe la

Tamise.

commença

Les

un caractère

Asie

en

de l'isolement la

que

persistait,

France

relations

aigu,

parce

qu'après la grave crise intérieure qu'avaient provoquée le

dangereux général Boulanger

vinistes,

la politique française

et

ses acolytes chau-

cherchait

une diversion

sur les continents étrangers. Ce fut un calcul intelligent de la part de la majorité de l'idée de revanche

républicaine,

se remit

de détourner l'attention

de

lorsque

le

feu

tout à coup à flamber,

l'opinion

publique,

en

lui

donnant de nouveaux problèmes coloniaux à méditer. Mais ici, les Français se heurtèrent naturellement à

cordiale


— l'Angleterre

il

;

rapports de

112

en résulta de nombreux

conflits,

et les

beaucoup à en

deux peuples eurent

ces

souffrir.

De

du canal, on éprouva en

l'autre côté

moralement

matériellement,

et

Les Anglais avaient particulièrement à cœur de la France

par

la

façon

africaines au

;

dont

ils

Soudan

avaient

temps, la situation devint Dufferin, alors

ambassadeur à le

en

Avec

Egypte.

le

insupportable, que Lord

si

Paris,

clusion de la Double-Alliance,

présenta un jour chez

méfiance

questions

les

traité

surtout

et

la

de cette haine, récoltée

souffraient

ils

définitive,

ces diverses animosités.

peu après en

c'est-à-dire

la con-

1894,

se

ministre français des affaires

étrangères, Gabriel Hanotaux, et lui proposa

de régler

définitivement in globo, toutes les questions en suspens entre l'Angleterre et la France. Cette idée de briser avec

audace

et

d'un seul coup, toutes les pointes des lances

braquées les unes contre les autres,

du Gouvernement français, s'aperçut bientôt que, sacrifice était plus

Le

le

dans

faible

les

que

deux

le

qui ne fut jamais

des deux ministères.

ne

de

fut

mais on

;

l'esprit

partis,

désir

projet d'entente élaboré par les

connu —

rencontra auprès

meilleur accueil

commissaires accepté

L'heure n'était pas

de

conciliation.

et

par aucun

encore

de nouer les liens de l'amitié anglo -française,

il

venue fallait

auparavant écarter maint obstacle.

De du

Nil.

nouvelles rivalités surgirent au sujet du bassin

La

victoire des Japonais

sur la Chine,

exigences que ce peuple asiatique en

ment y

rattachait,

détermina

même

et

les

plein épanouisse-

les

Gouvernements


— de

Double-Entente,

la

allemand, à créer un

concert avec

de

contre-courant.

toute nouvelle combinaison

éphémère,

qui

113

s'opposa à

de

le

chancelier

C'était

donc une sans

Puissances,

doute

Simonosaki, et

paix de

la

à une partie du prix de Tout ceci se passa sans l'Angleterre, contre l'Angleterre; pendant ce temps chaque Puissance écoutait simplement les insinuations dictées par ses propres intérêts, examinées avec le plus grand soin. Entre 1890 et 1900, nous ne trouvons, chez les membres actuels de la força les Japonais à renoncer leur victoire.

Triple-Entente, rien qui puisse faire soupçonner la pré-

de

trace

cet esprit spéculatif, qui

intérêts secondaires,

certains

pas la moindre

systématique d'une coalition,

paration

ferme

les

même

triomphe

pour créer un rempart

nations historiques,

yeux sur des

incli-

de

artificiel

solidarité politique.

Cependant, la France s'entendre

et l'Angteterre cherchaient

mais sans négliger

;

un

inhérentes à

tel

accord.

nements, qui, depuis

le

Il

les

à

hypothèses naturelles

y avait

deux Gouver-

ministère Hanotaux, cherchaient

continuellement à apaiser les conflits naissants, et deux

peuples qui n'imposaient aucun frein

ou sympathisaient, selon

à leurs querelles

les circonstances, et les caprices

de l'opinion publique.

A

peine la question du Nil fut-elle réglée par

cabinets de Paris

et

de

boudèrent à propos de Anglais pour çais, s'en

Londres, l'affaire

Dreyfus

les adversaires fanatiques

donnait à cœur

infatigables

que

signaient

joie.

l'accord

En

peuples

les ;

de

1898,

du Niger,

le

les

se

mépris des

l'officier fran-

les ministres et

croyaient


-

114

avoir posé la pierre fondamentale du futur accord nitif...

quelques mois plus tard déjà,

guerre à Londres et à Paris. Fachoda

perdue du Soudan

défi-

on prévoyait

Dans

!

la

cette ville

une expédition française,

était arrivée

sous la conduite du capitaine Marchand, le

et y avait planté drapeau tricolore en signe de prise de possession.

L'audacieux

officier

avait

Herbert Kitchener, qui reconquérir

le

sans se

agi

était

Soudan au

En France

rencontraient

et

possession de la

peau

français....

et

une

si

Si

rem-

en Angleterre on se demanda

arriverait,

ces deux

si

querelle

hommes

se

pour

la

s'allumait

sur laquelle

ville,

et qui

victoire

adversaires afri-

portée sur les dernières forces de ses cains.

point de

le

profit de l'Angleterre,

venait de mettre fin à sa tâche, par une

avec terreur ce qui

de Sir

soucier

précisément sur

flottait

déjà

dra-

le

aucun de ces deux conquérants ne

cédait, s'ils allaient tirer l'épée

pour

l'Afrique et combattre

la

sur le ville

de

sol

lointain

Fachoda

troupes anglaises contre des troupes françaises

!

;

de des

L'éclair

venu du ciel lointain d'Afrique avait suffi déjà des nuages noirs, précurseurs d'un orage, s'amoncelaient sur les deux Grands Etats. L'honneur du drapeau, la ténacité de deux officiers, les intentions coloniales des Gou;

vernements....

autant

d'éléments

purement formels, presque haute portée pratique

et

capables

fortuits,

politique

éléments

et

éléments

de déchaîner la

d'une

guerre.

Cependant lier

Sans s'humiKitchener prirent un

la catastrophe fut évitée.

mutuellement, Marchand

arrangement provisoire.

On

et

hissa

le

drapeau anglais à


— côté

du drapeau français,

ments de Londres

et

115

on laissa aux Gouverne-

et

de Paris,

le

soin de régler défini-

Après une sorte d'ultimatum qui France de l'autre côté du canal, le

tivement la question. fut expédié

à

la

Gouvernement de la République française baissa pavillon. Marchand rentra dans son pays avec le drapeau tricolore. La France avait cédé la place à l'Angleterre, au Soudan. Il

vaut la peine

rapidement quelle fut

d'établir

conduite de la Russie vis-à-vis de son Alliée,

la

en cette

heure de danger. L'Empire du Tsar aurait bien pu souFrance, la

tenir la

sans

réserve à son

France une

«

dans

confirmer

monde

l'Angleterre, jurer devant le Alliée,

et

son

opposition

entier

réaliser

une

avec

ainsi

volonté de la Double- Alliance

»,

à

fidélité

que ce

la soit

pacifiquement ou par la force des armes. L'Angleterre,

dans

le

alors

une raison de garder à sa future

d'un

cas

échec moral ou militaire,

cune qui conduit de nouveau à

nement russe

agit autrement.

la guerre.

Un mois

du capitaine Marchand à Fachoda, le

monde

le

aurait eu

Alliée, cette ran-

10

Le Gouver-

après l'arrivée juillet,

lorsque

au heurt de deux colonnes de deux Grandes Puissances, le ministre

entier s'attendait

d'expédition et

russe des affaires

étrangères

étrangers accrédités auprès

remit aux

représentants

de son Gouvernement,

l'in-

du Tsar à la première conférence de la paix à La Haye. Ce document, qui propose aux Puissances « de chercher dans une discussion internationale les vitation

moyens

les

les bienfaits

plus efficaces d'assurer à tous

les

peuples

d'une paix réelle et durable, et avant tout


— de

mettre

au développement toujours croissant des où le Tsar prévoit encore que « cette

fin

armements

116

»

situation, si elle devait durer, conduirait nécessairement

à ce cataclysme qu'on cherche à

éviter,

et

devant les

horreurs duquel toute pensée humaine tremble d'avance.

»

Ce document, bien qu'il fût accueilli partout avec un scepticisme significatif, n'était guère fait pour encourager à la guerre, l'Allié français

son adversaire.

et

Gouvernement russe ne s'en tint pas à cette indication bien plus, il envoya à Paris son ministre Mais

le

;

des affaires étrangères,

le

comte Mouravieff, qui aurait

péremptoirement à Monsieur Delcassé,

déclaré

devait pas compter sur l'appui de

Russie,

la

qu'il si

ne

l'atti-

tude de la France venait à menacer la paix \

Par conséquent, époque,

Double-Alliance

la

complètement

dépourvue

du

à

était,

caractère

cette

d'une

«conjuration», d'une combinaison qui, en raison de la puissance qui

lui est inhérente,

à réaliser sa

cherche

volonté. L'un des Alliés intervient pourtant, mais pour

détourner l'autre du sentier de la guerre,

à une solution pacifique du politique »,

sans doute

conflit.

et le

Au

le conflit

déterminer

point de vue

«

de Fachoda ne se

termina pas à la gloire de la France.

Au liance,

la

Double- Al-

en cherchant à concilier pacifiquement

les diverses

lieu

de

«

manifester sa force

»,

oppositions entre Pétersbourg, Paris et Londres, la

posait

base d'un accord sans cohésion, mais durable. Del-

cassé travailla dans 1

Sir

Thomas

le

même

sens, avant

et

Barclay: L'entente cordiale, p. 149.

pendant


la

guerre des Boers.

Il

117

ne se sentait nullement engagé

à conformer l'attitude de son Gouvernement aux dispo-

à l'Angleterre, du cabinet de

sitions fortement hostiles

Pétersbourg.

A

la fin

de 1899,

en Russie pour gagner son

ministre français alla

le

Allié

à un

continu et méthodique avec l'Angleterre.

ami de

ce projet, et lorsqu'à Londres,

raprochement

Il était

un grand

Lord Landsdowne

succéda, aux affaires étrangères, au ministre pessimiste

Lord Salisbury

;

lorsqu'en 1902, l'homme de la politique

de Fachoda disparut

ment,

que

et

le

cabinet Balfour,

même

complètement du Gouverne-

cabinet Salisbury se transforma en un le

chemin vers

l'accord,

du moins entre

l'Angleterre et la France, se trouva définitivement aplani.

Quelques d'autres

publicistes,

des

Chambres

représentations d'intérêts,

avant tout

les partisans

commerce,

et

des intellectuels,

et

de

du pacifisme

et de

avec M. d'Estournelles de Constant à leur

l'arbitrage,

enfin des

tête,

municipalités importantes et de nombreuses associations

y avait même des confréries religieuses, puis encore des comités organisés

de tous genres, parmi lesquelles de propagande influents

,

et enfin

les

il

hommes

d'Etats

les

plus

tous travaillaient, des deux côtés du canal,

à une union des deux Etats. La concorde devait désor-

mais servir et

les

intérêts

de

la

prospérité

économique des peuples britanniques Ainsi donc s'accomplit, il faut bien

intellectuelle

et français. le

dire,

V influence d'un mouvement intellectuel avancé, ciliation

sous

la récon-

de deux Etats, qui s'étaient mutuellement me-

nacés pendant près de deux

siècles

en raison de

l'in-

compatibilité de caractère des peuples et de leur politique.


-

118

Le rapprochement ne devait pas dis

être

mais d'une évolution

calcul politique,

d'un

résultat

le

Et tan-

pacifiste.

qu'on cherchait la formule de ce rapprochement,

Roi Edouard vu en 1903, des

et

visites,

le

Président Loubet échangèrent,

dont

succès ne permettait plus

le

La

de douter de la disposition d'esprit des deux pays.

même

année,

visite

de

pour le

la

Lord

d'une

l'occasion

parlementaires français à Londres, prononça

première

Grande-Bretagne

fois le

et la

mot

d'«

Entente Cordiale

»,

et

traité d'arbitrage entre la

le

France,

le

premier de son espèce

Cet important résultat fut

universelle.

l'histoire

même

d'un traité de

suivi, déjà l'année suivante,

Gouvernement de Londres

entre le

à

Chamberlain,

14 octobre on signa

dans

le

et

teneur

l'Empire allemand.

C'étaient là les premiers fruits de la conférence de

La Haye

:

d'arbitrage

les Etats s'engageaient

permanente à

à soumettre à

Haye,

la

les

la

cour

questions

de

droit constestées et les questions litigieuses, concernant

l'interprétation des traités existants.

gements étaient

très

versaient pas le monde,

car

ils

ces

Certes,

symptomatiques, mais

présumaient

arran-

ne boule-

ils

«

que ces

questions litigieuses ne touchaient pas aux intérêts vi-

ou à l'honneur des Etats condonc toujours possible de faire la

taux, à l'indépendance tractants

guerre

!

>.

Il

était

aujourd'hui encore,

il

est plus facile de

se re-

présenter des litiges qui mettent en jeu l'honneur des Etats intéressés, que ceux qui

lui-même,

le

le laissent intact.

Mais en

principe qui cherchait à généraliser

l'a-

planissement des querelles entre Etats par des moyens pacifiques, n'était pas sans valeur.

Appliqué à des Puis-


sances suivies,

avaient

qui

des

prenait une

il

119

contractuelles

relations

importance

Le

capitale.

très traité

signé entre la France et l'Angleterre, jouit

d'arbitrage

enfin d'une signification

toute

parce

particulière,

qu'il

constitue le point de départ de toute une série de traipareils

tés

vement

analogues,

ou à

fin

parce

et

mit

qu'il

effecti-

haineuse des deux Puis-

la vieille rivalité

sances.

En

l'idée d'amitié continuait

effet,

à germer

et de-

Tandis que deux Gouvernements, dans une note complémentaire, représentaient ouvertement et avec une certaine fierté vait bientôt s'épanouir avec plus d'efficacité.

les

leur traité d'arbitrage

ment

dans

qui,

de ce principe,

les

pour régler

cées,

comme

d'un mouve-

résultat

s'était affirmé

déjà les négociations étaient

en suspens.

les litiges

que, neuf ans plus

le

deux pays,

On

en faveur

commen-

entreprit, ce

Lord Dufferin, de concert avec

tôt,

le

ministre français Hanotaux, avait vainement tenté. Cette fois

avec tout

Le 8

succès désirable.

avril 1904, « l'Entente > fut signée. L'Angle-

terre et la traité et

le

France s'étaient entendues au moyen d'un

de

deux déclarations

problèmes en

suspens

;

sur

au

sujet

de

tous

Terre-Neuve

et

l'Afrique

'

les

occidentale, sur les sphères d'influence au Siam, et sur les

questions d'économie financière à Madagascar, ainsi

que sur

la juridiction des

Nouvelles-Hébrides. Bien plus

importantes que ces arrangements, furent les concessions

que

se firent

les

deux Puissances

en

Egypte

et

au

Maroc. La France abandonna définitivement aux Anglais 1

Texte chez Fleischmann,

loc.

cit.,

p.

343

et suiy.


— le

pays du

120

Nil, tant convoité,

et ceux-ci

en

laissèrent

Maroc à la France. Ce fut un simple partage aucun des deux collègues de l'Entente, ne devait gêner l'autre dans le domaine qui lui avait été assigné pour le développement de sa politique. « La convention ressemblait à un traité de paix, dit Sir Thomas Barclay à un traité de paix que les Puissances intéressées auraient pu conclure à la suite d'une compensation

le

;

guerre coûteuse mais sans résultat blait bien

la

à un

traité

Grande-Bretagne

sances et l'Allemagne

».

L'accord ressem-

de paix, mais entre la France et

non pas entre ces deux Puis-

et

!

L'Empire allemand

fut avisé officiellement des dis-

positions concernant l'Egypte

mais ce Gouvernement

;

voulut en principe, ignorer des arrangements qui avaient été pris

à

au

sujet de questions si importantes et touchant

mondiale, sans que l'Empire allemand eût

la politique

été consulté.

En

outre, l'Entente n'avait pas soufflé

du Maroc au Gouvernement allemand celui-ci

chemin de

la

politique

mondiale,

silence et attendit.... jusqu'à ripostes, qui

pourquoi le

nouvel

L'Allemagne, qui sous Bûlow, cherchait

état de choses. le

c'est

;

ne se crut pas obligé de reconnaître

mot

ce

commencèrent avec

garda d'abord se

qu'elle le

le

décidât aux

voyage de l'Empe-

reur à Tanger.

allemand, qui par la

Cette résistance de l'Empire suite, devait se et

manifester encore

marquer chaque

fois

une

crise

à plusieurs reprises dans

l'histoire

mo-

derne, était fondée sur des raisons de principe plus

profondes

que

le

seul

intérêt

porté

par l'Allemagne


aux

Peu auparavant, le chanau Reichstag, que Allemands ne pouvaient souffrir que quelque Puisvon

sance dire

du

destinées

celier les

-

121

:

ajouta

Que

t-il,

mais

gère,

faire? le

étranger,

Jupiter

monde

est partagé.

»

vînt

Allemands ne se

les

Puissance

nous l'avons

«

:

L'Allemagne,

laisseraient pas

pas

laisseraient

Rester

évincer

à

inactif,

souvent autrefois,

fait

innée, soit parce que

soit

par modestie

nous étions trop absorbés par nos

gâteau, nous ne

le

pas.

Nous ne

le

pouvons

pouvons pas, pour

le

;

et

ne

le

la

damental, dont

les

que

par-

le

les obstacles

scène de la politique mondiale;

programme du chancelier

là le

voulons

»

L'Allemagne cherchait à franchir tous pour accéder à

rêver en

la simple raison

nous avons maintenant des intérêts dans toutes

du monde.

une

comme

pendant que d'autres gens se parta-

restant à l'écart,

gent

marcher par,

l'écart,

dissensions intérieures, ou par doctrinarisme

ties

leur

ne voulait offenser aucune Puissance étran-

sur les pieds, ne se autre

déclaré

avait

quelque

étrangère, «

Maroc.

Biilow

c'était

d'alors, le principe fon-

prince de Biilow fait ressortir, encore

aujourd'hui dans son récent ouvrage, toute l'importance.

Mais l'Entente contrariait ce dessein — avec moins de ménagements que jamais. Ainsi prit naissance l'opposition

aiguë et nette qui,

surannée au

accentuée

lieu d'être aplanie

provoqua lentement

la

dation de l'Entente

commença

par une politique

par un esprit progressif,

guerre

actuelle. la

Avec

la

fon-

véritable épreuve de

la force.

L'Entente Cordiale

éveillait

moralement

et

maté-


-

122

riellement, les susceptibilités de l'Empire allemand, qui

se sentait mis à l'écart et peut-être

même

dehors du banal accord colonial, qui à déjà

atteinte

à l'amour-propre

et

inté-

clauses

se-

dont la teneur fut aussi communiquée à la Rus-

crètes,

à l'Espagne, en dehors des intéressés. Mais

hommes ce

portait

à d'importants

rêts de l'Allemagne, le traité contenait des

sie et

En

menacé.

lui seul,

que

d'Etat de

Berlin apprendraient bien

dans pas moins de quatre

l'on cachait si bien

ministères européens

;

les

un jour

ne connaissaient pas

et s'ils

teneur des clauses secrètes,

la

ne doutaient cependant

ils

pas de leur existence. Deux ans après, Sir Edouard Grey

a répandu quelque lumière sur cord, lorsqu'il déclara à la

son

prédécesseur

France,

qui,

amener

une

Chambre des communes, que une

fait

'^vait

certaines

ttjiis

la partie secrète de l'ac-

convention

conditions,

diplomatique.

intervention

avec

la

bien

pourrait Ainsi,

l'on

pouvait craindre encore que l'Entente fût dirigée contre l'Allemagne,

qu'en

présidant

Edouard vu eût franchi

à

sa fondation,

la première étape de

tique d'encerclement. C'était bien

que

ce

le

roi

sa poli-

lui

repro-

chaient les Puissances Centrales.

Par contre, trancher

les Etats de l'Entente

derrière

le

légitime

et

pouvaient se

double

avaient à un règlement définitif de leurs tiges

;

il

était plus difficile

intérêt

qu'ils

dangereux

sans doute d'avouer

re-

li-

qu'on

avait intentionnellement tenu l'Allemagne à distance de

l'arrangement.

Mais

la

forme lâche de leur

union,

et

avant tout son caractère purement diplomatique, devaient protéger la France et l'Angleterre contre

le

soupçon de


-

-

123

L'Entente Cordiale n'était ni une

tendances agressives.

Alliance offensive, ni une Alliance défensive, elle n'était

même

pas une Alliance.

absolue. Pour

dans

pas inhérente à l'Entente Cordiale britannique a

les traditions

de

d'action

malheur de quelques revanchards franréciproque en cas de guerre, n'était

le

l'assistance

çais,

est

Il

de conserver une liberté

la politique anglaise

fait

qu'il n'avait point

Le Gouvernement

*.

clairement comprendre, par la suite,

engagé son armée

;

ainsi les

Empires

centraux purent espérer en la neutralité de l'Angleterre, jusqu'à la dernière heure qui précéda

de

la

guerre

douter de

la

mondiale,

tandis

déchaînement

le

ne

qu'ils

pouvaient

de la France aux côtés de

participation

la Russie.

D'après leur origine historique, leur ridique et politique, la Triple-Alliance,

ance

férente

moderne,

aussi fut

ju-

Double-Alli-

sont trois manifestations de

et l'Entente cordiale,

l'histoire

caractère

la

très différentes l'une de l'autre. Dif-

leur

influence

sur

la

tournure

événements, différent aussi leur poids lors de la

des rup-

ture de la paix. *

*

De même que

les

*

anciens

et

toujours

nouveaux La

problèmes de la politique coloniale anglaise et française, ne furent pas réglés par une sances, mais par une

que menaçait de tre

faire éclater

les intérêts anglais

lutte entre les

convention

conflit

deux Puisla

guerre

permanent en-

russes en Orient, fut évitée.

et

1 Comp. W. Hilnerwadel gen des europaischen Krieges.

un

pacifique,

:

Die geschichtlichen Vorbedingun-

Triple-

Entente,


_

124

-

Par la voie d'un rapprochement diplomatique, les trois anciens adversaires préparaient la Triple-Entenle. Si l'union de la Russie et de la France fut le résultat presque si

automatique des exigences de

d'autre part les Français,

l'équilibre,

conformément aux tendances

pacifiques des peuples intéressés, et pour se fortifier contre

l'Allemagne, s'étaient entendus à l'amiable avec l'Angleterre,

il

était

beaucoup plus

entre la Russie et d'œil rétrospectif

nous

le

un accord

d'établir

difficile

Grande-Bretagne.

la

Un

bref coup

prouvera.

Depuis l'époque de

Pierre

Grand,

le

Russie

la

un débouché vers la mer libre. En effet les Russes n'avaient que faire des ports de la mer Blanche et de la mer Glaciale Arctique, le débouché devait être situé sur une poursuivait un but prédominant

côte libre de glaces.

de la

mer Noire à

Mais

ils

Avant

tout,

obtenir

:

Us voulaient

la Méditerranée

:

le

passage

les Dardanelles.

en furent chassés par l'Angleterre

et

la

France, lors de la guerre de Crimée. Lorsque plus tard

en 1878,

ils

entreprirent

un nouvel

essai et qu'ils avaient

déjà vaincu les Turcs, l'Angleterre leur barra

de nou-

la route et empêcha leur entrée à Constantinople, Le congrès de Berlin de la même année, révisa d'une façon très radicale le traité de paix de San Stefano, conclu par la Russie victorieuse en tête à tête avec la Turquie; il mit

veau

au rêve russe de navigation dans les Dardanelles et réduisit aussi l'influence du Gouvernement de Pétersbourg

fin

dans glais,

les

Balkans. Ceci eut lieu encore selon

mais l'Allemagne

leur concours actif,

et

l'

le

leitmotiv an-

Autriche-Hongrie

prêtèrent


La Russie dut chercher l'Afghanistan,

les

Indes

125

d'autres

voies.

étaient les

tels

La

Perse,

pays vers

de se diriger entre 1890 et 1900. Mais partout l'Angleterre se mettait en travers, et défendait opiniâtrement la frontière en forme de coin, encastrée dans le continent, de l'Empire des Indes. Cet essai n'apporta aux Russes que la conquête du plateau du Pamir, au delà des sources des fleuves indiens. Us lesquels

elle

tenta

étaient encore loin de l'Océan.

Mais la Russie avait d'autres portes de sortie aux frontières de son Empire géant. En traversant le Thibet, ses Cosaques tentèrent d'atteindre les Indes par

1904 à l'expédition andu Thibet, qui leur barra la route. C'était à l'époque où l'on signait l'Entente cordiale Et ailleurs, un peu plus à l'est, la poussée de la Russie vers la l'Est. Ils se

heurtèrent en

glaise

!

mer

libre

hâta la maturité d'un grave conflit avec

le

Japon.

Après avoir

été chassée de

partout, la

Russie en

longeant la Mandchourie était parvenue, par

le territoire

de l'Amour, à l'Océan pacifique, où

elle

acquit de la Chine

tout le territoire côtier à l'Est de l'Ussuri.

Mais

le

pbrt

de Vladivostok gelait en hiver et ne répondait pas aux besoins de l'économie nationale russe.

En

outre, le Ja-

pon, après une guerre heureuse contre la Chine, avait pris

Port-Arthur

nante

:

or, la

et

la

Russie

presqu'île

avec

l'aide

de Liaotung y attede la France et de

l'Allemagne, put réduire à néant cette emprise. Le Gou-

vernement de Pétersbourg s'affirmer plus

profita de l'occasion pour énergiquement encore en Chine. En re-


— connaissance

du Japon, vers

la

126

du service

rendu en

lui fut

le droit

Mandchourie

— 1896 au détriment

accordé de construire à tra-

chemin

un

de

fer

partant de

Port-Arthur, de le faire surveiller par ses propres troupes, et bientôt après, le bail

Gouvernement chinois céda à de Port-Arthur.

à la Russie, la

ville

La Russie

donc établie sur

était

mer Jaune

la

(li-

bre de glaces); le chemin de fer transsibérien et les concessions en Mandchourie lui assuraient, bien qu'à

grande distance, puisqu'il fallait traverser tout un continent, une communication avec l'Empire européen du Tsar. A peine ce résultat fut-il atteint, au prix de mille

que l'Angleterre accourut. Pour surveiller l'activité de la Russie dans la mer Jaune, les Anglais s'établirent en face de Port-Arthur, à Wei-hai-wei. Ce qui n'empêcha d'ailleurs pas la Russie, pour efforts,

l'instant

satisfaite

de sa politique,

de

préciser

avec

une audace croissante, sa situation et son influence en territoire chinois. Elle ne fit ainsi qu'aggraver la rivade l'Angleterre, et provoqua nettement l'hostilité du Le Gouvernement de Tokio ne tenait pas, Japon.

lité

et cela se conçoit

aisément, au voisinage par trop rap-

proché des Russes sur les côtes chinoises

lement en Corée. Dans ces

circonstances,

plus logique que l'Alliance du Japon

qui fut conclue en 1902.

Il

et

principa-

rien

n'était

avec l'Angleterre,

s'ensuivit

inévitablement:

la guerre russo-japonaise. Cette fois la Russie ne se heurta plus à la résistance de l'Angleterre mais à celle de son Allié asiatique. La lutte eut lieu en 1904-05

sur

le

territoire

d'une tierce Puissance, dans la Mand-


-

La Russie

chourie chinoise.

Jaune

Mandchourie,

et de

-

127

fut battue, chassée de la

mer

son libre débouché

et perdit

vers l'Océan.

La forces

politique anglaise avait collaboré de toutes

à

des

catastrophe finale

cette

de

tentatives

ses la

Russie en Asie orientale, qui coïncida justement avec la lune de

miel

de

Comme

l'Entente Cordiale.

haine- mutuelle n'avait pas

suffi,

il

fallait

si

la

encore qu'un

grave incident vînt augmenter l'amertume des relations de la Russie avec l'ami de son Allié. C'était la fameuse affaire

du Doggerbank

bâtiments japonais,

croyant avoir en face d'elle des

:

la

flotte

de l'amiral Rodjestvensky

coula plusieurs bateaux de pêche anglais. blessa profondément le

L'incident

comble

n'amena pourtant

soumis, selon la

point d'honneur de

son

anglaise, et porta à

Cet

la

la

épisode

marine

du peuple. guerre, mais fut

colère

pas la

principe de la première conférence de

le

Haye, à une

commission d'enquête internationale. Gouvernement français qui contribua le plus à

C'est le

à calmer

cette solution, et vaillait

ainsi

à

l'Entente

entre deux Etats,

les

esprits.

définitive

La France

qu'elle

dont l'un était son

Allié

tra-

souhaitait et

l'autre

son intime ami.

M. Delcassé

dut, sous ce rapport, déployer

une grande

habileté, car, lorsque

son successeur eut à soutenir en

1906, à Algésiras,

rude combat contre l'Allemagne,

le

aux côtés de la France, accord. L'Allemagne attaqua l'arrangement anglo-français au sujet du Maroc, en vertu de Madrid de 1880. Il s'agissait donc à Algési-

l'Angleterre et la Russie étaient

d'un

commun

arbitraire

du

traité


— ras, de

défendre

Londres

et

l'on vit

ici

128

Gouvernements de

des

politique

la

de Paris, contre l'opposition allemande. Et

pour

Russie se donner

première

la

l'Angleterre

fois,

main dans une

la

et

la

affaire extra-euro-

péenne. Cela donnait à penser.

La Russie — sans grand enthousiasme,

avait

abandonné

l'Asie

est vrai

il

même

l'année

orientale

la conférence d^Algésiras, et reparut sur la scène

politique générale

européenne, pour régler, de concert

une question qui en face Triple-Alliance, constituait surtout une épreuve de

avec la France de la

de

de la

et l'Angleterre,

force et de prestige diplomatique. C'était, après d'amères désillusions, sie

une nouvelle tâche qu'assignaient à

la

Rus-

vis-à-vis de la France, ses devoirs d'Allié.

Puisque leurs vœux étaient comblés en ExtrêmeOrient, les Anglais ne pouvaient voir que d'un le

retour de la Russie

politique européenne. le

vaincue, au

Peu à peu

nomique

La et

militaire

de

allemand paraissait

austro-hongroise,

si

nettement

côté de la Turquie, que l'Angleterre

plus dominer la situation en Orient.

Russie reprît son

élevât,

avec

le

développement éco-

le

l'Empire

dangereux, sa force d'expansion, unie à

Monarchie

le

haute

l'Entente avait éprouvé

prépondérance diplomatique de la Triple-

Alliance augmentait à ce point,

la

bon œil

la

besoin absolu d'une nouvelle force auxiliaire sur

continent.

si

foyer de

activité

dans

l'aide des autres Slaves,

seule Il

les

celle

de

dirigée

ne

fallait

la'

du

pouvait

donc que

Balkans,

et

y

un rempart contre

développement des Germains. Afin de pouvoir inaugurer cette politique

d'oppo-


— dans

sition

avant tout tendissent

il

:

sur

un accord

hypothèse

Asie,

les

conflits

en

partagée

Nord,

fut

en

sphères

Sud échut aux Anglais. En rent séparées toire neutre.

lorsque

1907, qui

traité

outre,

celle

deux zones

les

du du

celle

par une bande de

l'une de l'autre

en

particulier, ;

que

tandis

fu-

terri-

Les Anglais réussirent ainsi à tenir

Russes éloignés de l'Empire des Indes donc définitivement barrées toutes

le

;

les

Tsar trouva

routes qui

les

moyen de

duisent à l'Océan Indien. Par contre, au

;

les

réglait,

d'intérêts

aux Russes,

attribuée

asiatique

en Europe.

La Perse en

surannés.

deux

Russie s'en-

et la

possible

serait

se réalisa

nécessaire

était

continent

le

Puissances conclurent un

deux fut

chose

que l'Angleterre

fallait

définitivement

alors seulement

Cette

une

Balkans,

les

129

concette

convention, la Russie fut repoussée plus à l'Ouest, dans le

voisinage immédiat de l'Arménie, non loin des Dar-

danelles, qui

communiquent avec

Cet accord

relatif

rapprochement, dont passait de

beaucoup

à

la

la Méditerranée.

Perse forme la base d'un

haute signification morale, dé-

la

du partage.

l'action matérielle

Certains auteurs croient qu'à la

même

époque un

accord fut conclu entre les deux Puissances, accord qui

homme malade du Bosphore

avait trait au sort de

l'«

A

rattache aussitôt

hypothèse se

cette

savoir

si

l'Angleterre

résistance systématique

à

de

réellement abandonné

sa

la prise

du

de possession éven-

tuelle,

par les

été,

cas échéant, la formule de cette concession inat-

le

tendue ?

Russes,

avait

».

question

la

dit

détroit ?

Quelle aurait


Qu'il se soit opéré

-

130

une transformation dans la podémontré par le mou-

litique anglaise, cela paraît déjà

vement de

Russie de l'Est

la

à l'Ouest. Les Anglais

savaient bien que la Russie, de quelque côté qu'elle se déployât, chercherait toujours libre.

Evidemment

les

un débouché vers

mer

la

Anglais préféraient que les allées

venues des vaisseaux de guerre russes aient

lieu dans que dans l'Océan Indien ou dans l'Océan Pacifique. L'on peut du reste conclure de l'ultéet

la Méditerranée, plutôt

Dardanelles en 1914-15, que du moins résignés à rencontrer

rieure expédition des

Anglais s'étaient

Russes dans

le détroit

qui sépare

le

que tentés de

le croire,

naval

anglais,

attaché

Nous

datait-elle

serions pres-

car plusieurs années après,

au

d'un

cours

la question des Dardanelles,

les

continent européen

du continent asiatique. Cette condescendance de l'époque de l'accord anglo-russe?

les

entretien

un sur

nous a déclaré nettement

:

Grande-Bretagne ne s'opposait pas à une solution

que

la

qui

devait

déclaration

compris

normalement éveilla

l'impression

l'inutilité d'une,

naturelle de toutes

intervenir

les

tôt

ou

tard.

Cette

que l'Angleterre avait

perpétuelle opposition à la plus

prétentions russes,

et

s'y

était

résignée.

Si cette supposition est juste

ments de

la guerre présente

comme

semblent

le

les événe-

démontrer

morale du Après une entente complète

la signification de principe et la signification traité de

sur

1907

est

claire.

la question des Dardanelles,

vait éclaircie de telle sorte

à

la coopération des

la situation

se

trou-

que rien ne s'opposait plus

deux Grandes Puissances en Eu-

rope, et à l'union politique qu'elle nécessitait.


Celle-ci

Monarques

s'exprima

bientôt par

de

rencontres

des

manifestations du

autres

et

-

131

même

genre,

de sorte que

le plan principal de la politique européenne un nouvel aspect. Le groupement des Grandes Puissances européennes était terminé: à la Triple- Alliance offrit

s'opposait une

Triple-Entente

«

On

».

a

dit

de la posi-

tion de la Russie vis-à-vis de l'Angleterre, qu'elle signi-

tion

modification

la

«

fiait

plus importante de

la

européenne depuis Bismarck

taux

écrivit

daire

»

«

:

dans

en juin 1903,

Toutes

les

>

1

la

la situa-

Et Gabriel Hano-

.

«

Revue hebdoma-

Puissances périphériques à l'Em-

Germanique se prennent par la main elles esquissent en rond un pas inédit, une figure imprévue, pire

«

:

l'encerclement

».

H. Bâchtold a une impression également juste de d'ensemble

l'aspect «

que

présente

Les accords anglo-français

collectivement une importante

et

retraite

1907

en

l'Europe

anglo-russes

:

signifient

des Français

et

des Russes hors de leurs vastes lignes d'expansion, qui

embrassaient à orientale,

l'Ouest,

l'Est,

d'immenses

en

Afrique

territoires,

orientale

où se trouvent des champs d'action plus rap-

prochés de la mère patrie, et en partie aussi ciens politiquement. Chassée de la

;

critiques de la politique » 1

Hunerwadel

ropâischen Krieges, 2

:

la

an-

Russie

repoussée du Nil

mer Rouge, la France se jette sur Les Balkans et le Maroc deviennent ainsi de la

plus

mer Jaune,

tourne ses regards vers les Balkans et

en Asie

et

pour se rapprocher de

le

Maroc.

les

points

2 .

Die geschichllichen Vorbedingungen des eup. 65.

Die geschichtlichen Grundlagen des Weltkrieges,

p. 30.


-

En

d'autres termes

132

de la

les adversaires

:

Triple-

Alliance se réunissent sur le continent européen.

Dans

du monde on a éteint avec soin la moindre flammèche, tandis qu'un grand feu se prépare sur la vieille Europe. les autres parties

* *

Le :ontr *;P.01

Allian

Dès à présent, coalitions est litiques.

*

la proportion

des

Rappelons

des deux

forces

au premier plan de tous

intérêts

les

la force guerrière de la

po-

Triple-Alli-

ance, qui s'est accrue jusqu'à l'arrangement militaire de

l'Allemagne avec

l'Italie.

Jusqu'à quel point la force

militaire de l'Entente a-t-elle prospéré ?

La France chercha en vain à

obtenir de

l'Angle-

terre l'assurance formelle d'une assistance par les armes, et les

Français ne purent jamais se consoler de cette

ombre au tableau de leurs relations avec l'Angleterre. Mais le Gouvernement britannique n'a pas cessé de souligner toujours

expressément, que

aucune obligation les autres nations.

l'Angleterre

militaire envers la

De

France ni envers

telles déclarations, qui

rent dans l'opinion publique de la

n'avait

provoquè-

France des

désillu-

sions qu'elle ne cherchait pas à dissimuler, furent faites

à

la fin de l'année

de

crise,

1911, par M. Asquith et Sir

Edward Grey, renouvelées en 1913 par conseil des ministres anglais, et furent

à

la

mémoire des Français

le

11 juin

Edward Grey à

le

Président du

même

rappelées

1914.

«Il n'e-

chambre des communes — dans le cas d'une guerre entre Grandes Puissances européennes, aucunes conventions non pu-

xiste

disait alors Sir

bliées qui puissent influencer

la

ou empêcher

la libre dé-


-

133

cision du Gouvernement ou du Parlement, relative à la question de savoir

si

Grande-Bretagne doit ou non

la

prendre part à la guerre

».

Cependant des rapports plus intimes blis entre les

vention qui fut

et

blissait

faite,

la con-

sous forme d'un échange de no-

22 et 23 novembre 1912, entre Sir Edward l'Ambassadeur de France à Londres. On y éta-

les

Grey

éta-

deux Etats, depuis que l'Entente Cordiale

complétée en Triple-Entente. L'on connaît

s'élait

tes,

s'étaient

qu'au cours des années précédentes,

majors généraux

et les

à plusieurs reprises

«

états-

les

amirautés des deux pays, avaient

échangé leurs opinions

tout en

»

réservant à chaque Gouvernement la liberté de décider,

suivant

cas,

le

s'il

prêterait à l'autre

ou non, son

tance par les armes. Les entretiens des fessionnels n'avaient engagé en rien les

nements,

et

Par contre,

déclarations de

générale

serait

ensemble attaque

Dans

si

ou

deux Gouvernements là

même

que

pro-

deux Gouver-

teneur

décidèrent

qu'au cas ils

et

des deux

gît la signification

gravement menacée,

la

paix

examineraient

une action combinée pour repousser une maintenir la

conditions

ces

militaires

ne devaient pas engager davantage l'avenir. |les

probablement

c'est

assis-

les

paix,

nécessaire.

paraissait

Gouvernements conféreraient et tiendraient compte

ensemble des mesures à prendre des vues de leurs états-majors.

L'arrangement militaire cun Gouvernement quences. vait

A

Londres,

ouvertement

le

n'était et

était

forcé

donc prêt d'en tirer

;

mais audes

consé-

par suite à Paris, on se réser-

droit de juger l'attitude et la

situ-


-

134

ation du voisin et ami, afin de ne pas se laisser entraî-

commencement de 1914,

qu'au

instances

dernières

du canal,

Paris tenta de faire parvenir de l'autre côté les

News and Leader

Daily

«

»

répondirent que, malgré

sa sympathie pour les Français, permettrait jamais «

Une

Aux

une aventure téméraire.

aveuglément dans

ner

une alliance

anglaise ne

la nation

militaire

maritime.

et

simple allusion à une Alliance de ce genre avec

Russie, soulèverait une tempête qui balaierait un Gouvernement capable de commettre une telle erreur ». Quant à la Russie, on n'avait certes rien convenu du tout avec elle au point de vue militaire. Nous pouvons nous en rapporter au publiciste allemand Theodor la

Schiemann, dans

sujet

que

qui, dès le

la Gazette

le 21 avril 1914,

Paris, des

Grey

et

Russes

début de la guerre, écrivit à ce

de la Croix (Kreuzzeitung) le

roi

Georges v

eurent lieu entre

négociations

«

Lors-

Sir

à

Edward

l'ambassadeur de Russie à Paris, Isvolski. Les proposèrent

transformer l'Entente en

de

Alliance.

En

position,

mais on posa

Edward Grey refusa

vérité, Sir

les

prend en outre,

la conclusion de

que

maritime aurait dû avoir lieu en août avait déjà

cette

convention

mais

la guerre

commencé.

Jusqu'à

la

dernière

heure,

l'union

militaire

sans cohésion au sein de la Triple-Entente, abstraction de la fraternité était

ma-

allemand nous ap-

».

L'historien

une

cette pro-

bases d'une convention

ritime russo-anglaise

terre

:

arrivé

fut

l'Alliance

franco-russe,

si

était

l'on fait

qui répondait à

d'armes germano-austro-hongroise. L'Angleet

resta,

dans

la

Triple-Entente,

l'«

Allié


volontaire

»,

sur lequel on pouvait fonder des espéran-

ou auquel

ces,

-

135

renoncer, suivant l'humeur du

fallait

il

jour. Il

est

chaînement de pouvait était

le

système de l'Entente,

la guerre.

égarer

Il

facilita le dé-

apparaît en tous cas, qu'il

des

calculs

les

degré ce

quel

décider jusqu'à

de

difficile

point faible dans

donc des plus dangereux,

forces européennes et

l'on

combien

sait

;

il

la

diplomatie russe s'est efforcée, pendant les journées qui

précédèrent la

grande guerre,

Gouvernement de Londres attitude indécise.

de faire

comprendre au

tout le danger qu'offrait son

Ces tentatives d'arracher une promesse

ou plutôt encore une déclaration formelle aux Anglais, restèrent vaines. Jusqu'au le

pacte

solidement

commencement de

uni de la

vis-à-vis de son adversaire et

politique,

qui

quement

et (sauf

litaire entre

pris

par ses membres récipro-

en ce qui concerne

Berlin et

tente, lors de la crise de l'annexion,

que

les

convention mi-

comme nous

déjà vu, peu après l'accomplissement

diplomatique fut

la

Rome) aux yeux du monde

Cette supériorité se manifesta,

flit

affirma

une supériorité diplomatique

une conséquence naturelle des

était

engagements militaires

la guerre,

Triple-Alliance,

alors

poussé à

de

la

Triple-En-

en 1908. l'aigu,

entier.

l'avons

Le con-

jusqu'à ce

Puissances de la Triple-Entente eussent compris

que leur cohésion défectueuse

n'était

pas à la hauteur

de l'organisation parfaite de la Triple-Alliance, et qu'il

manquait à leurs

intérêts

cette solidarité

leur adversaire. Cependant par la suite, les

rencontres de Monarques,

d'hommes

qui

unissait

nombreuses

d'Etat, d'intellectuels


— et

136

de représentants des intérêts économiques ne parvinrent

pas à donner aux trois

«

Puissances d'encerclement

constituaient l'amicale mais problématique

base plus

solide.

Ce

pas en

n'est

«

Entente

qui

une

un jour que

pouvait harmoniser trois Puissances, qui, de

l'on

vieille date,

ou parfaitement indépendantes, ou se combatti-

furent,

rent en ennemis

L'Angleterre core

», »,

loin

et la

d'être

à travers Russie libérées

d'un

qu'un passé riche

réciproque,

de

dédale

le

politique.

la

particulièrement,

en-

étaient

sentiment de

méfiance

de luttes avait laissé au

cœur des deux Gouvernements. Le doute planait sur l'opinion publique les hommes politiques de la Triple-Entente avaient peine à se calmer, depuis que l'Entente avait si mal soutenu sa ;

première épreuve en encore

caractérisé

l'homme d'Etat

1908.

par

cette

Cet état

d'esprit

exhortation

et historien français Gabriel

bien

est

que

proféra

Hanotaux,

«Bévue hebdomadaire», lorsque le ciel politique s'assombrit peu à peu jusqu'à menacer l'orage, en cette année de crise: «Je suis de l'avis des Daily News : le temps est venu de parler. Il faut que en février 1911 dans

les

la

peuples apprennent

la vérité tiroirs

;

il

et

plus tôt que plus tard

faut qu'ils sachent ce que

renferment

de cette fameuse combinaison à secrets, la

Entente

».

Oui ou non,

existe-t-il,

entre les

— les

Triple-

«

trois

Puis-

sances, Russie, France, Angleterre, des engagements for-

mels ? Oui ou non, les trois politiques sont-elles liées? Oui ou non, l'Entente a-t-elle en vue des objectifs précis ?

Oui ou non, dispose-t-elle de moyens efficaces?». Puis

il

rappelait

(comme

cela se faisait de

temps à


-

-

137

autre en France) les événements de 1870, lorsque

le Gouvernement impérial de Paris espérait jusqu'à la dernière minute pouvoir compter sur des promesses assez impré-

cises de l'Autriche-Hongrie et de l'Italie,

ment

point un Etat

Jusqu'à quel agissant

et dut finale-

à l'adversaire.

faire face seul

indépendamment,

de

protection des. deux autres?

Triple-Entente,

la

compter

pouvait-il

une des

trois

pouvait-elle par ses décisions engager les

sur

deux autres?

questions qui surgissaient d'un

Telles étaient les

la

Puissances

état

de malaise et qu'on laissait sans réponse, pour ne pas désillusionner les

peuples,

même

ou

pour ne pas

les

inquiéter.

Elles ne furent pas

après

même

l'incident d'Agadir,

ainsi dire seule,

la

résolues, lorsqu'en 1911,

France dut soutenir pour

une dangereuse

lutte

l'Empire

allemand.

La Triple-Entente

inconnue

et difficile

à évaluer.

Déjà,

l'on

était

Jusqu'au moment où

parvenu à la lutte

la

diplomatique avec resta

veille de

commença,

la

une force la

guerre.

Triple-En-

tente n'est jamais entrée en scène unie et avec succès.

Elle portait la

pas dans variable.

la

marque de

l'incertitude

;

elle

ne pesait

balance européenne d'un poids absolu,

in-


L'AUTRICHE - HONGRIE '

Nous avons naguère entendu un Anglais

a dynastie

,

es peuples.

pour une cause ou pour une autre,

affirmer

du Grande -Bretagne pourrait glisser a la forme républicaine sans que l'édifice de l'Etat en fût le moins du monde ébranlé. que,

si

venait

trône

un

manquer, ^

à

jour J

la

.

La couronne

l'héritier

.

n'est pas la pierre angulaire de l'existence

de l'Etat britannique.

En

Autriche-Hongrie, par contre, la Monarchie re-

présente non seulement la forme de l'existence politique,

mais

en est encore

elle

laquelle

meut

se

la

vie

bourg ?

Ils

d'armes

faits

des

que

par

sinon

peuples

qui apportèrent à et

autour de

la

politique

leur dynastie

des mariages

toujours

de nouveaux

de nouveaux royaumes. Avec la main de Marie

bourguignons, par son mariage avec la

Ferdinand çut

les

par les

pratiquée

par

Bourgogne, l'Empereur Maximilien acquit

de

En

rassemblés.

la

souverains au sein de leur famille,

titres

colonne

Monarchie des Habsagrandirent leur domaine, moins par des

qui les a réunis,

effet,

la base, la

et

de la reine Isabelle, son

territoires

C'est ainsi

que

le

attenant

fille

fils

pays

les

unique de

Philippe

re-

à la couronne d'Espagne.

grand Empereur Charles

v,

réunit

sous son sceptre les pays bourguignons et espagnols il

régna à Vienne, à Madrid, à Anvers,

sur

le

;

et bientôt aussi

nouveau monde que Colomb venait de découvrir.


En

-

139

un double mariage dans

outre,

bourg

lui

avons

donc

valut

la

sous

et

la

yeux

la

base

les

mondial d'Autriche

:

Les peuples

l'hérédité avait réunis,

fondent

lement

les

se

Une pensée

uns aux autres,

Nous

Hongrie. de

l'Empire

couronne richement four-

c'est la

nie d'une vieille dynastie.

entité politique.

Habs-

la famille des

Bohême

et les

pays que

peu à peu en une

politique enchaîne graduel-

peuples rassemblés par

les

des mariages, mais cet événement politique ne peut se

qu'autour

dérouler

comme

le

roc

des

c'est ici

;

d'une

piliers

que

dynastie

solide

l'Empire agran-

les liens de

di se confondent.

En

deux

l'espace de

évolution

ou un peu

siècles

avec

s'accomplit

historique

tant

plus, cette

de

succès

que l'année 1713 put se réjouir de sa solennelle confirmation. La pragmatique sanction de 1713 proclame que

les territoires

de la dynastie des Habsbourg seront

réunis pour toute l'éternité en une entité positive

une

constitueront

dorénavant

dans

de la maison impériale

l'intérêt

aussi

est-il

dit

dans cet acte

nifeste des sujets, des

pays

et

Non

union.

qu'ils

mais

d'Autriche,

pour l'avantage ma-

des peuples.

Ainsi d'un domaine familial naquit

un Etat, une

La communauté des pays acquis par

réunion d'Etats.

héritage, était l'idée

conservation,

;

seulement

le

dominante

souci

[de leur

historique

qui

Souverain

;

leur

ne se démentit

point depuis cette époque jusqu'à nos jours.

Les chefs de

pour

l'Empire

avec une

des

Habsbourg ont

lutté

énergie, que leur volonté de maintenir l'unité a bravé toutes les tempêtes du 18 me cette idée

telle


— siècle.

-

14Ô

Bismarck avait raison de prétendre, que lorsque

l'Empereur d'Autriche montait à cheval, suivaient.

1866-67 de grie

;

telle

La couronne l'idée

de

la

peuples

les

le

Habsbourg triompha en séparation qui hantait la Hondes

un antique symbole,

elle planait intacte

au-

dessus des luttes des partis nationaux, son éclat recom-

mençait toujours à captiver

les regards

des sujets tur-

bulents. Jamais son autorité ne s'affaiblit, et après les

révolutions de 1848, aussi bien qu'après la malheureuse

guerre de 1866, la couronne rassembla les nations dé-

couragées autour

de

et

directeur de

principe

l'ancien

pragmatique sanction,

resserra

les

liens

la

affaiblis.

Non seulement le Souverain commun, mais aussi les dangers communs contribuaient à maintenir la solidades peuples de l'Empire

rité

des

Habsbourg. Pendant

du

la lutte séculaire contre les Turcs, à l'époque

« péril

turc », l'image politique de la Monarchie austro-hongroise se

fortifia.

Après des

s'avéra toujours davantage

Ce

n'est qu'avec la totalité

réunis,

que

les

décisives, la solidarité

victoires

comme une de

Empereurs de

leurs la

nécessité vitale.

peuples chrétiens

maison de Habsbourg,

pouvaient résister à l'invasion des Turcs dans l'Europe

Ce faisant, ils ont prouvé le Empire mélangé, non seulement

centrale.

leur

propres peuples, mais encore

vis-à-vis

droit

à

la vie

de

vis-à-vis de leurs

de l'histoire de

l'Europe entière.

L'Autriche et la Hongrie venaient de

faire

cette

expérience, lorsque les deux parties de l'Empire, après une dangereuse désunion, créèrent la convention de 1867. En Hongrie, le comte Széchenyi et le libéral


-

Kossuth,

bien que par des

réveillé des forces

-

141

avaient

et politiques, qui,

jusque-

moyens

économiques

différents

sous les apparences d'un pro-

là étaient restées cachées

fond sommeil. La Hongrie semblait vouloir de la

communauté de

échoua,

et

lorsque par

Mais

l'Empire.

libérer

se

tentative

cette

compromis de 1867, l'Empire

le

dualiste d'Autriche-Hongrie fut fondé, les vieux

pes

:

dynastie

commune

et forces

princi-

unies contre l'étranger,

retrouvèrent leur signification sous une forme nouvelle.

Cependant

la

Hongrie agrandissait son

rangement avec l'Autriche

lation politique à la partie occidentale

Croatie, la

territoire

valut, outre son

lui

de

Slavonie et la Transylvanie,

était hongroise. L'essentiel restait toujours

de la cohésion

politique, la confirmation

;

l'ar-

assimi-

l'Empire,

la

qui

autrefois

le

maintien

de

la

prag-

matique sanction.

Pendant ce temps

le

jeune Empereur François-Jo- Revers de

seph avait perdu la Lombardie sur taille

de Magenta .

et

de

Solferino

.

;

champs de baainsi commença la les

.

.

série des épreuves qui caractérisent la vie et

que étrangère du défunt Monarque. avec et

les

En 1864

i

la

politi-

il

partit

Prussiens à la conquête des duchés de Schleswig

de Holstein,

et bientôt

après

il

se trouvait en guerre

compagnons d'armes. Il s'agissait alors de la couronne du futur Empire Germanique elle fut arrachée à l'Empereur des Habsbourg, lors de la mémorable bataille de Sadovva. Dans le traité de paix de Prague, le jeune Monarque dut donner son assentiment « à une contre ses

;

fortune et

" ou ve,. e ,

orientation,


-

-

142

nouvelle forme de l'Allemagne, sans la participation de

l'Empire d'Autriche le

Schleswig pas

suffisait

et le

».

François-Joseph dut abandonner

Holstein aux Prussiens. Mais cela ne

en cette sombre année 1866,

;

dynastie

la

des Habsbourg perdit encore la Vénétie. Elle fui réunie

au nouveau Royaume

bien

d'Italie,

que ses

troupes

eussent été battues par les Autrichiens sur terre

et

sur

mer.

Endiguée et refoulée à l'Ouest et au Sud, définitivement exclue de la direction des Etats allemands, et privée du Dominium italien, le problème d'une nouvelle orientation politique se pose donc à la grande Monarchie danubienne. Les perspectives sont favorables, car la vieille souche de l'Empire des Habsbourg est restée intacte

;

la dynastie est

à sa place,

elle tient

entre ses

mains les fils traditionnels. L'union politique de la Double-Monarchie est confirmée c'est en qualité d'Union réelle que l'Autriche-Hongrie entre dans la période de la politique contemporaine. Le passé et l'avenir, les :

hommes

d'Etat et les économistes, tout désigne à l'Em-

du Danube, l'Orient comme nouveau champ d'acvainqueur tivité. Le nouvel Empire allemand est resté

pire

à l'Ouest en le

;

il

absorbera tout ce qui est disponible tant

territoires

un organisme l'Est, le

la

qu'au point de vue économique.

Au

Sud,

principe des nationalités a créé, avec l'Unité italienne, politique

passé a établi

Turquie une profonde

que

inébranlable....

entre la

fait

et

inimitié, et l'avenir fait espérer

l'on pourra nettoyer les

hométan,

Par contre, à

maison d'Autriche

Balkans de l'élément ma-

espérer une victoire du christianisme sur


-

143

-

l'islamisme, et la préparation de l'expansion économique

de l'Autriche-Hongrie dans les Balkans.

Les hommes de science dirigent aussi leurs regards allemand,

l'économiste

Friederich

List,

conseille à ses

frères de

race

d'habitants des

pays du Danube, de suivre ce fleuve

vers

l'Orient.

en aval,

et

considérer

de

comme un champ l'Autriche.

Il

d'activité

fallait

et colonial

pour

que l'Autriche devînt une Puissance

balkanique, et veillât

ce qu'aucune

«à

Turquie, ni dans ses villes libres

lonique et Constantinople. la

qualité

balkaniques

territoires

les

économique

Puissance

route continentale

pensait à Sa-

il

fallait

pas non plus que

conduit en

Perse par l'Asie

Il

qui

étran-

démembrés de

gère ne vînt s'établir sur les territoires la

en

autrichiens,

ne

mineure, tombât entre les mains avides de l'Angleterre 1

.

Enfin, Bismarck lui-même intervint par ses conseils.

Nous savons

déjà

quelle

importance

au

attachait

il

maintien de l'Autriche-Hongrie dans la plénitude de sa

même

force «

En

outre,

s'il

fallait

y engager l'armée allemande

l'homme d'Etat prussien

était

>.

plus persuadé

que quiconque, que l'Empire voisin ne pouvait s'affermir qu'en Orient.

Il

s'était

bataille de Kôniggrâtz,

role

de

:

montré plein de ménagements à

de l'adversaire vaincu. Déjà sur

l'égard

«

La

querelle

il

est

avait laissé tomber vidée,

il

renouer avec l'Autriche-Hongrie,

lations amicales

».

champ de

le

s'agit les

cette

anciennes

Bien loin d'abuser de sa

pa-

maintenant re-

victoire, et

de se faire de l'Autriche-Hongrie un ennemi irréconci1 S. Kiintzel: Zum geschichtlichen Verstiindnis des grossen Krieges. Berlin 1916.


— liable,

Bismarck

malgré

clameurs des grands

les

à obtenir de son Empereur,

militaires,

à toute

réussit,

-

144

exigence

Mais

territoriale.

qu'il

renonçât

en

tout

ensuite,

cherchant à aplanir les voies d'accès à une alliance de

l'Allemagne avec l'Autriche,

champ

vers l'Est, vers

le

devait leur être

commun.

Le grand

homme

orienta

d'activité

l'Etat

le

commun

découragement qui subsistait depuis 1866, de

un premier

heureux

du

le

grand

faire cesser

effort.

Ce dessein amena bientôt

résultat qui dépassait toutes les espérances

Andrassy,

comte

le

en

véritable

;

Hongrois

ennemi des Slaves, en fut peut-être moins son Empereur. Nous voulons parler

mandat traité

orientale.

que

provinces

du

si

de la politique intérieure, l'engageait encore

les troubles

à persister dans cet

et partant

des

voie,

la

unanimement recommandée, de la politique Son propre désir d'aider sa patrie à vaincre

cependant

l'avenir,

comte Jules

le

ministère

donc résolument

suivit

danubien

dans

qui,

d'Etat hongrois,

Andrassy, qui occupait alors affaires étrangères,

il

européen Bosnie

de

d'occuper et

et

d'administrer

d'Herzégovine.

L'article

les

25

de Berlin de 1878, qui stipule ce droit d'oc-

cupation, dit encore

hongrois n'exprime

:

« comme le Gouvernement pas le désir de se charger

austro-

de l'ad-

entre la

Sandjak de Novi-Bazar, qui s'étend Serbie et le Monténégro, jusqu'au-delà de Mi-

trovitza,

dans

ministration

du

la direction

tomane continuera de danubienne se réserva

du Sud, l'administration otMais la Monarchie

s'y exercer ». le droit

de tenir garnison sur ce

territoire et d'y construire des routes militaires et corn*


-

Gouvernement de Vienne

merciales. L'intention du

évidente lui

Monténégro, ni

ni le

:

145

la

Serbie,

était

ne devaient

chemin de Salonique une large route Macédoine restait ouverte aux Puissances cen-

barrer

vers la

le

;

trales.

* * Il

*

serait faux d'admettre

s'accomplit sans peine.

coup de volonté

Au

et d'argent

que

cette

contraire, ;

il

pas facilement à sans

et

qu'il

elle

l'Est L'extension vers

coûta beau-

fallut exercer

opiniâtre contre des populations qui

Sarajevo

marche vers une

lutte

ne se résignaient

nouvelles conjonctures politiques.

ces

Trebinje durent être prises d'assaut, non

en résultât de grandes pertes. Alors seulement

put commencer la réorganisation nécessaire et complète

de l'administration. serbes-orthodoxes était

Les éléments turcs-mahométans montrèrent

s'y

si

et

récalcitrants, qu'il

presque impossible de les soumettre.

En voqua

outre, le

l'occupation

malaise de

des

l'élément

deux

provinces

qui ne se montrait pas très enthousiaste

de population

slave

en ce qui concerne

pro-

magyare de l'Empire, d'un

surcroît

dans la Double-Monarchie. Enfin, la

politique

extérieure,

l'annexion

augmenta la jalousie de la Russie, et le dépit du Sultan Abdul Hamid ne connaissait plus de bornes. Cependant, cette mauvaise humeur turque prenait une signification moins grande dans l'histoire universelle, que la colère de la Russie. Moins grande que le conflit latent mais aigu qui devait se développer par la suite entre

le

chef

des peuples slaves et la Double-Monarchie, en progrès vers l'Orient. 10


-

-

146

Pourtant, ni les difficultés du moment, ni les dangers de l'avenir, ne pouvaient détourner le

Gouverne-

ment austro-hongrois de l'exécution de son programme. La diplomatie n'a pas encore appris à se servir de moyens préventifs. Lorsqu'un feu menace d'éclater, on prépare les pompes au lieu d'écraser les étincelles.

C'est

qu'à

ainsi

cette

époque,

on

encore les

suivait

vieux principes de la politique. D'une part la Monarchie

danubienne, avec ses besoins économiques tions

politiques,

projets viennois.

l'Alliance

de

la

l'autre,

et ses

ambi-

Russie adversaire des

Conséquence pour

l'

Autriche-Hongrie

:

avec l'Empire allemand, qui fut consommée

peu de mois après

du

la conclusion

traité

de Berlin.

Après 1879, d'anciennes relations se rétablirent entre Vienne et Berlin, dont le sens intime peut se justifier non seulement au point de vue historique, mais encore à bien d'autres points de vue. On était donc en droit de se demander, où cette alliance du jeune Empire allemand

avec

la

Monarchie

vieille

les

l'Autriche-Hongrie, la

péninsule

:

libérer ces

des

était

le

plaît

deux

mot

Alliés.

d'ordre

«

entrait

au développement économiaux Russes », tel

de Jules Andrassy,

à considérer comme fit

Balkans

Résistance

le

plus grand

de l'Autriche-Hongrie au 19 me qu'il

des

;

russe, et préparer les voies

que

Habsbourg,

il y avait là deux tâches à rempays de l'influence, voire de la tutelle

seule en considération plir

des

Puissances centrales? Pour

pourrait bien conduire

à son Souverain,

il

siècle.

que l'on se

homme

a convenu que seule

nécessité, avait motivé, après

des

d'Etat

Dans un exposé cette

échecs militaires

et


147

diplomatiques, la politique suivie

allemand

de l'Empire

vis-à-vis

que l'Empereur FrançoisJoseph n'avait pu admettre qu'au prix de grands efforts et

de

politique

l'Italie,

sur lui-même.

L'Autriche-Hongrie ne songeait nullement à entreprendre une politique de conquêtes. Nous voyons com-

ment, en ces années-là, l'Empire des Habsbourg reprend

son essor, panse

dont

les blessures

prend confiance en

soi.

En

préparant son avenir, l'Au-

se

qu'elle aperçoit

en Russie. Elle

:

en 1879

la Tri pie- Alliance.

nie

vient s'ajouter

c'est la

monde

danger menaçant systématiquement

Double-Alliance, en

Et déjà l'année suivante,

comme

des Puissances

avant-poste

panslaviste, s'est perpétuée

au bord du Danube,

depuis cette époque jusqu'à nos jours, où aulique

Rade émet, dans

mation caractéristique

:

la

1882

Rouma-

Une sombre méfiance envers

centrales contre la Russie. le

le

édifie

prémunit contre

triche-Hongrie

sa défense

a souffert et re-

il

le

« la

conseiller

le

Pester Lloyd \ cette affirmauvaise volonté de Grey

au plus profond de son être, jamais le M. Poincaré n'aurait osé se montrer à la lumière du jour et, en outre, Salandra aurait mis un frein à la folie irrédentiste. Mais le sauvage Empire se serait retirée

désir de revanche de

moscovite, toujours disposé à faire la

un élan même, la

irrésistible ».

Pas

plus

politique étrangère de

connut d'autre danger que

le

guerre,

alors

l'Autriche-Hongrie, ne

danger slave,

quait aussi celui d'une plus grande Serbie.

du 27

juillet 1916.

imprima

qu'aujourd'hui

qui impli-


148

L'antagonisme russo-autrichien

germe de guerre lorsque lui eut

la

puissante

était

Alliance

un dangereux

certainement

devint

celui-ci

;

des

Empires

préparé un terrain d'activité propice.

La Double-

Monarchie avait cherché à se défendre contre russe, sur le territoire mitoyen des Balkans, Alliance voulait le braver, peut-être

vaincre. L'Autriche-Hongrie,

si

fatal,

centraux

le

colosse

la Triple-

même, un

jour, le

ce projet devait aboutir,

ne pouvait se passer des conseils de l'Allemagne,

même

de sa puissance, ni

ni

de sa direction.

L'Empire allemand souligna tout particulièrement l'opposition des Puissances centrales à la Russie, lorsque le

Concert européen cherchait à régler la question Cre-

toise.

En

1897, dans une guerre contre la Turquie,

la

Grèce avait essayé en vain d'arracher aux Osmanlis l'île

de Crête, dont la plus grande partie est chrétienne,

pour l'annexer à

la

mère

patrie.

Le soulèvement général

des peuples balkaniques contre les Turcs, menaçait déjà

à ce moment-là, d'éclater les

;

ce n'est qu'à grand'peine

Puissances réussirent à

La Grèce

fut battue,

mais

localiser

la

lors des négociations de paix,

l'Europe la protégea contre les prétentions turques. raison du résultat de la guerre, tion d'annexer la Crête

que

à

il

cependant, tandis

la Grèce,

avaient déjà décidé l'autonomie de

dissidences bientôt

cette

dans

En

ne pouvait être ques-

les adversaires combattaient encore, les

sement de

que

conflagration.

l'île.

Puissances

Mais

l'établis-

indépendance politique provoqua des le

camp des Grandes-Puissances,

l'Empire allemand

Russie avait proposé de

se

sépara

nommer

le

des

prince

autres.

et

La

Georges de


-

149

Grèce aux fonctions de commissaire général des Puissances, dafis

l'Ile

;

mais l'Allemagne croyait devoir,

vis-

à-vis de la Turquie, refuser cette proposition, et l'Autriche-

Hongrie se plaça aux côtés de son de

L'autonomie

alliée.

de Crête fut donc réalisée par les quatre autres

l'île

membres du Concert européen, sans le concours des deux Puissances centrales. A peine cet incident, qui avait prouvé si clairement de

solidarité

la

avec

l'Autriche-IIongrie

allemande en Orient,

eut-il

narchie, cette fois de son

pris fin,

que

politique

la

la

Double-Mo-

mouvement, exprima

propre

pendant toute une série d'années,

le désir

de s'entendre

pacifiquement avec la Russie dans les Balkans.

Depuis

la

de

guerre

1897,

de

peuples

les

péninsule n'arrivèrent jamais à se tenir en

repos

cette les

:

Serbes, les Grecs et les Bulgares se querellaient au sujet

de leur influence en Macédoine, ce pays de leurs rêves.

Après

la défaite serbe de

eurent été battus

que

les

1885,

par les Turcs,

premiers articles du

exactement

déterminé

traité

leurs

après que les Grecs

et

les

Bulgares

bien

de Berlin eussent très

frontières

-

semblaient

vouloir pénétrer en Macédoine. Mais l'Autriche-Hongrie

ne pouvait supporter

danger de

le

se

voir

barrer

la

route de Salonique d'autre part, dans une querelle à main armée au sujet de la Macédoine, la Monarchie du Danube se serait heurtée à la Russie. Pour éviter un conflit de cette sorte, sans pourtant abandonner les intérêts du pays, le Gouvernement de Vienne proposa ;

à

la

Russie,

Balkans, au

en 1897,

de maintenir la paix dans les

moyen d'une

action

commune.

Il

s'ensuivit


150

un arrangement, selon lequel aucun des deux Etats ne devait modifier le statu quo dans les Balkans, sans une entente préalable.

L'Europe se

de

réjouit

tration ottomane, porta

sage

cette

deux rivaux. Mais en attendant,

résolution

des

pitoyable adminis-

la

à son comble l'impatience des

grâce à une Gouvernements des Etats balkaniques, qu'on parvint à éviter le déchaînement du chrétiens de Macédoine, et ce ne fut que

énergique

pression

conflit

pendant

sur

les

années qui suivirent. L'attitude me-

les

naçante des Puissances européennes détermina aussi

le

Sultan, du moins en apparence, à réaliser quelques-unes

promises dès

des réformes

Cependant ces

longtemps.

tentatives peu sérieuses de réformes, ne suffirent pas à

populations opprimées.

apaiser l'animosité des

Nous Lamsdorfï

voyons

donc

aller d'abord

en

1902,

comte

le

à Belgrade, puis à Sofia

russe et enfin

le Gouvernement de moyens de maintenir la paix dans

à Vienne, pour s'entendre avec cette ville sur les

çais

Balkans.

les

Ce

«

fut alors

Dupuis - comme en

qui constitua l'élément tien

de la 1

Loc.

le

-

1897,

cit.,

p. l'

405

f.

L'observation

Autriche-Hongrie

et

l

»

active dans les Balkans, mais

assurée

».

consolation n'était pas

Russie nous révèle une

la

Bitterauf, à trouvera-t-il

si faible et

autant qu'une politique

« active >

que de

le

« Certes la Monarempêchée de mener une po-

litique

nous empruntons cette pensée,

main-

suivante sur les accords

la

chie danubienne fut pendant ce temps

Théodor

le

Mais lorsque

.

tendance d'esprit qui n'est pas encore vaincue

Peut-être

austro-russe

l'accord

plus important pour

paix dans les Balkans

amiables entre

professeur fran-

écrit le

:

paix européenne resta (p.

77)

aujourd'hui que cette

la paix valait

l'Allié

duquel

l'œuvre

dans

pour

les

le

moins

Balkans.


-

-

151

Sultan se contenta, en haussant les épaules, de ne ser que sur

le

deux Puissances,

Gouvernements de Vienne

les

et

Pétersbourg se remirent aussitôt à l'œuvre. Cette le

comte Goluchowski accompagna

le

de

fois,

comte Lamsdorff

hommes

à Mûrzsteg, pour élaborer avec les la

réali-

réformes proposées par les

papier les

d'Etat

de

Monarchie danubienne, un nouveau programme com-

plet,

qui

prévoyait

contrôle

le

des

deux Puissances

sur l'administration turque en Macédoine, et la réorganisation de la police de ce pays par des officiers étrangers.

Comme

le

Gouvernement

turc s'opposait à ces innovations,

deux Gouvernements menacèrent encore une fois de faire envoyer en Macédoine un Gouverneur général

les

pourvu d'un mandat européen. Enfin

le

turc accepta, sous certaines réserves, le

Mûrzsteg, et

l'exécuta

avec

la

Gouvernement programme de

nonchalance

orientale

bien connue. Les notes diplomatiques, encore nécessaires

pour confirmer

Vienne

et

résolution,

cette

des Puissances, à laquelle ture du

toutes

de

il

ne manquait que

la signa-

Gouvernement allemand.

C'est ainsi que la

arrivèrent

de Pétersbourg, en plus d'une note collective

l'

Autriche-Hongrie s'entendit avec

Russie sous une forme des plus pacifiques, au sujet

de toutes les questions qui

concernaient l'introduction

d'une administration supportable en Macédoine.

Il

s'agis-

au fond d'un problème de principe extrêmement délicat; soit de l'accord au sujet de l'influence des deux sait

Puissances dans

les

Balkans. Mais

il

apparut que ces

deux Puissances ne se souciaient de rien moins que de la guerre.

Et

cette

espérance

était

complètement

justifiée,


que

la politique des

-

152

Balkans ne conduirait plus jamais

Grandes Puissances à des conflits belliqueux. La Double-Monarchie avait agi dans le sens de ce programme de paix six ans plus tard, la Russie le dé-

les

;

posait sur la table de travail de la conférence de la Haye,

pour la plus joyeuse surprise du monde

entier.

Il

semblait

que désormais, rien ne pourrait plus entraver l'exécution pacifique du programme austro-hongrois dans les Balkans.

Cependant, l'ancien germe de guerre ne sommeillait

L'annexion Je la

Bosnie pas très

tdel'Herzé-

ovme

et ses

profondément sous terre

;

il

devait se réveiller

en 1908. La Russie avait subi une défaite douloureuse en

^s

*

e oi'ienta.le, et la Turquie

^'circonstances critiques, qui juillet,

nonçait

à

était

la révolution jeune-turque.

fertile

pour

bientôt,

le

de ces le

23

L'année 1908 s'an-

la politique orientale de la

danubienne, car en janvier déjà, fit

proie

la

conduisirent

Monarchie

comte d'Aehrenthal

un chemin Sandjak de Novi-Bazar, pour se

connaître son intention de faire construire

de fer qui traverserait

le

diriger vers Salonique.

Le ministre des

affaires

étran-

gères affirma alors au Parlement que l'Autriche-Hongrie restait fidèle

à son ancienne politique

aucun accroissement dans

les

Balkans,

territorial.

dit-il,

était

et

ne souhaitait

La mission de l'Empire

une mission économique,

tandis que la pénétration économique de l'Asie-Mineure et

de la Mésopotamie resterait

l'esprit d'entreprise le

allemand.

toujours

Au

le

résultat

de

mois de septembre,

comte d'Aehrenthal reçut son collègue russe Iswolski

à Buchlau, où se trouvait

la

maison de campagne du


comte

Berchtold,

ambassadeur à

alors

pour s'entendre avec Il

lui

-

153

Pétersbourg,

au sujet de ses derniers projets. si heureusement inau-

resta ainsi fidèle au principe,

en commun.

guré, de la prise de contact et du travail

A

Buchlau il fut question de compensations pourquoi ? Pour le développement des relations économiques et du trafic commercial de la Double-Monarchie, ou même pour la future annexion des provinces de Bosnie et

;

d'Herzégovine, qui se trouvaient encore sous l'autoturque ? Après

rité

rencontre,

cette

suppositions les plus diverses. Le jets

on

se

fait est,

livra

que

aux

les pro-

économiques de l'Autriche-Hongrie se transformèrent

soudain en projets de haute politique, que les plans de construction d'un chemin de fer furent relégués à l'écart

en présence d'un document plus important, qui proclamait

l'annexion de

la

Rien dans

Bosnie

et

de l'Herzégovine. l'Autriche-Hongrie, au

politique de

la

cours des années précédentes, n'avait décision arbitraire, surtout

l'on

si

fait

prévoir cette

se rappelle

les

pro-

positions énoncées plus haut, extraites de l'exposé poli-

même

tique du comte d'Aehrenthal, le 27 janvier de la

année. Par contre, nous trouverons peut-être une

indi-

cation de ce développement chez Bismarck, qui, au soir

de

sa

consigna

vie,

suivante

:

« Il

dans

que

est naturel

du Danube, aient des besoins dent au-delà

des

austro-hongroise

1

frontières ;

et

Vol. 2 page 252.

la

mémoires

ses

1

les habitants et

la

pensée

du bassin

des projets, qui s'éten-

actuelles

constitution

de la

Monarchie

impériale

aile-


— mande montre

-

154 que

la route

l'Autriche-Hongrie

doit

pour arriver à une réconciliation des intérêts po-

suivre,

litiques et matériels, qui existent entre la frontière orientale

de la race roumaine

et l'anse

de Cattaro

».

cependant pas nécessaire d'admettre que

n'est

Il

Gouvernement austro-hongrois

ait fait sien ce projet

le

hardi

de l'homme d'Etat allemand. Sans doute l'annexion des

deux provinces, où

la

Monarchie danubienne avait

ac-

compli avec succès, pendant de longues années, un travail de civilisation, pouvait se justifier sans trop de C'était

1908, daire

de

l'avis

:

Hanotaux, lorsqu'en octobre

Gabriel

traita cette question

il

«

dans la Revue

L'occupation des deux

trente ans

elle

;

peine.

provinces

hebdoma-

dure

depuis

a représenté pour l'Autriche-Hongrie,

une charge des plus sérieuses, une dépense de zèle, de soins et d'argent, qui méritent une récompense. Dans les rapports internationaux, ce sont là des considérations

qui pèsent.

L'Autriche-Hongrie, en accomplissant cette

œuvre d'organisation

et

de civilisation, a éteint un foyer

menaçant

de troubles et de dangers

Elle s'est donc acquis des titres à

pouvait

admettre

qu'elle

l'Orient et l'Europe. la

gratitude,

envisageât,

dans un

et

on

avenir

plus ou moins prochain, le rattachement plus ou moins

complet de ces provinces de l'Empire.

Il

ne

question de forme

s'agit ;

«

rédimées

guère,

»

au point de vue européen,

peut se régler sans trop de difficultés C'est ainsi que jugeait

des

affaires

toutefois

que

au corps

étrangères

même

en somme, que d'une l'affaire

».

un ancien ministre

français

en se rendant bien compte

l'esprit qui avait inspiré la

décision ina>


-

155

tendue du comte d'Aehrenthal, n'était pas celui

de

la

nouvelle politique austro-hongroise. Et pour conclure

à Budapest annexion,

et ailleurs, l'on était

Gouvernement avait

le

persuadé que par cette atteint

les

dernières

A

limites de la possibilité d'attirer l'élément slave.

Double-Monarchie

térieur, la

l'in-

doit envisager certaines con-

sidérations, qui ne lui laissent pas les

mains tout à

fait

Les

dans l'exercice de sa politique extérieure.

libres

Hongrois, qui déjà en 1878, ne voyaient pas sans déplaisir l'occupation des

deux provinces, montrèrent

fut approuvée,

car on

cette

Cependant, cette annexion

encore de l'inquiétude.

fois

en conclut que, quels que puis-

les projets économiques du Gouvernement viennois dans les Balkans, il aurait du moins satisfait ses appétits d'annexion, et ne désirerait

sent

dans

être,

l'avenir,

pas d'autres sujets slaves.

Mais un autre indice prouvait encore

qu'il

ne

pas interpréter l'annexion des deux provinces jusqu'à

s'était,

ce jour, contenté

fallait

que

d'administrer,

l'on

comme

l'inauguration d'une politique de force impérialiste. L'im-

portant

Sandjak de Novi-Bazar, avait déjà

Habsbourg Gouvernement l'avait

à l'Empire et

le

des

été

offert

du congrès de Berlin,

lors

refusé,

sous réserve de

pouvoir y construire des routes militaires et y tenir garnison ce passage de la frontière sud-est de la

Monarchie à

1

loc. cil

du Vardar,

la vallée

plètement abandonné

contestablement

la portée

maintenant com-

.

Nous citerons encore « La renonciation au

:

fut

l

ici

un autre jugement d'Hanotaux,

district

de Novi-Bazar atténue

de l'annexion, puisqu'elle révèle,

in-

comme


156

Cette décision notoire de renoncer

au mouvement

vers Salonique, semblait vouloir atténuer la

portée

de

qu'on venait d'accomplir. Elle produisit

l'acte politique

une bonne impression dans le camp de l'Entente cependant elle ne suffit pas à écarter la méfiance qu'ins;

piraient les tendances de la Triple- Alliance tout entière.

Or,

il

de voir clair dans la politique austro-

s'agit ici

hongroise, de comprendre ses intentions

et d'établir ses

aspirations, qui se montraient toujours de nature pure-

ment économique.

On et

de

même

trouva

l'Herzégovine

alors,

que l'annexion de

avait

fini

Monarchie danubienne

dommagement

:

la

Bosnie

par coûter cher à la

restitution de Novi-Bazar,

dé-

de 150 millions à la Turquie, compen-

sations économiques à la Serbie et au Monténégro, tout

— disait un homme d'Etat français — constituait un bien grand sacrifice, pour le droit de remplacer le mot « occupation » par celui de « souveraineté ». Et pourtant personne ne fut satisfait. Ni la diplocela

matie européenne, qui se sentait

matie russe la célèbre

«

intimidée

et surtout la diplo-

par l'audacieuse attitude

Nibelungentreue

»

et

proclamée par l'Empire

je l'indiquais tout-à-1'heure, une modification appréciable des visées

austro-hongroises vers Salonique et vers l'Archipel

».

Et Bach toi cl

prétend qu'il y eut des voix qui considéraient le renoncement à la porte qui conduit en Macédoine, comme la faillite de la politique

cit. p. 85. On peut se demander abandon du Sandjak n'avait pas été consenti au Gouvernement de Rome, pour le dédommager de son adhésion 9 l'annexion des deux provinces.

autrichienne en Orient, loc.

encore aujourd'hui,

si

cet


allemand, ni

royaume de

le

-

157

Serbie, qui dès lors, devait

être l'ennemi mortel de l'Autriche-Hongrie.

La Serbie lorsque

le

avait déjà adopté une attitude menaçante,

comte d'Aehrenthal parla, en janvier 1908,

de ses projets de chemin de fer

mença, dans

:

les Balkans, l'agitation

pour une plus grande Serbie, qui pour une plus grande Bulgarie.

I er ,

sous Pierre de la

de celle

prit la place

On

com-

propagande

s'arma contre l'Au-

triche-Hongrie, on s'arma pour obtenir par la force

un

débouché vers l'Adriatique, enfin l'on s'arma en fondant des espérances sur l'aide russe.

Lors de la crise

de l'annexion, Belgrade se laissa aller à une explosion de colère forcenée, à ce point menaçante, que la Russie eut la plus grande peine à calmer sa protégée L'hostilité serbe était en elle

ne

que

si

finité

du

pouvait

l .

elle-même peu dangereuse,

devenir funeste à l'Autriche-Hongrie,

elle entraînait

à sa

suite,

à cause des liens d'af-

de races et de solidarité, l'hostilité de

la Russie,

reste déjà en éveil. Cependant, la colère de la Serbie

ne pouvait, à ce moment,

décider les Russes

par la guerre de Mandchourie, à entrer en

épuisés

campagne

contre l'Autriche-Hongrie, mais elle resta à l'état latent, et nourrissait le

germe de guerre qui sommeillait à la Monarchie danubienne. Sous la forme

frontière sud de la

1 II est intéressant de lire, en 1913, ce jugement du « Temps » y a quatre ans et demi, quand l'Autriche annexa la BosnieHerzégovine qu'elle occupait depuis trente ans avec l'aveu de l'Europe, et que le Gouvernement russe, lié par ses engagements de :

Il

1876, 1877 et 1878,

refusa de soutenir à fond les protestatious

bruyantes, mais peu fondées de la Serbie.... (4 juin 1913).


— du

«

rêve panserbe

»,

158

de la libération

elle guettait l'heure

de tous les Slaves du sud, de la domination autrichienne.

Ce rêve devait-il un jour ? C'était

à néant, ou se

être réduit

là la question

réaliserait-il

que souleva de nouveau

l'annexion, la question qui menaçait la paix européenne

justement parce qu'elle

grand problème de

était

posée

;

nous trouvons derrière

cès d'Aehrenthal, le danger conjuré. et

le

Mais l'avenir

était

durables dangers. L'alterna-

briser la résistance

:

Ce que

la crise bosniaque, c'est le suc-

prometteur de nouveaux tive se posait

c'était enfin

la politique austro-hongroise.

serbe

ou céder

en s'arrangeant à l'amiable. La Monarchie des Habs-

bourg céderait ? Les Alliés de l'Empire allemand raient devant les Serbes ?

qu'en auraient

Du

dit

Qu'en auraient

morts,

dit les

Metternich et Bismarck ?

l'Europe avait

reste,

plie-

déjà supporté

longtemps

maint danger de guerre, à quoi bon étouffer de vive

nouveau germe ! En outre, en Serbie, le Gouvernement tout au moins, paraissait avoir trouvé mieux. Le 31 mars 1909, la tension existante prit fin, sur la force ce

déclaration

formelle

du

cabinet de

que

Belgrade,

Serbie n'avait pas été lésée dans ses droits par

accompli en Bosnie. La Serbie s'engage ce document, et

«

à abandonner

l'attitude

poursuivait

de protestation

de résistance, qu'elle avait adoptée depuis

d'octobre écoulé, en raison de l'annexion

en outre, à changer vis-à-vis

avec

de

celle-ci

la direction

l'Autriche-Hongrie,

sur

le

Voilà la fameuse

;

elle

le

mois

s'engage

de sa politique actuelle et

à vivre à l'avenir

pied de relations de bon voisinage

promesse que

la

le fait

le

».

Gouvernement de


-

-

159

Vienne vint rappeler à la Serbie 5 ans plus tard, dans le préambule de son ultimatum du 23 juillet 1914.

Cependant,

le

mouvement panserbe

continuait

progresser allègrement, et le danger pour la Monarchie

des

Habsbourg,

s'accrut de ce les

avaient

qu'entre

condamné chacun

des Etats à

vis-à-vis de son voisin plus fort. le

Monténégro,

la

cette Alliance, qui

Bulgarie allait

sa

tranquillité,

peuples des Balkans,

les

peu à peu, qui, jusqu'alors

s'arrangeaint

conflits

dans

troublée

d'être

fait,

enfin

La

l'impuissance,

Serbie,

la

Grèce,

préparaient sans bruit

permettre

d'attaquer

le

Macédoine tant convoitée. En 1912 l'Alliance balkanique était prête, et en automne,

Sultan

et

de

les quatre

libérer

la

royaumes se

jetèrent sur la Turquie.

L'Autriche-Hongrie aperçut déjà dans ces premiers

événements, un

danger

l'ordre existant dans

l'Empire

dans

de puissance

russe,

défaite de la Turquie,

quilibre

pour

maintien

le

de

les Balkans. Elle reconnut derrière

ce soudain déploiement la force de

sérieux

et

des

craignit,

Petits-Etats,

au cas d'une

un dérangement complet de

la Péninsule,

en faveur de

la

l'é-

Serbie et

de son protecteur slave, mais au détrimeut de la politique austro-hongroise.

A

tort

ou à raison,

les

La

à

Puissances centrales voyaient

encore dans l'Alliance balkanique, une arme destinée à

menacer non seulement l'est, mais encore l'occident, c'està-dire la Monarchie danubienne. Lorsque le sort des armes eut fait connaître sa décision, en ce sens que la

lutte

latente c ° ntre .

,

Serbie


-

160

Turquie d'abord, puis que

Bulgarie fut battue

la

par

aux mains des plus proches voisins de l'Autriche-Hongrie, le fantôme du rêve panserbe recommença à hanter le Gouvernement de Vienne. Celui-ci tenta de nouveau de lui couper l'herbe sous les pieds. Les Serbes n'auraient pas l'Albanie, leur fût refusé. il fallait que le débouché vers la mer Le comte Andrassy, le jeune, s'est prononcé en faveur d'une annexion de l'Albanie à la Grèce, ou tout au moins de la partie méridionale du pays, éventuelses anciens Alliés, que l'avantage resta

lement par

voie

la

cette solution n'était

tique de

d'une

hostile

l'Italie,

à la Grèce, l'Autriche-Hongrie

exprima deux désirs concernant Prince de Wied: car

ils

Comme

union personnelle.

pas possible, à cause de la poli-

les Italiens

le

futur

royaume du

ne devaient pas s'y

occuperaient ainsi les

deux

côtes

de

établir,

la

mer

Adriatique, et par conséquent, seraient les maîtres de son accès. D'autre part, la Serbie ne devait trouver en Al-

banie, ni

visme.

un

La

port, ni

lutte

un nouvel

asile

pour

le

autour de cette question devint

nées qu'au tournant de l'année 1912 à 1913, fallût qu'elle

n'amenât

panslasi

achar-

peu s'en

la guerre contre la Russie, contre

la Puissance protectrice des intérêts sud-slaves, concen-

désormais aux mains des Serbes. le 4 féCe malheur fut encore une fois conjuré vrier 1913, le prince de Hohenlohe arriva à Pétersbourg,

trés

;

porteur d'une lettre autographe de son impérial maître,

François-Joseph. L'heureux effet de cette mission extraordinaire retirer

se

des

fit

immédiatement

districts

sentir.

limitrophes les

On

convint de

troupes russes et


-

-

161

autrichiennes qui y étaient concentrées. Encore une fois l'Autriche-Hongrie avait triomphé pacifiquement de la

encore une fois

diplomatie slave,

causé au

avait

elle

peuple serbe une profonde désillusion.

La

décision de

la

Conférence des ambassadeurs à

Londres, au mois de mars, apparut de ce dénouement

tement

:

à

les territoires attribués

Mais

d'Albanie.

comme une

sanction

la Serbie avait à évacuer immédia-

la

compter sur l'appui de

la Russie,

future Principauté

la

bien

Serbie,

qu'elle

ne

pût

plus

montra peu d'empres-

sement à se conformer aux arrêtés des Puissances européennes.

En

avril

Scutari, en mai, elle contre,

d'autres

abandonna le siège de évacua la ville de Durazzo par

1913,

elle

;

albanais restèrent

territoires

occupés.

Mais, tandis que cela laissait les autres Grandes Puis-

sances assez froides,

l'Italie,

et

avant

tout,

l'Autriche-

Hongrie, s'insurgèrent énergiquement contre cette résistance.

10

Les représentants des deux Etats adressèrent,

une

juillet,

semaines après,

nouvelle ils

requête

à

renouvelèrent leur démarche

le

;

deux

sans

Belgrade

plus de succès. Le 4 août, l'envoyé d'Autriche-Hongrie s'adressa lui

aux

encore une fois au Gouvernement serbe,

reprocha

«

énergiquement

»

et

de n'avoir, contrairement

désirs de la Conférence des ambassadeurs, à Londres,

pas encore rappelé ses troupes d'Albanie.

Comme told

tout cela fut en pure perte, le comte Berch-

soumit quelques jours après,

mencement d'août 1913, au

soit toujours

Gouvernement

au com-

italien,

le

projet de faire entrer en Serbie les troupes austro-hongroises.

Il

s'informa

auprès

de

l'Italie,

si

elle

serait

n


162

disposée à prendre part à une était

impossible

de

déclina cette offre

de l'Allemagne

;

campagne, dont

telle

prévoir les

conséquences.

nous ne connaissons pas

;

il

L'Italie l'attitude

la déclaration de guerre n'eut pas lieu.

Une nouvelle démarche collective des Puissances, amena de nouvelles promesses de la Serbie. Mais elles ne furent pas tenues

;

bien au contraire, dans la seconde

moitié du mois de septembre, les troupes serbes modifièrent leurs positions en Albanie. Alors, le 1 er octobre, la

Triple-Alliance

commun

tenta

d'intimidation.

de nouvelles albanais,

à

troupes la

à Belgrade un Il

dernier

en résulta que,

serbes

le

en

pénétrèrent

essai

10 octobre, territoire

poursuite de bandes ennemies.

A

cette

le comte Berchtold répondit par un imposa au Gouvernement de Belgrade, pour faire évacuer ses troupes du pays. Le président du conseil des ministres, Pachitch ne se laissa pourtant pas effrayer, bien que la démarche du

nouvelle incartade, délai qu'il

Gouvernement de Vienne allemande

fût

appuyée par

les diplomaties

et italienne. Il s'ensuivit alors

et les Alliés

à ce moyen

un ultimatum,

de l'Autriche-Hongrie s'associèrent encore radical.

Le Gouvernement de Vienne

décidé à ne pas permettre à son petit voisin

promettre en quoi que ce soit sa dignité

et

intérêts de son pays. Alors, le vieux principe

permet aux Puissances de se s'alliait

de

la

à

la conscience

prodigieuse

Triple-Alliance.

les

hauts qui

usé,

justice elles-mêmes,

qu'on avait, à Vienne et ailleurs,

puissance

Comme

tendre parler d'une

faire

était

com-

de

la

militaire

inhérente à

la

Russie ne voulait pas en-

guerre, la

Serbie

dut

céder.

Mais


-

163

pour affirmer son indépendance Hongrie,

vis-à-vis de l'Autriche-

Gouvernement de Belgrade ne remit pas sa

le

réponse au seul cabinet de Vienne, mais encore aux autres Etats signataires du protocole de Londres. Cela signifiait

:

nous ne nous inclinons pas devant voisin, mais seulement devant

de l'Empire

la volonté celle

de

l'Europe.

De même qu'en 1908,

le

Panslavisme contenu au-

delà des frontières de l'Autriche-Hongrie, chercha encore

une

fois

à se venger à l'intérieur du pays, de

diplomatique

faite

Bosnie

vement

et

de

en Dalmatie,

était,

en

Ici,

la

dé-

Croatie,

en

mou-

tenta de provoquer le

il

Le but

séparatiste.

volutionnaire,

Serbie.

la

selon

final

de cette agitation ré-

l'interprétation

autrichienne,

d'arracher à la Monarchie les territoires habités par des

Slaves

du

lorsqu'un jour

sud,

la

situation

serait favorable à la réalisation des projets

Nous passons sous

silence

quelques-uns sont contestés

ne retenir que

la

les

panserbes

l .

isolés,

dont

reconnus,

pour

faits

et d'autres

politique

tendance générale du programme sud-

slave, et pouvoir juger de sa répercution sur la politique

intérieure et la sécurité extérieure de la

bienne.

Pour comprendre

la résistance

Monarchie danuacharnée opposée

à un mouvement subversif toujours en progrès,

il

faut

en outre nous souvenir des considérations préliminaires touchant la

quintessence et l'origine

des Habsbourg.

1

Voyez

Nous découvrirons

le livre

de la alors

Monarchie

un germe de

rouge austro-hongrois. Les menées dont se

plaignait la Monarchie, sont rapportées au

document 19 avec annexes.


plus

guerre

Un l'

éloigné

et

beaucoup plus ancien que

développement vers l'Orient

«

-

164

le

».

coup d'œil jeté sur la carte ethnographique de

Autriche-Hongrie nous montre, au cœur

Monarchie,

la tribu isolée

même

de

Autour de

des Magyars.

la

cette

tribu se

groupent des peuplades, qui toutes sans excep-

tion, se

déversent dans occidentale,

partie

les Etats limitrophes.

soit

de

autrichienne,

Dans

l'Empire,

la

ce

sont les Allemands, à l'extrémité méridionale du Tyrol, ce sont les Italiens.

Au

Nord-Ouest ce sont

les

Tchèques,

qui ne sont séparés de la frontière que par un très étroit de territoire allemand.

donnent

main à

la

leurs

frères

ruban

Les Slaves de Galicie polonais

de l'Empire

de Russie adjacent, et la frontière orientale, qui s'étend

de la Bukovine au Danube,

mais

laisse la nation

une seule

et

même

sépare bien deux Etats, roumaine réunie. Enfin au Sud,

population occupant la Croatie, la

Slavonie, la Bosnie et l'Herzégovine, la

de

Monarchie,

s'étend au-delà de

vers la Serbie et

plus

La prudence s'impose au Souverain, dans un

Etat

frontière

la

loin vers l'Orient.

les

en

aucun point avec

frontières

ethnographiques les frontières

ne

rencontrent

se

Une

territoriales.

pierre peut bien facilement se détacher de sa couronne, et

comme

mais sont

ces pierres reliées

les

ne sont pas

serties

unes aux autres,

une à une, le

si

lien

vient

à se rompre en une place, la parure eutière doit néces-

sairement s'effrondrer. Si

Napoléon

III avait déjà

Monarchie danubienne, on

s'est

qualifié

de cadavre

préoccupé

partout,

la

de-


-

165

puis lors jusqu'à nos jours, de la question de savoir ce

qui pourrait advenir de

la

Double-Monarchie après

la

mort de l'Empereur François-Joseph. Encore en 1913, on entendait parler, dans de cet Empire,

la ruine

les milieux diplomatiques, de

comme

d'un

événement

très

proche.

L'Autriche-Hongrie

mais

la

communauté

non plus

la Dynastie seule,

politique de l'Empire

dualiste,

se défendait contre l'accomplissement d'une telle destinée. Elle le la crise

fit

d'abord avec un

de l'annexion,

adversaires surtout

méthodique de

amour de

la paix, qui, jusqu'à

rencontra l'approbation

de

la vieille école,

qui

aux

répondait

ditions d'une dynastie essentiellement

-ce

vigoureux

que

temps, les germes de guerre devenaient plus et

plus

nombreux, lorsque

Gouvernement, lorsque contre les

tra-

conservatrice. Et

lorsqu'on s'aperçut dans la Monarchie danubienne

pendant

ses

ensuite elle mit en jeu la politique

;

la haine

de

la

méfiance du publique

l'opinion

de leur

s'approchaient

perturbateurs slaves

point culminant, on put alors tourner un regard

plein

de confiance vers l'Allié allemand. Celui-ci affermit bras et réveilla térêts

le

courage.

Il

en Orient, pour lesquels

prêt à intervenir, que la

avait lui-même il

était

le

des in-

encore bien plus

maison des Habsbourg, toujours

en proie à mille soucis.

Un dans

coup

d'œil

rétrospectif

montre

distinctement Les prélimi-

l'histoire de la politique austro-hongroise, des

de guerre.

Il

y a

là des intérêts

dynastiques

et

germes

naires de la

rande P asse natio- S d'arme.


— naux

;

166

des questions vitales de politique intérieure, qui

Nous vivons

exigent d'être pris en considération.

là des

heures d'insécurité, de crainte, en présence de la puissante

vague

Nous découvrons en

slave.

outre

des

besoins

programme

économiques, qui prescrivent nettement un

d'expansion, et enfin nous connaissons un Allié hérissé d'armes, qui a lui-même de vastes projets,

et

qui

est

toujours décidé, depuis des dizaines d'années, à accomplir la volonté des

Puissances Centrales.

Voyons maintenant

les

moments psychologiques

impérialisme farouche ou amour de

Pendant

les

la

:

paix ?

bouleversements qui se sont accomplis

dans la Péninsule des Balkans, nous avons vu la diplomatie

austro-hongroise

moyens

travailler

les plus conciliants,

et

longtemps

rien

dans

le

avec

les

caractère

des peuples de François-Joseph, ni dans leur littérature,

non plus qu'au sein des

partis politiques, rien ne faisait

prévoir des idées belliqueuses. L'on ne peut sans éton-

nement,

lire l'article

la « Militàrische

à

Rundschau

la rédaction de

n'était

de fond que publia,

cette

pas précisément

l'Autriche-Hongrie nécessité

si

».

feuille,

édifié

On

écrivit

La

9 mai 1914,

d'Allemagne

que l'Empire allemand du flegme avec lequel

s'occupait de ses

urgente.

le

« Militàrische

armements, d'une

Rundschau

»

re-

lève cette phrase, et répond au correspondant allemand

:

Chez nous, en Autriche-Hongrie, l'opinion publique n'est pas non plus édifiée de la manière dont nous «

préparons nos armements. Mais avec cette

que

cette

différence,

manière ne nous paraît pas trop flegmatique,

mais au contraire par trop impétueuse.... Parlons de


— armements

ces

sommes

Nous

!

-

167

D'abord,

pacifiques.

nous l'avons toujours assuré à tout

le

monde autour

de nous, ensuite, à des moments où tous, hormis nous, auraient répandu leur

bile,

de notre flegme,

et

nous avons prouvé par notre

ne pouvait nous

passivité active, que l'on

faire

sortir

pour ceux qui doutent encore de

notre calme inébranlable, nous avons engagé notre dernier atout en convoquant à Vienne universelle

1 .

Nous

Congrès de

le

la

paix

à l'exemple de Bismarck, nous

aussi,

monde, mais nous Bismarck ne savait pas encore, c'est

craignons Dieu et rien d'autre au

savons ce que

que Dieu est avec ceux qui procurent

Mais ces accents pacifiques que peu de mois encore avant

la paix. » faisait

entendre,

la guerre mondiale, l'organe

des milieux militaires austro-hongrois, devaient malheu-

reusement bientôt le

coup de vent

faire silence.

L'on commence à sentir

précurseur de l'orage, cet

événement,

purement psychologique, que nous devons éprouver avec chaque Etat, si nous voulons comprendre les décisions qu'il aura provoquées. Les bases d'une désormais

guerre existent

;

l'amour de la paix en aura-t-il raison,

ou va-t-on mettre en mouvement

le

moyen le Une

cien et le plus terrible de la politique ? «

agressive n'est pas dans

a

dit le

les intentions

Président de

30

avril 1914,

«

la

plus anpolitique

de l'Autriche

»

délégation autrichienne le

dans une harangue à l'archiduc héritier

aucun de nous ne

la désire,

mais d'autre part nous

croyons pouvoir exiger, eu égard à notre puissance, qui peut s'appuyer sur une armée forte et prête à la 1

Qui devait avoir

lieu

en automne 1914.

dé-


-

168

que ces manifestations qui se répètent sans cesse frontière sans nous laisser de repos, soient empêchées. Qu'on s'oppose à la propagande hostile fense,

à

notre

à l'Autriche, que font

pas la question les

officiellement

ou non,

là n'est

des voisins malveillants, afin que

peuples d'Autriche puissent enfin se réjouir en toute

tranquillité des bénédictions de la paix

On

est

donc prêt à tout

;

déjà la

».

déborde.

colère

homme

C'est ce qui ressort d'un discours adressé à cet

qui deviendra bientôt lui-même une victime des menées hostiles à l'Etat.

Et

l'opinion publique qui ne se doute pas

encore

du crime qui menace l'Empire, s'inquiète des armements croissants de la Russie. Un ukase du Tsar a prévu pour l'automne des manœuvres, qui d'après leur étendue, équivalent à une mobilisation complète. Les efforts de la Serbie

dans

le

domaine

militaire,

font aussi

des inquiétudes des milieux autrichiens, surtout

de la construction d'une destinée à assurer

Est-ce

frontière.

la

une

flotille

sur

suprématie

le

le projet

Danube, qui semble

serbe sur

provocation

l'objet

ou

le

fleuve-

un moyen de

défense ?

La aussi, la

Rundschau » a maintenant, elle le 27 mai elle met en demeure jouer cartes sur tables, afin qu'en Au-

« Militârische

changé de ton

Russie de

«

;

triche-Hongrie on sache à quoi s'en tenir

de

«

elle parle

;

et trois de la Monarchie abandonne tout espoir de paix déclarations pacifiques du ministre des affaires

l'ennemi

jours plus tard, « les belles

»

héréditaire elle

étrangères sont vaines.

»

:

Nous sommes à

la veille d'une


grande guerre, qui

-

169

nous aura

été

mais qui

imposée,

ne devra pas nous prendre au dépourvu

».

Le 28 juin, l'archiduc François-Ferdinand fut frappé à mort par la balle d'un sujet austro-hongrois de nationalité serbe, un fanatique du rêve panserbe. On se rappelle les reproches, qu'après enquête,

le

Vienne lança aux chefs responsables de au sujet de

cabinet de

l'Etat

Et maintenant l'Autriche-Hongrie voulait

La guerre mondiale

serbe,

cet attentat.

Non. La guerre contre

?

la guerre. la Serbie

à moins que ce peuple ne se soumît complètement,

sans restrictions,

sans proférer la

moindre parole de

aux conditions inflexibles d'une Grande Puissance profondément offensée. Le ministre de Serbie à Vienne, informa son Gouvernement le 20 juillet, en ces « Tout le termes monde ici est persuadé que cela résistance,

:

équivaudrait à un véritable suicide,

si

cette fois

encore,

l'Autriche-Hongrie n'entreprenait rien contre la Serbie

Dans

».

rapport de l'ambassadeur d'Angleterre à la cour

le

de Vienne, nous lisons

« cette fois les

:

écluses étaient

ouvertes, et le pays et la presse tout entière, réclamaient

avec impatience, de

race

la

que l'opinion natives

ou

:

tard,

le

exécrée

châtiment immédiat :

les

publique

Serbes.

tenait sa cause

pour

par si

lui 1

barrer

le

sanguinaire incontestable

ou se résigner à

elle...

être, tôt

Le peuple autrichien

indiscutablement juste qu'il

paraissait inconcevable, qu'il se trouvât

pour

et

est

croyait n'avoir que deux alter-

assujettir la Serbie,

démembrés

Il

chemin

»

lui

un autre peuple

1 .

Livre bleu serbe N° 31 et livre bleu anglais N° 161.


La

170

put donner aux

seule assurance que l'Empire

Puissances européennes effrayées,

cune ambition

Pour

territoriale.

danubienne resta implacable

c'est qu'il n'avait

elle

:

au-

Monarchie

la

le reste,

affirma

sa

volonté

de voir accepter intégralement par la Serbie, les dures exigences

qu'elle

Et cela dans un

imposait.

lui

de quarante-huit heures

!

Elle refusait

Sous condition que suspendrait immédiatement sa mobilisation, étrangère dans le

guerre

qui

de

commencer

serait provisoirement continuée,

prête

à accepter

tion.

Si

cette

la

conflit.

venait

action

pacifique

et

la

l'Autriche

proposition

la

contre

délai

immixion

toute

Russie

que

la

Serbie,

se déclarait

anglaise d'une médiaavait

été

entreprise

à

temps, la conflagration universelle aurait sans doute pu être

Mais l'Autriche ne s'engagea pas à fond

évitée.

dans

question

cette

de la

;

tension de ses

que puisse être

quel

narchie des Habsbourg voulait atteindre

que

fallait

la Serbie

Nous nous aux Serbes, le

résultat la

Mo-

la Serbie.

Il

saignât ou cédât.

à cet

arrêterons

ultimatum

présenté

de la déclaration de guerre.

et suivi bientôt

C'est jusqu'ici, si

le

rapports avec la Russie,

nous voyons

juste,

que va

la volonté,

pouvoir de résolution.... la responsabilité de la Mo-

narchie

danubienne.

Mais

quence de ces événements ne pouvons

la

déduire de

Nous ne saurions y

la :

pleine et la guerre

l'histoire

terrible consé-

mondiale, nous austro-hongroise.

voir qu'une première contribution;

tournons la page pour nous orienter d'un autre côté 1

Bien

qu'il

ne rentre pas dans

le

1 .

but que ce livre s'est

proposé, de discuter les pourparlers diplomatiques qui précédèrent


LA SERBIE Presque chaque Etat poursuit des buts déterminés, dont l'image se présente, plus ou moins vaut

du peuple. Vers ces buts convergent

l'esprit

de

volonté

la guerre, la

distincte,

communauté

la

question

populaire,

s'impose pourtant,

les

de savoir

L'affranchis

de- sèment de 1< dominallon la

institutions

si

guerre

la

une conséquence inévitable du conflit austro-serbe. Pour éclairer cette question, mentionnons ici, que les documents officiels des Puissances de l'Entente, sont unanimes à affirmer que

mondiale

fut

dans toute son étendue, le Gouvernement de Vienne se montra prêt à céder devant le danger bien que la Rnssie eût d'une guene mondiale. Le 30 juillet

lorsqu'il vit venir la catastrophe

déjà

commencé sa mobilisation

bassadeur russe,

et se déclara

comte Berchtold reçut l'am-

le

disposé à continuer les négociations

— écrit l'ambassadeur — la tension entre

« A partir de ce moment, Bunsen dans un rapport déjà cité

avec Pétersbourg. anglais de la

Russie et l'Allemagne devint beaucoup plus forte qu'entre la

Russie pays,

et

l'Autriche-Hongrie

un accord

l'ambassadeur

elle-même

les

était

;

je peux

en perspective

».

même

«

dire qu'entre ces

L'Autriche,

écrit

deux

encore

avait en réalité cédé en dernier ressort, elle avait

meilleures

espérances en une solution pacifique».

Entre autres, l'ambassadeur de France à Berlin confirma et souligna tout particulièrement cette interprétation, lorsque le 1 er août,

il

fit

au Président du conseil des ministres la démarche du Gouvernement allemand « L'ultimatum allemand, en ce sens qu'il connaître

:

arrive exactement à l'heure où

une entente paraissait sur

d'aboutir entre Vienne et Pétersbourg,

est significatif....

le ».

point (Livre

jaune, français N° 121. Comparez là-même, la note de M. Viviani

aux ambassadeurs

français).


politiques et

privées,

-

172

les

disponibles

forces

idéales

et

matérielles, et avant tout les efforts des chefs politiques

de

l'Etat.

Depuis

le

début du siècle précédent, les Serbes ont

grands buts

poursuivi trois

;

domi-

de la

s'affranchir

nation turque, réunir leurs frères de race sous un Souverain serbe indépendant, et plus cette exigence nationale semblait devoir se réaliser,

plus

aspirèrent

ils

à

un autre but encore, qui rentrait davantage dans le domaine de l'économie politique atteindre la côte de :

la mer,

pour permettre au futur

de poursuivre

le

Royaume

serbe agrandi,

développement de sa navigation com-

merciale.

Le le

désir de la

liberté

s'éveilla

à une époque

peuple serbe, autrefois puissant, languissait sous

y a à peine un Serbe entrait dans la ville à cheval, despotisme turc.

siècle,

Il

devait en

il

le

lorsqu'un des-

un membre du peuple souverain des Osmanlis. Mais plus la destinée est triste, plus modestes sont les prétentions. M. Rado raconte que, dans une supplique adressée au Sultan, les Serbes demandaient qu'on voulût bien empêcher les attaques et les enlève-» ments qui venaient constamment troubler les cérémonies cendre

s'il

de

bénédiction nuptiale des jeunes couples

la

l'autel.

rencontrait

Telles étaient,

il

y a cent ans,

les

devant

requêtes du

peuple serbe.

Parmi

les

trois

désirs

remplir l'histoire serbe, aucun

qui

ne

devaient

pouvait

sans avoir recours à la force des armes qui était de

nature politique, que

;

désormais se

réaliser

pas plus celui

ceux qui rentraient


dans

domaines national

les

serbes

aspirations

les

173

adversaire

infiniment

entreprises

ne put être

économique.

et

aucune

supérieur, faite

sans

Et

comme un

à

toujours

heurtaient

se

guerres

des

protection d'un

la

Etat plus puissant.

Mais quelle devait être la protectrice naturelle de Cette question La Russie ou l'Autriche ? a divisé le peuple serbe déjà au commencement du

la Serbie ?

précédent.

siècle

En

lorsqu'en

effet,

la

guerre

même

temps

1806,

éclata entre la Russie et le Sultan, et qu'en

la Serbie s'insurgea contre l'oppresseur, les

connurent le

le

Serbes re-

Tsar comme leur protecteur. Mais lorsque

protecteur laissa son

protégé

dans l'embarras,

l'in-

surrection s'écroula, et les Serbes, qui s'étaient soulevés

contre les garnisons

ottomanes du

suite de leur héros populaire

pays,

durent,

à

la

Cara Georg, se réfugier

sur territoire autrichien.

Nous apercevons

ici

chaîne des événements qui

la

rapprochent la Serbie de Y Autriche.

On

prétend qu'an-

térieurement déjà et par la suite, Cara Georg, n'aurait pas

proposé moins de sept

fois

au Gouvernement autrichien, l Le professeur

l'incorporation de la Serbie à la Monarchie

viennois 1

Uebersberger nous

Spiridion Gopcevic

d'extraordinaire reste

un

à ce que

original,

ait

de? Turcs. Par contre, lers

sant.

Russie

:

le

et

voir

Serbie 1916.

Il

le

n'y a rien

qui était du

domination autrichienne à

celle

point de vue qu'on attribue aux conseil-

de l'Empereur François lors de la première

Dans un rapport du 27 mai

archives

.

d'autre part,

héros national serbe,

préféré la le

fait

offre, est intéres-

1804, qui semble provenir des

de Vienne, nous trouvons l'argumentation suivante peu

en usage chez

les

diplomates

:

«

Prendre possession d'une province


— lien

ancien

plus

le

174

-

qui rattache

le

peuple orthodoxe

serbe à l'Empire russe, son frère de race et corréligionaire, lorsque

dans un

ayant

récit

trait

à l'époque agi-

du meneur serbe Cara Georg, il raconte qu'en 1804 déjà, le chef spirituel des Serbes de race hongroise,

tée

l'archevêque Stratimirovitch, avait adressé à l'Empereur

Alexandre réunir les

une requête, pour le prier de bien vouloir Serbes en un Etat autonome, gouverné par

un Grand Duc

Un

russe. les suffrages

désir réunit

de tous les

Serbes:

Mais de ce point Gara Georg et ses affiliés

se libérer de la domination du Sultan.

deux chemins se séparent sont dévoués à l'Autriche

:

;

par conlre, les représentants

de l'Eglise dirigent leurs regards du côté de la Russie.

Lorsque Cara Georg eût trouvé un refuge à Vienne,

un autre

se mit à diriger la politique serbe.

Milosch Obrenovitch,

lait

était

Il

s'appe-

de son métier marchand

comme un Génie Nouveaux hommes, nouveaux moyens au lieu d'attiser le feu de l'insurrection, il abandonna toute résistance, et se soumit humblement au Sultan avec ses de porcs,

et devait bientôt se révéler

politique.

:

compatriotes.

Milosch

Ainsi

s'attira

la

confiance

l'Empereur des Turcs, qui l'éleva en 1830 à

qui s'offre d'elle-même

- même solennellement

libre volonté générale,

et si

tages ce

une vue

dignité

par suite de la

grands qu'en puissent être

les avan"

offenserait ouvertement la fidélité à l'Etat et à la Religion,

que ne peut admettre

minables

et

la

de

la fidélité impériale;

difficultés qu'entraînerait

affaire

si

usuelle

et

si

l'offre doit être refusée.

sans parler des inter-

auprès des Grandes Puissances

dangereuse.

A

ce double

point de


poussa

de Prince et

-

175

sa

loin

si

confiance, qu'il

retira

peu à peu du pays les garnisons ottomanes. C'est ainsi que naquit la Principauté de Serbie; d'un peuple isolé incorporé à l'Empire turc, et dont l'histoire resta jusqu'à ces années-là, presque exclusivement confiée

populaires et aux légendes. Mais

haine irréconciliable

que

les

il

aux chansons

en résulta aussi une

entre deux Dynasties, une brouille

Serbes durent supporter

comme une

fatalité

jusqu'à notre époque contemporaine.

La Serbie

était

désormais une

autonome

province

de l'Empire ottoman, avec un Prince indigène, qui gouvernait au

nom du

Sultan. Les

avaient disparu du pays forteresse du

à Belgrade

;

de ce

soldats

dernier

seulement,

Danube, une garnison turque

cette

encore

était

restée.

Milosch se comporta sur

Néron.

Jusqu'à ce qu'enfin

posée et qu'un parlement vînt alors

il

comme un

lui

petit

lui fût

im-

demander des comptes

;

machina rapidement une Révolution, mais après

l'échec de cette entreprise,

en

trône

le

une constitution

faveur

de

son

il

En

fils.

dut renoncer à la couronne

année

cette

nous

1839,

trouvons donc déjà en Serbie des organes constitutionnels, qui sont les piliers d'un

dépendance de

sous la sation

l'Autriche.

la

sous la tutelle

De

intérieure, qui

futur

édifice

Turquie, et

morale de

politique

— la

mais

Russie

et

de

ces faits découle nécessairement la division

subsiste entre

les

de la Mo-

partisans

narchie danubienne et les amis de la Russie.

que Gara Georg cherchait de la

;

en compen-

le

salut de sa

dynastie des Habsbourg,

de

même

De même

patrie les

auprès

Obreno-


176

à cet ancien

vitsch appartenaient

que l'analogie

parti,

de la religion, aussi bien que la com-

de la langue

et

munauté de

race,

vivement ressentie,

toujours

attirait

vers la Russie.

La couronne et se fixa enfin

un

du vieux héros national Cara Georg,

fils

à

princière passa d'une Dynastie

l'autre,

sur la tête d'Alexandre Carageorgievitch,

A

l'instar

de son père, ce jeune prince avait aussi placé ses espérances à Vienne, et dans les pays balkaniques on se racontait les choses les plus étranges. «

disait-on

à un

tel

narchie danubienne, que

punément

lui souffler

le

se trouve

Il

degré sous l'influence de

Mo-

la

consul autrichien peut im-

à la figure, la fumée de son cigare

».

La Russie ne pouvait supporter cette intimité, et en Serbie même, il s'était produit un éloignement entre

le

parti

national

slave et son Souverain.

Il

donc

dut

bientôt abdiquer, et Milosch remonta sur le trône,

Sous Michel, qui décédé, la domination ditaire

la

à son

en 1860,

cette fois,

père

la Serbie fut déclarée héré-

Dynastie des Obrenovitsch. Plus

signifi-

encore que cette décision de la Porte, était

catif

que

pour

succéda sur

un Souverain indépendant de

le fait,

l'étranger,

occupé de projets politiques émanant de sa propre tiative,

se

trouvait

à

la

tête

de la Principauté.

Michel qui aurait, pour la première

fois,

conçu

ini-

C'est

le projet

de réunir en un seul Etat les territoires habités par des

Serbes orthodoxes. La Bosnie, l'Herzégovine,

le

négro

c'était

devaient

l'idée qui mûrissait

Avec

avec

fusionner

dans

le

la

Serbie

;

Montélà

cerveau de ce Prince vassal.

elle se réveilla le désir

d'avoir une

armée

serbe,


177

se réveilla le besoin d'un contact avec les frères serbes

des provinces limitrophes. L'idée nationale engendra un

un programme national communauté de religions, pays d'origine à peu à

de la

résultat

occulte,

lien

;

entre les Serbes du

se tissa

ceux de la proche Herzégovine. Peu

et

la solidarité s'affermit par la résistance

mahométane,

la souveraineté

commune

à Belgrade, commen-

et

cèrent les premières luttes entre les chrétiens et la gar-

nison turque. La flamme de de gagner l'Herzégovine, et

célébra son premier triomphe

Puissances,

Comme

le

Sultan

de

turc resta planté à côté

On

sur la réclamation des

:

troupes

du drapeau serbe

;

Belgrade.

de

sa souveraineté,

du Sultan commençait à

fait

tôt

pensée nationale serbe

ses

retira

dernier indice

eut

l'insurrection la

le

drapeau

la suzeraineté

pâlir.

pouvait donc croire que

grand Royaume de

le

Serbie était en voie de formation. Mais Michel Obreno-

witch fut assassiné en 1868, au cours d'une promenade

dans

le

parc de Topschider.

Weber dans son

«

Prince exilé Alexandre Carageorgiewitch, tigateur

occulte

de

historiens l'affirment

cet

persistèrent entre les

dommage

ou plutôt sous

appelé la

deux Dynasties, pour

sur

le

le

fut

et la rivalité le

la

plus grand

Principauté.

neveu du Prince

le

trône

Régence qui

l'ins-

D'autres

».

en tous cas la haine

des aspirations nationales de

fut

dit

comme

sanguinaire

acte

Bientôt après, Milan Obrenowitch, assassiné,

désignait

La rumeur publique

universelle

histoire

;

sous son règne,

établie

jusqu'à

sa

majorité, on introduisit en 1S69, une nouvelle constitution

moderne, qui vint enfin former tique active et ordonnée.

la

base d'une

vie poli12


-

Bien qu'à l'exemple de en Serbie une quantité de

somme que deux dans

l'Europe,

partis,

se

il

dominer

la

du

constituât

on ne remarquait en

fortes tendances opposées,

la direction

l'avenir,

L'une sous

-

178

qui devaient

de la Principauté.

politique

parti radical, réclamait en po-

la réunion de tous les Serbes en un une alliance perpétuelle avec l'Empire russe

litique étrangère,

seul Etat, et

orthodoxe.

C'était

un programme national dominé

par des questions de confession, qui

bien

était

dange-

Dangereux d'une part, pour la paix entre les Grandes Puissances et d'autre part pour la Serbie ellereux.

même.

Car, plus les liens se resserraient avec l'Empire

moscovite, plus

le

danger augmentait pour

de rester dans l'avenir, passé,

comme

un instrument entre

les

la

mains de

la

Serbie,

dans

elle l'avait été

le

Russie pour

sa lutte perpétuelle contre les Turcs. L'autre tendance était celle du parti gouvernemental, qui s'appuyait davantage taires

sur

des

que sur des considérations

considérations idéales.

utili-

mettait

Elle

au premier plan de son programme la politique d'économie nationale elle cherchait à nouer des relations commerciales actives avec l'Autriche-Hongrie, le marché ;

naturel de l'agriculture serbe. Et en politique étrangère, l'idée

dominante de ce parti

qui était celui du

Prince,

des ministres et des fonctionnaires, tendait à une Alliance

avec la Monarchie danubienne avoisinante. Ce programme recelait aussi

un double danger

:

Pour

la Serbie et l'Eu-

rope, la probabilité que cet Etat tributaire de la Turquie

ne tombât sous la dépendance économique aussi politique

de

l'Autriche-Hongrie,

et

et

peut-être

pour

celle-ci


même,

-

179

danger d'un contact trop

le

Slaves

actif entre les

de son propre pays et les Serbes de la mêre-patrie.

Ainsi donc, aussi bien en politique étrangère qu'en politique intérieure,

caractérisée

russophile,

entre et

une opposition fortement

s'établit

un courant

national,

fonctionnarisme

orthodoxe

austrophile

envisageait surtout un

qui

utilitaire,

un

il

dans

progrès

et

plutôt le

domaine économique. L'insurrection des frères et

zégovine suscita tout

un ministère liser

le

prince Milan à

le

d'Her-

un grand enthousiasme

d'abord

en Serbie, qui contraignit

corréligionaires

constituer

compromis permit de réapremier vœu commun à tous les Serbes la national. Et ce

:

guerre d'affranchissement contre la Turquie.

Sous rent en

furent

la protection de la Russie, les

campagne aussitôt

les derniers jours

suivis

de

la

Serbes entrè-

de juin 1876

vaillante

Principauté

Monténégro, qui, indépendante elle-même de si

non en

du moins en

droit,

fait,

la

voulait

viniens au Monténégro.

La

Turquie,

que

catastrophe fut

les

furent complètement

Turcs envahirent leur

suivie des

frères.

Herzégo-

fortune des armes sourit à

ces derniers, tandisque les Serbes battus, et

les

ils

du

combattre

pour l'affranchissement des peuples chrétiens, ses Les Bosniens se joignirent aux Serbes,

;

dures

territoire. Cette

exigences

qu'émit la

bonheur pour la Serbie, elles furent négociées non par Milan, mais par les Grandes Puissances, qui surent y répondre. Lorsque les troupes de Milan reprirent les hostilités interrompues, et que les Porte

victorieuse;

par

soldats turcs s'approchaient de Belgrade, la Russie vint


— au secours de

Nation amie menacée. Le Tsar

la

au Sultan

mettre

180

un

ultimatum

dans l'espace de 48 heures,

à

re-

fît

échéance:

courte

devait accorder aux Etats

il

balkaniques un armistice de 6 à 8 semaines. La Porte

on déposa

céda,

délibérer sur les

A

armes

les

Puissances purent

les

et

moyens de sauver

la Serbie.

Conférence qui fut ouverte aussitôt après ces

la

événements, la Russie se posa en protectrice des slaves.

L'on

que

disait

le

Tsar avait donné sa parole d'honneur

à Moscou, de n'avoir aucune visée sur Constantinople,

mais vouloir uniquement intervenir pour Sultan de et

se

paix et

la

Vint ensuite

peuples chrétiens.

salut des

le

le

du

refus

soumettre aux décisions des Puissances

de remplir des engagements souscrits de longue date.

Personne ne pouvait plus retenir l'Empire russe, qui donc à l'œuvre lui-même.

se mit

La

victoire de la

sauva définitivement

même

que

le

Russie sur les Turcs, en cause de la Serbie.

la

ne fut pas

cette guerre

bilan de

1877, de

Mais,

établi

à San Stefano, mais seulement l'année suivante, au Congrès de Berlin, par

même Serbie.

ne fut que

ce

La

les

Puissances rassemblées,

qu'on

veloppement politique était affranchi

La première

a première défaite.

^

j ,

les

accomplie

était

j.

de

étape

de

de

;

son

la

dé-

peuple slave

le

*

Serbes étaient loin d'avoir atteint

eurs désirs. •.

sort

de la domination turque. *

Mais

du

Principauté fut un peu agrandie et reçut sa

complète indépendance.

Royaume

décida

Quand bien même •

>

se trouvait désormais assurée,

le

but

leur indépendance

± ''%. j un désappointement >

sur-


-

181

au cœur du Peuple souverain, que

vivait

La Bosnie

avait peut-être moins éprouvée autrefois.

l'Herzégovine, avec

Monarchie danubienne pour

et

pour

sud-slave et

grande partie orthodoxe, avaient

la plus la

leur population

vassal

l'Etat

été confiées

à

qu'elle les occupât. Jusqu'à

ces dernières années, on n'avait pas fondé de bien grandes

espérances sur

de ces provinces, qui appartenaient

le sort

au Sultan, bien que le vieux rêve d'une grande Serbie vécût encore dans l'esprit du peuple. Mais pendant ce Principauté

temps,

la

preuve

de force vitale

ses frères chrétiens fidélité

à

ainsi

victoire

l'espérance n'était pas morte

rope entière, et

accrues

Et

comme

il

;

sa

affirmé

avait

fait

fait

,

armes pour vivante

défaut,

mais

d'autant moins que l'Eu-

Serbes.

les

maintenant

;

politique

armes russes, avaient pris fait Les perspectives s'étaient

et enfin les

pour

cause

en

avait

elle avait pris les

et avait

La

la race.

serbe ;

elles

avaient disparu.

désormais

était

de haïr les

inutile

Turcs, toute la haine du peuple se tourna contre Vienne.

En

cette

les

services,

occurence,

on ne

prit

plus

en considération

que précisément l'Autriche-Hongrie avait

rendus aux Serbes, au Congrès de Berlin. La Monarchie, lorsqu'on

lui

avait

offert

la

Bosnie,

était

intervenue

ouvertement en faveur de l'indépendance de l'Etat serbe

que

cette offre plongeait

de compensation

dans

la douleur. C'est

que répond une phrase

à ce geste

du rap-

citée

au Congrès de Berlin « Tout ce que nous avons obtenu ici, nous le devons à l'Autriche-Hongrie » K Mais le parti radical ne devait désorport des délégués serbes

1

Léopold

juillet 1915,

Mandl,

Osterreichische

:

Rundschau,

Vienne,

15


— mais plus mettre de Bosnie,

liens

entre

d'amitié

ils

se

à ses

pour gagner la

efforts

côté

de

de plus en plus chargés d'espoir;

davantage

toujours

Gouvernement

national et le

Et pourtant ce dernier, lorsque

russe.

du

jetait

resserrèrent

populaire

parti

le

frein

regards que l'on

aussi les

Pétersbourg étaient les

-

182

Congrès de

le

Berlin eût repoussé ses propres aspirations de la manière la plus absolue, dut naturellement

abandonner aussi d'im-

portants intérêts touchant la Serbie.

Du

reste la Russie

avait déjà ignoré ces intérêts antérieurement, lorsqu'avant le

début de la guerre,

govine à la

elle offrit la

Bosnie

Monarchie des Habsbourg

l .

et

l'Herzé-

Au

Congrès

de Berlin, la diplomatie russe se trouva dans une position si critique,

s'adresser

à

leurs aspirations

Serbie,

l'on

dut

qu'elle

même

territoriales.

était

Aussitôt après

du

mieux disposé pour la

les

qui

ce

Toujours

prendre que pour celui qui avait

l'hostilité

inviter

en

l'Autriche-Hongrie

Serbes à concernait

est-il

celui

qui laissa

pris.

conclusion du traité de

ministère

national

qu'en

vis-à-vis

Berlin,

du Gouver-

nement austro-hongrois prit de telles proportions, qu'en 1880, le Prince sur un signe de Vienne, constitua un nouveau Cabinet composé d'hommes appartenant au parti austrophile. Et Milan alla encore beaucoup plus loin

dans

cette politique, qui le

de la majorité de ses sujets.

1

à

«

Avant

la guerre, la

Il

séparait

conclut avec le Cabinet

Bosnie avait été

l'Autriche-Hongrie pour prix de la

Charles Dupuis

loc. cit. p. 367.

complètement

offerte

neutralité

Nous reviendrons plus

par les Russes autrichienne tard sur ce

».

fait.


-

183

convention secrète du 28 juin 188J,

de Vienne la

s'opposer à

laquelle la Serbie s'engageait à ne pas pacification de

la

Bosnie

par

l'Autriche-Hongrie.

Monarchie se déclarait

contre, la

l'indépendance

et

ainsi qu'à protéger la Dynastie des

la

Par

à reconnaître

prête

de

territoriale

l'intégrité

par

Serbie,

la

Obrenowitch contre

ses ennemis intérieurs ou extérieurs. Et l'Autriche-Hongrie, consentit

moment

même

à ce que la Serbie

propice vers

s'agrandît au

Sud, mais seulement à l'Est

le

de Novi-Bazar.

Nous

en présence d'un de ces traités

voici encore

Du

qui appellent la guerre. le voir,

ne se

elle

comme nous

reste,

pas longtemps

fit

attendre.

allons

Comme

par cet accord, Milan abandonnait définitivement la Bosnie,

même

hommes

les

trouvèrent que

son entourage austrophile,

de

cela dépassait

les bornes.

dent du Conseil des ministres, ni

le

Ni

même

à acheter

On

le

en

donc

l'ère

de la

«

haute

Mais pendant

cette

le

à

on pré-

politique »

Grande avait com-

une

Dans sa joie, Milan

avec l'assentiment

des autres Puissances,

qui,

maintenant

allié

aussi pour la Serbie.

1882,

;

Prince dut se résigner

le

contre-seing d'un fonctionnaire.

était

Puissance,

mencé

en Autriche, que

Prési-

ministre des affaires

étrangères, ne voulurent signer la convention tendit

le

titre

s'attribua

de l'Autriche-Hongrie

époque de Cabinets austrophiles,

avec quelques alternatives, dura jusqu'en 1887, la

pensée d'une Grande Serbie ne devait pas chômer. par amitié pour l'Empire le

et

de Roi de Serbie.

moment, affranchir

voisin,

Si,

on ne pouvait pour

les frères slaves

de l'Ouest,

par


— contre,

à

l'Est.

il

184

serait peut-être possible d'obtenir

quelque chose

Le congrès de Berlin avait valu aux Serbes

les

On

se

siècle

-

de Nisch

villes, autrefois bulgares,

souvint alors à Belgrade qu'autrefois

Grand Royaume de

;

c'est

que devait se développer

direction

cette

- au 14 e

régné sur toute la Macédoine

les ancêtres avaient

donc dans

de Pirot.

et

Serbie. Cependant,

comme

le

le

Congrès

de Berlin avait élevé la Bulgarie au rang de Principauté, les Serbes découvrirent à leur frontière orientale

un obstacle de d'acquérir la

plus, et

il

leur parut toujours plus difficile

avec d'autres

Macédoine,

A

par des Serbes.

San Stefano

districts habités

et ensuite

à Berlin,

la

Bulgarie avait bénéficié de l'appui que la Russie refusait de prêter aux Serbes. Le « berceau de l'Etat serbe au moyen-âge », n'appartiendrait désormais au jeune Royaume que par la force des armes.

Du

reste, ce n'étaient plus

nationales

que

seulement des exigences

Serbie voulait réaliser

la

;

il

s'agissait

encore d'un projet avoué d'économie politique, qui, en

connexion avec

le

rêve impérialiste de la jeune Dynastie,

l'engageait à frapper le

voisin bulgare.

Rappelons

ici

le troisième but principal que nous indique l'histoire de

l'évolution serbe

:

débouché vers

le

autrichien, l'accès à l'Adriatique n'était

Si du côté

on

pas loin de songer à un port sur la mer Egée.

Si les Serbes dépendaient sin

la mer.

restait impossible,

occidental,

ils

devaient

librement du côté de

passage vers

le port

économiquement de leur

l'Est.

essayer de se Ils

voi-

développer

voulaient s'ouvrir là

un

de Salonique, permettant la paisible

exportation de leur bétail, de leur vin et de leur blé, ainsi


que l'importation,

185

en rivalité avec l'Autriche-Hongrie,

de produits de tous genres. Ainsi,

bes

1

profitant d'une occasion

en

donc

pénétrèrent

1885. Cette fois encore

Loin de recouvrer leur

ils

tenbergau cours d'une

favorable, les Ser-

Bulgarie,

14 novembre

le

éprouvèrent une désillusion.

Royaume

complètement battus par et refoulés

Vieux-Serbe,

ils

prince Alexandre

le

bataille de trois jours à Slivnitza,

au delà de leur propre

frontière.

De nouveau

l'ennemi pénétra dans

le

l'Autriche-Hongrie

une opposition menaçante

la

Serbie dut

Par contre

fit

pays.

Tl

ne s'arrêta que lorsque

se déclarer vaincue et

la Bulgarie,

de son Souverain

et

Tout

ceci

non plus que

Sultan céda au

le

et plus forte

n'augmenta pas celle

mais

grâce à la vaillante direction

à l'autorité que

grande

;

conclure la paix.

Prince Alexandre en Roumélie orientale, cette guerre, plus

furent

de Bat-

devint après

que jamais.

du

roi Milan,

Actes san-

de son Cabinet austrophile, qu'il dut

guinaires à

la popularité

'

bientôt dissoudre.

A

partir de 1887,

le

parti national

I

inté ieur; |

d'opposition prit la direction du vaisseau de l'Etat, qui

dorénavant russes.

Le

navigua jusqu'à nos jours, dans roi

les

eaux

Milan abdiqua en 1889, pour ne pas être

témoin plus longtemps des progrès du libéralisme dans son pays

;

et l'on

prétend que la générosité russe l'aurait

fortement encouragé dans cette voie. Milan ne sa promesse de rester à 1

Voyez pour

l'avenir éloigné du

ces questions

Slaven und der Weltkrieg.

tint

pas

Royaume,

économiques: P. Brûckner; die

,

,


-

186

mais revint en Serbie en 1895, pour aider son fils, un peu embarrassé des lourdes fonctions qu'il avait assumées le trône. Le père et le fils exercèrent une politique de despotisme qui ne pouvait durer longtemps. Les institutions libérales furent supprimées,

en montant sur

alors

des chefs indésirables furent mis à mort et enfin

essaya les

même

l'on

de remplacer au banc du Gouvernement,

éléments russophiles par des amis de

la

Monarchie

danubienne.

La dans

situation

le

Le cabinet

pour détourner l'attention bulgare. la

du

Macédoine,

en

ressuscita

malgré

Mais

haine contre

plus tendue que

devint alors

Royaume.

la

Milan,

jamais

Georgievitch,

peuple vers l'extérieur,

flamme chauviniste les

cela,

Vladan

troubles

suscitèrent

une

anti-

intérieurs

et

tentative

de

meurtre, qui elle-même donna lieu à un procès sévère contre

chefs

les

pour braver

du

parti

radical.

força d'affermir son trône.

Pendant ce temps,

de son père, Alexandre

les adversaires

Il

s'ef-

avait cherché dans toutes

une Princesse qui voulût bien le suivre à Belgrade, malheureusement en vain. Il dut donc, au pisaller, se décider à épouser une dame à laquelle manquait les cours

la noblesse et bien d'autres qualités encore. Elle s'appelait

Draga Maschin,

et

l'avenir

malheureuse. Car déjà décidé; juin 1903

:

roi

sort

une reine encore plus

du jeune couple royal la

nuit

du

Alexandre, la reine Draga

généraux

du monde de tre

le

veuve pauvre d'un ingénieur

d'être

s'accomplit dans

il

Le

frères, trois

c'était la

réservait

lui

et

et ses

deux

encore quelques autres fidèles

la cour, tous furent victimes d'un

abominable.

était

10 au 11

meur-


-

187

A ce moment, la situation commença à s'embrouilsérieusement à l'intérieur du pays. Non seulement le peuple en général, mais encore les partis politiques et le corps des officiers se scindèrent. Entre temps, le nouler

veau prétendant à la couronne, Pierre Carageorgievitch, monter sur le trône de Belgrade, devenu vacant. Pierre fut bientôt nommé Roi, une délégation composée de tous les partis vint le chercher à Genève, s'apprêtait à

et

couronné en 1904.

fut

il

On

prête au

Roi Pierre une nature simple,

caractère peu enclain à la

Obrenovitch. début, tenu il

n'était

l'initiative reille,

Pauvre un peu à

pas

leur

à

A Genève,

se révéler

dès

fut

considérait

un peu dur

le

comme un

peuple,

chef qui

d'o-

résida jusqu'à

il

comme un

loyal et droit; à la tête de son petit bientôt

un

chère aux

de son Gouvernement, et ses ministres de comprimer

royal souverain,

le

il

et

l'écart

montrait rarement.

son avènement, on

aventureuse

parcimonieux,

et

difficile

que

vie

était

caractère

devait

il

plutôt le

père de ses sujets que leur Souverain.

Les destinées de l'Etat furent confiées à l'énergique du Conseil des ministres Pachitch, qui sut dominer la situation intérieure particulièrement diffiprésident

cile.

gère

Pour y remédier, il inaugura une politique étranextrêmement active l'idée sud -slave était au ;

fond de tous les cœurs,

et les

partis

radicaux

ne

tar-

dèrent pas à se

mettre d'accord sur les moyens pratiques de parvenir au but. A cette époque, leur pro-

gramme

comportait déjà

qui visait

surtout

l'alliance

à une politique

avec

le

Monténégro,

internationale

corn-


mune aux deux la Bulgarie,

chés qui le

lui

-

188

Etats, puis

à une union douanière avec

pour ouvrir à l'agriculture serbe des débouétaient fermés du côté de l'Ouest, et que

peuple du reste ne recherchait guère de ce côté

Autant

d'articles

!

recelât le

danger d'un

Après

moment

au programme, autant de germes une idée politique qui ne

n'y avait pas

de guerre

Il

là.

les

conflit!

expériences

de

dernière

la

guerre,

le

semblait venu de chercher à s'entendre à l'amiable

avec la Bulgarie au sujet de la question macédonienne, et enfin

obtenir

on essaya aussi de négocier avec l'Italie pour l'Adriatique. Si l'on mesure la dis-

un port sur

tance qui séparait de la

mer

les frontières de la Serbie

on comprend l'obstination du peuple serbe à 200 km. de plus vers le Sud-Ouest. Les négociations avec l'Italie au sujet de la côte de Dalmatie, propriété de l'Empire des Habsbourg, n'aboutirent pas, à notre connaissance du moins. Par

d'alors,

s'étendre sur

contre, en

1904

déjà,

une entente

s'établit

avec la Bul-

ne fut élaborée que huit ans plus tard, pour servir d'instrument politique utilisable. Pendant ce temps, une propagande toujours plus forte en faveur de l'idéal

garie, qui

national et au détriment des droits de possession étran-

en éveil l'espérance des patriotes de Belgrade. Moins que partout ailleurs, on semblait ici se rendre compte combien il pouvait être dangereux à la paix des Balkans et de l'Europe, de s'entêter à des exigences exclusives. C'est dans cet état d'esprit que commença

gers, tenait

l'année 1908. Si l'annexion de

la

Bosnie

et

de l'Herzégovine a


— été comprise,

même

-

189

par beaucoup d'entre les adversaires

de l'Autriche, personne

n'a

pu, d'autre

nier

part,

les

désappointements que cet événement devait forcément

La Grande Puissance

provoquer en Serbie.

avait émis

une prétention politique; le petit Royaume fit valoir une prétention nationale. L'Autriche-Hongrie pouvait en appeler à de nombreux précédents de l'histoire universelle, au mandat qui lui avait été confié 30 ans auparavant par toutes les Grandes Puissances, à tous les sacrifices matériels

autres qu'elle avait apportés

et

à son exécution. La Serbie pouvait s'appuyer sur un droit beaucoup plus ancien, mais uniquement moral.

Dans une note de le Gouvernement taires

du

traité

protestation du 7 octobre 1908, que

royal

de

aux Puissances signa-

adressa

Berlin,

il

demandait

sement absolu du statu quo ante.

Et

si

rétablis-

le

cette

solution

ne devait pas être possible, que l'on donnât à la Serbie

une compensation suffisante et

«

pour procurer au

pays

à la Nation serbe en général, tout au moins cette

possibilité d'existence qui lui avait été assurée

de

grès

Berlin

>.

Le Roi

Nikita,

lui

aussi,

au Con-

dans une

proclamation au peuple monténégrin,

et

aux Grandes Puissances, se plaignit

du coup que

«

dans une note l'an-

nexion des deux provinces avait porté à la nationalité serbe. »

Au commencement cette

crise

d'annexion,

de 1909

disputer sur la scène. Lorsque clarée sans

main

ambages

forte, la

le

rideau tomba sur

sans que l'on eût cessé de se

l'Allemagne se fut dé-

prête à la guerre et décidée à prêter

Russie dut céder devant l'Autriche. Ainsi la


190

paix fut sauvée... et les prétentions serbes abandonnées.

La Monarchie danubienne échangea contre quelques promesses d'ordre économique, l'adhésion formelle du Roi Pierre au nouvel état de choses, ainsi que l'assurance qu'il renoncerait dans l'avenir, à toute résistance. 1 « Il n'en demeure pas moins regrettable » dit en 1910 le professeur français de droit international Despagnet,

2

que

le

statu

quo dans

les

Balkans

ait

été

modifié brusquement par l'initiative d'une Puissance justement estimée jusqu'à ce jour par sa correction diplomatique et la sagesse de son vieux Monarque. 11 est

non moins

regrettable

qu'une Conférence n'ait pu

se

réunir pour régler, non toute la question d'Orient, mais seulement les questions spéciales soulevées par la Bulgarie et F Autriche-Hongrie ». Tel est le point de vue de la science du droit international, qui ne perd

jamais de vue

le maintien de la paix ce n'est pas toupoint de vue de la diplomatie qui, évidemment, ;

jours

le

avait à sauvegarder des biens autrement importants que la paix.

à

l'avis

de rien,

Aujourd'hui peut-être, bien de* gens se rangeront du savant, qui jadis et peut-être sans se douter émettait son jugement sobre il n'en demeure :

pas moins regrettable...

Les Serbes, reçu un

avec eux

et

coup, dont

ils

les Slaves du Sud, avaient ne purent se relever par la suite.

Non

seulement

deux

territoires qu'ils avaient considérés

quité

com me

ils

se

virent

frustrés

l'héritage futur de

Voyez

2

Cours de droit international public,

de la déclaration,

de

toute anti-

la nation serbe,

1

le texte

définitivement de

p. 123. p. 307.

mais


-

191

encore leur désillusion portait sur une question d'ordre économique avec la Bosnie et l'Herzégovine disparaissait une fois de plus l'espérance de parvenir à la mer sur :

territoire serbe.

Les Serbes étaient maintenant prêts à avec intrépidité guerre

balkanique

tout. C'est

engagèrent leur drapeau dans la

qu'ils

pour

voir

le

de la

ceint

bientôt,

couronne du vainqueur, devenir l'emblème guerrier du inonde slave tout entier.

Au

printemps 1912,

avec

la Serbie conclut

la

Bul- La guerre

garie des traités secrets, dont la matière représente, en

somme,

le

programme

futur du

Royaume. Nous trouvons

dans ces accords des décisions d'une importance capitale.

En

présence des nombreux événements qui nous séparent

de cette époque, pourtant tout à

fait

pelons d'abord qu'à ce moment, la

Péninsule balkanique, qui

jusqu'à l'Adriatique,

et

la

contemporaine, rappartie

s'étend de

comprend laThrace, à la Turquie

centrale

la

de

mer Noire

la

Macédoine

la

Serbie et

et l'Albanie, appartenait

Par un la

traité

d'amitié

et

d'alliance,

Bulgarie se promirent alors de se défendre de concert,

dans

le

cas où

une Puissance étrangère chercherait à

occuper une partie du territoire balkanique encore sous la souveraineté ottomane, trer provisoirement.

que

le traité

ou

même

Une annexe

lui-même

prévoyait la

seulement à y pénéplus secrète encore « possibilité »

d'une

action combinée contre la Turquie, que ce soit par suite

du désordre qui régnait dans l'Empire du Sultan, ou éventuellement dans l'intérêt du statu quo balkanique.

balkamcl ue


— La façon dont devraient être

192

les frontières des territoires

fixées,

fut établie

fort

conquis

habilement.

On

s'était déjà

en partie entendu à ce sujet devant la carte géographique et les questions qui selon le vieux cipe de la peau de l'ours

— — restaient

prin-

encore provisoire-

ment à l'état d'hypothèses, devaient être un jour soumises à l'arbitrage du Tsar russe.

La convention plus

claire"

:

militaire

le troisième

bulgare. Elle stipulait que, dans tre la Turquie,

la

Bulgarie

200000 combattants,

le

Alliée avec

l'Alliance serbo-

cas d'une guerre con-

aurait à

la Serbie

mettre sur

150000,

triche-Hongrie venait à attaquer Pierre, la Bulgarie

plus secrète et la

était la

document de

le

et

que

si

pied l'Au-

Royaume du Roi

s'engageait à secourir aussitôt son

au moins 200000

soldats, au cours de toutes ou défensives. La Bulgarie prit aussi cet engagement pour le cas où l'Autriche-Hongrie, sous un prétexte quelconque, viendrait à pénétrer à NoviBazar avec ou sans le consentement du Sultan (auquel le Sandjak appartenait encore à cette époque). Tout était prévu dans ce traité: la destruction de la domination turque sur la Péninsule des Balkans, la les opérations offensives

défense contre l'Autriche-Hongrie et la résistance à main

armée contre toute nouvelle l'Orient de la part de

la

tentative d'extension

vers

Monarchie danubienne. Dans

les accords qui envisageaient spécialement la conquête de la Macédoine, il n'était pas tenu compte seulement des aspirations à une plus grande Serbie, mais

aussi

du désir d'un débouché vers la mer. Les événements survinrent rapidement:

la

guerre


193

des peuples balkaniques contre la Turquie

Serbes auraient dû, selon

la

grande partie de leur armée dans

la plus

éclata.

Les

convention militaire, jeter la plaine

du

Vardar, pour marcher sur Salonique. Cependant au début de la campagne,

les

soumirent tout

Bulgares leur

à coup un plan de guerre foncièrement neuf. L'entrée dans la plaine du Vardar resta bien réservée aux troupes du Roi Pierre, mais 10000 Bulgares seulement se mêlèrent à leurs rangs. Par contre, 50000 Serbes avec toute

position

soufflait

de

l'armée

durent

serbe,

d'Andrinople, et cela sur un

de la guerre,

théâtre

Il

de

l'artillerie

aider au siège

point

du

dont la convention militaire ne

mot.

advint donc que Monastir et les villes du Vardar

furent prises par les Serbes seuls, la Thrace par contre,

par les Bulgares avec l'aide des alliés Serbes. Ce résultat de la guerre

était

le

butin

formément à

Non

sens du

le

de guerre ne pouvait être partagé con-

cet accord.

seulement une vive querelle surgit entre

vainqueurs communs, mais encore déjà, et

Comme

dangereux.

ne fut pas conduite dans

l'action militaire traité,

favorable mais

une

fois

la

Serbie

se

les

trouva

de plus, trompée dans ses espérances.

Car, tandis que les Bulgares assistés des Serbes et avec les

canons serbes, battirent complètement

Andrinople leur

et récoltèrent

marche sur Constantinople,

les

Où donc

Turcs à

Serbes réduits à leurs

propres ressources, ne purent atteindre désirs.

les

des succès inattendus pendant

était le port

de

le

mer sur

but de leurs l'Adriatique ?

Les Bulgares étaient bien à Andrinople, mais on n'avait 13


194

pas permis aux Serbes de rester à Durazzo. La volonté des Puissances réunies à Londres ferma la route qui y

suprême

conduisait. C'était là la

désillusion

problèmes qui surgissaient en Macédoine,

quant aux

;

d'en

inutile

parler.

La Serbie ne se laissa pas intimider. Le petit Royaume se prépara à la guerre qui devait faire triompher l'idée

d'une plus grande Serbie,

«

grande Bulgarie.

Puisque

»

terrassée, la tâche logique et

la

de celle

»

Turquie

«

d'une plus

à

était

immédiate de

terre,

la Serbie était

de triompher de l'idée d'une plus grande Bulgarie. C'est

pourquoi

le

Roi Pierre montra

très

peu d'enthousiasme

pour une solution arbitrale de ce nouveau

Le 2 juin 1913,

conflit.

premier délégué bulgare à la

le

Conférence de la paix à Londres, Monsieur Danef,

dans

nouvela,

un exposé que

presse

la

re-

quotidienne

publia, la proposition déjà trop longtemps examinée, de

soumettre au moins

du Tsar, comme

il

le

principe du

conflit

déjà auparavant,

au mois de

serbe s'était

avec la Grèce contre la

que

le traité

allié

les

motifs que l'on

que de

à l'arbitrage

en avait été convenu autrefois. Mais mai,

le

Gouvernement Bulgarie. Dans

journaux ont publié en 1916, pour les sait, nous trouvons la garantie réciprol'engagement de se

la possession territoriale, et

prêter assistance mutuelle, dans le cas où l'un des deux

Etats serait attaqué, sans provocation

une nous

tierce Puissance. fait

Alliance

;

La

réserve

«

penser au chef-d'œuvre du ici

encore, elle laissait le

de

sa

part, par

sans provocation traité

plus

»

de la Triplevaste

champ

à la libre appréciation de chacun des contractants. Mais


-

195

ensuite, l'accord stipulait nettement l'assistance mutuelle la

plus large

contre

la

Bulgarie.

Aucune Puissance

étrangère ne devait se permettre de s'établir sur la rive droite

du Vardar, entre

la Serbie et la Grèce, et si

ne trouvait aucun moyen de s'entendre avec

au sujet des à

chait

Roi Ferdinand cherses désirs par la force, la Grèce et

frontières,

réaliser

la Serbie

ou

l'on

la Bulgarie

devaient se prêter

toutes leurs forces militaires.

si

le

assistance

On

mutuelle

avec

avait ensuite convenu

exactement, qu'à l'ouverture des hostilités, 150000 Serbes et 90000 Grecs seraient mis sur pied

;

l'on

avait

en outre décidé que les engagements précités entreraient immédiatement en vigueur, aussitôt qu'on aurait devant soi deux divisions bulgares. Ainsi donc la Serbie

et la

Grèce s'unirent en vue

main armée ces intérêts, du reste communs, qu'il s'agissait de mener à bonne fin à l'encontre de la Bulgarie. Lorsque l'armée bulgare, sans aucune déclaration de guerre préalable, tomba sur ses ex-frères d'armes, elle les trouva ensemble, prêts à la bataille. Sur de protéger à

qui pesait alors la responsabilité de cette guerre fratri-

cide?

«

— miers

Si les Bulgares semblent avoir attaqué les preécrivait le

Temps du 3

juillet

les

Serbes ont

aussi montré qu'ils ne désiraient qu'une occasion d'élargir

en guerre véritable les rencontres d'avant-postes

».

En

peu de semaines l'armée bulgare fut anéantie la nouvelle Alliance balkanique à laquelle, entre temps, était ;

venue s'ajouter apparence

— la

Cependant

la

Roumanie, dominait - du moins en

situation dans les Balkans. la Serbie n'avait

pas encore atteint son


-

-

196

Les Puissances qui avaient cru devoir, à un mo-

but.

ment donné, sauver

les petits Etats

accoururent pour préserver

turc,

balkaniques du poing

le vieil

Bulgarie d'une ruine complète.

et la

qui jusque-là

Triple-Alliance,

du rôle de

contentée

s'était

Empire ottoman

La

spectatrice,

particulièrement effrayée des résultats considérables

fut

obtenus par

au

titre

les petits

peuples des Balkans;

elle s'inscrivit

de nouvel adversaire de la Serbie, car c'est avec

désormais de régler la

la Triple-Alliance qu'il s'agissait

question du débouché vers l'Adriatique. C'est pourquoi la fin

de Bucarest signifiait bien

la paix

de la guerre balkanique, mais non la solution du

problème des Balkans.

En

premier

lieu, le

principe des

nationalités n'avait pas prévalu dans le partage des territoires,

ce qui, sans nuire toutefois

pratiquement aux

intérêts serbes, équivalait pourtant à la défaite de l'idée

du Panslavisme. connaissance décliné, bie,

qui

Si,

de la

est clair

il

perdait

d'autre part, situation

que

de

qu'elle avait obtenus

fait,

triompha à

politique

Bucarest, lorsqu'il exigea

pas diminuée

une partie des

la Ser-

résultats

au prix de son sang. Le vénérable

principe de l'équilibre

fût

principe d'une re-

par les armes fut

au détriment de

c'était

ce

le

créée

que

la

la paix

Bulgarie écrasée

de

ne

proportionellement à l'étendue de sa

défaite.

*

Après deux campagnes

* victorieuses,

les

Serbes se

montraient peu disposés à abandonner leurs projets de navigation.

La

Bulgarie, l'adversaire battu, avait obtenu

ses ports dans la

mer Egée,

et la

Serbie resterait isolée


197

de l'Adriatique? Déjà la

— Serbie des Obre-

vieille petite

nowitch

avait aspiré à la possession d'un port pour à l'exportation de ses produits indigènes, et la Serbie du roi Pierre, agrandie et victorieuse, devrait se servir

pour

tenir

procher l'Italie

de rester un Etat enfermé?

satisfaite

Tandis que

Royaume

le

des côtes

de

de la Save tentait de s'apl'Autriche-Hongrie

l'Albanie,

et

voulaient avoir la certitude que ce pays qu'elles

ne pouvaient se partager entre influence étrangère.

Elles

fût libre de toute

elles,

ne pouvaient se

le

partager,

parce que tout partage aurait comporté pour la Monarchie

danubienne

souci de voir

le

partie de la côte orientale de la le

occuper une

Adriatique.

Même

plus petit promontoire de l'Albanie méridionale aurait

suffi

et

l'Italie

mer

aux

de

Italiens,

cela,

pour dominer

détroit d'Otrante

le

Monarchie danubienne

la

entendre parler.

Une Albanie

ne voulait

pas

serbe aurait eu des incon-

vénients analogues, parce que les Serbes, une fois ins-

sur la côte, se seraient alliés à

tallés

l'Italie et

auraient

Habsbourg la maîtrise de l'Adriatique. C'est pourquoi le Gouvernement de Vienne désirait, ou que l'Albanie restât une petite pu, de ce

province

fait,

turque

plus possible

Etat

en

Prince

ravir à l'Empire des

qu'elle

miniature,

ami.

ou — comme cela n'était devînt une Albanie libre, un

inoffensive,

L'Italie,

peu important,

gouverné par

par contre,

de

forcée

un

renoncer

à une prise de possession, avait dès longtemps essayé d'exercer son influence sur l'Albanie ottomane, en fon-

dant des écoles, en y envoyant des missions chrétiennes, etc., ainsi qu'en entretenant des relations économi-


— ques

actives,

très

198

avec ce pays,

la côte orientale de l'Adriatique,

Elle désirait voir sur

un

petit Etat indépen-

dant qu'elle pourrait un jour peut-être, prendre

définiti-

vement sous son aile. De telles oppositions entre deux Grandes Puissances demandaient un moyen terme la fondation d'une Principauté autonome avec un chef :

par la Triple-Alliance. Ainsi la controverse

choisi

trouvait arrangée, au il

moins pour

se

deux Puissances;

les

semblait de minime importance que la Serbie eût été

frustrée de

ses plus belles espérances.

Nous pouvons donc nous rendre compte que intérêts

désirs

On

du

roi

Pierre

avec

étaient inconciliables

de Vienne, aussi bien qu'avec ceux de

savait

cela

les

les

l'Italie.

à Belgrade, par l'entremise du Comte

Berchtold et du Marquis de San Giuliano. Mais depuis

longtemps,

la Serbie

sur

plus habituée

n'était

lesquels

il

l'antagonisme

compter au

pouvait

avoué

plier

la

pis

aller.

Malgré

deux Puissances méditerra-

des

néennes membres de

Tri pie- Alliance, déjà dans les

premiers jours de novembre 1912,

des troupes serbes

marchaient contre Durazzo, pendant que ténégrins,

à se

en outre, ce peuple slave avait des amis

docilement;

toujours serviables,

bourgade de San Giovanni

di

les frères

mon-

occupaient Alessio et la

Medua. La Serbie voulait

bien se contenter d'un petit littoral d'environ 80-100 km.,

mais

cette exigence fut

vitale

et si

le roi

présentée

Pierre

qu'il voulait mettre l'Europe

Cependant, le

le

comme une

condition

en tentait l'occupation, en face d'un

Gouvernement russe

fait

se

c'est

accompli.

montra dès

début peu disposé à prêter à la volonté de son pro-


tégé un appui sérieux. contentèrent si

le désir

-

199

Les Puissances de l'Entente se

de demander au Gouvernement allemand

qu'avaient les Serbes d'obtenir un port sur

l'Adriatique

ne

heurterait

se

à aucune résistance.

A

von Kiderlen-Waechter aucun doute, l'Autriche-Hongrie

cette question le secrétaire d'Etat

que

répondit

:

sans

s'opposerait catégoriquement à et qu'elle serait

magne

et

par

Pour

«

l'Italie.

un grave auteur de

dit

un

désir de cette nature

en cela pleinement soutenue par éviter

l'Alle-

une complication

la Triple- Alliance

le

comte

Berchtold tenta de persuader amicalement la Serbie de de ses efforts

l'inutilité

»

!

M. von Ugron, Ministre à

Belgrade, chercha d'une façon analogue à amadouer la Serbie.

On s'apaisa... —

«

pour éviter une complication...»

Ces représentations, soutenues par allemande l'effet

et

ne

italienne,

les diplomaties

produisirent cependant

pas

qu'on en avait espéré. Le président du Conseil des répondit froidement que

ministres Pachitch,

:

la Serbie

à un

port sur

l'Adriatique, que son obtention était pour elle

une con-

ne pouvait absolument pas

renoncer

dition d'existence.

Pour comprendre

la

gravité

n'avons qu'à comparer cette

avec un

article écrit

avant

le

de la situation,

déclaration

nous

de la Serbie

déchaînement de

la guerre,

où il est dit que l'Autriche était déjà prête depuis six ans à prendre la responsabilité d'une guerre avec la Serbie et

avec la Russie, à cause de l'exigence serbe d'un port

en Albanie (Durazzo) 1 1

D

r

Fritz Tarrasch.

deutsche Monatshefte.

.

On n'abandonna

pas la question.

Das Gesetz der albanischen Frage. Sûd-

Sept. 1915.

Cet

article, écrit

1914, ne fut publié qu'après la mort de l'auteur.

au printemps


-

Le Roi Pierre demanda à donner à

pourrait pas

Giovanni ce port et

protecteurs

ses

la Serbie

le

Medua avec une bande

di

étroite qui

-

200

On

y conduirait.

petit

Ton ne San

si

port de

de territoire très

pourrait alors

neutraliser

de communication sous la garantie

la route

de l'Europe, en outre,

ne serait permis à aucun vais-

il

Le secrétaire d'Etat anrecommanda au gouvernement de Vienne cette

seau de guerre d'y séjourner. glais

proposition, que la Russie et la France transmirent, et

y ajouta

mention que

la

les

Grandes Puissances

de-

vraient échanger leurs idées au sujet de cette affaire.

Cependant,

le

comte Berchthold déclina

tion russo-française.

d'un

«

la proposi-

ne voulait pas entendre parler

Il

corridor » au nord de l'Albanie, mais par contre,

donna son approbation à une Grandes Puissances, proposée par

il

anglais,

le

secrétaire

était le

le

suivant

communication avec

la

:

point

de vue de l'Autriche-

la Serbie pourrait obtenir sa

mer,

si

elle construisait

un

çon de voie ferrée qui traverserait la Bosnie, dire

un

territoire

L'énergie tière

six

d'Etat

sous réserve toutefois qu'elle ne nuirait pas à

son point de vue. Or,

Hongrie

des

délibération

adopta

le

tron-

c'est-à-

appartenant à l'Empire des Habsbourg.

avec laquelle la Triple-Alliance tout enprincipe

du Gouvernement de Vienne,

décida les Puissances de la Triple Entente à abandonner la réclamation

serbe...

pour l'amour de

la paix.

Sur

la

proposition de l'ambassadeur russe, on décida à Londres,

17 décembre 1913, économique à un port

le

d'assurer libre et

convint d'un contrôle militaire

à

la

Serbie

l'accès

neutre en Albanie.

On

européen sur ce chemin


-

-

âoi

de fer et on accorda toute liberté de transport pour ies

marchandises serbes, y compris

Le

petit

Royaume, qui

munitions de guerre.

les

ses intérêts à

confié

avait

la Conférence des ambassadeurs, fut donc obligé d'aban-

donner ses prétentions à un débouché direct sur l'A-

Ce fut là le dernier chagrin des Serbes et une amère désillusion pour les guerriers qui avaient

driatique.

nettoyé les Balkans de l'élément turc.

pas se séparer des

ne voulaient

Ils

villes albanaises qu'ils

avaient occu-

Gouvernement ausune note collective des Puissances en automne 1913, une démarche collective de la diplomatie de la Triple-Alliance, une menace lancée le 15 octobre par le comte Berchtold, où il se disait absolument répées; les représentations répétées du tro-hongrois,

solu à faire respecter les décisions qui avaient été prises

à

Londres par tous

appropriés

les

moyens qui

paraîtraient

lui

rien ne put déterminer les Serbes à éva-

cuer les territoires albanais. Ce ne fut qu'un ultimatum

à échéance qui put atteindre son but

parce que la Russie voulait absolument la paix.

Car sans l'assentiment

tecteur, la Serbie

armée contre complit

le

25 octobre

la

Monarchie danubienne troupes dans

n'y avait

plus

l'atteignit

maintien de

son pro-

l'aide de

ne pouvait engager une

retrait des il

et

il

le

;

lutte

ainsi

le délai

à main

donc

s'ac-

imposé. Le

un seul soldat serbe sur

territoire albanais.

Pendant ces excursions en Albanie, la Serbie avait prétexté la nécessité où elle se trouvait, de protéger les frontières du Royaume agrandi contre les hordes albanaises,

et

de les poursuivre sur leur propre

terri-


-

202

en punition de leurs empiétements. Toutefois, on

toire

n'admit pas ce motif de façade,

et le

motif intime que

Un

l'on connaissait bien, fut directement repoussé.

connu

torien très

justement

de :

«

la

Monarchie danubienne, remarque

La

Serbie, encouragée par ses succès,

aigrie par ses désillusions, resta

tions dangereuses.

que l'Autriche

Nous

un foyer de fermenta-

L'on peut se demander

et l'Italie

vis-à-vis de

succès,

si l'attitude

avaient adoptée, du reste avec

la Serbie,

était

bien opportune.

citerons encore quelques passages dus

à

le

dernier germe

de guerre,

resté

'

»

plume

la

de cet écrivain, qui nous feront voir toujours plus

rement

his-

sur

le

clai-

sol

dangereux du Petit Royaume. «

L'on

tions serbes

fit

arguments contre

valoir trois

les préten-

:

Le premier, « que l'on ne pouvait tolérer sur l'Aaucun déplacement de forces », n'était qu'une phrase creuse, car l'établissement de la Serbie sur un driatique

même

point de la côte albanaise, ne laissait pas prévoir,

dans un avenir lointain,

une menace pour

l'équilibre

sur l'Adriatique.

Le prétexte du principe des

nationalités,

permettait pas de laisser aux Serbes

un

des Albanais, ne peut pas être considéré

comme

puisque l'Angleterre, l'Allemagne, la France possédaient

d'innombrables

ports

dont

qui ne

port habité par

les

et

sérieux, l'Italie,

habitants

appartenaient à des nations étrangères.

1 D r E. Wilhelm Fraknôi Deutsche Bévue, juin 1916.

:

Die Stellung Serbiens,

u.

s.

w...


-

-

203

Des frottements entre Serbes

et

Albanais étaient

sans doute possibles, mais en revanche, on se trouvait

en présence

de

de conflits sérieux,

la certitude

que

devait fatalement provoquer l'orgueil insatisfait des Serbes. »

Le président du Conseil des ministres serbes déclara 28 mai 1913 à la Skouptschina, « que par suite de leur refus d'adhérer au désir serbe, les Grandes Puissances avaient renoncé à une solution définitive de la question des Balkans, et avaient ainsi créé un état de choses qui serait pour elles pendant plusieurs années, une le

source de soucis et de désagréments.

»

Lorsque l'Archiduc-héritier d'Autriche fut assassiné par un

que

sujet de la Monarchie,

de nationalité serbe, et

Gouvernement de Vienne commença son enquête

le

au milieu d'un silence mystérieux, on comprit bientôt à Belgrade, que ce drame aboutirait à une explication entre les deux Gouvernements. Le 15 juillet, le Minisf

Vienne

tre de Serbie écrivit de

plus nous

intéresser,

c'est

ment austro-hongrois a l'attentat

sûre

de

Serajewo.

:

chose qui doit

« la

geste

le

que

l'intention de faire

Une

le

le

Gouverne-

à propos de

chose est d'ores est déjà

l'Autriche-Hongrie fera des démarches diplomati-

:

ques à Belgrade, aussitôt que l'enquête à Serajewo sera terminée

ment

:

il

».

Le même jour

compléta son avertisse-

il

s'agirait d'un acte d'accusation très long, ainsi

que d'une

liste

de

conditions

que

la Serbie

aurait à

accepter sans discussion.

M.

Pachitch

s'effraya,

fit

part

de

la

situation

à ses représentants diplomatiques et se déclara prêt à


tout

satisfaire

âo4

désir justifié.

décision suivante

:

Il

fit

connaître aussi

la

«Nous ne pourrons jamais accepter

des exigences qui iraient à l'encontre de la dignité de

qu'un Etat qui respecte son indépendance,

la Serbie et et

qui veut la conserver ne saurait accepter.

Quatre jours après, ministres

serbe,

le

président

»

du Conseil des

par intérim, M. Laza Patchou, reçut

l'ultimatum du Gouvernement austro-hongrois.

En

l'ab-

sence de M. Pachitch et de plusieurs de ses collègues,

aux envoyés serbes auprès des Puissances ajouta à son télégramme qu'il pouvait dire dès maintenant que les exigences étaient telles qu'aucun Gouvernement serbe ne pourrait les accepter il

en

fit

part

étrangères,

et

en entier.

Le jour suivant,

le

24

juillet

déclara au chargé d'affaires russe

:

«

1914, M. Pachitsch

au cas où

la

guerre

serait inévitable, la Serbie la fera 1 . »

Voici donc la Serbie sur

le

seuil de la guerre.

On

connaît sa réponse à l'ultimatum qui lui avait été posé.

Les principes qui conduisirent apparaissent

comme

la

la

conclusion

plume de Pachitch, du développement

national, intellectuel et politique de la Serbie dans l'es-

pace d'un 1

Livre jaune Serbe n os 23 et 25, 30, 33, 34. Le chargé d'af-

faires russe livre

siècle.

fit

part de ces dernières paroles à son Gouvernement;

rouge russe n os

1 et 9.


LA RUSSIE L'Empire russe s'est éveillé ternationale. Ce n'est que Pierre dans

sit

membre, dont

à

Grand qui

le

la vie in- L'origine de deux buts -

introdui-

européens ce nouveau

Etats

des

société

la

très tard

passé appartenait davantage à

le

armée désordonnée

Une

parvenue, sous l'escorte

bien

était

l'his-

peuples occidentaux.

toire de l'Asie qu'à celle des

de la caste guerrière des Strelitz, à refouler les peuples

de

voisins

mais

l'Orient,

non

pas à

poursuivre

les

jusqu'aux rivages de la mer, qui se trouvaient sous une

domination étrangère. La Russie et

c'était

occupaient

Sud

les

étaient

son souci

la

au

port

seul

nord,

pendant

les

les

Suédois

Baltique,

mer Noire

les

;

d'Arkangel

Blanche, qui ne leur permettait qu'un insuffisant

un Etat enfermé

mer

vers la

Turcs dominaient réduits

Au

capital.

débouché

le

était

sur la

trafic

et

au

Russes en

mer

commercial

quatre mois de l'année où ce

port n'était pas gelé. Pierre le Grand, dans sa jeunesse, quitta donc les frontières

de son Empire assoupi, pour

l'occident

une nouvelle

les Etats

civilisés

de l'Europe,

officiers étrangers et créa

merce

;

il

une

flotte

amener de

il

en Russie des

attira

une nouvelle armée organisée

d'après les principes modernes. et construisit

lui

Après avoir parcouru

vitalité.

Il

fit

venir des ouvriers

de guerre et une

engagea des ingénieurs

et se

flotte

de com-

mit à exploiter


-

206

des mines, à creuser des canaux. Des industries à

l'oc-

cidentale s'épanouirent en Russie, les enfants allèrent à l'école et leurs parents s'habillèrent

Russie se

sous

réveilla,

le

à l'européenne. La

sceptre d'un despote intelli-

gent et énergique.

Tout

ceci se

passa au tournant de l'année 1700,

et

moyens devaient contribuer aux mêmes buts

tous les

tout d'abord

on attaqua

sir d'Azof, la clef

les

:

Turcs. Ils durent se dessai-

de la mer Noire; ensuite, après une

longue campagne, on arracha les Provinces Baltiques

aux Suédois. Près du

golfe de Finlande, s'éleva bientôt

St-Pétersbourg, la future capitale d'une nouvelle Grande

Puissance européenne.

On prétend que Pierre le Grand avait laissé un Testament politique », et déjà en 1812, il fut publié sous ce titre un document, sur lequel le savant suédois «

1

donne de plus amples détails. Qu'il originale du Grand Tsar ou d'un faux document, il n'en est pas moins vrai que le « Testament de Pierre le Grand » survit en tant que programme russe, dans les traditions de l'histoire de la politique programme selon lequel les désirs supposés ou réels du Monarque agonisant, se sont en partie réalisés au cours des temps. En effet, Catherine h continua l'œuvre de Pierre le Grand. En étendant son Empire du côté de la Pologne, en arrachant aux Turcs un vaste Gustave F. Steffen s'agisse d'une

œuvre

;

littoral

Crimée,

au bord de elle

la

mer Noire, avec

la presqu'île de

conduisait vraiment la politique russe dans

Weltkrieg und Imperialismus 1915.


— que Pierre

la direction

-

207 le

Grand

est

sensé avoir indi-

quée à ses successeurs.

La Russie

de la Pologne

partage

le

lutte

à se rapprocher de

aspire

Méditerranée

tique, de la

infatigablement

et

mer

la

Bal-

du Grand Océan. Pendant

elle

s'étend

au Sud, contre

vers l'Ouest et

Turcs, pour

les

compléter la possession de la côte septentrionale de la

mer Noire par nelles.

celle

de Gonstantinople et des Darda-

l'Empire dispose de forces considérables,

poussée vers la mer libre n'est nulle part localisée

la il

Gomme

cherche encore à se frayer un chemin vers

;

Sud-

le

Ouest, dans la direction du Golfe Persique, et enfin plus s'ouvre une voie d'accès aux eaux chinoises,

au Nord,

il

à travers

la Sibérie.

Testament n'est-il qu'une légende, mais Lorsque Pierre le Grand eut

Peut-être, le cette légende

annexé

les

se réalisa.

provinces d'Esthonie et de Livonie, son

Em-

pire reprit la lutte, désormais historique et presqu'inin-

pour leur ravir la porte

terrompue, contre les Turcs, de sortie de

la

mer Noire. Dès

lors,

Russie

la

développée de tous les côtés en poursuivant

en ce qui concerne la Pologne

unique but

:

la

toujours

communication avec

de deux siècles,

la

le

s'est

excepté

même

et

mer. Depuis plus

l'Empire colosse tente, les armes à la

main, de se rapprocher de la mer libre;

on

dirait

une

garnison cernée, qui renouvelle régulièrement ses sorties, aujourd'hui dans une direction, demain dans une autre.

Jean

m

byzantin à les

avait ajouté

deux

armes russes,

têtes,

aux armoiries russes

l'aigle

dans l'intention d'assurer par

la victoire

du christianisme sur

l'Is-


— Depuis que Byzance

lam.

Moscou avait

été

-

208 était

aux mains des payens,

comme Métropole

choisie

de la

foi

orthodoxe, et la protection des chrétiens devait, de cette s'étendre sur tout l'Orient. Cette pensée, qui vit le

ville,

jour à la

XV

e

constituait le point de dé-

siècle,

grande action,

d'une

part

du

fin

dont

l'essence

même

est

parfois difficile à percevoir clairement. Elle se manifeste

à travers

universelle

l'histoire

des

temps modernes,

tantôt sous forme de lutte pour l'indépendance des peuples chrétiens contre Gonstantinople, tantôt sous la forme

habituelle d'expéditions conquérantes que les

Russes en*

treprennent avec l'aide de leurs corréligionaires balka-

La Russie passa

tout d'abord pour un protecLe pape considérait comme tel le Tsar Féodor, Jorsqu'en 1594 il envoya à Moscou un Jésuite pour inviter l'Empereur à délivrer, au moyen d'une

niques.

teur honnête.

guerre d'affranchissement,

« les

peuples qui parlaient la

langue de la Russie, se différenciaient peu des Russes, et seraient

C'est

assignée

heureux la

d'accueillir leurs frères 1 ».

première

aux Russes

;

fois

qu'une tâche semblable fut

son accomplissement prévoyait

une grande abnégation. Mais déjà Pierre le Grand sut mettre à profit, pour servir ses propres ambitions, le mécontentement des chrétiens des Balkans, opprimés Grecs, Valaques, Bulgares et Serbes. par les Turcs Pleins de zèle pour leur foi chrétienne, ces peuples marchèrent à ses côtés, sans se douter que la campa:

gne qui devait commencer 1

le

printemps suivant,

et qui

N.Dascovici: La question du Bosphore et des Dadanelles, p. 90.


— du

à

reste aboutit

209 victoire

la

des Turcs,

servirait

l'agrandissement de l'Empire Russe. Et Catherine n de naissance allemande

Princesse suivre ses

propres

buts, lorsqu'elle

chrétiennes

savait bien pourse

mit à exploiter

Ses agents soulevèrent

leur zèle religieux. tions

Balkans contre

des

les

point cette méthode, que l'on retrouve jusqu'au

l'époque moderne \

égoïstes.

accordé aux peuples chrétiens n'était cer-

une obligation

avant

tout, être

outre,

il

et

fixe,

un

tel service,

devait,

compatible avec les intérêts russes.

En

hors de doute, qu'il devrait heurter, tem-

était

porairement du moins,

(comme par exemple ce

cœur de

inspirée par des motifs pure-

était

ou par des motifs politiques

religieux

L'appui tes pas

popula-

les

oppresseurs

n'a jamais pu tirer au clair jusqu'à quel

turcs, et l'on

ment

à

des

le

maximes plus importantes

principe de la légitimité). C'est

que l'Empereur Alexandre a bien ressenti du temps

de Metternich,

aux Grecs.

A

lorsqu'en 1821,

il

époque ont

fit

cette

refusa tout secours

appel à

la

Russie

:

Ypsilanti s'adressa à la Puissance protectrice des chrétiens,

pour mener à bien, avec son aide, une insurrec-

tion des peuples chrétiens des

Mais

il

reçut

comme

Balkans contre

les Turcs.

réponse, que cela irait à l'encontre

de la dignité du Tsar, de saper les fondements de l'Empire turc!

Toutefois, quelques années après, le nouveau Tsar,

Nicolas

1

I er ,

comprit mieux les véritables besoins de ses

Comparez

:

Seignobos,

Histoire politique de l'Europe con-

temporaine, Paris 1908, p. 782-

u


— petits voisins, et

Grèce

fît

preuve aussi de plus de générosité.

campagne contre

une

entreprit

Il

210

l'adversaire

avança jusqu'à Andrinople,

et

La Grèce

septembre 1829.

conclue en

la

de

la

paix fut

reçut ainsi

l'in-

dépendance conformément à une décision prise par avec

Russie,

son

côté,

France

la

l'Angleterre,

et

la

la

Tsar de

le

de cette victoire de grands profits pour

tira

son propre pays. Avant tout on plus,

et

une

lui assura,

de navigation sur

liberté

le

Danube,

de

fois

sur la

mer Noire

et dans les Dardanelles. Après que les Russes eurent rendu ce service aux Grecs, Nicolas I er inaugura si habilement une politique amiable avec la

Turquie que bientôt, pour autres

Puissances

complètement sous

la plus

européennes,

grande inquiétude des Sultan

le

trouva

se

la tutelle russe.

*

*

Comme

-esprennères

de la de iquerus-

léfaites

la

même

Russie avait acquis

la

protection

des

chrétiens

L'on voulait

sentiments

c'était là

pacifiques

et

des

la porte d'entrée

de la maison russe.

en outre, écarter autant que possible ;

c'est

la so-

Dardanelles.

par

beaucoup d'habileté, se le Souverain qui com-

mandait à étrangères

exclusif

Balkans, de

une nouvelle méthode

en bons termes avec

la

les

en somme, à

question

la

maintenir

lait,

le privilège

dans

cette récente intimité visait,

lution indépendante de des

*

les

Il

fal-

Puissances

à ce prix seulement que les projets de

Russie pouvaient prospérer.

Par

venu que

le

traité russo-turc

les

de 1805,

il

avait été con-

deux Puissances interdiraient de concert,


— dans certains

Par

détroits.

cas, l'accès de la

mais

étranger;

-

211

mer Noire à

tout intrus

Sultan restait maître absolu de ses

le

contre,

selon le traité d'Unkiar Yskelessi,

de l'entente turco-russe, la Turquie élargit

à l'apogée

ses concessions en faveur de sa nouvelle amie, en pre-

nant l'engagement de fermer

les

Dardanelles aux vais-

seaux de guerre étrangers, en vue de protéger Noire dans traité

1833

de

passer

de faire nelles,

cas d'une

le

attaque contre la

encore

réservait

en

aux Russes

pour arriver eux-mêmes sur

le

mer

le

droit

les

Darda-

champ de

bataille

leur flotte par

cas

ce

la

Russie. Ce

de la Méditerranée. intervinrent et jetèrent dans

Alors les Puissances

orientales ce veto,

les affaires

pour

trouverons toujours,

La Russie

Russes.

dut

nale de Londres du 13 concerne

Bosphore

le

le

que désormais nous regrand déplaisir des

plus

subir la convention internatiojuillet

1841, laquelle, en ce qui

et les Dardanelles, établit

égal pour tous les Etats.

L'on confirma

le

un

droit

vieux prin-

aucun vaisseau de guerre étranger naviguer dans les détroits. La Porte, tant

cipe d'après lequel

ne devait qu'elle

vivait

en paix,

ne

devait plus

jamais

tolérer

dans ses eaux un pavillon de guerre étranger.

Comme gageaient le

à

les

Puissances du Concert Européen s'en-

reconnaître

cette

« décision

du Sultan

problème entier des Dardanelles fut posé

»,

sur une

base internationale, ce qui anéantit les plus belles perspectives russes.

Mais

le

Tsar n'abandonna pas son projet d'exclure

de la politique orientale les Puissances du Concert Euro-


péen

et

212

-

en particulier, de s'opposer à toute

commune

d'une garantie

l'indépendance de la Turquie. très distinctement

au

tendance

en faveur de l'existence

A

cette

ciel politique,

époque

l'aigle

et

de

l'on vit

russe survo-

coutume de s'élancer toujours à l'improviste sur la ville au croissant d'or, pour ne s'envoler que lorsque les amis de la Turquie accouraient ler l'Orient.

avait

Il

effrayés.

Lorsqu'en 1848 la Révolution éclata partout, aucun chef d'Etat ne

s'en tira aussi bien

que Nicolas

trouva

même

luttes,

à comprimer des exigences libérales

le

temps d'aider

ailleurs,

I er .

Il

par de chaudes et nationa-

Gouvernements européens se remettaient des commotions intérieures, le moment paraissait favorable pour relancer le Sultan, abandonné à ses propres ressources. Un envoyé du Tsar, le Prince Menchikof, se présenta donc en 1853 devant le trône la Porte du Padischah avec de nouvelles exigences devait par un acte formel, reconnaître les droits tradiles.

Et tandis

que

les

:

tionels de la Russie sur les peuples chrétiens de l'Em-

pire

turc,

admettre des

et

conseillers

russes

pour

la

détermination de certaines questions intérieures concer-

nant l'Empire. Et la Russie aurait certainement obtenu satisfaction,

si

la

France

et tout particulièrement l'An-

gleterre n'étaient intervenues. Cependant, cela ne réussit

pas, pour le

moment, à intimider

de toutes les Russies. ter

Il

le

avec l'Angleterre, mais Nicolas

longtemps, qu'au pis

aller, la

Puissances continentales

puissant Empereur

comprit bien qu'il devait comps'était

avisé depuis

plus grande de toutes les

unie à la plus grande Puis-


— sance maritime,

du sort de

213

-

en toute tranquillité, décider

pourrait,

Turquie. Le Tsar lui-même prit la res-

la

ponsabilité de proposer à l'ambassadeur d'Angleterre, sir

Hamilton Seymour, turc.

Mais

pas.

Tandis que

Russie voulait égorger

la

maintenir en

le

les

de l'Empire

l'Angleterre ne concordaient

de

les desseins

malade du Bosphore

commun

partage en

le

«

l'homme

l'Angleterre désirait au contraire

»,

On

vie.

voir

préférait

naviguer dans

Dardanelles les frégates turques, que les bâtiments

de guerre russes. Tsar,

le

Au

appuyé par

France

la

du

lieu d'écouter les insinuations

Gouvernement

seconda la Porte

anglais et

par l'Angleterre,

le

et

Sultan

repoussa les prétentions russes les plus importantes. Alors, à la consternation générale, le Tsar

dans

troupes

ses

provinces

les

danubiennes.

que déjà une

l'épée fut-elle tirée,

flotte

fit

entrer

A

peine

anglo-française

apparut à l'entrée des Dardanelles. La guerre de Crimée se préparait

;

une tentative grave

de réaliser les C'étaient

les

principaux buts

mêmes

qu'il

détroits, protectorat sur les

L'attitude

che

voisine

des

:

sanglante cette

y a 150 ans

:

maîtrise des

inquiétait plus particulière-

l'Autriche-Hongrie,

peuples

balkaniques.

plus pro-

la

La Monarchie

danubienne ne négligea aucun moyen pour tâcher viter

un

engager

conflit, et

les

comme

Russes à

il

au

menacée

et

d'é-

venait déjà d'éclater, pour

retirer leurs troupes des Princi-

pautés ottomanes. Le' voisinage de la Russie portable

fois,

peuples chrétiens.

de la Russie

ment une Puissance

et

de la politique russe.

était

insup-

Gouvernement viennois; la Galicie était le Danube pouvait être incorporé à l'Em-


_ pire

moscovite.

Bref,

-

214

du secours qu'apporta et d'autre part,

vécut une

orientale

politique

la

heure de suprême danger, et ce ne fut que

souvenir

le

Russie pendant la Révolution,

la

le retrait

troupes russes

ultérieur des

hors des Principautés danubiennes, qui permit à la Monarchie des Habsbourg de rester neutre.

Mais vers

la

fin

du

conflit,

adopta une attitude qui fut sur guerre avec

la Russie.

ment de Pétersbourg accepter

les

ne se

de

Autriche-Hongrie

point d'aboutir à la

comme

Gouverne-

le

pendant deux ans à son

de

dans

le

adversaire,

cas où la Rus-

pas à consentir aux propositions des

plierait

avait lui-même élaborées. la

paix

s'y associer,

Puissances, propositions que

pression de

le

effet,

s'était refusé

conditions

Vienne menaça de sie

En

l'

le

Ce

Gouvernement de Vienne en somme, cette dure

fut,

Monarchie danubienne qui engagea

les

Russes à signer le 1 er février 1856 la paix préliminaire de Vienne, à laquelle succéda, quatre semaines plus tard, le

Congrès de Paris. C'est là qu'un

nouveau

traité international fixa les

conditions de neutralisation de la

à

la

marine marchande de toutes

et ses ports sont

mer Noire

:

«

ouverts

les nations, ses

eaux

formellement et pour toujours interdits

aux pavillons de guerre des Etats riverains, ainsi qu'à toutes les autres Puissances... » Quelques cas exceptionnels ne sont pas pris en considération ici. En ce qui concerne le Bosphore et les Dardanelles, l'ancienne règle de l'Empire ottoman resta en vigueur, à savoir que le Sultan ne tolérerait en temps de paix aucun vaisseau de guerre étranger dans ces détroits.

Et enfin

les der-


-

215

furent réduites à néant

nières espérances de la Russie

par

l'article

22

« les

:

Principautés

de la Porte et

la suzeraineté

continueront,

sous

sous garantie des Puis-

et immuAucune protection exclusive

sances contractantes, à jouir des privilèges possèdent.

qu'elles

nités

ne pourra être exercée par l'une des Puissances garantes.

ne subsistera

Il

aucun

droit particulier d'ingérence

dans leurs affaires intérieures.

Nous

»

assistons à la fin de cette première étape de

la politique russe

en Orient, à la ruine absolue de deux

projets,

dont la genèse nous ramène, à travers plusieurs

siècles,

à

d'un Protectorat sur la

fumée,

et

la

Empire mondial.

de cet

l'origine

L'illusion

chrétienté orientale s'en

va en

Russie doit céder la place à la responsa-

bilité collective

des Puissances.

D'autre part, non seu-

lement la route est fermée aux forces navales russes,

mais encore le seul point de ralliement et de sortie est neutralisé. Le Tsar doit subir l'humiliation d'une décision étrangère et franchement tutélaire

de guerre

russes sont bannis

sont bannis de la

mer

de

:

leurs

les

vaisseaux

propres eaux,

Noire. * *

La Russie

*

dû courber la tête devant la fer- L'antagonk vainqueurs, au Congrès de Paris de 1856. Cela me au Con meté des ne voulait pas dire qu'elle abandonnât les projets queS res(îeBeili lui avaient prescrits le Testament de Pierre le Grand. Aucun Empire ne s'est montré aussi inébranlablement fidèle

à

la direction de sa politique,

La conquête de s'est

avait

la

Sibérie

achevée qu'en 1856,

a duré

que l'Empire russe trois

siècles et

:

ne


216

Après un repos de 15 ans, dû principalement à ferme volonté qu'avaient

en paix, nous voyons en

la guerre de Crimée, de rester

1870-71

le

favoris.

Et cela encore une

nouveau ses

colosse russe caresser à

projets

à une époque où le guerre occupait chez eux les Gouvernements

fléau de la

fois,

de l'Europe centrale, et où par conséquent,

Une

trouvait complètement négligé.

l'Orient se

fois de plus, la di-

européenne fut surprise par un message de

plomatie

St-Pétersbourg qui proclamait simplement

de toutes les Russies ne pouvait plus, sentir

la

Puissances fatiguées par

les

par les décisions

lié

contenues

:

que

Tsar

le

à l'avenir,

se

aux actes du

Congrès de Paris de 1856, aussi longtemps qu'elles

limi-

Noire. — Les

Gou-

teraient sa souveraineté sur la

vernants et

au

mer

diplomates n'eurent aucune hésitation

les

sujet de l'interprétation qu'il convenait de

stipulation

cette

comme

des vaisseaux

de

ses

guerre

le pavillon

chantiers

qui

de la mer Noire,

remettraient bientôt en

russe sur les côtes ottomanes. Mais

l'Europe éprouvée par la guerre

pouvait songer à

donner à

Russie se proposait de construire

sur

autrefois,

honneur

la

;

franco-allemande, ne

s'opposer par la force à l'annulation

du traité de Paris. Elle Russes rayonnaient.

dut

céder

cette

fois

et

les

Cependant, cette conclusion spontanée ne leur procurait

toujours pas l'accès

comme

détroits restaient

guerre étrangers la

possibilité

éventuelle

;

mais

de tenir

à

la Méditerranée,

car les

devant, fermés aux navires de les

Russes voyaient maintenant

prête

de Constantinople.

une

flotte,

Or, une

pour

la prise

occasion devait


217

bientôt se présenter, qui leur permit encore une fois de

poursuivre à main armée

le

but de leurs plus anciens

désirs.

En

une insurrection éclata en Herzégovine,

1875,

qui ne tarda

à entraîner

pas

avec

elle

la population

chrétienne de la Bosnie, de la Serbie et du Monténégro

;

une nouvelle révolte contre les abus de l'administration ottomane. Les Puissances européennes se proc'était

posèrent de mettre de l'ordre dans les affaires intérieures de la Turquie, et se réunirent dans ce but, à Constantinople. tion

Mais lorsqu'on voulut organiser une protecdes Etats chrétiens, vassaux du Sultan,

efficace

contre les violences de la Turquie,

tous

les plans s'é-

croulèrent devant la résistance de la Porte.

Comme

les

autres Puissances se montraient peu enclines à déployer

une grande énergie, était

venu d'agir

Russie

la

seule.

sur Constantinople,

chaient

une occasion, en tant ténégrins

pensa

que

le

moment

Tandis que ses troupes le

marTsar aurait pu trouver

qu'allié des

déjà en guerre avec

le

Serbes

et

des

Mon-

Sultan, de ressusciter

du Protectorat. Mais quelle que soit l'on veuille donner aux intentions politique d'expansion dirigée vers la Tur-

la vieille tradition

l'interprétation

de la Russie

:

que

aux Etats balkaniques, ou même aventure audacieuse du Panslavisme toujours est-il qu'elles devaient provoquer un grave conflit avec l'Autrichequie, secours

Hongrie. C'est pourquoi la

vant à

Russie avait déjà songé aupara-

triompher définitivement de l'Autriche-Hongrie.

Lorsqu'en

1876

le

Gouvernement russe

voulut,

pour


mener à bien une

218

entreprise

de cette sorte, s'assurer

la neutralité de l'Empire allemand, elle reçut la

suivante

«

:

réponse

l'Allemagne ne pourrait pas tolérer qu'une

des deux parties fût à ce point blessée et lésée, que sa position de

mot à

son

Dans la

Grande Puissance indépendante et qui avait dire en Europe, vînt à être menacée K »

ces circonstances,

la

Monarchie danubienne,

Russie ne pouvait attaquer peut-être

mais...

y

avait-il

un autre moyen de couper court au péril menaçant que représentait Vienne. L'on fit comprendre à l' AutricheHongrie que les buts de cette campagne revêtaient un caractère parfaitement noble; on offrit au Gouvernement, en compensation de sa neutralité, dans le cas où l'on réussirait, d'occuper la et la

se

demander jusqu'à quel point

russe écoutait

le

propres intérêts.

il

les

Bismarck,

Au

II.

le

oublier qu'avant

Cabinet de Péters-

du joug insupportable

du

traité

déjà indiquée plus haut,

Andrassy 1915,

Reiches Schicksalstunde,

p.

p.

11

;

de Reichstadt de

comp.

Frobenius,

45; Uebersberger;

cit.

p.

275;

etc,

les

œuvres

Des ideutschen

Zum

Verstândnis des grossen Krieges, p. 61; Dascovici taux, loc.

il

Gouvernement

p. 214.

sujet de cette clause secrète

1877, que nous avons

Jules

le

moyens qui auraient permis

d'affranchir les peuples chrétiens

1

Turquie.

cette décision,

aux injonctions de ses

obéissait

Nous ne devons pas

bourg avait épuisé tous

2

la

de détresse des Etats balkaniques,

cri

jusqu'à quel point

de se décider à employer la force,

de

l'Herzégovine 2

et

Russie put donc marcher contre Mais précisément en présence de

faut

et

Bosnie

geschichtichen p.

245;

Hano-


-

219

-

des Turcs, tout en maintenant la paix. Pétersbourg prit

d'une dernière démarche collective des Puis-

l'initiative

On

sances auprès de la Porte. ser les

armes

et

à réaliser dans

invita le Sultan à dépoles

Balkans

promises depuis longtemps

qu'il avait

en outre, qu'elle ne bougerait pas, sentait

à [signer la paix

elle l'avait déjà

fait

avec

le

;

si

la

les

réformes

Russie déclara

la

Turquie con-

Monténégro,

avec la Serbie.

Inutile

;

comme Par-

le

lement ottoman décida de continuer la guerre avec

le

Monténégro. Alors on

le

considéra à Pétersbourg,

que

Et toute l'Europe, y compris même l'Autriche-Hongrie et l'Angleterre, assista à ces événe-

sort en était jeté.

ments sans inquiétude, car il semblait que cette fois, un démembrement éventuel de la Turquie pourrait amener l'indépendance des peuples chrétiens, rait

ce qui n'au-

pas nui à l'équilibre dans les Balkans. C'est pourquoi le

Gouvernement anglais

laissa libre

jeu aux événements, jusqu'au jour où les troupes russes

apparurent devant Gonstantinople.

Ici

Corne d'Or,

les

britannique.

L'Angleterre qui, dans

neutralité,

cependant,

Russes se heurtèrent à

avait souligné

qu'elle

ne

la

à

sa déclaration ferait

la

Puissance

de

pas un pas,

tant que seuls des intérêts turcs seraient en jeu, l'Angleterre avec son armée, barra maintenant la route

Russes.

Ceux-ci,

épuisés

il

est

vrai,

aux

par une guerre

mais dure, furent obligés à leur corps défendant, d'accorder qu'il appartenait au Concert Eurovictorieuse

péen, convoqué en un Congrès, de juger en dernier ressort

du résultat de la guerre. Le Congrès de Berlin de 1878 ne modifia en rien


concernant la mer Noire

les décisions antérieures

Dardanelles.

mier

La

Russie,

qui avait

emporter de haute

lieu

220

lutte

l'ouverture des dé-

dut abandonner cette prétention avant

troits,

les délégués étrangers se

et les

espéré en tout pre-

même

que

missent en route pour Berlin.

Gouvernement russe dut renoncer, sous

Déjà

le

sion

de l'Angleterre, au prix

plus

le

la pres-

précieux de sa

un avantage que guettaient depuis des siècles, les yeux de ce peuple géant. En ce qui concernait les détroits, on s'en tint aux accords de la victoire,

ainsi qu'à

paix de

Paris;

relatif

aux

d'autre

part,

décret russe de 1871

le

de souveraineté

droits

La

Noire, resta en vigueur.

voqua des divergences

du Tsar sur

la

mer

principale question qui pro-

d'opinion,

était

la question bul-

gare; elle fut résolue à l'unanimité au désavantage de

La prédilection de la Russie pour les détroits mer Egée, avait développé l'idée d'une Principauté

la Russie. et la

aux dépens de la Turquie vaincue, et qui devait s'étendre au Sud du Danube jusqu'au littoral de la mer. Ce pays autonome, en tant que création du libérateur russe, aurait

bulgare

agrandie et autonome,

été placé sous

sance

constituée

son influence, aurait représenté la puis-

russe dans

les

Balkans,

et aurait

été contraint

de maintenir ouverte à l'Empire du Tsar, une voie de

communication avec

Grand lui-même

la

mer Egée. Jamais

Pierre

n'avait mis tant d'œufs dans le

panier. Mais les rivaux de la Russie étaient décidés

mettre un frein à des illusions de cette

sorte.

le

même à

L'Angle-

ne voulait pas admettre que la Bulgarie devînt un protégé reconnaissant du Gouvernement de Péters-

terre


221

bourg, elle ne voulait pas entendre parler d'une prédominence russe dans l'Archipel, ni d'un nouveau concurrent dans la Méditerranée. Elle ne voulait pas permettre

que

les provinces turques de la

pées en deux

nes

complètement

de

nationale

politique

la

appréhensions

les

de

en Autriche-Hongrie, tous

Naturellement,

intérêts

Macédoine fussent cou-

Puissances méditerranéen-

et les autres

partageaient

l'Angleterre. les

s'opposaient à une Grande

économique

et

Bulgarie sous

patronage

le

de la Russie, qui aurait renforcé l'influence slave dans les

Balkans

et aurait

interrompu

la route continentale

de Salonique à Constantinople. L'Allemagne s'associa de tout

cœur à

la résistance

et l'autorité de sait,

du Gouvernement de Vienne, les motifs que l'on

Bismarck, qui, pour

l'Autriche dans les Bal-

soutenait la situation de

kans, porta aux Russes

coup

le

durent se résigner, et qui plus

le

est,

plus inattendu. Ils voir

passer l'admi-

nistration de la Bosnie et de l'Herzégovine

de l'Autriche-Hongrie,

et l'île

aux mains

de Chypre aux mains des

Anglais.

Nous connaissons

déjà les conséquences immédiates L'Alliance

de la défaite diplomatique de la Russie au Congrès de

avec la

Le désappointement poussa plus à l'Est l'Em-

France«

Berlin.

pire moscovite, éloigné de Constantinople.

toujours à la

mer

résistance de l'Angleterre,

ponais

en

il

Mandchourie.

autre conséquence,

Là, aspirant

luttant sans cesse contre la

libre et

d'ordre

fut enfin battu par les Ja-

Mais

nous

apercevons

psychologique

:

le

une

ressenti-


ment de

la Russie.

Puissances

contribua à provoquer chez les

Il

Centrales

le

fameux pacte d'où

du

besoin

devait sortir plus tard la Triple-Alliance.

La

désillusion politique, dont

est difficile de

il

mé-

connaître la justification, pour autant qu'elle avait trait

aux

s'exprimait

détroits,

dans

pourquoi veut-on interdire

simple

cette

question

:

de la mer Noire à

la sortie

l'un de ses deux Etats riverains? Et tandis qu'on considé-

comme

rait

parfaitement naturelle

rivalité de l'An-

la

aux diverses questions d'Orient, on ne voulait pas comprendre en Russie, l'attitude hostile de l'Allemagne. On avait espéré que Bismarck, qui se trouvait entre les deux parties, aurait proposé une solution du problème, acceptable pour chacun des antagonistes. Mais au contraire/ le chancelier gleterre et de l'Autriche relativement

allemand

que

la

résolument pour

prit parti si

le côté

Russie dut succomber complètement

et

adverse,

renoncer

D'où cette haine sans bornes contre l'homme d'Etat allemand qui avait ruiné les espérances de la Russie. Le 15 août 1879, Alexandre II prit luimême la plume pour exprimer à l'Empereur Guillaume à ses prétentions.

sa surprise concernant

allemand

1

délégués nales

de

1

terauf.

Il

pas

l'attitude inamicale

plaignait

se

allemands

auxquelles

faire

quait

.

le

dans

surtout

les

Congrès avait

fussent

de l'Empire

l'hostilité

commissions

exécuter ses décisions. qu'ils

de

confié

la

Le Tsar ne

solidaires

de

des

internatio-

tous

mission s'expliles

dé-

S. Debidour. Histoire diplomatique de l'Europe, p. 22. Bit-

Die deutsche Politik und die Entstehung des Krieges,

p. 9.


services que

en considération des

autrichiens,

sirs

223

la

Russie avait rendus à l'Empereur d'Allemagne en 1870, en empêchant l'Autriche-Hongrie de prendre part à la guerre aux côtés de la France. Et, en faisant remarquer la

mauvaise humeur que l'opinion publique manifestait Alexandre donnait

chez les peuples des deux Empires,

à entendre le danger qui menaçait la paix mutuelle. Bismarck comprit la menace cachée sous ces paroles loyales.

Il

pour Vienne en

partit

pour y

toute hâte

conclure son Alliance. Mais l'antagonisme entre la Russie et la

Prusse datait de bien plus loin

où, dans le voisinage le

Grand

au bord de

prit pied

mer

la

ou à raison on avait attribué à tous Alexandre

jusqu'à

Pierre,

il

;

du jour

datait

immédiat de l'Allemagne, Pierre

I

er

le

,

A

Baltique.

tort

les successeurs

projet

d'envahir

de la

Prusse Orientale.

Bien que déjà avant

Congrès de Berlin, la

inquiétants.

s'était

Depuis

montré disposé à

sion, les circonstances avaient changé.

battue

été

et

la

Rus-

Bosnie, les sentiments

à l'égard de l'Autriche-Hongrie n'en

qu'elle nourrissait

paraissaient pas moins

l'Empire du Tsar

le

au sort de

sie se fût résignée

désabusée.

Après que

le

jour où

cette conces-

La Russie le

projet

avait

d'une

était tombé dans l'eau, Russes se virent formellement chassés des

sphère d'influence panbulgare et

que

les

détroits,

il

n'était plus

eût été rompu, ni

dans russe.

les

Balkans,

permis de douter que l'équilibre

que l'Empire des Habsbourg

une

grande

avance

sur

n'eût,

l'Empire

Cette considération n'était pas d'ordre purement

politique, elle ressortait aussi des impulsions

du peuple russe.

nationales


-

224

Le principe des Nationalités a provoqué au 19 m6

mouvement

Siècle ce puissant

à

enfin

la

fondation de

l'Empire allemand. Propagées théories

qui,

en Europe, conduisit

unitaire

l'Etat

comme

italien

et

de

elles l'étaient, les

modernes de l'homogénéité des

ne pou-

races,

vaient s'arrêter aux confins de ces Grands Empires, qui,

comme une

l'Empire

russe

et

l'Empire turc,

constituaient

mosaïque de Nationalités. Ces théories trouvèrent au contraire, tant en Russie que dans les Balkans, un terrain de développement extrêmement provéritable

pice chez les Slaves du Sud, séparés les uns des autres

politiquement, et souvent durement opprimés. C'est dans

l'Empire

turc

plus de force;

que

la conscience nationale agit

c'est

qu'elle

avec

le

donna aux populations

chrétiennes de la Bosnie, de la Serbie et des provinces

courage de cette exaltation, qui com-

environnantes,

le

mença en 1875

et aboutit enfin

Depuis longtemps déjà de cette propagande qui,

à la guerre russo-turque.

existait

basée sur

en Russie un foyer le

principe de

l'af-

franchissement de tous les Slaves et sur la réunion de tous les Slaves du Sud, tendait à former

nome

placé sous

le

Protectorat de

1867, les apôtres du

mouvement

la

un Etat

Russie.

auto-

Déjà en

panslaviste s'étaient

vue d'une grande manifestation, à Moscou, où leur programme fut favorablement accueilli. Même la famille impériale assista à cette fête, et rien au monde réunis en

ne pouvait être plus agréable au perspicace Prince Gortschakofï, alors ministre

mouvement rieure.

si

des affaires étrangères, que ce

conforme aux buts de sa politique exté-

Les Ruthènes de l'Autriche-Hongrie ainsi que


-

225

Slaves des provinces turques

les

ne tardèrent pas à

des Etats vassaux,

et

chaudes marques d'amitié

recevoir, de

de la part de leur grand voisin du Nord

et

;

l'enthou-

siasme du peuple russe, d'où partaient ces témoignages de sympathie, concordait magnifiquement avec les intentions des

dominer

timent du devoir

dit

d'une

«

dont

»,

la

et

stimula

1 .

de l'Europe à l'idée

les Etats

émancipation nationale

Mais

se raviva, le sen-

ambition

fortifia cette

ambition de

vieille

Bluntschli

Et que pouvaient objecter

même donné

La

dirigeants.

cercles

l'Orient

ils

avaient eux-

l'exemple ?

l'idée originale

panslave se condensa peu à

peu en un projet de créer un nouvel Etat, qui devait être construit sur

les

ruines de

la

était si

peu d'années avant qu'éclatât

fort,

Tsar

et

ce projet la

guerre

complètement sous son charme,

turque, qu'il tenait

le

Monarchie austro-

hommage à

hongroise. Le courant qui rendait

le

son chancelier. C'est de cette époque que date d'après

principe,

devait passer s'assurer de

lequel

par Vienne, cette route

la route de et

Constantinople

tentative

la

avortée

de

au moyen d'une entente avec

l'Empire allemand. Ainsi donc les voies du Panslavisme se confondaient

à des époques déterminées, avec

celles

affaires étrangères de Pétersbourg, lorsqu'il

fois

s'agissait

de

du ministère des

pour se séparer par-

contourner

un important

obstacle.

Après 1

le

Congrès de Berlin,

Dascovici, loc.

cit

page 242.

les

Russes ne conser-


— vèrent

226

que bien peu de chances de

dans

succès

les

Balkans. Des agitations terroristes dans l'intérieur de

Alexandre roi

du

détournèrent

l'Empire,

reste

Milan

chercha

l'Autriche-Hongrie

et ;

du

l'attention

En

III de la politique extérieure.

trouva un

Tsar

Serbie,

le

rapprochement avec

en Roumanie, l'on se montra pro-

fondément indisposé de ce que de Berlin, arraché à son

dans ces années-là que

la

allié la

Russie

au Congrès

ait,

Bessarabie. C'est enfin

de Bulgarie échappa

la Principauté

complètement à l'influence russe, lorsque

Prince Fer-

le

Cobourg monta sur le trône en 1887, et s'appropria le mot de Stamboulow la Bulgarie aux dinand de

:

Bulgares.

A

cette

époque d'insuccès dans

peuples

les petits

Balkans, lorsque

les

de la Péninsule

s'alliaient

moins contractaient avec amitié,

se

préparait

elles

des

relations

définitivement

grandes idées soupies,

et

idées

non

pas

qui

abandonnées,

sortir

franco-

ses

n'étaient

qu'as-

Russie

avait

la

de

exer-

réaliser

besoin d'un partenaire bien équipé et riche. qui sans doute pouvait faire

d'étroite

la pression

Pour

cée sur la politique extérieure russe. historiques,

ou du

l'Alliance

à

russe, qui devait faire contre-poids

uns

les

après les autres avec les Puissances Centrales,

terre

L'Empire,

lui-même

des millions de soldats, avait cependant besoin de ressources financières pour

le

présent et pour l'avenir; ce

besoin était d'autant plus pressant que les marchés aux capitaux allemands, s'étaient peu à peu

fermés devant

au commencement de la période de 1890 à 1900, pendant une bienfaisante accal-

les

Russes.

Ainsi

naquit,


mie

politique,

d'une

franco-russe qui, dans

l'Alliance

attaque

-

227

étrangère,

cas

le

chacun des deux

à

assurait

Etats l'appui de son Allié.

Le Concert des Puissances profond Berlin

;

même

les

ennemis héréditaires de Paris

regardaient

se

Guillaume ne

fit-il

avec bienveillance

pas déposer en

octobre

la

une

1893,

!

du Panslavisme continuait à couver, l'occasion, à se raviver

dans

nouveau

d'un

d'expansion vers la mer

ten-

les

En Russie

dances intimes de chacun des Etats.

l'influence

de

et

l'Empereur

;

tombe de Mac-Mahon Et pourtant rien n'avait été changé dans

couronne sur

calme

d'un

jouissait

feu

le

toujours

prêt

à

pays balkaniques, sous

les

courant

La

d'air.

libre, avait

politique

trouvé par contre,

un nouveau terrain d'essai en Extrême Orient. Définitivement éconduite des Dardanelles, l'initiative russe était occupée à cette grande excursion qui, partant de l'Asie Centrale,

devait

conduire,

luttant continuellement

en

contre l'Angleterre, jusqu'à Port-Arthur et sur les

de bataille de la Mandchourie rivalité

l .

Pendant

ses formes les plus douces, voire

ques, est-il

permis

quelque sorte,

«

de

dire.

Les

même

observer,

Gouvernement de Vienne

et

;

l'on

aussitôt

temps,

la

elle revêtit

les plus pacifi-

Balkans

placés sous une cloche

se contentait de les le

ce

avec l'Autriche-Hongrie se calmait

champs

étaient

de verre

s'entendait

que

les

»,

en on

avec petits

Peuples sous la cloche de verre demandaient un appui supérieur. C'était l'époque du

Voyez

p.

125

et suiv.

contact permanent entre


Vienne

Pétersbourg

et

228

l'époque

;

de

l'entente

russe de 1897, de l'accord de Mûrzsteg le

un élément de calme. Elle devait bientôt

était

entrer en scène

Conférence

aye *

Sur

continent les armes faisaient trêve, et la Russie elle-

même

La première

austro-

de 1903.

A

peine

q U 'Alexandre semblait être

dégagé de

comme

élément de progrès.

franco-russe

l'Alliance

conclue,

fut-elle

Son successeur Nicolas II de naissance un Prince pacifique; il était mourut.

III

cette

haine envers les Puissances Centrales,

cœur d'Alexandre. Sa politique le chemin de la réconciliation, et le caractère même du Monarque y était enclin. Le jeune Empereur était disposé à la douceur tout ce qui était brutal répugnait à son être intime. Le mariage de Nicolas avec une Princesse allemande, Alix de Hesse, qui avait

contristé

le

devait logiquement suivre

;

devait

le

rapprocher d'un degré des cours voisines et

germaniques.

S'il resta

malgré cela

d'alliances de son prédécesseur, l'amitié avec la

fidèle

à

la politique

et s'il raffermit

République Française,

c'est

encore

qu'il

était

convaincu qu'un équilibre de forces constituait, en présence de la Triple-Alliance, une exigence capitale pour la sécurité et la paix de l'Europe.

Mais sibilité

le

Tsar Nicolas aperçut encore une autre pos-

de conserver la paix.

Il

se présentait à son esprit

un autre moyen, sur lequel on pouvait fonder plus d'espérances que sur le vieux principe élastique de l'équilibre. Celui-ci

était,

en vérité,

mais comme moyen pratique

il

un dogme

éclatant,

semblait usé, et ne servait


.

-

-

229

plus qu'à cacher sous des formules de creuse diplomatie,

bon plaisir et l'égoisme. Nicolas abandonna ce moyen qui n'était qu'un pis-aller, et proposa au monde de suivre une route beaucoup plus simple l'impérialisme, le

pour parvenir à

la

paix

durable

vouloir la paix, de l'établir

proposa de

lui

il

:

de la maintenir.

et

C'est là le véritable esprit de la note sensationnelle

que

le

comte

étrangères,

son

Mourawieff,

les Etats veulent la paix, ils

des

ministre

envoya aux Puissances

le

affaires

12/24 août 1898:

prétendent que c'est bien

le

but de la politique étrangère. Vous Grands Etats, avez

au nom de la paix, conclu vos Alliances, en ce même nom vous avez augmenté vos forces militaires jusqu'à

un degré incommensurable

!

Serait-ce par hasard l'état de les

Quel en est paix

le

résultat ?

tant désiré ?

Non

;

charges financières croissent jusqu'à la monstruosité,

elles ruinent le bien-être

tellectuelles et

public.

Toutes

les

forces

physiques sont détournées de leur

nation naturelle

paralysées par

la

;

le

vie

économique

et

in-

desti-

la culture sont

développement des armements.

Cette paix armée, au lieu de remplir son but, écrase

la vision du monde, si cette situation persiste. Couper court aux armements et chercher les moyens d'éloigner la catastrophe qui menace voilà les peuples.

malheur qui va

Et l'Empereur Nicolas a s'abattre sur le

comme

que Tsar présente prême qui s'impose aujourd'hui à tout Etat ». Il convie les Puissances à une Conférence « pour assurer le triétant

devoir su-

ce

le

omphe

de la haute conception qu'est la paix mondiale,

« le

sur les éléments de troubles et de discorde

»


-

-

230

de l'homme qui

Telle fut en 1898, la proposition régnait sur le plus grand limiter les

armements

Empire de

militaires

outre, s'engager

à soumettre

international

permanent,

et

d'autres

plus

différends

à un

qui peu à peu arriveraient à

s'en

que

principe,

Il

s'agissait

de

Pour

d'arbi-

définitivement

tenir

hâter l'éclosion

membres de

la

de ce

grande

soumis aux

ne dussent plus être

arrêts de la force brutale,

mais se conformer à

la raison

de justice de juges internationaux.

l'esprit

avoir sous

faut

la guerre.

disposition des Etats,

les conflits entre les

famille des Peuples,

Il

de

en

arbitral

catégories

un tribunal

graves, la

à

tribunal

certaines

trage facultatif se tiendrait à

à ses décisions.

fallait

Il

les Etats devaient

;

qui conduisent trop souvent à

conflits

et

la terre.

les

yeux

les

actes

de la pre-

mière Conférence de la Haye, pour pouvoir se reporter

à ces jours, où sur

le sol

historique des Pays-Bas, sous

presque symboliques d'une jeune Reine, et

les auspices

accompagnés des vœux de l'humanité

entière, les repré-

sentants de tous les Etats civilisés cherchaient les voies

qui pourraient assurer une paix durable. et

A

cette

époque

depuis, on a repoussé l'idée du désarmement

comme

Nous

la lais-

prématurée, serons

ici

et

sous mille autres prétextes.

de côté, pour examiner avec d'autant plus d'at-

tention ce que le Président russe de la Conférence considérait

comme

tionale arbitral

:

il

ne

le

but principal de l'assemblée interna-

fallait

obligatoire,

tout-à-fait générale,

ces d'assurer et durable.

pas seulement établir un non,

il

fallait encore,

trouver les

aux Peuples

moyens

les bienfaits

tribunal

d'une façon

les plus effica-

d'une paix réelle


Dans

les milieux

-

231

de la politique et

de la science,

on s'est souvent moqué du Tsar et de ses « utopies ». Cependant c'est à son représentant que fut réservé l'honneur d'énoncer pour la première fois devant l'assemblée des Etats

civilisés cette idée

un

n'est plus seulement

que

«

dans lequel

art

la diplomatie

les

capacités

personnelles jouent un rôle exclusif, mais

qu'elle

à devenir une science qui

règles fixes

pour

avoir ses

doit

la solution des conflits internationaux ».

Empire russe

même

dans

montrait donc

se

la vie

politique

par les préceptes de tous

remplacer,

internationale,

l'arbitraire

!

Le plus puissant de

Etats militaires, entendait

les

réglementer

une valeur universelle;

trage et lui donner

Le grand

disposé à

justice

la

tend

l'arbi-

voulait

il

en outre réunir des moyens pacifiques en évitation des conflits.

Et

ambassadeur

le vieil

scepticisme autour de

nom

lui,

de son Souverain et des

avertissement

maine de

:

«

ne

il

l'utopie »

C'est encore

Staal, qui percevait le

soulignait courageusement au

s'agit

peuples de Russie cet

pas d'entrer dans

cet

Empire, dont

nous avons suivi

jusqu'ici les luttes économico-politiques, qui arriva la première fois

aux

«

à

la persuasion

que

les rivalités

grands appétits d'expansion économique

vaient être aussi placées sous la dépendance C'est enfin à la Russie qu'il devait être

1

do-

le

*.

réactionnaire

et

»,

du

pour dues poudroit.

autocrate

donné, outre la proposition de conclure

Conférence internationale de la paix. Documents du mini-

stère des affaires étrangères,

La Haye 1907,

l

re

partie, p. 13.


— un

d'arbitrage

traité

de déposer sur

La Haye un

projet de

Le

:

projet de

dit,

son chemin, aussitôt qu'on

l'eût

de tout caractère obligatoire.

résolument dépouillée

On

voulait bien éven-

on ne voulait

tuellement s'entendre à l'amiable, mais

pas être obligé de vivre définitivement en paix soi.

Nos recherches

ment

la lois

le titre de Code d'arbitrage. désarmement fut, comme nous l'avons complètement écarté. Mais l'idée de l'arbitrage

achevé, qui portait

déjà

I

international,

table de la Conférence de

fît

232

ultérieures

entre

nous feront voir com-

se comportèrent les différentes Puissances, en pré-

sence des problèmes que souleva la Conférence de la Paix. vrai

est

Il

les

qu'on ne pouvait s'attendre à ce que

propositions

diverses

supprimassent

de la Russie

définitivement la guerre. Mais on pouvait les interpréter

comme

démarches

des

d'un état de paix durable.

On

progrès de la culture humaine, le

dans

significatives

aurait le

la

alors

direction laissé

au

soin de combler avec

temps, les vides qui ne pouvaient manquer de sub-

sister

dans

Haye. avant

Un le

le travail

de la première Conférence de

savant allemand

déchaînement de

l'a

la

proclamé peu de mois

la guerre

mondiale

:

«

Si l'on

continue à se réunir régulièrement, dans le but de découvrir des

moyens de résoudre pacifiquement

relles internationales,

les

symptômes, mais encore à approfondir

des conflits d'Etats....

On

discutera à fond

1

1

les le

de la paix dans son entier et l'on tentera de

ex fundo

les que-

on arrivera non seulement à guérir

le

causes

problème résoudre

».

L'on respire lorsqu'on rencontre une

telle

pensée dans

la


— Tel

on

était le

but de

comme un factum

On l'a comme une coup

l'initiative russe.

après

représentée

l'a

comme une

hommes

les

folie.

persifflée,

comédie,

Lorsqu'une idée est ex-

astucieux.

ceptionnellement heureuse, facilement

233

considèrent

la

Les objections ne tiennent

Tsar a défendu lui-même son avec son Gouvernement et le grand savant en pas debout, car

le

idéal,

droit

international von Martens, et il était prêt à placer son Empire tout entier sous la nouvelle législation qu'il recommandait au monde civilisé. Il est hors de doute que son projet fut pris au sérieux nous n'en voulons pour preuve définitive que ce fait 26 Etats étaient ;

:

de

la

Haye par

par leurs savants

et

par leurs

représentés à la première Conférence leurs

hommes

d'Etat,

plus éminents.

officiers les

*

*

Au la

tournant du

siècle, l'influence

en Europe

situation

était

très

de la Russie sur

marquée:

L'Entente

vague avec l'Angleterreee 01

la

*

pacifiste qui, de Pétersbourg, envahit tout le continent,

tempéra

l'esprit

belliqueux qui régnait en France et en

Angleterre, par suite de l'affaire de Fachoda.

vocation

des

Puissances à la

La

con-

Haye pouvait donc

se

non seulement d'une valeur idéale, mais aussi d'un succès pratique immédiat. Dans les Balkans, la

prévaloir

littérature

rances

allemande de droit international. Elle exprime

d'une

(Zeitschrift fur

avant que terrible

les espé.

jeune génération. Hans Wehberg a pu l'exposer Volkerrecht, Jahrgang 1914, 3. Heft. p. 253) encore

l'état

de paix qu'il voulait consolider, souffrît la plus

débâcle de tous les temps.

^

pu

j

ssances

Centrales,


234

Russie ne poursuivait notoirement plus d'autre but que le

maintien de l'ordre, en connexion avec

l'

Autriche-

Hongrie. Par contre, dans les autres directions de

l'ex-

pansion, l'Empire slave se préparait à régler ses comptes

avec l'Angleterre. Cette

grande liquidation se

en

fit

sur

partie

la

base d'événements politiques, en partie d'après la mé-

moderne alors, d'entente en effet, que les aspirations de thode,

libre s'effectuaient,

que

les

à

cette

la

en extrême Orient,

époque,

Russes parvenaient à

après avoir déjà conquis

Nous savons Russie vers la mer

pacifique.

la

mer Jaune, mer

le territoire

de l'Amour

savons que, grâce à leur habile politique, déjà réussi à faire point terminus de

de fer transsibérien, et

chemin qu'ainsi l'Empire du Tsar était

lointain

routes de la navigation.

il

révélé

en

difficiles et

longs efforts 1

est vrai, vers les

grandes

»

Nous savons encore qu'un s'était

le

bail,

leur grandiose entreprise, le

parvenu à posséder au prix de

un débouché, bien

nous

;

avaient

ils

Arthur, acquis à

de Port

libre,

un essor

rival

acharné en Asie,

extraordinaire,

comme un

adversaire digne de la puissante armée russe, et qu'en

1904, une rencontre et la

Russie.

sanglante

éclata entre

centres des grands progrès scientifiques,

mesure de

Son

le

Japon

Cette guerre, qui se déroula si loin

la rigueur

insoupçonnée de

résultat si riche en sacrifices,

fit

des

donna déjà

la guerre

la

moderne.

une profonde im-

pression en Europe, et la Russie dut se retirer complè-

tement épuisée, des côtes de la mer Jaune. Voyez

le

chapitre sur la Triple-Entente,

p.

125

et suiv.


-

-

235

Ainsi se termina la première partie du

compte avec l'Angleterre.

de

en Asie

comme révéla comme

orientale,

vaisseaux, se

règlement

Celle-ci, alliée

partout le

au Japon,

naviguent

des

principal adversaire po-

Tsar eût joué sa deret cela au moment où les grandes Puissances européennes cherchaient de plus en plus à triompher du cancer de la guerre

litique de la Russie.

Lorsque

le

un peuple de

nière carte contre

l'Asie,

par des moyens juridiques et pacifiques,

il

parut opportun,

vue pratique qu'en principe, de trouver un terrain d'entente amiable avec l'Angleterre. tant au point de

Et pourtant, pendant

guerre russo-japonaise, les

la

prétextes extérieurs n'avaient pas

par la guerre

le

la

les

le

plus formidable des

Etats mili-

L'incompatibilité absolue des intérêts vitaux de

«

Russie

la

à

grande des Puis-

conflit entre la plus

sances maritimes et taires.

manqué de résoudre

et

de l'Angleterre

»,

ne

s'était-elle

pas élevée

hauteur d'un dogme politique ? Les historiens et

hommes

contre des

politiques ne considéraient-ils pas

la

ren-

deux Puissances comme une destinée

iné-

vitable ?

Mais les

Russes

dant

vers

C'était

d'humilier

avec

Ni

éventualité put encore

cette

elle fut évitée

l'aide

être

détournée

s'attirèrent la colère britannique en la

une

;

en pleine guerre russo-japonaise, lorsque

«

Doggerbank

occasion

excellente

profondément des Japonais,

l'un, ni l'autre

n'eut

bâtiments

des

»

la

Russie,

qui lieu

pour

ou de

étaient :

la

déjà

bombaranglais.

l'Angleterre la

frapper

à l'œuvre.

Russie n'eut pas à

accepter les conditions de l'Angleterre courroucée, ni à


— armes avec

croiser les l'esprit

sion

Le

elle.

de la Conférence de

différend fut résolu, dans

Haye, par une commis-

la

Bientôt après, les

d'enquête.

internationale

Puissances

236

firent connaître

par

leur intention formelle de vivre

vement en bonne

On

intelligence.

de 1907,

accord

leur

dorénavant

deux

et

définiti-

partagea les sphères

d'influence contestables, on écarta les questions en litige.

La Russie tain

possédait donc

en Perse

et

l'amitié

un domaine d'expansion cerde l'Angleterre mais par

contre, ses espérances maritimes ne furent pas réalisées.

Malgré

Mandchourie, malgré la Révo-

la guerre de

lution intérieure qui

prit

un

Selon

la

s'ensuivit, l'Empire russe

essor extraordinaire aussitôt après sa défaite. constitution

de 1905, la Monarchie absolue fut trans-

formée

Monarchie

en

constitutionnelle

colonisation

intérieure

ductivité

en

l'Empire.

et,

avisée,

général,

dans l'espace

de

six

le

augmentèrent

peuple et

la

une pro-

puissance économique de

la

de

L'exportation

et

Des réformes agraires

obtint ses représentants.

produits

années,

et

indigènes

l'industrie

doubla

nationale

prospéra plus que jamais. Grâce aux richesses des banques parisiennes, les finances de l'Etat purent aussi se main-

un niveau élevé; ainsi donc, rien ne s'oppoait au puissant développement de cet Empire réactionnaire. Pendant cette ascension, l'esprit d'entreprise tenir à

allemand

se

manifesta

peut-être

plus

vigoureusement

que jamais en Russie, car ce champ d'activité était plus proche des Allemands, qui se trouvaient à l'étroit chez eux. Nous les rencontrons dans le comle

merce

et

dans l'industrie en qualité

de

contre-maître


et

237

même

de directeurs, nous les rencontrons

à

culture,

la tête de

fermes-modèles

dans

l'agri-

que près

bien

de 150 millions de paysans russes cultivassent

sol

le

natal.

La Russie

était

donc en pleine

lorsque

évolution,

l'Autriche-Hongrie accomplit en 1908 l'annexion

Bosnie

et

de

A

l'Herzégovine.

dut expier amèrement sur

le

que subit son armée

ment

grande défaite de 1904-05.

bourg

fortifier

que

lérer

sol européen,

à

de

la

Tsar

le

l'affaiblisse-

Moukden,

lors

de

la

dut voir l'Empire des Habs-

Il

situation dans les Balkans, et dut to-

sa

son

cet Etat soulignât

peuples de la Péninsule. tresse

époque,

cette

autorité

du monde panslaviste, partager

des

vis-à-vis

dut entendre

Il

le

les

cri

de dé-

désillusions

du Royaume de Serbie, sans pouvoir opposer à la décision du Gouvernement de Vienne autre chose qu'une diplomatie infructueuse. devoir

préparer

la

fin

Un de

autre

semblait encore

fait

traditionnelle

l'influence

séculaire de la Russie dans les Balkans

Bosnie

et

l'Herzégovine furent placées

et

tandisque la

:

sous la

domi-

nation des Habsbourg, la Bulgarie proclama sa complète

indépendance

et le

Prince Ferdinand s'adjoignit

le

titre

de Tsar.

Ainsi la Russie succomba,

dans

Péninsule des

la

Balkans, à la politique des Puissances Centrales. Toutefois,

l'annexion

austro-hongrois,

des

deux

assigna

supporter la vanité slave.

s'il

fallut

corps

ce

La Russie dut

donner toute résistance, sachant à guerre s'ensuivrait. Mais

au

provinces

une limite à

d'Etat

que pouvait

pourtant*.aban-

coup

sûr

que

la

à Pétersbourg, con-


238 sentir

un

si

grand

litique slave,

il

sacrifice

dans

le

domaine de

de se rapprocher des buts maritimes. russe tenta en vain

dans

désillusions

d'obtenir

même

Or

la diplomatie

en compensation de ses

rien de plus

tatives antérieures, car

que

lors

de ses ten-

malgré ses bonnes relations avec

Londres ne

l'Angleterre,

lui

accorda ni son appui ni

son approbation pour l'accomplissement de ce

La Russie ne

projet.

parvenait pas à se rapprocher des

deux plus anciens buts de sa

politique.

L'Empire pa-

désormais exclu du Protectorat sur

raissait

po

Balkans, l'ouverture des Darda-

les

Elle n'obtint

nelles.

la

devenait peut-être possible, par contre,

les

Slaves

du Sud, et les vaisseaux de guerre russes restèrent enfermés dans la mer Noire. Cependant

le

Testament de

Grand continuait à vivre dans l'âme du peuple les yeux du monde slave restaient fixés sur les

Pierre le russe,

frères balkaniques, et les sphères d'intérêts concernant

l'économie nationale, ne perdaient pas de vue les détroits.

d'un

Or, ce contraste entre la réalité et les espérances si

puissant Empire,

recelait

par force majeure,

deux germes de guerre. Plus on presse un ressort avec persistance,

vigueur. point,

plus

son

La Russie

que

retour en arrière s'opérera avec

avait été exclue des Balkans à ce

la Serbie et le

Monténégro furent

les seuls

amis qui lui restèrent fidèles; les autres peuples étaient dévoués aux Puissances Centrales. D'autre part, comme les Russes n'étaient pas parvenus à sauver la Bosnie et l'Herzégovine en faveur du Roi Pierre, il se pourrait

bien que

le

peuple serbe désillusionné glissât d'un

jour à l'autre dans les eaux autrichiennes, à la suite d'une


évolution national

intérieure

239

ou

même

— d'un

événement

inter-

l'écroulement définitif du

et cela signifierait

rêve de la Russie. L'autre

germe de guerre

développa d'une

se

fa-

çon également intenable. Le problème des Dardanelles,

comme du et

reste toute la question maritime, était ancien

Deux ans après

pourtant d'une actualité désespérante.

leur dernière tentative à l'occasion de la crise

de l'an-

nexion, les Russes durent éprouver de nouveau combien

un débouché absolument libre vers la mer était indispensable, non seulement à leurs intérêts politiques, mais encore à leurs intérêts purement commerciaux. N'avait-on pas vu en 1911, que pendant leur expédition en Lybie, les

Turcs durent fermer complètement

protéger leur capitale

Russie méridionale fut arrêtée, portante

des recettes

les ports de la

mer

les détroits

pour

Toute l'exportation du blé de

!

et la partie la plus

annuelles

nationales

même

Noire, ou fut

la

im-

dans

resta

complètement

anéantie. * *

*

La question ser davantage

des Dardanelles ne devait pas s'aigui- La guerret pour la Russie, jusqu'au déchaînement

de la guerre mondiale, bien que la vieille blessure rouvrît aussi bien pendant la guerre

pendant

la guerre des

rappeler

ici

que

notre

la diplomatie

1

Balkans.

point

de vue

nous

Il

est

personnel \

anglaise du moins,

Que nous avons motivé précédemment,

confirmé, au cours de la guerre.

italo-turque,

se

que

permis de

à

savoir

avait peu à peu

et

qui s'est trouvé


-

-

240

atténué sa résistance à l'égard de l'ouverture

des détroits, de leur internationalisation,

d'une solution analogue

bien que

si

;

complète

ou à l'égard années

quelques

après la crise de l'annexion, l'Empire russe ne trouva plus d'adversaires irréductibles de ses tendances, en de-

hors de la Turquie

et

des

Puissances Centrales. Quel-

qu'ait été l'attitude dernière de l'Angleterre reste pas

moins acquis que

il

n'en

ce fut la politique allemande

contemporaine, qui s'opposa

plus péremptoirement à

le

toutes les espérances russes relatives à n'importe quels

changements aux règlements établis sur les rives du Bosphore et dans les Balkans. Peut-être le rapprochement avec le Gouvernement de Berlin que souligna l'entrevue de Potsdam de 1910, et que le monde consi-

dérait

comme un

l'Angleterre bilité

ressouvenir des anciens conflits avec

poursuivait

il

le

but d'éveiller la possi-

de la condescendance allemande. Peut- être

espérait-on à Pétersbourg que la

appuyée auprès de

la Porte,

en récompense de

de conciliation dont l'Empire du Tsar avait

dans la question,

chemin de

Avec

fer de

la

si

importante

Bagdad

fait

de

la

preuve

?

Monarchie des Habsbourg,

voisins

serait l'esprit

pour l'Allemagne, du menaçait

qui

de placer complètement sous son influence les territoires

même

politique russe

Corne

la rivalité s'aggrava visiblement.

d'Or

tant

La guerre

grands

convoités,

des Balkans

prouva plus clairement que jamais, que les deux grands Empires poursuivaient des intérêts inconciliables et qu'ils se gênaient mutuellement dans la Péninsule. La question de savoir

si

la

Serbie devait

ou

non obtenir

le

port


— Durazzo sur

de

-

241

mer Adriatique,

la

faillit

amener

Russie, au

la

guerre entre l'Autriche-Hongrie

et la

nant des années 1912 à 1913

on avait déjà mobilisé

;

tour-

Tandisque le Gouverune nement de Vienne cherchait à comprimer la Serbie, les Russes avaient, en outre de leurs devoirs de protecteurs du Royaume slave, le plus grand intérêt napartie des forces militaires.

tional

à ce que

Puissance devînt susceptible

cette petite

en tant qu'Etat

de se développer,

et

pût

prête à combattre

le

Germanisme. Encore une

être,

danger de guerre fut écarté par allemand,

l'Empire

La

cas.

d'assister

s'il

voulait

éviter

de la politique le

de

son Allié dans tous

les

donc con-

moment, l'Empire du Tsar

un formidable choc

tout appui,

fois le

la résolution nette

défaite diplomatique de la Russie fut

firmée, et à partir de ce

aux Serbes

slave,

même

moral.

dut

refuser

Souvenons-nous

l'Autriche-Hongrie en 1913, lorsque

de

Gouvernement serbe ne voulut pas

se plier

aux décisions

de la Conférence de Londres, et refusa toujours d'évacuer définitivement

note sur note les

menaces

nière

fois,

;

le

territoire

et enfin l'ultimatum.

mais

en

ces de la

Triple-Alliance,

Pétersbourg à son

se courber devant les lan-

car

Russie ne bougèrent pas

On envoya

inutiles succédèrent

Après avoir une der-

appelé

vain,

secours, la Serbie dut enfin

la

albanais.

aux représentations

les

forces

militaires

de

1 .

1 Le prof. Haller de Tubingue prétend que jamais un ministre du Tsar n'avait été insulté par la presse de son propre pays comme M. Sazonow après sa reculade dans la question serbo-albanaise. Ursprung des Wellkrieges p. 68.

le


Or

pendant

mais en hâte, russe.

temps on remplissait en

ce

les

242

silence

magasins d'équipement de l'armée

L'orthodoxe

religieux,

l'infatigable

panslaviste,

marchand de blé de la Russie méridionale, cien vaniteux, un fougueux parti guerrier et

le politi-

le

le

pacifi-

que Tsar \ tous sentaient et beaucoup voulaient, qu'après une si longue série d'insuccès et de désillusions, ce fût Yépée qui à la prochaine occasion parlât

au nom

de la Russie.

Depuis qu'en 1912 nécessaires,

on

ment destinée à Baltique.

la

construisait

Douma

avait voté les crédits

une grande

travailler sur la côte

flotte,

certaine-

allemande de la mer

A peine l'Empire allemand avait-il accepté le nou-

veau projet de

loi

sur le service militaire, que la puissance

de l'armée russe fut augmentée. L'effectif de paix fut porté

à 1800000 hommes. Déjà en 1912, la Russie dépensa pour son armée, plus de

trois milliards

de francs, dont

à peu près la moitié fut affectée à des dépenses extraordinaires, avant tout à la construction de fer stratégiques, qui engloutirent

lions de roubles. fut porté et

En

1913,

à eux

chemins de

seuls,

de 28 corps d'armée

l'effectif

à 37, on augmenta considérablement

on pourvut

100 mil-

l'infanterie de mitrailleuses.

l'artillerie,

On

restaura

afin

on renouvela le matériel roulant, de pouvoir activer une mobilisation éventuelle 2

c'est

Si nous persistons à désigner le Tsar comme pacifique, en parfait accord avec la littérature allemande d'avant-guerrre.

aussi les forteresses

;

.

1

*

Ces indications ont été fournies en 1913 par la presse franconcordent avec ceux de K. Egli Zwei Jahre Weltkrieg,

çaise. Ils

;

Zurich 1917.

t.


— Mais ces

243

principalement contre la

efforts étaint dirigés

un voisin rivalisait, à ce point de vue, avec les Russes. Et tandisque le voisin s'énervait, la « Russkija

frontière occidentale de l'Empire, où

Wjedomisti étaient

en

tués,

armements de la Russie armements en partie effec-

déclara que les

»

réponse

la

partie

triche-Hongrie.

aux

projetés,

Toutefois,

armements n'en

de l'Allemagne

de l'Au-

et

malgré ces explications,

restaient pas

les

moins accablants pour

le

remarquer ce journal russe en « Il y a beaucoup de raisons pour que nous ajoutant soyons forcés en Russie de consentir des sacrifices C'est ce que

peuple.

fit

:

à

la

«Casent même époque

Rundschau

« c'est

particulièrement lourds pour

partout

le

guerre

la

à Vienne

le

militarisme»...

écrivait

surtout

vent d'Est qui nous apporte cette odeur. La Russie C'est

dans

dénouement ». atmosphère

cette

belliqueuse

que

le

de détresse de la Serbie parvint aux Russes. Le 24

juillet

au

la Militârische

se prépare pour le

cri

»

«

1914,

Prince Alexandre de Serbie faisait appel

le

cœur slave

»

des exigences de

du Tsar, pour

sauvât la Serbie

qu'il

l'Autriche-Hongrie, qui

48 heures provoquer

le

pouvaient en

premier coup d'épée. Alexandre

avait touché la corde la plus sensible

elle

:

réveilla

la

conscience du Slavisme et rafraîchit les plus douloureux

souvenirs de la politique fiance,

ranima

les

russe

;

sympathies de

elle

fit

races,

naître la les

mé-

traditions

politiques et toutes les espérances des dirigeants russes et

des classes populaires. Le Tsar essaya d'entrer dans

la voie

de la

discussion,

et

demanda du temps pour


_ procéder à une amiable; mais

enquête

et

provoquer une explication

prolongement du délai de l'ultimatum

le

L'horizon

refusé.

fut

244

s'assombrit

;

Gouvernement

le

russe télégraphia à son ambassadeur à Londres,

comptait bien que terre se placerait

pour maintenir

si

la

situation

aux côtés de

l'équilibre

la

l'Angle-

s'aggravait,

France

et

qu'il

de la Russie,

en Europe, qui,

dans

le

cas

d'un triomphe de la Monarchie danubienne, serait for-

tement ébranlé personne ne

dans

1 .

Ainsi donc fut proclamé

l'intérieur

même

de l'Empire russe

les intérêts politiques de la

le

dont

fait

pas plus à l'étranger que

faisait mystère,

qu'en

:

effet,

Russie coïncidaient directe-

ment, en cette occurence, avec ceux de la Serbie.

En

outre, le Ministre russe des affaires étrangères déclara qu'il était

impossible à la Russie de refuser son assis-

tance à la Serbie.

le

Pendant que la puissante armée russe se rassemblait, Gouvernement proposa encore divers moyens de con-

jurer la

crise

d'une manière

pacifique

;

il

se

déclara

prêt à accepter toute proposition susceptible de résoudre le

conflit

sans

effusion

de

sang

2 .

Le Tsar

Nicolas

se souvint aussi de l'institution qu'il avait pris lui-même l'initiative

gramme

de fonder en 1899

:

il

proposa par un

télé-

personnel à l'Empereur d'Allemagne, de soumettre

1

Livre rouge russe, Document 17. Voyez livre rouge russe N° 32, 49, 77 ainsi que les autres livres officiels. Mais la solution pacifique fut toujours proposée sous réserve que pendant son accomplissement, la Serbie ne serait pas écrasée par son adversaire, et que la dignité du petit Etat, en tant 2

qu'Etat indépendant, ne serait pas lésée.


au tribunal

arbitral de

-

245

La Haye

le

problème austro-hon-

l

grois

.

Lorsque ces propositions eurent été

Gouvernement

russe, parfaitement décidé

à

refusées,

le

assister

la

Serbie quelles que puissent être les conséquences de cette décision, reçut le

1 er

août 1914, la déclaration de

guerre de l'Allemagne.

1

Ce télégramme ne

livre blanc,

le « livre arc-en-ciel >

plications,

figure pas

mais se trouve dans pourquoi

de la

Max

dans

la

première édition du

la nouvelle édition, ainsi

que dans

Béer, p. 255, avec toutes sortes d'ex-

proposition

du Tsar ne fut publiée du Comp. l'explication

côté allemand qu'après sa publication en Russie.

de la Norddeutsche Zeitung du

5.

II.

1915.


LA FRANCE .es

Dans nos précédents développements nous avons

blessures

le la guerre

ms j

en re \[ e f

e t parfois

f

même

récapitulé,

la

filiation

* ", des événements européens "jusqu'au déchaînement de la „ x allemande guerre. Il nous reste à parler de la France, de l'Angle-

nous semble venue,

terre et de l'Allemagne, et l'heure

en nous occupant de ces des

de

trois Etats,

tenir

compte

moments psychologiques, davantage que nous ne

l'avons fait pour

les

autres

peuples.

Non

seulement

que ces Grandes-Puissances ont joué ressort déjà en partie de nos précédentes recherches, mais une autre raison nous engage encore à parceque

le rôle

politique

souligner plus vigoureusement le problème psychologique. Jusqu'ici nous nous

sommes occupés

des Etats qui,

si

nous nous en tenons aux faits extérieurs, étaient engagés directement dans le conflit de 1914; l'examen de leur

développement

quents.

de

leurs

en

premier

les

rectement

;

comme

elles n'ont

textes matériels parties

leur décision,

du

alliées,

pas fourni

conflit,

mais

est

essentiel

de

été

lieu,

subséentraî-

par conséquent indielles-mêmes les préelles

directement intéressées. il

actions

événements

Les autres Grandes-Puissances ont

nées dans la lutte

aux

donc

comprendre

pouvoir

pour

et

indiqué

historique

paraissait

concrètes,

se sont jointes

Pour comprendre

déterminer les

prin-


-

247

cipes qu'elles ont suivis et le cours de leurs idées. Ont-

marché de bonne volonté ou à contre-cœur,

elles

sont-

elles entrées en guerre volontairement ou par force, ou

d'autre

auraient-elles

part,

provoqué

malheur par

le

leurs avis secrets, et ne se seraient-elles fait précéder d'un

ami complaisant que pour des raisons tique

Lorsqu'au les

d'habileté poli-

?.

demeurant,

l'incendie

allumé dans

fut

Balkans, cette Péninsule constituait en Europe un

foyer de guerre classique. Or, les trois Puissances dont

nous occuper, y avaient prêté moins d'attention que les Etats orientaux

nous avons encore à

beaucoup

d'Autriche-Hongrie, de Serbie et de Russie. Les rivalités jouaient là leur rôle dangereux, tandisque dans l'Europe conflits existaient bien

occidentale, les

aussi,

calamités de la guerre franco-allemande la

mais

les

s'imposaient à

mémoire sous de sombres couleurs. La politique moderne de l'Europe occidentale

portait

l'empreinte de l'expérience de Sedan, et cela d'une façon très tenace. C'est

riens de

la

pourquoi l'un des plus grands histo-

France contemporaine, put écrire que

guerre était devenue une chose les

peuples

homme

désirent

politique

l'éviter,

n'ose

plus

si

et

s'en

redoutable que si

odieuse

et

plus

démocratiques,

de compte des désirs de et auraient les

La

tenu

plus

masse pacifique des nations sur les Gouvernements pour

la

pesé plus fort

français.

la fois plus

auraient

détourner de la guerre dans l'Europe

ce savant

qu'aucun

déclarer responsable.

Les assemblées représentatives, devenues à puissantes

la

tous

civilisée, ajoute

diplomatie, privée

de son seul


procédé d'action encore

aujourd'hui

pour

le

«

;

ils

s'en

ou

tient

à un jeu de combinaisons diplomatiques de la

maitien

expédition

s'est

d'antipathie,

étrangère de l'Europe

voient,

la

Français se faisaient de la

les

sous

mais d'une

»,

L'invasion allemande a

paix....

transformé l'image que guerre

à la guerre,

sympathie ou

de

« la politique

:

recours

efficace, le

un jeu

à

réduite

248

forme non plus d'une

la

invasion

«

Les représentants

».

qui dirigent la politique extérieure, savent que l'énorme

majorité de leurs électeurs ne veut en

guerre offensive

cet effroi

que

sister

tourmenter

de la paix de Francfort

Une

pas

n'est

français.

sentiment,

seul

la

:

Autre chose de-

la question d'Alsace-Lorraine.

:

Revanche.

saire, vint s'ajouter

A

une autre conséquence, fait

;

s'adapter dorénavant le cœur,

publique

était

même

la politique de force

dans

les rues

1

Souligné

;

un

à l'extérieur

:

:

sens de la :

définitive.

la

Ré-

C'était

de l'absolutisme, de et

de la Révolution

résultat de cet esprit

par l'auteur

im-

amères, un produit

les plus

de l'histoire et de la philosophie

la plus

événements

née sous une forme

un produit des expériences

cœur

auquel devaient

l'esprit et le

les

le

conséquence néces-

cette

portante delà grande passe d'armes un

nation française, voire

sub-

ait laissé

pensée, depuis la défaite, enflammait aussi

de la nation

une

après la conclusion

esprits

les

le

1870-71

la guerre de

dans l'âme du peuple

vait encore

1

>.

Cependant ni le plus fort,

aucun cas

Seignobos,

émanant de

Histoire

l'Europe contemporaine. Paris 1908. p. 778 et 802.

politique

la

de


première phrase du Contrat s'imposant inoubliablement,

un monde de pensées

tout est

libre et partout

-

249

il

Social

de doctrines

et

dans

est

de Rousseau,

politique française

après

«

:

tels

L'homme

sont les buts

La République

1870.

représente l'esprit qui s'empare de ces buts,

sur lequel

qui

siècle

les fers ».

L'Alsace- Lorraine et la Revanche:

de la

un

surgir pendant

fit

le

terrain

se développeront ou.... s'effaceront. L'idée

ils

de Revanche découle de l'orgueil d'une nation vaincue,

mais

fière

le

;

chées a en

de

ration

mand

problème concernant

outre

une

signification

au

l'Alsace-Lorraine

blessante, en ce sens

est

les

provinces arra-

morale.

qu'elle

L'incorpo-

Empire

nouvel

ne

sur un plébiscite, mais a lieu sans que l'on

blement consulté elle offense ainsi

alle-

repose

pas

ait préala-

les populations séparées de la France, les

démocratiques sur

principes

quels s'étaye la République

C'est

française.

les-

pourquoi

non seulement fait une blessure au cœur des Français, mais encore, en tant que question de droit (non pas au sens du droit positif, mais du droit naturel), cet événement pèse le

sort

deux provinces

des

rhénanes,

sur la conscience de la nation.

Tandisque selon formation ces

compli

des

et

si

Allemagne

deux

l'Empire

de

pour

la conception

provinces

allemand,

parfaitement

allemande, la trans-

en

françaises,

constituait décisif,

que

provin-

un

fait

l'on

niait

ac-

en

l'existence d'une question d'Alsace-Lorraine,

la

Nous aurons

France

le

problème

à examiner ce que

donner satisfaction au

point

fit

n'était

la

pas

résolu.

République pour

d'honneur français, pour


— assurer

250

-

neté basé sur la prise

France

la

La

lutte

contre la politique

de revanche

du

triomphe de sa conception démocratique

le

du

droit sur le principe historique

de possession

pour recouvrer

fit

de souverai-

« droit

»

qu'enfin

ce

deux provinces perdues.

les

Le ressentiment contre le vainqueur resta naturellement à son apogée, tant que les souvenirs furent encore vivaces,

très

c'est-à-dire

pendant

virent la conclusion de la

l'exception près de quelques accès

à

cette

époque une

ce

fois

«

«

conflit

le

années qui la

»

ne parvint pas entre

latent

le

parti

catholique et le parti radical, à surmonter

changement subit de système. Ce le parti

voir, et

moyen

;

».

tout

Touted'abord

monarchiquele

chaos né du

1879 que

n'est qu'en

compléta

peu

à

peu

son

idéal

politique

au

des dernières réformes démocratiques. Ainsi l'on

put franchir

tait

à

pratiqua

républicain-radical arriva définitivement au pou-

le

pas qui séparait l'Empire militaire

personnel de Napoléon tique,

sui-

France,

d'humeur

politique de recueillement

recueillement

à vaincre

les

paix. Mais

avec toutes

mais dans

le

les

réformes juridiques qu'il compor-

cœur de

la nation et

moralement, ce

pas n'était pas encore accompli. Pour qu'après

Vesprit de

la

et

de la République démocra-

III,

démocratie

pût triompher,

le

le droit,

pays

dut

passer par une évolution laborieuse et se soumettre à

beaucoup de avec la

luttes.

politique

allait bientôt

Celles-ci sont

étrangère

commencer;

raison de leur signification dération particulière.

que

elles

en la

étroite

jeune

connexion

République

méritent cependant, en

symptomatique, une consi-


-

251

Les principes de la Révolution n'étaient pas encore définitivement en

honneur, lorsque

Jules

Ferry, pour

détourner l'opinion publique du pays des grands conflits européens, entreprit en 1881,

sa politique d'expansion

sur des continents étrangers.

Or

que commence

c'est ici

Le peuple campagnes

déjà la lutte contre la politique de revanche.

mal de Madagascar, du Tonkin bon

français dut,

gré,

gré, essuyer les et

de Chine, dut malgré ses

divisions intérieures, se laisser conduire dans des

eaux gravement les finances Mais on n'accorda pas une longue vie au Gou-

impérialistes, et voir

de

l'Etat.

dilapider

vernement. Deux Cabinets, Brisson succédèrent à un court

de

maintenir

intervalle

résultats

les

de

aux

aventures

« lointaines

ils

Freycinet, se tentèrent

bien

de

con-

politique

la

même temps

quête, mais se proposaient en fin

et de ;

La

».

forte

de mettre

majorité

parti républicain, qui avait cette politique sur la

cience, se réduisit,

aux

toute petite minorité

;

pas restée

sayé d'éliminer

le

fidèle

une un adversaire

élections d'octobre 1885, à

la réaction devint

puissant, et la République n'était

sur ses bases.

oscilla

à sa destination,

poison par

le

elle

l'impérialisme colonial.

cherchait à réparer maintenant,

Et

le

de dé-

pour

faire

que

l'on

cette faute

marqua

Elle

avait es-

contre-poison,

truire les restes de l'impérialisme continental,

place à

du

cons-

début d'une

période critique de souffrances. L'Etat malade soupirait, car les dissidences de ceux qui cherchaient les

de

le guérir,

A

cette

moyens

l'empêchaient surtout de renaître à la santé.

époque d'affaiblissement à

l'intérieur

du

pays, la France était naturellement exposée à tous les


— dangers extérieurs,

252

fantôme de

et le

ne tarda

la guerre

pas à réapparaître à la frontière franco-allemande. Deux

une

incidents de frontière faillirent servir de prétexte à

nouvelle lutte, bien qu'ils eussent trouvé par voie diplo-

matique, une solution satisfaisante pour les deux parties.

Grâce aux intrigues qui désolaient alors

pays, les

le

frottements que provoquèrent ces événements, sans im-

portance par eux-mêmes, rendirent en

flamme queux de Bismarck et le

renouveau de

nationaliste.

la

ministre français

rôle

si

la

mais en

même

encore

le

Général Boulanger,

le

feu

le

un

discours belli-

dangereux que jouait

de la guerre,

furent sur le point de mettre

moment,

effet possible

Un

A

aux poudres.

ce

France renonça bien à sa politique coloniale,

plus

temps

périlleuse.

s'engageait dans une voie

elle

au

Car Boulanger demandait

Gouvernement d'ordonner

la mobilisation et

de

le char-

ger de toutes les préparations militaires qui ressortaient de son département, sous menace de résigner ses fonctions. C'était

l'homme

triotes », cette et

qu'il

à la

fallait

dont les buts patriotiques avaient

inoffensifs.

Plus

tard,

sous la

au début semblé

direction

chauviniste Déroulède, elle devint tation, destiné

Ligue des Pa-

«

réunion de nationalistes fondée en 1882,

du

bouillant

un instrument

d'agi-

à combattre toute politique coloniale,

s'efforçant de faire renaître l'idée de

et

revanche. Freyci-

net pendant son Gouvernement, avait effectivement contribué

au triomphe de

cette

pensée que

les

principales

forces de la France devaient être tenues prêtes

continent. lait

Il

est avéré

d'un éclat

tout

sur

que la Ligue des Patriotes

particulier

et

que Boulanger

le

bril-

était


l'homme du

jour.

Mais

253

conséquences que

les

le

Général

On

voulait tirer de cette politique firent délaut.

laissa

tomber Boulanger, ses menées ultérieures se fourvoyèrent sans résultats, et enfin l'habileté de ses adversaires

parvint

même

homme

dangereux.

Toujours

est-il

que

territoire

qui

l'étincelle

français cet

avait

ranimé

de revanche, provoqua une crise internationale

l'idé

guë

à faire chasser du

l'antagonisme

:

avec

l'Allemagne

ai-

Les

s'aggrava.

clameurs belliqueuses de la France trouvèrent un écho en Russie, où les manifestations de haine contre

magne augmentaient. à Pétersbourg

et

l'Alle-

Cette disposition d'esprit développa

à Paris une propagande en faveur d'une

Alliance franco-russe,

et

le

de cette tendance

résultat

ne manqua pas d'avoir aussi sa répercussion à Berlin.

Le Prince de Bismarck présenta un nouveau loi

concernant

le service militaire,

et

projet de

en guise d'aver-

tissement aux adversaires de l'Empire allemand, annonça

son Alliance avec l'Autriche datée du 7 octobre 1879

*.

Mais que s'était-il passé au sein de la République ? La France avait fait lever un germe de guerre un ;

apôtre était né de l'esprit de se rallièrent la fin

de

la

revanche,

autour duquel

peu à peu des partis importants. Déjà vers décade 1880-1890 une grande partie du

peuple avait éprouvé une sorte de honte devant la passivité

de la France sur

le continent,

devant cette limi-

tation des efforts à des buts coloniaux, devant le renon-

cement aux exigences inoubliables

magne, 1

et

vis-à-vis

de l'Alle-

devant l'impuissance de tous les chefs répu-

Voyez

p. 69.


— blicains contre

254

développement de

l'indubitable

mé-

la

chante voisine. Ce sentiment donna naissance au Bou-

comme protestation comme réaction contre

langisme,

contre

choses,

les

mocratie. Cependant, plus les

des

actuel

l'état

tendances de la dédéployèrent

républicains

mouvement, plus nombreux ses anciens adeptes, effrayés eux-mêmes du danger du Boud'énergie à dénoncer ce

langisme, s'en éloignaient, plus s'affermit l'appui des

lui-même devint un instrument de chiste.

Un nouveau

cain renégat

part

d'autre

monarchistes, jusqu'au jour où Boulanger

;

le parti clérical,

avec l'Allemagne

et

réaction

la

dans

le

monar-

à ce républi-

parti se rallia encore

qui voyait dans une guerre

bouleversement qu'elle provo-

querait au sein de l'Etat, le meilleur moyen d'enrayer la vague anticléricale qui commençait à envahir toute la France 2 Ainsi deux tendances s'unirent, qui plus tard .

se scindèrent encore en deux partis

:

le parti nationaliste

et le parti militaire-clérical.

Dix ans plus

vaient tous deux

encore une

déployer

occulte dans la célèbre affaire Dreyfus

tard,

force

leur

fois

mais après une

;

grave lutte intérieure, la majorité des Français justice de l'Etat leur imposèrent silence

Au furent

point

de

définitivement

où, presque

vue

politique,

vaincus

20 ans après

à

une

et

la

fois de plus.

deux

ces

dater

de-

ils

d'une

partis

époque,

la catastrophe de 1870,

une

tentative de revanche fut aisément étouffée dans la Ré-

publique malgré ses faiblesses intérieures

:

la

Ligue des

Patriotes fut dissoute en 1889, et le Général Boulanger 2

Comp.

Sir

Thomas Barclay

loc. cit. p.

102.

\


en

fut

fuite,

255

condamné à

pour cause de

la déportation

conspiration contre la sécurité de l'Etat. Ces événements

s'accomplissaient pendant que

le

Général, qui séjournait

en Belgique, espérait une majorité de ses partisans aux

Chambre, ou l'établissement d'une

élections de la

dicta-

ou encore son élévation à la Présidence de la République. Mais les Boulangistes obtinrent à peine le ture,

7

%

des voix aux élections du Parlement de 1889

Boulangisme,

cette

forme récente du chauvinisme,

La République

vaincu.

males de

était rentrée

la démocratie,

ger se suicida,

tel

Toutefois, la

piration

du

le

de

du chauvi-

celte explosion

faire face

aux dangers

de Réassurance

»

l'ex-

qui avait imposé à

l'Empire russe des obligations de neutralité envers l'Alle-

magne, après

la réception

dont

il

beaucoup

fut

parlé,

d'une escadre

française à Cronstadt, l'ambassadeur de

Russie à Paris

et le Président

Freycinet, échangèrent notes,

précurseurs

le

de la

du Conseil des ministres de

22 août 1891

les

premières

Celles-ci de-

future Alliance.

vaient imprimer tout d'abord aux relations mutuelles des

deux pays

le caractère

d'une

«

contenu de ces deux documents

Entente n'ait

».

Bien

que

le

jamais été publié,

l'on sait pourtant qu'ils proclamaient les

deux principes

qui devaient dominer la future Alliance

le

:

reconsti-

tution de

l'ancienne

qu'elle

Peu après

elle-même provoqués.

« traité

les voies nor-

Général Boulan-

France dut subir, en politique exté- La

La République dut

avait, en partie,

dans

le

un malheureux aventurier.

Heure, les conséquences nisme.

en 1891

et

;

était

maintien de

puissance politique.


— la paix

de

et

256

l'équilibre

européen. Si l'on

prend

en

considération l'ébranlement que l'édifice de l'Etat français avait subi

au

que fournit

travail

ver

le parti

si

l'on

rend justice

républicain pour préser-

pays d'entreprises belliqueuses, en écartant Bou-

le

langer

et

en dissolvant la Ligue des Patriotes, en répri-

mant tous cile

avant cet événement,

les

éléments chauvinistes,

il

deviendra

diffi-

de douter des intentions pacifiques du Gouvernement

contractant.

Mais cert

la paix

que

la

France

allait

sceller

de

con-

avec la Russie, n'était plus la paix d'une nation

faible qui se dérobe craintivement

ennemi

devant son

traditionnel, c'était la paix

que voulait une coalition de

deux Grandes-Puissances.

«

hui

disait le Président

Personne ne doute aujourd'du Conseil des ministres à

manœuvres de 1891 que nous nous prouverons que nous sommes sages.

l'époque des grandes

soyons forts

:

Dans une nouvelle situation nous saurons conserver

le

calme, la dignité et la mesure, qui, aux mauvais jours,

ont

préparé

notre

Et

relèvement.

le

ministre

Ribot

dans un discours

compléta cette pensée fondamentale,

Ce n'est pas au moment où nous pouvons pratiquer la paix avec plus de prononça

qu'il

le

28 septembre

:

«

dignité que nous nous exposerons à la compromettre

Cependant un autre désir tout aussi puissant

>

l .

vivait

pour au cœur de la fière nation française le désir employer une formule diplomatique par trop connue d'occuper le rang qui lui était dû dans la famille des :

1

Debidour,

loc. cit. p.

172 et suiv.


-

257

peuples. Ni la République, ni les progrès de cratisation n'étaient

pendant

tant,

forme

de son rang. Si ébranlé s'était

deux premières décades de

les

d'Etat, la

France le

de la

lors

pour-

nouvelle

la

plus

déchue

guerre prusso-autrichienne,

et

été s'il

complètement effondré avec l'Empire, après

la

République n'avait pu

le

rétablir jusqu'à ce jour

Nous

et

du pays avait déjà

« prestige »

grande défaite de 1870, ne

langer

de plus en

était

démo-

la

parvenus à étouffer ce vœu,

devait

pas

la

même

;

chauvinisme de Bou-

le

remplacer les

lauriers

perdus.

allons donc voir quels furent les voies et

moyens

mis en œuvre, situation de

la

pour

rétablir

gloire

la

France au sein

et

l'ancienne

du Concert des Puis-

sances.

Lorsqu'en 1881, Jules Ferry dirigea la République française dans les sentiers abrupts de la politique colo-

en raison de

niale, c'était

suadé de la nécessité de scène

ailleurs. et

européenne,

détourner l'orgueil

pour

Ainsi l'on diminuait

même

du

le

lui

de

et per-

populaire

donner satisfaction

danger d'une catastrophe

coup, l'on tenait compte du désir des grandes

masses populaires, de voir régner une grande dans

avait

du pays vis-à-vis de l'Allemagne,

la faiblesse

de la

la conscience qu'il

le

domaine de

la

politique

plus

activité

étrangère.

En

compensation des pertes éprouvées en 1870, on promit au peuple de nouvelles ressources et de nouveaux marchés dans un monde

à

la

lointain, de

nouveaux champs

d'activité

jeune génération. La France débuta par une expé-

dition

en Afrique, où la Tunisie

et

son Bey déconcerté

furent placés sous l'influence définitive de la République, 17


-

258

au moyen de quelques troupes L'Angleterre

ultimatum.

d'un

donné à

cette entreprise leur

et de et

fausse-alarme

la

l'Allemagne

avaient

consentement indispensable

rien ne pouvait être plus agréable

;

à Bismarck qu'une

diversion de la France en Afrique, d'autant plus qu'elle

pouvait provoquer la colère de

sœur de race

Ce

latine.

produire, l'Italie était la

contre la nation

l'Italie

résultat

mûre pour

ne manqua pas de se la

Triple-Alliance

France avait un adversaire de plus sur Cette politique, que l'on

orientale, se dit,

poursuivit ensuite en Asie

comme nous

heurta bientôt,

et

le dos.

l'avons

déjà

à l'opposition du peuple français, lequel avait à

cœur

de la

traditions

les

démocratie

;

elle

se heurta

encore à une autre résistance, qui ne pouvait que fier l'opposition

du pays

:

à

forti-

la résistance de l'Angleterre.

Et ces oppositions naissantes ne devaient pas tarder à dégénérer en

Une

conflits.

certaine

britannique,

mauvaise humeur à l'égard du voisin déjà en France depuis 1875. A

existait

cette époque, le Gouvernement anglais avait acheté au Khédive d'Egypte, sa participation en actions à l'entreprise du canal de Suez, et fait connaître ainsi aux

Français son inflexible volonté de prendre part à l'avenir de cette route de navigation.

Un

Français, de Les-

seps, avait construit le canal de Suez, torisation qu'il avait reçue en

1854 du

L'Angleterre n'avait jamais cessé de

muni d'une auvice-roi d'Egypte.

s'opposer à cette

Gouvernement anglais eut reconnu son impuissance en cette affaire, Lord Palmerston s'écria « c'est une en 1865, avec colère, devant le Parlement entreprise.

Lorsque

le

:


— erreur depuis craignait

le

-

259

commencement jusqu'à

à Londres que

la

1 fin.... » .

la

On

France parvînt avec ses vais-

seaux à atteindre l'Extrême Orient deux

que l'Angleterre. C'est pourquoi

fois plus vite

la résistance

de l'An-

gleterre ne se relâcha pas, et lorsque le canal fut achevé,

continua pour sa possession

la querelle

de l'Egypte.... jusqu'à ce que

tralité

et

pour

la neu-

d'Etat

le secrétaire

anglais eût les actions du Khédive dans sa poche

;

ainsi

l'Angleterre put faire valoir ses droits et son influence. Et,

comme

au

s'agissait

il

fond,

canal de Suez, mais aussi de

France

dominium sur Malgré

le

la

pays des Pharaons.

cette tutelle, qui

éveilla

un soulèvement du ministère en Egypte contre

le

la colère

du Sou-

du Concert des Puissances,

verain turc et l'inquiétude

lieu

avoisinante,

inaugurèrent une sorte de Con-

l'Angleterre

et

non seulement du

l'Egypte

et

de

ses

partisans

Khédive, en 1882

;

eut

et les dé-

monstrations platoniques des forces navales anglaise

ne

française,

parvinrent

à arrêter

pas

et

la Révolution

Il fallut employer des arguments plus Gouvernement britannique les possédait, Gouvernement français ne les obtint pas.

prête à éclater.

persuasifs

:

le

par contre

le

Tandisque

le

Parlement anglais consentit sans hésiter un crédit de 57 V2 millions pour une expédition, le Gouvernement français ne put même pas obtenir des députés, les 9 Va millions qu'il demandait modestement pour

l'entreprise

militaire

exclusive du canal de Suez

1

Hanotaux. Histoire de

la

et ».

pour

« la

protection

Le Parlement ne voulait

France contemporaine, Vol.

III, p.

98.


— pas entendre parler de seuls purent placer Ils

y

étaient et

y Toutefois un

telles

restèrent. réveil

qui

national se produisit

permit au

déployer plus de décision

l'année

ministère Ferry de

plus d'audace. Alors com-

et

grandes expéditions

en Asie orientale, aux Français des succès, mais aussi de

les

qui valurent

extravagances. Les Anglais

des troupes sur territoire égyptien.

suivante, en 1883,

mencèrent

260

nouveaux frottements avec l'Angleterre. Il s'en suivit une rivalité à propos du bassin du Congo, où les Anglais menaçaient, comme précédemment sur le Nil, de s'établir avant les Français. Toute participation de la France à ces lointaines excursions devait en quelque sorte avoir lieu secrètement

de modestes

:

prétentions,

de minimes demandes budgétaires au Parlement.

à petite dose, pour ne pas éveiller Ferry dut mener

position.

belliqueux avec et

le

lorsque cet

homme

les risques

de

Tout

méfiance de

conflit aigu et

la Chine, à l'insu

de ses représentants,

la

l'op-

de caractère

du peuple français

et tout cela prit

en

fin

1885,

tomba. La France ne pouvait tolérer

cette

politique,

son

ennemi

n'était

pas

sur des continents exotiques, mais en Alsace-Lorraine.

La

politique coloniale subit

langisme avait rivalité

le

champ

un temps

libre

et

d'arrêt.

laissa

avec l'Angleterre, jusqu'à ce que

revanche dut,

après une

courte lutte,

Le Bou-

sommeiller la le

parti de la

mettre

bas

les

armes devant l'opposition intérieure. Mais la France ne savait pas se reposer. Lorsque la crise du Boulangisme fut terminée, le Gouvernement reprit les

problèmes coloniaux. La

lutte

autour de la


sphère

en

d'influence

Afrique

que jamais. De 1890-93

;

rent encore une fois la

Pro-

le

voulurent s'assurer

lorsqu'il

sur les bords du Niger,

d'un hinterland

énergique

plus

devint

Français conquirent

les

Dahomey

tectorat sur le

261

ils

rencontrè-

résistance de l'Angleterre,

qui

leur barra du reste toutes les routes, depuis le golfe de

Guinée jusqu'au

Nil,

1893 un

éclata en Asie

conflit

de Siam. Celui-ci indo-chinois,

En Roi

le

contesta aux Français les

fut

et

Soudan.

orientale avec le

en passant par

Une

rencontre

lieu,

avant que l'on

en cela soutenu

de forces

navales

pu

ait

territoires

par l'Angleterre.

réduites

faillit

avoir

définitivement les

établir

frontières des possessions françaises de

l'Annam

et

du

Cambodge. Si la diplomatie française put enregistrer quelques succès, qui en 1894, améliorèrent enfin la situation de la

France en Afrique,

dèrent

pourtant

loniale,

cause

peu

le

peuple et

le

sympathie à

de

perpétuelle

d'insécurité

Gouvernement manqua donc

d'appui,

Parlement accorla

politique

et

co-

l'Etat.

Le

partant,

ne

pour

possédait pas la force nécessaire pour réaliser les avan-

tages

obtenus.

Parlement

fit

Pour

pourtant

acquérir l'effort

l'île

de Madagascar,

le

de consentir un crédit de

65 millions, indispensables à une expédition

forte

de

15 000 hommes. Ainsi donc, au commencement de 1895,

Madagascar devint l'année suivante, après un laborieux débat académique sur la forme qu'il convenait de donner à sa constitution, une Colonie française. Du reste, les autres Puissances les

Français occupèrent

ne

firent

l'île,

aucune opposition à

céan Indie».

et

cette

conquête dans l'O-


— Jamais

262

-

République ne manifesta l'intention de

la

pousser à fond les controverses relatives à la politique

Fachoda en 1898, a clairement démontré que le peuple ne se laisserait pas entraîner à la guerre pour des questions de ce genre 1 Lorsque coloniale. L'incident de

.

Marchand avec

ses 150 tirailleurs sénégalais se heurta

à Lord Kitchener,

celui-ci lui déclara avoir reçu l'ordre

d'exiger des Français l'évacuation de la place

le

;

capitaine

bon en attendant de nouvelles instructions de son Gouvernement. Mais ces instructions français,

est vrai, tint

il

furent: céder

provoquer

guerre avec l'Angleterre.

le

la

car la France ne voulait à aucun prix

ralentissement de

De

L'Egypte resta aux mains des Anglais question de discuter au

2 ,

ses regards

vers

l'Afrique.

à un accord 1904 l'Entente Cordiale

les voies étaient ouvertes

avec l'Angleterre fut conclue

française. n'était plus

du Soudan, et presque abandonnée à l'Angleterre, du 21 mars 1899. La France acculée

cœur de

Par contre,

il

fut

en arrière de la Tripolitaine, porta l'Ouest, vers le

;

sujet

toute la région du Nil

en vertu du traité

ce jour date

coloniale

politique

la

:

dont

le

8

le

but principal

avril

toutes les controverses en suspens.

Bretagne obtint toute

était

Avant

liberté d'action

de résoudre

tout, la

Grande

en Egypte

et

la

France au Maroc. Ainsi se termina la rivalité avec l'Angleterre.

La

France avait sa politique coloniale qui devait

satisfaire

l'amour- propre du

répondre

1

Voy.

p. 114.

!

Voy.

p. 119.

peuple, et

peut-être

aussi


aux besoins du pays,

-

263 tout en

écartant

dangereux

le

esprit de revanche. Cette politique dut se contenter des

moyens modestes mis à

la

disposition

des Cabinets

français toujours persécutés, qui se succédaient sous le contrôle sévère de

coup

la démocratie.

— n'étaient

prouvera

point à dédaigner

ment de

forces,

sérieux.

auquel

le

un

monde nous ;

mais

ils

dûs plutôt à l'habileté diplomatique qu'à un obstacle

Les résultats

sur la carte coloniale du

d'oeil

le

étaient

déploie-

pays aurait toujours mis un

La République

préféra

une entente

durable avec l'Angleterre à un conflit latent, qui aurait affaibli la

France

çais possédait

vis-à-vis de l'Allemagne. L'Etat fran-

maintenant

le

rang tant convoité,

les

appuis

espérés, et cela sans coup férir.

Lors de

la

conclusion de l'Entente Cordiale, ce der- Le Maroc,

nier acte international

reconquise

de la

sur lequel reposait la situation

France dans

la

famille

européenne,

une pomme de discorde vint troubler la sérénité de la République, et aucun homme politique d'alors ne pou-

du danger qu'elle apportait avec abandonné à la France, non par Concert des Puissances, mais par l'Angleterre seule,

vait prévoir la gravité

Le Maroc

elle.

le

fut

sa voisine et amie. Or, placé dans la sphère d'influence française, ce pays était destiné à devenir l'objet de pé-

nibles explications avec l'Empire allemand. africain devint les

un foyer de

Balkans dans l'Europe 1

Voy.

p. 119.

conflits

orientale.

au

Le Sultanat

même

titre

que


-

264

Aucun domaine d'expansion ne pouvait favorable à la France, qui,

au point de vue

antérieures.

être plus

proche Maroc,

riche et

le

territorial,

offrait

Il

que

complétait les possessions

au Gouvernement français

la pers-

pective d'une activité colonisatrice de grande envergure

sur les côtes septentrionales de l'Afrique

que de trouver

sait plus

les

;

il

ne

moyens propres à

s'agis-

aplanir

les difficultés politiques intérieures et extérieures.

Au

sein de la démocratie s'élevèrent les clameurs

des anciens ennemis de l'extension coloniale. « Les expéditions les plus heureuses

nald

r

comme

Georges Rey-

déplore

celle de Tunisie,

trouvèrent leurs dé-

tracteurs. C'étaient en partie des doctrinaires, des esprits

auxquels et

idée

toute

de

conquête

était

insupportable,

ne pouvant admettre qn'on employât

coercitifs,

même

encore des France,

si

des

moyens

vis-à-vis de peuples sauvages. C'étaient

hommes

craignant

l'affaiblissement

elle dispersait ses forces ».

térieurs entrèrent

de la

Ces ennemis

in-

donc en scène à ce moment.

Le danger extérieur vint de l'Est l'Empire allemand, qui jusqu'à l'époque la plus récente, avait renoncé au partage des sphères d'intérêts disponibles, prétendit tout à coup rattrapper le temps perdu et ac:

quérir des colonies.

Le problème consolider

sa

se posait donc ainsi pour la France:

Maroc par

situation aif

les

moyens

les

plus paisibles, et prendre également en considération les rivalités auxquelles

1

La Diplomatie

une

telle

française.

politique pourrait se heur-

L'œuvre de M. Delcassé,

p. 9.


-

265

M. Delcassé, alors ministre des affaires étrangères, Mais il se vit bientôt dans l'impossibilité de rester fidèle à des hypothèses qu'il avait lui-même établies. ter.

partit de ce principe.

fallut,

Il

en premier

du pays

sitions

;

du

«

trouvé crédit devant

et avait

tenir

lieu,

pacifisme le

»,

compte des dispo-

mode

qui était à la

Parlement

et

devant

le

Pour l'entreprise coloniale qu'il s'agissait d'accomplir, on trouva la formule «Pénétration pacifique»

peuple.

chercha à mettre en valeur ce principe confor-

et l'on

mément à

sa signification. Mais

lorsque

la

France se

mit à réaliser ses intentions, lorsqu'elle se mit voir de continuer cette politique de 1830 qui

valu l'Algérie, et celle de

amener

Tunisie, pour

le

1881, qui lui

goureuse agitait ce pays. Paris,

On ne

fait se

la

d'ail-

française, on s'a-

sourde et particulièrement

vi-

tarda pas à savoir à

que l'Allemagne avait provoqué

Ce

de-

avait

avait valu

Maroc, par des moyens

leurs bien différents, sous l'influence

perçut qu'une résistance

en

lui

cette résistance

précisa d'une façon parfaitement

1 .

claire,

lorsqu'en 1905, l'Empereur Guillaume apparut à Tanger,

donna à entendre au Sultan, en un discours de saque l'Allemagne répondait de la Souveraineté absolue du Sultan et de son Empire, de la complète liberté de son commerce international et de l'égalité des et

lutations,

étrangers

:

il

était

venu,

disait-il,

pour souligner

cette

1 Comp. le rapport N° 3 du livre gris publié par le Gouvernement allemand sous le titre Documents diplomatiques 1905-1914 :

(Rapports des diplomates belges).


-

-

266

décision, et désirait s'entendre sur ce point avec le Sul-

tan lui-même

1 .

Ces paroles de l'Empereur Guillaume, comme du

voyage à Tanger,

reste son

bombe.

11

en France

firent

l'effet

d'une

s'agissait de renoncer aux prétentions sur

Maroc, ou de briser

la

de

résistance

quelque décision que l'on

la

prît,

France, en raison de

précaire, se trouvait provisoirement privée

sa situation

de toute autorité vis-à-vis du Sultan récalcitrant. lourde atmosphère d'orage pesait sur

immense

le

Et

l'Allemagne.

— écrivait Gouvernement —

désillusion

le

2

à son meillaient dans des rêves Paris,

tional s'est réveillé,

le continent.

«

Une Une

Ministre de Belgique à

a envahi ceux qui som-

pacifiques, le

chauvinisme na-

on discute l'efficacité de la défense

comparée à l'organisation formidable des voisins de

l'Est>.

Aussitôt les deux adversaires prirent contact et

ne tarda pas à se produire

:

Quelques avis de

l'effet

la diplo-

matie allemande à Paris, suffirent, pour que M. Rouvier, le

président du Conseil des ministres, se séparât de M.

Delcassé.

Tel fut

commencée vernement, premier

le il

;

premier résultat de cette épreuve à peine s'accomplit sous la pression d'un Gou-

d'un

lieu,

Parlement

voulaient

et

d'un

peuple

qui,

en

écarter tout danger de guerre.

Les intérêts français au Maroc, ne valaient pas que l'on acceptât une passe d'armes avec l'Allemagne.

tomba en mauvaise posture, surtout lorsque l'Allemagne exigea une deuxième satisEt

le

1

roc

« prestige » ? Il

Ce discours se trouve dans 190M905, p. 205 et suiv. 2

Même

le livre

jaune concernant

source que ci-dessus, rapport 11.

le

Ma-


-

-

267

faction sous forme d'une Conférence internationale, consi-

dérant que l'accord conclu en 1904 entre la France l'Angleterre

— qui, selon l'opinion allemande,

contre du traité de Madrid de 1880

à déterminer terrible «

à ren-

ne pouvait

suffire

du Maroc.

la future destinée

épreuve pour l'orgueil de

une

C'était

nation

la

Si vous vous courbez aujourd'hui

et

allait

française.

s'écria le député

aux représentants du peuple vous vous courberez demain, vous vous courberez touDelcassé,

s'adressant

vous ne savez pas

jours, et

aujourd'hui, l'unanimité du s'agissait

dans

vous aurez encore,

monde avec vous

donc d'une question de force

sens

le

lait faire

si

le

plus essentiel du mot.

triompher la France

mais

;

et

de

»

comme

Il

principe,

M. Delcassé vouGouvernement

le

capitula devant les désirs allemands. «

Ce

serait la guerre »

M. Rouvier

c'est

en ces termes que

proposition de décliner la Confé-

rejeta la

rence internationale. Et l'on savait en France et ailleurs, ce

que

le

Président du Conseil des ministres pensait de

alternative.

cette

«

J'aimerais mieux voir

ma main

se

dessécher, plutôt que de signer un document qui déchaînerait l'Allemagne

1

»,

avait-il dit.

M. Rouvier avait à ce moment, assumé lui-même la direction des affaires étrangères.

La

lourde tâche lui

incombait, de sauver l'honneur d'un peuple part voulait exécuter ses projets d'autre part, force,

de

manquait

le faire les

au Maroc,

qui, et

d'une

auquel

la volonté et peut-être aussi

armes à

la

main.

la

En ménageant

autant que possible l'amour-propre français, on convint 1

Voy. Reynald,

loc. cit. p. 168.


268

— moyen

de réunir

la

Conférence, et

Algésiras

le

point de vue de l'Allemagne et de ses Alliés

y

le

seul

d'éviter qu'à

impitoyablement imposé aux Français,

fût

entente

préalable

était

une

du Gouvernement français avec

le

Gouvernement allemand, destinée à élucider les intentions de ce dernier. On parvint ainsi à une sorte de conciliation, et la défaite morale de la France fut un peu amoindrie aux yeux du monde.

Comme toujours

une

nous l'avons

que

est-il

cette

précédemment,

relevé

déjà

Conférence d'Algésiras

victoire de la politique

allemande

concessions accordées à la France

(et

1 ,

signifiait

malgré quelques

aussi à l'Espagne),

concernant l'organisation de la police dans les ports du

Maroc. Car

les

réformes qu'il

ne dérivaient plus de

initiative internationale, et

assurait

siras

fallait

l'initiative

décider et exécuter

française, mais d'une

en outre,

traité

le

aux Puissances une servitude générale

sur un pays que les Français auraient bien server à leur seule influence. Enfin,

mèrent en grande partie ce pays

d'Algé-

la

« internationalisé »,

si

les

voulu

ré-

Français assu-

responsabilité

de civiliser

par contre, l'autorité et la

puissance nécessaire à y maintenir l'ordre, leur furent refusées.

La

situation des

Maroc 3 mais ;

prendre sur sentir

Européens s'aggrava à vue d'œil au

l'opinion publique en France, ne voulait pas

elle le risque

d'un conflit européen, ni con-

aux moyens matériels qui auraient

1

Voy. p. 86 et suiv.

*

Le 24

à Casablanca,

juillet 1907,

et

été nécessaires

des ouvriers des ports furent attaqués

10 Européens furent tués.


— pour renverser

trois

269

prétendants à la couronne et chefs

de rébellion. Les Français du Maroc, découragés, trouvèrent dans leur patrie démocratique trois partis de ten-

dances différentes. Tandisque des

M. Hanotaux, ne pouvaient nouvelle

défaite

politique

Leroy-Beaulieu prêchait

«

hommes

d'Etat

comme

se résigner à permettre une

de

France,

la

l'abandon

»

l'économiste

du Maroc,

et

le

chef socialiste Jaurès se prononçait en faveur d'une internationalisation plus

En

l'ambassadeur belge «

large

Bref,

l'on peut dire

à

Paris

que

la

du pays africain. vue du Gouvernement,

encore

ce qui concerne le point de

écrivait

le

19 janvier

France veut assurer sa

tuation privilégiée au Maroc, maintenir ses

:

si-

droits avec

même temps tenir avec une scrupuleuse engagements pris à Algésiras 1 ».

décision, et en fidélité les

Une cifique »

chose semblait prouvée

ne

s'était

:

la

«

pénétration pa-

pas confirmée. La France continuait

à lutter avec l'Allemagne pour la situation

privilégiée

au Maroc, au point de vue politique et au point de vue économique, sans que les conditions qu'on tenta de régler en 1909 au moyen d'un accord, aient pu satisfaire l'une quelconque des Puissances intéressées. La République se sentait isolée les

et

faible,

un jouet entre

mains de forces supérieures. Elle devint aussi scep-

tique à l'égard de ses amis, surtout lorsque l'Empereur

la

1 Nous avons cité ces opinions, parceque les adversaires de France semblent attacher une importance particulière au juge-

ment des diplomates belges sur la politique générale de cette époque, Gouvernement allemand a rendu ces rapports secrets acces-

le

sibles

au grand public.


270 Guillaume échangea en 1909 cordiales avec

La

Tsar

le

et

et

avec

les

1910, des

visites

Souverains anglais.

pays de l'Entente proféra des paroles

presse des

hommes

amères, et les

d'Etat étaient découragés,

L'o-

GouM. Delcassé, en présidant une commission

pinion publique ne faisait plus

vernement,

en

et

confiance à son

d'enquête au ministère de la Marine, trouva les choses

en un état

que l'Europe dut conclure, une

tel,

à l'incapacité de

plus,

la

fois

de

démocratie parlementaire, de

pourvoir à la bonne organisation et à la sécurité de sa défense nationale.

En 1911

cependant,

l'ordre

rétablir

A

militaire.

cet

La

de la canonnière

même

les

Français,

Panthère,

coup, la sommation

de 1911, eurent

Cambon

chter, ces

devoir

devant Agadir,

allemande de résoudre

nitivement la question du Maroc.

Jules

croyant

à Fez, y entreprirent une expédition événement, succéda la visite inattendue

lieu,

Pendant

l'été

et

du

défi-

brûlant

M. von Kiderlen-Wœ-

entre l'ambassadeur de France

et le secrétaire d'Etat

négociations

célèbres que le

monde a

suivi

avec la plus grande anxiété. Arriverait-on à s'entendre ?

Quels

sacrifices

coûterait

un

tel

accord ? Et

une autre question préoccupait les hommes d'Etat de trouverait-on auprès du peuple, l'appui néFrance cessaire dans le cas où le marché avec l'Allemagne aboutirait? Car on savait que la signature de quelques diplomates ne saurait suffire à faire du Maroc un Pro-

tectorat français

;

il

fallait

ou diplomatiques dans gagner.

La

le

liberté d'action

encore des résultats militaires

pays

que

même

qu'il s'agissait

de

l'on était obligé d'acheter

de l'Allemagne, ne devait donc pas être payée trop cher.


-

-

271

Enfin la France obtint, contre cession d'un territoire

au Congo,

la

reconnaissance de son Protectorat sur

Maroc. Et

le

30 mars 1912,

le

Sultan Moulay-Hafid se

le

livra lui-même, par sa signature, à la protection

de la

France.

Mais une rancune subsistait au cœur des Français. Déjà en 1904 on avait cru que vant

assuré à

se disputer

le

la

République

pays sur

le

ultérieurement, au prix de salles de

;

sol

le

Maroc

était

au contraire

l'acquérir

sacrifices,

dans des

Conférence européennes. Les fruits de ces efforts

ne purent être récoltés que sept ans plus tard ans après la

fallut

il

et

africain,

lourds

doréna-

la conclusion de cet accord,

sept

;

en vertu duquel

France avait abandonné l'Egypte en compensation

du Maroc. M. A. 0. Meyer a en partie raison lorsqu'il écrit 1 « Il n'existe pas dans l'histoire de l'Europe un second chapitre, où l'on éprouve l'inéluctable fatalité de la destinée, :

autant que dans celui ayant d'expansion. cécité

Un démon

envers tous

trait

à la politique française

semblait avoir frappé

le

peuple de

les buis et toutes les possibilités

de dé-

veloppement, autres que ceux situés au bord du Rhin delà du Rhin. Quelle plénitude de perspectives les

modernes n'ouvraient

ils

pas, avec l'immense accroissement

de l'horizon géographique exploitées.... la

!

Combien

les

autres les ont

France n'a jamais mis en œuvre toutes

ses forces pour des entreprises loniales. Elle a toujours

et

des acquisitions co-

subordonné

niale à la politique continentale

Zum

au temps et

la

politique

européenne

colo-

».

geschichtlichen Verstândnis des grossen Krieges p. 21.


-

272

Mais ici il est permis de demander qu'a donc fait République française pour sa politique continentale ? :

la

hommes

Elle a renversé impitoyablement les

qui, cher-

chant des succès, menaçaient de conduire la France à la guerre.

La France, autant que nous avons pu nous en compte jusqu'à présent, n'était pas disposée à employer ce moyen pour acquérir des colonies, non plus que pour délivrer l'Alsace-Lorraine. rendre

Pacifisme, Ni au cours de l'ère nationaliste de Boulanger, ni aux armements époques de politique extra-européenne, l'idée de revanche gue n'a pu prendre la préséance. Certes le germe de guerre '

était là,

à

mais

il

ne pouvait lever sur

le sol

de la démo-

Si l'on a observé la lutte acharnée qui

cratie.

préside

la politique intérieure française, la passion, les efforts

souvent

répugnants, avec

français' cherchent

lesquels

à se supplanter

on sera convaincu que dans une

les et

telle

hommes

d'Etat

à se surpasser, arène,

il

devenait

impossible d'agiter aucun étendard de guerre.

Du

reste

de revanche.

on ne formula jamais politiquement l'idée la retrouvons sans doute dans cer-

Nous

tains romans, dans des conversations avec des officiers

enflammés de feu Déroudernier partisan de sa propre école. Mais on a

français et dans les discours lède, le

prétendu avec raison

que, depuis

la

fondation

de

la

République, jamais aucun Cabinet responsable n'avait inscrit

à son programme

la réacquisition des

deux provinces

arrachées. Très juste aussi un jugement de

la

Frank-


-

273

« Plus la troisième furter Zeitung du 18 avril 1913 République se laissa pénétrer par des idées de paix mondiale, plus l'idée de revanche disparut du programme politique en tant qu'exigence précise, jusqu'à tomber :

dans un

état

subconscience

de

perdit de son prestige

;

plus

D'autres Allemands paraissent avoir l'esprit de la politique

politique

dit l'un

bien compris

si

française et de la majorité libé-

que nous devons leur laisser

rale,

chauvinisme

le

».

de ces juges

la parole

« la

:

vie

épuisait ses forces

dans l'anticléricalisme, dans la sécularisation de

l'Etat,

en poursuivant ce but, qui concernait apparemment la seule politique intérieure.

Le

cléricalisme mettait en jeu

toute sa puissance pour conjurer l'orage.

jours été le champion le

principal

parti le plus fortement

naissait la

puissance

Il

avait tou-

de l'idée de revanche,

imbu de nationalisme.

de la pensée

esprits sensibles de toutes les couches sociales.

langisme

vaux de

et l'opposition contre

les

Le Bou-

Dreyfus étaient ses che-

bataille les plus décisifs et les plus

époques encore de

con-

Il

nationale sur

dangereux

;

la plus intense agitation contre l'Al-

lemagne. Cette agitation fut réprimée. L'idée de revanche passa à l'arrière- plan.

Le bloc

de gauche mit à dessein tout en œuvre pour la déprécier. Il

puisa dans l'arsenal des idées de 1789, qui ne manquent

jamais leur puisa

effet

avant tout

en France, l'idéal

de

même la

de nos jours.

liberté,

Il

y

devant lequel

devait absolument reculer l'idée de puissance extérieure,

de politique idée

agressive

paraissait

même

contre d'autres

peuples

odieuse à un grand

;

cette

nombre de 18


citoyens,

comme

-

â74

donc

à l'extérieur

il

surtout

à

politique

la

se montrait pacifiste,

une logique plus ou moins entre les nations »

intérieure

songeait

et

à une entente amicale

claire

.

établi historiquement

revanche appartient aux cléricaux

aux

et

— comme

que

l'idée

les

com-

que ce sont précisément

s'ensuit par conséquent,

Il

de

nationalistes,

qui se complètent mutuellement en vue d'un travail

mun.

;

avec

1

ressort de cette analyse psychologique

Il

nous l'avons déjà

Ce bloc

contraire à l'esprit de liberté.

s'intéressait

adversaires de la République, les adversaires de la

démocratie, les adversaires de la grande majorité du peuple français et les

ennemis acharnés du Gouvernement,

qui constituent les éléments enclins à la guerre.

Dans

cet

ordre d'idées, citons encore un jugement de la nouvelle Ga-

Strasbourg de 1913, qui a

zette de

français et allemand

des

deux côtés

2 :

parmi

trait

au chauvinisme

Si les excitateurs se recrutent

«

les

réactionnaires,

cela

tout autre chose en France qu'en Allemagne.

pour eux une les les

faiblesse,

ici

un avantage. Là,

ennemis du Gouvernement,

se

ici ils

signifie

c'est

ils

sont

donnent comme

défenseurs des prérogatives du Gouvernement,

gardiens jaloux du régime établi

En France

il

y avait aussi un

comme

»...

parti extrême, qui cher-

chait des conflits et voulait satisfaire l'honneur offensé

où ce du Gouverrepoussait. Sa voix s'éleva encore une fois

en reconquérant

l'

Alsace-Lorraine. Mais

parti tentait de s'imposer

nement

— on

le

1

D

2

Article de Fr. Stehelin

r

— surtout

au

Karl Fr. Vogel, Grenzbote. Berlin,

partout

sein

p.

du 13 mars 1913.

67 et suiv.


-

275

durant la crise du Maroc

;

mais

ni le parti républicain-

démocratique dans son ensemble, ni

le parti

socialiste,

ne se laissèrent entraîner par cet appel. Le pacifisme se manifesta continuellement

France moderne tout

entière.

comme une exigence de la Aux deux Conférences de

Haye, on envoya des délégués qui n'étaient pas seulement des amis, mais de notoires apôtres de la paix Léon

la

:

Bourgeois, d'Estournelles de Constant étaient leurs prota-

Ces savants, intervinrent en qualité de représentants de la France, en faveur du tribunal arbitral gonistes.

obligatoire,

titutions

comme du reste en faveur de toutes comme garanties contre la

conçues

Léon Bourgeois a sauvé de ment, sous la forme d'un

«

l'oubli

vœu

»,

l'idée

Mais comment

contenu aux conclu-

la loi votée par le le

service

guerre.

du désarme-

sions de la première Conférence de la paix

en 1913, concernant

les ins-

*.

Parlement français

militaire de

trois

ans,

Le « Monde du lundi » 2 Montag) en a encore une fois imputé la faute

concorde-t-elle avec ces tendances ?

(Welt

am

au chauvinisme et déploré que, ni en France, ni en Allemagne, on ne pouvait être sûr, en cas de crise, du triomphe de la raison de la majorité sur la déraison de la minorité. La feuille allemande constate cependant ...«Voici maintenant le formidable projet allemand de loi militaire. Depuis des années déjà, la France n'a pu :

marcher de pair avec l'Allemagne en ce qui concerne les armements. Il ne lui manquait pour cela que des

hommes. Soudain, sans aucun motif

plausible,

l'armée

1 Par son remarquable discours du 30 juin 1899. Documents de la 1™ conférence de la paix, 6m * séance de la l re commission. 2

du 21

avril 1913.


276

allemande doit être augmentée de 130000 hommes. Dans et pour parer le coup jusqu'à un certain Gouvernement français a recours à cette mesure désespérée, de porter le temps du service militaire de deux à trois ans. On demande au peuple français cet immense sacrifice soustraire tous ses fils un an de plus à leur profession civile, et cela uniquement parce que l'Allemagne, sans motif pressant, a donné le mauvais exemple d'accroître les armements. Quoi

son embarras point, le

:

d'étonnant alors,

si

en France,

les

esprits

s'aigrissent

toujours davantage contre nous ? »

Qui a étudié à l'acceptation de

les

luttes

parlementaires antérieures

la « loi des

3 ans,

affirmation d'un Alsacien dans la <

S'il

était

possible

»

approuvera

cette

Strassburger Post: 1

de garantir à la France que

l'Allemagne ne l'attaquerait pas, un ministère français qui voudrait réaliser une élévation des charges militaires,

ne resterait pas une minute à son poste.

Mais Jaurès lui-même,

le

»

chef du parti ouvrier, ne

put surmonter la crainte d'une attaque. Lorsque pendant l'été

1914, les socialistes français discutaient la propo-

sition d'une

grève générale en cas de guerre,

il

exhorta ses

camarades à considérer une guerre défensive comme un de-

La France

voir.

dit-il

— est

exposée à l'action brutale

du pangermanisme, et l'Allemagne, de son côté, peut être menacée par la marée montante du slavisme. « Nous ne pourrons donc jamais empêcher les travailleurs allemands de se méfier du panslavisme, comme nous nous méfions du pangermanisme. » 2 1

du 13 mars 1913.

*

comp. Basler Nachrichten du 18

juillet 1914.


-

277

Enfin, rappelons encore une parole qui

en lumière

le

met aussi

caractère des mesures françaises relatives

aux armements. Elle comporte une ticulière, n'étant autre

signification toute par-

chose qu'une proposition claire et

du chef du Gouvernement d'alors, visant la suspenLe 19 avril 1914, le Président du Conseil, M. Doumergue, déclara dans un discours au sujet « Il faut nous maintenir très forts, de la nouvelle loi tant que d'autres, autour de nous, augmentent leur puisprécise

sion des armements.

:

sance militaire, tant que les peuples ne limitent pas leurs

armements par

des

accords

désirables,

unanimes

et

simultanés, pour régler leurs divergences et leurs conflits

au moyen d'une sentence arbitrale

De

telles

».

manifestions publiques sont inconciliables

avec

les intentions

Une

initiative

de revanche,

même

les plus sécrètes.

ici, que chaque chef de Gouveranimé du même sentiment, aurait pu saisir au passage une nouvelle organisation de la vie des Etats, le développement des idées de 1899. En se basant sur ce point de vue du Président du Conseil des ministres français, on aurait pu une fois de plus, commencer à organiser la paix. Mais quatre mois plus tard, la France était entraînée

nement

surgit

étranger,

:

dans

la plus sanglante de toutes les guerres.

ment de revanche L'idée de la

avait repris

revanche

se

un nouvel réveilla

russe appela la France au combat. liance,

de

la

En

Le

senti-

essor.

lorsque raison de

l'Allié

l'Al-

aucun doute ne subsista au sujet des devoirs République. Le Gouvernement de Paris s'est

efforcé en vain, jusqu'à la dernière heure, d'écraser les


-

-

278

germes de guerre, à Vienne d'abord, Alliés même, et enfin à Belgrade. On surprenante

germes se

ces

rapidité

Le Président du Conseil des dans la nuit du 29 au 30 avait menacé les Russes de armée, dans

ment de Pétersbourg

conflit

apprit

que l'Allemagne

juillet,

mobilisation de

que

apprit aussi

Il

n'était

mesures, puisque

déjà déployé

développés.

sont

ministres Viviani,

-la

ses

avec quelle

son

cas où la Russie ne suspendrait pas ses

le

préparatifs militaires.

ces

chez

puis sait

Gouverne-

le

pas disposé à interrompre

Monarchie danubienne avait

la

ses armées et s'était refusée à régler son

avec la Serbie par l'un des moyens amiables

qui avaient été proposés.

Au

cours de cette

même

nuit,

M. Viviani télégraphia à ses ambassadeurs la décision du Gouvernement « La France est résolue à remplir toutes :

les obligations de l'Alliance.

aucun

effort

en vue de

de la paix générale.

térêt

— Elle ne négligera

la solution

du

conflit

d'ailleurs

dans

l'in-

La conversation engagée

entre les Puissances moins directement intéressées, per-

met d'espérer encore que la paix puisse être préservée. » 1 Cependant le 1 er août, le comte de. Pourtalès remit au Gouvernement russe la déclaration de guerre de l'Empereur d'Allemagne. Le sort en était donc jeté pour la et si un doute avait encore pu subsister, France aussi il aurait été détruit par l'Ambassadeur allemand von Schœn, qui communiqua le 3 août au Président du Conseil des ministres français, que l'Empire allemand se

considérait en état de guerre vis-à-vis de la France.

Depuis ce jour,

le

germe de guerre que

mort, se propage dans la République 1

Livre jaune français, document 101.

:

l'idée

l'on croyait

de revanche

!


L'ANGLETERRE Parmi tous

qui

les Etats

ont

le seul

l'épée

tiré

déchaînement de la guerre mondiale,

lors

l'Angleterre

du La

en scène sous la

qui ne fût pas forcé d'entrer

contrainte de ses intérêts directs ou de formelles obligations d'alliance.

Si

donc nous voulons pénétrer

participation

à

la guerre

mondiale,

les

causes de

paraît

il

sa

équitable

d'examiner avant tout la raison que l'Empire britannique

Sous forme d'un ultimatum, le Gouvernement anglais exigea le 4 août de l'Allemagne, que par une déclaration formelle, l'Empire allemand s'engageât à respecter la neutralité de la Belgique mais l'Angleterre se trouvait déjà en présence du fait accompli. Comme l'Allemagne refusa de renoncer aux mesures avait lui-même alléguée.

;

sur territoire belge, l'ambassadeur an-

militaires prises

demanda

glais

ses

passeports,

deux Puissances

et les

se trouvèrent ainsi en état de guerre.

1

Sans vouloir juger des mobiles de l'Angleterre sur il nous faut cependant, à la suite des événements, prêter une attention toute particulière aux relations de la Grande Bretagne avec le Royaume de Belgique et examiner en même temps, si elles ne sont pas en corréces simples faits,

1

Voyez

livre bleu

anglais

N° 159

et

160,

politiqw

est continentale


280

lation avec les autres intérêts supérieurs de la politique

Dans

britannique.

l'histoire

germes de guerre précis niale, la et

anglaise

se trouvent trois

l'exceptionnelle activité colo-

suprématie sur mer systématiquement maintenue,

l'exigence

Ces

:

de l'équilibre politique sur

le

continent.

du programme alternent logiquement

trois points

grand Empire colonial et la situation inGrande Bretagne exigent une forte puissance navale. Mais le minimum de danger pour cette entre eux

sulaire de

le

:

la

puissance consiste dans l'équilibre des forces, qui, sur continent, prévient

un

spécialement maritime, chez un Etat quelconque.

et plus

Nous

constaterons donc en premier

lieu,

Bretagne possède aussi des intérêts sur et

le

excessif développement politique

comme

que le

la

Grande

continent

la politique continentale britannique se

au cours des

siècles,

de la Belgique,

x

d'une façon très appréciable autour

siéra

il

;

meut,

que notre attention se porte

aussi vers ce point des côtes de l'Europe septentrionale.

Cependant avant d'envisager ce point de vue politique d'ordre pratique, nous devons rappeler le fait

non moins

absolu, qu'autant que les intérêts vitaux de l'Angleterre se trouvaient protégés, le jours, en principe,

Gouvernement anglais a

accordé

sa préférence

à toutes

toules

tendances libérales de la politique européenne.

Déjà du temps de Metternich, nous avons vu l'Angleterre suivre

ses propres voies

politique réactionnaire

antipathie 1

«

Zum 2

contre le

et se

détacher de la

du Concert des Puissances, par

principe

Très justement souligné par

de l'intervention. le

p.

46

et suiv. et surtout

Nous

comte Ernst zu Reventlow

geschichtlichen Verstândnis des Grossen Krieges

Voyez

2

42

et 43.

» p.

35.

:


savons aussi, que miers à affirmer

les

281

Rois d'Angleterre furent

l'intérêt

qu'ils

les pre-

à l'équilibre

portaient

voyons poindre deux des thèmes

européen. Déjà nous

principaux de la politique continentale britannique

;

le

premier répond au caractère, aux traditions historiques et aux conceptions juridiques du peuple le second s'ap;

puie sur la situation particulièrement exposée

Ces deux principes

insulaire.

:

la liberté des

se trouvent

et l'équilibre,

vilisés,

si

ropéens, que

à discerner

si

peuples

les

les historiens ont parfois

problèmes eu-

eu de

Gouvernement britannique

le

ci-

souvent réunis dans

manière dont l'Angleterre conçoit

la

du Royaume

réellement guider par des idées libérales, ou

s'il

peine

la

se

ne

laissait faisait

qu'obéir à des motifs égoïstes. Cette incertitude ne soustrait aucun Suisse voir de reconnaître que l'Angleterre

tous les cas en faveur fédération.

poléon 1

1

En

de

l'indépendance de la Con-

premier lieu pendant

et lors

les guerres de

du Congrès de Vienne, puis

Lord Hawkesbury

de France à Londres

:

«

écrivait

....

Si je

au dedans

est intervenue

Na-

en 1847,

en octobre 1802 à l'ambassadeur

comprends

bien, le premier

Con-

sul persiste dans l'intention d'envoyer des troupes en Suisse. C'est là

que

gît

te

nœud de

la question

;

car l'organisation intérieure

du Gouvernement helvétique nous importe peu. Nous demandons uniquement que pleine liberté soit accordée au peuple suisse de choisir lui-même telle forme de Gouvernement qui lui convienne. Mais comment pourrait-on concilier cette liberté avec la présence d'une armée française ? L'entrée de ces troupes en Suisse serait considérée par la majorité de la nation anglaise, et par conséquent

par cle

le ministère,

comme un

de R. Meyer dans

«

acte d'hostilité. » (Cit. dans

Wissen und Leben

»

un

arti-

du 1" octobre 1915.)


-

282

lorsque la diplomatie de Londres sut empêcher les Puis-

sances

réactionnaires

d'intervenir

dans

la

du

guerre

Sonderbund. Ce dessein aurait pu ruiner la Confédération moralement et peut-être aussi politiquement. L'Angleterre ne voulait pas que la Suisse disparût de la carte du monde pour le moment, peu nous importe la raison. Elle a encore une fois confirmé cette volonté en 1856,

lorsqu'une guerre et

la

faillit

éclater

la Confédération

entre

à propos de la question de Neuchâtel.

Prusse,

L'armée prussienne avait déjà mobilisé,

et

de ce côté

du Rhin on avait mis le territoire en état de défense le Gouvernement anglais réussit alors beaucoup mieux que Napoléon III à étouffer le conflit, en engageant le Roi de Prusse à renoncer à ses droits de souveraineté sur

canton suisse.

le

L'Angleterre encore est intervenue en faveur de la

Grèce nous en tiendrons liberté de la

et

de l'unité italienne

ici

aux

;

cependant nous

qui sont en corrélation

faits

avec la guerre actuelle. Or, à ces

faits

appartient la cons-

du Royaume de Belgique, sur la base d'une neugarantie par les Grandes Puissances européennes.

titution tralité

Lorsqu'en 1830, une Révolution des Belges apporta

une dernière ritoire

fois la

preuve que la réunion de leur

ter-

avec les Pays-Bas avait été une idée avortée

irréalisable,

un

conflit survint

enropéenne, entre

le

au sein de

et

la diplomatie

principe de l'intervention, que sou-

tenaient l'Autriche, la Russie et la Prusse, et celui de la

non-intervention, que proclamait la France, pour des motifs d'ailleurs 1

purement

Voyez

p.

45

égoïstes.

et sujy,

1

L'Angleterre trouva alors


-

-

283

un moyen terme précieux, lorsqu'elle amena le Souverain du petit Royaume, le Roi des Pays-Bas, Guillaume I

er

à soumettre

,

la question

du sort futur de

à une Conférence des Puissances, qui vement à Londres le 4 novembre 1830. la conclusion

du

traité,

Gomme

conformer à l'aide de la

lors

On

de la

établit

cette décision, ce fut l'Angleterre qui,

France

et

;

avec

par la force des armes, intervint la Belgique, tandis

que

les autres

Puissances se désintéressèrent de la question.

cédât

dans

séparation, la

le

le

en faveur du droit de d'ailleurs

Belgique

Luxembourg, et la Belgique le Roi des Pays-Bas refusait de se

Hollande recevrait

Limburg.

que

la

se réunit effecti-

neuf longues années, pour que

la

Il

fallut

Hollande

toujours est-il que c'est grâce à la pression des

Grandes Puissances mentionnées, que la Belgique obtint qui lui avait été reconnu par la Conférence

le territoire

des Puissances.

Le que et

la

traité

du 19

avril

1839,

stipula

définitivement

Belgique formerait dès lors un état indépendant

perpétuellement

neutre.

En

outre,

l'article

premier

prévoyait que toutes les dispositions concernant la Belgique, fussent placées sous la

garantie des Puissances

contractantes.

Lorsqu'il eut été prouvé que la réunion de la Bel-

gique et de la Hollande constituait un il

s'agissait

comme pour

fait

insoutenable,

en ces jours historiques, pour l'Angleterre les autres Puissances,

de créer une situa-

tion qui concédât à la Belgique l'indépendance désirée,

sans que V équilibre 'politique sur le continent s'en trouvât menacé. Parce que les Puissances ne voulaient pas


284

-

renoncer à la digue qu'elles avaient construite en 1815 contre la France, parce que d'autre part, une Belgique

mêlée

à

politique européenne,

la

élément de la plus haute belligérante,

fallait

il

pouvait devenir un

importance pour une partie

que ce Royaume, une

de la Hollande, fût déclaré neutre. Ainsi être

dans

un

La Belgique ne

allié.

l'avait fait la Suisse

durable

neutralité

loin,

un

pertur-

comme

pas

décidée de son plein gré à une fait

un

auteurs ne vont

et certes les

qui prétendent que la neutralité fut im-

posée à la Belgique

son existence

s'était

au contraire, on en avait

;

Royaume,

devoir au petit

pas trop

ne pourrait

la société des Etats européens, ni

bateur, ni

détaché

fois

il

et

comme

condition sine qua non de

de son indépendance politique.

sulte encore de ce fait

une particularité

Il

ré-

cette neutralité

:

abandonnée aux caprices d'un homme ou autre, mais avait été confiée à la garantie des Grandes Puissances. Ainsi la signification de cet événement politique paraissait être placée sous son véritable jour. Une autre circonstance montrera quelle confiance il convenait d'accorder à une telle garantie Lorsque les Puissances du Congrès de Vienne ren'avait pas été

d'Etat belge

:

connurent la neutralité de la Suisse,

elles

à ce pays des limites plus favorables heureusement celles qu'il aurait désirées téger lui-même

naissance,

;

que

et militairement

elles adjoignirent

la

assignèrent si

la Belgique,

non mal-

— pour se pro-

même

à cette recon-

Confédération se mît politiquement

en situation de défendre son

en cas de violation vis de

de sa neutralité.

on adopta

le

Par

territoire

contre, vis-à-

point de vue que

la


285

garantie formelle de l'Europe offrait une protection suffisante.

On

même

alla

ses forteresses, soit

traité

la

question

assez clairement, quel rôle était

la

de

Menin, Ath, Mons

:

Cette solution de

déjà,

dans ce sens, que de raser une partie

loin

si

Belgique fut obligée par

le

Marienbourg.

et

nous indique

belge

Royaume, à

cette

forces européennes, L'Angleterre précisément, ce problème continental le plus vif

moral ? peut

être

intérêt politique.

;

«

le

intérêt.

des

portait

Un

à

intérêt

mais sans doute et avant tout, un La possession d'Anvers signifie un

canon braqué sur l'Angleterre Et

époque

capable de jouer dans la constellation

»

— avait

Napoléon I er en 1838 à la

dit

Roi Léopold de Belgique écrivait

.

reine Victoria: « L'indépendance des provinces qui constituent

mon Royaume,

une question de

la

durant des

ce

but,

hommes

à Windsor

et le

toujours pour l'Angleterre,

haute importance. La meilleure

la plus

preuve en est que

en

fut

Grande Bretagne a consenti dans siècles,

les

plus grands

en argent. La dernière défunt Roi,

il

me

disait

fois :

«

sacrifices

que j'ai vu Si jamais la

France ou une autre Puissance venait à envahir votre pays, ce serait pour l'Angleterre

médiat.

*

un motif de guerre im-

>

1

Gabr. Odier, cite cette lettre dans le Journal de Genève du 6 juin 1915. Lorsqu'on se trouve en présence de tels documents, certaines appréciations des événements du 3 août 1914 paraissent tout-à-fait comiques. Le Hamburger Fremdenblatt raconte le 3 août 1915, au sujet de la mémorable séance du Reichstag qui eut « Peu de gens ont lieu un an auparavant, l'anecdote suivante remarqué cette petite scène un huissier du Reichstag s'approcha du Secrétaire d'Etat du ministère des affaires étrangères, et d'un :

:


— En

1870,

286

ce fut l'Angleterre

qui

prit

l'initiative

d'obtenir de la France et de la Prusse, la confirmation

de

la neutralité belge. Celle-ci fut garantie

fois

par deux

que

traités,

le

encore

Roi Guillaume

et

une

l'Em-

pereur Napoléon conclurent eux-mêmes avec l'Angleterre.

Depuis

au

lors, l'Angleterre n'a

sort de la Belgique,

ment de

jamais cessé de s'intéresser

même

au

titre

qu'à tout déplace-

forces sur le continent européen. «

des forces sur

La

répartition

avait de tous temps été une

le continent,

des conditions qui devaient assurer l'existence l'Angleterre

Marck K et

même

>

— prétend

de

professeur allemand Erich

le

C'est pourquoi depuis les guerres de

longtemps avant,

même

le

Royaume

Napoléon

britannique s'est

réservé le droit d'excercer son influence sur la politique

européenne, dont

a suivi les alternatives avec beaucoup d'attention. Détaché de l'union des Grandes Puisil

sances conservatrices,

il

a suivi ses propres voies dans

le fier Empire monmenacé du continent, comme cela était déjà arrivé au tournant du siècle. Sans y prendre part, l'Angleterre assista aux transformations

l'univers, sans dial isolé

jamais oublier que

pourrait

être

qu'apporta la décade de 1860-1870. Elle

vit

quiétude la Prusse chasser un coin allemand

mer du Nord

et

la

mer

Baltique,

avec

in-

entre la

en conquérant

le

regard dirigé vers la porte qui se trouve derrière la tribune du

Nous ne savions pas que derrière l'homme au frac rouge. Il demandait si le Gouvernement allemand pouvait donner l'assurance que la neutralité belge ne serait pas violée. Il réclamait une réponse imConseil fédéral, l'invita à sortir. cette porte se trouvait encore

médiate. 1

»

Deutschland und der Weltkrieg,

vol.

I,

p. 336.


Schleswig

et le Holstein,

-

287

l'Autriche et la France délogées

La Grande-Bretagne

de leur situation prédominante. éclore

nouvel Empire

le

germanique,

sance

commerciale,

comme

aussi

industrielle,

comme

ments

et

bientôt

de l'Angleterre dans

situation

modifiaient

et

cependant

et

Puis-

Puissance maritime. Ces conjonctures chan-

geaient beaucoup la

monde

militaire,

son

à

assista

développement extraordinairement rapide,

vit

ses

relations

avec

le

continent

le

;

à part quelques propositions d'arrange-

de Conférences lors de conflits

ne purent jamais se décider à

sortir

les

de leur

«

Anglais splendid

pour intervenir dans

les luttes d'intérêts qui

se poursuivaient en Europe, tant

que certaines conditions

isolation »

restaient assurées

:

la sécurité de l'Angleterre et l'équi-

libre sur le continent,

dont dépendait cette sécurité.

Toutefois l'Angleterre

a,

elle aussi, fait

européenne dans la seconde moitié du mais, pour autant que

cela concernait

l'Europe, c'est précisément était

à

la

rope

la

une guerre La

siècle précédent,

politique de

la

question d'équilibre qui

en jeu. La Grande Bretagne ne voulait pas permettre

Russie d'écraser la Turquie ni de ;

la

chasser d'Eu-

en outre, des raisons prédominantes de politique

coloniale

et

de navigation,

déterminèrent en 1854 la

Puissance militaire anglaise à faire la guerre à la Russie en Crimée. Nous abordons

ici

le

domaine de

la politique

mondiale britannique. Les Anglais avaient pu, pendant la première moitié du 19° siècle, parcourir assez librement tous les conti-

politique

Mondiale

»


-

288

nents étrangers et toutes les eaux de notre planète, et d'un Empire

colonial considé-

se heurtèrent tout-à-coup

à des concurrents,

déjà

s'enorgueillissaient rable,

dont

mais

le

il

plus dangereux était la Russie. Contre les Russes,

qui cherchaient à atteindre les côtes de la

mer

et l'Asie,

l'Angleterre semblait devoir défendre deux de ses biens ses possessions étrangères et la domination de

Les Anglais maintiennent nacité inflexible.

dans

le

monde, attendu que

terre ont

les forces

vaincu tour à tour les

de l'Espagne les routes

et

avec une

cette condition

doivent leur

Ils lui

position

:

la mer. té-

actuelle

navales de l'Angle-

flottes

de la

France,

des Pays-Bas, et ont ouvert ainsi toutes

maritimes aux goûts aventureux du caractère

britannique. Grâce à cette liberté de mouvements, l'Angle-

domaines économiques, en grande au Royaume insulaire. Cependant, a servi dans une large mesure aux buts de

terre put acquérir des

partie indispensables si la flotte

conquête les

audacieux,

plus

elle

nécessaire à la simple défense du et

de ses possessions actuelles.

se trouve à la portée les plus éloignés; le

protège

il

de tous, n'a pas

stratégiquement,

montagnes avec des

Royaume

britannique

Un Royaume insulaire même des adversaires

de voisin, qui il

aussi

apparaît tout

n'a

d'un côté

pas de chaines de

forteresses, qui de l'autre côté lui

monde

entier

est son voisin, et peut s'établir sur ses côtes en

enne-

permettent de braver l'intrus possible. Le

mi

;

autour des Iles

sur l'eau seulement

le

danger est toujours menaçant,

on peut

D'où ce dogme anglais

:

le

et

conjurer ou lui résister.

La puissance de

la flotte

doit

égaler les forces navales réunies de plusieurs adversaires


et

même

gleterre

les

;

de là aussi les efforts de l'An-

pour empêcher autant que possible

pement de

Au dirigée

surpasser

289

la navigation chez les

cours contre

du

siècle précédent cette

politique

La un partage en commun de

était

de l'Angleterre

volonté

Russie.

la

était la suivante: ni

dévelop-

le

autres Puissances.

Turquie,

la

selon la confortable proposition des diplomates du Tsar, ni son écrasement que la Russie se proposait parfois. Car ces deux solutions auraient valu à l'Empire russe les Dardanelles, c'est-à-dire un libre débouché vers la

Méditerranée,

Tsar pouvait

lui

redoutable, et la supériorité

du

en tous cas

;

les

Gibraltar en

— seraient exposées aux dangers de l'avenir.

Le deuxième motif de qui poussa

flotte

pouvait mettre un jour en cause

ce fait

maritime de l'Angleterre

routes maritimes conduisant aux Indes

premier lieu

La

appartenant en propre.

s'y développer en tant qu'élément de force

extra-européenne

politique

à la

l'Angleterre

guerre

Crimée, pour

de

dans ces

s'opposer à la Russie, trouve son expression paroles ailées

:

« Il

de Constantinople

faut défendre l'Inde devant les portes

».

Ce

fait

ne

prit

sa

pleine

signifi-

Suez ouvrit une ce pays de l'avenir,

cation qu'en 1869, lorsque le canal de

nouvelle route plus courte vers l'Inde,

en passant par la Méditerranée.

méfiance avec laquelle

ments de tion

par

ses

l'entrée victorieuse des enfin, la révision

du

là provint aussi la

l'Angleterre observa les événe-

la guerre russo-turque

d'empêcher

De

de 1877, et sa résolu-

propres

moyens

militaires,

Russes à Constantinople. De

traité

de San Stefano au Congrès

de Berlin, où l'Angleterre souligna encore

une

fois l'in19


290

térêt qu'elle avait

au maintien de

quilibre dans

Balkans, à

les

détroits et de la

Enrichie de

la

Turquie

éloigner

de

et

Russie

la

l'é-

des

mer Egée. l'île

que

de Chypre,

Sultan

le

abandonnée aux Anglais en récompense de

avait

précieux

si

services, l'Angleterre, après cette victoire remportée sur

son attention vers

la politique russe d'expansion, porta la question africaine

:

Le canal de Suez, problèmes

Soudan

l'Egypte, le

encore de

qu'il s'agissait

— autant de dans

résoudre

le

sens d'une politique coloniale systématique et de la navigation sans

dans

dangers

direction

la

de

l'Inde.

La

domination de la route maritime passant par la mer

Rouge, dépendait avant tout de l'influence anglaise en

Egypte

:

cuper

le

or,

pour s'en assurer,

Soudan

oriental,

où devrait passer un jour

par

Tous

Caire.

était nécessaire d'oc-

il

de

hinterland route

la

ces projets dénotaient

l'Egypte,

du Gap au

une rare audace

et

pouvaient se réaliser tant qu'un adversaire résolu ne s'opposerait pas certes pas la

aux Anglais. Et

cet

adversaire

n'était

République française, leur principal

rival

sur territoire africain.

Dans

la

question égyptienne,

la maîtrise de sa diplomatie.

fut achevé, contre sa et

que

le

monde

;

volonté, par des

prouva

canal de Suez

mains françaises grande

que l'Angleterre en possédât

lorsqu'il se trouva

malgré toutes

le

fut doté d'une nouvelle route de

communication, sans clef

l'Angleterre

Lorsque

en présence du

les intrigues anglaises, le

fait

la

accompli,

Gouvernement

de Londres n'eut plus qu'un objectif: s'emparer de l'œuvre


comme à

française. Et

291

moment

ce

là, la

Révolution égypdut, pour des

Gouvernement français

tienne éclata, le

motifs de politique intérieure, renoncer au projet de participer

à une intervention en

mains

commun

donc

les

pas

aux diverses sommations de

le

retrait des

en

1904,

libres

;

elle s'établit

, .

L'Angleterre avait

en Egypte, ne répondit la

France concernant

troupes anglaises, et attendit

France s'engagea,

la

Maroc, à ne plus importuner à l'avenir la

jour où,

les

du

Anglais dans

région des Pyramides.

En

partie par des accords diplomatiques analogues,

en partie par

Soudan

lac Tandomaine colobritannique, pour servir de route de communication

Rhodésie

ganjika, la nial

armes, l'Angleterre s'assura

la force des

d'une partie du

avec la pointe

1899 à 1902,

ensuite,

;

méridionale

Afrique paraissait

au sud du

incorporée au

fut

s'effectua la

de l'Etat d'Orange.

de

l'Afrique,

Indes

enfin,

de et

Le programme de l'Angleterre en donc achevé, du moins en ce qui

était assurée, ainsi

du continent

et

soumission du Transvaal

concernait ses points les plus importants

de

le

l'abandon

contre

que

:

la

la pénétration

noir, depuis le Delta

route des

économique

du Nil jusqu'au Cap

Bonne Espérance. Entre temps, l'Empire mondial

britannique s'était encore agrandi dans l'Inde orientale.

Le Béloutchistan nistan

russes.

Et simultanément, disséminée sur

globe tout entier, l'Angleterre

1

de l'Afgha-

opposaient de nouveaux remparts aux appétits

d'expansion le

et les territoires frontières

Voy.

p. 198.

possédait un Empire


— colonial,

environ

cent

292 fois

— grand

plus

que

mère

la

K

patrie

Réconciliée

avec la France, la Grande Bretagne

n'avait plus, à l'avenir, que les Russes à tenir en échec,

qui louchaient sans se lasser vers les côtes

Pour se débarrasser de

maritimes.

la résistance qu'ils devaient op-

poser en Asie orientale à l'Empire du Tsar, les Anglais conclurent en 1902 leur célèbre

avec

le

Japon,

qui fut bientôt suivi de la guerre de Mandchourie.

Comme

le

Gouvernement anglais

complété son

traité

avec

avait, le

traité

en

Japon,

la défaite de la Russie, de pouvoir

renouvelé et

1905, il

après

sûr,

était

dominer

les destinées

politiques de l'Asie Orientale, de concert avec son Allié.

On ne

tarda pas à sentir la détente qui devait aboutir,

en 1907, à un accord entre l'Angleterre

La Grande Bretagne

la

et

Russie.

avait triomphé partout, sa situation

politique et militaire en extrême Orient s'était consolidée

avec

le

temps. Le Gouvernement anglais pouvait donc,

sans inquiétude, laisser son adversaire russe se rapprocher de la Méditerranée,

si

l'amitié de la

être le prix de cette concession. les

la

Dans

Russie devait

ces circonstances,

Russes obtinrent une sphère d'influence au Nord de Perse. Et sur les rives du Bosphore, la Grande Bre-

tagne se montra dorénavant d'autant moins ombrageuse,

que depuis veillait

1

le

Congrès de Berlin, une autre Puissance

sur la sécurité de la Porte

Superficie de la

Grande Bretagne

et

:

l'Empire allemand.

de l'Irlande

superficie des possessions coloniales, environ

:

314339 km2

30 000 000 k m2

.

;


-

-

293

Déjà à plusieurs reprises, nous avons insisté sur La rivalité de l'importance de cet accord de 1907, qui avait écarté par l'Allemagne des le

moyens amiables, un danger de guerre

plus menaçant

de

de

l'antagonisme

que

Bismarck parlant un jour

tous.

avait formulé

anglo-russe,

l'opinion

en somme, la seule question de signification

c'était,

universelle

très ancien,

;

tout le reste, disait-il,

même

les controverses

entre l'Allemagne et la France, disparaissent à côté d'elle

craignait, présentait

au point de vue pratique, un

inté-

collision

la

une grande im-

comme

portance au point de vue psychologique,

mation des tendances pacifiques modernes. tout autre aspect

sincérité des aspirations vers l'on déduit

du

«

comme on

été

si l'on

»

pacifiste et si

par amour de la

conclu

ce cas on n'est certes pas éloigné de penser gleterre,

la

du nouveau contrat,

prétendu, pour lui-même.

l'a

confir-

Cet événe-

met en doute

une politique

caractère artificiel

que l'accord n'avait pas paix, ni,

.

l'on

de

rêt supérieur, d'autre part l'Entente avait

ment prend un

1

que

Si d'une part, l'évitation

Dans

que l'An-

négligeant tous ses autres intérêts, voulait par

son entente avec la Russie, achever de cerner l'Empire allemand,

qui dès

lors,

dangereux adversaire

Grande Bretagne. Tel les adversaires et

futur

effectivement le plus

développement

est le reproche

de l'Angleterre à feu

à sa politique

C'est surtout à

devenait

du

:

de

la

que font aujourd'hu 1 le roi

Edouard Vil

l'encerclement de l'Empire allemand.

Londres que

de cette perfide politique

2 .

l'on veut situer l'initiative

Nous nous contenterons

ici

1

Haller, loc.

9

Consulter dans l'ouvrage de Zurlinden le chapitre extrême-

ment intéressant

cit.

p. 31.

intitulé

:

«

Die Einkreisung

».

Loc.

cit.

vol 2 p. 293

et les arrae_


de constater que présence deux

le

294

-

système de l'équilibre avait mis en

coalitions de forces

mais inégalement compactes

;

ces

peu près égales,

à

forces

opposées

les

unes aux autres, se sentant maintenant réciproquement de niveau,

deux ayant

toutes

la

possibilité

menacer, la méfiance s'accrut de part

et d'autre.

et

L'Angleterre la Russie.

France

réconciliée avec la

s'était

Depuis l'époque de

la

de se

et

première crise maro-

caine et de l'accord concernant la Perse, tout nuage à

du

l'horizon et

chaque

ciel

politique contient

fois le sort

qu'elle

dans un

A

avait

spontanément

faites

aux Français

veut alors, non seulement

traité politique. Elle

aider les Français à jouir de la compensation avait été accordée en échange de l'Egypte,

prévenir tout

Conférence sive

succès de

même

Algé-

éprouve que l'on ignore des conces-

siras, l'Angleterre

sions

une menace d'orage

de l'Europe est en jeu.

la

diplomatie allemande à la

l'Angleterre ss

;

qui leur

mais encore

montre plus

que conciliante. Pourquoi ? Dès longtemps déjà, l'Angleterre

agres-

d'un œil

suivait

inquiet le puissant développement de l'Empire allemand. Elle constata l'énorme et

s'aperçut

s'établissaient

qu'un

accroissement de la population

nombre

dans tous

nétraient dans le

surprenant

de

Germains

les territoires coloniaux et pé-

monde du commerce, de

de l'économie coloniale, là

même où

il

l'industrie et

n'y avait jamais

eu jusqu'à ce jour que des Anglais. Partout où jusqu'alors les

marchandises anglaises avaient dominé

les produits allemands,

peu

moins

le

marché,

chers, s'imposaient

peu à

et acceptaient fièrement la concurrence. L'industrie,


le

commerce

et

-

295

Royaume

navigation du

la

insulaire,

préjudice

que

causait à la vie économique universelle, ce jeune

néo-

éprouvaient de plus phyte. L'industrie

produisait encore deux fois

que l'Empire allemand en

fois

plus

20 ans plus

;

1

presque

produisait

Anglais. D'autre part, en

deux

dépassée dans cer-

nationale se vit

1887, l'Angleterre

celui-ci

grave

le

dans d'autres presque supprimée.

taines branches,

fer

en plus

J

tard,

de

/3

plus

l'Angleterre

887,

que l'Allemagne

d'acier

tard son rival avait une avance de 70

production britannique.

En et

/4

En de

en 1907,

que

les

produisait

20 ans plus la production

de plus que la

ce qui concerne l'exploitation

de la houille, l'Allemagne avait

Anglais avant la guerre,

°/o>

3

allemande en acier comportait donc

;

plus

dans

presque rattrappé

les

les industries électriques

et chimiques, elle les avait depuis

longtemps surpassés,

jusqu'au point de les réduire à peu près à néant.

En 1891

commerce d'exportation de l'Empire

le

allemand représentait un peu plus de des Anglais; /4 .

développement analogue; luer à

les

2 /3

la moitié de celui et

en 1913 plus

La marine marchande allemande accuse un

3

des

en 1900 presque

100 tonnes

les

si

en

1880 on pouvait éva-

vaisseaux anglais, contre 7 tonnes

vaisseaux allemands, en 1898 le tonnage ancomparé au tonnage allemand, atteignait déjà la proportion de 100 22 K Dans tous les domaines, les progrès économiques l'Allemagne se montrèrent supérieurs à ceux de de l'Angleterre. Mais les soucis britanniques n'étaient pas

pour

les

glais

:

1

Bachtold,

loc.

cit.

p.

48


à

limités

concurrence

cette

allemand

d'affaires

-

296

non seulement Vhomme dangereux, mais aussi

;

devenait

YEtat allemand. Lorsque

Gouvernement britannique eût conclu

le

ses accords avec la France et la Russie, l'opinion générale

que

était

développement colonial de

le

Bretagne avait atteint la limite du possible.

même un dont

le

peu partout à un surmenage

exagérée

tension

Royaume

l'ère

Grande croyait

à une

politique,

forces matérielles et physiques,

des

avec ses tentacules univer-

insulaire,

selles, disposait effectivement. si

la

On

Une

chose

était certaine:

des nouvelles acquisitions était close, la direction

de l'Etat avait la lourde charge de conserver les anciennes.

Or

sur les

divers

nulle part,

en Afrique ni en Asie, ni

ni

Océans,

les

russe

du

et

côté

français

il

possessions

des

frontières

anglaises n'étaient en sécurité.

Et tandisque du côté

pour l'instant

avait

n'y

point de convoitise, par contre, en Allemagne, le peuple

Gouvernement guettaient toutes le « chemin de

et le

vancer d'un pas sur

diale », préconisée par le Prince de

Les tenaient projet

possessions

coloniales

dans

alors

la volonté

d'expansion

en

permettrait

qu'aux Indes,

de

jeter,

le

dans

le

britanniques.

plan d'un

allemand

voisinage

Les An-

chemin de fer Suez

sur le Canal de

tant

non seulement

l'Empire allemand,

de l'Empire

Orient,

d'intérêts

glais voyaient apparaître

qui

mon-

le troisième rang. Le Bagdad indiquait à présent

fer de

immédiat des sphères

la politique

Bulow.

monde

le

du chemin de

les occasions d'a-

les

mais encore

forces celles

militaires

de ses

de

Alliés.


Ce

donc pas

n'était

la

297

-

future politique de conquêtes de

menacée, mais ses

possessions

l'Angleterre

qui

actuelles

à Londres, on trouvait suspect

la

et

;

était

que

le fait,

Russie parût approuver cette entreprise allemande.

— La puissante Angleterre

a donc aussi connu des moments où son Empire mondial courait le danger d'être coupé en deux par une manœuvre habile. Puis survint en 1911, la crise d'Agadir. L'apparition

soudaine d'une canonnière allemande devant les

côtes

marocaines, ouvrait la perspective d'éventuelles prétentions allemandes sur le Sultanat africain, dès longtemps

réservé à l'influence française.

Lloyd George prononça,

à cette époque, des paroles qui épouvantèrent entier le

* Je serais enclin à de grands

:

maintien de la

paix....

conservée que par

être

situation

mais

le

monde

sacrifices

la paix qui

pour

ne pourrait

l'abandon de notre situation,

que l'Angleterre a conquise par des

siècles

d'héroïsme et d'action, ou la paix soumise à cette con-

que l'Angleterre, au moment où ses intérêts su-

dition

périeurs sont en cause, se laissât traiter

ne comptait plus pour rien dans

comme

si

elle

la société des Nations,

une paix achetée à ce prix je le déclare de toute mon énergie serait pour un grand pays comme le nôtre, une humiliation insupportable * ».

Il

n'aurait plus été besoin

des armements en Angleterre

danger de voir dans

le 1

le

les

voisinage

la fièvre

de telles paroles, ni du

Allemands prendre pied au Maroc, immédiat de Gibraltar,

Discours prononcé

Lord Maire.

— pour ranimer

le

22

juillet 1911,

ni

même

de

après un banquet chez


ce fait

qu'ils

298

— Congo

exigèrent une partie du

français,

avant de se retirer de l'angle nord-ouest de l'Afrique.

La

raison des anxiétés britanniques était beaucoup plus

proche.

L'Angleterre dépend, pour sa nourriture,

de l'im-

portation de blé surtout et d'autres vivres encore. Toute

menaçant les routes de met en cause le ravitaillement journalier des 42 millions de têtes que compte la population de la mère patrie, deviendra na-

Puissance

étrangère

en

qui,

navigation nécessaires à cet

effet,

La

turellement l'ennemie mortelle de l'Angleterre. pourrait réussir à

pective que l'Allemagne

pers-

amener des

troupes continentales jusqu'au Canal de Suez, conduisit

à

tirer des

périale

«

:

conséquences ultimes de la célèbre parole im-

L'Avenir de l'Allemagne est sur l'eau

cela suffit pour encourager l'Angleterre tels,

que jamais auparavant

le

monde

».

Et

à des armements n'en avait vu.

L'Allemagne, l'adversaire, avait en 1898, érigé en loi

le

programme de construction d'une

flotte

de pre-

mière classe, et l'avait complété deux ans plus tard

et

en 1906. Bien que, d'après leur capacité, les forces navales allemandes occupassent à présent dans le monde le

la

deuxième rang, création

la loi dérogatoire de

d'une nouvelle escadre

et

1912 prévoyait la

construction

de sous-marins.

Au commencement powers Standard glaise.

»

du

avait

siècle, le principe

D'après ce principe, la

toujours

du

«

Two

prévalu dans la politique anflotte

britannique devait

conserver la force nécessaire pour faire face

à une attaque

commune

de deux

Puissances navales


-

-

299

de force approximative. Maintenant on dut, bon gré, mal

à un nouveau

gré, se réduire

allemande du 60 16

:

mais

10,

il

«

Standard

»,

plus modeste

devait dorénavant dépasser

anglaise

la flotte

%. On

la

:

flotte

put atteindre la proportion de

fallut exclure

dès 1913, l'idée d'une su-

absolue sur deux Puissances étrangères quel-

périorité

conques, telles par exemple l'Allemagne et les Etats-Unis.

On tien

compte des

se rend

efforts nécessaires

au main-

d'une pareille proportion de forces et d'une

tante supériorité,

si

ments (environ 25 cause

de

l'on

%)

réparations

est toujours hors

ou

communes, en mars 1914, son

analogues.

chambre des

la

de la

état

ment ne

s'était

encore trouvé en

pour

flotte

dut lui-même convenir que jamais

il

bâti-

d'usage pour

motifs

d'autres

Lorsque Winston Churchill déposa à 1914/15,

cons-

songe qu'une partie des

présence

le

Parle-

d'un

pareil

budget.

cela

Les

devait-il conduire ?

politique devenaient peu à peu,

même

d'une

frais

pour

le

telle

Crésus

des Puissances mondiales, exorbitants. Certaines tâches intérieures,

mettre valité

notamment

Certains

gligées. le

pays

la

hommes

politique

îles

pouvaient

en garde, non seulement contre la

allemande en général, mais contre

vasion des

furent né-

sociale,

saisis de panique,

britanniques par l'armée

le

danger

ri-

d'in-

allemande,

et

demander l'accroissement constant des moyens de défense sur mer et sur terre il n'en reste pas moins vrai que la grande masse du peuple était lasse des prépa;

ratifs

de

guerre

fût assurée

et

réclamait

que

par d'autres moyens. *

la

paix

européenne


Entre la

L'Angleterre est l'un

guerre

apai "

i

300

des Etats qui se

présenta à

a première Conférence de La Haye avec des proposi-

tions

pour l'introduction

fixes

obligatoire. Il peut être

d'un

tribunal

arbitral

connaître, à

intéressant de

ce

du délégué scientifique allemand à « Tandisque nous Conférence de la Paix autres

sujet, l'impression

la

:

Allemands, faites

par suite des expériences que nous avons

au moyen de notre politique étrangère, depuis

le

jour où M. de Bismarck avait assumé de la diriger de

sa poigne vigoureuse, jusqu'à l'heure présente, restons

complètement froids devant

question

la

en est tout autrement de l'autre côté de les

d'arbitrage, la

il

mer, dans

pays anglo-saxons. Là-bas deux courants luttent ou-

vertement l'un contre l'autre

:

premier ne s'embarrasse

le

d'aucun scrupule de conscience pour déchaîner les guerres

d'imprimer au monde la conscience

les plus injustes, afin

de la supériorité de la race anglo-saxonne soit

pour

des

raisons

pour des raisons d'humanité des raisons d'ordre

purement

la « paix éternelle »

\

1

«

Ph. Zorn. Im neuen Reich. l'idée

religieux, prêche

367

p.

de paix,

et suiv. fit

second, soit

y

Il

lieu, se rallia

Washington

veut

et

est

dit:

à la Conférence,

et la délégation

de l'Amérique du Nord, Holls en premier siasme. L'ambassadeur anglais à

le

de civilisation, soit pour

et

Sir Julian Pauncefote (délégué anglais), se

premier protagoniste de

;

commerciaux,

d'avantages

le

de l'Union

avec enthou-

était le père

de

l'in-

téressant projet de convention sur la base duquel toutes les controverses anglo-amécicaines devaient être réglées par voie d'arbitrage;

comme premier

délégué anglais à La

Haye

il

défendit les

mêmes

Naturellement les représentants des plus petits Etats le Calcul modéré et subtil des intérêts d'un suivirent sur cette route idées....

:


Depuis

la

301

Conférence de La Haye de

1899,

la ri-

armements avait donné au nouveau siècle ce caractère ruineux dont nous avons parlé plus haut. C'est pourquoi, en Angleterre comme ailleurs, une organisation internationale de la paix devint, non seulement un dogme humanitaire, religieux et par-dessus tout moral, mais encore une exigence de la raison politique. Par suite de la vanité de tout effort dans cette direction, tant que tous les Grands Etats ne voudraient valité

pas

des

se

.

rallier

à

progressiste

l'idée

prit la proposition russe,

duction des forces

En 1906,

le

enterrée

,

l'Angleterre

re-

en 1899, d'une ré-

militaires.

Gouvernement anglais annonça,

au Parlement qu'à l'occasion de

la

tant

Conférence interna-

tionale de Londres, sa ferme intention

de soumettre à

deuxième Conférence de La Haye, qui devait se réunir l'année suivante, une proposition tendant à discuter

la

le

problème des armements. Cette intention du Gouver-

nement anglais fut violemment combattue en Allemagne, et le 30 avril 1907, le prince de Bûlow déclara formellement au Reichstag, qu'à

la

Conférence, l'Allemagne ne

prendrait aucune part à une discussion éventuelle con-

cernant les armements.

Il

fallut

donc apposer

sur les destinées de l'initiative anglaise

les scellés

l .

Etat secondaire (Hollande), enthousiasme religieux pour

le « droit >

engouement pour l'humanité et la civilisation (Suisse), formaient ici un édifice de convictions fermes et inébranlables. 1 Voy. Alfred H. Fried. Die zweite Haagerkonferenz, p. 140 et suiv., et comp. Wehberg Haager Friedenskonferenz p. 28 puis encore Bertha von Siïttner Der Kampf um die Vermeidung des Weltkrieges, herausgegeben von A. H. Fried. Vol. II. Nous lisons (Belgique),

:

;

:


-

302

Les chefs d'Etat anglais, qui étaient rendues publiques,

déclarations

à leurs

liés

ne pouvaient pourtant

pas renoncer à exposer leur idée devant les Puissances

A

assemblées.

du 17 août,

la séance plénière

premier

le

délégué de la Grande Bretagne se leva, et annonça qu'il

à soumettre

avait

une

«

proposition

de de

la

la

part

plus

rappela les idées qui avaient guidé

de son Gouvernement,

importance

haute le

Tsar

».

Il

lors de la convo-

cation de la première Conférence de La Haye, et prouva chiffres en mains, étaient, huit

que les paroles qui étaient déjà vraies en 1899, tard, encore beaucoup plus pres-

ans plus

santes et beaucoup plus évidentes. Après une émouvante exhortation à la Conférence, de ne pas se séparer sans avoir

demandé aux Gouvernements de s'occuper

sement de le

la question de la limitation des

délégué de la Grande Bretagne

sérieu-

armements,

au nom de son

fit

Gouvernement la proposition suivante « Le Gouvernement britannique serait prêt à communiquer chaque année aux Puissances qui en feraient autant, le projet de construction de nouveaux bâtiments :

de guerre,

et

les

dépenses que ce projet entraînerait.

Cet échange de renseignements

faciliterait

un échange

de vues entre les Gouvernements sur les réductions que,

d'un

commun

nement de nière, l'on

accord, on pourrait effectuer. Le GouverGrande Bretagne croit que de cette mapourrait arriver à une entente sur la question la

dans ce recueil au «

En Allemagne

ment dans

et

les plus

sujet

de la

fameuse proposition

en Autriche, on déclara ouvertement

anglaise

:

et résolu-

hautes sphères et dans les ministères, qu'on

ne voulait pas entendre parler de cette

affaire. »

P. 27. 28.


— des

sommes que

303

pourraient allouer à ce cha-

les Etats

pitre de leur budget. »

L'attitude de l'Allemagne a fait obstacle tion pratique

Comme

du problème.

il

à

la solu-

en avait été con-

venu d'avance, l'Angleterre présenta une résolution qui n'imposait à personne une contrainte, mais qui fut in-

corporée à l'acte final de la deuxième Conférence de la

Haye, sous forme d'une déclaration platonique.

Cependant en Angleterre,

armements

;

plus s'alourdissaient les charges financières,

s'accumulèrent les difficultés pour équiper la

et plus

les

d'année en année un caractère

illimités prit

plus décisif

campagne contre

la

flotte

toujours en augmentation.

un mouvement en Angleterre qu'en Allemagne et dont

Certes, en présence de ces

s'accomplit, tant le

caractère

rappelle

les

soucis,

manifestations de

deux côtés du canal, précédèrent

qui, des

sympathie

la conclusion

de l'Entente avec la France.

Une

entrevue

d'Angleterre

et

amena dans

les

aussi

bien

sociations,

se

eut

son

les

;

neveu

impérial

en

Angleterre

même

voire

de

qu'en

le

Roi

allemand,

qui

entre

haine

la

conflits

Les représentants de

Il

se forma,

Allemagne,

comités

des

détruire

les nations, d'adoucir les

visites

1906

en

deux pays une détente.

proposaient

écarter.

lieu

ou

si

la presse

des as-

amicaux, aveugle

qui entre

possible de les

échangèrent des

des ecclésiastiques firent entendre leur voix dans

deux camps

entrèrent

;

les

parlementaires des deux peuples

en contact, surtout

classe ouvrière, qui cherchaient

les

représentants

de la

à fraterniser en dehors


304

La

de toutes les divisions internationales. tendit ses

fils

Royaume

entre le

provoqua un contact

et

des deux côtés

intellectuel qui

on

l'espérait

ramènerait la concorde. Et du côté

allemand on affirme,

d'ailleurs

à bon

droit,

plus que l'Empereur n'est intervenu cérité et de constance

anglo-allemandes

science enfin

insulaire et le continent,

et

que personne

avec plus de sin-

en faveur des relations amicales en faveur de l'aplanissement des

nouvelles difficultés sans cesse renaissantes.

un document datant de 1802, cité au début le Gouvernement anglais se convertit à un point de vue « qu'adopte la nation anglaise et par conséquent le ministère. » Lors du déchaînement de la Selon

de ce chapitre,

guerre

mondiale, Sir Edward Grey,

comme

ses prédé-

cesseurs à d'autres occasions, s'est constamment appuyé

sur

publique

« l'opinion

pour prendre position vis-à-vis

»

camp adverse: cela tout particulièredemanda à l'ambassadeur d'Allemagne

des diplomates du

ment, lorsqu'il

une déclaration formelle, analogue à la promesse de la France, que l'Allemagne respecterait la neutralité belge en Angleterre la voix du peuple a toujours été res:

pectée.

En et

1912,

en raison du besoin matériel

elle exigea,

moral qu'elle avait de

homme capable tique. On choisit le

un

dane, qui avait

la paix, qu'on

de mettre ministre

fait ses

fin

envoyât à Berlin

à la tension

de la guerre,

études en

poli-

lord Hal-

Allemagne, y avait

conservé les meilleures relations et possédait à fond la 1

Prof. Dr. Th.

Schiemann

:

Wie England

eine Verstàndigung

mit Deutschland verhinderte. Berlin 1915, p. 15.


-

-

305

Ses instructions comportaient, en premier

langue.

lieu,

un échange de vues concernant la possibilité d'une réduction des armements

sur mer,

la proposition

et

de

conclure avec l'Empire allemand un traité d'amitié.

Le but du Gouvernement britannique

était

de poser

en principe, de concert avec l'Allemagne, un arrêt dans la construction des forces navales, et

en particulier d'ob-

tenir qu'on rapportât la dernière loi dérogatoire concernant la flotte de l'Empire allemand, déjà acceptée par le Par-

lement. L'Allemagne ne disait pas non, mais pour prix

d'une

telle

ou

fixât

Et qui plus

tralité.

prévue pour

était

le

une guerre

si

le Gouvernement de l'Empire une obligation réciproque de neu-

concession,

demandait qu'on

autre déterminer

est,

éclatait,

de neutralité ne pourrait

que pris

si

«

elle n'allait

avec d'autres

neutralité

dont on ne pouvait sans

En

promoteur».

le

de

obligation

cette

cas où l'Allemagne serait attaquée

outre, cette obligation

chaque

subsister pour

partie,

pas à l'encontre d'arrangements déjà Etats.

Par contre,

contractants

les

ne pourraient à l'avenir acquiescer à aucune

alliance

qui serait incompatible avec les engagements assumés.

Les droits

et les obligations

de l'Allemagne, résul-

de la Triple Alliance depuis

tant

restaient par conséquent intacts

longtemps

un

tel

conclue,

accord de neu-

ne changeait rien à sa situation politique. L'Angle-

tralité

terre par

avec

:

1

la

contre,

1

envers l'Empire allemand, devait,

Le Fofeign il

la

Russie

et

France n'obligeait en aucune façon à un acte

d'hostilité

sitions;

que ses relations avec

office

a publié

le texte

se trouve reproduit dans le

si

la

propo-

des diverses propo-

Temps du 2

sept. 1915. 20


— sîtion

allemande

306

renoncer en

était acceptée,

l'Allemagne, à la pleine

liberté

d'action

faveur de

qu'elle s'était

réservée jusqu'à ce jour.

Le Gouvernement anglais ne songea pas un instant tel marché. Dans sa contre-proposition, il se déclara prêt à assumer l'obligation de ne jamais attaquer l'Allemagne sans provocation et de ne jamais participer à une agression de ce genre. A cette occasion, le Gouvernement de Londres confirma l'assurance que par aucun traité ni accord, il n'avait prévu une agression à conclure un

contre l'Empire allemand.

Il était

que l'Angleterre ne se

rallierait

qui aurait en vue un

tel but.

suffisante

aux Allemands,

prêt aussi à promettre

jamais à une combinaison Cette garantie

et les

parut in-

négociations furent donc

interrompues. Qui aurait osé, à Londres, songer sérieuse-

ment à une guerre où de

l'aveu général, on aurait été

obligé de reconnaître qu'il est « impossible de déterminer l'agresseur. »

à Berlin,

à

!

D'autre part, quel prix pouvait-on attacher

promesse de

la

la

de ne

adverse

partie

jamais se livrer à une agression sans provocation ?

Tout

cela était bien vague.

Sir

Edward Grey

contre-proposition

même une

que,

grand

et

soit

insista

néanmoins pour que sa

acceptée,

parce

conception élastique,

bienfaisant

effet

pour

les

qu'il «

pensait

serait

relations

d'un des

deux peuples entre eux, et qu'en outre, le reste du monde verrait en un tel accord la ferme volonté des deux Gouvernements de vivre ensemble en paix et en

bonne x

amitié. » II

1

Du

est intéressant

reste, le

ministre

anglais n'aban-

de comparer avec ce point de vue, une


donna pas ses espérances. des

édifier

relations

-

307

de continuer à

proposa

Il

de confiance,

poursuivre une

de

entente au sujet des questions coloniales et territoriales,

pour reprendre, au bout d'un certain temps, ciations

à un accord

relatives

politique.

Il

les

négo-

exprima à

l'ambassadeur d'Allemagne l'espoir que, de cette manière, la

des armements pourrait être indirectement

question

influencée.

1

Provisoirement d'ailleurs, dreadnoughts. difier la

terre

sur

à

Du

il

des deux

était loisible,

commander allègrement de nouveaux

côtés du canal, de

reste,

on n'avail pas eu l'intention de mo-

proportion des

forces.

A

aucun moment l'Angle-

n'abandonna sa volonté de maintenir sa supériorité

mer

— au contraire,

Berlin,

le

pendant que Lord Haldane

ministre de

la

était

marine Churchill insista

dans un discours prononcé à Glasgow, sur

le

fait

que

l'Angleterre ne renoncerait à aucun prix à sa suprématie. conception allemande

:

«

pour, en une conversion

*

que l'Angleterre se détachât de l'Entente, sensationnelle, se rallier à

l'Allemagne,

Mais il était aussi bien compréhensible qu'elle cherchât prudemment à éviter tout ce qui pourrait éveiller la méfiance à Paris et à Pétersbourg. Il fallait cependant examiner, si un accord aussi insignifiant ne laissait pas entrevoir déjà un certain relâchement de l'Entente, si ce relâchement n'aurait certes,

personne ne

pas un

effet

sur

s'y attendait.

les

relations

européennes,

et

si

l'Allemagne

aurait couru le danger de devoir renoncer à des intérêts supérieurs. »

{Frankfurter Zeitung, du 10 septembre 1915). 1 Voy. les rapports du comte Metternich dans la Nord-AUg. Zeitung, du 8 sept 1915. Rappelons ici que l'ambassadeur auquel Sir Edw. Grey a tenu ce langage était le Prince Lichnowsky, dont les tendances pacifistes sont connues maintenant. * D'ailleurs l'amiral v. Tirpitz avait déclaré au Reichstag, le 7 février 1913, que la proportion des flottes 16 10 était acceptable, :


— Tandis que

-

303

la rivalité

des armements se poursuivait

sans entraves, Sir Edward Grey

Cambon, échangèrent il

fut convenu,

les

et le

ministre français

deux notes, au moyen desquelles

que dans

le

cas où la paix européenne

viendrait à être menacée, l'on pourrait examiner en com-

mun

l'éventualité d'une action combinée. * Dans l'arrièreautomne de cette même année 1912, le Feldmaréchal Lord Roberts, prononça un discours étincelant sur l'inaptitude de la nation anglaise à la guerre, sur la décadence

du Royaume britannique et les dangers qu'il courait. prophétisa une attaque de la part de l'Allemagne, jour où

elle aurait

navales. L'Empire

moins que

la

achevé

On

préparations techniques dit-il,

ne

cherchait

rien

souveraineté sur terre et sur mer, et les

forces anglaises n'étaient

avec un

les

allemand,

Il

le

pas en état de se rencontrer

tel adversaire...

ne réussit pas à assurer la paix

;

on ne devait

pas parvenir non plus à détourner la guerre, qui approchait.

La

guerre.

Dans

l'opinion publique

anglaise,

on pouvait ob-

server plus distinctement que partout ailleurs, les deux

courants habituels.

Le premier,

fatigué de rivaliser avec

remuant, soucieux de

la situation

méfiant à l'égard de l'accroissement de la

hanté

même

insulaire par 1

Voy.

par

le spectre

l'Allemagne,

p. 133.

un

voisin trop

mondiale de la flotte

patrie,

allemande,

d'une invasion du

Royaume

demandait qu'on poussât à


-

-

309

l'extrême la politique de force, réclamait des armements

allemand à

de l'Empire

l'écrasement

et

la

prochaine

occasion.

Le second courant, d'une lait

neutralité diverse, ne vou-

pas entendre parler d'une

considérait

du

Realpolitik

telle «

».

comme une

reste pas la politique

Il

ne

chaine

d'exigences impératives, auxquelles devaient se soumettre

corps et biens, en une obéissance aveugle, les individus et la société. Certes,

avait aussi pour objectif les in-

il

térêts vitaux de la nation anglaise,

moderne

culture

mais

les conditions d'existence des différents Il

est certain

peuples entre eux.

que nulle part autant que chez

on n'a

Saxons,

voyait dans la

il

de concilier pacifiquement

la possibilité

sur

insisté

cette

idée

que

pouvait dominer la vie internationale des Etats Il

les

Anglo-

la

raison

civilisés.

1

permis de baser cette affirmation sur la tendance

est

de

visible

régler

tous

les

conflits

autour

du

tapis

vert,

tendance qui devait logiquement conduire au prin-

cipe

de

prend, qu'au cours jours, 1

la

L'histoire

l'arbitrage.

du

plupart des

Lorsque

la

siècle

diplomatique précédent

propositions

guerre mondiale éclata,

et

nous ap-

jusqu'à nos

de médiation

même

les

comte Berchtold, après

la

de

adversaires

de l'Angleterre paraissaient d'accord sur ce point. L'on le

et

sait

remise de l'ultimatum à Belgrade,

que fit

du contenu de la note. Le représentant de l' Autriche-Hongrie à Londres reçut cependant encore un autre télégramme, où il est dit « Comme parmi les Puissances de l'Entente, l'Angleterre pourrait en premier lieu être amenée à un jugement objectif de notre démarche à Belgrade, je prie votre Excellence d'entrer en conversation..- etc. (de faire remarquer ceci part à tous ses ambassadeurs

:

et cela). Livre

rouge n° 29.


310 Conférences transmises au Concert européen,

émanèrent

de Londres.

Ecoutons ce que Frobenius

1

au

,

tre la guerre: terre,

dit le

lieutenant-colonel allemand

sujet de l'antipathie de l'Angleterre con« si

nous scrutons

de l'Angle-

l'histoire

nous faudra convenir, que ce pays a parfois

il

concentré

quelques-uns

sa

et

flotte

qu'il n'a

ses

de

ses

moyens de

jusqu'à

finances

défense,

mais

l'extrême,

jamais connu cette revendication de ses forces

nationales

tout entières,

en vertu de laquelle

appelé sous les armes tout

en 1813

homme

il

aurait

comme

valide,

l'a

a une démonstration éclaparce qu'il ne s'est tante des doctrines de Clausewitz jamais imposé de buts illimités. Si Ton fait abstraction fait

la

Prusse,

réussi à éviter cela

— et

et

la

France en

1870.

Il

c'est

de guerres coloniales, l'Angleterre n'a jamais voulu

même

elle-

conquérir entièrement un pays, ni anéantir com-

plètement un adversaire

».

Et Frobenius impute en partie

ce fait à l'esprit public.

Au

cours des années qui précédèrent

le

déchaînement

de la guerre, cet esprit public contraignit formellement les

hommes

d'Etat anglais à renouveler

que l'Angleterre

déclaration

Russie, ni envers la France. le

Royaume

britannique des

n'était

constamment

liée

En 1911, hommes

il

ni

la

envers la

y avait dans

qui tremblaient

de peur qu'à l'occasion de l'incident d'Agadir, l'Angleterre pût être humiliée par l'Allemagne.

aussi des

homnes

affirmât nettement 1

qui

Mais

voulaient que Sir

il y avait Edward Grey

que l'Angleterre ne courait pas

Des deutschen Reiches Schicksalstunde,

p. 28.

le


— danger

-

311

d'être entraînée par

mais

odieuse.

d'un

possibilité

la

Il

est

France dans une guerre

la

contre l'Allemagne. L'Entente

cordiale

était

populaire,

armé

était

et

conflit

caractéristique, qu'on

xieusement à Paris,

le traité

si

se

restait

demandait an-

d'Entente cordiale, jus-

qu'alors sympathique à Londres, sortirait intact des brumes de guerre que la crise du Maroc avait déjà répandues sur l'Europe. 1 L'Entente fut d'ailleurs sauvée, et

l'atmosphère renouvelée s'éclaircissait à la suite de

l'ac-

cord marocain entre la France et l'Allemagne. Mais

pour

fallut

que

cela

ministre

le

anglais

des

il

affaires

étrangères eût, dans une séance étouffante du Parlement, affirmé encore une fois au peuple, qu'il n'existait aucune convention secrète entre la France et l'Angleterre, et partant,

aume

aucun danger de guerre pour

le

Roy-

britannique.

A

côté de ces

hommes

politiques qui se montraient

persuadés que les oppositions déjà perceptibles, amèneraient certainement la guerre avec la

prochaine

crise,

se manifester,

l'Allemagne lors de

nous voyons donc un autre courant

un courant qui ne montrait aucune envie la suprématie ma-

de prendre les armes en faveur de ritime, ni

en faveur de

merciale, ni

Y Y le

de

la 1

la

coloniale

politique

en faveur de

et

com-

la Triple Entente.

avait-il

un troisième courant ?

avait-il

une opinion publique prête à négliger

que

rang

monde,

même

à

l'Angleterre

ignorer

France

et

ses

de

devait

obligations la

Russie

Comp. Rapports des ministres

occuper

dans

amicales

vis-à-vis

et

à

admettre

belges. n° 83.

le

en


312

\

qu'en

plus,

magne

des

violation

s'abattît

sur

le

poing de l'Alle-

Belgique ? L'Angleterre avait

la

principaux

assuré là ses

traités,

intérêts

continentaux,

lors-

que ce Roygrande Puissance,

qu'elle convint avec les autres Puissances,

aume

mains

entre les

qui,

d'une

pouvait servir de forteresse contre la Grande Bretagne, devait conserver une neutralité perpétuelle.

Lorsque

guerre mondiale éclata, un nouveau germe

la

donc s'ajouter aux anciens que nous connaissons

vint

déjà: la politique coloniale, l'équilibre

une

européen

question

;

la

suprématie maritime

et

ce fut l'intérêt très prononcé pour

continentale

presque oubliée,

mais

liée

directement à l'organisation du groupement moderne des Puissances.

En

outre,

l'Angleterre avait

signé le do-

cument qui garantissait l'inviolabilité de la Belgique. Tout d'abord, lorsque le conflit prit un caractère aigu par suite de l'ultimatum de la Monarchie Danubienne, le Gouvernement anglais adopta le point de vue que les intérêts directs du pays n'étaient nullement engagés, et que l'opinion publique ne sanctionnerait pas une guerre en faveur de la Serbie. Même un conflit entre

l'Autriche-Hongrie et la Russie ne consti-

Grande Bretagne, une raison suffisante de tirer l'épée. Le Gouvernement britannique s'appuyait au contraire sur la tendance de plus en plus marquée en tuait pas, pour

la

Angleterre, de se tenir en principe, à l'écart d'un conflit

armé pour des questions de

1

politique balkanique.

Comp. Note Grey, Livre bleu

n° 87.

1


313

L'Angleterre, appartenant aux Puissances

comme

téressées » tenta donc,

ment amiable du

«

moins

in-

de contribuer au règle-

telle,

balkanique, soit par les conseils

conflit

que sa diplomatie donnait partout

spécialement à

et

Belgrade, soit encore par la proposition de son secrétaire

convoquer une Conférence des Puissances. Mais

d'Etat, de

déjà la furie belliqueuse jetait sa torche dans la direction

de l'Ouest; de Berlin

par la Russie. Le

une

européenne

crise

gagna

elle

la

France en passant

serbo-autrichien

conflit

Les intérêts de l'Angle-

très grave.

terre passèrent alors aussi

dégénéra en

au premier plan, mais pas

encore avec suffisamment de clarté

:

la

Grande Bretagne

réserva ses décisions ultérieures. Si l'on avait jusqu'alors fait comprendre

de l'Entente, que dans participation de il

le

d'une

cas

conflagration,

la

l'Angleterre n'était pas chose décidée,

s'agissait d'autre part, de détruire auprès de la diplo-

matie allemande, terait

l'illusion

que

Grande Bretagne

la

mains

de tous

libres

les côtés

rêts britanniques » avaient seuls la parole

mais

ils

documents

les

pu

souffrir

le

longue réflexion

Puissance

pour

officiels,

plus

voulue

de

« les intéle

moment,

;

on se demande qui

cette

irrésolution,

— Déjà l'Allemagne

Royaume

et la

mière décision

:

«

lois

Russie croisent

insulaire fait alors

de

ceux qui appelaient la

britannique ou ceux qui cherchaient à

gner ? Des deux côtés on s'en référait aux mitié.

:

n'avaient pas encore dit leur dernier mot.

Lit-on

a bien cette

res-

nécessairement neutre. L'Angleterre cherchait à

se garder les

le

aux Etats

les

l'éloi-

de

l'a-

armes

;

connaître enfin sa pre-

Je suis autorisé à vous donner

l'as-


surance

dit

Sir

de France — que

314

Edward Grey si la flotte

de Calais ou traverse la

le

2 août à l'ambassadeur

allemande entre dans

le

Pas

mer du Nord pour entreprendre

des hostilités contre les côtes ou la flotte anglaise donnera,

pour

les

l'en

bateaux français, empêcher, toute la

protection dont elle sera capable. » x

Les

l'Allemagne de donner, en échange

offres de

de la promesse de neutralité, des garanties concernant la

France

et la

Belgique, sont déjà refusées,

2

En

outre

de la liberté de ses décisions ultérieures, l'Angleterre se réserve d'ailleurs d'éloigner des eaux septentrionales la flotte

— ainsi ses

allemande

intérêts les plus essentiels

sont sauvegardés, et l'Angleterre

est toujours

en paix.

Mais à peine la France est-elle entrée en lice, que le 4 août, un Monarque qui s'était bien tenu à l'écart jusque-là, appelle à l'aide. Le roi Albert de Belgique demande du les Allemands ont pénétré secours aux Etats garants

sur son

territoire.

L'Angleterre s'approche bataille

européen

:

le

maintenant du champ de

4 août,

Londres

Bruxelles la promesse formelle

compter sur sa protection

et

que

la

télégraphie

Belgique

Bretagne a donc posé une alternative. En de demander au

peut

sur son aide: la Grande effet,

au

instant l'ambassadeur d'Angleterre à Berlin reçoit instruction,

même

comme

Gouvernement allemand,

de cet instant à minuit, l'assurance que les troupes

mandes

2

alle-

seraient retirées de Belgique et que la neutralité

du Royaume 1

à

serait respectée.

Livre bleu anglais n° 148. Justification

dans

la note de Grey, livre bleu n° 101.


315

Nous n'avons pas à juger

ici

chefs d'Etat

les

si

anglais obéirent au sens de la justice,

à la conscience

des obligations que leur imposait leur situation de Puis-

sance garante, ou aux intérêts du

Royaume

britannique

;

peut-être ces trois considérations ont-elles dans leur en-

semble, décidé l'inviolabilité

le

Gouvernement

de la Belgique ou la

Les dés en furent

jetés

peuple à exiger

et le

lutte.

à Berlin

avant minuit.


L'ALLEMAGNE Si l'on suit

le

allemand jusqu'à éprouvera

le

développement du nouvel Empire

tous. Qu'est-ce

de la guerre mondiale, on

la veille

que

sentiment

que

Etat était béni entre

cet

la renaissance de la France, le labo-

rieux apprentissage de la République, difficile

qu'est-ce que le

développement de l'Empire russe, constamment

interrompu par des rechutes, qu'est-ce enfin que sante

extension

de l'Empire

britannique

l'épui-

sur tous les

continents, en comparaison de la vigueur et de la force

d'impulsion de la race allemande, des

résultats

qu'elle

a obtenus.

Dans

le

domaine de

la politique continentale, ce

ne

sont que victoires sur victoires. Enrichie des duchés de

Schleswig

et

de

délivrée de sa rivalité avec

Holstein,

l'Autriche-Hongrie au sein du futur Empire, la Prusse,

après avoir infligé aux Français une écrasante défaite, réunit les Etats allemands dans les nouvelles frontières élargies d'un le vieil

idéal

grand Etat national

fédératif.

de

Par

l'unité,

la force des

vient

se

armes,

réaliser

et

l'enthousiasme de la victoire commune donne naissance, au cœur de l'Europe, au nouvel Empire allemand. Ainsi, la « question allemande » est résolue; mais aux yeux de Bismarck, seulement à condition que le

puissant coin qui avait été chassé dans Etats

européens,

ne puisse

plus

le

système des

jamais être

démoli.


-

317

La supériorité absolue sur la France apparaît comme une condition essentielle de la vitalité de l'Empire des Hohenzollern, et sur ce dogme s'édifie cette politique au premier chancelier de l'Empire, qui

d'alliances, chère

déplace définitivement l'équilibre européen déjà ébranlé.

Tandis qu'après

la

guerre de 1870, Bismarck

deux autres Empires,

vait l'amitié des

grie et la Russie,

la

France,

toute à

l'

culti-

Autriche-Hon-

son ressentiment

Pour l'instant, le chancelier se peu du germe de guerre qu'avait fait lever

resta livrée à elle-même. souciait fort

armes alleman-

la paix de Francfort. Si la ténacité des

des avait été démontrée depuis longtemps, la fondation,

en 1872, de

l'alliance

mit en évidence

le

éphémère des

prestige de la

trois

Empereurs

*,

politique allemande.

Cette année-là, l'ambassadeur d'Angleterre auprès de la

Cour d'Allemagne

écrivait

à son Gouvernement

:

«

Na-

poléon n'a jamais été plus grand que Bismarck à cette heure. 2

»

Mais, provisoirement,

la force

Bismarck servaient exclusivement

la

et le génie

politique

de

sur le

continent, politique de sécurité dirigée contre la France, et bientôt aussi contre la Russie.

Son

principal objectif en-

visageait donc la confirmation de la situation de l'Allema-

par

gne,

tard avec

son Alliance avec l'Autrich î-Hongrie

et plus

l'Italie.

Les tendances du jeune Empire

se manifestèrent

en toute clarté au Congrès de Berlin de 1878. Le chan1

pour

Créée

le '

entre

Guillaume

maintien de la paix; Bitterauf

Krieges, p. 5.

:

I,

François-Joseph et Alexandre

elle fut dissoute

II

en 1878.

Die deutsche Politik und die Entstehung des


celier

318

allemand, fermement résolu à l'Alliance avec

triche-Hongrie,

illusions des Russes,

un champ

trales

avec

détruisit,

l'

Au-

des Anglais,

l'aide

les

en réservant aux Puissances Cenen Orient

d'activité

La

1 .

tension des

rapports avec la Russie dégénéra en méfiance, surtout l'année suivante,

lorsque,

chevée

et

qu'à l'avenir,

le

la

Double-Alliance fut para-

Gouvernement impérial accen-

tua de plus en plus l'intention de l'Allemagne de seconder l'Autriche-Hongrie dans sa politique balkanique, et prévoir que le nouvel Empire, une fois

domestiques,

soucis

délivré

fit

de ses

entreprendrait ses premiers essais

d'expansion en Orient. Cette politique résolue détermina le

second germe de guerre

:

à

la question d'Alsace-Lor-

raine vint s'ajouter le problème des Balkans, l'antago-

nisme national entre Slaves et Germains, l'antagonisme économique entre l'Empire allemand naissant et les

Russes qui convoitaient

le

Bosphore.

La constante augmentation de la population allemande constituait le point critique du problème économique,

par conséquent de la politique étrangère de

et

Bismarck dut chercher de nouvelles

l'Empire.

voies,

trouver en dehors des frontières de l'Empire des mar-

chés pour

le

puissant développement de l'industrie, des

relations pour le

commerce extérieur de l'Allemagne,

et

des sources d'alimentation pour la population indigène.

Les pour

du peuple allemand aspiraient à des champs

efforts

d'activité

à l'étranger,

les forces

posait donc

Comp.

:

les frontières

devenaient trop étroites

économiques débordantes

;

la question se

par quels moyens, d'après quelles méthodes, p.

62

et 167.


-

319

à ces né-

la politique étrangère donnerait-elle satisfaction

cessités intimes de la vie

allemand

était

économique allemande? L'Empire

trop

en présence de rivaux, il

longtemps été à

l'école

solution

des

ailleurs

que

conservateur et avait trop

de la guerre, pour chercher la

problèmes

grands

un

dans

puissant pour s'en

était trop

était trop

laisser intimider,

pour ne pas se trouver

tard il

posés

à

sa

politique,

développement croissant de

la

force physique.

Bientôt après 1870, ce déploiement de forces était

parvenu à assurer

l'Allemagne en Eu-

la tranquilité de

c'est encore par le même moyen que les Allemands devaient organiser plus tard leur Empire colo« Nos projets de politique coloniale nial. dit Karl

rope

;

Alexander von Muller la nouvelle

désirs de

1

exaltation

— coïncidèrent politique et

puissance politique

marck ne songeait pas du

à peu près avec

nationale,

et nationale.

»

avec nos

Mais Bis-

tout à donner satisfaction à

ces désirs de certains milieux commerciaux, ni

aux

tives privées hanséatiques, avant d'avoir trouvé

puissance armée de l'Empire,

Ce ne «

fut qu'en

1884

géographes juillet,

août

il

et

le

fut

England

».

reçut des instructions précises,

pavillon allemand hissé et

und

dans

le

flottait

die

Monatshefte, August 1915.

deutsche

A

des :

le

déjà à Togo, en

sud-ouest de l'Afrique,

au Kameroun.

:

L'ambassadeur d'Alle-

des explorateurs se mirent en route

Nouvelle-Guinée 1

point d'appui nécessaire.

qu'il put faire connaître sa décision

maintenant nous allons agir

magne à Londres 5

le

initia-

dans la

la stupéfaction

Kolonialpolitik,

en des

Sûddeutsche


Anglais, maîtres du monde,

mandes

-

320 le

actuelles fut acquis en

Les

noyau des colonies 5 mois.

mois qui suivirent

six

les

alle-

premières occupa-

tions allemandes, furent témoins d'une lutte infatigable,

acharnée,

sur tous les points,

mais jusqu'à

la fin

Bismarck la

l'avait accueillie

échangea

du Nord,

l'île

si

le

toires

ne

et

acharnée,

inexorable

lutte

x

».

avec l'An-

de ces temps, que la

fougue

et toute

démoniaque. Son successeur

programme du jeune Empereur en 1890 mer ;

important pendant la grande guerre pour la

La

africains.

parties,

l'histoire

guerre sur

d'Héligoland, ce point d'appui dans la

allemande, contre

flotte

et

donc en

avec toute

de sa nature

Caprivi continua il

est

nous lisons dans

passion

petite

d'une logique réfléchie

Le nouvel Empire mondial gleterre, et

d'une

une défense pas à pas, patiente

toute la ligne «

le protectorat

que souligner

fit

sur certains

terri-

dédaigneuse des deux

satisfaction

la rivalité

anglo-allemande

:

un profond désaccord sépara les deux Puissances entre 1890-1900. « Le sentiment se propage aurait prophétisé un jour le Prince de Bulow qu'une des grandes

liquidations

séculaires

pour

pour

l'influence,

la

puis-

sance et pour la possession, est encore une fois imminente sur cette

terre. »

Le cours de

l'extension allemande,

politique,

était

maintenant

positions

qu'il

faudrait

manière ou de l'hémisphère

l'autre.

méridional,

von

Millier, loc. cit.

et

des op-

surmonter quelque jour d'une

A

l'expansion

vinrent

coloniale

bientôt

premiers essais de politique orientale. 1

économique

irrésistible et créait

dans

s'ajouter

Ils se firent

les

sous


la

forme

commerce avec

1

le

,

un

à

traité

de

Sultan. Mais cette politique trouva sa

le

en

confirmation

1896

1895,

1897,

et

problèmes arméniens

l'occasion des Cretoise

de chemins de fer en

de projets

inoffensive

qui donnèrent lieu en 1890,

Turquie,

réelle

-

321

et

Gouvernement allemand

lorsqu'à

de

la

se

montra

question très

soucieux d'empêcher qu'on troublât ses bonnes relations

avec

Ce

la Porte.

n'est pas par

hasard que

le

pereur Guillaume avait choisi Gonstantinople

Emcomme but jeune

d'un de ses premiers voyages sur mer, ce n'est pas en

vain que dès 1883, von der Goltz exercèrent

militaires

leur

et d'autres instructeurs

activité

manœuvres de l'armée turque

;

sur

les

champs de

l'initiative et les

avances

de capitaux de grandes entreprises allemandes, en Anatolie et

en

devaient

Thrace,

avoir

aussi

leur

raison

Dès lors, il fallait que la politique de l'Empire le chemin sur lequel elle s'était engagée, en

précise.

suivît

partant du principe de

man

de

absolue liberté de

l'«

invariabilité territoriale »

mouvement de l'Empire

et

otto-

Qu'il se soit agi plus tard de pratiquer des réfor-

».

mes en Macédoine pour qu'il se soit agi de la

on ne

l'«

vit

protéger les peuples chrétiens,

question égyptienne

— jamais plus

l'Empire allemand participer à une action ina-

micale contre la Turquie. Et, en automne 1898, l'Empereur

allemand se posa, lors de son fameux discours de Damas, en ami

Mais

il

la consolidation territoire 1

en protecteur du peuple mahométan.

et

s'agissait de et

d'Etat turcs

Comp.

beaucoup plus

:

«

de la régénération

militairement,

il

s'agissait de

de l'Etat et du administrative-

p. 148. 21


ment, économiquement,

financièrement,

avec des moyens essentiellement allemands

En

présence de

nombreux projets commune, la

si

puissance intérieure peu

etc.

et

1

et cela

pourvu d'une

tentation

était

pour l'Empire allemand, malgré sa tardive apparition

forte

dans l'arène de la politique mondiale, de mettre en jeu

moyens qui pourraient vis-à-vis il

du

reste

le

les

mieux affirmer ses prétentions

du monde. Pour sa politique européenne

disposait déjà, outre ses alliances avec

Vienne

Rome,

et

d'une forte ceinture de forteresses s'étendant de la Lorraine jusqu'aux frontières de la Suisse, et d'une armée

en augmentation constante, qui, appuyée contre ce remdevenir un puissant instrument d'opéraPour sa politique orientale, l'Empire pouvait d'ores déjà compter sur ses officiers supérieurs, une foule

part, pouvait tions. et

de conseillers techniques, des capitaux illimités

à tout cela

:

l'esprit

d'initiative

allemand.

et joint

En

ce

qui

concernait sa politique coloniale, jusqu'alors pratiquée

au petit bonheur, il avait encore besoin d'une flotte, pour remplir la promesse de l'Empereur Guillaume « notre avenir est sur l'eau. » Avant même que le siècle approchât de son déclin, le canal de la Mer du Nord à la Baltique, base de la trop

:

future situation maritime de l'Allemagne,

En

dix ans, jusqu'en 1896, la flotte de

accrue du sextuple;

il

fallait

était

achevé.

commerce

s'était

maintenant que l'Empire

possédât une nouvelle flotte de guerre de premier ordre. Le programme en fut présenté au Reichstag en 1897 et la proposition fut acceptée le 28 mars 1898. Deux 1

Bachtold, loc.

cit.

p. 41.


~ jours plus tard la société

fondée tag la

-

323 «

Deutscher Flottenverein

»

fut

au bout de deux ans, on soumit déjà au Reichsseconde loi visant à l'augmentation de la puiset

sance maritime allemande.

Tel

en raccourci,

était,

l'orientation

de l'Empire,

lorsqu'en 1899, les Puissances de l'Europe se réunirent

à

la

Conférence de La Haye, pour discuter

programme merveilleux

essentiels d'un

:

les points

limitation

des

armements, arbitrage international, moyens de maintenir

une paix durable. *

*

*

L'objet de nos recherches ne permet guère de pas- L'Allemagne ser

sous

silence

le

fait

que

les

Allemands de

notre à

génération se sont efforcés,

soit

par une passivité

litiquement bien

soit

par un conservatisme

explicable,

po-

qui peut tout au plus se défendre du point de vue acadé-

mique, de comprimer tout élan audacieux de la science

du droit international. « officielle »

du

droit,

En un

mot, la science allemande

décline

toute

absolue

sujétion

d'un Etat souverain à un axiome de droit international tout traité international comporte,

si

:

non formellement,

du moins tacitement, la réserve, que les obligations assumées ne doivent pas restreindre le précepte de la conservation

personnelle.

présume aussi que

Toute

les intérêts

obligation

juridique

supérieurs et l'honneur

de l'Etat, doivent prévaloir en cas de

conflit.

Ces considérations fondamentales, dont

les

milieux

compétents en Allemagne n'ont jamais voulu se départir, expliquent assez international

s'est

pourquoi

le

développement du

heurté à des obstacles sans

fin.

droit

Sa-

la Confé-

rence de la


-

-

324

luons les Allemands qui ont compris depuis longtemps

que leur pays devait encore réaliser d'immenses progrès dans le domaine du droit des gens; que le nomen droit international

bre des spécialistes

beaucoup trop devait pas

1

la

encore

était

science allemande

ne

sur la réserve qu'elle avait observée

rester

jusqu'alors...

que

restreint,

Cependant,

il

ne

de com-

pas

suffisait

Beaucoup plus importante

battre la passivité.

et

plus

concluante était la constatation du professeur Schticking

de Marbourg droit,

il

universelle

tion

pour collaborer à l'avenir du une dose appréciable de concepmême une conception universelle

« Certes,

:

faut posséder et

Or,

progressiste.

elle

fait

précisément

l'Allemand nationaliste d'aujourd'hui

2

défaut

chez

».

manquait l'intérêt, il manquait la bonne volonté dans les domaines théorique et pratique de saIl

à l'organisation internationale du

crifier

droit,

même

la

plus petite parcelle de la souveraineté nationale.

Ces le

expliquent aussi

faits

Gouvernement allemand

rence de « la paix

».

le

scepticisme avec lequel

accueillit la

première Confé-

Les quelques instructions qu'avait

reçues son représentant scientifique, étaient toutes d'ordre

ne peut s'empêcher d'avoir

négatif, et l'on si

l'on

observe l'attitude

lui-même un parfois,

1 2

homme aux

au cours de

le

cœur

serré,

de ce savant allemand. Par sentiments généreux,

la Conférence,

soulevé

par la la vague qui

Voyez Heinrich Pohl, Aus Vôlkerrechl und Politik. Prof. D r Walther Schtiking. « Der Staatenverband der Haa

ger Konferenzen.

»

1912.


de

tentait

l'entraîner

l'organisation du droit, fidèle

Il

courant progressiste

le

était d'autre part,

de

en qualité de

Gouvernement allemand, obligé de

serviteur du

soutenir toujours

dans il

325

le

point de vue de ses mandataires.

d'examiner la position que

serait équitable

l'Empire allemand,

en consultant fidèlement

prit

actes

les

de la première Conférence de la Haye, pour déterminer la façon

dont se comportèrent ses représentants en pré-

sence de chaque question en particulier. Toutefois cette voie nous

conduirait trop

loin

le

;

Prof. Ph.

Zorn,

le

délégué scientifique de l'Allemagne, a plus tard précisé

lui-même et

les

conceptions du Gouvernement de l'Empire

nous ne saurions nous en référer à une source plus

autorisée.

Avant le

tout,

Zorn ne

laisse subsister, chez personne,

moindre doute au sujet de

Gouvernement contre claire,

la

répugnance de son

arbitrage.

tout

«

Une

assurée, ferme et calme, qui procède

nant avec de l'Etat

le

plus

grand soin

et les considérations

les

intérêts

politique

en examiparticuliers

générales ou plus spécia-

lement internationales qui se présentent, une politique tout aussi éloignée d'une apathie inactive et

d'aventures

moyens de

désordonnées,

fortune. Elle sait

n'a

que

pas

le travail

politiques et de sa diplomatie la protège

ce n'est que par ses propres

que d'intrigues besoin de ses

dans un cas

tels

au mieux,

moyens, après mûre

bération avec elle-même, qu'elle pourra décider fois,

de

hommes

particulier et

à

la

suite

déli-

par-

si

d'un

et

cons-

ciencieux examen, la ressource exceptionnelle d'un

ar-

aux

in-

bitre

ou d'un tribunal

arbitral serait favorable


térêts de l'Etat

inaugurée par

326

L'Empire allemand, selon sa politique

*.

homme

plus grand

le

d'Etat du 19 e siècle

(Bismarck), et jusqu'à ce jour, maintenue dans ses traditions, veut

comme

avant tout considérer ce point de vue

faisant autorité pour

lui.

Tant que ces

traditions

per-

nous n'avons nul besoin de tribunaux arbitraux permanents, comportant des conditions de caractère plus sisteront,

ou moins obligatoire » 2 On sait que pour conjurer .

danger de

le

on songeait à La Haye, à un autre moyen

En

Puissances amies.

à

Puissances étrangères de trouver, tion pacifique, par « médiation

donc ainsi

:

l'appel

:

aux

cas de conflits graves, on devrait

avant de prendre les armes,

l'avenir,

la guerre,

cet appel devait

La

».

il

si

solliciter

les

une solu-

possible,

question se posait

ou

être de règle,

laissé

à l'appréciation des Etats entrés en controverse? Point 1

II

faut remarquer qu'ici encore, les buts supérieurs de l'initia-

sont

d'arbitrage

tive

au

placer

complètement

premier plan les

passés sous silence,

« intérêts

de

l'Etat

Le

».

pour Prince

de Bûlow semble avoir absolument partagé ce point de vue, lorsque le

29 nov. 1907, devant l'assemblée du Reichstag,

il

remercia

le

La Haye, pour < Noire premier délégué à La Haye, baron les services rendus Marschall, v. a ménagé nos intérêts en connaissance de cause etc. » « La forme de cet éloge est simplement incompréhenreprésentant allemand à la deuxième Conférence de :

sible

pour moi

»

s'écriait alors

Bertha

v.

Suttner

«

40 Etats

donc envoyé leurs représentants à La Haye pour plaider avec zèle les intérêts de chaque Etat en particulier ? Ne s'agit-il ont-ils

pas

du

de

travail

de cette unité supérieure, qui devait ressortir Kampf um die Vermeidung des en commun des 40 ? »

l'intérêt

Weltkrieges. Vol. 2

II.

p. 69.

Ph. Zorn. Im neuen Reich, 1902.

p.

360.


vue allemand

de

:

«

-

327

chaque Etat peut rencontrer des

circonstances qui l'obligent à une décision par les armes

sans

médiation

L'Etat seul

préalable.

capable de décider sur ce point

comme une

pas considérer la

médiation

»

;

le

mêmes

les

pour

organisation,

lorsque parfois la presse les

faits

et

qu'en

et l'opinion

à

prin-

caractère obligatoire

On

de la commission internationale d'enquête.

à dénaturer

l'appel à

*.

pour se prononcer contre

visagé cette

et

ne pourra donc

l'on

obligation absolue

L'Empire allemand s'appuya sur cipes,

autorisé

est

avait en-

de

conflit,

publique

tendent

cas

exagérer des incidents

in-

une commission d'enquête étrangère et neutre, pût rétablir l'état de cause exact. L'Empire allemand, signifiants,

de concert avec les Etats balkaniques les

empiétements étrangers,

facultatif de la commission d'enquête

Dans

— qui

demandait .

ces trois questions on

;

caractère

2

abandonna engagements internationaux, assumer, étaient donc de nature spontanée obligatoire

craignaient le

les

le

caractère

qu'il fallait

ce qui ca-

Le délégué de l'Empire allemand nous apprend qu'enfin « en réalisation d'une exigence allemande », tout caractère obligatoire du triractérise assez leur valeur.

bunal arbitral fut rayé de nécessaire qui

d'entrer

ici

la

dans

convention les

détails

en résulta. Par contre, relevons 1

Zorn,

loc. cit. p.

362

et

comp.

les

à

actes

3 .

Il

n'est pas

du compromis l'honneur

du

de la 3 e séance

de comité du 31 mai 1899. 2

Documents de

la

3

Zorn,

p.

loc.

cit.

seizième séance du comité, du 18 juillet 1899. 366.


savant

allemand,

ce

-

328

pourtant jamais voulu

n'a

qu'il

avouer lui-même, mais que tout sait

:

compromis

ce

monde

le

dû qu'à

n'était

la

scientifique

personnalité de

M. Zorn, qui s'entremit à cette occasion et força son propre Gouvernement à faire la concession nécessaire *. Une rude lutte de principes dut avoir lieu dans

sphères

les

gouvernementales de l'Empire, avant que fut donné

le

consentements l'établissement d'un tribunal arbitral permanent, mais facultatif. Zorn décrivait la situation comme suit

« Il

:

isolée

est certain

que l'Allemagne resta complètement

en sa résistance.

tout-à-fait

Dans

ces circonstances

impossible d'éliminer

plus

était

il

longtemps

l'idée

mise en évidence avec tant de prépondérance, d'un bunal

arbitral

ou Allemagne s'en

l'alternative

suivante

tiendrait à

son refus

collaborer à la question, et

présenterait

ses

ou

contre-propositions.

et sérieuses discussions qui

coup

cadre de la Conférence,

le

fut adoptée, ce qui permit

de clore les

1

du

travaux de la

toute part on sut gré

et cesserait

elle s'associerait

longues

A

tri-

présentait

se

:

de

au projet suite

la

de

dépassaient de beau-

la

deuxième solution

du côté allemand, troisième commission. De reste,

à l'Allemagne de

cet

Comp. Wehberg, Haager Friedenskonferenz,

esprit

p.

de

6 et suiv.

:

«lorsqu'à la séance historique du comité du 9 juin 1899, Asser, le

comte Nigra

et

"Descamps (nous voudrions ajouter aussi

suisse Odier), eurent fait appel en conciliation de Zorn, en vertu de la

termes cordiaux, à

Je

délégué

l'esprit

de

grande responsabilité du comité

Zorn parvint, grâce à un du droit international, à convaincre l'Allemagne d'accepter au moins la Cour arbitrale permanente. » devant

l'histoire et

devant

les peuples,

esprit de décision éternellement glorieux devant l'histoire


329

conciliation qui sut triompher des plus graves scrupules,

danger du naufrage absolu de

et ainsi le

fut écarté

*

la

germes de

est impossible, en recherchant les

Il

Conférence

».

la

guerre, de passer sous silence cette opposition de l'Empire

allemand, qui

dans

amener des scènes presque tragiques

faillit

L'homme

la salle des Conférences.

qui,

en qualité de

représentant de l'Allemagne à la Conférence, tenta de jeter sur l'abîme

un pont, quoique étant lui-même

de cette école

rigoureusement positiviste du droit des

gens, où le orientation,

Gouvernement impérial avait

puisait

accompli ce jour-là

la

le

chef

au besoin son plus grande

Ce jugement ne nous appartient pas, de plus compétents l'ont formulé, parmi lesquels... le

action de sa vie.

lui-même.

L'un

a sept ans,

dans

savant allemand écrivait «

à

il

y

un moment

lorsqu'en 1899

il

de sa

de

triompha de

la

admirateurs

lettre

privée

:

un

initiateur,

résistance

allemande

Zorn

vie,

ses

une fut

à la cour d'arbitrage. Depuis cette époque Zorn est en contradiction avec lui-même

;

ou non au mouvement

rallier

Dans l'Empire allemand,

ne

il

sait

pas

s'il

doit se

pacifique.... > l'idée

d'une cour d'arbi-

trage facultative était donc une idée initiatrice, à une

époque où d'autres Grandes Puissances examinaient des propositions concernant l'institution de l'arbitrage gatoire,

Forum

les avaient

élaborées et

des peuples. Et, lorsque

intervenir auprès de son cette concession initiatrice, 1

Zorn,

loc.

cit.

p. 370,

le

obli-

présentées devant

le

délégué allemand osa

Gouvernement en faveur de intérieur, l'homme

dans son for


-

330

avait dû se

séparer du fonctionnaire d'Etat

Ce

lutte.

l'«

une

fut

Ecole de

Bonn

prussien.

que Zorn, fondateur de lui-même habitué à concevoir

Car, bien »,

fût

au progrès des peuples, en preau point de vue national, il sentit, sous l'impression « de la solennité de cette heure où les repré-

les questions relatives

mier

lieu

sentants des Etats civilisés avaient à se prononcer sur

un des problèmes x

posés

»,

qu'il

les plus

ne

lui

importants qui puissent être

était

pas permis de

se

fermer

complètement aux vœux de tout un monde.

Mais huit ans plus

tard,

l'Empire

allemand avait

d'autres représentants dans la capitale néerlandaise.

A

deuxième Conférence de 1907, aucunes concessions en faveur de l'organisation de la paix ne purent être

la

arrachées aux principes Ainsi s'évanouit

d'Etat

le résultat,

de

Donc en 1907, encore

avait cru plus certain que jamais.

une

fois

sances,

et

malgré

le

l'Empire allemand.

que de bien des côtés on

chaud appui des autres Puis-

l'arbitrage obligatoire ne prévalut pas.

M. Wehberg, l'auteur allemand de droit international bien connu, qui se dévoilait peu à peu comme un partisan ardent

des aspirations pacifiques,

s'est,

à

de quelques-uns de ses congénères, amèrement

l'instar

plaint

du sort réservé à l'arbitrage obligatoire, lors de la deuxième Conférence de La Haye « Au lieu du délégué allemand Zorn qui, en 1899, avait rendu de si grands services et aurait peut-être pu aider la Conférence à passer le point mort, on avait précisément envoyé d'au:

tres

hommes, 1

le

baron Marschall

et

M. Kriege,

Tiré du discours de Zorn à la séance du 9 juin 1899.

qui


-

331

certes firent preuve de brillantes qualités

au service de

mais n'étaient pas enclins à des concessions en faveur de cette question de l'arbitrage obligatoire.... Si en l'Etat,

dehors de l'Allemagne,

presque tous les Etats

s'effor-

çaient de faire triompher cette idée, cela prouve qu'elle

Les représentants allemands

à maturité.

était arrivée

qu'avec

croyaient

de l'arbitrage obligatoire

la victoire

on cherchait avant tout à domaine juridique, mais en

réaliser

politique et moral.

du

Il

faut,

un

progrès dans

reste, se

le

un progrès

réalité c'eût été

garder de sépa-

Conférences de la paix de cette grande idée à

rer les

laquelle elles doivent leur naissance, soit le

Si l'arbitrage obligatoire

pacifiste...

mouvement

en lui-même, n'est

qu'une suite naturelle du raffermissement de l'organisation internationale,

pour

l'instant

seulement en

toutefois la constatation formelle, à la

rence de la Haye, que

eux

était

bitrage

la

confiance des peuples entre

assez grande pour que l'on pût instituer

obligatoire,

aurait

eu sans

valeur morale, et aurait contribué fortifier la confiance réciproque.

tative avorta,

équivaut à une

Conférence elle-même, que pouvoir accepter défaut

1

une fait

de plus à

fois

que

cette ten-

preuve fournie

par

la confiance nécessaire

l'arbitrage

obligatoire

l'ar-

une grande

faisait

la

pour

encore

.

la

assez

Le

doute

l

Certainement; mais

que

formation,

deuxième Confé-

classe

clair

dirigeante

dans

Hans Wehberg,

renzen, p. 30 et suiv.

l'âme die

il

faut reconnaître

d'Allemagne de

l'humanité

Abkommen

ne

avant tout voyait

moderne.

pas

Le

der Haager Friedenskonfe-


Keim

général von «

rêverie

se

sentimentale

plaignait

Dans

».

être,

souleva

il

en somme,

le

rance de la paix à

question

cette

s'adonnât à la

groupe

le

nomme

de l'association militaire qui se verein»,

qu'on

:

«

de

Cassel

Deutscher Wehr-

«

quel peut bien

but pratique de la fameuse Confé-

La Haye?

Il

est regrettable d'avoir

consacré 100 000 marks à la construction du Palais des Conférences,

aurait

il

mieux valu donner cet argent à » Puis, au mois de mai de la

des vétérans besoigneux.

même

année, ce

générale de cette

breux public,

magne le

était

même héros prétendit à l'assemblée même association, devant un très nom-

que tout mouvement

dangereux.

— Or,

Deutscher Wehrverein,

pacifiste

en Alle-

cette création toute récente,

s'était

accru dès la première

année de son existence, de 50 000 membres particuliers et

de 190 000 membres

magne ne

affiliés

collectivement.

paraissait pas en danger de devenir

time du pacifisme

Le journal

«

Reichsbote»

a,

mars 1913

de l'Allemagne

et

vic-

quelques années plus tard,

La Haye, mais encore

vant, le 14

L'Alle-

une

!

mis en lumière, non seulement échecs de

:

«

les

conséquences

des

en

écri-

leur origine,

Les dépenses considérables

de la France pour l'augmentation de

l'armée, le constant accroissement des flottes de

en Europe, ne permettaient pas de douter que

combat

les idées

sur lesquelles se basaient, en leur temps, les Conférences de la paix à

La Haye,

n'eussent été dépassées par

Le point de vue belliqueux dans le monde a, depuis bien des années, rudement réfuté les objections mo-

l'histoire.

rales des

amis absolus de

mondiale ne

signifie

pas

la paix...

l'ordre,

mais

la soi-disant paix le chaos... »


— Et

dans

Les milieux

«

du peuple assagi

l'attitude

lusion.

333

fut aussi

les plus vastes

désil-

pays de langue allemande, se montrèrent abso-

les

lument indifférents aux travaux de

La Haye.

rence de

la

deuxième Conféque débute

C'est en ces termes

»

livre d'Alfred Fried plissait

une

de la population,

K

«

le

Le grand devenir qui s'accom-

pendant

l'été

1907

peu

l'ont

reconnu. Plus tard seulement, la

daise, bien

dans

la

Résidence hollan-

masse comprit quelle lutte sublime pour le progrès s'est déroulée à La Haye, durant ces quatre mois mémorables. » Et après avoir approfondi, en un ouvrage de 200 pages, les antagonismes d'opinions, il en vient « C'est donc l'Alleaussi à conclure par ce jugement magne qui est responsable, si l'année 1907 n'a pas vu l'adoption de l'arbitrage obligatoire... Par son atti:

tude obstinée et irréconciliable

prononcée

d'une

majorité

vis-à-vis

de la volonté

compacte,

d'Etats

auxquels

appartenaient les plus grands d'entre les Etats civilisés,

l'Allemagne n'a pas augmenté les sympathies qu'on a

pour

elle

dans

monde.

le

que

plus grande faute

Cette

attitude

la politique

mise à l'époque postbismarckienne.

Nous ne voulons des

et autrichiennes.

rien ajouter

ici

constitue la

allemande

ait

com-

»

à ces voix alleman-

Cependant pour compléter, relevons

encore qu'à la deuxième Conférence de La Haye, on avait tenté finalement d'établir une convention d'arbitrage obli1

Alfred H. Fried, die zweite Haager Konferenz, Leipzig, 1907,

p. 201.

dans

On

les

loc. cit,

peut se renseigner sur l'attitude du Reichstag allemand

copieuses notes marginales de Mad. Bertha v. Suttner;

surtout vol.

II.

p. 29.


-

au moins pour

gatoire, tout

Que cela

Monsieur

32 Etats qui la désiraient. von Bieberstein ait appelé

les

Marschall

une tentative de

334

à la minorité,

faire violence

et dé-

que l'adoption d'une telle proposition mettrait en danger l'avenir des Conférences de La Haye que d'autre claré

;

majorité ait

part, la

renoncé, pour sauver ces Confé-

une organisation qui aurait provoqué

rences, à créer

désapprobation de l'Allemagne,... ce sont là des historiques

découlent

qui

Conférence de

des

vantage

par

;

contre,

nement

de

l'Empire telle

de nous en préoccuper da-

d'Etat

a-t-il,

dans

débats de la Conférence de

tionale,

quel but

«

les

Gouver-

le

poursuivi,

1

en

Les hommes politiques protocoles

La Haye,

officiels

des

les clefs

de cer-

la vie politique

interna-

dont l'Allemagne n'aura aucune raison

satisfaite.

Au

:

en somme,

événements ultérieurs de

tains

que Fried

question s'impose,

attitude ?

sûrement

trouveront

la

hommes

soumit alors aux adoptant une

deuxième

de la

Haye.

la

n'est pas nécessaire

Il

actes

la

faits

d'être

»

titulaire

du prix Nobel pour

la paix,

nous pou-

vons répondre aujourd'hui, que nous cherchons

ici

ces

clefs

L'attitude

ère de la (olitique

ondiale.

du Gouvernement allemand à

la

première

Conférence de La Haye fournit la meilleure preuve que }'E

m pi re

pement. 1

envisageait pour l'avenir un puissant dévelop-

Les dirigeants de l'Allemagne se proposaient

Fried. loc.

cit.

p. 200.


-

335

de ne reculer devant rien pour réaliser cette ambition politique, militaire

Pour marcher avec

économique.

et

sécurité vers le but posé,

comptaient s'en tenir aux

ils

anciens moyens de la politique,

et

pour cela

ils

pouvaient

s'appuyer en toute tranquillité sur les ressources physiques,

matérielles

l'Europe

pour

encore menacé.

«

et

morales

du peuple. Le repos de

le

moment

La

ne s'en

trouvait

pas

paix ne sera jamais mieux garantie

avait affirmé l'Empereur Guillaume avant la Confé-

rence de

La Haye

que par une armée allemande

bien préparée à l'attaque et au combat.

Au

commença

tournant du siècle

1

»

la période

aiguë

de luttes, désormais latentes, contre les rivaux de l'Al-

lemagne; l'Empire de

«

l'Entente

»

était

entouré d'adversaires. Les ponts

que l'Angleterre avait

sur la France

jetés,

d'abord, puis sur la Russie, enserraient le bloc formidable

des Puissances Centrales,

que Bismarck avait autrefois

forgé pour servir de base au développement de la Puis-

sance allemande. La

future

dorénavant une politique de

politique force,

par l'Allemagne, qui veut vivre parmi Puissances en jeune géant,

et cela

européenne sera

en général stimulée le

Concert des

à sa manière.

Depuis que l'Allemagne avait entrepris une

poli-

Gouvernement ne pouvait, avant

tout,

tique mondiale, le

plus admettre que d'importants accords politiques fussent

conclus sans que Berlin eût été consulté préalablement.

De

cette

décision

naquit la

crise

allemand ignorait volontairement

1

Discours du 7 septembre 1898.

du Maroc: l'Empire

le traité

de 1904 entre


336

l'Angleterre et la France

1 ;

il

ne s'y sentait pas

Gouvernement de l'Empire n'admit pas en avant par

la

France

:

que jusque

lié.

Le

mis l'Allemagne ne

ce prétexte

là,

nullement souciée de la politique méditerranéenne.

s'était

Lorsqu'au commencement de 1905, la Russie parut suc-

comber en Mandchourie, le prince de Bulow estima que moment était venu de souligner son droit de prendre

le

part à la conversation concernant les affaires du Maroc.

Le voyage de l'Empereur à Tanger

devait exprimer clai-

rement

;

pas à

les intentions de

éclater.

Pour

la

l'Allemagne

première

fois

la

tempête ne tarda

l'Allemagne se mêla

de la politique coloniale française, pour la première fois elle se

présenta tout équipée devant les Puissances qui

la « cernaient. »

sistance

En

française

présence de cette attitude,

s'écroula,

des

ministre

le

la

ré-

affaires

étrangères fut congédié, et lorsque la France et l'Angleterre durent

s'accommoder de

l'Empire allemand prouva la nouvelle et

La

la

Conférence d'Algésiras,

dangereuse situation.

volonté de

à la hauteur de

qu'il était

l'Entente était

2

\)

risée

de la France soignait les blessures que le

;

l'allié

russe

lui avait faites

Japon, et en 1906, la politique maritime de l'Alle-

magne procéda à

la

construction

de

dreadnoughts

et

de torpilleurs.

Peu après,

l'Allemagne

intérêts en Orient,

par dessus tout, 1

Voy.

2

Comp.

p.

119 p.

85

triompha encore

une nouvelle épreuve:

adversaires dans

ceux de son

le prestige

202

de

ses

fois

ses

austro-hongrois, et

de la Triple- Alliance étaient

et suiv. et

allié

cette

et suiv.


Lorsque

en jeu.

la

337

bosniaque éclata,

crise

longtemps que l'époque

était passée,

il

tendait qu'il ne lisait jamais le courrier d'Orient.

que

difficulté

l'annexion

des

deux

causa à l'Allemagne, consistait en

y avait

où Bismarck pré-

La

la position

seule

turques

provinces

ambiguë

l'Empire en tant qu'allié de l'Autriche-Hongrie

de

et

protecteur de la Turquie. Cette situation contraignit en

1908

nexion.

Bulow à

chancelier von

le

Une

allemand,

déclarer au Reichstag

su de l'époque ni de la forme de l'an-

qu'il n'avait rien

fois le

Sultan tranquillisé,

par ses déclarations

et

le

Gouvernement

son attitude, mit

les

adversaires de l'annexion dans l'alternative de reconnaître le

nouvel état de choses ou de relever

sances Centrales.

au fourreau,

*

De nouveau

et bientôt après,

Reichstag un

senta au

projet

le défi

des Puis-

l'épée de l'Entente rentra le

Prince de

Bulow

pré-

d'impôts qui demandait

500 millions pour l'armée. 1

Comp.

brochure de

p. 86-87,

Tommaso

236 et suiv. jugement de

152 et

suiv.,

Tittoni

(le

Il

faut lire dans la

l'histoire sur la res-

ponsabilité de la guerre) les deux chapitres sur la crise de 1909. Les renseignements inédits de l'ancien Ambassadeur italien sont du plus haut intérêt, car ils prouvent qu'au moment où l'Italie cherchait, de concert avec l'Angleterre, à solutionner le conflit par le

moyen

ainsi

le plus

normal d'une Conférence internationale

une situation

stable, l'Allemagne, avertie

et

de créer

de ce projet,

le fit

avorter immédiatement. Elle arracha à la Russie, par une démarche

diplomatique très énergique,

Bosnie

et

le

consentement à l'annexion de

de l'Herzégovine. Plaçant ainsi l'Europe devant un

accompli, elle pouvait déclarer à

Conférence des Puissances

était

Rome que désormais

la

la fait

convocation d'une

inutile. Cette solution

brusque n'a pas été sans laisser un ressentiment des plus dangeet dont l'influence sur les événements de 1914 est difficile à

reux

évaluer. 22


— Maintenant que

338 France

la

était surveillée

que l'Autriche-Hongrie avait remporté dans

une

victoire diplomatique

sance militaire sur terre la politique

orientale

programme

toute

et

que

sur la Russie,

sur

mer

au Maroc,

les

Balkans la puis-

touchait à son apogée,

allemande pouvait rayer de son

Paul Rohrbach

hésitation.

dit: «

A

Gonstantinople se croisent des intérêts politiques russes et allemands...

Nous avons

intérêt à ce

l'Asie antérieure encore inexplorés,

loppement économique,

si

que ces domaines de propices au déve-

si

précieux pour

le

ravitaillement

de notre pays, par l'importance de leurs matières premières, coton, laine et pétrole, que ces domaines restent

ouverts au

au Rohrbach

allemand,

capital

commerce allemand.

»

allemand,

travail

au

encore allusion à

fait

la lutte vitale entreprise contre l'Angleterre

:

«

Nous avons

encore intérêt à ce qu'en Asie antérieure, une Puissance

indépendante reste cer

là,

par laquelle nous puissions exer-

une pression sur l'Empire britannique à son

le plus sensible,

Si nous ne

à

la frontière

réussissons

point

de l'Inde et en Egypte.

pas à trouver un

point

d'où

menacer les intérêts vitaux britanniques, nous serons condamnés à un désanous puissions, de notre

côté,

vantage constant vis-à-vis de l'Angleterre.

les

problèmes

présentaient à la politique mondiale

allemande,

Ces qui se

» *

phrases

quelques

esquissent

au commencement du siècle. Après les préparations économiques et autres en Turquie, dont nous avons déjà parlé, le futur

à

chemin de

la pénétration pacifique 1

Wochenschrift

:

fer de

Bagdad devait

de l'Orient*

Deutsche Politik du

l

et or

devait

mai 1916.

servir

aussi


— conduire, en réalité,

A

nique.

339

au cœur de

la première concession de

société allemande

avait

obtenue

puissance

britani-

voie ferrée,

qu'une

la

en 1888, succédèrent

d'autres embranchements, en 1893, 1903,

1908

1911:

et

l'entreprise partant de la partie orientale de la Méditer-

devait

ranée,

créer

une communication avec

Golfe

le

Persique en passant par Bagdad et donner à la vie éco-

nomique de

la

Turquie une nouvelle

et

grandiose artère.

Ce projet engendra l'un des conflits les plus aigus et les plus profonds avec l'Angleterre, qui

nace pour sa situation en Perse, au

y voyait une mepied du rempart

de l'Inde, pour l'Inde même, pour l'Egypte et pour

le

canal de Suez. Depuis longtemps, tout ce qui, dans l'Empire ottoman, était considéré

sivement à

la

comme

appartenant exclu-

domination de l'Angleterre

et

de la Russie,

de plus en plus tombé sous l'influence allemande.

était

Maintenant

le

bras de l'Allemagne semblait s'étendre

jusqu'au cœur de la situation universelle de l'Angleterre. 1

L'expansion croissante des Allemands rencontra la méfiance toujours plus 1

vive de

ses

adversaires

2 .

La

Comp. Alex. v. Mûller, loc. cit. p. 818. Comp. aussi Cari < Zum « Unser tûrkischer Bundesgenosse » dans

H. Becker

:

:

geschichtlichen Verstandnis des grossen Krieges

Le chemin de

« *

en février 1911

fer

est le

de Bagdad frère

— écrivait

Gabriel Hanotaux

du plan naval qui décida de

construction hâtive des dreadnoughts allemands.

pourquoi l'Allemagne se lançait,

».

si

On ne

la

vit d'abord,

précipitamment, dans ces affaires

L'Allemagne prépare de loin ses positions stratégiques en vue d'une opération militaire ou diplomatique

gigantesques

et coûteuses.

à large envergure, qui paraît, bien décidément, dirigée contre l'Angleterre

:

un énorme croissant allonge ses deux cornes sur

le

monde,


— «

poussée vers l'Est

»

340

de l'économie nationale

menacer

politique allemande, semblait devait,

garantir

disait-on,

poussée

cette

la

matie russe accorda toute

liberté

Mais

Europe.

Potsdam

russo-allemands de 1911,

que

:

en 1911, la diplo-

à

la diplomatie alle-

On

sur la route de Bagdad.

après les pourparlers de

se

en

paix

de la

et

équilibre qui

puissante pour braver la force

était assez

de résistance de la Triple-Entente

mande

cet

la

prétendait

même,

après les accords

et

Russie commençait à

détacher de la Triple-Entente.

De

ce jour,

on se

mit à négocier entre Grandes Puissances, jusqu'à ce

que l'Allemagne

ait

obtenu entière satisfaction sur la

question du chemin de fer de Bagdad

1 .

En même temps

on chercha, jusqu'au déchaînement de

la

guerre,

les

moyens de parvenir entre l'Angleterre et l'Empire Allemand, à une convention qui aurait tenu compte des besoins de développement des Allemands et des intérêts anglais,

et

aurait

armements de

rendu possible une limitation

la flotte.

Mais

les

des

Puissances en présence

ne pouvait laisdeconstamment sans trembler

étaient si formidables, qu'aucune d'elles

ser son bras s'affaiblir,

depuis la mer du Nord jusqu'au Golfe Persique.... » Revue Hebdomadaire. 1

que l'Abassadeur Tittoni le 24 juin 1915 « Ainsi, par une étrange contradiction, par une cruelle ironie, la guerre a éclaté, non pas tandis que s'agitaient entre l'Allemagne et les autres nations des conflits d'intérêts, mais seuleC'est en faisant allusion à ce

fait,

a pu affirmer dans son discours prononcé au Trocadéro :

ment après que toutes les questions qui, impliquant des questions d'intérêt, auraient pu la provoquer, avaient été pacifiquement réglées

»...


-

-

341

Le Concert des Etats Européens ne connaissait encore aucune garantie juridique pour vant son adversaire.

l'existence ultérieure des peuples; l'unique sécurité con-

dans la

sistait

toujours plus

La

force,

il

fallut

donc serrer

les

poings

fort.

du Maroc, en 1911, se dénoua sans catasau mécontentement des deux parties l'Allemagne et la France. Pendant six mois, l'Europe crise

mais

trophe,

:

à deux doigts de la guerre, tandis que la France payait aux Allemands un tribut pour sa sphère

avait été

en

d'influence

Afrique,

tribut

que l'opinion publique

allemande trouva généralement insuffisant. Dans

cette at-

mosphère d'orage, la mission Haldane envoyée à Berlin pour amorcer de meilleures relations, semblait un canon météorologique impuissant à empêcher le nuage de crever 1 En cette même année 1912, la mise en état d'une troisième escadre allemande composée des nouveaux sous-marins, paraissait mieux appropriée aux cirune nouvelle loi concerconstances. Suivirent encore .

:

nant

le service militaire

;

en 1913, la création d'une

flotte

aérienne et l'adoption de la dernière et de la plus formidable loi visant l'augmentation de l'armée.

Peu avant

cette

époque, l'Empereur

d'Allemagne

avait coutume, après les chasses de Dôberitz, pendant que les

chiens se

cercle

pressaient

autour du sanglier, de tenir

au milieu des hôtes de

suivaient d'un œil intrigué

1

français,

Voyez

p.

232

et

durait

et suivantes.

Les

invités

une conversation qui avait

lieu assez régulièrement entre le

militaire

la chasse.

Monarque

souvent une

et l'attaché

demi-heure.


En

à

rentrant

342

cheval

nous

occupe

qui

aujourd'hui,

Guerre en France, une place tout songeur

-

entendions

à

cet

L'Empereur Guillaume aime

:

proposé de mourir Empereur pacifique,

vivre

comme

dans

notaux avait

en 1909

écrit

:

Tout

il

de sur-

et

monde

le

la

répéter

— Et M. Ha-

l'histoire universelle. «

la paix,

s'est

tel,

de

direction

la

importante

très

officier

est d'ac-

cord pour reconnaître que l'Empereur Guillaume est un pacifique... Il

a

Dans

ses preuves.

fait

les crises qui se

sont produites entre l'Allemagne et les autres Puissances,

on s'entend à reconnaître dangereuses

solutions

qu'il

et

qu'il n'a

a

pas poussé aux

même

parfois hésité

avant de se prêter aux démarches risquées. Ce sont des garanties

dont l'Europe a besoin, au

graves problèmes

sieurs

de nouveau

».

le

moment ou

et la crise

même

dent jugement:

du Maroc

lliqueux.

peu

effet

était déjà résolue,

auteur confirmait en 1912, son précé-

L'Empereur Guillaume a donné des

«

preuves peu douteuses de son esprit pacifique

..'esprit

plu-

posés ou vont se poser

Ces problèmes se posèrent en

de temps après lorsque

sont

1

...».

Lorsqu'à la première commission de la première Conférence

de

La Haye, on discuta armements

d'une suspension des

proposition

la

russe

militaires, le délégué

allemand, colonel Gross von Schwarzhoff s'adressant à

ceux qui se plaignaient des charges financières écrasantes,

prononça

la

mand ne succombe 1

Hanot&ux,

phrase suivante

pas sous

loc. cit. février

le faix

1912.

:

« le

peuple

de ses impôts,

il

alle-

n'est


— pas au bord de l'abîme,

sement

et

de la ruine.

-

343

ne va pas au devant de l'épui-

il

Au

contraire

».

Bientôt la terre

se referma sur ce projet éphémère, qui prétendait arrê-

développement des forces militaires en

ter le formidable

Europe.

Nous retrouvons donc cher qu'on opposât et

Un examen une

lement

avant tout

la volonté

déterminée,

politique

idée

et essentiellement

à sa place dans

la progression

l'Em-

de cette thèse, qui ne reflète pas

le

Par contre,

mais

ne serait guère

cadre de notre concise étude le

nous incombe,

devoir

du moins en lumière

position

la

seu-

exprime

une conception universelle

(Weltanschauung) bien caractéristique rique.

absolue d'empê-

la puissance militaire de

à l'emploi éventuel de

pire.

ici

moindre obstacle à

le

spéciale

histo-

de mettre de

l'Alle-

magne dans ces questions de principes, parce qu'elle a, nous en sommes persuadés, fortement influencé sinon dirigé le cours des événements.

Ce qui se

n'est pas

trouve

seulement

dans

monde contemporain.

A

le

Gouvernement de l'Empire

isolée vis-à-vis du un point de vue plus général,

cette

position

un courant d'hommes

s'y accroche, dont le recrutement

commence auprès des

nationaux-libéraux, augmente pro-

gressivement

dans

les

partis

de

droite,

pour

trouver

enfin ses adeptes les plus unanimes, en dehors des partis

parlementaires,

les

noms

parmi

les associations

connues sous

de: Alldeutscher Verband, Flottenverein,

Wehr-

verein, et d'autres organisations semblables.

Au

lieu de tenter d'analyser

spirituelle de ces

nous-même

la

tendance

groupes composés d'hommes passioné-


— ment

-

344

nationalistes, défavorables par principe, à tous les

problèmes modernes internationaux, nous préférons

Nous

ser la parole à leurs représentants.

dans ce but, d'un recueil de avant

le

déchainement de

connu

droit bien

et très

pold, sous le titre

nous ne parlerons pas à la

excitation

insensées pour

le

de

ici

«

un an

professeur de

Dr

estimé en Allemagne,

1

chauvinisme

Nip-

Mais

de banale

»

non plus que des exigences

guerre, le

par

Le chauvinisme allemand

«

:

la guerre,

ferons usage,

publiées

citations,

lais-

renforcement de l'armée, ni des inju-

res souvent sordides, que de grands organes de la presse

des

Etats

voisins

nous

:

civilisés

lancent

à une

livrer

1

résultats analogues Stuttgart,

Berlin,

comme

enquête semblable etc., 2 .

Leipzig

nous

qui

Dans 1913.

des

face

la

autrement nous aurions dû,

France, en Angleterre,

à des

à

en Russie, aurait

tous les

Dans

peuples

de juste,

la

en

conduit

pays som-

préface

de son

Sans aucun doute, au cours de la dernière décade, le chauvinisme a considérablement augmenté en Allemagne.,. Beaucoup d'Allemands m'ont exprimé leur étonnement de ce que l'âme populaire germanique se soit modifiée de fond en comble ces dernières années. Je puis aussi constater par ma propre expérience, qu'en rentrant en Allemagne après une longue livre,

Nippold

dit

«

:

absence, je fus étonné de cette transformation de l'âme populaire,

en ce qui concernait les questions nationales... > — Nous trouvons « Par suite de cet état, il semble que dans dans la conclusion la population d'aucun autre pays, l'on ne parle autant de la guerre :

qu'en Allemagne. Devant cet éternel bavardage belliqueux, on a l'impression

de vivre

dans une atmosphère grosse de menaces

guerrières. » 2

Par contre, à ces messieurs du ministère des

gères à Vienne,

qui ont établi

le dossier

affaires étran-

contre la Serbie et ont,


-

345

meille un sentiment d'honneur national suraigu qui est

toujours prêt,

même

un incident en

si

cela — à

sans

fournit l'occasion

livrer envers

se

— ou

peuple voisin

le

ou son Gouvernement, à des accès de colère haineux. D'autre part,

il

se trouve dans toutes les nations,

cer-

tains milieux, qui, à la poursuite de buts politiques, cher-

chent, par dessus les têtes des chefs de l'Etat, à enflam-

mer

le

peuple en faveur

qu'aucun

ne

sacrifice

d'une action guerrière, parce

leur

paraît

trop

grand pour

la

réalisation de leur idéal. Il

donc

s'agit

d'indiquer aussi

ici

conceptions

certaines

possible,

brièvement

particulières

à

que

l'esprit

conservateur allemand, conceptions qui ne peuvent être

avec

identifiées

le

fanatisme national qui foisonne dans les

autres Etats. Elles vont encore beaucoup plus loin, en aper-

cevant dans l'institution de la guerre, non un éventuel, mais

L'on peut envisager résultat

naturel de

ou avec aversion dans

les

la guerre

toute

avec enthousiasme

bonne éducation

comme

milieux bourgeois

la considère

militaire

habituellement

c'est

de tous les pays

cependant en général, que

un moyen de

moyen

un idéal nécessaire.

parvenir à un

but.

le

— cas

on ne

comme un moyen;

Mais en Allemagne,

nous rencontrons dans certaines sphères, de l'enthousiasme pour

la guerre

tant qu'événement dans l'annexe

un

florilège

chaudement allemands.

1

en elle-même, pour

(livre

rouge, p. 48 et

des voix de la presse les citations recueillies

Ils

la guerre

en

— enthousiasme singulièrement roma-

pourront comparer.

suiv.)

serbe,

présenté

nous

an monde

recommandons

par Nippold dans les journaux


346

-

nesque. Le Courrier de la Jeune-Allemagne, revue pour

dans son numéro du 25 janvier

la jeunesse allemande,

1913, loue la guerre en ces termes la plus

tout

sublime

manifestation

« la

:

sainte de

sonnera bien

Elle

entière...

plus

la

et

une

l'heure magnifique, l'heure joyeuse de

humaine

l'action fois

la

pour nous,

lutte.

En

ces

jours d'attente anxieuse où l'on n'ose encore exprimer sa joie

que secrètement,

cet ancien appel

au combat se réper-

cutera dans tous les cœurs, volera de bouche en bouche „ Avec Dieu pour

le

Roi

et

pour

la Patrie

!..."

:

Oui, ce sera

une heure joyeuse, sublime, que nous pouvons souhaiter dans le secret de nos cœurs. Exprimer tout haut le

vœu

de la guerre est souvent une vaine forfanterie, un

ridicule cliquetis de sabres.

Mais

le plaisir

de la guerre,

le désir qu'on en éprouve, doit vivre en silence

des

cœurs allemands...

Rions donc à gorge

des vieilles femmes déguisées en la guerre et

disent

la

guerre est belle.

homme,

épouvantable ou

Sa sublime grandeur

au fond déployée

qui craignent laide.

élève le

Non

la

cœur de

l'homme au-dessus de la matière et de la trivialité... De telles heures nous attendent. Nous voulons les envisager virilement, sachant bien qu'il est plus beau, plus exquis, lorsqu'elles sont passées, de survivre dans l'église, inscrit

au tableau héroïque, que de mourir inconnu dans

son

lit.

»

L'on ne doit

pas

dit

sacrifier

ici,

sa vie

pourquoi à la

aperçoit au-delà de cette victoire.

pour la guerre c[re

un

;

la

victoire,

quel

résultat

l'on

On demande

la guerre

un moyen

d'attein-

la guerre n'est plus

but, elle est

jeunesse allemande

un oui absolu,


Ou

bien elle remplit

ment de

-

347

un but

civilisateur

:

«

La

guerre, élé-

civilisation, créatrice et soutien des Etats », tel

dans les Berliner Nachrichten du 24 décembre 1912. On lui souhaite là une large diffusion « dans l'intérêt de la lutte contre le pacifisme, malheureusement aussi propagé est le titre d'une publication analysée

neueste

chez nous,

et

de la renaissance de

On

de notre peuple.

fournit

ici

l'esprit belliqueux

d'une façon complète et

avec une rare évidence la preuve que la guerre n'est

un élément, mais l'élément

seulement

pas

principal,

n'est pas seulement la créatrice et le soutien de la vraie

mais que sans elle, une société bien orgaun Etat fort ne peuvent naître, ni se maintenir longtemps... Tandis que l'auteur reconnaît ainsi la guerre comme élément d'une constitution divine du monde, il ne méconnaît nullement les bienfaits de la paix comme facteur complémentaire, destiné à compléter en quelque civilisation,

nisée,

sorte

l'élément principal

tion

la guerre

:

Dans

le

!

de vraie

et véritable civilisa-

>

numéro du 25 octobre 1912 de

la

même

nous trouvons un rapport concernant une assem-

feuille,

blée du groupe de Berlin de l'association pangermaniste, et les

opinions

du principal orateur

teur eut montré que

puissance

la lutte

n'a jamais pu

«

:

Lorsque

pour l'existence

être

sous

évitée,

et

l'ora-

pour

la

n'importe

quelle forme, ni à l'état de naissance ni dans la civilisation la plus élevée,

de cette

lutte.

Il

il

resta

compara hors

de

les diverses possibilités

doute,

que

la

guerre

normale

est

tualités,

non seulement au point de vue biologique

la

meilleure

et

la

plus

noble

des évenet


vraiment

mais

civilisateur,

348

qu'elle devient

abso-

parfois

lument nécessaire pour l'existence de l'Etat et de la société... Un grand nombre d'écrivains militaires et

maritimes participèrent à la discussion qui tant

aux développements de

chef-d'œuvre

mèrent

le

«

morale de

de la

vœu que

suivit, prê-

l'orateur le caractère d'un la

guerre

ces excellentes idées

».

expri-

Ils

fussent large-

ment propagées dans le peuple. » La thèse de la guerre préventive rassemble toujours davantage d'adeptes. Cette thèse veut que l'on prévienne danger,

le

c'est-à-dire la véritable

qu'on écrase versaire «

le

voisin

avant

qu'il

cause de la guerre, ne devienne un ad-

:

Quels sont donc

les

hommes

qui se distinguent le

plus dans l'histoire de la nation, demande la Post du 28 janvier 1912 quels sont ceux auxquels les cœurs allemands portent le plus d'amour? Seraient-ce Goethe, Schiller, Wagner, Marx? non, mais Barberousse, Frédéric-le-Grand, Blùcher, Moltke, Bismarck;

ces rudes

des

hommes

millions

sanguinaires!

Eux

qui

sentiments les plus tendres,

réserve ses

ont sacrifié

de vies, c'est à eux que l'âme populaire

vraiment reconnaissante.

Parce qu'ils

son adoration

ont

fait

ce

que

nous devrions faire maintenant... Et pourtant notre peuple

n'applique

nation

sait,

pas

leurs

principes...

Chacun

que seule l'agression nous sauvera

sait,

et

la

pour-

tant le cri précurseur de cette agression ne retentit pas.

On

l'entend

comme un murmure

cafés. Cette défensive

ne signifie

autour des tables des

allemande est un suicide. La paix

pas seulernent

la

honte, mais aussi la fin

r


Beaucoup savent

349 tous

cela,

l'éprouvent

Et

peut-être.

pourtant! et pourtant!... Mais où est aujourd'hui l'homme qui entraînera

dans

peuple

le

l'arène

pour parler

nous,

Si

secret!...

estimons que la guerre

et

avec

elle,

en

désire

qu'il

d'une façon

générale,

plus grand dé-

le

ploiement de forces nationales dont un peuple soit capable,

est

à la base de

de notre peuple, c'est

l'intérêt

uniquement parce que nous pensons que c'est le seul moyen capable de nous sauver de notre engourdisse-

ment

et

de notre amollissement physique et psychique,

persistant et sans issue... >

Les Hamburger Nachrichten soutiennent aussi

le

point de vue d'une lutte préventive décisive, et estiment le

8 mars 1913, que

vrait «

souligner

«

deux

le

cela

»

et trois fois,

Gouvernement de l'Empire devant

le

peuple

avec toute la franchise désirable

La Rheinisch-Westfàlische Zeitung par flige

qu'au

guerre

:

«

le

9 février 1913...

ah

oui,

Le 12 novembre 1912, on pouvait liche

Rundschau «...

longtemps sur

la race

cède enfin

place

nous Germains,

-

écrivait cette

un beau rêve lire

dans

la

!

»

Tâg-

européenne. et sur

à l'aurore,

de ne

qui pèse depuis

il

si

la civilisation,

nous sera permis, à

plus voir dans

la guerre notre

— les

ennemis de notre race nous affirmé que nous avions fini par le croire au nous devrons reconnaître en elle le sauveur, corrupteur

grande

la

:

Si le crépuscule des dieux,

la

».

s'af-

Cela aurait été une liquidation

sensationnelle entre Germains et Slaves gazette,

contre,

des années 1912-1913,

tournant

ait été évitée

de-

entier

tout

l'ont tant

contraire, le

méde-


-

ne peut pas seul nous

qui

cin,

maux du

corps

délivrer de tous les

de l'âme, mais sans lequel

et

absolument impossible.

est

350

Nous négligeons un

dossier d'autres citations, nous

passons sur l'action de quelques

parmi lesquels de

guerre

néfaste

2 .

1

le

en Allemagne un rôle

action funeste s'associèrent des

politiques de la trempe et de la valeur d'un

dit

la

Frankfurter Zeitung du 11

« colportait

à celui du Gouvernement ou de

Jeu de mots

peut dire que

1913

:

sans doute faux de vouloir identifier cet 3

masse du peuple 1

comme

février

des discours belliqueux. »

Il serait

état d'esprit

hommes

Bassermann,

dans un monde aux aspirations pacifiques,

qui, le

supérieurs,

officiers

général von Keim, lui-même un germe

complet, qui joua

A cette

le salut

»

le

:

.

au contraire,

Il faut,

Keim

la

grande

reconnaître,

veut dire germe, c'est pourquoi l'on

général von

Keim

(aux aspirations belliqueuses)

lui-même un germe de guerre. (Note du traducteur).

était

*

Nippold

fait

îemarquer dans ses conclusions, combien

le zèle

non

seule-

des généraux désireux de

ment

le

fique de

faire la guerre

avait affecté,

Gouvernement contemporain, mais aussi l'Empereur.

Au

de

sujet

ces messieurs font de Bismarck,

il

la

la politique paci-

que Le grand homme de

perpétuelle invocation

observe

«

:

non seulement remis à leur place les hystédu pangermanisme, mais encore il aurait énergiquement interdit qu'on gâchât, avec un tel sans gêne, sa politique extérieure, la Realpolitik, aurait

riques

comme aussi

cela est

de mise aujourd'hui chez

l'œuvre de S. Zurlinden

:

les militaires. » Corep.

der Weltkrieg, vol.

1, p.

48

et

où un critique sagace examine à la loupe la philosophie du général de cavalerie A. D. von Bernhardi et de quelques autres. probablement à cause de leurs Zurlinden nomme ces théories suiv.,

contradictions intimes 3

:

la « superstition »

de la guerre.

Par contre, Nippold considérait qu'une grande partie de

la


-

351

a que, de 1911-1913,

Gouvernement de l'Empire cher-

le

moins en apparence,

cha, du

1

à aplanir pacifiquement

I

tous les incidents,

permit ainsi aux feuilles conser-

et

vatrices les plus en vue, de l'accuser de lâcheté, d'infa-

mie, de naïveté, de crainte ou d'effroi de la guerre. Mais

ne

pouvait-on

que

craindre

Gouvernement,

le

échapper à ces attaques des éléments

pour

les plus fidèles

à

l'Empereur, n'étanchât leur soif guerrière ?

Sans doute

en bien des cœurs,

cette crainte vivait

car une grande partie du peuple allemand avait compris r i |

le

danger. Ecoutons ce qu'en dit

homme doit sie lui

penche mélancoliquement

qui

Et bages

«

Un

Tout

est

et

permet qu'on

accompli Bismarck

empoisonné,

la presse nationaliste. Il faut rendre

appartient

il

la tête,

les exploits qu'aurait

encore

vivait

:

criailleries,

des attaques passionnées, et la bourgeoi-

énumère tous

devons à i

qui méprise froidement ces

d'Etat

tolérer

s'il

Ludwig Thoma

!

»

nous

et

le

honneur, à

2 .

Deutsche Revue de juin 1913 pose sans am-

la

la question

:

«

européenne ?

se trouve le danger qui

menace

cherche à y répondre Les Gouvernements qui songent sérieusement au

la paix «

»

et

:

maintien de la paix, sont absolument conscients d'agir

dans

le

sens des peuples, dont la forte majorité professe

population

sément (Comp. 1

y

infectée

était

par

le

mouvement

chauviniste,

préci-

les classes cultivées, les historiens et surtout... les savants p.

159 et

Car

il

!

suiv.)

faut rappeler

ici les

révélations de l'Ambassadeur

Tittoni. 1

Revue

poisonneurs.

»

«

Mârz

»

du 29 mars 1913

:

sous

le titre

:

«

Les em-


— dans tous

aujourd'hui, fiques;

352 pays,

les

des

sentiments paci-

n'est pas permis d'en douter. Si

il

malgré

cela, ît

des

belliqueuses

dispositions

manifester

paraissent se

uniquement à ce que, dans les milieux irresponsables dont nous avons déjà parlé, on cherche à suggérer plus au moins systématiquement à parfois, cela tient

l'opinion publique

ou

la

d'agitation politique,

que trop

même

danger, voire

le

désirabilité d'une ils

guerre.

Et,

nécessité

la

dans des temps

ne trouvent malheureusement

parmi

d'oreilles complaisantes,

la

masse, igno-

Ce sont donc non des Gouver-

rante des choses de la politique étrangère.

réellement ces milieux irresponsables, et

nements isolés, qui constituent un danger pour européenne ». Si nous arrêtons nos

ment de

la «

appréciations après ce juge-

Deutsche Revue,

que

subsister,

dans

ce

la paix

aucun doute ne saurait

»

nous nous fussions

chapitre,

trouvés en présence d'un germe de guerre.

1913

fut l'année de la haine et de la méfiance.

12 avril de

cette année-là,

dans son journal

:

«

Le

Bertha von Suttner écrivait

Jusqu'ici l'histoire universelle a

enregistrer d'innombrables guerres: bibliques, puniques,

persiques, romaines, napoléoniennes,

kaniques

;

guerres de

jouait autour de

gieuse, dont

guerres de races

territoires,

toutes sortes de choses le

guerres

religion,

guerres de ministères,

résultat

etc.,

de

de

confessions,

mais

fixera

jusqu'aux balconquêtes, la

lutte

se

autour de

la lutte la plus prodi-

le

sort

de l'humanité,


— a

lieu de

notre temps

353

sans que

contemporains

les

puissent en avoir une perception bien nette

régime de

la lutte entre l'ancien

organisation du droit

à savoir

la force et la nouvelle

».

Bertha von Suttner n'a pu voir à quel point avait justement évalué

femme

car cette

la

ferma

perspicace

elle

de son époque,

signification

yeux quelques

les

semaines avant que l'humanité subît son

sort.

1913 était la veille de la guerre. C'était l'année des armements fiévreux, reliés encore à de pestilentielles querelles de presse, surtout entre la France et l'Allemagne, c'était l'année de la Conférence de Berne des :

efforts

pacifiques

des

parlementaires

mands, qui déchaînèrent dans fleuve de mépris et de haine.

la

français

et

alle-

presse chauviniste un

La haute

politique accu-

mulait pendant ce temps d'incessantes complications, et la guerre des

Balkans souligna toujours plus gravement

les conflits entre les tari; le sort

deux groupes de Puissances: Sku-

de l'Albanie, de la Turquie et de la Bul-

deuxième guerre balkanique, résistance de la aux vœux formulés par la Triple-Alliance et exposés par la Conférence de Londres ultimatum de l'Autriche-Hongrie, qui exigeait, dans un délai de 10 garie

Serbie

;

[

jours, l'évacuation de l'Albanie, et contraignit la « freie

Presse

»

à confesser

le

22 octobre, que

la

Neue

Monarchie

n'avait pas été plus éloignée d'une guerre que « la che-

Imise de

la

peau

»...

D'une guerre

!

La guerre

*izon, était déjà cette guerre,

apposée

que

qui était alors à l'hola

moindre résistance

par la Russie à la politique balkanique des 23


354

Empires centraux, pouvait déchaîner Elle

diale.

fut

la

:

parceque la

évitée,

mon

guerre

dans

Serbie,

mépris des décisions de la Conférence

de Londres,

pouvait pas compter

Russie,

conséquent,

mun et

accord

que

avait

cette

le

la

ne par

et

germe de guerre

le

même

le

que

la différence,

Mais

par céder.

finit

en 1913,

était,

de

sur l'aide

son

les

que neuf mois plus fard, avec Puissances étouffèrent d'un com-

danger soulevé par

Russie qui, dans

adhéré aux désirs des

sans parler d'autres motifs

moment-là, assister

les

la question albanaise,

la salle

de

la

Conférence

Puissances Centrales,

ne croyait pouvoir, à ce

Serbes dans une résistance armée

contre l'Autriche-Hongrie.

En 1914

même

l'Europe se trouva en présence du

danger de guerre, soumis à d'autres hypothèses. C'était de nouveau une rude exigence de

bourg vis-à-vis de que n'avait pas torités de la

nettement

la Serbie,

établi le

Monarchie.

le droit

Concert Européen, mais Cette

du côté de

prête à assister ses

l'Empire des Habs-

basée sur un état de

frères

fois,

la

;

les

Au-

Russie aperçoit

Serbie et se

montre

Cette disposition

slaves.

dessine toujours plus clairement

la

fait

se

aussitôt que l'Autriche-

Hongrie met en mouvement ses armées contre Belgrade, l'intention se manifeste aux yeux du monde entier dans par la mobilisation de corps de troupes russes :

sa lutte

contre

l'Autriche-Hongrie,

la

Serbie

aura

le

puissant Empire russe à ses côtés.

Le 31

juillet

universelle, arriva.

1914,

un grand jour dans

Oppressé par

tastrophe imminente,

le

comte

le

l'histoire

sentiment de la car

Berchtold se

retourna/


— encore une fois dans il

engagé.

s'était

Il

-

355

sentier dangereux

le

sur lequel

télégraphia aux Ambassadeurs de la

Monarchie à Londres

à Pétersbourg, que malgré la

et

mobilisation de la Russie,

le

Gouvernement de Vienne

à examiner de plus près la proposition de

était disposé

de Sir Edw. Grey,

concernant une médiation entre

Monarchie danubienne

et

Serbie

la

'.

Et

1 er

le

la

août, le

comte Szapàry se rendit auprès du ministre russe des affaires étrangères,

ment

le

pour

non-seuledisposé à

avec la Russie sur la base la plus large, mais

traiter

spécialement enclin à

encore, était

de la note (de l'Ultimatum à tation

«

était

déclarer que,

lui

Gouvernement austro-hongrois

2 .

soumettre

la Serbie)

le

texte

à une consul-

»

Enfin, après une semaine d'angoisse et cations, l'Empire des

Habsbourg

entrait

de suppli-

dans

de

la voie

la conciliation. C'était le jour de la déclaration de guerre

de l'Allemagne.

cette

à

la

Avant d'exposer en guise de conclusion à ce livre, démarche et l'attitude du Gouvernement de Berlin, lumière des publications allemandes, nous tenterons

de résumer encore une fois les mobiles de l'Empire

et

de les apprécier.

En Décembre

1912,

pangermaniste adopta

un bruyant succès

:

le

comité central de

la résolution suivante, «

Les

événements

la et

Ligue lui

politiques

fit

des

dernières semaines, ont dévoilé la gravité de la situation

Document 51. Comp. aussi mon chapitre Autriche-

1

Livre rouge austro-hongrois,

3

Ibidem

:

Document

56.

Hongrie, note de la page 170.


356

-

du Germanisme tout entier dans l'Europe centrale, et ont clairement démontré qu'il ne pourra échapper à la lutte pour son existence. Partant de cette persuasion, le

comité de la Ligue pangermaniste est d'avis que l'Em-

allemand ne doit pas permettre l'affaiblissement ou

pire

l'écrasement de

l'Autriche-Hongrie.

Il

aperçoit dans

poussée serbe contre la Monarchie danubienne,

le

la

com-

mencement d'une agression générale du slavisme contre germanisme.... K» La volonté ferme de prendre défini-

le

tivement

dessus sur la Russie, dans la politique bal-

le

kanique, et

besoin

si

est,

avec l'aide de la force armée,

apparaît en toute évidence. Car

il

devient dès maintenant

impossible de douter que la formidable armée allemande

à servir d'instrument à la politique, pour

soit destinée

assurer les

buts mystérieux d'un Empire. L'idée que

l'armée allemande devra, un jour ou l'autre, briser les

chaînes qui l'entourent, devient peu à peu un

en Allemagne

2

D'où

.

cette

fière

allemande absolument prête à

allemande dressait devant le

ministre de

la

guerre

épigraphe

la guerre »,

;

que

«

dogme L'armée

la presse

du monde, lorsque von Falkenhayn eut rendu la

face

compte au Reichstag le 5 mai 1914, de la façon dont le projet de loi de 1913 pour le développement de l'armée, s'était traduit

Les

en

réalité.

documents

du Gouvernement

impérial,

qui

appartiennent aux archives historiques de la guerre mondiale,

avril

s'expriment tout aussi clairement que la résolution

1

« Leipziger

2

Nous

> du 2 mars 1912. un passage de la « Post » du 25 1913, qui se rapporte aussi aux autres germes de guerre,

Neueste Nachrichten

citerons ici encore


-

357

pangermaniste

de la ligue

-

que nous venons de

eiter.

Le 28 juillet 1914, le chancelier de l'Empire écrit aux Gouvernements des Etats confédérés « Le but final de :

l'agitation panslaviste exercée contre l'Autriche-Hongrie,

au moyen de

tend,

de la Monarchie da-

la destruction

nubienne, à briser ou à affaiblir la Triple-Alliance, ce qui

conséquence

pour

aurait

Ce principe

mande

le

le

*.

posé, la diplomatie allemande s'efforce

conflit

;

seule V existence de l'armée alle-

que

protéger l'expédition justicière

doit

de

plus pressant nous

aux côtés de l'Autriche-Hongrie

appelle donc

de localiser

complet

l'isolement

l'Empire allemand. Notre intérêt

entreprend contre la Serbie

«

l'allié

car toute immixtion d'une

< Un grand peuple, mentionnés dans nos précédents chapitres comme le peuple allemand, et toujours en augmentation rapide, :

peut-il

longtemps renoncer à poursuivre son développement et à puissance? Pourrons-nous longtemps nous contenter de

élargir sa

nos colonies actuelles insuffisantes et de notre situation menacée au centre de l'Europe?.... La politique de résignation et de renon-

cement que nous avons pratiquée depuis des années,

il

nous faudra

sous la pression de la volonté nationale, la transformer en une politique qui poursuivra des buts définis situation en

Europe

et l'Angleterre

;

centrale,

:

le

renforcement de notre

la liquidation finale

avec la France

l'élargissement de nos possessions coloniales, pour

procurer au trop plein de notre population, de nouvelles résidences

allemandes; l'acquisition de points d'appui pour notre

flotte; con-

tinuer le développement de notre puissance active, pour le mettre

en rapport avec l'accroissement des forces ennemies. Tels sont problèmes

qu'il faudra

d'une guerre n'est donc nullement exclu, mais probable, 1

dans

les

poser à l'avenir le plus proche.... Le danger

ces circonstances

».

Livre blanc allemand, annexe 2.

au contraire

très


— Puissance

autre

358

en

entraînerait,

raison

des

diverses

obligations que comportent les alliances, des conséquences

impossibles à prévoir

»

1

Mais

.

en mobilisant

la Russie,

quelques corps de troupes,

a donné à entendre qu'elle

ne laissera pas

en

la

Serbie

prouve pas seulement que

que l'Europe

à

est

plan.

Cette

mesure ne

la localisation est impossible,

de la guerre mondiale

la veille

troupes russes constitue, aux

mobilisation de

Gouvernement de

Berlin,

un symptôme à

;

la

yeux du

ce point sus-

que d'après les conceptions allemandes, toute médiation entre Vienne et Pétersbourg doit sombrer dès pect,

Toute tentative de

cet instant.

dans

diplomatie allemande

la

d'une localisation du

l'intérêt

conflit,

devient alors

illusoire.

Jamais l'Allemagne n'avait eu l'intention d'empêcher la guerre entre

l'

Autriche-Hongrie

et la

Serbie,

même

pas en considération de la possibilité d'une conflagration

européenne à notre

:

«

Nous pûmes

alliée

affirmer

du fond du cœur

que nous étions d'accord avec son ap-

préciation des circonstances, et l'assurer qu'une qu'elle tiendrait

pour nécessaire, afin d'arrêter

vement organisé en Serbie contre narchie,

rencontrerait notre

action

le

l'existence de la

approbation.

Nous

mouMo-

étions

aussi parfaitement conscients, qu'une éventuelle tervention à

main armée de l'Autriche-Hongrie contre

la Serbie, amènerait l'entrée

pouvait en outre nous suite de 1

ibid.

in-

nos obligations

en scène de la Russie,

et

engager dans une guerre, par d'alliés.

Cependant, reconnais-

Le Chancelier de l'Empire aux Ambassadeurs impériaux, Annexe 1 b.


359

sant que les intérêts vitaux de l'Autriche-Hongrie étaient

en jeu, nous ne pouvions pas conseiller à notre

alliée

une condescendance incompatible avec sa dignité, non plus que lui refuser notre assistance en ces moments le pouvions d'autant moins, que les difficiles. Nous

menées persistantes de intérêts

la Serbie,

au plus haut degré

Non seulement d'honneur allemand,

l .

les intérêts «

le

menaçaient aussi nos

»

allemands, mais

prestige

»

point

le

étaient en jeu. C'est

pourquoi l'Ambassadeur austro-hongrois à Pétersbourg

24 juillet, déclarer au comte Berchtold Mon collègue allemand a tout de suite fait remarquer que l'Allemagne, de son côté, ne pouà M. Sazonow vait accepter non plus une exigence qui était en conput

déjà,

le

:

«

avec la dignité de son alliée, en tant que Grande Puissance. 2 » Maintenant que le point de vue allemand ressort clairement des sources que nous avons citées, nous

tradiction

n'avons plus qu'à mettre en lumière l'attitude de

magne à

la veille de la

bord passive

:

contre

solution

toute

caractérisée

Mais tout-à-coup

par une résistance évidente

pacifique

du

conflit

balkanique.

Gouvernement de l'Empire

le

jusqu'à une action

:

la

allemand qui nous renseig-

nera sur les mobiles de cette politique passive

1

pire

Le 26

juillet,

Edward Grey

Sir

Livre blanc allemand

;

et active

:

avait proposé de

mémoire du Gouvernement de l'Em-

au Reichstag. *

se hausse

déclaration de guerre à la Russie.

C'est encore le livre blanc

«

l'Alle-

guerre. Cette attitude est d'a-

Livre rouge austro-hongrois N° 16.


— soumettre

les

360

divergences entre l'Autriche Hongrie et

Serbie, à une Conférence des Ambassadeurs d'Allemagne, de France et d'Italie, siégeant sous sa Présidence. En présence de cette proposition, nous avons déclaré, bien que nous approuvions sa tendance, que nous ne pouvions participer à une Conférence de cette sorte, parce qu'il ne nous était pas possible de citer devant la

un

tribunal européen,

l'

Autriche-Hongrie, à propos de ses

différends avec la Serbie » K

Le 29 juillet, l'Ambassadeur d'Allemagne àPétersbourg russe des affaires étrangères, un entretien dont il rendit compte télégraphiquement en « Le ministre tenta de me convaincre d'inces termes 2 sister auprès de mon Gouvernement pour qu'il participât à une conversation à quatre, dont le but serait de trouver les moyens d'engager amicalement l' Autriche-Hongrie à renoncer aux exigences qui touchaient à la souveeut avec le ministre

.

raineté de la Serbie.

En

acceptant seulement de rendre

compte de notre entretien, de vue que, la Russie

je

fatalo de la mobilisation, tout jet

me

paraissait bien

possible

Le même jour

3

told

la

à ce point

démarche

échange d'idées à ce su-

difficile,

Tsar

le :

« Il

mettre à la Conférence de La

2

suis placé

décidée à

pour ne pas dire im-

> 3.

l'Empereur Guillaume

1

me

s'étant

de

Russie

télégraphia

serait plus équitable

Haye

le

à

de sou-

problème austro-ser-

Mémoire du Gouvernement allemand au Reichstag. Ibid.

Comp. le télégramme ci-dessus mentionné du eomte Berchaux ambassadeurs austro-hongrois, du 31 juillet, p. 355.


be. J'ai confiance

l'un des

361

en ta sagesse

télégrammes que

en ton amitié

et

les

1 .

On

ne trouve

Par contre l'Empereur Guillaume

conjura l'Empereur de Russie de suspendre les de guerre qui, selon les informations

ratifs

C'était

deux Monarques échangè-

rent avant le déchaînement de la guerre. nulle part la réponse.

»

prépa-

de sources

allemandes, n'étaient pas dirigés seulement contre l'Autriche-Hongrie, déjà

avaient

été

en

2

l'Empire allemand

.

Le

avec

guerre

aussi

faits

à

la

frontière

la

mais

Serbie,

orientale

de

douze heures accordé

délai de

un ultimatum allemand expédié presqu'en même temps, et contenant la même demande, était déjà écoulé, par

lorsque l'Empereur

gramme que tu

me

suivant:

Guillaume

« J'ai

mais

sois forcé de mobiliser,

donnasses

la

même

du Tsar

reçut

le

télé-

reçu ton télégramme, je comprends je voudrais

garantie que je

t'ai

que tu

donnée, à sa-

que ces mesures ne signifient pas la guerre, et que nous continuerons à négocier pour le salut de nos deux pays et de la paix générale si chère à nos cœurs. voir,

Avec

l'aide

vée,

parviendra

de Dieu, notre amitié dès longtemps éprou-

à

empêcher

une

de

effusion

sang.

J'attends avec anxiété et plein de confiance, ta réponse».

Et l'Empereur Guillaume répondit claire,

immédiate

et

infini.

1

le seul

Jusqu'à ce que

moyen

j'aie

d'éviter

sous silence.

Il

1

;

dans

la

de

un mal-

reçu cette réponse,

Nouvelle édition du livre blanc, N°

ce télégramme a été passé les

réponse

sans sous-entendus de la part

ton Gouvernement, est

heur

« ....une

:

j'ai

première,

ne fut reproduit par

Allemands qu'après sa publication en Russie. 2 Livre blanc, mémoire.


— le.

362

regret de ne pas être en situation, de pouvoir

accé-

demander de la façon la plus sérieuse, de donner immédiatement à tes troupes l'ordre de ne commettre, sous aucun prétexte, la moindre violation de nos frontières 1 ». Le délai fixé était expiré.... il n'y avait encore aucune réponse du Gouvernement russe. Si l'on met pourtant à côté l'une de l'autre, ces deux ultimes dépêches des Monarques, elles apparaissent comme deux rayons der à l'objet de ton télégramme.

Je dois

te

d'espérance, qui, partant des trônes les plus puissants de cette terre, se rencontrent

au-dessus des menées de la

politique, au-dessus de l'humanité qui attendait anxieuse.

Mais déjà, avant même que le télégramme de Guillaume II pût atteindre son destinataire, le comte de Pourtalès avait remis au Gouvernement russe la déclaration de guerre de son Empereur. Ce document contient

un

reproche

contre

la

Russie

:

d'avoir mobilisé

semble de ses forces militaires sur terre et d'avoir

de ce

fait,

menacé

et

l'en-

sur mer,

la sécurité, voire l'existence

de l'Empire allemand. «

Sa Majesté l'Empereur, mon auguste Souverain,

au nom de l'Empire, relève état de guerre

avec

le

défi et

Se considère en

la Russie. »

C'est en ces termes

que se termine

le

C'était la déclaration de la guerre mondiale.

Ibid.

document.



Ia26






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