A travers le monde (Paris. 1895)
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A travers le monde (Paris. 1895). 1904. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisationcommerciale@bnf.fr.
Le Lac Menzaleh.
Ses V'illes disparues.
Avant le percement de l'isthme de Sue~, le lac Men,~aleh, vaste lagisne de ~eu de profondezsr, s'étendait de Damiette aux ruines de Péluse sur une longueur de 20 lieues. Il communiquait avec la rvaer Méditerranée par trois boisches. La construction du canal le sépara en deux parties isaégales. Le bassin le plus considérable, qui s'étend à l'ouest du canal entre Port-Saïd et Damiette, n'a plus que 50 kilomètres de longueur. Sa Plus grande largeur entre Port-Saïd et la station de Kaiatarah, sur le canal de Sue, est de 45 kilomètres. Les ternpctes et le travail de la mer ont encore modifié son aspect, et il ne semble pas que sa conformation actuelle soit définitive.
L A superficie du
lac varie suivant les saisons. En hiver, les flots de la mer, poussés par les vents violents du nord-ouest, pénètrent dans le lac et le font déborder à une grande distance dans l'intérieur des terres sur la côte méridionale. En été, il se retire et laisse sur ses bords une couche blanchâtre, formée par le sel qu'il a déposé. Au moment de l'inondation du Nil, vers le mois de septembre, les canaux
Bahr-al-Saghir, Bahr-Moëz et Za-
franieh (anciennes branches mendésienne, tanitique et pélusiaque) versent dans le lac une telle quantité d'eau douce qu'il perd complètement sa salure, dans sa partie méridionale, jusqu'à une grande dis-
tance
de ses rives.
La profondeur dé-
passe rarement un mètre. Le fond est formé d'une boue noire provenant du limon déposé autrefois par le Nil. La profusion de plantes marines qui le tapissent, la température élevée des eaux, qui, grâce à leur peu de profondeur, s'échauffent rapidementsous le brûlant soleil d'Égypte, la sécurité d'une lagune où les animaux de proie tels que le requin et le marsouin ne peuvent pénétrer, tout contribue à favoriser la multiplication rapide du poisson. Les nombreuses îles dont A TRAVERS LE MONDE.
Ire LIV.
est parsemé servent en outre de repaires à d'innombrables oiseaux aquatiques, flamants, pélicans, canards sauvages, etc. (( Je ne connais point de localité, écrit Geoffroy Saint-Hilaire, où se produisent plus de poissons et d'oiseaux d'une chair aussi exquise; je n'en connais point où se plaisent davantage les poissons littoraux, qui analogues à la perche, s'entassent communément à l'embouchure des rivières pour s'y repaître d'un limon gras et animalisé. Leur préférence pour le lac Menzaleh s'explique facilement par la sécurité qu'ils trouvent à s'établir dans des eaux d'une aussi vaste étendue et à si bas fond. Les îlots et les atterrages d'El-Menzaleh, de Matarich et de la bouche pélusiaque favorisent également la multiplication des oiseaux les plus estiméscomme gibier, tels que divers canards, sarcelles et souchets, des barges, des bécasses, di:"férentesespèces de bécassines,mais principalement le grand et magnifique oiseau aux ailes de feu, le flamant ou phénicoptère. Dans certains jours de chasse, on abat de ces oiseaux singuliers une telle quantité que des barques entières en sont comblées jusqu'au bord; on arrache toutes les langues, et de là il
No
2
Janvier 1904.
on les dirige sur Damiette. Du temps des empereurs romains, l'Égypte acquittait une partie de son tribut en langues de flamant. Héliogabale est un de ceux qui se montrèrent le plus friands d'une semblable redevance. Alors, comme aujourd'hui, les langues de fla-
mant étaient donc arrachées; mais actuellement, c'est moins pour en faire un aliment recherché que pour en
exprimer une huile, qui remplace le beurre dans l'assaisonnementdesmets. Le nombre ces îlots écartés et quelques accidents dans la forme de leurs rivages sont des circ$1stances qui favorisent la multiplication des flamants ces oiseaux sont singulièrement sauvages, et leurs pieds sont si longs qu'ils les obligent à couver assis, les jambes pendantes. » Le nombre des oiseaux aquatiques est si grand, que leurs bandes produisent de loin l'effet de véritables nuages. On voit aussi de longues rangées blanches de pélicans. ou de flamants pêchant avidement dans les eaux du lac. A certaines époques, surtout quand la mode fait rechercher leurs plumes, les Arabes en dé-
truisent des quantités énormes. Parfois ils s'affublent d'une
près de Port-Saïd, à Dybeh et près des deux Boghari de Sôfarah et de Ghemileh. Carpouty et Ghemileh, par exemple, comptent, en été, plus de 200o habitants; en hiver, il n'y a plus que quelques rares Arabes les pêcheurs sont rentrés à Matarieh. J'ai assisté plusieurs fois à la pêche du mulet. Les Arabes tâchent de cerner un banc de ces poissons; les uns marchent dans l'eau qu'ils battent du plat de leurs mains; les autres frappent la surface de l'eau à coups de perche; tous crient à tue-tête pour effrayer le poisson. Quand ils l'ont acculé dans un espace assez étroit, ils l'entourent d'un immense filet qu'ils retirent à grands efforts. J'eus souvent l'occasion de suivre les pêcheurs à l'endroit où se prépare la fissib ou poisson salé. On me fit pénétrer dans une sorte de grand hangar en bois. Deux tas de poissons étaient disposés près de l'entrée, les mâles d'un côté, les femelles de l'autre. Les Arabes enlèvent les oeufs aux femelles pour en préparer une sorte de caviar très recherché en Orient puis, après avoir vidé le corps, ils le mettent dans le sel et l'y laissent
fermenter quelque temps. Ils obtiennent ainsi la fissih, dépouille de péliqui s'expédie en can, ou se couvrent énormes quantités la tête d'une envedes lagunes du Delloppe de pastèque, ta dans toute l'Émarchentdansl'eau gypte et jusqu'au à quatre pattes, péSoudan, en Syrie, nètrent avec préen Arabie et dans caution au milieu tout l'empire ottod'une troupe d'oiman. Une populaseaux pêcheurs, les tion de 5° 000 âmes saisissent par les environ vit de la pieds, et, les tirant pêche du lac, et sous l'eau, ils les chaque barque doit attachent avec une acquitter un impôt pLCHE DANS UNE ILE DU LAC CARPOUTY PORT DE ficelle dont ils ont qui varie de deux D'a,^rès une gkoto~rapl~ie de "~1. Jusseraud. à trois guinées par eu soin de se munir. Puis ils les laissent mois, selon son importance. Comme il y a près de quatre mille barques nager pendant qu'ils en prennent d'autres, et quand leur capture est suffisante, ils la traînent au rivage à sur le lac, le montant de l'impôt atteint environ l'aide de leur corde. 200000 francs par mois ou 2 millions 1/2 par an. Le poisson le plus commun dans les eaux du Ce rendement formidable et le chiffre élevé de la lac est le mulet, mais plus gras et de plus grande population vivant de la pêche donnent une idée de la taille que sur nos côtes. La guerre incessante que lui fécondité exubérante du lac. font les innombrables oiseaux aquatiques et les La configuration exacte du lac, ses îles basses et plates, son peu de profondeur, la nature du limon qui 20 000 pêcheurs n'en diminue point la quantité. Au temps de l'expédition française de [798, les pêcheurs en forme le fond, tout indique qu'il doit son existence des îles de Matarieh, qui revendiquaient le monopole à la submersion du continent. L'histoire et la légende de la pèche, possédaient de cinq à six cents embarcas'accordent également à reconnaître, à l'emplacement tions. Aujourd'hui Matarieh, reliée à la terre ferme qu'il recouvre, l'existence d'une contrée merveilleusement fertile. Deux îles du lac, auxquelles la tradition a par une digue avec chemin de fer et route, compte conservé les noms des anciennes villes de Tennis et 30000 habitants et ses pêcheurs possèdent une flotte de 35°0 barques, ce qui, joint aux quelques centaines de Tounah, sont formées par des amas de décombres. de djermes appartenant aux autres riverains du la:, Les Arabes prétendent que c'est à la région de Tennis donne un chiffre de près de 4 000 embarcations. La qu'il faut rapporter U:1e célèbre parabole du Coran. Le plupart servent pour la pêche; un certain nombre sont livre sacré des Musulmans raconte que deux frères affectées aux communications entre les villes du lac; possédaient un jardin d'une fertilité admirable, qui Matarieh, Damiette et Port-Saïd. En été, les gens de renfermait les arbres les plus rares et les plantes les Matarieh vont planter leurs huttes dans différentes îles du lac, particulièrement à Eddaourah, à Carpouty, i. Boghar signifie passage étroit entre deux terres.
plus précieuses. L'un des deux frères était généreux et hospitalier et il dissipa son patrimoine en oeuvres de bienfaisance. L'autre, qui était avare, achetait au fur et à mesure ce que son frère était obligé de vendre; puis, quand celui-ci n'eut plus rien, il le repoussa ignominieusement. Alors Dieu ordonna à la mer d'envahir la région et la submergea tout entière. Les pêcheurs du lac donnent une autre explication. Le roi de Ghemileh demanda en mariage la fille du roi de Matarieli et essuya un refus. Pour se venger, il ouvrit aux eaux de la mer le Boghar de Ghemileh, et submergea ainsi les états du roi de Matarieh. Dans l'antiquité, le Nil se jetait dans la mer par sept embouchures. A l'heure actuelle, deux seulement des anciennes bouches parviennent jusqu'à la Méditerranée. Le mauvais entretien des canaux, la négligence apportée à la culture du sol et à l'entretien des digues, occasionnèrent l'invasion des basses terres du littoral égyptien par les flots de la mer. De vastes lagunes se formèrent, et cinq des anciennes branches du Nil furent interceptées par elles et réduites à l'état de canaux secondaires. Le lac Menzaleh, la plus vaste de ces la-
gunes,reçoitencore trois de ces branches la branche pélusiaque ou canal
de Zafranieh, la branche tanitique ou canal de Moëz, et la branche men-
habitants durent tirer leur subsistance de la pêche et de l'industrie du tissage. L'historien Ibn-Bâtlan rapporte qu'au xue siècle Tennis n'était plus qu'une petite ville sur une île du lac. Les tissus de Tennis et des
villes voisines étaient célèbres dans tout l'Orient, et Macrizi fait remarquer qu'on n'en faisait pas de pareils dans le monde entier. C'est à Tennis que les califes faisaient confectionner leurs manteaux précieux. On y fabriqua plusieurs fois, ainsi qu'à Tounah, la kissouët ou tapis sacré que l'Égypte envoie chaque année à la Mecque. L'an ic~o de l'hégire, les Coptes offrirent au calife Haroun-al-Raschid, un tapis précieux fabriqué à Tounah. Les chroniqueursarabescitent encore, comme l'une des ressources des villes du lac, la chasse à la caille. Alors, comme aujourd'hui, cet oiseau s'abattait en troupes innombrables sur le littoral égyptien pendant les mois d'automne, et on en prenait de grandes
quantités.
Tennis fut conquise par les Musulmans en même temps que Damiette, et son église fut
convertie en mos-
quée. Elle fut plusieurs fois attaquée par les Grecs, et le
calife Al-Motouakel y fit construire une forteresse pour la protéger. A deux
reprises différentes, en 348 (95c» et en 570 (1174) Tennis fut prise et saccagée par des Normands
venus de Sicile. En
576 (1180), les
désienne ou canal croisés de la garnid'Aschmoun, appeson d'Ascalon firent lée encore par les par mer une tentaLE DÉPARi' POUR LA PHCHE. Arabes Bahr el Sative sur Tennis, et ghir(le petitfleuve). lancèrent dix brûD'après uue pl:otograpJxie de M. Jusseoand. La ville la lots contre la ville. plus considérable de la contrée était Tennis, ville Ils furent repoussés, et leur chef fut pris et mis à gréco-romaine, bâtie sur les ruines d'une ancienne mort. Saladin fit réparer la citadelle de Tennis, puis cité égyptienne. Les historiens arabes célèbrent la quelques années plus tard, en 588(1192), il fit évacuer magnificence de cette ville aux. cent portes, entourée la ville et ordonna à la population d'aller se fixer à Dad'une épaisse muraille flanquée de tours, ainsi que miette. La citadelle conserva néanmoins sa garnison. la fertilité du pays dont elle était la métropole. II Enfin en 624 (1226), le sultan EI-Malek-el-Kamel retira n'y avait pas en Egypte, dit AI-Massaoudi, dans les la garnison et fit raser la citadelle et la ville. Prairies d'or, de pays comparables à celui de Tennis Pendant l'expédition françaiseen 1798, le cheikh la fertilité et la variété des productions. Il était pour de Menzaleh, Hassan Toubar organisa la résistance couvert de magnifiques jardins et on y trouvait en contre les Français. Il tenta de s'emparer de Damiette abondance la vigne et le figuier; les nombreux canaux et fut repoussé. Le général Andréossy, chargé par Boqui l'arrosaient en tous sens y entretenaient une fraînaparte d'opérer contre lui, pénétra dans le lac avec cheur perpétuelle. Le Fayoum seul lui ressemblait par une flottille, par le Boghaz de Dybeh, livra plusieurs fécondité. Cette prospérité recula peu à peu devant sa combats aux djermes d'Hassan Toubar, et fit la conl'invasion des eaux de la mer. Cette submersion comquête du lac et de ses nombreux îlots, pendant que le mença environ un siècle avant la conquête de l'Égypte général Damas partait de Mansourah à la tête d'une les Musulmans, c'est-à-dire par colonne et s'emparait de la ville de Menzaleh. Hassan vers le milieu du siècle de l'ère chrétienne. Tennis et les villes seconvie Toubar fut fait prisonnier et enfermé dans la citadelle daires qui l'entouraient Tounah, Samnaï, Chitah, du Caire. Kléber lui permit plus tard de revenir à MenBourah, devinrent des îles au milieu de la nouvelle lazaleh. Il y périt en i8oo, empoisonné par une favorite. Leur prospérité s'évanouit en même temps que gune. Bonaparte avait chargé le général Andréossy de disparaissaient les riches cultures de la région. Leurs l'exploration scientifique du lac. Il visita Tennis, Tou-
nah, Péluse, Sân et détermina le cours des anciennes branches du Nil. A Tennis, Andréossy ne put reconnaître que « quelquesdébris de bains, des souterrainsvoûtés avec art; des fragments d'une cuve rectangulaire de granit rouge, au milieu d'un amas de briques brisées, de porcelaines, de poteries et de verreries de toutes couleurs. » J'ai retrouvé, en effet, dans les différentes excursions que j'ai faites à Tennis, la cuve rectangulaire et les voûtes dont parle Andréossy. En outre, les Arabes m'ont indiqué une dépression profonde et très allongée au milieu des ruines, m'affirmant que c'était le souk ou marché, puis une autre dépression rectangulaire qui, d'apres eux, serait l'ancienne église. A l'extrémité ouest, il reste d'épaisses murailles en briques, qui proviennent sans doute du fort construit par le calife Al Motouakel. A Tounah, le général trouva à la surface du sol, un camée antique sur agate, représentant une tête d'homme qu'il présuma être celle d'Auguste. Tounah possède une mosquée monumentale,
surmontée d'une
vaste coupole qui
ils habitaient dans de misérables huttes construites en boue ou en briques provenant des ruines de Tennis et de Tounah. Onze cents hommes y étaient occupés à la pêche ou à la chasse des oiseaux aquatiques. Aujourd'hui, la ville a pris de l'importance, et elle est reliée à la terre ferme par une voie ferrée et une route, mais le caractère de ses habitants n'a pas changé. Ils ont conservé le monopole de la pêche du lac et se montrent très exclusifs et même insolents à l'égard des étran-
gers. Il est rare que des Européens pénètrent dans leur ville sans être insultés et sans qu'on leur jette des pierres. El-Menzaleh, qui a donné son nom au lac, se
trouve à 9 kilomètres plus loin, sur le canal d'Aschmoun. Au moment de l'expédition française, elle avait 8 00o habitants. On y trouvait quelques manufactures d'étoffes de soie et de toile à voile à l'usage des pêcheurs. Elle est restée manufacturière et s'est développée dans la proportion des autres villes de la région. Elle compte environ Zo 00o
habitants.
Elle possède de belles mosquées et
s'aperçoit de très
quelques habita-
loin. Les colonnes qui la soutiennent
tions somptueuses, qui lui donnent l'aspectd'une petite ca-
sont terminées en feuilles d'acanthe,
pitale. Entourée de beaux jardins, dont
ce qui semblerait
indiquer une provenance grecque. Les Arabes donnent
les
à cette mosquée le
serrent de toutes parts, Menzaleh est la ville d'Égypte la
arbres gigan-
tesques et la verdure pressée l'en-
nom d'Ibn-es-Salam, du nom d'un chef musulman qui aurait péri au moment de la conquête. Cette légende
plusfraîched'aspect
que je connaisse. La presqu'île où elle LE TRANSPORT DES VOYAGEURSPOUR GAGNER LA DJERME. se trouve est d'une D'aprPs une photographie de M. Jusserand. fertilité admirable est l'indice d'une origine très ancienet produit en abondance le riz, le maïs, les céréales et le coton. Elle est ne, et il est possible que ce monument soit l'ancienne église chrétienne convertie en mosquée par les contrès populeuse et les villages s'y succèdent à de courts quérants. Elle fut restaurée vers l'an 1400 de l'ère intervalles,ombragés sous de vigoureusesplantations. chrétienne par Jatih Othman AI-Takrouri, ermite oriCette délicieuse oasis, au milieu des terrains marécaginaire du Maroc, qui y passa sept années. L'île de geux et saturés de sel qui forment la rive méridionale Tounah est inhabitée; les gens de Matarieh viennent du lac, rappelle l'ancienne fertilité de la région de Tennis, la plus féconde de l'Égypte avant sa subenterrer leurs morts dans ses décombres, et, chaque mersion. L. LEROY. vendredi, ils vont prier à la mosquée. Quelques huttes en bois servent d'abri aux pêcheurs. Les ruines, moins vastes que celles de Tennis, forment un monceau plus élevé, et, au milieu du lac, elles produisent l'effet d'une petite montagne. Quand le vent devient fort et La situation du nouvel État de Panama est désoulève en tourbillons la poussière jaune de ses débris, sormais très nette il est sous la protection directe des États-Unis. Le général Reyes. envoyé à Washington on dirait de loin la fumée d'une fournaise gigantesque. Les autres villes disparues n'ont point laissé de par la Colombie, a informé son Gouvernement que traces. Elles forment sans doute quelques-unes des (( déclarer la guerre à la République de Panama, serait déclarer la guerre aux États-Unis ». La Colombie va nombreuses îles dont le lac est parsemé dans toute son étendue. sans doute se ranger à cet avis, car il lui est impossible de se mesurer avec le colosse américain. Tout Le général Andréossy fut frappé du caractère concourt donc à faire du futur canal une ,œuvre amésauvage des pêcheurs des îles de Matarieh. Tyrans de leurs voisins auxquels ils interdisaientla pêche du lac, ricaine.
Dans l'Isthme de Panama.
i
L'Angleterre et le Tibet. Nos lecteurs savent déjà que l'Angleterrevient de se
décider à une action militaire contre le Tibet. Dans un de nos derniers Courriers géograpbiques, nous avons longuement exposé la situation politique du Tibet, et nous avons dit que les causes ostensibles de la querelle sont les violations par le Tibet des stipulations du traité anglo-tibétain, conclu il y a une dizaine d'années, par lequel le Tibet ouvrait au commerce avec l'Inde la ville de Yatoung, dans la vallée de Chumbi. Afin d'obtenir du Tibet l'exécution plus stricte des clauses de ce traité, le Gouvernement indien a envoyé, l'été dernier, un négociateur dans la personne du colonel Younghusband, lequel était accompagné d'une escorte
de
deux cents hommes et d'un ou de plu-
sieurs
canons
Maxim. Arrivé à Khamba-Djong, à une cinquantaine de kilomètres dans le territoire tibétain, le colonel Younghusband attendit pendant quatre mois environ un représentant du Dalaï Lama pour discuter avec lui. Mais le Dalaï Lama se contenta de faire dire au colonel Younghusband que, aussi longtemps que celui-ci n'aurait pas rebroussé chemin et ne serait pas rentré dans les territoires indiens, il n'y aurait pas de négociations. Le Gouvernement indien, n'ayant pas admis cette réponse, a organisé une expédition qui doit pénétrer jusqu'à Giang-Tsé à i 5o milles de Lhassa, sous la conduite du colonel Macdonald, qui sera chargé des opérations militaires, le colonel Younghusband devant être le négociateur et le diplomate. Cette expédition, comme on en peut juger par l'énumération suivante, ne laisse pas d'être importante. Elle comprend, en effet, le 23e régiment de pionniers, un demi-régiment du 5e gourkhas, une demi-compagnie de sapeurs de Madras, la section 7 d'artillerie britannique, deux canons de 7 livres, une mitrailleuse, un détachement du régiment de Norfolk, des hôpitaux militaires. Et elle est suivie à brève distance de forces supplémentaires. Le colonel Younghusband a franchi la passe de Jelep et est arrivé à Rinchengong et à Phakri, malgré un froid de 360. On dit que la base des opérations serait dans la vallée de la Teesta, c'est-à-dire sur le versant indien de l'Himalaya, par conséquent dans le
Sikkim et sur la route de Darjiling à la passe de jelep. L'expédition serait certaine d'avoir là ses approvisionnements d'eau potable. Le plan de la campagne d'hiver consisterait dans la seule occupation de la vallée de Chumbi. Les troupes qui sont à Khamba-Djong seront renforcées pour l'hivernage, et l'expédition Macdonald occupera Chumbi. Le petit fort de Gnathong qui est sur le versant indien de la passe de Jelep a été transformé en camp fortifié. Le colonel Younghusband partirait au printemps avec une faible escorte pour Giang-Tsé à mi-chemin de Lhassa pour y rencontrer les lamas chargés des négociations. Le colonel Younghusband demanderaitl'établissement d'un agent anglais à Giang-Tsé. En cas de refus, l'on marcherait sur Lhassa. Les communications des journaux anglais donnent fortement à penser que le Gouvernementindien n'est pas préoccupé uniquement des intérêts commerciaux de ses sujets, et que certaines considérations politiques ne sont pas étrangères à la décision qu'il a prise de recourir à la force. Cela est hors de doute.
Pour bien
comprendre de quoi il s'agit, en effet, il faut se rappeler les
deux missions qui furent envoyées récemment, auprès du Tsar, au nom du Dalaï Lama. L'Angleterre, voisine du Tibet par son vaste empire des Indes, aspire, non seule-
ment à prévenir la gravitation définitive du Tibet dans l'orbite de la Russie, mais
à
forcer
elle-même l'entrée d'une région inconnue, dont l'étrange originalité pique depuis si longtemps la curiosité des savants, et à qui sa position géographique donne une importance considérable. Cette fois-ci, la Grande-Bretagne veut faire grand. Plus de mission secrète, plus d'humble indigène sous le masque d'un pèlerin et l'habit d'un moine, plus d'érudition pure; il s'agit d'une véritable ambassade, et l'éminent officier qui en est chargé a pour escorte une petite armée. Cette nouvelle a produit dans les cercles politiques de Saint-Pétersbourg une surprise que l'on comprend sans peine. Et les journaux se sont fait l'écho de ces préoccupations. Le Novoé Vrémia remarque que, si les Anglais réussissent à mettre leur projet à exécution, le Tibet sera complètement entre leurs mains, car les troupes anglaises seront toujours en position de menacer Lhassa. Le journal russe ajoute que le prestige de la Grande-Bretagne, qui a été si gravement ébranlé par la guerre du Transvaal dont les nouvelles ont pénétré jusque dans les parties les plus inaccessibles du continent asiatique, sera de la sorte complètementrétabli, car en plaçant la terre sainte du Tibet sous sa domina-
tion, la Grande-Bretagne deviendra, aux yeux de plus'
de cinq cents millions de bouddhistes, le pays le plus puissant du monde. Il serait difficile, continue le Novoé l~résnia, d'espérer que les Tibétains puissent réussir à repousser les Anglais et à les empêcher de traverser l'Himalaya, parce que les forces respectives des deux adversaires sont hors de toute comparaison; mais il sera possible d'obliger les Anglais à s'arrêter. »
est revenu qu'il y a six mois. Nous avons publié, dans le numéro du 5 septembre cc~o3, un article sur son séjour à Lhassa. Zybikoff étant au courant de la langue et des doctrines religieuses du Tibet, il ne lui fut pas difficile de passer pour un adepte de cette religion. 11 entra dans le pays par les monts Boumza, avec une caravane de pèlerins qui allaient faire visite au Dalaï Lama. L'armée, telle que Zybikoffla décrit, n'a aucune valeur militaire les quatre mille hommes, qui sont sous les armes, ne sont pourvus que d'arcs ou de vieux fusils. Les Anglais n'ont pas à craindre, de ce côté-là, de résistance sérieuse.
Ceux qui sont entrés dans la mystérieuse Cité d~e Lhassa. nouvelle que des troupes britanniques sont sur le Lpoint d'envahir le Tibet et, selon les circonstances, de pénétrer jusqu'à Lhassa, excite le plus vif intérêt chez tous ceux qui ont lu le récit des aventures des voyageurs qui ont tenté de visiter la mystérieuse cité. La plupart de ces derniers n'y ont d'ailleurs pas réussi. On se doute des étranges découvertes que les Anglais vont y faire. Y trouveront-ils l'arbre miraculeux décrit par le Père Huc, et dont l'écorce et les feuilles seraient recouvertes des caractères constituant des textes sacrés? Probablement pas, car si le bon abbé était un charmant écrivain, il n'est pas une autorité scientifique de premier ordre. Néanmoins, il doit exister à Lhassa assez de choses bizarres ou merveilleuses puisqu'on envie les officiers anglais qui seront les premiers Européens qui aient contemp:é la cité sainte, depuis soixante années. Après que les Pères jésuites eurent été expulsés, en i 760, trois Européens seulement ont visité Lhassa l'Anglais Manning, qui y parvint, en 181 1 1, déguisé en Hindou, le P. Huc et le P. Gabet, qui y demeurèrent quelques mois, en 1844-46, en se faisant passer pour des moines bouddhistes. Plusieurs tentatives ont été faites depuis lors, par Prjévalsky, Rockhill, le prince Henri d'Orléans et ses compagnons, M. Bonvalot et le P. de Decken, le capitaine Bower, Miss A. R. Taylor, Dutreuil de Rhins et Grenard, Littledale, Sven Hedin, Salvage Landor, etc. mais aucun homme blanc pu, depuis soixante ans,
ri
réussir dans cette entreprise.
Les Asiatiques, en revanche, ont été plus heureux plusieurs indigènes de l'Inde, envoyés en mission sainte par le Gouvernement de ce pays, sont parvenus à Lhassa. Nos connaissances sur cette cité se
bornent donc aux détails que nous avons pu lire dans leurs relations de voyage. Ainsi, le pandit Nain Singh s'est rendu àLhassa, en 1866, et de nouveau, en 1873; quelques années plus tard, un intendant hindou, du nom de Krishna, a suivi ses traces. En 1881, Sarat Chandra Dass, du département de l'Instruction publique des Indes, a fait aussi le voyage mais ce n'est que tout récemment qu'on en a connu les détails, sa relation ayant été pendant longtemps tenue secrète pour des raisons politiques. Des sujets russes ont également réussi à entrer dans Lhassa, entre autres unchef kalmouk, du nom de Norzounoff, un prêtre kalmouk nommé Baja-Bakchi, et un Bouriate, Zybikoff, qui s'y rendit, en 1900, et n'en
Le futur État juif autonome
sera-t-il en Afrique orientale?
L ES Sionistes, dont nous
avons parlé dans un récent article, ont reçu du Gouvernement anglais l'offre d'un territoire dans l'Afrique orientale pour y établir la colonie autonome ou plus exactement l'État officiel hébraïque que, depuis longtemps, ils désirent fonder. A Bâle, où vient de se tenir un Congrès sioniste, on a discuté la proposition britannique et, par deux cents quatre-vingt-quinzevoix contre cent soixante dix huit, on a décidé de l'accepter. On a délibéré ensuite sur le nom que porterait le futur État. M. Max Nordau conseillait de l'appeler Nachtasyl, ce qui veut dire « asile de nuit ». C211elqu'un a proposé le nom de NoawelleSion, qui semblait raisonnable. Mais ce fut sans succès. Un journal sioniste autrichien mit alors en avant le nom de Sambation. C'est sous ce nom ou plutôt sous celui de Sabbation que la tradition hébraïque désigne le fleuve qui bordait et défendait la retraite des dix tribus perdues d'Israël qu'on appelait les' Juifs rouges. On le nommait ainsi, parce que, torrentueux et roulant des pierres pendant toute la semaine, il redevenait paisible le jour du Sabbat. Depuis plus de mille ans que cette tradition se transmet d'âge en âge, on a exploré une infinité de pays, on a même découvert deux des parties du monde, sans que personne ait jamais rencontré ni les montagnes noires, ni le fleuve, ni les Juifs rouges, ni les tribus perdues. On continue cependant de croire au Sambatiosa. (( Ce fleuve existe, écrivait récemment un rabbin de l'Allemagne du Sud il est mentionné dans le Talmud et dans le traité du Sanhédrin. C'est le même qui s'appelle Gosan dans le Livre des rois. Au delà de ce fleuve se trouve le royaume des dix tribus chassées jadis par Salmanasser, roi d'Assyrie. Si aucun voyageur ne l'a jamais franchi, c'est qu'il a trente aunes de large, qu'il roule des pierres et que quiconque l'approche est tué par les juifs. Mais il existe sûrement; il doit couler entre les Indes et le Tibet. » Les notions sur le Sambation vont devenir plus précises, Peut-être, à l'heure qu'il est, est-il encore un fleuve; mais il sera demain un Etat de l'Afrique orientale entre Nairobi et Mombaza. L'attentat commis le 20 décembre, à Paris, sur M. Max Nordau par un étudiant russe du nom de
Chaïm Louban, sous le prétexte que l'exode des Juifs en Afrique serait une calamité, montre que les adeptes du Sionisme sont divisés sur le point de savoir où sera le futur Etat. Mais, au fait, existera-t-il jamais?. G.
Un
Séjour dans la
Nouvelle-Zemble.
Ls Tour
du Moside a déjà entretenu ses lecteurs des quatre stations scientifiques que le professeur Biskeland, de Christiania, a créées pour étudier la lumière polaire, et dont l'une se trouvait dans la NouvelleZemble. Voici quelques détails intéressants à ajouter à nos premiers renseignements sur le séjour des savants
dans cette grande île boréale. La station avait à sa tête le physicien Riddervold, et était logée dans le blockhaus occupé, il y a quelques années, par le peintre russe Borissov, au cap Matotchkin. Après avoir organisé leur station, les memf,res de l'expédition utilisèrent la fin de l'été, très court, en faisant la chasse aux oies sauvages. Ils purent observer avec quelle intelligence ces oiseaux savent défendre leur progéniture contre leurs ennemis habituels, renards et chiens des Samojèdes, sans parler des nouveaux ennemis plus terribles encore, qui lancent des balles au loin Dès que le danger menace, le père et la mère, quittant leurs petits, s'éloignent en rasant la terre de leurs ailes, afin que renards ou chiens, alléchés par l'appât d'une proie facile et succulente, oublient qu'il leur serait plus facile encore de croquer les petits oisons. Quand les oies les ont suffisamment menés par le nez c'est le cas de le dire la mère revient subrepticementà ses petits; puis le père, une fois sa famille en sûreté, prend son vol à son tour, d'une aile sifflante et moqueuse! La Fontaine raconte le même trait de la perdrix; mais ici, il s'agit de l'oie, soi-disant si stupide Dans le voisinage du blockhaus demeurait une famille samojède, dont l'un des membres vint à succomber pendant l'hiver. Les hommes de la station lui fabriquèrent un cercueil, qui fut placé dans une hutte vide, où le cadavre demeura trois mois sans se décomposer. Au commencement d'avril, une autre famille samojède revint du Sud avec quatre traîneaux, attelés de huit chiens chacun. A la fin d'avril, tous les Samojèdes, y compris la veuve du mort et les orphelins, chargèrent le cercueil sur un des traîneaux, et le convoi se mit en marche pour se rendre au cimetière, situé à ioo kilomètres de là! L'hiver fut très rigoureux pour les savants, surtout en janvier, où le thermomètre descendit aux plus basses températures observées. Par bonheur, le vent du sud souffla et fit remonter le thermomètre au-dessus du point de congélation. De la dernière quinzaine de novembre à janvier, la nuit régna sans interruption; il fallut tenir les lampes constamment allumées, et, malgré cela, la hantise de ces perpétuelles ténèbres causa aux savants une inexprimable impression d'angoisse.
-Weulersse.
Le Japon
d'aujourd'hui. Élude sociale,
vol. in-~8. Librairie Armand Colin, rue de Mézières, 5. Paris. Broché, 4 fr, Weulersse, qui a publié récemment un volume sur la Chine et dont nous avons donné un récit des premiers événements qui marquèrent l'expédition de Chine de ~900, vient de faire paraître une étude sur le Japon. Ce livre est le résultat d'un voyage d'études. La société japonaise contemporaine y est étudiée sur le vif, de première main; mais l'auteur a pris soin d'appuyer et de compléter ses observations personnelles par les documents. Il s'est attaché à ce qui, dans cette civilisation, si mêlée et si fuyante du Nouveau-Japon, offre une prise sûre au sociologue. Une description sommaire, mais méthodique du pays, qui a tant contribué à former la race; une peinture à la fois animée et précise des trois grandes villes où se marque le plus nettement la transformation accomplie; une compréhensive analyse du développement économique et un examen approfondi des périls que peut faire courir à l'Occident la concurrence japonaise: un tableau complet et une critique du système d'enseignement, aboutissant naturellement à une discussion des problèmes qui sont, pour le nouvel État, des questions vitales;moraux enfin quelques considérations les intérêts français Japon sur et sur le rôle qui, là-bas, reau vient à la France; telle est la substance de ce volume, tout empreint de sympathie éclairée et prudente pour ce peuple qui étonne le monde par l'éclat subit de sa résurrection. Il se recommande à quiconque veut apprendre à connaître sérieusement et à juger avec impartialité une des nouvelles puissances de notre temps.
Victor Henry, professeur de sanscrit et de grammaire comparée à l'Université de Paris.
La Magie dans l'lnde au-
tique. vol. in-i8. Dujarric et Cie, éditeurs, rue Pères,
des Saints-
5°, Paris. Prix
3 fr. 50. Ce livre s'adresse tout à la fois aux étudiants en indIanisme et aux philosophes, aux historiens, aux lettrés curieux de renseignements sur l'une des plus anciennes magies du monde et l'une des mieux connues. Il a été. composé de manière à orienter les uns sans rebuter les autres à cet effet, les références et les rares controverses ont été rejetées en note, et la rédaction du texte, exclusivement littéraire, comporte la traduction d'un grand nombre de fragments du Véda des
magiciens (Atharva-Véda), dont quelques-uns sont des chefsd'œuvre de poésie. Quant à l'esprit général du livre, il ressortira suffisamment de ces quelques lignes del'Introduction. « La portée de l'étude d'un tel corps de doctrine passe de beaucoup les limites de l'intérêt spécial qui s'attache à la population où il a pris naissance, alors même qu'un lien immédiat d'affinité la rattache à celles de l'Europe actuelle: car ce n'est point ici l'indogermanisme seul qui est en cause, mais, dans une certaine mesure, le patrimoine commun de l'humanité. D'autre part, plus les documents seront anciens, plus ils nous rapprocheront des premières épargnes intellectuelles qui constituèrent ce patrimoine, prémices des deux inépuisables trésors qui défraient aujourd'hui sa vie et, malgré leur antagonisme apparent, la défraieront à jamais Religion et Science. » A tous ces points de vue, il est permis de penser qu'une exposition complète des rites de la magie hindoue a un attrait réel. Ce livre est donc à la fois utile et intéressant.
André Hallays.
Enflânant. A travers la
France. Tou-
raine. I~elay. Nornzandie. Bourgogne. Provence.
r
vol. li-
brairie académique Perrin et Cie, 35, quai des Grands-Augustins. Prix 3 fr. 5°. IL y a beaucoup de bonnes choses dans ce livre, comme dans ceux que M. André Hallays a déjà donnés de l'observa'tion, de l'érudition, de l'esprit, de la bonne humeur. C'est un charme de lire les descriptions des divers points de la France où sa fantaisie voyageuse nous promène tour à tour. 11 y énormément à y apprendre. Ce livre a sa place marquée dans la bibliothèque ae ceux qui s'intéressent au passé de notre pays et qui savent en apprécier le pittoresque.
Il
y a trop de Naissances à Java.
En France, on se désole et non sans raison que la population ne s'accroisse pas. A Javâ, on se plaint qu'elle s'accroisse
trop.
L'augmentationde la population est tellementforte dans la colonie hollandaise, que quelquejour les Javanais ne pourront plus se nourrir sur le sol de leur île, dont la superficie n'est que de 13 733 kilomètres carrés. Le recensement de la population, fait régulièrement les cinq ans, accusait jusqu'à présent une différence en tous plus de 2 millions d'habitants environ. Or, d'après le dernier recensement, cette augmentation a atteint plus de 3 millions, et actuellementJava possède une population totale de 28 millions 745000 habitants, en chiffres ronds, ce qui est énorme pour son territoire. D'après la même proportion, la France devrait avoir r 20 millions d'habitants, la Russie d'Europe 1 milliard 36 millions, le Brésil 2 milliards.
La Crise financière de l'Allemagne. situation financière de l'Allemagne n'est point sans fortement préoccuper l'opinion publique avec ses budgets toujours grossissants. La Conférence, composée des représentants des Etats fédérés allemands et qui s'est réunie Berlin, va s'occuper activementde la situation financière de l'Empire. Le chancelier impérial et le baron de Stengel présideront les délibérations. Il s'agit d'étudier les moyens de soumettre les finances impériales à une revision sérieuse en vue d'une réforme qui soulagerait le contribuable. Les relations fiscales La
entre l'Empire et les divers Etats qui le composent seront également étudiées aux fins de modifications. Afin de parer à l'état peu satisfaisant des finanzes impériales, on a dû, pour l'année financière en cours, non seulement recourir à un emprunt supplémentaire, mais encore on s'est trouvé dans la nécessité de demander aux différents Etats allemands des contributions matriculaires dont le montant total dépasse de vingt-quatre millions de marks les sommes que, d'après le système financier en vigueur, le Trésor impérial retourne ensuite aux divers Etats en les prélevant sur les excédents de recettes douanières et sur les re-
venus de la régie. Une question dont aura également il s'occuper la Conférence est celle du renouvellement des traités de commerce et du règlement des rapports économiques avec les puissances.
L'Angleterre et la Perse. Nouvelle ligne télégraphique anglaise. On sait que pour répondre aux progrès que la Russie fait en Perse, l'Angleterre ne demeure pas inactive. Comme nous l'avons dit précédemment, elle a ouvert une route, semée de caravansérails, entre Kélat et Meched, dans le Khorassan, par Kélat et Nouchki. Un chemin de fer doit être établi le long de cette route, du moins dans sa partie méridionale, mais on peut se demander si les marchandises anglaises, venant par cette voie du port de Karatchi, pourront jamais lutter avec les produits russes à Meched, cù ils arriveront par le chemin de fer, un embranchementdevant relier la capitale du Khorassan à Askhabad, sur le Transcaspien. D'autre part, le télégraphe central de la Perse, construit par les Anglais en vertu de la convention de 19° 1, entreKachan et la frontière du Béloutchistan, par Ispahan, Yezd et Kirman, a été poussé, le 19 octobre, jusqu'à cette dernière ville. Cette ligne, consistant en trois fils portés par des poteaux en fer, qui aura en tout 1445 kilomètres, est achevée sur près de la moitié de sa longueur. Aux efforts russes répondent des efforts anglais; mais il est à croire que la source de ces derniers, l'empire anglo-indien, aura grand'peine à résister àlapoussée moscovite, lorsque la politique russe, ayant achevé de résoudre la question d'Extrême-Orient, telle du moins qu'elle se pose pour la Russie dans sa forme actuelle,
pourra songer à prendre, du côté de la Perse, mieux que des mesures conservatoires et préliminaires.
Production du Charbon en 1902. Les journaux anglais commentent avec amertume les statistiques charbonnières de 1902. Les Etats-Unis dépassent aujourd'hui le chiffre de production de la Grande-Bretagne. Les Etats-Unis ont produit
z68688 00o tonnes; l'Angleterre, 227095000; l'Allemagne, 107 436 000; la France 37 000 000.
Crise du Commerce maritime en Chine. Les affaires maritimes dans les mers de Chine vont très mal. Les commerçants gémissent, les compagnies de navigation se plaignent, les compagnies anglaises surtout. Le fret est tombé à des prix ridicules par suite de la concurrence japonaise et allemande. Les deux compagnies allemandes, qui convoitaient le transport des coolies de la côte chinoise au Siam, en sont arrivées à les transporter gratuitement et même à les nourrir durant la traversée.
Travaux dans 1-'État du Congo. M. l'ingénieur Van der Maesen étudie en ce moment la navigabilité du Haut-Loualaba. Il paraît démontré que les conditions de la navigation dans le bief Ponthierville-Sandwé peuvent être facilement améliorées; pour approfondir les passes on fait sauter à la dynamite les pointes de rochers qui parsèment les seuils. Le but visé est d'obtenir dans les passes une profondeur minima de mètre de mouillage aux plus basses eaux, ce qui permettrait l'emploi des bateaux à turbines. M. Van der Maesen examine aussi les passes en amont de Sandwé, afin d'amener les bateaux jusqu'en face de Kazongo, Sans doute, pour éviter des frais trop considérables, décidera-t-on de stopper à Sandwé et de relier par la voie ferrée ce poste à celui de Buli, au delà des Portes d'Enfer, d'où le Haut-Loualaba est navigable jusqu'au neuvième degré. La ligne télégraphique que l'on construit de Nyangwé Tanganyika pour unir le grand lac au Loualaba est presque au achevée; à peine reste-t-il à établir une cinquantaine de kilomètres. Quant à la télégraphie sans fil, elle fonctionnera bientôt, de façon permanente, entre Banane et Ambrizette.
fer de Tlemcen à la Frontière du Maroc.
Un Chemin de
On reprend enfin une question déjà ancienne et jamais résolue, celle du chemin de fer de Tlemcen à la frontière du Maroc. Destiné à établir des relations directes entre 0,-an et la frontière marocaine, il présente autant d'intérêt au point de vue du développement de l'Algérie qu'au point de vue
militaire.
construction à voie large s'impose, attendu qu'il est le prolongement de la ligne à voie large arrivant à Tlemcen et exploitée par la Compagnie de l'Ouest algérien, et qu'il serait dangereux d'établir une ligne avec un matériel spécial Sa
et nécessairement restreint dans une région frontière. Le tracé qui a été admis par l'autorité militaire et adopté par le Conseil général des ponts et chaussées se dirige à partir de Tlemcen vers le col du Juif; il franchit ce col, descend sur Aïn-Douz, passe à Aïn-Sabra après avoir contourné l'Oued Tlet. Il gagne ensuite ~a vallée de la Tafna, après avoir traversé l'Oued Ksob et l'Oued Hallon, franchit la Tafna auprès de Sidi-Medjahed, puis l'Oued Ouaame et l'Oued Nalimet. Il atteint ensuite Lalla-Maghnia et arrive à la frontière du Maroc, à [4 kilomètres de la ville d'Oudjda. La longueur à construire est de 70 kilomètres environ.
Le Popocatepetl. derniers, que le volcan mexicain, le Popocatepetl, avait été vendu pour la somme de 5 millions de piastres à une Société qui devait le mettre en exploitation au point de vue du tourisme. Voici, singulière~raent réduit, le ~ro~ét dont il s'agit.
Sur la foi d'un journal de New York, la presse française et la presse européenne ont raconté,
UN journal américain appelle le
géant
le Pocatèpe!
C'est évidemment plus facile à prononcer que Popocatepetl, mot Anahuatl qui signifie (( montagne fumante ». D'après lui, le propriétaire de cette montagne serait un jeune général du nom de Achon. Les petits-fils du général Ochoa sont jeunes, en effet mais le général lui-même a supporté moins gaillardement le poids des années que sa soufrière à la cime neigeuse. Un autre jour-
ces temps
En effet. et nous, tranquillesàMexico, à quelques kilomètres du Popocatepetl, nous ne nous doutions pas de tout cela Nous connaissions bien le projet de
création d'un sanatorium au pied du volcan, de l'exploitation des soufrières, mais nous ignorions tout le reste.
Nous ne savions rien du grandiose hôtel que l'on doit construire au sommet. Nous allons pouvoir nous offrir des petites
saisons d'hiver,
nal-toujours amé-
à
5000 mètres d'altitude. Cela manquait
ricain nous conte qu'un magnifique hôtel, où l'on trou-
à Mexico. Mais il
vera naturellement les derniers raffine-
fera diantrement froid à la cime du
ments du confort moderne, sera construit au sommet même de la montagne, à quelques
volcan recouverte de neiges perpétuelles. Je crains bien que les Mexicains, qui sont habitués à la douce températu-
pas du cratère. ,( Bien entendu, ajoute-t-il, un chemin de fer à cré-
re des hauts pla-
teaux, ne soient pas des clients enthousiastes de cet hôtel. On est frileux ici en sortant du théâtre, on s'emmitoufle, on a une peur atroce, et ma foi
maillère gravira la pente. La force motrice sera fournie
parunegigantesque
usineélectrique,qui
empruntera elle-
AMECAMECAET LE POPOCATEPETL.
-même son énergie
D'après une photographie.
aux chutes d'eau d'un sommet voisin, le mont Ixtacihuatl, pourvu également d'un petit volcan. Mais ce n'est pas tout à l'intérieur du cratère, un ascenseur sera disposé, qui permettra aux intrépides de s'enfoncer dans les entrailles mêmes de la montagne, tandis que de puissantes lampes électriques projetteront dans les mystérieuses profondeurs leurs rayons éblouissants Quels voyagesde noces, quelles lunes de miel pour les jeunes épousées du Nouveau-Monde » A
TRAVERS LE MONDI!.
2'
LIV.
bien
naturelle, de
la fâcheusepneumo-
nie. Aller se mettre au froid, pendant quinze jours, supporter une température de plusieurs degrés au dessous de zéro, cela vous fait déjà frissonner rien que que d'y songer.
D'autre part, lesAméricains, qui viennentàMexico pour y rechercher la douceur de son climat, pour fuir les rigueurs de l'hiver, dans le nord des États-Unis, et qui seraient les clients les plus assidus du fameux hôtel, ne me paraissent pas précisément indiqués. S'ils aiment N° 2.
9 Janvier [904.
le froid, ils l'ont chez eux et n'ont aucune raison de le chercher ailleurs, surtout à des hauteurs où la vie est plus pénible. Il
est vrai que ces inconvénients sont compensés
par les choses merveilleuses que l'on nous promet.
D'abord, l'ascension, mollement assis sur les coussins d'un chemin de fer à crémaillère, sera moins fatigante que telle qu'elle se pratique aujourd'hui. Puis, il y aura l'ascenseur pour descendre, -voilà une expression qui peut paraître un illogisme, dans
le cratère; l'illumination à giorno de ce trou béant et de ses dédales; les excursions au centre de la terre renouvelées de jules Verne; le voyage aux enfers, les montagnes russes, la femme à barbe. Ah pardon. Je pensais à la foire de Neuilly, Il y a encore les chutes d'eau de l'Ixtacihuatl dont la force doit être transportée sur le Popo, comme on dit ici. Un joli petit saut à faire encore entre les deux montagnes. Mais je me demande pourquoi le tra-
ducteur français des informations fournies par le grand journal de New York rabaisse le prestige de l'Ixtacihuatl en di-
sant qu'il n'est
pourvu
que
d'un cc petit vol-
can ». Il est probable que, il y a quelques siècles, alors que
tale, quand il eut l'occasion d'entrer en rapports avec le colonel Hoth. Le commerçant et le médecin s'entendirent facilement. Aux pieds de la montagne, à quelques centaines de mètres seulement au-dessus du niveau moyen de la vallée de Mexico, se trouve la ville d'Amecameca, entourée de bois de sapins, d'une luxuriante végétation, saine, fertile, toujours verte, à l'abri des grands vents c'était bien le site tout indiqué pour un sanatorium. L'affairefut conclue et, quelques semaines après, le général Ochoa recevait un premier acompte de 25000 piastres. .Telle est l'histoire fort simple de cette entreprise dont les travaux ne commencerontguère, d'ailleurs, que dans le courant du second semestre de 19°4. Mais l'hôtel? Mais le voyage au centre du volcan ? Les merveilles annoncées?. L'hôtel? ce sera le sanatorium avec ses annexes, avec son casino, ses jardins, ses routes, les paysages alpins qui l'entourent à 200 mètres au-dessus de Mexico et à 3000 mètres du sommet du Popo! Quant au voyage au centre du volcan, je doute fort que personne ait l'idée de le tenter. Il se dégage, en effet, par intervalles, de certaines fissures du cratère, des
fumées qui,
pour n'être pas très épaisses, suffisent néanmoins à tenir
la femme cou-
était en pleine activité, l'informateur cb~e'
en respect les
plus curieux et les plus audacieux. Les merveilles ? elles
l'eût traitée
moins dédai-
gneusement! .Voici, d'ailleurs, ce
qu'il y a de vrai dans toute cette histoire.
consisterontt VUE DE L~1XI'ACIHLATL
D'après
r112e
Le volcan Popocatepetl, situé à plus de 8o kilomètres au sud-est de Mexico, était effectivement, il y a encore trois semaines, la propriété du général Ochoa; mais celui-ci vient de la vendre à une Société américaine pour la somme de 5 millions de piastres
(environ i millions de francs), un beau denier, comme on voit. En principe, cette Société se proposait l'achat uniquement en vue de l'exploitation des soufrières; mais la présence, à Mexico, d'un médecin français connu dans le monde entier par les expériences tentées à Paris en vue de démontrer sur lui-même l'inanité des théories soutenues au Congrès de Londres, il y a deux ans, par le Dr Koch, sur la non-transmissibilité àî'homme de la tuberculose bovine, amena le promoteur, le colonel Charles Hoth, à étendre son projet. Le Dr Garnault était venu ici, en effet, pour rechercher la possibilité de créer, sur le plateau central du Mexique, un grand sanatorium de ~.uberculeux. Il allait se décider pour un site merveilleux connu sous le nom de (( El Desierto », et situé non loin de la capiOn appelle ainsi l'ixtaciliuatl, parce que sa cime neigeuse a l'apparence d'une femme couchée. 1.
LA FENME COUCHÉE.
~10i0g'1'CI~21f.
dans les belles recettes qu'on espère tirer de
l'exploitation du soufre et dans les travaux qui seront faits pour permettre ou pour faciliter cette exploitation. Il y a eu, d'ailleurs, à ce propos, des projets nombreux; Rockefeller aurait eu le sien, assure-t-on. Son plan, disent ses compatriotes, était le suivant ouvrir un tunnel sur la pente du volcan, à 600 mètres au-dessous des lèvres du cratère et pénétrer par là au centre des gisements soufriers. Le plan a peut-être existé; dans tous les cas il n'a jamais eu un commencement d'exécution. Mais que n'attribue-t-on pas à Rockefeller, qui cependant a bien d'autres chats à fouetter
Quant à l'acheteur actuel, on lui a donné le projet d'établir un chemin de fer à crémaillère qui monterait jusqu'au sommet du volcan pour descendre ensuite dans le cratère. Mais c'est encore pure invention. Le colonel Hotta, qui a étudié le volcan, n'ignore pas que la nature du terrain qui constitue les bords du cratère ne permettrait que bien difficilement l'établissement d'une voie ferrée; et si le syndicat a envisagé quelques-uns des moyens à sa disposition pour arriver à l'extraction pratique des richesses du (( Popo », il ne s'est encore arrêté à aucun, et tous les plans dont on
a parlé jusqu'ici, sont imaginaires. Les premiers tra-
vaux que l'on entreprendra seront ceux du Sanatorium et de ses annexes, c'est-à-dire que l'on commencera l'exploitation de la montagne par la base. Et c'est, en effet ce qui paraît le plus rationnel. <21.tand on veut entreprendre l'ascension de la montagne, elle mesure 5 452 mètres d'altitude, de Mexico, qui est déjà à près de 230o mètres au-dessus du niveau de la mer, on se rend à Amecameca. Combien de voyageurs ont passé par là Le premier aurait été, suivant l'opinion de plusieurs historiens, un capitaine de Fernand Cortez, du nom de Diego Ordaz, qui, en i 5 y, atteignit le cratère pour y chercher du soufre en vue de la fabrication de la poudre. Cependant Cortez raconte dans une de ses lettres que l'ascension de Ordaz aurait eu seulement pour but de connaître la cause des fumées qui se dégageaient du cratère. En 1 po et 1529, l'ascension fut renouvelée par d'autres of~~iers du Grara Conqaaistndor qui rapportèrent des échantillons de soufre. Mais les explorations scientifiques ne remon-
tent qu'au siècle dernier. C'est le ba-
ron Humboldt qui, le premier, détermina, au moyen d'observations baromé~-
triques, la hauteur de la cime du Popo-
Puis, dès i86o, ce fut toute une théorie d'ascensions, de plus en plus nombreuses. Celle que je viens de faire n'a aucun caractère particulier. Je l'ai entreprise en touriste, et c'est simplement en touriste que je me propose de la conter. (A suivre.) J. CH. LAROUSSIE.
Une Ascension au
TROIS Allemands, membres du Club alpin de leur pays, ont fait, le 18 juillet 1903, l'ascension d'une des
plus hautes montagnes du Spitzberg. Arrivés, le 17, sur le navire OiboztNa, dans la Sassenbai, sur la côte ouest, ils mesurèrent du regard la plus fière des pointes de montagnes qui environnent la baie, et choisirent, pour l'escalader, une cime sans nom qui, sur la rive méridionale, est campée dans le bras de mer comme une sentinelleavancée. Sur la carte de
catepetl à laquelle il attribua 5 400 m. Dans ses ouvrages, il parle des richesses du volcan, géologiquement comparables à celles de
l'Etna, en Sicile.
En 1827, les
Spitzberg.
l'amirauté britanni-
UNE HEURE APRÈS AVOIR QUITTÉ AMECAbIECA.
D'après
uue explorateurs William et Frédéric Glennie calculèrent que le pic le plus élevé du cratère se trouvait à 5450 mètres d'altitude. Ils avaient rencontré mille difficultés pour se procurer des guides, et ils durent limiter leurs observations. En novembre de la même année, M. Berbeck essaya de compléter les données fournies par les frères Glennie, mais sa tentative échoua. En 1836, un allemand, le baron de Gross, savant géologue, minéralogiste et astronome, fit l'ascension du cratère en compagnie de Fred. de Gerolt et détermina diverses altitudes; il rapporta diverses observations relatives à la nature du sol, à l'hygrométrie, etc., et fit une intéressante classification des végétaux. Mais l'expédition scientifique la plus fructueuse fut celle qu'en fin janvier 1857 entreprirent Sonntay et Laveirrière. Ces deux hommes de science, envoyés de Mexico, par le ministre de Fomento, arrivèrent jusqu'au fond du cratère, reconnurent les quatre grandes bouches intérieures et en prirent la température (71°) ainsi que celle de la couche supérieure de soufre qui les entoure (de 6 à 40°). Dans la nuit, ils notèrent une température de 12 2 degrés.
photographie.
que, cette montagne se trouve marquée immédiatement au nord de Mount Marmier. Une série de plateaux formant gradins descendent du
sommetverslabaie. Quand les alpinistes parvinrent à mi-hauteur, surun plateau intermédiaire, ilsletrouvèrent composé
de schiste calcaire jurassique caché sous un champ de neige. Jusque-là, l'ascension n'avait pas présenté de difficultés. Mais une rampe affreusement raide se dressant au-dessus d'eux jusqu'au plateau supérieur, ils essayèrent de faire un détour à droite et à gauche en vain; des deux côtés la montagne se creusait en précipice. Ils durent s'attaquer à la rampe elle-même qui, outre son caractère abrupte, se trouvait composée de schistes pourris qui s'émiettaient sous leurs pieds; et ce n'est pas sans péril et non sans provoquer de véritables éboulements qui allaient s'engouffrer dans le précipice, qu'ils montèrent au plateau supérieur, après s'être attachés les uns aux autres par une corde. Sans cette précaution, un accident aurait certainement eu lieu. De cette dernière plate-forme, le sommet fut escaladé sans difficulté en quelques minutes. II était justement minuit; le soleil, bas sur l'horizon, n'y disparaissaitpoint, il allait remonter dans le ciel, dessinant ainsi un cercle complet. Ses rayons obliques dessinaient nettement un dédale de cimes
pointues, de chaînes et de vallées qui forment l'intérieur du Spitzberg. Ils ne pouvaient plonger jusqu'au fond de celles-ci, de sorte qu'elles semblaient remplies des vapeurs bleuât:es du crépuscule, Mais les cimes couvertes de neige étincelaient sur la grande île à demiplongée dans l'ombre, et rien n'était plus saisissant que le contraste de ces sommets éblouissants qui enchàssaient des profondeurs sombres, dans un illusoire coucoer de soleil. Immédiatement au pied des ascensionnistes, la Sassenbai s'allongeait en bras de mer entre deux rangées de pointes aiguës; l'Oibouna, niouillé à la station, paraissait un point quasi-imperceptible mais on enten.. dait distinctement les coups de feu des marins en vacances, qui chassaient sur les hauteurs environnant la baie. La température était de 3 degrés centigrades audessous de zéro. Il soufflait un léger vent du nord. Les trois Allemands baptisèrent la cime, en l'arrosant d'une bouteille de vin, du nom de Pointe de Juillet (/ulienspit~e~. Ils élevèrent sur la coupole arrondie qui forme le sommet un steinzuann bien en vue, sous lequel ils cachèrent une bo_te de fer blanc qui avait contenu des biscuits et qui, maintenant, renferme les noms des alpinistes ainsi qu'un journalde leur ascension, en attendant que de nouveaux, mais problématiques grimpeurs, l'ouvrent pour y ajouter Iet:.rs noms et le récit de leurs exploits. L'ascension de cette cime vierge avait duré trois heures. La descente en prit deux seulement. En regagnant le navire, les alpinistes rejoignirent des chasseurs qui y rentraient aussi, chargés de gibier; les innocents animaux du Spitzberg, ne sachant ce que c'est qu'un chasseur, s'étaient avancés d'eux-mêmes curieusement vers l'arme mortelle qui les avait fou
droyés.
Beautés chiliennes. L Chili, la plus vigoureuse des républiques
sud-américaines, est habité par une superbe race, fière de son origine européenne et d'un sang espagnol pur de tout mélange; elle forme l'aristocracia soicgre a.~acl, qui habite les grandes villes de Valparaiso et de Santiago du Chili, tandis que, dans les montagnes,se cantonnent les Indiens ou les « sang-mêlé », de peau plus ou moins blanche. Lés Chiliens de pure race espagnole sont aussi fiers de la beauté de leurs femmes que de la noblesse de leur sang. II est vrai que la grâce et la dignité qui, chez les Chiliennes, s'allient au parfait naturel aussi bien que les charmes physiques, font ¿'elles les plus belles femmes de l'Amérique du Sud, et donc les plus belles femmes du monde. Elles sont d'une stature moyenne, d'une taille élancée et flexible, ont de jolies petites mains et des pieds de Cendrillon. Des yeux, d'un noir superbe, brillent dans un visage dont fincarnat velouté rappelle celui des pêches.
Dans la rue, il est vrai, on ne jouit guère de la vue de toutes ces belles choses, car l'Église, qui est ici
souveraine maîtresse, interdit aux dames de sortir autrement qu'enveloppées d'un ample manteau qui leur cache la moitié du visage. Cela fait même un singulier effet de voir ces théories de formes féminines voilées de noir qui s'allongent dans les rues pour se rendre à l'église, sans qu'il soit possible de discerner leurs traits. Mais les Chiliennes-etleurs admirateurs se rattrapent à la maison, où l'étranger lui-même est reçu avec la plus charmante hospitalité. Les dames du logis se comportent à son égard avec une amabilité tempérée de réserve digne, également éloignée de la pruderie et de la familiarité. Rien chez elles qui rappelle la graudy,~n, l'humeur hautaine de l'Espagnole. Elles n'ont pas un plus dur mépris pour les classses inférieures. Enfin, comme leurs soeurs de l'Amérique du Nord, les Chiliennes sont très cultivées; le Chili consacre une bonne part de son budget aux écoles du pays, et l'instruction primaire yest gratuite, ainsi que l'enseignement donné dans les quatre gymnases nationaux de jeunes filles, qui ressemblent assez aux lycées de jeunesfillesde notre pays.
Les Cheveux des Japonaises. L A coiffure est, au Japon,
un art très compliqué. Mais est-ce bien seulement au Japon? Une Japonaise ne saurait se passer de coiffeuse; celle-ci est une artiste qui ne condescend point aux menus soins qu'exige une chevelure. Elle envoie d'abord une de ses élèves auprès de ses clientes pour laver, parfamer les cheveux avec cinq peignes différents. La coiffeuse n'intervient que pour relever et disposer les cheveux selon les règles de l'art et des convenances imposées par une bonne éducation. Car l'étiquette impose, selon son âge, à une femme des coques ou des bandeaux. De huit ans à vingt-huit, on peut reconnaître l'âge d'une Japonaise à sa coiffure. A ces vingt années correspondent quatorze coiffures. différentes. Passé vingt-huit ans, la femme n'est plus considérée comme jeune, et jusqu'à sa mort porte la coiffure uniforme des vieilles. L'arrangement d'une tête de femme élégante et soignée demande deux heures de soins. On y fait entrer les soins de la figure. La coiffeuse est munie de rasoirs avec lesquels elle rase le duvet des joues de ses clientes. Cette opération se renouvelle tous les trois ou quatre jours. Le sommeil ne détruit pas un si bel ouvrage, car les Japonaises, comme la plupart des autres femmes d'Extrême-Orient, ne se servent pas d'oreillers, mais de petits tabourets de bois creusés au milieu à la place du cou. Les servantes prennent le même soin de leurs cheveux. Elles les recouvrent pendant les travaux du ménage pour les garantir de la poussière. On attribue les beaux cheveux de femmes à l'habitude de raser la tête des enfants nouveau-nés.
Les Chemins de fer russes en Asie. Nouvelles Lignes et
nouveaux Projets.
LE réseau des chemins de fer russes, en Asie, s'étend avec méthode et ténacité. Une ligne construite appelle une ligne à construire, et l'exécution suit de près l'élaboration du tracé. Nous avons vu, dans un
récent articles, que le parcours du Transsibérien paraît déjà long; qu'une ligne nouvelle de Pétersbourg à Tcheliabinsk par Viatka va rapprocher les distances en suivant la corde de l'arc Pétersbourg-Moscou-Samara que des rameaux nouveaux se greffent sur le tronc principal aux deux extrémités du Transsibérien. Ce pas
tout;
n'est
une
ligne nouvelle,
britanniques, allemands et américains, moins bien placés. La ligne serait assez coûteuse pour qu'on en ajourne momentanément l'exécution. Mais l'idée existe, elle sera reprise plus tard il en sera d'elle comme du Transsibérien et du chemin de fer de l'Est chinois, dont il fut longtemps question avant que leur construction fût commencée, et même décidée. La politique russe doit, en effet, songer à re]ier un jour son Asie centrale au nord-ouest de la Chine, à travers le Turkestan chinois où prédomine déjà son influence. Un autre projet s'élabore, d'autre part, qui a pour but de faciliter la pénétration russe en Perse. Il s'agirait de relier les chemins de fer de Transcaucasie à ceux de la Russie méridionale en établissant un pont au-dessus du détroit de Kertch, qui unit la mer Noire à la mer d'Azof et en construisant de là un chemin de fer jusqu'à un point de l'ouest de la ligne transcaucasienne. A l'heure actuelle, cette ligne n'est rattachée au gros du réseau russe que par Bakou, à l'est du Caucase. Le chemin. de fer projeté, qui établirait une nouvelle liaison à l'ouest de cette chaîne, rac-
dont l'inaugura-
courcirait d'un
tion officielle
millier de kilomètres la distance entre les dis-
n'est qu'une affaire de mois, se détachera à o-
tricts industriels de la Pologne et de l'ouest de la Russie et le marché persan. Le
renbourg de la
ligne
MoscouOrenbourg par
Samara et, à travers le steppe de
gain
peut-être la dé-
Tourgaï,passant non loin de la mer d'Aral, pé-
pense d'un grand
nétrera dans le
Turkestan russe
CARTE DES NOUVEAUX CHEMINS DE FER RUSSES EN ASIE.
pour aboutir à Tachkent. Ce sera, au double point de vue stratégique et économique, une œuvre de tout premier ordre on en jugera dès les premiers résultats et l'année même qui suivra son ouverture. Voilà qui est acquis; mais l'impérialisme moscovite ne s'en tient pas à ce splendide résultat et songe déjà à tirer de la ligne Orenbourg-Tachkent tout le parti qu'on en peut tirer en la prolongeant. D'Andidjan, terminus actuel du chemin de fer russe de l'Asie centrale, relié déjà à Tachkent par une voie ferrée, la nouvelle ligne pousserait ses rails jusqu'à Lan-tchéou, sur le Hoang-ho, en passant par Och, Kachgar, Aksou, Karachar, Tourfan, Khami et Sou-tchéou. Cette ligne qui réunira le Turkestan russe au Kan-sou, à travers tout le Turkestan chinois, aurait en tout environ 265o kilomètres de longueur. Elle ne rencontrerait pas probablement de grandes difficultés, sauf en traversant la chaîne des Tian-chan, entre Andidjan et Kachgar et le désert entre Karachar et la rive du lac Lob-nor. Ce chemin de fer, grâce à la ligne d'Orenbourg à Tachkent, mettrait les riches provinces du Hoang-ho à portée de l'action russe, et permettrait aux industriels moscovites d'en évincer leurs concurrents 1.
vaudraitt
Voir A Travers le Mondr, [903, Il. 237.
pont sur le détroit de Kertch et d'un chemin
de fer en corniche sur toute la longueur où le Caucase surplombe le rivage nord-est de la mer Noire. Enfin la ligne nouvelle de Pétersbourg-Tcheliabinsk par Viatka va être renforcée dans la partie qu'elle emprunte à l'ancienne ligne de Perm-Iekate-
rinbourg par une nouvelle voie Perm-Krasnooufimsk-
Iekaterinbourg. La ligne de Tcheliabinsk-Viatka par Perm était déjà insuffisante par le trafic présent; on comprend sans peine quelle importance elle tirera du prolongement Viatka-Pétersbourg. C'est ce qui a fait décider la construction de cette ligne supplémentaire. Elle trouvera des régions particulièrement fertiles, facilitera les besoins du commerce local et répondra aux besoins de l'agriculture et aux intérêts des industries métallurgiques de l'Oural. Le tracé comporte un pont sur la Kama et, entre quatre projets proposés, il est le mieux approprié, dit la Ga,~ette du commerce et de l'ivsdasstrie, de Pétersbourg, à l'extension du réseau ferré russe. II y aura plus de 954 kilomètres de voies nouvelles à construire.
La commission qui s'occupe de cette voie nouvelle a formulé le voeu que le point où un pont sera
jeté sur la Kama soit porté aussi au sud que possible,
La raison de ce fait s'impose on prévoit qu'une voie ferrée venant de Moscou (qui serait probablement la
continuation de la ligne de Moscou-Kazan), sera construite dans çuelques années, qu'elle se dirigera vers l'Oural et qu'elle aboutira à ce pont. Les rivières de Russie sont toujours très larges, et la Kama est une des plus belles voies de navigation qu'elle possède la construction d'un pont est toujours chose chère, et le même pont pourra, grâce aux intentions exprimées par la commission, servir aux deux Egnes, dont l'une n'est encore qu'un projet, mais clont l'autre sera bientôt un fait. Toute la région très riche que traversera la ligne. sera transformée par elle on parle toujours des richesses industrielles de l'Oural; on oublie trop que, dans cette région, sur le versant asiatique des montagnes, l'agriculture occupe 75 pour 100 des habitants et que les récoltes de la région ouralienne sont parmi les meilleures du vaste empire de Russie. Les voies ac tuelles ne sont pas suffisantes pour que les habitants de la Sibérie occidentale puissent écouler les produits de toutes leurs cultures, froment, avoine, orge, seigle, lin. On est forcé souvent de donner le blé aux bestiaux, et parfois des céréales pourrissent sur les bords de l'Ob, car les moyens de transport sont insuffisants pour les marchandises trop nombreuses. Les nouveaux projets, qui ne tarderont pas à être mis en exécution, sont donc les bienvenus, non seulement pour les industriels mais pour les agriculteurs et les propriétaires de salines du steppe. Enfin la voie nouvelle rendra la vie à la région de Tobolsk et de Tuthène. Voilà les derniers résultats de cette commission des chemins de fer russes toujours er. travail. L'espace est encore grand qui manque de voies ferrées en Asie mais son ardeur de construction est plus grande encore, et l'on peut prophétiser sans gros risque que dans quelques mois nous aurons à parler de nouveeux
projets.
Moeurs chinoises. Une Visite entre Femmes du monde. MADAME H. Gervais-Courtellemont a rapporté de son
voyage en Chine des souvenirs qui ajoutent un chapitre amusant aux études de mceurs que nous avons maintes fois publiées sur ce curieux pays. Les relations mondaines notamment sont un perpétuel sujet d'étonnement pour les occidentaux. Ces relations avec les Chinois nécessitent une vie en partie double visites, dîners, échanges de cadeaux, tout cela fonctionne parallèlement, pour un gentleman avec les hommes, pour sa femme avec les femmes. Le voyageur masculin ne peut voir que la femme du peuple ou la pauvresse obligées à une vie extérieure par la dure nécessité de gagner le riz quotidien il n'approche presque jamais une « femme du monde chinuise, femme de mandarin, de grand 'banquier ou de riche négociant. Il lui faut mille détours même pour s'informer auprès d'un mari de la santé de
sa femme. Il doit, discrètement, demander si le plus précieux ornement de cette opulente maison est dans de bonnes conditions, et le mari répond, d'un air comi-
quement mystérieux, que cet objet infime, dans cette pauvre maison, se trouve en assez bonne situation. Il est toujours de bon ton de ravaler ainsi ce qui vous appartient comme d'exalter ce qui touche de près ou de loin à votre interlocuteur. Vous dites, en parlant de vos enfants, que ce sont d'infects petits pourceaux, et vous comparez ceux d'autrui au soleil et aux astres. Et, ce faisant, vous êtes simplement poli. Dans le rite des politesses et des mondanités chinoise, les visites jouent naturellement un rôle important. Elles sont réglées par un protocole compliqué,
mais invariable. Quand les dames chinoises font ou reçoivent une visite, elle est en quelque sorte préparée d'avance par les serviteurs des deux parties. A l'heure dite, la maîtresse de maison se tient prête à recevoir dans la salle d'honneur, qui se trouve toujours dans le bâtiment, au fond de la dernière des deux cours qui précèdent tout yamem d'une certaine tenue. Arrive le porteur de carte de la visiteuse, la précédant un peu pour annoncer sa venue. Bien que tout soit prêt, le goûter servi, les serviteurs doivent s'agiter dans des simulacres de derniers préparatifs qui donnent à entendre que l'on fait de son mieux pour bien recevoir cette visite. La chaise à porteurs attend quelques minutes devant la première porte d'entrée, et, de là, on doit percevoir le remue-ménage factice de l'intérieur, afin qu'il soit bien compris qu'on ne saurait trop faire pour recevoir dignement la personne attendue. Enfin, les trois grandes portes qui se succèdent sont ouvertes à grand fracas, la chaise à porteurs traverse les cours à une vive allure, précédée du serviteur qui brandit la carte rouge, escortée de tous les satellites affairés, s'empressant on ne saurait dire à quoi. La chaise, close de tous côtés par de doubles rideaux, est déposée devant la porte de la salle d'honneur; derrière elle on dépose aussi les palanquins de quelques servantes ou parentes pauvres, suite habituelle de ces dames. Un serviteur, d'un air important et mystérieux, écarte les rideaux qui ferment la chaise par devant et la drôle et charmantepetite personne en sort, telle un précieux bibelot d'un écrain, couverte de broderies et de bijoux, brillante et parfumée, impassible et correcte, La maîtresse de maison l'attend au sortir de la chaise et échange avec elle un petit salut de côté, les mains réunies à la hauteur de la ceinture, salut féminin qui a un air drôlement pudique. Puis on la conduit vers la salle d'honneur; aussitôt la porte franchie, on fait un grand salut, suivi d'innombrablespetits saluts ininterrompus jusqu'à ce qu'enfin les deux dames se trouvent assises près de la table placée au fond de la pièce, la visiteuse à la place d'honneur, à gauche. En toute hâte, arrivent les serviteurs apportant les tasses de thé; la dame du logis s'empresse d'en prendre une pour l'bffrir de ses mains à la visiteuse qui se confond en protestations et, à son tour, offre celle qui est destinée à son hôtesse. Le calme rétabli, commence la conversation. Tout le personnel féminin de la suite ou de la maison qui emplit la chambre y prend un vif intérêt et ne se gêne pas pour placer. son mot, à l'occasion. Il est curieux de
voir comme les plus grands personnages sont familiers et sans morgue avec la domesticité, On cause donc. S'il s'agit d'une visite cérémonieuse, on commence par les questions qu'il est gracieux de faire, sur l'âge, sur les enfants, sur le prix des objets qui meublent le salon. Q..uand on se connaît déjà, les entretiens sont plus familiers et l'on jacasse ferme. La visite ayant assez duré, la visiteuse déclare qu'elle s'arrache avec peine aux délices d'une telle société, et l'on trempe les lèvres dans la tasse de thé qui est là depuis l'arrivée. Ce simple geste donne le signal du départ, et c'est parce qu'il a cette signification qu'on ne doit pas le faire plus tôt. C'est un branle-bas général les porteurs de chaises appelés à grands cris, les serviteurs s'agitant en tous sens; s'il fait nuit, les grosses lanternes de papier donnent un air de fête. On se lève alors et on recommence l'interminable série des petits saluts qui ramènent les deux dames jusqu'à la chaise à porteurs. Après une dernière révérence, la petite idole rentre dans son tabernacle, les doubles rideaux sont soigneusement fermés de tous côtés. Les serviteurs ayant, eux aussi, échangé de multiples et compliquées politesses, saluts et congratulations,le signal est donné, les portes bruyamment ouvertes à deux battants. La chaise, soulevée par les quatre vigoureux porteurs qui partent aux pas de parade, disparaît dans les tortueuses rues chinoises, suivie des serviteurs affairés et importants, escortant l'objet précieux caché à tous les regards. Et tout cela a un petit air moyenâgeux des plus amusants.
Qui veut acheter des Fauves?
C'est pour
rien
Eléphants (jeunes). Lions. 7 500 Tigres. 7 500 Loups. 13° Hyènes (tachetées). (zébrées;.
En ~go3.
10000 fr. 3 000 10000 fr.
JO 000 fr.
170 fr.
1
ooo fr.
1000 fr.
500
3 ~5o fr. 600 fr. 2 000 fr. 12 fr. 50 1000 fr. 250 fr.
animaux rares, je peux obtenir un
beau rhinocéros pour 25 00o fr., un rhinocéros blanc pour 50000 fr. Le prix des girafes, qui était montë,
depuis le soulèvement du Mahdi, au Soudan, de 1 250 fr. à 25 000 fr. est retombé à 7 500 ou i o 00o fr. Tout dépend, d'ailleurs, du prix de transport sur les paquebots. Mais la plupart des fauves encombrent le marché; j'ai vendu 250 fr. une hyène, dont la nourriture m'a coûté t 50o fr. par an »
Louis Beeke.
Scènes de la Vie polynésieyzne (by reef and palm). Traduit de l'anglais par Henri Chateau. 1 vol. in-18. Dujarric et Cie, éditeurs, rue des Saints-Péres. Prix 3 fr. 5°. L ouis Becke a passé la plus grande partie de sa vie parmi les indigènes et les caboteurs des îles de la Polynésie. Ce sont ses souvenirs et ses impressions personnels que Henri Chateau a traduits sous le titre de Scènes de la Vie Polynésienne, en un volume édité par Dujarric et Cie (50, rue des
Saints-Pères). Un charme exquis et troublant se dégage de ces récits qui évoquent, avec une rare intensité, tout un monde à peu près inconnu. Nulle part on ne pourrait trouver plus de simplicité et de naturel, unis à plus de vérité. Louis Becke nous montre les méfaits de la civilisation parmi ces êtres généralement simples et bons que sont les natifs de la Polynésie; l'homme blanc, trafiquant ou forban, aventurierde tous pays, y exerce rudement la supériorité que lui donne sur les primitifs ses vices et ses aptitudes pour le mal. Bien qu'écrits évidemment sans la moindre prétention à la moralisation et à la philosophie, ces récits vécus et vrais sont, pour la plupart, de terribles réquisitoires contre les procédés à l'aide desquels les blancs s'imposent parmi les populations qu'ils spolient et corrompent. Et pourtant, que de types intéressants ils y rencontrent! Et quelles grandes qualités sommeillent au fond de l'âme des Polynésiennes au teint bistre, aux cheveux parfumés de Santal, dont Louis Becke nous dit les passions et le charme captivant
Charles Diehl, chargé de cours à
la faculté des lettres de Ravennes. vol. petit in-4", illustré de 1)0 graBroché, ) vures. 50; relié, 4 fr. 50. Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon, Paris (Vle). ARMI les villes d'art célèbres dont l'Italie est pleine, Ravenne a un caractèrespécial et offre un intérêt particulier. On l'a justement appelée une Pozzz~éi Italo By~nrrtine et en effet il n'est point d'endroit au monde où l'on' puisse mieux comprendre ce que fut au ve et au vie siècle la splendeur de l'art chrétien. Dans les vieilles basiliques de Ravenne, toutes parées de marbres précieux et de mosaïques étincelantes, toute une civilisation évanouie se ranime en effet et revit, tout un morceau d'histoire morte semble renaître, et l'on sait comment les mosaïques fameuses de Saint-Vital, où Justinien et Théodora apparaissent dans tout l'éclat de leur majesté, nous rendent la vivante image des splendeurs de la cour de Byzance. Montrer quelle place les monuments de Ravenne occupent dans l'histoire de la civilisation et de l'art, faire comprendre tout ce qu'ils apprennent sur les origines et l'expansion de cet art byzantin si puissant et si mal connu, faire sentir surtout le charme profond de cette ville unique, qui aux vieux édifices chrétiens mêle étrangement le souvenir de Dante et de Byron, tel est l'objet du livre que M. Diehl vient tk publier dans la collection des Villes d'Art célèbres. Une illustration excellente et bien choisie complète de la manière la plus heureuse ce volume; elle fait en quelque manière au texte de M. Dhiel, dont tout le monde connait la compétence et que ses études antérieures ont si bien désigné pour écrire ce volume, un perpétuel et très artisParis.
LES prix des grands fauves sont tombés à des chiffres dérisoires. A une vente aux enchères à Glascow, il y a quelque temps, un ours a été cédé pour 6o marks et un éléphant dressé pour 2 000 marks (a 50o fr.). Cela montre que le commerce des fauves ne nourrit plus guère son homme. Un marchand de fauves à Londres, le fameux Jamrach, disait dernièrement (( J'ai abandonné le commerce des animaux sauvages pour me continuer dans celui des animaux rares. Londres, autrefois le seul marché de fauves du monde, a eu son monopole anéanti par Anvers, Hambourg et autres ports du continent. D'ailleurs, les capitaines de navires anglais exigent, pour transporter les animaux, des prix exorbitants en comparaison de ceux des paquebots des Etats continentaux. Grâce à ces derniers, les prix des fauves sur les marchés autres que celui de Londres sont tombés aux chiffres suivants En i88o.
« Parmi les
fr.
tique commentaire.
DEUTSCHE KOLO:VIALZEITUNG
DEUTSCHE V~ART.E
La Femme iakoute.
Berlin.
les vastes régions glaciales de la Sibérie arctique vivent 500000 membres de la race humaine, dans des conditions où, en dehors des Tchoucktchis ou des lakodes, le froid, le sol aride et les vents du pôle auraient promptement raison des habitants. Et pourtant, ces indigènes ne trouvent pas seulement le moyen de défendre leur pauvre existence contre une nature marâtre, ils s'accordent certaines jouissances, et tout sentiment de la beauté ne leur est pas étranger. Les Iakoutes en particulier, qui comptent 270000 -[mes (contre 15000 Tchoucktchis), sont une belle race d'origine turque, et qu'on peut qualifier d'opulente en comparaison des autres tribus sibériennes. Leurs femmes ne mènem pas ce qu'on pourrait appeler une vie douce et tranquille on les voit chevaucher sur les rennes, jambe de-ci, jambe de-là; elles vivent de poissons rouges, de baies sauvages, de racines et de feuilles, mélangées à du sang de renne caillé; elles font de la couture au grand air, par des températuresde 50 degrés centigrades au-dessous de zéro, sans souffrir du froid bien plus, elles ouvrent parfois leurs fourrures et se rafraîchissent le corps avec de la neige ou de la glace. Elles mènent une vie très laborieuse et économe. Eh bien, malgré tout cela, elles s'accordent des costumes dont la scmptuosité ferait pâlir d'envie les grandes dames de Paris, Londres ou New York. DANs
Jugez
plutôt.
Quarante peaux de vipère forme;~t leur manteau le prix en revient à 3 200 marks; leur coiffure et leurs gants sont en peau de renard bleu ci, 800 marks; ce qui fait qu'une riche lakoute se met sur le dos pour 5 000 francs de fourrures. Ce n'est pas tout ces opulentes pelleteries, qui ne sont pas un luxe dans ces régions désolées, sont relevées de toutes sortes de riches ornements en argent massif un magnifique plastron est rattaché au coi par des chaînes en filigrane d'argent de trois mètres de long, qui forment un multiple collier; des clochettes d'argent sont suspendues au bas de la plaque. Les manchettes, les poches, le bord inférieur du manteau de fourrure sont ornés de filigrane. Le même précieux métal s'étale en riches parures dans le dos de la dame. Tout cela est destiné aux jours de fête, où les femmes Iakoutes dansent sur la neige, par 50 ou même 70 degrés de froid. Mais, dans la vie ordinaire, elles sont très simples. Quand le mari est à la chasse, elles soignent les rennes, et, du lait de leurs troupeaux, confectionnent le koumis ou fromage aigre. Elles comptent les jours où elles se trouvent seules chez elles à l'aide d'un calendrier consistant en une planche percée de trous, où chaque cheville qu'on enfonce représente une journée. Chez les Iakoutes comme chez les Tchoucktchis, c'est le fiancé qui offre une dot tant de rennes, au prorata de sa fortune, lui servent à acheter sa femme. S'il est trop pauvre, il travaille pendant deux ans chez son futur beau-père. Jacob chez Laban Mais le Laban sibérien n'accor~!era sa Lia ou sa Rachel, ou les deux ensemble, que si le soupirant l'a servi à sa satisfaction. S'il s'est montré bon travailleur, intelligent et docile, oh! alors, Laban peut lui jeter à la tête toutes ses filles, fussent-elles au nombre de deux, de trois, de dix; car la polygamie règne chez les Iakoutes, chez le pauvre comme chez le riche. Celui-ci partage entre ses femmes biens et troupeaux, et leur assigne à chacune une tente particulière. C'est, je crois, sagement avisé. Quant au pauvre, il est obligé de grelotter avec ses femmes sous une unique petite tente. On ne dit pas si ces dames se querellent entre elles; mais peut-être ont-elles le caractère mieux fait que les
nôtres.
l'homme plonge ses mains dans un vase plein de sang de renne, dont il enduit tout le Le jour de son mariage,
visage de sa femme, en prononçan': ces paroles sacramentelles <c Je te fais part de tout ce que je possède au monde. » On pourrait être moins galant que ces pauvres gens.
Le Pays des Ovambos. allemand est partie septentrionale du Sud-Ouest Lpeuplée des plusieurs tribus indépendantes les Africain
de
unes
autres et que les Allemands n'ont pas encore soumises à
leur protectorat. A la tête de chacune de ces peuplades est un despote (dans toute la force du terme) qui peut disposer de 10 à 15 000 guerriers. Mais les Ovambos sont d'un naturel si lâche que les Hottentots, leurs voisins, ne se gênent pas pour les razzier impunément. Ce qui rend le pays redoutable aux explorateurs, ce n'est donc pas une force militaire organisée, c'est l'anarchie qui règne dans le pays. La justice n'y existe pas; tous ces roitelets gouvernent avec une autorité absolue, qui ne s'inspire d'ailleurs que de caprices de fou ou d'alcoolique. Parmi ces chefs, les uns sont favorables, les autres hostiles aux Européens; et encore ne peut-on pas compter sur les premiers, que les suggestions d'un sorcier ou de l'ivresse peuvent retourner comme un gant, d'une minute à l'autre.
D'ailleurs, à leur mort, ont-ils parfois un successeur qui a d'autres idées; alors, malheur aux Européens, aux missionnaires, surtout que surprend une telle révolution Le premier lieutenant prussien von Winckler et le docteur G. Hartmann, dont nous analysons le récit, ont eu cependant le courage de traverser cette contrée pour tracer le plan d'une ligne de chemin de fer qui reliera le protectorat allemand au Congo portugais. Ils ont été bien reçus par les tyranneaux auxquels ils ont fait visite, parce qu'un grand nombre d'Ovambos vont s'engager comme terrassiers ou ouvriers de campagne sur le territoire allemand. Voici comment M. Hartmann raconte deux de ces visites.
Une des coutumes des roitelets nègres, c'est de faire attendre très longtemps leurs visiteurs. J'avais fait avertir !\égalé, un de ces chefs, que s'il ne me recevait pas tout de suite, je ne l'attendrais pas une minute. Il fut ponctuel. II nous rerrut, assis sur une chaise, et en fit avancer deux à notre usage. Il était vêtu à l'européenne. A côte de lui se tenait agenouillé son conseiller, un Ovambo corpulent qui avait une figure de paysan rusé. Quant à celle de );égalé, je n'en ai vu de plus horrible. ]] n'osait pas me regarder, sinon en s'il méditait un guet-apens. Après les premières politesse, je lui dis que nous avions soif. Il murmura de phrases deux ou trois mots à demi-voix. t;ne de ses femmes, qui se tenaient derrière lui, s'avança, se mit à genoux devant lui, re~ut, les yeux engeama omuhona~> baissés, un ordre auquel elle répondit oui Seigneur et Lion ». Puis elle se retira, les yeux baissés, à rccujusqu'à la porte; un moment après, elle nous apportait avec la meme attitude deux eau l'es de bière cafre.
is comme ns
L'accueil que fit aux Allemands un autre de ces chefs fut plus amical. t(s se gardèrent toutefois d'aller le voir dans le courant de la journée, car, à partir de to heures du matin, il est régulièrement ivre. Et même à l'heure matinale où les explorateurs lui firent visite, Kambonde, c'est son nom, était déjà un peu ému. ([ leur saisit les mains dans ses je vous le donne mains tremblotantes et les mena droit dans la chambre à coucher de sa concubine favoen cent rite
Pour leurs travaux de reconnaissance et de triangulation, les explorateurs durent traverser le fleuve Kunene c'est une région encore inexplorée. et tout à fait sauvage, un de ces coins, de plus en plus rares en Afrique, où triomphent la brousse et la forêt vierge, où pullulent sans crainte du chasseur tous les grands fauves, ainsi que des éléphants,'des rhinocéros, des hippopotames, des girafes, par troupeaux de centaines de têtes. Le docteur Hartmann, dans ses conclusions, après avoir montré la possibilité de la construction d'une voie ferrée sans difficultés trop considérables, conseille à l'Allemagne de soumettre les Ovambos par la voie diplomatique où elle unirait la douceur au sang-froid et à la fermeté, plutôt que par des hécatombes de ces noirs dont les Allemands auront d'ailleurs besoin comme ouvriers et comme soldats. Alors le pays des Ovambos mettrait relativement peu de temps à devenir une des plus fructueuses annexions d'un empire colonial qui, jusqu'ici, a rapporté à l'Allemagne plus d'honneur que de
profit.
Une Excursion au pic du Grand-Jer. Pour nombre d'alpinistes, le plaisir de vaincre la difficulté, l'amour du danger, le désir de détenir un record constituent des motifs suffisants à leur faire entre~rendre des ascensions Périlleuses. Les amateurs de spectacles grandioses, dont les muscles sont moins robustes que l'entbousiasme, apprécieront le funiculaire, cet auxiliaire précieux qui permet d'accéder en
wagon aux cimes élevées et de jouir sans restriction d'un plaisir atteint sans efforts.
Si
l'on veut contempler dans toute sa beauté l'admirable panorama qui entoure la vieille ville de Lourdes et sa célèbre basilique, il faut faire l'ascension du pic du Grand-Jer. Le Grand-Jer est un lourd massifcalcaire isolé, qui semble avoir été détaché par quelque violente
une pente de 545
Nous avons fait l'ascension du pic du Grand-Jer à la fin d'une belle et chaude journée du mois d'août, vers cinq heures du soir. En quittant le tramway ThomsonHouston qui nous a conduits de la gare de LourdesMidi à la pefite halte de Soum, nous franchissons les 400 mètres qui séparent l'arrêt du tramway de la jolie gare du funiculaire et nous arrivons au pied de la voie ferrée. Ce n'est pas sansune impression de surprise, et pour quelques-uns de crainte, que l'on aperçoit, d'en bas, la mince ligne blanche qui s'élève d'abord en pente assez douce, mais qui
presque dépourvue
monterpresqueperpendiculairement
commotion des con-
treforts pyrénéens dont il est séparé par la vallée d'Argelès. Situé, aux portes mêmes de Lourdes, son point culminant est à 950
mètresau-dessusdu niveau de la mer;
le pied du pic étant
à 405 mètres, c'est
semble ensuite
mètres, raide, escarpée, rocheuse,
sommet
de végétation, qu'il s'agitde gravir pour arriver au sommet. Autrefois, on
jusqu'au
pied, en une heure et demie ou deux heures, par de petits et très mauvais
tuer leur montée et
du massif, et sur laquelle, en sens
inverse, les deux voitures vont effec-
n'y parvenait qu'à
leur descente. On nous explique que Photographie de M. Miguel de Torrès, à Lourdes. le funiculaire du sentiers de trouGrand-Jer est, en effet, un des plus raides et des plus audacieux qui peaux, contournant les escarpements abrupts du massif. Depuis le 17 juin 1900, un funiculaire, mis en aient été construits. mouvement par un moteur électrique, permet au La longueur totale de la voie est de 1008 mètres. Après avoir contournéun mamelon de 231 mètres, voyageur d'atteindre ~oo mètres d'altitude en un quart d'heure, et lui donne le moyen de faire sans qu'on appelle le Mont de Justice, la voie s'élève en une fatigue et sans danger une intéressante excursion. ligne droite de 777 mètres. La pente, qui est de C'est le premier funiculaire français, de dimensions 27 pour ioo au début, atteint 5o pour 100 au milieu importantes, qui ait été construit. du parcours, pour arriver à 56 pour ioo, inclinaison A TRAVERS LE MONDE.
VUE DE LA GARE DE DÉPART DU FUNICULAIRE.
3e
LIV.
No 3.
16 Janvier ~904·
qu'elle garde constante jusqu'à l'extrémité du tracé. Il y des funiculaires de montagnes qui monte:1t beaucoup plus haut; seul le Stanserhorn, avec 6o pour ioo de pente, dépasse l'audacieuse ascension du funiculaire du Grand-Jer. Mais combienl'impression éprouvée avant le départ est vite oubliée à., mesure qu'on s'élève. Nous nous installons dans un des cinq compartiments de la voiture électri-
bientôt elle s'ébranle. Sans aucune secousse, très sûrement, très doucement, elle effectue sa montée; la que
électriques provenant de l'usine de Lugagnan et de celle de Vizens et se réunissant dans un pavillon voisin de la gare du bas, d'où ils sont transmis au moteur du sommet par un embranchement!. Pour prévenir toute possibilité d'accident, chaque voiture est munie de deux freins capables de
l'arrêter en cas de rupture du câble. En outre, des freins fixes, placés à la gare du haut, modèrent ou accélèrent la marche des voi-
tures suivantle cas. Quant aux i ioo mètres de rails, ils sont si solidement fixés
vitesse normale des voitures est de 1 ffi20 par seconde.
par des boulons dans la maçonnerie de la voie que tout glissement est rendu impossible.
justice et traversé un premier tunnel de 75 mètres de longueur, elle franchit le superbe viaduc dont les neuf arches combient une
Pendant qu'on nous
Après avoir suivi la pente douce et courte du Mont de
dép~ession à peu p.-ès à mihauteur du pic. Sa longueur totale est de 167 mètres, son inclinaison de 5o pour ioo. C'est au milieu du viaduc que le croisement des voi-
donne ces dernières explications, nous traversons après la tranchée un deuxième tunnel de 65 mètres, puis un second petit viaduc, et nous arrivons enfin à la gare supérieure.
L'ascension s'est effectuée en yuin,~e minutes! Pd\ORAM.1 De: LOURDES. Quels travaux considérables Pliotograyhie de l~l. Miga~cl de Tor~-cs, à Lourdes. tures s'opère automatiquea dû exiger l'exécution de ment. tous les ouvrages d'art du funiculaire! Le seul viaduc du centre ne représente Au-dessus de cet étonnant ouvrage d'art, la voiture, qui monte toupas moins de 4200 mètres cubes de jours, traverse une maçonnerie. En tranchée de 230 quittant notre commètres de long, partiment, nous jetaillée dans le roc; la pente est alors de tons encore un coup d'oeil sur la ligne 56 pour ioo sans la moindre courbe. que nous venons de gravir et qui, du Mais malgré cette quai de la gare, pente si vertigisembleprodigieuseneuse, l'ascensior. ment raide. Ici, ne présente aucur danger, grâce à l'exnous pouvons comprendre mieux entrême solidité du câble en fils d'acier core toute la difficulté qu'a présentée qui retient et enl'achèvement d'un traîne les deux voisemblable travail, si tures marchant en l'on songe qu'il n'y sens contraire. Ce avait pas de checâble est actionné par un moteur élec1. L'excédent triq-ue de 8o ched'énergie des deux vaux placé à la gare usines fait l'objet de du sommet. Deux trois exploitations anCONSTR1:CTION DU VIADUC. chutes d'eau situées nexes: [0 Distribution l'une à 2 kilomètres Photogrctphie de ¡11. tlTiguel de Torrès, à Lourdes.. d'énergie électrique l'autre à aval, dans la ville de Louren des pour l'éclairage et l'industrie; 2° fabrication de glace à 4 mètres en amont du funiculaire, sont les sources rafraîchir; .3° scierie pour bois de charpente. d'énergie des deux grandes canalisations des courants
mins pour amener les matériaux nécessaires à sa construction, et qu'on a dû les élever, au moyen d'un câble transporteur aérien actionné à l'électricité, pen-
dant quinze mois. L'installation des appareils méca-
Pyrénées. Elles sont là, tout près de nous, si près
qu'il semble qu'elles vont écraser le monticule qui nous porte. Il est six heures du soir, le soleil qui descend répand sur les pics tout blancs des tons délicieusement roses, et laisse dans l'ombre les versants rocheux des grandes montagnes. Tandis que nous nous arrêtons pour admirer cet imposant spectacle, il nous revient à l'esprit une phrase que nous venons de lire cc Dans l'éther pâle, des figures noires, déchiquetées, monstrueuses apparaissent aiguiséescommedesflèches barbares, les cimes sortent de la nudité triste des champs de neige!. » Oui, c'est bien cela; et nos yeux ravis suivent les crêtes, sondent
niques coûta les plus pénibles efforts. Quant aux rails, ils ont dù être montés à bras d'hommes sur toute la longueur de la ligne. La construction du funiculaire du pic du Grimd-Jer fait le plus grand honneur à son ingénieur, M. Chambrelent. Mais ce ne sont pas seulement les ouvrages d'art que nous avons admirés en montant. A mesure que nous nous élevons, des points de vue nouveaux, de plus en plus pittoresques s'offrent à nos regards, et nous arrachent, à la sortie de chaque tunnel, des cris d'admiration. Maintenant, sur le terre-plein de la les crevasses, cherchent les glaciers, descendent jusqu'aux cirques qui abritent gare du haut, l'ascension du pic n'est pas achevée. Il les premières touffes de sapins, les derniers bouquets reste encore 5o mètres à gravir à pied pour atteindre de rhododendrons. le sommet. Nous suivons En vain le guide qui est revenu vers nous contiun petit sentier habilement ménagé en lacets pour rennue sans se lasser sa nomenclature monotone. Il dédre la marche moins pénisigne et nomme tous les ble, et nous arrivons enfin pics. C'est au milieu de tant au point culminant du pic d'autres à gauche, l'Arbidu Jer. Là se dresse une énorme croix, de 3o mètres zon, la Peyre, le Mont Aigu, le pic de Lhenz, le Pène de haut, qu'on illumine tous Blanque, le Pène de Pourles soirs et qu'on aperçoit de très loin. A quelque disry, le Pène Taillade; à droite, le pic de Viscos, le tance de la croix, est édifié pic d'Alian, le pic d'Ardiun petit observatoire d'où den, le pic de Gaube, le l'on découvre le plus admiCabaliros, le Balaïtous, le rable panorama qu'il soit Vignemale. Ce nom nous possible d'imaginer. fait sortir de notre rêverie. D'abord, au pied mêLe Vignemale? où me de la masse rocheuse, est-il? s'étend la ville de Lourdes, Et le doigt du guide tout entière dominée par l'ancien fort, avec son donnous montre le géant, ses glaciers et l'emplacement jon féodal hardiment planté où s'enfonce le cirque de sur un rocher isolé. Un peu Gavarnie. plus loin, dans la verdure On nous rappelle de sombre des arbres, se déLA DESCENTE DU FUNICULAIRE. l'autre côté pour admirer le tache la blanche basilique pic du Midi qui se détache Photographie de M. Miguel de Torrè~, à Lourdes. une longue procession de pètrès net dans le ciel du l.erins, avec de nombreuses bannières claires, défile devant son portique. Le Gave, soir il paraît que nous avons de la chance, car il est qui sort de la vallée d'Argelès, serpente rapide et écutrès rare qu'on le voie ainsi. Mais l'heure s'avance, il faut que nous revenions meux, traverse la ville et se perd au milieu des prairies très près encore, le lac de Lourdes, semblable à un à Lourdes avant la nuit. Le funiculaire va repartir on miroir, laisse reposer ses eaux tranquilles et bleues nous appelle nous suivons de nouveau en courant le petit sentier qui nous ramène à la gare du haut, et au milieu d'un champ de bruyères stériles; au delà du lac, la grande plaine de Béarn et de la Bigorre s'étend nous reprenons place dans la voiture électrique, à perte de vue. On nous montre, très loin, un amas En redescendant, nous ne pensons plus aux merde maisons qui se devine c'est Tarbes; de l'autre veilles de la mécanique, aux prodiges de l'électricité, Très troublés par l'étonnant spectacle que nous venons côté, quelques blancheurs dans des noirceurs de sapins c'est Pau On nous dit même que, certains de contempler, nous voulons voir, voir encore. jours, on peutvoir Biarritz et la ligne sombre de l'Océan. Les cimes se perdent maintenant dans de gros Mais les aspects ondulants de la plaine ne nous renuages orageux dont le soleil couchant rougit les tiennent pas. Nous laissons le guide montrer du doigt crêtes; nos regards plongent et suivent, dans la si et nommer un grand nombre de bourgs et de villages, pittoresque vallée d'Argelès, la ligne argentée du et nous revenons du côté où l'on voit se dresser, en demi-cercle, le dédale chaotique et imposant des Pouvillon.
E.
Gave. Aux époques glaciaires, cette dépression était en partie comblée par un immense glacier qui s'avançait jusqu'en aval de Lourdes. La longueur de ce glacier prodigieux était de 53 kilomètres. Au-dessus de l'endroit où se trouve aujourd'hui Gavarnie, il avait 1350 mètres d'épaisseur et plus de 36o au-dessus de Lourdes. Maintenant la végétation et la vie ont remplacé l'immense fleuve de neige. A mesure que nous descendons, les images se font plus précises, les maisons grandissent, les troupeaux, qui nous semblaient tout petits du haut du massif, se détachent nettement sur les dernières pentes gazonnées de la montagne. Un feu de sapins brûle au creux d'un rocher. Nous descendons encore, un chant vient jusqu'à nous voici la route blanche et poudreuse. Sur la route, près de nous maintenant, un Basque, avec un béret bleu et des espadrilles de corde, guide du bout de son aiguillon les boeufs blancs qui traînent avec lenteur un char rempli d'herbes.
Comment se fait la Robe d'une Javanaise. L robe d'une Javanaise n'a de commun que la desti-
nation avec l'assemblage ingénieux de lés, de volants, d'ourlets, de faux-ourlets et de plis que nos couturiers et couturières modifient tous les ans pour le plus grand bonheur des dames. La différence commence au nom. Tandis que la Française a trouvé pour sa parure un nom vague, flottant, à sonorité enveloppante, la Javanaise, enfant de la nature, nomme tout bonnement saroiag (gaine, étui, fourreau), le vêtement qui la couvre de la taille
aux talons. C'est un nom parfaitement approprié, d'ailleurs, à la pièce d'étoffe sans couture, carrée, mesurant mètre de côté, qu'elle applique sur son corps en la 1 roulant, comme nous nos ceintures de flanelle. C'est un pagne perfectionné et tout à fait semblable au jupon long que les Japonaises tendent sous leurs kinwnos et au sanzpot des Siamois; mais les Japonais et les Siamois n'ont pas {( fignolé» » cette pièce de leur
vestiaire, tandis que les Javanais ont trouvé le moyen de faire du saroiag cet objet d'art, curieux toujours et souvent précieux. Leur travail, croyons-nous, vaut d'être décrit. Ils prennent une pièce de calicot blanc, plus ou moins fin, apprêté ou écru, indifféremment. Ils la blanchissentavec grand soin. Ils la font ensuite bouillir
pendant plusieurs heures, tant qu'elle n'a pas perdu jusqu'au moindre atome tout son apprêt. Après une heure passée au soleil, elle est sèche comme un copeau. Une femme l'ourle et l'empèse dans un amidon de riz dont le dosage doit être très précis. Pour bien incorporer cet empois dans l'étoffe, on l'étend ensuite sur un petit établi, et on la bat avec des marteaux de bois, à petits coups secs et rapides, pareils à ceux des batteurs d'or, ou à ceux que j'entendais galoper audessus des maisons, le soir, en Corée, dans les rues de
Séoul, dont ils sont la caractéristique nocturne. Là aussi, il s'agit de repasser, sans fer, et de glacer du calicot. La tâche du manœuvre est finie, celle de l'artiste commence. Les Malais la nomment batik. Elle consiste en un procédé unique au monde pour imprimer des dessins coloriés sur une étoffe, et participe à la fois des
arts du dessin, de la peinture, de la gravure à l'eau forte et de l'industrie du teinturier. L'opérateur a besoin d'un fourneau qui maintienne bien liquide la cire d'une bassine, et d'un jeu de baquets contenant les mixtures qui deviendront les couleurs de son tableau sur calicot. Par parenthèse, le batik a une telle importance dans l'Insulinde, qu'outre la production d'une abeille indigène, dite a~is dorsata, il consomme, de cire d'a~is melliflua, importée d'Europe, une quantité que M. de Coutouly, consul général à Java, évalue, dans son rapport de 1900, à 2 918 654 kilos. Quant aux bains de teintures, ils sont faits de décoctions végétales indigènes, fines et bon teint. Pour les articles bon marché, l'ouvrier, après avoir étendu son étoffe sur une sorte de cadre à calandrer, se contente de calquer le dessin sur un modèle
connu, placé en transparent, sous la pièce blanche. Quand le client est riche, notre homme se met en frais, et il combine des feuillages, des fleurs, des
rinceaux, des arabesques, des animaux, des person-
nages humains ou divins, un ensemble aussi fouillé, aussi soigné que les arrière-plans des tableaux des primitifs. Il faut les faire chanter ensuite, dans toute la chaude harmonie de leurs couleurs. L'aqua-fortiste, quand il a taillé son cuivre, enduit de vernis les clairsobscurs, les zones traitées à la pointe sèche, et les ombres légères par les garantis pendant le mordage par l'acide des grands noirs profonds. Notre Javanais est, lui aussi, obligé de ne soumettre à chaque teinture que le lot qui lui est assigné, tout en plongeant, chaque fois, la pièce entière dans chaque bain. La cire lui rend alors les services du vernis de graveur à l'eau-forte. Devant lui toute une série de pots de terre tendent des becs de toutes les dimensions du tuyau de plume, qui déposera une goutte en tête d'épingle, au goulot de bouteille; il peut ainsi épandre exactement la quantité d'isolant nécessaire pour sauver le dessin entier, pendant que se fera la teinture du fond, puis colorier, comme s'il maniait un pinceau, chacun des détails de son œuvre, et même renforcer, ton sur ton, plusieurs fois, une nuance réduite, en d'autres points, à une ou deux couches. L'opération est longue, car il faut enduire une seconde fois de cire les surfaces coloriées, qui ne doivent plus l'être, et après chaque bain, enlever la cire et faire bien sécher. Tel de ces pagnes, ainsi ouvrés, mériterait qu'on rééditât pour lui, contre la robe, le plaidoyer du (( Livre de bord » d'Alphonse Karr contre le chapeau haut de forme, en faveur du feutre gris ou de la casquette. Ceux qui se souviennent du kampong javanais de l'Exposition de 1889 et des magnifiques sarongs des Tavanaises qui y dansaient, n'y contrediront pas. Ce ne sont, depuis toujours, que des étuis, des gaines, des fourreaux, certainement, mais ils ont sur la pauvre petite robe de Mimi Pinson l'avantage d'être aussi finement et richementtravaillés que l'écrin d'une VILLETARD DE LAGUÉRIE. perle fine.
Comment fut retrouvé Nordenskji7ld. Le Naufrage de son Navire 1'«Antarctic». L'explorateur Otto Nordercskj~ld, retrouvé dans les terres antarctiques par l'expédition argentine de l'Uruguay, vient de rentrer en Europe.
succintement, car nos lecteurs le conRAPPELONS naissent déjà, le début du voyage d'Otto NordenskjÕld aux terres australes. C'est en octobre 190 l,
avec ses trois autres compagnons, mais que l'on n'avait pas revu l'Antartic, depuis le mois de févfÏer 1902, soit ~iepuis vingt et un mois. Le commandant Irizar se r,dit donc en toute hâte à Snow Hill, où il eut la joie de retrouver NordenskjÕld ainsi que ses compagnons tous en bonne santé. Le 9 novembre, pendant que Nordenskjôld exposait au capitaine de l'Uruguay ses craintes sur la perte totale de l'Antarctic, un coup de théâtre se produisit on signala la venue d'un groupe de six hommes. C'était le capitaine Larsen, de l'Antarctic, avec cinq de ses matelots.
Ceux-ci racontèrent aussitôt que le navire de la mission avait été coulé par les glaces, le 12 février 1903, dans la baie d'Erebus et Terror et que l'équipage sauvé avait hiverné à l'île Paulet. Le
s'embarquèrent sur l'Uruguay avec lequel ils gagnèrent l'île Paulet,. où l'on trouva et l'on recueillit le reste de l'équipage.
vier 1902, elle arriva à Snow Hill, dans la partie sud de la Terre Louis-Philippe, où le Dr Nordenskjôld établit ses quartiers d'hiver, avec deux savants suédois, un officier de la marine argentine, deux marins, quelques chiens et des vivres pour deux ans.
L'Antarctic, venant des îles Falkland, était arrivé, fin novembre 1902, au nord de la Terre Louis-Philippe. En essayantde se rendre à Snow Hill, il avait été soudainement cerné par les glaces. Le 4 janvier, il trouva un passage libre vers le golfe Erebus etTerror; mais la glace se reforma en masses de plusieurs kilomètres de superficie et emprisonna de nouveau le navire. L'Antarctic resta désemparé au milieu du golfe. On ne voyait d'eau nulle part. La situation devenait critique. La pression des glaces augmenta. La proue de l'Antarctic fut soulevée de quatre pieds. On avait le senti-
Dans le courant de
février, fAntartic fit voile vers les îles Falkland, où il se livra à divers travaux scientifiques, et d'où, suiles conventions arrê-
tées, il devait partir, vers la fin de ic~o2, pour venir re-
chercher NordenskjOld et ses compagnons laissés sur le continent antarctique. On pouvait supposer,
en conséquence, qu'en
mars ou avril 1903, on apprendrait le retour de l'expédition à la Terre de Feu, ou son arrivée sur tel autre ITINÉRAIRE DE L' (t ANTARCTIC » point de l'Amérique du Sud. Il n'en fut rien. Les mois se passèrent sans qu'on reçût la moindre nouvelle de l'expédition. L'inquiétude gagna le monde civilisé. La Suède envoya un navire de secours, la République argentine en envoya un autre, tandis que le Français du Dr Charcot quittait le Havre. Le navire argentin était l'Uruguay, capitaine Irizar. Il quitta Buenos Aires, le 8 octobre, et arriva à Ushnaia (Terre de Feu), à la fin du même mois. Le ter novembre, il fit route sur le Sud. Après avoir rencontré les premières glaces au nord-ouest des Shetland, il aperçut, le 6 novembre, le cap Seymour. Le surlendemain, 8, en descendant à terre, le capitaine Irizar eut la surprise de rencontrer deux membres de l'expédition, qui étaient à la chasse aux pingouins. Il sut par eux que NordenskjÕld était campé à Snow Hill,
novembre, tous
les membres de l'expédition, réunis à Snow Hill,
que l'expédition NordenskjÕld quitta Gothenborg, à bord de fAntartic. En jan-
vant
i
ment qu'une catastrophe était imminente. L'Antarctic se pencha à tribord, il avait au flanc une large ouverture par laquelle l'eau entrait à torrents. On organisa le sauvetage sans qu'il y eût la moindre panique. Les pompes fonctionnèr~nt; elles étaient actionnées par la machine. On put ainsi maintenir le navire à flot. Mais la pression des glaces était terrible; néanmoins personne ne perdit l'espoir. La glace s'agita vers la fin de janvier. Le 9 février fut une des plus mauvaises journées. L'Antarctic se pencha sur bâbord. Une effrayante tempête de neige faisait rage. On passa les jours qui suivirent à déblayer les glaces qui entouraient l'Antarctic. Le navire reprit sa position normale, mais la voie d'eau n'ayant pu être aveuglée, les pompes ne cessaient de fonctionner. Les glaces s'étant détachées,
DANS LES RÉGIONS POLAIRES.
l'Antartic flotta enfin et fut entraîné, le 12 février, dans un endroit où il n'y avait pas de glaces. On essaya de tendre des voiles et de se diriger vers l'ile Paulet; mais l'eau montait toujours dans le navire. Quand on vit que tous les efforts étaient inutiles, l'Antartic fut amarré à un énorme bloc de glace sur lequel on déchargea les vêtements, les caisses et les barils. On hissa au mât le drapeau suédois, puis on débarqua et on coupa les amarres. Le courant éloigna le navire du bloc de glace où les naufragés s'étaient réfugiés. L'eau envahissait progressivement l'Antartic; la proue disparut la première; enfin le drapeau suédois fut submergé sous les vagues. On était alors au 12 février; il était midi quarante-cinq; l'Arctartic avait
disparu pour jamais.
L'équipage du malheureux navire gagna l'île Paulet où il hiverna. Un seul marin y mourut.
Les Forces russes et japonaises en présence dans les Régions d "Extrême-Orient. MALGRÉl'espérance, non encore évanouie, de voir trancher à l'amiable le différend russo-japonais, les forces des deux adversaires s'organisent et les combattants sont en présence. L'escadre russe d'Extrême-Orientpourrait, si un conflit surgissait, avoir à faire face à toute la flotte japonaise, qui, au total, compte 7 cuirassés d'un déplacement de 92 000 tonnes, 3 garde-côtes (8 480 tonnes) 6 croiseurs cuirassés (58 386 tonnes), 27 petits croiseurs (72 820 tonnes), une vingtaine de destroyers et une cinquantaine de torpilleurs. Seulement, la flotte japonaise, comme toutes les flottes, contient des navires dont la destination est de rester près des côtes, et d'autres dont l'âge ou les qualités insuffisantes les font regarder comme sans valeur dans un conflit armé tel est le cuirassé Chin-Yuen, pris par les Japonais sur les Chinois ainsi que nombre de petits croiseurs anciens, trop peu armés, trop peu rapides et point du tout pro-
tégés.
a donc fallu faire une sélection parmi. les navires de la flotte japonaise pour établir une comparaison avec les forces navales russes qui, elles, contiennent peu d'inutilités. Cette sélection a été faite d'après l'âge, le tonnage et la vitesse; elle ne saurait être défavorable au Japon, car les journaux anglais, très amis des insulaires d'Extrême-Orient, se sont à peu près tous 11
rencontrés sur les mêmes navires. Ramenée à ses unités utiles, la flotte japonaise compte, comme bâtiments importants, 6 cuirassés pourvus de ioo canons et montés par 4 264 hommes; 6 croiseurscuirassés pourvus égalementd'u ne centaine de pièces et montés par 4300 hommes; 14 croiseurs protégés, avec 140 canons de moyen calibre; plus 2 croiseurs cuirassés tout neufs achetés la semaine dernière. Pour la Russie, il a fallu également éliminer cer-
taines unités qu'on ne peut classer dans les forces de haute mer, telles 5 ou 6 canonnières comme le Bobr, l'Otvajny, etc., ainsi que 2 ou 3 petits croiseurs. Nous n'avons pas non plus fait entrer en compte le cuirassé Oslablya et le croiseur cuirassé Dmitri-Donskoï, qui sont destinés à l'escadre d'Extrême-Orient, mais qui, actuellement dans les mers d'Europe, effectuaient dernièrement encore des manoeuvres dans les eaux de Bizerte.
Les navires russes stationnés à l'heure actuelle dans les mers de Chine (abstraction faite des nombreux torpilleurs de haute mer que la Russie possède à Port-
Arthur), peuvent être ainsi répartis 7 cuirassés avec i 10 canons et 5000 hommes; 4 croiseurs cuirassés avec 76 canons et 3 000 hommes; 7 croiseurs protégés
avec 54 pièces de moindre calibre et 3 194 hommes. Du rapprochement des deux flottes il ressortirait, qu'en ce qui concerne les cuirassés, la Russie a l'avantage du nombre et de l'armement, mais pour les croiseurs cuirassés son infériorité est nettement établie. Par contre, pour les croiseurs simplement protégés, malgré l'infériorité du nombre, les unités russes sont plus neuves et plus rapides. Quant à ce qui concerne les forces de terre, l'armée active du Japon compte 7 500 officiers et yo 00o hommes qui se divisent en 52 régiments d'infanterie à 3 bataillons, escadrons de cavalerie, ig régiments d'artillerie de campagne à 6 pièces par batterie, 2o bataillons d'artillerie de forteresse, 13 bataillons du génie, i bataillon de chemins de fer et 13 escadrons du train. La réserve peut fournir 35 000 officiers et soldats avec 100 canons, et la territoriale 200000 hommes avec 3 12 canons. Si l'on compte les milices, le Japon peut mettre sur pied un total de 430 ooo hommes avec chevaux. 1 200 canons et 90000 L'armée japonaise est munie du fusil Midji à magasin, et l'artillerie a adopté le modèle du canon Arimillimètres, type 1898. saka de Il est beaucoup plus difficile de donner des chiffres exacts en ce qui touche l'effectif russe. Avant les troubles de 1900 en Chine, la Russie avait dans la Sibérie orientale 35 00o hommes. Depuis, ces forces se sont augmentées et l'on peut approximativement les fixer ainsi i Ir corps d'armée de Sibérie 71 bataillons, 65 escadrons, ¡ 38 canons; 2e corps d'armée de Sibérie: 59 bataillons, 53 escadrons, 148 canons; soit un total de i3o bataillons, 118 escadrons et 286 canons. Cela fait environ t6oooo hommes. Les réserves de l'empire russe sont évidemment inépuisables, mais il ne faut pas oublier l'immense distance à parcourir par le Transsibérien qui n'est qu'à une voie, pour parvenir sur le théâtre du conflit. Les lieux où se font les préparatifs de la guerre embrassent une vaste étendue. Du côté russe, en Mandchourie, le front de l'armée de terre entre Port-Arthur et Vladivostok se développe sur environ 800 kilomètres. Les Russes ont aussi une avant-garde sur le territoire coréen, auprès de Yang-Po. Du côté japonais, les troupes sont massées le long de la côte occidentale de l'île principale de Hondo, sur un front d'environ 1500 kilomètres. Les Japonais sont maîtres aussi de la ligne télégraphique qui tra-
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verse la Corée, avec plusieurs postes militaires pour la garder.
Les forces navales de la Russie sont concentrées autour de Vladivostok, le grand port sibérien sur la mer du Japon, et surtout autour de Port-Arthur, dans la baie de Corée. Une flotte nombreuse de réserve est massée dans le golfe de Liou-ho, à l'ouest de la péninsule dont Port-Arthur forme l'extrémité. sud. Si le Japon attaque, il est possible qu'il tente d'abord le siège de Port-Arthur. Sa situation rappelle
celle de Sébastopol en Crimée. Seulement, Port-Arthur est relié à la Mandchourie et à la Sibérie par des voies ferrées qui assurent le ravitaillement. La flotte japonaise a ses points de concentration au sud, devant Nagasaki, avec une réserve dans la mer intérieure qui sépare l'île de Kiou-Siou de l'île du Japon, avec port d'attache à Ohosaka, et au nord, vers le détroit de Tsôugar, entre le Japon et Yeso, avec réserve dans la baie. de Sarou. Des bateaux japonais sont aussi embossés derrière l'île de Sado-Sima. Enfin, une avant-garde est postée le long de la câte méridionale de Corée. Les deux puissances ont accumulé les armées de terre et de mer, et si les hostilités s'ouvrent, aucun adversaire ne sera pris au dépourvu. Espérons, malgré tout, que les adversaires trouveront dans ces préparatifs de guerre, suivant le vieil adage, des raisons de faire la paix.
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L'Or à Madagascar.
avait fondé d'abord sur l'avenir de notre nouvelle conquête les espérances les plus optimistes. Il ne s'agissait de rien moins que de (( nouveaux champs d'or égalant en richesse ceux du Transvaal. A l'user, il fallut en rabattre. Pendant les premières années qui suivirent l'occupation, les statistiques n'enregistrèrent pour la valeur de l'or exporté que des sommes infimes i 12 ooo francs en 1896; 20800o en 1897; 33850o en 1898. On était loin des chiffres rêvés. L'année 1899 donna un résultat meilleur plus d'un million. Ce n'était rien encore toutefois auprès de ce qu'on avait péré. Mais c'était assez pour stimuler le zèle des esprospecteurs et les pousser à la recherche de nouveaux gisements. Leurs efforts furent couronnés de succès. En 1900, l'exportation de l'or passait à 3578917; elle se maintenait à peu près stationnaire en 1901 3 2gc~ 6~6 francs mais, par un nouveau bond elle atteignait en 1902 le chiffre de 3 909000 francs. On vient
d'apprendre que
chiffre sera dépassé de plusieurs millions en 1903. Plus de 700 kilos d'or ont été déclarés au service des mines pendant le premier trimestre de l'année passée, alors que, au cours de la période correspondante de zc~o2, on n'en avait enregistré que 525 kilogrammes environ la production du mois de juillet dernier aura été laplus forte notée jusqu'à jour et ce a dépassé 150 kilos. Le mois de septembre aura donné mieux encore 207 kilos d'or exportés. Les recherches et les exploitations, d'abord limitées à la région prise entre la limite orientale de la grande forêt comet la ce
côte est et parallèle à celle-ci, se sont étendues vers le nord jusqu'au-dessusde Vohemar et, vers le sud, près du Cercle de Fort-Dauphin. Les concessions deviennent également plus nombreuses dans la région montagneuse du centre. En même temps, les procédés
d'exploitation s'améliorent. Lesouvriersmalgaches, qui, jusqu'ici, s'en étaient tenus obstinément au système primitif de la batée, commencent à apprécier le sluice et ne répugnent plus à s'en servir. De ce fait découlent de précieux avantages rendementplus élevé des sables lavés, prix de revient moindre de for extrait, salaires plus réguliers pour le travailleur indigène, emploi d'une main-d'oeuvre moins nombreuse et, par suite, possibilité pour l'industrie minière de disposer d'un plus grand nombre de bras. Cette question de la main d'œuvre, qui a si longtemps paralysé les recherches et«les exploitations aurifères, peut d'ailleurs être considérée comme résolue, grâce à l'évolution qui s'est faite dans l'esprit et dans les habitudes des indigènes et dont il faut faire honneur aux mesures prises par le général Gallieni pour arracher ceux-ci à leur paresse invétérée. Toutefois, les résultats obtenus ne sont qu'un commencement et une promesse plusencore de la moitié de Madagascar n'a pas encore été explorée au point de vue minier, l'ouest et le sud n'ayant raison de l'état peu avancé de la colonisation pu, en ces contrées, recevoir la visite des prospecteurs. En en outre, même dans les régions reconnues, sur nombre de points, la faiblesse de la population, les difficultés du terrain, l'insuffisance des moyens de communication et de transport retardent encore les recherches. Sans sebercer d'illusions excessives et en procédant avec sagesse, il est permis d'espérer que l'or de Madagascar sera pour l'île un sérieux appoint de prospérité.
Jules Momméja Ingres. Elie Faure Yélasque~. Philippe Auquier Puget. Fierens Gevaert Van Dyck.
Collection des « Grands Artistes ». Chaque volume broché, 2 fr. 50; relié, 3 fr. 50. Paris, H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon.
toutes les raisons qui expliquent le succès grandissant de la collection des Grands Artistes et la place importante qu'elle a prise aujourd'hui dans les bibliothèques, PARMI
la meilleure est peut-être la suivante
que chacun de ses volumes a pour auteur l'écrivain qui, par la longue fréquentation des oeuvres et par des études antérieures, était le plus désigné, le mieux placé, pour nous retracer la vie de l'artiste suivant une documentation exacte et nouvelle. Dans temps où tout le monde prétend disserter et écrire, un cette appropriation toute spéciale de l'auteur à sujet son ne manque pas de quelque originalité, et il en va ainsi pour les quatre nouveaux volumes qui viennent enrichir la précieuse collection. Ingres y est étudié M. Momméja, vateur au Musée d'Agen, avec uneparcompréhension conserneuve du tempérament et de l'œuvre du maitre; le sculpteur marseillais Puget, par M. Auquier, conservateur du Musée de Marseille; Van Dyck, par un Flamand bien connu par ses études artistiques, M. Fierens-Gevaert; Yélasque~, par M. Élie Faure, que ses voyages en Espagne ont particulièrement familiarisé avec l'œuvre de ce peintre. Vingt-quatre reproductions, évoquant les créations les plus célèbres de chaque maître, achèvent de faire de ces monographies un tout définitif et complet, malgré le format encombrant et les conditions de prix accessibles à tous. peu
ALLEMAGNE
FRANCE
Allègement du sac du soldat.
On annonce
que le ministre de la Guerre vient de confier au Conseil supérjeuc de la Guerre le soin d'examiner très attentivement la question du sac qui, ramené au poids de 8 'kil. 300 à la suite de certaines améliorations, est encore trop lourd pou' le fantassin. Il y aura lieu de réduire les effets portés par l'homme tout en augmentant les vivres, actuelle:mentinsuflîsants pour continuer la bataille qui peut durer plusieurs jours. D'un autre côté, le ministre de la Guerre a donné les ordres les plus formels au président du Comité technique de l'infanterie pour que cette réforme soit étudiée afin de voir s'il ne serait pas possible non-seulementde diminuer le poids total du sac, mais encore de partager le sac en deux portions, dont l'une ne contiendraitque des vivres, et l'aune, qui pourrait se séparer, contiendrait les effets.
Mauvais état sanitaire de
l'armée.
1.<.
discussion du budget de la Guerre a révélé, une fois de plus, le mauvais état sanitaire de l'armée française, comparé w celui de l'Allemagne. Voici, en effet, la triste statistique qu'a apportée à la tribune un député, M. Lachaud En 1900, pour un effectif de 572 029 hommes, le nombre des journées d'hôpital s'est élevé à 3 626 766. Il y a, eu 313600 entrées, soit à l'infirmerie, soit à l'hôpital. On a compté 3 376 décès, soit 6,05 pour [000. Ces décès, déduction faite des morts par accident ou suicide, se répartissent ainsi 2 154 décès par maladie en France, 743 décès par maladie en Algérie. Le nombre total des cas de fièvre typhoide s'est élevé à 4 697, causant 404 décès en France et 372 en Algérie. La grippe donne 15 979 cas, dont 6 5 r été traités à l'hôpital et 9 464 à l'infirmerie. Elle a causé 268 décès. La rougeole donne 5 86o cas et 76 décès. La scarlatine, 2 543 cas et 73 décès. Les oreillons, 7 976 cas, dont 065 soignés à l'hôpital. L'érysipèle a présenté 147r cas et 19 décès; la méningite cérébro-spinale 50 cas et 28 décès; la tuberculose 36811 cas et 511 1 décès le rhumatisme 5 747 cas et 19 décès, etc. En résumé, au cours de l'année 19°°, 19 594 hommes ont disparu de l'armée. Il y a eu 5 276 morts, 71 retraités, :155 congés de réforme no 1, 9 719 congés de réforme n~ 2, 5 673 réformes temporaires. Et pendant cette même' année, pour un effectif de 520869 hommes, il n'y a eu dans l'armée allemande que 225 morts. La perte n'a été que de 10000 hommes y compris les décès. On s'en prend à l'état fâcheux des casernements. C'est donc de ce côté qu'i: faut chercher et réalaer quelques réformes.
ont
1
La mobilisation des chauffeurs.
On prépare des mesures pour assurer une mobilisation spéciale des chauffeurs automobilistesen cas de guerre. Les chefs de corps seront invités à profiter des périodes d'instruction des réservistes et des territoriaux pour rechercher parmi eux les hommes possesseurs du certificat de capacité prévu pour la conduite des voitures automobiles. Une mention spéciale sera inscrite sur leur livret, et leurs noms, fournis aux commandantsde recrutement, donneront lieu à l'établissement d'une catégorie nouvelle qui sera utilisée dans sa spécialité. IÉTATS-UNIS
Le président Roosevelt veut une puissante
marine.
Dans son récent message, le président Roosefait velt ressortir la nécessité qu'il y a pour les Etats-Unis à avoir une puissante marine. Il dit qu'il faut augmenter trève l'effectif et la force de la marine américaine. Il sans faut établir une base navale dans la baie de Subig, aux Philippines. Il faut constituer un état-major de la marine.
Augmentation du budget de la Guerre.
budget de la Guerre allemand fournit une nouvelle augmentation. Les dépenses ordinaires, 451 1808[4 marks, dépenses tandis que les extraordinaires se montent à 28 393 828 marks accusent une augmentationde 3 440 572 marks, destinés surtout à améliorer la solde des lieutenantscolonels d'infanterie. Ces officiers recevraient désormais 7 200 marks, au lieu de g Sgo. Le gouvernementcompte aussi augmenter le nombre et améliorer la situation des sous-officiers. Il estime que le maintien du statu quo serait nuisible aussi bien au recrutement des officiers qu'à celui des sousLe
officiers.
Les troupes des voies de communication. Leur composition, leur entra3nement. Elles se
composent actuellement, pour la Prusse d'une brigade de trois régiments de chemins de fer; de trois bataillons de télégraphe d'un bataillon d'aérostiers.L'instruction des troupes de chemins de fer se fait partie sur un polygone voisin de Berlin, partie sur la ligne de chemin de fer militaire de Juterbog, enfin dans des exercices spéciaux. Leur mission en temps de guerre embrasse la constructionet l'exploitation des voies ferrées, normalesou étroites, l'établissement des ponts permanents, la destructiondes voies ferrées. En outre, une section d'expérience composée d'hommes choisis spécialement s'occupe des études relatives à l'automobilisme. Outre les travaux de construction et de réparation qui sont suivis dans leur entier d'une manière très complète, l'exploitation est également l'objet d'études approfondies grâce à la ligne militaire qui est exploitée entièrement par le personnel des troupes de chemins de fer. Celle-ci, qui va de Berlin à Juterbog, a soixante-dix kilomètres de longueur tout le personnel y passe, à tour de rôle, pour son instruction pratique. Le matériel roulant est entretenu et réparé par les troupes de chemin de fer. L'organisation des bataillons de télégraphe a été calculée de façon qu'ils puissent donner, en temps de guerre, une demi-compagnie à chacun des vingt corps d'armée, sans compter l'"rmée bavaroise, pour le service de première ligne, c'est-à-dire pour établir les communications, utiliser ou réparer les fils entre les éléments combattants, pendant les périodes de marche et de stationnement, et, dans certains cas même, entre les têtes de colonnes de l'armée et la cavalerie d'exploration qui les précède. Lors des derniers événements de Chine, le détachement de télégraphistesa pu, en quatorze jours, établir une ligne permanentede 200 kilomètres de long entre Pékin et Pao-ting-fou. Une ligne provisoire a été construite plus rapidement encore, en huit jours, à raison, en moyenne, de vingt-cinq kilomètres par jour, malgré des conditions de température extrêmement pénibles. Outre les bataillons, il existe une école de télégraphie de cavalerie destinée à dresser les officiers et les sous-officiersde cavalerie aux destructions et réparations rapides et à préparer des télégraphistes de cavalerie. Chaque régiment possède, à cet effet, le matériel nécessaire. Le rôle du bataillon d'aérostiers consiste dans l'emploi des ballons libres et captifs et dans l'utilisation de la télégraphie sans fil. Chaque compagnie d'aérostiers est partagée en sept groupes ayant chacun une des attributions suivantes le ballon, le gaz, la nacelle, le câble, le téléphone,l'avant-garde, la réserve; leur rôle découle de leur dénomination. Le groupe d'avant-garde prépare le franchissement des obstacles avant l'arrivée du ballon; le groupe de réserve fournit les sentinelles, patrouilles et cyclistes nécessaires. Un des officiers assure les reconnaissances dans la nacelle; un autre recueille au téléphone les renseignementset les transcrit; un troisième dirige la manœuvre du ballon; un quatrième est à la disposition du commandant du groupe pour missions diverses. Il existe un cours annuel d'instruction, suivi par des officiers de toutes armes qui s'y préparent au rôle d'observateur, en ballon captif. La méthode! C'est décidément par là que se distinguent les Allemands.
La prochaine Exposition de Saint-Louis. En mai prochain va se
produire à Saint-Louis, dans l'État de Missouri,
izue de ces cruvres gigantesques dont les Américains (i semblent avoir le secret ». Une Exposition universelle convie le nroride eretier à ses concours, à ses spectacles, à ses fPtes. Elle est due à l'initiative privée, ce qui la différenciera de nos propres expositiorzs. Ajoutons qu'une pléiade d'ar-
tistes français a
été invitée à rehausser de son
talent le cadre et la décoratiorz de l'irrurzense Wordl's Fair.
DANS les vingt-cinq dernières années du siècle qui vient de s'écouler, les États-Unis ont célébré deux actes importants de leur histoire nationale par des Expositions universelles. C'est ainsi qu'en 1876, à Philadelphie, les État-Unis fêtaient la déclaration de l'Indépendance, et qu'en 1893, à Chicago, ils
Aux environs, se trouvent plusieurs grandes villes, de sorte que, dans un rayon de moins de 4o kilomètres, on compte plus d'un million d'habitants.
Saint-Louis est un des plus grands centres manufacturiers du monde et, par sa situation centrale, un
point distributeur
des plus importants pour les produits des États-Unis. Les négociants de SaintLouis ont des rela-
commémoraient le quatrième centenaire de la découverte de l'Amérique.C'est encore un grand acte de leur histoire que les États-Unis
tions commerciales avec toutes les parties de l'Amérique, et leur activité se fait ressentir d'une manière toute spéciale dans les affai-
entendent célébrer, en 1904; c'est l'acte par lequel la France leur a cédé, il y a
res et la vie de vingt-
eu, en 1903, cent ans, un territoire qui représente actuellement plus du tiers da leur pays.
quatre États.
L'Exposition est presque entièrement due à l'initia-
Afin d'être
tive privée
prête en temps uti-
le, l'administration
américaine a retardé d'une année cette importante manifestation, qui devait
avoir lieu en 1903. La ville de
POSE DU PAENIER JALON, A
Saint-Louis, qui a été choisie pour
L'OUVERII~REDES 't'R.lV.II;X DE L'EXPOSITION.
est bien américain. Quatre-vingt-quinze grands financiers des États de l'ancienne Louisiane se
sont syndiqués, ayant à leur tête M. David R. Fran-
cis, président actuel de l'Exposition, ancien ministre de l'Intérieur sous la présidence de M. Cleveland. Ils ont souscrit 25 millions, auxquels se sont bientôt ajoutés de la ville de Saint-Louis, 25 millions; du Gouvernement des États-Unis, 32; de l'État de Missouri, 5; et d'autres États, 6 ou 7. En totalisant ces chiffres avec ceux officiellement
D'apri·s Iu:e photographie.
l'emplacement de la future Exposition américaine, est la ville la plus considérable de la région cédée par la France aux Étab-Unis. Elle est située sur la rive droite du Mississipi, à 27 kilomètres au-dessous de l'endroit où le Missouri se jette dans ce grand fleuve. La population de Saint-Louis est d'environ 650000 habitants. A TRAVERS LI! MONDE.
Sir Taylor, directeur.
Sir Francis, président. Thomson, trésorier.
ce qui
4e
LIV.
N°
4
23
janvier 1904.
consentis par les Gouvernements étrangers, on trouve une somme de 12 millions absolument garantis. La Wordl's Fair est installée dars Je grand parc de Saint-Louis, dénommé ~orest Park et qui a plus de 500 hectares de superficie. L'Exposition elle-même en couvrira 450; celle deChicagon'occupait que 23° hectares, celle de Paris (1900) 130 seulement! Les États-Unis ont élevé là une ville de palais. Le plan qui a présidé à leur distribution s'est inspiré d'une
idée intéressante et artistique il répartit les édifices de grande architecture en bordure de larges nappes d'eau destinées, en reflétant les silhouettes, à doubler l'effet produit; à assurer, par des espaces peu garnis c,e foule, le recul nécessaire pour juger, dans leur ensemble, ces vastes constructions, et permettre au spectateur
de conserver l'impression d'unité qui doit se; dégager de toute oeuvre d'art. Pour atteindre ce but, un demi.cirque naturel a été régularisé, et son fond a été creusé en forme de bassin demi-circulaire
les trois construits par notre compatriote Masqueray, Les pavillons des États de l'Union sont, comme jadis à Chicago, en dehors de l'Exposition centrale, et les bâtiments des puissances étrangères y occupent des emplacements divers, un peu partout. Nous n'insisterons pas sur la nomenclature des pavillons consacrés aux diverses manifestations de l'invention humaine. Si les Beaux-Arts, les Arts libéraux, les Manufactures, les Machines, l'Agriculture,etc.
ont leur palais, leurs subdivisions sont aussi généreusement dotées.Il n'est pas jusqu'auxPompes funèbres, qui n'aient leur édifice! Le parti tiré de la situation est admirable, et du haut des terrasses des trois bâtiments qui couronnent le bassin central, la vue est incomparable. L'idée morale, qui a prévalu dans l'organisation de l'œuvre, a été de faire de l'Exposition Universelle de Saint-Louis une exposition à la fois nationale et internationale, de telle sorte que non seulement les États qui
composèrent l'an-
cienne Louisiane, mais aussi les autres États de l'Union, ainsi que toutes les nations du globe, puissent y
de 220 mètres de diamètre. Viennent
y aboutir, dans
l'axe, un canal central presque aussi large que la Seine à Paris, et aux extrémités de son diase retournant deux
prendre part. Ce plan est développé de façon à amener tous les peuples du monde à s'intéres-
viennent, après un
à les y faire parti-
mètre deux canaux
qui, par deux bras
ser à l'Exposition et
fois à angle droit,
ciper dans des conditions sans précé-
parcours de 900 mè-
tres pour chacun d'eux, rejoindre l'extrémité du canal central. Cette pièce d'eau est l'âme mê-
dents.
L'Exposition PLAN DE L'ESPOSII'ION.
s'appliquera spécialement à présenter,
D'après c Thl' \V2tdl'.) Fait saint-I_oui.s L. S..1. 190+)J. et de la façon la plus me du plan. Tous complète possible, les palais, à l'excepl'historique, les ressources et le développement des tion de celui des Transports, ont au moins une de leurs Etats et des territoires composant le pays acquis; faifaçades en bordure de cette longue nappe. Deux d'entre sant bien voir ce qu'il était jadis et ce qu'il est aujoureux, le palais de l'Électricité et celui de l'Education, les d'hui; ce qu'il renfermait et produisait, en i8o3, et ce y ont toutes. qu'il contient et produit maintenant. La crête, demi-circulaire, du cirque est occupée Elle démontrera clairement que la prophétie de par la Terrasse des États, comportant, au centre, la 11303 s'est plus que réalisée, puisque les États et tergrande salle des fêtes et, aux extrémités, des restauritoires compris dans l'acquisition de la Louisiane, en rants monumentaux; ces trois édifices soit sur plan s'étendant du golfe du Mexique au Puget Sound, forcirculaire; enfin plus haut encore,dans un axe qui est à la fois celui du grand canal et de toute l'Exposition, ment maintenant un vaste et populeux empire. Elle mettra aussi en évidence les ressources et le le palais des Beaux-Arts a été planté, dominant toute développement des nouvelles possessions des Étatsla composition. Porto-Rico, les Philippines, l'Alaska, les îles Unis La grande allée polygonale d'eau, allée transversale qui est la voie principale de "Exposition, se Samoa et Hawaï. II en sera de même pour l'île de termine, à l'est, sur une hauteur, par le palais du Cuba et tout autre pays placé sous la tutelle spéciale États-Unis. Gouvernement, tandis qu'à l'ouest elle se limite par le ou la protection des Elle inaugurera une nouvelle voie, en rompant pavillon national français, qui occupe une place d'honneur. avec les vieilles traditions et en faisant, de la vie et du Enfin, un peu en dehors, s'élèvent sur la haumouvement, ses principales attractions c'est-à-dire teur, à l'ouest, les immenses palais de l'Agriculture et que l'homme lui-même sera exposé tout aussi bien de l'Horticulture, et au sud, celui des Transports, tous que ses travaux; que les industries manufacturières
seront représentées en pleine activité et que les procédés de fabrication seront exhibés tout aussi bien que les produits à l'état achevé. Elle apportera les soins les plus méticuleux à la recherche de l'emplacement, ainsi qu'à la construction et à la disposition de ses différents édifices, de façon à procurer aux visiteurs, venus pour admirer les merveilles enfermées dans son enceinte, tout l'agrément et tout le confort possibles. Elle a veille à ce que de tous les quartiers de la ville, de toutes les stations de chemins de fer aboutissant à SaintLouis, les visi-
comprendra encore une immense et complète exposition anthropologique, formant ainsi un Elle
congrès de races et une exhibition spéciale des peuples barbares et semi-barbares, lui gardant ainsi toute la couleur locale possible. Elle montrera la vie sauvage des forêts, celle des plaines, des mers, présentant au visiteur une collection zoologique complète d'animaux indomptés, à l'état naturel, chaque espèce montrée autant que possible dans un cadre approprié à sa manière de vivre et aux instincts de sa race. Que l'Expo-
sition marche
dans la voie du
teurs puissent se rendre promptement et confortablement sur son
progrès, c'est ce
qui sera manifestementprouvé par
la façon intensive dont la lumière
emplacement, situé à 12 kilomètres de la ville. Enfin l'Exposition sera en quelque sorte une personnification, c'est-à-dire une démonstrationvivante des derniers progrès faits dans l'emploi des forces
artificielle sera employée, tant
pour la décoration que pour l'éclairage. La lumière électrique, employée sous ses formes les plus nouvelles et les plus frappantes, ainsi que tous les nouveaux procédés effectifs d'éclairage seront distri-
de la nature. Elle sera à la hauteur du
jour pour l'em-
ploi de toutes les nouvelles forces motrices, et elle saura faire ressortir toutes les nou-
bués
une
telle profusion
que, la nuit, l'Exposition tout entière ressemblera à un immense foyer incandescent, et ce magnifique spectacle rivalisera avanta-
velles inventions ou découvertes ayant une valeur pratique quelconque.
Pour assurer la complète
geusement avecc
les attractions du
exécution d'un
jour.
plan si considérable, la future Ex-
PALAIS DES MACHINES.
position saura
Document fourni par le Ministère du Commerce.
réunir les arts, les industries, les méthodes et procédés de fabrication de tous les peuples du monde; rassembler tous les produits de la terre entière ceux de son sol, de ses mines, de ses forêts, de ses cours d'eau et de ses mers montrer l'homme dans tout son développement au xxe siècle et bien mettre en évidence ses progrès sociaux autant que matériels. Elle fera voir la famille humaine au repos comme au travail, présentant l'homme à ses heures de récréation, à ses exercices, à ses jeux, à ses amusements elle montrera le « home » moderne avec toutes les commodités, tous les conforts que le siècle lui a
apportés.
avec
Quel rôle
jouera la France dans cette nouvelle Wordl'sFair? Quelle part y prendra-t-elle? C'est ce qu'il faut dire. A Chicago, malgré les efforts les plus énergiques de nos représentants, les Français ont eu lieu d'être
très mécontents.
La classification adoptée aux autres expositions,
avait été, sans raison plausible, complètementfaussée. Quant au jury, son mode de nomination et de fonctionnementle rendait, d'une si flagrantefaçon,presque exclusivement favorable aux Américains, que tous les exposants français ont refusé de passer devant lui. Et si le public, impartial, a rendu justice à leurs expositions, qui étaient en effet admirables, aucune récompense ne leur a été officiellement accordée,
Pour Saint-Louis, le public français était donc très froid; il a fallu toute l'initiative du Comité français des Expositions à l'Étranger pour ramener chez nous l'opinion publique; il a souscrit un capital de garantie de i million, sans faire appel au Gouvernement. Il a fallu surtout l'inlassable énergie de notre commissaire général à Saint-Louis, M. Michel Lagrave, pour amener les Américains à nous donner les garanties nécessaires. Il a
obtenu tout ce qu'il demandait; la classifica-
tion ancienne a été reprise et adaptée au progrès moderne, et le
jury fonctionnera avec
les garanties les
plus certaines d'impartialité. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de bouder, et la protection du Gouvernementest venue seconder les efforts des particuliers. Des sommes importantes furent votées, et l'on songea à représenterde belle manière la France à Saint-Louis. Le pavillon français est la reproduction fidèle du Grand Trianon de Versailles. Des raisons d'économie, de sécurité contre l'incendie, de facilités de surveillance et de circulation n'ont pas été les seules qui con-
sur le commerce et l'industrie européens en général et de la France en particulier? Il existe une erreur assez répandue dans le public français au sujet des exportations aux États-Unis. On dit couramment qu'il n'est plus possible d'exporter de produits aux États-Unis, en raison des tarifs prohibitifs. C'est là un fait inexact, car il n'est pas douteux que, malgré des tarifs élevés, les exportations de tous les pays du monde aux Etats-Unis ne font, depuis bien longtemps, qu'augmenter d'année en année. Pour s'en rendre compte, il suffit de jeter un coup d'oeil sur les dernières statistiques et de les com-
parer à celles d'années de beaucoup antérieures. Ainsi, si nous prenons l'année i 8~0, nous voyons Étatsque les exportationstotales du monde entier aux Unis étaient de 2 milliards en 1900, elles sont de près
milliards. Si nous prenons des chiffres plus récents et, notamment, des chiffres qui s'appliquent aux pays d'Europe, nous constatons que pendant les cinq dernières années, les exportationstotales de l'Europe ont été, en 1898, de i milliard 1/2 de dolde
5
lars
de
tribuèrentà faire
autorités américaines ont pensé qu'il convenait de présenter un
spécimen indis-
cutable, à la fois simple et grandiose, d'un style pleinement français. Notre pavillon national
PALAIS DES ARTS LlBÉRACX.
Dncut.tettt fourni par le Ministère du Commerce.
en
plan, la forme d'un U. L'aile gauche comprend trois salons destinés à la Chambre de Commerce de Paris (on y verra, entre autres, la reproduction d'un riche cabinet de travail au XVIIIe siècle), à la Société des Ar-
tistes décorateurs, avec peintures de M. Besnard, son président, à la Société nationale des Beaux-Arts, avec œuvres de son président, M. Dubuffe.
Un salon d'angle est réservé à la Société des Arts
décoratifs. On y reverra avec quelques modifications, la très belle exposition faite à Paris en 1900. L'aile droite est entierement occupée par l'exposition de la Ville de Paris. Dans le salon d'arrgle seront les produits de Sèvres. mètres de longueur, La galerie transversale, de est aménagée en salon de réception. On y verra, entre autres choses, des tapisseries anciennes et des meubles
p
Le pavillon ne sera
milliard en
1900 et en 190 l de 2 milliards 200 millions et en 1902, de 2 milliards 375
La France et les
nationaux.
i
i8c~9,
7 50 millions;
prendre ce parti.
présente,
en
ouvert que le jour; on n'y
installera pas la lumière électrique par conséquent, aucune crainte d'incendie. Dans le jardin est disposée une fontaine avec figures par M. de Saint-Marceau. Le tout est clos par une grille monumentale. L'exposition aura-t-elle une répercussion utile
millions. Il est donc démontré que la progression des exportations aux ÉtatsUnis est absolu-
ment constante. La France n'occupe, il est
vrai, que le troisième rang après l'Angleterre et l'Allemagne au point de vue du chiffre des exportations aux États-Unis. Mais ce qui paraît surtout intéressant à constater c'est que, d'année en année, nos rapports commerciaux s'améliorent avec ce grand pays. Enfin, et ce qui est le plus important dans l'espèce, en 1894, au lendemain de l'exposition de Chicago, nous faisions États-Unis; en i goo, 5 12 millions d'affaires avec les nous en faisons pour 765 millions, et, ce qu'il faut retenir dans ces chiffres, c'est la part d'augmentation qui provient de l'accroissement de nos exportations. Qu'une augmentation semblable se puisse espérer après l'expositionde Saint-Louis, c'en est assez pour stimulerl'ardeur de nos ccmmerçants et de nos industriels, quand même nous n'aurions pas le souvenir de l'empressement apporté par les États-Unis à concourir au succès de notre Exposition de ic)oo; quand même l'Indéune vieille amitié, qui remonte à la guerre de pendance, ne nous engagerait pas à nous faire représenter là-bas d'une manière digne de nous, digne du peuple qui nous convie.
De loin en loin, on ne
UneAscension du Popocatepetl. (Fin 1). Poutt l'ascension du (
Popocatepetl la première station est Amecameca en partant de Mexico, le matin, on
arrive pour l'heure
trouve plus que des touffes d'herbes sèches et bientôt, à la Cruz, commencent les neiges éternelles (4300 m.). La Cruz est un monticule formé de grosses pierres, amoncelées par la main de l'homme, et surmonté d'une grande croix de bois. C'est à cet endroit qu'on met pied à terre pour grimper des pentes qui passent rapidement de 24 et 25 degrés à 30 et 43. La réverbération du soleil sur la neige est très forte elle pourrait, en dehors de la fatigue qu'elle provoque, donner des vertiges si l'on n'avait la précaution de prendre des lunettes à verres fumés, aussi noirs que possible. Ceci n'empêche pas,
du déjeuner dans
cette jolie petite
d'ailleurs, de percevoir très distinctement le panorama admirable de la vallée de Mexico, dont on peut saisir, par
ville que les sapins des environs imprègnent de leur odeur de résine. Un Français, chez qui j'étais descendu ils sont trois
temps clair, les
ne me fit
moindres détails, et celui non moins beau de Puebla, la
manger que des
plats à l'ail; sous prétexte que ce conciudad de los Angeles! diment me donneEn somme, rait des jambes et une marche pénible du souffle! Je fis au milieu des sables semblant de le croire qui entourent la réet je pris congé de gion des glaces, la lui, à deux heures fatigue qu'on éprouLA DESCENTE DU POPOCATEPETL. de l'après-midi. En ve à se mouvoir route pour l'haD'après une photographie. sur des tapis de cienda de Tlamacas neige demi-dure, où j'arrivais, à sept heures du soir par une nuit sans jointe à celle qu'occasionne une atmosphère raréfiée où lune et une température sibérienne. Je ne pus me chaque mouvement exige un grand effort, une envie réchauffer de la nuit malgré six couvertures de laine. continuelle de se laisser aller au sommeil, la nécessité Le lendemain de réagir contre la matin, à quatre heuréflexion de la lures et demie, je remière sur le tapis pris mon ascension blanc, le malaise à six heures j'étais qu'on ressent par le à la Cruz, par 4300 fait de la réverbéramètres au-dessus de tion de la chaleur l'autre, la Veraqui brûle la peau et Cruz, et à midi, j'atdu froid qui la tuteignais les bords méfie, la crainte de du cratère. J'avais souffrir du mal de fait l'ascension dans montagnequiarrête le minimum de net la montée, tel-
temps.
A
les sont les difficul-
partir d'A-
mecameca, les pen-
tes sont très douces, puis elles s'élè-
vent peu à peu, et dès qu'on quitte la
UN COIN DU CRATÈRE.
tés contre lesquelles le voyageur doit essayer de se prémunir. Le mal de montagne est, d'ailleurs, très fréquent et souvent les cara-
région de la végéD'après une photographie. tation ligneuse, la vanessedédoublent montée devient pénible; on est alors par 3900 mètres avant d'arriver au but. Aussi, en pareil cas, est-il pruenviron d'altitude, au rancho de Tlamacas. dent d'emmener au moins deux guides. En quittant Tlamacas, on entre dans des sables Mais les fatigues de la journée sont vite ounoirs et mouvants où les chevaux ont peine à avancer. bliées dès qu'on arrive au sommet le spectacle est majestueux, inoubliable. Je n'ose faire des rapprocheVoir A Travers le Monde, n° 2, page 9. ments ce serait injuste. J'ai gravi le pic de Paris,dans
le massif de l'Illimani, en BoÙvie, par 6131 mètres d'al-
titude j'ai fait l'ascension, facile somme toute, du pic du Midi de Bigorre; j'ai escaladé les montagnes qui environnent le Colima; me voici de retour du Popocatepetl. et je ne saurais établir de comparaisons. Partout j'ai éprouvé la même émotion de l'immense, du grandiose, sorte d'hommage muet à la gloire du
divin architecteet partout j'ai ressenti des impressions
qui diffèrent des précédentes. C'est la même chose, et c'est cependant autre chose aussi. Ici, devant cet immense cratère à forme elliptique dont le grand axe doit avoir environ 1000 mètres et le petit 750, j'étais à la fois saisi de crainte et d'admiration à la vue des épaisses fumées que lançaient dans les airs plus de vingt bouches noires, insondables (quatre seulement sont de grandes dimensions). Les sinistres événements de la Martinique ne sont pas encore si éloignés pour qu'ils ne viennent pas immédiatement à la mémoire devant ce spectacle. Les bruits souterrains que l'on entend, certains jours, ne sont pas faits, d'ailleurs, pour calmer l'imagination, bien qu'on sache parfaitement qu'il n'y a rien à craindre, ainsi que les savants nous l'ont assuré, il y a quelques mois. La partie supérieure du volcan est terminée par deux pics le plus haut, le Pico Mayor, est presque inaccessible l'autre, appelé Espina.~o del Diablo, est plus abordable; mais je ne crois pas que personne ait senti le besoin de l'escalader. Le cratère a une profondeur moyenne de 85 à 90 mètres. On y descend du côté par où on l'aborde généralement, au moyen de trois grands échelons le degrés, est premier, qui présente uneinclinaison de lisse et recouvert de glace; il faut pour le descendre de grandes précautions. Le suivant est un mur vertical on le descend en se laissant glisser le long d'un câble suspendu à l'extrémité d'une poutre fichée dans le sol et formant un angle d'environ 45 degrés. Ce moyen primitif n'offre pas une grande sécurité, et j'avoue que je m'y suis hasardé avec une grande appréhension. Enfin le troisième est incliné de 25 à 3o degrés environ il est moins régulier que les autres et la couche de neige qui le recouvre est peu épaisse. On se trouve alors au milieu des solfatares. La fumée sort à droite et monte lentement à une hauteur de 5o à 6o mètres, puis retombe doucement sur le fond du cratère où depuis des siècles et des siècles s'accumule le soufre qu'on exploitera prochainement. Partout ces mêmes fumées, qu'il faut bien se garder de trop approcher, atteignent une hauteur de 100 et 200 mètres. Les Indiens, qui vivent sur le flanc de la montagne, assurent que depuis peu les bruits souterrains sont plus accentués et donnent l'idée du vacarme que produiraient d'énormes masses rocheuses roulant les unes sur les autres en un infernal chaos. A l'extrémité sud du cratère se trouve un lac dans lequel se déversent les neiges fondues. L'eau est froide mais sur les bords, à l'arrivée, elle a une température de 28 degrés centigrades. Son niveau est maintenu constant par suite des infiltrations régulières du fond. Tel est, tracé dans ses grandes lignes, l'aspect général de ce colosse qu'une Société se propose d'exploiter et d'attaquer dans quelques mois.
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C'est, comme on voit, un colosse assez calme dont les rugissements ressemblent un peu à ceux du lion en cage, lion enchaîné, mais qui pourrait bien, un
jour, malgré les affirmations de quelques prophètes, briser ses chaînes. Il l'a, d'ailleurs, prouvé depuis l'arrivée des Espagnols. Deux mois après l'exploration que fit, en 15 19, Diego de Ordaz, cité plus haut, il y eut une terrible éruption que rien ne faisait cependant prévoir et qui dévasta plus des trois quarts de la montagne une seconde, l'année suivante, jeta la terreur dans toute la vallée. Puis d'autres suivirent, plus ou moins fortes, en 1571, 1592, 1642 et 1802 et depuis cette dernière date, le géant semble demeurer tranquille. Pour combien de temps?. nul ne saurait le dire. Souhaitons seulement qu'il ne surprenne pas les tuberculeux qui viendront chercher là le retour à la
santé.
J. CH.
LAROUSSIE.
a-t-il moyen d'arriver au Pôle sud en Automobile?
Y
T ELLEest la question que se pose M. Henryk Arctowski, qui fut l'un des savants de l'expédition antarctique belge et qui, comme tel, est qualifié pour donner une réponse qui ne soit ni une rêverie, ni une plaisanterie. Or M. Arctowski répond par l'affirmative, et il donne les raisons de son opinion dans une note à la Société belge d'astronomie.
va sans dire qu'il serait parfaitement ridicule d'embarquer, à destination du Pôle sud, une automobile telle que nous les connaissons. Il est évident qu'il faudrait tout d'abord imaginer, construire et expérimenter une machine présentant toutes les garanties de solidité et de simplicité voulues; de préférènce facilement démontable, et par conséquenttransportable, et pouvant d'ailleurs marcher par n'importe quel froid; assez légère pour ne pas trop s'enfoncer dans la neige et suffisamment puissante pour gravir des pentes de neige même assez considérables. La question posée par M. Arctowski est donc de remplacer l'intelligence et la bonne volonté des chiens (couramment employés dans les explorations polaires avec des résultats plus ou moins médiocres), par des machines intelligemment combinées et plus dociles que les chiens, et, avant tout, consommant moins de combustible, calculé en poids. A cette fin, M. Arctowski propose d'expérimenter des traîneaux canadiens, auxquels on donnerait de grandes dimensions, et sur lesquels se trouverait toute la charge, plus le moteur actionnant les deux roues motrices (à petites palettes en bois dur), disposées à la façon des roues d'un bateau à aubes, et pouvant du reste être élevées ou descendues de la quantité voulue pour s'enfoncer plus ou moins fortement, suivant que le névé, ou la neige, est mou, pulvérulent ou même parfaitement durci à la surface. Le problème de la route à suivre est plus difficile que celui du véhicule à trouver; quelles seront les Il
terres antarctiques se prêtant à recevoir l'automobile? Les régions explorées par l'expédition antarctique belge ne pourraient être utilisées. Là, en effet, le relief est trop tourmenté. Mais M. Arctowski estime qu'il y a une région où les glaciers semblent se présenter dans des conditions tout autres, et c'est précisément la région la plus intéressante, puisqu'elle est celle où l'on s'est avancé le plus loin vers le Pôle. « C'est, dit-il, l'immense glacier plat dont la terminaison est connue sous le nom de (( muraille de Ross » et où se trouve
pour le moment l'expédition du Discovevy. Les nombreuses excursions que les hommes de cette expédition ont pu faire, ainsi que les photographiesque j'ai pu voir à la Société royale de Géographie de Londres, me font penser que c'est de ce point que les tentatives futures doivent être faites, en vue de pénétrer plus à l'intérieur de la calotte glacée. » Et maintenant, qui va chercher à établir le record automobile du Pôle Sud?
L'oeuvre des Russes en Mand-
chourie.
VOICI sur l'œuvre des Russes en Mandchourie un jugement élogieux, mais impartial, puisqu'il provient d'un Américain. M. J. W. Davidson, consul des États-Unis à Formose, vient, en effet, d'arriver en Angleterre après avoir voyagé pendant quatre mois en Mandchourie, et il rapporte de son voyage des impressions tout à l'honneur des Russes. On se fait beaucoup d'idées fausses en Europe sur la Mandchourie. Ce pays, qu'on déclare incapable de nourrir une armée d'occupation, pourra bientôt se passer de la farine et de la viande de bœuf de l'étranger, grâce au développement rapide de certaines industries. On dit aussi que les Russes maltraitent les Chinois. Or, pendant le temps que j'ai passé en Mandchourie, je n'ai vu qu'une seule fois un soldat russe frapper un Chinois. On a prétendu que les voies ferrées de Mandchourie et de Sibérie étaient si mal construites qu'il y avait de fréquents déraillements, accidents et retards. Il en était ainsi il y a deux ans; mais la situation a changé, et, en quatre mois, je n'ai jamais entendu parler d'un seul accident grave. Aujourd'hui, il y a trente trains qui vont chaque jour à Karbin et vice versa, sur une voie unique. La situation des Russes le long du chemin de fer grandit rapidement et des villes magnifiques surgissent le long de la ligne. Au point de vue commercial, c'est Karbin qui occupe le premier rang. Cette ville, qui n'existe que depuis trois ans, a une population russe de plus de quarante mille habitants. Ses importants moulins à farine, ses grands établissements pour la vente en gros, lui donnent une stabilité qui en fera bientôt le plus grand centre commercial de la Mandchourie. La nouvelle ville de Port-Arthur s'élève suivant un plan qui en fera la localité de la Chine la plus attrayante comme résidence. On a souvent affirmé que
l'amiral Alexeief portait toute sa faveur sur Port-Arthur et que Dalny perdait, par suite, son importance commerciale. Mais, d'après les déclarations expresses du vice.roi lui-même, je suis en mesure d'affirmer que son intention est de faire de Dalny le grand centre commercial et la principale ville industrielle de la côte. Une circonstance favorisera son développement, c'est que la douane sera établie dans cette localité ou à ses portes. D'autre part, le Gouvernement russe peut, à ur, moment donné, interdire l'entrée de Port-Arthur aux vaisseaux étrangers, tandis qu'il a donné l'assurance que Dalny resterait toujours ouvert à ces navires. On a dit que Dalny n'était pas un port libre de glaces. Cela peut, à la rigueur, se soutenir; jusqu'à certaines époques, une légère couche de glace se forme dans le port; mais il ne s'est jamais produit, et les ingénieurs assurent qu'il ne se produira jamais de glace assez épaisse pour apporter un sérieux obstacle à la navigation. Un petit remorqueur à vapeur suffirait pour débarrasser le port de toute glace qui s'y formerait. Enfin, dit en terminant le consul des États-Unis, l'occupation de la Mandchourie par les Russes est définitive, et personne ne pourra les en chasser. Elle fera d'ailleurs moins de tort au commerce anglais qu'au commerce américain, par la raison que les articles expédiés actuellement par les Anglais en Mandchourie, ne sont pas produits en grande quantité en Russie, tandis que les quatre principaux articles de l'importation américaine sont justement ceux que la Russie produit naturellement et en grande quantité; ces quatre articles sont le pétrole, les cotonnades, la farine, les bois de charpente.
Jean Darcy.
Cent années de rivalité coloniale; France et Angleterre; l'Afrique. Librairie académique Perrin, 35, quai des Grands-Augustins, Paris. Prix 7 fr. 50, Jean Darcy s'est proposé, dans ce nouvel ouvrage, de retracer les principaux incidents de la rivalité coloniale de la France et de l'Angleterre au dix-neuvième siècle. Lorsqu'on étudie l'histoire de la formation territoriale de notre moderne empire colonial, il est impossible de ne pas s'apercevoir que toutes nos tentatives d'expansion, tout accroissement de notre domaine, provoquèrent de la part de la Grande-Bretagne une opposition caractéristique. Parfois cette opposition se traduisit par un simple déplaisir, par d'âpres polémiques de presse, des protestations diplomatiques ou parlementaires, mais souvent aussi, le Gouvernement anglais dirigea contre nos projets tout l'effort de sa politique certains jours même, on put croire qu'il ne reculerait pas devant la guerre pour arriver à ses fins. Depuis 18[5, ceconflit s'est perpétué sans interruption. M. Darcy a voulu en rappeler l'histoire non que son intention ait été de faire un exposé d'ensemble pas des relations franco-anglaises au siècle dernier. La France et l'Angleterre occupent une telle place dans le monde, que pour raconter les événements où elles se sont trouvées mêlées, il faudrait reprendre l'histoire générale de ce siècle. L'auteur s'est borné, suivant pas à pas la course de la France à travers les mers et les continents, à exposer les faits qui ont marqué ses conquêtes territoriales. Et il a tenu à montrer que chacune d'elles avait dû être enlevée de haute lutte. La lune de miel de l'entente cordiale ne doit pas nous faire oublier cette vérité historique. M. Jean Darcy été bien inspiré en l'exposant et en la développant dansa un livre magistral, qu'il faudra toujours consulter quand on étudiera l'histoire de notre expansion en Afrique.
M
L'Art d'escalader les Montagnes. C 'EST un art qui exige de
remarquables
brusques alternatives, jusqu'au moment
celles qui sont employées dans le jeu du
aptitudes naturelles et un sérieux où vous serez enfin au sommet de la tennis. entraînement. Un homme qui n'est pas montagne. Là, vous connaitrez les morDans lés Pyrénées, la seule chaussure qui soit universellementadmise est l'esvenu au monde avec des jarrets solides, sures des vents arctiques soufflant sur les sains neiges si n'avez padrille. Tout en reconnaissant les indisdes n'est éternelles, et poumons pas vous un cœur net et pas fait pour entreprendre une ascension. apporté dans votre sac assez de vêtements cutables avantages de ces semelles de pour vous prémunir contre le froid exces- sparterie, qui donnent au pied beaucoup L'ENTRAINEMENT
sif qui vous saisira, vous courrez le risque N'essayez pas du premier coup d'es- d'expier cruellement votre imprévoyance. calader une montagne si vous n'avez pas Avant de vous mettre en campagne pour déjà l'habitude de la bicyclette, de la escalader des pics élevés, n'oubliez pas rame ou de tout autre genre d'exercice qui que dans une expédition de ce genre la comporte un effort mus,'ulaire prolongé chaleur est seulement incommode, tandis et accoutume les poumons et le coeur à une que le froid est mortel. Si chaude que soit la température, grande dépense d'énergie. L'aspirant alpiniste, préparé de.lon- résistez à la tentation de vous vêtir de gue main à sa nouvelle carrière par des tissus légers. Pas de toile, pas de khaki, succès obtenus comme cycliste ou comme mais des étoffes solides qui ne se déchirameur, devra s'exercer en premier lieu à reront pas aux aspérités des rochers et ne monter au haut des collines, afin d'ap- seront pas des cribles à travers lesquels prendre à poser le pied sur un terrain in- passera librement la bise glacée. Surtout cliné et à ménager son effort musculaire pas de chemise de toile ou de coton en et sa respiration. Dans la série de ses contact direct avec la peau, mais de ces exercices d'entraînement, il devra porter longs gilets de flanelle qui, dans tous son bagage sur le dos. Un jeune homme les exercices athlétiques, sont absolument obligé de confier ses effets d'équipement indispensables pour rendre inoffensifs les à un guide n'est qu'un alpiniste amateur effets de la transpiration. La culotte courte que personne ne prend au sérieux. Depuis et les bas de laine doivent être préférés quelques années, le havresac anglais est au pantalon pour toute excursion de quelcomplètement abandonné et les gens du que importance, et si l'alpiniste doit s'amétier sont unanimes à célébrer les avan- venturer dans la neige, les guêtres de tages du riicksac tyrolien, qui s'appuie sur cuir sont absolument de rigueur. la chute des reins et fatigue moins que LES CHAUSSURES tout autre genre de fardeau. Un Américain, qui s'est fait un nom dans l'art d'esLes alpinistes ne sauraient attacher calader les montagnes, M. Harold Spen- unetropgrandeimportanceauchoixdeleur der, affirme, dans un article publié par chaussure. Les brodequins lacés, dont la l'Outing, qu'après avoir pris l'habitude de semelle fait saillie tout autour de l'empeiporter le sac, un vrai alpiniste ne peut gne, doivent être préférés aux bottines à plus s'en passer. Un fardeau bien équili- élastiques et aux souliers; mais le point le bré sur les reins qui le portent oblige les plus essentiel, c'est que la chaussure ne pieds à appuyer plus lourdement, et par soit pas neuve et que le pied ait eu le conséquent à mieux mordre sur un sol in- temps de s'y habituer. Dans ces questions cliné; en même temps que les muscles d'équipement, il n'est pas de détail qui contractés pour soutenir, non seulement n'ait son importance. le corps de l'homme, mais encore le poids Les profanes ne sauraient s'imaginer du sac dont il est chargé, ne sont plus ex- combien il est difficile à un alpiniste qui posés à s'abandonner à des inadvertances tient, avec raison, à faire ferrer ses brodequi causent des catastrophes. quins d'ordonnance, de se procurer des clous de bonne qualité. Au dire de M. HaLES VÊTEMENTS rold Spender, les meilleurs clous seraient Les variations de la température fabriqués en Tyrol, mais on en trouve de si sont fréquentes et si brusques, dans les très bons dans les Alpes helvétiques. Un ascensions, qu'elles exigent de perpétuels touriste anglais, le D~' Claude Wilson, a changements de costume. Vous partez conclu un marché avec un guide suisse, dès l'aurore, le temps est frais et vous qui s'est engagé à lui fournir des clous vous félicitez d'être chaudement vêtu; pour ses brodequins. mais à mesure que les heures s'écoulent, Ces clous n'empêchent pas toujours le soleil devient de plus en plus brûlant le pied de glisser sur une surface trop pendant que vous gravissez les régions parfaitement unie. Aussi, dans le Dauinférieures de la montagne. Bientôt la phiné, les guides font-ils usage de dents chaleur devient si intense que vous trans- de loup, c'est-à-dire de vis d'un centimèpirez par tous les pores et que vous êtes tre environ de hauteur, qui peuvent, au obligé de vous débarrasser de vos gants moyen d'un appareil fort ingénieux, être de laine, de votre pardessus ou de votre attachées au-dessous de la chaussure pour jaquette, que vous empaquetez au-dessus traverser un glacier et être enlevées ensuite de votre rücksac. Mais vous voici arrivé à avec une extrême facilité. Le collaborateur un glacier; c'est comme si vous étiez de l'Outizzg ne parait pas avoir une conbrusquement transporté du centre du fiance absolue dans les moyens imaginés Sa hara dans le nord de la Sibérie; remet- par les montagnards desAlpes françaises, tez bien vite gants de laine et vêtements pour ne pas glisser sur les rochers ou sur chauds. la glace, et remplace les d~rzts de loup par Vous passerez ainsi par une série de des semelles en caoutchouc semblables à
de prise pour grimper sur les rochers, M. Harold Spender n'ose pas en recom-
mander l'emploi, sous prétexte qu'il est trop difficile de trouver des spécialistes qui consentent à les fabriquer sur mesure. Nous croyons qu'il n'eût pas fallu au collaborateur de l'Outing un long séjour sur l'un ou l'autre versant des Pyrénées, pour constater avec quelle facilité il eût pu faire confectionner, sur commande, un spécimen du genre de chaussure en usage dans cette région. Il est vrai que les montagnards du sud-ouest de la France ne croient pas que des espadrilles soient indispensables pour entreprendrel'ascension d'une montagne, et lorsqu'ils veulent
grimper au haut d'un rocher, ils l'attaquent toujours pieds nus. Lorsque Gaston de Foix voulut monter à l'assaut de Brescia, il invita ses soldats à ôter leurs chaussures et fut le premier à leur donner l'exemple. Le souvenir de cet exploit s'est conservé dans les Pyrénées, et il est universellementadmisparmiles montagnards, que pour arriver au haut d'un mur ou d'un rocher taillé à pic, il n'est rien de tel que le pied humain absolument nu. Malheureusement l'art de marcher pieds nus est peu cultivé. LES PRÉCAUTIONS
L'erreur de la plupart des novices est de croire, que pour attaquerune montagne, il faille se munir d'un attirail aussi complet qu'.un outillage de cambrioleur. En réalité, les crampons de fer, les bâtons ferrés, les marteaux, les pioches et les pics ne servent qu'à rendre une ascension à peu près impossible. Une hache à glace et une corde assez forte pour supporter le poids d'un homme suffisent pour traverser les
passages les plus dangereux. Les guides
tyroliens affirment que deux hommes, attachés par la ceinture à une corde d'une quinzaine de mètres de longueur, peuvent s'aventurer sans crainte sur un glacier. M. Harold Spender proteste, à bon droit, contre cet imprudente doctrine. Il faut que les alpinistes soient au nombre de trois, pour que la chute de l'un d'eux dans une crevasse n'ait pas de conséquences graves. Lorsqu'ils ne sont que deux, celui qui tombe brusquement dans un gouffre dissimulé par une couche très mince de neige et de glace peut très facilement entraîner l'autre. L'ambition d'un alpiniste est de se passer de guide. Il est évident qu'à force d'escalader, chaque année, un certain nombre de montagnes, de simples amateurs doivent à la longue acquérir autant d'expérience que des hommes du métier. Mais la prudence est mère de la sûreté! G.
LABADIE-LAGRAVE.
Du Monténégro en Albanie. tant
Scutari.
Les Albanais n'ont pas eu une bonne presse ~endant la ~ériode de troubles à laquelle, maintenant encore, le calme a de peine à succéder. On leur impute, ~eut-être avec raison, la ~lus grande part des méfaits accom~lis. Un de
nos corres~ondantsqui, l'année dernière, s'est aventuré sur la frontière d'Albanie, en a rapporté des impressions dont la note idyllique contraste beureusement avec les atrocités qu'évoque le seul nom d'Albanais.
nous JAMAIS on n'a vu tant de Français ensemble à Cettigné
sommes neuf, dont quatre dames, tous décidés, malgré les nouvelles pessimistes reçues d'Albanie, à traverser le lac, dont nous avons aperçu au loin la nappe, et à passer quelques jours à Scutari, dont on nous a tant vanté le pittoresque oriental. Aussi, malgré la petite pluie fine qui tombait au lever du jour et le temps encore menaçant, prenons-nous place dès huit heures dans trois voituresdécouvertes.En route pour Riéka, où doit avoir
minables lacets. Nous croisons Son Excellence le voïvode Gavro-Voukovitch, ministre des Affaires étrangères, qui fait en voiture une promenade matinale. Par les chemins de traverse, des Monténégrines dévalent à une allure rapide, un lourd fardeau sur la tête, le tricot dans les mains ou poussant devant elles, avec force coups de baguette, des troupeaux récalcitrants qu'elles conduisent au marché de Riéka.
partir de Debrovsko-Selo, petit village construit sur un ressaut de la montagne et entouré de jardins et A
lieu l'embarquementl On sort de Cettigné par la rue transversale, prolongement de celle où est élevé le palais du Prince. Malgré l'heure matinale, les
de champs bien culti-
vés, l'aspect du pays devient moins sauvage; les ravins abrupts se changent en pentes douces et verdoyantes; on pénètre dans le riant vallon au fond duquel murmurent les eaux de
Monténégrins se livrent à leur occupation favorite la promenade. Tout en causant et en fumant, ils déambulent lentement à travers les rues, la ceinture garnie de pistolets, un sabre d'une main, un parapluie de
la Riéka, qui procurent à tout levoisinagel'abondance et la fertilité. Ce
coin charmant du massif monténégrin est fal'autre. vorisé d'un climat touRIÉKA, OU L'ON S'EMBARQUE POUR ALLER A SCUTARI. Passant entre la jours égal et tempéré, caserne et l'hôpital, la D'après une photographie de M. Gourdon. ce qui explique l'abons'élève à droite route dante végétation et l'essur les hauteurs auxquelles est adossée la ville de Cetsence même des plantes que l'on y rencontre. tigné. Au bout d'une demi-heure, on atteint le point Traversant rapidement le village d'Obod, où l'on culminant, Granitza, à plus de 800 mètres d'altitude, a installé la fabrique d'armes du Monténégro, nous d'où l'on jouit d'un merveilleux panorama; on ematteignons bientôt Riéka, petite ville d'une centaine de brasse dans toute son étendue l'immense nappe d'armaisons, divisée en deux parties distinctes la ville gent du lac de Scutari, dominée par les hautes cimes basse, dont les maisons neuves, bâties à l'européenne, neigeuses des Alpes albanaises. s'alignent sur le quai de la Riéka; la ville haute, masPuis la descente commence par une série d'intersée sur les sommets de la rive gauche autour de l'anA TRAVERS LE MOVDE.
5
e LIV.
Nu 5.
3o Janvier [904.
tique monastère. Ce couvent, qui fut longtemps le siège
des princes-évêques du Monténégro, fut délaissé pour celui de Cettigné, moins exposé aux invasions des Barbares.
Jetons en passant un coup d'œil sur le marché de Riéka; nous y verrons quelques types curieux et des scènes pittoresques. Les marchandises y abondent bestiaux, poissons, fruits et céréales récoltés sur les bords du lac. Il y a aussi un petit bazar qui tire un bon profit du commerce des feuilles de tabac, des fleurs de pyrèthre et du bois de sumac. La traversée du lac de Scutari s'effectue au moyen d'un petit vapeur, la Danit.~a, qui fait deux fois par semaine le voyage de Riéka à Scutari et vice-versa.
Nous montons d'abord dans une grande barque
plat nommée londra; puis, passant sous un vieux pont qui fait communiquer les deux rives de la à fond
Riéka, nous descendons cette rivière jusqu'à la Da-
v~it,~a,
amarrée
grandes pêches auxquelles viennent assister le Prince et sa cour.
Lorsqu'un banc de scoranges est signalé à l'embouchure de la Riéka, souvent grâce aux oiseaux qui l'annoncent de loin, on le suit, on le guette et, dès qu'il est engagé assez avant dans la rivière, on l'entoure d'immenses filets; il n'est pas rare de remplir une vingtaine de grandes londras de ces petits poissons argentés qui, séchés et fumés, sont en grande partie vendus Trieste et l'Italie. en Dalmatie, d'où on les expédie sur Chacune de ces pêches miraculeuses peut rapporter de 18 à 2o ooo couronnes. Enfin la Riéka s'élargit; de son lit émergent des îlots rocheux; les nénuphars, les plantes aquatiques deviennent plus rares, et l'on débouche dans le lac de Scutari. Tout là-bas, les Alpes albanaises, coiffées de leurs blancs capuchons de glace, contrastent étrangement avec la sombre masse de la Tserna-Gora, dont les cimes abruptes
empruntent, au
quelque cent mè-
tres en
aval
ciel gris et bas qui les surplombe, des
le
capitaine nous reçoit à la coupée, et le drapeau tricolore s'élève allègre-
reflets ardoisés.
La côte ouest du lac est très dé-
coupée, et plu-
ment jusqu'au
sommet du grand mât. Nous sommes en territoire français, et c'est sous
sieurs groupes d'îlots surgissent au milieu du golfe ainsi formé. Laissant à gauche, sur une côte basse et marécageuse, l'embouchure de la Mora-
turques et monténégrines.
tcha,l'on rencontre les grandes îles de
la protection de nos trois couleurs que nous allons voguer dans les eaux
Vranjina et de LeNous levons sendra. Sur cette l'ancre à dix heudernière s'élève res, et nous desvieille forteune cendons le cours SCUTARI: COIN DU MARCHÉ. resse au sommet capricieux de la flotte le pavillon de D'après une photographie de M. Chanmet. Riéka, dont le lit, guerre du Montésauf un étroit chenégro. Nous laissons à droite Vir-Bazar, petit port jadis nal, est encombré de nénuphars. La rivière débordée fortifié, à l'embouchure de la Cermmitcha, aujourd'hui s'est répandue dans les prairies voisines, et c'est un village de cinq cents habitants, d'où l'on peut en cinq étrange coup d'oeil, cette vaste nappe d'eau envahie ou six heures gagner à cheval le port d'Antivari. par une luxuriante végétation d'herbes et de feuilNous franchissons la ligne fictive qui sépare le lages d'où émergent par places quelques bouquets Monténégro de la Turquie, et la Danit,~a jette enfin de saules tordus. Le cadre est formé par de hautes l'ancre à environ 200 mètres de Scutari. montagnes, boisées à droite, arides à gauche; au flanc Dès que l'on nous a aperçus, des londras se sont de ces dernières s'accroche la route de Podgoritcha détachées du rivage et elles ne tardent pas à venir.se des chèvres et des moutons sautent de roc en roc, poursuivis par les gamins qui les gardent. ranger le long du steamer. Malgré l'averse qui tombe La Danit,~a suit toujours le chenal navigable, avec violence et le vent qui souffle en rafale, nous predont les nombreux méandres se déroulent sans fin. nons place dans ces longs bateaux plats, blottis sur nos chaises, nous abritant de notre mieux sous nos paraNous croisons de longues barques noires, sortes de pluies c'est en cet équipage que nous abordons en massives gondoles, mues par deux ou trois rameurs. territoire ottoman. On dépasse un village de pêcheurs, très curieux avec A la douane, à Scutari, se pressent une foule de ses huttes d'osier. Turcs déguenillés et des douaniers obséquieux et arroLa Riéka est très poissonneuse; on y pêche sur-
tout
des poissons un peu plus gros que la sardine,
nommés oukliéva en slave et scorange en italien. En au tomne principalement,c'est par milliers qu'on les capture chaque jour; ily a même, chaque année, plusieurs
gants à la fois.
Nous avons réduit nos imj~edirhentaaux quelques objets de toilette strictement indispensables; nous connai~sions de réputation la douane ottomane et il
faut avouer que cette réputation n'est pas faite pour rassurer l'Européen. Nous avions entendu parler des fouilles pratiquées jusqu'au plus profond des valises par des douaniers loqueteux, sous l'œil scrutateur des surveillants; nous avions entendu dire que tous les livres, tous les guides, tous les journaux étaient interdits et impitoyablement confisqués, et c'est à peine si nous avions osé conserver quelques vieux imprimés enveloppant différents bibelots; nous avons le plaisir de constater qu'en cette circonstance un jeune fonctionnaire de la douane albanaise nous dispensa de ces inutiles vexations. Nous nous engageons à travers le bazar turc et là nous retrouvons des boutiques musulmanes comme on en voit dans les souks tunisiens. Tout en nous promettant d'y revenir, nous passons aussi rapidement que le permet l'encombrement de cette voie étroite, bordée d'étalages hétéroclites, pavée de pierres iné gales et pointues sur lesquelles on glisse ou l'on se blesse, sillonnée enfin d'un ruisseau bourbeux que la pluie transforme en un petittorrent. D'affreuses guim-
.1"a _v_
ordonne plus de tuer des juges » On l'écouta. Il reste à la nation turque de nombreuses étapes à franchir avant qu'elle puisse marcher de pair avec les ntats policés de l'Europe et de l'Amérique. Des races hostiles occupent le territoire, prêtes à se précipiter les unes contre les autres. Après s'être déchirées entre elles, toutes s'uniraient contre le Turc. Quant au maître de ces populations diverses, réputé Osmanli, mais appartenant en réalité à toutes les races de l'Orient, son grand art est précisément de les opposer les unes aux autres pour régner au-dessus de leurs conflits. Scutari jouit, paraît-il, d'un régime spécial au point de vue des impôts, qui sont réduits à une quotité infime. Qui d'entre nous n'a lu le récit lamentable des exactions commises par les fonctionnaires ottomans, qui pressurent le malheureux contribuable et le ruinent par leurs
bardes nous font
franchir les deux kilomètres qui sé-
exigences et leurs vexations? Ne ra-
conte-t-on pas, par exemple, que dans certains districts il est interdit aux paysans de rentrer
leurs récoltesavant que l'impôtdu dixième n'en ait été
prélevé ?
Les
parent le bazar de la ville proprement
grains, les fruits,
dite et nous dépo-
vent donc rester
les légumes, doi-
sent à l'hôtel Eu-
sur place, parfois
ropa.
pendant des se-
On nous mon-
maines, exposés aux bêtes et aux intempéries, jus-
tre sur le trottoir d'en face l'endroit où, la semaine précédente, deux juges ont été assas-
SCUT·RI
PEAUX D~ANIhIAUX SÉCHANT AU SOLEIL.
qu'à ce que le fonctionnaire chargé de prélever la part de l'État daigne s'acquitter ne cc se décide à intervenir, souvent la
sinés. Que reproD'après une photographie de M. 1'ormand. chait-on à ces deux infortunés magistrats?De faire partie du tribunal mixte soin; quand enfin il dont la création avait été récemment imposée à la moitié de la récolte est perdue. Ne cite-t-on pas aussi Porte par les puissances européennes. Cette institution certains districts où les habitants préfèrent abandonner n'ayant pas eu l'heur de plaire à quelques fanatiques, leur récolte plutôt que de se soumettre aux exactions ceux-ci trouvèrent un moyen bien simple de manifester du fisc? leur mécontentementet d'entraver l'exercice de la juSi ces faits existent dans certaines provinces (ce ridiction en supprimant les juges. que nous n'avons pu vérifier), ce n'est certainement Il à \( y eut, la suite de ce crime, une période pas à Scutari, car ici les musulmans paient pour tout d'anxiété, nous disait M. H.-S. Shipley, consul anglais impôt environ 25 centimes par an et les catholiques à Konieh, chargé pour quelque temps de gérer par in40 centimes, moyennant quoi ces derniers sont distérim le consulat de Scutari et l'ambassade de Cettigné pensés de la garde du bazar et de la ville, qui incombe tous les fonctionnaires turcs que je connaissais vinrent aux seuls Mahométans. Les chrétiens sont en outre voir et, faire allusion à l'événement qui préocme sans dispensés du service militaire; ils paient une taxe de cupait tous les esprits, ils voulurent, par leur visite, remplacement. me prouver que cet attentat ne visait nullement les Les impôts sont fixés en bloc par les autorités Européens et que nous n'avions rien à craindre. D'ailottomanes et répartis entre tous les chrétiens par une leurs, l'émotion fut bientôt calmée; sur les murs d'une commission généralement présidée par le curé. En mosquée, une main invisible écrivit des versets du Turquie, l'Église musulmane seule dépend de l'Etat, Coran ordonnant le calme. A la vue de cette manifesqui se charge du traitement des ministres du culte et tation de la volonté divine, un vieux marabout, à de l'entretien des mosquées. Pour les autres confesbarbe blanche s'écria ,( Allah soit loué on ne nous sions, c'est le principe de la séparation des Églises et
de l'État, sauf en ce qui concerne la nomination des évêques qui doit être approuvée par le sultan. Il existe, en Albanie, une bizarre coutume qui consiste à célébrer dès l'enfance des fiançailles dont la rupture donne lieu à une indemnité. Mais comme l'indemnité n'est pas toujours payée, mille complications surgissent, provoquant une situation parfois inextricable. En voici un exemple Une jeune fille était fiancée à un jeune homme qu'elle n'aimait pas, mais, par contre, elle nourrissait pour un autre un tendre sentiment. Afin de se soustraire à l'union qui lui déplaisait, elle quitta la maison paternelle et se sauva chez le jeune homme qu'elle désirait épouser. Lorsqu'on vint la réclamer, elle se réfugia à Scutari, où elle obtint la protection de l'évêque. Enfin la jeune fille consentit à rentrer dans sa famille, et l'on croyait l'affaire terminée lorsqu'elle se sauva de nouveau chez son ami. Le fiancé délaissé se fâche et, comme il a le droit de tuer le père qui a failli à sa promesse, celui-ci, afin d'arranger les choses, lui donne son autre fille, qui est mariée et mère de famille.Naturellement le mari réclame. Que faire? Comment sortir de cet imbroglio? L'affaire, depuis près de deux ans, est pendante devant les tribunaux. Parmi les montagnards, il existe relativement au mariage une procédure secrète; si l'on a quelque chose à reprocher à fun des fiancés, on peut venir déposer secrètement devant des arbitres des deux parties et acceptés par elles. Cette coutume rappelle les précautions prises par l'Église catholique enjoignant aux fidèles" connaîtraient un empêchement aux futurs mariages, d'en faire part à qui de droit avant qu'il soit passé outre », tout en leur rappelant qu'il est formellement interdit d'y mettre obstacle par malice et sans cause ». En Albanie, le fiancé incriminé peut faire tomber l'accusation portée contre lui en produisant douze témoins qui attestent sa moralité. Scutari ne possède pas encore l'éclairage électrique, loin de là. Quelques quinquets fumeux garnissent les réverbères de la rue principale; quant aux autres voies, elles sont plongées dans la plus complète obscurité; aussi un cavas accompagne-t-il toujours son maître, éclairant la route à la lueur d'un falot.
qui
(A suivre.)
GEORGES NORMAND.
Les caractères japonais sont dérivés des caractères chinois, mais ne sont pas entièrementles mêmes. \( Lorsque le Nippon, dit M. Michel Delines, adopta, il y a plusieurs siècles, l'alphabet chinois, ses signes immuables ne se plièrent pas aux inflexions de la
langue japonaise, et il fallut intercaler des signes dans le texte pour indiquer les désinences, c'est ce qui s'appelle le kava ou l'écriture primitive. Plus tard, les Japonais créèrent cinquante syllabes qu'ils exprimèrent par des fragments de signes chinois qu'ils nomment katakasaa, lorsqu'ils sont carrés, ou des blocks et bira,~ana, lorsque ces signes sont cursifs. \( Le hira,~ana est devenu l'écriture la plus populaire et s'est développé en plus de sept styles, tous prodigieusement difficiles à écrire et à lire. L'écriture japonaise est actuellement si complexe, qu'une seule page de revue peut en contenir de trois styles différents, sans compter les variantes. Le texte offre alors d'abord des caractères chinois qui représentent le corps de l'écriture; mais comme ils ne sont plus intelligibles pour la moyenne des lecteurs, ils sont écrits en marge en katakana ou en hira~ana. Toutes les inflexions grammaticales, les terminaisons de verbes, les pluriels de noms, les propositions, les conjonctions, etc., etc., sont en bira.~ana. Les mots étrangers et surtout les noms propres sont écrits en katakana. « L'étude de ces différentes sortes d'écriture est si compliquée que les étrangers ne s'en rendent jamais complètement maîtres, et que les enfants japonais passent de trois à quatre ans pour apprendre de 3 000 à 4 000 signes, ce qui suffit strictement à l'acquisition des connaissances les plus élémentaires. ,) Il est aisé de comprendre que cette complication a beaucoup nui au développementactuel des japonais. On devait donc chercher à remédier à cet état de
choses. C'est pourquoi nombre de Japonais lettrés et instruits préconisent l'adoption du Roma-ji, qui traduit en caractères latins la vieille langue du pays. Cette tentative s'est heurtée au préjugé de la classe cultivée japonaise, qui tenait à conserver l'antique écriture précisément à cause de ses difficultés, car celui qui était parvenu à la connaître à fond pouvait se targuer d'une aristocratique supériorité. Mais les Roma-jikaï ne se sont pas laissé décourager; et cette importante réforme a déjà reçu certaines sanctions officielles qui permettent de croire qu'elle va être appliquée en grand,
Réorganisation du Congo français.
Le Japon et la Civilisation occidentale. Le Roma-ji ou l'Alphabet latin de la Langue ja-
ponaise.
L'EUROPÉANISATION du Japon ne va pas encore assez vite au gré de quelques réformateurs de l'empire du mikado. Pour faire pénétrer l'influence occidentale dans la masse de la nation, ces gens de progrès ont décidé de renoncer à écrire la langue japonaise en caractères chinois et d'adopter les caractères latins. Cette réforme de l'alphabet a reçu le nom de Roma-ji.
Aux termes d'un décret récent, nos possessions du Congo et de l'Oubangui ne formeront qu'un seul gouvernement placé sous l'autorité d'un Commissaire général, dont le lieu de résidence sera Brazzaville. Les divisions du Congoainsi réorganisé serontles suivantes IoLe Moyen-Congo, placé sous l'autorité directe du Commissaire général; 2° La colonie du Gabon, administrée par un
Lieutenant-gouverneur; 30 Le territoire de l'Oubangui-Chari,où le Com-
missaire général sera représenté par un délégué civil 4° Le territoire du Tchad, où le Commissaire général sera représenté par l'officier commandant les troupes de cette région.
fer de la Côte est de Madagascar à Tananarive
Le Chemin de
Nous avons annoncé en son temps l'inauguration qui
avait eu lieu, le 16 novembre 1902, du premier tronçon (allant de Brickavilleà Sandrantsimbona)de la voie ferrée de la côte est de Madagascar, devant relier cette côte à Tananarive. Cette inauguration fut un véritable événement. Elle prouvait combien avait vu juste le général Gallieni lorsqu'il avait prédit, malgré les appréhensions contraires, que l'on arriverait à construire, à l'heure dite, le chemin de fer autorisé par la loi du 14 avril 1900. Certes, c'était une entreprise hardie que de faire un chemin de fer dans un pays aussi accidenté et aussi insalubre. Mais les heureuses dispositions prises par le colonel Roques et par les officiers du génie placés sous
rain, peu consistant, s'éboulait au fur et à mesure de la fouille, et il a fallu, à l'origine, boiser très solidement les galeries d'avancement. Bientôt, cependant, on atteignit une roche dure et compacte, et l'avancement se fit dans des conditions normales. Les premiers travaux ont été commencés par des mineurs européens, sénégalais et haoussas. Ce n'est que peu à peu et très timidement au début que les Malgaches se risquèrent à pénétrer dans les galeries « lalana maizina » et à y travailler. Actuellement, ces appréhensions ont disparu; les Européens ne sont plus qu'en très petit nombre au tunnel, et ce sont les Malgaches, les Hovas surtout, qui accomplissent le gros du travail en riant de leurs terreurs enfantines d'autrefois. D'après l'activité avec laquelle les travaux ont été poussés jusqu'à ce jour, il est permis d'espérer que la tunnel sera parachevé et livré à la fin du mois de février, et que les trains pourront y circuler quelques jours plus tard, vers le 1er mars 1904. Cet ouvrage d'art fait donc le plus grand honneur à nos officiers, constructeurs de la ligne; il leur a demandé vingt mois d'un travail difficile et délicat; grâce à lui, on va pouvoir prochainement parcourir, sur la voie nouvelle, une vingtaine de kilomètres de plus.
CARTE DU CHEMIN DE FER DE LA CÔTE EST DE MADAGASCAR.
ses ordres triomphèrent, peu à peu, de toutes les diffi-
cultés.
Et dès le milieu d'octobre 1902, le train a roulé sur 3o kilomètres d'une voie régulière, définitivement
construite.
Le 20 octobre dernier, un an presque jour pour
jour après la cérémonie de 1902, le général Gallieni est allé procéder à une nouvelle inauguration, celle du tunnel de Vongo-Vongo, situé au kilomètre 49 en venant de Brickaville. Ce tunnel permet d'éviter de suivre, dans cette région, le cours très sinueux de la Irohitra et de gagner 7 kilomètres sur le trajet total. Il a une longueur de
788 mètres, Sa largeur est de 4ffi50, sa hauteur de 5ffi25 et sa section de 21 mètres carrés environ. Le tunnel a été attaqué par les deux extrémités est et ouest, en suivant la méthode dite {( belge ». Cette méthode consiste à percer d'abord au sommet de la calotte une petite galerie de 2 mètres de hauteur, qu'on élargit ensuite jusqu'à lui donner le contour exact de la partie cylindrique de la voûte; ce premier travail terminé, on fait la fouille de l'emplacement des piédroits, puis on enlève le bloc restant dans la partie médiane, ce qu'en terme de métier on appelle (( déblayer le strauss ». Au début, les travaux ont été pénibles. Le ter-
Un peu au delà du tunnel de Vongo-Vongo,on atteint Famoavana où sera établi, vers le mois d'août ou de septembre de cette année, la gare terminus provisoire de la première exploitation. De ce point se détachera un tronçon de 4 kilomètres de route carrossable qui ira rejoindre la route de l'est à Ambavaniasy. On se trouvera là à 140 kilomètres de Tananarive, que l'on pourra gagner en automobile par une route excellente, en attendant que le rail pénètre directement dans la capitale de l'ile.
Le Canal de Panama. MONSIEUR LE DIRECTEUR,
discuter un article paru dans le Tour du Monde sur la question de Panama, où l'auteur, traitant le sujet à un point de vue général, disait PERMETTEZ-MOI de
incidemment que la Compagnie, jadis dirigée par nous, avait employé 443 millions en travaux sur i 500 millions reçus du public.
La pensée qui semblait dominer cet intéressant article était le regret, hélas! trop justifié, que la France possible ne fût pas appelée à terminer œuvre rendue le par son argent et ses efforts. Malheureusement pour lecteur, et bien que telle ne fût pas l'intention du rédacteur, il y avait cette conclusion à tirer que près de évanouis. Il n'en est rien, i 100 millions se seraient la comme l'a établi le rapport présenté au tribunal de Seine, en 1890, par Me Monchicourt, liquidateur de la
l'
Compagnie. Puisque vous voulez bien m'y autoriser, je vous donne ici les grandes lignes de la partie du rapport de Me Monchicourt relative à notre comptabilité. Les souscripteurs ont versé, non pas
5°° millions, mais sur lesquels les actionnaires et obligataires ont repris, sous forme d'intérêt et d'amor1
1888. à.
tissement
Il a été remis à la Société civile qui continue à assurer le service des lots et l'amortissement des obligations émises en
au
total.
ce qui réduit les 1 259 millions
259 millions, z59
2)8 millions.
3z millions. 2~o millions, 98A millions.
L'achat des actions du chemin de fer de Panama, qui était indispensable à l'exécution du canal, a coûté 93 millions.
Les frais d'émission, pour les actions et les obligations, sont revenus, en rémunération aux établissements de crédit et aux banquiers, ainsi qu'en commissions de placement, en im82 millions. pressions et frais divers 22 millions. en publicité à L'achat de concession du canal a été de 10 millions.
à..
fer. Reste.
soit, pour les frais d'émission, ainsi que pour l'achat de la concession du canal et des actions du chemin de
207 millions. 782 millions.
Les frais d'émission demandent une courte explication. Au premier abord, et pris isolément, ils apparaissent élevés. Pour ma part, quand j'avais à suivre leur emploi, je n'ai pas vu partir sans tristesse une seule de ces sommes. En réalité, ce sentiment résultait surtout de la
constatationd'usages, si fortement établis, que c'était aller au devant d'un échec certain que de ne pas s'y soumettre. J'ignore si les choses ont changé depuis; mais, dans ce temps-là, ces usages s'imposaient tellement que, parmi divers exemples que je pourrais citer, j'en signalerai un particulièrementcaractéristique la loi qui a décidé la création des bons à lots de l'Exposition de 1889 a autorisé le Crédit foncier, chargé de l'opération, à prélever, pour les frais d'émission, 10 pour 100 du produit de la souscription. Les frais d'émission de notre Compagnie n'ont pas représenté une moyenne supérieure à 7 1/2 pour la 100 des sommes souscrites, dont 6 pour 100 pour banque et les frais divers, 1 et demi pour 100 pour la publicité 1. est important de remarquer, en outre, que ce pourcentage ~st établi sur les sommes totales souscrites, qui ont été supérieures aux sommes encaissées, soit 1259 millions. 1. \1
De ce qui précède,.il ressortque nous disposions,
pour les travaux proprement dits, de 782 millions sur les sommes reçues des souscripteurs. Or le rapport du liquidateurétablit précisément la concordance entre ce chiffre et celui que nous avons réellement dépensé pour l'exécution du travail. Il en fournit le détail dont je reproduis, en chiffres ronds, les têtes de chapitres Frais d'administration et de personnel dans
l'isthme
d'entretien. consommation.
Locations et frais Achats d'objets de Frais d'achat et de transport du gros matériel. Travaux préparatoires Domaines dans l'isthme, acquisitions et occupations temporaires de Service sanitaire et hôpitaux, chapelles catholiques et Main-d'oeuvre, ateliers Constructions et installations Travaux d'excavation et ouvrages
terrains.
protestantes. centraux. d'art.
Total.
ti2 700000 16 500 000
29200000 119300000 1300000
4000000 9000000 30000000 47000000 qq3oooo00 782000000
Pour ne rien omettre, il convient de rappeler qu'en outre du montant des sommes souscrites, la Compagnie avait fait quelques autres encaissements se montant à 4° millions et provenant de placements de fonds, de dividendes des actions du chemin de fer de Panama, de locations, aux entrepreneurs surtout, de terrains, de bâtiments et de matériel. Ces 4° millions couvrent les dépenses de cautionnement et d'avances au Gouvernement colombien, d'administration en France, de frais antérieurs à la constitution de la Société, d'allocation au comité américain institué à New York, d'impôts sur titres à la charge de la Compagnie, d'imprimés et commissions pour paiement de coupons. Malgré tout mon désir d'être bref, je crains d'avoir abusé de votre complaisance. Peut-être estimerez-vous qu'il n'est pas sans intérêt de se rendre compte, par des chiffres, de l'effort réalisé à Panama par la France, pour avancer, à un point qui ne laisse plus de doute sur son achèvement, un canal destiné à donner des résultats au moins aussi considérables que le canal de Suez. CHARLES DE LESSEPS
Paris, janvier 1904.
Fontaines polychromes. CE n'est certes pas un spectacle de tous les jours ce-
lui de voir une source d'eau qui, tel un caméléon, change de couleur à vue d' œil. Jaillissant de la fêlure d'un rocher calcaire, cette veine d'eau, d'abord limpide, devient tour à tour bleue, rouge, jaune et verte, et cela pendant quelques mètres de parcours seulement. Pour étrange que puisse paraître la chose, elle n'est pas moins authentique et s'explique aisément, si l'on ne dédaigne pas de raisonner un brin. En effet ceux des versements sur les souscriptions faites qui n'étaient exigibles qu'après la date à laquelle la liquidation
est survenue, n'ont pas été effectués.
Tout le monde connaît plus ou moins le rôle qu'exerce le quatrième élément sur les changements à
vue de la face du globe. Son action mécanique sur les corps est trop manifeste pour passer inaperçue mais ce qui est moins compris et admis par les gens qui ne font pas commerce avec les sciences naturelles, c'est la réaction chimique, et par là, la combinaison de nouveaux éléments que l'eau produit, donnant quelquefois lieu à des phénomènes imprévus et bizarres. Mais voici d'abord le fait en question. Depuis quelque temps déjà, on m'avait conté merveille d'une soi-disant source qui prenait toutes les teintes de l'arc-en .ciel et qu'un paysan avait découverte aux environs de Saint-Marcel, dans le Val d'Aoste. M'étant rendu dans le pays, je voulus voir de mes yeux ce qu'il pouvait y avoir de vrai dans ce phénomène. Un petit gars de quinze ans me fit grimper par un sentier de chèvres sur la croupe d'une montagne, et me conduisit à travers de belles forêts de conifères jusqu'au fond de la courbe de Clavalisi qui domine le village. C'est là, tout près d'une exploitation de manganèse oxydé, que jaillit la source multicolore. A la base d'une crête rocheuse qui émerge d'un pan de gazon et qu'on dirait démantibulée par les coups de foudre, un mince filet d'eau monte à travers les lézardes de la pierre et se recueille dans un petit bassin naturel fait d'une motte de terre écroulée. D'abord très claire, cette eau, au contact du grand air, se recouvre d'une pelure aux reflets métalliques qui s'épaissit à mesure et acquiert de plus en plus un ton bleuté. Et comme l'eau est tranquille et que le lit du ruisseau est formé par de vertes pelouses émaillées de fleurs alpines, cette coulée de lapis-lazuli enchâssée dans l'émeraude de l'herbe est d'un pittoresque achevé. Je ne m'étais pas encore remis de l'étonnement, lorsque, poussant plus loin mes investigations,j'aperçus tout à coup que l'eau cessait d'être couleur turquoise pour devenir jaune topaze et ensuite d'un chrome foncé, presque rougeâtre. Mais ce n'était pas tout. Après quelques pas, je découvris sur la gauche une autre petite source, qui, se mêlant avec la première, donnait au ruisseau une couleur vert-de-gris, presque le ton de la malachite. Et comme l'eau ne fusionnait qu'insensiblement, la surface était comme tigrée de rouge, de bleu, de jaune et de vert, dessinant avec des courbes gracieuses, épaisses ou minces, toutes les menues irrégularités du ruisseau. C'était un émerveillement que rien ne pouvait égaler, surtout sous certains angles de lumière. Ma curiosité fut vivement piquée, et je voulus chercher les causes qui engendraient ce phénomène d'une rareté unique. Filtrant à travers des roches riches en cuivre et chaux, l'eau en dissout une partie et l'entraîne au de-hors, au contact de l'air, où les fibrilles métalliques, s'oxydant et s'épaississant, tombent en précipité au fond du ruisseau. C'est le carbonate de cuivre, ni plus ni moins, dont l'eau est saturée, qui donne à la surface la teinte indigo. Sa présence ne se manifeste que lorsque l'oxygène de l'air agit sur les gaz solubles, métallisant les particules qui flottent à la surface de l'eau. De même un peu plus bas, l'eau, rencontrant un dépôt de limonite (oxyde de fer), se teinte de jaune et
ensuite de rouge ocré, à cause de l'excès de carbonate de chaux qu'elle désagrège et entraine. Enfin le ton verdâtre que prend le ruisseau à la rencontre de l'autre source, plus chargée encore en cuivre, doit être attribué à la réaction chimique qui s'opère naturellement lorsque ces divers éléments se combinent à la fusion des deux eaux. Grâce la présence de l'hydrate de fer, la première forme de carbonate de cuivre (azurite) se charge d'hydrogène et se transforme en malachite, dont la. belle couleur verte est bien connue. Le lit du ruisseau, les galets que l'eau couvre ou les brindilles d'herbe qu'elle asperge de gouttelettes, sont tout incrustés d'une couche de couleur, qui varie selon l'élément qui a agi avec plus ou moins de con-
tinuité.
Il serait
certainement intéressant de pousser un
peu plus loin l'examen, et de faire des expériences afin d'établir la synthèse quantitative et qualitative du phénomène en question. Mais cela est du domaine des
savants. J. BROCHEREL.
Sven Hedin.
fort
Dans les sables de i'Asie. vol. grand in-4Ó jésus de 400 pages, illustré de nombreuses photographies. F. Juven, éditeur, [22, rue Réaumur, Paris. 10francs.
Nos lecteurs connaissent depuis longtemps M. Sven
Prix
Hedin,
le hardi explorateur suédois, car c'est dans le Tour du Monde que parut, en 1898, le récit de son beau voyage A travers les glaces et les sables de l'Asie centrale. Durant le nouveau voyage de trois ans qu'il a accompli dans l'Asie centrale, dumois de juin 1899 au mois de juin 1902, nous avons, à maintes reprises, signalé les étapes de sa longue
exploration. C'est la relation de celle-ci que vient de traduire M. Charles Rabot. Il en donne aujourd'hui la première partie en un volume intitulé Dans les sables de l'Asie, qui nous mène, par le Tarim, de Kachgar, où le Dr Sven Hedin passe, en septembre ~Sg9, jusqu'au Lob Nor, le fameux lac migrateur que le hardi voyageur visite et autour duquel il circule, en 1900 et 1901. La seconde partie, qui traitera de la pointe faite du Lob Nor dans la direction de Lhassa, puis du retour, par le Thibet et le Kachmir, sur Kachgar, paraîtra plus tard. Elle s'appellera Vers la ville interdite. « Pendant ces trois années, bravant l'étouffement du simoun, les chaleurs torrides et les froids polaires, avec cette ténacité inébranlable qui est un des traits du caractère suédois, le vaillant explorateur n'a cessé, dit M. Charles Rabot, de travailler et d'observer, tantôt remplissant des blancs de la carte, tantôt retirant des sables les vestiges des civilisations qui s'épanouissaientjadis dans ces contrées aujourd'hui désertiques. Grâce à l'activité toujours en éveil du docteur Sven Hedin, un jet de lumière a éclairé le mystère de cette partie de l'Asie. » Si l'œuvre est considérable au point de vue géographique, elle est passionnante au point de vue pittoresque. Les difficultés sans nombre rencontrées le long de la route, les périls et les dangers courus, les catastrophes évitées par miracle, tiennent le lecteur dans une angoisse perpétuelle. La traduction, on le devine, a la même vie que le récit original, et on éprouve, à la lire, un intérêt puissant. De belles illustrations ajoutent au charme de ce volume. Elles font voir la désolation effroyable du désert de Takla Makane ou de cette autre terre morne et navrante qu'est le Gobi; elles parlent assez aux yeux pour que, rien qu'à les voir, on se sente plein d'admiration pour la hardiesse du voyageur qui a affronté si longtemps de tels parages de mort.
Météorologie VARIATIONS DIURNES DU VENT
On peut distinguer deux sortes de
variations diurnes une variation diurne anormale, irrégulière et une variation diurne normale. Les variations diurnes anormales s'observent principalement dans les stations voisines, présentant entre elles des différences topographiques, suffisantes pour amener la production de vents plus ou moins forts, engendrés par des différences de pression. C'estainsi que prennent naissance ce que l'on appelle les vents locaux, mistral, sirocco, etc. En résumé, il se produit un appel d'air dirigé des fortes vers les basses pressions. Dans nos climats, un vent du nord amènera une température plus basse, un vent du sud une température plus chaude. Le refroidissement sera encore accentué si le vent s'élève des plaines vers les hauteurs et, par contre, un réchauffement plus marqué se produira si le vent descend des hauteurs vers les parties plus basses. La variation diurne normale de la direction du vent s'observera facilement dans toute station située en pleine mer ou au milieu d'un vaste plateau régulier ou encore au sommet des montagnes. Elle peut se résumer dans cette formule le vent dans l'intervalled'un jour semble varier légèrement de direction et cela dans le sens du mouvementdiurneapparent du soleil, c'est-à-dire de l'est à l'ouest en passant par le sud. On ne connaît pas encore la cause exacte de ce phénomène. La variation diurne de la vitesse du vent est différente suivant qu'on l'observe dans des stations basses ou dans des stations élevées. Dans les premières, la vitesse du vent, faible pendant la nuit, augmente à partir du lever du soleil, passe par un maximum au milieu de la journée (vers le moment du maximum de température), puis décroît de nouveau vers la nuit. Dans les stations élevées, au contraire, la vitesse du vent est grande pendant la nuit, puis elle décroît et passe par un minimum vers le milieu de la journée pour croître ensuite jusqu'au soir. VARIATIONS ANNUELLES
Nous verrons plus loin qu'il existe
à la surface de la terre des vents très ré-
guliers, appelés vents alizés. Ces vents souffleraient toujours dans la même direction si le soleil conservait pendant toute l'année la même déclinaison. Or l'équateur thermique se déplaçant, oscillant autour de sa position moyenne en suivant les mouvementsdu soleil en déclinaison, il s'ensuit que les vents éprouveront également des variations. On a observé que la variation en latitude de la limite des alizés est en rapport avec le mouvement du soleil. Bien plus, les saisons peuvent amener des changementscomplets dans la circulation atmosphérique.Ce fait s'explique par la différence de température existant entre les continents et les mers voisines, 1.
Voir le numéro 40 de 1903, page 320.
pratique.
Le Vent (Sr~~tr').
aux diverses époques de l'année et particulièrement entre l'hiver et l'été. Les grands continents se comportent comme des centres de chaleur en été, des centres de froid en hiver; les océans sont, au contraire, des centres de froid en été, des centres de chaleur en hiver. Ces différences de température entre deux lieux voisins influenceront donc plus ou moins la circulation générale habituelle de l'atmo-
isobares et un vent s'établira. Dans ce dernier cas, l'airaura une tendance à s'écouler du lieu où la pression est la plus considérable vers l'autre où elle est moindre, et cela par le plus court chemin, c'est-àdire normalementaux deux courbes. Cette sorte de différence de niveau entre les deux isobares, ou ligne de plus grande pente, offre un intérêt très grand en météorologie et, sous le nom de gradient sphère. Ainsi prennent naissance les vents barométrique, on entend le rapport qui saisonniers ou moussons (de l'arabe mau- existe entre la différence de ces pressions sim, saison). extrêmes et la distance qui sépare les lovariation annuelle de la à la calités dans lesquelles ces pressions se Quant vitesse du vent, elle est généralementplus manifestent. grande en hiver qu'en été, et cela parce En pratique, il est convenu, pour hiver produisent les c'est avoir le gradient barométrique entre deux que se que en plus grandes différences de température points situés sur une ligne qui coupe les entre deux lieux ayant une différence de isobares à angle droit, de diviser la diffé-
latitude.
DIRECTION ET VITESSE DOMINANTES DES HAUTES PRESSIONS
rence des pressions observées en
ces
deux points par leur distance, cette dernière étant exprimée en degrés de la sphère terrestre. On prend pour unité de distance, par conséquent, la longueur d'un arc de 1 degré de la sphèreterrestre, soit 1 l kil. [1 I.
Les nombreuses observations faites dans tous les pays montrent que la vitesse du vent augmente très rapidement à mesure qu'on s'élève dans l'atmosphère. Dans les vents faibles, l'observaciter qu'un exemple mille, Pour ne entre tion montre que le gradient est plus petit dirons tandis vitesse la nous que que que [, c'est-à-dire que la diminution de à mètres du Paris, à vent aupression, pour deux points situés sur une moyenne 20 elle déjà dessus du sol, est de 2ID 15, est normale aux isobares et à Il 1 ii mètres près de 9 mètres au sommet de la tour l'un de l'autre, est plus faible que milEiffel. limètre. Pour les vents soufflant en temLes ascensions de montagnes, les cerfs- pête, le gradient devient plus grand que volants météorologiques, les ballons- 4 ou 5. Le nombre 6 est cependant bien sondes, l'observation des nuages, nous rarement dépassé et même atteint. ontappris qu'il règne dans les régions supérieures, ioooo mètres et plus, des couINFLUENCE DE LA ROTATION DE LA TERRE rants dont la direction est en moyenne de l'ouest à l'est et dont la vitesse Le mouvement de rotation de la moyenne ne paraît pas s'écarter beaucoup terre exerce une action très sensible sur de 3o mètres par seconde. les mouvements généraux de l'atmosphère. Donc les directions du vent ne sont ISOTHERMES, ISOBARES, GRADIENT pas normales aux isobares, mais forment Il est maintenant bien prouvé que avec elles des' angles plus ou moins tous les mouvements de l'atmosphère dé- grands. pendent de la répartition, à la surface du Du reste, d'autres causes interglobe, de la température ainsi que de la viennent encore pour modifier la direction pression barométrique. Il est donc essen- du vent relativement aux isobares ce tiel de connaître la relation qui existe, à sont les résistances variables que subit le tout instant, à la surface de la terre, entre mouvement des couches d'air, soit par la distribution de la pression atmosphé- leur frottement réciproque, soit par leur rique et la distribution de la température. frottement contre les différents reliefs terOn sait qu'en réunissant par des restres. lignes tous les points ayant une même Le mouvementde l'air par des isotempérature on obtient ce que l'on appelle bares rectilignes et parallèles est soumis les lignes isothermes. En opérant de même aux lois suivantes~ pour les pressions barométriques on ob10 La direction du ventest inclinée tient les lignes isobares. sur le gradient, à droite dans l'hémisphère isothermes Or, si l'on compare les et nord, à gauche dans l'hémisphère sud. les isobares construits pour une même 2° L'angle du ventavec le gradient, époque, on remarque que les régions où nul à l'équateur, augmente avec la latirègne la plus basse température sont aussi tude. A une même latitude, il est d'autant celles où la pression barométrique atteint plus grand que le frottement est plus son maximum, et qu'inversementaux tem- faible. pératures les plus élevées correspondent 3~ La vitesse du vent est propormoins général les fortes pressions. tionnelle au gradient et, pour un même en Sur une même isobare, deux points gradient, elle diminue quand la latitude ont, bien entendu, une différence de ou le frottement augmentent. pression nulle. Il n'y aura donc pas de (A suivre.) F. QU~-NISSET. vent entre ces deux points. Mais sur deux isobares différentes, deux points auront 1. Traité élémentaire de biétéoroloyie, différence différence égale à la des A. une par Angot.
Dans les Pyrénées.
La
Crevasse d'Escoaïn.
On a dit et répété que la gorge d'Escoaïn était une des merveilles naturelles du Haut-Aragon et qu'elle méritait une visite, en dépit de lapeine qu'il fallait ~rendre pour aller la voir rien de plus exact. Cette garganta, en effet, tout en ayant quelque ebose des vallées de Niscle et d'Arrasas qui l'avoisinent, ne leur ressembleguère d'ailleurs, ce n'est ~as une vallée, mais une crevasse éclatée en pleine montagne. Le grand public ignore totalement la gorge d'Escoaïn, car aucune route carrossable n'en dessert les abords, et de rares privilégiés peuvent en parler à peine. Si l'on tient à s'y rendre de Gèdre ou dé Gavarnie, l'excursion est asse,~ fatigante, surtout pour peu qu'il s'agisse de passer par le Mont-Perdu; en revanche, on (znaoîet ~go3) aura affaize à un terrain pour ainsi dire neuf, un seul touriste, celui qui écrit ces lignes, ayant suivi jusqu'ici ~ar en bas cet extraordinaire défilé que l'on se contentait aasparavant de considérer d'en haut.
LE chemin de Bielsa à Escoain par la garganta de
Salinas, les pentes méridionales de la Pena del Mediodia et le col de Tella est parfaitement expliqué dans le Guide joanne. A partir de ce dernier col, d'où l'on admire un tableau superbe du Castillo Mayor, on a le choix entre deux voies différentes. La première conduit d'Arinzué à Lamiana, puis à Revilla, que l'on peut même éviter. et dégringole ensuite le long de la falaise d'Escoaïn, de façon
à
de la garganta de Miraval, qui s'approfondit de plus en plus, et bientôt la falaise d'Escoaïn, couronnée de
ses tours et de ses remparts, ferme l'espace.
L'entrée du village d'Escoaïn est une placette dont la surface, rocheuse, montante et inégale, s'amé.
lioredevantl'église, vis-à-vis de laquelle on aboutit. La tour
de cette église, par son fenétrage, laisse voir une cloche; à gauche, il y a un presbytère, la plupart des hameaux (aldeas) aragonais possédant un curé. Un enclos inculte, qui préèède le portail, paraît servir de cimetière. Sous la
traverser le
rio Yaga, à proxi-
mité des cascatelles que ce torrent exécute au sortir de la garganta, but de la
patine roussâtre,
indélébile, qui le course. La seconde hâle, ce village voie est de beausemble accablé de coup préférable. vieillesse. Les touD'Arinzué, point rellesdescheminées qui jadis aurait eu sont barbouillées de une certaine impor1)'ESCOAÏN. ROCHERS DE LA CREVASSE suie. Les onze maitance -on ne parle Photographie de ~~1. LT~cien Briet. sons d'Escoaïn s'érien moins que de chelonnentsur trois papes et de rois qui rangs; au centre du dernier groupe, dans une courte seraient sortis de la maison des \( Seses » on pique impasse, on trouvera celle où se sont invariablement droit sur le moulin de Miraval jusqu'au rio Yàga, dont hospitalisées les personnes qui ont abordé la région. on remonte ensuite la rive gauche; à Estaroniello, un Cette maison est la «( casa Jacinto ». Derrière elle existe pont rustique permet de gagner l'autre bord. Les Espagnols comptent une demi-heure de ce hameau à Esune terrasse d'où se découvre la vue d'ensemble de la fameuse crevasse. On s'y rend, en quelques minutes, coaïn, pendant laquelle on suit, en s'élevant, le bord A
TRAVERS
U
MONDE.
C' uv.
N- 6.
b
Février 1904-
après avoir traversé un pré semé de roches grises. Alors, d'une petite plate-forme environnée de chênes verts et de buissons, la gorge tout entière se montre si imposante, autorité telle que la singularité de sa grandiose lézarde, qu'on hésite, de prime abord, à en évaluer les dimensions, et qu'elle vous laisse sur le coup, béant de surprise. Le promontoire, où l'on se trouve pour ainsi dire aux premières loges du spectacle, commande un gouffre qui s'arrondit en manière d'anse et dont une futaie épaisse garnit les profondeurs. Au delà, une crevasse vertigineuse, dont les torsions empêchent l'œil de la pénétrer jusqu'au bout, s'abat, se poursuit, étreinte par des parois qui plongent selon la verticale ou bien qui offrent un ensemble de corniches, de pentes, de saillies, d'à-pics et de surplombs, le tout abondamment pommelé de végétation et coupé à la hache dans une énorme masse rocheuse. Le torrent qui parcourt cette crevasse, et que l'œil n'aperçoit que par
échappées, s'élargit en mares quand il ne se divise pas sur des galets; des talus vert sombre ré-
accentuent encore
le bétail abrège quelquefois par
cette échelle, mais sans avoir pour but la garganta où les chèvres seules peuvent pénétrer et trouver leur vie. On achève de s'abaisser sur une pente ombragée de chênes verts presque jusqu'au niveau d'un ruisseau, affluent du rio Yaga. La piste est suffisamment perceptible. Sous la forme d'un V démesuré, l'entrée de la crevasse se fissure de biais dans une dépression arrondie en hémicycle. Il faut envoyer un guide à quelque distance pour pouvoir, par comparaison, se faire une idée de la toute-puissance de ces gigantesques parois. On passe devant un surplomb jaune et noir où bâille l'ouverture à demi-masquée d'une cueva, lieu dit Feixa Lans. Un taillis empêche de voir le rio Yaga, dont on entend la chute dans la garganta de Miraval. Bientôt, le formidable hiatus s'ouvre tout à fait; il étouffe autant qu'il écrase. L'eau coule sur un seuil de roche; on la traverse entre deux mares quantité de cuvettes criblent le sol. Deux trous carrés percent le rocher sur lequel on marche ils servaient à emboîter les pieux d'attache d'une passerelle dé-
truite il y a trente ou quarante ans.On
duisent encore son étroit thalweg. Les
repasse sur la rive
cascatelle dénon-
droite pour l'abandonner de suite et
cent la Fuente. La gorge d'Escoaïn ne
jusqu'à nouvel ordre, la ber-
blancs filets d'une
utiliser,
ressemble d'aucune manière aux étran-
ge gauche du tor-
rent.
glements chargés de faire communiquer les divers bas-
sins d'une vallée gavique; on est
vraiment devant elle
en
présence
D~ESCOAIP'.
Au beau milieu de ce goulet, un bloc formidable rappelle par sa forme cubique le mail de la Peyrade de Héas. Tout un chaos
LE 'VILLAGE d'une diaclase proparaît être du reste digieuse, œuvre de Pltotographie de 31. Lrtcictt Briet. tombé des falaises; quelque cataclysme le torrent s'en des temps préhistoriques, qui fend tout un plateau échappe comme il peut. Une sorte d'échauguette se à la façon d'un fjord. Nulle part, dans la région du projette. Un escarpementde grès barre le passage, mais Mont-Perdu, le marbre hautain des Pyrénées ne se ses cassures permettent aux clous des souliers de morfracture avec plus d'orgueil. Lorsque le jour comdre suffisamment. Ce mauvais pas n'est point terrible; mence à blanchir, l'ombre éperdue se précipite dans par exemple, en cas de maladresse, on prendrait un la crevasse d'Escoaïn comme au fond d'un abîme où le bain complet. La masse qui avait tout à l'heure l'aspect soleil ne pourra plus rien contre elle. A gauche, une d'un pavé immense, se voûte en arche et recouvre un large bande de gramen simule un étage, et à droite, amas d'eau bleue. Quelques truites filent comme des éclairs. Cependant, en levant la tête, pour mesurer deresur la falaise qui regarde le terre-plein occupé par le village, s'empilent une série de bastions en retrait que chef les murailles dont l'élan persiste, on perçoit un mélange de reliefs et d'anfractuositésoù des teintes grises, couronnent des tours, des murs rectangulaires étranblanches, roses et rouges se marient, s'assortissent dégement tachés de jaune et de rouge, et dont les glacis verdoient. Un col marque le nord-ouest, tandis que la licatement. Des frondaisons se penchent avec un soucrête des Parets s'écrase en dents de scie vis-à-vis du rire. Un fragment du Castillo Mayor s'encadredans l'éCastillo Mayor impassible. vasement qu'on a laissé en arrière.Toujours des débris; Quelle bizarre descente il faut exécuter pour on grimpe; le grès s'opiniâtre; on parvient sur une parcourir intérieurement la crevasse d'Escoaïn Dans petite grève et au-dessous de la Cueva de l'Artiguola muraille même où elle s'ouvre, un sentier, quasiBa~o. La garganta s'infléchit en arc de cercle, et comme aérien, s'effondre, composé de lacets courts et raides, il devient impossible de .suivre le lit de son rio qui s'engorge, on s'élève immédiatement le long d'un que des marches quelconques de calcaire glissant
talus ombreux où des pierres se couvrent de mousse,
où des fougères se balancent, où des fleurettes se dispersent au milieu d'un enchevêtrement de frênes, de buis, de hêtres, de noisetiers et de tilleuls. Des coulées d'éboulis coupent la piste qui ondule un peu. Bastions, courtines et tours s'entassent dans le ciel. On domine la rainure du torrent, que l'on entrevoit çà et là. L'abrupte muraille qui soutient le promontoire d'Escoaïn porte le nom d'Iglesia Vieja. Enfin, les parois s'écartent, on pénètre dans le Barranco de l'Ansera, et le Putatmt, à travers la feuillée, ressemble à un donjon défiant les siècles. Le Punton est une grosse aiguille qui s'isole comme une haute borne pointue au milieu de la Garona. Un arbre mort se décharne, et les vieux fûts s'élancent autour de cet obélisque monstrueux,dont ils semblent copier la forme. Du pied du Punton, les regards errent avec plaisir sur la futaie verdoyante qui remplit la crique du Barranco de l'Ansera. Le ravin qui se jette dans cette anse délimite le plateau d'Escoaïn du côté du nord, et c'est à sa dilatation que l'on doit le superbe point de vue de la garganta en amont du village. Le Punton mesure bien une cinquantaine de mètres, mais étant donné que les falaises environnantes comptent au moins 300 mètres pour leur part, il ne produitd'en haut qu'un effet très restreint. Du reste,
placé trop près du mur d'Iglesia Vieja, il est invisible de laterrasse supérieure.
tueux annonce que la berge n'existe plus; on frôle une plinthe abrupte contre laquelle les flots se heurtent. Il y a un pas où il faut se traîner à genoux sous un surplomb, puis un autre où l'on gravitun obstacle herbeux. De véritables baignoires s'offrent aux amateurs. On saute une sorte de chenal pour traverser avec précaution une intumescence lisse dont les creux sont encore remplis d'eau, et l'on échoue en face du Barranco de la Sarra, qui fait office d'affluent lors de la fonte des neiges. Ce Barranco remonte du côté de Revilla son nom viendrait d'une petite scierie construite à son origine et ne fonctionnant qu'au printemps; un chaos l'encombre et le rend impraticable. On appelle Feixa de l'Onso ou de l'Ours, le grand talus boisé qui suit. Le rio Yaga, jusqu'alors assez paisible, commence à s'émanciper. Il devient turbulent, comme s'il avait conscience de sa jeu-
nesse.
On le voit tantôt
s'attarder dans des marmites de géants égueulées, tantôt se hâter dans des biefs d'une bizarrerie réjouissante. Et on n'a pas plus tôt
dépassé le Barranco de la Sarra, qu'on le prend de suite sur le fait, cascadant à l'aide de strates qui barrent horizontalement la gorge et qu'il a fini par scier en deux. Au-dessus, d'énormes cailloux s'agglomèrent obligation de grimper à droite, le long du bois qui couvre la Feixa de l'Onso. Ce simulacre de peyrade, tant bien que mal équilibré sur le dos du torrent, offre des vides que des tronçons ligneux barricadent, et dissimule une seconde chute de 4 mètres de haut, tombant d'un ressaut à pic qui
On s'abaisse ensuite très rapidement. Le murmure du torrent caresse l'oreille; on se retrouve sur tente de s'opposer à ce LA FUENTE, RIVIÈRE DE LA CREVASSE D'ESCOAÏN. qu'on avance davantage. sa rive solitaire. En même Appuyez à droite, vers un temps, le majestueux couPhôtograpltie de M. Lucien Briet. angle, où 2 mètres seuleloir reconquiert son étroitesse ses escarpements émergent d'une végétation qui ment restent à escalader. Cela fait, vous croyez être à la fois au bout de votre surprise et de vos peines se dépense avec grâce, absolument verticaux, comme si la nature avait, en les édifiant, employé le fil à car, devant vous, bondit imméerreur complète plomb. Non loin d'une pierre de taille chaotique abandiatement une troisième cascade, divisée en trois donnée sur un monceau de décombres, on peut faire branches convergentes qui, côte à côte et différemhalte à l'ombre et apprécier la fraîcheur de l'eau qui ment, grondent de marche en marche, sur un seuil ruisselle dans des rigoles naturelles. idéalement dégradé par l'âge, jusqu'à une grande Mettant à profit cette canalisation heureuse du mare dont la surface glauque et tremblante réfléchit rio Yaga, on l'enjambe à hauteur de l'énorme paralléles moires blanchâtres de l'écume. On monte encore lipipède devant lequel on s'est reposé. Un seuil de ces 5 ou 6 mètres, on enjambe des courants d'eau, et la mètre environ, occasionné par un tassement de blocs, ~rocente, source du torrent perdu dans la crevasse 1 d'Escoaïn, apparaît enfin, comme le clou d'une machise présente; on se trouve, après l'avoir escaladé, sur nation de décors si bien truquée qu'on se prend à un rivage où le torrent s'étale. Puis l'étrange couloir, conservant son rude parquet, ses lambris sylvestres, lever les bras et à pousser des exclamations admiratives. ses trumeaux et ses murs formidables, se reforme. Un grand hêtre se profile; puis, un tournant qui s'effectue La Fuente del Rio, fort abondante, sourd à plulimite la perspective. Voici ensuite qu'un bruit tumulsieurs places d'un talus rocheux, couvert de mousses
et planté d'arbres, sur lequel elle cascade avec beaucoup d'à-propos; de face, elle est encore plus jolie que de profil. Il y a lieu de constater que toutes les eaux qui jaillissent ici proviennent du côté des Parets.
Auprès de la fontaine principale, d'autres sources moindres se décèlent. On peut grimper le long de la Fuente pour se rendre compte de la manière dont elle voit le jour; elle émane en partie d'un trou impénétrable ayant la dimension d'un terrier de renard. Plus loin, en escaladant une barrière rocheuse de 2 mètres, on reconnaît que le canon continue à se poursuivre, mais à sec, et qu'on en a par conséquent visité la partie la plus intéressante, c'est-à-dire celle où coule le rio Yaga. Les personnes qui hésiteraient à remonter plus
talus de droite. On dépasse les Barrancos de la Cru~ et rie Secalas. A ce moment, on est au milieu d'une clairière close de parois dont la hauteur a fort diminué. Il faut dire qu'on s'est élevé sans relâche depuis l'orée de la garganta; rien qu'entre cette orée et la Fuente la différence de niveau se chiffre au moins par 5o mètres.
Une cassure annonce le Barranco de la Gargazata. On avance encore, et on est arrêté tout à coup par une imposante peyrade, une véritable cascade de blocs, presque infranchissable, comblant le défilé et qu'on
peut d'autant mieux considérer comme un nec plus rrltra, que de nouvelles facilités de remonter sur le plateau existent à gauche. J'engage le touriste à profiter de l'occasion sans hésiter, car il a maintenant vu la
et qui persisterait àvouloircontinuer quand même, n'en apprendrait pas
crevasse d'Escoaïn sous ses deux aspects
avant dans la crevasse d'Escoaïn, ont ici la faculté de regagner la casa jacinto sans rétrograder sur leurs pas,
davantage. En partant de Bielsa, de façon à arriver à la maison Jacinto avant midi, il sera possible d'utiliser largement le
à
condition, toutefois, d'avoir pour guide quelqu'un du pays sachant la manière de s'y prendre, car autrement on risquerait fort de ne point trouver le passage, fût-on muni des meilleures indications verbales. Au-dessousde la triple cascade et à hauteur d'un gros bloc, on franchit le torrent et on attaque les pentes abruptes et boisées qui font vis-à-vis à la Feixa de l'Onso. Il faut un mo-
restant de la journée dans la crevasse d'Escoaïn, surtout si
l'on ne va pas beaucoup au delà de la Fuente. Le petit Perico, « hijo de la casa », en connaît parfaitement les détours, et, avec une pièce de 2 francs, je l'ai rendu le plus heureux des gamins. Aucun danger à craindre comme bêtes sauvages, on ne rencontrera guère que des renards. Aussi, je ne saurais trop insister pour engager les amis des Pyrénées à visiter surtout la première partie de cette gorge (2 kilomètres à peine, 3 peutêtre en tout jusqu'au grand chaos), car si on l'a tenue jus-
ment s'aider d'un tronçon de pin appliqué contre un rocher; puis on traverse un tunnel, une grotte percée naturellement à travers un éperon calcaire; le chemin, véritablepiste de chèvres, court alors au bord de l'abîme que des buis épais dissimulent, et tout contre une paroi verticale couronnée d'une tour. Une cheminée facile amène sur le faîte même de la pène; au fond du Barranco de
qu'à présent d'en haut pour une merveille, je ne crains
D'1:SCOA1N,
pas d'affirmer que d'en bas, elle l'est encore plus.
UN MONTAGNARD l'Ansera, l'aiguille du Punton LUCIEN BRIET, pointe parmi les arbres. On Photographie de M. Lucien Briet. tourne finalement de façon à atteindre un moulin situé sous les prés qui entourent le village. La deuxième partie de la gorge est moins Un syndicat de colonisation allemand vient d'acquérir au Rio-Grande du Sud une concession de attrayante à parcourir que la première; faute du rio 6500 kilomètres carrés, ce qui porte à 30000 kiloYaga, elle ressemble presque à un corps sans âme. mètres carrés l'étendue des territoires acquis par les Au-dessus de la Fuente, quelques ruissellements compagnies allemandes au Brésil. La nouvelle concesessaient encore de serpenter, puis le sol a l'aspect farouche et dur des hamadas désertiques. Les murailles sion est située le long de la rivière Taquary. Le syndicat a pour but de détourner vers ces conservent leur coloris et leur souveraine grandeur. régions, où ils conservent davantage leur nationalité, La garganta s'infléchit. Son lit offre des assises holes émigrants allemands dont le flot allait se perdre, rizontales à la fois brutes et sculptées; des fondrières jusqu'ici, aux États-Unis. se creusent; on remarque des conques pleines d'eau Plusieurs centaines de milliers d'Allemands sont verdâtre. La végétation reste magnifique, luxueuse établis et prospèrent à cette heure dans les trois états même, et les parois toujours rougeâtres et perpendiculaires. Pour éviter un ressaut que l'érosion a profondé. du Sud-Brésil, Rio-Grande, Santa-Catharina et Parana, où ils ont acquis une situation prépondérante. ment entamé, on utilise une sente frayée dans les
L'Expansion allemande.
très curieuse. La cathédrale est entourée d'un vaste terrain planté d'arbres, que deux portes font communiquer avec la rue. Or, c'est en traversant le jardin que les dames turques rajustent sur le bout de leur nez, grâce à l'épingle La sortie de la messe est
A
Scutari d'Albanie'.
L dimanche
est le jour le plus intéressant à Scutari. Notre première visite est pour le marché qui se tient au bazar chrétien c'est là qu'on trouve réunis les différents types du pays et que l'on assiste à des scènes pittoresques. Voici des femmes accroupies sur leurs talons ou les « assises en tailleur > attendant un acquéreur pour étoffes ou les fruits étalés à leurs pieds; derrière elles, des quartiers de viande suspendus à des crocs en fer, le long du mur, servent d'enseigne à un boucher. Un autre boucher, qui cumule sans doute son industrie pluavec celle de tanneur, a garni sa devanture de sieurs douzaines de peaux de moutons, de chèvres et d'agneauxqui sèchent au soleil. Plus loin, sur un mur bas, des femmes de la
précieusement conservée, les deux pointes du fichu blanc qui doit les défendre des regards indiscrets il faut donc se hâter si l'on veut observer leurs visages généralement fins, aux traits réguliers, à l'expression douce et sympathique, éclairés de fort jolis yeux. Nous notons que les jeunes filles les plus jolies se voilent plus rapidement que les autres cela déroute nos idées préconçues sur la coquetterie féminine. Les costumes varient suivant les religions. Les chrétiens sont généralement vêtus de noir pantalon bouffant attaché au genou, veste soutachée, petite calotte ronde. Les musulmansportent, au contraire, un costume blanc orné de broderies noires leur fez est blanc aussi. Les fonctionnaires civils, qui viennent pour la plupart de Constantinople, portent le costume européen et le fez rouge. Les femmes catholiques de condition aisée ont un
vaste pantalon
bouffant qui leur descend jusqu'à la cheville et une sorte de grande jaquette en drap rouge très épais, soutaché de noir; sur la tête, un châle également rouge,
campagne avec leurs chèvres.
A dix heures,
nous nous rendons à la
cathédrale
pour entendre la messe épiscopale et un peu aussi
dont les extrémités antérieures sont
pour observer les
maintenues par
types des habitants. Ceux-ci sont
cordonnets qu'elles tiennent à la main; le fichu deux
venus fort nomPONT SUR LA BOÏANA. EN ALBANIE breux il y a là blanc, dont nous Photographie de M. G. Normand. environ cinq cents avons parlé, cache hommes et plus de chaussés de a.. en partie leur visage leurs pieds sont.L huit cents femmes, les premiers à droite, les seconds babouches. à gauche. Les bancs sont pleins, et les fidèles contiLes femmes du peuple ou de la campagne ont nuent à affluer, remplissant les bas-côtés et même davanun costume plus rudimentaire,qui se rapproche l'allée centrale. Personne ne se tient debout, mais à tage de la jupe et du corsage européens; elles ne se genoux ou assis. Les hommes font une rapide génucachent pas le visage et négligent même parfois de se flexion et s'installent dans les bancs ou par terre sur couvrir la poitrine. les genoux ou sur les talons. Les musulmanes ne sortent que fort rarement et L'installation des femmes est plus compliquée toujours strictement voilées; elles glissent sans bruit après s'être signées, elles déposent à terre leur parade blancs en rasant les murs, et nous frôlent comme pluie, déplient un petit tapis ou un vaste mouchoir fantômes; volumineux paquets, mûs par deux pieds suspendu à leur ceinture, l'étendent soigneusement sur qui chancellent dans des babouches mal assujetties. les dalles, et montant dessus après avoir ôté leurs Non loin de notre hôtel se trouve un jardin sandales, elles s'y mettent à genoux. Si cette position public, avec, au centre, un café. Un officier, de faction les fatigue, elles se reposentaccroupies sur leurs talons. à la porte, nous invite gracieusement à entrer et fait Enfin, elles détachent une petite épingle qui joint sur ouvrir un kiosque rustique où nous nous installons; le bout du nez les deux pointes du fichu blanc destiné domestiques apau bout de quelques minutes, des à cacher le bas du visage et elles piquent l'épingle sur portent, avec force révérences, des petites tasses de le revers de leur manche. C'est seulement alors d'eau glacée traditionnel, des le café turc verre s'occuméditation avec leur dans s'absorbent sans qu'elles loukoums (pâtes aux fruits), de la limonade, etc. d'alentour. va-et-vient du per Voilà donc cette farouche Albanie et ses habi-
~L_
1.
Voir R Travers le Monde, n° 4, page 33.
tants terribles, inabordables
Ceci nous rappelle une mésaventure arrivée, l'an
passé, à des journaux parisiens non des moindres. C'était au début des troubles de Macédoine plusieurs quotidiens publièrent une gravure représentant des gendarmes turcs qui s'étaient fait photographier avec les têtes de leurs victimes; c'était, .disaient.. ils, un événementd'actualité, et la scène avait été prise sur le vif, lors des récents massacres des Macédoniens nous ferons grâce des nombreux commentaires, accompagnant cette gravure commentaires, on le devine, peu favorables aux Turcs. Mais, quelques jours après, dans les mêmes journaux paraissait un erratum la photographie datait de plus de deux ans, etles têtesdes soi-disant victimes chrétiennes étaient celles de bandits qui, pendant de longs mois, avaient terrorisé la contrée. Les journaux en question n'en blâmaient pas moins cette barbare coutume qui consiste à décapiter les brigands capturés et à photographier leurs têtes en compagnie de ceux qui se sont emparés d'eux. Or il paraît que cette publicité n'a d'autre but que de rassurer les populations trop longtemps terrorisées par ces dangereux pillards. Dans l'après-midi, nous nous dirigeons vers une montagne qui domine Scutari, afin d'avoir une vue d'ensemble de la ville et des environs. A peine avons-nous fait quelques pas au dehors que nous sommes assaillis par une nuée de mendiants quelques femmes débraillées et surtout des enfants. Les uns se signent pour montrer qu'ils sont chrétiens; les autres abaissent la main droite presque jusqu'à terre, puis la portent alternativement à la poitrine et au front. Ces gestes signifient je me mets à vos pieds, je vous offre mon coeur et j'admire votre intellien d'autres termes, ils expriment l'humilité, le dévouement et le respect.
gence
Cependant nous gravissons une butte calcaire toute plantée d'iris. Au sommet, nous attend un spectacle grandiose, et c'est de là seulement que nous pouvons juger Scutari. Cette ville, en effet, la première de l'Orient quand on vient du Monténégro, semble bi/.arre au premier abord, avec ses nombreux jardins entourés de hautesmurailles, ses rues désertes, ses monuments en désordre. Le voyageur se demande encore où se trouve la ville alors qu'il y a depuis longtemps déjà pénétré. Sous notre regard se déroule un merveilleux panorama à nos pieds, la ville de Skodra, à demi enfouie dans son nid de verdure d'où émergent ses maisons rouges, ses casernes jaunes et les blancs minarets élancés de ses nombreuses mosquées plus loin, la
végétation luxuriante de sa plaine marécageuse, son amphithéâtre de montagnes bizarrement découpées, son lac étincelant au soleil et les flots sinueux du Drin et de la BOÏana forment un spectacle d'une rare beauté. En redescendant, nous allons faire un tour au bazar turc, où nombre de boutiques sont fermées. Puis, traversant le long pont de bois construit sur la BOÏana, nous passons sur l'autre rive, d'où l'on a une jolie perspective sur l'entrée du lac et sur l'antique château de Rosafa, démoli par l'explosion d'une poudrière, mais dont les ruines pittoresques semblent menacer quiconque s'aventure en territoire ottoman. Toutle monde se retrouve, à quatre heures, àla caserne où la musique militaire donne habituellement
chaque dimanche un concert. Ce jour-là, par hasard, il ne doit point avoir lieu. Voyant notre désappointement, l'officier de service va prévenir le chef de musique celui-ci arrive bientôt, boutonnant un bel uniforme neuf qu'il vient d'endosser pour nous faire honneur. Les musiciens descendent aussi au nombre d'une quarantaine; ils n'ont pas, sans doute, de vêtements neufs à leur disposition et les leurs sont dans un piteux état, mais leur concert vaut mieux. Tous lessoldats sont, d'ailleurs, aussi malhabillés un pantalon gris ou noir à liseré rouge, un veston de même couleur et un fez rouge.: tel est leur uniforme. Mais le tout est déteint et malpropre. Les officiers portent une longue redingote bleue qui le plus souvent laisse aussi fort à désirer au point de vue de la fraîcheur. Mais s'ils sont mal vêtus, les soldats sont bien nourris, instruits et équipés à l'européenne; ils constituent, paraît-il, de fort bonnes troupes. Nous avions un instant songé à pénétrer plus avant en Albanie les difficultés du voyage étaient un attrait de plus. Lorsqu'on voyage à travers cette province, il n'y a pas à compter sur le moindre confort; il faut mener la vie même des habitants, se contentant de leur nourriture, se chauffant à leur foyer, partageant même avec eux l'unique chambre familiale lorsqu'on doit. passer la nuit dans un village dépourvu de haia. Souvent il vaut mieux recourir à l'hospitalité des montagnards qu'à celle de ces caravansérails installés à la turque, où l'on a grand'peine à rencontrer pour soi tout seul une chambre, dont les quatre murs blanchis à la chaux soient à peu près propres, pourvue d'une porte qui se ferme et d'une fenêtre qui ne livre point libre passage au vent et à la pluie; quant à trouver un lit, il n'y fautpoint songer trop heureux si l'on peut obtenir quelques planches disposées sur des tréteaux. Parfois même il faut rester dans la salle commune, et passer la nuit avec des inconnus de mine plus ou moins avenante; cette promiscuité, toujours gênante, souvent repoussante, avec des individus dont on ignore les antécédents et la moralité, peut même présenter des dangers, C'est pourquoi, il est préférable de s'adresser aux habitants, chez lesquels on trouvera, sinon plus de confortable, du moins plus de sécurité. Le voisinage des frontières est particulièrement dangereux il y a là, en effet, des bandes de pillards qui vivent au jour le jour de rapines et de brigandages, se portant d'un pays à l'autre dès qu'on les poursuit sur le territoire qu'ils ont choisi pour leurs exploits. Les provinces du centre sont en général plus tranquilles. Et même en ce moment où les troubles et sont incontestables, il importe de distinguer c'est précisément cette distinction qui pendant bien longtemps a été ignorée des journaux européens, ce la qui leur a fait commettre de grossières erreurs partie de l'Albanie si tristement illustre, du territoire compris entre Scutari et Durazzo, où la tranquillité est absolue. Ici, en effet, les montagnards en majorité catholiques imposent respect aux musulmanset ont la paix chez eux.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le moment de voyager en Albanie, non pas tant peut-être à cause du danger actuel qu'en raison des événements possibles.
Tenant avant tout à éviter des complications internationales et craignant toujours les méfaits de quelque fanatique, les autorités ottomanes conseillent aux Européens de s'abstenir d'expéditions téméraires. GEORGES NORMAND.
Les Résultats de l'Expédition
Nordenskjdld.
NordenskjÕld et ses compagnons sont EXPLORATEUR arrivés à Stockholm. Ils ont été reçus avec enthousiasme. Le roi a conféré à Nordenskjôld l'ordre de l'Étoile du Nord et au capitaine Larsen l'ordre de Wasa. Nansen a envoyé un télégramme de félicita-
tions à NordenskjÕld. L'illustre explorateura été, dès son arrivée, interrogé par un grand nombre de journalistes, mais il n'a guère donné de détails nouveaux sur son voyage. D'après ce que nous savons jusqu'à présent, les observations météorologiques et magnétiques ont été faites d'une façon très suivie du 1er mars 1902 au 8 novembre 1903. La température la plus basse observée
à
la sta-
tion d'hivernage de Snow Hill, au sud de la terre de Louis-Philippe, a été de -41 degrés centigrades. La température maxima a été de + 1 0 degrés centigrades. Le vent soufflait sans interruption avec une extrême violence. Il atteignait souvent une vitesse de 100 kilomètres à l'heure. La cabane occupée par Nordenskjôld et ses cinq compagnons offrait un abri peu confortai5le, mais suffisant. C'est de là que partirent les expéditions en traîneaux organisées par Nordenskjôld. La plus importante fut dirigée sur la côte orientale de la terre de Graham. La glace était excellente. Les voyageurs ne portaient pas de fourrures, mais des vêtements de laine. Ils étaient couverts, en outre, de vastes sacs de toile à voile contre lesquels venait se briser le vent glacial. Les membres de l'expédition ont fait de nombreux relevés cartographiques et géologiques des pays parcourus. Leurs découvertes géologiques sont égale-
ment importantes. Malheureusement, la plupart des collections faites durant l'été ont été perdues dans le
naufrage de l'Antarctic. On a pu sauver cependant toutes les cartes, y compris celle du canal d'Orléans, et les résultats des recherches hydrographiquesfaites à Bransfield Strait, le fond océanique le plus froid que l'on connaisse. Sur plusieurs points, les membres de l'expédition ont découvert des animaux et des plantes fossiles. Le Dr Andersson, qui hiverna avec le lieutenant Duse
et le matelot Grunden au nord de la terre de Louis-
Philippe au mont Bransfield, pendant neuf mois, a trouvé de splendides exemplaires de plantes fossiles, qui prouvent qu'à une époque reculée une flore d'une extrême richesse couvrait ces lieux aujourd'hui désolés. Les découvertes de ce genre ont été aussi très abondantes sur le promontoire-de"l'île Seymour.
L'Effervescence intérieure en Corée. COMMEl'Histoire des peuples en a déjà donné maints exemples, des désordres intérieurs se manifestent en Corée au moment où la guerre étrangère menace de trancher la question de la nationalité des Coréens. La crise russo-japonaise, qui met dans l'inquiétude l'Orient et l'Occident, se complique d'une effervescence dont les conséquences peuvent être d'une grande gravité. Un mouvement antiétranger agite le pays des placards ont été affichés, disant que les malheurs de la Corée sont dus aux étrangers et que les patriotes doivent s'apprêter au massacre des intrus. Il y a à Séoul une centaine de mille habitants qui, malgré leur apathie, ne sont pas ircapablesde violence les troupes coréennes comptent dans la capitale six mille hommes armés de fusils Gras; et, dans la crainte de voir se renouveler les horreurs de Pékin, on a fait protéger chacune des légations étrangères par un détachement de marins de sa nationalité. En outre, un train blindé a été installé sur la ligne de Tchemulpo à Séoul pour pouvoir, le cas échéant, transporter des détachements étrangers depuis le port jusqu'à la capi-
tale coréenne. Ces désordres n'ont peut-être pas un rapport étroit avec la crise russo-japonaise aucun des deux adversaires ne semble vouloir s'en servir pour acquérir une situation prépondérante dans le pays contesté. Mais les événements peuvent tourner de telle façon qu'une intervention devienne indispensable et l'on ne sait jusqu'où pourrait entraîner ce commencement d'hostilités. Le mouvement national des Coréens serait-il la fatale étincelle?
Maurice Wahl, inspecteur général honoraire
de l'Instruc-
tion publique aux colonies. L'Algérie, 4e édition, mise à jour par M. A. Bernard, chargé du cours de géographie de l'Afrique du nord, à la Sorbonne. vol. in-80 de la Bibliothèque d'histoire contemporari:e. Félix Alcan, éditeur. Prix 5 francs.
Au momentoù le problèmealgériense pose de nouveau de-
vant les pouvoirs publics et devant l'opinion, l'ouvrage de M. Wahl, déjà consacré par le suffrage des juges compétents, présente un caractère d'actualité qui en assure le succès. Le lecteur y trouvera, à côté d'appréciations personnelles résultant d'observations directes et de longues années d'étude, une abondance de faits et de renseignements précis qui lui permettront de juger en connaissance de cause. Cette nouvelle édition a été mise à jour par M. A. Bernard, le distingué professeur de la Sorbonne. On trouve sur bien des points des modifications nombreuses, rendues nécessaires par les transformations si considérables survenues en Algérie dans ces dernières années, transformations qui ont engagé ce pays dans des voies absolument nouvelles, directement contraires à celles qu'il avait suivies depuis trente ans.
G ERMANIA
Berlin.
Une jeune Céramiste de la Période
lacustre.
épouser à la lettre les théories darwinistes, on A vouloir plus on remonte le cours des serait tenté de croire
que, millénaires, dans le développement de l'humanité, plus on voit le corps humain se rapprocher de celui du fameux et inconnu anthropopithèque qui, soi-disant, est l'ancêtre commun de ces deux cousins qui ne s'entendent plus l'homme et le singe. Du moins, si nous consentons encore à reconnaître que les Grecs d'Homère et les Egyptiens sous Ramsès avaient un corps, une figure, une âme assez semblables aux nôtres, notre imagination, se déployant à son aise dans les espaces immenses et nébuleux des temps préhistoriques, se représente sans trop de peine des hommes velus, quadrumanes, d'aspect féroce, bref, des hommessinges où ne s'annoncerait encore ni la noblesse de formes, ni la beauté virile, ni la grâce féminine de leurs descendants. C'est le cas de dire peut-être; car l'imagination a beau jeu, la science n'étant pas encore en mesure de nous renseigner sur l'humanité préhistorique. Et pourtant, les très rares documents que nous tenons de nos très lointains ancêtres, semblent plutôt démolir le roman de l'homme-singe et, en particulier, certaines traces de doigts, que les savants
ont relevées sur des débris
de poteries lacustres, trouvées
dans le lac de Neuchâtel, en Suisse. On sait que, dans les temps préhistoriques,la plupart des lacs de l'Europe centrale ont vu s'élever, à une certaine distance du rivage, des villages entiers construits sur pilotis, qu'on a retrouvés, à moitié carbonisés, dans la vase souslacustre, mêlés à un grand nombre de débris de vases, de canots, d'armes, etc. Ces reliques d'une humanité mystérieuse nous permettent de reconstituer le cadre où elle vivait, de reconstruire en pensée ses villages, les cabanes dont ils se composaient, voire même de nous figurer le pauvre intérieur d'hommes vivant de chasse et de pêche, à l'âge de la pierre ou du bronze. Mais ce qu'il nous était impossible d'évoquer, avant la découverte faite à Corcelettes, dans le lac de Neuchâtel, c'était ce qui nous tenait le plus à coeur nous connaissions les habitations, mais les habitants? Avaientils une figure comme la nôtre? des membres aussi souples et vigoureux à la fois? la peau aussi fine? le front aussi élevé? les traits du visage respiraient-ils la même intelligence?. Il est maintenant permis de répondre oui ou du moins, nous savons par conjecture, mais c'est infiniment profemme la bable lacustre ne le cédait aux nôtres ni en que grâce ni, probablement, en intelligence. Or, quand on tient la femme, on peut dire que l'homme n'est pas loin. Il serait hor~ des règles de la vraisemblance que la gracieuse femme lacustre eût pour frère, pour père ou pour mari un vilain
anthropopithèque.
Mais encore, qu'est-ce que nous tenons d'elle? Oh! ce n'est, on le pense bien, ni photographie, ni moulage, ni aucune image directe; rien que de très légères empreintes de
doigts, qui se sont durcies et coriservées in ceter~aa~ni dans l'argile que ces jolis doigts modelaient. Que peut-on conclure d'une empreinte? Allez le demander à M. Bertillon. Mais les savants suisses et allemands, M. Morel et M. Kollmann, ont devancé le chef du service anthropométrique dans leurs ingénieuses déductions. Prenant des moulages en relief, des empreintes en creux de poteries lacustres vieilles de cinq mille ans, ils ont acquis la certitude que les doigts qui avaient imprimé leur trace dans l'argile étaient des doigts de femme, et des doigts dont la peau était fine et délicate, dont la forme était gracieuse, dont les os avaient absolumentla même conformation que les nôtres. C'est déjà bien joli; mais ce n'est pas tout quand vous tenez le fin bout d'un petit doigt de femme, le reste, petit à petit, finit par tomber en votre possession. Ceci n'est pas une plaisanterie, c'est sérieux; plus que sérieux c'est une loi scientifique. Il y a, entre la conformation physiologique des doigts et celle du visage des rapports si nettement déterminés que la gentille céramiste lacustre, ayant d'aussi jolis
doigts, devait avoir un joli visage, un corps très bien fait, un sang riche et pur dans les veines. Je laisse à mes lecteurs le plaisir de compléter le portrait de la « dame du lac », à laquelle vont rêver sans doute, pour des raisons différentes, les poètes et les savants.
:VEV' l'ORK YRESS
valeur des Soldats Cachemiriens.
Le peu de
5[ les hypothétiques armées thibétaines qui vont
s'opposer
à la marchedes Anglais, ressemblentaux
« grenadiers de la vallée de Cachemire, on Frédéric » qui se recrutent dans peut prédire que John Bull ne fera qu'une bouchée des Etats du Dalaï Lama. Deshommes superbes, ces soldats cachemiriens: 2 mètres de haut; un corps bien proportionné, un port de tête plein de dignité, des traits respirant une mâle énergie. Comme troupe de parade, on ne peut rêver de plus beaux hommes, et le grand Frédéric les aurait immédiatement attachés à sa
personne comme garde d'honneur. En réalité, ces géants sont les plus lâches des hommes. Il n'y a pas besoin de les menacer d'une épée ou même d'un bâton levez le doigt, haussez simplement la main, et ces Goliaths se mettront à pleurer comme un enfant qui redoute la fessée. D'ailleurs, s'ils se font plats comme des punaises devant la moindre apparence de la force, ils se montrent insolents et cruels dès qu'ils sont sûrs de l'impunité. Plus d'un voyageur, parcourant leurs splendides vallées, en s'adressant poliment à ces indigènes, leur a donné l'impression qu'il avait peur d'eux. Aussitôt, tous ces Rodomonts de l'entourer, de le menacer. L'étranger se fâche il n'a pas levé le petit doigt que tout s'est évanoui comme un vol d'étourneaux Les Cachemiriens ont donc, comme Panurge, la peur naturelle des coups. Lâches, à l'égard des étrangers, ils le sont également entre eux. Tous ces lièvres se font peur mutuellement. Et pourtant ils sont querelleurs à l'excès, ils se couvrent mutuellement d'injures; mais ils s'en tiennent là, prudemment. En paroles, ils ne parlent que d'égorger, de massacrer, de pulvériser leur adversaire mais ils tremblent d'être pris au mot, et ils gardent soigneusement «( leurs distances ». Rien, paraît-il, ne fut plus comique que la querelle d'un géant cachemirien avec un Indien de Patiala, près de trois fois plus petit que lui. Pour faire s'écrouler le Goliath, le chétif David n'eut pas besoin de s'armer d'une fronde il n'avait pas fait un pas, les poings en arrêt, vers son énorme adversaire, que celui-ci tournait le dos avec des cris de frayeur et des larmes d'enfant qui se réfugierait dans les jupes de sa bonne. La revue américaine que nous citons donne la photographiequ'on a faite de ce mémorable duel. Insolents, lâches, follement épris de vaines parures, ces Sardanapales cachemiriens sont, de plus, physiquement et moralement, les plus grands filous et les plus fieffés menteurs de la terre. La proverbiale couardise des Cachemiriens est d'autant plus paradoxalement scandaleuse qu'ils sont mahométans. Or on peut dire du mahométisme tout le mal qu'on voudra on ne saurait du moins disconvenir qu'il rend tous ses adeptes braves jusqu'à la férocité. Seuls d'entre les innombrables peuples mahométans de l'Ancien Monde, les Cachemiriens font exception à cette règle générale. Aussi, leurs propres coreligionnaires des pays voisins les traitent-ils avec tout le mépris qu'ils méritent. Ajoutons, pour être justes, que tous les Cachemiriens ne répondent pas à ce signalement. Les indigènes des villes et des régions avoisinantes ne partagent ni l'honneur relatif, ni l'indignité de leurs compatriotes des campagnes ils ont une taille ordinaire et, sans doute, un coeur plus ferme. Ils donnent d'ailleurs, de l'infériorité de leur stature, une raison assez bizarre « Nous sommes si pauvres, disent-ils, et habitons de si petites maisons, que nous n'avons pas assez de place pour devenir des géants. »
Les Russes en Mandchourie. La situation en Extrcme-Orient, qui était extr~mement tendue depuis quelques mois entre la Russie et le Japon, s'est tout à coup dramatiséepar une rupture. C'est à ~ropos de l'installation des Russes en Mandcbourie que le Ja~on a pris son rôle d'agresseur. Le moment nous semble opportun de parler à nouveau de cette question de Mandchourie et des efforts qu'a faits la Russie ~our y asseoir sa domination.
IL est indiscutable, aujourd'hui, qu'en s'inclinant devant un fait accompli, l'Angleterre et les États-Unis ont fini par reconnaitre tacitement la prépondérance de la Russie en Mandchourie; tout porte à croire que la nation la plus intéressée dans la question, le Japon, se serait résigné aussi à suivre l'exemple de sa puissante alliée, la
leurs intérêts ou à porter préjudice à leur domination. On peut affirmer, d'ores et déjà, que la Mandchourie sera soumise au même régime administratif que celui qui fonctionne dans toutes les provinces de la Russie d'Europe; l'industrie et le commerce étrangers subiront dans cette nouvelle colonie russe les ser-
vitudes tradi-
Grande-Bretagne, s'il n'avait
tionnelles, et y jouiront de privilèges qui
pas de raisons sérieuses d'a-
leur seront octroyés par la
gir différemment.
métropole. Les droits fiscaux,
Si l'on essaie encore de
constituant le
contester
plus clair des
mollement la
revenus
l'empire russe,
prépondérance
de la Russie en
y seront ap-
pliqués dans
Mandchourie, c'est unique-
toute leur rigueur, et tou-
mentpour sauver les apparences, car personne ne peut avoir la
tes les marchandises
étrangères y seront frappées de droits de
naïveté de croi-
re, qu'après
tant d'efforts
VUE GÉNERALE DE LA STATION DE DJELANTOUNE, OU SE TIENT UNE FORTE GARNISON RUSSE.
D'après une photographie.
et de sacrifices de toutes sor-
tes,les
de
élevés qu'en Russie.
police russe fonctionne déjà en Mandchourie à côté de la police chinoise, dont l'autorité devient illusoire. Les tribunaux russes ne tarderont guère à s'implanter La
Russes soient disposés à renoncer à tous les
profits qu'ils peuvent tirer de leur conquête. Leurs lauriers seraient vraiment trop maigres s'il leur fallait se contenter d'une platonique suprématie politique. Aussi ne. s'en contenteront-ils pas; et, tout en promettant tout ce qui peut être agréable aux protestataires, opposeront-ils cependant une fin de non recevoir à toute réclamation tendant à frustrer A TRAVERS LE MONDE.
douane aussi
je uv.
dans le pays conquis. En dépit de toutes les protestations,tout viendra à son heure. L'industrie et le commerce russes n'existant pas encore en Mandchourie, la Russie n'a aucune ,raison No 7.
1; Février 1904.
pour prohiber les produits étrangers; c'est pourquoi elle ne s'oppose nullement à l'ouverture des ports mandchous au négoce international. Mais est-ce bien seulement l'ouverture de ces ports que réclament les intéressés? Ce qu'ils désirent c'est l'application du principe de la porte ouverte à tous leurs produits, c'est-à-
dire
D'autres taxes analogues ne tarderont guère à être établies un peu partout, et notamment à Dalny,
cette nouvelle ville russe, sortie de terre comme par magie, dont on dit merveille, et dont la construction aura coûté des sommes énormes vingt-deux millions de roubles (6o millions de francs) y ont déjà été dé-
sinon
sent tirer au-
aumoinsletraitement de la
cun profit appréciable de la Mandchourie, et il est naturel qu'il commence à y songer,
« nation la plus favorisée ». Il est per-
mis de douter que la Russie consente à accorder ces privilèges aux trafiquants étran-
priveraitd'une
Le Gouse n'a encore pu jusqu'à pré-
droits d'entrée,
cela la
ianvier 1903,
vernementrus-
l'exemption complète de
gers
pensés, avant
tout en n'agissant
qu'avec
une prudence
extrême
L'ON TROUVE VUE GKNÉRALE DES TEMPLES DE LA VILLE DE KA'iLAR, PR9,~IIÈItE VILLE CHINOISE QUE SUR LE CHEMIN DE FER, EN VENANT DE S113ÉRIE.
que
commandent
les considéra-
tions politiD'après une photographie. source de béques. La connéfices consistruction du chemin de fer transmandchourien, les dérables et du seul moyen qu'elle possède de trouver frais de la campagne de 19°0, l'occupation militaire une compensation aux sacrifices consentis; la protecpendant trois ans et les travaux de défense de la Mandtion des produits de provenance russe deviendrait en chourie, l'accroisoutre impossible. sement de l'escaRespectueudre du Pacifique, se des susceptibitelles sontles prinlités Iégitimes, la cipales dépenses Russie se gardera qui imposèrent bien de brusquer aux conquérants les choses; sades sacrifices péchant être patiencuniaires considéte, elle n'introduirables. ra son système Peut-on addouanier en Mandchourie
qu'à
l'heure opportune et, en attendant, elle se contente sagement de quel-
mettre qu'après avoir consenti de tels sacrifices, la
Russierenonceraà recueillir les fruits de ses efforts? C'est en pro-
ques impôts prélevés sur certains fitant habilement points du terridu désarroi génétoire occupé, noral causé par l'intamment à Portsurrection chinoiArthur, où chaque TYPE DE CHEVAL blONGOL. se de 1900, que navire étrangerest les Russes envaD'après z~ne pl:otograpkie. astreint, depuis le hirent brusque24 novembre derment la Mandchourie pour y assurer l'ordre; ils s'en nier, à payer à son entrée au port, dix kopecks (26 cenemparèrentd'autant plus aisément que la Chine, ayant times) par tonne. toute l'Europe sur le dos, ne put leur opposer aucune Toutes les marchandises, importées de différents résistance. pays ou exportées à l'étranger, sont soumises à une Une fois maîtres de cette contrée, convoitée de taxe, variant d'un quart de kopeck à un kopeck par longue date, ils déployèrent une activité inouïe pour poud. s'y fortifier. Bien résolus à s'y maintenir, malgré Le produit de ces impôts servira à couvrir les toutes les protestations et les menaces, ils réussirent, frais de travaux importants exécutés dans le port intégrâce à leur habile diplomatie, à gagner le temps qui rieur et à l'entretien des voies y conduisant.
leur était nécessaire pour achever la construction du chemin de fer transmandchourienet pour exécuter tous les travaux de défense. Conscients de leur force, ils ne craignent maintenant plus rien, ni personne, persuadés qu'aucune puissance humaine ne saurait les déloger d'un pays, dont la configuration, l'éloignement et le climat sont pour eux des garanties de succès. Fortement retranchés sur tous les points stratégiques tenant entre leurs mains toutes les voies ferrées et fluviales du pays; possédant une flotte puissante et un port fortifié; disposant d'une armée d'élite, les Russes peuvent, en effet, envisager sans aucune appréhension l'éventualité d'une attaque. Les troupes russes se trouvent à merveille en Mandchourie; le climat y est analogue à celui de leur pays d'origine, et le sol fertile leur fournit généreusement tout ce qui est nécessaire à leur alimentation. Pittoresquement campées, tout le long de la voie ferrée qu'elles protègent, les troupes
sontlogéesdansdes baraquements construits à proximité
desprincipalesvilles mandchoues qu'elles peuventréoccu-
per, au premier signal. C'est arrivé d'ailleurs, tout récemment, à Mouk-
den,dontla réoccu-
pation sensationnelle se produisit,
en Mandchourie et montre avec quelle promptitude ils
usent de représailles. L'autorité intransigeante des conquérants ne peut, d'ailleurs, qu'être favorablement accueillie par tous les habitants paisibles et laborieux du pays, qui n'aspirent qu'à l'ordre et à la sécurité dont ils furent complètement privés, jusqu'à présent. La population de la Mandchourie, en l'absence d'une statistique officielle, peut être évaluée, approximativement seulement, à quinze millions d'habitants, ainsi répartis La province de Kheï-kun-tsiane-chène, ou d'Amour, deux millions; la province de Tsineloun-chène, ou de Ghirin, sept millions; et la province de Chène-tsine-chène ou de Moukden, six millions. Les régions les plus peuplées sont la vallée de Lao-hé, la péninsule de Léao-tong et le milieu du bassin de la Soungari. La population essentiellement hétérogène de la contrée se compose de Chinois, Mandchous, Coréens, Daoures, Orotchones, Birares, Manégres, Goldes, SoIons, Bouriates,
Toungousses,
Tchiptchines, Olo-
tes. Les Chinois sont en grande majorité il y a bien
longtemps déjà
qu'ils ont commen-
cé à coloniser le pays et qu'ils ont
fondé les premières pourun motiffutile, villes de la Mat:lddans les circonstanchourie méridioces suivantes nale. Un Chinois, Vers le milieu qui avait une maudu siècle dernier, EN bIANDCHOURIE 110NTAGNE SACRÉE AVEC UN PETIT TEMPLE A SON SOMDIET, vaise réputation l'immigration des parmi ses compaChinois en MandD'après une photographie. triotes, fut nommé chourie prit une chef d'une patrouille de police formée par les autorités grande extension. Des cultivateurs laborieux et pailocales russes. Les fonctionnaires chinois demandèrent sibles, des marchands, des criminels en fuite et des aventuriers à la recherche des placers aurifères vinrent aux Russes, à plusieurs reprises, que ce chef leur fût livré. Ayant enfin obtenu ce qu'ils désiraient, les Chigrossir peu à peu la population de cette contrée. nois décapitèrent immédiatement, sans enquête ni juUne partie de ces gens sans aveu n'ayant pas gement, le pauvre diable, violant ainsi les conventions réussi dans leurs entreprises se transformèrent en d'après lesquelles il devait comparaître devant les juges. brigands Khoungouzes, qui infestent, encore de nos En apprenant cette exécution sommaire, les Russes jours, le pays, et sont la terreur de la population traexigèrent que l'officier chinois, qui avait ordonné la dévailleuse. Des bandes nombreuses de ces brigands, capitation de l'ex-chef de leur patrouille, fût exécuté à armés jusqu'aux dents, pillent des villages, saccagent des champs et s'attaquent même aux petites son tour, dans un délai de cinq jours. Ils menacèrent réoccuper de Moukden dans le cas où une entière savilles. Les journaux racontent souvent les exploits des tisfaction ne leur serait pas accordée. Selon sa couKhoungouzes dont l'a uùace donne du fil à retordre tume, le Gouvernement chinois tergiversa, offrit aux Cosaques russes, qui les pourchassent avec achard'exiler l'officier incriminé. Les pourparlers qui s'ennement. gagèrent à ce sujet n'ayant pu aboutir à une entente, Au point de vue administratif, la Mandchourie avant l'expiration du délai de cinq jours fixé, mille est divisée en trois provinces, administrées chacune cinq cents Russes occupèrent Moukden, dont les autopar un gouverneur spécial. rités reçurent, de Pékin, l'ordre formel de ne pas opposer de résistance aux envahisseurs. 1. On commet une grave erreur en confondant généNous relatons cet incident parce qu'il donne une ralement les brigands Khoungouzes avec la paisible peuplade idée exacte de la puissance dont jouissent les Russes des Toungousses, nomades de la Sibérie.
La différence de moeurs et de coutumes de sa population bigarrée rend la tâche de l'administration locale extrêmement difficile d'anciens Mandchous, ayant gardé les vestiges de leur organisation militaire des temps jadis, des Chinois, ayant apporté, en venant s'installer en Mandchourie, les rouages administratifs
des provinces centrales de l'Empire, des chasseurs toungousses et autres peuplades nomades, ayant contout cela forme un servé leurs moeurs primitives, amalgame aussi pittoresque que récalcitrant à une éohésion administrative. Les rapports entre les autorités et les habitants sentise caractérisent par une tension empreinte d'un ment d'animosité permanente; les délations, l'espionnage, le vol et le brigandage désolent toute la contrée et restent trop souvent impunis, grâce à la mauvaise organisation de la police et à la prévarication des juges. Malgré tous les efforts que font les Russes pour établir un bon ordre dans la contrée qu'ils occupent, depuis trois ans et demi déjà, un chaos déplorable y règne encore et y subsistera sans doute tant que les considérations politiques obligeront les conquérants à ménager les autorités chinoises et à se heurter à leur
inertie routinière. Le moment est proche, d'ailleurs, où, n'ayant plus de raison d'être, cette dualité de pouvoir disparaîtra et où les destinées de la Mandchourie ne dépendront plus que d'une seule volonté. Et en attendant que cette évolution puisse s'accomplir intégralement, l'institution récente de la vice-royauté russe en Extrême-Orient doit être considérée comme le premier jalon destiné à préparer le monde politique à une profonde modification du régime actuel. B.
DE ZENZINOFF.
tion actuelle, avoir été dépouillé par des voleurs de tout ce qu'il contenait de précieux. Ce n'est pas la première fois qu'on a découvert des navires de Vikings ainsi enterrés et saccagés; on en a exhumé un en 1863 à Stydam, près Alscensund, qui mesurait 29 mètres de longueur, et qui pouvait recevoir quatorze rameurs de chaque côté. Il n'y avait pas trace de voiles ni de mâts. Un autre navire, également tiré de dessous terre, est exposé dans les jardins du Musée de Christiania. 11 années. 11 a a été trouvé à Gokstad, il y a quelques de rames de chaque 3 mètres de long et seize trous côté. Le mât devait soutenir une voile carrée. Le navire n'avait pas de pont. En cas d'hostilité, les rameurs étaient protégés par des boucliers fixés au navire et dont le joyau du Musée de Christiania montre des restes. Toutes ces découvertes, y compris la dernière, corroborent ce que dit Tacite de la grande science des anciens Northmans en fait de constructions navales; ces navires étaient fort bien construits et pointus aux deux extrémités. Ils étaient en état de braver les plus fortes tempêtes. Les continus mouvements du sol des côtes de la Scandinavie ont enfoui ces barques échouées jadis sur le rivage. Les anciens Scandinaves avaient la coutume, à la mort de leurs chefs, de les enterrer dans une chambre (ou caveau) construite sur le pont même de leurs navires, qu'ils recouvraientd'un amas de pierres et de terre. Ces vastes tumulus se sont recouverts de végétation et ont pu être par la suite considérés comme des collines naturelles. Or, comme on enterrait avec le mort ce qu'il avait de plus précieux, bijoux, vases, etc., dont on n'a pas retrouvé trace dans les découvertes faites, il est aisé d'en conclure que le secret de ces sépultures a été violé, à diverses époques, par des inconnus qui n'étaient rien moins
qu'animés de préoccupationsscientifiques
Découverte d'un Navire des anciens Vikings. dernier, dans les environs de Tonsberg, la plus ancienne ville de Norvège, un particulier faisait une fosse dans sa propriété, située sur une colline, lorsque sa pioche rencontra quelque chose comme un mât de forme bizarre et complètement enseveli. En creusant davantage, il arriva à une sorte de chambre souterraine sur laquelle une surface planchéiée rappelait le pont d'une grande barque. Sous ce plancher, un autre assemblage de planches, séparé du premier par un espace vide assez considérable, ne permettait plus aucun doute; c'était bien un grand bateau enfoui dans la terre. Le paysan se hâta de se rendre à Christiania pour avertir un archéologue; il n'y a pas à en douter, il s'agit d'un antique navire des Vikings qui se trouve enseveli à une grande profondeur. Aussi, le professeur Gustavton, de Christiania, ne pourra pas l'exhumer avant le printemps prochain. Chose curieuse, ce bateau semble, dans sa posi-
Au mois d'août
Mort du Voyageur Félix Kanitz. LE célébre voyageur balkanique Félix Kanitz vient de mourir à l'âge de soixante-quatorze ans. Auteur des deux ouvrages classiques sur la Serbie (18591868) et sur la Bulgarie (I860-I8~5), il est le continuateur des Ami Boué, Lejean, Hahn et autres qui découvrirent géographiquement et ethnographiquement la
péninsule des Balkans. Avant de devenir écrivain, Kanitz avait été dessinateur; c'est la Leip,~iger illustrierte Zeitung qui l'envoya dans les Balkans. Plus tard seulement,il échangea le crayon contre la plume, sous l'influence de son beau-père, Vouk Stephanovitch Karadzitch, le fameux philologue serbe, et de sa femme. Outre les ouvrages précités, Kanitz laisse de nombreux travaux sur les antiquités romaines byzantines et un dernier ouvrage sur la Serbie, en cours d'impression. La mort de Kanitz, bien qu'il fût originaire de Budapest et habitât Vienne, sera considérée comme un deuil national dans tout le monde slave, particulièrement à Belgrade et à Sofia.
La Rivalité de la Russie et de l'Angleterre en Perse. LA politique que lord Curzon poursuit en Perse pour le compte de l'Angleterre se trouve dans une situation singulièrementdifficile. L'activité anglaise, il est vrai, quoique jeune encore, a déjà accompli une oeuvre importanteen construisantla route de Quetta à Nouchki et Mechhed dans le Khorassan, destinée à permettre aux produits anglo.indiens et à l'influence britannique de contrebalancer dans l'est de la Perse le commerce et l'action de la Russiei. D'autre part, le télégraphe actuellement en construction dans le centre de la Perse, et qui doit relier Téhéran à la frontière du Baloutchistan par Kachan, Ispahan et Kirman, est terminé mainte-
nant jusqu'à la dernière de ces villes, c'est-à-dire que cette oeuvre anglaise est en grande partie achevée, puisque si la contrée qui reste à traverser est la plus difficile à franchir, elle est infini-
ment moins longue que celles qui ont déjà été couvertes par le fil.
Les Anglais ont en outre beauCARTE DE LA PERSE MONTRANT LES coup amélioré la route qui va de la rivière Karoun, un affluent du Chatt el Arab, sur lequel la navigation britannique est active, jusqu'à Ispahan. Cette nouvelle route double celle qui va de Bandar-Bouchirà Ispahan par Chiraz, et qui est d'ailleurs beaucoup plus longue. Enfin, ils auraient
pour projet de construire une route carrossable depuis Chouster sur le Karoun jusqu'à Téhéran par Dizfoul, Khouremabad et Sultanabad. Il est vrai que dans le pays de montagnes, entre Khouremabad et Dizfoul, la paix est loin de régner, et les transports commerciaux seraient loin d'être assurés; mais les Anglais s'efforcent de pacifier les tribus qui occupent cette région montagneuse en leur donnant de l'argent, et il semble qu'ils soient sur le point d'obtenir des résultats. On peut donc dire qu'ils travaillent non seulement à disputer aux Russes l'exploitation économique de la Perse méridionale, mais qu'encore ils cherchent à s'insinuer 1.
Voir le Bulletin du Comité de l'Asie franfaise, dé-
cembre 19°;.
dans le cen~.re de ce pays, et même à venir attaquer les marchés du Nord. Mais si les Anglais, en améliorant dans le Sud des communications qui sont mauvaises dans tout l'Empire, peuvent pendant un certain temps disputer le marché persan aux Russes, on se demande comment ils s'y prendront pour empêcher la Russie, le jour où elle aura la main libre en Extrême-Orient, de faire très lourdementsentir à la Perse le poids de sa politique, et même d'y exercer une domination de plus en plus incontestée.. Par exemple, il semble difficile d'admettre que dans le Khorasssan, dans une région où un embranchement du Transcaspien doit prochainementpénétrer, les Anglais puissent tenir tête à la poussée des Russes en établissant une route qui franchit, sur une longueur de près de 1 500 kilomètres, des pays déserts, et qui échappe en grande partie à l'action directe de l'empire anglo-indien. La question qui se pose entre les deux politiques est non pas, en définitive, de savoir avec quelle habileté elles sont toutes les deux menées,. mais sur quelles forces elles s'appuient respectivement, et il est difficile d'admettre
que celles de l'Empire anglo-indien puissent être comparées à celles de
l'Empire russe, à qui sa proximité immédiate de la Perse assure un atout de plus. La presse russe parle en général avec bienveillance du voyage de lord Curzon, qu'elle ne doit cependant pas considérer sans défiance, étant donVOIES DE LA PÉNÉTRATION EUROPÉENNE. née l'idée très arrêtée que le vice-roi se fait du rôle impérial de l'Inde, et en même temps de la nécessité pour l'Angleterre de se préoccuper, longtempsd'avance, de couvrir les approches de cet empire. Les Novosti, par exemple, déclarent que la Grande-Bretagne et la Russie devraient adopter en Perse une attitude analogue à celle que la Russie et l'Autriche-Hongrie ont prise en ce qui concerne la péninsule des Balkans. Ce journal se demande s'il ne serait pas possible, en obtenant pour les deux puissances {es droits égaux, de rendre inutile la démarcation des sphères d'influence. Une pareille attitude est facile à comprendre la Russie, engagée à l'heure actuelle en Extrême-Orient, et désireuse de consolider la situation qu'elle y a acquise avant de poursuivre une politique active sur d'autres terrains, reste partout ailleurs dans l'expectative elle cherche seulement à réserver l'avenir, et il est évident que toute action énergique de l'Angleterre en Perse qui l'obligerait, ou bien à un conflit prématuré, ou bien à céder à ses rivaux d'une
manière très nette une nouvelle région de l'Asie, serait un obstacle à ses idées d'expansion future, qui n'admettent sans doute l'hypothèse d'aucun partage. Maintenir dans une certaine absence d'organisationlespays avoisinant l'Empire russe, y consentir aux autres des droits égaux à ceux de la Russie, mais sans jamais trancher la situation, tel est évidemment le désir nécessaire et logique des dirigeants actuels de la politique moscovite.
LaSituation desJuifsen Russie. L Aquestion juive est à l'ordre du jour en Russie plus que partout ailleurs. Les désordres récents de Kichinev, l'agitation permanente de certains centres prouvent surabondammentque l'antisémitisme a dans l'empire du tsar une acuité très grande. Le grand nombre des juifs en Russie (5 p. 100 de la population totale), leur situation sociale et les conditions économiques de leur existence y rendent le problème très difficile à résoudre. On peut diviser les Israélites russes en deux grandes catégories 1 les juifs des classes moyennes et des classes pauvres, astreints, de par les lois de 1835 et de 1882, à vivre dans la Pologne et dans ce qu'on appelle le Territoire, c'est-à-dire dans dix-huit gouvernements de l'ouest et du sud-ouest; 2° les Juifs privilégiés, diplômés académiques, citoyens honoraires ou héréditaires, marchands de la première guilde, colons des colonies agricoles, etc., qui peuvent vivre dans tout l'Empire. De ces derniers, il n'y a pas grand'chose à dire. Ils se trouvent à peu près dans la même situation que leurs compatriotes orthodoxes, et leur assimilation n'est qu'une question
d'années. Les juifs du Territoire, au contraire, sont dans une position toute spéciale; on peut les partager euxmêmes en deux classes 1° Les juifs polonais, au nombre d'un million environ, frappés des mêmes incapacités que les autres sujets non orthodoxes, mais pouvant s'établir où ils veulent, pouvant exercer toutes les professions sauf celle d'avocat. Ces Israélites polonais sont indispensables à la vie économique d'un pays qui n'a pas de classe bourgeoise; ils y assurent le bon fonctionne-
ment du commerce et exercent aussi un grand nombre
de métiers. 2° Les juifs du Territoire proprement dit. Là, en plus de trois cent mille artisans assez aisés, des Israélites exerçant le commerce, inscrits au barreau (ceuxci limités à io p. 100 du nombre des avocats), etc., vivent environ trois millions d'ouvriers juifs dont la situation est fort précaire. On peut la caractériser par
les trois remarques suivantes l'avilissement des salaires, dû à la concurrence terrible qu'ils sont bien forcés de se faire (dans certaines villes, ces salaires ne dépassent pas 30 à 40 centimes par jour); la concentration, l'accumulationdes Israélites en certaines places
(dans le gouvernement de Kiev, le nombre moyen des habitants chrétiens d'une maison, en quarante ans, est de4Io à 5io; pour les Juifs, il est de i 229 et à Berditchev, par exemple, de 2 287); enfin, l'antisémitisme violent de la part des habitants orthodoxes envers leurs compatriotes israélites, auxquels ils adressent les reproches habituels d'usure, d'excitation à l'ivrognerie, de fraude dans les procédés commerciaux et de nonassimilabilité. La solution du problème juif, c'est-à-dire la question de déterminer comment on peut venir en aide aux Russes de la foi mosaïque, tout en sauvegardant les intérêts de la nation orthodoxe, se présente sous deux formes principales assimilation par la conversion en masse ou émigration. Le premier procédé est condamné par l'histoire. Outre son caractère arbitraire, on sait que les conversions de Juifs ne se sont jamais faites sans esprit de retour le Juif a conservé plus de piété que de foi et plus d'amour pour la croyance des aïeux que de croyance réelle. Nous restons donc en présence du système de l'émigration,dont la forme la plus complète est fournie par le Sionisme, c'est-à-dire par l'émigration en masse vers la Palestine. L'idée de créer un État juif à Jérusalem est relativement récente. Elle ne date guère que de 1862. Pour les besoins de leur cause, des écrivains ont pu se complaire à prêter de tels projets à Napoléon, à lord Beaconsfield, à M. de Bismarck; les orateurs sionistes peuvent arguer de la liturgie, de la partie allégorique du Talmud et de la phrase consacrée « L'an prochain à Jérusalem », mais l'idée du grand exode, du moins en ses formes pratiques, n'en est pas moins toute moderne. En 1862, une brochure intitulée Ronze et Jérusalea~t, par Moïse Hesse, proposa pour la première fois la création d'une nation juive à Sion. Cette proposition demeura sans écho. En 1882, au moment de la promulgation des lois Ignatief, le Dr Pursker publia l'AutoÉmancipation, qui reprenait les principes de Moïse Hesse. Une colonie juive, « Richon Zion », se fonda en Palestine, puis un double mouvement d'émigration commença vers les Etats-Unis et vers Jérusalem où fut organisée une nouvelle colonie, « Chovevi Zion ». Ces entreprises étaient encouragées par le baron Edmond de Rothschild et par des chrétiens, tels sir Lorence et lady Oliphant. Elles n'eurent pas un grand développement, mais prouvèrent l'aptitude des Juifs aux travaux agricoles, en particulier pour la viticulture. En 1892, un essai plus vaste fut tenté avec l'autorisation du Gouvernement impérial, par le baron de Hirsch, qui mourut avant d'avoir vu la prospérité des douze cents familles, soit dix mille personnes, qu'il avait réunies dans la République Argentine. Ce n'est qu'en 1896 que le Sionisme proprement dit naquit avec l'ouvrage du Dr Herzl, l'État juif, et la réunion du premier congrès de Bâle. Le Dr Herzl posait en principe « La question juive existe ce n'est pas une question religieuse ni même sociale, c'est une question nationale. Les peuples sont tous antisémites, et la question juive est posée partout où les Juifs vivent en nombre tant soit peu considérable. » Depuis, les congrès sionistes se sont réunis annuellement à Bâle. Ils étaient composés de délégués de
groupes représentant surtout la Russie, l'Autriche, la Roumanie et la Hongrie. Ils ont posé les principes fondamentaux de l'exode vers la Palestine et tenté l'organisation financière de leur projet. Malgré les difficultés nombreuses qu'ils rencontrèrent, malgré l'indifférence des « grands Juifs » et l'hostilité des rabbins, leur idée n'a pas cessé de faire des adeptes. Le Sionisme est maintenant une organisation avec laquelle il faut compter.
Le Coprah.
Son Origine, son Utilisation. Du Cocotier à la Savonnerie de Marseille.
Un de nos lecteurs nous ayant demandé quelques renseignementssur le « coprah », nous croyons devoirciter
ici un article détaillé sur ce produit de la noix de coco. Nous empruntons ces quelques données à la Revue de Madagascar.
Lecocotier est un palmier dont le tronc élancé atteint de 20 à 25 mètres de hauteur et se termine par un panache de feuilles toujours vertes, de 4 à 5 mètres de longueur. Chaque année, les feuilles les plus âgées tombent, en laissant une cicatrice assez profonde pour servir de point d'appui aux indigènes lorsqu'ils escaladent le tronc. C'est l'arbre par excellence des tropiques et des pays chauds. Il en borde les plages, car il a une prédilection marquée pour les sols saumâtres. Son utilité est surprenante. Le bois dans certains pays sert à la construction des cases. Les feuilles en forment les parois; les indigènes en confectionnent également des paniers légers et coquets. Le coeur, sous le nom de chou palmiste, forme un mets recherché. L'eau que contient le fruit, appelée vulgairement lait de coco, sert de boisson rafraîchissante. Le noyau du fruit peut être transformé en ustensile de ménage. Mais la vraie richesse du cocotier estdans l'amande de son fruit, qui donne le coprah, et dans la bourre extérieurede la noix, qui est utilisée pour la confection de cordages et de fils très résistants à l'humidité. Placé dans de bonnes conditions, le cocotier commence à fleurir vers la cinquième année et à fructifier vers la septième. Le délai moyen d'attente est de 7 à 8 ans. Le cocotier n'entre cependant en plein rapport que vers l'âge de 12 ans et n'atteint son plein développement que vers 25 ou 3o ans. La production dure de 8o à ioo ans. Il faut de dix mois à un an pour que la maturité d'un fruit soit complète. La floraison a lieu presque toute l'année, la cueillette est donc continuelle. L'on procède généralement au ramassage des fruits tombés. La chute des fruits est régulière, les cocos mûrs tombant d'eux-mêmes. On estime à quatre-vingts noix la production annuelle
d'un arbre.
La fabrication du coprah est très simple on fend d'un coup de hache le fruit tout entier et on fait sécher
l'amande au soleil, soit en suspendant les fruits à une corde ou un fil de fer, soit en les étendant sur le sol, l'amand.e en l'air, si le temps est sec. L'amande en se rétractant se sépare de la coque au bout de deux ou trois jours. On achève la dessiccation en replaçant pendant plusieurs jours ces moitiés d'amandes enfilées à une petite corde. L'exposition au soleil est avantageusement remplacée par la dessiccation au four ou dans des étuves appropriées. Comb:en faut-il de noix pour obtenir i kilogramme de coprah? Les avis sont très partagés les uns admettent que 5 noix donnent i kilogramme de coprah bien sec; d'autres estiment à 10 le nombre de fruits nécessaires. Si le planteur a suivi le conseil de ne planter cue des variétés à gros fruits, il peut, sans déception, compter sur une moyenne de 7 noix pour 1 kilogramme de coprah, soit 7 000 pour une tonne. Le coprah est généralement expédié à Marseille ou Hambourg; on en extrait environ 65 pour 100 d'une huile solide au-dessous de 26 degrés, ce qui lui fait donner souvent le nom de beurre de coco. Cette huile sert à la fabrication du savon blanc. Ce produit purifié est vendu pour la consommation sous le nom de végétalir.e; il peut remplacer le beurre de vache. Enfin l'amande, réduite à l'état de farine, est employée pour la pâtisserie.
F. SehTaden.
L'Année carfograpbique.Supplément annuel à toutes les publications de Géographie et de Cartographie. Treifième .supplément (190;), contenant les modifications
géographiqueset politiquesde 1901-1902. -Troisfeuilles de cartes, avec texte explicatif au dos. Prix 3 francs.
(Hachette et Cie, Paris). Expédition antre carte Asie, par E. Giffault. glaise du Discovery au Pôle Sud. Itinéraires du Dr Sven Hedin en Asie centrale (1894-1902). Carte hypsométrique de l'Indo-Chi--ie.
2e carte Afriqzse, par M. Chesneau. Territoires du Sud et massif du Ahaggar. Itinéraires du marquis de SeCongo français et territoires du Tchad, gonzac au Maroc.
d'après les travaux les plus récents (1902). Frontière entre Ethiopie et Soudan Egyptien. Mission du Bourg de Bozas entre Addis Ababa et le Nil, etc. 3e carte Amérique, par V. Huot. Terres découvertes par le capitaine Sverdrup dans l'Archipel polaire américain. -Territoire d'Alaska d'après les levés récents du U. S. Geological Survy. Frontière chilo-argentine (arbitrage de 1902). Eruptions volcaniques aux Petites Antilles. Le I;e fascicule de l'Année cartographique montre que l'exploration du globe ne s'arrête pas, et en particulier l'exploration française, puisque les sept cartons qui composent la planche consacrée à l'Afrique, dans notre recueil annuel, donnent des modifications cartographiques dues à des levés, à des itinéraires exclusivement français du Bourg de Bozas, Segonzac, Superville, Chevalier, Destenave, Ce Laperrine, etc. En Asie, les itinéraires du célèbre Suédois Sven Hedin continuent l'oeuvre d'investigation en Asie centrale. Notons encore une magnifique carte d'Indo-Chine. L'Amérique offre plusieurs cartons intéressants, en particulier l'Alaska, et une carte des terres nouvellementdécouvertes par le Norvégien Sverdrup. Japorz, Corée, tÿfaadchourie. La quatrième feuille de l'Asie en 10 feuilles vient de paraître. Nous n'avons pas à insister sur l'opportunité de cette publication.
Les Pierres précieuses
à Madagascar.
Comme nous l'avons dit, dans un récent article, l'industrie aurifère va se développant à Madagascar. La recherche des pierres précieuses paraît vouloir sortir de la période de tâtonnement et d'incertitude où cette industrie était restée jusqu'à présent. De nouvelles recherches ont été faites plus sérieusement qu'elles ne semblaient l'avoir été jusqu'ici; plusieurs permis de recherche ont été pris spécialement pour des gisements de pierres précieuses; des échantillons, en quantité notable, ont pu être recueillis, notamment de rubis, saphir, tourmaline jaune, tourmaline rouge (rubellite), rubis spinelle et zircons. Et il ne s'agit plus ici d'échantillons trouvés exceptionnellement, mais bien de lots recueillis méthodiquement par un travail suivi sur des gisements déterminés. Toutefois, il parait prudent, avant de se prononcer sur l'avenir réservé à cette industrie, d'attendre que des spécialistes aient estimé la valeur marchande de lots qui seront prochainement soumis à leur examen.
L'Exploitation des Mines de Rubis en Birmanie. Les gisements de rubis de Birmanie, aussi bien que ceux du Siam, ont été exploités de temps immémorial, et l'on sait que la plupart des rubis historiquesétaient d'origine birétant peu mane. Les dépôts situés en territoire siamoisBirmanie probable la deque connus et peu exploités, il est meurera longtemps le principal pays du monde pour la production de cette pierre. C'est dans la vallée de Mogok et dans la région avoisinante \haute Birmanie), à 144 kilomètres environ au nord de Mandalay, au milieu des montagnes de i 800 mètres d'al-
titude, que sont situés les principaux centres d'exploitation. Les mines les plus importantes sont actuellement celles des vallées de Mogok et de Kyatprin. Depuis l'annexion de la haute Birmanie à l'empire des Indes, une compagnie anglaise exploite les gisements de cette région. Les gisements primitifs s'étant peu à peu épuisés, elle s'est attaquée aux alluvions des fonds de vallée, et par divers procédés industriels, elle a réussi à atteindre les couches profondes que n'avaient pu jusqu'alors exploiter les indigènes, faute de moyens suffisants. On trouve, paraît-il, dans les mêmes districts quelques saphirs et d'autres pierres, mais peu de très grande valeur.
Le Féminisme en Norvège. Le Gouvernement a élaboré un projet de loi d'après le-
quel les femmes pourront être nommées aux emplois publics, si elles remplissent les conditions que la Constitution exige des hommes, et si elles possèdent les capacités requises pour les divers emplois. Les femmes resteront toutefois exclues de certains services, comme ceux des cultes, de la police, des consulats et de l'armée.
Contre l'Alcoolisme en Nouvelle-Zélande. Le premier ministre de la Nouvelle-Zélande,M. Seddon,
tait une guerre acharnée aux débits de boissons. Il a préparé une loi très sévère, visant la fermeture des débits de boissons et l'interdiction des ventes de liqueurs alcooliques. Mais cela ne lui a pas suffi. Cédant à l'autorité croissante du parti de la tempérance, qui avait vu, en 1894, 1896, 1899, les votes favorables à la prohibition absolue monter de 48 000 à 99 000 et 120 ooo, M. Seddon a rédigé une invraisemblable proposition législative. Là où des comités locaux favorables aux tempérants et à la prohibition absolue auront été nommés,
toute personne qui aura che~ elle une liqueur alcoolique sera passible d'une amende de 500 francs.
Inauguration des nouvelles Lignes ferrées en Indo-Chine. La ligne ferrée
allant de Thanh-Hoa a été inaugurée le
28 décembre. Cette ligne est celle qui, de Hanoï, descend,
vers le sud, par Nam-dinh et Nin-Binh et se dirigera plus tard vers Vinh. Elle dessert l'une des plus belles régions du
Tonkin.
Le 24 janvier on a inauguré le tronçon du chemin de
fer de Saïgon-Bien-Hoa-Auloc, qui comporte un parcours de 71
kilomètres.
Découverte de minerai de fer en Prusse.
On vient de découvrir, au nord de Wesel, une couche très étendue et très considérable de minerai de fer. Cette découverte dans le bassin rhénan, si riche en charbon de terre, est appelée à produire une véritable révolution économique dans l'empire allemand.
La Ligne de Berber à Souakim. Pour se procurer les fonds nécessaires à la continuation des travaux du chemin de fer de Damas à la Mecque, le Gouvernement ottoman a résolu d'adresser un appel aux musul-
mans égyptiens. Dans cet appel, les fidèles étaient invités à verser individuellement une somme de 5 piastres turques (un franc) à titre de contribution personnelle à cette fondation pieuse. Mais les autorités anglaises virent d'un mauvais oeil cette souscription, qui pouvait avoir pour conséquence le réveil du fanatisme, et elles interdirent à leurs fonctionnaires musulmans de prêter leur concours à cette propa-
gande.
Mais, tandis que le Gouvernement anglo-égyptien empêchait les musulmans d'Egypte de contribuer par leurs offrandes à l'achèvement du chemin de fer de la Mecque, il s'entendait avec les cheiks des tribus du Soudan et les amenait à pousser les fellahs et les Bédouins à s'engager en grand nombre comme ouvriers ou terrassiers dans les chantiers du railway de Berber à Souakim.
quelque insignifiant qu'il puisse paraître, indique cependant que l'Angleterre ne néglige rien de ce qui, de près ou de loin, peut toucher à ses intérêts dans l'EstAfricain et l'océan Indien. Il est incontestable qu'elle n'omet aucun moyen, si petit soit-il, pour augmenter son prestige aussi bien en Egypte qu'en Arabie et aux Indes. Le récent Ce fait,
voyage de lord Curzon dans le golfe Persique, la campagne contre le mullah somali et l'activité des agents de l'Angleterre dans la péninsule arabique tendent à démontrer jusqu'à l'évidence que, depuis que la question de la construction du chemin de fer de Bagdad a été mise sur le tapis, l'Orient moyen est de plus en plus l'objet de ses préoccupations.
La France au Ouadaï. L'acceptation du protectorat français par le sultan du Ouadaï cause quelque trouble à la colonie italienne de la Tripolitaine. Le commerce de cette région avec l'Europe se faisait en effet par Benghasi et se chiffrait par un total respectable. Il comprenait aux importations, des produits des manufactures anglaises (525 000 fr. en 1902), du thé d'Angleterre et de Hambourg (225 000 fr.), du sucre de Trieste (~5 00o fr.); de la quincaillerie et de l'épicerie allemandes (200 000 fr.), aux exportations, de l'ivoire, des plumes d'autruche et des peaux pour une valeur de 500 000 francs. On parait craindre, dans la colonie italienne, que l'occupation française du Ouadaï, en ouvrant vers le Tchad et l'Atlantique des routes de caravanes nouvelles et sûres, ne détourne tout ce trafic des côtes de la Cyrénaïque.
L'Oasis de Gabès (Sud Tunisien). Gabès n'est pas seulement une des plus belles oasis et la~lus accessible du Sud tunisien, elle est, de par sa situation privilégiée dans le golfe de la Grande Syrte, appelée à redevenir, comme dans l'a~ztiqzsité, un déboucbé très important ~our à les le commerce du Sabara et du Soudata, le jour oic ces régions de l'intérie2ar~résenteront une sécurité de nature rassurer caravanes et multiplier les transactions. G
vue du large, ne paie pas de mine devant cette côte sablonneuse et plate où s'érigent, entre
ABÈS,
des palmiers qui semblent avoir les pieds dans l'eau, quelques-uns de ces bâtimentsdont le style révèle, du plus loin qu'on les aperçoit, le génie militaire, on serait tenté de brûler l'escale. C'est la meilleure des preuves qu'il faut se garder de juger sur l'apparence, car ce coin de terre afri-
caine fait bien vite
pardonner son
abord si maussade
Telle était cependant la situation exceptionnelle de Tacape et sa vitalité, qu'elle ne mourut pas du coup, comme tant d'autres villes voisines; elle languit encore pendant plusieurs centaines d'années, pour ne s'éteindfe que vers la seconde moitié du XIVe siècle; et si, comme tout le donne à penser, elle doit, dans un avenir prochain, renaître de ses cendres, ce sera grâce à la France qui, sur ce rivage si fertile, reprend, depuis vingt ans et avec
de succès, l'œuvfe de Rome.
tant
par la féerie de ses palmes et tous les
Malheureusement, Gabès n'a, pour ainsi dire, point de port, car on ne saurait donner ce nom à la rade qui lui en tient lieu, rade assez sûre, mais dont les
enchantements d'un décor oriental, digne des Mille et une Nuits. Gabès a conservé presque intact ce nom de Ta-
capequeluiavaient
imposé les Phéniciens en en faisant leur emporium ». Cette agglomération de villages est
communications avec la terre ne sont pas toujours aisées. En 1882, le génie militaire y construisit un ap-
d'une antiquité prodigieuse; les
CHENINI. pontementen bois, Romains, quiy ont long de 200 mètres D'après une photographie. laissé tant de traenviron; il n'a, à ces. comme nous son extrémité, guère plus de 1 mètre de tirant d'eau à le verrons tout à l'heure, avaient, après les Carthagibasse mer, soit 3m50 à marée haute. A 300 mètres au nois, continué à faire de l'oasis un centre commercial nord de cet ouvrage, se trouve l'embouchure de l'oued des plus florissants. Pline, qui l'a décrite en termes Gabès, sur la rive droite duquel on a édifié la douane maintes fois cités, célèbre avec emphase la prodigieuse et établi un feu. fécondité de son sol. Tacape fut encore très prospère siècle, Le quai d'accostage est constitué par un vannage sous la domination byzantine; puis vint, au vue en charpente, mais l'entrée de l'oued est obstruée par la grande invasion arabe, qui, comme une nuée de une barre de sable qui atteint près de i mètre ausauterelles, s'abattit sur l'Afrique du Nord et la stérilisa dessus du o des cartes maritimes. En 1889 et i8c~o, le pour des siècles. A TRAVERS LE MONDH.
GABÈS
8e LIV.
N~ 8.
20 Février ~904.
service des travaux publics, sur les instances du commerce local, fit draguer un chenal descendant à la profondeur de 1ffi50 sous basse mer; ce travail ne se maintint pas, et la drague fut perdue dans un accident. « Pour remédier à cette situation fâcheuse, des
sur la rive droite de la rivière, depuis la mer jusqu'à Ras-el-Oued, ont été acquis par un négociant maltais en vue de constructions à venir Dans leur ouvrage
intitulé le Golfe
de
Gabès, MM. Ser-
exécutés à Gabès.
vonnet et Lafitte relatent un épisode bien typique de ce début de colonisation. « Il existait, disent-ils, à l'entrée du camp, un
consistent essentiellement en
dehangarquadran-
travauximportants viennent d'être
« fondouck », sorte
Ils
«
10
gulaire, à cour intéiieure, à demi démoli et dont on
La con-
struction de deux jetées
parallèles
chercha long-
aux rives de l'oued,
temps,sanssuccès, le propriétaire. « Le génie
s'avançant d'environ i3o mètres en
mer et se prolongeant à terre jusqu'en face du bâtiment de la douane. La distance entre les musoirs est d'environ 60
mètres; « 2° Le creu-
militaire n'hésita pas à utiliser cette ruine, qu'il répara et transforma en un casernement dénommé aujour-
GABÈS: PONT DE 1tIENZEL.
sement d'un chenal de 3o mètres de largeur au plafond, à 2ffi50 audessous du o. Ce chenal s'élargira devant la douane, de manière à former un bassin d'évitage de ~m5o de
tirant d'eau
« 3° La con-
fection de terrepleins sur la rive droite de l'oued Gabès
d'hui Camp
des Iso-
lés. <2!lelque temps
après, un Juif, frère d'un personnage qui s'est rendu tristement célèbre dans la dernière affaire de l'Enfida, débarqua à Gabès, muni d'un titre bien en règle constatant ses droits de
propriétaire sur le « fondouck
etGou-ré-
clamant au vernementfrançais l'invraisemblable indemnité dee
La ville européenne de Ga-
750000 francs Devant l'énormité du chiffre, l'affaire fut portée en justice, et malgré la conviction profonde
bès-port ne date
des juges que le
« 4° La con-
struction d'un mur
de quai de 5o mè-
tres 1.
titre avait un caque de notre occuractère apocryphe, pation fondée par qu'il avait été réles mercantis qui cemment confecvinrent à la suite tionné et antidaté, de nos soldats, elle l'État français dut reçut de ces derniers le surnom payer à l'Israélite ravi la somme de suggestif de Co26 00o francs, requinville. Au lenprésentant une vademain de la conleur dix fois supéquête, une véritaGABÈS: SIARCHG DE: DJARA. rieure à celle du ble fièvre de spéfondouck » en culation s'empara «( Extrait de SiteS et Monument~ dit Touring Club de France. litige. » de ce pays, au point Mais le retrait d'une partie des troupes a fait que presque tous les terrains désertiques qui s'étendent tomber cette fièvre de spéculation et momentanément La Tunisie, ouvrage publié sous les auspices du arrêté l'extension de la cité naissante, qui sur mille Gouvernement du Protectorat. T. 11, pp. 2.3, 24. Paris, Bertrois cents habitants ne compte guère plus de trois ger-Levrault, J 900.
cents Français; comme elle n'a pour le touriste aucun
intérêt, ne nous y arrêtons pas davantage et pénétrons, sans plus tarder, dans l'oasis qui abrite sous ses palmes les villages de Menzel, des grand et petit Djara,
n'a pas dû changer depuis les temps les plus reculés. Si nous pénétrons maintenant sous la voûte de verdure protectrice des récoltes, et que supportent à une grande hauteur les innombrables fÙts des palmiers élancés, c'est un enchantement sans cesse renouvelé par le murmure, la fraîcheur et le charme des eaux courantes, la diversité des cultures et le chant des oiseaux roucoulementsde ramiers et de tourterelles; gazouillis de merles, pinsons, chardonnerets, fauvettes et hirondelles pourchassant les moustiqueset les libellules; pépiements de moineaux; chants d'alouettes et de rossignols; appels de cailles et de perdrix rouges, alternent ou se confondent dans ce paradis terrestre, où toute la sève d'une région désertique semble s'être concentrée dans un épanouissement sans égal.
de Chenini, de Nahal, soit une population indigène d'environ neuf mille cinq cents habitants. L'historien arabe El Bekri, qui écrivait au Vile siècle, parle de Gabès comme d' a une grande ville ceinte par une muraille de grosses pierres et de constructionantique; elle possède, dit-il, une forte citadelle, plusieurs faubourgs, bazars et caravansérails, un «( djamé» (mosquée) magnifique et un grand nombre de bains. Le tout est entouré d'un large fossé, que l'on peut inonder en cas de besoin et renJre infranchissable. Gabès a trois portes; les faubourgs sont à l'est et au sud de la ville >,>. Le géographe Edrissi, qui vivait au milieu du « Sous un palmier xne siècle, et Léon l'Afritrès élevé, croît un olivier; cain, contemporain du xvil, sous l'olivier, un figuier; répètent cette description. sous le figuier, un grenaIl ne reste plus rien qu'un dier sous le grenadier, la vigne; sous la vigne, on amas confus de chapiteaux, de colonnes brisées et de sème du blé, puis des légupierres de grand appareil, à mes, puis des herbes potal'aide desquels les indigènes gères, tous dans la même ont construit leurs maisons. année, tous s'élevantà l'omDans le petit Djara surtout, bre les uns des autres. » le plus pittoresque,avecCheCette célèbre description nini, de tous ces « ksour que Pline nous a laissée de l'oasis, les fûts de colonnes Tacape est encore vraie de abondent au point qu'on en nos jours. Tout comme au rencontre partout affectés temps du naturaliste roà tous les usages. Quelle main, sous le dôme de verrécolte épigraphique on fedure formé par l'entrelacerait dans ces masures, s'il ment des palmes, croissent était permis de les explorer en abondance les arbres fruipioche en main Si l'on tiers, représentés par d'éentre dans la palmeraie par normes pêchers et abricole village de Menzel, en tiers, aux troncs desquels franchissant l'oued Gabès s'enroulent de longs sarments de vigne d'où pensur un pont de pierre construit récemment, on ne dent de lourdes grappes peut s'empêcher de s'arrêdignes du pays de Chanaan. L'OASIS. GAB~S ter pour observer toutes les Sous ces futaies protectrices des ardeurs solaires, un Extrait de Site~ et Monllme,1t~ du Torcring Club menues scènes de la vie orientale qui se déroulent peuple de fellahs travaille, de I'rauc~e. cultivant à l'aide des irrisur les bords du fleuve gations, dont les méandres serpentent par toute groupes de femmes de toute origine, Arabes, Kabyles, Juives, négresses, lavant leur linge dans de grands l'oasis, la luzerne que l'on coupe sept ou huit fois par plats, portant sur la tête de lourds fardeaux bien en an, l'orge, le blé, le maïs, le sorgho, le henné, dont équilibre, ou, sur le dos, des gargoulettes aux formes les femmes arabes font une telle consommation, le antiques qu'elles soutiennent par une anse à la haucumin, la coriandre, etc., et parmi les légumes, la fève de marais, les melons, citrouilles, pastèques, la teur de l'oreille. Sous les draperies qui flottent sans contrainte, on entrevoit des membres souples, aux mauve comestible, qui sert à composer une sauce dont lignes très pures, dorés, bronzés ou noir d'ébène, les indigènes sont très friands, sans compter des suivant les races. Des bandes de chameaux passent, planches entières de « felfel )) (piment), de garance et puis des troupeaux de moutons et de chèvres, des de fenugrec. Ce tableau serait trop enchanteur s'il Arabes sur leurs bourricots qui trottent sans relâche, n'avait pas son ombre la fièvre, résultat de la stagnades enfants qui se baignent en s'éclaboussant mution des eaux d'irrigation et qui, au début surtout de tuellement, des vieillards qui dorment ou prient à l'occupation, coûta la vie à tant de nos soldats. l'ombre d'une muraille; un air vibrant de chaleur, Ce sont cependant d'inoubliables heures que éclatant de lumière, des maisons blanches inondées de celles où l'on a pu errer à l'aventure dans ces sentiers soleil, un ciel saphir où se déploient, à perte de vue, de l'oasis, au bruit des cascatelles dont la fraîcheur des éventails de palmes tel est le cadre de l'oasis, qui s'épand dans l'air embaumé par le parfum des foins
de
coupés, des orangers, des citronniers, des jasmins et des roses. Parfois, le feuillage blanc d'un tremble, que l'on s'étonne de rencontrer au sein de cette végétation tropicale, vous rappelle brusquement votre pays de brumes; mais l'illusion est courte, car déjà le minaret de Chenini et les gracieuses arcades qui l'entourent
apparaissent entre les branches; un nègre est accroupi, tel un singe, au faîte d'un dattier; des travailleurs kabyles moissonnent dans un champ, et l'un d'entre eux, se détachant du groupe, offre une fleur à l'étranger qui passe. Puis, comme contraste, les premières vagues blondes de l'océan de sable qui, d'un côté, enserre l'oasis, tandis que de l'autre, elle est bornée par les flots bleus de la Méditerranée. Voilà
Gabès, la perle du Sud tunisien, et dont la visite peut donner une idée de ce merveilleux Djerid, jusqu'à présent si difficile d'accès que beaucoup de touristes pressés reculent devant la longueur et les fatigues du voyage. Avec Gabès, aucun inconvénient de ce genre à redouter; indépendammentdes deux Compagnies de navigation Touache et Florio-Rubattino qui, chaque semaine, y font escale, l'oasis est rattachée à la voie ferrée de Sfax-Gafsa par un service quotidien et alternatif de diligences et d'automobilesrejoignant la ligne à Graïba et assurant la correspondance avec le BôneGuelma à Sousse et le Sfax-Gafsa à Sfax et Graïba. Les i 5o kilomètres de route qui relient Sfax à Gabès sont excellents. Cette route, dont un tronçon se détache à l'entrée de l'oasis, doit être prolongée jusqu'à Kebili; une autre, presque terminée, conduit à Medenine, le plus étrange village de la Tunisie, à Foum-Tatahouine et aux Matmata, pays des Troglodytes; de sorte que d'ici peu, ce sud, jusqu'à présent si délaissé de la Régence*, sera, tout autant que nos départements, sillonné de bicyclettes et d'automobiles. Le commerce de Gabès consiste principalement en balles d'alfa, en laines, dattes (les palmiers s'y chiffrant par centaines de mille), sucre, café, épices, convoyés par caravanes dans l'Extrême-Sud, dont les régions sahariennes, de même que le Soudan, sont ainsi reliées avec Malte, la Sicile etTripoli. Ces transactions, qui sont considérables, et, chaque année, plus importantes, portent déjà sur un chiffre d'affaires supérieur à 300000 francs. C'est donc en s'effcrçant de redevenir, centre africomme dans l'antiquité, l'cc emporium cain, que Gabès doit chercher à remonter au rang de son aïeule Tacape.
du
G.
DU BOSCQ DE BEAUMONT.
Progrès du Chemin de fer du Hedjaz. Noas avons
publié, l'an derniefi, un article accompagné d'une carte, surle chemin de fer du Hedjaz, c'est-à-dire sur la ligne qui, partant de Damas, doit arriver au cœur de la péninsule arabique. Voici quelques données nouvelles sur cette voie 1. Voir
A Travers le Monde, 19°], p.
]]].
ferrée, qui va contribuergrandement à faire pénétrer la
civilisation dans une région jusqu'ici singulièrement fermée à tout progrès. Dans un laps de temps de deux ans et demi, la construction de l'infrastructure (c'est-à-dire le nivellement du terrain, les terrassements,travaux d'arts, etc.), commencée à Damas, est parvenue au 412e kilomètre, et dans cette distance, le nombre des ponts, aqueducs et viaducs est très grand il a fallu percer un tunnel de 145 mètres de long. Quant aux travaux de superstructure, ballastage, pose de rails et traverses, ils sont terminés jusqu'au 3ooe kilomètre, et déjà 252 kilomètres ont été effectivement livrés à l'exploitation. C'est donc une moyenne annuelle de plus de kilomètres de terrassements et de 92 kilomètres de 1 17 pose de voie qui a été obtenue avec le seul concours de soldats nullement habitués à une telle besogne. En même temps, le long de la voie, une ligne télégraphique a été établie, de nombreuses gares ont été construites, ainsi qu'un atelier de réparations à Déra, où le matériel roulant est réparé d'une façon parfaite. En outre, pour servir de débouché à la ligne principale, on a commencé, il y a sept mois, la
construction d'un embranchement de 152 kilomètres entre Haïffa et Déra; jusqu'à ce jour, les 70 kilomètres compris entre Haïffa et Bissan sont terminés et ont été livrés à l'exploitation. Les travaux de terrassements sont poussés activement dans la partie restante; au début, on avait adjoint aux ouvriers un ou deux bataillons de soldats, tandis que le nombre de soldats employés a été, depuis, porté à quatre bataillons et demi. Comme ces derniers deviennent de plus en plus aptes à une telle besogne, il est évident qu'à l'avenir les travaux avanceront beaucoup plus vite dans les 688 kilomètres restant à construire jusqu'à Médine.
Succès de la Colonisation française en Tunisie. DEPUISque le décret du 23 juillet 1902 a accordé, aux acquéreurs de terres domaniales, la facilité de se libérer en divisant la somme qu'ils doivent verser en autant de termes annuels, successifs et égaux qu'ils le désirent, sans toutefois que le nombre des termes
d'échéances puisse dépasser dix, on signale une augmentation considérable du nombre des demandes d'achat. Ainsi qu'en 19°3, cent quatre-vingt-seize colons français ont acquis à l'État 14 717 hectares, tandis que le chiffre des acquisitions, en 1902, n'avait été que de 6558 hectares, pour quatre-vingt-dix colons. Il en résulte la nécessité de reconstituer, à brève échéance, le stock des terres de colonisation disponibles et le Gouvernement du protectorat vient d'attribuer une nouvelle dotation d'un million à la Caisse de colonisation. De plus, la direction de l'Agriculture augmentera, en 1904, les crédits affectés à l'organisation des futurs groupements et aux travaux d'utilité publique qui y sont indispensables, chaque fois que l'étendue de la propriété allotie et sa situation font prévoir un nombre important d'habitants.
Situation politique et économique actuelle de la Corée. DEPUISla signature du malencontreux traité de San Stefano, qui avait si profondément lésé ses intérêts, la Russie renonça, sinon définitivement, du moins tempofairem~nt, à
mise, les deux rivaux ne songent plus qu'à se rendre maîtres de la Corée et de la mer qui la baigne. S'il ne s'agissait que de la Mandchourie, les choses s'arrangeraientaisément, grâce aux dispositions conciliantes des Japonais en ce qui concerne cette contrée, qui ne les intéresse, en somme, que depuis qu'elle est tombée entre les mains des Russes. Malheureusement, la Mandchourie seule ne suffit point aux convoitises de la Russie elle rêve la conquête de la Corée, poussée par le désir de prolonger ses immenses possessions asiatiques jusqu'à la pointe extrême de cette péninsule et d'empêcher de la sorte l'invasion du con-
tinentasiatique par les habitants trop entreprenants du
toute suprématie dans les principautés balkaniques;
Nippon. Au nombre
elle concentra
de quarante-six millions, les Japonais commencent à être à l'étroitt
tous les efforts de son activité en Ex-
trême-Orient, où
sesconvoitisespeuvent se donner une libre carrière, puis-
sur le territoire trop restreint des îles volcaniques qui constituent l'empire du Soleil levant. Avides d'en
qu'elles ne s'y
heurtent qu'à des
rivalités de races jaunes, infiniment moins redoutables. S'étant habilement constituée,
sortir, en allant peupler d'autres terres, ils ont jeté
de longue date déjà, leur dévolu sur la presqu'île de Corée, dont ils ne sont séparés que par le détroit du même nom.
en maintes occasions, protectrice dévouée de la dy-
nastie mandchoue,
actuellement régnante en Chine,
la Russie sait fort bien qu'elle
Convoitée
peut
par la Russie et par le japon, la Corée est fatalement devenue la véritable pomme de discorde
sur les sympathies reconnaissantes du Gouvernementchinois. Celui-ci dans son propre intérêt, se gardera bien d'ailcompter
leurs, de s'opposer à l'expansion russe, préférant sagement perdre quelCARTE DE LA CORÉE D'APRÈS ques provinces pour préserver l'empire du Ciel d'un morcellement complet. N'ayant donc rien à redouter de la Chine, les Russes se trouvent en présence d'un seul rival le Japon. Or, pour que la prépondérance russe puisse s'établir en Extrême-Orient, il est de toute nécessité que l'influence japonaise y subisse un échec complet et définitif. L'anéantissement de sa puissance militaire, c'est-à-dire une défaite radicale de son armée et de sa flotte, peut seul le contraindre à renoncer à toutes ses ambitions. Dès lors, la guerre apparaît comme la -seule solution possible du problème complexe de la rivalité russo-japonaise en Extrême-Orient. La nécessité d'en venir aux mains une fois ad-
qui a provoqué un inévitable et grave conflit entre ces deux nations rivales, dont chacune
LES DERNIERS DOCUMENTS.
cherchait depuis longtemps à faire
prévaloir diplomatiquementson influence. En sa qualité de protectrice de la dynastie actuellement régnante en Corée, la Russie a naturellement toutes les sympathies du Gouvernement coréen, qui lui assurent maints privilèges dans le pays, en lui permettant d'y tenir en échec la politique japonaise. En revanche, les Japonais sont maîtres de la péninsule, au point de vue économique presque tout son commerce et toutes ses voies maritimes sont entre leurs mains. On compte, aujourd'hui, près de 500ooJaponais dans la Corée, qui est redevable à ces travailleurs remarquables de sa prospérité croissante. La population coréenne préfère cependant nettement les Russes aux Japonais.
Considérant la lutte avec le colosse du Nord comme inévitable, le parti militariste, ainsi que l'élite les professeurs et intellectuelle du peuple japonais, les étudiants des universités nipponnes en tète,ont exercé une pression tenace sur le Gouvernement du mikado pour le décider à déclarer immédiatement la guerre à la Russie, afin de ne pas laisser à celle-ci le temps de parfaire son organisation militaire et de devenir absolument invulnérable, Le Gouvernementjaponais s'est montré beaucoup moins belliqueux, et cela se conçoit aisément connais-
sant mieux que personne la vraie situation du pays; il a été intimidé à juste titre par la fermeté significative de l'attitude de la Russie et n'osait point assumer la grave responsabilité d'un désastre national. Bien qu'inspirée par une prudence patriotique fort louable, cette politique hésitante du ministère ja-
ponais a reçu un blâme sévère de la Chambre des représentants, qui estimait que les circonstances actuelles exigent plus de fermeté et de décision dans l'orientation de la politique extérieure. Ce blâme, immédiatement suivi de la dissolution de la Diète japonaise, constituait un symptôme significatif des profonds dissentiments qui existent entre le Gouvernement du mikado et les représentants de son peuple. Toute la presse japonaise a prêché la guerre immédiate, et comme dans aucun pays du monde les journaux ne coûtent aussi bon marché! et ne sont autant lus qu'au Japon, l'influence de la presse y est très grande; il n'y a donc rien de surprenant qu'excité le peuple par les feuilles quotidiennes très répandues, japonais ait poussé énergiquement à la guerre avec la Russie. Dans le but de créer un mouvement hostile à la Russie avant la rupture des négociations, des meetings monstres s'étaient formés un peu partout. A un de ces meetings, organisé par la Société de (( Toïro-Doshikai », l'ordre du jour suivant avait été adopté Entretenir par tous les moyens, dans l'esprit du peuple japonais, des sentiments belliqueux contre la Russie qui, après s'être emparée de la Mandchourie, convoite déjà la Corée et finira infailliblement par attenter à l'indépendance du japon en mettant la main sur son
territoire. Étant donnée l'intensité des sentimentsbelliqueux qui agitent actuellement tout le peuple japonais, il était fort douteux que les négociations russo-japonaises en cours pussent aboutir à une solution favorable, d'au-
tant plus
que, désireuse de régler une bonne fois la
grave question de prépondérance en Extrême-Orient, la Russie se montrait peu conciliante et semblait plutôt défier le Japon.
Pour mettre le bon droit de son côté, elle s'est bien gardée d'attaquer son adversaire présomptueux et impatient, préférant l'exaspérer par une attitude froide et dédaigneuse. beaucoup plus efficace que toutes les manifestations tapageuses, pour le forcer de tirer, le premier, l'épée du fourreau. Les négociations diplomatiques n'avaient donc aucune chance d'aboutir à un règlement satisfaisant des deux questions connexes de la Mandchourie et de 1.
Depuis 50 centimes par mois.
la Corée; la nécessité impérieuse d'en venir aux mains s'imposait aux deux Gouvernements, la question de
prépondérancene pouvant être résolue que par l'anéantissement d'un des rivaux en présence. La lutte suprême ne pouvait être évitée. Les japonais n'ignorent point que, dans peu de temps d'ici, la Russie deviendra si forte en ExtrêmeOrient qu'ils ne pourront même plus songer à se mesurer avec elle c'est pourquoi ils voulaient entamer la lutte immédiatement. Mais supportant mal le froid, dont leurs soldats ont beaucoup souffert, en 1895, lors de la guerre sino-japonaise, ils ont peut-être hésité un moment à entrer en campagne en plein hiver. Le secret espoir de voir la Russie s'embarrasser en Macédoine, où des complications sont toujours à craindre, conseillait sans doute aussi aux japonais de conserver une attitude expectative, au moins jusqu'au printemps. Soucieuse de ne pas laisser diminuer son prestige dansles Balkans, en abandonnant à sa rivale, l'Autriche, le soin de résoudre seule l'épineuse question de la Macédoine, la Russie a hésité aussi à précipiter les événementsen Extrême-Orient avant d'avoir les mains libres et a cherché à gagner du temps, malgré l'avantage qu'il y aurait eu à commencer les hostilités en plein hiver. Grâce à la grande supériorité de ses forces terrestres, et n'ayant rien à redouter pour les côtes dé-
sertes de ses possessions asiatiques, la Russie est certaine d'écraser le japon, et ce n'est pas la crainte d'un échec qui lui a donné à réfléchir, mais celle de se heurter à fintervention d'autres compétiteurs qui pourraient l'empêcher, au moment psychologique, de profi-
ter de sa victoire. Aujourd'hui les dés sont jetés, la guerre sévit sur terre et sur mer. Quelle en sera l'issue? Les japonais finiront probablement par être accablés sous le nombre; mais ils montrent tant d'audace et d'habileté, que la partie est des plus sérieuses pour la Russie elle-même.
B. DE ZENZINOFF.
La Situation économique du
Japon.
est la situation du Japon, au point de vue économique? Les finances sont-elles en état de lui permettre de soutenir une guerre? Telles sont les questions que l'on se pose actuellement et auxquelles répond un rapport de M. Dejean, le secrétaire de la légation de France à Tokio. Bien que ce rapport ait trait à des faits et à des chiffres relatifs à 1902, il contient cependant un ensemble de considérations d'ordre général suffisamment instructif pour justifier une analyse, surtout dans l'état actuel des événements en Extrême-Orient. En 1902, le total des exportations et des importations s'est élevé à 530°34325 yens (le yen vaut de 2 fr. 5o à 2 fr..6o~. La balance en faveur des importations est de 13 428 153 yens.
(~
vEmE
La valeurdu commerce s'est accrue, en 1902, de 21868 135 yens par rapport à 1901. Si les exportations n'ont progressé, dans la même période, que de 6 mil-
lions, il faut reconnaître qu'elles avaient augmenté de 48 millions de 1900 à 1901. La caractéristique de l'année 1902 a été ainsi la stagnation des affaires, l'afflux des 1° à l'intérieur capitaux dans les banques, la baisse du taux de l'intérêt et une mauvaise récolte; 2° à l'extérieur un commerce assez favorable au pays, un relèvement du crédit à l'étranger, enfin un événement fâcheux la baisse de l'argent. L'étalon d'or, établi au japon, en octobre 1897, continue de donnerdes résultats appréciables au grand avantage des commerçants, tant pour les transactions intérieures que pour celles faites à l'étranger. Un grand obstacle s'oppose à l'importation des capitaux du dehors, c'est le fait qu'un étranger ne peut pas être propriétaire au japon. Tout au plus peut-il constituer une Société avec des associés japonais, et dans des conditions vraiment difficiles et aléatoires. Toutes les tentatives faites depuis quelque temps pour corriger cet état de choses ont reçu un mauvais accueil de la part de la presse japonaise et des poudans l'organisation si rapide du voirs publics. Il y Japon, un vice à corriger. La métallurgie japonaise se développe, et il est à prévoir que, d'ici à quelques années, cette industrie arrivera à lutter efficacement contre l'importation étrangère. Mais le japon a voulu, lui aussi, tenter l'épreuve de l'J::tatconstructeuret exploitant, faire des fonderies nationales. Une commission officielle fut d'avis toutefois que l'État devait renoncer pour luimême à cette entreprise et la passer à une compagnie privée. Malgré ce sage avis, l'Etat persévère dans son erreur économique. Aussi les rails qu'il a fabriqués à sa fonderie de Wakamatsu auraient été, dit-on, refusés l'État par l'administration des chemins de fer de même. Du 1er avril 1901 au 31 mars 1902, les parcours exploités par les chemins de fer ont porté sur L'État, 4 1 15 milles 14 (4254 milles au ter mai 1903). dans cette même période, a exploité 1 148 mille 46, tandis que les compagnies privées ont exploité 2 966 milles 48. L'État a dépensé. pour le coût de ses lignes, 98362 yens par mille, tandis que les compagnies n'ont dépensé que 66 9 c yens par mille. L'État japonais, comme dans tous les pays, construit et exploite à des conditions beaucoup plus chères que les compagnies, malgré les lourdes charges qu'assument celles-ci au japon, du chef de l'intérêt des capitaux empruntés dans le pays (6 et 7 pour ioo pour les grandes compagnies, 10 et 12 pour ioo pour les petités). L'importance de la marine marchande au japon, est considérable. Le trafic international et le cabotage emploient une flotte de 55o navires jaugeant environ 580000 tonnes, plus 1 200 voiliers jaugeant 170000 tonnes, en tout 750000 tonnes. Le Japon a appliqué à sa marine marchande le régime des primes, ce qui lui a permis, après vingt ans d'existence, de la compter parmi les marines des plus grands pays. Ce qui n'empêche que la presse japonaise a commencé à critiquer fort ce régime coûteux, pour le luxe d'avoir
là,
des paquebots battant pavillon national sur toutes les mers. Cependant, la concurrence devient de plus en plus active dans le Pacifique, de la part de l'Angleterre et des État-Unis, notamment. Ceux-ci même menacent les marines étrangères de l'exclusivité des transports maritimes par leurs bateaux entre la métropole et les colonies. Aussi, la presse japonaise menace-t-elle de représailles le Gouvernementaméricain. Quoi qu'il en soit, du côté de la Chine, le champ d'activité reste très vaste pour le Japon, et depuis l'ouverture du Transsibérien, de nouvelles lignes de navigation ont été établies qui le réunissent à Dalny et Vladivostok.
Charles Bénard, enseigne de vaisseau de réserve, président de la Société d'océanographie du golfe de Gascogne. La Conquête du Pôle. Histoire des Missions arctiques depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. 1 magnifique vol. grand in-8o jésus, illustré de 19c gravures. Broché, 2o francs; relié, 3o francs. Librairie Hachette.
M
Charles Bénard a été bien inspiré en entreprenant de raconter, dans le beau volume qu'il offre au public, la Conquête du Pôle. Il n'est pas assurément, dans l'histoire générale des grandes explorations, de chapitre plus captivant nul ne l'avait encore écrit en détail. M. Bénard, qui s'est adonné, depuis plusieurs années, à l'étude de toutes les tentatives faites au cours des siècles pour résoudre un problème si passionnant, était mieux qualifié que quiconque pour exposer cet historique, car depuis qu'il a quitté la carrière active de marin il s'est voué aux travaux d'océanographie. Rien n'échappe à M. Ch. Bénard de l'histoire des missions arctiques, depuis l'antiquité jusqu'aux expéditions des Nordenskjôld et des Nansen, à la tragique et téméraire entreprise d'un Andrée. \1 faut suivre avec lui les voyages des des « premiers explorateurs arcti« grands précurseurs les espérances ou les angoisses des ques », avec lui partager grands voyageurs de la fin XVIII" et de tout le x~xe siècle, Pour être précis et exactement informé, ce beau livre ne perd rien de son dramatique intérêt, que rehausse encore une très abondante illustration. Sa place est marquée dans la bibliothèque de tous ceux qui s'intéressent aux choses de la géographie et de l'explo-
et
ration.
Comte Rodolphe Festetics de Tolna. nibales. Huit
Cbe~ les Canans da croisière dans l'océan Pacrfique, à bord
duyacbt « le Tolna ». Ouvrage orné de 200 gravures et de cartes, d'après les photographies et les documents de l'auteur. 1 vol. richement illustré, grand in-8o (28,5 X 19), IV-407 pages. Prix
20 francs. Paris, Plon-Nourrit et Cie,
éditeurs.
EMBARQUé sur le Tolna, un petit yacht de
76 tonneaux, avec
seulement cinq ou six hommes, l'auteur a navigué pendant huit années dans les mers de l'océan Pacifique, qu'il a
parcourues en tous sens. \1 a évolué parmi les récifs de coraux qui rendent ces mers si périlleuses; il a échappé à la dent des anthropophages.C'est un voyage à la fois émouvant, pittoresque et instructif, qui nous apporte spécialement de nouveaux détails sur Honolulu, les îles Hawaï, le séjour enchanteur de Taïti, Samoa, Fidji, Tanna, l'ile Cannibale, les îles de l'Epi, de la Pentecôte, de La Pérouse et l'île de Choiseul. De nombreuses photogravures font passer sous nos yeux les paysages, les scènes de moeurs et surtout les types de Canaques, que l'auteur a spécialement étudiés, C'est mieux qu'un récit de voyage c'est une étude de mœurs.
Comment se garer des Moustiques et de la Malaria, EST en
1880, que notre éminent compatriote, le Dr Laveran, découvrit le microbe de la malaria en Algérie, dans le
sang des paludéens.
Rappelons que son ingénieuse et
savante théorie démontre que l'agent malarique ne serait pas autre chose qu'un virus produit et inoculé par un insecte paludéen appartenant à la famille des
moustiques.
LES MOUSTIQUES ET LES EAUX STAGNANTES
suite, admis maintenant que l'on doit partout, notamment dans le Il est, par
pays tropical, faire une chasse active aux moustiques; mais si cet animal aime la chaleur, ce dont il a besoin avant tout c'est du voisinage de l'eau; et des eaux stagnantes en particulier, lacs, étangs, marécages. La partie la plus importante de la vie de cet animal se passe dans l'eau. C'est là que s'écoule sa jeunesse, sa période larvaire. Le moment arrivé, la femelle gagne l'eau proche, pour y pondre ses oeufs. Elle se pose sur un brin d'herbe, une paille, et expulse ses oeufs qui, fixés les uns aux autres, forment une façon de radeau qui flotte à la surface. Il comprend à peu près de trois cents à quatre cents oeufs, qui forment autant de petites larves qui en crèvent les parois et nagent dans l'eau ils se tiennent suspendus, à la surface, la tête en bas, laissant émerger une petite houppe attachée aux côtés de la queue. Cette houppe consiste en conduits trachéens et creux, par où s'aspire l'air et se fait la respira-
tion.
LES POISSONS ROUGES ENNEMIS DES MOUSTIQUES
M. Underwood vient de découvrir poissons rouges sont aux mousles que tiques, ce fléau de l'été, ce que le chat est à la souris, le furet au lapin, la mangouste au rat. Maintenant que l'on est sûr que le siège d'élection des moustiques, leur foyer favori d'éclosion et d'essaimage, est l'eau stagnante, telle que mares, étangs, pièces d'eau, bassins de places publiques, il suffit de peupler toutes ces eaux de cyprins ou poissons rouges, ainsi appelés, parce qu'ils sont souvent bruns, jaunes ou argentés, mais reconnus maintenant comme précieux auxiliaires dans l'hygiène publique et privée.
Ceux-ci nourrissent, en
effet, à
l'endroit des larves de moustiques une passion telle, qu'ils les préfèrent à toute autre espèce d'insectes, et quand il y a des poissons rouges dans un bassin, vous pourrez être sûr que les moustiques ne tarderont pas à disparaître, sans merci,
d'eau, qu'il avait fait creuser dans son jardin pour y cultiver des plantes aquatiques, était une grande cuve pleine d'eau de pluie, où grouIllaient les larves de « Culicides », « d'Anophèles », de « Culex pepens ». Entre la cuve et la pièce d'eau coulait un ruisselet, où les larves, horrible engeance, étaient également abondantes. Une fois la pièce d'eau peuplée de poissons rouges, les larves disparurent comme par enchantement. Il en fut de même du ruisseau, quand l'expérimentateur y eut transporté quelques cyprins, devant lesquels la mauvaise graine semblait fondre littér<.lement comme beurre au soleil. Restait la cuve M. Underwood y mit un seul poisson rouge, et dès le lendemain, l'exterminateur, qui avalait couramment et sans relâche ses vingt larves à la minute, avait achevé sa tâche. Nous nous souvenons avoir habité à Monte Carlo une villa, où un joli petit bassin était peuplé de poissons rouges, et pas un moustique ne venait nous importuner, tandis que les voisins en étaient infestés. Nous ne pensions pas à cette époque devoir ce bienfait à nos hôtes muets, auxquels nous jettions de temps en temps du pain enchanté qu'ils dédaignaient, nous ne savions pourquoi. La cause est entendue maintenant lieu de combler nos bassins et nos au pièces d'eau, comme le conseillaient certains pessimistes, au risque de dépouiller nos promenades et nos jardins de leur fraîcheur apaisante, mettons-y des légions de ces poissons rouges, dont le frétillementpolychrome est si charmant à regarder.
Dans toute maison où se présente
un cas de fièvre jaune, et dans les maisons contiguës, on détruit tous les moustiques autant que possible au moyen de fumigations insecticides. Ensuite, dans toute la ville et dans les faubourgs, on supprime les flaques d'eau stagnantes. Les étangs, bassins, mares qui ne peuvent être comblés sont traités au pétrole. On verse sur l'eau du pétrole qui surnage. Les larves ne peuvent pas en percer la
couche pour respirer à l'air libre; l'asphyxie est rapide. Il existe à La Havane une équipe de 100 hommes exclusivement occupée à cette destruction des
moustiques. Les résultats de cette guerre à outrance n'ont pas été nuls. En 1901, la fièvre jaune sévissait de façon continue pendant l'été; en janvier, il y avait eu
en février, on comla il n'y eut plus que 8 cas mença guerre, et 5 morts; en mars, 2 cas; en avril, cas; en mai 4 cas; en juin, zéro. En septembre, il y eut 2 morts, alors que la moyenne des années précédentes était de 70 pour le même mois. La fièvre jaune baissait, mais la fièvre paludéenne aussi. \1 y eut, en septembre, Il décès par la malaria au lieu de 3 2, chiffre moyen habituel. En somme, il n'y a eu du 1e~ avril au 1er octobre 190 ¡, que 5 morts de fièvre jaune au lieu de 296. Et les décès dimi23 cas et 7 décès
nueront encore aujourd'hui.
AUTRES MOYENS DE DÉFENSE
Paris, où ces moyens de défense ne plairaient certes pas à tout le monde, contentons-nousd'avoir sur notre table à écrire un modeste pot d'oeillets d'Inde ces charmantes bestioles n'en peuvent LES PAYS PRÉFÉRÉS DES MOUSTIQUES souffrir l'odeur. Le camphre aussi les fait fuir; on On est surpris de voir sous quels une fois les fenêtres fermées, faire climats le moustique trouve la tempéra- peut, brûler de la poudre de pyrèthre dans la ture dont il a besoin. pièce où l'on va se coucher; ces vapeurs Le Culex pepiens estabondant dans endorment les ennemis, mais malheureule Nord de la Russie, dans le Canada, en ils se réveillent parfois avant la Norvège. Ces contrées ont un été très court, sement fin de la nuit. mais qui est toujours très chaud. Il est plus énergique d'allumer dans Un des points du globe où il la chambre une lanterne dont les vitres réussit le mieux n'est autre que la région sont enduites de miel délayé dans de du Klondike et du Youkon. l'eau de rose, ou dans du vin. Les mousLes voyageurs retour de l'Alaska en tiques viennent se cogner aux vitres, parlent avec terreur, ces bestioles y étant attirés par la lumière et y restent englués. légion. Les Indiens mêmes n'y échappent Si malgré tous ces moyens de dépas, bien qu'ils se barbouillent le corps fense on a été piqué, on calmera la doud'huile rance, de mai en septembre. leur en mouillant avec de l'ammoniaque En Abyssinie et en Ethiopie, on l'endroit de la piqûre, encore avec de constate que les habitants des régions l'extrait de saturne, ou bien ou avec un peu humides ont l'habitude de se mettre à d'eau où l'on fait dissoudre de la aura l'abri des fièvres et des moustiques en poudre de knos, qui est un composé de soumettant leurs vêtements les plus in- chaux et de sel marin que l'on trouve times, leurchemisenotamment, à des fu- dans toutes les pharmacies. migations de vapeur de soufre. La mousse de bière, appliquée avec doigt le et qu'on laisse sécher sur la peau, LA LUTTE CONTRE LES MOUSTIQUES est égalementd'un excellent effet. A CUBA A la peut appliquer A Cuba, la lutte contre les mous- des feuilles campagne, on de noyer fraîches, et les remtiques est poussée énergiquement. L'in- placer dès qu'elles sèchent. secte est, dans cette île, le propagateur le plus actif de la fièvre jaune. Voi--i comBOREL DE LA PREVOSTIÈRE.
jusqu'au dernier. M. Underwood a recueilli, à ce propos, toute une série d'observations expérimentales qui semblent tout à fait convaincantes. En voici un exemple A 15 mètres environ d'une pièce ment on procède
A
A
Travers la Corée.
Séoul.
La Corée, sur qui le monde entier jelte aujourd'hui les yeux, était naguère encore à peu près inconnue. Si ses pot ts, ouverts par les Ja~ottais à la civilisation, abritettt à l'heure actuelle des navires de toutes les nationalités, l'intértétsr du pays est resté Plus ferrtté que la Chine d'antan. Séoul, ois se signera peut~élre le traité qui fixera le sort de la provittce, pourrait compter les Européetts qui l'ont visitée. C'est une curieuse eaj~ttale, qu'il faut couttaître au moment où son nom s'itn~rt'rrse dans tous les ~burttaux. Q UAND on
vient d'échapper
aux
first class botels, aux
sites étiqnetés et exploités du Japon contemporain, tout enfiévré et grimaçant de son (( américanisation » trop hàtive, on éprouve une impression de calme inoubliable à débarquer en Corée. Le spectre du péril jaune s'efface à la vue de ces montagnes arides, deces blancs et amples costumes qui rappellent les côtes africaines de la Méditerranée. Et l'idée d'une sorte de Maroc d'ExtrêmeOrient est déjà
éveillée
sont mariés (et dans les familles riches ils le sont souvent dès l'àge de douze ans), ils portent un chignon qu'ils protègent par divers petits chapeaux de crin appropriés à toutes les circonstances de la vie. Ces chapeaux sont eux-mêmes abrités, en cas de pluie, par un cône de papier huilé. Enfin, les hommes en deuil se cachent derrière un éventail et les bords d'un gigantesque chapeau de paille, à petite coiffe, fixé sous le menton par des brides. Ainsi costumés, les Coréens
dans
notre esprit par le nom seul de ce
Royaume Er-
sont le plus souvent accroupis devant leurs portes
ses richesses latentes et sa mer-
d'interminables causeries, en fu-
surlesplusgrandes
d'une longueur in-
«
mite qui, malgré
et poursuivent
mant des pipes
veilleuse situation
vraisemblable. Ces habitudes d'indopu jusqu'à présent lence ne pouvaient profiter des rivalités des puissances être admises par le tempérament actif pour rester à l'écart des Japonais, et de l' i r rés i s t i be1 quand ceux-ci occourant de notre VL'E Dl' PORT DE l'CHEHJULPO, LE PORT DE SÉOUL. cupèrent Séoul en civilisation. 1895, ils placèrent Ce qui frappe Photographie de M. J. de Pange. surtout, au preaux portes de la ville des sentinelles munies de forts ciseaux avec conmier abord, c'est le vêtement de cotonnade blanche, signe d'arrêter les passants pour arracher les immenses à larges manches, que les Coréens gardent toute chapeaux de paille, couper les chignons, rogner les l'année. Les femmes du peuple aussi sont, en général, manches et raccourcir les tuyaux de pipe. S'inspirant vêtues tout en blanc, d'une jupe et d'une camisole de l'exemple de Pierre le Grand, ils se proposaient très courte qui ne couvre que la gorge; mais les d'observer si la suppression de ces accessoires n'influedames, en grand costume, placent sur leur tête et rait pas sur le moral des indigènes. Mais les Coréens leurs épaules un manteau vert clair, dont les manches prirent peu de goût à ces études de psychologie expéflottent autour d'elles. rimentale et y mirent un terme par la terrible réaction La coiffure est un nouveau sujet d'étonnement. antijaponaise de février 1896.. Les garçons ont les cheveux en natte; mais, dès qu'ils routes maritimes, a
A TRAVERS LE MONDE.
ge LIV.
No 9.
27 Février 1904.
On arrive à Séoul par le port de Tchemoulpo, situé à l'embouchure du Han. Le mouillage est mauvais et trés éloigné des quais qu'il faut gagner en barque. Quand, en 1883, il fut ouvert au commerce étranger, il n'y avait au fond de la baie que quelques huttes de pêcheurs. Comme toutes les villes de Corée, celle-ci, qui est maintenant peuplée de vingt mille ha-
bitants, a gardé l'apparence d'un immense village de maisons de torchis,
Chartres et une belle église de briques, située sur une colline d'où elle domine toute la ville. L'importance du port de Tchemoulpo provient surtout du transit qui s'y effectue à destination de Séoul. Il est maintenant relié à la capitale par un chemin de fer, construit par les Américains et racheté par les Japonais, qui, après avoir traversé un paysage de dunes et de rizières et franchi le Han sur un beau pont métallique, arrive à la
porte ouest de
soutenues par des piquets et couvertes
Séoul; car le rail européen s'arrête ici devant la ville, au lieu d'entrer en conquérant comme à Pékin, où il ouvre une brèche sacrilège dans la première ligne d'enceinte. Il faut donc
de chaume. Cet aspect rustique con-
traste étrangement avec celui que présentent les villes
chinoises, avec
leurs rues dallées et
leurs maisons de pierre couvertes de tuiles. Il y a à
Tchemoulpo trois
quartiersétrangers: un chinois, un ja-
ARRIVÉE A SÉOUL
ponais et un europeen. AU centre, est le quartier japonais, le plus important, car il compte cinq mille habitants. On y voit les bureaux de la Compagnie japonaise du chemin de fer de Séoul et des deux Compagnies de navigation, la "Nippon Yusen » et 1'«( Osaka Chosen », dont les caboteurs font le service des'côtes. A
l'ouest s'étend le quartier chinois, soumis à la juridiction de son consul.
comprend beaucoup de paysans du Chan-toung, qui viennent au printemps faire de la maraîcherie dans la banlieue de la ville et retournent chez eux en hiver. Malgré l'incertitude qui provient de cette Il
TRANsPORT DES BAGAGES.
raille crénelée. Celle-ci a 20 pieds de haut, et on la franchit en passant sous les voûtes de huit grandes portes qui, comme celles de Pékin, élèvent vers le ciel les angles cornus de leurs deux toitures superposées. Elles ont des noms poétiques ce sont les portes de l'Humanité-Élevée, de la Haute-Cérémonie, de la BrillanteAmabilité, etc. Elles sont fermées peu après le coucher du soleil, et, les clefs étant portées au palais, les retardataires n'ont
d'autre
ressource que d'escalader la muraille, heureusement très dégradée en
plu-
sieurs endroits.
Après avoir suivi un dédale de ruelles bordées de maisons de torchis basses et
population flottante, le nombre des résidants chi-
charger les bagages sur le dos des portefaix et gravir les pentes le long desquelles court la mu-
SÉOUL
PORTE DU PALAIS ACTUEL.
couvertes de chau-
me on arrive à l'HôPlrotogr-aphie de M. J. de Pange. tel français, situé à lué en moyenne à la porte du palais cinq cents. A l'est, se trouve la concession européenne, impérial. On peut, de là, assister tous les matins à l'arrivée des grands dignitaires, dont les chaises à avec son administration des Douanes et ses consulats. On y remarque, outre une manufacture de cigaporteurs laquées et dorées s'arrêtent devant le grand les rettes, bureaux de la « Hong-kong and Changhâi portique rouge encadré de factionnaires en uniforme Bank des mines d'or américaines, allemandes et européen. Tous les inconvénients d'un voisinage aussi anglaises. Il y a trois missions la méthodiste, l'anflatteur se révèlent, dès l'aube, par les assourdissantes glicane, qui a une chapelle et un hôpital, et la cathofanfares et l'interminable défilé de la moitié de la nois peut être éva-
et
lique, qui a une maison de sœurs de Saint-Paul de
garnison qui vient relever la garde du palais. Aussi
l'hôlelier anglais, exilé dans un quartier excentrique, fait-il valoir l'avantage d'ètre/ar au~ay frona the milita~y
displny.
L'usurpateur Li Tadjo, fondateur de la dynastie actuelle, qui vivait à la fin du XIVe siecle, s'était entièrement dévoué à la défense et à la propagation de la foi bouddhiste, que menaçait une renaissance du confucianisme. 11 construisit, dans les montagnes, des monastéres pouvant servir de forteresses, et défendus par des prêtres soldats. C'est seulement par un état d'esprit mystique, comme celui qui devait plus tard créer l'Escurial, qu'on peut expliquer le choix de l'emplacement de sa nouvelle capitale. Loin des fleuves, au fond d'un cirque de montagnes granitiques, il édifia son palais, puis éleva une enceinte gigantesque que la ville, malgré ses deux cent mille habitants, n'est jamais arrivée à remplir. Tout le nord de Séoul est réservé aux palais. Une avenue de près de ¡ 00 métres de large aboutit, entre deux gigantesqueslions de marbre, à la porte du VieuxPalais de Li Tadjo, que domine l'imposante masse du Pouk-han, dont le monastère a souvent servi de refuge aux anciens rois. Cette porte, qui avec son double toit aux angles retroussés se détache merveilleusement sur le flanc de la montagne, est une sorte d'arc de triomphe à trois arches. L'arche du milieu était toujours close, sauf pour laisser passage au souve-
rain ou aux ministres plénipotcntiaires, mais les deux autres étaient toujours ouvertes quand le Vieux-Palais était habité. Celui-ci a été définitivement abandonné, en juillet 1894, à cause du mauvais présage qu'avait donné la chute d'un serpent dans la chambre du prince héritier. Aussi maintenant, à l'intérieur, tout est en ruines et les cours envahies par la végétation se transforment en une véritable brousse. A l'est, s'étend le Palais-Neuf. Après avoir traversé deux immenses cours pavées, on arrive à la grande salle d'audience, construite en bois richement sculpté et peinte en rouge et bleu. Les toits sont supportés par d'énormes colonnes de bois que relient des vantaux mobiles. Au fond de la salle, six marches donnent accès au trône qui se détache sur un dais représentant un paysage fantastique. Le souverain y prenait place, les jours de grandes solennités, pour recevoir les rapports de toutes les administrations du royaume. Tous les vantaux étaient alors enlevés, et
l'on s'imagine le merveilleux décor oriental qui devait apparaître à ses yeux lorsque, de son trône entouré des principaux dignitaires en grand apparat, son regard
s'é-endait sur les cours où tous les fonctionnaires s'étae:;nt alignés dans l'ordre hiérarchique. Plus loin, se trouve la salle du Conseil, puis un bassin rempli de fleurs de lotus. Au milieu est une terrasse sur laquelle de gigantesques monolithes de granit rose supportent un beau pavillon d'été. Ce monument, d'un très grand effet, est l'œuvre du Taï Ouen Koun, père du souverain actuel, qui, pour la construire, ruina les financescoréennes. Au delà, on voit les maisonnettes et les bosquets du sérail. C'est là que se déroula le terrible drame de la nuit du 8 octobre 1896, dans laquelle, par suite de trahisons, les ,( soshi » et les soldats japonais purent forcer l'entrée du palais et assassiner la reine. Pour être sûrs de ne pas s'être
trompés de victime, ils massacrèrent les autres femmes après une poursuite dans les jardins. Puis ils fégardèrent le roi prisonnier. C'est seulement le vrier 1896, que celui-ci put s'évadef et se réfugier à la Légation de Russie. Depuis cette date, il a fait construire le mesquin petit palais qu'il habite en ce moment, sous la protection immédiate
i
r.
des Légations. La visite des monumentspublics de Séoul comprend nécessairement celle des prisons, que nous faisons avec M. autrefois premier président de la cour d'appel de Saïgon, mainte-
C.
nant doyen
de la
colonie française de Corée, où il est adjoint au ministre de la Justice. Quelques prisonniers ont la cangue, mais la plupart n'ont que les pieds enchaînés et
travaillent sous la surveillance de leurs gardiens, vêtus d'un uniforme européen. L'ensemble est assez bien tenu et paraît supérieur aux prisons de Changhaï, par exemple. Un des condamnés du fameux Club des Indépendants, qui joua un grand rôle à la suite de la guerre sino-japonaise, est un jeune homme à la figure très sympathique. Il vient intercéder en anglais, auprès de mon cicerone, pour obtenir sa grâce; mais ce n'est malheureusement pas de notre compatriote que dépend cette faveur. Un voyaâe dans l'intérieur de la Corée comporte toutes sortes de préparatifs qui permettent d'apprécier les pittoresques détails des rues de Séoul. On y
voit des machines à décortiquer le riz, maniées par trois hommes, ou des poneys que l'on ferre en les attachant par les quatre pieds et en les renversant sur le dos. Des peaux fraichernent écorchées sont étendues au milieu de la chaussée pour être tannées par le piétinement des passants. A côté de boutiques où l'on vend des nattes d'écorce, des chaudronniers cassent au marteau des blocs de cuivre rouge indigène et le mélangent avec
du plomb. Plus loin, des hommes écrasent du blé et du son dont la fermentation produira de l'eau-de-ve de grain. D'autres compriment une pâte de riz sur U1 tamis à travers lequel elle tombe, en vermicelle, dars un vase d'eau bouillante qui la cuit. Une bande de toile blanche, tendue en travers de la rue, annonce qu'il y a un mort dans cette maison, et par la po,-te ouverte on le voit couché, voilé de blanc, au milieu de ses parents accroupis qui le veillent. Avant notre départ, nous obtenons, avec un ingénieur en chef du chemin de fer français de Séoul à Oui-jéou, une audience de S. E. Yi, Yong Ik, le favori le plus puissant qu'ait jamais protégé un monarque asiatique. Il habite, derrière le Palais, une modeste maison à l'entrée de laquelle se tient un poste de soldats coréens. Après avoir traversé la cour int rieure, nous sommes reçus par Son Excellence, et nous nous accroupissons avec elle sur les nattes d'une petite salle fermée par des châssis de papier. Yi Yong lk est un homme d'une taille et d'une corpulence remarquables, m:me pour les Coréens qui sont, en général, grands et forts. Il porte le costume national la longue soutane blanche, serrée sous les aisselles par une cordelière noire, et le petit chapeau de crin. La figure a une expression d'énergie presque féroce, et l'épaisse barbe noire dissimule mal la proéminence de la mâchoire. Appuyé sur des coussins et les yeux à demi clos, il donne à voix basse ses réponses, à l'interprète. Il offre de faciliter notre voyage dans l'intérieur en nous envoyant le kuasa cJ~ou~ (passeport) des personnagesofficiels. Mais à une question de mon compatriote sur la date possible à laquelle le Gouvernement commencerait les travaux du chemin de fer, Son ExceIlence répond par un vague sourire. Au cours de l'audience, arrivent des papiers à signer et sceller, et Yi Yong Ik fait apporter aussitôt le sceau de l'État. Il a, en effet, la haute main sur le trésor privé de l'empereur comme sur les finances publiques. Il est, en outre, président du Conseil des généraux et chef de la police, de sorte que, même quand il n'en est pas titulaire, il dirige effectivement les ministères des Finances, de la Guerre et de l'Intérieur. La Russie le soutient, et c'est grâce à son influence remarquable sur l'esprit de l'empereur qu'elle a pu empêcher l'ouverture de la ligne de OuiJéou et l'aboutissement d'autres réformes
très graves.
Un jour même, où il se trouvait en disgràce pOUf avoir involontairementoffensé une des femmes de Sa Majesté, 1~1. Pawlow vint en personne le chercher au l'alais et assura son transport jusqu'à Tchemoulpo, d'où
un navire Lie guerre le conduisit à Port-Arthur. Par contre, le peuple coréen etles fonctionnaires at~ribuent aux exactions de Yi Yong Ik les troubles continuels et la détresse qui règnent dans tout le pays. De nombreuses pétitions, émanant même quelquefois du Conseil des ministres, ont déjà souvent été adressées à l'empereur pour demander son exécution ou son bannissement. Une puissante société secrète compte trois mille membres qui ont prêté sermentd'assassinerYi YDng lk. Mais celui-ci s'appuie sur la redoutable corporation du Ros~irig, composée des colporteurs (( pou-syang-hoï » qui, en retour de leurs privilèges commerciaux, peuvent être, en toute occasion, réquisitionnés par le Gouvernem-nt pour constituer une sorte de résene:
des gardes du corps. Et Yi Yong Ik, par l'intermédiaire d'une maison française, s'est procuré 3 000 fusils pour les leur distribuer au moment opportun. La Corée est, par excellence, le pays des monopoles. Le commerce de chaque article est monopolisé par une corporation de marchands, De celle-ci dépend alo-s la vente, soit du papier, soit du coton, de la soie, etc. Elle réunit donc dans ses entrepdts de grandes quantités de ce produit qu'elle marque de son sceau et ne livre aux marchandsen détail que contre le paiement d'un droit de timbre. Cette classe des marchands et manufacturiers est celle des <, Hanin » (non-nobles) qui défend les privilèges de la classe moyenne (HyangChok) et surtout de la noblesse(Yang Ban). Celle-ci, qui vit du produit de ses terres et de ses monopoles, ne peut, sans déroger, se consacrer à un autre travail qu'à cdui des bureaux. Aussi toute la force vive du pays se perd-elle dans les Yamens, d'où sortent les gros frelons bourdonnants que nous voyons, chaque matin, coiffés de leur haut bonnet et vêtus de leurs robes de soie à fleurs, franchir les portes du palais, à l'heure des audiences impé-
riales. Nlais quelles réformes pourraient donc remédier à cette incurable torpeur? L'esprit affaibli du vieil Empire, réfugié au centre de ses immuables traditions, est bien à l'imane de sa capitale, repliée sur elle-même, au fond d'un cirque de montagnes, qui semblent l'entourer d'une digue infranchissable aux idées du dehors. JEAN DE PANGE.
Diffusion des Allemands dans l'Afrique du Sud. L
victoire des Anglais dans l'Afrique du Sud n'y a pas entravé le développement de l'influence allemande, et l'élément germain continue à s'étendre pour A
former un nombre déjà respectable de colonies spontanéis. On trouve des Allemands dans toutes les principales villes de la Cape Colony. Dans la Cafrerie, près d'East London, s'élèvent les villages allemands de Stutterheim, Berlin, Cliarlottenburg, Potsdam, Hannover, Braunschweig, Frankfurt, Wiesbaden. Dans le Natal, deux sociétés évangéliques, Bcrlirrcr et Hcrnrarrusharr~cr olissiorr, ont établi des paroisses allemandes dans 7 ou 8 colonies, dont les noms sont également caractéristiques Neu-Hermannsburg avec un séminaire de prétres enseignants, Marburg, Neu-Deutschland, Neu-Hannover, Müden, Neuenkirchen, Kirchdorf. Les mêmes missions agissent dans l'Orange et le Transvaal. Sur la frontière est de cet état, au nord du chemin de fer de Delagoa, s'étend la possession d'une société de Chemnitz (Kolarrr'nl-Gescllschnftfür Sü~t A_jrika). Aussi les Allemands sont-ils assez nombreux à Lourenço-Marquès et le Gouvernement impérial surveille de très près la baie de Delagoa. On trouve même les Allemands dans le West-Griqua et le British Betchuanaland. Le commerce de Hambourg avec le Cap est considérable. Si les Allemands sont parmi les derniersvenus dans la colonisation, ils semblent 1: Lrapcr le tcmps perdu.
Succès de la Mission Lenfant. La vraie Route de la France au Tchad. Nous avons, l'année dernière tracé dans
ses grandes
lignes le plan de la mission confiée à notre distingué collaborateur, le capitaine Lenfant. L'habile explorateur du Ni-
dans ces parages, ne l'aient pas découverte plus tôt; mais nous, qui venions en sens inverse, nous ne pouvions pas la manquer. Vous connaissez les grands traits de notre cc route, Niger, Benoué, Kabi, Toubouri, communication entre le Toubouri et le Logone, Chari. En voici les détails tels que nous les avons reconnus « Le Kabi circule dans une plaine bordée de hauteurs uniformes d'une altitude moyenne de 110 à la rivière, i 15 mètres. Cet aspect, quand on rencontre dure jusqu'au village Lata, à 8o kilomètres de Léré; (les indications des cartes dans cette région sont sans
valeur). De Lata,
il faut faire une
vingtaine de kilomètrcs pour gagner le Toubouri.
ger, convaincu qu'il est possible
d'accéder
Ces 2o kilomètres ont été la partie pénible de notre voyage. Le Toubouri est à i io
au
Tchad en remontant à chaland le Nigeretla Benoué, pour passer par le Kabi dans le bassin du Logone, affluent du Chari, qui
mètres d'altitude
au-dessus du Kabi. La rivière, sortant du Toubouri, s'engage dans des gorges semées de rapides, puis, près de Lata, elle tom-
déverse
se
dans le grand lac africain, s'embarqua à Bordeaux, il y a quelque six mois, pourréaliser
be
brusquement
par trois cascades successives, formant un gigan-
ce programme si intéressant pour
tesque
escalier
notre influence dansl'Afriquecentrale.
dont le spectacle est terrifiant et
a
cascade supérieure a une dizaine
inoubliable.
Sa mission parfaitement
réussi, et nous sommes heureux
de mètres de hauteur, celle du milieu une douzaine de mètres, et la
de reproduire la
lettre dans
laquelle il annonce son succès. « C'en est fait. Nous venons de constater que le Tchad commu-
cascade inférieure 5o à 6o mètres. De Lata à Gourounsi, il ne peut donc pas être question de navigation. 11 y a une
nique bien avec
l'Océan et le Bevcoît-Garnier, notre bateau, flotte ac-
journée de por-
tuellement sur le
LA VRAIE ROUTE DU TCHAD, ITINÉRAIRE DE LA MISSION LENFANT.
Chari.
((
Certes, un navigateur du Logone peut passer
bien souvent devant la plaine marécageuse, suivie
d'une mare par laquelle nous avons débouché dans cette rivière. sans se douter que c'est là la vraie, la meilleure porte d'entrée pour s'en aller du Logone à la Benoué et à l'Atlantique et c'est ce qui explique sans doute que les officiers et les explorateurs, circulant 1.
<1
T.arers le
La
Mon
ae, 19°], p, 271.
tage. Nous avons dû démonter le
Benoit-Garnier
cataracte. En pour le transporter au-dessus de la cataracte. raison des dispositions hostiles des populations du Kabi, nous avons perdu là trente-quatre jours. Nous avions en tout dix hommes d'équipe, anciens cuisiniers ou employés du port de Dakar, d'aspect peu belliqueux, et seulement huit fusils, dont cinq de chasse. Notre troupe n'était donc pas bien imposante, mais nous avons fini par passer. partir de Gourounsi commence le Toubouri, «( A
et a recommencé notre navigation. Le Toubouri est un marais large et profond, dont les rives ont à peine kilomètres de long. Il 5 mètres de hauteur, et qui ioo
présente une série de mares et de plaines herbeuses qui constitueraient des rizières splendides entre les
mains des Peuhls. « La communication entre le Toubouri et le Logone est une dépression de terrain de 2 à 3 kilomètres de large et d'une vingtaine de kilomètres .de long, ressemblant à un parc étroit avec des pelouses, des arbres et des villages. Du côté gauche (en montant) existe une rivière, mal tracée à travers des herbes assez espacées, et reliant ces étangs et des trous d'eau. A notre passage, la: crue était à sa fin. A en juger par les pailles laissées dans les arbustes, elle adû être, cette année, de 1 In38. Elle est à son maximum, du 15 5 août au pendant six 1 er octobre ordinairement, c'est-à-dire semaines. Durant cette période, des vapeurs calant 3 pieds d'eau y circuleraient à l'aise, Et du 20 juillet au 25 octobre, la navigation y est possible pour des chalands calant 2 pieds. résumé, la route que nous avons explorée c< En se présente dans les conditions de viabilité suivantes De Bordeaux à Garoua, quarante-cinq jours en bateau àvapeur. De Garoua à Lata, six jours, avec des bateaux calant 3 pieds et longs de 30 mètres. De Lata à Gourot:nsi pour passerdu Kabi au Toubouri, un jour de portage. De Gourounsi au Tchad, neuf à dix jours de chaland. Ajoutez huit à dix jours pourles arrêts en route, et vous verrez que par cette route on peut aller de Bordeaux au Tchad en soixante-dix jours au lieu de cinq mois qu'on met par le Congo. Le prix de transport de la tonne ne paraît pas devoir revenir à plus de 500 francs avec 1 à 2 pour ioo de déchet, au lieu de 2 000 francs et de 50 à 6o pour 100 de déchet par la voie du Congo. « La mission a donc réussi dans son entreprise et fait des constatations qui peuvent être d'une grande portée pratique. Elle n'a plus que des travaux spéciaux et la traversée du Tchad à accomplir ».
Le nouveau Traité franco-siamois. Succès de la Diplo-
matie française.
LE 17 octobre 1902, un traité réglant de vieilles questions en litige, fut signé entre M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, et le mandataire du donnait à la France des avantages roi de Siam incontestables mais il offrait prise à certaines critiques dont les « coloniaux firent état pour empêcher l'acceptation définitive du traité par les Chambres. Les mécontents eurent raison, car ils viennent d'avoir gain de cause et d'obtenir du Siam, outre des conces-
Il
sions plus importantes, lafaculté de n'évacuerChanta-
i. Voir 4 travers le
accompagné d'une carte.
Monde 1902, page
34 un article
boun qu'après l'exécution des engagements du roi. Le projet de 1902 avait été conçu en vue d'une action pacifique, dans la vallée de la Ménam. Au milieu des discussions passionnées auquel il donna lieu, une idée se fit jour c'est que nous nous étions laissé fortement distancer par nos concurrents dans la vallée de la Ménam, que nos chances d'y reconquérir le terrain perdu y étaient faibles, et que, sans renoncer à y défendre notre situation, il était beaucoup plus utile de porter nos efforts dans la vallée du Mékong. La vallée de la Ménam forme la partie du Siam que nos conventions avec l'Angleterre ont neutralisée. Dans la vallée du Mékong, au contraire, notre action peut s'exercer librement; et, pour que l'IndoChine ait sur terre un point d'appui sérieux, c'est cette partie de l'arrière-pays qu'il nous importe le plus de faire entrer dans la sphère de notre influence. Dans la vallée de la Ménam, la France ne peut plus être qu'un concurrent économique et politique parmi beaucoup d'autres; mais, dans la vallée du Mékong, la sécurité de flndo-Chine nous interdit de souffrir aucun rival. Le nouveau traité paraît inspiré par cette conception nouvelle. Il ratifie d'abord les concessions insérées dans le projet de 1902 cession des provinces de Melouprey et de Bassac, obligation pour le gouvernement siamois de n'employer, dans la vallée du Mékong, que des officiers siamois, obligation de s'entendre avec le Gouvernement français pour toutes les voies ferrées et autres grands travaux publics qu'il serait incapable de construire avec un personnel et des capitaux purement siamois. A ces avantages, il en ajoute de fort impor-
tants.
Le traité de 1867 a reconnu au Siam les provinces de Siemreap, de Battambang et de Sisophon qu'il avait usurpées sur le Cambodge au commencement du XIX. siècle. Là sont quelques-unes des meilleures rizières de l'lndo-Chine. Le nouveau traité décide qu'à l'avenir le Gouvernement siamois ne pourra y entretenir que des milices cambodgiennes; ces milices devront être commandées par des officiers français. En outre, la constructiond'un chemin de fer reliant Bat-
tambang à Pnom-penh, capitale du Cambodge, est dès maintenant prévue. En dehors de l'annexion pure et simple, notre prépondérance sur ces provinces ne pourrait être plus étroitement établie. La délimitation de la frontière doit nous donner Kratt et la portion de la côte cambodgienne qu'avait occupée le Siam. Kratt est le chef-lieu d'un canton où il y a de belles cultures de riz et de poivre, et il doit son importance à sa situation au fond d'une baie qui offre comme base d'opération maritime de tout autres avantages que Chantaboun. En annexant Kratt, nous rendrons au Cambodge sa frontière naturelle sur la mer, et nous nous assurerons une position de valeur dans le golfe de Siam.
Dans le nord du Mékong, le Siam renonce à toute suzeraineté sur les possessions du roi de Louangprabang. Les districts de Kin-tao et de Kontsavadi, adjugés au Siam par le projet de 190'2, sont restitués à notre protégé; de sorteque, surprès de 500 kilomètres, les deux rives du fleuve seront désormais complètement françaises. Dans le Mékong moyen, nous obtenons les terrains nécessaires pour construire des tron-
çonsdechemindeferdestinésà mettreen communication les uns avec les autres les différents biefs navigables séparés par des rapides. Et il est entendu que le grand affluent du Mékong, le Nam Moun, qui dessert tout le Laos siamois, devra être débarrassé des rochers qui en interrompentla navigation près de son embouchure, afin que nous puissions accéder à Oubôn. En échange, nous abandonnons entre les royaumes de Bassac et de Louang-prabangla zone de 25 kilomètres devenue inutile par les acquisitions de terrain, les constructions de travaux publics et les moyens d'influence qui nous sont consentis; et nous renonçons à l'occupation de Chantaboun, après que nous aurons reçu toutes les
satisfactions. Quiconque pense que les moyens pacifiques doivent toujours être préférés aux moyens violents, reconnaîtra que l'ensemble des concessions siamoises fera faire à notre pénétration dans la vallée du Mékong un pas vraiment considérable, et que ce traité est pour la France une belle victoire diplomatique.
Les Étrangers en Chine. Les Ports ouverts ou Ports àtraité. des étrangers dans l'Empire du Milieu a Lfaitcondition l'objet de conventions formelles, la
pour première fois, lors du traité de Nankin, signé en 1842 avec l'Angleterre à la suite de la guerre dite de l'opium, suivi en 1844 de traités conférant les mêmes avantages à la France et aux États-Unis, puis plus tard à diverses autres nations. En 18 58, les traités de Tientsin, conclus avec la France et l'Angleterre, à la suite d'une courte guerre, mais dont la ratification ne fut obtenue qu'en i86o, après une campagne plus sérieuse et l'entrée des troupes à Pékin, vinrent améliorer la'situation faite aux Européens. Enfin, en 1895, le traité de Simonosaki, imposé par le Japon victorieux, donna de nouvelles facilités au commerce étranger. « C'est un fait caractéristique,dit M. Pierre Leroy-Beaulieu, dans la Rénovation de l'Asie, qu'aucune concession sérieuse n'ait pu être obtenue de la Chine qu'à la suite d'une guerre malheureuse; que le Gouvernement de Pékin n'aittoujours cédé qu'à la force, jamais à la persuasion. » Aux termes des arrangements ou traités internationaux, les étrangers qui veulent résider en Chine, à l'exception des missionnaires, sont confinés dans des ports ou villes, dits ports ouverts ou ports à traité. Ces ports n'étaient qu'au nombre de cinq, d'après le traité de Nankin en 1842; le traité de Tien-tsin en porta le nombre à dix-neuf; d'autres furent encore ouverts par le traité de Simonosaki en 1895 et la convention avec l'Angleterre en 1897. Un traité plus récent avec cette puissance en a ouvert trois autres. Sur le golfe du Tonkin, à Haïnan, et le long de la frontière d'Indo-Chine, huit villes ou ports ont été ouverts. En 1902, le 5 septembre, un traité anglo-chinois ouvrait cinq nouvelles villes Changsha-fou dans le Ho-nan; Ouan-hien, dans le Se-tchouen; Ngan-king dans le Ngan-hoeï; Ouai-tcheou et Kongmoun dans le
Kouang-toung. Enfin, tout récemment, la Chine a consenti à ouvrir Moukden, Ta-taung-kiou et Antoung dans la province de Mandchourie'. Cela fait présentement quarante-deux villes ou ports ouverts. Dans chacun de ces ports, un certain espace de terrain a été loué à bail ou mieux vendu à diverses puissances. Ces terrains ont pris le nom de cc concessions ». Bien que faisant théoriquement partie du territoire chinois, ces concessions sont soustraites à toute ingérence des autorités chinoises et forment des sortes de petites républiques pour les Européens, qui y vivent sous l'aotorité de leurs consuls. C'est là, sous la sauvegarde des lois européennes, que se concentre tout le commerce extérieur de la Chine. Avant la -guerre sino-japonaise, les étrangers n'avaient d'autre droit que de s'établir dans ces ports ouverts pour y faire le commerce et de voyager dans l'intérieur en se munissant d'un passeport. Isolés autant que possible des populations, ils pouvaient bien échanger leurs marchandises contre les articles indigènes, mais n'avaient le droit de rien faire qui modifiât les conditions de la production dans le pays même, de rien entreprendreen vue de mieux utiliser ses vastes ressources. Le traité de Simonosaki vient apporter, dit encore M. Pierre Leroy-Beaulieu, « d'importantes modifications à ce régime et ouvrir de meilleures perspectives aux étrangers de tous pays qui, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée, insérée dans les traités, profitaient des nouveaux avantages faits aux sujets du Mikado. L'article 6 de ce traité stipulait d'abord l'ouverture de quatre nouveaux ports et le droit de navigation à vapeur sur les canaux et rivières y donnant accès, puis il accordait aux étrangers, voyageant dans l'intérieur pour faire des achats ou transporter à destination des marchandises importées, la faculté de louer des locaux pour y entreposer ces marchandises sans payer aucune taxe; enfin et surtout, il accordait la liberté d'établir des manufactures de toute espèce dans les villes et ports ouverts et d'importer en Chine toutes sortes de machines, moyennant le paiement d'un droit de douane fixé ». Cette liberté nouvelle était très importante à gagner. Elle a produit déjà de bons fésÏ1,Lklts. La Chine « s'ouvre » peu à peu. Voir, à ce sujet, le tome III des Relations de la·Chine avec les puissances occidentales, par Henri Cordier. ('Paris, Alcan). 1.
Henri Coupin.
Les Plantes originales. vol. grand in-80, illustré de zz5 gravures. Paris, Vuibert et Nony, éditeurs, 63, boulevard Saint-Germain. Henri Coupin, dont nos lecteurs connaissent la compé1~1' tence scientifique et le talent de vulgarisateur, vient d'ajouter un nouveau volume à ceux qu'il a déjà donnés précédemment sur les Arts et métiers cbe~ les animaux et les Animaux exot~ques. Ce qu'il décrit, cette fois, en se mettant suivant son habitude à la portée du grand public, ce sont les plantes singulières, plantes carnivores, plantes vampires, végétaux pique-assiette, arbres nains, arbres géants, fruits explosifs, champignonsfantastiques. Il y a plaisir et profit à lire cet ouvrage qui apprend des choses très ignorées et cependant curieuses et originales.
M
KA.'VS.4S CITY STAR
Les Superstitions des Philippins. LES Américains sont-ils maintenant les maîtres de l'archipel,
et le soulèvement des Philippins est-il aussi radicalement comprimé qU'lIs l~ prétendent? Peut-être; en tout cas, s'ils sont matériellement possesseurs de ce groupe de grandes îles, ils doivent encore compter avec un pouvoir moral plus redoutable, plus incompressible que celui de la junte révolutionnaire dont ils viennent d'avoir raison les Tagals de l'île de Luçon n'écoutent que les oracles de leurs bab.ylarts ou sorciers, qui sont à la fois leurs médecins et leurs véritables prêtres, et qui pourraient, s'ils étaient unis ou hiérarchisés, soulever de nouveau des milliers de naturels contre la domination étrangère. Par bonheur pour les Américains, ces sorciers sont très nombreux il y en peu près un par district et ils ne s'entendent pas entre eux. Quand un Tagal tombe malade, on fait venir en hâte un babaylan, tandis que tous les membres de la famille et les voisins accourent, remplissent, encombrent l'étroite case où s'agite un fiévreux, gémit un pestiféré, râle un moribond. Sur la grande table, au milieu de la Clse, on a disposé tout ce que le garde-manger contient de meilleur des plats débordant de riz, de l'eau-de-vie de coco. Le sorcier arrivé, il commence par observer attentivement le malade. Puis il fait amener la plus belle pièce du troupeau, vache, chèvre, mouton, suivant les ressources de la famille, et tout en tenant d'une main la bête par son licol, il s'assied sur la table et frappe de l'autre main sur un grand gong de cuivre, afin d'effrayer et de chasser les mauvais esprits; car toutes les maladies, aux Philippines, sont causées par l'invasion d'un mauvais esprit dans le corps du patient, sous la forme d'un ver ou d'une pierre il s'agit donc, par tout ce vacarme, de faire sortir
a
l'intrus.
sorcier, tout en faisant un bruit infernal, tient dans sa bouche un rameau détaché de l'arbre sacré qu'ils appellent sun:pa. Ce rameau de sumpa est un talisman aussi puissant que la baguette de coudrier de l'enchanteur Merlin. A force de se démener, les yeux sortant de la tête, de battre du gong et aussi de boire de l'eau de-vie, le babaylan devient furieux le véritable possédé, c'est lui Il tourne autour de la table, fait sortir de sa bouche ouverte des flots de fumée blanche d'une odeur infecte; il brandit le rameau de sumpa, il s'écrie Ba.'itoo! Pirl! Saraiarr! DaNt! Ce sont les noms des divinités babaylanes. Puis, ayant fait enlever de la table tous les mets qu'on y avait disposés, il saisit un long couteau, qu'il plonge tout entier dans la gorge de l'animal, dont le sang coule en longs ruisseaux sur la table, transformée en autel. Il tombe alors sur le sol, comme s'il était inanimé. La partie mystique de la cérémonie est terminée. Après cela, tout le monde mange et boit à en perdre la raison; hommes et femmes se livrent à des danses d'un caractère indécent. Mais le malade dans tout cela? Il meurt ou il guérit, à la grâce de Dieu. S'il meurt, le babaylan prétend qu'un lourd péché pesait sur lui, ou que sa famille n'a pas fait des sacrifices suffisants. S'il guérit, c'est le sorcier qui en a toute la gloire on accourt de tous les villages des environs pour lui acheter très cher des charmes et des amulettes. Parmi ces dernières, les soldats américains en ont souvent trouvé une sur des cadavres ou des prisonniers philippins. Elle consiste en un carré de carton du nom d'autin~-arrting, où dans la partie supérieure sont dessinées trois croix grecques; au milieu, se lisent les lettres B C m D; au-dessous, les lettres entre deux croix. La possession de ce charme est censée écarter les balles et tous les malheurs possibles. Elle n'a pourtant pas porté bonheur aux pauvres diables qui sont tombés entre les mains des conquérants, Citons encore, parmi les superstitions de la 'grande île, la crainte du nono, un mystérieux ancêtre vieux de plusieurs siècles, et qui habiterait au fond des forêts, ne réapparaissant parmi les vivants que pour châtier d'une manière horrible ceux qui parlent de lui avec irrévérence. L'oiseau appelé tictac est également un fétiche dès qu'on l'a aperçu volant par-dessus un village, toute la population est émue et dans Le
A
l'attente, car le tictac est censé l'avant-coureur d'un dieu très puissant, qui ne va pas tarder à apparaitre; et chacun
écarquille les yeux aux quatre points de l'horizon, pour recevoir sans doute, comme Jacob, la première bénédiction de Dieu, la seule bonne, comme chacun sait. Mais le babaylan est l'intermédiaireobligé entre toutes ces divinités et les hommes.
TEMPLE BAR Londres.
Le Lac Sacré de
Guatavita. Cosas
de Columbia.
à l'ordre du jour. La république sud-américaine perdu Panama pour avoir exigé trop d'or; et une mona tagne d'or est, dit-on, engloutie au fond d'un de ses lacs, à quelques kilomètres de sa capitale, Bogota! Il est vrai que ce n'est pas chose facile d'aller l'y chercher. Le lac de Guatavita, sur le plateau Cundinamarca, à 10000 pieds au-dessus de la mer, est de forme ronde, et séparé d'une vallée par un bourrelet de collines. Au fond de ses eaux, à en croire une tradition qui n'est peut-être pas un rêve, bien avant la découverte de l'Amérique, les Incas offraient, chaque année, à leurs dieux une énorme quantité d'or qu'ils précipitaient au fond du lac.
LE sujet est
JOURNAL DE GENÈVE
Une Histoire de Brigands.
M
Gaspard Vallette, l'auteur de l'article dont nous allons citer quelques lignes, n'est pas un voyageur comme les autres il fuit les tables d'hôte et ne voudrait pour rien au monde être embrigadé dans une bande Cook. Faisant un séjour en Corse, il ne nous dit pas un mot d'Ajaccio, pour la bonne raison qu'il y a peut-être passé, mais n'a pas voulu voir la ville. En revanche, il s'est fait paysan avec les paysans, berger avec les bergers. Oh je n'ajouterai pas bngand avec les brigands, vu que c'est un honnête homme; mais, dans ses savoureux souvenirs de Corse, il nous conte du moins des histoiresdebrigands qui ont le mérite d'être de première main. Le matin, dit-il, dans le train qui nous menait à Calvi, grand gaillard L'n qui ses récits me révélèrent nu brigadier en civil,unracontait comme la chose la plus naturelle du monde, qu'ils avaient au petit jour, des camarades et lui, Il brùJé» (c'étaitson ntotl un brigand près d'Alcajola, petite station de chemin de fer entre l'ile Rousse et Calvi. 'l'ous les voyageurs écoutaient en silence ce récit, lançant sur le causeur des regards chargés de méfiance et de haine. Seul je crus devoir, pour n'avoir pas l'ait, de m'en laisser conter, poser quelques points d llltl'rrogat1On. Dcs.:enctezavec moi et vous le verrez me répond le brigadier, toujours placide d courtois. A la gare d'Alcajo, je descends avec lui. Le gendarme me précède, et tirant une clef de sa poche, ouvre la porte. petite salle d'attente. Ce que je vis alor>, je ne l'oublierai de ma nt. Le pauvre gars est la, étendu sur une banquette, la t0te relevée par un panier, livide et raide. Deux truus rouges, l'un au cou, l'autre dans le flanc, marquent la place des balles qui l'ont Depuis des années les gendarmes le recherchaient sans pouvo r 'atteindre. Cc matin même, il sortait d'une cabane qu'on me montra à 300 mètre, de la gare. Huit gendarmes tenaient la cabane cernée. L'homme était déguisé en capucin. Sous son costume de religieux, il dissimulait une carabine chargée. Quand il sortit, les gendarmes lui crièreiit fl.liu il SLO va~t cerné, surpris, perdu. Alors il fit feu le premier. Les gendarme, répondirent par une salve. L'homme tomba percé de deux balles. Nlaintenant,il est étendu là, dans son froc d'emprunt, immobile sur cette banquette de salle d'attente. Il a l'air et l'exprlssion d'un pauvre paysan, simple, fruste, inculte, tenace et doux. Le lendemain, cn visitant le beau Palais de Justice, à Bastia, k vis affiché au pilier le tableau des condamnations prononcées par la cour d'assises dans sa plus récente session. Or, sur dix-sept condamnations, une seule était prononcée pour banqueroute frauduleuse; les seize autres ¡dont quinze capitales) pour meurtre, assassinat ou tentative d'assassinat. A,lleur~1 sur le continent. la proportion serait renversée la ruse chez nous a remplacé la violence. Le Corse tue, il tue pour se venger, venger son honneur ou l'honneur de sa famille. Il ne trompe pour pas, il ne vole pas, il ne cOIT_bine ~as froidement la ruine matérielle ou morale de son ennemi. L Européen ne tue plus, ma's il ruse, il dupe, il escroque, il extorque, il ruine et déshonore son prochain. Le Corse me paraît non seulement plus pittoresque, mais moralement très supérieur.
la
frap
Travers la Corée
De Séoul à Gen-San: Les Montagnes de Diamants et la Région des Monastères. A
Parmi les noms d'une poétique naïveté, dont les Orientaux se sont plu à dotcr la Corée, celui de Royaume Ermite semble doublement mérité. Non seulement, ~endant des siècles, la Corée a trouvé le moyen de vivre à l'écart des choses du monde, mais encore elle contient.un nombre considérable de couvents qui abritent les adorateurs extatiques des divinités bouddhiques. Les Montagnes de Diamants, ainsi nommées à cause de leur éclat spécial au coucber du soleil, sont~ar excellence la région des couvents. La route qui, de Séoul, y mène en trois jours, est d'ailleurs des ~lus pittoresques.
L route
de Séoul à Gen-San, après avoir franchi le désert de sable qui sépare la capitale des montagnes, s'élève par une succession de cirques dans lesquels elle pénètre par des cols. Il n'y a pas d'ailleurs de route méritant ce nom. A travers les rizières des vallées serpente une piste si étroite en certains endroits qu'on est fort embarrassé quand il faut y croiser une autre caravane. On ren-
des faisans et des canards sauvages, ou bien s'exerçent à tirer à balle, dans les rizières, des ibis roses et des
grues de.grande taille. On remarque, à!' entrée des villages, des poteaux portant à leur base des caractères chinois et terminés à leur sommet par des figures humaines grossièrement taillées, grimaçantes comme des polichinelles, et peintes en rouge avec
contre cependant, de temps à autre, une Ki Seng (dame
des dents et des yeux blancs, gros-
sièrement taillés. On les appelle {\ Chang Sung», du nom d'un ancien criminel dont l'effi-
du palais)accroupie dans sa chaise à
porteurs,
ou un
Yang Bang sur son âne, suivi d'un ser-
viteur portant son sac et son éventail, et d'un soldat en
gie fut, paraît-il, reproduite sur les bornes de tout le pays, pour perpé-
sont d'énormes
Ces poteaux devaient en effet, à
tuer le souvenir de. son châtiment.
manches de chemise portant son fusil Gras. Plus loin, ce
l'origine, indiquer
bœufs porteurs ou
les distances, mais, grâce aux tendances fétichistes des Coréens, ils ont été
des chevaux qui,
ayant importé des CHARGEMENT DES BAGAGES POUR L'EXFÉDITIONEN 3IONTAGNES. cotonnadesdeSéoul dans l'intérieur, rePhotographie de M. J. de Pange. viennent avec des réunis en groupes tissus de chanvre indigènes. Enfin ce sont des portecomme des divinités tutélaires chargées de protéger le faix avec, sur leur hotte, d'énormes fardeaux, ou envillage contre les mauvais esprits. C'est pour la même raison qu'on suspend des guenilles aux branches ou core des files de paysans. Ceux-ci, en cas de pluie, n'ayant pas de manteaux de papier huilé comme à qu'on élève des petits tas de pierres au pied des arbres, Séoul, revêtent des manteaux de jonc sous lesquels ils ceux ci passant pour être le lieu de retraite habituel ressemblent à des porcs-épies. Les voyageurs eurodes esprits. On traverse parfois de gros villages à l'heure péens ont en général à la main leur fusil de chasse, où se tient le marché; car, dans chaque district, cinq bourgades sont désignées pour recevoir la corporation avec lequel ils complètent leur menu de conserves par A TRAVHRS LI! MONDI!.
IOe LIV.
No
i o.
5 Mars 1904.
des « pou syang hoï » (marchands forains). Ceux-ci, à l'ombre de toiles tendues en travers de la route, étalent des tissus de coton ou de chanvre et leur pacotille de verroteries, clous, éventails, cigarettes, allumettes japonaises, peignes, épingles à cheveux pour les hommes, etc. Plus loin, d'autres marchands vendent des harengs pourris ou des algues marines. Sur la place, incessamment traversée par des caravanes de poneys chargés jusqu'aux oreilles, on vend de grands boeufs porteurs, de la magnifique race coréenne. Les mafous qui nous escortent, chacun ne s'occupant que d'un seul cheval, suivent leur bête en chantant, se querellant ou fumant leur immense pipe. Ils sont surtout attentifs, dès qu'ils ont fait une vingtaine de kilomètres, à s'arrêter dans un village pour la halte du milieu de la journée. Leurs petits poneys, qui ont toujours les crins hérissés et mordent comme des bouledogues, sont d'une résistance extraordinaire, mais il faut qu'on leur donne trois fois par jour un mélange de paille hachée et de fèves bouillies à l'eau. On entre donc
dans une auberge.
5o kilomètres. La première étape ne peut guère dé-
passer le village de Solmoro. Le deuxième jour, on traverse une suite de jolies vallées boisées et tapissées de vignes sauvages, de clématites, de digitales et de chèvrefeuilles. Les cours d'eau arrosent des rizières aussi bien entretenues que celles du Japon. Tout le long de leur cours, ils font tourner de petits moulins primitifs, formés par une roue à palettes qui soulève un pilon et le laisse retomber dans le trou, au fond duquel se trouve le grain à décortiquer. On passe la nuit dans un des hameaux dont les groupes entourés de plantations de chanvre sont étagés sur le flanc des coteaux, au milieu de prairies et de bouquets de pins. Le lendemain, on arrive à la petite ville de Kim Song, la plus importante de celles qu'on trouve sur la route de Gen-San. Trois lignes télégraphiques se rejoignent dans ce centre dont les toits d'ardoises et de tuiles et la porte rouge de la pagode se détachent nettement sur des collines vertes semées de pins. Puis on s'engage dans une gorge étroite et sinueuse. On n'entend plus que le cri des coucous ou le
La chibi (maison
glou-glou d'innombrables rainettesqui finit par résonner comme le bruit d'une meute. Dans les anfractuosités des
coréenne) com-
prend unecourdont
trois côtés sont bordés par un préau; sous celui-ci on at-
tache
les chevaux,
rochers
la tête tournée vers l'intérieur où se
sanctuaires de bois délaissés ou des
trouve une auge circulaire. Le quatrième côté est formé par l'habitation.
troncs d'arbres
creux couverts de paille et servant de ruches. On s'arrête
Puis on décharge
les caisses et on ouvre les conserves. Ce
spectacle
ne
manque pas d'intri-
sont des
à Chang-ko, village CONSTRUCTION D'UNE CHAPELLE AU ~10NASTÈRE DE CHAN-GAN-SA.
Photographie de M. J. de Pange.
guer vivement les habitants du village qui n'ont presque jamais vu d'Européens. Aussi, forment-ils bientôt autour de ceux-ci un cercle de plusieurs rangs, en s'exclamantsur l'usage des fourchettes, des bouteilles et des autres produits de notre civilisation. L'arrivée de nuit dans une auberge coréenne présente un spectacle des plus pittoresques on voit, à la lueur des torches, tous, bêtes et gens déjà installés, céder la place aux voyageurs de distinction, au milieu des cris des mafous et des protestations des fumeurs expropriés de l'unique dortoir de l'auberge. Celui-ci est une pièce empestée, d'environ 2 mètres sur 3, qui ressemble assez à un four, car on peut à peine s'y tenir debout, et le plancher sur lequel on étend les nattes et les couvertures recouvre le fourneau de la cuisine qui le surchauffe. D'ailleurs, les étrangers essaieraient en vain d'y dormir, car au dehors tout le village se répand en commentaires sur leur arrivée, et bientôt on ouvre la porte pour les examiner de près. Il faut trois jours pour aller de Séoul au pied des Montagnes de Diamants, en forçant un peu le train brdinaire des mafous et en fa:ïsant une moyenne de
d'une centaine de maisons, situé à la bifurcation de la
route de Gen-San
et de celle des Montagnes de Diamants. Il faut, le lendemain, s'engager dans un affreux sentier et remonter le cours d'un torrent, rempli de truites, qui longe des rizières et des champs de blé et de chanvre. Derrière des rangées de moules pour faucilles ou socs de charrue, on voit des fonderies indigènes en terre battue, que des hommes ventilent en faisant basculer des planches garnies de paillassons. Du mineraide fer et même du quartz aurifère apparaissentde place en place, au milieu des éboulis de rochers abrupts et effrités qui ressemblent à des ruines. Le torrent sort avec fracas des gorges profondes et sauvages où, entre deux falaises à pic, il a charrié d'énormes monolithes. De maigres arbres s'accrochent le long des
pointes schisteuses. Plus loin, le sentier se confond avec le lit même du torrent descendant en cascade, au
milieu des rochers brisés, sous un sombre dôme de verdure qui le laisse dans la demi-obscurité d'une grotte. On arrive enfin au col. De là, la vue s'étend sur d'immenses forêts qui dévalent de toutes parts. Tout au fond, les céréales de la vallée font une tache jaune au milieu de la verdure générale. A
l'horizon, les montagnes bleues prennent au soleil couchant ces belles teintes pâles qui, dit-on, leur ont fait donner leur nom de Montagnes de Diamants. On descend sur l'autre versant, à travers des bouquets de saxifrages, de rosiers, de merveilleuses fougères et de magnolias qui se détachent sur le fond vert, avec leur corolle blanche et leur coeur rouge. La nuit tombe, et il faut s'arrêter à la première hutte qu'on rencontre. On entre, le lendemain matin, dans la merveilleuse gorge, couverte de sapins qui conduit au monastère de Chan-gan-sa. Sous la direction d'un bonze au crâne rasé, des coolies écorcent des troncs que des taureaux traînent ensuite le long d'une belle route construite par les soins des moines. On passe devant des portiques de bois décorés de peintures, et ayant franchi le torrent, on entre dans la cour du monastère qui, au sortir de
solitudes, produit l'effet ces
d'une
piliers sont chargés d'ex-voto, et à côté de laquelle est une cloche monumentale, on entre dans la cour cen= trale. Là se trouvent des constructions rectangulaires en bois, le temple principal flanqué de plusieurs autres plus petits consacrés aux Dix Juges, aux bonzes studieux, aux ancêtres de l'Empereur, etc. Tous les toits, très aigus et aux angles recourbés, sont couverts de tuiles et fermés par trois portes ajourées. A l'intérieur est une immense pièce dont le plafond, richement sculpté, et colorié en caissons bleus et rouges, comme le plafond des palais de Séoul, est soutenu par d'énormes troncs d'arbres peints en rouge. Les murs sont couvertsd'anciennes étoffes de soie ou de fresques représentant des saints ou des héros. Le maître-autel est surmonté d'un voile de gaze verte qui estompe les statues dorées de Bouddha assis ou debout; devant lui, sur un tabouret, se trouvent une petite cloche et
une copie de
ruche
l'office. Auxheu-
bourdonnante d'activité. Les
res prescrites, un moine, revê-
mafous, après avoir déchargé
tu d'une
les bagages, ra-
grise et d'une écharperougeen sautoir, vient s'agenouillersur une natte, récite
mènent les che-
vaux dans la vallée où il y a une auberge pour les recevoir. C'est l'heuredu repas, et comme on est
une prière dans la langue sac fée
qu'il ne comprend souvent
en train de répa-
rer et d'agrandir les bâtiments du monastère, dans le réfectoire une
pas,se prosterne et agite la c1e-
chette. Les Coréens éprouvent un plaisir très
quarantaine de
charpentiers
sont accroupis, deux à deux, devant de petites tables, entre lesquelleslesfrères-
robe
AU MONASTÙRE DE
S'OU-KOM-SA.UN OFFICE DES'A1T LE MAITRE-AUTEL.
PIIOtogr'aphie de M. J. de Pange.
lais distribuent des bols de riz, d'eau et de soupe aux légumes. Dans la cour, trois frères-lais, armés d'énormes maillets, écrasent le riz dans la cuve où il a bouilli, puis le portent dans le temple et le pétrissent sur une planche. Ils le divisent ensuite en petits carrés qu'ils impriment d'un caractère et enduisent d'huile avant de les faire sécher. Nous sommes reçus par l'abbé qui nous fait apporter des gâteaux de farine de châtaignes, des nougats et des fruits conservés dans l'eau de miel. Nous allons ensuite rendre visite à l'économe qui fait ses comptes, assis à côté de son coffre-fort en bois. Puis nous parcourons le monastère. monastère de Les bâtiments de Chan-gan-sa l'Éternelle Paix s'étagent au fond d'un merveilleux cirque de montagnes, sur le flanc desquelles les teintes rouges des érables et des châtaigniers font ressortir l'éclat neigeux des torrents qui descendent en cascade. Ce monastère présente le même type que tous les autres. Après avoir passé sous une porte, dont les
réel à vivre au milieu de beaux paysages, et ils savent très bien faire valoir aux
étrangers
les
meilleurs sites de Chan-gan-sa. Le soir, dans un angle de l'immensedortoir qu'encombrent déjà les ouvriers, nous étendons nos nattes au-dessous d'une veilleuse qui éclaire une statue de Bouddha et son mystérieux sourire. Mais au milieu de la nuit, tous les gongs du monastère se mettent en branle à la fois, et le son grave de la grosse cloche de l'entrée retentit dans la montagne pour appeler les religieux à l'office. Nos camarades de chambrée entament aussitôt une bruyante conversation, et, après une accalmie, les sonneries reprennent avant l'aube, ne nous ayant guère laissé goûter de repos. Il faut maintenant s'équiper en alpiniste pour traverser la montagne sainte. Les mafous et leurs chevaux, avec nos bagages, feront un détour par le col de Tchinkokaï pour aller nous attendre au monastère de Sin-kiei-sa, sur la mer du Japon, et l'abbé de Chan-gan-sa nous fournit, en outre d'un guide, des porteurs chargés du strict indispensable. II n'y a plus
c'est le lit même du torrent que les pèle.fins sont obligés de remonter en sautant de roche en roche, ou en s'avançant avec précaution sur une rampe esçarpée. Le torrent, grossi par les pluies, bouillonne furieusementà nos pieds, et il faut à plusieurs reprises lé traverser à gué. Nous pouvons enfin nous arrêter dans une prairie, au pied de rochers sur lesquels sont sculptées de grandes images de Bouddha. Nous arride chemin
vons au monastère de Py-oung-sa, qui comprend une dizaine de bâtiments. Dans le temple central, sous un joli plafond de caissons bleus et rouges, un grand Bouddha doré s'élève, les mains jointes, entouré de grands éventails, de fleurs artificielles et de fresques qui représentent des dieux chinois, barbus et dentus au milieu des scènes de torture. Au-dessus du monastère se trouve le belvédère célèbre dans la littérature chinoise, sous le nom de « point de vue des onze mille pics ». Le regard embrasse de là un horizon aussi immense que celui de la
adjoindre, nous nous étendons dans une cellule. Mais bientôt des psalmodies rappelant étrangement celles des bonzes d'Angkor accroupis en haut des grands escaliers qu'inondait la clarté lunaire, nous apportent un écho de l'immense plainte bouddhiste qui s'élève, chaque soir, depuis les humides forêts équatoriales jusqu'aux pics neigeux de la Corée. Dans la chapelle où nous entrons, on distingue d'abord les formes blanches des moines, puis, tout au fond, à la lueur vacillante des lampes, les yeux mi-clos et le sourire d'apaisement du Maître enseignant la résignation du sage que les illusions et les désirs ne viennent plus troubler dans sa sereine contemplation du monde. Le lendemain, dès l'aube, on repart à travers d'énormes rochers d'où tombent parfois de magnifiques cascades. Après avoir traversé une belle forêt de chênes jonchée de lilas, on arrive aux tombes des abbés de You-chom-sa. Plus loin, des allées ornées de por-
tiques conduisent au monastère luimême, situé à la limite d'une prairie et d'une forêt de sapins. L'intérieur du temple présente, comme toujours, un chatoyant mélange de boiseries peinteset de belle soieries. A l'heure où nous
mer et sur
lequel les montagnes se succèdent à l'infini, comme de grandes vagues solidifiées. Plus loin, entre deux falaises à pic, de 100 pieds de haut, le torrent se préci-
pite en mugissant contre les énormes blocs dispersés dans son lit. On
entrons, quatre
continue l'ascension à travers des voûtes de rochers,
sur lesquels les
bonzes ont gravé des caractères chinois, rappelant le passage de pèlerins
illustres, ou la lé-
SORTIE DU MONASTÈRE DE SAK-AHG-5.1.
Photographie de ~1. J. de
gende qui se rattache au site. C'est ainsi que l'on voit la table d'échecs des Bouddhas, la grotte de la déesse Kouannon, l'antre du Grand Dragon, etc. D'ailleurs, la montagne tout entière est pleine de prestige et d'enchantement. On échappe enfin à l'oppression causée par ce décor grandiose et sauvage, lorsqu'on entre dans une admirable vallée, où la vue ne rencontre que des forêts sans limites. Là, dans une petite bonzerie en nid d'aigle, un anachorète s'est retiré au milieu des oiseaux de la montagne qui descendent se poser familièrement à côté de lui. Ses yeux semblent voir avec ennui nos figures d'étrangers qui le poursuivent jusqu'au sein de la nature dans laquelle il était venu chercher l'oubli des vaines agitations huinaines. Il faut s'arrêter dès le coucher du soleil, car, la nuit, le tigre règne en maître dans la montagne sainte. Le guide nous presse donc d'arriver à Mahaly~n,-sa! où les moines nous donnent une portion de leur ordinaire une soupe au riz et aux choux. Après ce frugal repas, àuquel ¡m'us n'avons plus de conserves à
Pange.
moines célèbrent leurs offices devant lemaÎtfe-autel.Sur celui-ci se trouve un arbre, symbole du monde, portant à chacune des extrémités de ses branches une statuette de Bouddha.
En quittant ce monastère, on descend enfin au-dessous des nuages qui couronnent éternellement la Montagne Sainte, et on aperçoit à l'horizon la ligne bleue de la mer du Japon. Délivré de cette pesante solitude, on croit renaître à la vie en voyant le joli paysage de rizières que surplombent les aiguille5 granitiques des Montagnes de Dia-
mants. Dans un cirque de falaises d'où tombent des cascades on découvre bientôt les toits gris du monastère de Sin-kiei-sa qui se détachent au milieu des sapins verts. Là finit cette longue marche; on retrouve les
chevaux, les conserves et les bagages. Le lendemain, après avoir franchi un dernier col, on aperçoit deux merveilleuses baies jumelles bordées de villages et fermées à l'horizon par des îles et des montagnes bleues. Ce sont Gen-San et PortLazaref, qui forment ensemble une des plus belles stations navales du monde; c'est, après la calme sphère des contemplations célestes, la région plus prosaïque des réalités d'ici-bas, JEAN DE PANGE.
L'Afrique allemande du Sud-
ouest (Damaraland). Colonie peu prospère.
Une
Voici une colonie allemande qui n'avait pas encore
d'histoire non pas qu'elle renfermât un peuple heureux; mais elle est de création récente, et ses habitants, disséminés, ne trouvent dans une terre ingrate rien qui excite leurs appétits ou explique des compé-
titions étrangères.
Elle est dernière-
ment sortie de sa torpeur, et des nouvelles alarmantes nous ont informés que les Herreros, la principale peuplade du pays, se soulevaient contre les blancs et massacraient les colons. L'Allemagne, en hâte, a envoyé des troupes et la paci-
de la dune permet des relations relativement faciles avec l'intérieur; les Anglais se la sont réservée, et en ont fait un port franc. Un peu au sud, les Allemands avaient essayé de créer un port rival à Sandwich Haven; l'ensablement les en a chassés, et ils se sont installés au nord du district anglais, à l'embouchure du Tsoachaub (Swakop des cartes anglaises). La côte méridionale n'a qu'un véritable port, Angra Pequefia, aujourd'huiLüderitzbucht, où commença la colonisation allemande. Elle est bordée de nombreuses îles à guano, qui sont anglaises. Toute la côte est riche en poissons et en phoques, même en baleines. L'eau douce est presque totalement absente; il faut souvent la faire venir du Cap ou s'en procurer au moyen d'appareils de condensation. Il n'y a pas à compter sur les eaux de plu ie. Le désert de
sable est presque complètement fermé par la dune. Les fleuves s'y per-
dent avant d'arriver à la mer. Il est à peu près inhabi-
dans le sud, où cette zone sableuse s'élargit encore (Lüderitzland), apparaissent de rares villages boschimans. Sorti du safication s'opère; ble, on ne l'est pas mais l'immensité du pays et la moencore du désert. bilité des indigènes On arrive sur un plateau assez élevé, l'empêche font qui atteint près de avant longtemps de frapper le coup 12 à 1300 mètres, définitif. et qui forme au nord la longue taSi l'histoire ble pierreuse du de la colonie est KaokoveId. Il est encore bien paucoupé par des gorvre, sa géographie nous' est mieux ges profondément encaissées. connue, et naguèCe désert re encore M. Haupierreux a moins ser en faisait, dans CARTE DE L'AFRIQUE ALLEMANDE DU SUD-OUEST (DAMARALAND). d'extensionau sud, les Q,uestions diplomatiques et coloniales, un exposé des plus intéressants. où il est pénétré par un couloir longitudinal, appartenant à la zone des prairies. Entre le désert pierreux et Entre les établissements portugais de l'Angola, la colonie du Cap èt les protectorats anglais du Bela steppe de Kalahari, s'étend une haute plaine, siichuanaland et de la Rhodésia, la zone allemande lonnée de montagnes, un peu mieux arrosée que la région des côtes. Les fleuves ont un peu d'eau, il y a couvre 83o-c~6o kilomètres; c'est plus d'une fois et demie l'Allemagne. Mais sur ce territoire immense, des sources à la base des montagnes. Dans les fonds, ne vivent que 200000 habitants; c'est un déseft, on trouve quelques lacs. Les vallées sont gazonnées, désert de sable, désert pierreux. quelquefois même boisées, le plateau est buissonneux' La côte appartient à la première catégorie. De et peut être susceptible d'être transformé en prairies l'embouchure de la Coùnéné à celle du fleuve Orange, par des travaux d'irrigation (Damaraland). Dans le sud (Namaqualand), les buissons, peuvent être utilisés elle mesure i 500.kil'omètres. Elle est peu abordable. éàmme fourrages. Le nord, à peu près- inconnu, offre peut-être un point de débarquement à Angr)l Fria. Au centre, quelques Là population, si peu nombreuse qu'elle soit, baies sont formées par les pointes des dunes, baies est très morcelée. Les Berg-Damaraépars dans le Damaraland; les Bantous au nord les Hottentots dans le peu profondes, vite ensablées baie de la Croix (KreusÑà:&a]and; en fin les Herreros dans la plaine du Damabucht) et surtout Walf1shbay. Assez bien protégée, r~{¿onstituent les principales peuplades. Ces derniers, cette dernière estsitaée àUhendroit où l'abaissement té
les plus importants au point de vue numérique (100 000 environ) relèvent dé la race bantou', nègres ou plutôt cuivrés, qui, sous bien des noms, notamment ceux de
Cafres, de Zoulous, peuplent l'Afrique australe et une partie de l'Afrique centrale. Leur désignation complète, c'est Ova-Herrero, ce qui signifie « hommes joyeux )); on les appelle aussi Damara ou (Dama-Ra) des Plaines ou Damara du Bétail, en opposition aux Damara des Montagnes. Comme la plupart des gens d'idiome bantou, ce sont des gens superbes, magnifiquement charpentés, très hauts de taille et même d'assez beau visage. Chez eux la fortune, c'est le bétail. On les a donc très exactement nommés les Damara du bétail. La patrie, la tribu, le clan, c'est le pâturage aussi sont-ils jaloux de leur sol la coutume ne permet pas d'aliéner la terre, qui est la propriété commune du clan, ou si l'on veut, de la peuplade. L'initiativeindividuelle a précédé, dans l'occupation du pays, l'intervention gouvernementale. En avril 1883, le marchand brémois Adolf Lüderitz, acheta au roi du pays, pour 200 fusils et 2 000 marks Angra Pequena et les déserts d'alentour. L'Angleterre réclama comme sa propriété Walfish bay et les îles à guano, et ajouta que la côte entre l'Orange et la Counéné était dans la sphère d'influence du Cap. Cela n'empêcha pas Bismarck de notifier aux autorités de la colonie que Lüderitz et le Lüderitzland étaient placés sous la protection impériale. L'Angleterre, en enregistrant cette notification, força Lüderitz à abandonner, sur la côte est, la baie de Sainte-Lucie. Par l'occupation du Bechuanaland, elle ferma l'Hinterland allemand qui fut arrêté (en 1885) au 20° E. de Greenwich. Ainsi se trouvait exclu des possibilités de l'avenir tout projet d'union entre l'Affique allemande et les Républiques boers, habitées elles aussi par des peuples de race germanique. L'Angleterre a paré au danger, en enveloppant presque entièrement de territoire anglais l'Orange et le Transvaal. Lüderitz se noya au moment où il faisait des recherches minières pour le compte d'une société allemande. Autrefois, la pêche, la capture des phoques, la récolte du guano étaient les seules ressources du pays. On a tenté de tirer parti de l'intérieur; mais, pour y arriver, il faut percer la dune et la zone fermée à la colonisation. Or les chars demandent, pour les conduire à travers les broussailles, de dix à vingt boeufs dirigés par deux ou trois hommes, et très souvent les bêtes meurent en route faute d'eau ou de nourriture. Aussi, la rade de Swakopmund a-t-elle été reliée par une voie ferrée à Gross-Windhoek, le chef-lieu de la colonie. Deux autres lignes sont projetées l'une de Tsoachaub à Omaruru et aux mines de cuivre d'Otavi, qui n'ont pu être exploitées jusqu'à présent à cause de l'éloignement; l'autre, de Lüderitzbucht à Keetmanshoop. La région de l'Ovambo se prête à la culture de la canne à sucre, du tabac, du coton, mais aucune de ces cultures ne saurait être rémunératrice en l'état actuel des communications. Dans le reste, la grande ressource est l'élevage, surtout l'élevage du boeuf. Le sol alluvial des lits fluviaux est souvent propice à la culture en jardins. Presque toutes les stations
de missionnaires ont leurs jardins, où poussent le figuier, le bananier, le citronnier, l'oranger, la vigne, presque tous les fruits d'Europe et nos céréales. Ce sont surtout ces cultures que développerait l'irrigation, et qui permettraient au pays de nourrir ses habitants. Au point de vue des richesses minérales, on s'était fait, au moment de l'occupation, de grandes illusions. Il y a, assurément, de l'or, du cuivre, du plomb, du bismuth; mais les sables et quartz aurifères de Swakopmund sont peu exploitables et d'une trop faible teneur.
Contrairement à ses autres colonies, l'Afrique du
sud-ouest est considérée par les Allemands comme une colonie de peuplement. Le climat n'en est pas défavorable à l'Européen; les épidémies sont rares, et les fièvres malariennes ne font guère leur apparition que dans l'Ovambo. Mais il ne suffit pas qu'un pays ne soit pas malsain pour attirer les colons, il faut encore qu'il produise quelque chose. Or le Südwest-Afrika souffre terriblement du manque d'eau, et il faut des capitaux considérables pour transformer le pays. Aussi a-t-on cherché jusqu'à présent à y faire exclusivement de la grande colonisation, par l'intermédiaire de compagnies concessionnaires. Les compagnies allemandes ou anglaises, dont les concessions couvrent 5° pour 100 environ du territoire colonisable, ont fait en réalité très peu pour favoriser l'émigration. Leur rôle, à ce point de vue, a consisté à attirer quelques éleveurs boers et à établir, comme travailleurs dans les fermes, les soldats du protectorat après leur libération. On a songé sans succès à essayer de. la colonisation pénale. Bref, la tentative faite pour transformer la région en coloniede peuplement a peu réussi jusqu'à présent. Il y a un millier d'Allemands, deux cent cinquante Anglais; le reste se compose de Boers venus des deux États libres ou du Cap. Les Européens habitent presque exclusivement à Gross et Klein-Windhoek, à Keetmanshoop, Otyimbigue, Omaruru; seuls les Boers se répandent dans des fermes isoléees. Actuellement, le commerce est ce qu'il peut être dans une colonie pauvre, à population rare et qui produit peu. L'importation serait presque nulle si l'Allemagne retirait ses soldats et ses fonrtionnaires.L'exportation se compose surtout des produits de l'élevage. Cette exportation sera certainement accrue par le chemin de fer de Windhoek à Swakopmund, de même que l'exportation des peaux de boeuf, des laines, des cornes. Il faut y ajouter une certaine quantité d'ivoire et de plumes d'autruche; l'élevage en grand de l'autruche pourrait être tenté. On exporte aussi le guano et les peaux de phoques. Le commerce se fait par le port de Swakopmund, relié à Hambourg tous les deux mois et au Cap mensuellement. Ces services touchent à Walfish bay et à Lüderitzbucht.
L'Afriquedu sud-oiest est de beaucoup la moins prospère des colonies allemandes, et ce serait folie de croire que, parmi les émigrants qui s'embarquent en foule à Hambourg et à Brême, quelques dizaines de mille vont cesser de se diriger sur New York pour aller l'habiter. Beaucoup d'espace sous un climat salubre, mais trop peu d'eau; point de place pour des colons; très
peu de blancs, impossibilité d'en accroître longtemps le nombre comme au Canada, au Brésil, en Argentine; tel est le bilan du Sud-Ouest allemand d'Afrique. Il n'a vraiment aucun intérêt puissant pour l'Allemagne depuis qu'il a cessé d'être pour elle, vu la déroute des Boers, un lieu de guet et d'attente, une place d'armes d'où l'on aurait pu tenter l'assimilation de l'Afrique
australe.
Plus que jamais, la colonie mérite le nom sous lequel la désignent les Allemands c'est leur «( enfant de douleur » Schnzer,~enkind.
Les Ports francs. Alger semble désignë pour un essai. DEPUIS le 4
avril
cc~o3,
la Chambre a été saisie d'un
projet relatif à l'établissement de zones franches dans les ports maritimes. Renvoyé devant la commission du commerce et de l'industrie, ce projet vient d'être l'objet d'un rapport favorable. Il s'agit, on le sait, de ports ou de parties de ports où tous les navires ont libre accès; où toutes les marchandises, quelles qu'en soient la nature et la provenance, peuvent être introduites, déposées, manipulées et emportées, sans formalité ni restriction et sans avoir à acquitter aucun droit de douane, tant qu'elles ne sortent pas du port pour pénétrer dans l'intérieur du pays. De toutes les villes appelées à profiter de cette législation, il n'en est pas, peut-être, qui y soit plus directement intéressée qu'Alger. Il est peu d'exemple d'une prospérité aussi rapide que celle de ce port. Depuis moins de vingt ans, il a vu tripler le nombre des navires qui le fréquentent, et, de jour en jour, ce nombre s'acccroît. Actuellement, il supporte la comparaison avec les plus grands ports de la métropole; à ne considérer que le nombre et le tonnage des navires qui y pénètrent, il se place immédiatement après Marseille et le Havre. Beaucoup de ces navires se contentent d'y faire relâche; beaucoup n'y laissent ou n'y prennent qu'une portion de leur chargement. Néanmoins, grâce à la clientèle qu'il doit à sa situation même, le port d'Alger peut procurer au commerce de l'Algérie avec l'étranger de précieuses facilités. Placé sur les grandes routes maritimes, reliant l'Adriatique, la mer Noire, la Syrie, l'Égypte, l'Afrique Orientale, les Indes et l'Extrême-Orient avec l'Angleterre et tout le nord de l'Europe, le port d'Alger peut être visité par les innombrables navires qui sillonnentces grandes voies de la mer. On comprend dès lors quels sérieux éléments de succès il y aurait là pour le fonctionnementd'une zone franche, puisque c'est surtout de la facilité et de la fréquence de ses relations avec l'étranger que dépendent l'utilité et la réussite d'une zone franche. A un autre point de vue, l'établissement d'une zone franche dans le port d'Alger se présenterait dans. des conditions plus favorables que partout ailleurs dans la Métropole.
serait une transaction entre les intérêts commerciaux des ports qui réclamentles zones franches et les intérêts des industriels de l'intérieur qui les redoutent. Si les commerçants des ports escomptent les avantages que l'établissement des zones franches paraît capable de procurer au commerce d'exportation, les industriels de l'intérieur ne sont pas sans appréhension vis-à-vis d'une institution susceptible d'entraîner le déplacement de leur industrie. Ces derniers craignent que, dans les zones franches, ne s'installent des usines, manufactures ou ateliers, qui leur feraient une concurrence redoutable. Ce sont évidemment ces craintes qui ont inspiré certaines dispositions du projet, dans lequel sont prévues et déterminées les opérations auxquelles on pourra se livrer dans les zones franches. Or, si cette expérience doit être tentée, c'est à Alger qu'elle pourrait l'être. Essentiellement agricole, l'Algérie ne possède point encore d'installations industrielles ayant à craindre la concurrence des industries qu'attirerait la zone franche. Redoutables dans la métropole, les objections d'ordre protectionniste sont en Algérie, dénuées de toute portée, et sans sçulever la moindre récrimination, le législateur pourrait tenter à Alger une expérience qu'il ne pourrait essayer en France sans déchaîner des tempêtes. C'est cette expérience que s'accorde à réclamer le commerce algérien. En France, les restrictions peuvent se comprendre. En Algérie et spécialement à Alger, elles seraient moins explicables, puisqu'elles se borneraient à paralyser l'essor d'une institution capable de rendre assez de services pour qu'on lui fournisse l'occasion de faire toutes ses preuves. La Chambre tiendra sans doute à discuter sans retard une innovation d'où dépend, peut-être, l'avenir de notre marine marchande. Il
Th. Bentzon.
Les Américaines che~ elles. Nouvelle édi-
tion revue et augmentée. 1 vol. 50. Hachette et Cie, Paris..
fr-
in-16,broché..Prix
C ETTEnouvelle édition des Arraéricaines cbe~ elles n'est'pas
L'auteur y a fait entrer des faits nouveaux, des figures nouvelles, tous les changementsque dix années ont pu amener dans la condition des femmes d'Amérique d'abord, par suite, dans celle une simple réimpression de la première.
des femmes du monde entier. L'apparition de la première édition fut un événement partout signalé, dans nombre d'articles et de conférences, tant en France qu'à l'étranger. Aux Etats-Unis même, l'opinion générale était qu'on ne pouvait que profiter des justes critiques de cette sympathique et perspicace étrangère. C'est que l'ouvrage en effet nous révèle un nouvel aspect de la vie américaine, l'œuvre courageuse et patiente d'une élite de femmes animées de l'esprit public le plus rare et contribuant dans une forte mesure, avec l'approbation pleine et entière des hommes, au développementde la prospérité de leur pays. On connaissait chez nous d'autres catégories d'Américaines, on ne connaissait pas celle-là qui mérite de servir d'exemple au féminisme de bon aloi. L'auteur, par le seul fait de la publication d'un livie qui devança le mouvement, en est devenu chez nous l'un des leaders les plus autorisés. Avec l'acuité d'observation très féminine et la très virile fermeté de bon sens qui le distinguent, il complète aujourd'hui son livre et lui communique ainsi l'attrait d'une oeuvre nouvelle.
Sports d'hiver,.
Le
Sport du Toboggan.
D EPUISun certain nombre d'années, les trine et l'abdomen contre la plate-forme, marche m~ ou le diriger, le sportsman se sert,
touristes anglais et américains qui se donnent périodiquement rendez-vous à
Saint-Moritz, dans l'Engadine (Suisse), se sont aperçus que ce.pays est encore plus agréable en hiver qu'en été, C'est ainsi que Saint-Moritz est devenu, comme Davos, une de leurs stations d'hiver favorites, aussi bien en qualité de sanatorium où les malades peuvent parfaitementsupporter des froids de 20 degrés, en restant toute la journée dehors que comme lieu de divertissement et de distractions
qui est rembourrée, s'accrochant d'une main ou des deux mains aux poignées ménagées à l'avant et conservant l'usage libre des jambes et, au besoin, de l'une des deux mains, pour mouvoir et diriger
l'appareil.
Depuis 1887, l'appareil et la piste sur laquelle courent ceux qui s'en servent, ont été considérablement perfectionnés à Saint-Moritz, en Engadine, par le capitaine W. H. Bulpett. L'appareil du capitaine Bulpett, hivernales. étant actuellement considéré comme « le Parmi les divertissements auxquels meilleur des toboggan », nous allons en livre dans le pays, depuis un temps décrire la configuration et l'emploi. on se immémorial, pendant la saison froide, Il a été réduit à sa plus simple exles étrangers ont, tout d'abord, pratiqué pression et porte le nom caractéristique de
de préférence les courses en traîneau, effectuées le long d'une piste de neige
durcie. Mais les traîneaux, alors en usage
dans l'Engadine, étaient des plus primitifs. C'étaient des scblittli, dont 1 e nom et la forme rap-
skeleton (squelette). En réalité, c'est un grand patin, sur lequel on appuie le buste et le bas du corps jusqu'aux genoux, au lieu de n'appuyer que les pieds.
t
présenter le long de la piste parcourue, prl jambes de ses et de l'un de ses bras, qui soit comme ressorts, soit comme agissent ag leviers, soit comme gouvernails. le1 Pour utiliser cet appareil, le capitaine Bulpett a également fait établir la tai piste dite de Cresta, à Saint-Moritz. C'est pi: un longue glissoire de neige battue, péune ric riodiquement arrosée d'eau, de façon à
produire le regel, et constituant, par conpr sé, séquent, patiun superbe verglas Ce qui la rend particulièrement neurs. ne intéressante et difficile à parcourir, c'est inl bien loin d'être tracée en ligne droite, qu que, ell ondule capricieusement le long des elle de la montagne de Cresta, présenpentes pe
de
tantôt des dépressions soudaines sentant sel tantôt des saillies de terrain, soit artifiet cit cielles, soit naturelles. Toutes les difficultés imaginables y ont été accumulées, cu de façon à stimuler le plus possible et à développer l'habileté des amateurs de ce genre de sport. On signale, particulièrecomme ment difficile à franchir, le point de la piste de Cresta désigné sous le nom de « courbe de Charybde ». Les courbes de ce genre sont d'ailleurs nombreuses sur ce parcours, et l'on a même dû, pour
pellent la schlitte
alsacienne, qu'emploient les bûcherons des Vosges pour transporter, du haut des montagnesdans
la plaine, de lour-
des charges de bois, en se servant comme glissoire d'un radier en pente fait
de bûches en grume posées transversale-
contrebalancerlaten-
ment.
dance de laforce centrifuge à chasser le toboggan, lancé à toute vitesse, hors de la piste, revêtir chacune d'elles, sur son côté convexe, d'un
Le premier soin
touristes fut donc de modifier les des
scblittli, non pas seulement dans leurs détails, mais même dans lèur principe essentiel. La position habituelle du coureur en traineau, c'est-à-dire la position assise, fut jugée non seulement peu confortable, en raison de l'attitude qu'oblige à prendre la vitesse de la course, mais encore peu favorable à la direction de l'appareil, car les yeux aperçoivent difficilement la route à suivre. Ce fut cette position qui fut complètement modifiée et qui révolutionna le sport du traineau en Suisse. L'initiative de cette transformation fut prise par un Américain, M. L. P. Child, qui, en 1887, introduisit à Davos un appareil nommé toboggan. Ce nom lui vient d'un appareil analogue dont se servent les Indiens Peaux-Rouges de la tribu MicMac (Amérique septentrionale), et qu'ils appellent tobaakun. C'est une petite plate-forme, montée sur deux patins parallèles et très basse, puisqu'elle n'a que 10 centimètres de hauteur au-dessus du sol. Elle n'a pas plus de 1 m.50 de longueur et 3o centimètres de largeur. Le sportsman s'y allonge à plat ventre, la tête en avant, appliquant la poi-
suivant les circonstances qui peuvent se su
La plate-forme a une
longueur de
hautparapetdeneigee Dans ces conditions, l'intérêt de ce consiste à parcourir la piste le plus sport rapidement possible, en dépit des courbes et des autres accidents de terrain qu'elle
1 m266. Elle repose sur deux ressorts d'acier longitudinaux, en contact avec le sol, sur une longueur de ~mo6z. Ces deux ressorts latéraux sont rivés présente. chacun à une tringle de fer longitudinale, Pour éviter les accidents possibles et réunis entre eux par quatre tringles de en cas de collision entre les sportsmen, fer transversales, de )0 centimètres de chacun des coureurs ne se lance sur la longueur. piste que lorsque celui qui le précède a Il en résulte un bâti métallique de complètement effectué son parcours, à 1 m5° de long sur 3o centimètres de large, moins qu'une glissoire à double voie sur lequel est fixé un parquet en bois, dé- comme il en existe quelques-unes ne couvrant l'avant et débordant légèrement permette à deux coureurs de concourir en en amère. Cette surface est plus ou moins même temps. capitonnée, de telle sorte que la poitrine La piste de Cresta a environ 1 200 y repose le plus confortablement pos- mètres de longueur et une pente moyenne sible. de 125 millimètrespar mètre. A son extréPour s'installer sur cette machine mité inférieure a été amoncelée une colglissante, le sportsman saisit les poignées line de neige, qui sert à ralentir graduelque constituenttout naturellement le pro- lement l'élan du toboggan. En février 1897, cette distance a été longement des patins en ressort à l'avant du toboggan, et il applique son corps sur parcourue en soixante et onze secondes. la plate-forme. PAUL COMBES. En pleine course, le coureur tient les jambes allongées. Mais, pour mettre l'appareil en mouvement, accélérer sa
A
Travers la Corée.
Les Étrangers en Corée.
Après avoir, pendant des siècles, vécu de sa vie nationale, la Corée est devenue. l'enjeu d'une âpre lutte entre les compétiteurs étrangers. Aujourd'hui Russes et japonais se la disputent à coups de casxon; mais l'influence étrangère n'a pas attendu la guerre actuelle pour s'étendreprogressivement sur une nationalitépresque éteinte. C'est une satisfaction de voir qu'aac premier rang se montre la colonie française de Séoul
APRès avoir parcouru cette Italie de l'Extrême-Orient, on ne peut s'empêcher d'admirer sa merveilleuse richesse. Depuis les glaciers de la montagne Blanche, jusqu'aux mers chaudes du sud, s'étagent les trois zones de culture de l'orge et du blé, puis des pois et du riz et enfin du coton, du mûrier et du camphrier. Dans le sous-sol, presque encore inexploré, on a déjà trouvé for, le fer et le cuivre. Et, la péninsule n'étant
cent mille hommes, en grande partie catholiques, ainsi que leur général, Konishi Yukinaga, ce qui a fait croire aux missionnaires qu'on cherchait à sacrifier dans cette guerre les adeptes de la religion nouvelle. De 1592 à 1598, les armées japonaises, de Fou-San jusqu'à Gen-San, se livrèrent à de tels ravages et massacres que les souvenirs de haine en sont encore restés vivaces dans le peuple coréen. Elles combattaient en même temps les armées chinoises, dont trente-huit mille sept cents ca-
habitée que par une population clairsemée et incapable de la mettre en vadavres eurent le leur, on comprend nez et les oreilles que, depuis les oricoupés et expédiés gines de l'histoire, dans du sel à Kioto, elle ait provoqué de où l'on peut encore sanglantes rivalités voir le « Mont des entre l'empire du Oreilles » (Mimicontinent et l'emzuka), élevé avec pire des îles. ces trophées. Puis, Le Japon alléHideyoshi étant guait que, depuis mort, son succesl'expédition de l'imseur fut obligé d'épératrice Jingo, au vacuer la Corée, me siècle, il avait n'y gardant que le reçu les ambassades débarcadère de Foude tribut des rois San, comme, en de Corée. Mais l'uFrance, les Anglais surpateur Li Tadjo, SÉOUL LES PRISONS. avaient gardé Calais fondateur de la dyaprès la guerre de Photographie de M. J. de Pange. nastie actuelle de Cent Ans. Depuis Corée, n'avaitréussi 1637, les souverains de la Corée s'étaient rattachés à se maintenir sur le trône que grâce à la protection étroitement à la dynastie mandchoue qui s'établisdes empereurs Ming, et depuis cette date (1392), sa sait alors en Chine. Ils lui envoyaient, chaque année, dynastie, se tournant de plus en plus vers la Chine, avait négligé de continuer à envoyer, chaque année, une ambassade de tribut et, à leur avènement, recevaient d'elle l'investiture de leur titre de roi et le son tribut au Japon. La conquête de la péninsule fut alors entreprise par le dictateur Hideyoshi, «( le Nanom sous lequel ils devaient régner. Ils dataient leurs traités de l'année du règne de l'empereur, et quand poléon du Japon », un de.ces prodigieux aventuriers des commissaires chinois arrivaient à Séoul, le roi dont le japon du XVIe siècle et l'Italie de la Renaisallait en personne les attendre sous l'arche triomphale sance semblent avoir produit une égale floraison. de la route de Pékin. En 1592, il envoya en Corée une armée de deux A TRAVERS LE MONDE.
N~ 11.
12
Mars 1904.
En 1882, Li Hung
Chang, alors vice-roi du
Tchi-li, sentant grandir la puissance du Japon et ses prétentions sur la Corée, voulut au moins placer ce
pays sous la sauvegarde de traités conclus avec les puissances européennes. Son représentant à Séoul était le célèbre Yuan Tchi Kai, maintenant à son tour vice-
roi du Tchi-li, qui expliqua au gouvernement de Séoul la nécessité d'ou vrir partiellementla Corée aux blancs, et lui fit signer des traités avec les États-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne. Mais, en 1884, le Japon profita de la destruction de la flotte chinoise par l'amiral Courbet pour envoyer un corps de débarquement à Séoul, où se trouvait une garnison chinoise. Puis, en avril 1885, par la convention de Tien-tsin, Ito et Li Hung Chang déclarèrent que les deux puissances
retiraient simultanément leurs troupes, et que chacune prenait l'engagement de ne plus en envoyer à l'avenir sans en avoir averti l'autre partie contractante. C'est de cette convention que, en juillet 1894, le ministère Ito fit sortir la guerre sino-japonaise, quand la révolte de la secte religieuse des Tong Hak rendit nécessaire une intervention en Corée. Le juillet,
2 il proclama l'indé-
pendance
de ce
pays, lui imposa
son alliance, et, six semaines plus tard, les forces militaires et navales de la Chine étaient définitivement chassées de la péninsule. Les Européens
qui à Simonoseki, en mars 1895, vi-
rentLi HungChang
An, etc. En outre, le père du roi, le Taï Ouen Koun, homme «( au coeur de pierre et aux entrailles d'airain », ne pouvait se consoler de ce qu'un coup d'État l'eût écarté du trône au profit de son fils, et conspirait toujours contre la vie du roi et de la reine. Depuis quinze ans, cette lutte se traduisait par des complots, des explosions dans les palais et d'effroyables supplices. Le comte Inouyé entretint avec soin cette haine qui devait lui permettre de jouer le rôle d'arbitre entre les deux factions. Le 7 janvier 1895, il fit jurer au roi, sur les tombes de ses ancêtres, une constitution réglant les pouvoirs des ministres, le budget, et ordonnant la réorganisation de l'armée, de la police ét la création d'un Code criminel et civil. Mais il laissa le soin d'appliquer ce plan de réformes à son successeur, le général de division vicomte Mioura Goro (août 1895)' Les dictateurs japonais trouvaient alors dans la reine une adversaire acharnée, qui obligeait à démissionner tous les ministrescoréens favorablesàl'influence japonaise. Le 8 octobre 189 5, à quatre heures du matin, le palais fut envahi par des soldats japonais et coréens que conduisaient
leurs officier Si.
Avec eux entra une bande de « soshi »
japonais, la plupart vêtus à l'européen-
ne, qui, après avoir bousculé le roi et
traversé les différents appartements royaux, finirent par découvrir la reine dans une des chambres latérales. Ils la hachèrent de coups
de
sabre;
puis, sans même l'achever, jetèrent la demande de paix Photi~graphie de M. J. de Pange. sur elle une coudelaChine, auraient verture de lit et la traînèrent dans le parc, où ils l'arrosèrent de pétrole pu, à plus juste titre que Goethe au soir de Valmy, annoncer une ère nouvelle dans l'histoire; car, par cette et y mirent le feu. Pour éviter toute méprise, on démarche, la Cour de Pékin abdiquait sa suprématie massacra également les autres dames du palais qu'on morale dans le monde jaune et reconnaissaitletriomphe put trouver. L'opinion unanime désigna aussitôt des méthodes de la civilisation du monde blanc. Et comme auteurs du complot, le Taï Ouen Koun et le nulle contrée d'Extrême-Orient n'en devait plus vivegénéral Mioura, que son Gouvernement fut obligé de ment éprouver les conséquences que le « Royaume traduire devant un conseil de guerre, où il fut acquitté. Ermite » qui avait été l'enjeu de la lutte entre ses On le remplaça par le vicomte Komoura (actuellement puissants deux voisins. ministre des Affaires étrangères), mais dans la nuit du Le comte Inouyé, qui, avec son ami Ito, fut un févfier 1896, au cours d'une émeute dans laquelle Il des auteurs de la révolution de 1867 et de la transforle Taï Ouen Koun fut tué, le roi Li Hsi s'évada de mation du Japon, vint alors à Séoul comme ministre son palais avec le prince héritier et se réfugia à la plénipotentiaire chargé de réformer le pays. L'état légation de Russie, que gardait un détachement de d'anarchie chronique, dans lequel se trouve celui-ci, marins. 11 y resta six mois, pendant lesquels il annula était en effet aggravé par de terribles tragédies de tous les édits qu'il avait rendus sous l'influence japopalais. Le roi Li Hsi, faible de caractère et d'esprit, naise. En même temps, il accordait aux Russes des laissait tout le pouvoir entre les mains de la belle et droits forestiers très importants sur les rives du Yalou impérieuse reine Taou Lang Dao, qui appartenait à la et du Tioumène qui séparent la Corée de la Mandfamille Min, la première de la Corée et une des plus chourie. Cette concession, dont le représentant à illustres en Chine comme alliée à la dynastie des em1. Les détails de ce récit sont empruntés au rapport pereurs Ming. Aussi, toutes les faveurs étaient-elles sur les événements d'octobre J 895, rédigé par les soins de réservées à la famille de la reine, ce qui provoqua S. E. Yi Pom Chin, ministre de la justice (traduct. angl. du l'hostilité des puissantes maisons des Pak, des Kim, des Korean Repository, mars (896)..
apporter au Japon
Séoul est le baron Gunzbourg, n'a cessé de soulever les plus graves difficultés internationales, pour l'ouverture des ports d'An-toung et de Oui-djou, qui se trouvent sur elle. Ainsi avec la prépondérance de l'influence russe, la question de Corée entrait dans la politique européenne. Depuis longtemps la Russie surveillait cette péninsule. Non seulement ce sol fertile et peu peuplé offrait un merveilleux avenir à la colonisation, mais encore on pouvait trouver là le fameux port libre, et Gen-San semblait tout désigné pour remplacer Vladivostok bloqué par les glaces, pendant deux mois de l'hiver. C'est pour arrêter toute velléité de ce genre que l'Angleterre, en février 1887, avant d'évacuer Port-Hamilton, avait exigé du ministre de Russie à Pékin l'assurance que le Gouvernement russe n'occuperait jamais un territoire de la Corée. Le Japon crut donc nécessaire de signer un accord avec la Russie, et la convention du 29 juillet 1896, conclue à Moscou, lors du cou-
ronnement de Nicolas II, entre le
vernement coréen 2 millions de yens par la Daï-ichijinko, à la condition que cette banque ait le droit de faire lever les impôts par ses agents dans les provinces du sud de la Corée. En même temps, les Japonais poussent activement la construction de leur chemin de fer de Fou-San à Séoul. Celui-ci est à voie normale de 1 m42 et traverse 3 tunnels d'une longueur totale de 12210 mètres. Il remonte la vallée du Nak-tong jusqu'à Sin-gyo, d'où un embranchement sera sans doute détaché sur Mokpo, pour desservirla province de Tchoel-la, le « jardin de la Corée ». Puis il suit la route du nord jusqu'à No-dol, où il rejoint la ligne qui conduit de Tchemulpo à la porte sud de Séoul. Il parcourt les provinces les plus riches. Le Nak-tong et le Keoum-kiang sont franchis par deux ponts, l'un de 420 mètres, l'autre de 36o mètres. La longueur totale de la ligné n'étant que de 471 kilomètres pour quarante-deux stations, on estime qu'on pourra aller en douze heures de Fou-San à Séoul. Ce chemin de fer doit être prolongé de Séoul à la fron-
tière mandchou-
prince Lobanof et le maréchal Yama-
rienne par le Gouvernement coréen
gata, l'autorisa à entretenir quatre
français.
cents hommes de troupes en Corée,
pour protéger son télégraphe de Fou-
San à Séoul, ainsi que ses nationaux
établis dans ces
aidé d'ingénieurs Mais cette dernière entreprise a provoqué des difficultés de la part des Russes qui craignaient de voir l'influence japonaise, déjà prépondérante à Séoul, s'étendre jusqu'au Yalou avec un chemin de fer qui partirait de la
deux villes et dans le port ouvert de Gen-San. La Russie obtint les mêmes droits et, en outre, capitale. Aussi celui de construire PAYSANS CORÉENS. avaient-ils décidé la une ligne télégraconstruction d'un phique de Séoul à Photographie de M. J. de Pange. embranchementdu la frontière sibéTransmandchourienqui irait de Liao-yang à Oui-djou rienne. Les deux puissances devaient coopérer à la réorganisation des finances et des forces de police du sur le Yalou. Et, en même temps, ils cherchaient à obtenir pour leur agent le baron Gunzbourg, la concesGouvernementcoréen. sion de cette ligne de Oui-djou à Séoul qu'ils commenCependant le roi Li Hsi, retiré depuis février ceraient par le nord, en partant de la frontière, pour 1897, dans le petit palais qu'il occupe actuellement, faire descendre progressivement leur influence dans au pied de la colline sur laquelle s'élèvent les légale sud. En effet, à 3o kilomètres au sud'de Fou-San, le tions de France et de Russie, semblait encore inféodé goulet du « Douglas-inlett », long de 25 kilomètres et à cette dernière. Il n'engageait que des instructeurs large de 3, conduit à l'admirable rade de Masampo, russes pour former l'armée coréenne et, en noabritée par deux îles et que le fleuve Nak-tong met en vembre 1897, appelait en outre un conseiller russe, communication avec les plus riches provinces. C'est là, M. Alexief, pour réorganiser ses finances. Mais, le à égale distance de Chang-haï et de Kobé, que le grand 18 mars 1898, la Russie, étant sur le point d'obtenir Transasiatique russe aboutira nécessairement un jour, du Tsung Li Yamen la cession à bail de Port-Arthur pour atteindre le grand courant commercial qui, de avec le droit d'y construire un embranchement du Singapour à Yokohama et San Francisco, draine toutes Transmandchourien, sembla se désintéresser de la les richesses du Pacifique. Corée, et, par la convention Nishi Rosen, ouvrit ce La colonie française est la plus importante des pays, sinon à l'action politique, du moins aux intécolonies européennes et la grande influence qu'elle rêts économiques du Japon. Bientôt même les conseillers et instructeurs russes quittèrent Séoul, et finexerce est tout entière personnifiée dans deux hommes également remarquables le ministre, M. Collin de fluence japonaise devint peu à peu prépondérante.Elle a Plancy et l'évêque, Mgr Mutel. Le premier, orientaliste obtenu =l'établissement à Masampo d'une concession de carrière et spécialisé en Corée, a su acquérir au purement japonaise et cherche à faire prêter au Gou-
Palais une situation prépondérante. Le second a imprimé à l'église française de Corée un nouvel essor qui lui permettra de résister à la vive concurrence des missions américaines. On ne peut s'empêcher de regretter que ces merveilleuses activités soient égarées dans un pays fermé à notre avenir, au lieu de trouver leur emploi dansl'autre pointbrûlant d'Extrême-Orient, à Bangkok, où, faute de direction, la colonie française a périclité jusqu'à tomber à l'un des derniers rangs. Le chemin de fer du Nord-Ouest, qui doit relier
Séoul à la frontiéremandchourienne,avait été,
en 1896,
concédé à la Compagnie de Fives-Lille. Celle-ci, après les études préliminaires, jugea cette concession peu avantageuse et la laissa périmer en 1899. Notre ministre à Séoul eut alors l'habileté extrême d'arrener le Gouvernement coréen à entreprendre lui-même la ,construction de cette ligne, mais en n'employant que des ingénieurs et du matériel français. On appela donc deux ingénieurs français et un directeur tcchnique destravaux,quiont déjà étudié le tracé de Séoul à Song-to (8o kil.). Mais les embarras financiers du Gouvernement
française, et on peut voir chaque jour des dîners très gais chez les fonctionnaires de Sa Majesté coréenne, pittoresquementlogés à la fortune des yamens disponibles. Le
contraste inquiétant de tous les éléments qui se disputent la Corée apparaît clairement à la réception du 14 Juillet, dans les magnifiques salons de la Légation de France, au cours d'une soirée que doit terminer un brillant souper. Parmi les groupes de diplomates et les couples de danseurs, Yi Yong Ik et les ministres coréens, solennels et compassés dans leurs costumes bleus et blancs, évoquent l'image de l'esprit misonéiste de la vieille Asie. Sans doute, dans le regard énigmatique qui filtre sous leurs paupières lourdes et mi-closes, on pourrait lire, à l'égard de ces étrangers, les sentiments que le Gouvernement de Séoul exprimait naguère au chef d'une escadre américaine « La nation coréenne a vécu quatre mille ans, satisfaite de sa civilisation propre et sans éprouver au-
cun besoin d'en
changer. Nous restons paisiblement
chez nous et n'e sommes
coréenluifontajourner indéti n iment l'exécution des travaux. Un syndicat
jamaisallés
déranger les autres peuples;
pourquoi
venez-vous troubler notre tranquillité ? Votre pays est situé à l'Occident, le nôtre se trouve à l'Extrême-Orient des milliers de milles
lui proposait, en 1901, de lui prêter 5 millions de yen, mais les Japonais firent échouer ce projet. On sait, nous séparent; d'autre part, pour quelle est la raison quelles raisons les qui vous a fait franRusses favorisent chir sur l'Océan une distance aussi conpeu la construction SÉOUL. UN4 RUE DE de cette ligne. sidérable?. Si Notre minisPhotogv~aphiede M. J. de Pange. vous désirez vous tre a encore su réemparer d'une partie de notre territoire, sachez que nous ne le soufserver pour deux officiers français la mission de réorganiser l'arsenal, et il a également obtenu pour ses comfrirons pas; n'aurie.vous même que l'intextiara de vous patriotes les places du conseiller inspecteur des Postes mettre en relations avec nous, cela ne peut j~as étre non et du directeur du service des Mines impériales assisté Plus 1 de deux ingénieurs et d'un constructeur des travaux. Mais plus loin, dans l'embrasure d'une fenêtre, Un conseiller légiste, autrefois premier président de la le ministre de Russie, M. Pawlow, celui qui naguère Cour d'appel de Saïgon, est chargé de la constitution arrachait au Tsung Li Yamen la cession de Port-Arthur, du Code pénal et de l'enseignementdu droit à plusieurs le front chauve et la figure pâle encadrée de barbe, élèves de l'école française. Celle-ci est, de toutes les cause avec le ministre des États-Unis, M. Allen, et le écoles étrangères, celle qui compte le plus d'élèves: une ministre du Japon, M. Hayashi Gosounké, dont un centaine par an, destinés à servird'interprètesdans tous perpétuel sourire plisse les lèvres minces. les ministères dirigés par des Français. Aussi notre lanEt, par la baie largement ouverte derrière eux, les toits de chaume, les palais et les légations de l'imgue est-elle à Séoul au moins aussi répandue que l'angl3lis, quoiqu'il y ait là un collège anglais entretenu par mense ville jaune, engourdie dans son sommeil sécul'Etat et une école anglo-américaine subventionnée. laire, apparaissent au clair de lune comme les cases de l'échiquier géant sur lequel se joue en ce moment la M. Martel, directeur de l'école française, jouit de toute la confiance du Gouvernementcoréen, qui l'a déjà charsuprême partie qui règlera, définitivement peut-être, gé de plusieurs missions importantes à Tché-fou et à la question de l'hégémonie du Pacifique. Tien-tsin. Enfin, à Séoul, le meilleur hôtel de la ville, JEAN DE PANGE. ainsi qu'une grande maison d'approvisionnementgénéral, sont également tenus par des Français. Il en résulte, i. Traduct. citée par le colonel Chaillé-Long-Bey (Ann. dans cette ville si triste, une certaine animation de vie du musée Guimet, T. XXVI, p. i ~).
».
enfin, par la frontière de l'État indépendant du Congo et celle de la colonie portugaise de Cabinda 3° Le territoire de l'Oubanghi-Charicomprenant toute la région située au nord et à l'est du Moyen Congo il est limité au nord par le 7e degré de latitude jusqu'au point où ce parallèle coupe à l'est la ligne du bella et l'enclave de Bangui
La Réorganisation du Congo. Divisions administratives. Unité politique. 1903 et qui vient de paraître à l'Officiel, réorganise le territoire du Congo. Le Congo a longtemps servi de base à notre
UN décret, daté du 29 décembre
action de pénétration dans le Centre africain, et absorbés par ce rôle, ses administrateurs ont négligé son
développement
bassin conventionnel, puis par cette ligne elle-même jusqu'à la frontière de l'État indépendant; 4° Le territoire du Tchad comprenant toute la région située au nord de l'Oubanghi-Chari placée sous l'influence de la France, en vertu des conventions internationales et ne dépendant pas du gouvernement général de l'Afrique occidentale française. Ces régions si diverses, aujourd'hui centralisées à
l'excès entre
les
économique. On s'est enfin aperçu que le Congo était
mains d'un commissaire général,
de nos possessions,
une certaine autonomie. Le Gabon constituera une colonie dirigée par un lieutenant-gou-
la plus dépourvue
tant au point de vue de l'outillage économique qu'à celui des ressources financières. La décision récente va lui donnerla vie prospère à laquelle il a tous les droits. Elle a
été inspirée par les réformes accomplies, en octobre 1902, en faveur de l'Afrique occidentale. Sous la dénomination générale de Congo, étaient
jusqu'à présent comprises des pos-
sessions d'une
en résidence à Li-
breville, auront
verneur résidant à Libreville. Le
Moyen Congo constituera une colonie sous l'autorité
directe du commissaire général; Oubanghi Chari sera administrépar
l'
un délégué du
commissaire général résidant à Bangui et le territoire du Tchad, par l'of-
ficier commandant les troupes stationnées dans, ce territoire. Au point de vue financier, le Gabon et le Moyen
étendue considérable dans lesquelles Congo auront leur lesclimats, lessols, FRANÇAIS. CONGO ADMINISTRATIVES DU CARTE DES NOUVELLES DIVISIONS autonomie et disles systèmes hyposeront chacun d'un budget local spécial. drographiques, les ressources, les moyens de commuPour le Gabon l'affaire est d'importance. nication, les régimes commerciaux et les degrés d'inComme l'avait déjà fait remarquer, en 1900, le fluence que nous exerçons sur les populations diffédélégué du Congo au Conseil supérieur des colonies, raient sensiblement. les revenus du Gabon sont absorbés en grande partie A partir du 1er juillet prochain, ces possessions le seront réparties, suivant leur nature, en quatre régions par les dépenses faites dans le nord de la colonie, et Gabon ne peut pas se développer. Il n'en sera plus distinctes ainsi à l'avenir. Les revenus du Gabon ne seront plus 1° La colonie du Gabon, c'est-à-dire l'ensemble appliqués à l'œuvfe politique poursuivie dans l'intéde la région maritime comprise entre la Guinée esparieur des monts Canaris, mais au Gabon exclusivement. gnole, le Cameroun et les limites du bassin convenMalgré cette scission administrative des diffétionnel du Congo. rentes parties du Congo, l'unité politique des quatre 2° Le Moyen Congo, comprenant tous les terrégions est maintenue. Dans ce but elles sont placées toires limités par le Gabon et la frontière du Carriecommissaire-gésous le gouvernement commun d'un roun jusqu'au 7e degré de latitude nord, puis par ce néral, dépositaire des pouvoirs du Gouvernement de parallèle jusqu'à la ligne de partage des eaux entre le la République, qui résidera à Brazzaville. bassin du Chari et du Congo, et par cette ligne de parL'organisation nouvelle a été conseillée par tag-e des eaux jusque et non compris le bassin de l'Om-
M. Gentil, qui récemment occupait les fonctions de
commissaire général au Congo et qui connaît admirablement cette partie des territoires africains; c'est une garantie pour que le système adopté soit rationnel et produise ses fruits.
La Guerre russo-japonaise et
les Missions françaises en Ex-
trême-Orient.
DEPUIS que les hostilités ont éclaté entre la Russie et
le Japon, les appréhensions de la Propagande au sujet des missions de l'Extrême-Orient sont assez vives. Au moment où l'on pouvait espérer que la paix leur serait rendue après qu'elles furent si fortement éprouvées par la guerre et la révolte des Boxers, les
voici replongées dans une inquiétante expectative. La situation des missionnaireset de leurs oeuvres intéresse tout particulièrement les Français, car les territoires dans lesquels ont éclaté les hostilités sont tous évangélisés par la Société des Missions étrangères de Paris, dont le siège principal est rue de Sèvres. Ce sont les missionnaires de cette Société qui évangélisent dans la Mandchourie, divisée en deux vicariats ce sont eux encore qui se trouvent en Corée; enfin ce sont eux aussi qui sont au Japon, où Léon XIII, en t 8c~ i établit la hiérarchie régulière et créa l'archevêché de Tokio et trois évêchés. L'archevêque, les évêques, les vicaires apostoliques et tous les missionnaires sont Français. L'immense vicariat de la Mandchourie venait à peine d'être divisé en deux vicariats, lorsque éclata la guerre des Boxers. Dans la Mandchourie septentrionale, il y a pour vicaire apostolique Mgr La-
louyer, qui est de Rennes. Il a sous sa dépendance seize missionnaires, également Français, et cinquantequatre religieuses, appartenant à la congrégation des soeurs de la Divine-Providence de Portieux, en Lorraine. Le vicariat de la Mandchourie méridionale a
pour vicaire apostolique Mgr Choulet, un Savoyard du diocèse de Chambéry, qui commande à vingt-cinq missionnaires, et à cent quatre-vingt-dix-huitreligieuses, en partie indigènes et en partie provenant de la congrégationde Portieux. Les rapports de ces deux vicaires à la Propagande déclarent que, depuis deux ans, ils travaillent à relever les missions des ruines laissées par les Boxers églises, résidences, établissements. Ce n'était d'ailleurs pas sans peine jusqu'à ces temps derniers, les Russes ont dû intervenir pour défendre les missionnaires contre les attaques des brigands et des
Boxers. Dans les deux vicariats de la Mandchourie, il y a environ 28000 catholiques, sur 20 millions d'habi-
tants.
Pour la Corée, il n'y a pas lieu d'être beaucoup plus rassuré. Ce vicariat, créé en 183 1, est celui qui a donné le plus de martyrs, exactement trois évêques et onze prêtres. Le vicaire apostolique, Mgr Mutel, est originaire du diocèse' de Langres. Il a sous sa dépendance quarante et un missionnaires français et onze prêtres indigènes. Il y a en Corée 25000 catholiques sur 15 millions d'habitants. Quant aujapon, il n'est plus traité, à proprement parler, en pays de mission, puisqu'il a un archevêché à Tokio et trois évêchés à Nagasaki, Osaka et Hakodaté. L'archevêque, Mgr Osouf, est un Normand de Coutances. C'est un des vétérans les plus remarquables des missions. Il fut d'abord, en 1876, vicaire apostolique au Japon ensuite, promu archevêque, en t 89 t lorsque Léon XIII érigea la hiérarchie dans l'empire du mikado. Ses trois suffragants sont Mgr Cousin, du diocèse de Lyon Mgr Chatran, du diocèse de Belley; Mgr Berlioz, du diocèse de Chambéry. La population du japon est, approximativement, de 40 millions d'habitants avec 58000 catholiques. Il y a cent dixhuit missionnaires de la Société des Missions étrangères et trente-deux prêtres indigènes. Pour correspondre aux aspirations des japonais, les religieux et religieuses de France se sont attachés à fonder des collèges, des pensionnats, des écoles, etc. Les Frères de Marie ont, à Tokio, un collège florissant, monté sur le même pied que leur collège de Stanislas à Paris. Ils ont des pensionnats, des écoles de commerce et autres très fréquentés. A côté d'eux travaillent les Dames de Saint-Maur, les Soeurs de SaintPaul de Chartres, les Soeurs de l'Enfant-Jésus et les Franciscaines missionnaires de Marie. Du côté du japon, il n'y a pas lieu d'être trop inquiet; cependant, depuis l'époque de la guerre avec la Chine, on montre dans certains milieux japonais plus de froideur à l'égard des étrangers. Comme on le voit, si l'Église catholique doit être préoccupée de cette guerre, la France doit l'être tout spécialement. Mgr Merry del Val, le secrétaire d'État du Saint-Siège, a transmis à M. Goustabof, ministre de Russie auprès du Saint-Siège, la prière du pape recommandant à la bienveillance du Gouvernement russe les missions catholiques en Mandchourie.
Pourquoi les Sympathies des États-Unis vont au Japon. EMPIRE des tsars et la grande démocratie américaine ont été naguère les meilleurs amis du monde, malgré la diversité si profonde des. institutions. Mais les temps sont changés la nouvelle politique d'expansion mondiale des États-Unis s'est rencontrée en Extrême-Orient avec la puissance russe; de plus, le commerce américain a trouvé dans le Japon un client beaucoup plus important que ne l'est la Russie. On s'explique ainsi pourquoi, dans le conflit actuel, l'atti-
tude des États-Unis décèle une préférence marquée pour les japonais. L'exportation des Etats-Unis vers la Russie atteint, d'après les statistiques de I9o2-yo3 de l'or-
gane économique new-yorkais Bradstreet's, 17600000 dollars, c'est-à-dire 88 millions de francs. De leur côté, les Américains n'achètent aux Russes que pour 9282000 dollars, soit pour 47 millions de francs. Bien que le commerce russo-américain ait doublé en quelques années et ait atteint son chiffre le plus élevé jusqu'ici, 135 millions de francs, il ne représente qu'un peu plus du tiers des échanges entre les États-Unis et le Japon, qui s'élèvent au total à 325 millions de francs pour cc~o3, contre 293 millions en
Les
États-Unis ont exporté vers le Japon, en 1903, pour 20900000 dollars, soit 105 millions de francs, et ils ont importé du japon pour 44 140000 dollars, soit 220 millions de francs. Le japon vient le douzième des plus gros clients de l'exportation américaine, la Russie figure plus loin. La part que les Américains prennent dans les importations au japon est de 17.9 pour 100, c'est-à-dire de près d'un cinquième, alors que la part qu'ils prennent dans les importationsen Russie est d'un peu plus d'un quinzième. L'empire du mikado a offert à l'exportation américaine un champ d'affaires beaucoup plus propice que la Russie. Le commerce et l'industrie des États-Unis ont été des plus favorisés par l'évolution du japon vers la civilisation occidentale. C'est ainsi que les Américains, qui ne fournissaient aux japonais, en 1881, que pour un million de dollars à peine de marchandises, soit environ le vingtième de l'importation japonaise, étaient arrivés, en 1900, à leur en fournir pour 3o millions, soit 22 pour 100 du total. En vingt ans, les Américains avaient trois fois décuplé leur importation au Japon. Si les relations commerciales sont, plus que le
sentiment, un facteur de rapprochementdes peuples, la comparaison des chiffres qui précèdent, en dehors d'autres considérations de politique internationale, suffirait à expliquer pourquoi les sympathies des .c.tatsUnis vont très manifestement aux japonais dans le conflit engagé en Extrême-Orient.
Une Confusion à éviter.
Il
y a
Khounkhouzes et Toungouses.
Nous croyons devoir insister sur
Les Khounkhouzes sont des brigands qui ra-
vagent la Mandchourie, pillent les voyageurs et s'attaquent même aux soldats russes; les Toungouses sont de misérables sauvages qui vivent et dépérissent, disséminés dans toute la Sibérie Orientale. Les Khounkhouzes ont récemment encore attaqué un des bateaux qui font le service de la Soungari; depuis longtemps ils ont établi des postes aux confluents des rivières qui
tombent dans le fleuve Amour. Toute barque qui passe est arrêtée et le Chinois qui va vendre à la ville russe la plus voisine un chargement de céréales ou de légumes est gardé à vue, pendant qu'un des brigands se charge de le remplacer et de négocier la vente. Revenu au poste, ce dernier remet 70 pour ioo du prix de vente au propriétaire de la barque; le reste de la somme est l'impôt que prélève la bande. Les Kounkhouzes ont commis méfaits sur méfaits dans le territoire russe même. Ils ont enlevé des commerçants de Khabarovsk, dont les fils ont dû payer la rançon, n'osant se plaindre aux autorités compétentes. La terreur qu'ils inspirent est grande, et lorsque des Chinois ou des Coréens reviennent par terre dans leurs villages après un été passé à travailler à Vladivostok, il suffit de quatre ou cinq Khounkhouzes pour arrêter une bande de cent hommes. La vengeance des brigands est toujours terrible l'assassinat et l'incendie sont leurs procédés ordinaires et leurs crimes sont fréquents. Le gouverneur de Vladivostok savait que plusieurs des notables commerçants chinois, habitant dans sa ville, payaient chaque année un tribut aux brigands; personne n'osait trahir ces derniers, qui avaient et ont encore des espions partout et dont la puissance est redoutable. Il est vrai de dire que bien des faits commis par les troupes régulières chinoises ont été attribués tout gratuitement aux Khounkhouzes, et l'on assure que quelques fonctionnaires chinois et non des moindres ont parfois traité avec eux et les ont chargés d'exécuter leurs vengeances. La Russie, par contre, trouve dans la présence des Khounkhouzes sans cesse menaçants, une raison très valable de non-évacuation. D'après les journaux d'Extrême-Orient, les Khounkhouzes se sont groupés, au nombre de 6 à 7000; et bien armés, ils ont fait leur apparition dernièrement dans le bassin inférieur du Liao-hé, à 4o kilomètres de la voie ferrée. Cette petite armée s'avançait pillant et brûlant tout; elle se rendait maîtresse des jonques et des bateaux; le chef serait un Khounkhouze fameux nommé Tou-li-Sane. La disette qui règne en ce moment dans la Chine méridionale aurait provoqué un mouvement d'immigration d'indigents en Mongolie et en Mandchourie et tous ces miséreux se seraient joints aux brigands. C'est un élément de résistance avec lequel les Russes devront compter.
la rectification
d'une erreur signalée déjà dans un de nos précédents articless et que l'on voit trop couramment reproduite par les journaux quotidiens. Il s'agit de la confusion si fréquemment commise entre les Khounkhouzes et les Toungouses. 1.
Voir r A travers le Monde, 1904, page 51.
Victor Bérard.
La Turquie et l'Hellénisme conlemporain. Ouvrage couronné par l'Académie française. Paris, Félix Alcan, éditeur, 19Q4. Cet ouvrage vient d'atteindre sa cinquième édition. Ce résultat vaut tous les éloges.
Contre l'~ducation des Nègres en Amérique. Voici encore un gouverneur d'un État du sud, qui se prononce nettement contre l'éducation des nègres. Ce gouverneur est celui du Mississipi. M. Vardaman vient d'adresser à la législature de cet État un message spécial, dans lequel il allègue que les nègres lettrés commettentplus d'infractions aux lois morales et criminelles que les illettrés, que la race va sans cesse dégénérant sans espoir de jamais se relever de sa déchéance, et que la criminalité chez les nègres a augmenté, depuis vingt ans, de 33 pour 100. Il en conclut que l'éducation est plutôt nuisible à la race noire et qu'il faut abandonner toute politique tendant à la développer. Ce message soulève de vives critiques dans le Nord,
dont les théories inhumainesdu gouverneur du Mississipi, qui ont cours dans tout le Sud, vont faire le seul refuge possible pour une race qu'elles condamnent au désespoir.
Changement de dénomination du Soudan égyptien. Un avis officiel porte que, dorénavant, la province de Fachoda sera désignée sous le nom de province du Haut-Nil, la ville de Fachoda sous le nom de Kodok, et le village de Fachoda sous le nom de Dabwar. Ces changements de noms
devront être introduits dans toutes les cartes et rapports du Gouvernement et dans toute autre publication.
Les
grands Travaux de l'Afrique occidentale.
On sait qu'une loi du 5 juillet 1903 a autorisé le Gouvernement général de l'Afrique occidentale française à contracter un emprunt de 65 millions, applicable au remboursement d'emprunts antérieurs et à l'exécution de divers travaux d'utilité publique, parmi lesquels figure le prolongement du chemin de fer de la Guinée, déjà exécuté sur une longueur de 148 kilomètres à partir de Konakry jusqu'à Kindia, ainsi que divers travaux d'assainissement de villes,
d'aménagement de ports.
Un décret du 23 juillet a autorisé le Gouvernement général à réaliser par voie d'emprunt une somme de 40 millions à valoir sur les 65 millions prévus par la loi précitée. La somme de 40 millions. a été réalisée par voie d'émission publique, le 8 septembre dernier, et le Gouverne-
ment général de l'Afrique occidentale française dispose des ressources nécessaires pour assurer le service régulier de cet emprunt. En conséquence, le ministre des Colonies vient de
faire signer trois décrets autorisant l'ouverture 1° Des travaux de la section du prolongement du chemin de fer de la Guinée, comprise entre Kindia et Sambaïa
2° Des travaux d'assainissementprojetés dans les villes de Saint-Louis du Sénégal, Dakar et Rufisque; 3° Des travaux projetés pour l'aménagement du port de commerce de Dakar.
Progrès de la Pacification sur la
Frontière marocaine.
du
Les informations venues de Beni-Ounif, rendantcompte mouvement de détente si remarquable qui se produit
chez les tribus marocaines, dont l'Algérie a eu le plus à souffrir dans ces dernières années, attribuent ce résultat à l'augmentation des postes militaires de l'extrême-sud. C'est une erreur. Non seulement le nombre des postes dans la Zousfana n'est pas accru, mais il doit être sensiblementdiminué à bref délai. C'est à l'organisation de forces mobiles, substituées aux contingents réguliers, au renforcement de nos postes, par des
sections d'artillerie, à notre installation dans l'ouest du Bechar, et au prolongement de la voie ferrée vers Ben-Zireg qu'il convient d'attribuer le rapprochement des tribus marocaines fortement impressionnées par les vigoureuses opérations de police, conduites, ces derniers temps, par le général Liautey, et par les mesures prises par le Gouvernement, depuis quelques mois. Au printemps, le système de défense recommandé par M. Jonnart, et approprié aux exigencesde la sécurité sur nos confins de l'ouest, sera complètement appliqué. Les coups de main des pillards ne seront pas rendus impossibles sur une frontière de 1 200 kilomètres, dont nous occupons, depuis deux ans seulement, une partie, la plus exposée aux surprises, ils peuvent toujours se produire, mais ce ne seront plus que des incidents isolés et sans lendemain. Le gros des tribus, jusqu'ici hostiles, entrera de plus en plus en relation avec nous, pour le plus grand profit de notre influence' politique et de notre pénétration économique dans le Maroc.
Retour de la Mission du Chari-Oubanghi. Chari-Oubanghi est rentrée en France après trois ans et demi passés dans l'Afrique centrale. DiriLa mission du
gée par M. Auguste Chevalier, directeur du laboratoire colonial du Muséum, cette mission avait pour but de reconnaître et d'étudier le bassin du Chari, les territoires situés au nord et à l'ouest du Tchad et la partie du bassin de l'Oubanghi touchant au Chari. La mission devait recueillir en outre des collections, étudier la valeur économique du pays et créer un jardin d'essai. De Krébedjé, qui a été choisi pour établir le jardin d'essai, la mission a gagné la haute Ombella, est revenue sur la Kemo, puis a gagné Fort-Crampel, et de là les Etats du sultan Mohammed S'noussi, en prenant sa capitale N'délé
comme base d'opérations. Le pays a été presque complètement dépeuplé par les faiseurs d'esclaves du Bahr-el-Ghazal d'abord, puis par Rabah, enfin par le S'noussi lui-même, qui vendait ses propres sujets. Depuis l'établissement de notre domination, celui-ci se contente de récolter du caoutchouc. Le S'noussi a détruit le gros centre de Dembélé. Dans cette région, située sur les confins du Darfour, se trouve le point de partage des eaux du Chari, de l'Oubanghi et du Nil. Elle n'a que 800 ou 900 mètres d'altitude. Dans les vallées, entre des collines de grès couvertes de bambous, croissent quelques lianes à caoutchouc et aussi un caféïer arborescent, dont les caravanes, depuis plusieurs siècles, portent les
grains à Tripoli.
La mission a également visité le Mamoun, vaste marais recevant les affluents du Chari, venus du Darfour le lac Iro,
où vit une population lacustre, et où les femmes d'une autre race, les Saras font descendre leur lèvre inférieure jusqu'à leur cou, en y accrochant une lourde assiette de bois; le Dékakiré, dans le Baghirmi, ancien lac desséché où vivent en-
core, sur des pitons granitiques inaccessibles, des sauvages noubas dont les cases sont parmi les plus exiguës qu'on connaisse. L'ancienne capitale du Baghirmi, Massénya n'existe plus. Elle a été remplacée par la ville de Tjecna, située sur le Ba M'bassa, qui sert de défluent au Chari dans ses grandes crues. Plus haut, vers le nord, à partir du i 2e parallèle, il n'y a plus que des nomades pasteurs et des mimosées épineuses. Quant au Kanem, il est presque désert. Plus bas, entre le 9" et le oe parallèle, à l'ouest de Fort-Archambault, se trouve au contraire une région fertile, dont la capitale est Palem-Goundi, riche en mil et en coton, analogue au qU:ldrilatère Djenné-San-Ségou dans le delta intérieur du Niger. Comme la voie de la Bénoué est praticable, le coton qu'il produit pourrait être exporté. M. Chevalier est d'avis que seule cette portion du bassin du Chari, avec les rives et les îles du Tchad, présente un intérêt éco-
nomique.
Une Cité française naturalisée américaine. La Nouvelle-Orléans en 1803 et en 1903. Il y a
eu cent ans, le 2o décembre, que les Américains, ayant acheté, pour une somme de 8o millions, la Louisiane à Napoléon Bonaparte, ~rirent possession de la Nouvelle-Orléans, capitale de l'État, et devinrent ainsi, sans cou~ férir, maîtres de ces immensités découvertes, explorées, ,~euplées par ancêtres et constituant la ~lzss belle des colorzies françazaes. Les États-Unis ont compris la grandeur de l'événement nos à accompli cette époqr~e; aussi ont-ils voulzs en célébrer le centenaire par une exposition, qui aura lieu, le printemps prochain, à Saint-Louis, tandis que la Nouvelle-Orléans a organisé, ~our les 18, 19 et 20 décembre, des fêtes nationales.
Lléon, vente de la Louisiane fut peut-être, pour Naponécessité,
mais, certainement, pour la une France, une perte et une humiliation. Malgré cela, le temps a fait son oeuvre, l'oubli du passé est venu, et les circonstances se sont modifiées à ce point que Gouverne-
notre
avec celle du pays, et qui constituait le port d'importation et d'exportation pour le commerce de l'Europe avec le sud des États-Unis. Les environs de la ville étaient marécageux et sillonnés de petites rivières, coulant au milieu de
grands arbres et d'une végétation luxuriante. Dans
ment prend officiellement part à l'Exposition de Saint-Louis, et que
les vastes planta-
tions; situées
notre consul, à l'occasion de la
le
long du Mississipi, -des nègres esclaves
commémoration du transfert de la
cultivaientl'indigo et la canne à sucre, sous la direction de maîtres beaucoup moins cruels que ne le veut la légende. Les planteurs créoles, dont beau-
Louisiane aux États-Unis,
vient
de prononcer un discou1s à la gloire de la grande répu-
blique duNouveauMonde. En i8o3, la
étaient de
coup Louisiane comprenoblesse française, nait presque tous les de Marigny, de les États actuels du Boisbriant, de Rofsud des États-Unis, fignac, de Poincy, mais n'avait de d'Herbigny, de VeBATEAU FAISANT LE SERVICE DU HISSISSIpI. terres cultivées que zin, d'lmécourt, les bords des D'après une pJ:otographie. sur etc., menaient, fleuves ou des ridans leurs maisons vières. Elle communiquait, avec le reste du monde, enveloppées de vérandas et construites toutes sur un par le Mississipi et de nombreux voiliers se rendant en même modèle, imposé par le climat, une existence très Europe. Ses centres de population n'étaient que des large, presque seigneuriale et habitaient, l'hiver, la villages, ou plus exactement des postes fortifiés, comme Nouvelle-Orléans. Saint-Louis; toute la vie de la colonie se concentrait à La capitale de la colonie n'avait pas t 5 00o habila Nouvelle-Orléans,dont l'histoire peut être confondue tants elle se composait d'un quadrilatère, dont un côté A
TAAVI!RS LE MONDE.
128 LIV.
N°
12.
19 Mars 1904.
était fermé par le Mississipi, et les trois autres, par des
fortifi~~ations un peu primitives, composées de fossés,
de palissades et de petits fortins, protégeant les angles et les portes. Au centre, la cathédrale SaintLouis s'élevait sur une immense place d'armes, bordée de casernes et allait jusqu'au fleuve. A côté de la cathédrale, était un beau monument, d'une architecture artistique et très soignée, servant de Cabildo, où s'accomplit, le 2o décembre, la transmission des pouvoirs entre Laussat, préfet colonial français et le gouverneur Claiborne qui, avec le général Wilkinson, avait été délégué par le Président Jefferson pour prendre possession de la Louisiane. Les monuments étaient peu nombreux à cette époque, la nature du terrain rendant très difficile la construction de grands bâtiments. Un des plus importants était le couvent, élevé, aux frais de la colonie, pour les Ursulines qu'on avait fait venir de France dans le but de leur
confier l'instruction et l'éducation
des jeunes filles
créoles. La ville, reposant sur des terrains très bas, mais protégés par une
digue contre l'envahissement des
eaux du fleuve,
n'était pas soumise aux prescriptions actuelles de voirie et d'hygiène.
Les rues, après chaquepluie, se transformaient
en lacs de boue,
fer qui rapprochent singulièrement de San Francisco, de Chicago et de New York, l'ancienne capitale ie la Louisiane. En débarquant d'Europe, le voyageur peut, par New York, Philadelphie et Washington, atteindre la Nouvelle-Orléans en quarante heures, sans quitter
son confortable et luxueux pullman. La gare est située au pied de la rue du Canal, une grande artère de 6o mètres de large, partant du fleuve pour se diriger vers le lac Ponchartrain, et divisant la ville en deux parties bien distinctes. La rue du Canal fait l'office de nos grands boulevards. Là se trouvent tous les beaux magasins, tous les clubs, la tête de ligne de tous les tramways électriques. Là, on se promène, on flâne et on se rencontre à l'abri du soleil et du mauvais temps, sous des portiques, à l'instar de nos arcades de la rue de Rivoli. C'est dans cette énorme percée, digne d'un Haussmann américain, sur l'emplacement de l'ancien fort Saint-Louis, qu'a été érigé le « Custom House
le plus imposant
monuments publics du Sud des
des États-Unis, un lourd édifice de
granit, dont la construction surf
pilotis futcommencée en 1847, et qui renferme les
bureaux de la Douane et de la Poste. L'extérieur n'est remarquable que par la masse; mais à l'intérieur, se trouve le hall le
plus vaste et le
dominés par des plus beau du Noutrottoirs de planveau Continent.Ce IOTEL DE VILLP: DE LA NOl:VELf.E-ORLÉANS. ches étroites; et gigantesque vaisD'après utte pltotograpltie. pour sortir, le soir, seau est soutenu il fallait s'éclairer par quinze colonavec une lanterne. Mais ce même état de choses exisnes de marbre blanc, hautes de plus de 12 mètres, et tait, à cette époque, dans beaucoup de nos villes de dont les chapiteaux sont artistement sculptés. France; et malgré cela, la société de la Nouvelle-Orléans A gauche de la rue du Canal se trollve le quarétait très raffinée, les femmes réputées pour leur beauté tier des affaires, absolument semblable à ceux de tous et leur élégance, les maisons étaient heureusement inles grands centres des États-Unis. Autour de la Bourse stallées, et les réunions mondaines, nombreuses. Il y des cotons s'entassent des banques et des bureaux, avait plusieurs théâtres, et l'un d'eux jouait de grands contenus dans de hauts « buildings ». Un d'eux, le opéras. En 1798, le duc d'Orléans, le duc de MontpenHennen Building », a dix étages et représente un tour «( sier et le comte de Beaujolais vinrent en Louisiane, où de force d'architecture, car en raison du peu de résistance du sous-sol, il a été élevé sur pilotis. se trouvaient déjà beaucoup d'émigrés, et à cette occasion on donna des fêtes, qu'un témoin oculaire qualifie L'hôtel de ville est situé à la limite du quartier de « superbes, aussi bien ordonnées que celles des des affaires, en face d'un beau square. Selon la cougrands seigneurs de la Cour de Versailles ». tume américaine, il est ouvert à tous, et au bureau de la statistique on peut se rendre compte de l'immense Il y a quelques années, on se servait encore, développementqu'a pris la Nouvelle-Orléans de 1903. pour se rendre à la Nouvelle-Orléans, des steamers faisant les services entre New York et ce port, ou de Elle forme, le long du Mississipi, un croissant de grands bateaux, véritables hôtels flottants, venant de 20 kilomètres, qui lui a fait donner le nom de « CresSaint-Louis par le Mississipi. Malgré le pittoresque du cent City ». Sa population était, en i 8 c o, de 17 7 00o hatants, en 1850 de t i6ooo, et en 1870 de 19 1 ooo; elle voyage, ces deux voies trop longues sont presque atteint aujourd'hui le chiffre de 300000 habitants, et abandonnées, et on arrive maintenant à la Nouvellepossède toutes les institutions politiques, administraOrléans par une des nombreuses lignes de chemin de
tives, financières, commerciales et charitables nécessaires elle est le port le plus important du monde pour l'exportation du coton, qui représente une valeur approximative annuelle de 500 millions et fournit le fret à plus de mille vapeurs de toutes nationalités. Plus loin, en remontant le fleuve, dans le haut de la ville, a été construit le quartier neuf, presque exclusivement habité par les Américains. Dans de grandes avenues, dont le parfait entretien est à remarquer, les plus riches ont fait bâtir, au milieu de jardins très soignés, des villas en granit, en briques ou en bois, d'un style un peu baroque. L'extérieur est somptueux, la façade est ornée d'une véranda où les femmes et les jeunes filles s'installent dès que le soleil commence à baisser, l'Américain se complaisant à exhiber aux passants sa maison et sa famille, qui constituent une preuve du bon état de ses affaires et de la largeur de son crédit. C'est du côté droit de la rue du Canal qu'il faut aller pour retrouver les restes du passé la vieille ville et les créoles,
d'y inaugurer solennellement, le 2o décembre, un musée historique. La cathédrale Saint-Louis a été, en partie, reconstruite, sur les plans primitifs. Le palais, élevé sur l'ancien emplacement du couvent des Capucines, est devenu le palais de Justice; la place d'armes a été
transformée en un square, et les casernes sont, depuis bien longtemps, démolies. La haute berge du Mississipi, où jetaient l'ancre les vaisseaux du roi, a été recouverte de planches qui supportent une affreuse gare de marchandises cachant le fleuve et la petite ville d'Alger, bâtie sur l'autre rive. Le couvent des Ursulines est assez bien conservé, à l'extérieur et à l'intérieur; mais, dépourvu de tout travail d'art, il n'a qu'une valeur historique. Certains immeubles, où habitaient des personnages célèbres dans les annales de la colonie, sont encore debout, généralement très délabrés et radicalement transformés par des réparations successives qui ne les ont pas embellis.
les descendants de
ciens occupants. La NouvelleOrléans de 1803
taines maisons
nant, le quartier
le Vieux
existent encore des débrisduluxe-d'au-
Carré ». Il ne reste
trefois un bout de
plus aucune trace
corniche finement sculpté, des traces
des défenses élevées par les Français et les Espa~gnols; les fortifi-
coins de rue, on retrouve des détails certainement antérieurs à 1803; des balcons en fer forgé, d'un joli dessin des fenêtres cintrées, ornées à auvent; de belles ferrures du xvue siècle. Dans cer-
forme, mainte«(
tous les
de sculptures en ruines; des portes
race latine des an-
dit
A
de peintures muLE SQUARE JACKSON.
rales, quelques
cheminées artistications ont été, D'après nne photographie. depuis longtemps, ques et des portes démolies, et les fosen acajou massif. Les plus riches créoles ont, en effet, abandonné sés comblés sont devenus de larges avenues. Mais les leurs anciennes maisons du « Vieux Carré » pour s'inrues intérieuressubsistent encore et portent toutes des staller rue de l'Esplanade, une grande route ombreuse, noms de notre histoire rue Royale. rue Bourbon, rue Dauphine, rue d'Orléans, rue de Chartres. En raison du qui autrefois conduisait d'une des portes de la ville mauvais état et de la vétusté des constructions, cette au bayou (rivière) Saint-Jean. Là, les maisons sont partie de la ville a été presque entièrement abandonnée dans le genre de celles du quartier américain mais toutes de dates plus anciennes, et d'un extérieur moins au petit commerce de détail, aux immigrants français luxueux. Ce sont elles qui conservent, bien vivants, et italiens et aux créoles ne pouvant pas payer de les souvenirs de la période française. Aujourd'hui, tout gros loyers. Beaucoup d'enseignes sont en français; les magasins ressemblentà ceux d'une de nos sous-préfecle monde, à la Nouvelle-Orléans, sait l'anglais, exclusivement enseigné dans les écoles, exclusivement tures du Midi de petits restaurants affichent des repas à prix fixe et à la carte. On a vraiment l'impression parlé dans le monde des affaires; cependant, rue de d'être dans un morceau de France, détaché à une époque l'Esplanade, le français reste la langue de la famille; récente. L'Opéra joue en français, le journal l'Abeille c'est avec nos contes que les mères amusent leurs enfants, avec nos chansons qu'elles les endorment. se publie en français à la cathédrale, on prêche en français; au marché, on vend et on achète dans notre D'ailleurs, les intérieurs ressemblent un peu à ceux de langue qui, en réalité, domine. nos provinces; on y conserve de vieux meubles EmLes rares monuments qui ornaient la place forte pire, des pendules à colonnes, des portraits de famille, de i8o3 subsistent encore. Le Cabildo renferme, au des dentelles et des bijoux anciens, et souvent, dans rez-de-chaussée, une prison, et, au premier étage, les une vieille malle, reléguée au grenier, des parchemins locaux de la Cour suprême de la Louisiane; on vient datant de Louis XIV. On y étudie nos classiques, nos
opéras du vieux répertoire et notre histoire ancienne. Le Français, de passage à la Nouvelle-Orléans, qui peut pénétrer dans une de ces vieilles demeures est envahi par une indicible mélancolie à l'évocation de cette époque lointaine qui se mêle à l'image de la patrie absente. GEORGES SAUVIN.
L'Eau et le Radium. DEPUIS que la merveilleuse découverte des Currie est entrée triomphalement dans le domaine de la science, le radium est devenu le sujet de vives controverses parmi les gens qui se piquent de faire ménage avec les cornues et les alambics. Puisque c'est presque une question à l'ordre du jour, àlaquelletout le monde s'intéresse plusou moins, les journaux ne manquent pas d'entretenir la curiosité du public sur ce sujet par des trouvailles sensationnelles. Tantôt c'est une feuille londonienne qui annonce à ses lecteurs l'existence de cette inappréciable matière dans les minerais d'uranium, tirés des mines de Coomb Farm, en Cornouailles; tantôt c'est le professeur d'une hypothétique faculté américaine, qui affirme avoir rencontré le radium en de telles quantités, qu'on pourrait, avec toute facilité, l'utiliser pour des buts
pratiques.
Sans aller plus loin, je vais mentionner un phénomène de la nature, que tout le monde peut contrôler de ses propres yeux, lequel phénomène pourrait bien avoir une relation plus ou moins rapprochée avec les irradiations propres au radium. C'est le Dr Himstedt, de Fribourg, qui vient de me rafraîchir la mémoire. Cet éminent chimiste, qui s'est spécialisé dans les analyses des eaux, a souvent constaté, dans certaines eaux et dans le pétrole, la présence d'un gaz qui se comporte comme le radium et est susceptible d'émettre des irradiations parallèles, sinon identiques. 11 est d'avis, en outre, que dans la nature existent des corps beaucoup plus considérables qu'on ne l'a cru jusqu'ici, qui sont doués de la phosphorescence des rayons Becquèfe1. Cette hypothèse tendrait à démontrer, ou que
le radium est extrêmement répandu sur la terre, ou
que d'autres corps mystérieux existent, capables des mêmes propriétés, lesquelles ne sont rendues sensibles que lorsqu'ellesviennent à traverser certains liquides. En apprenant cette découverte, je me suis rappelé que j'avais été très intrigué jadis par l'étrange aspect de la source du Clitunno, près de Spoleto (Ombrie). Cette source est célèbre pour la magnifique irisation des profondeurs d'où elle jaillit. Cette merveille était, jusqu'ici, attribuée à l'interférence de la lumière solaire, ce qui est assez discutable. En effet, cette eau n'est pas seulement douée d'une vive phosphorescence, lorsqu'elle demeure dans l'obscurité, mais elle exerce aussi une action chimique sur le verre incolore, semblable en ce qu'elle le teinte d'une nuance violette,
qui au ton le plus éclatant de la nébuleuse opalescente se forme au sein de la source. Comme cette eau possède des vertus thérapeutiques, on l'a captée dans un grand réservoir, d'où elle s'épanche par des robinets qui la distribuent aux buveurs. Or, si les verres, avec lesquels ceux-ci la puisent, ne sont pas renouvelés, au bout d'un certain laps de temps, ils prennent peu à peu une belle teinte violette, et cela sans endommager en aucune sorte la transparence du verre. Ce n'est donc pas une matière minérale dissoute dans l'eau, qui se dépose et s'incruste sur les parois du vase, mais bien un élément infiniment ténu qui se propage dans les pores du verre, sans troubler sa première limpidité. Maintenant si on rapproche ces deux phénomèdes, celui du radium qui tend à violacer le verre et celui des eaux du Clitunno qui agissent de même, quand elles ont avec lui un contact répété, ne se pourrait-il pas que cette source contienne, dispersées dans sa masse et se dégageant peut-être des formations desquelles l'eau suinte, des particules infinitésimales du précieux radium? Et si cela était, ne pourrait-on pas, au moyen de réactions chimiques, recueillir, concentrer et rendre tangibles ces parcelles radio-achines pour des expériences ultérieures? 11 me semble que la corrélation de ces faits est trop frappante, pour qu'elle ne pousse pas les modernes alchimistes à entreprendre des recherches à ce sujet. J. BROCHEREL.
L'Infanterie japonaise. commandant du 16corps d'armée, émet sur l'infanterie japonaise une opinion fondée sur les observations qu'il a eu occasion de faire pendant la guerre du Japon avec la Chine L'infanterie japonaise a été remarquable, et, ~c en toutes circonstances, pleine d'entrain et d'audace. Est-elle à l'avant-garde, elle cherche à attirer sur elle tous les efforts de l'ennemi pour permettre au gros de l'armée de manceuvrer et de choisir son point d'attaque. Les positions fortifiées mêmes n'arrêtent pas Le général Pédoya, ancien
elle en a donné la preuve dans le combat de Ping-yang, ou encore près du fleuve Tatoug, à l'attaque de la position de Talien-ouan, qui peut être considérée comme la porte de Port-Arthur, du côté de la terre. Les colonnes, sous les ordres du général Nosi,
son élan
s'avancèrent résolument contre des ouvrages fortifiés, sans attendre le concours de l'artillerie. de nuit; celle (( Les japonais aiment les attaques
exécutée par le général Ostima, au combat de Seikan, peut être donnée en exemple elle fut précédée de reconnaissances soigneusement faites, le secret absolu fut gardé sur l'opération, et, tandis qu'un combat démonstratif maintenait l'ennemi sur ses positions, une autre colonne manoeuvrait pour tomber sur son flanc. tactique constante des japo(( C'est d'ailleurs la nais combat démonstratif d'un côté et coup de mastémésue de l'autre. Ils poussent l'offensive jusqu'à la rité. En toutes circonstances, les japonais font preuve d'initiative et de résolution. »
L'Anniversaire de la Bataille d'Adoua (2 mars 1896). Une Revue de 100 000 hommes passée par Ménélik. CHAQUEannée, quand le 2 mars ramène l'anniversaire de la bataille d'Adoua, qui, en 1896, assura la victoire des troupes éthiopiennes sur les Italiens, S. M. l'empereur Ménélik passe en revue sa vaillante armée. Invité par le négus à contempler ce spectacle solennel, j'en ai rapporté un ineffaçable souvenir. Sous une immense tente, recouvrant des tribunes parfaitement installées et recouvertes de tapis d'Orient, avec fauteuils de velours et chaises dorées, se dresse le
C'est à ce tournant qu'apparaissent tout à coup les premières lignes de troupes, qui jusqu'alors étaient invisibles pour nous. Les masses s'avancent d'abord lentement, puis accélèrent le pas à mesure qu'elles se rapprochent des tribunes, devant lesquelles elles passent au pas de charge. En tête, défile l'état-major des chefs montés sur des chevaux magnifiques. Les harnais sont couverts d'incrustations en argent. Des tapis de selle, en soie et en velours brodés d'or ou en drap de couleurs claires et chatoyante'), retombent à droite et à gauche sur les flancs des montures. Arrivés à 500 mètres environ des tribunes, les chefs exécutent une charge et passent devant nous comme une trombe. Les hommes à pied, domestiques et soldats, se précipitent sur le pas des chevaux et
trône de l'empereur. Ménélik domine la brillante assemblée
il
est
entouré de tous les grands chefs éthiopiens qui ont revêtu leurs plus beaux costumes de gala. La richesse des étoffes de soie bro-
dées de métaux précieux dépasse tout ce que l'on peut :VIE DE 100000 HO:'onlE~, PASSÉE PAR MÉNÉLIK LE JOUR AN~lVERSAIRE DE LA BATAILLE D'ADOUA, imaginer. Les diaPhotographie de "~1. H. ffamson. mants et les rubis scintillent de touarrivent, malgré la vitesse de ceux-ci, à garder leurs tes parts sur les manteaux de satin et de*velours. La plupart des grands chefs portent sur le front distances. Du tourbillon d'avant-garde se détache le le diadème en crinière de lion c'est le haut insigne de chef Abdégorghis et son brillant état-major, pour la bravoure abyssine; les chasseurs et autres guerriers venir saluer l'empereur, puis prendre le commandeportent le manteau en peau de léopard. La dépouille ment de ses troupes qui forment la garde impériale et qui défilent les premières. de bêtes fauves donne aux traits des visages une expression sauvage et martiale d'un caractère particuLa revue est commencée, les masses succèdent lièrement énergique. aux masses; les divers bataillons, infanterie ou cavaLes deux éminents prélats du clergé éthiopien, lerie, se lancent les uns après les autres. A pied, à l'aboune Mathéos et l'aboune Joanès, se tiennent à la cheval, à dos de mulet, les guerriers se ruent avec une droite de l'empereur. liberté d'action et d'attitude qui n'est, comme on pourToute la colonie européenne est présente. rait le croire de prime abord, ni du désordre ni de la L'emplacement de la revue dénote une connaisconfusion. Les chefs avec leurs boucliers lamés d'or sance parfaite de la mise en scène. C'est une plaine un ou d'argent, insignes de leurs grades, dirigent d'un geste ces cohortes et ces légions que l'on croirait abanpeu étroite, limitée par des collines. En face des tribunes et des tentes se déroule un données à leur propre initiative. petit plateau qui s'incline vers elles en pente douce. Parmi les masses en mouvement, on remarque Sur notre droite, à plus de 3 kilomètres de distance, çà et là des flots de rubans verts et jaunes qu'arborent la vue du plateau se dérobe derrière un repli de terrain. avec orgueil les tueurs d'éléphants. Des guerriers
d'élite brandissent les hampes des flammes tricolores aux couleurs abyssines (vert, jaune et rouge). Des
musiciens soudanais font cadencer le pas des fantassins; ceux-ci font diversion, ils déploient leurs rangs et marchent alignés comme des soldats manoeuvrant à l'allemande. Puis viennent les tirailleurs et les artilleurs indigènes, recrutés parmi les tribus des pays les plus retirés de l'empire, et qui ont été instruits à la française par le comte de la Guibourgère; ils sont précédés de clairons qui sonnent le pas de charge aux accents de la Marseillaise. Une émotion étreint le coeurde tousles Français, que l'empereur Ménélik, pensif, regarde en souriant. A la tête des régiments qui suivent l'ancien officier français, devenu Arabi-Pacha en Éthiopie, marche le ras Voldi qui porte sur sa poitrine la rosette de la Légion d'Honneur. Ces forces formidables ont défilé pendant plus de six heures sans interruption, et pourtant tous les contingents militaires de l'empire ne sont pas présents à la revue. Ni les armées du ras Makonnen, ni celles du ras Mikaël, ni celles du ras Mangascha, ni celles du ras Tessama, qui seraient, paraît-il, les unités les plus fortes, ne sont représentées même par la délégation d'un «( choum », petit chef. Nous estimons que plus de cent mille hommes ont défilé devant nous. Nous entendons dire autour de nous qu'il devait bien y avoir de cent vingt à cent cinquante mille hommes à la revue; mais en donnant le chiffre de cent mille hommes nous sommes sûr de ne pas être taxé d'exagération. Tous les bataillons, tous les régiments, tous les corps d'armée, après avoir passé devant les tribunes, se sont avancés vers notre gauche, et après avoir décrit une conversion à droite, aussi parfaite qu'on pourrait l'exiger de troupes européennes, sont venus se former en masses profondes sur la pente du plateau en face de nous; de sorte qu'à la fin de la revue nous avions devant les yeux toutes les troupes qui y avaient pris part, et qui groupées comme elles l'étaient, avec les drapeaux tricolores éthiopiens et les oriflammes aux mille couleurs claquant partout au vent, formaient un tableau véritablement merveilleux. La revue est terminée, et nous allons assister à un épisode de la fameuse bataille d'Adoua l'enlèvement de l'artillerie italienne par les troupes abyssines.
L'empereur a quitté discrètement la tribune impériale; il a été suivi par son état-major de princes et de généraux, il va prendre le commandement de la
garde impériale. Bientôt à l'extrémité droite de la masse de troupes devant nous, au bout de l'horizon, apparaît une ligne de guerriers nouveaux. Cette troupe s'avance dans un ordre parfait. Une batterie de canons, cachée sous un repli de terrain et restée muette, ouvre alors le feu avec fureur. Les vingt mille hommes de la garde impériale reçoivent l'ordre de tirer à volonté. Les crépitements de la fusillade essaient de couvrir les salves de l'artillerie. Dans le bruit étourdissant, et tandis que les fumées étendent leur nuage dans la vaste plaine couverte d'hommes armés, les nouvelles troupes qui s'approchent se précipitent au pas de charge sur la batterie et l'enlèvent. Les avalanches humaines
succèdent aux avalanches humaines, amenant avec elles les canons à la force des bras, et viennent les déposer devant les tribunes. Brusquement, l'empereur passe emporté par sa mule; il est toujours suivi de son brillant état-major. Les acclamations frénétiques des soldats et du peuple sont telles qu'elles couvrent le bruit de la fusillade. L'empereur se dégage des armées qui vont se disloquer. Sa Majesté revient occuper le trône, où tous les Européens viennent le féliciter avec chaleur et sympathie. Trois jours après la revue, toute trace de ces cent mille hommes avait disparu l'on n'apercevait plus à l'horizon ni autour de Addis-Ababa une seule de ces innombrables tentes qui avaient abrité cette masse d'hommes. H. HAMSON.
Les
Transports à Madagascar. La Filangane détrônée par
l'Automobile.
DEPUIS plusieurs mois, la capitale de Madagascar, la cité quasi-mystérieuse que les troupes françaises, il y a huit ans, mirent cinq mois à atteindre, Tananarive, n'est plus qu'à vingt heures de la mer. Une voiture automobile, à travers marécages et forêts, franchissant à 1500 mètres d'altitude la haute crête du plateau, dépose le touriste au pied du palais de l'exreine Ranavalo.. La route » malgache était jadis quelque chose d'inexprimable. Quel nom donner à ce sentier insensé, tour à tour piste, fondrière et casse-cou, traversant à gué les rivières, grimpant les côtes par la ligne de plus grande pente pour plonger droit au fond du vallon suivant, tantôt longeant de véritables abîmes,tantôt empruntant le lit d'un torrent ou s'enfonçant au plus noir de l'inextricable forêt? Seuls le prodigieux instinct d'orientation des Malgaches et le pied nu des porteurs.qui, pendant près d'un siècle, ont transporté sur leurs épaules tous les objets européens destinés aux habitants de l'Imerina, ont pu vaincre d'inimaginables difficultés. Personne ne saura combien de ces malheureux sont morts à la peine mais le voyageur qui, il y a quelque dix ans, parcourait cet itinéraire sur les épaules de ses huit «( mpilanga » pouvait se le figurer aisément, même si lui était épargné le spectacle de cadavres gisant au bord du sentier. 11 y a cinq ans; déclare M. Chazel dans le Jourf~al de Ges2ève, quand je faisais ce trajet pour la première fois, le sentier malg-ache était remplacé par une assez bonne piste muletière pourvue de ponts. A chaque étape, une case propre,aménagée dans le village, était réservée par ordre aux voyageurs européens. Sept
jours suffisaient dès lors, au lieu de dix ou douze autrefois nécessaires, pour accomplir ce trajet, d'environ 400 kilomètres. Sur cette première route, encore qu'impraticable à tout véhicule, voyager en «( filan-
gana », par un beau temps, avec des porteurs exercés, était en somme une vraie partie de plaisir. Relayés toutes les trois ou quatre minutes par leurs quatre camarades, les quatre porteurs mettaient à l'épaule un léger brancard où le voyageur est assis sur une chaise de toile à dossier. La main libre de chacun d'eux serrant le poignet de son camarade assure la liaison de l'ensemble et les hommes, marchant au pas, deux à deux, s'avancent d'un pas élastique et sûr. Ils vont ainsi au pas allongé, faisant régulièrement de 6 à 7 kilomètres à l'heure, quel que soit le terrain. Leur étape ordinaire de 5o kilomètres environ peut aller, s'il le faut, jusqu'à 6o et 70. L'Européen ne s'habitue pas tout de suite à se voir ainsi transporter il trouve quelque chose d'humiliant à circuler ainsi sur les épaules des hommes. Mais le « mpilanga » (porteur de « filangane ») est fier de son métier. Il est fier de savoir qu'un «( vazaha » (étranger) lui est confié et dépend entièrement de lui, fier de dépasser sur la route le pauvre porteur de paquets qu'il sera lui-même un jour, quand ses poumons et ses jarrets n'auront plus la même résistance, fier du salaire plus élevé qu'il touche et des obstacles qu'il brave. Quand il leur a fallu se mettre à traîner un
« pousse-pousse », comme leurs confrères de l'Indo-
Chine ou du Japon, ils ne se sont pas habitués sans peine à ce qui était pour eux une sorte de déchéance. Ce fut le premier progrès. Quand la route carrossable fut à peu près terminée et accessible à de légers véhicules, l'absurdité d'employer huit hommes à en transporter un seul devint évidente. On n'en alla pas plus vite et guère plus confortablement, mais trois hommes, au lieu de huit, déchus de leur ancienne maîtrise, suffirent à la tâche plus facile. Cela dura quelque trois ans. Ce fut la première atteinte au pittoresque du vieux temps. Plus de montées ardues, plus de tours de force d'équilibredans les endroits scabreux, plus de galopades joyeuses en arrivant au but. On se traîna au ras du sol sur une route empierrée, on monta lentement d'interminableslacets. Finis sur la grande route d'étape, la libre popote improvisée et le lit de camp dressé à loisir dans la grande case vide. D'horribles gargotes surgirent. On absorba des nourritures pseudoeuropéennes, œuvre d'un Grec ou d'un créole. On connut l'horreur sans nom de ce qu'ils appellent des chambres et des lits Sans doute, il y aura longtemps encore dans la grande île malgache des régions où les voyages ne pourront se faire qu'en filangane. A travers les solitudes des Sakalava ou des Bara, même au pays Betsileo, le voyageur retrouvera ses sensations d'autrefois. Mais sur le grand chemin qui mène en Europe, la route carrossable a désormais triomphé. Par malheur, les animaux de trait étaient naguère à peu près inconnus à Madagascar. Les chevaux y étaient rares, au point de faire aux habitants de la campagne l'effet d'animaux redoutables. Ceux qu'on importe d'Europe sont difficiles à nourrir. Le mulet, si résistant et qui rendit seul possible le succès final de l'expédition, est toujours hors de prix. L'âne est encore plus rare. Quant aux bœufs, si répandus dans tout le pays, ils n'avaient jamais été mis à cette tâche, et les
indigènes sont bien maladroits à les y habituer. Aussi le nombre des charrettes traînées par des animauxestil encore bien petit sur la route nouvelle, et pendant quelques années le porteur malgache continuera à amener les marchandises d'Europe dans l'intérieur du pays, non plus comme autrefois sur ses épaules calleuses, mais sur de légers charretons poussés à force de bras.
Au point de vue économique, le progrès est appréciable. L'économie réalisée est d'au moins 50 pour i oo. Peut-être même le chemin de fer, dont la
construction se poursuit rapidement et régulièrement au milieu des plus grandes difficultés, sera-t-il achevé avant que l'augmentation du nombre des bêtes de somme ait rendu inutile le travail de l'homme qui les remplace. Mais le voyageur est pressé. Les lettres, les sacs de la poste, doivent arriver vite à destination. C'est pour eux que l'automobile s'est mise en ligne.. Sans doute les conditions sont difficiles et les frais relativement élevés. Il faut des moteurs puissants, des conducteurs éprouvés, endurants et adroits. Le climat luimême est un obstacle qui a créé au début des difficultés imprévues.. Les grandes vitesses ne peuvent pas être atteintes sur cette route étroite, aux tournants courts, aux pentes longues et dures. N'importe, il y a des sensations inoubliables à rouler à grande allure sur la route étroite et régulière qui traverse -la forêt vierge et le désert. Ce n'est pas encore la pesée brutale du chemin de fer, imposant au sol nivelé son armature de rails. C'est la route, accueillante même au cycliste et au cavalier. Avant finvasion en masse qui suit la locomotive, c'est, grâce à l'automobile, la pénétration en détail, audacieuse et rapide, la pointe d'avant-garde d'une civilisation qui se hâte.
Marquis de Barthélemy. in-i6 avec
17
Au Pavs de
Moï.
vol.
gravures hors texte. Librairie Plon-Nourrit 4 francs.
et Cie, 8, rue Garancière, Paris. Prix M
lenialMarquis detentatives Barthélemy s'est acquis un renom colode pénétration
dans les pays par ses de notre grande colonie asiatique. encore sauvages On n'a pas oublié ses précédents ouvrages En IndoChirre (1894-189<;), Cambodge, Cochincbine, Laos, Siam méridional, et En Ixdo-Cbme(1896-1897), Tonquin, Haut-Laos, .flnnarta septentrional, qui furent fort appréciés. Aujourd'hui, l'auteur nous apporte les résultats d'un itinéraire à travers certaines régions montagneuses et partiellement inexplorées de l'Annam. On voit l'intérêt géographique de cette exploration, que M. le marquis de Barthélemy nous retrace avec sa précision ordinaire et sa vision pittoresque des hommes et des choses de ces pays. Cet excellent ouvrage, accompagné d'une carte et orné de nombreuses gravures, ne manquera pas d'appeler bien des activités vers nos belles colonies d'Extrême-Orient.
E. Demolins.
Les ,~randes routes des Peuples. Essai de géographie sociale. Comment la route crée le type social. II. Paris, Firmin-Didot, ~903. vol. avec illustrations. Prix
3
fr.
50.
G. Leriche. i
vol. Prix
Nos Colonies telles qu'elles sont. Paris, Stock, 50.
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Difficultés de recrutement des officiers.
La commission du budget du Reichstag a discuté l'augmentation du traitement des lieutenants-colonels. Au cours des débats, le ministre de la Guerre a déclaré, à propos de la difficulté qu'on éprouve à recruter les officiers, qu'il est difficile de maintenir les cadres au complet et que cette pénurie de
jeunes officiers a une influence réelle sur la rapidité de mobilisation de l'armée. Quant aux habitudes de luxe, l'armée
elle-même désire les voir disparaître. Le ministre de la Guerre a rappelé les efforts faits par l'empereur en vue d'arriver à ce but et a déclaré que les modifications de l'uniforme n'étaient pas décrétées par pur caprice.
Les brutalités dans l'armée.
Tous les officiers du 16e bataillon du train, sauf deux, quittent l'armée active. Trois d'entre eux ont obtenu leur mise à la retraite avec pension le colonel de Dewall, avec l'autorisation de porter l'uniforme du 18e bataillon du train; le commandant Fuchs, autorisé à porter l'uniforme du 12e régiment de uhlans; le capitaine Bandel, sans droit à l'uniforme. Sont versés dans les cadres de la réserve avec pension les lieutenants Hertz et Koch. Sont mis en disponibilité avec pension et portés au rang d'officier de recrutele capitaine Ey, à Gnesen, et le lieutenant Witte, à ment Siegen; est mis en disponibilité avec pension le lieutenant retraite d'emploi, sans penHabenicht; sont mis d'office sion les sous-lieutenantsSchmidt et Bilse. pereur
ALLEMAGNE
un an ordre impérial Il
Y
et demi, tous les chefs de corps ont reçu un leur enjoignant de faire renaître les sentiments d'humanité parmi les sous-officiers de l'armée allemande. Or on a été quelque peu étonné de voir, pendant la période qui va du u~ juillet 1902 au 3o juin 1903, 50 officiers, 525 sousofficiers et 52 caporaux traduits en conseil de guerre sous l'inculpation de sévices graves exercés sur des hommes. L'explication est simple cependant. Le 8 décembre dernier a comparu devant le tribunal supérieur de guerre de Breslau le sous-officierGeisler,.d'un régiment de cuirassiers de la garde. Geisler avait maltraité un de ses subordonnés de telle façon qu'un beau jour celui-ci avait déserté. Interrogé par le président au sujet de son manquement aux prescriptions impériales, Geisler a raconté que le jour où le rescrit a été transmis à son régiment, le maréchal des logis chef Peucker a réuni tous les sous-officiers à l'écurie et leur a donné lecture de l'ordre impérial. Cela fait, il a ajouté « Et maintenant, battez-les, mais entre quatre yeux! » Geisler, convaincu d'actes de brutalité dans douze cas différents, fut condamné à trois semaines d'arrêts simples. A Metz, quelques jours plus tard, a comparu devant un conseil de guerre le lieutenant Schilling, du 98" régiment d'infanterie, accusé de 968 cas de violence sur ses subordonnés pendant le service! Ces faits ont produit une vive émotion. Et au Reichstag, le nouveau ministre de la Guerre, le général d'Einem, a été questionné au sujet des révoltantes brutalités qui continuent à occuper les tribunaux militaires allemands. Le général d'Einem a essayé de plaider les circonstances atténuantes. Il a eu tort. Dissimuler une plaie n'est pas la guérir. Et la plaie existe. Elle existe si bien que la Chambre des députés de Bavière a voté un projet de loi stipulant l'exclusion immédiate de l'armée de tout officier ou sous-officier convaincu d'avoir maltraité un inférieur.
L'affaire du lieutenant Bilse et la conséquence de son livre « Petite Garnison ».
Sous ce titre, le lieutenant Bilse, en garnison à Forbach, a dépeint les moeurs de la vie militaire allemande dans de petits centres provinciaux. Les officiers mis en scène dans le livre étaient ceux de l'état-major du bataillon du train résidant à Forbach, et leur conduite n'avait rien d'exemplaire. Or, c'est à peine si l'auteur avait pris soin de changer leurs noms. Le scandale fut donc grand, comme on pense. Le livre fut interdit en Allemagne, mais on l'imprima en Autriche d'où les exemplaires se répandirent et se répandent encore partout avec une profusion inouïe. Quant au lieutenant Bilse, traduit devant la juridiction militaire, il fut condamné à six mois de forteresse. Le bruit considérable fait par cette publication attira l'attention des autorités militaires sur les officiers de la garnison de Forbach. Et l'enquête prouva que, si le lieutenant Bilse avait péché contre la discipline militaire en se livrant à des critiques plus que vives de ses chefs et de ses camarades, il n'avait dit cependant que la stricte vérité les fautes professionnelles des officiers qu'il avait dépeints, les bizarreries de leur vie privée étaient parfaitement véridiques. On a donc sévi contre eux. Et voici le résultat de l'épuration à laquelle on s'est livré, sur l'ordre de l'em-
la
CORÉE
La puissance militaire de la Corée.
En joue le conflit la Corée dans présence du rôle primordial que russo-japonais, Il nous paraît intéressant de donner ces quelques renseignementssur le pays. Bien que la population de la Corée soit actuellement d'environ 12millions, la puissance militaire de ce pays doit être considérée comme presque nulle. En effet, l'armée estune sorte de milice forte de 10000 hommes armés de fusils Gras ou Mauser et en partie de fusils russes, système Berdan. Une partie des officiers, et notamment les jeunes, ont reçu leur instruction militaire au Japon, mais en revanche les mili-
taires appartenant à l'ancienne génération n'ont que des notions fort imparfaites en art militaire. L'artillerie coréenne se compose de dix-huit pièces, dont six canons de forteresse, six canons de montagne et autant de pièces de campagne. En présence d'une telle « puissance », il n'y a rien d'étonnant que l'empereur de Corée ait fait déclarer par son agent diplomatique à Londres, qu'il avait l'intention ferme de neutralité» garder plus absolue en cas de guerre entre la Russie et le Japon.
la
la
JAPON
Le fusil japonais.
L'infanterie
russe
est armée
du fusil Lebel connu de nos lecteurs; l'infanterie japonaise possède, avec le fusil Arisaka, modèle 1897, une arme d'une valeur sensiblement égale. Ce fusil, du calibre de 6mm5, est du type Mauser, à chargement multiple et à culasse mobile, et pèse 3 kil. 900, Le canon est conique, avec âme de six rayures au pas de 200 millimètres. Le magasin contient cinq cartouches. La hausse du fusil est graduée de 400 à 2 000 mètres. La cartouche est à étui en laiton, avec balle au noyau en plomb durci, et charge composée de poudre sans fumée
d'ltabaski. .La baïonnette a om55 de longueur. Le fusil qui mesure t~z7 sans baïonnette et Im66 avec sa baïonnette, possède toutes les qualités essentielles des meilleures armes européennes.
Les récompenses de guerre et les cadeaux
de l'empereur.
Le courage des officiers et des soldats
japonais n'a pas que le patriotisme pour mobile adoptant un vieil usage britannique, le mikado décerne, en sommes
d'argent, des récompenses souvent considérables aux guerriers qui se sont particulièrement signalés. Ces dotations n'ont rien d'officiel; elles varient selon la générosité et la
faveur du Gouvernement. Il est bon de rappeler à ce propos la valeur qu'emprunte aux yeux des Japonais le moindre cadeau venant de leur empereur quand celui-ci invite à sa table l'un de ses sujets, il a coutume de lui donner la tasse dans laquelle il a bu le thé. Cette tasse se transmet pieusement de génération en génération, dans la même famille, où elle est l'objet d'une infinie vénération. Différents cadeaux en nature sont d'ailleurs souvent offerts par l'empereur à ceux de ses sujets qui ont bien mérité de la patrie, et sont considérés comme des distinctions honorifiques de premier ordre.
Au
Japon.
Religions d'hier et d'aujourd'hui.
Les armements du Japon, son développement industriel et commercial accompli sous les auspices de l'Occident, tout cet appareil extérieiar de la civilisation nouvelle ne doit pas détourner notre attention de l'âme japonaise. Là aussi s'acconaplit une bien curieuse évolution et la religiosité qui se szabstitue au~burd'bzsi aux anciens cultes offre un spectacle caractéristique au milieu des anomalies étranges qu'on découvre constammentau pays du Soleil Levant.
DES assertions souvent contradictoires formulées par les voyageurs ou les psychologues sur le compte des Japonais, se détache une opinion qui réunit tous les suffrages le Japonais, au milieu de ses temples, appelé, semble-t-il, à vivre dans une atmosphère de piété, endoctriné par les plus puissantes religions de l'Orient et de l'Occident, le Japonais
n'est pas religieux.
Demandez à beaucoup d'entre eux s'ils sont bouddhistes ou sintoïstes (le bouddhisme et le sintoïsme sont les deux religions les plus répandues au
leur. La seule chose qu'ils doivent faire, c'est d'avoir de la bonne denrée et de la vendre le moins cher possible. » C'est la coutume de présenter les enfants au temple sintô, un mois après leur naissance, et on les y présente; c'est encore la coutume de confier sa dépouille mortelle à un prêtre bouddhiste et on s'y conforme. Les habi-
tants de chaque
commune participentencore,deleur argent et de leur présence, aux fêtes
que donnent les
deux religions;
japon) vous les
mais quant à une dévotion raisonnée,
plongerez dans la plus grande perplexité. Ils pourraient presque tous dire avec un de leurs illustres concitoyens cité par M. B. H. Chamberlain dans ses Things
quant à la reconnaissance d'un dogme, il ne faut pas les leur demander.
L'irréligion
des Japonais n'est d'ailleurs pas comparable à celle des occidentaux.Tandis que, dans nos con-
japanese « Pour moi,
TEMPLE SINTOISTE~ AU MILIEU D'UN GRAND BOIS, A NIKKO.
n'y a pas plus de différence entre les
trées, 1'i r ré 1 i g i on Photographie japonaise communiquée par M. Alex. Desfontaines. prend facilementla diverses religions, tournure de l'antiqu'elles s'appellent le bouddhisme, le christianisme religion, chez les Japonais c'est plutôt une abstention instinctive, et non systématique, qui les écarte d'une ou autre, qu'entre le thé vert et le thé noir. Peu imconfession particulière. L'esprit est moins irréligieux porte que vous buviez l'un ou l'autre. L'essentiel est de laisser ceux qui n'ont jamais bu du thé le que les moeurs, et rarement le Japonais oubliera ses goûter et l'apprécier en toute liberté. De même, devoirs à l'égard du tombeau paternel ou négligera de se conformer à certains rites prescrits aux époques pour la religion. Les prêtres sont donc des marchands de thé; mais je ne crois pas qu'ils aient raison de déd'anniversaire. précier la marchandise des autres pour faire valoir la C'est Ll'ailleurs ce culte des ancêtres qui est le il
A TRAVERS LE MONDE.
13" LIV.
No 13.
26 Mars 1904.
fond même de la vieille religion nationale, le sintô, culte fort simple, dont le Ko-si-ki, ou Histoire des Choses de l'Antiquité, contient toute la doctrine; il n'a pas de prêtres, mais de simples gardiens de temples, et n'astreint les fidèles qu'à un minimum de pra-
tiques religieuses. L'indulgent scepticisme des Japonais ouvrait toutes grandes aux religions étrangères les portes du pays, à l'heure où la politique envahissante de l'Occident ne risquait pas d'éveiller les susceptibilités du Nippon et les deux principales religions du monde, le bouddhisme et le christianisme, s'y installèrent successivement. Le moderne sintô est même entaché de Confucianisme. C'était le culte officiel de l'empire avant que s'opéràt, à une époque récente, la séparation de l'Etat et des Églises. Les temples sintoistes, élevés toujours dans les paysages les plus riants, se trouvent d'ordinaire au milieu d'un grand bois, à l'extrémité d'une allée de vieux cryp-
nom japonais de Bouddha est Saka. Ses prêtres sont les bonzes (sioukkou) à la tête rasée, au vêtement de taffetas jaune et violet. Ses principaux monumentssont le Daïboutbs ou Grand Bouddha, près de Kamakoura, statue de bronze haute de 13 mètres, et le gigantesque Daïbouths de Nava, statue de bronze de plus de 16 mètres de haut, pesant 450 00o kilogrammes et qui date du vcue siècle. Les temples bouddhiques sont d'ordinaire fort luxueux, surchargés d'ornements d'or. Il en est qui possèdent des quantités considérables de statues bouddhiques, offrant une grande richesse de métal précieux et de pierreries. Beaucoup de temples bouddhiques servent aussi aux cérémonies du culte sintô: une simple natte sépare les deux sanctuaires. Comme nous l'avons dit, les deux religions qui coexistent au Japon ont les mêmes fidèles, qui n'y regardent pas de très près. Dans ces dernières années, un grand nombre de temples ont
été supprimés, à
tomérias ou sur le penchantd'une col-
mesure que se refroidissait encore la piété déjà tiède des fidèles. Des missionnaires portugais et espagnols introduisirent le christianisme au Japon au xvie siècle. En 1549, François -Xavier, Torres et Fernan-
ils sont précédés d'un ou de plusieurs torü, portiline
ques de bois sans
peinture, que croisent dans le haut deux poutres hori-
zontales dont la plus élevée est aussi la plus longue. Le torii était originairement un perchoir destiné aux oiseaux offerts aux dieux pour les avertir du lever du jour, comme l'indique l'éty-
débarquèrent dans l'île de KiouSiou en 15 5 3, d'audez
tres missionnaires s'y établirent dans le pays de Bougo,
où les Jésuites fon-
dèrent un séminaire
mologie du mot
qui signifie « repos d'oiseau ». Le
torii est
à Founaï. Dès les ENTRÉE D't:N TEMPLE BOUDDHISTE
A
KIOT
premières prédications de François-
Xavier, les adhédevenu le symbole Photograplaie japonaise connnawiquée par M. Alex. Desfontaines. rents de la foi noudu sintô. Les boudvelle se comptèrent par milliers dans le japon médhistes le faisaient de pierre ou de bronze, fréquemridional. Cette époque des conversions nombreuses ment de bois peint en rouge, et en variaient la forme. n'embrasse guère plus d'un demi-siècle. Il est proC'est encore aujourd'hui un objet très répandu d'ex bable que si les jésuites s'étaient contentés de prêvoto. Les temples mêmes sont de très simples concher la doctrine chrétienne, ils auraient poursuivi le structions en bois de cryptoméria, poli et sans peinture, entourées d'une ou de plusieursclôtures concencours de leurs succès. Des ingérences politiques firent dévier leur ligne de conduite et furent cause d'une triques également en bois. L'absence de toute image violente réaction. Unpremierédit les bannissant (1587) exposée à la vénération des fidèles distingue les temples du pur sintô des temples bouddhiques. Ceux qui ne reçut pas d'exécution. Dix années après, des franciscains furent condamnés à la crucifixion. Mais l'inont subi l'influence bouddhiste renferment un miroir terdiction de pratiquer le culte chrétien, édictée à la de cristal ou de métal poli, symbole de la clairvoyance suite de guerres intestines, ne date que de 1614. En des dieux. 1638, 37 000 catholiques de Kiou-Siou révoltés furent Quant au bouddhisme, il pénétra au Japon vers exterminés à Simabara. D'autres, en 1622, avaient le Vie siècle de notre ère, venant de Chine et de Corée. été précipités dans la baie de Nagasaki du haut des esC'était la religion des anciens Siôgoun, et il a un temcarpements de la butte insulaire de Takaboko, appelée ple célèbre à Nikko, le lieu de leurs tombeaux. Il se divise au Japon, en sectes nombreuses, dont sept par les Hollandais le « mont des Prêtres » (Papenberg). D'autres, par milliers, furent lancés dans le cratère de principales. Le bouddhisme japonais est fort corl'Ounzen-San. C'est à la suite de cette persécution, rompu et, sur beaucoup de points, en opposition diqui dura jusque vers 1640, que le japon fut dès lors recte avec l'enseignement originaire de Bouddha. Le
fermé à tous les chrétiens. C'était se départir un peu brutalement de cet éclectisme qui avait accueilli si libéralementles religions étrangères. Seuls, quelques chrétiens, ignorés jusqu'à ces derniers temps, maintinrent leur culte en des villages écartés. Lorsque,au commencementdu siècle dernier, les prêtres des Missions étrangères de Paris, voulant renouveler les tentatives de prosélytisme,.arrivèrent dans cette partie de l'Extrême-Orient, l'existence de chrétiens indigènes y était inconnue. On pensait généralement queles grandes persécutions du XVIIe siècle avaient détruit jusqu'aux derniers vestiges de l'œuvre de François-Xavier. Trois ans seulement après leur installation à Nagasaki, les Pères français apprirent que, non loin de cette ville et dans l'intérieur de la grande île de Kiou-Siou, plusieurs villages, entre autres le gros bourg d'Ourakami,situé à quelques kilomètres de la ville, étaient habités par des chrétiens. Malgré les terribles persé-
cutions, malgré l'absence complète de prêtres indigènes ou européens, auc u n missionnaire depuis 1638 n'ayant plus mis le pied sur le sol du Japon, les
succès est d'une valeur douteuse et la sincérité des conversions très problématique. Dans la majorité des cas, il ne s'agit pas tant de conversions sérieuses que de simples comédies auxquelles se livrent les intéressés, en vue d'un profit qui n'a rien de céleste. De même qu'en Chine et en Corée, les indigènes embrassent la religion chrétienne pour trouver auprès des missionnaires aide et protection contre les exactions des mandarins, ainsi les Japonais considèrent-ils leurs catéchiseurs comme des professeurs gratuits de langues étrangères. Leur manie d'occidentalisme y trouve son compte, et les missionnaires ont si bien compris la nécessité de se plier à cette exigence, qu'au lieu d'enseigner à leurs néophytes la supériorité de la religion chrétienne, ils se contentent de discuter en anglais quelques points de morale pratique. Pendant sa période d'instruction, le Japonais ne fera pas de difficultés pour se reconnaître chrétien il suivra docilement les offices et chan-
tera les cantiques. S'il a ultérieurement intérêt à res-
ter chrétien, comme
chrétiens étaient
font tous ceux, domestiques, cuisiniers, cochers, qui désirent entrer au service. des Euro-
restés fidèles à leur foi. Plus tard on
apprit qu'aux îles
Gotô et dans le sud de Nippon plusieurs
péens,ilconservera
communes conservaient encore le culte chrétien. Et les missionnaires constatèrent que le
ses croyances ac-
quises parce qu'il sait qu'elles aug-
mentent sa valeur. Mais qu'il n'ait pas l'intention d'entrer au service d'une
christianisme avait
pénétré dans des
contrées très éloignées du théâtre
maison européenne, qu'il se croie suffisamment inde l'activité de Photographie japonaise communiquée ,~ar ~'VI. Alex. Desfontaines. struit pour voler leurs pfédécesailleurs de ses propres ailes, il jettera le masque et seurs. Sans doute, lors des persécutions, les chrétiens avaient été transportés et disséminés sur divers points retournera bien vite à ses pratiques anciennes ou plude l'empire. tôt à son indifférence en matière de religion. Aujourd'hui, la propagande catholique et protesM. H. Dumolard, dans son ouvrage très intéfestante se fait librement à Nagasaki, à Yokohama, dans sant et très documenté sur le Japon public, économique tous les grands centres. On compte par centaines les et social, cite, au sujet de ces conversions spéciales, missionnaires anglais et américains. En 1879, d'après quelques détails amusants et significatifs. un rapport des Missions évangéliques, les protestants « Si voustrouvez au Japon une foule de gens qui indigènes de toutes sectes n'étaient qu'au nombre de sont chrétiens pendant une période donnée de leur existence, d'autres au contraire le sont régulièrementchaque 7 500; 4000 catholiques romains et 3000 cat~oliques année pendant quelques semaines. Cela les prend de grecs (5000d'après Kasatkin) complétaientletotal des chrétiensjaponais. juillet à septembre. L'exemple le plus frappant de cet Aujourd'hui, la population du Japon, qui est apétat d'esprit bien particulier n'est, nulle part, observé proximativement de 40 millions d'habitants, compte comme à Karuizawa. Karuizawa est un petit village 58000 catholiques et plus encore de protestants. situé dans un district montagneux, sur les flancs de Ces chiffres tendraient à faire croire que le succès l'Asama Yama, le principal volcan du pays. Messieurs du christianisme est considérable au japon; les misles missionnaires protestants en ont tout particulièresions se font une gloire de la conquête d'un peuple ment apprécié le climat parfaitement sain, et c'est là longtemps réfractaire aux dogmes venus d'occident qu'ils viennent se reposer pendant quelques semaines et amené enfin dans le giron de l'Église. En fait, le des fatigues de leur apostolat. LA STATUE GIGANTESQUE DE BOUDDHA A KAMAKOURA.
bien! leur arrivée produit, chaque été, sur la population indigène, un effet des plus curieux. u Lors d'un premier passage à Karuizawa, au printemps, j'avais reçu dans ce petit village l'accueil si cordial, si souriant et si gai, qui fait la joie des haltes forcéesdans les auberges nippones. Quel ne fut pas mon étonnement, l'été suivant, de trouver tous ces « parpaillots » de Japonais transformés en élèves dociles des Révérends. Les petits temples cachés au fond de la verdure ne retentissaient plus du son des gongs sacrés; les prêtres, comprenantbien que les intérêts pécuniaires de la communauté doivent passer avant ceux de la religion, s'étaient retirés chez leurs confrères du voisinage les jolies danseuses n'étaient plus là pour égayer un peu les interminahles dîners japonais. C'est ainsi que, par une grâce spéciale, les habitants de Karuizawa sont chrétiens chaque année pendant trois mois. » Si l'on veut trouver encore un peu de sincérité dans la religiosité u Eh
japonaise, c'est dans les pèlerinages qu'il faut la chercher. Leur champ d'action est d'ail-
leurs assez res-
les vêtements blancs et un immense chapeau de
paille.
Ils font
leur ascension en agitant une sonnette et
en chantant des cantiques. Beaucoup de ces lieux de pèlerinage sont admirables par la beauté combinée des édifices et du paysage le temple de Miya Jima par exemple, sur la côte d'une île montagneuse et boisée, couverte de pins et d'érables, est un endroit exquis le temple où sont enchâssées de précieuses peintures anciennes, se dresse à la limite même de la terre et de l'eau; le portique principal est situé en pleine mer; des allées dont les
flancs sont garnis d'innombrables lanternes de pierre, conduisent aux autres portes des daims y circulent que le passage des pèlerins n'effarouche pas; l'air est d'une extrême limpidité; la mer est extraordinairement bleue; de l'autre côté du détroit apparaissent, au dernier plan, des montagnes violettes; et les voiles de paille, quadrangulaires, des bateaux de pêche étincellent sous le soleil qui rutile. Il n'est pas de paysage plus
classiquementjapo-
treint le peuple de Tokio fait ses pèle-
rinagessurlesflancs
nais que celui de ce lieu de pèlerinage. Les Japonais vien-
du Fouzi Yama.
nent-ils ici pour
Les Japonais pieux des provinces qui entourent Kioto se retrouvent au monastère de Koya-
rendre hommage aux dieux, ou seulement pour admi-
rer les chefs-d'oeuvre de l'art humain et le site merveil-
san, ou accomplisleux? Pour beausent le voyage dit de « la place sainte coup d'entre eux, l'idée religieuse de Yamato ». D'auajoute à la beauté tres centres importants de pèlerinages de la nature plus sont situés dans le de profondeur et de STATUES BOUDDHIQUES SAN-JIU SAN-JENDO, KIOTO. DU TETIPLE A sud, à Kompira ou mystère, plus d'inKototrira; au nord, timité. Photographiejaponaise colnmuniqzlée par M. Alex. Desfontaines. dans l'île de KinkLe pèlerinage japonais est une promenade méditative, accompagnée wazan. Ces sanctuaires principaux ont souvent des filiales dans quelques villes du Japon. d'émotions d'un ordre supérieur; c'est la religion suLes pèlerinages ont un caractère assez curieux prême d'une race profondément artiste. de mutualité des associations, nommées Kô ou Koja, Les partisans du cc bon vieux temps » affirment sont constituéespar des adhérents qui versent mutuelque les pèlerinages sont en décadence, et c'est vrai. lement une petite cotisation dans la caisse du pèleriCependant, c'est par milliers que les pèlerins font annuellement encore l'ascension du Fouzi Yama. En nage. (Voyez Chamberlain, Thizags Ja~anese.) Quand le 1897, quarante-sept mille personnes visitaient le moment est venu, on tire au sort le nom des membres de la Kô qui seront désignés pour exécuter le voyage. temple d'Ikegami près de Tokio. Ceux que la chance favorise sont défrayés de tout penLes objets de piété que les Japonais rapportent dant le pèlerinage, grâce aux fonds de la caisse comdes pèlerinages ressemblent beaucoup à ceux du christianisme, modifiés par les habitudes locales mêmes mune. Généralement, ces groupes de pèlerins sont reliques d'un Bouddha, images de saints, bijoux guidés par un membre de l'association qui a déjà fait consacrés, etc. le voyage il sert de cicérone et de fourrier. Mais ces pèlerinages ne sont pas courus par le Des auberges spéciales, échelonnées sur la route, public des classes supérieures. Celles-ci, élevées selon reçoivent les pèlerins qui les reconnaissent à des les méthodes occidentales, ont fait litière des vieilles signes extérieurs, enseigne ou drapeau. Le plus soutraditions, et ne veulent déjà plus d'autres guides que vent le pèlerin n'a pas de costume particulier; cepenla science et la raison. dant ceuxde Fouzi et des pays de montagnes adoptent CH. DESFONTAINES.
Dans le Borgou (haut Dahomey). U n Pays d' ave n i r. Au morrtent oit se réorganisent et s'unifient nos possessions de l'Ouest Africain, nous croyons intéressant de donner sacr~ l'une d'elles l'a~~réciation qu'en rapporte M. Georges Broatsseau, administrateur des Colonies, récemment rentré en France
après un long séjour dans le Haut-Dahorr~ey.
POUR se rendre de la côte du Bas-Dahomey (golfe du Benin) au Borgou, on traverse une première zone de sables et d'alluvions marines et fluviales, appareils littoraux abandonnés par la mer. Cette zone littorale, pauvre et désolée du côté de la mer, est riche et très peuplée vers les plateaux de l'intérieur d'Allada et de Coffo. Le pays, sur une largeur de plus de ioo kilo-
paresse de ses habitants de race Nagot, qui habitent la région de Savi, après la rivière Ouémé. Plus loin et plus haut, au nord, après Kilibo, on arrive au Borgou. C'est le plateau Bariba qui n'a pas moins de 42000 kilomètres carrés de superficie. Il renferme la ligne de partage des eaux du Niger au nord et à l'est, et de l'Océan au sud. Vers le nord-ouest il est borné par la chaîne de l'Atacora, de 600 à 800 mètres d'altitude. A est, le plateau descend brusquement du côté du grand fleuve. Dans les dépressions où s'accumule l'humus, le sol est riche; la haute surface du plateau est pauvre. Mais le tout est merveilleusement arrosé par les rivières qui se rendent àl'Atlantique ou au Niger. Les principales, comme l'Ocpara et son affluent l'Ocpa, l'Afon et la Yeroumarou qui se déversent au sud, l'Oly et le Tansinet, affluents du Niger, sont presque à sec de janvier à juin. Seuls quelques bassins profonds et ombragés le long de leur cours conservent encore de l'eau quelquefois sur plusieurs kilomètres de long. Là, vivent de nombreux poissons, reptiles, rongeurs, et autres petits amphibies dont quelques-uns n'ont pas encore de noms latins. Le climat caractérisé par deux saisons sèche (du 155 novembre au 15 avril) et pluvieuse (du 15 avril au 15g novembre), avec une température moyenne annuelle de + 26° à 27°, est supportable pour l'Européen. Selon la saison, l'aspect du plateau change. Au début de la saison sèche, les hautes herbes (2 à 3 mètres) sont dépassées, tous les 8 BORGOU. à 15 mètres, par de petits
mètres, tire sa richesse des immenses et magnifiques forêts de palmiers à huile, qu'exploitent en partie seulement de nombreux indigènes, groupés en quelques gros centres Porto Novo, la capitale, 45000 habiOuidah, port imtants portant, 30 000; Allada i 8 000 Grand Popo 12000. Ensuite viennent les plateaux plus élevés d'AboCARTE DU mey et de Zagnanado, et le Moyen-Dahomey, composé D'après les récents rapports de M. Brousseau. bouquets d'arbres raboudu cercle de Salvalon-Savé, gris et tordus gommier, puis des plateaux à des hauteurs variant de 300 à 500 karité, ficus et autres arbres à latex. Dans les dépresmètres. Des murs en pierres sèches, construits par les sions où coule un marigot, croissent quelques arbres indigènes pour résister aux incursions des rois dadéhaute futaie le rocco, le cèdre, une espèce d'acajou, homéens, couronnent ces montagnes. Le voyageur, des palmiers, parmi lesquels le rônier si utile pour les porté dans un hamac suspendu à une tige de bambou, constructions. En décembre, ;les indigènes brûlent les gravit les pentes molles des plateaux herbeux, entrecouhautes herbes; alors le sol noirci avec ses arbres pés de bouquets d'arbres, parmi lesquels on remarque désolés et tordus où pendent lamentablementquelques de moins en moins abondant le palmier à huile, qui ne feuilles grillées, ressemble à un vaste sépulcre. Mais peut plus être efficacement exploité après Paouignan. deux mois à peine suffisent pour changer cette désolaUn chemin de fer à voie de 1 mètre, commencé tion en un riant tableau de printemps les arbres ont atteint aujourd'hui cette dernière ville située en 1900, repris leurs feuilles et fleurissent, et le pays a un à 200 kilomètres de la côte. (L'exploitation n'est comaspect féerique avec ses immenses prairies entremencée que sur 100 kilomètres de Cotonou à Toffo, coupées de bosquets en fleurs où se jouent toutes les avec embranchement sur Ouidah.) nuances sous le clair soleil. C'est le beau temps de la En général, le pays est pauvre et peu peuplé chasse à la panthère, au coba (antilope cheval) qui parce qu'il fut dévasté par les incursions de Behanzin, pullule en troupe, au cerf, au lièvre, à l'agouti, à la mais aussi et surtout à cause de l'indolence et de la grue royale, à la pintade qui vit en bande, aux perdrix
nombreuses, aux pigeons ramiers et aux oiseaux, dont le beau plumage est recherché. La population disséminée dans 786 bourgs ou villages, dont quelques-uns ont plus de trois mille Peulhs (8 000); âmes, compte 60500 habitants Baribas (35500); Dendis et Haoussas (9000); Nagots (8 000); tous plus ou moins musulmansou fétichistes. Les Baribas sont fourbes et pillards, ils supportent notre domination et regrettent tout bas les beaux temps où ils pouvaient tout saccager et brûler. Les doux Nagots sont cultivateurs et colporteurs. Les Dendis, venus du Niger, plus intelligents et laborieux, s'adonnent à la culture et à la petite industrie. Les Peulhs, originaires de l'Égypte, timides et craintifs, mais rusés et intelligents, se livrent à l'élevage et fabriquent adroitement tout ce qui leur est nécessaire. Il faut comprendre dans cette énumération les gandos, venus du Niger, fuyant la tyrannie des Touareg, qui ont demandé des terres aux rois de Nikki et de Parakou, moyennant une redevance fixe, et qui sont pour ainsi dire les métayers des Baribas, et les captifs de case considérés par leurs maîtres comme leurs propres fils. A part les Peulhs nomades qui ne se mêlent pas aux autres races et se construisent des campements de paillotes enduites de bouse de vache, disposées en cercle pour enclore et défendre le troupeau, toutes ces peuplades vivent dans des villages coupés de rues tortueuses, composés de tatas ceinturés de murs, comme de petites forteresses, avec cases rondes à toits coniques ou rectangulaires, construites en terre battue. Les hommes libres vivent dans l'oisiveté, les esclaves, les gandos défrichent et préparent les terrains de culture. En cadence, au son du tambour, ils amassent la terre végétale en tas de 70 à 75 centimètres de hauteur. Sur le flanc de ces mottes, les femmes qui suivent, plantent ou sèment les ignames, le maïs, le mil, les haricots, le coton, l'indigo, les courges, les piments ou les citrouilles. Les travaux les plus pénibles incombent aux femmes, ce qui ne les empêche pas d'être très coquettes. Elles s'entourent les yeux de kolh, se parent de bracelets d'argent ou de
cuivre, de colliers de perles ou de corail et accomplissent de véritables chefs-d' œuvre de coiffure pour plaire aux hommes distingués de l'endroit. Les hommes sont d'autant plus riches qu'ils ont pu se procurer plus de femmes. En voyage elles précèdent leur maître et seigneur, portant les charges les plus lourdes. Celuici, armé d'une lance ou d'un bâton, avec un sabre en sautoir, se fait porter par la plus robuste pour traverser un marigot boueux. Les Baribas riches aiment en outre à parader à cheval, et pratiquent l'hospitalité. Quand la récolte est bonne dans le village, ce ne sont Étrangers, marque danses, chants et réjouissances. chands et griots sont bien accueillis et font recette. Au milieu de cette gaieté, les notables, vêtus de riches boubous, coiffés de la chéchia et du turban, le chapelet arabe en main, s'avancent gravement, le soir venu, vers la mosquée en terre battue où l'on n'entre qu'en se courbant; sur leur passage, femmes, jeunes gens, se couchent dans la poussière, ou s'inclinent très bas pour les saluer. Ainsi plane sur ce peuple noir la
dignité musulmane.
En somme, par la culture, l'élevage du bétail (15 000 têtes), la petite industrie, les habitants du
Borgou se suffisent à eux-mêmes et ils peuvent désormais s'enrichir, grâce à la sécurité que leur offre l'administration française, en assurant simplement le développement des richesses naturelles de leur pays. Actuellement, tout en se faisant estimer et respecter par sa bienveillance et son esprit de justice, l'administeur français, qui a pris la peine d'apprendre la langue de ses administrés, leur a fait accepter l'impôt personnel de 1 fr. 25 par tête. Enfin, grâce aux nombreux progrès accomplis voies et routes nouvelles, réserves forestières, pépinières créées, graines de coton etde caoutchouc distribuées et semées, plantation de vigne qui a donné d'excellents résultats, organisation administrative plus complète, les exploitations agricoles ont plus que triplé, et le mouvementcommercial a suivi depuis trois ans une progression encore plus considérable. Avec le chemin de fer qui atteindra bientôt le Borgou, c'est le moment pour le colon européen de s'installer dans le pays avec de sérieuses chances de succès.
Port-Arthur. Son Importance stratégique. P ORT-ARTHUR, que ne connaissait pas la précédende
génération, a conquis, en quelques années. une notoriété universelle et occupe depuis un mois l'attention des deux Continents. C'est l'œuvre de prédilection et fun des titres de gloire de Li-hung-chang. Les travaux chinois du port et des fortifications, commencés en 1870, ont été terminés en 1892, après avoir coûté à la Chine plus de ioo millions. Presque tous français. Les ces travaux sont dus à des ingénieurs docks, remarquablementinstallés, ont été payés 5 millions à une compagnie française. Pris par les Japonais pendant la campagne sinojaponaise de 1894-1895, restitué à la Chine sur les injonctions de la Russie et des autres puissances européennes, par le second traité de Simonoseki, ce port a été, par la Chine, cédé à bail à la Russie pour quatrevingt-dix-neufans. La Chine avait à payer à la Russie l'intervention par laquelle elle avait été arrachée aux prétentions de son vainqueur. On sait ce que signifie semblable bail les Russes n'évacueront pas plus PortArthur que toute la Mandchourie, car la reddition de la province est subordonnée à un règlement de comptes dont les Chinois ne pourront jamais se tirer. Aussi les Russes n'ont-ils pas hésité à faire d'énormes sacrifices pour agrandir et approfondir le port, le doter de tous les établissements les plus perfectionnés, refaire et augmenter considérablementsa protection. La presqu'île déchiquetée au bout de laquelle se trouve le port, longue de 5o kilomètres,large de 2o environ, n'est rattachée au continent que par un isthme de 3 kilomètres à peine. Elle est entièrement montale long du gneuse en dehors de quelques hectares rivage, occupés presque entièrement par des villages
ou les villes de Dalny et Port-Arthur, il n'y a qu'un dédale de hauteurs, peu élevées, il est vrai (le plus haut sommet ne dépasse pas 457 mètres), mais très escarpées, rocailleuses, tourmentées, essentiellement favorables à la défense pied à pied et à l'aménagement de lignes successives de cette défense. Le système orograghique se décompose en trois plissements' l'un, au nord, s'étend du cap Collinson au mont Sampson, brusquement interrompu par la brèche de Kin-tchéou, qui forme en même temps l'isthme. Le second part du cap Sud-Ouest (Lao-techan), décrit autour du bassin de Port-Arthur un demicercle de 4 à 7 kilomètres de rayon et vient se perdre, au sud-est de Dalny, prolongé par les îles Sanshan. Le troisième, très court, mais particulièrement intéressant, comprend l'ile ou presqu'île du Tigre, la montagne d'Or et se fond ensuite avec les ramifications de la ligne précédente. C'est un véritable mur, de 150 mètres d'élévation, séparant de la haute mer le port et le bassin de Port-Arthur, qui se trouve ainsi comme le fond d'une cuvette entourée de toutes parts de hauteurs importantes. Très escarpées du côté de la mer, ces hauteurs sont à peu près inaccessibles. Cette muraille naturelle est percée de deux brèches l'une, la passe Ossayo, au sud de l'île, est complètement ensablée; le sable y est, comme d'ailleurs dans toute la partie nord et ouest du bassin, à sec à marée basse. A marée haute, les barques seules peuvent y passer. Les Russes sont en train d'y creuser un chenal, mais c'est un gros travail, à peine commencé. L'autre brèche, la passe proprement dite, entre l'île de la montagne d'Or, a une largeur utilisable d'environ 200 mètres dans la partie la plus étroite. Elle a été portée à une profondeur de 8m50. Cette barrière de hauteurs est couronnée de douze forts très solides et d'ouvrages divers réunis par une enceinte continue. La plupart sont creusés dans le roc, par conséquent insensibles aux effets des plus gros
projectiles ennemis. L'artillerie est sous tourelles cuirassées, ou en batteries masquées en dehors des forts sur des emplacements inconnus de l'ennemi. L'ensemble de ce système est donc presque invulnérable. Le front de terre,'lui aussi, est extrêmement solide. Aux abords immédiats de la ville se trouvent quelques ouvrages commandantleportou ses approches du côté du nord sur une hauteur voisine et sur celle dite du Tumulus, où se trouve également le meilleur des observatoiresde Port-Arthur. Plus loin, à une distance de 2 à 3 kilomètres du côté de l'est, 4 à 8 des côtés nord et ouest, se trouve sur le cercle des hauteurs une véritable ceinture de forts et de redoutes reliés par une enceinte de sûreté
continue. L'armement des forts du sud était, en 1900, de 5o pièces Krupp, 19 de très gros calibres, 3 1 de moyens calibres, sans compter les canons à tir rapide; ces chiffres ont été augmentés depuis. A la même époque chacun des ouvrages du front de terre avait de 6 à 12 pièces de fort calibre sans compter les autres. La rade et les bassins sont éclairés par des projecteurs électriques très puissants. l, Voir la Carte
théâtre de la guerre russo-japonaise publiée par la librairie Hachette et Cie. dze
Les quais, d'un développementde 3 ooo mètres,
entièrement desservis par des voies ferrées et des grues à vapeur, entourent un bassin de 500 mètres sur 350, prolongé par le lac Ping-chui-tzé, rendu maintenant accessible aux torpilleurs et petits bâtiments.
L'arsenal a une forme de radoub de 1 13 mètres de long, une cale pour gros bâtiments et une pour torpilleurs, des chantiers de construction, des ateliers de réparations et de vastes magasins. Pour attaquer Port-Arthur par terre, il n'y a que deux points dans toute la péninsule où un débarquement soit possible la baie des Pigeons ou Duffbay et les environs de Ta-lien-ouan, en particulier la baie de Hand ou du Nord. La première est plus avantageuse par suite de sa proximité, pour tenter une surprise contre la place la seconde mettrait à deux pas de la voie ferrée et donnerait une zone de débarquement plus étendue. Partout ailleurs la côte est entourée de vastes bancs de sable ou de falaises rocheuses à pic rendant tout débarquementimpossible. Les Russes ont mis ces deux baies sous le feu de forts de premier ordre et ils les ont protégées, du moins pour la baie de Ta-lien-ouan, par des lignes redoutables de torpilles fixes semblable précaution a été prise aussi autour de la baie des Pigeons. Dans l'intérieur de la presqu'île, les Russes ont, enfin, élevé des ouvrages assez nombreux sur toutes les lignes successives qu'ils auraient à défendre dans les différentes hypothèses. Ils sont en train de créer un barrage continu et très fort dans la partie nord-est, auprès de l'isthme, en vue d'interdire l'accès de la presqu'He à l'ennemi qui serait parvenu à prendre pied dans le Liao-toung. A côté du tous ces éléments de force, la position de Port-Arthur a deux défauts, assez graves, il est vrai, de ne posséder qu'un bassin peu spacieux et surtout une passe unique et très étroite. On se demande parfois pourquoi on n'a pas organiséplutôt la baie de Ta-lien-ouan. Certes cette solution eût été préférable mais, en présence des travaux déjà faits par les Chinois à Port-Arthur, l'aménagement du golfe de Ta-lien-ouan eût été plus coûteux et plus long, et les Russes ont compris qu'il importait avant tout de faire vite, d'être prêts avant la guerre prévue. Port-Arthur est en somme formidablement armé et fortifié. Si les travaux d'aménagement et d'extension du port ne sont pas tout à fait terminés, en revanche, les ouvrages extrêmement solides qui le défendent sont achevés, l'artillerie est au complet et très hrgement pourvue en munitions.
Ardouin Dumazet. ~° lioyage en France.
série
Agenais; Lomagne; PasQuercy. Nancy et Paris, Berger-Levrautt, 19°.3, In-~6, .3 52 pages et figures. Prix 3 fr. 50. a° Voyage en Frauce. .32° série Haut-Q!lercy; Haute-Auvergne. Nancy et Paris, Berger-Levrault, ~903. ln-16, .328 pages et figures. Prix 3 fr. 5°, .3° I~oyage en France. 33e série Basse-Auvergne. Nancy et Paris, Berger-Levrault, ~903. In-16, 344 pages et fi-
gures. Prix
3
3 ~e
fr. 50.
THE SUNDAY HERALD
Boston.
Le Soin des Bébés chez les Peaux-Rouges. Peaux-Rouges sont des sauvages, au moins pour nos
préjugés européens; mais les enfants, chez eux, sont entourés dès leur naissance d'autant de soins, d'autant de sollicitude et de tendresse que les nôtres. à part certains préjugés assurément cruels, et dont les mères Peaux-Rouges souffrent certainement les premières, Ce n'est pas un préjugé, c'est une nécessité qui oblige les mères, dans les tribus restées sauvages de l'Amérique du Nord, à attacher leur enfant sur une planche et à le porter sur le dos comme un paquet. C'est sur ces pauvres créatures que retombe la bonne moitié du travail quand les hommes sont à la chasse ou à la guerre, elles labourent, soignent le bétail, portent des fardeaux. Que feraient-elles de leur bébé, pendant ce temps? Et quand elles doivent le nourrir ou veiller sur lui? S'il crie la faim? La planche où il se débat est ramenée du dos sur la poitrine de la mère, A-t-elle à produire aux un gros effort musculaire, à tenir tête, par exemple, chevaux demi-sauvages qui servent de montures aux Indiens? Elle rejette l'enfant derrière son dos, sans même troubler son sommeil. Habitué aux rudes secousses d'une existence mouvementée, il se laisse bercer par elle, et l'on en a même vu dormir à poings fermés, un jour de bataille, lorsque la mère qui les portait s'occupait des chevaux des guerriers, dont elle soutenait l'ardeur par ses cris sauvages. D'ailleurs, si primitif que soit le berceau, l'amour maternel trouve moyen de le rendre plus gracieux et plus confortable. Des femmes indiennes s'ingénient à sculpter l'informe planche, à lui donner une courbe gracieuse; elles la doublent d'une moelleuse peau de daim. Bien que l'enfant soit ficelé à la planche, comme un gros saucisson, de manière à ne pas tomber, certaines mères poussent la sollicitude jusqu'à munir la planche d'un rebord en cuir, avec une grossière capote qui abrite du soleil ou de la pluie la tête du petit dormeur. Alors, le berceau suspendu a l'air d'un énorme soulier. Chères Européennes, écoutez ceci, et prenez de pauvres sauvages pour modèles jamais la femme Peau-Rouge ne maltraite son fils. On prétend, il est vrai, que les petits PeauxRouges ne pleurent jamais. Peut-être mais ils poussent des hurlements, ce qui est plus intolérable encore. En Europe, cinq mères sur dix auraient vite fait d'allonger à tout le moins une bonne taloche au petit démon. La mère indienne le laisse crier tant qu'il lui plaît; voyant qu'on ne l'écoute pas, il ne tarde pas à se calmer. Tout au plus, si le vacarme devient intolérable, se borne-t-elle à lui pincer le nez jusqu'à ce qu'il se taise. Elle a d'ailleurs toutes les petites tendresses et vanités touchantes qui font dire à toutes les mères que leur enfant est le plus joli, le plus intelligent, le plus gentil de tous les bébés de la création. Comme l'Européenne, la Peau-Rouge a sans cesse les yeux fixés sur l'enfant du voisin, pour en tirer comparaison. au profit du sien toute espèce de motifs de article à une « Ruth, demandait l'auteur du présent mère indienne, comment va votre bébé? Très bien, magnifiquement,répondit celle-ci, toute glorieuse. Figurez-vous, madame, qu'il est né le même jour le que l'enfant de Rosie. Le sien n'a pas encore de dents; et mien en a déjà deux; voyez! » Par exemple, ce que je vais ajouter est moins louable. Les Peaux-Rouges ne sont pas féministes la naissance d'une fille est regardée chez eux comme un ennui, sinon comme au monde, ne une catastrophe. La pauvre fillette, à sa venue rencontre autour d'elle que des regards sombres la mère la plaint d'entrer dans une vie où elle n'aura que des travaux et des peines, et le père, surtout s'il n'a pas encore de fils, est furieux de se voir appelé le père de misérables « squaws ». Tant que l'enfant ne peut se passer des soins maternels, on peut l'appeler un anonyme. Tout au plus porte-t-Hle nom générique de « hat-wols », s'il est un garçon, et de « pe-telis », si c'est une fille. Mais, dès que le petit Indien peut
quitter sa planche et commence à marcher, le père l'emporte épier son sur une colline, et se tient en observation pour premier geste le premier objet sur lequel le petit portera sa main ou qu'il montrera du doigt, le premier animal, accident ou phénomène naturel qui attirera son attention,
détermine le nom qui sera désormais le sien. Aussi, rien d'étonnant si tant d'Indiens portent les noms bizarres de de « Chien Paresseux », de ( Sans « Tourbillon de Vent », de « Pluie au Visage », ou si tant de femmes, Chemise a Ne chez eux, s'appellent « Lumière sur la Colline touche pas aux aliments ». Mais voici qui nous semble révoltant. Certaines tribus du nord-ouest de l'Amérique, du côté de la Colombie britannique (l'auteur ne précise pas), considèrent la naissance des jumeaux comme un signe de la malédiction du ciel. L'un de démon, Mais ces deux petits êtres ne peut provenir que du lequel des deux? C'est au sorcier à prononcer. Quand l'enfant du diable est dénoncé, on le renvoie à son père, j'entends à son père infernal, par les voies les plus expéditives. Or, ce qui suit montre que ces pauvres gens savent parfois s'élever au-dessus de leurs propres préjugés, Un Indien de la tribu des Cayuse avait deux filles jumelles, qu'il aimait de tout son coeur. Les chefs viennent l'inviter à les placer l'une et l'autre dans les deux plateaux d'une balance, afin de je savoir laquelle des deux devra recevoir la mort. Le père leur le soupçonne de s'être frotté aux idées européennes raconte alors qu'il vient de faire un songe dans ce songe, il tribus a vu ses deux filles épouser deux chefs de puissantes voisines, qui, grâce à ce double mariage, feront alliance avec les Cayuse, et tripleront leur puissance. Inutile de dire que les pauvres fillettes furent sauvées. Si ce bon père de famille n'a puisé que dans son coeur une aussi heureuse inspiration, je le déclare un homme de génie!
ou
ou
CORRIERE DELLA SERA Milan.
Bokhara la Sainte. de guerre souffle sur toute la surface du monde. Maintenant que l'ours moscovite est aux prises avec le Japon, va-t-il donner un coup de patte du côté des possessions
UN vent
de l'alliée du Mikado? Ce serait du Turkestan qu'il précipiterait sur l'Inde ses avalanches de Cosaques. Mais rien ne respirait la guerre, le jour où le voyageur italien Ugo Ojetti d'un puissant passa par Bokhara la Sainte, ancienne capitale simple station Etat, aujourd'hui-grandeur et décadencedu transcaspien. C'était un vendredi, qui est le dimanche des Mahométans. Les trois cent soixante mosquées de la cité sainte étaient remplies de fidèles; personne dans les rues, à part le giaour auquel nous empruntons ces détails, L'impression de religieux recueillement que respirait toute une ville était si puissante, raconte M. Ojetti, « que cette solitude pesait sur moi comme une exclusion et une réprobation ». A chaque grande mosquée est annexée une école (medressé) où se forment les futurs prêtres, Bokhara sert de séminaire à la plupart des élèves prêtres de l'lslam selon le rite sunnite. Quant aux écoles primaires, elles se rencontrent pour ainsi dire à t9us les angles des rues. L'instituteur, accroupi à ses sur une natte et les pieds dans ses mains, enseigne dix pendant enfin, élèves l'alphabet arabe, puis le syllabaire; les ou douze mois, il fait lire aux plus avancés les versets chercher à le leur plus faciles du Coran, mécaniquement,sans faire comprendre. D'ailleurs, il faut ajouter que la langue arabe est un pur logogriphe pour des bambins qui ne parlent qu'un dialecte turc. Ensuite, pendant douze mois, on leur fait apprendre par Après coeur des poésies dans leur idiome ou des vers arabes. cela, l'élève a droit au turban et au titre de mullah c'est, à Bokhara, le brevet élémentaire! Saintes occupations de Bokhara la Sainte, qu'allez-vous devenir le jour où tonnera le canon?.
Les Voies ferrées de l'Alaska. La Construction d'un Chemin de fer arctique. La science des ingénieurs ne connaît ~lus d'obstacles et les difficultés matérielles ne sont ~lus que matière à ~rodiges, occasion d'exécuter de merveilleux tours de force. Tandis que le lac Baïkal voit s'allonger sur ses glaces les rails d'un chemin de fer stratégique, les neiges du Klondyke s'entrouvrent pour livrer passage à une voie ferrée qui portera la vie dans les contrées oiz la nature jalouse recèle l'or dans ses flancs congelés.
Le développement économique de l'Alaska
pris, depuis quelques années, un essor prodigieux, et, que les mines d'or continuent ou non à être une source de richesses, cette contrée a assez d'autres ressources naturelles pour a
où elle était de tirer parti d'une possession aussi déshéritée, en apparence du moins, et à tous les points de vue. Mais les obstacles que rencontrent les nou-
veaux acqué-
reurs de l'Alaska, le vendeur les retrouvedans ses possessions sibériennes.L'Alaska en est au point où se trouvait la Sibérie à la veille de la construction du Transsibérien
être une terre de
colonisation et de peuplement.
Mais la clef de
l'avenir de l'Alaska est la question des moyens
transport. Jusqu'ici, les
les marchan-
de
dises s'y transportent encore, comme c'était le cas dans l'Asie russe, à dos de rennes ou d'autres bêtes de somme. Le renne a jusqu'ici été si nécessaire à l'Alaska, qu'il y a
produits des mines ont été amenés de l'intérieur aux côtes par des procédés tout à faitprimitifs.Des obstacles extra-
ordinaires ont
empêché la con-
struction de
voies ferrées et
une
douzaine
d'années, les
autres moyens de communica-
Américains, dé-
tion perfectionsespérant de LE PREMIER IRAIN LE VOYAGEURS QUITT.1NI' LE LAC BENNET. nés et les diffitrouver des cultés qu'oppose Photographie con:mreniqrréc par le Cassiel's lL~agaüne. moyensdetransclimat un poport moins prilaire semblaient devoir à jamais décourager les ingémitifs, y introduisirent plusieurs milliers de ces aninieurs. maux, achetés en Laponie parles agents des ÉtatsLa Russie a vendu la grande péninsule de l'Alaska Unis. Ces rennes lapons se sont multipliés dans leur nouvel habitat à un tel point qu'on en compte aujouraux Américains, précisément à cause de l'impossibilité A TRAVERS LE MONDE.
14
LIV.
N° 14
2 Avril 1904.
d'hui plus de i o ooo, sans parler des chiens esquimaux servant de bêtes de trait. D'après les derniers rapports officiels du Gouvernement américain, ces rennes importés sont très vite domestiqués, et ne servent pas seulement à la locomotion des indigènes, mais leur fournissent lait, viande, cuir, etc. Le nombre de ces animaux pourrait d'ailleurs aisément être décuplé, et ils trouveraient toujours, quelle que soit leur quantité, leur nourriture dans la mousse de la tundra alaskienne, même dans les hivers les plus rigoureux. Le Gouvernementa fait tracer plusieurs longues routes où les rennes tirent des traîneaux-dilihences ou des traineaux-camions dont le service se fait très régu-
sous le cercle polaire arctique, a commencé virtuellement le jour de la découvertede l'or dans les régions du Klondyke, où un petit nombre de pionniers de voies ferrées se mit à planter des jalons sur la White Pass et le long de la future ligne du Yukon. Cette ligne est l'amorce du futur réseau des chemins de fer arctiques, et en dépit de son peu de longueur, elle a eu à surmonter des obstacles plus formidables que tous ceux qui pourront se rencontrer encore. La circulation des trains, en hiver, y est trop souvent entravée par des chutes et des tempêtes de neiges. Pendant des semaines entières, la voie est ensevelie sur une partie de son parcours par de véritables montagnes de neige et de boue. Aussi, a-t-on plus d'une fois reproché aux
7R..1IN DE VOYAGEURSPASSANT AU SODIHET DE LA
Photographie commnuiquée par lièrement sur la neige. C'est le service de transport le plus septentrional du globe. Ces routes courent dans des régions affreuses, dénudées, hérissées de glaces, coupées de montagnes et de glaciers. En hiver, les pauvres attelages sont fréquemment surpris par des tempêtes de neige ou de grêle; mais l'endurance, la force de résistance du renne lui permet de triompher de toutes ces épreuves. Cela dit, il est aisé de comprendre que le renne, quelles que soient ses qualités comme moyen de transport, devient tout à fait insuffisant à l'heure actuelle, où les foules se sont jetées sur l'Alaska, où le mouvement d'exportation et d'importation devient intense, où le chiffre des affaires rappelle la fièvre californienne d'il y a plus d'un demi-siècle. Une voie ferrée s'imposait. C'était, pour l'Alaska, une question vitale. La construction du chemin de fer de l'Alaska,
le
WHIIE
PASS.
Cassier's ~llaga.~ine.
constructeurs de la ligne du Yukon ce qu'on appelait leur folle témérité. Mais les événements ont montré qu'ils n'ont pas fait une mauvaise affaire. L'année dernière, cette ligne produisait des dividendes de 6o pour ioo à ses actionnaires, et les actions, à Chicago, se vendaient au cours extraordinairement élevé de 75 livres chacune, lorsque, au début elles ne valaient que 6 livres 30! Ce résultat inespéré est dû au prodigieux développement de l'Alaska et à la foule toujours croissante des voyageurs qui utilisent cette voie.
Ainsi, la ligne du Yukon Pass a prouvé qu'elle est aussi avantageuse à ses actionnaires qu'au public. Chercheurs d'or et touristes, tout le monde voit tomber devant soi, comme par enchantement, les obstacles quasi-insurmontables qui cependant n'avaient pas défen.lu les champs d'or, les premières années,
contre l'avidité des foules, mais dont la disparition a eu pour effet de décupler le mouvement d'immigration.
immédiatementque desvoiesferrées, faisantcommuni-
de montagne, oc-
nantes, réduiraient considérablementle prix du bois. Ces voies ferrées ne sont pas seulement opportunes elles sont indispensables. Au point de vue des rendements aurifères, le cap Nome est aussi important que le Klondyke; mais
Avant la création de la ligne, un simple voyage à l'Alaska exigeait des capitaux sérieux, et le transport des marchandises, à dos d'homme, à travers des défilés
casionnait des frais dont les chiffres semblent fabuleux. D'ailleurs, ces tra-
quer cette région avec les régions forestières avoisi-
la côte en est si in-
jets n'étaient pos-
hospitalière que les navires ne peuvent
sibles qu'en été; or, à l'Alaska, et sur les hauteurs de la White Pass ou de la Yukon Pass, l'été
en approcher à
moins de 2 ou 3 milles. L'absence de ports oblige à un
dure un ou deux mois, tout au plus. La mise en exploi-
transbordement en canot aussi pénible et long que périlleux. Cela n'a pas empêché Nome de devenir une ville de 20000 habitants. L'industrie aurifère y est pour beau-
tation des chemins
de fer a immédiatement changé tout cela. Sans parler
des facilités du
voyage, le transport des marchancoup, sans doute; dises a tout de suite mais l'avenir de CARTE DU CHEMIN DE FER CE L'ALASKA. diminué de prix cette ville repose dans la proportion de cinq ou six (( cents » (dix sous) sur des garanties plus solides encore elle est habitée par livre. D'où considérable réduction de frais et consipar des fermiers, des bûcherons, des chasseurs, des dérable augmentation dans le nombre des voyageurs. manufacturiers aussi bien que par des chercheursd'or. Le développement économique de l'Alaska est devenu une réalité.
L'augmentation de la
population, dans les cinq dernières années. a été de 500 pour ioo environ. Mais l'extraction de for ne sera pas la seule industrie du pays. Les fertiles vallées. ainsi que les côtes de l'Alaska, in-
vitentfermiers,sqa~atters, bûcherons, pêcheurs, à y fixer leur demeure. L'élevage des bestiaux, la culture de l'orge, du seigle, de l'avoine, promettent d'y être rému-
nérateurs. Certaines parties de l'Alaska sont très riches en forêts, tandis que d'autres sont abso-
lument déboisées. Par
ARRIVÉE PAR CHE1IIN DE FER AU SOMMET DE LA WHITE PASS PRÈS DE LA ROUTE DU YUKON.
Photographie exemple, dans la presqu'île Seward, qui promet de devenir une des parties les plus florissantes de l'Alaska, et où de nouvelles voies ferrées vont être sous peu une cause de développement, on ne rencontre pas d'arbres dans une lisière de 3o milles à partir de la côte. A Nome, à Solomon City, le bois coûte très cher (200-300 livres sterl. par mille pieds cubes). On voit
commur:iquée par~ le Cassier's Magaïine. Mais son existence comme cité sera précaire
tant
qu'elle ne sera pas reliée par une ligne ferrée avec un port libre de glaces. Jusqu'ici, depuis deux ans, une voie ferrée de minuscule longueur la rattache à la côte peu hospitalière dont nous venons de parler. Cette petite ligne a
reçu le nom de Wild Goose Railroad (chemin de fer des Oies sauvages). Elle relie la ville de Nome à Anvil Creek, lieu de débarquement. Malgré son peu d'extension (5 milles de long), cette ligne a fait des affaires d'or et littéralement rendu accessible aux touristes et aux mineurs une ville d'avenir, dont les approches jusque-là avaient été aussi ardues que celles d'une cime vierge. En un seul été, la petite ligne (( Wild Goose » a couvert plus de neuf fois ses frais de construction! Les actions ont monté bien au-dessus du pair. 11 est vrai que ces frais n'ont pas été considérables, l'installation de la ligne étant des plus sommaires; mais, dans ce pays de neiges éternelles, c'est tout de même un bel exploit, et qui fait contraste avec les trois millions de dollars qu'a exigés la construction de la ligne Skagway-White Pass-Dawson City. Aussi le réseau des chemins de fer du cercle polaire, amorcé dans d'aussi heureuses conditions, va-t-il se développer avec activité, Plusieurs lignes sont projetées; celle de l'ttoile du Nord est en construction en ce moment elle éclipsera, à beaucoup d'égards, toutes celles qui ont été ouvertes jusqu'ici, soit en rendant accessibles des régions riches en ressources naturelles, soit en devenant l'amorce de la gigantesque ligne transsibérienne ettransaméricaine, les deux continents communiquant par un tunnel sous le détroit de Behring. Ce tunnel coûterait moins de peine et d'argent que le canal de Panama. Si la ligne (( Étoile Polaire n'est pas destinée à devenir un des tronçons de la grande voie mondiale, elle en sera du moins un des principaux embranchements. En attendant, elle va ouvrir à la vie économique la presqu'île Seward, qui s'avance vers la Sibérie, qu'elle semble bien près de toucher. Elle sert de base au fameux cap Nome, si riche en gisements aurifères. Mais, en outre, elle offre à l'agriculture un terrain favorable. La rivière Solomon, qui la traverse, forme un beau port à son embouchure, à 30 ou 40 milles à l'est de la ville de Nome. C'est le seul port de la côte sud de la péninsule; aussi la ville de Solomon, située sur cette baie, s'accroît-elle rapide-
ment.
dont
A 5o milles en amont est la ville de Council, le développement est aussi très rapide. La
voie ferrée « Étoile du Nord réunira ces deux villes, en faisant communiquer la côte avec le centre de gravité économique de la presqu'île. La construction de cette ligne profitera de toutes les expériences qu'on a faites dans celle de la White Pass et de la Wild Goose. D'ailleurs, les obstacles naturels y sont minimes pays plat, peu de collines à percer, et le bord d'une rivière, dont la ligne ne s'écartera guère toutes les facilités possibles! Et elle aboutira à une des régions les plus forestières de l'Alaska, qui la dispenseront d'avoir recours, comme les deux lignes précédentes, aux bois transportés de l'Orégon et du Washington. Du reste, toute la presqu'île Seward sera, dans peu d'années, sillonnée de chemins de fer, qui en feront un pays agricole et industriel. Peu de contrées semblent mieux se prêter à l'élevage des bestiaux que cette côte, que le courant d'eau tiède du Japon préserve des rigueurs du climat arctique, bien que l'intérieur soit trop souvent hérissé des glaces polaires.
Les frais de transport des marchandises apportées
par mer et péniblement débarquées se montent aujourd'hui à 200 livres sterling par tonne. Le nouveau chemin de fer les rendra dix fois moins considérables. Ainsi, les lignes de l'Alaska s'offriront comme plus rémunératricesqu'aucune de celles des États-Unis. La « Western Alaska construction Company », qui a entrepris la construction de la ligne « Étoile Polaire », n'y dépensera qu'un million, tandis que les entreprises précédentes ont exigé plusieurs millions de frais. Et quand un tunnel sous-marin aura permis d'unir les chemins de fer américains à ceux d'Asie et d'Europe, les sept millions de dollars que les ÉtatsUnis ont consacrés à l'achat de l'Alaska ne seront qu'une imperceptible mise de fonds qui aura ouvert une source d'incalculables, de fabuleux bénéfices matériels.
Au Tunnel du Simplon.
Nouveau retard dans son Percement.
LE percement de ce grand tunnel qu'on espérait réaliser,
dès le début de l'été prochain, va se trouver retardé de plusieurs mois par suite d'un accident survenu au front d'attaque du côté suisse qui a dépassé de 3 00o mètres le point culminant du tunnel et se trouve sur la pente du versant méridional. On a rencontré une venue d'eau qui a noyé les chantiers et obligé à suspendre complètement la perforation, non à cause du volume de l'eau qui n'était que de 7° litres par seconde, mais par suite de la température de cette eau qui atteignait 48° degrés centigrades. Ces sources d'eau chaude sont inépuisables parce qu'elles proviennent des profondeurs de la terre, tandis que les sources froides, comme on en a rencontré déjà beaucoup, sont alimentées par des eaux superficielles qui diminuent à mesure que les réserves qui les ont produites s'épuisent d'elles-mêmes. Les ingénieurs ont étudié un procédé destiné à aveugler cette inquiétante venue d'eau, mais ils ne paraissent pas encore avoir réussi, car, le mois dernier, les travaux ont été entièrement arrêtés dans la galerie nord, et il est à craindre que la perforation ne puisse se continuer désormais que du côté italien. De ce côté, le tunnel se trouvant en pente vers la sortie méridionale, l'écoulement des eaux rencontrées se fait
naturellement.
Actuellement, 10 144 mètres sont percés du côté nord et 7 898 du côté sud, soit en tout 18 042 mètres. Comme le tunnel a une longueur totale de 19 730mètres, il reste donc à percer 1688 mètres. L'avancement normal variant, selon les terrains rencontrés, entre 4 et 6 mètres par jour, le tunnel du Simplon pourra être complètementpercé vers la fin de l'été, si l'on parvient à reprendre le travail des deux côtés à la fois; ou seulement au printemps de 1905, si l'on doit se restreindre à travailler du seul côté italien.
ceux-là, des Polynésiens d'autres même, des représentants dans l'Extrême-Orient de la race (( caucasienne occidentale leur longue barbe, leur abondante chevelure, rude comme une crinière, leur donnent la physionomie des ~r~oisjiks de la Russie. Autant dire que leur origine reste ignorée. Quant à leur nom d'Aino, la signif1cation en est inconnue de même que la plupart des appellations de peuples, il aurait tout bonnement, dit-on, le sens d' (( Hommes ».
ou
Les deux Races du Japon, QUAND un occidental aperçoit dans la rue un homme jaune aux yeux bridés, pommettes saillantes et nez légèrement aplati dans une figure rasée ou de poil pauvre, son
diagnostic est vite fait
si l'homme jaune porte une robe et des
cheveux en nattes, c'est un Chinois s'il est en jaquette européenne, c'est un Japonais, Cette ethnologie sommaire a
l'inconvénientd'être très inexac-
te, du moins en ce qui concerne les naturels du Japon, Le type japonais que nous connaissons ou croyons connaître est le représen-
tant d'une seule des deux races qui se partagent, inégalement c'est vrai, les îles japonaises, et un profane serait fort surpris de
trouver à côté du type classique un autre indigène absolument différent.
Quelle que soit l'origine nébuleuse d'un peuple qui habi-
SPÉCIMENS DU l'YPE AINOS (JAPON' SEPTENTH10N.11.J; LI:S FI·111tS S~ENLUJ1INEN'l' LES LCVRES POUR FIGURER DES hfOl'STACHES.
Pl:otogra~hie iaponaise communiquée par hT. Alex. Desfontaines.
tait le Japon bien avant l'époque où remontent ses annales, il faut distinguer tout d'abord parmi les habitants actuels 10
les Aïnos; 20 les Japonais
proprement dits. Les Aïnos ont de grands yeux francs, ronds, droits et d'un noir brillant, une physionomie douce, des traits réguliers, des lèvres épaisses, un nez grand et de belle forme.
Les femmes sont, jusqu'à la
puberté, remarquablementjolies. Leur regard, voilé derrière de longs cils, a quelque chose
d'effarouché. Pieds nus, vêtues comme les hommes d'une robe unique d'écorce d'arbre, les bras tatoués, les oreilles ornées de pendants d'étoffe rouge, SPÉC~,MENS DU TYPE JAP~NAIS PROPREMENT DIf (JAPON CENTRAL elles croient ajouter beaucoup ET hIÉRIDIONAL~. à leur beauté en remplaçant la Photographie j,zpor:aise co»imuniqelécpar bl. Alex. Desfontaines. moustache qui leur manque Il n'y a aucune ressemblance entre leur langue et par une enluminure de même forme peinte au-dessus de la lèvre avec une sorte d'ocre. l'idiome japonais. Quant à la souche ethnique à laquelle ils se ratLes Aïnos sont confinés aujourd'hui dans Yéso, tachent, tantôt on les range parmi les « Mongols », avec dans la moitié méridionale de l'île russe de Sakhaline, les Chinois et les Mandchoux, tantôt on les considère qu'ils semblent avoiroccupéejadis tout entière et dans le débris d'une comme les Kouriles. La race entière ne compte peut-être pas race spéciale à laquelle appartiendraientaussi les Aléoutes et les Kamtchadales. Les plus de 20000 individus. font uns en Ils ne vivent que du produit de la chasse et surune branche des Esquimaux les autres, des frères des Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord tout de la pêche, Ils habitent descabanes de bois qu'ils
tapissent intérieurement de feuillage ou simplement des huttes de branches, dont la terre forme le plancher. Ceux que les chroniques chinoises appelaient les (( Barbares velus étaient les maîtres de Yéso quand, au xme siècle, leurterre futsoumise par les mikados et légèrementteintée de civilisationjaponaise,Ils s'y sont conservés à l'état de race relativement pure. Dans le nord du Nippon, ils se sont peu à peu fondus par croisements successifs avec la population japonaise. A côté des Ainos, les traditions anciennes désignent deux autres éléments constitutifs de la nationalité japonaise les Yousou ou Koumaso et les Yamato. De ces deux souches sont sortis les Japonais propre-
ment dits.
Les photographies et les albums illustrés nous ont familiarisés avec les traits physiques qui caractérisent les japonais. Ils ont en général la tête grosse, un peu enfoncée dans les épaules, la poitrine large, le buste long, les hanches charnues, les jambes grêles et courtes, les pieds petits, les mains fines et souvent remarquable-
ment belles. Chez les personnes qui ont le front fuyant et les pommettes des joues larges et proéminentes, la tête, vue de face, représente plutôt la figure géométrique du trapèze que celle de l'ovale. Les cavités des yeux étant peu profondes et les cartilages du nez légèrement aplatis, les yeux sont plus à la surface que chez les Eu-
ropéens, et même quelque peu bridés. Cependant, l'effet général n'est pas celui du type chinois ou mongol. La tète du Japonais est plus grosse, la figure plus allongée; le nez est plus saillant, mieuxdessiné,souvent même presque aquilin. Toute la population japonaise, sans exception, a la chevelure lisse, épaisse et d'un noir d'ébène. Dans cette population purement japonaise, il est même nécessaire de distinguer deux types profondé-
ment tranchés. L'un, le type aristocratique, échappant à la formule générale, se distingue par la forme romaine du nez, par l'œil ouvert et bien fendu, la tête allongée, le front élevé, la coupe ovale de la figure; l'autre type, le type plébéien, se rapproche des traits qui caractérisent la race mongole yeux bridés, figure en trapèze, front r.as, nez écrasé, large et plat, pommettes saillantes. Il est impossible d'imaginer un contraste plus absolu. Méfions-nousdonc des généralisations hâtives et n'oublions pas qu'il y a Ainos et japonais, et même japonais et Japonais. C. D.
La Population actuelle de la
Nouvelle-Orléans.
APRÈS avoir, dans un précédent article', étudié la transformation de la grande ville américaine, il 1,
Voir A Travers le Monde,
no 12,
p. 89.
nous reste à examiner l'évolution accomplie par sa population. Le créole de la Nouvelle-Orléans, plus particulièrement l'élément féminin, est un composé francoaméricain, dont le type s'est formé sous l'influence des événements. Après 18°3, les colons avaient tenté de résister à la langue, à la religion, aux moeurs et aux habitudes importées par les Américains considérés comme des usurpateurs. Le nombre de ces derniers augmentant, les relations avec l'Europe devenant de plus en plus
rares, celles avec les États du Nord plus fréquentes,
les protestatairesdurent se résigner. Vint la guerre de Sécession les planteurs furent ruinés, quelques-uns se retirèrent en France, la plus grande partie fut obligée de lutter pour l'existence et sous l'influence du milieu où ils vivaient, et aussi par nécessité, les créoles
acceptèrent franchement, loyalement, le nouvel état de choses qui leur était imposé. La France resta pour eux le passé, l'Amérique devint le présent, l'avenir; et, tout en conservant, au fond de l'âme, une tendresse pour leurs traditions, ils s'efforcèrent d'assurer leur existence, d'augmenterleurs ressources et de conquérir la richesse, en adoptant les ambitions, les idées et les moyens d'action des Américains.
Maintenant, la population de la Nouvelle-Orléans se compose, en raison de son rapide accroissement, d'éléments assez hétérogènes de créoles, de descendants d'Américains établis en Louisiane depuis plusieurs générations, d'Américains nouvellementarrivés des États voisins ou des États du Nord et de l'Ouest; d'immigrants français et italiens, et enfin de nègres. Chaque groupe a un peu sa spécialité. Les créoles sont de bons employés, ils recherchent particulièrement les fonctions administratives, les carrières libérales de médecin, d'avocat, de notaire, ou s'occupentd'agriculture. Les anciens Américains possèdent la banque, le haut commerce, les grandes affaires; les nouveaux cherchent fortune dans l'industrie des transports, le commerce du coton, ou travaillent sur les quais. Les émigrants français, qui sont près de trente mille, rêvent de devenir boutiquiers et monopolisent les métiers de bouchers, laitiers, jardiniers, cuisiniers et garçons de restaurant. Les Italiens sont marchandsde fruits ou manoeuvres; les nègres, ouvriers, domestiques, travailleurs de terre, continuent à donner la note pittoresque du pays. Malgré cela, le tout tend à devenir, d'année en année, plus homogène, et, au point de vue social,la Nouvelle-Orléans a bien sa personnalité, son caractère, ses habitants étant nettement différents de ceux du reste des États-Unis, L'élément créole a eu de l'influence sur le milieu qui l'a, en partie, absorbé par le mariage, l'éducation commune et l'obligation de travailler côte à côte. Grâce à lui, la Louisiane est restée.la terre la plus hospitalière du Nouveau-Monde la société est plus raffinée, plus élégante que partout ailleurs en Amérique; les femmes y sont plus féminines, moins indépendantes, plus épouses et plus mères. La culture de l'esprit et des arts y est en honneur, on se sacrifie moins aux affaires, et on peut presque dire que la Nouvelle-Orléans est la ville de plaisir des États-Unis. Les réunions mondaines ont une réputation méritée, et, sous ce rapport, la tradition créole est restée intacte; elles sont très fréquentes et réunissent un
nombre de jolies femmes qui fait toujours l'étonnement des étrangers. Le carnaval" est particulièrement brillant, très supérieur à celui de Rome ou de Nice, et les jours gras attirent une foule que la ville est in. capable de loger, des trains de New York et de Chicago devant rester en gare pour servir d'hôtels aux
touristes. Le carnaval a d'ailleurs, de tout temps, été
obligatoire sur les bords du Mississipi, et autrefois les planteurs préparaient des réjouissances pour leurs esclaves. Depuis 1837, les fêtes sont devenues publiques et constituent la (( great attraction » annuelle. Ce qui caractérise tout particulièrement le carnaval moderne de la Nouvelle-Orléans, c'est l'organisation mystérieuse des sociétés qui en font les frais. Les noms des sociétaires, les réunions des comités, les surprises préparées, le choix du roi, de la reine et des demoiselles d'honneur, sont autant de secrets que tous les initiés gardent jalousement; et ce mystère a de nombreux avantages; il constitue un attrait de plus pour le public, permet de limiter les invitations et autorise les hommes les plus graves à prendre part à un jour de folie. Des sommes considérables sont dépensées par« Momus », » Comus », (( Protée », et autres Sociétés, qui rivalisent de zèle et d'ingéniosité pour faire, chaque année, nouveau et plus beau. On importe, de Paris, des costumes; on fait fabriquer des chars, sous la direction d'un décorateur français; et, au jour dit, ce ne sont pas de simples figurants, mais les plus qualifiés de la ville qui parcourent les rues, sous le masque, au milieu des applaudissements de la foule pressée sur des estrades construites.pour l'occasion. Après chaque cavalcade, on se rend à l'Opéra français du (( Vieux Carré », où a lieu un grand bal, et ainsi les nuits se succèdent joyeuses. Les invités sont d'ailleurs scrupuleusement choisis et les jeunes filles prétendent que les masques sont toujours parfaitement respectueux. A la Nouvelle-Orléans,tout est prétexteà réunions,
à têtes; décidément on
y est encore un peu français. GEORGES SAUVIN.
largeur variant de 200 à 500 mètres, et les ponts lui sont inconnus. Sa vallée est étroite, son courant rapide, sa profondeur dépasse presque partout 2 mètres. Il constitue donc un obstacle fort sérieux pour l'agresseur venant du sud-est, c'est-à-dire pour les japonais. d'autant plus que dans les environs du point de pasa une
sage probable, à Oui-djou, la rive russe domine la rive coréenne et se prête à l'établissement de solides ouvrages de campagne. En deçà du Yalou, dans le coeur de la Corée, la route franchit la plupart des contreforts détachës de l'arête centrale coréenne. Sur les 300 kilomètres qui séparent la capitale de la frontière, on rencontre un nombre considérable de positions très fortes naturellement, et qu'il serait difti. cile de forcer; il est probable d'ailleurs que, vu sa supériorité numérique écrasante, l'armée russe pourra, malgré le manque de chemins, faire exécuter à des corps isolés des mouvements tournants qui couperaient, le cas échéant, la ligne de retraite de l'armée du mikado. La formidable armée que le généralissime russe aura sous son commandement, marchera forcément
lenteur. II est probable que son mouvement en avant, entamé vers la fin de mars ou le commencement d'avril, la conduira sous les murs de Séoul au milieu de l'été. Les Russes ont grand intérêt à ne pas se hâter; avec
le temps travaille pour eux, car les ressources financières du Japon sont restreintes; la maladie fera des
vides cruelsdans son armée, videsdifficiles à combler, tandis que, dans l'armée russe, les ressources en hommes sont pour ainsi dire inépuisables. Dans sa marche en avant, à travers la Corée, le corps d'invasion du général Kouropatkine pourra donc à loisir occuper méthodiquement les villes qui jalonnent la route mandarine Tieng-tjiou, An-tjiou, Pieng-hiang, Hoang-tjiou et Pieng-san. Le terrain montagneux que traverse la route se prête admirablement à une organisation défensive, et à moins d'une supériorité écrasante, ce qui n'est pas le cas, les Japonais ne pourront sans doute pas emporter ces positions successives sur lesquelles l'armée russe se reposera et reprendra haleine avant de continuer
La Route stratégique de Séoul à Moukden. artère de communication entre la capitale Ldegrande la Corée et chef-lieu de la province le
de Mand-
chourie, élevée par les circonstances à la dignité d'une route stratégique, n'est qu'une horrible piste à tracé indécis, fort large dans les plaines, resserrée à la dimension de quelques pieds le long des précipices ou au passage des cols, et en principe absolument impraticable aux véhicules quels qu'ils soient. Cette piste est néanmoins la seule voie de communication sur laquelle puisse se mouvoir une troupe tant soit peu nombreuse aux prix de quelles lenteurs et de quelles dift1cultés, les récits de la guerre russo-japonaise nous l'apprendront plus tard. Elle est barrée par le Yalou sur lequel vont sans doute avoir lieu les premiers engagements sérieux; il
son mouvement vers la capitale. C'est parce qu'ils ont prévu cette marche lente et en ont deviné le danger, que les japonais ont concentré leurs efforts contre Port-Arthur et la presqu'île du Liao-toung. Si leur plan d'offensive réussissait, s'ils pouvaient prendre pied en Mandchourie, ils menaceraient le flanc droit de l'armée russe et l'empêcheraient de se diriger en masse vers la Corée par la route de Moukden à Séoul. En transportant tout de suite le théâtre de la guerre dans un pays étranger, ils s'éviteraient ainsi une marche de 400 kilomètres à travers la Corée, ainsi que le passage difficile du Yalou sous le feu de
l'ennemi.
Collection des Guides Joanne.
Rome et ses enairons. Monographie contenant 17 gravures, 18 plans, grand plan de Rome et carte des environs. vol. in- 16, br., 2 fr. 5°.
Le Port de Dalny. Le sort de Dalny, la ville nouvelle créée de toutes
pièces par les Russes, est inquiétant les dépenses faites par les Russes, et qui atteignaient déjà un chiffre colossal, auront été inutiles, car la ville pourrait bien être détruite au cours des opérations militaires. Jusqu'à ce jour son commerce ne cessait de se développer. Dans le courant de l'année qui vient de s'écouler, il était entré dans le port, inachevé pourtant encore, 7 17 vapeurs chargés de marchandises et 418 jonques chinoises. Par le port ont transité 1 17 899COlis de marchandises et 45 1)4 passagers, D'après les nationalités, les navires peuvent se répartir comme il suit Vapeurs
russes. japonais anglais chinois
norvégiens américains
danois
autrichiens" allemands.
)24 241 83
49 1
2 2
a 2
2
C'est le journal de Saint-Pétersbourg qui nous donne ces chiffres. Nous sommes obligés de faire une constatation triste et malheureusementhabituelle quand il s'agit des ports russes d'Extrême-Orient le commerce français s'en désintéresse et notre pavillon ne s'y montre jamais.
L'Activité allemande en Chine. Le Gouvernement allemand ne cesse de se préoccuper de faire grande figure en Chine. Nous avons eu plusieurs fois l'occasion de parler de l'activité extrême qu'il déploie dans le Chan-toung qu'il semble considérer comme sa sphère d'influence exclusive depuis l'occupation de la baie de Kiaotchéou, Depuis lors, on se rappelle qu'un traité a été passé entre l'Allemagne et l'Angleterre donnantaux deux puissances une situation équivalente dans le bassin du Yang-tse, que les Anglais avaient jusque-là, et même depuis, tendance à considérer comme leur sphère d'influence particulière. On annonce que plusieurs canonnières nouvelles vont être consacrées à la protection des intérêts allemands sur le Yang-tse. Des petits croiseurs et des canonnières à fort tirant d'eau circuleront sur la partie inférieure du fleuve, entre l'embouchure et Han-kéou, La canonnière liorucrrts fera le service entre Han-kéou et Yi-tchang; tandis que le I~aterlarrd, qui va partir de Dantzig en sections qui seront rassemblées à Changhaï, ira montrer le pavillon allemand jusqu'à Tchoungking, dans une région du fleuve Bleu où l'on n'avait encore vu jusqu'à présent que des canonnières anglaises et françaises.
La Situation à la Côte d'Ivoire. gouverneur de la Côte d'Ivoire, a quitté Bingerville pour entreprendre une tournée dans le Baoulé, Il s'est arrêté à Abidjan (à 3o kilomètres au Le
15 janvier, M. Clozel,
N.-O.-N. de Grand-Bassam) pour visiter les travaux du chemin de fer qui sont commencés depuis le mois de décembre, Plus de mille travailleurs, Kroumens, Dahoméens et originaires des villages Ebriés voisins, étaient sur les chantiers. Sur près de 2 kilomètres, la plate-forme du futur railway est
terminée.
politique du sud du cercle de Thiassalé, étant très bonne, M. Clozel s'est rendu à Ouossou, centre du pays N'gban, dont les habitants n'ont cessé depuis 1901 de La situation
nous être hostiles. Toutefois, mis en contiancc par la venue du gouverneur, ils se sont présentés à lui, conduits par Akafou N'Guessan, fille d'Apia Akafou, instigateur de la révolte. Il est très probable que les hostilités vont prendre fin
dans cette région, ainsi que dans celle de Lomo, dont le chef Kouadio Okou, instigateur de la révolte de 1899 et auteur de l'incendie du poste de Toumadi, est venu faire sa soumission. M. Clozel s'est ensuite rendu chez les Zipouris ainsi que chez les Ziminis, réfugiés dans le Baoulé à la suite des razzias de Samory. Ces peuplades nous ont toujours été fidèles et nous avaient même aidés dans les opérations contre Kouadio Okou. Ainsi toute la région entre Toumadi et Bouaké semble pacifiée.
La Colonisation australienne aux
Nouvelles-Hébrides.
On remarque, depuis quelque temps, une grande activité déployée aux Nouvel1es-Hébridespar les Australiens en vue de substituer leur action à celle des Français. Une importante maison de Sydney a acheté de nombreux terrains. surtout dans l'île de Spiritu-Santo, la plus importante du groupe. M. Rason, représentant du Gouvernement anglais, encourage et aide même au besoin les agents australiens. Le 1er
juin ~9oz, un premierconvoid'Australiensquit-
tait Sydney pour coloniser les Nouvelles-Hébrides; ces émiles terrains grants ont fondé la colonie « Annandale française; mais tentative n'a revendiqués par la Société cette guère réussi, les Australiens ne possédant ni l'énergie, ni la persévérance nécessaires, Les missionnaires presbytériens de Tonga ont fait tout leur possible pour aider à la colonisation australienne dans l'archipel,sans pouvoir empêcher un échec j mais il n'y a pas eu de découragement. Les navires australiens ont amené dans l'ile 6 per-
sur
sonnes en septembre ~9oz, 1) en novembre, 9 en décembre et 17 en janvier i go3, soit 45 personnes en quatre mois. En outre, plus de 3000 Canaques des Nouvelles Hébrides, qui se trouvent au Queensland. doivent être prochainement rapatriés en vertu de l' « Alien's Restriction Bill » réservant l'Australie aux blancs seulement. Tous ces Canaques parlent anglais et on va chercher à s'en servir pour procurer aux colons anglais, déjà installés dans l'archipel, une bonne main-
d'œuvre,
Le Gouverneur du Cameroun dans
l'Adamaoua.
Le
gouverneur du Cameroun commence la publication
de son rapport sur son voyage dans l'Adamaoua. Garoua, où il parvint le 16 septembre 1903, est décrite comme une ville saine et agréable, bâtie sur une colline, dans un pays légèrement ondulé. La station est commode et pratique. Les soldats, la plupart mariés, habitent des huttes rondes, séparées les unes des autres. Les écuries, contenantune soixantaine de chevaux, sont parfaitement tenues. Il y a des cours d'exercice et des manèges bien installés. La station possède 600 bestiaux. Tous les lamidos convoqués sont venus saluer le gouverneur, à l'exception d'un seul qui était malade. Après avoir établi à Garoua un poste douanier où les Anglais devront acquitter des droits d'exportation, M. de Puttkamer partit le 1"" octobre pour Marua. Le lamido Abduraman vint à sa rencontre avec 250 cavaliers. Capitale d'un sultanat, ville la plus peuplée de l'Adamaoua (3oooo habitants), Marua s'étend sur une très grande surface, des deux côtés d'un affluent de la Tchanaga. La cité intérieure, aux ruelles étroites et tortueuses, entoure une énorme place. A l'extérieur, une autre ville est formée par de nombreuses fermes pourvues de jardins maraichers Marua fait un grand commerce de dourah, d'arachides, de fruits, etc. elle est réputée pour l'élevage des chevaux et du bétail. Le gouverneur allemand y fit une entrée solennelle au son d'une effroyable musique. Le lamido lui promit des chevaux et des porteurs. Il se montra enchanté de ne plus dépendre du sultan de Yola, et demanda que la sécurité des caravanes fût assurée sur la route Marua-Garoua, exposée jusqu'ici aux brigandages des Arnanis fétichistes.
Au
Japon.
Les Distractions populaires.
Le nom du /apon éveille en notre esprit une dualité d'opinions qui semblent incompatibles le /apon est pour nous tantôt le pays légendaire de l'art fantastique et des kakémonos, tantôt l'expression excessive d'un modernisme occidental et pratique. C'est yu'era réalité le Japon se présente sous ces deux aspects et peut-être aura-t-on la clef de cette contradiction en
considérant que son intelligence est devenue européenne, tandis que son sentiment est resté délicieusement oriental.
LES distractions japonaises, si variée que soit chacune d'elles dans son expression particulière, sont faciles à énumérer c'est pour la classe des riches la danse des guêchas; pour tous c'est le théâtre, théâtre ancien et théâtre moderne, et ces fêtes traditionnelles, que ramènent invariablement certaines époques de l'année, certains anniversaires patriotiques ou seulement des joies familiales et des réjouissances de quartier. La plu-
partdesdistractions européennes sont
pas à revenir sur ce sujet dans une rapide étude.
Guêchas et théâtre sont, d'ailleurs, devenus articles d'exportation, et nos Expositions universelles nous ont permis d'en apprécier la saveur, imparfaitement peut-être, mieux toutefois que ne saurait le faire une simple description. Mais les fêtes populaires des Japonais sont généralement peu connues, et l'on ignore le charme particulier que trouvent au plaisir de la prome-
nade,aumoinsàcertaines promenades traditionnelles, les
encore à peu près inconnues; les réceptions sont relativement rares, les beuveries réprouvées, la chasse interdite par l'influence de la doctrine bouddhique. Toute-
indigènes du SoleilLevant. Les Japonais
n'observant pas,
comme les races sémitiques, le repos du dimanche, y suppléent par la céléfois, l'universelplaibration des fêtes sir de la promenade sans nombre qui prend, chez les Japonctuent de jours ponais, l'importande joie le cours de l'année. Ce ne sont ce d'une institution, et au lieu pas anniversairesde d'être le simple LA RUE DES THÉÂTRES, A OSAKA. batailles sanglantes délassement qui ou de triomphes Photographie japonaise communiquée par M. Alex. Desfontaines. succède à la fatigue patriotiques; l'ocmentale ou physique, il devient pour ce peuple bacasion la plus fréquente de ces jours de liesse est l'apbillard, souriant et curieux, aimant passionnément le parition de certaines fleurs, fait significatif, révélant mouvement de ses rues, les arbres et les fleurs de sa un sentiment exquis chez une race profondément artistique. campagne et de ses jardins, une véritable occupation qui a ses heures et ses obligations. Des troupes joyeuses vont, dès le mois de février, Les écrivains japonisants nous ont suffisamment admirer les fleurs des pruniers et en respirer l'odeur, initiés aux grâces séduisantesdes guêchas, comme aux célébrée par d'antiques chansons; on va voir fleurir curiosités du théâtre nippon, pour que nous n'ayons les cerisiers au début d'avril, les azalées et les glycines A TRAVERS LE MONDE.
15e LIV.
No 15.
9 Avril 1904.
au début de mai, les lotus au mois d'août, les feuilles rougies des érables en automne; la première semaine de novembre est celle des chrysanthèmes. Dans les environs des grandes villes, tel village, tel jardin public ou privé est célèbre pour certaines de ces fleurs. Le Japon peut le disputer à la plupart des pays connus, pour ne pas dire à tous les pays en général, pour la variété et la beauté de ses plantes et de ses fleurs, dont la nature a richement embelli ses champs, ses collines, ses bois et ses forêts. Cultivées, on les porte à un degré de perfectionnement inconcevable incultes, elles parent magnifiquement les collines et les champs, et offrent un coup d'œil dont la beauté ne saurait s'exprimer. L'anémone du Japon, admirée à si juste titre dans notre Occident, ne le cède à aucune autre fleur pour la suprême élégance du port, la délicatesse des nuances, la pureté des contours. Le gardénia a détrôné chez nous le camé. lia lui-même. Les jardins sont pleins de lis superbes, et le lotus voile les marais de son tapis de feuilles flottantes brodé d'énormes corolles. Le
chrysanthème,
dont les floraisons
éclatantes
sem-
blent des soleils auxrayonschiffonnés, est l'une des fleurs emblémati-
ques'du Japon.
Dans le blason japonais, composé
des fruits de l'année le 3 novembre, on commémore la naissance de l'empereur régnant. Le 13 décembre, se célèbre la fête du ~4 commencement des choses l'absorptiond'un ragoût national, composé de pommes de terre, de champignons, de poisson et d'une racine nommée kounyaku. Le 22 décembre, fête du solstice
par
d'hiver.
Dans un ordre d'idées un peu différent, signalons les fêtes qui célèbrent la naissance de Bouddha (8 avril); la fête des Lanternes, également en l'honneur de Bouddha (du 13 au 16 juillet); les fêtes du culte sintoïste qui se célèbrent particulièrement en novembre; la fête des Oiseaux (1 novembre); les fêtes des Garçons (3 mars) et des Filles (5 mai). Le programme de ces fêtes n'est pas excessivement varié, et la joie populaire en constitue le principal, mais séduisantattrait. Des processions se déroulent autour des temples, les rues sont
illuminées et décorées
de petits dra-
peauxmulticolores sont suspendus entre les maisons; des lanternes de
papier aux cou-
leurs harmonieuses, surmontées de petites ombrelles de papier, bleues sont mises devant chaque porte; le soir ou
rouges,
surtout, le spectacle est amusant et
d'un pittoresque
plein de saveur. Le sentiment artisment de fleurs et tique appliqué à de feuilles, le chrydes matériaux très santhème et la simples, papier, LA PROMENADE DANS UN CHAl\IP n'IRIS AUX PORTES DE TOKIO. fleur du paulownia bois, pierre, plusont les deux arPhotographie japo~taise con:uma:iqucrepar 1LT. Alex. Desfontairzes. mes, paille, promoiries personnelduit de charmants les du mikado. On les retrouve dans l'ornementation. et fragiles effets de beauté, dont toute la population L'éclosion de ces fleurs est l'occasion d'une fête vient jouir pendant quelques soirs. tout empreinte d'un idéalisme gracieux. Mais ce ne sont Comme il est rationnel, la décorationdes maisons et des rues prend, suivant la nature de la fête célébrée, pas là les seulsanniversairesquecélèbrent les Japonais, et leur énumération en montre toute la variété. un caractère particulier et recourt à des symboles difféLes 1, 3 et 5 janvier, se célèbre la nouvelle année. rents. C'est ainsi que pour la fête des fillettes, toutes Les vestibules sont décorés de branches de pin, de les boutiques, toutes les maisons se parent de poupées; cordes de paille, d'oranges et d'un homard, ce dernier pour la fête des garçons, les Japonais plantent devant symbolisantles vieux temps à cause de son dos voûté (?) leur maison un mât de bambou portant, attachés à Pendant trois jours, le peuple se repaît d'un ragoût son sommet, d'énormes poissons de papier aux couappelé zôni. A Tokio ce ragoût consiste en riz et en leurs étincelantes, que le vent gonfle et agite. Ils herbes cuits dans de la sauce de poisson; le 3o janvier, mettent autant de poissons qu'il y a de garçons dans c'est la mort de Komei Tenno, le dernier mikado; le la maison les parents expriment par là leur désir que février l'avènement de Jimmu Tenno, le premier leurs enfants remontent le cours de la vie malgré les mikado et la promulgationde la constitutionjaponaise; obstacles, comme la carpe remonte les rivières malgré le 21 mars, c'est la fête printanière des ancêtres de l'emle courant. Tous les habitants vont, ce jour-là, sur les collines des environs, jouir du spectacle de la ville pereur (intercalée dans les dix jours de fête du 17 au de l'équinoxe du printemps), comme le 23 sepsurmontée de ces singuliers poissons. au 23 tembre, la fête automnale des dits ancêtres le 17 ocNous avons dit l'importance extraordinaire tobre, on offre aux dieux du culte sintoïste les premiers qu'attachait au plaisir de la promenade le peuple japopresque exclusive-
II
nais. On ne saurait imaginer de distraction plus simple et plus idéale à la fois. Quand un Japonais se promène, c'est pour voir défiler devant soi la série sans fin des tableaux
cnangeams; s'attacher aux êtres et
aux choses parmi lesquels il passe, à la foule, aux maisons, aux temples, aux forêts, aux animaux, aux fleurs, aux pierres, aux
tures, marchandent des objets. Dans les jardins illuminés, on va prendre des glaces. Mais c'est surtout à la campagne que les Japonais aiment à se promener. La nature japonaise est délicieuse et les japonais la contem-
plent d'un
amoureux. Ils goû-
tent en artistes l'a-
zur limpide de leur mer intérieure, la blancheur des nei-
nuages; goûter le charme passager d'un aspect de l'univers, trouver du
ges éternelles du
Fouzi Yama, le
mystère troublant
plaisir à la contemplation de la
des forêts sacrées de Nikko. Ils apprécient particulièrement dans un paysage ce qu'il y a de plus mobile, de plus fugitif les nuances des arcsen-ciel, la variabilité des nuages, les reflets de lune, l'éclat de la neige récemment tombée.
nature,lacomprendre et l'aimer. Les Japonais se promènent dans les grandes rues de leurs villes dans la rue des théâtres et des bazars, à Tokio ou à Naigoya, à Osaka ou à Kioto. Chacun
paraît prendre un plaisir extrême au spectacle qu'il a sous les yeux. Presque tous viennent là en famille,
entourent
de soins les grands-parents; les petits
enfants qui
sont
les plus gâtés du
n œil
étudient en connaisseurs les mouvements d'un animal, d'un oiseau, d'un insecte; des Japonais, de condition sociale très ordinaire, passent de longs moments à admirer Ils
des cigognes qui se promènent parmi
monde, pour qui toutes les indulgences sont permises, de qui toutes les fantaisies font la loi aux parents,
ternes de pierre d'un jardin public. Ils savent prendre de l'intérêt à
de couleurs claires,
des choses qui laissent indifférents les
viennent là, vêtus portés le plus sou-
vent sur le dos du
père ou de la mère, du frère ou de la sœur aînée. Des pousse-pousse fendent la foule; des guêchas, dans le
costume aux nuances délicates qui indiqueleurprofes-
sion,sepromènent, l'air rieur, et chacun s'amuse à les regarder. Sur les côtés de la rue s'ouvrentde grands bazars et beaucoup de petites boutiques leurs lanternes de papier font d'étranges taches de lumière, et composent des tableaux à faire envie à nos impressionnistes. Les femmes font miroiter les étoffes aux devan-
les pins et les lan-
Européens les plus
délicats
ils font
grande attention aux formes des pierres, leur prêtent divers degrés de beauté.
Leur amour pour les arbres est légendaire, et la vue de leurs forêts
suffit à l'expliquer. La variété des espèces y est plus grande qu'en au-
cun pays du monde. Le Japon est le pays qui possède à la fois, sur une même surface, le plus d'arbres à feuilles caduques et le plus de conifères. Rien n'égale la splendeur de ses forêts colorées des teintes éclatantes de l'automne. Dans les vallées
largement ouvertes, sur les contours arrondis des sommets, et jusqu'aux ondulations gracieuses de l'horizon, les arbres de toute espèce forment, par le ton
varié de leur feuillage, des paysages pleins d'agréables contrastes. Sauf dans les provinces du sud du Nippon que le déboisement dépare, chaque village est superbement orné de bouquets d'arbres. C'est aux bois sacrés qui les entourent, bien plus qu'à leur architecture, qu'est due la beauté des temples. Ce mélange d'arbres à feuilles caduques, d'arbres verts et de conifères, beau surtout près des côtes, dans les montagnes littorales où mainte baie tranquille et bleue entaille un rivage abrupt recouvert de forêts, est un des spectacles que le Japonais aime le plus à contempler, le but sans cesse recherché de ses promenades favorites. Bien plus, comme la nature ne met pas toujours à portée du promeneur ses paysages favoris, le Japonais s'est ingénié à reproduire artificiellement les aspects qui le séduisent plus particulièrement. L'horticulteur se complaît à grouper, sur un petit espace, des fleurs, des arbres rares, des lacs, des rochers, des cascatelles les japonais citent avec'admiration le Kinkakouzi, près de Kiôto, comme un magnifique spécimen de l'art des jardins. Au spectacle de son jardinet si habilementdessiné qu'il représentetout un paysage avec des rivières. des lacs, des volcans, le Japonais se repose des tracas de la vie journalière, oublie l'aspect affairé des rues et se laisse aller à la rêverie, Les sentiers tracés sur les bords du lac en miniature et sur les flancs des monts artificiels sont dessinés avec tant d'art, qu'il se fait illusion sur les dimensions réelles du jardinet et finit par se croire en pleine campagne. Il introduit partout son arbre favori, le matsou, le conifère au fût sombre, au feuillage d'un rouge fauve. Pour l'adapter aux dimensions restreintes de son jardin, il s'applique à le maintenir petit, chétif, et à lui donner des formes bizarres, à figurer, par exemple, un tronc en hélice portant des branches horizontales disposées en marches d'escalier, ou une jonque sous voiles. Il arrive fréquemment que dans un endroit célèbre pour la beauté de ses fleurs, pour un paysage grandiose, s'élève un temple. Les familles japonaises aiment à s'y rendre; on y emmène naturellement les vieux grands-parents et les tout petits enfants; on va saluer les dieux les visiteurs tirent une sonnette, claquent des mains, frappant trois ou quatre coups pour appeler les dieux, comme on fait dans les auberges pour appeler les domestiques; alors ils leur adressent une courte prière en souriant et glissent des aumônes dans les troncs; ils visitent le temple, visité déjà maintes fois, admirent les sculptures, les laques d'or, les kakémonos, comme feraient des connaisseurs ou des amateurs dans un musée. Puis ils vont tous ensemble, en famille, causer et rire, dans les maisons de thé voisines du lieu sacré. Enfin, quand tombe la nuit, toute la famille, riant et babillant, regagne' la ville et sa maisonnette, après une journée délicieusement remplie, se promettant de recommencer l'aimable équipée quand reviendra, et il ne tardera pas, le jour du chômage désiré. CH. DESFONTAINES.
Découverte d'une Basilique souterraine et de Catacombes, près de Rome. RoMr compte aujourd'hui une basilique chrétienne
de plus et un groupe de catacombes bien supérieur à celles déjà connues. La découverte a été faite non loin du cimetière de Comodilla qui est même en communication avec ces catacombes, inopinément mises au jour. Cette.basilique souterraine n'est pas de grandes dimensions; en revanche, elle offre un vif intérêt par les trésors artistiques qu'elle renferme. Toutes les parois sont couvertes de fresques, dont deux surtout frappent, non seulement par leur parfait état de conservation, car on les dirait peintes récemment, mais encore par la pureté du dessin; elles révèlent le pinceau d'un véritable artiste, au talent correct et puissant. L'une d'elles, représentant la Vierge entourée de quatre saints, est un réel chef-d'œuvre. La tête, finement modelée, a une expression de mansuétude à émouvoir même un profane. Le coloris est d'une admirable fraîcheur, et les tonalités d'une harmonie que l'on chercherait en vain dans les peintures byzantines. Les lignes du drapé, et pour la Vierge et pour les saints, sont belles et souples. Si la découverte de cette petite basilique est importante au point de vue artistique, celle des catacombes l'est encore davantage sous le rapport archéologique. Le visiteur qui descend dans les Catacombes romaines en voit les locicli vides, les tombes dévastées repaen grande partie. Dans le groupe qui vient de raître au jour se trouvent des galeries de 20 mètres de hauteur, avec dix à douze rangées de loculi ou tombes, toutes fermées, toutes intactes. De plus, à côté de chaque tombe, il y a la lampe funéraire, les dons votifs et jusqu'aux clous où étaient appendues les
couronnes.
Il est très probable que ces souterrains furent fermés au vie siècle et échappèrent ainsi aux déprédations des Goths. On les a donc retrouvés en leur état primitif et, une particularité à noter, c'est que des squelettes gisaient à terre. Il est à supposer qu'un
éboulement se produisit, obstrua les galeries, et que ces squelettes sont ceux de chrétiens venus prier près de la tombe de leurs chers défunts, et qui ne purent se sauver quand l'éboulement eu lieu. Tous les loculi, toutes les tombes, ont leur inscription, une date, ce qui permet d'établir que l'hypogée est de l'époque comprenant le ve et le vie siècle. Autour de la basilique existent les sépulcres de plusieurs saints et martyrs du vie siècle. On y a recueilli nombre de sarcophages, de colonnes, de chapiteaux et de fragments de statues, tout un trésor archéologique. Les fouilles se font pour le compte du Vatican. Pie X s'y intéresse vivement, surtout à cause des tombes des martyrs et des saints.
L'Armée coréenne. qu'à Moukden, à Port-Arthur, à Dalny, on accumule troupes et munitions pendant qu'à
pENDANT 1
Tokio, on se prépare à envahir la Corée, en compensation de la main-mise des Russes sur la Mandchourie, jetons les yeux sur l'armée coréenne, qui n'aura dans ce conflit qu'à marquer les points et à prendre des leçons d'énergie et de tactique, étant donnés sa faiblesse et son désarroi qui la mettent dans l'impossibilité d'essayer, même quelques heures, de défendre le pays. Sur le papier tout est parfaitement organisé, tandis qu'en réalité les généraux sont d'anciens fonctionnaires, qui devien-
nent chefs sans avoir jamais vu un fusil de près.
L'empereu r
est le chef suprême des armées de terre et de mer. Disons que la marine se compose d'un seul navire de guerre acheté, et non payé intégralement, aux Japonais qui ont trouvé encore là l'occasion d'une bonne affaire. C'est peu, dira-t-on. Eh bien, c'est trop, car la Corée est
dansl'incapacitéab-
Coréens aujourd'hui, quelques officiers ont suivi l'école militaire japonaise, et ceux-là sont instruits, capables de dresser leurs troupes; aussi sont-ils jalousés et tenus à l'écart par les camarades ou les chefs arrivés par favoritisme. Aucun de ces officiers n'a chance de dépasser le grade de capitaine. II y a une école militaire à Séoul, qui fonctionne depuis plusieurs années et qui instruit les jeunes officiers elle semble de plus en plus en faveur à Séoul, depuis que le militarisme, qui entraîne à des dépensemble gagner ses bien inutiles le Gouvernement, les familles nobles les plus haut placées, et que certains hau's personnages, élevés tout à coup au rang de généraux, consentent à se couper les cheveux ras, selon l'édit impérial qui l'impose à tout Coréen portant l'uniforme. Autrefois, cette réforme a amené une révolte devant laquelle le roi de Corée recula, et l'on voyait des généraux portant à la fois le chignon et le képi. L'armée coréenne comprend 600o hommes d'infanterie, à Séoul, répartis dans différentes casernes; et
en y ajoutant l'artillerie, le génie, la cavalerie et la kissos
(anciens soldats qui
servent aujourd'hui d'escorte à Sa Majesté, lors des sor-
ties impériales), il
y
a
environ ioooo
hommes armés à Séoul.
troupes provinciales,tchineLes
GÉNÉRAL CORÉEN FAISANT LA CRITIQUE- DES MANOEUVRES.
D'après une pTtotographie.
solue de se défendre, pour l'instant du moins, contre le moindre ennemi. Le prince héritier Yi Tchock est le bras droit de son père. Au-dessous se trouve le généralissime, prince de la famille Mine, et l'état-major général, composé, tout'entier, par favoritisme, de fonctionnaires qui n'ont aucun principe, aucune idée de l'art militaire. Ce sont des ministres, d'anciens fonctionnaires élevés tout d'un coup à la fonction de colonels ou de généraux. Le ministre de la Guerre (on voit que depuis son indépendance, la Corée ou Taï Hane imite les grandes puissances), n'a aucun pouvoir sur l'armée qui dépend exclusivement de l'empereur, et il ne s'occupe que de
l'administration. Aujourd'hui,cette armée coréenne inspire plutôt de l'inquiétude à la Cour, car il suffirait de quelques meneurs hardis et entreprenants pour que les fusils se lèvent contre le palais, contre les exactions de toutes sortes de la Cour coréenne; aussi les soldats sont-ils régulièrement payés, et traités avec sollicitude, dé façon à en conserver les sympathies. Parmi les instructeurs militaires, qui 'sont tous
houï-tai, compren-
nent en outre 3 000
hommes, répartis dans les différentes places fortes. En outre vient d'être fondé à Séoul, en 1903, le corps des gendarmes (200 hommes environ).
Les divers uniformes sont copiés, à la couleur
près, sur les uniformes japonais; les gendarmes ont la tunique rouge, et les dragons, les cavaliers, la veste rouge. L'armement comprend des fusils provenant de tous pays, de tous systèmes Gras, Mauser, Mannlicher, japonais dernier modèle, etc., et des canons
Maxim, achetés en 1902, et qui, après le départ de l'agent chargé d'en montrer le mécanisme, ont été soigneusement mis dans un entrepôt où ils sont encore. Pour donner une idée de la valeur des artilleurs coréens, chaque fois que le fort de l'île Rose, à Tchemoulpo, a voulu répondre au salut d'un navire de guerre, il'y a eu au deuxième ou troisième coup quelque servant blessé ou tué, et jamais on n'a pu répondre par le nombre de coups réglementaire. 1I y a un arsenal à Séoul, mais il est inutilisé, faute d'argent. Le ministre de la Guerre préfère passer
commandes de munitions aux Japonais; cela lui rapporte davantage. La cavalerie coréenne est au-dessous de tout; on en reparlera quand les hommes sauront se tenir à cheval. L'infanterie est mieux dirigée, on travaille chaque jour assidûment à l'instruction des hommes, et quelques bataillons arrivent déjà à un résultat très appréciable. Les Coréens, étant donnée leur absence totale de nerfs, sont des tireurs à la cible de première force; nous avons vu des résultats de tir exécutés en 19°2 et 1903, supérieurs à ceux des armées européennes mais c'étaient des cibles qui figuraient l'ennemi, et cette constatation d'adresse ne doit pas faire craindre le péril coréen. Oh, non Il leur suffit d'avoir des
des gardes montantes et descendantes à travers les
rues de Séoul, des bataillons en manoeuvres, en marche, des écoles de tambours et de clairons que l'on entend à Séoul dans tous les coins de la ville, une musique militaire fort bien montée, et avec cela le Coréen est parfaitement heureux. Il lui suffit d'avoir l'air d'être organisé comme une grande nation pour que son ambition soit satisfaite. En Corée, il ne faut rien approfondir! YI Tnï Tio.
Une Fumerie d'opium. C'EST à Cholon, la ville chinoise, le long de l'Aroya; il fait nuit et un lourd silence plane sur la ville
endormie.
Devant une des maisons, nous nous sommes arrêtés au-dessus de nos têtes, deux gros lampions rouges se balancent doucement, poussés par le vent. La maison semble endormie, la lourde porte de bois en est hermétiquement close, et closes les persiennes. De l'intérieur, nulle lumière n'apparaît, nul bruit ne s'échappe c'est un silence de mort. Pourtant des senteurs bien connues s'exhalent de cette demeure, voltigent dans les airs. Longtemps, longtemps, nous frappons à la porte, mais personne ne répond à nos appels. Après une longue attente, un léger bruit se fait entendre, puis un pas lourd et traînant qui semble se rapprocher, un grincement de serrure, et la lourde porte s'ouvre enfin devant nous. D'abord, nous ne distinguons rien, tant la fumée est épaisse; mais dès l'entrée, l'âcre odeur du poison prend à la gorge, monte au cerveau, nous étourdit, nous grise l'air en est imprégné,saturé et comme épaissi. Il fait presque nuit seules brillent dans l'ombre, comme au travers d'un épais brouillard, les lampes minuscules qui servent à cuire la sève du pavot; leurs flammes s'élèvent immobiles et droites, jetant d'étranges ombres sur les
choses.
Nous sommes dans une vaste salle; à la pâle clarté des lampes, les objets peu à peu se précisent. Étendus sur des bancs, couchés à terre sur des nattes, pêle-mêle, en tas, allongés en des poses extatiques, des Chinois dorment, à demi nus, plongés en un lourd
sommeil d'ivresse. Leurs corps, couleur de cire, affreusement maigres, desséchés par le poison qui les mine, ont des pâleurs de cadavres; leurs membres grêles, leurs côtes saillantes, leur donnent l'aspect de
squelettes.
Mais sur ces faces émaciées et terreuses passent du bonheur et du rêve. Derrière les paupières closes les visages s'illuminent, comme en extase. Cette salle offre un étrange aspect des meubles
et des sièges bizarrement travaillés y sont entassés; aux murs sont accrochées des tentures de soie bariolées, couvertes d'inscriptions chinoises, des peintures bizarres où grimacent des figures effrayantes et grotesques, où apparaissent des visions d'animaux fantastiques, de tigres à la gueule béante, de dragons qui crachent le feu. Au milieu de la pièce, effondré sur un socle, un dieu Bouddha, monstrueux et ventripotent, préside aux extases; sa face, grimaçante et hideuse, a un rire sinistre et terrible. Et sur ces êtres, et sur ces choses, plane un silence de mort, seul interrompu par le crépitement du poison qui se consume. Ils sont là quelques-uns que l'ivresse n'a pas encore engourdis, étendus sur des nattes; on ne distingue que leurs faces jaunes et osseuses, qu'éclaire la pâle clarté des lampes. Devant chaque fumeur, sont disposés sur un plateau de nacre les mille petits objets de la fumerie la lampe de verre dont la flamme minuscule s'élève immobile et droite, les aiguilles longues et fines, les récipients qui contiennent l'opium, les fourneaux de terre et le tuyau de bambou. Avec un soin minutieux, le fumeur plonge l'extrémité de la longue aiguille dans le récipient d'opium; l'aiguille ainsi humectée est présentée à la flamme de la lampe sous l'action de la chaleur, le poison se dilate et se gonfle; plusieurs fois, cette même opération recommence. Quand l'opium est cuit à point et ne présente plus qu'une boule menue et compacte, le fumeur la prend du bout de son aiguille et, avec une délicatesse infinie, la place sur le fourneau de la pipe. Alors, avidement il porte à ses lèvres le tuyau de bambou et présente l'opium à la flamme de la lampe. Largement il aspire, l'opium se consume peu à peu en un long crépitement, la fumée bleue s'élève en spirales, voltige dans l'air, s'y perd en un nuage floconneux, emportant avec elle les soucis, les tristesses, les noires mélancolies, apportant le grand apaisement à l'esprit qui s'endort. Le fumeur s'abat, anéanti, la face congestionnée, les yeux morts. Le poison fait son oeuvre enchanteresse et charmeuse. D'abord une torpeur bienfaisante, un engourdissement, envahit tous les membres; quelque philtre magique semble courir dans le sang, c'est une lassitude infinie qui vous pénètre, vous rend paresseux du moindre mouvement, vous immobilise. Peu à peu, cette torpeur se communique à l'esprit, les choses s'estompent, la réalité disparaît; les sons n'arrivent plus qu'atténués, confus, lointains, la vue se trouble, les objets s'effacent, et les yeux, comme attirés vers un infini mystérieux, semblent poursuivre quelque
chimérique vision. Le corps s'endort, les sens s'apaisent comme en un sommeil léthargique, tandis que le cerveau s'en va à l'aventure du rêve et des souvenirs. Tout se dore, tout brille, tout est de la joie La douce griserie em-
bellit toutes choses, leur donne un aspect charmeur, fait revivre les êtres qui ne sont plus, évoque les meilleures heures de la Des visages aimés apparaissent, prennent une forme, se précisent jusqu'à l'illusion complète de la réalité, des souvenirs d'antan, des choses très lointaines vous reviennent à l'esprit, des chansons oubliées viennent vous bercer, l'âme est transportée dans tout un infini de rêve et
vie.
d'au-delà.
travers les spirales de la fumée bleue, des visions passent. Ce sont les rêves d'or qui voltigent autour des cerveaux, des chimères qui viennent apporter l'ivresse ou bien des fées charmeuses qui versent le philtre magique. Dans la salle enfumée, le silence s'est fait maintenant, le crépitement des pipes s'est tu. Une à une s'éteignent et meurent les lampes minuscules; leurs dernières lueurs vacillantes dessinent des ombres fantastiques; les figures grotesques, les monstres hideux semblent danser quelque infernal sabbat, tandis qu'effondré sur son socle, le dieu Bouddha grimace de son A
rire
éternel.
MESLAY.
La Pénétration du Japon en Chine. triple point de
vue diplomatique, commercial et financier, au point de vue militaire et naval, le japon s'est fait l'instructeur de la Chine, et son influence y a grandi d'une façon extraordinaire. Le Chinois et le Japonais ont une origine et une religion qui se touchent de près; s'ils n'ont pas la même langue, il leur est facile, aux uns d'apprendre le chinois, aux autres d'apprendre le japonais; ils ont des intérêts' communs et, qui plus est, des antipathies communes tout ce qu'il faut pour s'entendre, et il pourrait bien se faire que la guerre sino-japonaise fût l'épisode sans lendemain d'une lutte entre frères. L'occupation de Pékin a permis aux Chinois de comprendre de quel secours pourraient leur être les Japonais et aux Japonais de se rendre compte du parti qu'ils pourraient tirer d'un accord avec les Chinois. Cela ressort d'un article de M. Lynch dans la Nineteenth Cevetuvy, où il constate, entre autres choses que, depuis trois ans, sous l'impulsiondesjaponais, un grand nombre de princes chinois viennent dans les collèges militaires, ce qui indique que les Chinois des classes élevées, qui, jadis regardaientla carrière des armes comme indigne d'eux, sont revenus de ce préjugé; puis les instructeurs allemands, anglais, français, qui dressaient les soldats chinois, ont tous été remplacés par des instruc teurs japonais, ceux-ci mettant à l'accomplissement de leur tâche un entrain et une ardeur que l'on ne pouvait attendre des Européens qu'ils ont remplacés. Ces derniers sentaient toujours (( que c'est plus ou moins une trahison que de fabriquer des ennemis probables », tandis que pour les Japonais c'est tout autre chose (( ils ont au fond du cœur les sentiments Au
d'une parenté éloignée. Tout homme qu'ils exercent est un allié possible. » Pour leur marine, qu'ils veulent reconstituer, c'est aussi aux Japonais que les Chinois s'adressent. Dans les arsenaux de la Chine méridionale, il se fait une importation considérable d'armes venant du Japon et, en Chine, en Corée, en Mandchourie, en Sibérie, il y a une série d'espions japonais qui, par la Chine, surveillent la Russie. Au point de vue commercial, l'influence japonaise augmente aussi énormément. Les Japonais ont ouvert des maisons de commerce et des succursales à Pékin et dans les grandes villes, et l'on rencontre en Chine beaucoup plus de voyageurs japonais qu'autre-
fois. Les produits japonais supplantent graduellement les produits anglais. Enfin, les banques japonaises ont des succursales en Chine, et il est question de l'établissement d'une banque sino-japonaise sur le modèle de la banque russo-japonaise. A Pékin, la police a été réorganisée par les Japonais, et à mesure que l'influence diplomatique japonaise augmente, celle de l'Angleterre diminue. Ce n'est pas tout. La chose la plus importante peut-être est l'établissement, à Pékin, d'une école supérieure ou université par les Japonais, qui y envoient tout un corps enseignant. Cette école s'appelle
l'université impériale, et, dernièrement, un édit impérial lui signifia l'approbationde l'empereur et son désir de voir son influence s'étendre et des institutions du même genre naître dans les provinces. M. Lynch estime que (( si les Chinois se décident à se transformer, ils feront en quinze ans ce qui en a demandé trente aux Japonais ». C'est peut-être exagérer; mais il n'en reste pas moins certain que, dans la diplomatie, dans le commerce, dans les finances, dans l'armée et dans la marine, dans l'instruction, les Japonais ont pris en Chine une place prépondérante, et que la Chine, silencieusement, se réorganise avec l'aide de sa voisine. La guerre actuelle peut atténuer l'intensité du mouvement; mais la pénétration reprendra son oeuvre après la paix. La conséquence naturelle est que, dans un temps donné, la Chine et le Japon feront peut-être en Orient la loi, et y établiront une doctrine Monroe que, comme les États-Unis, ils auront la volonté de faire respecter.
L'Aznour cbe.f les Bêtes. 1 vol. in- 18 jésus. Librairie illzsstrée, J. Tallandier, éditeur, 8, rue SaintJoseph, Paris. Prix 3 fr. 50. VOICIun livre qui ne manquera pas de susciter un vif intérêt de curiosité, L'auteur nous transporte dans un monde que nous connaissons peu, et où l'amour se manifeste sous une multiplicité de formes qui étonne et qui déconcerte. Et l'on est émerveillé de voir qu'en amour, abstraction faite du côté psychologique et sentimental, nos frères inférieurs n'ont rien à envier à l'homme. malgré Tous les faits curieux rapportés par l'auteur, leur étrangeté, sont rigoureusementexacts et empruntés, pour la plupart, à d'illustres naturalistes. C'est un livre documentaire autant qu'un ouvrage d'une lecture attrayante pour
Henri Coupin.
tous.
Skis et Raquettes. CoMMecomplément
à notre article sur
le Tobogang, paru dans les Conseils aux voyageurs, du 5 mars 19041, nous sommes heureux de publier sur le mérite
Les troupes de police montée qui gardent les forts de la frontière canadienne sont entraînées méthodiquement à la marche en raquettes en hiver, mais principalement au point de vue de l'hygiène et du sport bien plus que du combat; ces
avec une flexion légère de toute la jambe
qui aide beaucoup à diminuer la fatigue, et qui permet une sorte de demi-pas gymnastique quand on veut accélérer l'allure. comparé des skis et des raquettes une Le snowsboeir:g se résume donc en une intéressante dissertation que M. Périssé, marche à grandes enjambées traînant ancien ingénieur au Canadiara Pacific troupes s'en sont du reste aperçu lors de ses raquettes, chacune d'elles en passant auRailway, a communiquéeau Touring-Club la révolte des Métis de 1885, où ceux-ci, dessus de la partie inférieure de l'autre en de France. utilisant leurs raque des d'une façon a3mi- se reposant sur sa queue; sous l'action de rable, ont prolongé la résistance p~dant la raquette il se produit un tassement de les longs mois d'hiver. AVANTAGES la neige qui facilite beaucoup le passage des suivants et permet même aux piétons DE LA RAQUETTE CANADIENNE ordinaires de passer sans enfoncer dans la SUPÉRIORITÉ DE LA RAQUETTE La raquette canadienne, dit-il, a piste ainsi tracée. SUR LE SKI sur la raquette indienne et à fortiori sur la raquette de nos alpins, qui est simpleDIMENSIONS La raquette a, sur le ski, des avanment ovale, l'avantage d'avoir une queue D'UNE BONNE PAIRE DE RAQUETTES point de vue de l'usage tages réels assez longue qui aide bien à la direction, journalier. au en faisant office de gouvernail. Une bonne paire de raquettes doit Au point de vue du sport, le ski Ce gouvernail laisse un petit sillon avoir, dit-on, longueur la hauteur dans la neige qui facilite la marche en di- permet des performances extraordinaires à la claviculecomme du propriétaire; pour un minuant le poids de l'appareil, et sa lon- d'audace et de force, mais la raquette rend homme moyen qui ne veut que s'exercer, fond plus de services. Elle s'adapte gueur n'est pas suffisante pour gêner sé- au la longueur de 1 ID20 avec une largeur de aisément aux différents états de la neige rieusement dans les tournants. om3 suffit amplement; le poids est d'enDe plus, à l'endroit des orteils, la dans la neige molle et collante, elle évite viron 6 par paire. agglomérats sous le pied; dans la raquette porte dans le filet de cordes à les Nous devons donc garder et déveboyaux un trou qui est des plus précieux neige pulvérulente sèche, elle pénètre sans lopper l'emploi de la raquette canadienne, dans les montées. En effet, dans les pentes enfoncer; enfin avec la neige gelée, c'est- c'est-à-dire française, pour l'usage journainclinées, le pied s'agrippe à la raquette à-dire recouverte d'une couche de glace, lier de la neige en montagne, en laissant elle de courir comme sur un parpar une flexion des orteils en avant, et on quetpermet la plus grande ski scandinave le rôle d'instrument de facilité, ce qui au avec arrive à gravir assez aisément des pentes où il excelle. crois Je sport cependant que qui, en. été, ne peuvent l'être qu'à grand' n'est pas à dédaigner quand on poursuit la raquette en usage dans l'armée doit peine. C'est pour profiter de ce grand un animal qui, lui, passe à travers la être perfectionnée en se rapprochant du avantage qu'il est toujours préférable, couche gelée pour se débattre dans la par- type à queue canadien, et que son emploi tout au moins en montagne, d'utiliser le tie molle. Seule la raquette permet d'ap- doit être conseillé avec le soulier de peau soulier souple, dont le type est le mocas- procher et de tirer ces superbes bêtes qui souple qui est si avantageux dans les sin indien, si pratique et si chaud, qui font de si succulente venaison. Or quel rôle se rapproche plus du montées, est devenu le soulier des troupes canaLes conditions climatiques de la chasseur que celui du soldat, et combien diennes. région de Paris sont si troublées depuis est précieux un instrument de marche quelques années, que nous n'avons pas aussi commode, qui, modeste s'utique CE QU'ON PEUT TIRER lise sans aucune gêne, comme si l'on vu la vraie neige depuis 1879, et que les raquettes restent au clou à titre d'orneDE l'USAGE DES RAQUETTES marchait à la façon ordinaire ments inutiles. Mais qui sait? Il ne faut On peut pratiquer la raquette dans pas désespérer. On dit que la terre se des chasses qui atteignent souvent 5o ki- COMMENT ON SE SERT DES RAQUETTES refroidit. lomètres par jour, ce qui, dans les journées d'hiver et avec le temps du déjeuner, Du reste on se fait une fausse idée ASCENSION EN SKIS DU FINSTERAARHORN, représente sept heures de marche environ, de la façon dont on se sert des raquettes, DE LA JUNGFRAU ET DU MONT-BLANC soit du 7 kilomètres à l'heure dans des et bien des gens disent à tort qu'on glisse contrées sans routes. Les Indiens « sar- ou qu'on patine en raquettes. Rien n'est En attendant que l'usage des skis cees » ou « chepawas », quand ils se moins exact. Supposons que nous soyons ou des raquettes se propage dans nos rendent sur leurs territoires de chasse, chaussés de mules gigantesquesauxquelles contrées, les grimpeurs de montagnes y utilisent des pistes qu'ils tracent sur la le bout du pied seul est fixé pour conser- recourent de plus en plus. glace des rivières et sur lesquelles on fait ver sa liberté de se mouvoir dans tous les M. Hugo Mylins, ingénieur de facilement du 8 à 9 kilomètres à l'heure. sens; quand nous marcherons, nous au- Francfort, a eu l'idée de faire en skis l'asUn jeune Chepawas, nommé John, faisait rons l'air de traîner des savates, mais nous cension du mont Blanc; il était accomavec ses raquettes, deux à trois fois par serons forcés de faire d'assez grandes en-, pagné de trois guides bernois, également hiver, un trajet de 8o milles dans ses jambées pour que les savates ne che- pourvus des précieux engins. Avant cette vingt-quatre heures, soit près de i oo kilo- vauchent pas l'une sur l'autre, ce qui se ascension, il avait déjà accompli avec les mètres (la distance dûment contrôlée sur traduit au début par une fatigue des mêmes guides et dans les mêmes condila carte), ce qui, avec les repos, représente muscles internes des cuisses, qui ne dure tions, l'ascension plus difficile du Finsdu 6 kilomètres à l'heure de moyenne de pas du reste; la longueur et la largeur de teraarhorn etcelle de laJungfrau, marche; il est vrai que la route était la raquette sont combinées pour Ces différentes tentatives ont pleiles relativementfacile et plate et que le gail- enjambées n'aient rien d'excessif,que et que nement réussi. Un seul inconvénient lard était solide. la marche se fasse sans écart gênant des semble résulter de l'usage des skis ce Dans les montagnes du nord de la deux jambes. Vous soulevez un pied, et mode de marche, auquel on est obligé de province de Qgébec, les bûcherons cana- c'est là qu'intervient le rôle de la queue en recourir, rend l'encordage embarrassant. diens font tous leurs travaux en raquettes bois une partie du poids de la raquette Il y a là une petite étude à faire pour et ne sont arrêtés dans ceux-ci par aucune se répartit sur celle-ci et décharge d'au- obvier à cette incommodité, La pratique pente, quelque abrupte qu'elle soit. tant le pied qui est en l'air; la partie large des skis fournira certainementla solution. passe par-dessus la raquette qui est sur la neige, {,Voir également A Travers le Monde. sans toucher la cheville voisine, et Les skis scandinaves, :1.903, page :1.0:1.. se porte en avant d'elle; et ainsi de suite,
k.
Les Bretons de la Baie d'Audierne sont..ils d'origine mongole ? lecteur; elle n'aura rien de paradoxal pour quiconque a parcouru yui fornae, avec Pont-Labbé pour capitale, le pays des Bigoudens. Population au costume ce littoral de la baie d'Audierne étrange et au facies asiatique si accentué, dont on n'a jamais pu, jassgzc'à ce jour, éclaircir d'ac~ae façon satisfaisante les origines préhisforiques, elle n'est ~as une des moi~adres cairiosités de la Basse-Bretagr:e qui, cependant, réserve au voyageur Que cette
((
origine mongole
» aa'eff'arouche pas le
des étonnements sans z2ombre.
L A Bretagne, cette terre classique des légendes et des
enchantements, recèle encore au fond de ses baies et de ses landes plus d'un mystère qui, peut-être, ne sera jamais dévoilé. Parmi ceux-là, on peut ranger l'origine des Bigoudens, peuplade d'aspect asiatique
Au nombre de ces derniers, M. François Coppée a décrit les Bigoudens de la façon suivante ~i Les hommes, tout en noir, le ruban de velours autour du
chapeau, avec le double gilet plastronné d'or, sont de beaux et robustes gars; mais les femmes, laides pour la
qui, dans le Finistère, occupe les deux cantons de Pont-l'Abbé et de
extraordinaires
trèsfortes,voûtées, la taille épaisse,
elles portent trois jupes de drap superposées, d'iné-
Plogastel-SaintGermain, plus quelques hameaux des communes de Plouhinec et de Mahalon, dans le
gale longueur et de couleurs diffé-
rentes, et elles sont coiffées de l'étran-
canton
de PontCroix, et de celles de Pluguffan et de
ge bigouden, espèce de serre-tête bariolé qui leur cache les oreilles et laisse voir, par derrière, les cheveux relevés, Rien de plus
Plomelin dans le canton de Quim-
per1.
Cet
aspectt
étranger de toute agglomération, qui semble n'avoir rien de commun avec les autresBas-Bretons, est remarqué des touristes les moins
barbare. On rêve
unee
observateurs
d'Islande et de La~onie. » CES 1'1'l'ES D'ENfAN'fS BIGOUDEXS
N'OQUENT-ILS PAS DES VISAGES EXOTIQUES?
tenté des peintres peintres, dont quelques-uns même se sont fait, de ce type, une spécialité, et bien des littérateurs
l'ont mentionné dans leurs impressions de voyage.
par H. Le i. Cf. Étude etbnogra,bhique sur les Bigoudens, du Finis-
Carguet (Bulletin de la Société archéologique tère, 1900), J 6" LIV.
J'ai souligné ce dernier mot à dessein, car il est
caractéristiq u e
D'après ulae photographie.
il a
A TRAVERS LE MONDE.
plupart, sont
dans un article écrit de première impression et sans aucune prétention à l'ethnographie. D'autres, et ce fut mon cas, songèrent plutôt aux Esquimaux qu'aux Mongols; mais ce n'est là, sans doute, qu'une question de mots, et l'impression doit être, au fond, la même, car M. de Quatrefages nous apprend que c'est surtout par l'interméNo 16.
16 Avril 1904.
diaire des Lapons que s'est opérée la fiasiosa dtt blanc et du jaasne Cette phrase est à retenir; car l'idée qu'elle renferme pourrait bien être la solution de ce problème
ethnique.
On sait que, dans les races qui ont subi des mélanges (et quelle que soit l'origine de celle qui nous occupe, elle n'a pu éviter tout contact avec les populations avoisinantes), le type primitif est toujours plus accentué chez la femme. C'est ce qui est arrivé pdur les Bigoudennes qui, la plupart, ont le teint jaune, la tête ronde, la face large et plate, à pommettes saillantes, le nez camard et enfoncé entre des joues rebondies, les lèvres épaisses, les
cheveux noirs et plats. Il faut, pour s'en rendre compte, aller à Pont-Labbé, un jour de marché. Quelques-unes des femmes que je rencontrai sur la place, surtout parmi les jeunes, me firent l'effet de véritables idoles bouddhiques.
Les hommes aussi, quoique à un degré moindre, présentent des signes caractéristiques de la race jaune. Je me souviens, à ce propos, qu'étant dans l'ile de Wight, l'année où notre escadre s'y arrêta en revenant de Cronstadt, je me trouvais sur le quai au moment où accostait le canot de l'un de nos vaisseaux de guerre. Un Anglais, qui se trouvait à côté de moi, me demanda alors, très sé-
donnais qui, comme il le dit lui-même, n'a point de prétentions scientifiques, écrivit au Dr John Beddoe, président de l'Institut d'anthropologie de GrandeBretagne et d'Irlande, pour lui soumettre ses observations et lui demander son avis. D'une lettre de ce savant, du 18 décembre 1890, nous extrayons la phrase suivante « Je reconnais avec vous la présence en Bretagne, et à' un degré moindre dans le pays de Galles et dans d'autres pays celtiques des Iles Britanniques, d'un élément mongol dans la population, ressemblant quelque peu aux Lapons. » Ces Lapons, le professeur Virchow les considérait comme une branche des Finnois, et Schaathausen voyait en eux les descendants de peuples mongols refoulés par les invasions et cheminant vers l'Ouest, le long des côtes de l'Océan; théorie qui semble s'appliquer à nos Bigoudens d'une façon tout à fait remarquable, si l'on songe que la baie d'Audierne se trouve située entre les deux extrêmespointesdu Finistère. De plus, en Armorique, il a existé de tout temps, sous forme de légende, le souvenir confus d'une race de nains troglodytes, parias plus ou moins persécutés qui, pour cela sans doute, ne sortaient que la nuit.
Ces « Korrigans »,
comme on les appelait, pourraient bien avoir été les ancêtres des Bigoudens actuels,
dont les croisementsauraient
accru la taille. Le sang jaune, d'ailleurs, s'est plus répandu à travers l'Europe qu'on ne le croit communément, et grâce à ces infiltrations, la race blanche, à laquelle nous paraissons si fiers d'appartenir, est loin d'être pure dans certaines régions, bien qu'en N~A-T-ELLB CETTE JEUNI: F1LLE BIGOUDENNE PAS UN TYPE aucune les débris de ces peu,MONGOLE? plades primitives ne se soient D'après nnc photo~raphie cornmrariquéc par agglomérés en quelque sorte Al. dit Ckâtcllier-. à l'état de bloc comme dans le canton de Pont-Labbé, Il existe, dit-on, des traces qu'il fit en Basse-Bretagne « J'ai pendant plus de mongoliques dans certaines parties de la Normandie, vingt ans voyagé dans l'Inde et l'Indo-Chine. Je principalement dans le Bocage qui, comme son nom vins en avril 1888, pour la première fois, visiter Pont-Labbé, le berceau de ma famille. Ce qui me surl'indique, était jadis un pays de forêts bien fait pour prit. c'était de trouver la grande ressemblance qui abriter des vaincus. En parlant des races qui ont peuplé l'Europe existait entre les Bigoudens. et les Ladakis, les Bouthanis, les Thibétains et les Chans de l'Indo-Cliine, en aux époques préhistoriques, M. de Quatrefages admet somme avec les tribus bien connues de la famille thiu une branche finnique » (( Les races actuelles, dit-il, bétaine et celles de la race mongole. En tout point, la que tout rattache à ce vieux; type, ont souvent leurs représentants bien loin du pôle, et jusque dans nos ressemblance entre toutes ces tribus et nos compatriotes était bien frappante pour un vieil observateur Alpes du Dauphiné, on trouve des populations tout au des natifs des monts Himalaya. » moins extrêmement voisines des Lapons. » Enfin, J'après le même savant, {( la coupe transversale de Très frappé de cette similitude, M. de la Bourcheveux de certains jaunes se confond avec celle que présentent les cheveux des Finnois; bien plus, les i. Histoiregé~Térale des races humaistes, p, 454,
rieusement, si nous avions l'habitude de recruter des marins dans nos colonies d'Extrême-Orient.Interloqué par cette singulière question, je regardai les rameurs on pouvait s'y méprendre. Je les interrogeai c'étaient des Bigoudens. M. Mahé de la Bourdonnais, p~tit-fils de l'illustre marin, commence de la façon suivante le récit d'un voyage
indices craniens rapprochent quelques-unes des races
mongoliques de certains Aryans et Finnois qui se sont bien souvent mêlés à elles ». Sans aller jusqu'à prétendre que l'Europe soit un continent de découverte récente, ce qui pourrait sembler par trop paradoxal, nous dit M. Alexandre Bertrand dans son Arcbéologie celtique et gauloise, il ne faut pas oublier que ce n'est que deux mille ans avant notre ère qu'elle a commencé à être envahie les peuples civilisés d'Asie, absolument comme, il y a quatre siècles, nous avons, nous Eur~o~éens, découvert l'Amérique ». Et de même que dans ce dernier continent, tous les métissages ont dû se produire pour arriver, au bout de quelques siècles, à fixer un type. (( D'après les légendes des Druides recueillies par Timogène au premier siècle de notre ère, celles des populations de la Gaule qui n'étaient pas considérées comme autochtones, étaient venues, les unes d'au-delà du Rhin, les autres des îles les Plus éloignées. Ces dernières populations s'étaient enfuies devant les envahissements d'une mer irritée. » Telle est la note insérée par M. Tissot dans son ouvrage
par
intitulé Géographie de la pro-
vince romaine d'Afrique. Or si, comme le prétend M. Mullenhof, ces îles lointaines sont celles qui bordent les côtes de la mer du Nord,
l'origine laponne des Bigoudens deviendrait assez vraisemblable, surtout si l'on songequelesLaponsavaient
jadis établi des campements
l'extrême nord-est de la Sibérie, sont identiques aux Esquimaux d'Amérique. On arrive, de la sorte, par transitions insensibles, au Peau-Rouge,dont quelquesuns de ces Tchouktches sont, paraît-il, au costume près, de parfaits représentants. M. de la Bourdonnais ajoute qu'ils ressemblent également beaucoup aux Bigoudens. Enfin, M. de Quatrefages, nous le savons de bonne source, -après avoirexaminéun certain nombre d'habitants du canton de Pont-Labbé, leur a trouvé les traits caractéristiques de ce qu'il appelle la race finszique ou Tnongoloïde, (( que l'on sait être groupée ou disséminée, dans le temps et dans l'espace, depuis la Laponie jusqu'à nos Alpes du Dauphiné' ». « Il est enfin, selon M. Alexandre Bertrand, (Cours d'arcbéologie nationale), une dernière et décisive preuve de l'origine orientale des populations auxquelles la Gaule doit la construction des monuments mégalithiques. Je veux parler de l'introduction en Gaule des animaux domestiques. En effet, ajoute-t-il, à côté de ces espèces indigènes, tardivement domestiquées, nous rencontrons des espèces incontes-
tablement asiatiques. De
ce nombre est, en première ligne, l'equus asiaticus, dont les variétés se rencontrent,
encore aujourd'hui, associées aux monuments mégalithiques sur les landes de la Bretagne. Le chien domestique, comme cette petite et fidèle race de chevaux bretons et limousins, nous est venu d'Asie ». La Gaule et la vallée du Danube ont connu également le bos asiaticus, à propos duquel M. Samson écrit ces lignes, dignes de
beaucoup plus au sud que maintenant dans la péninsule scandinave. C'est la pression continue des imCETTE MARIÉE BIGOUDENNE NE RAPPELLE-T-ELLE PAS DES TYPES migrants suédois et norvéASIATIQUES? giens qui a refoulé vers le D'après une photographie communiquée nord les premiers occupar ~T. du Châtellier. pants de même qu'en Basnotre attention se~Bretagne, les légendes relatives aux nains racontent, (( L'histoire de l'extension de la race bovine asiatique se confond avec celle des migrations et des invasous une forme mythique, les combats d'extermination sions humaines depuis les temps les plus reculés. Il que les colons scandinaves livrèrent aux Lapons, les anciens habitants de la contrée. est certain que le berceau de cette race se trouve situé Avant d'en finir avec l'aspect physique des Bisur quelque point de l'Extrême-Orient, non loin des goudens, je ne puis m'empêcher de dire à quel point rivages de la mer de Chine; que de là elle s'est étendue ils me rappelèrent certains métis franco-indiens que vers le nord d'où elle a été amenée sur les bords de la j'eus l'occasion de rencontrer au Canada. Caspienne, dans les steppes des Kirghiz » (Samson, Ces ressemblances ne me paraissent pas l'effet Zootechnie, T. IV, p. 133). du hasard elles doivent au contraire s'expliquer Le costume des Bigoudens a donné, lui aussi, aisément, maintenant que la science ethnographique lieu à plusieurs interprétations, principalement celui permet d'affirmer que les peuplades de l'Amérique du des femmes, car l'on a voulu voir des souvenirs d'Asie Nord sont, à une époque indéterminée, venues d'Asie et des réminiscences de cultes abolis dans leur coiffure par le détroit de Behring. Les Tchouktches, de purs Mongols qui habitent Ha'sioire générale des races humaines, p. i og.
et leurs broderies. je ne crois pas, je l'avoue, qu'on puisse recueillir aucun sérieux indice dans cet ordre d'idées, où le hasard a dû avoir une très grande part. La seule remarque un peu topique pouvant être faite et qui ne provient peut-être, après tout, que d'une simple coïncidence, est celle de la couleur jaune adoptée pour le deuil, tant en Basse-Bretagne qu'en Extrême-Orient. D'après M. Le Carguet, membre de la Société archéologique du Finistère, et qui a passé toute son existence au milieu des Bigoudens, le costume de ces derniers n'aurait été rien moins qu'immuable; il aurait obéi à des modes locales et ce n'est pas sur ce fond mouvant qu'il siérait de baser une théorie quelconque. Le costume des hommes ressemble, d'ailleurs, au type unique répandu jadis dans toute la Basse-Cornouaille et qui consistait en culottes bouffantes (bragoaa-bras) avec guêtres de toile, ceinturon de cuir fermé d'une boucle de cuivre, gilet et veste (chupev) en drap bleu.
Quant aux broderies, elles appartiennent également à toute la région et ne sauraient donc présenter un caractère ethnique local. Seule, la coiffure des femmes diffère entièrement de celle des autres Bas-Breelle caractérise les tonnes femmes du canton de PontLabbé on l'appelle le bigouden et les pièces dont elle se compose se nomment
été créée en signe de révolte, à la suite, d'après M. Le Carguet, d'une émotion populaire, datant de 1675, et connue dans l'histoire locale sous le nom de Soulèvenaer2t dis papier tirzzb~~é. Afin de s'opposer au recouvrement de nouvelles taxes ordonnées par Louis XIV, les
paysans bigoudens ravagèrent le pays et incendièrent le château de Pont-l'Abbé; plusieurs manoirs furent saccagés par les révoltés qui pendirent même un de leurs seigneurs. La répression ne se fit pas attendre; elle fut terrible et apparut en la personne du gouverneur de Bretagne, le duc de Chaulnes, qui fit brancher tant de villageois qu'il put écrire avec raison \( Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins du côté de Ouimperlé, du poids qu'on leur donne. » Il ordonna en outre le découronnement des églises de Combrit, Lambour et Languioua, collaborant ainsi, sans qu'il s'en doutât, à la création- des nouvelles coiffes bigoudennes. Car les femmes qui, paraît-il, avaient joué un rôle très actif dans la sédition, eurent, pendant qu'on pendait les hommes, leurs bon-
nets arrachés et coupés à coups de sabre par les sol-
dats.
Puisque le roi, dirent-elles, a abattu le clocher de Lambour et fait couper nos coiffes, nous mettrons le clocher sur nos
têtes. Ce serait donc, si la
1 Le coef bleo, bonnet
tradition ne ment pas, la
lizatr-argant, qui sont deux carrés d'étoffe ornée de clinquant, placés de chaque côté du bonnet; 3° Le ro,~érès, bande
tenant au sommet de leurs
àtroisquartierscouvrantimmédiatement la chevelure; 2° Les
flèche de leur église que les Bigoudennesarborentmaincoiffes. En résumé, si le cos-
tume, les vestiges préhisto-
riques, les légendes et les traditions sont insuffisants servant à maintenir les che'E~U1ES BIGOUDENNES. pour éclairer le lointain veux passé des habitants de la 4° Le sal-léden, carré D'a~rès une photogra~kie conmnziniquée baie d'Audierne, ils n'en de toile cachant à l'arrière par 1>1, du Chcitellier. portent pas moins sur leur le z'o.~érès; visage une marque d'origine que des croisements sécu 5° Une coiffe en toile blanche surmontant le tout.. laires ne sont pas parvenus à effacer. Cette coiffe, et c'est ce qui fait sa bizarrerie, se termine par un bec surmontéd'une pointe. Mais il n'en M. Paul Maufras du Châtellier, président de la Société archéologique du Finistère, a mensuré un cera pas, paraît-il, toujours été ainsi. (( L'ancienne coiffe, tain nombre de Bigoudens. Si ces observations, souposée à plat, dit M. Le Carguet, recouvrait tout l'arrière de la tète; la partie frontale, ou visache~a, descenvent difficiles à obtenir, se multipliaient sur des sujets bien choisis, de façon que l'on pût recueillir dans le dait jusqu'aux épaules. Son mode d'attache était particanton de Pont-l'Abbé un nombre considérable de culier. Les épingles, objet de luxe, étaient rares; on fiches anthropométriques, on avancerait sans doute ne pouvait s'en procurer qu'au passage du ~illaozaer. ainsi la solution de ce problème ethnique. On y suppléait par des épines. L'une se mettait à la nuque, une autre sous le menton, une de chaque côté G. DU BOSCQ DE BEAUMONT. de la coiffe. » Quant au couvre-chef actuel, ce serait une coiffure ~4 mutilée », et la pointe qui le surmonte aurait
y
L'Accroissemerit territorial de la France au Siam d'après le dernier traité. LE récent traité entre la France et
le Siam,
outre les
modifications territoriales qu'il stipule, à notre profit, au sud et au nord du Grand-Lac et sur le Mekong moyen (royaume de Louang-prabang), met sous notre influence directe les trois provinces, jadis cambodgiennes, aujourd'hui siamoises, de Battambang, Sisophor;1, Siem-reap. Dans ces trois provinces, notre action politique
économique pourra s'exercer
et
librement.Que sont ces
provinces et
valent-elles? L'étude que M. Aymonier leur a conque
sacrée dans son ouvrage sur le Cambodge nous permettra d'en juger. La vaste province de Battambang fut ravie au Cambodge à la fin du XVIIIe siècle. Le mandarin, qui la
gouvernait, trahit sa patrie et livra la
région aux Siamois. Comme récompense, ceux-ci ont conservé à la famille du mandarin le gou-
herbes et de fertiles rizières; une partie en a été gagnée sur le Grand-Lac qui la recouvre, lors de son inondation annuelle. Des pics isolés, îles de jadis, s'élèvent au milieu de la plaine. Dans le sud, des montagnes appelées Phnom-krevanh (monts du cardamome), courent vers Chantaboun. En décembre, janvier et février, le climat est sensiblement plus frais que celui de la Cochinchine, mais, pendant tout le reste de l'année, la chaleur est très élevée dans ce fond de cuvette où ne parvient aucune brise de la mer. La population compte environ dix mille habitants, presque tous Cambodgiens. L'écriture et la langue siamoise ne sont usitées que dans les actes du Gou-
vernement.
La province est riche. Les habitants cultivent sans grande peine le riz, dont ils exportent une grande quantité, Ils pêchent en abondance le poisson du lac et de ses affluents. Ils récoltent, dans les montagnes
du Sud, le cardamome qui pousse presque sans soins.
Dans les grandes grottes des hau-
teurs calcaires, ils exploitent le guano.
Dans les jungles noyées
des
con-
fluents de rivières, ils fabriquent, pour l'exportation, l'huile de poisson. S'ils ont abandonnél'exploitation, peu ré-
munératrice sans
doute, des mines d'or qu'on signale sur. divers points,
cependant, à mi-
route de Battam-
bangàChantaboun, quatre ou cinq mille mineurs, étrangers CARTE DES NOUVELLES PROVINCES FRANCO-SIAkIOI5E5. vernement de Batpour la plupart, affrontent les privations d'une région déserte et les tambangetdeSiem-reap. Ces provinces cambodgiennes dangers d'un climat très insalubre, pour extraire des ont maintenu, sous la domination siamoise, des chefs pierres précieuses saphirs, rubis, topazes, émeraudes. cambodgiens; elles ont toujours joui d'une sorte d'autoCes pierres ne sont pas de qualité supérieure, mais nomie, et le tribut annuel qu'elles devaient payer à la elles sont assez abondantes et de grosse taille. Cour de Bangkok était peu important. La région entière ne formait, au moment où le Cambodge la perdit, Le commerce, naturellement, est entre les mains des Chinois. Ils exportent riz, poisson salé, huile de qu'une seule province; vers 1846, le Gouvernement poisson, cardamome, bois d'aigle, cire, peaux, cornes siamois jugea prudent de la fractionner. Il organisa en ils importent sel, étoffes, cotonnades, pétrole et opium. provinces séparées Sisophon, Preah-srok qui releva dès lors directement de Bangkok, Siem-reap. Mais, Le Gouvernement siamois s'était efforcé de faire abanmalgré cette séparation, Siem-reap et Sisophon, que donner, pour ce commerce, la voie commode, mais intermittente, qui mène à Saïgon par le Grand-Lac, au les conditions géographiques de leur race unissent, d'ailleurs, à Battambang, sont restées sous l'influence profit de la route terrestre, longue et pénible, de de leur ancien chef-lieu; elles reconnaissent encore Bangkok. Le chemin de fer projeté entre Battambang l'autorité morale du gouverneur de Battambang, sorte et Pnom-penh fera reprendre à ce commerce sa pente de vice-roi qui bat monnaie et qui a le droit de haute naturelle vers Saïgon. et basse justice. La province de Battambang comprend la partie occidentale du bassin du Grand-Lac. Elle appartient donc au bassin du Mékong qui sert de déversoir au Grand-Lac. C'est une vaste plaine de bois, de hautes
Le chef-lieu, Battambang ou Sangkê, compte,
autour de la citadelle rectangulaire élevée par les Siamois, en 1832, une population de quarante mille habitants, disséminés dans de nombreuxvillages. Les cases, construites sur pilotis et semées dans la campagne de
la façon la plus pittoresque,disparaissent presque sous la verte frondaison des bananiers, des buissons de bambous, des dômes touffus des manguiers et autres arbres fruitiers, que dominent les troncs élancés et les
panaches des palmiers.
La province de'Sisophon s'étend, au nord de
celle de Battambang, jusqu'à la ligne des monts Dongrêk. C'est une plaine, généralement très plate, parsemée d'arbres à essences résineuses, tantôt brûlée et desséchée, tantôt inondée par les pluies et insuffisamment drainée par ses cours d'eau, tributaires du GrandLac. La population, cambodgienne d'origine et de langue, est disséminée et pauvre. Quant à la vaste province de Siem-reap, elle nous est mieux connue, étant sur la frontière du Cambodge actuel. Du nord au sud, elle s'étend des monts Dong-rêk à la rive noyée du Grand-Lac. Il faut plusieurs journées de marche pour la traverser d'un bout à l'autre. Bossuée çà et là de quelques éminences, dominée à l'est par le puissant massif isolé des monts Koulèn, elle s'incline vers le lac. Les forêts clairsemées du nord et la jungle boueuse et inhabitée du sud laissent entre elles de vastes plaines où les riches rizières et les savanes incultes alternent avec les forêts épaisses de grands arbres. La population est assez rare, sauf au chef-lieu, Siem-reap, groupe très important. Elle cultive le riz, quelques légumes, un peu d'arec, de bétail; elle engraisse ses jardins de tabac avec le riche guano des chauves-souris des ruines d'Angkor. Peu d'industrie, si ce n'est la pêche du Grand-Lac, et peu de commerce. Les voies de communication manquent complètement.Les larges chaussées des anciens Cambodgiens se sont éboulées ou sont envahies par la végétationet la forêt; les seuls moyens de transport sont les chars attelés de buffles ou de boeufs zébus, les seuls chemins, des pistes dont la nature a fait presque tous les frais. Telles sont les nouvelles provinces où la France est aimise à faire pénétrer sa civilisation.
La Chine, absorbée par l'action de la France au Tonkin et dans l'Annam, et par celle de la Russie au Turkestan, désavoua sa suzeraineté sur la Corée et ouvrit au Japon, à Séoul, à Tchemoulpo, à Fou-san et à Gen-san,
des concessions qui furent rapidement peuplées de missions (traité de Tien-tsin, 1876). A ce moment, la vie économique de la Corée était rudimentaire. Aucune mine n'était ouverte. L'industrie était bornée à la satisfaction des besoins élémentaires de bourgeois, de cultivateurs et de pêcheurs. Aucune compagnie de navigation n'existait. Les ventes ne compensaient pas les achats. Les statistiques douanières de 1884 le prouvent en enregistrant une sortie de 3998880 francs contre une entrée de 2950440 francs, donnant un commerce total de 6 949 420 francs. Si l'on veut bien se souvenir que la Corée a 2r8ooo kilomètres carrés et ro millions d'habitants, on conclura que jusqu'à cette date ils vivaient dans le marasme. Un beau jour, Li Hung Chang se montra très inquiet de l'allure prise par la politique japonaise dans un pays dont les japonais n'étaient que les hôtes, aux termes mêmes de l'article premier du traité de Tien-tsin, qui reconnaît à ce pays (( les mêmes droits souverains que le japon. L'habile Chinois détermina le roi de Corée à signer des traités de commerce avec les ÉtatsUnis du nord de l'Amérique et avec l'Angleterre (18821883) et à leur accorder les mêmes droits qu'aux Japonais. Les Coréens saisirent de suite l'occasion qui leur était offerte de gagner plus d'argent. Ils prirent l'habitude de vendre et d'acheter dans de nouveaux comptoirs, et trois ans plus tard, le service des Douanes. dirigé par sir Robert Harts, constatait, en 1887, un commerce total de 20 052 000 francs, rien que dans les trois ports ouverts de Gen-san, Fou-san et Tchemoulpo. Les vices du Gouvernement coréen, et surtout les troubles entretenus par l'artificieuse politique japonaise, empêchèrent pendant dix ans la Corée de se développer comme son réveil récent le faisait espérer. Elle continua à n'avoir ni routes, ni chemins de fer, et son commerce resta stationnaire. Survinrent les conventions des 14 mai 1896 et avril 1898, pour lesquelles la Russie obligea le Japon à reconnaître solennellement et à respecter l'indépendance complète de la Corée, qu'il s'était borné, en 189 5, à affranchir de la Chine. Les Coréens n'ont pas changé du jour au lendemain. Ils n'ont pas abandonné leurs costumes, leurs lois, leurs moeurs; ils n'ont pas imité le Japon en essayant de s'européaniser. Ils ont gardé leur personnalité; mais ils ont compris toute la valeur d'un pays si convoité. Leur Gouvernement,au lieu de s'attacher désespérément au passé, changea tout le premier d'attitude. Le roi rompit sans retour tout lien avec la Chine. Il se proclama empereur, c'est-à-dire l'égal de son suzerain, le Fils du Ciel. L'empereur Yi Hyeng continua à favoriser les efforts des étrangers, tout en les employant à sa propre utilité et en les opposant les uns aux autres par l'octroi de droits égaux. Il ouvrit au commerce international Mokpo, en janvier 1896; Tchimampo, le 6 octobre 1897; Syenztzin, Han-san et Masampho, le 28 juillet 1898; et, enfin, dans les trois derniers mois
2
L'Enjeu de la Guerre russo-japonaise. LES Russes, en convoitant la Corée, suivent le mouvement qui les emporte à la conquête d'un débouché sur les libres routes de l'Océan Pacifique et à l'extension indéfinie de leur empire asiatique. Les japonais poursuivent la chimère, si dangeureuse pour eux, du (( plus grand japon », tuteur du monde jaune. La proie qu'ils se disputent n'a révélé sa valeur que tout récemment. Elle a été tenue longtemps pour insignifiante, peut-être parce que les Anglais, après l'avoir flairée, s'en étaient éloignés. Ce sont les japonais, on le sait, qui jetèrent les premiers les yeux sur la Corée. Ils le firent pour trouver un moyen de contenter moralement et matériel. lement le plus grand nombre possible de ceux qu'avait déçus et lésés l'abolition du régime féodal de 1868.
de yo3, Antony, Youzampho et Ouidjiou ou Euïdjiou, sur le Yalou. Mais ces avantages faits aux étrangers ne suffisaient pas à rénover le pays il y a dix ans à peine en effet, chacune des provinces de la Corée était isolée des autres par une cloison étanche, à peu près aussi hermétiquement que la Corée elle-même du reste de l'univers. La politique mandarine, là comme en Chine, tenait ainsi complètement à sa merci la masse taillable et corvéable, privée de tous moyensde communication. Le plus élénnntaire de tous, les postes, avait été, pendant de longs siècles, le monopole du Gouvernement, qui en limitait l'emploi à la correspondance entre lui et les hauts fonctionnaires des provinces. En 1877, le Japon, puis un peu plus tard l'administration des Douanes maritimes chinoises organisèrent un service postal, En 1884, le Gouvernement coréen essaya d'étendre au pays entier les bienfaits de cette organisation. Mais l'agent japonais Kim ok Kioum, chef du parti progressiste, souleva la populace de Séoul et fit incendier et piller l'hôtel des Postes, le jour même de son inauguration (décembre 1884). Les lignes télégraphiques n'eurent pas meilleure fortune, malgré l'influence de la reine Taou Lang Das, celle que le ministre japonais Mioura Goro a fait assassiner, le 8 octobre 1895, et qui était l'ardente propagatrice de toutes les innovations. La Corée n'avait aucun fil électrique avant i 883. En mai 1896, le Japon rendit à la Corée ses services télégraphiques et postaux. Ils furent immédiatement mis sous la direction d'un fonctionnaire prêté par la France, M. Clémencet, et celui-ci fit entrer, le 1er janvier 19°0, la Corée, définitivement, dans l'Union postale universelle. Le réseau télégraphique n'a pas cessé de se développer. Il est actuellement long de 35°0 kilomètres. Tout un réseau de routes a été fait. Elles ne sont ni pavées ni solidement cailloutées comme en France elles ont un développement de 7 382 kilomètres, Un réseau téléphonique a été inaugurée en 1902. Postes, télégraphes et téléphones sont réunis, avec la navigation, sous l'autorité d'un Directeur général des communications », qui a rang de ministre et voix délibérative au Conseil d'État, Il est assisté de deux conseillers européens, chargés, l'un des postes, l'autre des télégraphes. Les Coréens ont accueilli avec plaisir les chemins de fer, au moment où les adeptes de la ~c Civilisation Illuminée» soulevaient les Boxeurs contre cette invention diabolique. En juillet 1 900, la première ligne, concédée après une lutte des plus âpres entre Japonais et Américains, relia directement Tchemoulpo à Séoul, et eut sa gare terminus à côté de la porte Ouest. Dès 19°0, des locomotives, qui employaient 1 h. 45 à parcourir 42 kilom~tres de rails, transportèrent 215722 voyageurs et io885 tonnes de marchandises. En 190 l, le trafic s'éleva à 3 54 625 voyageurs et 28 975 tonnes de denrées. Les frais d'exploitation étaient couverts, un petit dividende récolté. Les japonais ont racheté cette ligne aux Américains. Le Gouvernement coréen avait concédé à la France, en 1897 également, la ligne de Séoul à Ouïdjiou. Les travaux ont été commencés, le 14 mars yo2, et inaugurés avec une très grande. solennité,
rehaussée par le présence ,du contre-amiral Bayle, commandant une division de notre escadre d'Extrême. Orient. La première section seule sera exécutée actuellement jusqu'à Long-to, à 75 kilomètres au nordouest de Séoul. Une autre ligne
a été
concédée, de Séoul au
détroit de Corée, et naturellement aux japonais, qui veulent la faire aboutir à Fou-san. En 190 l, ils ont avancé 500000 francs pour les expropriations du Gouvernement coréen, et ont commencé l'infrastructure à la fois à Séoul et à Fou-san. Cette ligne traverse le grenier à blé et à riz de la Corée. Pendant 160 kilomètres, jusqu'à Yeun-san, le terrain argileux, sans pierres à la surface, n'opposera pas d'obstacle. Mais entre ce point et Oai-koan, à 305 kilomètres de Séoul, il faudra traverser la maîtresse chaîne de la presqu'île, construire, à travers des roches fort dures, trente et un tunnels, dont l'un de 1600 mètres, à travers le col de Tcho-toug, entre les villes de Taïkou et San-moug-tjin; à peu près autant de ponts, dont l'un long de 450 mètres, l'autre de 400, entre Naktoug et Keum-Kaug. La longueur totale de cette ligne sera de 471 kilomètres 783 elle aura 42 stations, provisoirement espacées de i i kilomètres. Une compagnie américaine a doté Séoul d'une ligne de tramways électriques, qui part du terminus des deux chemins de fer Séoul-Tchemoulpo et SéoulSoug-to, à la porte Ouest, et traverse de part en part la capitale. La même compagnie a obtenu la concession de l'éclairage électrique de la ville. Elle a soumis en outre au Gouvernement un plan d'adduction des eaux du Han, éloigné de 4 kilomètres au moins, de canalisation etde distribution dans tout Séoul, dont les 214000 habitants sont réduits à des puits souillés. Tous ces efforts ont été amplement récompensés. Malgré deux mauvaises récoltes successives, le commerce total de la Corée a atteint en 1901 1 I I8 36~ 62o fr., et les revenus de la couronne ont suffi pour alimenter un budget de vingt millions de francs équilibré. Les Japonais font eux seuls 2 1 424 988 yen (53562470 fr.), c'est-à-dire plus de la moitié de ce commerce avec 3238 bateaux, sur 4 972 entrés ou sortis pendant l'année, Les Japonais ont donc joué en Corée le rôle utile de pionniers. Mais faire connaitre un pays donnet-il le droit de se l'approprier malgré lui? VILLETARD DE LAGUÉRIE.
H. Coupin, docteur ès-sciences, préparateur
à la Sorbonne. Le Mozzde des fourmz's. vol. in-16 avec gravures. Prix fr. 20, Librairie Ch. Delagrave, 15, rue Soufflot, Paris.
IL est vraiment curieux de constater que, de tous.les ani-
maux, ceux qui se rapprochent le plus de l'homme, quant à l'intelligence et à l'organisation sociale, sont précisément les êtres infimes que l'on nomme fourmis.
C'est ce petit monde que l'auteur, bien connu des amateurs de vulgarisation scientifique, nous fait connaître avec une intensité de vie remarquable et des détails pittoresques.
Le Maroc à l'Allemagne!
Les Sauvages de la Belgique.
du parti colonial, en Allemagne, nous fait l'effet L'ORGANE
de véritables hommes des IL Y a un coin de Belgique où vivent chemin de fer,
de ces bons chiens de garde, dont le métier est de montrer les dents et d'aboyer à tout venant, même hors de propos. Il ne cesse de veiller d'un mil jaloux sur le domaine colonial du jeune empire, et surtout de lorgner les Etats vermoulus,
les rares terres vacantes où les casques à pointe feraient bien dans le paysage. Les autres puissances colonisatrices ont le don de l'agacer, particulièrementla France, à laquelle il ne tout. cesse de dire des choses désagréables, à propos ildefaut avouer Dans l'article que nous citons, toutefois,
cherche n'est pas que la querelle d'Allemagne qu'on nous colonial de sans portée, si elle est sans motif raisonnable, Le Berlin, qui signe Hans Gerstenberg, a le coeur gros de voir qu'un splendide morceau de l'Afrique, le Maroc presque entier, est en train de tomber, avec le consentement plus ou moins résigné de puissances européennes, dans la sphère d'influence exclusive de la France. Un pays grand comme l'Allemagne, qui ne compte que dix millions d'habitants, et qui, à part sa lisière saharienne, offrirait un champ propice à l'émigration européenne, est ainsi dévolu à un pays dont la population n'essaime pas, n'augmente guère, tandis que des milliers de colons allemands s'en vont, chaque année, peupler des terres d'outre-mer où le kaiser n'a rien à voir, et sont perdus pour la mère patrie. La France, avec ses 72 habitants par kilomètre carré, ne pourrait envoyer au Maroc que des fonctionnaires; tandis que l'Allemagne a 104 habitants dans le même espace de terrain, et un peuple qui étouffe entre ses frontières, En outre, le commerce français, dont le mouvement pressé, une fois le ne progresse guère, n'aurait rien de plus derrière les hautes Maroc conquis, que de s'y retrancher murailles du protectionnisme, tandis que le commerce anglais, du moins, n'exclurait pas la concurrence étrangère, Pour quelles raisons, d'ailleurs, la France aurait-elle au Maroc une situation privilégiée? Le voisinage de l'Algérie ne lui conférerait ce droit que si l'empire vermoulu du sultan était un danger pour la grande colonie française, Ce danger, à en croire le publiciste berlinois, est purement illusoire, Il a même l'air d'insinuer que les attaques des tribus marocaines les Français, dans se bornent à de simples maraudages, dont un but facile à deviner, ont fait grand éclat. Alors, si le Maroc ne doit pas être à la France, du moins sans réserve ni partage, l'Angleterre y aurait-elle plus de droits? On sait qu'elle convoite Tanger; mais l'Allemagne, plus qu'aucune autre puissance européenne, est intéressée
à
lui laisser cette seconde clef du détroit de Gibraltar. En cas de guerre, une fois l'Angleterre maîtresse absolue des deux portes de la Méditerranée, cette mer intérieure, qui baigne les côtes de tant d'États européens, qui est, en outre, la route de l'Orient, serait fermée à la marine et au commerce germaniques; ceux-ci, du moins, seraient à la merci des Anglais. Sans parler des colons allemands que le Maroc pourrait recevoir en foule, la possession de quelques points de la côte est pour l'Allemagne une nécessité impérieuse, La France et l'Angleterre ont la route de leurs colonies africaines et asiatiques jalonnée par une foule de postes fortifiés, ports, îles, côtes hospitalières, qui permettent à leurs navires de se ravitailler, qui leur offriraient, en temps de guerre, un appui, une retraite sûre. L'Allemagne, elle, sur l'immense route qui mène à ses possessions sud-africaines et océaniennes, n'a rien; elle est tributaire de 1étranger. Un port marocain sur l'Atlantique ou la Méditerranée lui est donc indispensable. Et elle laisse ses rivales, la France et l'Angleterre, s'immiscer dans la politique intérieure du Maroc, se disputer les faveurs du sultan, lui fournir l'argent dont il a besoin, elles voudront. ce qui lui permettra de l'étrangler quand colonial berlinois. Caveantconsules!conclut aigrementle L'arrangement franco-anglais, conclu la semaine dernière, et qui nous attribue l'influence au Maroc, va le rendre malade. ne
pas
bois, qui n'ont jamais vu ni une ville, ni un ni la haute cheminée d'une fabrique, ni un magasin, ni rien de la vie moderne. Quand on y fait allusion, ils haussent les épaules et disent dans leur patois « Faut encore voir ce qu'il y a de vrai là-dedans > Ce ne sont pas des anthropoïdes, ce sont de braves Belges qui habitent, au sud de laprovince de Namur, le gros village d'Oignies, qui compte 1800 âmes, On n'y atteint que très malaisément. Ni cours d'eau navigable, ni chemin de fer, ni chemin vicinal, ni tramway, ni voiture de poste, rien. Rien que de mauvais sentiers. Oignies n'est relié au reste de la Belgique ni par le télégraphe, ni par le téléphone. Il serait presque moins isolé en pleine Afrique! L'accès en est interdit aux cyclistes et aux automobilistes. C'est au prix de mille peines et de mille fatigues que les chevaux y parviennent; car Oignies est en pleine forêt des Ardennes, sur la première crête de l'arête d'Hercynie, la plus élevée des trois, celle que la Meuse franchit à Revin. Oignies est hors du monde; c'est un îlot de maisons dans un vaste par delà Rocroy. mur de forêts, qui s'en vont bien loin,l'escalade commence. Vous quittez la gare de Vierves, et Le sentier est à pic, pierreux, barré par les ronces. Pourtant, l'adorable vallée du Viroin au bout de trois quarts d'heure, charme nos regards. La rivière de ce nom, gaie, turbulente, si capricieuse en son cours sinueux, écume sous les rochers de Dourbes, folâtre dans les prés d'Olloy, et s'enfuit, toute luisante, vers Vireux, où la Meuse la happe. Puis, on s'enfonce dans la forêt, où l'on chemine longtemps sans rencontrer âme qui vive, en dehors de tout un monde d'animaux sauvages qui n'ont jamais vu de chasseurs. Enfin, au moment où l'on se croirait à mille lieues de toute demeure humaine on écarte encore quelques branches, et brusquement, on se trouve dans une longue rue, bordée de maisons basses et noirâtres, et obstruée de tas de fumier. Ne pensez pas que l'arrivée d'un étranger y fasse sensation. C'est à peine si on le regarde. On ne le salue guère non plus, comme c'est la gentille coutume dans les campagnes wallonnes et flamandes. Ces naturels sont très laborieux. Les sur la forêt, uns travaillent aux champs qu'ils ont conquis laboureurs sont les autres aux ardoisières de Fumay. Les catholiques, les ouvriers sont socialistes. Il faut entendre ces car les carrières où pauvres diables, qui vivent dans les bois, l'organisation polide on les occupe y sont en plein, et qui,chasseurs du Far West, tique, n'ont pas plus d'idée que les le vôtre vous dire en choquant leur verre contre 1 Quand il y aura de bons ouvriers à la tête de l'État, alors seulement ça marchera comme il faut! Enfants des forêts, les gens d'Oignies sont farouches, et socialistes ne s'entendent peu communicatifs. Catholiquesconfondent pas; chaque parti guère; leurs habitations ne se liguent à son faubourg. Mais, si l'autorité intervient, tous se contre elle. On ne se trahit pas les uns les autres. C'est une braconniers et de bricoleurs. Vous renrace de chasseurs, de contrez des femmes de tout âge, dans la forêt, avec la hotte du bois, c'est pour sur le dos. Ce n'est pas pour ramasser dans leur jupe, elles attraper du gibier. Dans leur hotte, ou cachent un fusil. lis ont d'ailleurs leurs vanités bizarres. Un paysan de l'endroit refuse la main de sa fille à un gars « à cause que celui-ci n'avait pas assez de fumier devant sa porte, tandis que lui en avait jusqu'à la hauteur de la fenêtre de l'étage ». Ils se distinguent pourtant par le plus parfait mépris du qu'en dira-t-on, En juillet, par une journée brûlante, un aperçoit sur un pré, voyageur, qui s'était aventuré jusque-là,blanches qui se moudans une trouée de la forêt, des formes Non, sylphides?. vaient! Etaient-ce des fantômes? des c'étaient des faneuses qui, vu la température, n'avaient gardé elles éclatèrent que leur chemise. Surprises par le voyageur, de rire
Huit jours dans l'lie de Yéso. Dans une de nos précédentes chroniques, nous avons signalé la dualité des races qui ont ~eu~lé le Ja~on Aïnos et Japonais proprement dits. La terre mime dzs ja~on exige une distinction semblable. L'idée de Ja~on fait naître en ziotre, es~r it l'image d'un ~ays à la douce température, à la flore luxuriante, à la vie facile sous un ciel bleu. On oublie trop qu'une des îles les ~lus inaportantes du groupe japonais, Yéso, écha~pe à cette heureuse situation et rappelle ~lutôt les rigueurs d'une contrée septentrionale. pARTIS de Tokio dans l'après-midi par train direct, 1 nous atteignîmes, le lendemain matin, les bords
du détroit de Tsougarou. Après une traversée de près de six heures à bord d'un vapeur de la Nippon Yusen Kaisha, une des premières compagnies de navigation japonaises, nous nous trouvâmes à l'entrée du port de Hakodaté, sous un
Le Japonais, qui sous son ciel natal ne prend
guère l'hiver en considération, ne s'est pas soucié d'al-
térer ses traditions d'architecture, et les légers abris de bois et de papier soutiennent ici l'assaut des longs et rigoureux hivers. A l'auberge hospitalière et proprette que j'avise sur le quai, ce sont les mêmes châssis à coulisses, les mê-
mes vitrages collés, le brasier dans un pot de terre, le petit jardin d'honneur, aux combinaisons de fleurs et de rochers, et de proportions si réduites
pic escarpé, cou-
ronné par des batteries. Dans cette course perpendiculaire vers le nord, nous avions délaissé les tièdes latitudes embaumées de l'odeur des cryptomerias, et ici, dans le voisinage de la Sibérie, l'on ressen-
que seul le regard
peut s'y promener. Ce sont chez l'habitant les mêmes façons prévenantes
et enjouées et le même penchant à
tait les premiers
l'hilarité, Cepen-
frissons de la zone boréale" Bien qu'au
dant, à° la faveur d'un climat nou-
commencement de juin, il y avait en-
veau, les usages européens tendent à
core des frimas dans l'air; nous venions
prévaloir. Le Japo-
brusquement de remonterde plusieurs
nais dépaysé recourt plus volon-
DANSE DE FEHMEB AÏNOS.
semaines le cours Photograplzie du comte Jean de :~ettancourt-T'azcbecottrt. tiers à d'autres insdes saisons. L'aspirations que la pect animé de la rade, où une flotte de voiliers attestait sienne; le costume, pour son plus grand détriment, la pratique active de la pêche, ne pouvait effacer cette multiplie sés emprunts à l'Europe; nous dinons au respremière et glaciale impression. taurant Gotoken, qui se réclame d'une installation moRépandue à flanc de colline, en demi-cercle derne. Les temples sont ici tout juste représentés et allongé, la ville de Hakodaté diffère peu comme caracdénués d'ornementation l'on dirait que l'appauvrissetère des autres villes japonaises, sinon qu'elle s'envement du style et le déclin de l'idée religieuse se sont mis loppe de la clarté particulière aux régions froides. d'accord avec le cadre et la végétationenvironnantes; A
TRAVERS LE MONDE.
I
~8
LI~.
No 17.
2) Avril 1904,
par contre, l'œil distingue en pleine ville deux ou trois clochers, dont la flèche, érigée comme sous le ciel d'Europe, répand sur les toits d'alentour quelque chose d'evangélique et de paroissial. Le parc public, d'un dessin plus anglais que national, récrée le regard par ses jolis ombrages et la vue d'ensemble que l'on y a de Hakodaté en ce moment, des cerisiers risquent leurs premières fleurs et mettent un reflet de printemps dans la verdure éphémère. Longtemps simple colonie, Yéso est annexé définitivement à l'empire sous la dénomination officielle de Hokkaido. Le Japon y trouve un vaste domaine d'exploit<ltion industrielle ou agricole et un champ d'extension pour la population débordante. Le chiffre des émigrants des différents points de farchipel dépasse aujourd'hui 700000, et l'afflux n'est pas interrompu; les Ainos, race autochtone, tombés au nombre d'une quinzaine de mille, continuent à décroître, s'effaçant devant la civilisation inflexible ou se
trouve un établissement de trappistes, le seul de l'Extrême-Orient,après celui des environs de Pékin. La brise souffle et l'embrun fouette la vue des neiges persistantes qui couronnent le panorama en aggrave l'impression de tristesse. De Tobetsu, hameau de pêcheurs, un quart d'heure de marche nous conduit à l'entrée de la propriété des religieux. Une longue avenue, tout juste esquissée, s'élève jusqu'au bâtiment principal, assis sur une croupe montagneus~ et dominé d'une croix, dont la frêle silhouette se dessine sur le ciel gris; à de jeunes plants d'arbres s'effeuillent quelques guirlandes flétries, vestiges de la dernière Fête-Dieu. Le supérieur qui nous accueille est un Français; les autres religieux, pères ou novices, sont au nombre de vingt-cinq environ, et de nationalités diverses. Leur concession de terrain, obtenue sous le prêtenom de japonais convertis, comprend environ 400 hectares qu'ils se consacrent à défricher. Selon la règle de
laissant absorber par les envahisseurs.
l'ordre, ils vivent de leur travail et se livrent à l'agriculture et à l'élevage. Les étables, attenant au bâtiment habité, contiennent un certain nombre
Parmi les
qualités que les
obligations politiques modernes ont révélées chez le Japonais, l'aptitude à des acclimatations si variées n'est pas des moins surpreil affronte nantes sans broncher les rigueurs du ciel septentrional, de même que dans le sud il s'expose aux chaleurs tropicales de Formose et hiverne aussi allégrement qu'il subit
l'action déprimante d'un été invariable.
de chevaux et de têtesde bétail; quelques types d'animaux ont été amenés d'Europe en vue
de l'acclimatation. L'entreprise est en pleine exploitation çà et là mille détails
matériels, un cheval sous le harnais, HUTTE A1N0.
Photographie du comte Jear:
Hakodaté fit naguère partie des six ports ouverts par les premiers traités aujourd'hui, cette place d'accès est sévèrement fortifiée et soumise à la surveillance militaire. La mission catholique, dirigée par un évêque français et trois pères, ne comprend guère dans la ville que cinq cents prosélytes par ici la tâche de propagande, si ingrate au japon, trouve un obstacle de plus dans l'inclémence des saisons. Les missionnaires sont unanimesdans leur appréparlant des intérêts ciation du caractère japonais catholiques en général, le père de N. qui évangélise ici depuis de longues années, ne souhaite pas pour le japon les conversions en masse du xme siècle, car les divergences politiques et de race l'exposeraient promptement à un s:hisme. Dans l'intérieur de l'île, les Ainos, rebelles à toute culture morale, ne sont sensibles hélas! qu'à un genre d'argument, celui des liqueurs fortes. Un matin, une chaloupe à vapeur nous transporte sur un point opposé de la baie, à Tobetsu, où se
un soc de charrue
maculé de terre, des de :ettar2court-aubecourt. râteliers garnis de rations, racontent par le menu le labeur journalier. Comme complément de leurs occupations rurales, ils ont introduit ici la fabrication du beurre, dont ils font des envois sur divers
pointsdel'Extrême-Orient.L'habitation,singulièrement allongée, n'a qu'un rez-de-chaussée, en raison des tourmentes de mer auxquelles elle est exposée. C'est, en somme, un simple logis japonais en bois, élevé en attendant mieux, et n'offrant qu'une protection dérisoire contre le froid, qui parfois, l'hiver, descend à 28 degrés, et la neige qui s'accumuleà plusieurs pieds de hauteur. Du monastère dépend un asile ouvert, soit aux orphelins, soit aux enfants des familles indigentes et où ils reçoivent une instruction conforme aux programmes scolaires de l'État. Mais la fin dernière de la communauté est de s~ recruter sur le sol même, et elle a déjà fait plusieurs adeptes indigènes. Établis depuis plus de cinq ans, les trappistes ont été au début l'objet de la surveillance étroite des autorités sourcilleuses; mais depuis lors, celles-ci se sont adoucies; quelques fonctionnaires haut placés, le gouverneur de la province,
sont venus visiter les lieux; l'un d'eux même a fait dans un journal, en termes favorables, un compte rendu et une vulgarisation de son enquête. Devant nous s'ouvrent tour à tour les cellules de bois blanc, la bibliothèque, qui se garnit lentement, la chapelle, réduite encore aux stricts éléments du culte. A ce moment un tintement résonne, et nous voyons les pères sortir du réfectoire vêtus de la robe grise ou marron, le capuchon sur les yeux, ils s'en vont en groupe muet par l'étroite et pauvre galerie de bois, et cette apparition, qui évoque brusquementles vieilles sociétés monastiques, fait une impression saisissante dans ce coin fruste de Yéso, aux bornes de l'Asie. ¢ juin.-Embarquéshier sur un steamer japonais, nous ancrons, à la pointe de l'aube, dans la baie de Mororan, dont la courbe est dessinée par un rang de pics volcaniques. En canot de pêche, nous pénétrons dans un repli de la baie pour visiter le petit village de Hetomo, où s'offrent à nous les premiers types aïnos. Repoussés sans merci, au cours des siècles. par les Japonais conquérants, les Aïnos, par leur retraite et leur extinction prochaine, marquent tristement dans l'histoire des conflits ethnographiques. A l'aspect de cette race si distincte des Japonais et de physioromie vaguement européenne, l'on se demande à quelles lointaines migrations attribuer
wigwams était accroupi un Aïno, étrange créature sans âge ni sexe, dans une immobilité stupide; seulement, par instants, il menaçaitd'un bâton les corbeaux voletant autour d'un chapelet de poissons séchés, sa réserve alimentaire; si l'on ajoutait à ce tableau un coin désert de la baie et des lointains sauvages de montagnes, l'on se croyait devant une scène de la terre primitive. A l'occasion de notre venue, un vieux couple, moyennant une modique rémunération, consent à
endosser ses habits de gala, sortes de longues tuniques à broderies criardes; la barbe du vieux bonhomme s'étale en éventail sur le velours et les ors fripés où il se drape, et subitementtravesti, il semble prêt à jouer le rôle du Prophète ou d'Agamemnon. A l'extrémité de ce pauvre village se trouve une école fréquentée en commun par les enfants des deux races. A Mororan même, la notion du Japon,
d'un caractère local déterminé, tend encore à s'affaiblir. Nous ne sommes plus que sur un coin quelconque du Nord, dans une bourgade brumeuse, posée sur des grèves mélancoliques cel-
les-cis'encadrent de hautes falaises, au pied desquelles
une population maritime ordonne et répare son matériel de pêche. Nous nous empressons de prendre le train pour aller chercher d'autres aspects et nous mettre à portée de centres leur présence dans ces aïnos moins dénaturés. La voie ferrée suit quelque terres reculées. Mais ici, comme dans temps le rivage bordé en certains endroits d'agglotoutes les bourgades du litmérations indigènes. toral, leurs usages, par suiUn long arrêt à Shite des contacts étrangers, raoi nous permet d'examisont presque tombés en AÏNO. VIEUX COUPLE désuétude. La population ner à loisir le paysage où native de Hetomo est mé- Photographie du comte Jean de A'ettancourt-Vaubecourt. le jour décline; la végétation est encore peu avanlangée de Japonais et de cée, la campagne a l'aspect monotone et pauvre il métis la hutte aino s'y juxtapose au chalet du Nippon; tombe une brume pénétrante à travers laquelle se dans le vêtement, les loques d'étoffe se sont substituées dessine au loin le profil sévère des glaciers, et on aux dépouilles d'animaux. Quelques hommes paraissent entend, par intervalles, la voix du coucou, qui annonce sur le rivage, offrant des têtes à caractère, avec leurs cheveux flottants et leur barbe de fleuve; d'autres ce fugitif été, Nous retrouvons, non sans plaisir, pour la nuit, l'hospitalitéjaponaise à l'auberge de Tomakopagayent sur l'eau calme dans leurs étroites pirogues. Les femmes, vite effarouchées, sont d'un abord plus maï, d'où nous gagnerons par étapes le gros village difficile néanmoins, il est aisé de distinguer le tatouage aïno de Piratori. Les montures qu'on nous destine 5 ~iaira. en forme de moustache qui prolonge leurs lèvres et défigure étrangement des traits assez réguliers l'on portent les selles grossières du pays, qui servent en dirait qu'elles s'appliquent par ce bizarre ornement à même temps de bât; elles sont attachées en file, le rivaliser avec l'élément masculin. L'opposition des deux cavalier de tête seul ayant des rênes, et comme les juments ne se séparent pas encore de leurs poulains races est encore plus frappante par le contraste du logis japonais, si propre avec son architecture de bois, qui gambadent alentour, le cheminement de la troupe si net de toute souillure, et l'abri de l'aborigène, extéprend quelque chose de patriarcal. Nous suivons la rieurement doublé de chaume, du faîte jusqu'à la base, côte à courte distance par une route poudreuse et et à l'intérieur enfumé et sordide. Devant l'un de ces plate, bordée de poteaux télégraphiques, dont la file
uniforme, coupantl'horizon, fournit à l'œil une échelle de mesure. La mer élève ses grondements familiers derrière des dunes où s'ensablent des cabanes de pêcheurs; compagne de tous les voyages, elle berce du même murmure sur les grèves mornes de Yéso que sur les plages souriantes de la Méditerranée. Rien n'est plus éloigné des gracieux sites méridionaux que cette terre nue et grisâtre, où des bouquets
de frênes ou de saules jettent leurs bourgeons, et néanmoins, pendant les haltes, nous retrouvons avec étonnement les intérieurs japonaisclassiques, les nattes fraîches, les boiseries luisantes dont la tradition se maintient obstinément; cependant, les toitures épaississentleurs revêtementsdechaume,etplusieurs, s'assimilant à un terrain végétal, disparaissent sous un semis de verdure. Voici des prés, fermés par des enclos, où paissent des chevaux et du bétail, comme dans quelque paysage normand ou du pays de Galles. Le rapprochement est involon-
Un terrain récemment déboisé nous conduit jusqu'à l'estuaire de la rivière Saru, dont nous allons longer le cours. Les bouquets d'arbres se multi6 ~icica.
pliant préparent à l'approche des forêts qui verdissent sur des collines lointaines; des habitations japonaises isolées, jalons de la colonisation, se montrent, par intervalles, alternant avec des groupes de maisons aïnos, qui émergent parmi les bosquets comme de grandes ruches. Aux abords de Piratori, le pays présente une série d'ondulations boisées entre lesquelles le village, formé de deux ou trois sections, est disposé en une rue démesurée. Déjà, quelques toits japonais percent parmi les cases des aborigènes; un semblant d'auberge vous évite, cas échéant, l'hospitalité aïno, Le chef de la bourgade, patriarche d'un âge inappréciable, fait avec empressement les honneurs de son domaine; sur un rang s'étendent les habitations, sur le rang opposéles réserve, établis à quelques pieds du sol. Soudain le vieux chef, qui s'est un moment éclipsé, reparaît vêgreniers de
taire et frappant
c'est une source
d'illusions à la fois tristes et douces que cette identité d'im-
tu d'une tunique à
ramages,
pressionséprouvées
ceint d'une couronne druidique, à la
sur des lieux situés hors de portée réciproque et dépourvus de toute affinité historique. Le soleil, dissimulé jusqu'ici, commence à
donner, et sans
transition apprécia-
ble, comme dans l'été de ces latitudes, la température devient brûlante. De loin en loin, un point se dessine sur la route; c'est un
piéton qui s'achemine d'une allure patiente, un courrier lancé au galop ou un véhicule, char à bancs rustique, qui louvoie entre deux ornières. Vers le nord, s'estompent les hauteurs boisées dans la direction desquelles est situé Piratori. Dans le voisinage de la bourgade japonaise de Moukava, où le jour tombant nous force à élire domicile, se trouve précisémentun village aïno, pur d'éléments étrangers, et constituant un des meilleurs spécimens que l'on puisse observer dans le Sud. Dissimulées par des rideauxd'arbres, les huttes, hermétiquementenveloppéesde chaume, s'échelonnent, pareilles à des meules, le long d'une rue centrale notre approche fait rentrer tout le monde au gîte; quelques vieilles femmes sont occupées à piler une substance dans un mortier informe un vieillard qui s'esquive, la chevelure au vent, les jambes nues et grêles sous sa peau d'ours, figure un homme préhistorique. D'autres visages jeunes et inquiets, aux bandeaux de cheveux noirs,- qui nous observent par les ouvertures des huttes, rappellentfranchement le type bohémien d'Europe le souvenir du type japonais est complètementécarté.
le front
tête d'une troupe de femmes qui nous
promettent le spectacle d'une danse lui, dans
ce cadre
sylvestre et mélan-
colique, comme un vieux faune, dirige les figures du ballet. C'est d'abord une ronde rapide, rythmée de claquements de mains et de cris sur une même note; ensuite, formées sur trois rangs, les exécutantes s'inclinent d'avant en arrière, avec un geste d'ensemble imitant des battements d'ailes; puis, la ronde se reforme, réglée par le même cri brusque et monotone, et chacune d'elles, à son tour, traverse le cercle à petits bonds pour reprendre ensuite le vol cir-
elles continuent à tourner, le buste accentuant de plus en plus son inclinaison dans le sens du mouculaire
vement général, qui s'arrête lorsque l'essoufflement vient en briser la cadence. Avant notre départ de Piratori, tous les danseurs formèrent de bonne grâce un groupe que je n'ose qualifier de sympathique, mais qui se prêta avec docilité aux exigences de l'objectif. Le soir même, grâce aux vigoureux coups de collier d'un bon attelage, nous avions fourni l'énorme traite qui nous séparait de Tomakomaï, d'où le dernier train nous emporta vers Oiwaké, à courte distance de Sapporo. COMTE JEAN DE NETTANCOURT-VAUBECOURT.
(A suivre.)
Cérémonies religieuses au Maroc religion juive ses grands Lobserve Carême, a
le
et
jeûnes, le catholicisme Mahomet, dans le simulacre
imparfait des deux religions qui composent l'Islamisme, imposa à ses fidèles un jeûne d'un mois lunaire, le Rha~nadava..
Durant ce temps, les Arabes de toutes conditions ne doivent ni boire ni manger depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher. Ils ne se restaurent donc que la nuit.
Dès
le
point du jour, un coup de ca-
annonce
non
le moment où commence le
jeûne, et le
soir, un coup de canon vient également faire savoir que le
jeûne peut être rompu. Ce se-
cond coup de canon, faut-il le
dire, est atten-
du
impatiem-
ment,
je l'ai
entendu saluer de cris de joie, et immédia-
tement les Arabes, toute oc-
cupation cessante, commencent à faire bombance. Ues escouades de « réveilleurs » sont chargés, moyennant une obole, d'aller éveiller les gens deux ou trois fois dans la nuit, au moment des repas, qui ce se fait au son du fifre et du tambour. Le manque de sommeil, l'abstinence, sont plus pénibles qu'on ne croirait au premier abord, car il est dur, pour des hommes qui travaillent, de ne pouvoir
goûter le repos nécessaire pour réparer leurs forces,
ou de ne pouvoir même se rafraîchir avec un fruit ou une goutte d'eau. Quand le Rhamadan a lieu pendant l'hiver, alors que les nuits sont plus longues, la privation est moins grande; mais se représente-t-on ce qu'elle peut être les longs jours d'été, quand le soleil se lève de bonne heure et darde ses chauds rayons? Aussi est-il avéré que, durant le Rhamadan, les Arabes sont excessivement irritables, les rixes fréquentes, et que les coups. de fusil partent avec une inconcevable rapidité. Cependant, ils vaquent à leurs occupations, plus ou moins mécaniquement, il est vrai, et les trans-
gressions du jeûne, qui sont rares, du moins en apparigoureusement sont châtiées. rence, II y a de cela quelques années, un malheureux Arabe fut trouvé ivre, en Rhamadan, dans les rues de Tanger. C'était une double transgression la loi de Mahomet défend les liqueurs alcooliques aussi bien qu'elle impose le jeûne rigoureux, et les soldats marocains, qui font aussi office de gendarmes, voulurent appréhender le coupable. Le pauvre homme, auquel il restait encore assez de lucidité pour deviner le danger qu'il courait, se sauva et alla se réfugier chez des Juifs. Chose triste à dire, ceux-ci le livrèrent, Méprisés des Arabes et peu ou point protégés, les Juifs marocains sont craintifs et pusillanimes à l'excès. Ils ont, comme tous ceux de leur race, l'esprit de famille, et peut-être d'autres qualités encore, mais sont totalement dépourvus de courage. Ceux-ci donc, craignant un mauvais parti s'ils cachaient le prisonnier, ou des difficultés s'ils le fai-
saient évader,
préférèrent les conseils de la
prudenceàceux de l'humanité.
L'Arabe fut condamné à être fustigé de deux cents
coups de bâton,
à l'entrée de la
Kasbah, c'està-dire du quartier arabe qui domine la ville.
Pour
n'être
point fatigués, les bourreaux se relayaient, et le malheu-
reux succomba sous les coups. Le Rhamadan se termine au, milieu de réjouissances, dès qu'a paru le croissant de la lune nouvelle. Ce sont les nzue,in qui le signalent, et un coup de plus ardemment attendu encore que les canon, autres, celui-là, annonce la fête du lendemain. Il se peut que, le croissant n'ayant point été aperçu, même fugitivement, ce soir-là, au firmament, la cérémonie soit remise de vingt-quatre heures aussi devine-t-on l'anxiété avec laquelle chacun guette le signal libérateur. Disons aussi qu'il est fort rare que cet ajournement ait lieu; car il cause de si vives déceptions, qui pourraient dans certains cas amener des révoltes, que les pontifes musulmans préfèrent user de subterfuge et entrevoir le bienheureux croissant avec les yeux de leur imagination. Et le lendemain, tout le monde est en fête. Hommes, femmes, enfants, vont et viennent dans un empressement joyeux. Le brillant soleil du Maroc caresse les ors des selles richement brodées, fait cha-
toyer les opulentes étoffe~, aux tons vifs qui s'opposent les uns aux autres sans se heurter. Les femmes ont sorti leurs plus beaux cafetans, qu'elles cachent soigneusement sous les plis du grand baick ou voile qui les enveloppe tout entières. En plein air, dans une enceinte close de hauts murs, les fidèles se réunissent pour la prière. Grâce à une terrasse surplombante d'un toit voisin, il me fut donné de les apercevoir, tous accroupis à terre, drapés dans leurs burnous blancs, chacun dans la même attitude et la face tournée vers le Levant. Un chant, ou
plutôt une sorte d'appel rythmique s'échappe de leurs lèvres, et cette multitude blanche, prosternée, invoquant Allah d'un même élan de foi, revêt un caractère de grandeur simple qui ne manque pas de nous impressionner. En plus d'une circonstance, la dévotion des musulmans, leur attachement à une religion grossière et rigoureuse, leur obéissance rigide à ses prescriptions, pourraient nous servir d'exemple, et nous faire rougir, nous, chrétiens, d'être si peu pratiquants. La prière terminée, les cavaliers enfourchent les chevaux richement caparaçonnés, aux selles de ve-
lours clair brodé d'or et d'argent, et lentement, gravement, le cortège se déroule entre deux haies de soldats du. ~naglyen, revêtus de l'uniforme d'infanterie large pantalon bleu foncé et veste pareille, à col et parements rouges, retenue par une ceinture de cuir; la tête recouverte de la tarbouch rouge à gland bleu. Des Arabes quelconques ouvrent la marche. Quelques-uns sont à pied, les autres à cheval, puis viennent les étendards rouges du Maroc, l'étendard vert de la Mecque, portant l'étoile et le croissant, et d'autres encore; puis les soldats qui faisaient la haie se joignent au cortège, suivis de la garde du pacha, entourant le- pacha, les chérifs, les hauts dignitaires. La procession se déploie maintenant aux sons aigrelets et mélancoliques à la fois du fifre et du hautbois, c'est pourtant une musique joyeuse accompagnés des tam-tams. Les femmes, massées sur le passage comme de gros pigeons blancs, poussent leur you-you d'allégresse, et de temps à autre résonne le canon, tandis qu'une légère fumée s'élève en volutes blanches sur le ciel azuré. Les fidèles se rendent ainsi à la mosquée, où se dit encore la prière et au sortir de laquelle a lieu le cérémonial du baise-main c'est-à-dire que le pacha, les chérifs, reçoivent les hommages des fidèles qui viennent leur baiser la main ou un pan de leur habit. Au Maroc, pays jalousement gardien des traditions musulmanesconservées dans toute leur intégrité, là où aucune influence étrangère ne vient altérer les vieilles cérémonies, la dévotion des jours de fête s'accompagne presque toujours de démonstrations publiques. Que ce soit la fête du mouton, nous verrons ce même cortège se dérouler majestueusement à la suite des hommes qui, au pas de course, traîneront à la mosquée, où il doit mourir, le pauvre mouton mortellement frappé dans l'enceinte, située à quelque distance de là, tandis que d'autres hommes armés de bâtons leur ouvrent le chemin, en courant devant eux et frappant de droite et de gauche pour écarter tous les obstacles, car si le mouton était déjà mort avant que l'on arrivât à la mosquée, ce serait l'annonce de grandes ca-
tastrophes.
D'autres fois, ce sont les fanatiques Aïssao~ab, qui, bannières en tête, se déploieront en formant des cercles d'hommes et de femmes, frénétiquementagités de tremblements hystériques,dansant en cadence jusqu'au Soko, où leur est jeté un mouton dont ils s'arrachent les lambeaux pantelants pour les dévorer crus; ou les Has7u~djas qui, revenant de leur pèlerinage à Méquinez, s'avançent également en cadence, se frappant à coups de hache, tandis que le sang qui les inonde ruisselle le long des vêtements. Qu'elle est loin, la côte d'Europe, que l'on voit pourtant s'estomper là-bas. de l'autre côté de la mer bleue, si calme, si belle, et quelle ligne de démarcation qu'un simple détroit! MATHILDE ZEYS.
L'Arrangement f ranco-anglais. politique de
l'entente cordiale entre la France et l'Angleterre, inaugurée par les visites du roi d'Angleterre et du président de la République, vient de se consolider par la signature, le 8 avril, d'un accord qui règle, sinon toutes les questions, du moins la majeure partie des questions qui, depuis de très longues années, divisaient les deux grands pays et faisaient naître entre eux de fréquents litiges et même de dan{(
gereuses querelles. Examiné en soi, l'accord que viennent de conclure M. Paul Cambon, notre ambassadeur à Londres et le marquis de Lansdowne, chef du Foreign office, doit être hautement approuvé, en ce sens qu'il aidera au maintien de la paix générale, en supprimant les causes de ces discussions incessantes, de ces fameux caractérisaient les relations (( coups d'épingle franco-anglaises.. Voici les points visés par cet accord. A Terre-Neuve, la France renonce à un droit sur le ,~rez~ch sbove, dont elle n'usait plus guère, mais qui gênait les Terre-Neuviens. En compensation, elle reçoit en Afrique, d'abord par deux rectifications de frontières du côté de la Gambie et du côté du Tchad, puis par la cession des iles de Loos, voisines de la Guinée, des avantages que les coloniaux français réclamaient
qui
vivement.
Au Siam, la France gagne la reconnaissance de son influence sur de vastes régions où elle lui était contestée jusqu'ici. A Madagascar, elle voit cesser une protestation d'ordre économique formulée par la Grande-Bretagne. Aux Nouvelles-Hébrides, elle acquiert l'assurance que le condominium en vigueur sera
respecté avec des garanties nouvelles. Les questions du Maroc et de l'Égypte sont bien dans la convention du 8 avril. D'une part, la France déclare qu'elle {( n'entravera pas l'action de l'Angleterre sur l'Égypte, en demandant qu'un terme soit fixé
l'occupation britannique ou de toute autre manière »; d'autre part, elle reçoit, par contre, l'engagement de l'Angleterre de lui reconnaître sc le droit de veiller à la tranquillité du Maroc et de lui prêter son assistanc,e à
pour toutes les réformes administratives, financières,
politiques et militaires ». Si le mot de protectorat n'est pas écrit dans l'acte dont nous parlons, force est pourtant d'avouer que c'est bien un rôle de protection que l'Angleterre nous concède sur l'empire, du Maroc. En même temps, l'Angleterre reconnaît la liberté du passage à travers le canal de Suez et renonce aux réserves qu'elle avait toujours formulées sur le droit de navigation dans cette grande voie maritime, tandis que la France donne son adhésion à certaines mesures financières, destinées à garantir la sauvegarde des intérêts des porteurs de la Dette égyptienne. Tel est cet acte, qui aura pour premier et salutaire effet de résoujre des questions depuis trop longtemps pendantes et qui risquaient comme on l'a vu dans deux circonstances présentes encore à toutes les mémoires de dégénérer en conflit aigu. Il liquide, par un jeu de concessions réciproques, des rancunes traditionnelles que la passion pouvait envenimer brusquement. Et c'est en cela qu'il aidera au maintien de la paix européenne. N~us aurons l'occasion de revenir plus longuement sur cet accord, en étudiant une à une les différentes questions auxquelles il a donné une solution. Nous n'avons voulu, aujourd'hui,qu'indiquer sommairement ses grandes lignes et les conséquencesgénérales que l'on peut en espérer.
Le Retourde la Mission Lenfant.
le
capitaine Lenfant est arrivé à Paris, le Il avril, ayant terminé avec un plein succès son intéressante mission au lac Tchad. Nos lecteurs ont été tenus, presque au jour le jour, au courant des faits et gestes de la mission. Rappelons donc, en deux mots, qu'il s'agissait de savoir si on pouvaitatteindre le lac Tchad par le Niger et la Bénoué et si, par conséquent, on pouvait désormais substituer la pénétration fluviale à de coûteuses marches en des régions inhospitalières. Le 15 juillet 1903, le capitaine Lenfant quittait le Havre, emmenant avec lui un chaland en acier, le Benoît-Ga~·nie~ large de 2ffi50, pouvant contenir 20 tonnes et en pesant 4. Le io août, il arrivait à Lokodje avec l'enseigne de vaisseau Delevoye, le maréchal des logis Lahure et quelques noirs. Le 25 août, la mission était à Garoua, où commençait la véritable exploration. Le moment le plus critique fut le passage de la cataracte de M'Bourao, sur la route fluviale qui réunit la Bénoué au Logone. La mission se trouva devant cet obstacle, le 16 septembre dernier, et le capitaine Lenfant raconte ainsi comment il reconnut à quel point il
((
Enfin, voici l'obstacle un rapide de 6 à 8 mè-
tres de chute, sur 5o mètres de long, une chute de 8 à io mètres avec un bénitier en dessous, et enfin une cataracte de 6o mètres, qui coule sur une marche en pierre posée en travers de deux murs verticaux. (( Pour mieux voir, il faut se glisser sur des blocs suspendus dans le vide sur trois petits cailloux ronds; au pied de la chute, des hippopotames, qui semblent gros comme des moutons des caïmans qui nagent la gueule ouverte. Devant nous, des montagnes et des crêtes à perte de vue, et des cascades que l'on entend gémir. »
Dans ces conditions, il fallut démonter le BenoîtGarnier et en porter les morceaux à dos d'homme, pendant 30 kilomètres. Puis le chaland fut remonté et put, sans encombre, atteindre le lac Tchad. Le résultat de cette expérience peut se résumer en quelques mots avec la nouvelle route, on peut aller de Badcana au lac Tchad en soixante-dix jours, au lieu. de cinq mois par le Congo, et le transport d'une tonne de marchandises coûtera dorénavant 500 francs au lieu de 2 000. On voit le profit. La mission revint par le même chemin, c'est-àdire par le Logone, le Bakarni, le Mayo-Kabbi, la Bé-
noué et le Niger. « C'est en revenant, raconte le capitaine Lenfant, que nous avons failli, Lahure et moi, ,Delevoye se trouvait à quelques kilomètres en arrière, procédant à certains relevés, être assassinés. En arrivant devant un village nommé Trené, les Moundangs nous intimèrent l'ordre de ne pas aller plus loin. Retranchés derrière les murs de leur village, ils firent pleuvoir sur nous une grêle de flèches empoisonnées; nous étions onze en tout, mais la puissance des armes à feu est telle, que nous n'hésitâmes pas à riposter et à jouer d'audace. Je disposai ma troupe minuscule de la façon suivante quatre hommes firent le feu de front, tandis que les sept autres donnaient l'assaut de deux côtés différents. Nos adversaires résistèrent pendant un certain temps à nos balles; mais, voyant l'inutilité de leur effort contre nos armes perfectionnées, ils abandonnèrent la lutte et nous laissèrent maîtres de la place. (( Pendant cette affaire, au cours de laquelle nous avons couru un véritable péril, le maréchal des logis Lahure s'est héroïquement conduit. Quant à nos Sénégalais, ils ont fait, comme toujours, leur devoir avec une bravoure au-dessus de tous éloges. (\ A l'aller comme au retour, j'ai mis, en défalquant, bien entendu, les arrêts extraordinaires, tels que le démontage, le portage et le remontage des chalands nécessités par les chutes de M'Bourao, soixantequinze jours. J'ai donc lieu de' me montrer fier du
résultat obtenu. »
La France est fière, elle aussi, de compter des hommes énergiques tels que le capitaine Lenfant, qui répandent son influence et mettent si habilement en
valeur son domaine colonial.
était infranchissable
me faut, écrit-il, six heures d'escalade, et de descente dans les rochers à pic, avec gymnastique, pour atteindre la chute. Jamais être vivant n'a passé par là et, cependant, nous cheminons sous les lianes par des sentiers de rhinocéros, dont on voit les traces. (( II
Jacques Rougé.
Locbes et Beaulieu. Brochure avec illustrations. Veyrat, éditeur. Loches, 1904.
L'état sanitaire des armées française et allemande. Le docteur Lowenthal publie dans la Revue
une intéressante étude sur l'état sanitaire comparé des armées française et allemande. Les résultats de cette comparaison sont extrêmement défavorables pour l'armée française, La mortalité générale comparée des armées française (à l'intérieur) et allemande en 1 90 sur 1 000 hommes d'effectif présent, donne les indications suivantes 310RTALITÉ
Maladies Accidents Suicides Totale
Armée
française.
allemande
4,47
(,5°
0,42 0.3 t
5.((
0.22 0,42
2,33
la mortalité-maladies de l'armée française dépasse de 198 pour 100 celle de l'armée allemande; 20 La mortalité-accidents de l'armée française dépasse de 35 pour ~oo celle de l'armée allemande; 3° La mortalité-suicides de l'armée allemande dépasse de go pour 100 celle de l'armée française; 4° La mortalité totale de l'armée française dépasse de 13° pour ~oo celle de l'armée allemande. Pendant les vingt années comprises dans la période ~88z-~go~, l'armée française a perdu 67021 hommes, alors que l'armée allemande en perdait seulement 27 053 Ainsi donc
10
qu'en vingt ans, l'armée française, dont les effectifs sont. inférieurs à ceux de l'armée allemande en moyenne de plus de 5° 000 hommes, a perdu 4° 000 hommes De sorte
de plus que l'armée allemande. En ce qui concerne la morbidité générale des armées française et allemande en 19° 1, la comparaison donne les
indications suivantes
Hôpital Infirmerie Infirmerie
Armée francaise
(intérieur),
(Lazareth) (Revier)
238 0/0
allemande 202,7
404 0/00
390.6
Total
et hôpital
642 0/00
56,0
649,°3
En particulier, la morbidité typhoïde de l'armée française de l'intérieur dépasse de plus de 200 pour ~oo celle de l'armée allemande, et la mortalité typhoïde de l'armée française de l'intérieur dépasse de plus de )00 pour ~oo celle de
l'armée allemande. notre armée, La variole a atteint, en igoi, 64 hommes, dont 3 sont décédés, Dans l'armée allemande, pour la péaucun cas de variole n'a été observé en 190 française il y a eu dans l'armée riode 1895-1901, alors que 8 974 cas de variole et 739 décès, on a constaté dans l'armée allemande seulement 16 cas et décès, Enfin, pour la grippe, la morbidité de l'armée française de l'intérieur dépasse de (6) pour 100 celle de l'armée allemande la mortalité de l'armée française de l'intérieur dépasse de i 6oo pour 100 celle de l'armée allemande, et la mortalité clinique de l'armée française de l'intérieur dépasse de 670 pour ioo celle de l'armée allemande.
dans
Et
Les Cosaques en Extrême-Orient.
Tout
l'intérêt de la campagne est en ce moment concentré sur les
opérations des Cosaques du général Mitchenko. D'où viennent, comment se recrutent et comment combattent les Cosaques de l'Extrême-Orient?L'écrivain militaire du Temps nous apprend que les premiers qui portèrent ce nom opéraient sur le Dniéper, le Volga et le Don et leurs rives, étant à la fois pêcheurs paisibles et pillards redoutables. On les trouve à toutes les pages de l'histoire russe; ils sont tantôt de fidèles soutiens du trône et tantôt de terribles rebelles. Lorsque Pierre le Grand monta sur le trône, ils gardèrent la frontière contre les invasions tartares, puis pénétrèrent en Sibérie, où ils formèrent la garde avancée de l'empire russe contre les Kirghises et les Kalmoucks. Aussi longtemps qu'ils demeurèrent à la frontière et en état de guerre perpétuel, ils conservèrent leurs belles qualités. Les noms de Mazeppa et de Platof se rattachent à cette période héroïque
mais du jour où les Cosaques furent confinés dans leurs territoires, au nord-est de la mer Noire, ils devinrent sédentaires, se confondirentavec le reste de la population et perdirent de leurs aptitudes à la guerre. Le premier principe du service militaire des Cosaques fut toujours qu'en échange d'une concession de terre et d'une exemption de taxe, ils répondraientau premier appel en fournissant leur cheval et leur équipement. Cette situation s'est depuis modifiée, beaucoup d'entre eux étant trop pauvres pour subvenir à ces frais. C'est en 1875 que cette méthode de recrutement fut changée. Les Cosaques furent embrigadés, mêlés au reste de la cavalerie russe et leur liberté d'allure en temps de guerre fut supprimée. Certains experts militaires ont jugé que c'était là une erreur, leur mépris des tactiques classiques ayant toujours fait leur force, grâce à leur imprévu. Les généraux de Napoléon en ont d'ailleurs témoigné. Les voïskos de Cosaques possèdent de grandes étendues de territoire,dont les deux tiers sont en communauté.L'autre tiers appartient à la noblesse cosaque ou est entre les mains de paysans non cosaques. Les territoires du Don, Kouban, Terek, Oural et Orembourg sont assez compacts, tandis que ceux de Sibérie, du Transbaïkal, de l'Amour et de l'Oussouri sont de longues bandes de terrain qui correspondent aux lignes de frontière qui étaient jadis confiées à la garde des Cosaques. Les voïskos de l'Est ont été constamment en lutte avec les Asiatiques et n'ont pas d'expérience de la guerre régulière, Ceux de l'Extrême-Orient ont été renforcés par des contingents provenant des territoires du Transbaïkal, tandis que ceux de l'Oussouri ont reçu des troupes du Don qui ont été transportées par des bateaux de la flotte volontaire russe. Les cinq voïskos qui sont le plus immédiatement engagés dans la guerre actuelle sont ceux de Sibérie, de Semiretchinsk, du Transbaïkal, de l'Amour et de l'Oussouri. Le total de leur population peut être évalué à 750 000, sur lesquels il faut compter 180 qOO hommes proprement cosaques. La force de ces cinq tribus est de 20 à 25 000 chevaux; mais, dans ce nombre, les Cosaques de. l'Amour et de l'Oussouri ne comptent que pour peu. Le total des cinq tribus sur le pied de guerre, en admettant que l'on appelle sous les drapeaux toutes les classes disponibles,est de 60000 hommes, sur lesquels les voïskos de l'Oussouri et de l'Amour n'en fournissent que 5000,
L'alimentation du soldat japonais.
On
avait observé, pendant la campagne de Russie, sous le fremier-Empire, que les soldats originaires du midi de la France avaient beaucoup mieux résisté au froid et aux privations, que ceux provenant des régions septentrionales, de notre pays. Depuis, cette observation a été confirmée dans plusieurs circonstances. Il est donc certain que les exigences de ravitaillement vont être beaucoup plus lourdes, dans la guerre actuelle, pour l'administration russe que pour l'administration japonaise. Le soldat russe a des habitudes alimentaires assez compliquées; notamment, il a besoin de viande, tandis que le soldat japonais est presque un végétarien, L'alimentation du soldat japonais, comparable à celle du soldat annamite, se compose d'une ration journalière de 1091 grammes de riz brut et d'une allocation de o fr. 29 par homme. Cette allocation est destinée à l'achat des aliments en" usage dans la classe populaire, à savoir le poisson frais ou séché, le tofou, pâte de haricots fermentés, et des légumes tels que choux, raves, oignons, radis, cornichons, patates et herbes aquatiques. Le riz, cuit à la manière ordinaire, se mange comme pain la boisson exclusive est le thé, La viande, interdite du par les rites bouddhistes,n'entre pas dans cette alimentation. Les haricots fournissent la plus grande partie de l'azote les Japonais en font même un fromage. Pour un Européen, cette alimentationserait absolument insuffisante il lui manquerait des matières albuminoïdes et surtout des matières grasses.
De Sarajevo à la Frontière du Monténégro par la Vallée de la Drina.
En Herzégovine.
La péninsasle balkaniqr.se offre, à quelque trois ou quatre jours de vovage, un intérf·t qu'on croirait devoir cbercber beaucoup plus loin. La persistance d'asss ty~e non evropéen au milieu de la naultiplicité des espèces qui se superposentet s'entr~ecroiserat, la dtJfculté encore très gr~rrsde rles comtnaanicatsbrss, conservent à la région nue saz~eur ~le paysage lointain. A~bsstons que c'est le tHéâtre irsdi~jsié d'tsve contlayration toujours irnnainerste et que la politiyrse lutte ici d'intért~t avec la ~éo,~rapbie.
I]AR les grandes rues aux superbes maisons, aux dégants magasins, nous partons. de grand matin, au trot de nos deux petits chevaux, par la route qui suit le torrent de la Miljacka et monte sur les Hauts-Platéaux. Nous quittons la capitale de la Bosnie, Sarajevo; et nous voulons ga-
gner, par l'inté-
rieur des terres, en traversant l'Herzé-
pour qu'il soit nécessaire d'y revenir dans notre récit, Après un séjour d'une semaine à Sarajevo, malgré le charme de cette belle capitale et l'intérêt qu'en présentent les environs immédiats, nedlats, nous avions hâte de parcourir des contrées es plus originales encore, et moins connues, d'erreren pleine montagne, près des frontières
serbe, turque
govine, la frontière du Monténégro, Notre voitu-
monténégrine, Adieu, pour quelques jours, aux hôtels des grandes villes! Nous pénétrons dans des ré-
re a vraiment assez
pittoresque appa-
nos valises empilées sur les rence
gions plus neuves et plus frustes, qui
banquettes, le foin
et l'avoine des chevaux sur le siège, et un seau en toile, destiné à les abreuver au cours de la
ne connaissent pas
encorelescaravan-
sérails, au cosmopolitisme banal et
traditionnel, de
route, accroché à l'une des lanter-
nes.
et
tous les endroits fréquentés des tou-
ristes.
Jusqu'à pré-
Nous parsent, nous avons CONSCRIIS SE RE:-IDANT A SARAJEV tons, d'ailleurs, voyagé par chemin bien approvisionl'hotugraphie de M~Yl. Arrnagnac et de .1'eufi~ille. de fer ou en dilinés en toutes cho, gence, et, dans les villes où nous avons passé, nous avons trouvé, tou ses, et munis, en particulier, de lettres de recommandation qui nous seront du plus précieux secours, tant jours, de bons hôtels et un confortable suffisant. Agram, Banjaluka, Travnik, Iajce, Sarajevo, pour nous procurer guides ou chevaux que pour nous nos faire obtenir l'hospitalité dans les postes-casernes de premières étapes, ont été décrites trop souventi gendarmerie. Notre voiture monte, maintenant, le long des Capus, la A Tour Monde. 1896 G. Cf. du 1. travers l, versants abrupts qui enserrent la vallée de la MilBosnie-Herzégovine, A TRAVERS LE MONDE.
1 8e LIV,
N~ ~8,
3° Avril 1904.
derrière nous, le Trebevic, dominant Sarajevo de quelque ~oo mètres, au-dessus de la ligne sombre des forêts de sapins, barre l'horizon de son arête chauve. Nous voilà sur le Haut-Plateau; mais la montée continue jusqu'au colde Mokro 1 34o mètres), Le soleil apporte un peu de chaleur qui nous ranime, après le froid vif de notre départ matinal. Nous rencontrons, faisant route vers la « Tchardjia » de Sarajevo, des caravanes de dix à quinze petits chevaux bosniaques, lourdement chargés de bois. Un paysan les conduit; il est coiffé d'un turban rouge et vêtu d'une chemise blanche aux larges manches, d'un gilet brodé et orné de boutons d'argent massif, et d'une culotte bouffante. Plus loin, c'est une bande de jeunes hommes, « déclarés bons pour le service », que plusieurs gendarmes encadrent à Sarajevo, ils seront incorporés dans quelque régiment d'infanterie, et en revêtiront le coquet et pratique uniforme. Puis, c'est la voiture de la poste que nous croisons. Ce véhicule ne peut être utilisé que par un public très restreint deux places seulement sont destinées aux voyageurs, les autres sont occupées par l'employé de la poste, son sac de dépêches à côté de de lui, et par deux ou trois soldats d'escorte, le fusil en main. La sécurité est pourtant absolue sur les jacka
(
(lekvar) qu'on coupe au couteau, et qui se mange, surtout en hiver. C'est aussi avec la prune que l'on fabrique le slivovitz », sorte d'eau,de-vie, qui rappelle le cc quetsch » des Vosges fortement étendu d'eau, le slivovitz remplace souvent le vin dans la consommation des paysans. La prune de Bosnie, dont le goût sucré est renommé, s'exporte en quantités importantes jusqu'en Amérique et dans l'ExtrêmeOrient. La culture de ce fruit est donc pour les indigènes une source sérieuse de richesses aussi le Gouvernement s'emploie-t-il, malgré la méfiance et l'esprit conservateur du paysan bosniaque, à ce que le meilleur outillage et les procédés les plus avanta-
geux soient appliqués à cette culture. Le soir tombe, comme nous arrivons à Rogatiza où nous devons passer la nuit. Notre premier soin est d'aller faire visite au sous-préfet (bezirksvorsteher), qui nous donne, sur la circonscription qu'il administre, d'intéressants détails, Il nous dit les différences essentielles qui divisent les habitants, et l'anta-
gonisme qui existe parmi eux les Turcs à la fois fanatiques, sceptiques et indolents, n'agissant pas, vivant de rien les Serbes très actifs, au contraire, et très indus-
trieux, cherchant et réussissant à s'enrichir. Les premiers, nous assure-t-il, sont destinés à
routes. Le plateau ou planina », que nous
disparaître peu à peu, les autres à affirmer de plus en plus leur supériorité et à devenir les
et nue, où pousse une
seuls maîtres du pays. Il nous raconte encore son importance à lui, repré-
traversons, est une immense étendue déserte herbe rase et serrée, et
qui semble se prolonger à perte de vue. Quelques bouquets de sapins et
FABRICATION DES CoNI'1TI'HES P,\R DES PAYSANS D'HERZÉGOVINE.
l'hnlogra~hie de 1131. Armagnac et de Neufville.
quelques misérables chaumières viennent seules rompre la monotonie de ce décor. Devant ces cabanes, des femmes filent la quenouille ou gardent un petit troupeau de porcs, qui s'ébrouent dans une mare. Mais ces femmes sont vêtues avec somptuosité jupes et corsages sont ornés de broderies et de passementeries d'or; des parements en sequins pendent sur leur front, des colliers de corail à leur cou, de lourdes boucles à leurs oreilles, surtout, des plaques d'argent très finement ciselées servent de fermoir à leur ceinture de cuir. Et c'est un paradoxe étrange de voir ces femmes, ainsi surchargées de bijoux, vaquer aux plus humbles occupations. Comme nous approchons d'un village, nous apercevons des paysans occupés à confectionner, en pleins champs, de la confiture de prunes. Ils font bouillir les fruits dans de grandes cuves en cuivre et les transportent ensuite dans des récipients analogues, où ils achèvent de les écraser à l'aide de battoirs en bois on obtient ainsi une sorte de pâte compacte
sentant de l'empereur, et véritable petit souve-
rain en son u bezirk >· il est chargé de l'administration, de la police, de la justice, des finances, des travaux publics, de l'hygiène. href, il est responsable de tout, peut tout et fait tout. Pendant le dîner à l'hôtel, des musiciens, dans une pièce voisine de celle où nous nous trouvons, enlèvent quelques valses hongroises, entraînantes et échevelées. Puis la monotonie de certaines mesures sautillantes, indéfiniment répétées, nous permet de reconnaître le « kolo », la danse nationale bosniaque. Jeunes filles et garçons, réunis en cercle comme pour une ronde et se tenant par les mains ou l'épaule, sautent d'abord lourdement sur place, font ensuite plusieurs pas à droite, puis à gauche, et recommencentà sautiller, pour recommencer ensuite à avancer, puis à reculer. Cette danse donne en quelque sorte l'impression d'un mouvement d' (( ondulation sur place » qui est assez original. Mais la monotonie des mouvements et leur caractère peu gracieux font que le spectateur étranger se lasse assez vite de ce divertissement populaire.
De Rogatiza, nous
repartons pour Wisegrad. Nous traversons encore, pendant quelques heures, les
espaces désolés et arides des (( planinas », puis la route s'engage dans de superbes forêts,' aux essences les plus diverses. Au milieu d'une immense clairière, voici, absolument isolé, le poste de gendarmerie de Han-Semetch. Nous nous y arrêtons pour déjeûner.
Ces postes-casernes sont presque toujours très bien installés et admirablement tenus. Les petites chambrées, où, sur les murs blanchis à la chaux, des photographies et des gravures donnent une précieuse et touchante impression d'intimité et de confort, sont d'une propreté méticuleuse, Souvent, une pièce, dénommée la fremdenzimnier », a été ménagée lors de la construction du poste pour servir éventuellement aux inspecteurs ou autres fonctionnaires, que leurs occupations pourraient amener dans ces régions éloignées, à côté de la frontière. Ce n'est assurément pas aux touristes que lc
Gouvernement austrohongrois a songé en faisant bâtir ces fremdenzimmer »; ils ne lui en savent pas moins gré de la précieuse hospitalité dont elles sont l'occasion. L'arrivée sur Wisegrad, par la route de Rogatiza, offre un des plus grandioses panoramas qui se puissent contempler. A Hoo ou i 000 mètres au-dessous du col par où nous passons, s'étend la vallée de la Drina, et la petite ville de Wisegrad, avec son
vieux pont turc du xv" siècle, apparaît, toute hlanche, au milieu des pàturages verts. Derrière les coteaux, qui enserrent le cours de la Drina, se dressent les masses imposantes des montagnes de Bosnie, de Serbie et de Turquie. Les dernières lueurs du soleil colorent étrangement les cimes des monts, qui prennent une incroyable netteté de contours. La descente, très rapide, sur la vallée ne comporte pas moins de soixante-dix lacets, que l'on aperçoit au-dessous de soi, aux tournants de la route, serpentant en longs rubans blancs, au flanc de la montagne. A partir de Wisegrad, nous devons remonter le cours de la Drina jusqu'à Fotscha. Nous ne parcourons plus les Hauts-Plateaux; nous pénétrons dans la montagne. Plus de routes carrossables, mais de mauvais sentiers. Et, par les défilés escarpés des gorges de la Drina, c'est à peine si les petits chevaux bosniaques, qui sont pourtant bien résistants et ont le pied très sar, peuvent passer Notre voiture s'en retourne donc ~'i Sarajevo; et nous partons à pied, avec un seul cheval pour nos valises. Nous voici dans une région de la Bosnie où
l' œuvre de civilisation, entreprise et
poursuivie par les Autrichiens depuis l'occupation des provinces, n'a guère pu être encore qu'esquissée; dans les vallées (poljés) de Jacée, de Sarajevo, de Mostar, l'action était plus aisée et devait donner des résultats plus immédiats. On a, d'ailleurs, beaucoup vanté, semble-t-il, les procédés employés par les Autrichiens pour organiser et mettre en valeur les pays dont l' cc administration » leur avait été confiée, et pour améliorer les conditions 'ie vie de leurs habitants. Peut-être a-t-on exagéré quand on a dit que l'enrichissement des indigènes avait suivi les modificationsapportées au régime de la propriété foncière, ou que l'organisation de l'enseignement aux divers degrés avait été couronnée de succès. Faut-il penser que les voyageurs et les savants auxquels le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a fait les honneurs de ces provinces n'ont vu que ce qu'on voulait leur montrer et comme on voulait le leur montrer?. quelque Mais, exagération que l'on ait apportée à louer œuvre des Autrichiens en Bos-
l'
nie-Herzégovine,
et
quelques illusions que des innovations ingénieuses et une très forte organisation administrative permettent de concevoir sur les conditions réelles de la vie, le plus souvent misérables il n'en des indigènes, faut pas moins reconnaître que beaucoup a été fait depuis l'occupation autrichienne, et qu'en ces vingt-six années, bien des progrès déjà ont été réalisés. La sécurité est,
aujourd'hui, parfaitement assurée, quelque peu, peut-être, aux dé-
pens de la liberté individuelle, car les indigènes ne peuvent très souvent quitter le bezirk >, où ils résident qu'avec une autorisation particulière de l'administration. Mais on conçoit que de semblables mesures puissent être justifiées dans des régions pour la tranquillité desquelles le voisinage de la Serbie et de la Turquie constitue sinon un péril incessant, du moins une source de préoccupations constantes. L'administration et la justice ont été fortement organisées; on a créé, dans les villes, de nombreux établissements d'utilité publique hôpitaux, écoles commerciales, musées, etc. On a construit dans les campagnes des routes qui rendent plus aisées la vente et l'exportation des produits locaux. Un réseau de voies ferrées enfin a été établi, qui traverse la BosnieHerzégovine de part en part, reliant Sarajevo, au nord, à la vallée de la Save, et par là à l'empire, à l'ouest à Metkovitch, et bientôt à Spalato, sur l'Adriatique. Des considérations, d'un intérêt surtout stratégique, ont fait entreprendre, en ces dernières années, la
continuation de la ligne de Brod à Sarajevo, c'est-à-dire la construction du tronçon Sarajevo-Mitrovitza. Il semble inutile d'insister sur les avantages que l'Autriche-Hongrie trouverait, dans la redoutable éventualité d'une conflagration générale de la péninsule balkanique, à pouvoir jeter en pleine Albanie, par des voies rapides, les régiments de ses garnisons du Sud. Une œuvre semblable ne peut que servir grandement la cause de l'hégémonie autrichienne dans les Balkans. Aussi les travaux sont-ils menés avec la plus grande activité; et c'est par centaines que nous avons vu, le long des vallées de la Miljacka et de la Drina, des ouvriers italiens ou indigènes travailler à œuvre d'art, dont le tracé hardi rivalisera sans doute bientôt avec quelques-unes des plus pittoresques parmi les voies ferrées des Alpes
l'
Toute la journée
escarpés et glissants qui longent la Drina.
se passe à
suivre les sentiers
La nuit est tombée après avoir passé devant les feux de plusieurs campements de bohémiens, couchés
sous des tentes, nous parvenons à Bastaci. Le maréchal des logis qui nous reçoit parle allemand, heureusement il nous raconte la vie qu'on mène au poste, la surveillance très rigoureuse, en raison de la proximité du Monténégro et de la Turquie, et les patrouilles, qui circulent trois fois par jour, tout le long de la frontière. On nous conduit dans une pièce propre et confortable. qui n'est autre qu'une chambrée, et où nous dormons, protégés dans notre sommeil par les armes, pendues à notre chevet, de deux soldats per-
missionnaires.
La pluie nous prend, le lendemain, comme nous continuons de remonter la vallée de la Drina, vers le milieu de la journée, une pluie torrentielle qui nous
transperce. Nous abandonnons le sentier et, tournant
bride, nous nous dirigeons au galop
vers une maison de paysans, pour nous
Un autre jour de marche nous conduit de Gorazda à
y mettre
à
l'abri.
Comme nous arrivons, avant que nous ayons dit ou essayé de dire un
Fotscha. Cette ville était, au temps de
la domination turque,lepointdecroi-
mot, un gamin
sement des routes
d'une dizaine d'an-
par lesquelles les caravanes, de tous
nées a pris les rênes de nos chevaux qu'il conduit à l'écurie, tandis qu'un autre nous introduit dans la pièce unique, autour d'un feu
les points de la péninsuledesBalkans, se rendaient à Ra-
guse pour y embarquer les marchandises destinées à Venise et à l'Italie. Fotscha, qui fut alors un centre éco-
de bois, dont la fumée s'échappe comme elle peut, par la porte ou par
nomiqueimportant,
maints interstices de la toiturede plan-
est bien déchue de A LA TCHARDJL\ DE SARAJEVO. ches sur des tabouson ancienne prospérité. La Tchardjia l'kotogragltie de .ll.'l?. At-ma~rtac et de ~eafrille. rets, sur la terre a perdu beaucoup nue, quatre ou cinq de son activité; mais la vieille mosquée, enfants sont assis. Ils se lèvent et mettent à nous une des plus célèbres de toute la Bosnie, demeure le témoin recevoir le plus aimable et le plus touchant empressede la splendeur passée de Fotscha. L'architecture en est ment. remarquable, et les fresques encore fort belles, quoique Tandis que nous nous remettons en route, passe certaines soient pâlies et effacées. un riche Montènégrin, précédé d'un serviteur armé étant située sur la route du sandjak Fotscha, il a véritablement fière allure avec ses longues mousde Novi-Bazar où l'on sait que l'Autriche a le droit taches tombantes, sa physionomiehautaine et farouche, d'entretenir des garnisons dans certaines villes, est son turban rouge et son manteau d'astrakan noir. Nous traversée souventpar des fonctionnaires ou des officiers, gagnons avec lui le poste de Suha, au point culminant qui vont en Turquie ou en reviennent. Mais ce n'est pas du défilé, au pied du Maglitsch, et nous y passons la nuit. Puis, en une longue et pénible étape, mais par sur la route, très bien établie, de Novi-Bazar, que nous devons nous engager; nous quittons Fotscha pour un col qui pourrait rivaliser avec les plus célèbres des Alpes, et que la neige tombée pendant la nuit rend passer en Herzégovine par le col de Suha nous partons seuls, nos bagages rejoindront plus tard. plus pittoresque encore, nous franchissons la frontière Toujours le long de la vallée de la Drina, par un herzégovinienne, et nous atteignons Gatzko. C'est de sentier qui monte et descend sans cesse, nos petits là qu'on passe dans le Monténégro. chevaux vont de leur pas court et régulier. J. ARMAGNAC. l, Cf. Atravers le nxonde, 190 l, Il, p. ~:9. Les chemins de fer dans la région de l'Adriatique.
y
centre d'un agréable parc anglais, qui ne laisse pas de faire regretter les bizarreLe Musée se dresse au
ries exquises des jardins du vrai Nippon. Ce musée,
Huit jours dans l'Ile de Yéso'. D'Oivaké à Sapporo, le trajet offre, au point de vue de la colonisation, des perspectives éloquentes des deux cotés de la voie s'étend une forêt rasée les troncs coupés à égale hauteur et s'ér.helonnant jusqu'à l'horizon font penser à un vaste champ funéraire, Cette besogne s'est accomplie depuis trois ou quatre ans. Par endroits, sur le sol défriché, des cultures étendues ont succédé aux ombrages d'autrefois. La campagne se peuple de Japonais qui appliquent ici, avec un redoublement de ferveur, les mérer~~in.
th()np" P11Y11T1PPYlïIP.C rien si loin de l'Europe, n'en impose autant le souvenir.
L'approche de Sapporo, par une après-midi de juin, est attrayante; le train glisse le long de vergers fleuris,
appartenant au
Collège
d'Agriculture. De grandes constructions ouvrières annoncent un centre d'installationsindustriellesactives. Sapporo peut être considéré comme le type de la ville japonaise moderne, avec ses larges maisons de bois rigoureusement alignées le long de rues spacieuses. Tout ce que les influences étrangères ont suggéré de modifications a été apporté sans difficulté dans cette ville, montée de toutes pièces, Les aspects qu'elle
préparentlesfutures remontes de la cavalerie japonaise,
l'arme, jusqu'ici, demeurée la plus faible. Des jeux et
retrouvent, à peu de chose près, dans toutes les villes du monde, au-dessus d'une certaine latitude, comme celles de Russie ou de Suède ou les cités naissantes de l'OuestCanadien. Des monuments publics de pierres ou de briques, se réclamant sans réserve de l'Europe, achèvent de dérouter le visiteur en lui ôtant le sentiment propre du milieu. Une ample construction avait
présente se
été élevée au coeur de la ville, en vue des séjours du mikado, mais, faute d'être ainsi utilisée, elle a été détournée de son but et est devenue le local d'une sorte de club, où prennent pension les officiers résidents à l'occasion, les étrangers y sont logés par faveur. Les repas y sont préparés à l'anglaise, et le personnel s'essaye, non sans gaucherie, aux manières européennes. Les façons extra polies des serviteurs japonais se prêtent assez mal à notre service de table et y mettent plus d'un élément comique l'un d'eux, en retirant chaque plat, ne s'avise-t-il pas, en manière de prévenance, d'exécuter le pas de retrait d'une ballerine i
Voir A Travers le Monde, n° 17, p.
ordonné avec soin et érudition, témoigne d'une véritable entente conservatrice et s'inspire intelligemment des collections historiques d'Europe. Il est, cela est naturel, plus spécialement consacré aux reliques de la race aïno l'on dénie à cette race les droits à son sol natal, mais on lui fait, en revanche, une assez belle place dans les musées; du moment que sa disparition est assurée, l'on consent à s'intéresser à ce qu'elle fut. Le Musée est fréquenté par les étudiants de la ville, qui viennent y prendre d'instructives leçons de choses. D'ailleurs, l'enseignementn'est pas négligé à Sapdoro, et un intérêt particulier est offert par le vaste établissement du Collège d'Agriculture. Trois cents élèves environ reçoivent une instruction théorique et pratique dans ce Grignon japonais. Les connaissances agronomiques diverses y sont représentées et ont leurs champs d'expériences sur les terrains de l'École, s'étendent des essais de culture céréales, arbres à fruits, plantes potagères. Les diverses machines agricoles, de modèle récent,, y sont employées. Des taureaux et étalons d'Europe ont été introduits dans le but de l'élevage, qui est une des plus fécondes ressources de Yéso, et se pratique, d'autre part, dans d'importants haras créés sous les auspices de l'État. C'est dans ces haras, que se
1
29.
exercices divers, comme le tennis, occupent les récréations des élèves du collège, et, à s'en fier à l'aspect des choses, l'on pourrait se croire dans quelque Institut d'Angleterre ou d'Allemagne. Et partout, à travers les enclos, dans les étables, les vastes dépendances, s'offrent des tableaux d'existence rurale, des impressions de ferme modèle. Et cependant, ici même, en perdant de vue les lignes dentelées, les sinuosités capricieuses de leurs paysages classiques, les Japonais ne deviennent pas entièrement infidèles à leurs goûts artistiques et à leurs distractions héréditaires. Dans le pàrc public de Sapporo, ils ont retracé des aspects qui ne dépareraient pas les sites de leurs îles d'origine. Un domaine est consacré à la culture des fleurs favorites qui les ont suivis dans leur exil des contrées chaudes; une pépinière d'arbres nains, aux formes légendaires, leur remet sous les yeux la végétation du soi natal. Une élégante maison de thé se dresse au milieu du petit lac, et par les beaux jours d'été, les promeneurs peuvent se croire revenus dans quelque restaurant de la banlieue de Tokio. Mais, à la vérité, ce ne sont là que
des fragments des traditions japonaises, et l'on sent partout qu'un violent courant d'influences étrangères prédomine sur cette terre conquise. A côté de l'ancien japon, qui s'acclimate timidement, les idées modernes s'imposent et progressent avec rapidité. Yéso, bien que si distincte par son caractère dela grande île japonaise, présente cependant plusieurs analogies géologiques, entre autres, de vastes dépôts de charbon et desformations d'ordre volcanique. La maind' œuvre pourl'exploitationdes gisements est fournie par les établissements pénitenciers, car c'est à Yéso ques'opère la déportation prévue par le Code. Quant aux phénomènes d'action souterraine,nous pûmes en juger en faisant un arrêt à la station de Noboribetsu, sur la ligne de retour à Mororan. A petite distance de la gare, dans un site tourmenté, se produisent ces éruptions de vapeur sulfurique, appelées solfatares une âcre fumée, avec des crépitements réguliers, jaillit en larges volutes du sol poreux. Derrière un monticule boisé, se trouve un vaste réservoir naturel de soufre liquide, en forme de bassin, et où traînent d'épais nuages dégagés par la nappe en ébullition, Ces phénomènes permanents ont été, comme ailleurs, pour les japonais, peuple fervent de l'hydrothérapie, l'occasion d'établir une petite station thermale. L'on peut voir, baigneurs et baigneuses, se presser dans la piscine de bois et babiller par groupes dans leur élément de prédilection, Nous nous retrouvons, à l'aube, dans juin. le port de Hakodaté. Sous l'action vivifiante du soleil, la ville s'est égayée. Dans les rues plus animées, les habitants s'offrent à la caresse de l'été. Cependant, un yent vif et une mer houleuse nous tiennent compagnie jusqu'à Aomori, le port le plus extrême de l'ile centrale. Par sa latitude et son exposition. il n'est pas exempt des rigueurs des basses températures; pendent les mois froids, la neige s'accumule à tel point dans les rues qu'un nouveau détail d'architecture intervient ici, sous forme de galeries protectrices construites le long des façades. Un régiment entier, manoeuvrant dans les montagnes environnantes, a été naguère victime d'une tourmente hivernale. Aujourd'hui, l'après-midi a été douce, et des rayons plus tièdes s'attardent sur cette petite ville orientée vers le septentrion. A l'auberge du lieu, le vrai japon reparaît pour nous sous l'aspect d'un petit jardin de style national, qui est un modèle du genre. Un domestique, en tunique bariolée, emploie ses loisirs de fin de journée à en faire la toilette. Il taille, émonde, donne des chiquenaudes pour faire tomber les insectes, et se penchant un peu en arrière, embrasse d'un oeil de connaisseur ces perspectives lilliputiennes.De grosses pierres, placées dans l'allée, prennent des proportions de monolithes l'on voit un amour de pont jeté au-dessus d'une rigole, et derrière une touffe de fleurs, un jet d'eau minuscule, qui met une rumeur légère dans le premier silence du soir. L'humble vie japonaise, étouffée dans les villes et dans les hautes sphères, refleurit entre ces murs, dans une intimité plus douce. Dans vingt-quatre heures, presque sans transition, nous serons revenus sous un autre ciel, au pays des temples et des parcs, domaines antiques et inviolables, que parfument les senteurs des
camphriers.
COMTE JEAN DE NETTANCOURT-VAUBECOURT,
La Campagne des Anglais au
Tibet.
Les Anglais viennent d'entrer à Giang-tse. C'est la plus importante étape de leur marche sur Lhassa. C'est aussi, jusqu'à présent, le succès le plus positif de cette équipée diplomatico-militaire entravée par les difficultés de la nature plus que par la résistance des
populations attaquées. Jusqu'à présent, les Tibétains se sont bornés, en effet, à établir des lignes de fortifications sur le chemin de la mission anglaise, à s'y mettre sur un pied formidable, puis, au premier signe de l'approche de l'ennemi, à décamper avec une incomparable prestesse pour recommencer un peu plus loin la même comédie, Quelques balles ont été échangées, mais sans un appréciable résultat. Les Anglais en ont profité pour faire de rapide et bonne besogne. Sans revenir sur les préliminaires de l'expédition que nous avons précédemment exposés', voyons le chemin parcouru. Au milieu de décembre, la vallée de Tschumbi est occupée, et la mission s'installe dans le principal village du pays, Rinchengong, bourg d'une cinquantaine de maisons. Avec une activité extrême, pionniers et sapeurs du génie rectifient, élargissent, améliorent le sentier reliant Sikkim à Tschumbi, à 4 ~oo mètres d'altitude, à travers le plus effroyable chaos montagneux du globe, s'acharnant, malgré un froid de 40 degrés, contre une roche si dure que leurs outils d'acier se brisent sans l'entamer, guettés par les avalanches qui en engloutirent plusieurs. Puis, commence le va-et-vient incessant des convois accumulant à Tschumbi tout ce qui est nécessaire à l'expédition, y compris le bois de chauffage et le fourrage des animaux, qui font défaut dans ce pays glacé, et des vivres spéciaux pour les troupes indiennes, que leur religion empêche de manger la viande de yak, la seule que fournisse la région. Aux difficultés de la nature vient se joindre une épidémie de peste, qui décime les animaux et fait périr, par milliers, bœufs et yaks. 5000 coolies sont réqui. sitionnés dans les États vassaux, et la ténacité anglaise triomphe de tout. Le 24 décembre, le brigadier-général Macdonald se porte, avec 800 fusils et 4 canons, sur la place forte tibétaine de Phari, qui défend l'entrée des étroits défilés de Tang, de Yak et de Julep. La garnison tibétaine se retire avant l'arrivée des Anglais, qui se concentrent à Phari, le 7 janvier 1904. Le o, les défilés sont franchis, et la mission se porte à la petite ville de Tuna. Sur ce point, bien retranchée, gardée par 4 compagnies du 23e pionniers et 20 sapeurs du génie, sous les ordres du lieutenant-colonel Hogge, avec canon et 2 mitrailleuses, s'installe la mission politique. Le reste des troupes est à une étape en arrière, Voir A 7~ravers le Moxde, 1904, page 5.
à à
l'tari,
sous les ordres du général Macdonald, prêt
intervenir. Pendant que l'amélioration des routes et les transports s'effectuentactivementen arrière, le colonel
Younghusband s'efforce de négocier avec les chefs tibétains qui se sont réunis à Gourou, en face de la mission, avec 4000 hommes armés, En vain le colonel anglais s'efforce de'convaincre les divers chefs qu'il visite; en vain il confère avec les représentants des trois grands monastères influents de Sera, Dabung, Gaden, dont l'opinion est prépondérante au sein du Bung-Du, assemblée souveraine du Tibet; en vain il fait appel à l'autorité du représentant de l'empereur de Chine, l'Amban Yu-Taï; en vain il fait intervenir le premier ministre du Rajah de Bhotan, les Tibétains ne varient pas. Ils refusent absolument de négocier tant que les Anglais n'auront pas évacué leur pays. Il n'est pas de subterfuge que le colonel Younghusband n'ait employé pendant les mois de janvier et février. Le paiement, solennel et public, à l'envoyé du Rajah de Bhotan, des 5° 000 livres sterling que paye, chaque année, l'Angleterre à ce prince, a éprouvé la cupidité tibétaine; le récit détaillé et complaisant de défaites russes et de victoires japonaises a tenté d'ébranler l'influence moscovite une pression sur la Cour chinoise a été essayée. Tout a échoué. La situation devenait sans issue les Anglais se décidèrent à sortir des huttes de terre où ils campaient depuis deux mois, pour se garantir d'un froid qui atteignit, le 19 janvier, 46 degrés, et à s'avancer vers Giang-tse. Les 4000 Tibétains, concentrés à Gourou, s'opposèrent à cette marche, et le feu commença. Un court mais sanglant combat livra passage à la a mission politique pacifique r anglaise. L'expédition enleva trois villages et occupa Gourou où elle campa ensuite. Des Tibétains ont été tués ou blessés, sans grande gloire, puisqu'ils étaient armés d'arcs et de fusils à mèche; 9 Anglais ont été blessés. Pour atténuer l'effet de leur acte de violence, les Anglais ont prodigué les soins les plus empressés aux hlessés tibétains et ont remis en liberté, dès le lendemain, les 200 prisonniers capturés au combat de Gourou. En outre, le colonel Younghusband, inquiet des décisions que pourrait prendre, dès la première nouvelle du combat, l'Amban Yu-Tai, représentant à Lhassa de l'empereur de Chine, écrivit en hâte à ce haut fonctionnaire pour lui faire le récit du combat et lui en exposer les raisons. Sur une réponse rassurante de l'Amban, l'expédition anglaise reprit sa marche en avant. Elle arriva à Gourou, le 4 avril; à Cha-Lu, le 6; à Kalatso, le 7. Les troupes tibétaines invitèrent amicalement les Anglais à s'approcher, et lorsque ceux-ci, confiants, furent arrivés à 150 mètres, les Tibétains firent feu sur eux, heureusement sans succès, La reddition de Giang-tse est le dernier épisode de cette (( Marche à Lhassa. » Nous publierons dans nos prochains numéros deux livraisons consacrées à cette ville. C'est le récit pittoresque et plein de saveur d'un triple voyage qu'y fit, de 1898 à 1901, OvchéNarzounof, pèlerin kalmouk.
Nécrologie Henri Jacottet. AMI,
si
sûr et si dévoué, que nous
venons de perdre dans sa quarantehuitième année, et qui fut si longtemps notre collaborateur éclairé, est lié à Neuchâtel, en Suisse, en ~856. Henri jacottet fit son droit à Neuchâtel, puis à Leipzig. Mais il avait l'esprit curieux, le désir de savoir, la soif de comprendre. II aimait l'histoire, la philosophie, les lettres. Paris l'attirait. Il s'y-rendit, à vingt-quatre ans, et il y passa, en fait, tout le reste de sa vie. II trouva à s'employer dans la Librairie Hachette, comme collaborateur du grand Dictionnaire géographique de Vivien de Saint-Martin, auquel il consacra plus de douze années, Par ce long travail, il apprit à connaître le monde entier. En dehors de ses lectures, il était le spectateur éveillé et intelligent de tout le mouvement des idées, Avec toutes ces qualités, il avait un défaut il était modeste et sévère à soi-même. Il avait horreur d'imposer ce qu'il appelait sa personnalité. Il repoussait la réclame. C'est dans l'intimité qu'il révélait l'infinie richesse de ses connaissances dans tous les domaines, la rectitude et l'indépendance de son jugement. Quand le dictionnaire de Vivien de Saint-Martin fut terminé, Jacottet resta à la Librairie Hachette où il s'occupa activement du Tour du Monde. Il collaborait en même temps au Signal et aux grands journaux suisses; ces dernières années, il était devenu le correspondant parisien du Journal de Genève, où l'on ap-préciait, à sa valeur, la sûreté de ses informations. Dans la dernière année de sa vie, Henri Jacottet, se révéla poète, Ses Pensées d'Automne, comme le titre l'indique, sont pleines de sentiment. Les vues philosophiques et religieuses y sont noblement exprimées. Ses vers sont le reflet de son âme pleine de droiture et de sincérité. Souffrant d'une maladie de coeur, aggravée de neurasthénie, les médecins avaient envoyé notre ami passer l'hiver à Lugano, sous un climat plus doux. C'est là qu'il est mort. Sa dépouille mortelle fut ramenée à Neuchâtel, et toute sa ville natale a suivi au cimetière, le vendredi 1 cr avril dernier, le cercueil de cet honnête homme, de cet homme de cœur. Ceux qui l'ont connu et apprécié et qui font vu à l'œuvre de près, dans sa collaboration à notre journal, garderont de lui un fidèle souvenir.
Léon Roches, interprète en chef de l'armée d'Afrique,
ancien secrétaire de l'émir Abd-el-Kader, ministre pléni844)~ potentiaire. Dix ans à travers l'islarrc ( 834 vol. Perrin, éditeur, Paris, 35, quai des Grands-Augustins. Prix 5 francs.
AMÉRIQUE
L'Émigration au Canada. En 1903, 126364 émigrants sont arrivés au Canada. Le nombre ci-dessus se répartit comme suit
Anglais Américains des Etats-Unis. Européens du continent
47 792
41473 37 099
Le Gouvernement canadien
ayant dépensé, l'année dernière, 2°75°°0 francs en faveur de l'émigration sur son ter-
ritoire, chaque émigrant lui revient à un peu moins de 16 francs, et comme la valeur d'un adulte est généralement estimée à 5°00 francs, on voit que le Dominion fait une opération fructueuse. D'après le rapport du ministre de l'intérieur, 1 979 enfants ont émigré au Canada en 1903, dont i 8o provenaient de maisons de refuge, Le nombre total des enfants ainsi envoyés au Canada, depuis trente ans, ne doit pas être moindre de 5°000. Un mouvement paraît se dessiner dans les maisons anglaises, qui s'occupent des enfants abandonnés, en faveur de l'envoi au Canada d'un plus grand nombre d'enfants que précédemment. AFRIQUE
Le Service des Automobiles à M ad agascar. Le Journal officiel de
Madagascar publie un intéressant rapport de M. le capitaine Gruss, chef du service des automobiles, sur le fonctionnement de ce service. Nous en extrayons les renseignementssuivants Le service d'automobiles, organisé entre Tananarive et la côte est pour le transport des colis postaux et des voyageurs, compte aujourd'hui, près d'un an d'existence, et n'a cessé, pendant cette période, de fonctionner dans des conditions satisfaisantes. Un relevé statistique, récemment fait, donne à ce sujet les résultats suivants Le matériel comprend huit voitures de douze et de seize chevaux; quatre ateliers d'entretien et de réparation ont été créés auxpoints terminus du parcours et aux points intermédiaires, Le courrier de France, marchant jour et nuit, fait le trajet en dix-huit heures et le courrier bi-hebdomadaire en deux jours. Chaque voiture postale est aménagée pour transporter quatre voyageurs. Depuis le leI' juin 19°3, date",de l'ouverture du service, les automobiles du service postal ont couvert 46 coo kilomètres et transporté 106 tonnes de courrier, ainsi que 185 voyageurs avec leurs bagages. La dépense totale a été de 106000 francs, et la tonne de courrier transportée est revenue à 840 francs. ASIE
Le Dessèchement de l'Asie centrale. Ainsi que nous l'apprend le Bulletin de la Société d'études colouiales, les explorations récentes et de nombreux
phénomènes naturels ont prouvé surabondammentqu'une zone, s'étendant du fond de l'Asie centrale jusqu'au sud-est et à l'est de la Russie, est en train, depuis plusieurs siècles, de
se dessécher. Au cours de sa dernière expédition, Sven Hedin a fait des constatations qui établissent que les lacs nombreux et étendus du sud du Tibet n'ont plus la superficie qu'ils possédaient autrefois. On peut s'en rendre compte par les traces qui décèlent les niveaux antérieurs de l'eau et qui se trouvent souvent à une hauteur considérable au-dessus du
niveau actuel des lacs. Il y a deux mille ans, le climat du Turkestan oriental était encore supportable. Dans le voisinage de Lopsee, qui n'est plus aujourd'hui qu'un désert, habitait une population dense et laborieuse, et le Tarim était, dans sa partie centrale,
traversé par une route très fréquentée. Ce passé ne se rappelle au souvenir que par quelques misérables restes qu'assiège le sable du désert. Le desséchement a aussi fait des progrès dans les steppes caspiens, le long du cours inférieur du Volga, et il n'est pas impossible que la dernière catastrophe, qui s'est produite dans cette région et qui est due à un retrait soudain des eaux de la mer d'Azof, ne soit qu'une étape dans le développement de ce phénomène naturel. Le prince Kropotkine, un des explorateurs de l'Asie, a fait remarquer que, de nos jours, l'évaporation dépasse de beaucoup, dans l'Asie centrale, le volume d'humidité provenant des pluies. Il en résulte que les limites du désert s'étendent d'année en année, L'agriculture n'est plus possible aujourd'hui que dans le voisinage immédiat des montagnes, sur le sommet desquelles les vapeurs se condensent et se résolvent en pluies.
disparition des forêts,'qui a exercé une si fâcheuse influence sur la Chine, n'explique pas suffisamment le desLa
séchement des lacs et des fleuves de l'Asie centrale. Le prince Kropotkine croit plutôt que ce phénomène, qui s'est manifesté sur toute la surface de l'Asie et de l'Europe, particulièrement dans les parties septentrionaleset les plus élevées de ces continents, se continue d'une manière ininterrompue depuis l'époque glaciaire, Nous vivons, d'après l'opinion de cet explorateur, dans une période géologique de desséchement, qui se trouve en opposition avec l'époque glaciaire, dont la caractéristique consistait dans l'amoncellement des glaces et dans un régime de pluie soumis à l'évaporation, dans une mesure faiblement progressive.
Le T'rafic du
Transsibérien.
Au moment où le Transsibérien prête ses rails à un trafic intense et va bientôt le voir augmenter encore par la construction des voies nouvelles, jetons un coup d'œil rétrospectif sur son trafic normal, antérieur aux derniers événements. Le Messager officiel nous en donne les chiffres de t898 à 1 9° 1.
Ont été transportés En 1898, En En
1899, 19°0,
En 19°
l,
860662 voyageurs.
,,919782 ,,966551 846641
La diminution du nombre de voyageurs vient de ce qu'en 1901 les émigrants ont été moins nombreux. Les an-
et 19° ont été des années de disette, pendant lesquelles la sécheresse a détruit les récoltes, nées 1900
Ont été transportés Iletit, En 1898, En 1899, En
En
19°°
19°1,
\larrhandises
uitesse
Grande vite.e
En poud,.
41°421
805285 1665588
37°27417 39667087 42868667
2511087
53293 134
Les principaux articles exportés ont été le beurre (qui forme à lui seul 36 pour 100 des exportations), la viande, le poisson et le gibier. Une raison de l'augmentation des marchandises de petite vitesse est aussi la disette on a dû envoyer 2 1648 207 pouds de céréales en Sibérie pour nourrir
les paysans, dont les récoltes avaient été perdues. Les provinces qui souffrirent le plus de la disette, furent celles du Tomsk et d'Akmolinsk. Les recettes du transport des voyageurs, en 19° 1 ont été de 27557°4 roubles, celles du transport des marchandises ont été de 8o 181 roubles en grande vitesse, et de 12 021 5 78 roubles en petite vitesse. On annonce que la ligne du Baïkal vient d'être achevée et va être incessamment livrée à l'exploitation.
Panama.
La Ville.
A~rès les nombreux incidents qui se sont élevés entre la Colombie et les États-Unis au sujet du canal que les Américaiszs veulent paracbever, Panama, qui dépendait du Gouvernement colombien s'est, ainsi que cbacun le sait, déclaré état libre afin de négocier à son gré avec les États-Unis. Nous avons déjà longuen2ent entretenu nos lecteurs du canal de Panama, c'est de la ville elle-même, c'est de la capitale du nouvel État que nous allons leur parler aujourd'hui.
pour le voyageur qui s'y promène, apparaît comme une ville d'un exotisme charmant, à peine corrigé çà et là d'européanisme végétation rare et PANAMA,
magnifique, fruits parfumés et savoureux, population douce et accueillante, tout y serait à ravir si le climat terrible n'était là, brûlant, torride, implacable. Toutefois, encore qu'il soit énervant et déconcertant,-avec
sont soulevés et mêlés à l'air que l'on respire ce sont autant de risques de fièvre que l'on avale. Or ces périodes de pluies se prolongent parfois plusieurs jours consécutifs! Pluie particulière à ce climat, torrentielle, diluvienne, traversée de grandes rafales, effrayante en un mot. Il n'est pas bon non plus de sortir le soir, et cela est vraiment terrible à Panama. Songez qu'après
ses pluies torrentielles et son soleil de plomb, rien
une journée de
cha-
leur écrasante, comparable à nos pires, ou à nos
au premier abord
plus belles, journées d'août; aprèstant d'heures
ne pourrait faire soupçonner parmi
cette grande lumière éclatante, sous ces beaux arbres odorants, le malquiy sommeille la fièvre. C'est la plaie de ce nou-
d'un soleil tel qu'il est à peu près impossible de quitter sa demeure, il faut
rester enfermé en-
vel État, c'est ce
core au moment de l'exquise fraîcheur
qui rend son séjour
par
nocturne,
affreux et redoutable, c'est la terreur des arrivants, c'est le grand mal enfin,qui, décuplé,
crainte du sereno, c'es t- à dire' des coups de lune, car on les redoute à
fit périr tant de
nousredoutons,en
Panama comme
France, les coups ceux qui travaillèÉGLISE DE LA MISÉRICORDE. rent au canal. de soleil. Mille soins, Photographie communiquée par ~1211a Hynda Coats. Il est décevant aussi de ne ce qui consont à prendre pour éviter le cerne les arrivants pas goûter aux fruits tentants qui abondent dans cette terrible fléau, et on ne manque pas de les indiquer aux contrée. Mais ces bananes, d'un rouge éclatant qui se étrangers. Ceux-ci, il faut bien l'avouer, obéissent rachange çà et là en violet, d'un si beau doré qu'on croirement à ces injonctions. Sans doute parce que les rait qu'un rayon de soleil est resté là, ces oranges de précautions qu'on leur recommande sont assez assudimensions inconnues en France, ces chirimoyas, ces jettissantes. Il est extrêmement malsain, par exemple, goyaves, ces grenades, ces mongos, ces noix de cocos, de sortir durant les périodes de pluies, car tous les ces paltas, ces ananas sont, pour l'étranger, des récepmiasmes qui se trouvent perpétuellement sur le sol tacles de fièvre durant les premiers temps de son sé-
en
A
TRAVERS LE MONDE.
19" LIV.
No 19.
7 Mai 1904.
jour. Toutefois, il semblerait trop facile de se passer de fruits et de promenades, le soir, pour éviter un mal aussi impitoyable. Si ces indications ne sont pas toujours suivies à la lettre, c'est à cause de leur simplicité même. Sceptique, on hausse les épaules. Eh quoi? Ne pas aller respirer la fraîcheur délicieuse Ne pas goûter à ces fruits d'aspect si inoffensif! S'abs-
leurs les plus riches qui soient, des fleurs merveilleuses qui ne s'épanouissent que dans ce petit coin-là de la terre. Non loin de la cathédrale s'élève l'église de la Miséricorde où se complaît la piété des habitants citons aussi l'église Sai~xte-Anaxe, qui est également entourée d'un parc dont les endroits les plus admirés de notre Bois ne nous
donneraientqu'une
pâle idée, en tant que végétation voilà pour le côté religieux, un côté
tenir d'une gorgée d'eau ensuite! Fadaises Histoiresde
croquemitainepour petits enfants De là tant de morts
important
ville d'ailleurs, car les habitants de Panama sont très croyants et la religion occupe une grande place dans leur vie et leurs sen-
causées par la fièvre. Du reste, les indigènes en souf
frent beaucoup
la
fièvre les décime aussi à cause de leur
timents.
négligence absolue des lois les plus élémentaires de l'hy-
L'aspect des
giène et de leur faible constitution.
est impossible de garder les les fiémorts, vreux surtout, Il
PARC DE
accomplissent la
triste besogne de l'enterrement. Les parents et les amis du mort tiennent à honneur de lui rendre ce dernier ser-
vice. Pour qui avu Pa-
nama, cette fièvre, effroi perpétuel des étrangers, est non seulement malheureuse, mais
SAINTE-ANNE.
Photograpltie cornmuniqtcéepar Mta Hy,tda Coats.
plus de quelques heures chez soi. Lorsqu'un décès a journée, l'enterrement s'accomeu lieu au cours de la plit dès le soir ou dans la nuit. Et c'est un spectacle étrange et doublement funèbre que celui de ces ombres qui se meuvent dans l'ombre. Ce ne sont pas, comme dans notre pays, des
croque-morts qui
de la
rues les plus importantes (celles qui entourentla cathédrale ainsi que la place centrale, et où l'on trouve les ma-
gasinsde commerce
les plus réputés, les bureaux des compagnies de naviga-
tion,etc.) nous rappellerait volontiers celui des rues de notre banlieue avec leurs maisons-villas de forme variée. En effet, ces constructions ont beaucoup de caractères français. D'autres rues, d'allure moins soignée ne font, par cela même que gagner en pittoresque. Les maisons les plus luxueuses sont habitées par les notables de la ville des né-
gociants pour la plupart. Le commerce d'importation est très considérable, en effet. Il se fait peu de chose dans le pays, l'indigène étant très paresseux. On fait venir de l'étranger tout ce qui est nécessaire pour s'habiller, pour meubler sa demeure et
déplorable a u s s i Car elle empêche de goùter ce joli coin même pour se de l'Amérique. Mais RUE DE REVELLIN. nourrir. Sans les oublions le mal reconserves, en effet, Photographie cornrnuniqa~ée par Mlu Hynda Coats. doutable et errons l'étrangerauraitfort à travers la ville à se plaindre. Les indigènes se contentent d'une aliau centre, une très belle cathédrale simple et impomentation déplorable le poisson salé, les fruits. Les sante domine un parc merveilleux aux grandes allées plats nationaux, faits de viande bouillie, y jouent le correctes. C'est le parc Monceau de là-bas, moins joli, plus grand rôle. mais combien plus beau Les commerçants les plus riches sont les détenIl constitue un but de promenade on y admire, teurs des perles, car c'est là une des richesses de Paà ,1'ombre des grands palmiers, des bananiers et des nama. jetez un coup d'œil sur la carte, voyez cet armangliers, des fleurs aux parfums capiteux et aux cou-
chipel proche des côtes de Panama. On l'appelle du joli nom d'arcbipel des perles, l'île la plus importante se nomme l'île de San Miguel (de Saint Michel). Les perles de Panama sont très belles, elles sont de forme étrange, tourmentée, de couleurs différentes, variées à l'infini. Elles ont une grande réputation sur les marchés européens. La pêche des perles occupe un grand nombre d'habitants de Panama. Elle se fait au moyen de scaphandres. C'est un dur métier que de descendre à 10 ou 20 ITÍ~tres sous la mer, et les scaphandriers doivent être tous d'une vigueur exceptionnelle pour y résister. L'exportationdes perles représente annuellement une somme qui se chiffre par centaines de mille francs. Les perles de Panama n'ont de rivales, en Amérique, que celles du Venezuela qui sont également très appréciées. En s'éloignant du centre de la ville, on ne trouve plus que des faubourgs innomables, d'une
malpropreté re-
poussante. Ce sont
Cette exclamation s'explique par la fortune croissante des derniers et par l'intolérable tourment que causent les premiers. Mais des deux, c'est le premier de ces maux qui est le pire, à n'en pas douter. Malheur à celui qui ne recouvre pas son lit d'une moustiquaire-avant de s'endormir En effet, il connaîtra les heures les plus insupportables qui puissent assombrir sa vie Piqué de tous côtés, les membres enflés et cuisants, assourdi par le petit sifflement incessamment ironique de ces détestables et invisibles bestioles, il ne connaîtra plus ni sommeil ni repos. Et bienheureux encore s'il s'en tire à si bon compte, et si, quelques jours plus tard, il n'est pas atteint de fièvre Car chaque piqûre est, presque à coup sûr, une inoculation du poison Pour assainir Panama, il faudrait y renouveler œuvre réalisée à Cuba par les Yankees dessécher les marais, brûler les quartiers malpropres, tout refaire, tout recommencer. De tous les moustiques, c'est le sangudo blanc rayé
l'
de véritables foyers d'infection aussi la fièvre y sévit-elle
argent qui est plus redouté.
quotidiennement.
souffrent, beaucoup
Ces misérables rues
moins que les
Les
sont peuplées, aux trois quarts, d'Indiens et de Chinois. Ces derniers représentent
tannée par le soleil et résistante presque autant que celle qui (durcie et trans-
une
partie de la population de
Panama. Certains
formée en corne) recouvre la plante de leurs pieds.
d'entre eux sont parvenus, grâce à
La colonie étrangère est nom-
leur esprit de com-
erce et
à
leur
étonnante économie, à la fortune et
sont
de gros négo-
ciants. Ceux, plus modestes, qui s'ef-
Indiens
blancs, des mousti ques, à cause de leur peau épaisse,
assez grosse
m
le
PLACE'DE SAINT-FRANÇOIS.
leur vie, sont blanchisseurs, épiciers, marchands de soieries, etc. Ils vendent des toiles et des étoffes de soie d'un bon marché extrême. Nulle part, ces marchandises ne sont si peu coûteuses qu'à Panama, à cause qu'il n'y est point perçu de droits. Le Chinois
demeure là avec ses moeurs, sa coiffure, ses vêtements, comme s'il se trouvait dans le Céleste-Empire. Ils se marient entre eux, et forment une colonie à part. Industrieux, économe, silencieux, travailleur, le Chinois serait parfait si son vice natal ne l'accompagnait comme l'accompagnent ses qualités l'abus de l'opium qui l'abrutit, en fait un inconscient, un malade. D'un autre côté, son amour du gain le pousse à la rapacité, et il devient trop souvent un usurier farouche, inexorable. Il a beau jeu à se livrer à ses spéculations parmi cette population d'Indiens paresseux qui préfèrent se nourrir de bananes et s'étendre au soleil plutôt que de travailler! Et c'est sans peine qu'il parvient peu à peu à accaparer la richesse du pays comme on le lui reproche à juste titre. Les moustiq~ues et les Chinois, les Plaies de Panama
mands s'y cou-
doient, et cela s'explique par la situation même de la ville, lieu de concentration pour les grands paquebots de l'Amérique du Nord et du Sud, ainsi que pour ceux de l'Océanie. Si vous aimez les souvenirs du passé, on vous conduira dans le quartier de Saint-Philippe contempler les ruines de Saint-Domingue, vieux quartier qui s'effondre, mais où persiste, intact, et pour l'orgueil des habitants de Panama, l'arc droit, dit arc droit de SaintDomingue. Telle est, dans ses traits principaux, cette ville lointaine, baignée par les mers, qui aura demain une énorme importance par son canal terminé, après avoir joué un si grand rôle géographique. Alors, sans doute, l'activité américaine fera surgir à la place de ces rues alanguies dans le blond soleil, de ces jardins enchanteurs, de ces maisons gracieuses, de ces places paisibles, toute une cité bruyante à l'image des villes du nord de l'Amérique. Nous avons voulu parler, avant qu'elle disparaisse à jamais, de l'actuelle physionomie de Panama.
Photographie communiquée par Mlle Hynda Coats.
forcent de gagner
breuse à Panama Italiens, Français, Anglais et Alle-
HYNDA COATS.
Actuellement on a repris le mode de transport par traîneau. On l'emploiera jusqu'au 28 avril, date à laquelle les deux bateaux brise-glaces du Baïkal reprendront leur service et ouvriront leur passage aux
Ce que coûtera le Chemin de fer de la pointe du Saikal. le Transsibéde fer vaut une armée. Urienchemin avait été une ligne double voie aussi bien Si
à
outillée que les grandes artères stratégiques des réseaux de France et d'Allemagne, la mobilisation de l'armée russe aurait été beaucoup plus rapide. Peut-être même la guerre n'eût-elle jamais été déclarée, car les Japonais ne se seraient pas lancés à l'aveugle dans une aventure où ils auraient été à peu près sûrs d'être écrasés du premier coup. Malheureusement pour le repos de l'univers, le grand état-major de Tokio a compté à bon droit sur la longueur et les difficultés du trajet que les soldats russes auraient à parcourir pour arriver sur le théâtre des hostilités. Non seulement le Transsibérien, appliqué au transport des troupes, ne donne dans les conditions les plus favorables qu'un rendement médiocre; mais encore il présente à la pointe sud du Baïkal une solution de continuité qui entraîne des transbordements sans fin, des pertes de temps énormes et fait subir aux soldats des souffrances intolérables lorsque des tempêtes de neige tourbillonnent au-dessus des glaces du lac et que le thermomètre est à 40 degrés au-dessous de
zéro.
Du 29 janvier au 25 février de cette année,
soixante mille hommes ont traversé en traîneau le lac Baïkal, et ce mode de transport a exigé l'emploi permanent de trois cents troïkas et de trois mille chevaux. Pour ce trajet de 44 kilomètres sur la glace, le Gouvernement russe a payé 5 fr.32 pour un officier et ses bagages, et 2 francs pour un soldat. Si l'on ajoute les frais de transport des munitions et des ,vivres calculés moyennant 12 kopeks par poids de r6 kg. 380 gr., c'est-à-dire d'environ 2 centimes par kilogramme, on se fait une idée du supplément de dépenses que devait imposer au Trésor public de Russie la malencontreuse lacune que les ingénieurs du Transsibérien ont été obligés de laisser temporairement dans leur œuvre, à cause des difficultés de construction qu'ils rencontrent dans la pointe méridionale du Baïkal. Pour abréger les lenteurs du transport en traîneau, le prince Khilkoff, ministre des voies de communication,quis'était rendu en Sibérie dès que la guerre avait été déclarée, a fait établir sous sa direction personnelle et immédiate un chemin de fer sur la glace, qui a fonctionné depuis le 5 mars et qui a permis de faire circuler 120 wagons par jour traînés d'ailleurs par des chevaux, car les locomotives eussent été trop lourdes pour l'épaisseur de la glace. L'exploitation de cette voie improvisée nedevait avoir qu'un temps. A l'approche du printemps, elle devait forcément cesser. Aussi le prince Khilkoff, avant de repartir pour Saint-Pétersbourg. a-t-il recommandé d'ordonner l'enlèvement des rails de cette voie provisoire, qui aura néanmoins rendu de précieux services.
ferry-boates. Nous devons rendre cette justice aux Russes qu'à partir du moment où la guerre a été déclarée, ils ont travaillé avec une activité fiévreuse à l'achève-
ment du tronçon de voie ferrée, qui doit contourner
la pointe méridionale du Baïkal. Elle sera achevée au
mois d'août. Cette entreprise est des plus coûteuses, Le prix de revient de la verste de 1 077 mètres avait été de Ioj 364 francs pour l'Ouest Sibérien, de 205 272 francs pour la section du Transbaïkal et de 172 747 francs pour la section de l'Oussouri. Le petit tronçon de 244 verstes qui est en voie de construction autour de la pointe du lac et n'est à peu près achevé que sur un parcours de 154 verstes, entre Mysovaïa et Koultoun, va coûter une somme totale de 142644481 francs, ce qui représente 584606 francs par verste. Ce chiffre paraît énorme quand on le compare aux frais de construction des trois grandes sections du Transsibérien, mais il ne dépasse pas sensiblement la moyenne des prix de revient du kilomètre de chemin de fer dans la plupart des pays de l'Occident. II est vrai qu'en Sibérie la main-d'œuvre est à bon marché, et les terrains ne coûtent rien. Les sacrifices que le Trésor public de la Russie devra s'imposer pour la construction du tronçon encore inachevé proviendront des dix-neuf tunnels, des cent quatre-vingt-neuf ponts et des dix viaducs qui sont nécessaires pour traverser les rivières de la Koultoutschnaïa, de la Sneshnaïa, de la Prépomaïa et d'un certain nombre d'autres cours d'eau de moindre importance, sans compter les torrents et les précipices. Le chemin de fer qui traversait en droite ligne la pointe du Baïkal, en passant sur la glace, n'avait que 44 kilomètres au lieu de 248 et coûtait moins cher, mais il était moins durable et surtout exposé à plus d'accidents. G. LABADIE-LAGRAVE.
Le Conflit anglo-tibétain.
Prochaines négociations.
Le Ministère anglais des Indes a reçu, par l'in-
termédiaire du vice-roi, un télégramme du colonel Younghusband, envoyé de Gyang-tse à la date du 22 avril, et annonçant que le représentant chinois à Lhassa l'informe qu'il viendra à Gyang-tse avant trois semaines, en compagnie d'un représentant tibétain, pour régler les questions en litige. Le courrier qui a apporté au colonel Younghusband la lettre du représentant chinois dit qu'aucune agitation ne se manifeste parmi les Tibétains de Lhassa, qui savent fort bien que les Anglais ne leur feront aucun mal. 1I ajoute qu'il a aperçu sept cents hommes de troupes tibétaines à environ ioo kilomètres de Gyang-tse et un autre camp près de Lhassa. ~k. /1'
Les Modifications territoriales de l'Afrique occidentale française consenties par l'Accord franco-anglais du 9 Avril 1904. conclu par lord Lansdowne et M. Cambon, entre l'Angleterre et la France, comporte des clauses politiques, économiques et territoriales. Ces dernières, qui semblent avantageuses pour nous, et s'appliquent surtout à l'Afrique occidentale française, lui donnent plus d'unité, rectifient ses limites, augmentent même son étendue. ACCORD
Les concessions que nous obtenons dans ces
contrées sont, d'ail leurs, la contre-partie de celles que nous consentons
à
Terre-Neuve. Elles portent sur trois points
1
Délimitation entre le Niger et le Tchad
sieurs petites ont été occupées, en 1826, par l'amirauté anglaise, qui n'a pas cessé, depuis lors, de leur attribuer une grande importance. Elles possèdent, en effet; une rade excellente deux rades même, l'une entre les îles, l'autre, moins profonde et un peu moins sûre, entre l'île la plus occidentale, Factory, et la terre. Celle-ci servait aussi aux commerçants, sujets anglais de Sierra-Leone, à entreposer les marchandises qu'ils vendaientaux caravanes venant du Fouta-Djallon et du Haut-Niger, ainsi qu'aux indigènes des rivières de la côte, Rio-Nunez, etc. Depuis la création et le développement du port français de Konakry, le commerce des îles de Los est devenu absolument nul. Mais cet archipel resté anglais, et dont certains points sont situés à moins de 5 kilomètres de Konakry, était une juste cause d'inquiétude pour cette ville. Quelques coups de canon tirés du Pic Nord ou de la pointe Campbell de l'île Factory auraient suffi à détruire non seulement Konakry, mais aussi la voie ferrée du Niger, dont elle est le point de départ. En résumé, les îles de Los ne pouvaient
servir à l'Angleterre que contre nous, et
elles ne nous servi-
ront qu'en tant
qu'elles n'appar-
tiendront plus à un puissance étran-
11 ° Iles de Los
gère,
3° Gambie.
La convention nous les cède en
frontière du Tchad au Niger toute propriété. Dans la délia été déterminée mitation faite en une première fois 1898, on a attribué par la déclaration du 5 août i8c~o; c'éaux Anglais io kitait alors une simple lomètres autour de ligne droite de Say la Gambie navigaà Barroua. La Con- LES MODIFICATIONS TERRITORIALES L'AFRIQUE ble. Entre nos posDE CONSENTIES PAR L'ACCORD FRANCO-ANGLAIS. vention du 14 juin sessions de la Hau1898 fixa un autre tracé, toujours géométrique, mais te-Gambie et le point de la rivière où cesse la navigad'une géométrie très fantaisiste d'abord un arc de tion, une bande anglaise de ro kilomètres s'interposait cercle de cent milles autour de Sokoto puis une ligne donc. Nous avons demandé l'accès à la rivière dans sa brisée dessinée par cinq degrés de latitude et de longipartie navigable. tude différents. Il suffit de regarder la carte pour se La convention porte que l'Angleterre nous cède, convaincre que ce découpage artificiel ne tient aucun dans l'est de la colonie, la ville et le territoire de Yarcompte du groupement naturel des populations; de boutenda, situés sur la Gambie navigable. Les navires plus, il nous rejette trois fois dans le désert. Il nous français de haute mer pourront donc aborder en terest, par suite, impossible d'organiser rationnellement ritoire français. Cette facilité sera d'un gros intérêt des populations aussi arbitrairement partagées. En économique. second lieu, pour aller du Niger au Tchad, nos convois Si les autres clauses de l'accord franco-anglais sont forcés de passer par trois fois dans le désert, et ce peuvent être discutées, il n'en est pas de même de pendant une huitaine de jours. Cette situation rendait celles-ci. Nous gagnons tout aux modifications de terextrêmement difficile le ravitaillement de Zinder et ritoires intervenues dans l'Afrique occidentale française. nous empêchait d'établir, entre le Soudan et le Tchad, Du reste, il est permis de supposer que les criune route réellement praticable. C'est cette route que nous obtenons. Elle tratiques qui seront faites à l'accord du 9 avril, ne seront verse un pays fertile et habité. Et les populations se pas nombreuses. On finira par se rendre compte que, trouvent du même coup normalementdistribuées. du moment où la France ne faisait pas valoir certains Elle nous cède, en effet, la frontière naturelle du droits, le mieux était pour elle de transiger sur tels territoire de Zinder. ou tels points litigieux qui nuisaient à ses bons rapLes îles de Los il y en a deux grandes et pluports avec l'Angleterre. La
Le Congrès de Géographie- de Tunis et les Progrès de la Ré-
gence. LE Congrès des Sociétés de géographie françaises
a
tenu sa 25' session à Tunis, sous la présidence d'honneur de M. Étienne et la présidence effective de M. Stéphen Pichon. Un des traits marquants du Congrès a été la collaboration qu'y ont apportée quelques indigènes musulmans. M.. Béchir Sfar a fait un exposé remarquable de l'étude de la géographie chez les
Arabes. Il a enseigné que sous le règne d'AI-Mamoun, fils d'Haroun-al-Rachid, les frères Ben-Moussa, mathématiciens arabes, mesurèrent à deux reprises la longueur du degré du méridien terrestre. « Cette opération, ajoutait M. Bechir Sfar, a eu lieu vers l'an 831, c'est-à-dire dix siècles avant que l'Europe n'ait songé à faire une opération identique sur le méridien Dunkerque-Barcelone. » Parlant de la Kbaldounia, société d'enseignement fondée en 1898, pour initier aux connaissances usuelles les étudiants de l'Université musulmane de la Grande Mosquée, il a fait la déclaration suivante, bonne à enregistrer « Cet enseignement, qui comprend les mathématiques, la géographie et l'histoire, détruit bien des préjugés, fait connaître et, par conséquent, aimer et respecter la France qui, aujourd'hui grande puissance musulmane, réserve à ses sujets et protégés mahométans, non la servitude, mais la liberté, le progrès et la civilisation. » Cette collaboration des classes indigènes éclairées à l'œuvre d'éducation peut être féconde pour le développement de notre influence morale en pays musulman. Il importe seulement de l'encourager et de l'activer car en face des huit cents élèves qui apprennent le droit coranique et la grammaire à la Grande Mosquée sur des livres qu'ont étudiés les Musulmans de l'lfrikia et du Maghreb, il y a plus de cinq cents ans, on ne compte guère plus de cinquante étudiants qui suivent les cours pratiques de la Khaldounia. M. le Dr Brunswick Le Bihan, médecin en chef de l'hôpital Padiki, a fait une importante communication sur l'organisation d'hôpitaux indigènes et l'utilité des auxiliaires médicaux indigènes. Le Dr Brunswick préconise l'établissement d'hôpitaux économiques très facile dans la Régence, où il n'est guère d'indigène malade qui n'ait, pour l'assister, un parent lui apportant la nourriture et lui servant d'infirmier. Ces hôpitaux dispenseraient les médecins de courir le bled où ils ne peuvent donner des soins qu'imparfaitement,où les traitements qu'ils ordonnent, mal suivis, ne réussissent souvent pas et ne servent, dès lors, qu'à déconsidérer la vertu de la médecine européenne aux yeux des indigènes, plus confiants dans des applications de versets du Coran ou d'onguents bizarres que leur font les empiriques arabes. Les autres questions traitées au Congrès ont donné lieu à des discussions intéressantes. La plupart se rattachent au régimeéconomique et commercial de la Tunisie.
L'impression qu'on emporte en parcourant les centres agricoles de la Régence, où s'étendent, suivant les régions, des vignobles avec maisons d'habitation et corps de fermes aux toits en tuiles rouges, des champs de blé, d'orge ou d'avoine qui, cette année, grâce aux pluies abondantes, sont particulièrement
verts et garnis, des olivettes avec cultures intercalaires de fèves, est celle d'un pays en plein développement agricole. A l'heure qu'il est, comme le déclarait M. le résident général Pichon, des budgets qui se soldent constamment par des excédents de recettes en
progression continue, une tranquillité que ne menace aucun trouble, une colonie qui augmente sans cesse et qui, sans prétendre à l'opulence, vit dans l'aisance et l'honnêteté, un commerce annuel qui a passé, entre 1881 et 1904, de moins de 34 à plus de 155 millions avec une part de près de ioo millions pour la France et l'Algérie, voilà quelques-uns des résultats du pro-
tectorat tunisien.
Inquiétudes persistantes sur le sort de l'Expédition du baron Toll.
°
Nous avons plusieurs fois entretenu nos lecteurs des
craintes ressenties au sujet de l'expédition du baron ToI! Ces craintes sont de plus en plus vives. L'expédition, nous le rappelons, devait explorer dans les régions polaires la péninsule de Taïmir et les îles de laNouvelle-Sibérie. Elle quitta Saint-Pétersbourg, le 8 juin 1900, sur le yacht Zaria. Pendant deux hivernages dans les îles, le baron Toll et ses compagnons firent des recherches qui furent très fertiles en résultats scientifiques. Le baron et l'astronome Seeberg, ainsi que deux hommes de la mission, se séparèrent de l'expédition, le 3o juin 1902, pour aller étudier la terre de Bennett, découverte en. 1881 par Delong, commandant de lajeannette. Le lieutenant Matissen devait attendre jusqu'à une date fixée le retour de la Zaria. Si le baron Toll n'était pas revenu à cette époque, le lieutenant devait supposer que son chefavait l'intention de revenir à pied aux îles de la Nouvelle-Sibérie, lorsque la glace serait il assez solide pour qu'un tel voyage fût possible, et devait, autant qu'il le pourrait, rendre plus facile ce dangereux voyage, entretenir des traîneaux de chiens et s'occuper de provisions. Deux années se sont écoulées, et l'on n'a pas de nouvelles du baron Toll, ni du yacht qu'il commandait. On a envoyé à sa recherche, en février 1903, l'ingénieur Brouznev, parti d'Iakoutsk et un peu plus tard le lieutenant de vaisseau Koltchak, ancien officier du yacht Zaria. Le i janvier, M. Koltchak, rentrant à Iakoutsk l'Académie des Sciences avec M. Brvuznev, a envoyé à de Saint-Pétersbourgle télégramme suivant 1.
Voir A travers
Monde, 190.3, page
93
u L'expédition qui m'avait été confiée, est arrivée le 23 mai, à l'île Kotelny près du poste de Mi¡{haïlovo. Je traversai le 18 juillet le détroit de Blagovetchenskich en chaloupe, et je débarquai le 4 août sur la côte méri-
dionale de Bennett, où je trouvai des documents laissés par le baron Toll. Il ressort de ces documents que le baron avait passé, du 21 juillet au 26 octobre igo2,dans cette île et qu'il s'est dirigé ensuite vers le Sud. Nos explorations ne nous ont fait découvrir aucune autre
parc enserré de murs, la maison habitée par le roi et sa famille. Cette maison, haute, carrée, construite à l'européenne, était complètement inaccessible aux
étrangers.
Tel est le palais qui vient de s'abîmer dans les flammes. Quant à l'ancienne résidence, elle était déjà dans un triste état quand l'empereur l'abandonna. Elle est devenue absolument inhabitable.
trace. »
L'inquiétude commence à gagner ceux qui étaient les plus confiants et ceux-là mêmes se demandent quel a été le sort du hardi voyageur et de ses com-
pagnons.
Une Carte économique en nature. A fExposition de Saint-Louis figure une grande carte
L'Incendie du Palais de Séoul. EMPEREURde Corée se trouve momentanément sans palais. Il avait abandonné le Vieux-Palais après les tragiques événements de 1896; celui qu'il habitait récemment, vient d'être détruit par un incendie, qu'on attribue naturellement à la malveillance. Commencé en 1862, le Palais-Neuf n'avait été terminé qu'une dizaine d'années plus tard. Le père et premier ministre de l'empereur Li-Hsi, qui exerçait sur l'esprit de son fils une influence considérable, avait présidé lui-même aux travaux de construction, lesquels furent très coûteux et gênèrent, pour de nombreuses années, les finances coréennes. L'ensemble du palais constituait un immense quadrilatère que délimitaient quatre murs en belle pierre de taille, percés de meurtrières, et où s'ouvraient, de loin en lQin, des portes monumentales, surmontées d'un double étage de toitures noires. L'entrée principale s'élevait à l'extrémité d'une large avenue, sur les côtés de laquelle se trouvent encore, dans un curieux voisinage, les bâtiments relativement somptueux des yamens »ou ministres d'État, et de misérables masures de terre gâchée. Le palais de Séoul présentait un assemblage bizarre de bâtiments, avec une multitude de cours intérieures. Les parties voisines du mur d'enceinte étaient consacrées au casernementdes gardes du palais, aux buanderies, aux magasins. La partie centrale avait été réservée aux bâtiments officiels salle des audiences, salle du Conseil. C'est là que le roi réunissait ses hauts fonctionnaires, écoutait leurs rapports ou recevait les ministres des puissances. Tous ces bâtiments s'élevaient au milieu de cours dallées de marbre et témoignaient d'un certain luxe dans la décora-
tion. Sur un autre point du Palais-Neuf, au milieu d'une vaste pièce d'eau, le salon d'été attirait les regards avec ses six rangées de troncs de pyramides, monolithes en granit noir. Enfin, toujours à l'intérieur du palais, qui constituait une petite ville, une avenue s'étendait, bordée de platanes. Sur un côté, à gauche, se trouvait le sérail; à droite, au milieu d'un grand
des Etats-Unis, construite à même le sol sur une pente de Tesson Hill. Elle couvre une superficie de 85 mètres carrés environ, mesurant environ 130 mètres de l'est à l'ouest, et 65 du nord au sud. Cette étendue de terrain fut fertilisée, le sol labouré, hersé et travaillé pour prévenir la croissance des mauvaises herbes.
Une pelouse de 5 mètres de large établit les limites et les côtes de cette gigantesque carte. Les lignes de démarcation entre les États sont figurées par un sentier de gravier de om80. La limite extérieure,
entourant lesquatorze États et territoires, est marquée par une allée de sable blanc. Les États eux-mêmes sont plantés des principaux produits de leur agriculture. Une sorte de labyrinthe permet aux visiteurs de tourner dans les plantationspour se rendre compte des plantes cultivées dans chaque partie des États-Unis, et de la manière dont elles poussent. Les céréales se voient en quantité dans le Nord-Ouest, tandis qu'en Floride poussent les ananas, les oranges et d'autres fruits semi-tropicaux; le tabac est une des productions principales du Kentucky la canne à sucre et le coton poussent dans les plantations représentant les autres
États méridionaux, etc. Non seulement les produits de chaque État sont représentés sur cette carte par des récoltes en état de
croissance, mais encore la partie de l'État la plus favorable à la culture est indiquée. L'idée de cette carte est, au moins, originale.
Paul Labbé.
Un Bagne russe. vol. avec illustrations et carte. Librairie Hachette et Cie. Prix 4 francs. LES journaux japonais s'occupent beaucoup de l'île de Sakhaline. C'est sur ses côtes que le Japon trouve les saumons qui, sous diverses formes, constituent la base de son
alimentation; et cette question prend une importance capi-
tale à l'heure où l'armée nippone voit ses exigences redoubler puisque l'île est une possession russe. Cette curieuse contrée a été étudiée par M. Paul Labbédans un livre qui contient maints renseignements pittoresques et précis sur la vie des habitants et sur la question des pêcheries. La valeur intrinsèque de l'ouvrage vient rehausser l'intérêt de son actualité.
KOLNISCHE ZEITUNG Cologne.
Le
«
Grand-Hôtel » de Port-Arthur.
s'appelle PORT-ARTHUR
en mandchou Luschounkou, c'est-àdire la Porte des Etrangers. Nom aimable et promesse d'hospitalité, si nous ne faisons erreur. Mais comme la réalité répond mal à cette pompeuse enseigne! Voici, d'après le voyageur allemand qui nous fournit les détails suivants, comment le voyageur était reçu, quelques mois avant la guerre russo-japonaise, dans une ville dont l'état civil actuel est encore mal débrouillé, qui ne sait plus si elle est encore chinoise, ou déjà russe, ou à la veille de devenir japonaise. Port-Arthur, à part des chambres meublées à louer, ne possédait, l'année dernière, qu'un seul hôtel, le Grand-Hôtel Oriental. Il se trouve sur une hauteur; on y accède, du port, par la rue principale de la ville, la rue Ubornaja, qui n'est, en temps de pluie, qu'une immense fondrière, et où, en temps de sécheresse, voitures et piétons enfoncent dans une épaisse couche de poussière. Enfin, nous voici devant le Grand-Hôtel c'est une petite maison d'aspect chétif et peu rassurant, quelque chose comme l'auberge des Adrets et autres lieux suspects des histoires de brigands. A la porte, vous êtes reçu par un concierge chinois, crasseux, noir comme un charbonnier, et dont la queue mal tressée pend sur des habits en haillons. Il vous interpelle avec cette insupportable familiarité qui marque ici les relations entre Jaunes et Européens, et vous conduit auprès de l'hôtelier, un Juif français qui, par ses habits râpés et sa tenue négligée, ne le cède en rien, comme air canaille, à son portier lui-même. Ce personnage vous montre une rangée de trous noirs, qui auraient l'aspect de cellules de moines, si ce n'étaient, avant tout, d'infects taudis, et qu'il décore du nom de chambres. Le prix de la « chambre » trois roubles par jour, Mais attendez, de la chambre seulement. Le chauffage et l'éclairage se paient à part; mieux que cela vous n'avez pas le droit d'user de votre lit; sinon, c'est un rapide crescendo de dépenses, et les trois roubles sont vite doublés, triplés. Il est vrai qu'il suffit du premier regard jeté sur ce lit pour vous faire hésiter à vous y étendre, et vous préféreriez passer la nuit sur une chaise, s'il y avait une chaise. C'est un petit lit de camp, dont l'armature de fer est toute disloquée et gémit d'une manière inquiétante sous la personne du voyageur le moins corpulent. En guise de draps, deux couvertures de cheval où des trous et des plaques de crasse rompent l'uniformité de la couleur rouge sang-de-boeuf. Dans un coin, le pot à eau, dont le contenu est, vu la saison, un bloc de glace recouvert d'une épaisse couche de poussière. Un petit poêle boiteux allonge vers la fenêtre son tuyau coudé pour le faire communiquer avec le dehors, on a remplacé la vitre par une page du journal de Port-Arthur, le Novii Kraij (Nouveau pays frontière) qui, roussi et brî~lé sur tout le pourtour du tuyau qui le traverse, laisse entrer le souffle glacial de l'hiver
mandchou.
Les « nobles étrangers
qui prenaient pension dans ce
d'Extrême-Orient, le jour où le voyageur allemand y descendit, étaient un officier de marine russe, commandant d'un torpilleur en escale à Port-Arthur, et des rastaquouères, aux yeux de filous, les doigts chargés de diamants faux; des boutons en diamants de même nature ornaient leur chemise crasseuse. La domesticité chinoise de l'hôtel les traitait d'ailleurs tous, en mauvais russe, de « vaché ssijetjelstwo », ce qui veut dire « grands-ducs». Palace
D'ailleurs en 19°.3, tout était à l'avenant, à rort-Arthur,
à en croire du moins notre Allemand, que nous soupçon-
nons de noircir un peu les choses. En guise de magasins, des trous infects, où les marchandises étaient confusément entassées. Pas un édifice, pas une installation sérieuse pour les vaisseaux, à part une cale sèche qui datait des Chinois. Amiral, gouverneur, directeur du port et matelots, grands négociants et modestes employés de commerce en étaient réduits à se loger dans de mauvaises huttes chinoises à un étage, mal éclairées et mal aérées. Tout cela dit notre voyageur, parce que les Russes ne savaient encore ce qu'ils feraient de Port-Arthur, s'ils l'éva-
cueraient pour le rendre à la Chine ou pour faire de Dalny leur port principal sur la côte mandchoue, Dalny, que l'Allemand, si sévère pour Port-Arthur, appelle une « ville merveilleuse, » la vivante antithèse de sa voisine et rivale
déchue.
SOUTH AMERICAN JOURNAL Londres.
Le nouveau Rio de Janeiro. Le temps n'est
plus où les voyageurs, à l'envi, après avoir poussé des cris d'admiration à la vue du merveilleux port de Rio de Janeiro, décrivaient la capitale du Brésil comme une vieille ville portugaise somnolant dans un cadre paradisiaque de verdure et de montagnes bleues; où le naturaliste Agassiz, entre autres, conduisait son lecteur « dans des rues étroites, invariablement creusées, au milieu, d'une rigole, où s'accumulaient les ordures de toute espèce ». Pour tout mouvement, dans la ville endormie, il n'y avait alors que le vaet-vient de quelques portefaix nègres à moitié nus, sous les lourds fardeaux qui semblaient rivés à leur crâne, et le trottinement de mules qui secouaient leurs grappes de grelots
sonores.
Cette ville indolente a vécu, à en croire les plus récents voyageurs. Un port, le plus beau du monde, si bien fermé, si vaste et si profond que tous les navires de toutes les nations pourraient y jeter l'ancre, à l'abri des vagues de l'Atlantique, une contrée environnante riche en ressources naturelles de toute espèce, bois, cafés, métaux, etc., un empire presque aussi grand que l'Europe tout entière, et dont Rio de Janeiro est la capitale et la grande porte, tout devait concourir à faire de cette ville un des principaux ports de l'Amérique et un foyer toujours plus actif d'activité commerciale. La dernière révolution, qui a converti le Brésil en République, n'a fait que surexciter la fièvre de progrès qui s'est emparée de la ci-devant colonie portugaise. Pernambouc est en recul; Bahia reste stationnaire; Rio de Janeiro, c'est le progrès! dit en propres termes M. John Samson, dont nous citons les impressions de voyage. En d'autres termes, la République brésilienne, plus encore que l'empire de Don Pedro, tend à une centralisation, peut-être fâcheuse, en somme, mais dont la capitale est en train de bénéficier. Aujourd'hui, à part quelques vieux quartiers, Rio de Janeiro ressemble à une ville anglo-saxonne de l'Amérique du Nord; de larges avenues,sillonnées de tramways électriques, une foule affairée, les blancs ayant secoué leur indolence portugaise, et les sang-mêlé leur paresse créole, ont fait de la belle endormie des bords de l'Atlantique une fourmilière où se concentre près de 5o pour 100 du mouvement commercial de tout le Brésil. Dès son arrivée au port, le voyageur est assailli par les bateliers, les camelots, les garçons d'hôtel, qui lui offrent péniche, fiacre, omnibus, marchandises. Les docks s'étendent sur une surface de trois quarts de mille. Mais, sous ses apparences yankees, la grande ville brésilienne a su garder quelques-unes de ses qualités charmantes on ne voit pas éclater ici la haine de races qui divise certains états de la Grande Républiquenord-américaineen deux camps retranchés les noirs voisinent avec les blancs dans les tramways, au café, au restaurant, chose qui serait inouïe à Charleston ou à la Nouvelle-Orléans. Il est vrai que la population noire, au Brésil, est moralement bien supérieure à celle des Etats-Unis, moins ignorante, moins corrompue, de manières plus polies et avenantes. Une autre qualité du Brésilien, c'est sa sobriété. Les cafés, à Rio de Janeiro, y méritent leur nom, car il est très rare qu'on y prenne des liqueurs ou même du vin. Enfin, dans un pays où la chaleur est tropicale, il est de rencontrer des vêtements blancs et le classique casque rare de liège des pays chauds; et encore, est-on sûr que ce sont des étrangers qui les portent. Le Brésilien, qui se respecte, est invariablement tiré à quatre épingles haut-de-forme à huit reflets, redingote et gilet blanc du meilleur faiseur. Ajoutons, parmi les transformations du moderne Rio de Janeiro, que le ci-devant palais de l'empereur Don Pedro est devenu un grand hôtel avec restaurant!
Le Lac de Grand-Lïeu. Connaisse.vous le lac de Grand-Lieu? Amuse.voaas à poser la question dans tous les milieux, dans celui notamment1 où l'on ~ense que voyager est le meilleur moyen de s'instruire, et dans tous les milieux, presque invariablement, vous n'aure,~ qui cherche à rappeler ses souvenirs et qui ne trouve rien. Quelques~ comme réponse que le petit hochement de tête de l'homme territoirefrançais un lac de ce nom. Mais ils uns, très rares, savaient cependant qu'il existe sur quelque vague partie du ignoraient la vaste étendue de ce lac et le ~ittoresque de sa situation. un des plus grands lacs de France, un lac dont la superficie n'est pas éloignée de 4 000 hectares (3 782 exactement), un lac dont les rives atteignent un développement de 3o kilomètres, et dont les dimensions extrêmes sont de 8800 mètres du nord au sud et de 6700 mètres de l'est à l'ouest. Cette petite pièce d'eau est située au sud-ouest de Nantes, à 13 kilomètres, par 4°2' longitude ouest et 47°6' latitude nord. G
RAND-LIEU est
A
offre aux chasseurs, en automne et pendant l'hiver, une véritable terre promise. Enfin, les savants et les érudits trouveront dans le voisinage immédiat, à SaintPhilbert, le seul monument de l'époque carolingienne bien daté qui soit connu en France. Le lac de Grand-Lieuparaît d'une formation rela-
tivement récente.
Les Commentaires
de César n'en font nulle mention, il ne figure pas sur la
carte de Ptolémée, enfin on n'en trouve nulle trace dans les écrits de saint Félix, évêque de Nantes, et de Grégoire de Tours. A la fin du vie ou au commencement du
part les
Nantais et les habi-
tantsdescommunes riveraines, exception faite également
pour
quelques
chasseurs venus de VIle siècle (c'est à loin, personne ne peu près à cette visite Grand-Lieu, époque qu'on s'acpersonne ne le concorde à faire remonnait. Pourquoi? ter sa formation), Sans doute, un affaissement du au point de vue du sol a dû se produipittoresque, il ne re, disent les uns, peut être mis en LA CHASSE SUR LE LAC. et dans la cuvette parallèle avec nos ainsi formée se sont Photographie de M. L. de Fouchier. beaux lacs de Saaccumulées les voie mais si ses rives, sans reliefs accusés, n'ont pas le caractère imeaux de la région. Suivant les autres, un ras de marée considérable se serait produit, et la formation du lac posant et grandiose des Alpes, le lac trouve dans les aurait été favorisée par la dépression du terrain. Cette beaux arbres qui le couvrent un cadre frais et verdernière hypothèse trouve des arguments dans la prédoyant. Les promenades le matin aux sons clairs des cloches qui se marient aux chants des pêcheurs, et les sence, parmi les sables et vases du lac, d'innombrables coquilles et débris de la faune marine et surtout dans soirs d'été, quand le soleil couchant dore les coteaux la situation géographique du pays. de Saint-Lumine, ont sur le lac un charme très pénéGrand-Lieu est à moins de io lieues de l'Océan, trant. D'autre part, ce lac extraordinairementgiboyeux A TRAVERS LE MONDE.
20.
LIV.
N° 20.
14 Mai 1904.
et la bande de terrain qui l'en sépare présente comme
plus s'adresser à un Dieu irrité, pria le diable de le tirer d'affaire, et tout aussitôt un pont se trouva sous ses pas et lui permit de gagner la terre ferme. Voilà bien l'origine étymologique du bourg de Pont-Saint-Martin, voisin du lac, évidemment! Bien que cette légende ressemble terriblement à celle du lac Asphaltite,
une large vallée, comme un affaissement continu du sol reliant le lac à la mer. Voici maintenant la légende, d'après un curieux opuscule publié au commencement du siècle dernier. Lors de l'invasion des Gaules par Jules César, Nantes fut entièrement Herbauge à Sodome et dévasté. Un certain la femme de Romain à nombre d'habitants de la femme de Loth, elle cette ville s'enfuirent est très accréditée dans dans la forêt de Vertrala région, et tous les pêve, y choisirent un encheurs de Passay vous droit marécageux, abatla réciteront à quelques tirent des arbres et convariantes près. struisirent Herbauge. La Passay est un vilville prospéra bientôt, lage de quelques cenmais ses habitants actaines d'habitants, situé quirent une réputation sur la rive orientale du de vices et de démoralac, à l'embouchure du lisation tels, qu'aucun Lognon. Tous pêcheurs, des apôtres du catholiles « Passay », comme cisme ne croyait pouon les appelle dans la voir tenter leur converrégion, pêcheurs de père sion. Saint Martin, alors en fils et de temps imévêque de Nantes, résoGRAND-L(EU. LAC DE LE VILLAGE DE PASSAY VU DU mémorial, car le lac est lut d'entreprendre cette extrêmement poissonPhotographie de 1~ L. de Fouchier. tâche difficile. Il se renneux. L'anguille et le dit à Herbauge vers 554; brochet y foisonnent et atteignent fréquemment de mais, après plusieurs mois d'une prédication stérile, il superbes dimensions; la carpe, la brème et la perche y n'avait réussi à convertir que deux habitants, Romain sont communes. Il faut voir, le jeudi soir, le coup de et sa femme. Saint Martin comprenant l'inanité de ses la grande senne pour se faire une idée de l'industrie efforts, se plaignit à Dieu de la dureté du coeur des des « Passay ». Chaque patron a apporté sa senne; ils Herbadillains, et Dieu, disent les chroniques, punit se réunissent à six et même huit; les sennes sont mises Herbauge de la manière suivante. La nuit de Noël de bout à bout et forment l'an 555, saint Martin ainsi un immense filet fut réveillé par un ange atteignant plusieurs cenqui l'avertit de quitter taines de mètres. Le coup la ville sans retard avec dure quelquefois pluRomain et son épouse. sieurs heures; mais, Défense était faite aux quand le poisson donne, trois émigrantsde regarles résultats sont merder derrière eux. A peine veilleux. avaient-ils quitté l'enLee trois- mailles ceinte de la ville, qu'un est plutôt réservé à la bruit épouvantablese fit brème et à la carpe. entendre et qu'une pluie Cette pêche est très pétorrentielle se répandit nible et demande une sur le pays d'Herbauge. véritable expérience. J'ai Au bruit, la femme de vu un seul coup de troisRomain et un enfant qui mailles durer toute une l'accompagnait s'étant journée, de l'aube au retournésfurentchangés crépuscule. Quand la pierre. de statues en PLACE OU A LIEU LA CRIÉE, LA NUIT. PASSAY présence d'une bande de On montre encore carpes ou de brèmes a Photographie de Bl. L. de Fouchier. aujourd'hui, dans une été signalée dans une de prairie voisine de PontSaint-Martin et riveraine du Lognon, deux pierres qui ces grandes touffes de joncs (les bouées de rouches, comme ils disent), qui sont nombreuses sur le lac et ne seraient autres que ces statues. La forme humaine notamment l'embouchure du Lognon, on décrit n'en est pas très apparente et la ressemblance manque autour de la touffe habitée un grand cercle avec le de précision; mais il y a si longtemps qu'elles sont là! filet, et l'on (iommence à pomper, c'est-à-dire à agiter Quoi qu'il en soit, Martin et Romain continuèrent l'eau avec un instrument spécial, afin de pousser le leur route vers Nantes; mais, l'inondation les devanpoisson dans les rouches. L'étreinte du filet se resçant, ils eurent bientôt de l'eau jusqu'aux genoux. serre alors. Quand elle atteint les rouches, on comAlors, dit naïvement la légende, saint Martin, n'osant
mence à couper avec une faucille à long manche les rouches au ras du pied. Il est de notoriété, en effet,
que tant qu'il reste un pied de rouche, aucune carpe, aucune brème ne donne dans le filet. Les malheureux poissons connaissent si bien le danger qui les menace, qu'ils se mettent tous le nez dans la vase autour des derniers herbages et ne se décident à circuler que lorsqu'il n'en reste plus. Cependant le cercle du trois-mailles est devenu de plus en plus étroit; lorsqu'il n'a plus qu'un diamètre de quelques mètres, les coups de pompe achèvent d'affoler le poisson qui fuit de tous côtés et va se prendre dans les mailles traîtresses, non sans donner dans le filet de formidables chocs qui sont la joie du pêcheur. Si la pêche est curieuse, curieuse aussi est la criée du poisson. L'opération se fait la nuit, à une heure du matin. Le sonneur passe à minuit et demi dans les trois rues de Passay, agitant sa cloche, et les pêcheurs engourdis par leur rude labeur de la journée quittent le lit pour se rendre sur la place, où l'opération est vivement menée à la lueur des falots. A deux heures, le poisson déjà emballé prend la route de Nantes, et souvent la route d'Angle-
terre. Donc,
pêcheurs
endurcis, allez à GrandLieu et vous y passerez de bien bonnes journées. Et vous qui êtes passionnés pour la chasse d'eau, lisez les renseignements
qui suivent; j'ai pratiqué souvent cette chasse sur le lac et. je vous jure qu'elle est des plus intéressantes. Le lac est, en effet, peut-être plus giboyeux
l'effrayer et de le rabattre vers le chasseur; la yole, un vrai petit bateau pour poupées, long de rm60 et large de vingt pouces, servira de retraite au chasseur, et pourra, grâce à ses dimensions exiguës, glisser au milieu des joncs touffus; les canes en bois, convenablement placées, seront des appeaux muets, mais très efficaces.
J'ai pratiqué souvent cette chasse, et la dernière fois au mois d'octobre passé; elle est si attrayante que j'ai fait quelquefoisplus de deux cents lieues pour jouir de cette distraction pleine d'émotions et d'imprévu. Partis de Passay à sept heures du matin, avec tout l'attirail ordinaire et un lot de cinquante magnifiques oiseaux aux ailes fraîchement peintes et d'une ressemblance parfaite avec leurs congénères vivants, nous étions, mon compagnon de chasse et moi, à huit heures sur le terrain (un terrain liquide, évidemment). Nous avions fait lever pendant toute la traversée des bandes innombrables d'oiseaux, relativement peu sauvages, parce qu'ils n'avaient pas encore été trop chassés; les cachettes qu'on nous avait préparées dans les bouées de rouches, et qui sont faites de branches d'osier entrelacées, étaient toutes vertes et se confondaient avec les joncs; le temps était propice, un peu froid et sec; bref, c'était une bonne chasse en perspective. A huit heures et demie, nous sommes installés à 500 mètres l'un de l'autre, nos canes en bois également réparties et posées dans un désordre savant à
20 mètres des caches;
nous nous étendons dans nos yoles, la chasse va L'ANTIQUE ÉGL15E SA1NT-PH1LBERT. encore qu'il n'est poiscommencer. Au bout de En toute saisonneux. vingt minutes, nous enPhotographie de M. L. de Fouchier. tendons sur le lac sonore son, s'y trouvent par bandes innombrables les joselles, un gros oiseau noir les oôo. oh de nos hommes qui ont tourné les bandes de gibier, et, en l'effrayant, cherchent à le chasser de au bec blanc et pointu, dont la chair, sans être délicate, est très comestible; mais c'est surtout en notre côté. Bientôt, les premières volées apparaissent à automne et en hiver que les oiseaux d'eau les plus l'horizon, et tout de suite l'anxiété délicieuse du chasvariés fréquentent le lac par millions. Qui n'a pas vu seur à l'affût me saisit le fusil bien à portée, l'œil voler à Grand-Lieu une bande de canards, de morébraqué sur la bande entre deux branches de la cachette, tons, de sarcelles ou de joselles, ne peut se faire une j'attends quelques minutes et puis. pan pan Un peu idée de l'extraordinaire abondance de ces oiseaux. La de fumée plane au-dessusde la cachette de mon compagrèbe au duvet fin et chaud, le héron au long cou, l'oie gnon, un gros oiseau tournoie, puis tombe lourdement. Le reste de la bande viendra-t-il de mon côté? Oh la sauvage, même le cygne y font de fréquentes apparitions et ménagent au chasseur la surprise de magniminute d'attente anxieuse Le gibier approche ce sont fiques coups de fusil. de superbes morétons. Hélas! à 150 mètres, la bande C'est de Passay qu'il faut partir pour cette chasse oblique brusquement. Tout n'est pas perdu quatre vraiment passionnante, car c'est à Passay que l'on oiseaux ont aperçu mes canes et se dirigent de leur côtrouvera le personnel et le matériel nécessaires à ces té mais, prudents, à 8o mètres ils se posent, regardent, expéditions. Un homme, deux bateaux dont une yole, puis nagent lentement de mon côté, cependant qu'immobile, tapi au fond de mon esquif, je ne perds pas un une vingtaine au moins de canes en bois sont nécessaires pour chaque chasseur. L'homme, après vous seul de leurs mouvements. Ils hésitent, ne comprenant avoir placé aux endroits fréquentés qu'il connaît bien, rien à l'immobilité de mes canes, regardent encore, il car est à toute heure du jour sur le lac, aura pour se concertent évidemment, puis, prenant leur parti, mission de poursuivre le gibier sur son bateau plat, de s'avancentdélibérément. Quand ils sont à 3o mètres, je
Deux oiseaux se me lève brusquement. Pan pan débattent, les deux autres fuient à tire-d'aile et dispa-
raissent à l'horizon.
Voilà cette chasse. Vingt fois par jour se renouvellent les mêmes émotions, sur lesquelles on ne se blase jamais. A la fin de la journée, nous avions plus de 5o pièces, et tiré 120 coups de fusil Peu de chasses
fournissent une pareille moyenne La chasse au coeur de l'hiver est plus fructueuse encore, mais singulièrement plus pénible le froid est souvent terrible, et l'immobilité absolue est de rigueur. Avec de bons sabots, une chaude peau de bique et une fiole de vieux rhum, on en vient à bout. Quand la température est très rigoureuse, l'abondance du gibier est telle que les « Passay )} ne se donnent même pas la peine de prendre de fusil. Poussant leur yole devant eux sur la glace (car le lac se prend encore assez fréquemment), ils gagnent les dégels où se tient le gibier, les pattes gelées. Les malheureuses bêtes sont alors assommées à coups de bâton. Cette tuerie n'a rien à voir avec la chasse; il faut la pardonner à des gens assez pauvres, qui trouvent dans la vente facile du gibier ainsi capturé une ressource inespérée qui leur permet de passer l'hiver. Tel est Grand-Lieu. J'en ai fini avec le lac, sinon avec le pays riverain. Il me reste, en effet, à dire quelques mots de la curieuse église de Saint-Philbert, gros bourg situé sur la rivière la Boulogne, à 3 kilomètres environ de la pointe sud du lac. Il est parlé pour la première fois de SaintLocus Deas >> Philbert de Grand-Lieu sous le nom dans un diplôme impérial de 8y par lequel Louis le Débonnaire concède au moine Arnould « Locus Deas » pour s'y établir lui et sa communauté. L'abbaye de ces religieux, située à Noirmoutiers et qui renfermait le corps de saint Philbert, était alors menacée par les Normands. L'exode vers « Locus Deas » eut lieu sept ans après la concession. Un moine, Ermentaire, a écrit la narration du voyage du corps de saint Philbert de Noirmoutiers à Deas. Les moines partirent, le 7 juin 836, et arrivèrent quatre jours après à Deas, où depuis seize ans Arnould construisait son église. Le corps du saint y fut placé dans un sarcophage gris bleu, semblable au marbre des Pyrénées. Sur ces entrefaites (843), Nantes était pris par les Normands, et l'évêque Gohard massacré dans la cathédrale. Le 29 mars 847, ces barbares arrivèrent à mais les Deas, saccageant tout sur leur passage moines avaient fui après avoir enfoui profondément le corps de leur saint. En 858, ils revinrent et transportèrent à Cunault le corps de saint Philbert. Il y séjournajusqu'en 87 5, époque à laquelle il fut transféré à Tournus, où il est définitivement demeuré. L'église de Saint-Philbert, qui sert actuellement de halle, est classée parmi les monuments historiques. Elle a été l'objet, depuis quelques années, de nombreuses et intelligentes restaurations, et mérite assurément une visite, pleine d'intérêt même pour les profanes dont je suis. Ainsi que je le disais au début, c'est le seul monument de l'époque carolingienne, ayant une date et des origines précises, qui soit connu en
de
France. L.
DE FOUCHlER.
L' I nsu rrection des «Silencieux».
Une Société secrète de noirs dans la Nigéria.
UNE insurrection qui semble dépasser en importance les troubles qui se sont produits dans la Nigéria au cours de l'année dernière, a éclaté, il y a quelques semaines, dans la partie méridionale de cette colonie; les troubles actuels paraissent être le résultat d'un concert préparé depuis assez longue date. Provoqués par la propagande d'une société secrète, dont les membres qui s'appellent les Silencieux communiquent seulement par signes, ils ont pris, dès le début, le caractère bien déterminé d'un mouvement contre les Européens et contre les idées européennes. C'est dans les réunions d'Assaba, sur le cours inférieur du Niger, que ce mouvement a pris naissance. Les rebelles n'ont pas attaqué le poste d'Assaba lui-même, mais ils ont saccagé et brûlé plusieurs stations de missions et des églises chrétiennes de missionnaires européens, tant protestants que catholiques. Toutes les stations que la
possédait dans les villes d'Atuma, de Akoukou, Ouitsha-Olona, Ezi, OuitshaOukou et d'Idoumouje-Ougboko ont été détruites, ainsi qu'un certain nombre de « prétoires servant aux tribunaux locaux indigènes, et pendant plusieurs semaines, toutes les transactions ont été interrompues, les insurgés ayant barré tous les chemins, occupé les principaux marchés de la région. Les missionnaires ont réussi à s'échapper, du moins on a pour l'instant tout lieu de le supposer; mais un certain nombre de chrétiens indigènes, surpris par les insurgés, ont été massacrés. Les troubles, on le voit, ont un caractère très grave. Ce n'est pas la première fois qu'une insurrection éclate dans cette région, à l'instigation des Silencieux. En 1898, la Compagnie du Niger y avait rencontré de grandes difficultés, et depuis que la Couronne a pris en mains l'administration du pays, à deux ou trois reprises, il a fallu envoyer des troupes rétablir l'ordre compromis par les manœuvres de ces turbulentes sociétés secrètes. Pendant que le haut commissaire par intérim s'occupait de la répression des troubles d'Assaba, des difficultés nouvelles se produisaient dans la partie du protectorat qui touche au Cameroun allemand les tribus de cette colonie, qui étaient en insurrection depuis quelque temps, ont franchi les frontières des possessions anglaises et allemandes et ont attaqué, le le poste de douane britannique de Obokoum. 10mars, L'administration allemande ayant pris des mesures énergiques pour réprimer ce mouvement sur son propre territoire, il est probable que les quelques centaines d'indigènes qui ont pénétré dans la Nigeria méridionale n'auront pas les moyens de pousser bien loin Chaarcb Missionary Society
leurs incursions.
L'ensemble des bâtiments fournit 250000 tonneaux. TYPES DES
BATIMENTS DE GUERRE
Types
Cuirassés d'escadre.
La Marine japonaise et ses Ports de guerre. Marine de guerre. Marine marchande. Les succès répétés du japon sont dus à l'excellence de l'organisation militaire et navale de ce pays jeune et ambitieux. On ne saurait trop insister sur les qualités de la marine japonaise. Il y a là un enseignement dont bien des nations plus~uissantes et ~lus n~ées peuvent profiter.
Les insulaires japonais naissent marins (l'industrie de la pêche emploie 3400000 personnes). Ils sont plus à l'aise sur leurs « sampans sur la terre ferme. Qu'on ajoute à ces
que
})
Avisos
2
6
20 à 27 .30 à 311
60
7
7
6 23
Enfin, en janvier 1904, le japon achetait à la République argentine 2 croiseurs de 8000 tonneaux ( i o5 m. de long, 19 de large) pour la somme de 3 7 500 000 fr. A cette flotte de première ligne, il faut ajouter une
flotte de réserve de seconde ligne et qui comprend 2 anciens cuirassés; 2 canonnières garde-côtes; 12 13
blindage.
petits croiseurs canonnières sans
La flotte japonaiseest, au point de vue du maté-
forces navales réunies des
grandes puissances dans les mers de Chine et le Pacifique, ce qui correspond à la formule navale de l'Angleterre vis-à-vis de l'Europe. Ce but est près d'êtreatteint. Il y a un peu plus de quarante ans, le premier navire
japonais, construit en EuroCARTE INDIQUANT LES PORTS pe, arrivait dans l'empire, commandé et manceuvré par des Européens. En 188 l, les navires construits en Angleterre étaient amenés au Japon mais commandés et manoeuvrés cette fois par des japonais. Soutenu par son pays, qui comprenait enfin les obligations que lui imposait sa situation géographique; guidé par des conseillers étrangers, dont il s'était assuré les services, notamment par la mission française, à la tête de laquelle se trouvait M. Bertin, le Gouvernementdu mikado commença, dès 1883, à défendre ses côtes, à organiser ses arsenaux. Il activa les commandes faites à l'étranger ou dans ses propres arsenaux, et en 189 5, la flotte nipponne battait la flotte chinoise. Et neuf ans après, le japon faisait un effort stupéfiant qui le mettait en bonne place auprès des redoutables flottes de l'Europe. Aujourd'hui les forces na-
vales sont ainsi réparties
FORCES NAVALES DU JAPON
Petits Gros bâtiments
4
20 à 21 16 à 22 17 à 22
20 à 22
Torpilleurs Destroyers
Depuis 1876, l'objectif du japon est d'avoir une marine aussi forte que les
réserve. navires.
Nombre
18 18
o00
12500 9800 4000 à 5 000 2'CI. 2500 à 4 000
puissante.
marins
Ig
Croiseurs cuirassés protégés
dispositions innées l'inépuisable richesse des forêts et des filons de houille (9 millions de tonnes produites annuellement), et l'on comprendra que le japon soit arrivé à se faire une marine
Officiers et Marins de
Vitesse
Tonnage
28310 4000 160
40
DE GUERRE DU JAPON.
riel, une flotte très homogène le personnel répond à sa flotte comme nombre et peut-être comme valeur. Le personnel des officiers comprend des officiers de marine entrant par concours à l'École navale d'Etajima, où ils passent trois ans; des officiers mécaniciens qui restent trois ans à l'École de Yokosouka; des médecins et commissaires admis après concours à l'École de médecine navale à Tokio ou à l'École d'administration de Yokosouka; des ingénieurs.
Les sous-officiers et ~~aatelots proviennent du recrutement obligatoire ou volontaire; les engagés volontaires (2/3 de l'effectif) font huit ans de service actif; les hommes du recrutement obligatoire, quatre seulement. La hiérarchie du personnel subalterne est calquée sur celle de la marine anglaise. LES PORTS DE GUERRE
Le japon est divisé en cinq circonscriptions mari-
times Koure,Yokosouka, Sasebo,Maîzourou,Ominato. Koure possède un arsenal de 4 000 ouvriers, trois cales
de construction, une cale sèche pouvant recevoir des bâtiments de 15 000 tonnes, trois bassins de radoub,
des ateliers, des docks, une section d'ateliers d'artillerie et de construction de torpilleurs. Yokosouka emploie 3500 ouvriers; les cales de construction sont au nombre de cinq; les bassins de radoub sont au nombre de trois. Les docks, les ateliers et les bassins ont été créés en 1867 par l'ingénieur français Verny. Trois séries de forts protègent ce centre.
Sasebo date de i 89 i La guerre sino-japonaise lui valut tout le butin de guerre, machines, outillages, enlevés dans les arsenaux chinois. L'arsenal occupe radoub et 3 500 ouvriers, il possède deux bassins de trois cales de construction. Il y est déposé un stock énorme d'approvisionnementset des munitions, on y construit des torpilleurs; il s'y est installé de magnifiques usines d'électricité. Maizourou, depuis 1901, quatrième chef-lieu maritime, est un point d'appui sérieux des armées d'opérations en Corée ou en Chine. Les travaux encore insuffisants y sont poussés avec activité. Ominato, placé sur une grande rade, possède des ateliers en construction. FLOTTE AUXILIAIRE. LA MARINE MARCHANDE
jusqu'en 1877, la marine marchande japonaise comprenait presque exclusivement des bâtiments de cabotage. Elle ne se développa réellement qu'à partir de 1884, lorsque des navires japonais entreprirent des
coréens. voyages réguliers vers les ports chinois et A cette époque, le Gouvernement prit des mesures pour favoriser l'extension de la marine. En 1896, le Parlementvota deux lois qui eurent navigation pour résultat l'établissement de lignes de régulières vers l'Europe, l'Amérique et l'Australie. PROGRÈS DE LA MARINE MARCHANLE
Bâtiments
Années 1877 1887 1898
19°0
igoi
Tonneaux
258
63000
1 274
3044
833 vapeurs
1)3.3)0 648.300 517400
3235 voiliers
300 800
1321 vapeurs
543258
)
320572
850 voiliers
C'est la marine marchande qui a vaincu la Chine en 1894, en transportant rapidement 150000 hommes permeten Corée, dans le Chan-tounget le Liao-toung, tant ainsi aux maréchaux Yamagata, Nodzon et Cyama
de faire la conquête de Port-Arthur, de Weï-haï-weï, de Niou-tchouang, etc. La grande Compagnie du Ni~pon Yusen Kzvaïscba (Ci. des vaisseaux-postes du japon) toucha à elle seule 3 16 millions sur les 950 millions d'indemnité payés par la Chine. Aujourd'hui, la puissante Compagnie sillonne le monde; des lignes desservent Marseille, Anvers et Londres et luttent avec le Lloyd allemand, les Messageries maritimes de France et la Péninsulaire anglaise. La diète japonaise lui accorde
d'importantes subventions. Dans la lutte actuelle, la marine japonaise se montre remarquable. Ses chefs apportent dans leurs conceptions stratégiques une méthode parfaite; ses navires puissants sont supérieurement commandés; d'expérience; ses équipages sont pleins d'entrain et enfin et surtout les ressources de ses arsenaux qui peuvent approvisionner, ravitailler et réparer les navires avariés dans les combats, lui donnent sur ses adversaires, si pauvres en bases d'opérations navales, résulte de la voune supériorité manifeste. Tout cela lonté qu'a eue le japon d'être fort sur mer et de fa~plication patiente et tenace qu'il a mise à atteindre ce
but. Et voici que s'imposent, après le tableau d'un effort qui n'a pas d'analogue dans l'histoire du monde, les fameuses paroles de M. de Bulow cc Les nations, qui ne grandiront pas sur mer, au xxe siècle, seront reléguées, comme des figurants, à l'arrière-plan de la scène du monde. »
La Question de Terre-Neuve et l'Accord anglo-français du 9 avril. UNE série d'articles parus dans A Travers le Mondel a exposé la situation, aussi gênante que compliquée, où se débattaient les pêcheurs bretons dans les eaux de et mal déTerre-Neuve. Cette situation, définie, finie, par les traités d'Utrecht et de Versailles, peut se résumer ainsi Les pêcheurs français étaient admis à pêcher dans les eaux territoriales de l'île sur la côte occidentale, du cap Ray au cap Saint-Jean. Ils étaient, d'autre part, autorisés à se servir de cette côte pour le séchage de la morue. Ce double privilège était exclusif et fermait aux Terre-Neuviens l'accès de la pêche sur cette côte et l'utilisation même de la côte. Par contre, et pour répondre à un état de choses qui leur était devenu insupportable, les Terre-Neuviens avaient, par le Bait Bill en 1886, interdit la vente aux pêcheurs étrangers de l'appât ou boëtte 2 nécessaire à la pêche. Enfin une nouvelle difficulté avait compliqué encore la situation, quand les homarderies françaises avaient été installées au French-Shore, l'Angleterre contestant au homard la qualité de poisson. Un modus vivendi, renouvelé chaque année, avait, depuis 1890, maintenu, à titre provisoire et révocable, l'état de choses existant au ler juillet 1889. L'arrangement franco-anglais du 9 avril substitue à cette situation précaire la solution suivante 1° Nous abandonnons nos droits sur la côte du French-Shore, c'est-à-dire le droit de préparation et de séchage à terre du poisson; 2° Nous gardons le droit de pêche dans les eaux territoriales du French-Shore, c'est-à-dire sur un littoral de 18000 kilomètres de long. Nous gagnons a) Le droit pour nos pêcheurs de s'approvisionner de boëtte sur ce littoral; en d'autres termes nous obtenons que le Bait-Bill cesse d'être appliqué au 3°
French-Shore;
droit de pêcher dans ces eaux, non seulement la morue, mais le homard, qui est élevé par là à la dignité de poisson; b) Le
Voir ~A Tra~~ers le Monde. La question du FrenchShore, ~903. Pages 2°9, 217, 225. rappeler à nos lec2. Peut·être n'est-il pas inutile de teurs que la boëtte, ce sont les petits poissons et les mollusques avec lesquels on amorce les lignes à prendre les donc tout morues. Le sort de la pêche ~e Terre-Neuve roule entier sur la boëtte. 1.
c) Le droit, pour les armateurs et les marins qui pourraient être lésés par le nouvel état de choses, à
une indemnité éventuelle qui sera déterminée par une commission d'officiers de marine français et anglais, avec possibilité de recours à un surarbitre désigné par le tribunal de la Haye. Deux paragraphes de cette convention peuvent prêter matière à discussion. Notre abandon du droit de préparation et de séchage à terre du poisson est pour nous un incontestable dommage. On répondra que ce privilège, acceptable jadis par les 4000 habitants de Terre-Neuve, ne pouvait plus l'être par les 200000 habitants d'aujourd'hui. Il est plus intéressant de savoir si la suppression du Bait-Bill, c'est-à-dire la possibilité d'acheter de la boëtte au French-Shore, est pour nous une compensation suffisante. Si, comme il y a lieu de le prévoir à brève échéance, l'appât que nos pêcheurs trouvent encore aujourd'hui sur les bancs, en pleine mer, vient à faire défaut, pourront-ils se procurer de la boëtte fraîche sur les côtes du French-Shore, en raison de la longueur du trajet qui demande de dix à quinze jours aller et retour? Leur dernière ressource ne serait-elle pas de se ravitailler dans les baies du sud, situées à quelques heures seulement du Grand-Banc? Si elles leur restent fermées, ne serait-ce pas, à une échéance quelconque et peutêtre prochaine, la ruine et la disparition complètes de tout notre armement pour Terre-Neuve? Certes, il serait bien plus commode d'acheter la boëtte dans les baies du sud de TerreNeuve. Le French-Shore est à 300 ou 400 milles du Grand-Banc, tandis que les baies du sud sont sous la main. Mais il n'est pas impossible de se fournir sur le French-Shore, et les armateurs intéressés ont dès maintenant frété un vapeur spécial pour faire la navette entre le French-Shore et le Grand-Banc; seulement, c'est beaucoup plus coûteux. Le rêve de nos armateurs de Saint-Malo, de Grandville et de Fécamp est de se fournir dans les baies du sud. Or ils savent mieux que personne de quelle nature est l'obstacle qui s'oppose à leur désir nous donnons des primes à nos pêcheurs, tandis que les pêcheurs anglais de TerreNeuve ne reçoivent aucune subvention. Ils ont cependant soutenu la concurrence tant que les primes n'ont été allouées qu'aux marins français de la métropole. Mais un décret du 17 septembre 1881 a étendu aux armements de Saint-Pierre les bénéfices des primes. A partir de ce moment, les Terre-Neuviens, ne pouvant plus lutter, se sont défendus par des représailles. Ils ont imaginé ce bill de 1886 qui interdit la vente de la boëtte, bill qui a eu naturellement pour effet d'en accroître considérablement le prix. Nos pêcheurs ont en partie reperdu ainsi d'un côté ce que les primes leur faisaient gagner de l'autre, et il leur a fallu relever le prix de leurs morues, ce qui a permis aux TerreNeuviens de continuer la pêche. Si l'Angleterre, dans le récent accord, a permis l'achat de la boëtte sur le French-Shore et continue à le défendre dans les baies du sud, c'est justement pour que, le French-Shore étant loin, la boëtte reste chère pour nos pêcheurs. Cela fait contrepoids à nos primes; c'est un dernier moyen de les combattre. La question de Terre-Neuve a donc encore à faire un pas suppression des primes du côté de la France, autorisation
d'acheter de la boëtte dans les baies du sud, du côté de l'Angleterre. Telles sont les deux concessions qui devront être faites un jour.
Les deux Grands cercles d'instabilité maxima du Globe ter-
restre.
L'EXAMEN raisonné des lieux où se sont produits les tremblements de terre, examen portant sur 156 878 phénomènes, a amené M. de Montessus de Ballore a reconnaître que, si l'on considère le grand cercle de la sphère terrestre, dont le pôle est le point 35°40' latitude nord et 20°30' longitude est Paris, et qu'on nomme Ando ja~onais-Malaisou du Pacifique, on voit qu'une zone d'une quinzaine de degrés environ, de part et d'autrede lui renferme les centres de 64426mouvements sismiques. D'autre part, un autre grand cer-
cle l'Alpino-Caucasien-Himalayen-Néo-Zélandais ou Méditerranéen, qui a pour pôle le point 40°45' latitude nord et 152°30' ouest Paris, a une zone correspondante de même largeur, renfermant les centres de 84023 mouvements. Tout le reste de la surface terrestre, hors de ces deux étroites ceintures, ne donne lieu qu'à 8429 mouvements contre 148449 le vingtième seulement. Et l'on n'y rencontre que trois régions véritablement instables la Baïkalie, la Kachgarie et le bassin du bas Weï-Ho. M. de Ballore en conclut que la surface terrestre tremble presque uniquement et à peu près également le long de ses deux principales lignes de relief (en entendant par le mot relief la différence de niveau entre le fond des mers et les crêtes montagneuses) et que ces deux lignes d'instabilité se développent le long de deux grands cercles faisant entre eux un angle de 67°. Le hasard est forcément étranger à un tel résultat.
Fallot.
La Solution franfaise de la Question du Maroc. vol. in-16, 1 avec une carte du Maroc. Prix i fr. 20. Librairie Ch. Delagrave, 15, rue Soufflot, Paris.
L'homme malade d'Occident » attiré depuis quelques années l'attention publique. Cet empire du Maroc, toujours bouillant, vient de subir de nouveau de violentes secousses, et l'on se demande si sa chute définitive n'est pas prochaine, et quelle est parmi les nations européennes celle qui recueillera cet héritage convoité.. Dans le nouveau volume qu'il vient de publier à la librairie Delagrave, M. Fallot, auteur de l'Avenir colonial de la France, a cherché à résoudre le problème marocain. Par une étudegéographiqueet économique, dont il a trouvé les sources dans les travaux des voyageurs les plus dignes de foi, il pose nettement les données de ce problème et en indique la solution. Cette solution, appuyée sur de solides arguments, place la France en face du devoir inéluctable de poursuivre sans défaillance dans l'empire chérifien une entreprise aussi honorable que fructueuse, qui sera le couronnement de son oeuvre dans l'Afrique du Nord. «
A
propos de l'Exposition de Saint-Louis.
SAINT-LoUIS est une ville grande et importante, située sur
la rive droite du Mississipi, près du confluent de cette rivière avec le Missouri, à mi-chemin entre l'océan Atlantique et l'océan Pacifique, le golfe du Mexique et les grands Lacs. Son altitude est de 150 mètres. Elle couvre une surface d'environ i6o kilomètres carrés; elle est bien bâtie, possède beaucoup des particularités d'une ville du Sud et un grand nombre de monuments dignes d'attention. Sa population normale s'élève à 575 238 habitants. Sa principale attraction sera naturellement l'Exposition de la Louisiane. Ouverte le 1er mai, elle se prolongera jusqu'au 1er décembre, durant ainsi sept mois, au lieu des six mois qui semblent réglementairespour les autres Expositions. La cause en est que les mois d'octobre et de novembre sont particulièrementplaisants à Saint-Louis. La températurey est délicieuse; c'est l'époque que choisit la riche bourgeoisie du Nord et du Sud pour venir s'installer dans la contrée. Moyens de transport. Une vingtaine de lignes mariconduisent l'Amérique times dans du Nord, partant de différents ports d'Europe. La Compagniegénérale transatlantique, dont les tarifs peuvent servir de type pour calculer le prix général du voyage, prend, suivant la classe, le bâtiment et le service d'hiver ou d'été, des sommes variant de 250 à 375 francs, pour faire la traversée du Havre à New York. Les bâtiments de la Compagnie transatlantique partent tous les samedis du Havre. De New York partent quatre grandes lignes de chemins de fer qui aboutissent à Saint-Louis la ligne Baltimore et Ohio par Philadelphie et Washington (35 heures environ); Chesapeake et Ohio (même trajet à peu près); New York Central, par Buffalo (3o h. environ); Pensylvania par Philadelphie (3o h. environ). Le prix des billets en in classe varie entre 125 et 150 francs, suivant qu'on passe ou non par Chicago. Un chemin de fer transportera les visiteurs depuis la gare de Saint-Louis (Union station) jusqu'à l'Exposition; les trains seront composés de 10 wagons, contenant chacun 100 personnes, et partiront toutes les minutes. Avec le service des tramways, on estime que le nombre des voyageurs transportés à l'heure, entre la ville et l'Exposition, s'élèvera à 80 00o environ. Hôtels. Avant l'Exposition, Saint-Louis comptait hôtels dignes de ce nom, avec des prix minimum de 97 un dollar la chambre ou un demi-dollar suivant les quartiers. L'Exposition a fait éclore 35 nouveaux établissementsoù l'on trouve une chambre au prix minimum d'un dollar. Nous ne comptons pas le nombre considérable de constructions temporaires, qui abriteront les voyageurs pendant la World's Fair. L'une d'elles, élevée près de l'Exposition, est aménagée pour recevoir 5 500 personnes. Il y a deux systèmes différents en usage aux Etats-Unis les hôtels à l'européenne et les hôtels à l'américaine. Dans le premier cas, il n'y a de prix fixes que pour la chambre, tandis que l'on prend ses repas à la carte à l'hôtel ou ailleurs. Dans les hôtels à l'américame, les prix comprennent la chambre, la nourriture et le service. Il est donc nécess~ire, avant de s'installer dans un hôtel, de s'assurer quel est le système adopté dans l'établissement. Certains hôtels combinent les deux systèmes, mais le voyageur doit spécifier celui qu'il préfère. Saint-Louis compte, en temps normal, 485 restaurants, s'en il et monte actuellement de nouveaux tous les jours. Précautions devoyage. Pour un voyage en Amérique, il n'est pas indispensablede prendre une grande quantité de vêtements, mais il faut se munir d'effets de dessous en laine pour le voyage et d'un bon manteau pour monter sur le pont. Un imperméable est très utile, ainsi qu'une paire de bottes légères, à double semelle, en cuir et caoutchouc. En arrivant en Amérique, le touriste ne doit pas s'effrayer de la douane les objets de voyage, vêtements, etc., des étrangers ne sont pas soumis aux droits. Il est utile de faire connaître aux voyageurs, qui ne sont familiers pas avec les moeurs américaines, que les longs qu'ils auront à faire sur ce vaste continent ne sont voyages
nullement fatigants, et qu'un trajet entre New York et Buffalo, ou entre Washington et Saint-Louis, donne plutôt l'impression d'une trav~rsée calme en mer que celle d'un parcours en chemin de fer dans toute autre partie du monde. Rien ne montre mieux la différence entre la vie en Amérique et là vie en France que tout ce qui a trait aux voyages. Il n'y a pas lieu de chercher entre les deux modes de qui vaut le mieux, mais la différence est bien voyager celui Etats-Unis, tranchée. Aux en arrivant au terme de son voyage, on ne trouvera en général ni fiacres, ni voitures à bon marché. Les fiacres et les commissionnaires, comme on en trouve en Europe, sont à peu près inconnus en Amérique; mais les
transports pour les grandes distances sont une compensation. Grâce à un système d'enregistrement spécial, les bagages sont pris dans les hôtels ou dans les maisons, transportésaux gares, et rendus, à l'arrivée, à l'adresse indiquée; c'est un mode de procéder extrêmement commode. L'enregistrement peut être demandé soit à l'hôtel, soit dans les trains en approchantdu lieu de destination. Des services d'omnibus sont organisés entre les principaux hôtels et les gares de chemins de fer (dépôts), et, dans la plus grande partie des cas, remplacent l'usage des fiacres. Nous conseillons aux touristes de ne pas prendre avec eux dans leur compartiment plus de bagages qu'ils ne peuvent en porter à la main. Des wagons-lits et des wagons-salons, sous la surveil-
lance d'un conducteuret avec les soins d'un domestique,sont attachés à la plupart des trains qui circulent sur les principales lignes, et les voyageurs de 1 classe peuvent y monter moyennant un supplément. Le nombre des places est limité, et les personnes qui voyagent isolément doivents'occuper de retenir un lit à l'avance pour le train par lequel elles comptent partir. Les prix des wagons-litsvarient; dans quelques cas on peut obtenir des couchettes au prix de 10 francs (deux dollars) par nuit, mais, habituellement, les prix sont fixés suivant le trajet accompli et comprennent l'usage du Pullman Car dans le jour. Des wagons-restaurants sont attachés aux principaux trains. On y sert des repas préparés en route, et la nourriture est généralement très bonne; le prix des repas est d'environ 3 fr. 75 à francs par personne. Il y a lieu de mentionner qu'il existe, sur les lignes américaines, certains trains composés exclusivent de voitures Pullman.ou Wagner (wagonssalons, wagons-restaurants et wagons-lits), et que les billets ordinaires de 1 re classe doivent être visés pour permettre aux titulaires de prendre place dans ces trains. Voyage circulaire. Peu de personnes borneront à une visite à Saint-Louis leur voyage en Amérique, et les compagnies de transport solliciteront les voyageurs en leur offrant les avantages des voyages circulaires. Dans l'impossibilité où nous sommes d'examiner toutes les combinaisons possibles, nous soumettons à nos lecteurs celle qui nous parait réunir les plus grands avantages d'itinéraire, de temps, de prix
te''jour, séjour à New York. 2e
3e 4e
5'
Il'
12' 1.3'
à Philadelphie et à Washington. A Washington, départ le soir.
voyage
Arrivée à Saint-Louis le soir. à 10e A Saint-Louis. A Chicago. A Niagara.
Voyage
à
Toronto et départ
l'après-midi. ]4e 15e
16e
'7e ~8e
19'
20'
1
en bateau dans
Arrivée à Montréal le soir. A
Montréal.
Voyage à Boston.
départ le soir. Arrivée à New York le matin. Excursion sur la rivière Hudson à Newburg et A Boston,
retour. Embarquementet départ pour l'Europe.
C'est un voyage de trois semaines, qui coûtera environ 200 francs tout compris.
La Création de Dalny, la
«
Ville lointaine».
Dalny! Dalny! Naguère encore les journaux célébraient à l'envi sa merveilleuse éclosion; disaient avec complaisance les millions semés à Pleines mains pour son embellissement, les maisons surgissant de terre, son ~ort s'ouvrant à mille navires. La traitant en enfant gâtée, les Russes avaient à son profit déshérité le vieux Vladivostok; c'était la future reine de l'Orient. Et voici qu'aujourd'hui son existence même est en jeu périsse son protecteur Port-Arthur, c'en est peut-être fait de DalJiy! Si même la forteresse résiste, qu'adviendra-t-il après la guerre, de la~eune cité? Lesjaponais affecteront-ils toujours leur élégant dédain pour la conquête facile d'une ville sans défense?
x
création du port et de la ville de Dalny restera un des faits les plus importants dans l'histoire de l'expansion russe en Extrême-Orient. Dalny, « la lointaine », est célèbre dans toute la Russie, et les Russes aiment à se vanter avec fierté, et non parfois sans quelque enfantillage, d'avoir créé, en quelques années seulement, un port grand comme celui d'Odessa, une ville qui aura les dimensions des plus grandes cités européennes. En ExtrêmeOrient, les marchands établis à Vladivostok ou dans le bassin du fleuve Amour, n'ont pas souhaité de même façon bienvenue à la ville nouvelle; ils l'ont considérée comme une rivale, et ils ont reproché amèrement au ministère des Finances d'avoir sacrifié à Dalny toutes les villes anciennes de la Sibérie orientale et de l'Extrême-Sibérie. La solution de la question douanière, qui fit couler tant d'encre déjà, acheva d'envenimer la question. jusqu'à la loi du io juin 1900, il n'y avait, en effet, que
deux ports importants sur la
longs mois, séparés du monde et de la civilisation par des glaces infranchissables. Alexandrovsk et Korsakov, sur les tôtes de Sakhaline, sont des ports inhospitaliers et dangereux, le premier surtout; l'île n'offre d'ailleurs, aux bateaux qui passent, aucune anse favorable. On trouve, au contraire, sur la côte du
continent, entre Vladivostok et l'embouchure de l'Amour, un
certain nombre de baies assez spacieuses et souvent très proelles servent d'excelfondes lents abris aux bateaux russes ou japonais, allemands ou norvégiens, qui fréquentent dans ces parages, si tristement célèbres par leurs brouillards épais et par leurs terribles tempêtes. D'après les conditionsdu commerce continental avec la Chine, établies en 1862 et confirmées en 1881 par le traité de Saint-Pétersbourg, le commerce s'exerçait librement et en franchise, jusqu'à une dis-
tance
de 50verstes, des deux
côtés de la frontière. Mais comme, d'autre part, cette zone de 5o verstes n'était ni surveillée ni gardée, on peut dire que la liberté du commerce était complète dans tout le pays de l'Amour et dans la
côte russe du Pacifique, VladiFEMMES DE LA COLONIE CORÉEN.E~ A DALNY. vostok et Nikolaïevsk, qui jouissaient tous deux de tous Pl:otog~~aphie de M. Paul Labbé. province de Transbaïkalie. La les avantages des ports francs. frontière douanière russe était D'autres ports existaient, mais les maisons de comalors située sur les bords du lac Baïkal.Lorsque laligne du Transsibérien, la voie magistrale, comme l'appellent merce qui s'y étaient établies n'étaient pas nomOkhotsk et Petropavlosk sont, pendant de breuses les Russes si souvent, aboutit aux bords de la Chilka, A
TRAVERS
LH'MONDE.
2
le
LIV.
No 21.
2
Mai
904.
qui prend plus loin le nom de fleuve Amour après son
confluent avec l'Argoun, l'Extrême-Orient fut directement réuni à la Russie d'Europe par le fleuve et ensuite par la voie ferrée nouvelle. Toute la frontière orientale de l'empire russe se trouvait donc alors ouverte aux produitsétrangers, et la Russie s'en effraya; elle craignit de voircompromis à la fois le commerce russe,quela concurrence étrangère menaçait, et tout le système de protection douanière, qu'elle avait établiavecle plus grand soin. La loi du juin 1900 fut alors mise en vigueur Vladivostok etNikolaïevsk cessèrent d'être ports francs on défendit même l'importation en franchise des marchandises par la frontière de terre dans les provinces du fleuve Amour, à l'exception des articles de provenance chinoise; à quelques rares exceptions près, la plus grande partie des marchandises importées par les anciens ports francs durent payer des droits d'entrée, conformément à un tarif général. Il y eut des fraudes, mais celles qu'on put surprendre furent très sévèrement punies. Dalny, cependant, dontlaconstructions'avançait, devait être port franc, et c'est ce qui désolait et irritait à la fois les marchands de Vladivostok. Ils déclaraient qu'on les sacrifiait à une politique mauvaise ils n'avaient plus qu'à fermer boutique et à aller s'établir à Port-Arthur ou à Dalny. C'est ce que firent, en effet, plusieurs
i
commerçants étrangers. L'explorateu r C h a ffa n j o n que les lecteurs du Tour du Monde connaissent bien,
compli une grande oeuvre, on a résolu un problème historique, on a fait un des derniers pas dans la marche en avant de la Russie vers l'Extrême-Orient, tendant à trouver une issue dans une mer ouverte sur le littoral libre de glaces de l'océan Pacifique. » Et le ministre russe avait raison; c'est pourquoi son rapport constitue un document historique de premier ordre, où l'on peut étudier dans quelles conditions ont été créées et développées les villes de PortArthur, de Kharbin et de Dalny. Grâce à lui, les projets de la Russie sortirent un peu de l'imprécisiondans laquelle on les tenait volontairement cachés; le lecteur comprit avec quelle logique incomparable la Russie poursuivait son œuvre commencée; il y vit combien était grande sa force d'expansion et grand aussi son appétit qui, avec la vanité et l'ambitionjaponaises, avec la diplomatie tortueuse de l'Angleterre, a été une des causes du conflit qui désole, à cette heure, l'Extrême-
Orient tout entier. J'ai visité Dalny au
mois de mars 1902, quelques semaines après la déclaration de l'alliance anglojaponaise, qui surprit même en Russie bon nombre de diplomates, qui inquiéta le haut commandement, mais qui fit sourire presque tous les Russes. Les Sibériens et les Russes établis en Mandchourie ne daignaient pas même discuterl'alliance anglaise qui, selon eux, n'avait qu'une médiocre
importance; ils regardaient avec mépris les japonais, dont la taille leur semblait plus que jamais petite, et
quitta, tout le premier,Vlase demandaient comment les soldats russes feraient divostok, où il avait ouvert quelques comptoirs, et en pour ne pas écraser un réEMPLACEMENT DE DALNY DANS LA BAIE DE TA-LIEN-OUAN. giment tout entier, seuleorganisa de nouveaux à Port-Arthur; il y attendait que Dalny fût achevé pour ment avec quelques coups de poings. aller, avec tous les autres commerçants, prendre sa « Ils ont les oreilles trop courtes, me répétait-on place au nouveau marché qui s'ouvrait aux convoitises partout, ces petitsjaponais; c'est bien, on les leurtirera; européennes. il ne faut pas penser à leur faire du mal, mais à leur » On faisait donc à Dalny les avantages que l'on donner une leçon; on ne tue pas les enfants, on se refusait à Vladivostok, et la ville nouvelle se trouvait contente de les fouetter » Dans le wagon, bondé de passagers, qui nous située sous un climat meilleur que sa rivale. Dans son emmenait de Port-Arthur à Dalny, les voyageurs ayant rapport, publié après son grand voyage en ExtrêmeOrient, M. Vitte, le président du Comité des ministres appris que je venais du Japon, voulurent me faire parler; ils s'indignèrent dèsque je leur eus dit mon opide l'Empire, alors ministre des Finances, s'est montré nion. je leur semblais ridicule en vantant le courage le partisan convaincu de Dalny et a traité de mesquines toutes les rancunes manifestées par les comdu soldat japonais, l'excellence de ses armes, la sûreté de son tir, la supériorité de sa marine. merçants de Vladivostok. Il reconnaissait pourtant que la création de Dalny était un coup pénible porté à « Ce Français est fou, » pensait-on tout bas. D'autres, moins polis, se frappaient, en me reVladivostok, mais il avait la conviction que l'empire gardant, le front du doigt, et j'entendis quelqu'un, russe avait besoin de plusieurs grands ports en Extrême-Orient, et que l'on ne devait juger l'œuvre actuelle, tout en faisant ce geste, employerune expression russe, pittoresque entre toutes entreprise par lui, que lorsque des résultats en pour« Tout le monde n'est pas à la maison » raient démontrer toute la grandeur. « L'histoire, déUn pope, aux grandes boucles blondes, au visage clarait M. Vitte, se compte par siècles et non pas par années. En construisant le chemin de fer de l'Estrouge comme le carmin, était indigné, et, à l'une des stations qui précédait Dalny, à celle même où comChinois et en créant Port-Arthur et Dalny, on a ac-
mence l'embranchement de cette ville, il m'entraîna au buffet, devant un plat rempli de petits pâtés fumants. « Voici le soldat russe, m'affirmait-il, en frappant son estomac. Puis, ouvrant une bouche énorme, il avala coup sur coup quelques pâtés « Ça, ce sont les soldats japonais! » Très fier de son action héroïque, le brave homme me contempla; mais il avait mangé trop vite, et les soldats japonais ne passaient pas; et le pope dut les achever en buvant force petits verres d'eau-de-vie. La nuit tombait lorsque nous arrivâmes à Dalny. je m'entendis alors appeler par mon nom le maître de police m'attendait; prévenu par l'amiral Alexeiev, il avait préparé un souper, et il venait me prier luimême d'accepterl'hospitalitéchez lui. Les travaux des rues n'étaient pas encore ter-
minés, et nous dûmes traverser de profondes fondrières avant d'arriver à la ville. Les rues, éclairées à l'élec-
noise, qui avait été la contre-partie de l'alliance russojaponaise. Les Russes s'engageaient à évacuer, dans un temps donné, les provinces qu'ils occupaient c'était là une promesse qui ne trompait personne, pas même les japonais, qui affectèrent toutefois de la prendre au sérieux. Ils auraient pu savoir pourtant de leurs amis les Anglais, qui sont aujourd'hui encore en Égypte, ce qu'en.matière diplomatique vaut une promesse d'évacuation. L'emplacement de Dalny me semblait très bien choisi au bord du large golfe de Talien-Ouan les montagnes protégaientle port contre les vents et rendaient très pittoresque l'aspect de la ville. Le quartier des fonctionnaires, que j'avais vu la veille, m'apparaissait en plein jour, et il avait grand air seul ce quartier était à peu près terminé; il comprenait les maisons de l'administration chargée de la constructiondu port et de la ville, les bureaux de la navigation à vapeur, des chemins de fer de l'Est-Chinois, la préfecture, les maisons
DALNY: LE QUARTIER DES GRANDES ADMINISTRATIONS AVEC SES MAISONS COQI'ETTES DU GENRE VILLAS.
Photographie de M. Paul Labbé.
tricité, devinrent enfin meilleures, bordées de grandes maisons neuves. « Ce sont les maisons des fonctionnaires, me dit le maître de police. Nous sommes, ici, dans le quartier réservé aux grandes administrations. » On avait bien fait les choses à Dalny pour les fonctionnaires, qui sont si souvent mal logés en Sibérie. La maison du maître de police était très luxueusement meublée on y trouvait le nécessaire et surtout le superflu, deux choses qui sont pourtant l'une et l'autre inconnues chez tant de fonctionnaires russes envoyés en Mandchourie. Le lendemain, je fis connaissance avec d'autres fonctionnaires, et je visitai la ville, dont plusieurs quartiers n'étaient encore que des places vides et désertes. On s'occupait encore de niveler les rues, et ce travail colossal était fait par une armée de travailleurschinois. C'était curieux de voir avec quelle ardeur ceux-ci travaillaient sous la direction des Russes et pour le compte de ces derniers les Chinois eux-mêmes préparaient ainsi la domination russe. je sais bien qu'au même moment on parlait de la convention russo-chi-
des employés du port, du chemin de fer et de la navi. gation maritime, une église avec une école paroissiale, un hôpital, un hôtel, un club; les rues étaient macadamisées, en partie du moins; des jardinets avaient été créés, tant bien que mal, autour des maisons; on avait organisé une canalisation ingénieuse, l'éclairage électrique était établi, le téléphone fonctionnait partout. Les maisons étaientconstruitesà l'américaine,laplupart à deux étages les styles les plus divers rendaientl'ensemble quelque peu disparate, mais non désagréable à voir pourtant. « Nous sommes ici les pionniers de la civilisation », me disait un des employés principaux d'une banque que je ne veux pas nommer! A vrai dire, beaucoup de ces pionniers avaient un goût immodéré pour l'eau-de-vie et le champagne; je n'ai jamais vu boire autant de champagne qu'en Mandchourie et qu'à Dalny surtout. Il est vrai que le vin est à Dalny relativement peu cher, puisque les droits de douane n'existent pas dans les provinces chinoises occupées par la Russie. ]' en bus tout d'abord chez celui qui m'avait fait la réflexion qu'on vient
de lire. 11 m'avait invité à dîner, et quand je vins chez lui, le soir, je le trouvai très gris, ainsi que plusieurs de ses collègues qui avaient fêté Bacchus avec lui. Ils avaient tous oublié que j'étais invité, mais je n'en fus pas moins bien accueilli, et j'assistai à une singulière soirée. Lorsqu'un des invités s'endormait, le maître du logis se levait et tirait un coup de revolver dans le mur, en plaçant l'arme à deux doigts de l'oreille du dormeur; quand je quittai la salle, j'étais tout à fait écœuré; on avait fait monter un gamin chinois qu'on s'amusait à griser, en lui faisant avaler de grands verres pleins d'un horrible mélange de madère, de bénédictine et d'eau-de-vie. On avait déjà essayé l'effet de ce mélange sur les chiens du logis et l'un d'eux, un grand et bel épagneul, était tombé ivre-mort à nos pieds. Pas toujours à donner en exemple, les pionniers de la civilisation, et bien singulières parfois leurs mœurs et leurs coutumes! Depuis mon séjour à Dalny, une activité énorme a régné dans la ville les dépenses, occasionnées par la création de Dalny, atteignaient, au momentoù les Japonais commencèrentla guerre, 5o millions de francs, et on disait officiellement que ce chiffre serait dépassé de beaucoup, lorsque tous les travaux seraient terminés. Il est, d'ailleurs, bien petit, si on le compare à celui des travaux du chemin de fer de Sibérie et de Mandchourie, qui atteint 2 milliards 700 millions de francs. On espérait que les ventes des terrains aux enchères à Dalny, rembourseraient, peu à peu l'État des sommes dépensées pour la ville, et en novembre 1902, on avait, en effet, près de 1 200000 francs de terrains. On préparait une vente nouvelle, et on espérait que si le terrain restait au même prix qu'à la vente de 1902, on obtiendrait une somme de 4° millions de francs environ or l'étendue des terrains désignés pour la seconde vente aux particuliers ne représentait que le quart du territoire qui devait être vendu. Dans les deux quartiers destinés, l'un au commerce européen, l'autre au commerce chinois, on ne devait que construire des édifices publics et tracer des rues; les autres constructionsétaient laissées aux soins des commerçants. Dans ce quartier, les travaux de nivellement sont aujourd'hui à peu près terminés, on y achève une école de Commerce, une église et un nouvel hôtel, on s'occupe du vaste parc qui doit séparer le quartier européen du quartier chinois. Dans celui-ci, un Chinois a construit un grand théâtre en pierre; on sait que les Chinois sont très avides de grands spectacles et que leurs pièces appartiennent à tous les genres, héroïque parfois, inconvenant et obscène bien souvent. « Le grand art, me disait un aimable Chinois, doit savoir être inconvenant! » Les pièces que j'ai vues dans les théâtres chinois de Vladivostoket de Dalny appartiendraient,alors, certainement au grand art. Le port de Dalny n'est pas achevé, mais il ne serait pas loin de l'être, si la guerre n'était pas commencée. Les bateaux russes, qui faisaient escale dans tous les ports de Sakhaline, de la Sibérie, de la Corée et du japon, s'arrêtaient encore à Port-Arthur, à l'époque de mon séjour en Mandchourie; depuis quelque temps déjà, ils jetaient l'ancre à Dalny, où aboutissaientenfin les trains connus sous le nom de Transsibériens. Le port de Dalny, formé par une partie d'une baie, entou-
ré de barrages artificiels, de môles et de brise-lames, devait avoir une étendue égale à celui d'Odessa. Les dragues allaient terminer, en 1904, les tra-
vaux d'approfondissement du port, dont une partie devait avoir 28 pieds de profondeur. Les môles, munis de quais en pierres, pouvaient déjà permettre à huit grands vapeurs océaniques et à une douzaine de caboteursd'accoster. Une cale sèche pourles vapeursmoyens était déjà en état et une autre, destinée aux plus grands bateaux, en bonne voie d'achèvement. On s'était préoccupé longtemps de la grave question d'établir à Dalny de grands dépôts de houille. On avait pensé à y envoyer de la houille de Souchane, voisine de Vladivostok, ou de Sakhaline. Cette dernière, qu'on exploite en ce moment, n'est pas, à vrai dire, de première qualité; elle flambe parfois en brûlant et devient alors dangereuse pour le bateau qui l'emploie. On ne sait pas encore ce qu'il faut penser de la valeur des gisements de houille qui ont été découverts en Mandchourie. On compte beaucoup sur les mines de jantaï, qui sont situées près de Moukden; des explorations et des prospections, qui ont été ordonnées par les soins de l'Administration du Chemin de fer de l'Est chinois, ont donné déjà des résultats qui permettent les plus grandes espérances. Tel était, en janvier dernier, l'état des travaux russes à Dalny; la Russie avait fait là une œuvre créatrice et civilisatrice au suprême degré, et elle espérait tout de l'avenir; elle avait compté sans la guerre, et on n'ose prévoir aujourd'hui le sort réservé à Dalny. La ville peut être ruinée, d'un jour à l'autre, et les japonais, on le sait, même si leur situation devenait désespérée, chercheront encore à entraver, pour le plus long temps possible et par tous les moyens, l'œuvre russe de l'Extrême Orient. Pendant l'année qui vient de s'écouler; près de huit cents bateaux sont entrés dans le nouveau port de Dalny, que la Russie venait d'ouvrir au commerce. Beaucoup de pavillons européens y ont déployé leurs couleurs le drapeau français ne s'y est pas montré. On sait qu'il n'a pas paru, depuis bientôt quinze ans, dans le port si fréquenté pourtant de Vladivostok; il est à peu près inconnu en Corée, et on ne le verrait pas au Japon, si les Messageries Maritimes n'y faisaient des services réguliers. Hélas il faut bien le constater une fois de plus, en lisant les statistiques relatives à Dalny que Ce soit en Sibérie orientale ou en Mandchourie, en Corée ou même au japon, ce n'est plus seulement par les plus grandes puissances, mais par des nations de second ordre que nous sommes battus; et une statistique qui concernait Formose, nous mettait, au point de vue du commerce avec ce pays, dans un des derniers rangs parmi les nations du monde, juste après la Turquie. Beaucoup de Français, qui s'inquiètent de cette lamentable situation, espèrent que l'avenir y remédiera. Mais pour réussir dans une région où, de tous les pays, viennent chaque jour des concurrents nouveaux, il ne suffit pas d'espérer, il faut agir et lutter, comme savaient le faire si bien les Français d'autrefois PAUL LABBÉ.
une largeur d'environ
La Genèse de Port-Arthur. Port-Artbur est menacé
l'armée japonaise débarquée à Pi-tsé-vo s'est emparée du chemin de fer qui assure les comrrmnications de cette Place, et la flotte est maîtresse de
la mer. Avec une ténacité qui accuse une vieille rancune, autant qu'un plan préconçu, le japon veut prendre la forteresse du Kouang-toung.L'article suivant fera comprendre toute l'importance qu'il attache à ce succès.
A
l'entrée du golfe du Pet-chi-li, à environ 30 kilomètres du cap Lao-ti-chan, se trouve une baie encaissée entre des collines. Leur hauteur moyenne varie entre 200 et 400 mètres au-dessus du niveau de la mer.
C'est la baie de Port-Arthur, autrefois nommée baie de Lu-shung-kao. La ville de Port-Arthur comptait à peine, en
PORT-ARTHUR
A
GAUCHE, LE PORT;
A
ooo mètres et s'étend, par endroits, jusqu'à deux mille, A gauche, à l'entrée de la baie, s'étend une chaîne de mamelons qui aboutit au cap Lao-te-chan. A l'intérieur se trouve une rade assez large et assez profonde pour contenir une flotte d'une centaine de navires. Une passe naturelle, d'une largeur d'environ i 5o mètres, la fait communiquer avec la mer. Cette passe, ou goulet, peut donner facilement accès aux navires du plus grand tonnage. A droite, s'élève la montagne d'Or, dominée par la citadelle. Au pied de la montagne d'Or, s'étendait un lac peu profond qui, à marée basse, ne formait qu'un vaste marécage. C'est dans ce marécage que les autorités chinoises songèrent à créer un port, qu'ils entourèrent de défensesconvenables, pour garder l'entrée du Pet-chi-li. La construction des forts et du port fut confiée à des ingénieurs allemands. S'ils réussirent à faire des forts convenables, ils furent moins heureux dans la constructiondu port et de ses bassins. Ils négligèrent de prendre les précautions les plus élémentaires. Les murailles qu'ils construisirent sans fondations suffii
DROITE, LA RADE INTÉRIEURE; AU CENTRE, LA COUPURE MENANT AU LARGE.
Photographie communiquée par M. Paul Robert. 1886, quelques milliers d'habitants. Les autorités chinoises en avaient fait un lieu de relégation pour les
condamnés de droit commun. A peine, de temps à autre, quelques jonques chinoises venaient-elles jeter l'ancre dans la rade, transporter des vivres pour les prisonniers, ou se mettre à l'abri des tempêtes les paisibles pâtres mandchous qui gardaient leurs troupeaux de chèvres au pied de la montagne d'Or, ne se doutaient guère que leurs collines allaient devenir aussi célèbres. La presqu'île de Liao-toung est généralement montagneuse et peu fertile. Les collines, qui bordent la mer sont incultes et déboisées. Quelques thyms sauvages, un rare gazon, de loin en loin quelques pieds d'immortelles, telle est leur unique végétation. Dans l'intérieur des terres, on cultive principalement le millet et le sorgho. Le sorgho est la plante providentielle de l'indigène sa graine sert à faire le pain, et sa tige est utilisée, pendant l'hiver, comme combustible. Le bois de chauffage est inconnu dans la contrée, et la houille, provenant des mines de Kaïpin, coûte trop cher pour les familles pauvres. La baie de Port-Arthur s'étend, du nord au sud, sur un espace d'environ 13 kilomètres. Elle possède
santes s'écroulèrent, sous la poussée de la vase, dans un immense bourbier. Dès lors, Li Hung Chang songea à recourir à d'autres compétences. Il fit appel à des ingénieurs français. C'est à cette occasion qu'il se fonda, en 1886, sous le patronage du Comptoir d'Escompte, un Syndicat de maisons industrielles françaises, comprenant, notamment, la Compagnie de Fives-Lille, les Anciens Établissements Cail, les Chantiers de la Méditerranée, les Chantiers de la Loire, les Forges de Denain et Anzin, etc. Ce syndicat prit à forfait l'achèvement des travaux, la construction d'une cale de radoub et des ateliers destinés à la réparation des navires de guerre. La direction des travaux fut confiée à M. Thévenet, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Le bassin à flot, qui possède une longueur d'environ 500 mètres sur une largeur de 4°0 mètres, atteint, dans sa plus grande partie, une profondeur de 20 mètres. Les travaux, habilement conduits, furent menés à bonne fin dans l'espace de quatre années. Mais nos ingénieurs s'étaient trouvés souvent aux prises avec de grosses difficultés. Dans le courant des années 1887 et 1888, dix mille coolies furent employés à dessécher le marécage
et à déplacer la vase. Le coup d'oeil n'était pas banal.
Qu'on se représente, en effet, une équipe de cinq mille hommes pataugeant, tout nus, dans la vase et chargeant, avec des pelles, les paniers que leurs cinq mille autres camarades portaient, suspendus en balance, sur leurs épaules. On eût dit une fourmilière déplaçant ses pénates. Le spectacle était choquant pour les dames françaises résidant alors à Port-Arthur; mais, au dire du taotaï, les dames n'avaient qu'à fermer les yeux, ou à ne pas paraître sur les chantiers. D'ailleurs, on se familiarise vite, en Chine, au tableau des nudités humaines. Les enfants circulent, tout nus, pendant l'été, dans les rues des villes, et il n'est pas rare de voir, le long des berges des fleuves, les bateliers remorquantleurs jonques dans le costume de nos premiers parents. Dans le courant de l'année 1888, une épidémie de choléra vint s'abattre sur les chantiers de Port-Arthur. Pendant quelques semaines, la mortalité fut effrayante. Chaque jour on comptait les décès par centaines. Dans une seule journée, on releva trois cents cadavres. Les troupes chinoises furent occupées à l'ensevelissementdes morts. La panique gagna les travailleurs, et les chantiers furent pendant quelque temps désertés. Les autorités chinoises, sur le conseil de nos ingénieurs, recommandèrent à la population de ne plus boire, sans la faire préalablement bouillir, l'eau d'un petit ruisseau où se déversaient les égouts de la ville. La population affolée se conforma à cette prescription hygiénique, et l'épidémie se trouva rapidement enrayée. On capta des eaux de sources, situées à une distance de quelques kilomètres, et, depuis lors, les maladies d'origine cholérique demeurèrent inconnues dans la région. La confiance revint aux travailleurs. Les chantiers se repeuplèrentet les travaux suivirent désormais leur cours normal. Li Hung Chang s'intéressait vivement à PortArthur. Ayant remarqué quelques points de ressemblance entre ses collines et celles de Toulon, il l'avait surnommé le Toulon de la Chine. Un jour, causant familièrement, dans son yamen, avec M. Thévenet, il lui demanda, à brûle-pourpoint, s'il croyait Port-Arthur imprenable. « Excellence, répondit notre ingénieur, avec les forts dont vous l'avez doté, Port-Arthur est imprenable. Cependant, je voudrais le prendre, dans les quarantehuit heures, en débarquant des troupes dans la baie qui se trouve là-bas, à la distance d'une quinzaine de kilomètres, et en prenant vos forts par le travers. )' Li Hung Chang demeura un instant pensif, puis il changea le sujet de la conversation. Quelques jours après ce colloque, un millier de soldats chinois travaillaient, dans la baie signalée, à construire un fort. Le Gouvernement russe suivait d'un oeil attentif la marche des travaux de Port-Arthur. Pour les étrangers, résidant en Chine, pendant l'année 1889, il était manifeste que les provinces de la Mandchourie et la péninsule de Liao-toung, ne tarderaientpas à faire partie de l'empire moscovite. Les officiers de l'état-major russe parcouraient ces régions en tous sens avec le consentement bénévole ou forcé des autorités chinoises. La Russie guettait Port-Arthur pour sa flotte du Pacifique.
produisit,en Chine, un événement qui passa inaperçu en Europe, mais qui fit du bruit en Orient, et qui était gros de conséquences. Un grand-duc de Russie vint faire une visite officielle au Gouvernementde Pékin. Il n'était pas venu uniquement pour des motifs de simple courtoisie, et demanda à Li Hung Chang l'autorisation de visiter les travaux de Port-Arthur. La demande était trop En 18891 il se
pressante pour que Li Hung Chang pût refuser. On reçut le prince, à Port-Arthur, en grande pompe; mais, à partir de cette époque, les autorités chinoises commencèrent à éprouver de fâcheux pres-
sentiments.
Plus tard, une canonnière russe pénétra, la nuit, dans la rade de Port-Arthur, sans autorisation préalable. Le taotaï en conçut une grande colère mais, voyant flotter le pavillon russe, il se contenta de faire demander au capitaine combien de temps il comptait séjourner dans le port. Le capitaine fit répondre qu'il resterait le temps nécessaire pour réparer sa machine. La canonnière séjourna huit jours dans la rade et ses officiers occupèrent leurs loisirs à parcourir la contrée, étudier la topographie des lieux et photographier les travaux. Cette fois, les augures chinois tirèrent de l'événement de sinistres présages. Vers la fin de l'année 1889, l'œuvre du Syndicat de Chine approchait de son terme. Par un véritable tour de force, nos ingénieurs avaient fait sortir de terre un bassin magnifique et de splendides ateliers. Les bois de construction étaient venus de Corée ou de Shanghaï. Le matériel en fer des charpentes et les machines, venus de France, sortaient des ateliers de la Compagnie de Fives-Lille, ou des anciens Établissements Cail. Les seuls matériaux qu'on avait trouvés sur place étaient les moëllons et les pierreS de taille, qu'on avait arrachés aux carrières des collines rocheuses. Les travaux furent définitivement livrés aux autorités chinoises dans le courant de l'année 1891. L'oeuvre était grandiose et faisait honneur à l'industrie française. La destinée de Port-Arthur était de faire beaucoup de bruit dans l'histoire. Dès l'année 189 5, à peine sorti de son berceau, c'est-à-dire des mains de nos ingénieurs, il eut à soutenir un assaut formidable. Pendant la guerre sino-japonaise, toute la flotte du Nippon vint lancer ses foudres sur sa tête. Port-Arthur était encore trop jeune pour pouvoir supporter une pareille épreuve. L'impéritie de ses défenseursle laissa tomber aux mains de l'ennemi. La Chine, vaincue sur terre, annihilée sur mer, n'atse jeta dans les bras de la Russie. La Russie qui tendait que ce moment favorable pour séparer les com-
battants, arrêta l'armée victorieuse; le japon regimba pour lecalmer, on lui jeta deux cents millions. La Chine délivrée remerciait sa libératrice. La Russie, en échange de ses bons offices, garda PortArthur. Elle avait, enfin, l'objet de ses rêves. En devenant russe, Port-Arthur ne perdit pas au change. Il devint le favôri de l'empire moscovite, l'enfant gâté du tzar. Rien ne fut épargné pour développer convenablement sa croissance et faire couler un sang vigoureux dans ses veines. Comme on comptait beaucoup sur lui, on ne fut pas avare. Des millions de roubles
coulèrent, comme un nouveau Pactole, vers sa cassette. Une voie ferrée le relia à Saint-Pétersbourg, sa nouvelle capitale. Ses ateliers s'agrandirent, ses forts se multiplièrent chaque angle de ses rochers reçut une batterie, ses magasins regorgèrent de vivres et son arsenal de munitions. 11 devint la place impassible et forte, que bombardent, en ce moment, les canons japonais. Quel sera son sort?
PAUL ROBERT.
Mort de Stanley'. le célèbre explorateur, qui avait cent fois STANLEY, risqué sa vie dans le centre africain et résisté avec succès au terrible climat de l'équateur comme aux flèches des nègres, vient de mourir à Londres, dans son lit, des suites d'une pleurésie, à l'âge de soixante-trois ans. Il ne s'appelait pas Stanley, mais Rowlands. Orphelin à trois ans, il fut recueilli à l'orphelinat de Saint-Asaph. Après y avoir reçu une petite instruction, il s'engagea comme garçon de cabine à bord d'un navire en partance pour la NouvelleOrléans. C'est là qu'il fut adopté par un négociant du nom de Stanley. Henry Morton Stanley combattit dans l'armée confédérée, fut fait prisonnier, entra dans la marine des États-Unis, y servit comme enseigne et s'y distingua. La guerre achevée, il devint correspondant de journaux en Turquie. En 1867, le New York Herald l'envoya avec l'armée anglaise en Abyssinie, après quoi il voyagea en Espagne pour le compte du même journal. M. Gordon Bennett lui confia la mission de rechercher Livingstone, dont on n'avait pas de nouvelles depuis deux ans. Parti de Bombay en octobre 1870 pour Zanzibar et l'Afrique orientale, Stanley découvrit, le to novembre 1871, le grand missionnaire à Oujiji, sur le lac Tanganyika. Il explora avec lui la partie nord du lac, le quitta pour ne plus le revoir, en février 1872, et débarqua en Angleterre au mois de juillet de la même année. Il y fut accueilli avec méfiance, car il n'avait point de parents et peu d'amis. Mais la reine lui marqua sa faveur, et la Société royale 1. Le Tour du Monde a publié en 1890, le grand récit Dans les Ténèbres de l'Afrique, où Stanley raconte sa découverte d'Emm-Pacba.
de Géographie lui décerna sa grande médaille d'or. Le New York Herald, de concert avec le Daily Telegrapb, le chargea d'une seconde mission africaine. De Zanzibar, où il apprit en automne 1874 la mort de Livingstone, Stanley se mit en route pour explorer la région du Victoria Nyanza; il y arriva après de grandes difficultés, ayant perdu cent trois de ses trois cents compagnons. 11 constata que l'Albert Nyanza ne communiquaitpas, comme on le croyait, avec le Tanganyika. 11 réussit à suivre pendant huit mois le cours du grand fleuve que Livingstone supposait être le Nil et qui était en réalité un des bras supérieurs du Congo, le Loualaba. Cette découverte suffirait à immortaliser le nom de Stanley. Il a décrit les souffrances qu'elle lui coûta dans son fameux ouvrage A travers le continent noir (i8~8); en 1872, il avait raconté son premier voyage dans l'émouvant récit intitulé Comment ~é retrouvai Livingstone. C'est à la suite de son second voyage en Afrique (juin 1878) que Stanley reçut, à la Sorbonne, la croix de chevalier de la Légion
d'honneur. De 1879 à 1882, il chercha, pour le compte de la Société internationale africaine de Bruxelles, à développer les ressources du bassin du Congo, le roi des Belges contribuant à cette
entreprise pour une somme de 1 250000 francs par an. Stanley avait réussi, en 1884, à établir des stations commerciales tout le long du Congo jusqu'à Stanley Pool. On trouv,e le compte rendu de ses travaux dans un livre qu'il publia en i88g Le Congo et
la fondation de l'État libre.
Créé bourgeois de la Cité de Londres en janvier 1887, Stanley repartit pres-
que aussitôt pour l'Afrique, dans le but de délivrer Eminpacha, alors gouverneur de l'Equatoria. De retour au Caire, à la fin de 1889, il rédigea son ouvrage le plus
Dans les Ténèbres de l'Afrique, queles lecteurs du Tour du Monde n'ont pas oubliés. A son arrivée en Angleterre, il fut créé docteur d'Oxford et de Cambridge en 1895 il sera envoyé à la Chambre des Comcélèbre
munes. C'est à Londres qu'il résidait depuis quelque quatorze ans. C'est là qu'il vient de mourir après avoir joui de son vivant d'une gloire jadis contestée mais enfin triomphante.
Dl Hermann Haack.
Ceograpben-Kalender~9oq-i9o5.
Recueil de renseignements sur les géographes et les sociétés de géographie. GothaJustus Perthes. Prix 3 fr. 75.
LE JAPON EN CORÉE
Le ravitaillement et les convois japonais
en Corée. bien
fait observer que de la Corée, qu'elle soit un pays agricole, les Japonais n'ont pu, cet hiver, et jusqu'à la prochaine moisson ne pourront tirer de grandes ressources alimentaires, car l'excédent de la récolte est, chaque année, vendu soit en Chine, soit au Japon au plus tard à l'automne, et les cultivateurs coréens ne conservent chez eux que les denrées nécessaires à leur subsistance jusqu'à la moisson suivante et les semailles. Les japonais sont donc forcés de faire venir de l'arrière, la presque totalité des vivres nécessaires à leurs colonnes en marche, ce qui est une lourde tâche, vu l'état des routes coréennes, la nature montueuse du pays et la saison. En ce qui concerne l'alimentation des animaux, les difficultés ne sont pas moindres. Quant au secours que pourront procurer aux japonais les gros achats de conserves faits par eux en Amérique, il faut se montrerdesplus sceptiques pendant la campagne de 1894-95, les japonais ont déjà eu, au sujet de l'emploi de ces conserves, de gros mécomptes, en raison du manque d'accoutumance à ce genre de nourriture des troupes, qui refusaient de les consommer. De tout ce qui précède, il résulte que les convois, leur organisation et leur fonctionnement acquièrent pour l'armée japonaise une importance capitale. Or les convois japonais, en raison du manque de chevaux au Japon, ont une organisation très particulière. Le Rowskü Invalr'd
Ils se composent 10 De voitures à quatre roues, attelées chacune de deux chevaux. Ces animaux sont peu vigoureux, difficiles à conduire et causent de nombreux ennuis. On peut admettre en outre que les chemins de la Corée ne sont pas très propres à leur
circulation.
2° Des voitures légères à deux roues, traînées par des coolies, attachés au nombre de trois à chacune d'elles. Cette organisation de traction humaine, rendue inévitable par le manque de chevaux, ne peut donner évidemment qu'un médiocre rendement. 3° Des animaux de bât, le meilleur mode de tr::nsport en Corée, évidemment. Mais leur nombre est très limité, en raison de la faible population chevaline du Japon et de la Corée. Les trains sont fractionnés en deux grands groupes 10 Les trains des troupes (trains de combat, trains régimentaires et convois administratifs). L'ensemble de ces trains porte six jours de vivres pour les troupes. 2° Les trains des services de l'arrière.
Seule l'existence de voies ferrées pourrait faciliter le ravitaillement des troupes japonaises. Mais si ardemment et habilement que puissent être poussés les travaux de la ligne Séoul-Ouidjou, dont l'autorité militaire japonaise entreprend la construction, il n'est pas téméraire d'affirmer que, pour cette année, tout au moins, il est impossible d'espérer son
achèvement.
Donc, malgré la grande simplification apportée aux services administratifsjaponais par la non-consommation quotidienne du pain, ce qui évite la fabrication et le transport si compliqués de cet aliment, l'alimentation des troupes japonaises constituera un problème de solution difficile, car il faudra toujours apporter le riz de l'arrière, ainsi que la viande ou le poisson qui complètent la ration du soldat japonais. Il est possible que la nature du pays à parcourir apporte à l'organisation des trains de profondes modifications en 1894-95, les convois destroupes japonaises opérantenMandchourie se composèrent exclusivement de coolies et d'animaux de bât; en ~900, dans le Petchili, ils se composèrent exclusivement de voitures légères chinoises à deux roues, réquisitionnées sur place. Les nécessités présentes amèneront peut-être un nouveau changement.
ANGLETERRE
La réforme du War Office.
Un livre bleu émanant de la « Commission royale pour la reconstitution du Ministère de la Guerre siègent lord Elsher, l'amiral J.-A. Fischer et le colonel sir George Clarke, vient d'être publié. C'est le dernier chapitre d'un rapport qu'il faut considérer avec une grande attention comme devant être le fond même de la réforme militaire en Angleterre. Il ne s'agit encore que de la réorganisation administrative du War Office et du partage des responsabilités du haut commandement.C'était la première réforme à accomplir il est impossible de dire si c'est la plus utile, puisque tout est à réformer, dit-on, dans toutes les sphères militaires, pour cause de caducité et d'inertie. Mais ce n'était pas la réforme la plus difficile. Changer le mode de recrutement, assurer la permanence des effectifs, créer de bonnes réserves, améliorer le matériel-hommes et nationaliser l'armée anglaise constitueront une plus lourde tâche nous sommes encore éloignés de la voir accomplie. L'initiative privée la prépare, tandis que les pouvoirs publics n'osent l'aborder encore. Tel qu'il est, limité aux organes du haut commandement et de l'administration générale, le programme réformateur constitue déjà un bouleversement. La commission déclare que, le War Office lui étant apparu imperfectible, elle a cru devoir trancher dans le vif et le réorganiser de tous
où
points.
Voici comment l'on peut exposer tout le système nouveau de la défense impériale. Au sommet, le souverain;sous lui, le Parlement sous le Parlement, le cabinet. Puis, descendant toujours, on trouve le premier ministre et le Comité de défense impériale qu'il préside. Ici, la ligne bifurque et s'en va d'un côté au conseil de l'amirauté, de l'autre au nouvel « Army Council ». De l' « Army Council » partent dçux lignes, et l'on trouve sur la même parallèle les six commandants en chef des divisions territoriales militaires et les huit
commandantsdes districts administratifs. C'est sur ce point que porte la critique la plus vive des gens du métier. Afin d'établir une « division scientifique du travail », afin qu'un seul homme ne fasse plus, à lui .seul, le travail de tout le grand état-major, on a laissé une initiative très grande aux commandants des six corps d'armée
créés naguère par M. Brodrick mais on leur a enlevé le pouvoir administratif qui reste l'apanage des commandants de districts. D'oùconflits inévitables à propos de recrutement ou de matériel; d'où huit petits War Offices en lutte avec six commandants en chef;.et renaissance de tous les maux que l'on aura voulu combattre. La devise du système est econonxy, effictéxxcy. Economie, car les grosses enquêtes poursuivies après la guerre ont prouvé que l'administration de l'armée vivait dans le plus grand des gâchis; efficacité, ou plutôt vitalité, car l'on sait maintenant ce qu'il a fallu de valeur personnelle aux chefs commandantdans l'Afrique du Sud pour vaincre, en fin de compte, et la résistance des Boers et celle des bureaux de Londres. Il s'agit de rendre sa vitalité à l'organisme en donnant le plus d'initiative possible à chacun de ses membres. Les Anglais en sont pourvus. Si l'on en manquait un peu à la guerre, où les institutions sont défectueuses, on en fait preuve abondammentà la marine; or l'on a pris soin de doter la guerre des institutions de la manne- L' « Army Council » est une copie du « Board of admiralty », un grand conseil d'administration à la tête duquel est un président qui porte le titre de secrétaire d'Etat. Chaque membre, chargé d'un département très défini, est responsable devant le conseil qui est, lui, solidairement responsable devant le Parlement. Il faut observer que M. Arnold Forster a passé lui-même par l'amirauté et qu'il y a un amiral dans la Commission royale. Ce souci de faire profiter l'armée des soixante-douze ans d'expérience qu'a traversés l'amirauté depuis la grande réforme de sir James Graham ne peut qu'être profitable à la marine et à l'armée de terre; peu à peu, une émulation se créera entre les deux services devenus semblables; l'un et l'autre y trouveront à gagner.
Au
Monténégro.
De Gatzko à la Frontière turque.
La Plupart des touristes qui « vont au Monténégro r arrivent à Cettinyé par la route de Cattaro et repartent aussitôt. Quelques-unsse hasardent jusqu'à Rieka, ois ils s'embarquent ~oicr Scutari. Bien peu cherchent à pénétrer dans les prola focilitée par une hospitalité empressée et affable, vinces de l'intérieur. Les notes que nous publions montreront que, traversée de la principauté offre au voyageur, outre l'intérêt du souvenir des luttes héroïques soutenues contre les Turcs par la fière race monténégrine, l'attrait de scénes pittoresques, de costumes éclatants et d'hori~ons nouveaux.
OU commence la forêt, c'est la Bosnie; où commence
la pierre, c'est l'Herzégovine, dit un proverbe indigène. Bien que l'on rencontre souvent en Bosnie ces vastes espaces stériles qu'on appelle les « planinas », on ne peut refuser à l'Herzégovine ce caractère d'une région rocailleuse, aride et déshéritée elle est bien, vraiment, la « terre
des pierres
nière ville de l'Herzégovine, -qui ressemble fort à un disparaissent dans la plaine. gros bourg français, Nous traversons le polje de Gatzko, puis, par des collines en dos d'âne, nous gagnons le défilé de Kasanitza, où nous franchissons la frontière monténégrine. Des pierres, autour de nous; et les montagnes,à l'horizon,
des rochers encore
et des amoncellements de pierres. Partbis quelques parcelles de terre
(her-
seng). Quant
au
onténégro, on connaît l'histoire
M
noire, un pe(it
légendaire de son origine. Dieu passait par le monde,
tenant un
champ de maïs; et
des paysans excitent, de la voix et du geste, trois ou quatre paires de boeufs, attelés à une
sac où
étaient les montagnes, qu'il semait là où il le jugeait à charrue primitive, propos le sac étant dont le soç est forvenu à crever, une mé d'une simple masse effroyable de branche d'arbre resommets et de pics courbée. Ou bien tomba sur la monnous apercevons tagne Noire (Tserquelque maison de nagora). berger, où vit misé Pour passer, rablement le garpar le col de la Dudien d'un nombreux ga, de l'Herzégotroupeau de mouvine, la « terre des LA RUE PRINCIPALE DE SCUTARI. reposanttout tons pierres », dans le entières sur deux Photographie de MM. Armagnac et de Neufville. Monténégro, ce massives poutres de « grand déchiquebois qui glissent sur le sol, ces cabanes peuvent être tage de pierres », comme le dépeint très exactement traînées plus loin, par quelque vigoureuxattelage, sitôt Pierre Loti, point de route carrossable, mais seulement certain que les moutons ont tondu l'herbe dans un un mauvais sentier qui serpente entre des rochers, rayon à l'entour. Et ce sont bien là vraiment, semblesur l'herbe rase, au milieu d'un chaos de montagnes t-il, les « maisons roulantes que chanta Vigny. désolées. Une dizaine de masures, très basses, et dont les Derrière nous, l'église au coq doré et les petites maisons blanches aux toits rouges de Gatzko, la dermurs, faits de.pierres brutes, se confondent presque, A TRAVERS LE MONDE.
22e UV.
N° 22.
28 Mai ~904.
sur un sol aussi tourmenté, avec les rochers qui les entourent c'est le hameau de Krsta, où nous devons coucher cette nuit. Assis devant le seuil de leurs demeures, dans des attitudes d'une dédaigneuse fierté et avec une indifférence superbe, les hommes nous regardent passer. Ils portent le costume national longue tunique blanche (cougne), plaid à franges (strounka), culotte bouffante, guêtres de laine blanche, toque rouge, bordée d'un galon noir et sur laquelle sont brodées les initiales du prince régnant. Cette coiffure est à la fois une toque un poème « le fond rouge représente le sang versé à la bataille de Kossovo; les bords noirs symbolisent le deuil dans lequel a été plongé la patrie serbe; le disque d'or, cerdlant les initiales de Son Altesse Nikita ler (N. 1) est le présage des futures gloires
et.
du Monténégro régénéré. » On nous offre l'hospitalité une sorte de grenier, où se trouve concentrée toute la vie de la maison.
nous montons dans
de toile et couchés sur le plancher, dorment d'un sommeil paisible, toute la nuit, assaillis sans trêve ni repos, nous gémissons sur la fuite lamentablementlente
des heures.
très bon matin, car l'étape est longue jusqu'à Nicksich, nous quittons Krsta. Nous montons lentement, sur un plateau pierreux, où, aucun chemin n'existant plus, à proprement parler, il nous faut sauter de rocher en rocher, pendant que le conducteur de notre cheval de bât fait de prudents et longs détours. Voici le long et sauvage défilé de la Duga un étroit couloir entre des collines rocheuses, que couronnent parfois les ruines de fortins turcs; car le temps n'est pas très éloigné de l'occupation par les musulmans de cette région, attribuée définitivement au Monténégro par le traité de Berlin. Dans un ciel bas et gris, des nuages chargés de pluie courent menaçants à côté de nous; mais, par bonheur, le vent du nord souffle. De
Dans un coin de vallée, un peu abrité,
à proximité d'une
source limpide et abondante, quelques maisons ont été construites, que domine une ancien-
L'ameublement est des plus rudimentaires un grand coffre,
grossière-
ment enluminé, qui sert à la fois de table, de banc et
d'armoire
ne forteresse. C'est
Prjestak, petit village où les paysans ont aménagé au milieu de ce sol ingrat quelques champs
quel-
ques escabeaux de
bois, quelques couvertures amoncelées dans un coin; aux murs, des cha-
qu'ils exploitent
des ustensiles de ménage, une guzla; sur le foyer paisible
dans une maison que
précieusement.
Nous déjeunons à côté d'une fontaine puis nous pénétrons
pelets d'oignons,
ronronne la bouillotte où se prépare le café. On nous ac-
notre guide qualifie pompeusement de GJOANI: L'ÉVÊCHÉ DES POULATE.
«gasthaùs (auber-
ge), un des rares
cueille avec cordiaPhotograpl:ie de ~1Tt11. Ar~nagrzac et de IVenfville. mots allemands lité. Les enfants de qu'il connaisse, et notre hôtesse, curieux et empressés, nous regardent où nous avons toutes les peines du monde à obtenir attentivement déballer nos provisions de bouche et ne deux tasses de café Certes, l'affluence des touristes font point prier se n'a pas encore gâté à Prjestak le pittoresque du pays. pour en prendre leur part; mais ils s'intéressent surtout à nos armes; et voici que les plus Cinq heures de marche à travers des forêts de jeunes nous supplient de décharger, en l'air, nos revolsapins, puis dans la plaine, par une route toute droite vers. La salve, répercutée longuementpar les échos de qui nous paraît interminable, nous conduisent enfin à la montagne, éclate dans le silence de la nuit. Et les Nicksich. C'est une petite ville, d'aspect agréable, avec enfants sont dans la joie ils cherchent à terre et se disses maisons blanches, couvertes de tuiles rouges, et ses putentlesdouilles des cartouches tirées et respirent avec larges rues plantées d'arbres. ivresse l'odeur de la poudre. Dans leur enthousiasme « Surtout ne manquezpas, nous avait-on recomnaïf se révèle déjà leur humeur guerrière et leur pasmandé à Cettinyé, si vous traversez le Monténégro, sion des belles et bonnes armes ils auront bientôt d'aller visiter le célèbre pèlerinage d'Ostrog, entre toute la fiére bravoure des habitants de ce glorieux Nicksich et Podgoritza ». Donc, le lendemain même de coin de terre. notre arrivée, nous étant mis en quête d'un guide, La nuit est pénible, non que nos hôtes ne se nous partions pour aller voir le fameux monastère. soient empressés de nous procurer la couche la plus Entre des champs de maïs, de seigle et d'orge, nous moelleuse; mais parce que nous ne sommes pas seuls traversons la plaine et atteignons le pied de la monà en profiter. Une nuée de petits insectes, avides et tagne, qu'il nous faut contourner pour passer à Ostrog. mal Íntentionnés, nous déclarent la guerre; et, tandis Par des sentiers de chèvres, entre des blocs de rochers énormes, aux formes tourmentées, nous parvenons à que notre hôtesse et ses enfants, roulés dans des sacs
un col, d'où se déroule à nos yeux un panoraina superbe. La vue s'étend sur la vallée de la Zeta et la plaine de Podgoritza, enserréesentre descollines, derrière lesquelles le lac de Scutari, « frappé par les rayons du soleil, apparaît comme un grand disque d'argent »; plus loin, ce sont les montagnes, étrangement découpées, de la Haute-Albanie, Derrière nous, à l'horizon, les cimes neigeuses de la chaîne du Maglitch, qui marque la frontière de l'Herzégovine, se confondent
presque avec les nuages. C'est donc le Monténégro, dans toute sa longueur, que nous dominons et que nous embrassons d'un seul coup d'oeil tout le fier et
mystérieux petit pays, isolé et retranché derrière ses monts abrupts, dans ses sévères rochers. Nous apercevons bientôt, très haut au-dessus de nous, en partie creusé dans le roc, en partie accolé à
la paroi de granit et dominant de plusieurs centaines
de mètres la vallée de la Zeta, le monastère d'Ostrog.
Comme on
n'y peut parvenir du haut de la montagne, et que le seul chemin qui y accède est un sentier rocailleux qui monte, très raide, entre des buissons, le couvent constitue une forteresse quasi-inexpugnable.
tenu en échec l'assaut des Il a, en effet,
Turcs dans plus
d'un combat. Le prince Mirko, père du prince régnant, qui connaissait la
valeur défensive d'Ostrog, y avait
fait déposer, pen-
dant la guerre
de
d'un pope russe. Sans un mot, il nous fait signe de le
suivre. Par un long couloir, éclairé de quelques meurtrières percées dans le roc, nous arrivons à une petite porte basse. Deux vieux Monténégrins, de farouche aspect et formidablement armés, surgis nous ne savons d'où, et notre guide déposent leurs pistolets et leur cape dans une niche pratiquée dans la paroi un jeune garçon d'une quinzaine d'années allume un long cierge; et nous pénétrons dans la petite chapelle où, depuis de nombreuses années, on conserve pieusementle corps du bienheureux Wassilie, qui vint habiter cette retraite et fonda ce couvent. Et, à la lueur tremblotante des lampes d'argent, voici ce que nous distinguons à gauche, l'autel, masqué, comme dans les églises grecques, par un cadre de boiseries peintes; aux murs, des fresques d'un dessin très nllïf; devant nous, une sorte de sarcophage contenant le corps du saint. A terre, une forme humaine est affaissée sur elle-même; on dirait un cadavre. Mais voici que le moine soulève avec respect le couvercle de la châsse
les formes d'un cçrps se dessinent sous les étoffes de soie brodées d'or. Notre guide et les deux vieillards entrés en même temps que nous s'approchent et baisent, avec les marques de la plus grande vénération, les reliques sacrées. Puis le malade, un malheureux idiot, soutenu par sa sœur, dont on est venu deman-
der la guérison
Crimée, les poudres se redresse avec efde la principauté, PAYSANNES DE LA PLAINE. fort, et, tout son s'y était enfermé et Photographie de MM. Armagnac et de Neufville. corps secoué d'un vingtaine avec une tremblement nerde braves. Le siège fut long. Les Monténégrinsécrasaient veux, geignant, lamentable, baise à son tour le corps leurs ennemis sous des avalanches de pierres; lesTurcs du bienheureux. Aucune parole n'est prononcée; un essayaient d'enfumer les assiégés en jetant sur eux du silence profond et religieux règne; des parfums âcres haut de la montagne des bottes de foin enflammé. d'encens et de myrrhe flottent dans Et, entouLorsque, le siège enfin levé, le prince put sortir rée de ce mystère, entrevue dans cette pénombre, d'Ostrog, ils étaient, lui et ses compagnons, « noirs cette scène est étrange et impressionnante. comme des charbonniers »; mais ils demeuraientlibres, Le moine, qui sort le dernier de la chapelle, à et la victoire leur était restée. reculons pour ne pas manquer de respect à la châsse Par un escalier obscur et glissant, nous pénétrons du saint, et en se signant trois fois, nous conduit dans une grotte, complétée et rendue plus régulière ensuite dans sa cellule, où il nous offre du raki et de de légères constructionsen maçonnerie. Nous nous par savoureuses grenades, don de quelque pèlerin reconquelques instants reposons naissant. Bien peu d'étrangers, nous raconte-t-il, sur une terrasse que forme la partie supérieure de la grotte, et d'où nous contemmontent jusqu'à Ostrog. Mais le couvent est réputé plons, avec une commisération mêlée d'orgueil, la vallée pour ses miracles et jouit d'une grande célébrité auprès baignée de soleil et de lumière, que nous dominons du des habitants du pays. De Serbie, de Dalmatie, d'Herhaut de ce nid d'aigles. Comme nous redescendons, zégovine et d'Albanie, les pèlerins y viennent en foule, une porte s'ouvre. Un moine paraît avec ses longs et il n'est pas jusqu'à des musulmans qui, eux aussi, cheveux bouclés, sa barbe fournie et soyeuse, n'apportent pieusement leur offrande au bienheureux son haut bonnet noir et son 'vêtement très ample, il a les allures Wassilie.
l'air.
Nous repartons pour Nicksich; comme nous des-
cendons, en courant, le sentier qui monte au monastère, d'énormes tortues le traversent, avec une majesté pesante, écrasant à chaque pas de pâles et délicats
cyclamens. Profitant de ce qu'une route excellente relie maintenant Nicksich à Cettinyé, nous gagnons en voiture Podgoritza d'abord, par Danilograd. A quelque distance de Podgoritza, nous apercevons la pittoresque forteresse de Spouj, dominant la ville et couronnant de ses murs crénelés, de ses tours et de ses bastions, l'énorme bloc de rocher qui barre, en cet endroit, la vallée de la Zeta. Comme on nous a signalé qu'il y avait à Spouj un monastère souterrain fort intéressant, nous laissons notre voiture gagner Podgoritza, et cherchons à nous informer auprès des habitants, mais sans réussir à nous faire comprendre. Enfin nous avisons une école et, au risque d'interrompre la classe, interrogeons le maître en allemand, en italien, en serbe. Au
et le trajet de Cettinyé à Scutari d'Albanie ayant été récemment raconté ici même, nous n'y reviendrions pas s'il n'avait été pour nous l'occasion d'incidents divers, dont une rencontre intéressante. Nous quittons Cettinyé par l'automobile de la poste. En eff~t, la principauté a tout récemment fait l'acquisition en France d'une voiture automobile, destinée d'abord à assurer le transport des lettres et des voyageurs sur le trajet Cattaro-Cettinyé,et qui, cette route ayant été reconnue trop périlleuse, dessert aujouret où l'on s'embarque pour Scutari d'hui Rieka, Podgoritza. En pleine descente, brusquement, l'auto s'arrête c'est un éboulis de pierres qui barre la route impossible de passer. La pluie diluvienne de la nuit dernière, grossissant les torrents de la montagne, entraînant la terre et les cailloux, nous a créé cet obstacle nous nous chargeons de nos colis et gagnons à pied Rieka, qui n'est guère qu'à 2 kilomètres. Arriveau
verons-nousàtemps pour nous embarquer sur le petit bateau à vapeur? Mais voici qu'à Rieka, on
bout de quelques minutes d'une con-
se demande si la
versation péniblem
« Danitza partira! La rivière est
e n t polyglotte,
notre interlocuteur
débordée, et le courant y est des plus rapides; le vent est fort et le lac a des passages « piu pericolosi che il mare, signor, molto piu
s'arrête tout à coup et, avec le plus pur accent, prononce « Mais, messieurs, peut-être que vous parlez français! » Et de nous expliquer alors qu'il n'y a point de couvent souterrain aux environs de Spouj, et nous de
pericolosi! »
Enfin le capitaine, supplié par un grand
nombre de Monténégrins, qui se rendent à Scutari pour la fête de Notre-Dame-du-Bon-Conseil,
repartir
pour Podgoritza. A l'hôtel où nous
descendons,
CARAVANE; DE MONTAGNARDS SKRELI.
nous remarquons
se décide à lever
l'ancre. Nous parPhotographie de MM. Arn2agnaC et de Neufville. un immense billard, tons. Mais comme qui n'estautre,nous première escale, nous nous dirigeons vers Vir-Bazar, la assure-t-on, que le fameux cc bigliardo » apporté à dos quinzaine d'homme de Cattaro à Cettinyé, en de nombreuses une longue felouque (londra), montée par une d'hommes, s'.avance droit vers nous; des signaux sont pièces, pour le prince Danilo, prédécesseur du prince échangés. A bord, un mot court de bouche en bouche. Nikita. L'ébahissementcausé aux habitants par l'instal«Il principe! Il principe! C'est S.'A. Nikita 1er. La lation de ce meuble, dans le palais du souverain, avait prince monte à bord, respecfait désigner l'édifice sous le nom de « Bigliardo »; et tc Danitza » stoppe, et le tueusement salué partous les passagers, au milieu d'un c'est encore ainsi que l'on appelle aujourd'hui à Cetsilence soudain. tinyé le vieux Palais, présentement affecté aux bureaux Le prince rentrant à Cettinyé, le vapeur retourne des diverses administrations monténégrines. à Rieka pour l'y déposer et nous repartons définitiveSur la place du marché, très animée, car Podment pour Scutari. La traversée a lieu sans incidents. goritza est la ville la plus active de la principauté, Nous débarquons devant le corps de garde de la se pressent, en une foule exotique èt bariolée, Montédouane turque. Il nous reste à gagner la ville, distante négrins, Turcs et Albanais. de 2 kilomètres ni voitures, ni porteurs, et c'est à De Podgoritza à Cettinyé par Rieka, étape sans pied, chargé¡; de nos valises, sous la pluie et dans la intérêt. La capitale du Monténégro a été décrite assez nuit, que nous nous acheminons vers l'hôtel, où l'on souvent! pour qu'il soit inutile de la dépeindre à nounous déclar~ d'abord qu'on ne veut pas nous receAlbanie et voir. Ah nous nous souviendrons de notre arrivée 1. Cf. Tour du Monde, 1860. I. Voyage en 1877. 1. Le Monténégro. au Monténégro. G. Lejean. Ch. Yriarte. A Travers le Monde, 1897. 1. Vingt-quatreheures au Monténégro. A Virely.
à Scutari d'Albanie
J.
ARMAGNAC,
étrangers, qui venaient y faire des échanges commerciaux.
Kurakin, voïvode de « En 1616 même, le prince
La Circumnavigation de l'Europe septentrionale et de la
Sibérie par une escadre russe est-elle possible?
guerre actuelle d'envoyer en Extrême-Orient une importante force navale, la Russie hésite en ce moment entre la voie ordinaire du canal de Suez et celle, considérée encore comme impraticable, de l'océan Glacial.Cette dernière PRESSÉE par les nécessités de la
offre à l'escadre russe deux gros avantages d'abord celui d'arriver à Vladivostock sans crainte d'être signalée à la flotte japonaise, puis, celui plus précieux
.v.
pU.L"V -1l'exStadling, M. sujet à dit voici ce ce que conque, plorateur suédois. communiquerl'Eu« La voie maritime, qui fait rope avec la Sibérie, existe, et déjà, au xme siècle, des commerçants russes et étrangers la parcouraient, traversant l'océan Glacial et la mer de Kara pour se rendre directement aux fleuves de la Sibérie. En effet, à la fin du XVIe siècle, des marins anglais et hollandais rencontraient des voyageurs russes de la Sibérie dans les parages de Novaïa Zemlia, de Vaïgatch et du détroit de Jugor, pour effectuer avec eux des échanges commerciaux. Ces derniers suivaient les côtes septentrionales de la Russie et de la Sibérie jusqu'à la presqu'île de Yalmal, qu'ils coupaient en remontant le fleuve Mutua, puis, transportant leurs bateaux pardessus la ligne de partage des eaux, en descendant le fleuve Zolena jusqu'au golfe de l'Obi. On dit même qu'un certain nombre d'entre eux contournaient la presqu'île. Au commencement du xvie siècle, du reste, on parlait de la forteresse ou « ville » de Mangasea, sise à 200 kilomètres environ de l'embouchure du fleuve Tas, à la jonction de celui-ci avec la rivière Tura. Cette ville voyait arriver non seulement des Russes des parages de la mer Blanche, mais même des
vlcllL u
ntnuau~w,
Tobolsk, publia un édit défendant aux étrangers d'aller plus loin qu'Arkhangel. Mais c'est surtout au cours des trente dernières cc années qu'on a vu s'établir clairement la possibilité de faire communiquerpar mer l'Europe avec la Sibérie. Pendant l'été de 1874, un célèbre explorateur anglais, le capitaine Viggins, séjourna deux mois entiers, la paravec son bateau Diana, dans la mer de Kara, jusqu'à courut dans différentes directions, s'avança l'embouchure de l'Iénisséi, et revint sans encombre en Angleterre. L'été suivant (1875), l'illustre baron NordenskjÕld, traversa, sur le baleinier norvégien Prwen, la mer de Kara, atteignit l'embouchure de l'lénisséi, remonta le fleuve et revint en Suède par la Sibérie. Enfin, la célèbre circumnavigation de l'Asie, vint démontrer une en 1878-1880, par la frégate Vega, fois de plus la possibilité de traverser la mer de Kara.
échecs devaient être imputés, pour la plupart, à l'ignoqui concerne rance des capitaines, du moins en ce l'état des glaces dans la mer de Kara. En effet, les
dix dernières années ont donné de meilleurs résultats 22 vaisseaux se dirigèrent vers la Sibérie et atteignirent à peu près tous sans encombre l'embouchure de l'lénisséi. Il faut attribuer ce succès surtout à l'expérience que l'on avait acquise. C'est, en effet, la plupart du temps, le célèbre capitaine Viggins qui, pendant cette dernière période, dirigea ces expéditions commerciales vers la Sibérie septentrionale, jusqu'en 1896. 1896 et 1897, l'état des « Pendant les étés de glaces dans la mer de Kara fut particulièrement favorable, et les 6 vaisseaux, qui, pendant l'été de 1897, rencontrèrent pas de se rendirent à 1'lénisséi, ne glaces. Pendant l'été de 1898, l'état des glaces ne fut, dit-on, pas moins favorable, bien que, cette année-là, l'lénisséi. un seul vapeurait atteint l'embouchure de Londres à de « Pendant l'été de 1899, on envoya l'lé.nisséi une flotte de commerce composée de 5 vadans la peurs, mais elle ne réussit pas à pénétrer avoir perdu mer de Kara et dut s'en retourner après un bateau. de vapeurs entre « La possibilité d'un service
l'Europe et la Sibérie est donc établie, à condition, toutefois, de n'employer que des hommes de grande valeur et de prendre toutes les précautions nécessaires. Il faut, en effet, se rappeler qu'outre la difficulté de pénétrer dans la mer de Kara, soit par le détroit de fugor, soit par celui de Matotchkinschar, soit enfin en contournant Novaïa Zemlia, et la difficulté non moindre de traversercette mer, ce qui exige beaucoup d'expérience et d'habileté, les vaisseaux courent, en naviguant dans ces eaux encombrées d'icebergs et presque toujours enveloppées de brouillard, le risque de toucher des écueils ou de s'échouer par suite du manque de cartes marines et du peu d'exactitude des cartes terrestres les cartes actuelles, qui délimitent la côte, ont parfois des erreurs de près de 3o milles marins. » En résumé, si les voyages de la Vega et du Fram ont établi que des vapeurs pouvaient se rendre d'Euet il serait aussi rope à l'embouchure de la léna, aisé, pour ne pas dire plus aisé même, de se rendre du dit fleuve au détroit de Behring, il n'en demeure pas moins que l'entreprise de la circumnavigation de la Sibérie serait très hasardeuse pour l'escadre russe et que la prudence doit la déconseiller. CH. DE BROCHE DES COMBES.
l'arrangement, il tendra à améliorer la condition présente des affaires, et à mettre fin à la désorganisation du Gouvernement, à la crise financière et à l'exploitation extravagante dont le sultan est l'objet. La situation du Maroc est, en effet, des plus précaires et réclame une complète transformation.L'abondance des pluies tardives compromet les récoltes dans une partie du pays, et la, disette contribue, là encore plus qu'ailleurs, à fomenter l'agitation. Cette dernière est toujours considérable. On signale l'insoumissiongrandissante des populations de la plaine en pays makhzen; les environs mêmes de Fez continuent à ne pas être sûrs. Un exemple flagrant de l'impuissancedu makhzen à maintenirl'ordre au Maroc s'est produit à Tanger même. Un vapeur italien,
raconte le Con2ité de l'Afrique française, a fait naufrage sur la plage de la baie et une partie de la cargaison est venue s'échouer sur le sable. Les autorités ont été incapables d'empêcher des centaines d'hommes des tribus d'en faire le pillage, et elles se sont bien gardées d'envoyer des soldats, de peur qu'un combat ne s'ensuivît. Dans le Rif, les tribus se battent entre elles, prétextant qu'elles sont pour ou contre le sultan; mais, en réalité, il s'agit bien plutôt de querelles locales. La question plus générale du prétendant ou du sultan ne sert que de prétexte et de déguisement à ces dernières.
L'OEuvre future de la France au Maroc. ACCORD franco-anglais du 8 avril s'exprime, au sujet du Maroc, comme suit « Article 2. Le gouvernement de S. M. britannique reconnaît qu'il appartient à la France, notamment comme puissance limitrophe du Maroc sur une vaste étendue, de veiller à la tranquillité dans ce pays, et de lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin. » Il serait intéressant de savoir quel accueil les principaux intéressés, les Marocains, ont fait à cette clause qui autorise l'intervention d'une puissance étrangère dans leurs affaires intérieures, et aussi dans quel état se trouve un pays dont on nous concède l'organisation, pays qui naguère encore remplissait l'Europe du bruit de ses démêlés, et qu'une guerre plus importante a relégué au deuxième plan de la curiosité générale. D'après le correspondant du Times, à Tanger, nombre de Marocains se rendent compte que la situation actuelle ne saurait durer et sont assez disposés à accepter, pour peu qu'on y mette le tact nécessaire, les conséquences qui résulteront pour eux de l'accord anglo-français. J'ai, dit M. Haris, discuté la question avec plusieurs importants fonctionnaires indigènes qui ne sont nullement mécontents des nouvelles qui circulent, car ils reconnaissent qu'une intervention étrangère est la seule solution d'une situation qui devient de jour en jour plus impossible: Ils sont naturellement anxieux de savoir quels seront les détails du règlement, mais ils disent que, quel que puisse être
j
Dans la région de l'oued Inaouen, où vivent les tribus favorables à Bou Hamara, la situation ne paraît pas beaucoup plus ordonnée. On prétend qu'il y a de fortes discordes dans l'entourage du rogui. Il est donc assez peu vraisemblable que ce dernier ait des chances sérieuses de marcher avec des forces suffisantes contre Fez, soit même contre la mehalla d'Oudjda. Cependant ses tentatives' contre cette dernière place semblent devenir plus inquiétantes; la garnison vient récemment encore d'être attaquée par les partisans du prétendant. Le combat, dit-on, a été vif. Les soldats du makhzen ont repoussé les rebelles, mais c'est une opération à reCommencer sans cesse. Le sultan semble d'ailleurs se préoccuper moins de faire la guerre à son rival dans la région de Taza que de mater l'esprit d'insubordination des tribus de la plaine le makhzen aurait bien des difficultés à les soumettre à de nouvelles perceptions d'impôts, et, faute d'argent, les soldats désertent. Il est presque impossible de conserver une force appréciable autour du Gouvernement.chérifien. Si la situation politique est peu brillante, la situation financière est lamentable. Les caisses du makhzen sont de plus en plus vides, et l'on a remarqué que, cette année, les grands gouverneurs du Sud n'ont pas apporté les cadeaux ordinaires qu'Us remettaient au sultan à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Kébir, célébrée le 2 mars. Toute la question pour,le Maroc continue donc à consister à savoir si le ma¡khzen trouvera de l'argent, et aussi s'il sera capable d'en faire usage. Les expédients les plus médiocres sont actuellement en usage dans l'entourage du sultan pour trouver, au jour le jour, les sommes nécessaires. Là pénurie est telle que certains grands personnages du makhzen ne touchent plus les allocations que leur remettait le sultan. Il est temps, comme on le voit, qu'une main
énergique intervienne pour remettre un peu d'ordre dans ce malheureux pays. C'est de nous qu'il dépend maintenant d'en faire un voisin utile ou de le laisser attaché comme un mal dangereux au flanc de l'Algérie.
La Main-d'oeuvre chinoise au Transvaal. L A question de la
L'Application de la Télégraphie sans fil en France. L
télégraphie sans fil, qui passa si rapidement du domaine théorique à l'exploitation pratique, va bientôt entrer dans une nouvelle phase celle de la généralisation. Sans être enlevée aux spécialistes qui ont eu la gloire de lui donner la vie, elle va répandre un peu moins particulièrement ses bienfaits et, pour ainsi dire, se séculariser. Il n'existait, jusqu'ici, sur le littoral, que des postes de télégraphie sans fil destinés à effectuer des expériences et à répondre aux besoins de la guerre. Ces postes appartenaient au département de la Marine, qui les avait établis, et n'avaient pu être ouverts au service privé. Or un accord est intervenu entre le département de la Marine et celui des Postes et Télégraphes. Le décret rendu le 27 juillet 1903 disposait que la Marine remettrait aux Postes et Télégraphes, à charge d'en assurer l'exploitation, tous les postes de télégraphie sans fil qu'elle possède sur le littoral français. Ce décret va prochainemententrer en voie d'exécution, et)es éléments dispersés d'un nouveau service vont être groupés sous une même direction. Il sera créé ainsi un unique réseau côtier qui l'État et le serassurera à la fois le service officiel de vice privé. En temps de paix, la Marine trouvera à sa disposition, sans qu'elle ait à se préoccuper des questions d'exploitation, des postes à l'aide desquels les navires de guerre pourront réaliser toutes les expériences radiotélégraphiques qui seront jugées utiles; en temps de guerre, elle pourra disposer d'une organisation toute préparée pour ses besoins. Déjà, l'administration des Postes et des Télégraphes se propose, d'accord avec la Marine, d'ouvrir à bref délai au service privé deux des postes visés par le décret de cession fun à Ouessant, l'autre à Porquerolles. Un autre projet fait prévoir l'installation de postes analogues au cap de la Hague, à la pointe de la Coubre et à Ajaccio. On vient, en attendant, de construire aux. environs de Paris, deux postes appelés à rendre des services d'une nature particulière. L'un est situé à Villejuif; l'autre à une distance de 3 kilomètres, près de Melun, au moulin de Chérizy, où manoeuvrait jadis une machine du télégraphe Chappe. tes deux postes sont destinés à fournir le personnel manipulant et technique, nécessaire pour desservir les futures stations radiotélégraphiques qui seront installées sur le littoral. A
main-d'oeuvre chinoise au Transvaal vient d'être tranchée dans le sens de l'affirmative. Lord Lansdowne a signé, le vendredi 13 mai, avec le ministre de Chine à Londres, le traité relatif aux conditions de l'enrôlement et de l'importation des coolies à la Terre de l'or. Les compagnies minières n'éprouveront aucune difficulté à recruter l'effectif qu'elles jugent nécessaire. On sait quelle prodigieuse population pullule sur le sol de la Chine. Nulle autre part il n'existe plus immense réservoir de travail disponible, prêt à abaisser indéfiniment le taux des salaires en se déversant sur un marché déjà encombré. Les recruteurs des compagnies du Rand rencontreront d'autant plus de candidats empressés, que la guerre russo-japonaise, en prenant pour théâtre principal la Mandchourie, a du coup fermé un débouché aux quelque cent mille Chinois qui y allaient en été travailler à la moisson. Il est certain, comme le font observer les champions du nouveau régime, que si bas que soit le salaire offert, le taux en est toujours supérieur à celui qu'obtient en Chine le travail indigène, et que, d'ailleurs, un Chinois fait des économies avec une rémunération qui, pour un blanc, est la famine. Tout indique donc le succès matériel de l'opération. On aurait tort toutefois d'en conclure à son succès moral. En Angleterre, l'opinion publique demeure profondément troublée et inquiète. Elle s'alarme de voir le rétablissementdu servage collectif, l'emprisonnement forcé dans leurs compounds des coolies, leur transfert passif de main en main par la seule volonté du maître, l'insuffisance des précautions prises contre l'arbitraire despotique par une législation qui fait du coolie une chose, mais qui ne fixe ni ~minimum de salaire, ni maximum de travail. C'est pour quelques-uns la banqueroutemorale de la glorieuse tradition de la philanthropiebritannique.
Th. Caradec.
Autour des lles bretonnes.
avec une préface de Ch. Le Goffic. Prix
3 fr.
1
vol. in-18
5°.
ne sente passer le AS une ligne dans cet ouvrage où l'onarmoricaine. Le lecfrisson, la grisante haleine de la mer
teur est séduit, entraîné, de la première ligne à la dernière, par la vivacité et la grâce familière du récit. Bréhat, les SeptIles, Batz, Molène, Sein, Ar-Men, Ouessant, les Glénans, l'île Tristan, Groix, Belle-Isle, Houat et Hoédic, les îles du Morbihan passent successivement devant le lecteur, gracieuses
ou tragiques, avec leurs souples et capricieux paysages, leurs légendes et leurs contes étranges, les coutumes et les thons. moeurs de ces pêcheurs de sardines, de langoustes ou de fantaiC'est une épopée moderne, pleine de souffle et d'une sie qui n'exclut pas la vérité.
BIBLIOTHÈQUE UVIVERSELLE ET REVUE S UISSE. Lausanne.
Les Moeurs sportives en Amérique.
Nsportives.
réclame aux États-Unis un adoucissement des moeurs Chose étrange, ce sont aujourd'hui les jeunes filles qui, sur ce point, donnent principalement prise à la critique. Depuis quelques années, le basket bail a pris un développement extraordinaire dans les établissements d'instruction'et les clubs féminins; c'est un jeu très peu compliqué qui consiste à empêcher une balle d'arriver à un panier placé en haut d'une sorte de petit mât planté en terre. On y joue avec rage; et à l'heure actuelle, il n'est pas de saison où l'on n'ait à enregistrer de déplorables accidents. Il semble que les athlètes du beau sexe se laissent entraîner beaucoup plus facilement que les hommes à mépriser les règles et la disciviolence. Deux jeunes filles, .pline du jeu et à recourir de New York et de Nevada, ont déjà succombé aux suites de blessures reçues dans ces conditions, et l'on cite une longue liste de basket ball games, depuis la Californie jusqu'à la Nouvelle-Angleterre, où la conduite des joueuses a été inqualifiable. C'est un spectacle bien disgracieux, en tout cas, que celui de ces demoiselles se tirant mutuellement les cheveux, se lançant des coups de pied et se boxant la figure. Aussi se manifeste-t-il actuellement un mouvement d'opinion sérieux contre les excès d'un jeu qui, exécuté suivant les règles, est en somme anodin et très convenable pour le beau sexe. Toutefois, étant donné qu'il est à peu près impossible pour de jeunes Américaines de le jouer régulièrement, il ne reste qu'à l'interdire dans les établissements scolaires. L'initiative prise dans ce sens par le corps enseignant du célèbre collège de Wellesley a eu un grand retentissement dans le monde sportif et parmi la jeunesse des écoles; et elle a été accueillie avec une telle faveur par les familles qu'il est peu probable que les autres collèges ou universités puissent se dispenser de suivre le courant. Avant qu'il soit longtemps, sans doute, la basket ball girl aura vécu. Espérons que, si jamais elle renaît de ses cendres, ce sera sous une forme plus féminine.
la
froide », non sans avoir été dépouillé de ma montre et- de mon argent. gravée dans ma mé« La Froide restera longtemps moire. Le vent chassait la pluie dans sa fenêtre fermée de grilles, mais dépourvue de vitres. Sous la fenêtre, d'un mur à l'autre, trois planches en guise de lit. Sur le plancher, une boue infecte; des souris sous les planches, et partout une odeur insupportable. demeurai enfermé toute la « Le lendemain, lundi, je journée. Vers le soir, cependant, j'eus une visite l'inspecteur de police voulut bien entrer voir « ce voleur fameux qu'il y avait si longtemps qu'on ne pouvait pincer ». Mais je dus rester dans la Froide jusqu'au lendemain à onze heures, sans manger, car il n'y a pas d'arrangements pris pour nourrir les détenus. D'ailleurs, privé de mon argent, j'étais dans l'impossibilité de télégraphier chez moi. à « Le 19 août, à Il heures, on m'envoya sous escorte nuit la à Bobroff, pour y être interrogé. Je dus encore passer mi-chemin dans une Froide. centigrades, « Le 2o août, par une température de la. agrémentée d'une forte averse que je reçus sans paletot, je fus conduit devant le juge informateur. Crotté, déchiré, grelottant, je n'inspirai aucune confiance à ce magistrat, qui me fit conduire en prison. des prisonniers « Il me fut dur de revêtir le costume mais du moins, il était sec. L'horreur de la « maison des morts s'évanouit assez vite devant la sympathie que me témoignèrent mes compagons de captivité. Eux, du moins, me crurent sur parole. Leur compassion me calma. télégraphier à ma famille, et « Enfin, on voulut bien constater mon identité; en sorte que le vendredi 22 août, le cinquième jour de mes aventures, je fus rendu à la liberté. Mais l'émotion était si forte, qu'il me fut impossible de quitter seul la prison, et je demandai à l'inspecteur de police de me reconduire jusqu'à la station de Liski. de me remettre chez moi « J'ai été plusieurs jours avant de la secousse que j'avais éprouvée. Il me semblait toujours que j'étais en proie à un affreux cauchemar, et je crus quelquefois que ma raison s'égarait. De plus, malgré ma robuste santé, je lasens atteinte parce que j'ai eu à endurer. »
appellent la
«
KOLONIALE ZEITSCHRIFT
GAZETTE DE SARATOF
Berlin.
Saratof.
Doux Pays. pays, non sans beaucoup de raison, contre la déplorable facilité avec laquelle les juges d'instruction font subir la prison à d'honnêtes gens accusés par le premier venu. Consolons-nous du moins en voyant ce qui se passe en Russie, dans des occasions semblables. Notez que le héros, ou plutôt la victime de l'histoire suivante, ni même que raconte la Ga~etie de Saratof, n'est ni un juif, notable Mentchikof, un pauvre moujik, mais un M. A. A. propriétaire russe. C'est lui-même qui parle. le « La maison E. Lipphard et Cie m'annonçait que, 16 août, aurait lieu un concours de machines à Erdakovo, et m'invitait à y assister. pris donc le train pour me rendre à « Le 17 août, je cette invitation. A la station de Liski, un gendarme pénétra dans mon wagon et m'invita à passer dans le local de la gendarmerie pour y donner des explications. Je m'y rendis. A ma grande surprise, on m'informa que j'étais accusé d'avoir volé
ON proteste dans notre
des parapluies! « J'avais négligé de me pourvoir de documents, et n'avais sur moi que la dépêche de M. Lipphard. Les quatre
-gendarmes du poste me dévisageaient. L'un d'eux me « reconnut » pour un voleur de profession, opérant sur les chemins de fer du sud-est. « J'eus beau protester, offrir et supplier d'envoyer une dépêche au procureur d'Atkarsk; je fus saisi, ligotté, frappé rudement. Je compris qu'on interprétait la dépêche de .M. Lipphard comme un avis du chef de bande m'avisant du concours et m'invitant à y aller pratiquer parmi les assistants. L'on me conduisit à la maison d'arrêt, que les moujiks
Le Développement de la Politigue coloniale f rançaise. ORGANEcolonial allemand que nous citons, rend pleine
justice à l'évolution progressive qui s'est dessinée dans
les aptitudes coloniales des Français. Le temps n'est plus, dit-il en substance, où la France voyait dans Samuel de Champlain, l'idéal des colonisateurs, c'est-à-dire un homme portant le crucifix d'une main et le glaive de l'autre. La perte du Canada et celle de l'Inde ont appris aux Français ce qu'il en coûte d'abandonner les colonies aux seuls soldats et missionnaires, au détriment des marchands et des plan-
teurs.
qui s'est faite dans nos idées, à cet égard, remplit le publiciste allemand d'admiration. Non pas complète il vit que cette révolution lui paraisse encore mais, dit-il, encore trop de coloniaux vieux jeu, à Paris rêves de de Dons Qllichottes, dont les con« cette génération d'un jour à influence de perd quête ont égayé l'Europe, son l'autre. Marchand, lui-même, n'est pas du tout le cerveau brûlé que ses admirateursvoudraient voir en lui. Sa prudente conduite à Fachoda a préservé son pays de bien des mécomptes et témoigne plus en faveur de son intelligence politique que son expédition argonautique, à travers l'Afrique, en train de se ne témoigne de ses aptitudes militaires. Il est former à Paris, en face des mandarins de l'ancienne école, toute une génération de jeunes esprits pratiques, bien résolus à ne pas courir des aventures romanesques qui les fassent briller aux yeux de la galerie par contre, ils travaillent à mettre en valeur le vaste domaine colonial de la France ». La révolution
Le Culte des Morts en Corée. Étudier le culte des morts, c'est approfondir la psycbologie des vivants; et notre série de croquis coréens serait incomplète si les rites funèbres trouvaient une honorable mention. Ici, d'ailleurs, le pittoresque et l'inattendu encadrent curieu-
n
religion jusqu'à l'étouffer; et l'anthropomorj~bisme oriental s'étale dans toute sa naïveté. Tous ces caractères sont minutieusement relevés dans l'article suivant. senaent les manifestations d'une
foi bl,~arre; la superstition recouvre
ND on considère dans une famille coréenne que '<- l'état du malade est désespéré, le on
transporte
de sa chambre dans une autre pièce de la maison, afin de modifier les intentions de l'esprit de la maladie, grâce au changement du lieu où il exerce sa puissance occulte. Si le mal augmente et que le malade s'affaiblisse encore, on considère qu'il n'y a plus de remède; et les parents, les enfants replacent le moribond dans sa chambre habituelle, où toute la famille
s'installe, silencieusement, en attendant ses derniers moments
à l'aide
d'un léger morceau de tissu de coton
l:a
fort curieux. Un serviteur de la maison, ou un voisin, s'il n'y a pas de domestique mâle dans la maison du défunt, mais toujours un homme de basse classe, prend un vêtement du décédé et monte sur le toit de la maison, juste au-dessus de la chambre du mort. Il tient le col du vêtement dans la main gauche et le bas dans la main droite, puis se tournant vers le nord, le secoue trois fois en criant le nom du mort, son rang, le jour et l'année de sa naissance. Le domestique se tourne vers le nord parce que c'est la direction du royaume des ombres, et que c'est par là qu'est parti,
l'instant, l'esprit que l'on craignait de troubler tout à l'heure.
placé sur la bouche et le nez et que l'ex-
à
piration du malade soulève, on constate que le souffle
Les
Coréens
pensent qu'après leur mort deux
n'a pasencorecessé.
Quand tout mouveesprits s'échappent ment a cessé, l'esprit de la maladie a de leur corps l'un fait son oeuvre; les ENTERREMENT D'UN GRAND SEIGNEUR CORÉEN; LE CHAR FUNÈBRE: EST ENLEVÉ d'eux se rend dans PAR SEIZE PORTEURS. parents s'empresle royaume des omPhotographie communiquée par M. Bourdaret. sent de recouvrir le bres, un autre ira habiter la tablette corps d'un suaire de toile, en observant un silence absolu, de façon à ne de la maison, laquelle grossira le nombre des tablettes des ancêtres, conservées sur un autel spécial. Un troipas gêne(l'espri(du mort, qui n'a pas encore quitté le sième esprit reste dans le corps et s'en va au tombeau corps et voltige sans doute près de lui. Au bout d'une heure ou deux, les Coréens supposent que l'esprit a avec le cadavre. C'est à celui-ci qu'on va faire des complètement abandonné le corps; alors commencent offrandes sur la tombe, à certaines dates. les lamentations, les gémissements des pleureurs et Quand le domestique est redescendu, le mort est des pleureuses"ainsi que des parents assemblés. revêtu de cet habit et les gémissements recommencent Quand les lamentations cessent, tout le monde un moment, pendant que les enfants détachent leur doit quitter la chambre mortuaire. Ici se place un acte chignon s'ils sont mariés ou leurs tresses, et A TRAVERS LE MONDE.
2.3° LIV.
No
2).
4
juin '9°4.
laissent flotter leurs cheveux. Ensuite, les parents enlèvent le corps de dessus le sol de la chambre (les Coréens dorment sur des nattes) et le placent sur une planche étroite, de la longueur du corps, préparée pour cet usage depuis que la maladie a laissé peu d'espoir à la famille. La planche, posée sur deux supports, est inclinée de façon que les pieds soient plus bas que le corps et orientée pourque la tête regarde le sud. Près d'elle est placé le coffret de l'esprit qui doit habiter le tombeau
on y met une feuille de papier portant, en caractères coréens ou chinois, le nom du mort, sa condition, son rang. C'est l'état civil après la mort. Parmi les relations du défunt, un homme est alors choisi qui se chargera de tous les préparatifs de la cérémonie funèbre et, avec l'aide d'un serviteur, réglera toutes les dépenses pour le compte de la famille. Tous les parents quittent les vêtements de couleur et ne portent plus que des costumes de soie ou de coton blanc; les cheveux sont laissés défaits sur le cou. Les parents et amis se rendent ensuite dans une pièce voisine, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, séparés par une toile de coton tendue en travers de la chambre. La personne chargée de la céré-
Une coutume bizarre veut qu'à ce moment on
présente à chaque assistant un oreiller du défunt devant lequel on s'incline en balançant le front. La caisse de l'esprit et quelques vêtements du mort sont placés près de sa tête; la bouche est ouverte et l'on y introduit une boule de farine renfermant une perle; c'est le mou-kozxg5~ou ou perle sans trou. En réalité, ce n'est pas une perle, mais une boule faite en écaille. On place le corps sur une étoffe de soie, un matelas peu épais et une couverture de coton. Une pièce d'étoffe, jetée par-dessus, porte le nom du mort et ses titres; on dépose encore à côté les pinceaux, l'encre
de Chine et la pierre à encre de Chine du défunt. Ainsi se passe la première journée de la mort; le corps est gardé toute la nuit. Le matin du deuxième jour, l'entrepreneur de la cérémonie déshabille le cadavre, puis le rhabille avec grand soin; le corps enveloppé d'une toile de chanvre est lié avec sept liens différents. Le premier est au niveau des yeux, le second aux épaules, le troisième à la poitrine, le quatrième au niveau des poignets, le cinquième aux hanches, le sixième aux genoux, le septième aux chevilles. A partir de ce moment, seul le chef de la cérémonie doit rester avec le
mort pendantt
monie fait prévenir
cettedeuxièmejour-
tous les parents et
née
les amis éloignés
on présente
des mets au cadavre, et dans une pièce voisine les parents continuent
qui doivent, s'ils n'habitent pas trop loin, apporter leurs les lamentations. condoléances; tous TOMBEAU DE LA REINE :'oIÈRE, A NONG-NEENG. Le troisième envoient des cajour, on apporte le Photographie communiquée par tV2. Bourdaret. deaux utiles pacercueil soigneusepier, tabac, boument assemblé avec des clous en bois. gies, argent, soie, etc. Les parents qui restent autour Le fond du cercueil est rempli d'une couche de du cadavre poussent des gémissements, des lamentations, tout en distribuant aux amis et voisins des vête3 centimètres de farine de façon que les chocs ne se fassent pas sentir quand on transportera le cercueil au ments ou objets ayant appartenu au mort, pendant que cimetière. Par-dessus la farine est une feuille de papier ces voisins lavent eux-mêmes le corps du défunt avec blanc, et, par-dessus, des planches minces; ensuite de l'eau chaude et du papier. Durant sa vie, le Coréen viennent le matelas, l'oreiller, la couverture et encore conserve avec soin les dents qu'il a pu perdre, pour deux ou trois des vêtements usés par le défunt. Tout que, après sa mort, elles soient placées avec son est prêt alors pour recevoir le corps, les fils du défunt cadavre, de façon que son corps soit complet quand il prennent un bain et reviennent placer eux-mêmes le se présentera devant le Tribunal des Dix juges. On l'habille avec des vêtements neufs, ses « habits de corps dans le cercueil. La face est couverte d'une fine étoffe, de coton longévité », confectionnésdans les familles riches longécru ou de soie, liée derrière la tête; à côté du corps temps à l'avance. Ils peuvent être entièrement en soie, sont placés, dans de petits paquets, les dents arrachées depuis le pantalon jusqu'au pardessus ou touroumagui, et les cheveux conservés avec soin durant la vie. Tous ou plus simplement en toile de chanvre plus ou moins les vides du cercueil sont bouchés par les vêtements fine. Ce sont des effets neufs. du mort et du papier coréen, afin d'éviter tout ballotAvant de revêtir le mort de ses vêtements spétement. ciaux, on l'étend sur une table préparée pour la circonsLe couvercle est alors fixé avec des clous de tance dans la chambre; tous les parents sont agebois. Le cercueil se fait toujours en bois de sapin ou de nouillés autour de lui, les hommes regar,ient l'est' et pin, car le pin, étant un arbre toujours vert, est pour les femmes l'ouest. Les parents jusqu'au sixième degré le Coréen un symbole de longue vie et doit garder sont représentés, et tous gémissent.
longtemps les restes. Les serpents et les reptiles ne vont jamais près du pin ou du sapin. Le bois pourrit d'une façon égale, de, sorte que la décomposition du corps sera régulière, ce:qui est très important. Le quatrième jour 4après la mort s'appelle le jour de la prise du deuil Tous les parents, ayant revêtu leur costume, viennent dans une chambre spéciale, s'agenouillent et se prosternent, les hommes tournés vers l'est, les fem-
mes vers l'ouest. Après quoi, chacun peut retourner à ses affaires, sauf le chef de la cérémonie. Il place près du cercueil les objets de toilette usuels du défunt, comme si celui-ci était simplement endormi et allait se réveiller et se servir de ces objets. Des mets divers, des fruits, sont également disposés sur
fortement. A partir du moment où le cercueil est cloué, mère, fils, filles, la famille prend le grand deuil beaux-fils et belles-filles. Les autres parents mettent seulement un chapeau de ville blanc, le kat, la ceinture et les jambières en toile de chanvre, les souliers blancs et en cuir. Tel est l'uniforme pour le deuil royal, par exemple, pour celui des frères, sœurs, etc. Pour le grand deuil, les vêtements de dessous pantalon, gilet et bas, sont les mêmes qu'en temps ordinaire, en toile de coton; le touroumagui (robe, manteau) est en toile de chanvre grossière, c'est le tchoug-
par-dessus, le Coréen met le tchim-houi, également en toile de chanvre grossière à très larges manches. Si l'on porte le deuil d'un père, ce vêtement est attaché, retenu à la poitrine CHEVAUX EN CARTON QUI SERVEN'l' DANS LES GRANDES PROCESSIONS par un cordon de chanvre; une table. IMPÉRIALES ET POUR LES ENTERREMENTSDE LUXE. Quelquefois, le corps si c'est le deuil d'une mère, c'est une ceinture plate en Photographie communiqteéepar M. Boza~daret. est gardé plusieurs semaitoile de chanvre. jusqu'au nes, plusieurs mois, dans premier anniversaire de la mort, on ne doit porter que la maison mortuaire, et alors les membres de la famille doivent venir se prosterner devant le cercueil, le predes souliers en paille et, bien entendu, des jambières mier et le quinze de chaque mois. C'est au plus tôt le en toile de chanvre. Après le premier anniversaire on cinquième jour après la mort que l'enterrement peut peut porter les souliers en corde de chanvre ou en avoir lieu, dans les familles pauvres; dans les autres, corde de papier; ces souliers s'appelenttchin. Pour le deuil on attend quelquefois trois mois. des parents, le chaL'emplacepeau, pang-kat ou pang-nip, est un ment du tombeau large chapeau en est choisi par un géomancien, et le bambou, de forme choix du site a une conique, avec des importance consifestons dans le bas, dérable pour le dont la convexité bien-être de la desest à l'extérieur, tandis que le chacendance. Le jour
avant l'enterre-
ment, le géomancien va limiter l'emplacement de la tombe, et les parents et amis apportent des mets à l'esprit de la colline;
on lui annonce qu'une personne sera enterrée là et qu'il doit la proté-
dan
peau d'été du
paysan coréen, de
dimensions plus grandes encore, a
les convexités des festons en dedans,
commeunparapluie ouvert.
Dans les campagnes, les gens en TOMBEAU ROYAL A RYONG-SANG. deuil portent le pioragui qui a la forme Photographie communiquée par M. Bourdaret. pendant ce du chapeau ordiger temps, le chef de la cérémonie annonce au mort et à naire (kat), mais blanc. On le porte pour les deuils autres que ceux des parents c'est celui du fils adopté, son esprit que tous les préparatifs de l'enterrement sont faits. La tablette du mort est portée devant le quand il est en deuil, et des pauvres, parce qu'il est moins cher; il est, non pas en crin, mais en toile de « temple des ancêtres » à la place du corps lui-même, chanvre. Le serre-tête qui maintient les cheveux est comme pour permettre aux esprits de se rendre compte que tout est en ordre. en toile de chanvre, ainsi que le bonnet qui se place Au cimetière, on a creusé la fosse et jeté au fond sous le chapeau et qu'on porte toujours quand on est un mélange de sable et de chaux que l'on a pilonné en deuil.
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A
TRAVERS LE MONDE.
L'éventail (possan) ou écran pour se cacher la figure est fabriqué avec une pièce de toile de chanvre carrée, collée sur deux bâtonnets que l'homme en deuil porte à la main pour se cacher le visage. C'est grâce à la coutume des gens en deuil de se cacher le visage et de porter un grand chapeau, que les missionnaires catholiques ont pu pénétrer en Corée, au moment des persécutions, et s'y dissimuler. Pour les jours de sacrifices, d'offrandes, soit aux tablettes conservées dans la maison, soit aux tombes elles-mêmes, les yang-banc (les nobles) revêtent la robe appelée to-pho (vêtement de sacrifice) qui consiste en un vêtement à manches flottantes, fendu dans le dos, depuis la taille jusqu'au bas, et cette fente est recouverte par un large ruban flottant. Le jour de l'enterrement, les fils du mort ajoutent à ce costume une ceinture en racine de bois épineux, une couronne du même genre autour de la tête, et à la main un gros bâton de bois noueux. Lorsque le cadavre est dans le cercueil, on fixe un jour pour l'enterrement, qui a toujours lieu dans les villes, soit le matin de bonne heure, soit dans la soirée, vers cinq ou six heures. A Séoul, on ne peut sortir les morts de la capitale que par deux des portes de la ville, la petite porte de l'ouest et la petite porte dO': l'est. Au moment où la famille se met en deuil, le fils aîné, héritier des droits aux sacrifices, aux offrandes, prépare une première tablette en soie ayant la forme d'un étui long, dans lequel on enferme un morceau de l'habit du mort. Sur cette tablette on écrit, en caractères à l'encre de Chine, le titre du mort, le nom de sa famille; son nom à lui n'y figure pas. Par exemple, on écrit fonctionnaire de. (tel) rang, de. (telle) famille. Le jour de l'enterrement, cette tablette est portée dans une petite chaise couverte jusqu'au tombeau, en avant du cortège. Pendant trois années, on offrira, chaque jour, sur un autel préparé dans un angle de pièce ou dans une chambre spéciale de l'habitation, des aliments à la tablette, en pleurant et se prosternant à chaque offrande. Pendant ces trois années il y aura, en outre, des sacrifices, des cérémonies à chaque anniversaire de la mort. Après trois années, on enlève cette tablette et on l'enterre dans le tumulus du tombeau on prévient, au préalable, par une cérémonie spéciale, cette tablette provisoire de son remplacement au moyen d'un papier déposé sur l'autel de la
tablette.
Le temple ou autel où sont alignées les tablettes est soigneusement fermé et ne doit être ouvert que pour les sacrifices annuels, aux anniversaires de la
mort de chacun des parents. On retire alors la tablette du défunt dont c'est l'anniversaire, on la place à part, et toute la famille se prosterne devant; on gémit pour tous les parents que l'on a vus vivants; ainsi le petitfils qui a vu son grand-père gémira devant sa tablette, le jour du sacrifice. La prière, qui est toujours une protestation, explique la tristesse d'avoir perdu ce membre de la famille; elle est écrite au nom du fils légitime, qui a seul le droit de faire cette cérémonie et de la diriger. Cette cérémonie consiste, en outre de la prière, à offrir à la tablette des mets nombreux et préparés avec soin, semblables à ceux que prennent les vivants et en plus grande quantité fruits, légumes cuits, riz, ver-
micelle, kim-tchi (choux salés et fermentés avec du piment), etc., ce qui n'.empêche pas, à l'anniversaire de chacune des tablettes, de servir, chaque jour, le repas aux tablettes récentes, devant le temple, mais sans l'ouvrir, et de se prosterner une seule fois, sans prier ni gémir. Quand un Coréen part en voyage ou en revient, il ne manque jamais d'aller saluer les tablettes pour leur demander un bon voyage ou les remercier d'être de retour. Les trois années de deuil terminées, on ne sacrifie plus qu'à chaque anniversaire, jusqu'à la fin de la troisième ou quatrièmegénération. Enfin, on célèbre la fête des morts, chaque année, au milieu de l'automne (quinzième jour du huitième mois), par un sacrifice général devant le temple des
tablettes.
(A suivre.)
BOURDARET.
Les Iles de Los et l'Avenir de Konakry anglo-français du 8 avril nous a donné les îles de Los, dont l'archipel commande sur les côtes de la Guinée française le port de Konakry. Elles ne pouvaient, sans dommage pour la France, rester aux mains d'une puissance étrangère. On sait l'extension qu'a prise depuis quelque temps le port de Konakry son importance paraît devoir s'accroître encore à bref délai, car ce sera demain la tête de ligne de la voie ferrée en construction, et qui en fera le débouché de la vallée supérieure du Niger ainsi que des régions avoisinantes. Au point de vue commercial, les îles de Los sont pratiquement annihilées. Mais comme elles sont, par leur situation même, le complément indispensable de notre nouveau port, elles se trouvent avoir pour nous une valeur bien plus grande ce groupe borde, en effet, sur une longueur de plusieurs kilomètres et juste en face de Konakry, le chenal d'accès de ce port qu'il domine et auquel il forme comme une sorte de digue et de brise-lames naturel. Or, jusqu'à présent, nous ne pouvions rien faire aux îles de Los sans le bon vouloir d'autrui. L'amirauté anglaise restait maîtresse d'utiliser les îles de Los pour y créer, en eau profonde, une station navale. A tout moment, nous pouvions y voir mouiller des bâtiments de la marine militaire britannique. En outre, les hauteurs qui s'élèvent sur les deux îles principales de Tamara et Factory tiennent sous leur commandement la côte basse et marécageuse de Konakry. Telle est la situation dont nous venons de nous affranchir. Nous avons fondé à Konakry un port qui, si l'avenir répond. à ce que semblent promettre les résultats déjà acquis, sera un des grands entrepôts commerciaux de cette côte. La clef de ce port, est, depuis hier, entre nos mains: L'ACCORD
Nouvelles explorations de l'Himalaya. Dans le Baltistan. 1 ne se passe presque pas une année, sans que d'in-
trépides alpinistes, las des sempiternelles ascensions sur les Alpes, n'aillent se mesurer avec les géants de l'Asie, et c'est surtout vers l'Himalaya occidental que se rendent de préférence les touristes en quête d'exploits retentissants. De ce côté, l'approche est plus rapide et facile, et le séjour est sinon agréable, du moins salubre et sûr, eu égard aux velléités des populations. L'Himalaya népalais, bien qu'il renferme les plus hauts pics du
vane afin d'y tenter quelques montagnes. Mais au lieu de prendre simplement par le plus court chemin, elle souhaitait de pouvoir franchir un col aboutissant sur le haut du glacier d'Hispar, de côtoyer ensuite celuici, et de revenir dans la première vallée par le col de Nunsky-sa. A cet effet, on explora le vallon de Hoh et les deux glaciers de Hoh et de Sosbon qui l'encadrent au fond, mais inutilement. Si du côté nord les flancs étaient peu inclinés et d'escalade facile, par contre les flancs qui tombaient sur les bords des glaciers d'Hispar, étant à pic, demeuraient impraticables. Revenant sur leurs pas, les voyageurs se résignèrent à remonter la vallée et arrivèrent à Orondu, le dernier village, vers le juillet. A quelques minutes en amont de ce village, prend fin le grandiose glacier de Kogo-loungma, long de près de 6o kilomètres, et recevant à sa gauche le Kero, glacier de moindre importance, qui descend du célèbre passage de Nunski-sa.
i
L'ayant
re-
de Bengale vers les
monté jusqu'à ses origines, les alpinistes établirent leur quartier général à 4 050 mètres d'altitude aux flancs
condition sine qua non pour effectuer
Pour cette curieuse
globe, est presque toujours enveloppé de vapeurs, que les moussons chassent
sans cesse du golfe
hauts plateaux tibétains. Or le beau temps fixe, c'est la
d'une montagne leur rappelant vaguement le Koffelhorn de Zermatt.
dugrandalpinisme.
coïncidence, ils
Cette année, c'est encore le Baltistan qui a été choisi comme champ
l'appelèrent Riffel-
d'exploration, et
camp. A cause de la persistance du mauvais temps, ils du-
rent y demeurer près d'un mois, pendant lequel ils n'eurént guère loisir d'y faire grand'chose. Ils essayèrent
précisément la sauvage vallée de Shigor. Ayant interviewé les guides italiens qui ont acITINÉRAIRE DU DOCTEUR WORKMAN DANS LA RÉGION DU BALTISTAN-HIMALAYA. toutefois d'escalacompagné dans ces der la montagne qui s'élevait sur la rive gauche du montagnes les touristes américains, nous sommes heureux de faire connaître les résultats les plus intéglacier, en face du camp. Cette montagne comprend trois coupoles de neige, nettement distinctes et s'éleressants de ce voyage. L'expédition comprenait, en outre du DrWorkvant graduellementjusqu'à dépasser 7 500 mètres. Le i août, les alpinistes campaient à 5 901 mèman et de madame Fanny Bullock, l'ingénieur Hervet de Londres, les guides joseph et Laurent Petigax et tres sur la croupe même de la montagne et à la base Cyprien Savoye de Courmayeur (les mêmes qui ont de la paroi terminale de la première pointe. C'était leur intention de transporter un dernier camp au delà accompagné le duc des Abruzzes au pôle nord), et six Cachmiriens de Srinagar. Pour le transport des de cette pointe, afin d'écourter le trajet et de permettre bagages, on enrôlait, au fur et à mesure du besoin, des avec probabilité de réussite l'ascension de la plus haute équipes de coolies. cime. Mais les coolies ne voulurent point les suivre, et Partie de Srinagar le 26 mai yo3, l'expédition les ascensionnistes durent partir seuls. A dix heures ils atteignaient le premier pic mesurant 6637 mètres; traversa le col de Zojila, et, descendantpar le vallon de à midi le deuxième à 6 88o mètres et enfin vers trois Dras, elle atteignit la haute vallée de l'Indus, qu'elle heures de l'après-midi le Dr Workman, avec les guides longea jusqu'à Skardo. Elle remonta ensuite la vallée Joseph Petigax et Savoye, touchait 7 132 mètres. Le de Shigar, débouchant vis-à-vis de la capitale du Baltistan, jusqu'à l'endroit où, laissantà droite celle qui se temps menaçant les obligea d'abord à avancer plus haut, puis à rejoindre à la hâte le campement. Le lendirige vers Askolek, déjà visité par W. Conway, elle demain ils étaient de retour au Riffel-camp. tourne et se prolonge vers le nord, en partie inexjusqu'ici la plus haute altitude atteinte était celle plorée. C'est le point terminus de cette vallée seconde 7 040 mètres que mesure l'Aconcagua, et le record était détenu par le célèbre guide Mattias Zubriggen daire, appelée Basha, que désirait atteindre la cara-
qui avait gravi seul cette montagne en 1897. La hauteur de cette montagne étant l'objet de controverses parmi les topographes, on ne peut guère être fixé sur celui qui a emporté le record de l'altitude. Si l'Aconcagua mesure la hauteur que la généralité des cartes donne, qui est celle que nous avons rapportée, les Workman ont certainement raison de s'attribuer le record. Du Riffel-cainp, les voyageursfranchirent le contrefort qui sépare les glaciers de Kogo-Soungma du Kero, et se dirigèrent vers deux tributaires de gauche de ce dernier, Orko et Alkori, desquels ils espéraient atteindre l'Hispar, par lequel ils auraient effectué leur retour en passant par Gilgit. Mais, là aussi, la montagne demeurait infranchissable, toujours en raison de la
verticalité vertigineuse du flanc méridional. Ils pensèrent alors passer par le col de Nanski-sa, qu'ils savaient praticable et peu dangereux. Mais cette dernière appréciation n'était pas agréée au mê-
me point par les
Les Soldats du génie employés sur le Réseau de l'État français. LAguerre russo-japonaise démontre, une fois de plus, le rôle capital que les chemins de fer sont appelés à jouer dans les grandes guerres. Le sort de l'armée russe est intimement lié au rendement de la ligne du Transsibérien et les japonais ne pourront poursuivre la lutte qu'en jetant à travers la Corée des voies provisoires, qui leur permettront de conduire les renforts et les ravitaillementsjusqu'aux points de concentration. Les
troupess
spéciales de chemins de fer, dont toutes les armées européennes sont aujourd'hui dotées, prennent un vif in-
coolies,qui, sachant que ce passage avait déjà fait des victimes, et qu'au delà, on les mènerait assurément dans un pays hostile, refusèrent net de suivre les voyageurs, et dans la nuit, désertèrent tous dans leur pays. Devant la menace d'être
actuelleapplication.
glacier et de devoir
sur
abandonnés sur le
térêt à étudier la question dans son
Chez nous, notamment, les corps d'officiers des régiments du génie suivent avec une attention extrême tout ce qui se passe les lignes rus-
eux-mêmes transses. C'est que, deporter le bagage, puis 1870, nous ne les voyageurs se possédons aucun 7 132 L'HIMALAYA. MÈTftES DANS résignèrent, bien à UNE ASCENSION DE point de comparaicontre-coeur, à reson nous en somPhotographie communiquée par M. J. Brocherel. venir sur leur promes réduits aux préjet, en rentrant directement à Srinagar, par le même visions théoriques, basées, il est vrai, sur une étude chemin parcouru auparavant. approfondie des réseaux. Mais il nous manque l'expéComme conclusion, nous voulons rappeler ici la rience d'une exploitation en pays ennemi, avec un morale que le guide Petigax a tirée de son voyage à personnel purement militaire. l'Himalaya. En raison de l'extrême élévation de ces M. Ardouin-Dumazet nous donne, sur nos troumontagnes, de la persistance du mauvais temps et de la pes de chemins de fer, d'intéressants détails. nature même du terrain, il est de toute nécessité, pour En France, dit-il, nous sommes peut-être mieux les alpinistes qui désirent s'y aventurer avec chances partagés que nos voisins. La construction de certains de succès, de s'y faire accompagner par une équipe de chemins de fer coloniaux est une excellente école, porteurs des Alpes, en nombre suffisant pour se passer permettant de compléter l'éducation donnée au polydes porteurs indigènes. Ceux-ci, mal vêtus, mal nourgone de Versailles et sur les deux lignes de Chartres à ris et mal équipés, ne sont pas capables d'une longue Orléans et de Voves à Toury, dont l'exploitation est tension musculaire, et au plus fort du combat échouent confiée au régiment. En outre, nous possédons une petite partie du ou s'évadent devant une difficulté souvent apparente. Seuls les guides des Alpes peuvent affronter les réseau de l'État, sur laquelle tout le mouvement, en difficultés de pareilles ascensions. Un entraînement dehors de la conduite des locomotives, est exclusivecontinu à des hauteurs variant de 3 00o à 4 000 mèment dévolu aux sapeurs du génie. Chefs de trains, tres est préférable à des excursions rares au-dessus de aiguilleurs, chefs de gares, hommes d'équipe, sont des 6000. Et puis l'énergie morale, qui est un des facteurs militaires; ils remplissent leurs fonctions en uniforme. essentiels du succès, est bien supérieure chez nos A Versailles, on dégrossit les « recrues»; on les montagnards. conduit au polygone des Matelots, où ils sont dressés J. BROCHEREL. à la construction et à la destruction des voies, au
montage des ponts, etc. Beaucoup vont ensuite dans les compagnies de chemins de fer, où ils accomplissent leurs deux dernières années de service dans les divers emplois de l'exploitation; une partie de ceux qui restent sont envoyés sur les lignes de l'État dont
nous venons de parler. A la traction, c'est-à-dire à la conduite des locomotives, en qualité de chauffeurs, les sapeurs dépendent surtout, au point de vue technique, de leur mécanicien civil et des chefs des dépôts, auxquels ils sont affectés Chartres, Courtalain ou Château-duLoir. A l'exploitation, les soldats deviennent agents des trains ou des gares par stages successifs dans les divers emplois. Les agents des trains ont une caserne à Chartres d'où ils se rendent à la gare pour prendre leur travail comme chefs de trains ou garde-freins. A côté de l'éducation pratique, il y l'enseignement théorique. L'étude des règlements sur l'exploitation des voies ferrées tient une large place dans ce que l'on pourrait appeler l'École de Chartres. Officiers et hommes du cadre sont astreints à cette étude et doivent passer de fréquents examens. En dehors des lignes purement militaires, un certain nombre de gares de la ligne principale de l'État, telles que Bessé, Pont-de-Braye, Courtalain, Château-du-Loir, etc., ont des sapeurs ou des sousofficiers du génie chargés de quelque détail d'exploi-
tation. Les troupiers répartis au long des voies ferrées
sont un détail pittoresque dans le pays beauceron. Chefs de trains et serre-freins en tunique, visiteurs et hommes d'équipe, vêtus du bourgeron et du pantalon bleus, mais gardant le képi du génie, contrastent avec
les uniformes plus ternes des réseaux. Le reste du régiment à Versailles est surtout voué à la construction des voies ferrées. Mais le poly-
gone des Matelots est insuffisant et trop connu. Aussi, met-on chaque année quelques compagnies à la disposition des chemins de fer pour procéder au renouvellement des voies, de même que l'on saisit toutes les occasions d'utiliser le matériel des ponts démontables.
Us Society, comprend cinq cents membres et a pour chef le révérend Frank W. Sandford. C'est un autre
Elijah, mais plus dangereux. Anciennement pasteur d'une autre église, la Tree Baptist Tailb, à Osséning, il est très connu dans le Maine, même de la cour d'assises devant laquelle il a déjà comparu pour le meurtre d'un jeune garçon de quatorze ans, à Benlah Hill, près de Durham, où est son établissement. De cette histoire,
cependant, il semble être sorti indemne, sinon avec honneur. D'ailleurs, en d'autres circonstances, il s'est vu devant les tribunaux accusé de cruauté et autres faits plus graves, mais il a toujours su échapper aux riguëurs de la loi sous lesquelles plus d'un de ses disciples sont tombés. Sandford est un homme de quarante-trois ans, natif de Bangor, dont le nom sonne comme un souvenir des anciens mondes, qui, malgré l'opposition qu'il a rencontrée et le peu de succès obtenu dans les centres de population au-dessus des plus pauvres, n'en est pas moins arrivé à avoir une grande influence, une certaine fortune, et qui ne s'arrêtera certainement pas là, à moins qu'il ne se mette encore dans le cas d'être condamné ou d'être pendu. En 190 l, il fit une tentative à Brooklyn mais New York n'est pas Bangor et, après un sensationnel baptême dans les eaux froides de la baie, il dut se retirer sans avoir fait un seul converti. Ce qui est le plus curieux, c'est qu'il soit permis dans ce pays, à un simple particulier, de propager sa propre folie, qu'elle soit religieuse ou issue d'une autre source. Dans l'île, plusieurs habitants sont devenus entièrement fous et on a dû les enfermer. Dernièrement c'était le tour d'une jeune femme qui allait criant qu'elle devait tuer son enfant. De là excitation dans le pays, et on apprit que ces fanatiques, priant, criant et courant partout, non satisfaits des sacrifices d'animauxauxquels ils s'étaient bornés jusqu'à ce jour, de celui de leurs biens et de leurs objets mobiliers, détruits ou jetés à l'eau, allaient tuer tous leurs enfants. Heureusement que la voix de la prophétesse inspirée qui donrla l'ordre de ce sacrifice ne fut pas entendue de tous; il y eut discussion dans l'assemblée, dispute, et la réunion finit dans une épouvantable mêlée. C'est de là que les populations voisines eurent connaissance de la voie nouvelle dans laquelle étaient entrés les Holygbosters, ainsi qu'on les appelait, et que les autorités furent prévenues. Mais il n'était que temps.
Aux États-Unis. Des Fanatiques religieux tuant leurs
enfants.
CE n'est pas bien loin de New York, dans le
Maine,
exactement à Beal Island, près de jonesport, et sur quelques autres points de l'Etat, que l'attention des autorités a été attirée sur une secte nouvelle de fanatiques que l'on disait faire des préparatifs pour assassiner leurs propres enfants. Cela pour plaire au Seigneur de leurs cerveaux malades. Les Etats-Unis sont la terre promise des fanatismes de tous genres, et il semble que, dans cette voie, les plus récents doivent être les plus incroyables, les plus proches de la folie véritable. Cette secte porte le nom de Holy Ghost and
Emile Bertaux.
Rome. 1. G'Antiquité. Collection des Villes d'art célèbres. H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon, Paris.
belle et utile collection des Villes d'art Ls'enrichir vient du premier des trois volumes qui seront consacélèbres
de
crés à Rome, par M. Emile Bertaux, dont les lecteurs du Tour du Monde n'ont pas oublié les études sur l'Italie inconnue. Ce nouveau volume est digne de ses devanciers, ce qui est tout dire. Il intéressera vivement ceux dont l'antiquité suscite la curiosité.
EUROPE
Au Tunnel du Simplon. Les travaux d'avancement du tunnel du Simplon du côté nord sont complètementarrêtés, ce sera donc le côté sud qui achèvera les travaux de percement. AFRIQUE
La Lutte contre le Paludisme dans l'Afrique occidentale française. Dans une interview dont nous avons rendu compte icimême, M. Roume, gouverneur général de l'Afrique occidentale française, annonçait l'intention bien arrêtée de combattre, par une méthode vigoureuse et par une réglementation étroite, le paludisme et la fièvre jaune. Il vient, en effet, de soumettre à l'approbation ministérielle un projet de décret sur la protection de la santé publique dans l'Afrique occidentale française, adapté aux conditions spéciales à ce groupe de colonies et basé sur les plus récentes données scientifiques relatives à la propagation des maladies tropicales.
Des mesures rigoureuses ont été prises pour prévenir la transmissionde ces affections. En outre de la désinfection des maisons contaminées et de la destruction des objets pouvant servir de véhicules à la contagion, elles ont trait essentiellement à l'isolement obligatoire des malades dans les locaux affectés à cet usage, toutes les fois que l'autorité sanitaire le jugera nécessaire. Il ressort, en effet, des différentes études effectuées par les missions scientifiques françaises et étran-
gères à Cuba, dans l'Amérique du Sud et dans nos colonies de l'Ouest africain, particulièrementmenacées par cette affection, que l'isolement des malades atteints de la fièvre jaune, dans des conditions telles qu'ils soient mis à l'abri des piqûres des moustiques, doitêtre désormais considéré comme une mesure absolument nécessaire. Le paludisme, en général, toujours à l'état endémique sur la côte occidentale d'Afrique, a été mis au nombre des maladies auxquelles sont applicables les dispositions du décret. Des prescriptions relatives à la vaccination des enfants en bas âge et à la revaccination des adultes, à la pollution des eaux potables, à la construction des immeubles et à leur assainissement, un ensemble de mesures intéressant au plus haut point la santé publique de ces colonies, sanctionnées chacune par des pénalités nettement établies, complètent la
réglementationnouvelle.
L'inspecteur des services sanitaires civils et les directeurs locaux des services de santé sont chargés, sous l'autorité
du gouverneur-général et des lieutenants gouverneurs, du contrôle et de l'inspection. De plus, au-dessus des comités et commissions d'hygiène de chaque colonie, un Comité supérieur d'Hygiène et de Salubrité publique sera institué au siège du Gouvernement général. ASIE
Une Ville
française au Yunnan.
facilité des transports que la voie ferrée de Lao-kay aura, d'ici quelques années, créés entre le Tonkin et le Yunnan, détermine actuellement vers le Yunnan, et en particulier vers Moung-tse, un mouvement très important. Moungtse, dont la population, autrefois de quatre-vingtmille habitants, a été réduite, par suite de la rébellion musulmane, à une dizaine de mille âmes, vaut surtout comme entrepôt. A ce titre, sa valeur est considérable; sa sphère d'influence représente plus de la moitié de la population totale de la province, laquelle compte de huit à dix millions d'habitants. Les intérêts français n'y avaient, jusqu'à ces dernières années, été représentés que par notre consul et par un négociant du Tonkin, chargé des achats d'opium du Yunnan pour le compte de l'administration de l'Indo-Chine. Autour de ce premier noyau sont venus successivement se grouper l'hôpiLa
tal et le bureau de poste créés par M. Doumer; l'administration des travaux publics de l'Indo-Chine; la Société de construction du chemin de fer; trois maisons de commerce du Tonkin. Un hôtel y a été construit; un autre est en voie de construction; et on annonce à brève échéance la création de nouveaux établissements commerciaux. Grâce à toutes ces créations, Moung-tse prend peu à peu la physionomie d'une ville européenne. Le mouvement et la vie y sont entretenus par les travaux de construction du chemin de fer. Il ne s'agit point d'en éliminer le commerce chinois, mais de l'habituer à se passer de l'intermédiaire de Hong-kong, son principal et presque son unique fournisseur actuel, et de substituer à cet intermédiaire celui de nos négociants du Tonkin et de leurs comptoirs de Moung-tse.
Chemins de fer stratégiques à la Frontière de l'Inde. En même temps qu'ils font l'expédition du Tibet pour s'assurer d'un pays si proche de leur possession des Indes,
les Anglais s'occupent de protéger leurs frontières. Le Gouvernement de l'Inde va transformer en ligne à voie normale la section à voie étroite du chemin de fer de Rawal-Pindi à Kohat et à Thal à travers l'Indus, qui est comprise entre Kushalgarh et Kohat, soit sur une longueur de 33 milles (environ 53 kilomètres); en même temps on remplacera le pont provisoire qui avait été jeté sur l'Indus à Kushalgarh par un ouvrage permanent. L'exécution de ces travaux entraînera une dépense de 1 278626 roupies (environ 2 millions 125 mille francs), dont 1167191 roupies pour le pont seul. Il n'est pas encore question, malgré l'intérêt que cela pourrait présenter le chemin de fer de Rawalpour la défense de lïnde Pindi à Thal est, en effet, une voie d'accès à la frontière afghane de transformer en ligne à voie normale les 58 milles de voie qui séparent Kohat du terminus actuel du chemin de fer, c'est-à-dire de Thal. AMÉRIQUE
d'or et les Moyens de communication à la Guyane.
Les Mines
quantité d'or natif extrait des placers guyanais, en 190), s'élève à 4°)) kilogrammes, dont la valeur à) 3 francs le gramme représente 12 °99000 francs. La quantité d'or natif exportée de la colonie, l'année précédente, avait été de 4645 kilogrammes. En 19°°, la quantité d'or exportée était de 217° kiloLa
grammes.
En 189°, l'exportation de l'or était de 3¢2 kilogrammes et en i 88o de 1 928 kilogrammes. En 1870, l'exportation de l'or avait été de .312 kilo-
grammes. On peut ainsi juger du développement de l'industrie aurifère dont le rendement a doublé depuis vingt ans. Ce développement a été atteint malgré l'absence de chemins et de voies de communicationsterrestres dans l'intérieur du pays. Malgré l'importance sans cesse grandissante des exploitations minières, presque rien n'a été fait pour faciliter une industrie qui alimente à elle seule le budget et le commerce de la colonie. Aucune routé, aucun dhernin pour accéder aux mines situées, en général, à moins de ioo kilomètres de Cayenne. II faut encore subir des voyages pénibles et dispendieux de dix à quarante jours de pirogue pour arriver sur les mines qu'on devrait atteindre et desservir en
un ou deux jours de voyage sur une simple route carrossable. Dans les conditions actuelles, les transports de ravitaillement et les voyages des ouvriers mineurs envoyés aux mines atteignent des prix exorbitants; et si l'industrie minière a pu progresser aussi nettement malgré ces conditions déplorables des communications,on peut se demander à quel résultat elle atteindrait après l'exécution des routes facilitant l'abord des exploitations aurifères.
Dans la Haute-Albanie. De récents événements ont mis de nouveau en lumière lespopulations de l'Albanie et de la Macédoine. Les notes que point de vue politique. Mais on ne lira peut-être pas nous publions au~bxcrd'huin'envisagentpas la « question albanaise » au che,~ les tribus libres et quasi-izxdéperzdantesdes sans intérêt ce récit d'une excursion à l'intérieur de la Haute-Albanie, à Sept-Montagnes là, sévit la vendetta in~texible; là, le mélange des maurs slaves et des mcrurs orientales donne la vie locale un caractère étrange et unepiquante originalité.
Nous avons bien choisi notrejour pour arriver à Scu-
tari, car c'est aujourd'hui la fête de Notre-Damedu-Bon-Conseil, la patronne de l'Albanie. Cette solennité religieuse a attiré autour de la cathédrale un nombre considérable d'habitants de la ville et des environs, qui viennent assister à la procession; des montagnes distantes de trois à quatre jours de marche, arrivent
à pompons rouges. Voici des femmes de la plaine, en des costumes des plus vives couleurs une écharpe
brodée et ornée de franges est posée sur leurs cheveux entremêlés de sequins des fichus bariolés pendent à surtout leur ceinture; sur leur poitrine, elles ont tout un étalage de pendeloques les jeunes mariées d'argent, de colliers de coraux, de piè-
ces de monnaie et
d'anneaux d'or, qui cliquettentàchaque
en foule des montagnards qui reçoi-
pas. Ici, des femmes de la montagne elles portent des
vent, ce jour-là, l'hospitalitédansles maisons de la ville. Du balcon de
robes sombres,
qu'égaient des ban-
l'archevêché, où
des rouges ou blanches dont le nombre, la disposition et l'épaisseur renseignent, à première vue, sur la tribu à laquelle chacune de ces femmes ap-
nous a introduits l'aimable consul de France, M. Alric, nous dominons la foule animée, mais silencieuse, qui se tient sur la place,
tout autour de l'é-
partient unelourde ceinture de cuir, garnie de clous de
glise. Les costumes les plus divers et les plus pittoresquesse heurtent sous une
cuivre ou de cornaline, et épaisse comme un harnais,
DÉFILÉ
DE KASANITZA. LE lumière crue qui fait, de ce grouillePhotographie de MM. Armagnac et de Neufville. étreint leur taille; ment bariolédepeupie, une scène d'un éblouissant coloris et d'une meraux jambes, de hautes guêtres de laine tricotées sont agrafées, et des chaussons aux couleurs bariolées, veilleuse originalité. Voici des Albanaises de Scutari, entourés de bandes de peau, sont passés à leurs pieds. le visage voilé comme les musulmanes; une guimpe de La plupart des montagnards qui sont venus à la toile empesée enserre leur gorge et leur donne je ne fête ont des pantalons blancs collants, bizarrement orsais quel air d'abbesses du Moyen Age; elles portent nés de broderies noires, et une veste de même couleur; une longue mante écarlate, aux revers largement broils sont coiffés d'une minuscule calotte de laine blandés d'or, dont le collet carré recouvre la tête, d'amples che, ou d'une sorte de turban qui leur enveloppe la pantalons bleus ou noirs, et des bottines de cuir jaune,
A TRAVERS LE MONDE.
24e
LIV.
N~ 24.
i Juin
~904.
tête et les voile un peu à la façon des Touareg. Leur ceinture est garnie de cartouches et contient, en outre, un petit godet de cuivre renfermant un chiffon imbibé d'huile pour le fusil. Beaucoupportent, suspendue à une lourde chaîne d'argent, curieusement travaillée, une riche baguette de pistolet; mais les armes fusils Martini, revolvers, pistolets, que porte tout indigène dès l'âge de treize ou quatorze ans- ont dû être déposées, à l'entrée en ville, aux postes de gendarmerie. La procession sort de l'église, accompagnée par plusieurs centaines de fidèles.. Tous se signent avec respect lorsque paraît l'image vénérée de la madone; et telles sont les marques de dévotion et les démonstrations extérieures de piété, que l'on serait presque tenté d'oublier que tous ces hommes, agenouillés en ce moment avec tant de ferveur, ont le plus féroce caractère, et que, estimant à moins que rien la vie humaine, bien rares sont parmi eux ceux qui, à trente ans, n'ont pas encore fait passer de vie à trépas
quelqu'un de leurs
semblables. Car on nous met en garde, bien vite, contre la trop bonne impression que nous pourrions concevoir d'une population aussi édifiante et l'on commence à nous ra-
conter les mœurs sauvages et belli-
queuses des farouches montagnards
albanais. Mais cela accroît seulement notre désir de les connaître d'un peu plus près demain, nous partirons pour
donc le meurtre impuni et partit pour l'étranger. Près de vingt années plus tard, étant revenu dans son pays, il fut tué, un soir, en pleine campagne, pour n'avoir pas vengé son hôte. Nousquittons Scutari, vers septheures du matin, accompagnés d'un indigène, un Mirdite, et d'un ancien cawass du consulat de France; le premier doit nous servir de guide et de tuteur le second, un gros bonhomme joufflu, aux moustachesfarouches, est propriétaire d'un cheval qui porte nos provisions et nos sacs, au-dessus desquels il s'est péniblement juché, alléguant qu'il était un très mauvais marcheur. Fort ostensiblement, dès la sortie de la ville, notre Mirdite charge son fusil; et le cawass glisse cinq cartouches dans le revolver qu'il porte à la ceinture. Nous traversons une lande inculte, semée de buissons de fougères et de massifs d'oliviers; de nombreux troupeaux de moutons y paissent, gardés par des pâtres à l'aspect rude et féroce, qui tiennent un fusil en guise de houlette. Puis nous remontons le cours d'un torrent, que nous passons à gué deux ou trois fois. Dans des gorges sauva-
ges, nous nous élevons peu à peu sur les flancs du Maranaj, par un sentier pierreux. Derrière nous, Scutari, dominée par la citadelle de Rosapha,
dresse,
au-dessus
des arbres, le clo-
cher de son église et les minarets de UNE 3lAtSON DE BERGERS DANS LA HAUTE-ALBANIE. ses mosquées. Le lac, aux limites inles « Sept-MontaYhotogra~rhie de tlTll~. Armagnac et de Neufville. décises, à demi gnes ». prairies, à demi marais, roule, au milieu de la plaine, Nousfaireaccompagnerd'uneescorteserait, nous des eaux jaunâtres, troublées par les dernières crues. assure M. Alric, le meilleur moyen de nous attirer la Derrière une chaîne de montagnes, grises et dénudées, défiance et la malveillance des indigènes. Mais nous n'aurons rien à craindre si nous partons avec un habiaux arêtes aiguës, l'Adriatique apparaît, aussi bleue qu'un lac italien. tant du pays, qui nous recommandera dans les villages Notre Mirdite s'adjoint deux amis qu'il hèle, et amis et nous servira à la fois de guide et de garant. qui nous accompagnentpendant quelques heures. Nous Car c'est là un des traits curieux des mceurs albadevons être à quelque 1600 ou i 800 mètres d'altitude, naises, toute offense faite à l'hôte est endossée par celui qui l'accompagne ou le reçoit, et doit être vengée car ce sont des champs de neige que nous traversons maintenant; et ce n'est pas un spectacle médiocrement par lui et par toute sa tribu, dès que l'occasion s'en paradoxal que de voir au milieu de ces rochers blancs présente. Ce n'est pas une faculté, c'est une obligation. de givre, sous ces hauts sapins, parmi ces flocons qui On nous conte, à Scutari même, l'histoire d'un maltombent, dans ce paysage du Nord, en un mot, passer héureux Albanais, cuisinier de son état, dont l'hôte des hommes de costumes et d'allures aussi orientaleavait été assassiné peu de temps après avoir quitté sa ment exotiques. demeure; d'après la loi de la montagne, son devoir Une fois parvenus au col, nous n'avons plus qu'à était de venger la victime. Mais, d'humeur assez pairedescendre dans le fond de la vallée qui s'ouvre desible, il se souciait peu de poursuivre la dette du sang vant nous, et où se dresse, au milieu des bois, le clocontre une tribu voisine, pour une affaire qui ne le recher d'une petite église, Gjoani, l'évêché des Poulati, gardait point du tout, et, moins encore, de s'attirer les où nous devons passer la nuit. Mais notre malheureux représailles que ne manquerait pas d'exercer contre lui, à son tour, la famille de celui qu'il aurait tué. lliaissa cawass commence à se lamenter; l'étroit sentier qui
serpente aux flancs de la montagne, en lacets irréguliers, sur un terrainglissant, est dangereuxpour le cavalier et sa monture; il s'est décidé à marcher derrière son cheval, mais il est vite fatigué par les pierres et les pointes calcaires qui hérissent le chemin, et nous suit, en sautillant, à quelques centaines de mètres. Comme nous nous sommes arrêtés tous pour l'attendre, il nous rejoint enfin; mais c'est pour s'effondrer, épuisé et geignant, sur un rocher. « Ah gémit-il, cawass morto, cawass morto! » Mais nous n'avons pas le temps d'écouter ses doléances; ilfaut nous hâter. Déjà la nuit est venue, et nous sommes loin encore de Gjoani. Au bas de la pente que nous descendons, un torrent à traverser point de pont, bien entendu. Cette absence de routes et de ponts « fait la meilleure défense de ces contrées sauvages et indépendantes »; mais le touriste, aventuré en ces montagnes, serait, quant à lui, parfois tenté de la déplorer, s'il ne réfléchissait qu'il faut bien acheter de quelques
inconvénients l'agré-
ment du pittoresque et de l'imprévu. Nous traversons le torrent, dans
l' 0 b sc u ri té.
j'allais dire à tâtons. Notre guide passe le premier,
sautant
de
roche
en
roche; et nous derrière lui, sans trop savoir où ni comment nous nous rattraperons. Nous voici enfin, éclaboussés d'écume, coudes et genoux endoloris, sur l'autre rive. Il reste à gagner l'église, située au haut de la colline. De nouveau, nous montonssous bois, cherchant, cette fois, le sentier à la lueur
c'est un village entier de la tribu des Skréli, qui déménage à l'approche des mois d'hiver, abandonnant les sommets pour gagner la plaine. Les hommes ont un type très particulier ils sont d'assez haute stature, sir
maigres et nerveux, mais semblent souples et résistants ils ont les yeux petits, le regard vif, le front aplati. Abondamment pourvus de cartouches, ils sont, sans exception, armés de fusils Martini et de revolvers. Tous, même les femmes et les enfants, portent un sac pesant; les femmes, tout en marchant, filent sur la quenouille la laine de leurs brebis; les enfants conduisent quelques petits chevaux, lourdement chargés, qui peinent dans ce mauvais sentier. Tous les montagnards s'arrêtent pour boire à la source d'eau glacée près de laquelle nous nous trouvons. Beaucoup nous adressent la parole, malheureusementen ce célèbre dialecte albanais, qui a ce caractère de ne ressembler à aucun des idiomes en
usage chez les nations
voisines, et d'être demeuré plein de mystères pour les philologues, et qui nous est entièrement inconnu. vigoureuses populations de la HauteCes
Albanie, au caractère sauvage et irréductible, retranchées dans leurs
montagnes, bien armées et sachant se servir à merveille deleurs armes,
pourraient défier les
gendarmes et les troupes turques; aussi ne
sont-ellesguère soumises que nominalement à la suzeraineté de la Porte. Tandis que les fonctionnaires du sultan exer-
cent effectivement leurs
pouvoirs dans l'Albanie méridionale, les tribus ENTRÉE DU COUVENT D~OSTROG. Des branches nous fouetde la Haute-Albanie sont tent la figure. Le cheval Photographie de MM. ArmagnaC et de Neufville. presque autonomes, ne bute contre des troncs paient pas d'impôts et ne sont généralement pas soud'arbre. Le cawass manque de tomber, le long de mises à l'obligation du service militaire. Ce qui les la pente assez raide, et de rouler jusqu'à la rivière. moins danrend peu dangereuses pour la Porte, Nous arrivons devant l'évêché; cris, appels. Un premier Père survient, enfin, qui. parlemente d'abord, prugereuses du moins qu'on le pourrait croire au c'est leur manque d'union, ce sont les luttes abord, demment, à travers la porte toujours close; et nous de perpétuelles qu'elles soutiennent les unes contre les l'interpeller dans un mélange d'italien et de latin et de autres. La configuration orographique de l'Albanie fait le tranquilliser sur nos intentions. Il ouvre, et nous pédes nétrons dans une salle basse où deux grands fauteuils, songer à une ruche aux nombreuses alvéoles dans vallées étroites et profondes, séparées par de très hautes de chaque côté d'un feu qui pétille, nous offrent un repos montagnes, des tribus ont pu s'installer et se dévelopmérité, cependant que déjà le « raki », emplissant les les per, qui appartenaientà des confessions différentes, verres, ranime, jusque chez le cawass, des énergies défaillantes. unes étant musulmanes, les autres catholiques romaines, d'autres grecques orthodoxes. A la moindre Comme, le lendemain, nous gagnons le village occasion, deux de ces tribus entrent en guerre; et il de Rioli, montant lentement sous le gros soleil une n'est pas rare de voir des villages entiers « en sang » pente interminable, nous apercevons tout à coup une l'un avec l'autre. longue caravane de montagnards, qui suivent la crête Sur les indications que nous avait données de la montagne et se dirigent du même côté que nous. M. Alric, nous retrouvions chez ces montagnards les Nous arrivons, avant eux, àune source devant laquelle traits les plus caractéristiques des héros d'Homère. ils doivent passer, et pouvons ainsi les examiner à loi-
d'allumettes bougies
C'est chez eux que le type grec semble, suivant M. Fouillée, s'être le mieux conservé les noms païens sont plus fréquents que les noms chrétiens; nation héroïque et cruelle, ils ont l'humeur guerrière et l'esprit batailleur; et la rudesse de leur vie n'ayant d'égal que la barbarie de leurs coutumes, « c'est dans l'Iliade et l'Odyssée, a pu écrire M. R. Dareste, que l'on trouve les analogies les plus frappantes du droit albanais. » Les détails de l'ameublement intérieur des maisons où nous pénétrions, nous rappelaient les descriptions du poète grec; seules, les armes s'étaient perfectionnées. Il n'est pas, nous a-t-on assuré, jusqu'aux injures qu'échangent les Albanais avec une réelle éloquence, qui n'évoquent le souvenir des duels en paroles de l'Atride et du fils de Pélée Par une gorge profonde et sauvage au milieu de laquelle coule un torrent qui doit l'emplir toute à la fonte des neiges, nous passons à Rioli, groupe de quelques maisons et quelques moulins échelonnés le long de la rivière, dans un riant vallon une église nous nous y dirigeons pour deman-
bras droit; ce sont deux Albanais, appartenant à deux tribus en sang, qui se rencontrent dans la campagne, et ne se reconnaissant pas tout d'abord, s'arrêtent, s'interrogent, puis commencent à tirer l'un sur l'autre, jusqu'à ce que l'un d'eux tombe mort; c'est un tout jeune homme qui, ayant vu assassiner son père, a fait le serment de venger ce meurtre sur tous les membres de la tribu des assassins qu'il rencontrerait, et, ne tenant la montagne que depuis deux ans, a fait déjà vingt-cinq victimes! Bref, il n'est question, partout, que de gens qui se tuent ou que l'on tue le meurtre est chose naturelle et semble vraiment constituer ici l' occu pation princi pale de la population; la vendetta incessante fait, dit-on,trois mille victimes, chaque année, dans la Haute-Albanie; le mot â~â~, qui veut dire sang et qui veut dire aussi vie, semble être le fond de la langue.
Nous quittons Scutari avant d'avoir subi l'influencequ'unséjour prolongé dans un tel milieu n'aurait sans doute pas manqué d'exercer sur
nous. Par Rieka et Cettinyé, nous ga-
der l'hospitalité. En l'absence du curé,
gnons Cattaro, où nous nous embarquons pourTrieste. L'harmonieux ber-
dom Luigi, nous sommes reçus par son père, vieillard accueillant, maiss bavard. Il nous conte longuement, en italien, toutes les aventures extraordinaires qui lui sont
cement des flots de l'Adriatique nous repose des
advenues durant sesvoyagesdans les
Balkans et en AsieMineure. je le vois
enc<Jre, mimant, pour être plus sûr
LA GRdNDE PLACE DE PODGORITZA.
Photographie de MB2. Armagr:ac et de lVeuwille.
que nous ne perdrions pas ainsi un mot de son récit, une attaque de brigands en Macédoine. Il joue tous les rôles, successivement le voyageur sur sa mule, les brigands, les paysans effrayés il se cache derrière une table, bondit par-dessus, saute sur son fusil et imite, d'une voix tonitruante, le bruit des détonations, se jette à terre pour faire le mort, se relève, va, vient, court, crie, gesticule. Puis ce sont des histoires de vendettas incidents, poursuites, meurtres, incendies et pillages. Et ce seront des histoires de vendettas, encore, chez l'évêque des Mirdites, dom Primo Dochi, qui nous racontera la mort, survenue il y a deux jours à Orosh, de quatre jeunes hommes, et aussi la mort de son neveu à lui, tué il y a quelque dix-huit mois, alors qu'il cherchait à réconcilier deux compatriotes « en sang ». Et des récits de vendettas, encore, toujours, chez la princesse des Mirdites, Margilla Bib Doda. C'est le compagnon de chasse du vice-consul d'Autriche-Hongrie qui vient de « gagner la montagne o c'est tel artisan mirdite qui ne peut travailler pendant un certain temps, parce qu'il a reçu une balle dans le
rudes
étapes de l'Albanie; et tandis que les côtes de la Dalmatie et de l'Istrie se déroulent à l'horizon, monotones et nues, nous évoquons une dernière fois le souvenir de ces con-
trées étranges,
sans chemins de fer, sans routes, sans voitures,. vivant encore de l'existence des temps féodaux, dont toute la population est armée, renfermant des tribus fanatiques et insoumises » ce pêle-mêle chatoyant de Musulmans, Turcs en fez et pantalons bouffants, Albanais en jupes blanches plissées, badauds bousculés par une patrouille cocasse de gendarmes déguenillés. Dans ces montagnes sauvages et lointaines, nous avons passé quelques journées pleines d'agrément et d'un charme tout particulier. Certes, la Haute-Albanie, où les difficultés du est un des voyage ne sont qu'un attrait de plus, rares coins d'Europe où l'on soit sûr de trouver encore, « loin de l'odieuse banalité des itinéraires à la mode », des horizons nouveaux, des moeurs pleines de saveur, des émotions fréquentes sans un véritable danger et des costumes éclatants. J. ARMAGNAC. cv
ferme, pour l'exploitation de cette ligne, que l'auteur a présentée, il y a deux mois. Le parcours de cette voie accuse un développe-
Nouveau projet de Chemin de fer à travers les Alpes. De Turin à Martigny. Simplon est loin encore d'être entièrement percé, et
la Coni-Nice, pour qui depuis si longtemps on fait la navette entre le quai d'Orsay et la Consulta, n'a pas encore reçu son premier coup de pioche, que déjà on parle de nouveaux chemins de fer traversant les Alpes. A vrai dire, les projets qui sont actuellement en gestation sont nombreux, même trop. Nous les laisserons donc dans les cartons des ingénieurs, et nous ne
rappellerons que celui qui, à notre avis, n'est pas condamné à moisir sous le dédain de la bureaucratie. Nous voulons parler d'un projet de chemin de fer reliant Turin et Martigny,
dans le Valais. De prime abord, con-
sidérant les trajets du mont Cenis, du Saint-Gothard et du Simplon, qui semblent suffire au trafic qu'ils sont destinés à desservir, on pourrait supposer la nouvelle ligne comme hors de propos et, par là, d'une utilité douteuse, l'intérêt
ment total de 157 kilomètres, avec une pente maxima de 5 pour ioo. La ligne, évoluant presque en entier au milieu des montagnes, la traction sera électrique on utilisera, à cet effet, des chutes d'eau pour la production. de l'énergie, en établissant de loin en loin des ateliers générateurs. Se détachant de la ligne qui relie Modane à Turin, la ligne traversera les plaines du Canavais jusqu'à Pont, d'où elle entrera dans la vallée de Rouco, et, au moyen d'une galerie creusée sous le massif du Grand Paradis, elle touchera le village de Cogne; de là, remontant à mi-côte le flanc de gauche de la vallée d'Aoste, elle passera successivement par Morgex, Pré-Saint-Didier et Courmayeur; de cette dernière localité, par un tunnel traversant le col Ferret, la ligne continuera sur le territoire suisse, longeant la Drance jusqu'à Martigny. Le chemin de fer Turin-Martigny aurait une réelle avance sur les autres lignes du mont Cenis, du Saint-Gothard et du Simplon, en ce qu'il écourterait les distances entre l'Italie du nord-ouest et les pays de l'Europe centrale. Voici un tableau de quelques-unes de ces distances. a)Turin-Lausannepar le Simplon 365 kilom. Turin-Lausanne par le mont
Cenis-
de l'exploitation paraissant
limité aux localités parcourues. D'un autre côté, le tracé, touchant à une région très mouvementée, nécessitera des oeuvres d'art conPROJET DE CHE"UN DE FER sidérables, et, partant, l'énorme capital que ce gigantesque travail exigera ne semble guère d'un placement très fructueux. Pour répondre à ces questions, il suffit de détailler le projet, et de faire valoir les réels avantages que cette nouvelle ligne de chemin de fer peut apporter aux échanges internationaux. L'auteur du projet est l'ingénieur Radcliff Ward, qui, après l'avoir étudié minutieusementsur le terrain, et après avoir soupesé avec prudence tous les problèmes qu'un ouvrage d'une pareille envergure ne peut manquer de soulever, tant pour la partie financière que pour les côtés non moins ardus de la stratégie et de la diplomatie après avoir longuement compulsé le pour et le contre, est convaincu que son projet est né viable. Une société financière vient de se former à ce sujet, et les plans ont été déposés auprès des corps intéressés et au ministère italien des Travaux publics. Le département et les communes du Piémont ont déjà assuré leur appui, et il est à espérer que le Gouvernement de Rome accèdera à la demande de concession à
)67 kilom.
Turin-Lausanne par Martigny. 224 kilom. Moindre parcours de 141 et de 14) kilomètres respec-
tivement. b)Gênes-Lausanne par
Milan.
458 kilom.
Gênes-Lausanne par Novare.. 420 kilom. Gênes-Lausanne par 383 kilom. Moindre parcours de 75 et 38 kilomètres. c) Savone-Lausanne par le 447 kilom. Savone-Lausanne par Turin-Martigny 368 kilom. Moindre parcours de 79 kilomètres. d)Turin-Bâle par le Saint-Gothard 479 kilom. Turin-Bâle par Martigny 417 kilom. Moindre parcours de 62 kilomètres. e) Turin-Paris par le mont 799 kilom. Turin-Paris par Martigny 749 kilom. Moindre parcours de 5o kilomètres. f)Vintimille-Gênes-Lausanne, par 609 kilom. Vintimille-Gênes-Lausanne, par le Simplon 555 kilom. Vintimille-Coni-Turin-Lausanne,par Martigny 395 kilom. Moindre parcours de 2 14 et 160 kilomètres.
ENTRE MARTIGNY ET TURIN.
Turin-Martigny.
Simplon.
Cenis. Milan.
Comme on le voit, ce projet de chemin de fer est capable d'améliorerd'une façon très sensible les relations commerciales, puisqu'il rapproche de beaucoup la Ligurie et le Piémont du nord-ouest européen. En outre, il a l'avantage de traverser des centres miniers de la plus haute importance, qui ne pouvaient jusqu'ici être exploités à cause du manque de moyens économiquesde transport. Le fer magnétique de Cogne,
métallurgistes, et jadis adopté par les arsenaux italiens, attirera certainement, grâce au chemin de fer passant tout près des gisements, l'attention des capitalistes, et peut-être la Société du chemin de fer s'en assurera la possession d'ores et déjà. si apprécié par les
Avec cette ligne, le Piémont se rapprochera de beaucoup des pays de l'Europe centrale et deviendra le centre de passage de toutes les marchandises et des voyageurs qui vont ou viennent de la France, de la Suède, de l'Angleterre et de l'Allemagne occidentale. Il est à espérer, en outre, que la malle des Indes choisira ce chemin, et qu'une grande partie du trafic du
port de Gênes y passera. Certes, il serait téméraire de vouloir, dès maintenant, ajouter une foi souveraine à la réalisation de ce projet; mais comme il est très sensé et possède de très bonnes raisons d'être accueilli, il est à croire que, dans un avenir plus ou moins lointain, ce sera un nouveau chef-d' œuvre du génie civil. J. BROCHEREL.
Le Culte des Morts en Coréel. E reviens à notre enterrement qui quitte la maison pour se rendre au cimetière choisi, près des tombes
des autres membres de la famille. Les Coréens doivent faire les funérailles des leurs le plus somptueusement possible, afin d'être agréables aux esprits, et les exemples de piété filiale montrent souvent des enfants se ruinant pour enterrer dignement et avec éclat leur père ou leur mère. Le cortège se forme à la tombée de la nuit, et, la plupart du temps, on passe la nuit en route, de façon à enterrer le mort le lendemain matin de bonne heure. Il se compose de la façon suivante 1 En avant, des hommes portant des torches allumées, et à droite et à gauche, tout le long de la procession, des serviteurs portant des lanternes de soie ou de gaze rouge et bleue, de grandes dimensions, dans lesquelles on brûle de la chandelle;
2° Lechefdelacérémonie,généralementàcheval; 3° Un serviteur portant une bannière sur laquelle
sont inscrits le nom du défunt et ses titres; 4° Une ligne transversale de porteurs de lanternes qui réunit les deux files latérales; 5° La chaise dans laquelle sont portées la tablette et la boîte de l'esprit (cette dernière est détruite quelques jours après la cérémonie). Cette chaise, portée par deux ou quatre serviteurs, est en bois ajouré et sculpté, avec un joli toit; le tout est décoré avec de menus ornements de papier ou de verre. A droite et à gauche de la chaise marchent des femmes esclaves de la famille, ou des servantes coiffées d'une énorme chevelure fausse. 6° Une seconde ligne transversale de porteurs de lanternes qui réunit les deux files latérales; 7° Le corbillard porté sur les épaules d'un i. Voir A Travers le Monde, n° 2.3, p. 177.
nombre de coolies variant de quatre à huit, seize, trente-deux, quarante-huit, et même soixante-quatre, pour les grands personnages et les rois. Les porteurs sont en deuil et marchent en cadence, en changeant l'allure de temps à autre ils sont le plus souvent ivres avant de partir, et effectuent cette corvée le plus gaiement du monde. Sur les brancards repose la chaise dans laquelle été placé le cercueil. Elle est de grandes dimensions, a avec une jolie toiture, et peinte de couleurs vives, de
des pendeloques de papier et de verroteries pendent tout autour des parois. Pour l'enterrement d'un grand personnage (pour celui de la reine Mine, en 1897, par exemple), des chevaux en carton précèdent le corbillard et sont également portés sur des brancards, à dos d'hommes, ou roulés sur des chars. Quelquefois ce sont des diables qui sont portés près du cercueil pour chasser les mauvais esprits du chemin. A droite et à gauche de la grande chaise mortuaire, des hommes portent des bannières sur lesquelles sont inscrites des poésies en l'honneur du défunt, des louanges sur sa vie, son caractère, sa famille. Ces bannières sont envoyées par les amis. 8° Vient le fils aîné, héritier des sacrifices, des offrandes à présenter à l'autel des tablettes ancestrales. Il est dans une chaise à porteurs carrée, dont les parois sont en toile de chanvre, et le toit recouvert d'un immense chapeau de paille; go Ensuite, à la file indienne, les chaises de deuil portant les autres membres de la famille du défunt, les parents, les amis, flanquées à droite et à gauche de serviteurs qui accompagnentleurs maîtres. Ouand le cortège approche de l'emplacement choisi, il est généralement très tard, et l'on passe la nuit près du tombeau; le corbillard est déposé sous un dais, et chacun s'en va se reposer dans des huttes préparées à cette occasion, ou dans les maisons du village voisin. De bon matin, le lendemain, la bannière, qui porte le nom du mort, est placée sur la bière, que l'on apporte au-dessus de la fosse. Quand la bière est au fond, on la recouvre d'une étoffe de soie noire et d'un plancher; puis le trou est comblé avec un mélange de terre et de chaux. Alors le chef de la cérémonie annonce à l'esprit de la montagne qu'un homme est enterré là; une stèle (tchi-sok) est élevée en avant du elle porte le nom du défunt. Une autre, tombeau semblable, est enterrée en avant de la tombe et sert à remplacer l'autre au cas où elle disparaîtrait. On annonce au mort que sa tablette sera remportée avec précaution à la maison; on récite des prières qui marquent la fin de la cérémonie funèbre. Quand un fonctionnaire est en deuil de père ou de mère, il ne peut exercer sa profession; aussi voit-on de pauvres Coréens en deuil de leurs parents, réduits pendant trois années à la misère noire, car, quoique nobles yang-bancs », ils n'en sont pas moins pauvres, le plus souvent. Il arrive, cependant, pour certains fonctionnaires indispensables, tels que postiers, télégraphistes, interprètes, que l'Empereur les autorise à ne porter le deuil que pendant un certain nombre de jours; le décret autorisant ces fonctionnaires est imprimé dans la Ga.~ette officielle. dessins multicolores
J'ai dit déjà que le seul qui ait le droit dans la famille de présenter les offrandes aux morts et à leurs tablettes, est le fils, le fils aîné, s'il y en a plusieurs. Quand il n'y a pas de fils, le père, avant de mourir,
adopte un garçon quelconque, et cette simple adoption donne tous les droits du fils légitime au jeune homme ainsi choisi, qui fait les sacrifices aux tablettes comme si c'étaient celles de sa propre famille. Au printemps de chaque année, pendant le troisième mois, a lieu une fête des morts. Les Coréens visitent leurs tombeaux, arrangent le gazon et offrent sur place un sacrifice, soit sur la pierre qui se trouve devant chaque grande tombe, soit à terre pour les tombes modestes. De même au milieu de l'automne, le quinzième jour du huitième mois, et dans le neuvième et le dixième, on offre encore aux morts des aliments que l'on dépose sur la tombe. A Séoul, aux époques de ces visites aux morts, les collines environnantes, couvertes de tombes, offrent un coup d'oeil peu banal; des légions de Coréens, de Coréennes, d'enfants aux vêtements blancs, bleus, verts et rouges, se répandent partout sur les mamelons à la recherche de leurs ancêtres, les bras chargés de fleurs ou de fruits selon la saison, et le soleil éclairant ces théories de couleurs vives dans un cadre de verdure, fait de ces journées des morts les plus gaies, les plus impressionnantes même pour l'Européen habitué déjà aux coutumes du pays. Après le deuxième anniversaire de la mort, après les offrandes aux tablettes, a lieu un autre sacrifice spécial pour que les enfants du défunt puissent mettre le chapeau blanc de deuil qu'ils garderont pendant trois mois à partir de ce deuxième anniversaire; pendant le quatrième mois, ils porteront le chapeau noirci à l'encre de Chine, et, après ce délai, ils quittent tout à fait le vêtement de deuil. Pour les deuils ordinaires'autres que ceux des parents, il n'y a pas de cérémonie spéciale; pour les cousins, oncles, etc., on porte le deuil simplement avec le chapeau blanc et la ceinture en toile de
chanvre.
Les fonctionnaires en service autorisé mettent simplement une ceinture de soie blanche, la toile de chanvre n'étant pas admise dans les offices publics ou les ministères. En dehors des sacrifices aux ancêtres, aux pa-
rents, il y a de nombreux sacrifices ordonnés à la moindre occasion, tantôt à Bouddha, tantôt aux diables, tantôt à la tablette d'un roi ou d'une reine, pour demander une foule de services.
Au Palais impérial, ces cérémonies sont très fréquentes et entraînent de grosses dépenses dont profitent surtout les eunuques ou les serviteurs de l'en-
tourage impérial.
Dans les cortèges d'enterrement on place quelquefois, à côté de-la chaise portant la tablette en soie, des mannequins à face de diable, généralement grotesques, de couleur rouge; la signification est que l'esprit du mal a peur des faces rouges difformes, à l'expression cruelle, de ce que le Coréen appelle les « fausses figures )~, et la présence de ces mannequins aux funérailles éloignera le diable. BOURDARET.
L'Armée et la Flotte de la Ravssie. Composition et Répartition en 1904. Avec un appendice l'Armée de Mandcbourie. 1 vol. in-8°, avec 3 planches in-folio, broché. BergerLevrault et Cie, éditeurs, 5, rue des Beaux-Arts, Paris. Prix 2 francs. travail très consciencieux ne saurait venir plus à point, en ce moment où le conflit russo-japonais entre dans sa phase aiguë. On y trouve un aperçu très clair et très détaillé de l'état, au ter avril, du formidable ensemble de l'armée russe avec sa répartition en 33 corps d'armée. La flotte de la Russie est traitée dans le même ordre d'idées, et la partie qui lui est consacrée en expose, en cinq chapitres, le budget, le recrutement, le commandement, l'état au te`' avril; les bâtiments en construction sont également indiqués. La dernière partie est consacrée à l'armée de Mandchourie, qui offre naturellement, dans les conditions actuelles, l'intérêt le plus immédiat sa composition et ses effectifs sont établis d'après les données les plus récentes et les plus certaines.
C
Les Armées et les Flottes militaires de tous les Etats du Monde. Composition et Répartition en 1904. Brochure
in-8°. Berger-Levrault et Cie, éditeurs, 5, rue des BeauxArts, Paris. Prix 1 franc. LES ouvrages destinés à faire connaître l'organisation des grandes armées ne font assurément défaut dans aucun pays; mais il n'en existe guère qui embrassent les forces militaires et maritimes de tous les Etats du Monde, petits et grands, et il en est encore moins qui soient tenus soigneusement au courant des modifications continuellementapportées à leur constitution et à leur répartition. La brochure en question présente à tous, c'est-à-dire aux civils en même temps qu'aux militaires, un résumé précis, clair et complet dans sa concision indispensable, de l' « état militaire » de tous les pays, tant européens qu'extraeuropéens. Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance et l'intérêt d'une semblable publication, au moment où vient d'éclater un conflit qui trouble profondément la paix du monde.
Georges Lecointe, directeur scientifique
à l'Observatoire royal de Belgique, commandanten second de l'expédition. Au Pays des MancTiots. Récit du voyage de la Belgica (expédition antarctique belge). 1 vol. in-8°. Bruxelles, Oscar Schepens et Cie, rue Treurenberg, 16. Prix 5 francs.
Comte Rodolphe Festetics de Tolne,.
Vers l'écueil de Minicoy. Après huit ans dans l'océan Pacifique et Indien à bord du yacht « le Tolna ». 1 vol. in-8~. Prix broché, 20 francs; relié, 27 francs. Sous le titre Che;< les Cannibales, paraissait, il y a quelques mois, la première partie d'une véritable odyssée de huit années à travers le Pacifique, accomplie sur un simple petit bâtiment à voiles par un jeune officier qui porte un des noms les plus illustres de la Hongrie. Nous en avons rendu compte. Dans son nouveau et très captivant volume Vers d'écueil de Minicoy, le comte Festetics reprend son récit à l'île de Bougainville, dont il est le premier et le seul à avoir doublé la côte Est. Sinaï, le cap Saint-Georges, HerbertshÕhe et Matoupi, Nouvelle-Irlande, l'archipel Bismarck et Nouvelle-Hanovre, les îles de l'Amirauté, furent, jusqu'au Japon, ses principales escales. Mais cette longue flnszerie à travers les mers devait se terminer par un véritable drame sur le rocher de Minicoy, où faillirent sombrer, avec l'élégante goélette, les riches collections glanées en cours de route. Une abondante moisson de photographies ajoute à ce livre amusant un attrait de vie et d'authenticité; il est d'autre part si sérieusement documenté que ceux qui y voudront chercher des renseignements en matière de géographie, d'ethnologie, d'anthropologie ou de sociologie, y trouveront, eux aussi, plaisir et profit.
Pour le Voyageur-Collectionneur. Récolte et Conservation des Méduses. VOICIune collection qui ne manque pas s'en doute au-dessous de son corps et aussi éviter de les toucher, car leur con-
d'originalité et que nous recommandons à ceux de nos lecteurs que les fortes chaleurs appelleront au bord de la mer. Les méduses, si elles sont d'un contact un peu répugnant, comptent au .nombre des plus beaux animaux de la mer, et les collectionneurs regrettaient autrefois de ne pouvoir les conserver. Quand on les plaçait dans l'alcool, elles se ratatinaient,se desséchaient, perdaient leur transparence en même temps que leurs belles couleurs, et, finalement, ne ressemblaient plus à rien. Aujourd'hui, les procédés de conservation sont, sinon parfaits, du moins très perfectionnés, et, en collection, les méduses sont presque aussi jolies qu'à l'état naturel. GRANDES MÉDUSES
Les méduses de grande taille habitent la mer et sont essentiellement des
espèces de surface. On sait qu'elles sont formées essentiellementd'une sorte d'ombrelle transparente,gélatineuse,ornées de tentacules sur le bord et souvent de taches brillamment colorées. Au centre, à la partie inférieure, se montre une sorte de battant de cloche terminé par des tentacules souvent très frisés. La gélatine qui forme le corps des méduses est tantôt transparente comme du cristal, tantôt teintée uniformément de couleurs pâles, de bleu par exemple, quelquefois phosphorescente. Elles sont souvent volumineuses les rhizostomes de 5° à 80 centimètres de diamètres ne sont pas rares, et l'on cite une espèce, la Cya~aea artica, qui peut dépasser 2 mètres de largeur, avec des tentacules de 4° mètres de lon-
gueur.
Ces méduses, malgré leur aspect
placide, sont d'humeur très voyageuse. Une année, par exemple, on en trouvera beaucoup dans un endroit déterminé, alors que, l'année précédente, il n'y en avait pas une seule c'est que, dans l'intervalle, elles se sont offert un petit voyage circulaire. Si elles flottent à la surface de la mer, d'ailleurs, cela ne veut pas dire qu'elles se laissent entraîner n'importe où au gré des vagues. Elles nagent fort bien en se couchant un peu sur le côté et en effectuant de larges mouvements de contraction et de dilatation qui leur a valu des marins le nom de « poumons de mer ». La récolte de ces méduses n'offre grande difficulté. On en trouve soupas vent rejetées par le flot sur les plages; mais, alors, elles sont plus ou moins détériorées. Il vaut mieux aller les chercher dans leur habitat naturel. Pour cela, on frète une barque et l'on va se promener dans les ports ou en pleine mer. Quand on voit une méduse nager à la surface, on la capture avec un filet à crevettes placé au-dessous d'elle, ou, ce qui est bien préférable, en la prenant à l'aide d'une cuvette que l'on glisse sans qu'elle
que l'on soulève lentement, sans à-coups. tact est souvent très douloureux, parfois De la sorte, on a de beaux échantillons même dangereux. bien entiers. 11 faut éviter de les toucher avec les doigts, parce que certaines y MORT DES MÉDUSES produisent une sorte de brûlure fort désagréable. Donnons maintenant, d'après M. Charles Gravier, assistant au Muséum, PETITES MÉDUSES quelques conseils pour tuer et conserver A côté. de ces grandes méduses, il y tous ces bijoux vivants. Les méduses de grande taille et de en a beaucoup d'autres qui sont de petite taille, par exemple de celle d'une pièce de petite taille se préparent de la même façon. 1 franc, de 50 centimes et même moins. On les tue en versant dans le réciCes petits bijoux sont en général peu ornés de tentacules, mais possèdent souvent pient qui les contient une faible dose de des points colorés sous le bord de l'om- formol(aldéhydeformique à40 pour 100); brelle. Elles nagent aussi à la surface de elles meurent en général fort bien étalées. la mer, mais elles sont si petites et si On peut les laisser pendant quelque temps transparentes, qu'elles y sont absolu- dans le formol à 5 pour 100. Finalement, ment invisibles. Pour les récolter, placé il faut les placer dans l'alcool à 7o degrés, dans une barque marchant lentement, après les avoir lavées à l'eau pure, puis on laisse traîner à la surface de l'eau passées successivement dans l'alcool à un filet en forme de bonnet de coton 3o degrés, à 45 degrés et à 70 degrés. et fait d'une fine mousseline. Au bout Pour éviter les déformations de l'omde quelques minutes de trainage, on brelle, il est bon de faire passer sous retire le filet de l'eau et on le retourne cette dernière quelques flotteurs en verre dans une cuvette pleine d'eau de mer. de dimensions appropriées. On agite un peu la mousseline pour en détacher tout ce qui peut y adhérer et, z1 ~CONSERVATION _t3-' bientôt, dans la cuvette, on voit flotter, Les siphonophores, à cause de la à côté de beaucoup d'autres animaux, de contractilité et de la fragilité de leurs délicieuses petites méduses. colonies sont, en général, plus difficiles à préparer. L'opération, pour être menée SIPHONOPHORES à bien, demande beaucoup de précautions Au nombre des méduses, on peut et d'adresse. Lorsque l'animal, qui doit compter les siphonophores qui en sont être isolé, a sensiblement repris ses diles petits-cousins. La plupart sont très mensions normales, on le tue en versant allongés et présentent des ornements dans le récipient qui le contient un méd'une variété inouïe filaments pêcheurs lange de sulfate de cuivre et de sublimé garnis de franges innombrables, flotteurs corrosif (bichlorure de mercure); le voremplis d'air, sacs bourrés cl'oeufs, outres lume de ce mélange doit être égal à celui servant à la digestion, boucliers pour de l'eau de mer dans laquelle se trouve les défendre, etc., le tout transparent le siphonophore. On ne laisse ce dernier comme le plus pur cristal. « Bien peu que quelques minutes dans ce réactif; d'animaux marins, dit M. Edmond Perrier, puis on le transporte avec une cuillère ou excitent l'étonnement au même degré que avec une spatule dans de l'alcool faible à les siphonophores; bien peu offrent des 35 5 degrés, où on le laisse pendant deux formes aussi capricieuses, aussi variées, heures environ; avant que les tissus ne aussi inattendues. Qu'on imagine de véri- soient devenus rigides, on peut étendre tables lustres vivants, laissant flotter non- les diverses parties avec une pince fine. chalamment leur mille pendeloques au Pour changer le liquide renfermé dans gré des molles ondulations d'une mer les cloches natatoires, on doit, au besoin, tranquille, repliant sur eux-mêmes leurs recourir aux injections à l'aide d'une fine trésors de pur cristal, de rubis, de saphirs, seringue de Pravaz. Une légère compresd'émeraudes, ou les égrenant de toutes sion suffit pour chasser les bulles d'eau parts, comme s'ils laissaient tomber de qui peuvent s'accumulerà leur intérieur. leur sein une pluie de pierres précieuses, Après deux heures environ de séjour dans chatoyant des innombrables reflets de l'alcool à 35 5 degrés, on porte les pièces l'arc-en-ciel, montrant en un instant à dans l'alcool à 7° degrés. l'œil ébloui les aspects les plus divers; Le Muséum d'histoire naturelle de tels sont ces êtres merveilleux, bijoux Paris a reçu de Basse-Californie,dans le animés que l'on croirait fraîchement sortis formol, des siphonophores de divers de l'écrin de quelque reine de l'Océan. » genres, un peu contractés, mais en bon Les siphonophores flottent à la état de conservation. Il est fort possible surface de la mer, où, avec un peu d'ha- qu'on puisse simplifier la méthode indibitude, on finit par les reconnaître à leurs quée ci-dessus, et procéder pour les siphotons irisés et à leurs taches colorées. On nophores comme pour les méduses, c'estles récolte en glissant sous eux une à-dire en les tuant directement avec le cuvette et en les soulevant très lentement. formol. Ils sont d'une extrême fragilité. Il faut HENRI COUPIN.
Notes sur la Mandchourie. La guerre a le~rivilège de
apprendre la géogvaphie. C'est une faible corn~ensatio~c aux horreurs qu'elle ents·aîne encore faut-il en profiter. ~uelques mois de conflit ont plus fait pour la connaissance de la Mandchourie que des années de ~aix; une moisson de notes et de documents a surgi, à laquelle nous apportons un nouveau tribast. ~roacs
primitifdu pays. Le chemin de fer, encombré de ChiIL y a quelques mois, la Mandchourie était à peine nois empilés avec leurs bagages et leurs animaux, a soupçonnée. On savait vaguement d'elle que c'était beaucoup d'originalité, mais c'est un phénomène nouune province du vaste Empire Chinois, située bien loin, en un coin perdu du monde, qu'elle était d'un veau, accidentel, surajouté à la vie normale de la accès très difficile, et c'était tout. contrée. Notre imagination complaisante y Pour bien pénétrer la Mandchourie, il faut se servir d'un voyait peut-être encore des hordes guerrières et aventurières, petitesmoyen de transport moins connièces de celles que traînèrent jadis fortable et moins rapide le cheval à leur suite Attila, Timour et ou la charrette indigène. Ce véhiGengis-Khan. cule sans ressorts affronte tous Mais depuis que la grosse les obstacles, brave toutes les ornières, mais meurtrit horrivoix du canon a parlé, tout a changé. Chacun s'est nanti d'une blement par ses cahots le malheureux touriste occidental, qui carte plus ou moins précise de n'a pas le rembourrage d'habits, l'Extrême-Orient, et maintenant l'insensibilité et la souplesse du les noms des principaux fleuves, la Tsoungari et le Liao-Ho, celui corps indispensables pour supdes montagnes, les Mo-Tien, ceux porter, sans risques de fractures de côtes ou de bras, les invraisemdes villes importantes n'ont plus blables secousses de cette robuste de secrets pour nous. Cette Mandchourie, hier et inélastique voiture. Le cheval est encore le meilleur moyen de encore sauvage, aujourd'hui théâlocomotion. Le poney du pays est tre d'une grande guerre, est maintrès résistant, sobre, pas élégant, tenant d'un accès facile. Il n'y a guère plus loin, grâce au Transsivelu comme un ourson, souvent bérie'n, de Moscou ou de Berlin à quinteux, mais parfaitement caMoukden, qu'il n'y avait de dispable, des mois durant, de faire tance, horairement parlant, de 5o et 6o kilomètres par jour. Inutile devous encombrer de Paris à Lisbonne, il y a un siècle. Le chemin de fer est certes fort bagages votre convoi doit être allégé le plus possible, car vous utile et agréable comme moyen de locomotion mais le voyageur aurez assez de difficultés à vaincre quand vous devrez traverser les qui aura traversé la Mandchourie, rivières ou suivre les chemins de dans les wagons de l'Est-chinois, montagne. ne pourra se flatter de connaître Le qualificatif de province le pays. Rapidement, autour de appliqué à la Mandchourie pourla ligne ferrée, s'établit une atJEUNE FEMME MANDCHOUE PORTANT LE CHIGNON a EN CORNES DE B~UF Il. rait faire supposer une modeste mosphère de quasi-civilisation océtendue de terre. Or, la Mandcidentale, qui dénature le cachet Photographie de M. J. du Taurat. A TRAVERS LE MONDE.
25 e LIV.
No
2).
18
Juin 1904.
chourie a deux fois la superficie de l'Espagne; elle est de 1/3 plus vaste que l'Allemagne ou l'AutricheHongrie. La Mandchourie est, par un haut plateau que continue le Gobi et la Terre des Herbes de la Mongolie orientale, partagée en deux régions distinctes, inclinées l'une vers le nord, l'autre vers le sud, la première ayant comme déversoir la Tsoungari, la seconde le
Liao-Ho. La Terre des Herbes est curieuse un moment, mais devient rapidement monotone. C'est devant vos yeux le déroulement sans fin de longues ondulations de verdure. Un silence de mort y règne le sol résonne sous le pas nerveux de votre poney. Çà et là, quelques pistes, tracées dans les hautes herbes par le passage de troupeaux de chevreuils ou d'antilopes. Quelquefois, la monotonie de l'horizon sera rompue par
l'émergence d'un obo, autel rustique, fait de pierres amoncelées, devant lequel de pieux voyageurs viennent réciter des prières et brûler des bâtonnets odoriférants à quelque divinité du lasnaïszne. Le versant nord, tributaire de la Tsoungari, la Rivière de lait », est une région sibérienne comme climat, flore et faune. La région est montagneuse, parfois volcanique, et les Ponts et Chaussées russes auront un jour fort à faire pour y établir de bonnes routes.
Le versant sud, éminemment agricole, rappelle tout à fait la Chine du Nord. Même dans cette région, le froid est très rigoureux, et il m'a été raconté par
des missionnaires que souvent, durant l'hiver, il arrive que, à la suite d'un violent coup de vent du nord, des convois entiers, bêtes et gens, sont tués par le froid. L'été, en revanche, est très chaud. Il faut que le voyageur, en Mandchourie, ne se montre pas trop exigeant. Les hôtelleries y sont rares, et celles qu'on rencontre sur sa route sont bien misérables. Il faut avoir avec soi son lit, sa cuvette, sa batterie de cuisine. Le pays est assez richement pourvu de volailles et de légumes pour qu'on puisse manger à sa faim, et même assez bien, si l'on a un boy stylé. Une grosse question pour le touriste est la traversée des rivières. Les ponts n'existent pas. Quand il y a un gué, rien n'est plus simple en apparence. Je dis en apparence, car souvent le gué a été rendu dangereux par les riverains, qui ont creusé des trous dans lesquels bêtes et gens disparaîtraient, s'ils n'ont pas la précaution de prendre comme pilotes ces ingénieux indigènes. Souvent il y a un bac, mais seulement pour les voyageurs. Les animaux, débarrassés de leur chargement, sont poussés à l'eau et suivent le bateau, à moins que quelques indigènes encore n'exercent la profession de conducteurs à la nage des bêtet Leur concours est parfois très nécessaire, et ils en profitent pour écorcher leur obligé. La population de la Mandchourie est turbulente, peu estimée et même 'redoutée des paisibles Chinois du Nord. La Mandchourie, depuis longtemps, est un pays de bannissement et de déportation. Aussi les sociétés secrètes y sont-elles très florissantes, surtout celle du Tsaé-li-ti (Nénuphar blanc). Lors du grand mouvement de 1900, les Boxeurs et toutes les sectes anti-étrangères et anti-dynastiques s'y sont livrées à toutes sortes d'atrocités et de fantaisies criminelles,
dont les missionnaires, les églises, les chrétiens, le chemin de fer principal -ment ont été les victimes. Le brigandage existe à l'état d'institution régulière, pratiquéindividuellementou par des bandes organisées et armées la moderne. Les voyageursinoffensifs, sont détroussés par ces audacieux pillards. Parfois, on rencontre des convois aux charrettes garnies de vieux mousquets, passant par des trous faits dans les nattes qui les recouvrent les charretiers espèrent, par cet apparat d'armes, effrayer les voleurs. Peine perdue, en général. Les brigands arrivent à l'improviste « Si vous tirez, vous êtes morts Payez plutôt » Et le plus sage est de payer. Aussi le Chinois, être éminemment pratique, a-t-il compris que, puisque l'autorité était incapable de purger le pays de ces bandes de malandrins, il fallait faire quelque chose pour se garantir. De là les assurances contre le pillage, faites dans les auberges, en cours de route les atibergistes sont de connivence avec les voleurs. Ils demandent un pourcentage de prime très élevé mais l'assuré y trouve encore son avantage. On ne rencontre pas en Mandchourie de ces grosses agglomérations humaines, renfermant des millions d'habitants, comme cela se voit en Chine. Les grandes villes sont clairsemées et encore leur population est-elle peu considérable. La ville la plus importante est Moukden, la « Florissante », la ville sainte, parce qu'elle renferme les tombeaux des premiers empereurs de la dynastie actuelle et des monastères fameux. Moukden est un petit Pékin mêmes hautes murailles, surmontées d'imposantes tours à trois étages de toiture, mêmes avenues larges et droites, se coupant perpendiculairement,même saleté, mêmes odeurs, et surtout même poussière. De Moukden et de la Mandchourie est partie la poignée de guerriers audacieux qui, en 1644, renversa la dynastie chinoise des Mings et s'empara du trône de la Terre Fleurie. Le Céleste Empire devint une colonie mandchoue. Mais la conquête tua le vainqueur. Les Mandchoux se vautrèrent en quelque sorte sur la Chine, jouirent à satiété de leur triomphe. Peu à peu, sans bruit, la Chine absorbait son farouche vainqueur, le transformait, l'émasculait et, en moins d'un siècle, le « chinoisait ». Aujourd'hui, le Mandchou ne se distingue plus du Chinois il a pris ses mœurs, sa langue. Son propre idiome est devenu une sorte de langue morte que seuls parlent les souverains et les princes. De la conquête mandchoue, rien ne subsiste, si ce n'est la natte de cheveux imposée aux vaincus. Si le Mandchou ne se distingue pas du Chinois, la femme mandchoue se distingue, elle, de la femme chinoise. Elle est, en général, un peu plus grande, n'a pas les pieds déformés, mais surtout elle porte une coiffure très caractéristique ses cheveux sont enroulés
autour d'une barre d'argent placée transversalement sur le sommet de la tête, formant le « chignon en cornes de bœuf ». Les villages qu'on traverse sont pauvres misérables agglomérations de maisonnettes en terre battue, souvent abritées derrière les moindres replis de terrain, pour les protéger du terrible vent de Sibérie. Les maisons écartées, dont beaucoup sont
vraies huttes, sont presque toujours entourées d'un mur de terre, protection contre les brigands. Les habitants de ces pauvres demeures sont d'une saleté répugnante. Ils ne se lavent jamais. Aux premiers froids, ils calfeutrent les ouvertures de leur mieux, et fenêtres et portes s'ouvriront le moins possible pendant quatre mois. Une famille nombreuse s'entasse dans deux petites chambres; aussi ces habit tations sont-elles propices au développement de toutes sortes de maladies, comme la variole et le typhus. La Mandchourie du Nord est très riche ou plutôsera très riche grâce à ses forêts le jour où elles pourront être exploitées. A l'heure présente, elles sont surtout riches en fauves, tigres, panthères, qui rendent particulièrement dangereuse la cueillette d'une plante fort précieuse, de
dant, les riverains de certaines de ces rivières, connues ° pour leur propension aux grandes inondations, sont dispensés de certains impôts. Un revenu important de la Mandchourie est la culture du lin-coton. Celui-ci, par fermentation,donne un liquide, la soya, très employé comme condiment par les indigènes, et qui forme, d'ailleurs, la base de
la célèbre Worcester Sauce anglaise. Le résidu, exprimé, sert à la confection de tourteaux excellents pour l'ali-
mentation des animaux. Le pavot, le tabac, l'indigo sont également très cultivés. Enfin, l'élevage du cheval, mais surtout celui du cochon et de la chèvre, se font sur une grande échelle. Il y a beaucoup de fourrures en Mandchourie Moukden en est le grand marché. La Mandchourie est donc un pays à exploiter.
HUTTE DE PAYSANS AVEC SON REMPART DE TERRE, PROTECTION CONTRE LES BRIGANDS.
Photographie communiquée par M. J. du Taurat.
dont les racines se paient, en Chine et en Corée, dix fois leur poids d'or, le célèbre gin-seng, doué de vertus toniques reconstituantes, vivifiantes, bien supérieures à la meilleure eau de jouvence! Les montagnes renfermeraient du charbon, du fer, du cuivre. Il y aurait de l'or. Mais toutes ces richesses demanderont à être exploitées, et les Russes n'auront pas à se plaindre de leur part si, à la suite de la guerre, la Mandchourie leur appartient. La Mandchourie du Sud est le pays agricole par excellence. Son sol est très riche, une épaisse couche fertilisante ayant été déposée par les diverses rivières, dont le cours, grâce au déboisement systématique du pays, est soumis à tous les caprices. Les rivières changent de direction, quittent leur lit, inondant de très grandes surfaces de territoires, noyant des centaines de familles, détruisant villages et récoltes. L'autorité constate le fait et ne fait rien pour y remédier.; cepen-
A qui incombera cette mission? Les vieux procédés chinois continueront-ilsà y être appliqués? La Russie
y introduira-t-elledes procédés plus modernes? Voilà
une question dont la guerre va momentanément retarder la solution. JACQUES DU TAURAT.
Les derniers Indiens
d'Amérique.
UNE députation des Ogalala-Sioux s'est rendue dernièrement à Washington pour se plaindre du manque de loyauté du Gouvernementàleur égard. Ils
sont allés présenter leurs hommages au président Roosevelt et lui ont raconté qu'ils possédaient 40 000 chevaux et autant de têtes de bétail. Le président leur a conseillé de se défaire des chevaux et d'acheter du béde renoncer au jeu et aux paris et de se consacrer à l'agriculture. Ceux qui connaissent les Indiens estiment que ces conseils pourront difficilement être
tail
suivis.
Parmi les Ogalala, raconte le journal de Genève, vit encore un vieillard de quatre-vingt-cinq ans, le Nuage-Rouge, qui a été un des plus célèbres chefs des Indiens. Les deux autres sont l'Apache Geronimo et 10sé, de la tribu des Nez-Percés. Ils existent effectivement ce ne sont pas des personnages échappés d'un roman de F. Cooper. Le Nuage-Rouge a pris une part importante au massacre du général Custers et de ses 200 soldats, à Little Big Horn, dans le Montana, en 1876.
Les Sioux constituent la plus grande tribu in-
dienne de l'Amérique du Nord. On en compte encore 24000. En 1868, ils furent circonscrits au sud du Dakota, à l'est du Missouri; mais lorsque en 1875 on découvrait 't aventuriers des mines d'or dans les Black-Hills, les firent irruption de tous les côtés. Ce fut la cause d'une guerre, au cours de laquelle le général Custers fut tué, et les Sioux perdirent les Black-Hills. En 1879, les Sioux durent abandonner la moitié de leur pays, et les deux réserves du nord furent séparées de celles du sud par une bande de terrain destinée aux émigrants. Enfin, en 1880, une épizootie qui fit mourir tous les
buffles, de mauvaises récoltes, des épidémies et la diminution des rations de viande, fixées par le pacte avec le Gouvernement, causèrent une grande excitation parmi les Indiens. Des agents du Gouvernement demandèrent des troupes. C'est alors que le célèbre chef, Sitting Bull, fut tué dans la réserve de Standing-Rock. Trois cents Indiens franchirent les limites de leur territoire et marchèrent sur Pine-Ridge. Le Gouvernement
ordonna leur désarmement. Il en résulta une terrible mêlée. Tous les Indiens et trente soldats américains furent tués. Pauvre race Malheureuses victimesd'une civilisation qui s'étend sans mesure; derniers vestiges d'un peuple, qui ne sera bientôt plus qu'un souvenir!
Le Chemin de fer de Kayes au
Niger.
Achèvement du
Tronçon Kita-Bammako.
LA ligne ferrée du Niger, entre Kayes et Bammako, est aujourd'hui terminée; la première locomotive remorquant un train de matériel est arrivée à Bammako le ig mai. Chaque jour, depuis lors, un ou plusieurs trains partent de Kayes pour l'extrémité de la ligne, chargés de marchandises, de matériel de chemin de fer et de
voyageurs indigènes. Une fois par semaine, et plus souvent s'il le faut, un train transporte les Européens montant vers le Niger. La distance entre Kayes et Kita, située aux deux tiers du parcours total (3 co kilomètres), est trop considérable pour être franchie en un jour, car on ne voyage pas la nuit. On part à 6 heures du matin de Kayes pour arriver à 5 heures du soir à Tukoto, au 238" kilomètre. Un hôtel, construit par le service du chemin de fer et presque terminé, abritera bientôt, pendant la nuit, les voyageurs encore forcés de camper dans des cases assez primitives. Le lendemain matin, on part à 6 heures, et on arrive à Kita à 9 heures pour être à Bammako le soir.
Bien qu'atteignant dès à présent le Niger à Bammako, la ligne, on le sait, doit être prolongée jusqu'à Kulikoro, c'est-à-dire à 55 kilomètres plus bas sur le fleuve, de manière à épargner à la navigation vers Timbouctoules rapides de Sotouba. Cette dernière sec-
tion elle-même sera bientôt achevée, sous la direction du colonel Rougier et du commandant Guigne. Lorsque la voie ferrée aura atteint Kulikoro, le trajet de Kayes au Niger s'effectuera de la façon suivante
i er j our Kayes-Tukoto(240kilomètres);2ej jour: Tukoto-Bammako (26o kilomètres). Une navette entre Bammako et Kulikoro (5o kilomètres) permettra d'arriver à ce port dans la matinée du troisième jour. Un matériel de plus en plus confortable diminuera la fatigue du voyage sous le soleil tropical. La route suivie par le chemin de fer est des plus intéressantes.Lorsque l'on quitte les environsde Kayes, déboisés par la population et les services groupés dans ce poste, on est agréablement surpris de pénétrer dans une région mouvementée, couverte d'arbres, et de circuler entre des montagnes aux sites pittoresques. Le passage du Galugo, franchi près de son confluent avec le Sénégal sur un viaduc de 75 mètres de longueur et de 18 mètres de hauteur le pont de Mahina jeté sur le Bafing, au-dessus de Bafoulabé, où le Bakoy et le Bafing se réunissent pour former le Sénégal le pont de Tukoto sur le Bakoy, en amont du confluent du Bakoy et du'Baulé; la traversée du col de Manambugu, où l'on a dû faire dans le roc une tranchée de 800 mètres de longueur et dont la profondeur atteint 7 mètres, offrent un spectacle des plusattrayants. A la sortie de la tranchée, on se trouve en face d'un splendide panorama qui s'étend jusqu'à Kita; la descente du col de Néré, d'où l'on gagne le Niger et Bammako par la vallée du Farako n'est pas moins intéressante. L'on peut, sans exagération, envisager qu'un jour plus d'un touriste fera, pour son plaisir, l'excursion par chemin de fer de Kayes au Niger. Mais l'importance économique de la voie nounelle n'est plus à démontrer. Dans son intéressant ouvrage sur le Niger, voie ouverte à notre empire africaiv~ le capitaine Lenfant a parfaitementexposé tout le profit que l'on pourrait tirer de la navigation de cette grande artère de l'Afrique occidentale. La ligne KayesNiger complète, comme le feront encore d'autres lignes projetées ou en construction, le réseau des voies de pénétration dans le coeur du Soudan. 1.
Voir le Tour du Monde, t9o3.
Mais même ceux-ci ont une vie douce et luxueuse en comparaison de celle des Tibétains laïques, qui ont non seulement à leur payer des dîmes quatre fois par an, mais encore à les maintenir bien approvisionnés en nourriture cuite. Chaque matin, un certain
Les Moines et les Monastères du Tibet. LE mot monastère» évoque à l'esprit européen la
nombre de frères s'alignent sur chaque côté du chemin conduisant à leur lamaserie pour recevoir les offrandes des fidèles. Les dons plus ou moins volontaires de ces offrandes, avec le paiement régulier des dimes, paraissent être à peu près les seuls devoirs religieux qui soient dus ou accomplis par un Tibétain ou une Tibétaine laïques. Il est juste de dire que peu auraient le temps d'en faire plus, même s'ils en avaient l'envie, car, avec les demandes des lamaseries et les exactions des officiers temporels, tant tibétains que chinois, la vie de la généralité des com-
vision d'un bâtiment revêtu d'un caractère de dignité, ayant un très petit nombre de fenêtres sur une masse imposante de murs et dont les habitants possèdent toutes choses en commun. C'est une définition à laquelle le monastère tibétain ne ressemble en rien. Excepté dans l'enceinte proprement dite de la ville sainte de Lhassa, les grandes lamaseries, véritable merçants ou agriculteurs nom des monastères du tibétains est une vie de Tibet, forment des villages paiements continuels d'imentourés de murailles, sipôts et de labeur constant. tués dans une partie retirée 11 est à remarquer que, dans des districts auxquels ils cette vie, faite de fatigues et appartiennent individuellede privations, la femme a ment. Quelques-unes de ces la part la plus dure. lamaseries contiennent jusLe bouddhisme lamaïqu'à sept mille moines. Beaucoup en renferment de que ou tibétain d'aujourd'hui comprend deux secdeux mille à cinq mille!. tes bien distinctes l'une Ces chiffres paraisappelée la «Ghé-Luk-Pass», sent-ils excessifs? ils sont qui a le Dalaï-Lama comme pleinement justifiés par le chef et peut s'appeler la fait non moins invraisemreligion de l'État l'autre blable que. le douzième de appelée la « Gha-Luk-Pass», la population entière du qui détient une position pays est absorbé par le syscomparable à celle qu'avait tème monastique. Le troile méthodisme à son orisième fils dans chaque fagine, et pendant un laps de mille pauvre, le quatrième temps assez long. Le chef de dans chaque famille riche, celle-ci est un potentat heusont envoyés à la lamaserie reux de posséder le nom imcomme étant de trop dans posant de « Pen-Khinrhinbola vie de famille, et outre TiBÉTAIN~ LAMASERIE DE SO. LA MONASTERE UN Rhic», dontla traduction seles recrues régulièrement D'après une photographie. rait le Précieux, le Grand, fournies par ce moyen, il y le Maître, connaissant tout. a aussi les Tibétains qui se Il a la réputation d'être le frère du Dalaï-Lama, et il est font moines par choix ou vocation; d'autres encore certain qu'il a un pouvoir et une influence presque sont poussés dans cette.voie par les lamas, qui voient en aussi grands.que ceux de ce mystérieux personnage. eux des qualités susceptibles de rendre des services spéLes points précis de différence entre ces deux ciaux au bouddhisme ou aux communautésreligieuses. grandes sectes religieuses ne pourraient être expliqués Il n'y a pas de règle absolue pour la vie dans ces grandes lamaseries. Les moines qui ont des moyens que par un expert en théologie bouddhiste. Pour le profane, il n'existe aucune différence si ce n'est que personnels, ou qui détiennent des positions officielles, l'une est toujours vêtue de robes de couleur jaune ont des habitations à eux seuls et vivent aussi sompsafran, et l'autre de robes de couleur rouge vif. tueusement qu'il leur plaît. Ceux qui sont moins favoChaque lamaserie a son système particulier de risés par la fortune se contentent d'une petite chambre à la tête de chacune se trouve le gouvernement dans une habitation de plusieurs locataires, ou bien khang-bo » ou supérieur-général, qui est l'autorité viennent vivre avec les frères plus riches, en qualité cc suprême pour toutes les causes, tant spirituelles que de domestiques. temporelles, ayant trait à l'établissement. Immédiatel'organisamoines nombre des Comparer le et pour 1. ment après et d'un grade au-dessous se trouve le tion de ces énormes monastères Ge mont Athos, Tour du Monde, 1896, par M. de Nadaillac. « ghéshé » ou supérieur spirituel, qui surveille cons-
tamment et d'un œil vigilant les progrès accomplis par les étudiants novices, et détermine l'ordre dans lequel ils iront à Lhassa pour leur consécration. En plus de ces deux très importants ministres,
chaque lamaserie possède un préfet qui est responsable du maintien des règlements, un comptable qui a la gestion des finances et un maître de chapelle, dont le devoir est d'assurer la bonne instruction du choeur et de surveiller tout ce qui a trait au service de la pagode. Celle-ci est toujours placée exactement'au centre de chaque établissement monastique, et l'approche en est invariablement fermée par un portail
couvert, dont tout le tour de la toiture est garni de
moulins à prières. Ces cinq membres de l'administration sont tous élus par la communauté et pour une période de trois ans; à la fin de cette période, chacun doit rendre compte de sa gestion à la lamaserie, en général, et à son successeur,
Pour le premier degré monastique, le « ghéssa », le frère, doit simplement avoir fait un pèlerinage à Lhassa et avoir payé un droit de 2o taels. Mais pour obtenir le « gho-dong » ou second degré, il doit être à même de pouvoir lire et écrire un peu. Pour avoir le titre de « ghé-lung », vicaire, ou troisième degré, il doit être à même de pouvoir bien lire et écrire. Pour atteindre le titre de lama, il doit subir un examen de théologie et de connaissances générales, d'un caractère tellement difficile qu'à peine deux ou trois candidats sur mille s'en tirent avec succès.. Le droit minimum exigé de chaque candidat à ce titre est de 500 taels, et cedroit est un des moyens par lesquels Lhassa, la Rome du bouddhisme lamaïque ou tibétain, est
parvenueàs'enrichird'une manière dépassant tout ce que l'on peut imaginer. On comprendra
mieux, après ces quelques renseignements, le rôle considérable que jouent dans la campagne anglaise .du Tibet les lamas et les lamaseries. Les moines disciplinés et nombreux sont facilement convertis en
en particulier.
n'y a cependant que les trois ministres subalternes qui se voient Il
privés de leur emploiaprès ce laps de trois années. Les deux premiers emplois restent, en général, entre les mêmes mains pour plusieurs années, leurs détenteurs étant réélus
soldats
de vraies citadelles. Pendant les premiers mois
de l'expédition, les lamas mal équipés, mal préparés à une guerre qu'ils ne prévoyaient pas, se reposant sur leurs montagnes réputées inaccessibles du soin de les défendre, ont
plusieurs fois. Presque toute lamaserie d'une certaine grandeur ou importance possède son « Bouddha vivant » ou incarnation de Boudha, en la personne d'un prêtre d'une sainteté reconnueetauthentique, qui est regardé comme étant la « réincarnation de la Lumière d'Asie ». Mais il faut dire qu'à moins que les lamas ne soient gros-
leslamaseriessont
reculé progressivement devant l'envahisseur. Mais ils se sont res-
GROUPE DE LAMAS MENDIANTS (PREMIER DEGRÉ MONAS1IQUE).
D'après une photographie.
sièrement calomni'és par les laïques tibétains, il est à craindre que la majorité d'entre eux ne soient bien au-dessous du type de moralité et de spiritualité professées par le fondateur de leur croyance. Même en ce qui a trait au culte, beaucoup sont bien relâchés. Chaque matin, au lever du soleil, les moines sont appelés à la pagode au son du tambour, mais le nombre qui s'y assemble, comparé au nombre d'hommes de la lamaserie, démontre qu'une faible proportion seulement s'est crue obligée d'obéir aux appels faits pour la prière et les louanges. Le secret de la grande influence que les lamas ont sur les laïques, réside dans le fait qu'ils sont les
seules personnes du pays possédant une instruction quelconque.
saisis. Les pacifiques Tibétains ont délaissé le moulin à prières pour prendre le fusil, et dans cette guerre de montagnes les Anglais auront à faire bien des sacrifices d'hommes
et d'argent avant d'arrid'ailleurs rit déjà, d'ailleurs. ver à leur but. Ils l'éprouvent H. HAMSON.
L'Origine de l'Or au Klondyke. M. T. Obalski, chargé de missiove scievetifiyue, a visité, en igo3, les placers dit Klondyke. Il donne 'dans la Nature, sur l'origir.e dç l'or, daits ces rég ions glacées, des
renseignementsqui ajoutent un intéressant chapitre à l'ouvrage de M. Boillot Aux Mines d'or du Klondyke'.
L'oR du Klondyke est de l'or alluvionnaire; on le
trouve, sous une couche de boue glaciaire, mêlé à des graviers, et cela sur le sol rocheux du fond, le bed
rock. On a constaté aussi des traces de quartz aurifère,
maisles alluvions présentantplusd'avantages, lequartz est momentanément délaissé. Cet or alluvionnaire est
accompagné de cassitérite concrétionnée (étain de bois) et de sables n )irs constitués principalement par de la magnétite, de l'oligiste, du fer titané, du grenat, du rutile, etc. Quelquespépites sont recouvertes d'une couche d'oxyde de fer, ce qui les soustrait à l'amalgamation. L'origine de l'or au Klondyke est discutée, mais il semble possible d'admettre que le métal précieux provient de la désagrégation de filons de quartz aurifère transporté par les glaciers. Dans les temps géologiques, la topographie du pays était loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui des chaînons de hautes montagnesvolcaniques sillonnaient la région, comme actuellement,plus au sud, en Colombie britannique. Ces montagnes renfermaient de nombreux filons minéralisés et notamment des filons de quartz aurifère. Ces hautes montagnes, constituées par des micaschistes et des gneiss et filonnées de quartz aurifère, étaient couvertes par des glaciers; leur affaissement progressifa permis aux glaciers qui se trouvaient ainsi dans des régions plus basses et moins froides, de commencer leur fusion et d'opérer peu à peu une marche descendante, en rabotant sur leur passage les roches sous-jacentes; arrivés enfin à une faible hauteur, leur fusion plus complète a laissé déposer les matières pulvérulentesvaseuses, les parties rocheuses arrachées et les éléments minéralogiques, par conséquent l'or, métal peu altérable et malléable. Le ruissellement des eaux a charrié tous ces éléments dans les parties basses, et l'or, en raison de sa densité, est descendu au plus profond et ne s'est arrêté que sur la base solide rocheuse, le bed rock, qui est ainsi comme une assiette sur laquelle gît un semis d'or. Si le bed rock est fendillé, l'or a passé dans les fentes et s'est déposé plus bas. L'aspect actuel ne donne pas l'idée de ces phénomènes le sol bouleversé bien des fois ne montre plus la trace de ces immenses glaciers des temps géologiques, et l'or, toujours sur le bed rock, se trouve aussi bien sur les plateaux que dans les vallées il se rencontre cependant en plus grande abondance aux niveaux les plus bas de la contrée.
L'étude des immenses glaciers descendant des hauteurs et venant se fondre dans le Pacifique, glaciers que l'on voit en voyageant sur les côtes sudouest de l'Alaska, permet de justifier cette manière de voir. C'est dans les bas niveaux de la boue glaciaire, parmi les graviers, qu'on retrouve des restes d'animaux fossiles dans une vase organique fétide semblant indiquer que l'animal a été charrié en chair, entraîné par des torrents. C'est dans le bas de la vallée Gold Run que l'on a constaté, jusqu'à présent, la plus grande quantité de fossiles de gigantesques mammifères. J'y ai constaté la présence du cheval. I. Voir Tour du Monde ~899·
Là-bas, au Klondyke, si on demandait à un mineur où est l'or, il répondrait Gold is where you find it (l'or est là où on le trouve), et, en effet, en présence
d'un terrain vierge on ne peut avoir aucun indice de la richesse du sous-sol, il faut fouiller le terrain. Si c'est bon, si c'est « payant », comme on dit là-bas, on continue les recherches si c'est non payant, on fouille ailleurs. L'allure du sol n'indique pas la richesse, et si certains creeks actuels sont riches, cela n'indique pas forcément que les grands glaciers d'autrefois, entraÎnant des parcelles d'or, ont passé par là. L'or que l'on trouve peut y être descendu par ruissellement ou amené par le charriage d'anciennes rivières n'ayant
laissé que peu de traces de leurs cours. 11 faut donc trouver l'or et, pour cela, arriver aux graviers aurifères déposés sur le bed rock, la roche du fond. Les placers du Klondyke sont véritablement d'une grande richesse; l'exploitation a fait en peu de temps des progrès énormes par la venue des machines; aussi sur beaucoup de claims, le travail tend-il à s'industrialiser, si bien qu'on commence à considérer ces placers comme des mines et à compter la production par la quantité de yards cubiques de gravier à laver.
Henri Dehérain.
Etudes sur
l'Afrique. Soudan oriental.
Ethiopie. Afrique équatoriale. Afrique du Sud. vol. in-16, avec cartes. Librairie Hachette et Cie. Broché, 3 fr. 50.
AUTANT nombreux sont les récits de voyage en Afrique, autant sont rares les études critiques sur l'histoire et la géographie de ce continent.
Ce volume forme donc une nouveauté. On y trouvera des biographies de savants et d'explorateurs Evrai~a Pacha, figure célèbre et pourtant encore mal
connue, Antoiue d'Abbadie, William Cotton Oswell, Adolphe Delegorgzse, Serpa Pinto. On y trouvera encore l'état actuel des connaissances sur certains phénomènes de géographie physique, tels que le mont Roumer:~ori, les volcans du Mfoumbiro et le lac Kivou, tandis que les articles intitulés Un ancêtre des Boers, Henning Husing et Le Soudan oriental sous la domination madhiste éclairent, d'une vive lumière, certains points de l'histoire de l'Afrique. Enfin, si ces études sont présentées sous une forme qui en rend la lecture facile, la plupart d'entre elles sont accompagnées de bibliographies qui pourront être utiles aux
érudits.
Le Tibet, le pays et les habitants. fort vol. in-18 jésus, avec une carte en couleur hors texte. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Broché, 5 francs.
F. Grenard.
Grenard,
dans le livre qu'il présente aujourd'hui au public, raconte comment Dutreuil de Rhins et lui purent traverser le plus prodigieux massif montagneux du monde; comment ils négocièrent avec les fonctionnaires chinois et tibétains de Lhassa; comment Dutreuil de Rhins trouva une mort tragique parmi les populations turbulentes du Tibet oriental, comment l'auteur lui-même réussit à sauver le reste de la mission, expédition dont le récit est à lire, ou à relire, en ce temps où le Tibet est d'actualité par suite de l'expédition anglaise. M
Eugène Aubin.
d'aujourd'hui.
fort vol. in-IS jésus, de 500 pages, avec trois cartes en couleur hors texte. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Broché, 5 francs. Le Maroc
1
6 trains militaires
ALLEMAGNE
Le chargementdu charbon en pleine mer et
en marche.
A la suite d'expériences faites en Angleterre Etats-Unis, et aux en vue d'exécuter le ravitaillement en charbon à la mer et en marche au moyen de l'appareil Spencer-Miller, des essais analogues ont été faits dans la marine allemande. Cet appareil se compose essentiellementd'un câble métallique de 20 millimètres de diamètre permettant d'établir un va-et-vient entre le bateau charbonnieret le bateau à ravitailler naviguant de conserve à )00 mètres environ l'un de l'autre. Un dispositif ingénieux permettrait de conserver au câble placé entre les mâts des deux bâtiments le degré de tension nécessaire à la bonne exécution du transport des sacs de charbon. Ceux-ci sont remplis à la main et accrochés de même au câble transporteur sur le bateau charbonnier et déchargés automatiquement sur l'autre. Le câble pourrait supporter une charge utile de 5000 kilogrammes. D'après les Neue Militcerische Blcetter, ces essais auraient donné de bons résultats. Pendant une marche à la vitesse de 5 à 8 noeuds, on aurait transbordé en moyenne 40 tonnes de charbon à l'heure. En outre, le constructeur espérerait arriver au moyen de quelques perfectionnements de détail à transborder 6o tonnes de charbon à l'heure. Toutefois, l'appareil Spencer-Miller a l'inconvénient de coûter cher. Son installation exige de 80 à 120000 francs par bàtiment. Aussi voudrait-on en Allemagne réussir à construire un appareil analogue moins onéreux et surtout indépendant de l'industrie étrangère. Les Neue Militceriscl~e B'~etter insistent beaucoup sur l'intérêt offert par ces expériences. La nécessité de pouvoir, en effet, se ravitailler en charbon à la mer est évidente au point de vue militaire, surtout pour les puissances qui ne possèdent pas de points d'appui navals dans toutes les mers, ce qui est le cas général, à l'exception de la seule Angleterre. La guerre russo-japonaise attire tout spécialement l'attention sur ce problème qui va s'imposer certainement à la flotte que la Russie enverra l'été prochain en Extrême Orient.
Le costume colonial des troupes allemandes au Damaraland. Voici d'après la Strass-
burger Post quels sont l'habillement et l'équipement des troupes employées, dans l'Afrique occidentale allemande, à combattre la révolte des Herreros. L'uniforme est gris-brochet, à parements et col rabattu bleus. La coiffure est le chapeau de feutre à larges bords. Tous les cuirs sont fauves, ainsi que la chaussure qui consiste en hautes bottes jaunes. Les galons ou broderies sont argent pour les officiers ou blancs. L'équipement diffère sensiblement de celui des troupes métropolitaines. Les courroies de suspension du ceinturon sont croisées dans le dos et verticales par devant. A l'extrémité antérieure de chacune d'elles est suspendue une petite cartouchière; dix autres petites cartouchières sont attachées à la ceinture. Les hommes ne reçoivent n¡ havresac ni musette. Leur paquetage sera fait dans des sacs en toile imperméable qui seront portés par des voitures à bœufs. EXTRÊME-ORIENT
Le ravitaillement des troupes
russes.
Le:ravitaillement des troupes est, pour les Russes, une des questions primordiales dans la conduite de la guerre. 11 est donc intéressant de rechercher dans quelles conditions ils peuvent assurer ce service. D'après les calculs faits par différents publicistes militaires, la consommation quotidienne d'une armée de ]00000 hommes et o0 00o chevaux s'élève à 60o tonnes. Il faut, pour transporter 60o tonnes de denrées, à peu près 175 wagons, soit 7 trains de 25 wagons. Or les communications du Gouvernement russe ont appris que le ministère des Voies et Communications n'était parvenu à organiser que
quotidiens. 11 semble donc bien que l'Etat-
major japonais ne se trompait pas en affirmant que les Russes ne pourraient entretenir au maximum que 250000 hommes en Mandchourie. Si l'on admet que la Russie continue indéfiniment à envoyerdestroupesen Extrême-Orient,à raison de 20000 hom mes par mois- chiffre maximum auquel il lui soit possible d'arriver, elle ne pourrait pas assurer l'entretien de ces 20000 hommes à leur arrivée sur le théâtre des hostilités. La campagne de 19°0 fournit, à cet égard, des renseignements intéressants. Les troupes de l'Amour et de la Sibérie recevaient d'Europe la presque totalité de leurs approvisionnements. Les ressources contenues dans les magasins de l'intendance de Khabarovsk, Nikolsk, Port-Arthur et Strietensk pouvaient à peine suffire à l'entretien des troupes stationnées dans la région par suite de la mauvaise récolte précédente en Sibérie. Quant au fourrage, on prit l'avoine en Europe et on organisa le pressage du foin dans l'Oussouri et le Transbaikal par l'installation de presses à main et à vapeur. Dans la guerre présente, on peut admettre que les magasins de l'Intendance russe en Extrême-Orient aient été suffisamment bien approvisionnés pour nourrir 200000 hommes jusqu'au mois de juillet. Ce sont les chiffres que le colonel Gaedke envoyait dernièrement au Berlzirzr Tageblatt, mais il est évident que ce sont là des ~naxe~ua. A partir du mois de juillet, les Russes ne trouveront plus en Mandchourie que du foin qui est, paraît-il, de bonne qualité. Ils pourront aussi se fournir en partie de bétail dans le pays, mais tout le reste de leur approvisionnementdevra, comme en 1900, leur être envoyéde la Russie d'Europe et ces transports absorberont presque totalementl'activité du Transsibérien. SUISSE
Dispositif de défense pour le tunnel du Simplon. Le tunnel du Simplon n'est pas encore achevé
et la Suisse se préoccupe d'organiser un dispositif de mines lui permettant de faire sauter le tunnel, afin d'éviter que son territoire ne puisse, en cas de guerre, être envahi par l'Italie. Pour éviter que le tunnel ne puisse être utilisé par l'ennemi, il faut pouvoir, à un moment donné, fermer complètement et rapidement cette voie d'invasion. On ne pourra y arriver qu'en préparant des mines pour faire sauter le tunnel. Mais la nature de la roche est telle qu'il faut un nombre extraordinaire de chambres de mines avec des charges énormes d'explosifs, si l'on veut que l'interruption de la voie ferrée ait une certaine durée. Ce qui augmentera sensiblement la dépense, c'est que le tunnel du Simplon se compose de deux galeries parallèles. Aussi, pour ne pas être obligé de tout recommencer, le Conseil fédéral a-t-il l'intention de placer le dispositif des mines comme si la seconde galerie avait déjà son profil définitif. On calcule à 800000 francs les dépenses occasionnées par la pose des mines, les travaux qui en dépendent, la construction des magasins, des corps de garde, ainsi que l'achat des explosifs et du matériel nécessaire. ASIE
L'effectifdes Anglais au Tibet.
Quand lord Curzon décida d'envoyer le colonel Younghusbanden mission politique au Tibet, il parla de le faire accompagner d'une petite force de 700 à 800 hommes pour assurer sa sécurité. On sait que la résistance des Tibétains a complètement démenti les prévisions de l'entreprenant vice-roi. Mais c'est seulement par une dépêche récente que l'on a appris l'importance du corps expéditionnaire dont dispose le général
Mac Donald pour marcher sur Lhassa. Il y a actuellement au Tibet 4600 hommes de toutes armes avec 12 canons de campagne et un certain nombre de canons Maxim. En outre, le service de l'intendance comprend 7 500 bêtes de trait ou de bât, 700 charrettes et 7 boo porteurs. C'est donc en tout J 2000 hommes et 7 500 animaux qu'il faut nourrir. Il est vrai que c'est le budget de l'Inde qui payera les frais de l'aventure.
Les dernières Fouilles du Forum romain. Deux mille ans ont passé et la Rome antique n'a pas dit tous ses secrets. Des fouilles incessantes, entreprisesjadis au petit bonbezsr, conduites aujourd'hui avec métbode, mettent tous les jours à nu quelque nouveau souvenir, et les pierres sortent des entrailles du sol pour la restitution~lus exacte des temps évanouis. S'il y a trente ans l'aspect du Forum, aux dimensions restreintes, causait au visiteur quelque désillusion, l'antique place publique ~résente actuellement une arène digne des luttes passées.
UNarchéologue français qui visitait Rome vers i 8C~o,
écrivait à propos du Forum romain cc Le croirait-on ? La Basilique de Constantin, le Forum, le temple de la Fortune, celui de Vesta, ressemblent plus à des dépôts d'immondices qu'à des monuments respectés. et cependant Rome ne vit que des antiquités qui attirent l'univers dans ses murs ».
Sévère, les bas-reliefs des Rostres, la colonne de Phocas, la basilique Julia, le beau péristyle du temple d'Antonin et de Faustine, transformé en église chrétienne tout au fond, la basilique dé Constantin aux voûtes gigantesques la silhouette classique de l'Arc de Titus et les contreforts massifs du Palatin. Mais,
depuis quelque temps,
couvre en outre sur les flancs et en profondeur, des espaces considérables, semés de constructions et de débris de marbre, qui doublent au moins la superficieancienne. A gauche, vers le
Heureuse-
ment, tout a bien
changé depuis lors. Dans un excellent article sur le Forum romain et sur les fouilles que l'on y a exécutées surtout dans les dernières années, M. Pottier disait avec raison que, il y a vingtcinq ans à peine, le Forum romain paraissait petit. « On en ressentait quelque
nord, on voit les restes d'un grand bâtiment qui est la basilique Æmilia; au centre sont la Regia, demeure du grand pontife, et le
ment, dans une ville où lecolossalestune
de
temple de Jules César à droite vers le sud, le temple d'Auguste et sa biblio-
désappointe-
partie importante
l'art.
LA
BASILIQUE tE511LIA, LES TABERNIE ET LE PORTIQUE DE LUCIUS ET CAÏUS, APRÈS LES DERNIÉRES FOUILLES.
thèque,transformée
Photographie communiquée par M. E. F. da Verona.
plus tard en église consacrée à la Vier-
Les
fouilles pratiquées
à. 1884 et ensuite, sous l'active direction de M. Boni, de 1898 à Ic)04, ont transformé l'aspect du terrain et rétabli la vérité. Le Forum est très grand. En regardant l'emplacement actuel, il semble qu'on ait retourné une lorgnette, dans laquelle on regardait par le gros bout. On reconnaît bien l'ancienne physionomie des ruines et l'on salue, comme des vieux amis, l'Arc de Septimede 1878
A TRAVERS LE MONDE.
on dé-
26. uv.
ge; la fontaine juturne,
qui
a
conservé, presque
intact, son « sacellum » de l'époque impériale, son
entourée d'une série de petits sanctuaires; plus loin, le grand cloître occupé par la maison des Vestales et, enfin, par der-
puits de marbre, ses sculptures,
rière, une série d'habitations, qui grimpent les pentes du Palatin ou qui rejoignent l'Arc de Titus, mais dont N° 26.
25 Juin 1904.
la destination n'est pas encore fixée. Partout s'ouvrent des puits moussus où le ciel se reflète dans une eau
claire qui, ailleurs, court à l'air libre dans des caniveaux plus loin, ce sont les grosses dalles en travertin de la Cloaca Maxima, mises au jour par la pioche des fouilleurs et sous lesquelles on sent encore bouillonner un flot noirâtre; ailleurs, des couloirs et des souterrains, creusés dans le sous-sol, montrent sous le pavé antique un travail patient d'ingénieurs. » Revu d'en haut, des terrasses du Palatin ou de la rue qui passe aux pieds du Capitole, le Forum romain apparaît aux yeux surpris comme un monde agrandi et plus vivant. « De petit, il est devenu énorme, et fon comprend,beaucoup mieux qu'autrefois, le défilé pompeux des processions, ou les émeutes bruyantes sur ce vaste
théâtre. »
Depuis quelques années, les fouilles dirigées par M. Boni donnent lieu, pour ainsi dire, de jour en jour, à de nouvelles
africain, des fragments de bas-reliefs décoratifs et un beau fragment d'architecture en marbre, avec le nom de'\( Paulus » en grandes lettres. Ce nom nous confirme que l'édifice était vraiment la basilica Pauli ». Du temps de l'Empire, cette basilique était formée de trois parties le portique, les tabernæ » ou boutiques et la grande salle. Des marches, dont on voit encore des fragments, montaient du plan du Forum en au portique. au-delà duquel on voit les restes, appelait qu'on tabern~e boutiques quadratum, -des opus
une méthode
et dont le pavé étaitdécoré de marbres d'une disposition très élégante. \( C'est tout près de là que dut arriver le célèbre meurtre deVirginie,
résultat de
à l'époque des DéTite-Live cemvirs dit que ce fut ad fa-
découvertes. Ces
fouilles, conduites non point un peu au hasard, comme
précédemment,
mais conformément à
restaurer ou, pour mieux dire, de reconstruire sur un plan plus étendu cette basilique, l'ancienne étant devenue insuffisante. Les fouilles ont fait retrouver, à un niveau assez profond, des traces de la basilique primitive en tuf gris-vert et, au-dessus, le pavage en marbre de la basilique de Paul-Émile, avec son mur d'enceinte revêtu de marbre. Parmi les décombres, on a trouvé plusieurs morceaux de colonnes en marbre
scientifiquedes plus rigoureuses, ont eu pour
novce
bernas, quibus nunc nous révéler trois éléments divers les novis est v~on~evc. On vraies proportions a placé sur les murs, du Forum antique, de ce qui reste de la Rome des Rocesboutiques, deux mains depuis Rogrands bas-reliefs mulus et la Rome en marbre, richedes temps préhistoment sculptés, que riques. l'on a découverts Le Forum a également dans la été, de tous temps, partie nord du Fole centre de la vie rum, où ils avaient Iô~O. ASPECI' DU EORCbI RObIAIR AVAN1' romaine, et les diété utilisés pour Photographie convnuuiquéc par M. E. F. da L'erona. couvrir un égout verses époques de l'histoire de Rome du Moyen Age. On s'y trouvent superposées comme autant de couches espère que de nouvelles fouilles mettront en lumière géologiques. Or, le système de M. Boni consiste à des fragments plus importants de la décoration de la pénétrer et à fouiller ces diverses couches jusqu'à basilique; ceux que l'on a découverts jusqu'à présent appartiennent à la plus brillante période de l'art de ce qu'il rencontre le tuf primitif, selon un plan vertical, de façon qu'aucune n'échappe à ses recherches. l'Empire. C'est en appliquant scientifiquement ce système que A l'extrémité sud de la basilique, entre celle-ci et M. Boni a retrouvé, il y a deux ans, une nécropole le temple d'Antonin et Faustine(église de San Lorenzo remontant à huit siècles avant l'ère chrétienne et, par in Miranda), en face de la ligne de prolongement des conséquent, antérieure à la fondation de Rome par « taberszce novc~· », on voit les ruines, croit-on, Romulus. du portique en marbre qu'Auguste avait dédié à ses Les fouilles, entreprises par M. Boni pour mettre neveux Lucius César et Caius, qu'il avait adoptés et à découvertl'emplacement et les restes de la basilique désignés comme ses héritiers. Ce monument devrait Amilia, comptent, de l'avis de tous les archéoloêtre le « porticus » et la cc stoa » mentionnés par Suéparmi les plus intéressantes. Cette basilique tone et par Dion Cassius. On y a retrouvé une inscripgues, était, en effet, le monument le plus important du côté tion monumentale consacrée à Lucius César, appelé septentrional du Forum. Elle fut fondée en l'an de ~rince(~s ~isvenfutis. Le portique primitif était monuRome 574 et restaurée ensuite à plusieurs reprises par mental, mais à une époque postérieure au ve siècle des membres de la famille Amilia. Cicéron parle, de l'ère chrétienne, on lui substitua un portique dans une de ses lettres à Atticus, des travaux granbeaucoup plus modeste, orné d'assez petites colonnes Paul-Émile dioses que faisait exécuter à Rome afin de de granit rouge, dont deux et la moitié environ
d'une troisième, sont encore debout sur leurs bases. C'est près de cette basilique, sur le point central
du Forum, que M. Boni a concentré depuis quelques mois ses recherches. Cette partie du Forum est vénérable et sacrée entre toutes c'est là, à l'endroit même où, aux derniers temps de l'Empire, s'élevait la statue équestre colossale de Constantin,-que M. Boni a vu ses prévisions pleinement confirmées par ses recherches de l'equus maximus, qui ont abouti à une intéressante découverte. Elles ont mis complètement au jour la base et le piédestal de la célèbre statue équestre de Domitien, dont Stace nous a laissé la description dans ses Silvce, qui sont des plus intéressantespour l'histoire de la topographie du Forum 1, et qu'il déclara plus imposante que le cheval de Troie. C'était un monument de proportions colossales, puisque l'empereur soutenait, dans la paume de la main, une Victoire de grandeur naturelle. On a retrouvé
Quelques semaines plus tard, vers la moitié d'avril 1904, les fouilles, entreprises près du piédestal de la statue de Domitien, ont fait retrouver l'emplacement du non moins célèbre gouffre de Curtius, situé entre l'equus Domitiani et la colonne de Phocas. Le nom de Curtius lacus donné à cet endroit du Forum était déjà, au temps de l'antique République, l'objet des recherchesdes érudits, et l'origine en était fort douteuse. Des trois versions données, la plus connue est celle de Tite-Live, mais elle est de nature bien légendaire. C'est lui qui nous raconte que, en 305 avant Jésus-Christ, un gouffre s'ouvrit tout à coup au centre du Forum; toute la terre qu'on y jetait ne parvenait pas à le combler. Les aruspices ayant déclaré que les dieux exigeaient qu'un citoyen romain s'y précipitât, M. Curtius, chevalier romain, se dévoua il s'élança, tout armé et à cheval, dans l'ouverture béante, dont les bords se refermèrent aussitôt sur lui Une autre légende veut que ce soit un Sabin de l'armée de Tatius,
les trois blocs de
nommé Curtius
travertin sur les-
Mettius,quiaitdonné son nom au lac. Fuyant Romulus, il se serait jeté dans le marais qui couvrait alors le Forum. Enfin, d'après
quels reposaient les jambes du cheval; la position de ces blocs
permet de
croire que la statue
était tournée du
latroisièmeversion, côté de l'Heroon de César. Le colosse le lac ou le marais fut abattu, comme ayant été frappé de la foudre, sous le on sait, lorsque le consulat de C. CurSénat condamna tius Philo, le Sénat la mémoire de Domitien. En souleordonna que cet endroit fût entouré vant les dalles du piédestal, M. Boni d'une clôture; le découvrit une sorte consul exécuta cet de caisse en pierre, ordre de là le nom qui renfermait des de l'emplacement. ASPECT UU FORU~l RO:VIA1N EN JAN~'1ER If~O. Ce que vient vases en terre cuite, ressemblant à ceux de découvrir M. BoPhotographie communiq»éc par ,~1. E. F. da l'ero»a. ni est une excavaque l'on rencontre dans les tombes préhistoriques du Latium; dans un des tion de forme trapézoïdale, d'une dizaine de mètres de longueur sur 7 mètres environ de largeur, entourée vases on découvrit aussi une pépite d'or. On suppose qu'il s'agit d'une ancienne tombe préhistorique, d'une enceinte irrégulière, sorte de parapet en traverqui se tin formant balustrade. peut- être du vute siècle avant Jésus-Christ, trouvait à cette place lorsqu'on creusa les fondations L'importance de cette découverte est incontestable elle témoigne de l'existence d'un fait bien réel, pour la statue de Domitien et que, par respect pour la mort, on aurait refusé d'y toucher, de sorte que la que les adversaires de la tradition latine s'obstinaient tombe resta encastrée dans le piédestal. Cette supposià traiter de légende. tion est justifiée par les faits, car, sous le piédestal, on Parmi les découvertes intéressantes qui ont précédé celles dont nous venons de parler, il convient de a découvert plus tard un squelette; ce qui prouve évidemment qu'à une époque préhistorique des tombes rappeler celle de la gracieuse fontaine Juturne, située étaient creusées aussi à cet endroit du Forum. à quelques pas du temple de Castor et de Pollux. Ainsi que nous l'avons dit, elle a conservé presque intactson évoque Stace dans le génie du lac Curtius i. ses vers édicule de l'époque impériale, son w puteal » ou marsecouant fièrement sa tête, ornée de la couronne, au moment gelle de puits en marbre, son autel et ses sculptures. où il entend les ouvriers travaillant à dresserla statue de l'emCe petit bassin renfermait une eau que l'on disait pereur. r. lpse loci custos, uzjus saci~ata z~oraôo jaillie par prodige et qu'on avait placée sous la protecFamosr'que lacus nonten nzernorabrde servat tion de Juturne, la déesse protectrice des sources et lnnumeros ieris sonitus et verbere crebro, des fleuves. La tradition romaine nous a conservé le Ut sezuit mugire forzzm, mouet borrida saucto récit qui faisait connaître cette source après la préOra situ merzlaque capul vwzerabile quercu.
tendue apparition des Dioscures (Castor et Pollux), qui annoncèrent la victoire remportée par les Romains sur les Latins, sur les bords du lac Regille, et qui abreuvèrent à ce bassin leurs chevaux. Un peu avant l'édicule, on voit un bassin décoré de marbre blanc au milieu du-
quel est une base en maçonnerie. On doit,y reconnaître le véritable lacus Juturvrre de la légende; la base était sans doute destinée à supporter quelques sculptures peut-être bien un groupe représentant les deux Dioscures. Il faut aussi mentionner la découverte du squelette archaïque du cxe siècle et celle des nombreuses tombes du Sepulcretum où, trois cents ans les populations primitives enteravant Romulus, raient leurs morts ou les vases renfermant les cendres des défunts. Du ~ôté oriental du Forum, les explorations ont mis à découvert d'importants restes de la Voie Césarienne et la série complète des «( fosses
draient à l'appui de cette opinion. « C'est là que, favorable au voeu et à la prière de Romulus, Jupiter arrêta la fuite des Romains qui, à leur tour, poursuivirent les Sabins dans la direction du Capitole. Tout près de là s'ouvrait, sur le Palatin, dans l'enceinte de la Roma quadrata, la porte Mugonia, par où les Sabins avaient failli entrer pêle-mêle avec les Romains en déroute. » En terminant cette notice, nous cédons au plaisir de reproduire, en guise de conclusion, quelques lignes de M. Pottier. On ne saurait mieux résumer le résultat des fouilles dirigées par M. Boni, qui nous ont révélé trois éléments nouveaux les vraies proportions du Forum, la Rome des rois et la prise de possession des monuments par les chrétiens. « Malgré le caractère disparate de ces constructions, l'enchevêtrement des murs et la dévastation des siècles, ce qui apparaît sur-
tout, c'est l'unité et la continuité à travers les âges. La
augurales ».
Rome étrusque
D'autres fouilles ont été consacrées à la
s'enchaîne sans ef-
basiliquede Maxence, et les matériaux
fort à la Rome de la République et des empereurs; l'Église
recueillis sont très
intéressants, au
chrétienne, à son tour, garde dans
point de vue de l'histoire du monu-
son art quelque
ment.
chose qui n'est pas plus loin des voûtes et des cryptes étrusque, que des thermes et des basiliques païennes. Là est le sens profond du Forum et le secret du charme que contient Rome en-
Vers l'extré-
mité méridionale du Forum, on a découvert, à gauche de la Sacra Via (Voie Sacrée), les degrés du large escalier qui montait au temple de Vénus et de Rome, construit par Hadrien et restauré par Maxence, après l'incendie
de Carinus (283
ESCALIER DU TEMPLE DE VÉNUS, LA VOIE SACRÉE ET L'ARC APRÈS LES DERNIÈRES POUILLES,
TITUS,
Photognaphie communiquée par <ll. E. F. da i'eroua.
après J.-C.), qui endommagea gravement les côtés ouest et nord-ouest du Forum. Près de là, la Voie Sacrée atteint l'Arc de Triomphe de Titus, dont on a également mis à découvert la partie inférieure, ce qui a permis de constater qu'il repose sur un pavage en basalte. L'Arc de Titus occupe l'endroit te plus élevé de la Voie Sacrée, cc là où le triomphateur voyait tout d'un coup se dérouler devant lui, sur la pente descendante du Clivus Sacer, la pompe triomphale qui précédait son
char
DE:
». Devant l'Arc de Titus, la Summa Sacra Via,
ou Voie Sacrée supérieure, rejoignait la Suvrzma Nova Via venant du Palatin, par un petit embranchement le Clivus sacer, dont Martial a dit ,c Inde Sacro petes veneranda Palatia clivo. » Près de là, un peu au sudest de l'Arc, on voit un soubassement formé par des assises de pierre de taille en grand appareil, qui ont sans doute fait partie d'un édifice important. On s'accorde généralementà y reconnaître les restes du tenaple de ~upiter Stator, et les textes des auteurs anciens vien-
tière. Nulle part ailleurs on ne sent tant d'humanités ensevelies, qui toutes ont contribué à
faire le présent. Nulle part on ne comprend mieux la solidarité des races qui, tout en se détestant et en se persécutant, travaillent à une oeuvre commune par un patient et
anonyme effort'. »
E.-F.
DA VERONA.
Sur le côté méridional du lac Curtius on vient de découvrir (juin 1904) une sorte de grande machine en bois, destinée, semble-t-il, à élever des poids, grâce à une espèce de volant que faisaient agir huit bras ou barres, servant de levier. On avait déjà trouvé dans les fouilles du Forum, des fragments d'anciennes machines, des poulies, etc.; mais c'est pour la première fois que l'ori vient de retrouver à sa place une machine complète. Elle occupe une espèce de fosse rectangulaire et paraît dater des derniers temps de la République. P. S.
Consultez également Thédenat Le Forum romain, ouvrage qui fait autorité en la matière (Librairie Hachette 1.
et Cie).
L'E(evage de l'Autruche aux États- U n i s DEUX Anglais, il y a douze ans, eurent les premiers l'idée que l'autruche pourrait être élevé, eaux ÉtatsUnis, dans les régions présentant un climat à peu près analogue à celui de l'Afrique du Sud; et c'est depuis cette époque que l'élevage a été entrepris dans la partie
méridionale de la Californie. Les premiers oiseaux importés ne résistèrent pas au nouveau milieu, mais ceux qui sont nés de ces derniers montrèrent une force supérieure de résistance, et bientôt leurs descendants s'acclimatèrent d'une façon complète. Il y a aujourd'hui, dans le pays, six fermes d'élevage, dont trois en Californie,une dansl'Arizona, une dans le Kansas et une
en Floride.
admirer, est bien le spectacle le plus comique qui soit. L'autruche est monogame. A trois ou quatre ans, le mâle choisit une compagne, et c'est pour passer avec elle l'existence entière rien, en effet, que la mort ne saurait les séparer. Comme l'autruche vit environ quatre-vingts ans, on voit que sa carrière conjugale a une belle durée. Les éleveurs disent aussi que le mâle est un mari modèle, faisant presque tous les gros ouvrages de la communauté, dont les deux principaux sont la préparation du nid, cavité de 35 centimètres de profondeur dans le sol, et l'incubation des douze ou quinze oeufs qui sont pondus. Ce dernier travail, cependant, se fait conjointementavec la femelle, et la besogne est longue, quarante jours étant nécessaires à l'éclosion. Cependant, si l'oiseau se montre bon époux, il n'est, par contre, qu'un fort mauvais père, avec une tendance à massacrer sa progéniture. Aussi l'éloigne-t-on du nid aussitôt après la naissance des jeunes. Ceux-ci sortent de leur coquille couverts d'une sorte de poils rudes et \( rebroussés ». Dès qu'ils se
trouvent en état de courir, ils sont mis dans le pré où ils peu-
vent brouter
Le
à
nombre des oiseaux, dans ces
satiété. Chaque nuit, ilssont rentrés, et cela pen-
ploitation, at-
temps. Mais ils
six centres d'ex-
dant quelque
teintsixmille.Le plus important estenCalifornie. Les autruches y sontélevées,parquées par grou-
pes de six au plus, entre de hautes haies qui
empêchent le troupeau entier de se mélanger.
croissentrapidement, etles soins particuliers ne
durentpaslongtemps. En six
mois,lajeuneautrucheatteintsix LA GROSSEUR D'UNE AUI'RUCHE NAISSANTE COMPARÉE A LA TAILLE D'UN
pETIT ENFANT.
Photographie communiquée par M. E. Deschamps.
Elles y restent fort tranquilles, comme feraient des dindes ou des oies; mais on empêche les visiteurs de pénétrer dans les enclos. L'autruche n'a pas, en effet, un très bon caractère, et son coup de pied est aussi
mauvais et aussi dangereux que celui du chameau. Mais si elle n'aime pas à être approchée, il ne lui répugne pas de se donner en spectacle. Elle aime l'exercice, et c'est le matin, au lever du soleil, qu'elle le prend, dans ce que l'on a appelé sa danse. Les bêtes secouent la torpeur de la nuit, aux premiers rayons; comme nous étendons les bras, elles étendent les ailes et font jouer les jambes. D'abord, les aînées entrent dans l'arène, bientôt suivies par les autres, et toutes exécutent une série de mouvements indépendants qui, s'accentuant peu à peu, deviennent plus rapides, et enfin, se mettant en paires, elles tournent comme le feraient des danseurs. De loin, la vue de l'ensemble peut, à la rigueur, à des yeux de myope, passer pour une séance de danse, quadrilles d'abord, valses ensuite. Et cet exercice chorégraphique de l'énorme volatile, dont la petite tête sérieuse et grave se dresse au-dessus de l'horizon comme pour se faire
pieds de hauelle parteur
vientà huitpieds
et 300 livres de poids en pleine maturité, âgée de trois ans. L'herbe commence à être sa première nourriture, mais ensuite elle a le choix entre les oranges, qui abondent en Californie, les résidus de fabriques d'huile et les tourteaux de raisin. Un repas complet, pour une autruche adulte, peut être représenté par trois douzaines d'oranges. En Californie, environ 30 pour ioo des ceufs restent improductifs. Ils sont, d'ailleurs,après quelques jours d'incubation, essayés à la lumière, où les bons montrent une tache foncée. On s'est servi de l'incubateur, qui a réussi, mais seulement lorsque les œufs avaient déjà été couvés naturellement pendant une quinzaine de jours. La coquille de ces œufs est extrêmement résistante, et on prétend sur place que l'on pourrait s'en servir pour jouer au ballon sans courir le risque de les casser. Les jeunes, cependant, les percent seuls, mais y mettent le temps, deux jours au moins. Lorsqu'ils sont abondants, les fermiers les vendent aux hôtels des environs. Les touristes aiment à goûter de l'omelette aux ceufs d'autruche, mais il faut se mettre à plusieurs pour en manger un entier, car il a la valeur de trente
oeufs de poule ordinaires, et les prix sont américains,
c'est-à-dire très élevés. L'opération de la récolte des plumes est, dit-on, sans douleur pour les oiseaux; mais toutes ne sont point arrachées, les grandes étant soigneusementcoupées. Elles présentent alors quelque différence avec celles qui ornent les chapeaux coûteux des dames. Elles sont grises, naturellement, sauf quelques-unes, qui sont noires ou blanches, et, pour être prêtes à servir au commerce de la mode, elles doivent subir les opérations du lavage et du frisage. Les fermes vendent, en général, les plumes « brutes ». En Californie. c'est San Francisco qui les achète et les prépare. Cependant, la South Pasadena Ostrich Parm, de South Pasadena, en a toujours un stock d'apprêtées pour la vente locale et l'exportation. Je dois à l'amabilité de M. Edwin Cawston, son directeur, la photographie qui orne ces notes. Les ailes de l'autruche ne lui servent plus guère à que cnmme balancier, pour tourner rapidement et angle droit lorsqu'elle est en pleine course, allure qui rend la capture difficile dans l'Afrique du Sud et orientale. Elles sont là aussi pour leur servir de superbe parure, et lorsqu'elles ont leurs plumes adultes, que la queue en est abondamment pourvue et se tient droite tandis que les ailes sont éployées, le spectacle d'un de ces oiseaux coquetant et tournant est curieux à contempler sous la pleine lumière du soleil. L'autruche n'a pas encore été utilisée autrement qu'à la production de la plume. Cependant, en Floride, on peut la voir attelée à de légers boggeys, et elle se laisse monter, sans trop protester, par les jeunes fermiers. Mais qui sait? L'entreprenant Anglais qui a commencé son élevage aura peut-être non seulement sauvé de la disparition complète un des représentants les plus anciens du monde animal, mais encore préparé, pour les générations futures, une bête de trait et de course. E. D.
Tahiti et le Canal de Panama. gouverneur de Tahiti tête des ttablissements français de l'Inde. La tâche du nouveau gouverneur sera lourde l'île traverse actuellement une crise dont on ne peut prévoir la fin. L'agriculture y est dans le marasme, la vanille rend peu, et la nacre, sur laquelle prix on fondait beaucoup d'espoir, subit une baisse de considérable. Le commerce est mauvais, et l'argent se fait rare; foooo francs de déficit ont été constatés sur les prévisions en recettes pendant le premier trimestre a nommé M. Lanrezac, qui était à la
UN décret récent
de cette année. Pour remédieràcettesituation, il nefautpas compter sur l'aide de la métropole, qui a retiré 40000 francs de subvention. C'est donc avec ses propres ressources préque doit agir la colonie. Or ces ressources sont caires, et le recours à de nouvelles contributions s'imposera, si l'administration n'y prend pas garde.
est question de faire un vigoureux effort pour améliorer la culture du coton. C'est une excellente idée. Le sol de Tahiti se prête admirablementà cette culture, dont le produit serait d'un placement d'autant plus assuré que les cotons de l'ile sont très renommés et bien supérieurs,comme qualité, à ceux que produisent les autres pays. Ils ont atteint le prix de 147 fI'. 50 les 5o kilos, tandis que ceux de New Orléans, d'Haïti, d'Égypte et du Bengale ne se sont jamais élevés audessus de 75 francs. Il est encore autre chose qui ne manquera pas d'attirer l'attention du futur gouverneur, c'e;t la taxe qui existe sur le coprah à sa sortie de Tahiti. Actuellement, l'agriculteur qui se livre à la culture du cocotier voit son produit frappé d'un droit de sortie de 10 francs par tonne; cette taxe décourage l'agriculteur et a pour conséquence grave d'empêcher l'indigène de faire des plantations de cocotiers. La suppression de cette taxe donnerait à la culture du cocotier un essor dont elle a grand besoin. Mais l'avenir de Tahiti est lié plus étroitement encore à la situation qui lui sera faite quand l'île, après le percementdu canal de Panama, sera devenue un lieu de relâche pour les bateaux. L'ile de Tahïti, par sa position géographique, par la sùreté de son port, est toute qualifiée pour approvisionner les navires passant par Panama et se rendant en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Mais, pour remplir les conditions voulues, Papeete devra posséder des ateliers avec un outillage qui permette à ces bateaux de s'y faire réparer s'il en est besoin. Il est de même nécessaire d'agrandir considérablementle dépôt de charbon, qui est restreint. Il ne faut pas attendre que quelque grande compagnie de San Francisco vienne s'établir à Tahiti, dans Il
le but d'entreprendre ce que les Français auront dé-
daigné. Le percement de l'isthme de Panama peut faire de Tahiti un entrepôt important de ravitaillement. Toutes les réformes à essayer doivent s'inspirer de cette constatation et y trouver leur ligne de conduite.
Le Péril nègre en Afrique.
Une
Église noire venue d'Améri-
que.
Las divers Gouvernementsdu Sud africain observent
depuis quelque temps, dans le monde nègre, une sourde fermentation qui ne laisse pas de les inquiéter. Les indigènes comptaient qu'on leur distribuerait les propriétés des Boers. Ils ont été déçus. Ils ont reçu des salaires fort élevés pendant la guerre on les a priés avec insistance de travailler dans les mines; on s'est montré familier avec eux pendant les hostilités contre le Transvaal. Cela leur a fait perdre leur respect pour les blancs. On parle d'un chef zoulou qui veut affirmer son autorité sur tous les indigènes parlant la langue zouloue, et qui est en relations avec tous les chefs indigènes dont il recherche l'alliance.
Les douze cent mille nègres de la colonie du Cap sont assez fortement excités pour justifier les cris d'a-
larme que poussent certains publicistes sud-africains. Mais ces mécontentements, d'ordre politique, ne sont rien à côté de la question religieuse qui se pose avec l'éveil de la race noire et son commencement d'union. C'est d'Amérique qu'est venue la force d'organinisation dont est sortie une véritable Église noire. En 1892, un ministre nègre de l'Église wesleyenne de Pretoria se séparait des coreligionnaires au milieu desquels il avait vécu, et formait une Église ethnique. gouvernée par et pour les nègres, qu'il baptisait l' « Église d'Éthiopie ». L'expansion fut immédiate. En quatre ans, les premiers fondateurs se trouvaient à la tête d'un si vaste troupeau de fidèles que leurs capacités administratives furent débordées. Ils firent alors appel à la plus forte association nègre qui existe au monde, savoir l'Église méthodiste africaine d'Amérique. Cette Église compte un million de communiants, entretient cinq mille ministres. Les finances publiques des États-Unis déclarent qu'elle possède pour 200 millions de biens. On négocia une alliance. L'évêque noir Turner vint, des États-Unis, témoigner que l'unité était complète, et fit, en 1898, une grande tournée d'ordination dans l'Afrique australe. L'Église éthiopienne s'est développée à vue d'œil sous la direction de son premier évêque, Lévi Coppin. Les nègres chrétiens de l'Afrique australe ont tous l'idée qu'exprime Tengo jabavu, un Fingo pur sang, éditeur du journal noir lnzvo (( Nous ferons notre salut tout seub. La religion des blancs est tout ce qu'il faut. Mais les agents de cette religion sont tout ce qu'il ne faut pas. » Un autre journal, la Voix des Missions, est plus catégorique encore. Il a parlé nettement de « mettre les Anglais à la porte de l'Afrique australe, comme les Haitiens ont mis jadis les Français à la porte d'Haïti ». On s'explique, dès lors, l'attitude relativement calme du Congrès boer et les témoignages de pacification ou plutôt de temporisation qu'il a donnés. Boers et Anglais sentent peser sur eux la même menace, lointaine peut-être, mais catégorique. Par exemple, l'agitation des Zoulous et celle des Souazis est aussi dangereuse pour les vaincus d'hier que pour leurs vain-
queurs.
L'émancipation de la race noire pourrait bien favoriser l'union de la race blanche dans l'Afrique australe.
Le Duel anglo-allemand
des Lignes transatlantiques.
Lss paquebots allemands sont
en tête des services transatlantiques sous le rapport de lavitesse. L'Angleterre, piquée au vif, cherche à disputer à l'Allemagne cet avantage, car elle se sent atteinte dans son prestige et son ancienne suprématie maritime.
Voyons ce que v,\ut la flotte des transatlantiques
allemands.
Bien qu'elle se soit établie il y a moins de soixante années et avec des navires construits en Angleterre, la Hamburg America Linie est, à l'heure qu'il est, la plus grande Compagnie maritime du monde entier elle possède 125 navires à vapeur jaugeant 650000 tonnes. Sa grande rivale, la Norddeutscher Lloyd Compagnie, de Brême, n'a que 122 navires jaugeant 583 000 tonnes. Comparons ces compagnies gigantesques aux sociétés correspondantes d'Angleterre la White Star Line, tant vantée, n'a que 27 paquebots de 260 000 tonnes; la Cunard Line, 19 paquebots de 129000
tonnes.
On a cru longtemps qu'aucun autre pays ne
pourrait construire des bateaux plus rapides que l'An-
gleterre. Seuls, les chantiers de la Clyde et de Belfast, disait-on, pouvaient édifier ces bateaux-éclairs, ces lévriers de la mer. Les chantiers allemands ont prouvé le contraire, et, grâce à la rapidité de leurs navires, ils sont en passe d'établir un trust d'un nouveau genre, le trust des passagers. En i go3, la Norddeutscher Lloyd a vu augmenter le nombre de ses passagers de 27 000 à 36 000, chiffre environ deux fois supérieur à celui des passagers de la Cunard Line. Dans la même année. la White Star a transporté 22 000 passagers, contre 18000 transportés en 1902. Mais, parallèlement, la Hamburg America Linie en transportait 24 000 contre 20 000, l'année précédente. Résultat total en une année, les lignes
allemandes de navigation transatlantique ont vu le nombre de leurs passagers augmenter de 3 pour ioo, pendant que les lignes anglaises ont vu le nombre des leurs diminuer de 3 pour ioo. Quatre navires allemands, qui font de 22 1/2 à 23 1/2 noeuds à l'heure, sont depuis longtemps « recordmen » de l'Atlantique. Après eux viennent les Anglais, Campania, Lucania et Oceanic, avec 22 nœuds. Puis viennent des navires américains, et enfin deux paquebots transatlantiques français, la Lorraine et la Savoie. Le commerce du
transport transatlantique est
passé aux mains des Allemands qui, vis-à-vis de l'Amé-
rique, sont dans une situation géographique moins favorable que l'Angleterre et que la France. On travaille ferme dans les chantiers anglais à la construction de nouveaux transatlantiques sur lesquels on compte pour enlever aux Allemands leur suprématie. La Compagnie Cunard construit deux navires qui fileront 25 nœuds.
Edmond Lepelletier.
Aux pays
co~~gur's. Notes
sur l'Al-
sace-Lorraine. Paris, M~chel, 1904. Prix 3 fr. 50. Pierre Loti. l~ers lspahasa. Paris, Calmann-Lévy, 3, rue Auber. Prix 3 fr. 50. PIERRE Loti vient d'ajouter un nouveau joyau à sa couronne d'admirables livres descriptifs. Ispahan et la Perse sont l'objet de ce dernier livre. Jamais l'évocation d'un pays n'avait été si puissante. On éprouve un charme indéfinissable à lire ce merveilleux récit.
Les Progrès rapides du Commerce étranger en Chine. Le Japon est en tête du Mouvement. Avant le traité de Simonoseki, 22 ports étaient ouverts au commerce étranger. Le nombre total des maisons de commerce étrangères et des étrangers installés dans ces villes était respectivement de 556 et 8267. Sur ces chiffres, on trouvait Maisons
"'ationaux
363 78
3919
Japon. Angleterre Allemagne
7)2 1087 1312z
36
Italie.
Etats-Unis France Russie
31
862
29
143 212
155
4
Au lendemain de la guerre sino-japonaise, la Chine s'ouvre au monde civilisé; son commerce extérieur prend un développement colossal et le nombre d'étrangers résidant dans le Céleste Empire augmente également. En 1901, le nombre de maisons de commerce passe à 1 049; celui des résidants étrangers à 19 028, soit Nombre
Anglais. Suédois. Autrichiens. Étrangers
Nombre
de maisons
de commerce
de Résidants
427
5420
Allemands
1531t
122
Français
Hollandais Danois Norvégiens Russes Belges
64
1361
9
~9
4
179
1
88
¡
~3
1648
igç~
Portugais. Espagnols Italiens
Japonais. Américains
i
142
9
200
155 14 15
1159
273
353
2292
49 289
4170
Le mouvement de la navigation des ports ouverts au commerce étranger, long cours et cabotage, se répartit comme suit de 1893 à 1902
Navires à voiles Nombre Tonnage
Navires à vapeur Nombre Tonnage
.lnnées
1894 1898 1902
30027
43 164
58086
28506074 8 036 ]2896014 9497 5280639] t~4t3
1 115 927
1]]7566 1
18] 604
Les importations étrangères en
comme suit pour les années
1897
Chine s'enregistrent et 19° 1 Taëls haïkwan
Pavillons
Britannique Allemand. Français Norvégien
Russe Japonais Chinois Autrichien Danois
Hollandais. Totaux
[897
[901
1]0644]38
154215455
26 110449 5 37
t 4 3t
5 230440
49659
]1608478 8099310o 2664 581t 162540
11074081 t
]5115178
921 669
4 221 951t 1 ]1] 250 225 272 272 187 612
2781928]
225 727
850222 209 297 281
]4561597
On voit ici clairement les progrès accomplis par le commerce étranger en Chine, mais on ne manquera pas de
noter la marche suivie par le Japon, qui s'est répandu en Chine plus vite que tout autre pays.
Service d'Automobiles. en Cochinchine. Madagascar n'est pas la seule de nos colonies où la locomotion automobile ait été expérimentée la Cochinchine possédait avant elle un service régulier, postal et de voyageurs, par automobiles. C'est en i goo, en effet, qu'a été créée à Saïgon cette inentreprise avec un personnel dustrie nouvelle. L'oeuvre indigène et paraît avoir parfaitement réussi. Il a été installé plusieurs services (postal et voyageurs) entre Saïgon, Trambang et Tayninh (frontière du Cambodge) et Saïgon-Bien-hoa. Les routes, sans être positivement mauvaises, n'offrent pas toutes les facilités désirables pour ce genre de locomotion. Pendant la saison des pluies, en particulier, les difficultés sont très grandes pour assurer le service postal. Malgré tout, M. Ippolito, l'ingénieur chargé de ce service, a déjà couvert l'énorme distance de 3 6 00o kilomètres. 11 installe en ce moment un nouveau service entre Saïgon et le cap Saint-Ja:ques, en passant par Baria. Outre le charme de la promenade, qui sera délicieuse, c'est la réalisation d'un très sérieux progrès au point de vue sanitaire, car c'est la facilité donnée aux gens anémiés par l'atmosphère surchauffée de Saïgon d'aller respirer l'air pur de la mer, sans entraver leurs affaires, grâce à la rapidité du trajet.
été
La Mortalité dans les Colonies
françaises.
Une statistique générale embrassant l'ensemble de nos possessions coloniales permet de se rendre compte du tribut payé aux différentes maladies par chaque groupe de personnel. 11 en ressort qu'en 1902, )4421 Européens et 18 856 indigènes ont été traités dans les hôpitaux coloniaux et qu'il s'est produit 1 145 décès parmi les premiers, et 1 029 parmi les seconds. Ce sont les maladies endémiques qui ont occasionné la plus grande morbidité et la plus grande mortalité, tant chez les Européens que chez les indigènes. A elles seules, elles ont entraîné 595 décès chez les Européens, soit 5 ~,85 0/o de la mortalité totale, et 4]9 décès chez les indigènes, soit 4z,66o/o de la mortalité totale. En 1902, la morbidité et la mortalité ont été inférieures à celles des trois années précédentes, malgré les épidémies de fièvre jaune qui ont sévi en Guyane et à la Côte d'Ivoire..
Le Chemin de fer de Bagdad De Konia à Karaman. La construction du premier tronçon
du chemin de fer
de Bagdad a été commencée. C'est la section de Konia-Ere-
gli. Cette section elle-même comprend une première partie qui va de Konia à Karaman et mesure io3 kilomètres. On pensait pouvoir livrer cette ligne nouvelle à l'exploitation pour le lor mai 1904. Mais, si les travaux de terrassements sont finis, la pose des rails ne se fait que lentement. Au mois de février, 22 kilomètres seulement sur 10) étaient couverts de rails il est donc difficile d'admettre que cette voie ferrée puisse être inaugurée avant deux ou trois mois. Le tronçon entier, jusqu'à Eregli, comprend dix stations en partant de Konia. Ce sont toutes, sauf Karaman, des stations peu importantes desservant de petits villages turcs. Le trafic de cette ligne paraît devoir être peu élevé. La
région voisine limitrophe n'est guère productive, et son exportation passera plutôt par Mersina que par le nouveau chemin de fer. Néanmoins, la construction de la ligne est peu coûteuse et l'on espère en tirer de petits bénéfices.
Qu'est-ce au juste qu'un Cosaque ? Symbole de la fureur guerrière, de la force, de l'adresse et aussi de la brutalité, les Cosaques ne sont pas des entités diaboliques, croquemitaines à effrayer les eTafants d'Occident. Ils ont un état civil une histoire dans le passé, un rôle dans le préseht. Dans un ouvrage sur la MaTadcbourie, que publiera ~rocbainement la librairie Hachette, M. Paul Labbé leur consacre plusieurs pages d'un grand intérct. IL a bien voulu en offrir ~s~éalablement la substance aux lecteurs du
Tour du Monde.
firent la guerre aux frontières, se montrant toujours naise, bien des gens m'ont posé la même question pillards, mais pillards très héroïques, et ils participèrent parfois à des révoltes célèbres, comme à celle «( Mais, au fait, qu'est-ce que c'est que les Cosaques ? Naît-on Cosaque ou le devient-on ? Tous les de Poujatchev, dont la maison existe encore et est Cosaques dont on nous parle aujourd'hui forment-ils montrée avec fierté par les Cosaques de la ville d'Ouralsk ceux-ci sont fiers encore de penser qu'un avenune race spéciale? Il y en a de toutes sortes, car on turier cosaque a su jadis tenir tête à la grande Cathenous cite les Cosaques de l'Oural et ceux de Kouban, les Cosaques du Don et ceux d'Orenbourg! » rine elle-même. Une femme très spirituelle, qui assistait récemLa vigueur est la qualité que les Cosaques prisent ment à une conversation où le plus dans un homme. Dès leur plus jeune âge, les une question de ce genre m'était posée, ajoutait enfants sont assouplis par Il y a même des les exercices les plus viocc lents. A trois ans, on les Cosaques de l'Amour un Cosaquedel'Amour,qu'estattache sur un cheval et, à cinq ou six ans, ils sont ce que ça peut être? Ça tient-il ce que ça promet? déjà d'excellents cavaliers; ils préfèrent, d'ailleurs, touÇa fait rêver, ces choseslà jours la gymnastique à l'é» Les Cosaques ne fortude, et les parents ne les ment pas, ainsi qu'on semen blâment pas. Ainsi éleble le croire en France, une vés, ils grandissent et gardent pour la force une race spéciale, et l'on trouve chez eux les types les plus estime toute particulière divers. Après la destruction cette force mise au service DÉFILÉ D'uN RÉGIMENT DE COSAQ1.'ES. des hordes et des royaumes de la discipline peut avoir des conséquences terribles, Photograpl:ie de M. Paul Labbé. tatars, qui s'étaient établis à Kazan, à Astrakhan et en car un Cosaque exécute touCrimée, des aventuriers, de toutes races et d'origines jours un ordre comme il le comprend. Les Russes très différentes, se rassemblèrent dans le bassin inféparlent quelquefois des défauts des Cosaques, mais au rieur du Volga et dans la région du fleuve Oural. A fond ils les admirent et ils en sont très fiers. Lorsqu'à Moscou, où ils étaient devenus rapidement célèbres Varsovie ou à Saint-Pétersbourg, on les voit passer sur et où on les craignait, on les appelait simplement les les champs de manoeuvre, sanglés dans leurs longs brigands, mais ils se donnaient à eux-mêmes le nom uniformes, bleus ou rouges, bruns ou violets, exécud'hommes libres. Pour offrir un emploi à leur actiter sur leurs chevaux admirablement dressés de vervité, on leur confiait des tâches difficiles et on les tigineux exercices de voltige, ils donnent tout de suite désignait pour les postes dangereux. On n'était pas l'impression du courage et de l'intrépidité dont ils ont fâché, à Saint-Pétersbourg, de les savoir occupés au toujours fait preuve dans leur héroïque histoire. loin; car on avait un peu peur d'eux. Longtemps, ils S'ils doivent faire une charge, un jour d'émeute,
DEPUISle commencement de la guerre russo-japo-
A TRAVERS LE MONDE.
2~e
uv.
No 27.
2
Juillet 1904.
les manifestants s'enfuient épouvantés; si, pendant une cérémonie, ils sont chargés de maintenir l'ordre, les moujiks s'écartent et se tiennent à une distance respectueuse, sachant que les Cosaques ont le poing lourd et que, pour exécuter les ordres reçus, ils emploient volontiers la force. Je me rappelle toujours ce que je vis à Saint-Pétersbourg, lorsque la foule venait saluer le catafalque où reposait le corps d'Alexandre 111. Les Cosaques étaient chargés du service d'ordre. Je vis alors une femme assez bien mise qui, pour se mettre au premier rang, bousculait les gens placés devant elle; comme elle était assez gentille, les hommes ne murmuraient pas trop et la laissaient s.'avancer peu à peu. Un Cosaque, spectateur de la scène, s'approcha; il se pencha et, sans descendre de son cheval, il saisit la femme par la nuque, la souleva et s'en fut la déposer à la place qu'elle n'aurait pas dû quitter. La malheu-
reuse était presque évanouie d'épouvante. Les Cosaques ont été groupés, on l'a vu, en plusieurs armées les plus intéressants aujourd'hui sont ceux de l'Oural. Ils forment une armée spéciale. Cette armée a une administration qui lui est propre, ses finances, ses tribunaux, ses écoles. La terre qu'ils possèdent sur la rive droite de l'Oural est leur propriété indivisible, et on peut étudier dans cette région un très curieux essai de communisme. Il n'existe peut-être pas de gens plus hospitaliers que les Cosaques de l'Oural; ils remercient l'hôte qui entre dans leur maison offrir de l'argent au plus pauvre pour prix de l'hospitalité reçue lui paraîtrait une sanglante offense. Les Cosaques établis en Sibérie n'ont plus une telle noblesse de sentiments, et, quoique très braves, ils ne sont pas des soldats comparables aux Cosaques du Caucase, de l'Oural ou du Don. Les Cosaques de Sibérie se vantent d'être les premiers pionniers de la civilisation en Asie russe. Ce fut, en effet, leur ataman Iermak qui, en t 580, pénétra en Sibérie après avoir traversé l'Oural et suivi le cours des affluents de l'Irtyche. C'était un audacieux aventurier, et ceux qui le suivaient n'étaient pas moins hardis que lui; il attaqua les principaux chefs tatars et offrit au tsar Ivan IV, qui l'accepta, la domination du pays conquis. Beaucoup de sultans tatars, effrayés, se soumirent spontanément; c'est ainsi qu'à Tomsk, alors simple petit village, vivait un certain prince Taïone dont les Tatars, si nombreux dans les villes de la Sibérieoccidentale, parlent encore aujourd'hui. Taione, comprenant que la lutte avec les Cosaques serait inégale et partant inutile, alla de lui-même à Moscou rendre hommage au tsar et lui demander son protec-
torat. Les soldats cosaques, cependant, marchaient victorieusement vers l'Est. Des citadelles étaient construites pour relier les conquêtes nouvelles aux anciennes, pour servir de remparts et de places d'approvisionnement on les appelait les {( Ostroghi ». Au xvue siècle, les bassins de 1'léniséi et de la Léna furent conquis, ainsi que les terres polaires et le Kamtchatka. Rappelons, pour achever l'histoire de la conquête sibérienne, la résistance acharnée des Mandchous, l'expédition de Nevelski à l'embouchure du fleuve Amour, l'œuvre du général Mouraviev, de Poutiatine et du comte Ignatiev,dont les résultats furent la cession par la Chine de toute la rive droite de l'Oussouri et, enfin,
l'acquisition de Sakhaline par voie d'échange avec le Japon. Les Cosaques sont aujourd'hui établis le long de certains fleuves et auprès des frontières. Une ligne de défense part du gouvernement d'Orenbourg, c'est-àdire des monts Ourals; elle estlargede 25 à 3o verstes, longue de 572; cette ligne se continue le long de l'Irtyche et à travers la province du Semiretchié; elle a été concédée auxCosaques. Une ligne semblable existe le long du fleuve Amour et des frontières de Mandchourie et de Mongolie. Les Cosaques vivent sur ces terres comme des paysans, mais ils sont toute leur vie considérés comme des soldats ils doivent toujours être prêts à sauter à cheval et à partir en guerre. Chacun d'eux prête serment à dix-neuf ans et sert à l'armée. Ce sont, comme les Cosaques d'Europe, des hommes superbes, très aguerris, et qui ont pour le danger le plus profond mépris ils sont, eux aussi, vifs, emportés et enclins à la brutalité; mais, comme tous les conquérants, ils ont peu à peu perdu quelques-unes de leurs qualités premières, et leur tort est d'avoir pensé, lorsque la conquête était finie, qu'ils devaient conserver toujours leurs habitudes de conquérants. Tant pis pour ceux qui les entouraient! Ils n'ont voulu voir en eux que des peuples asservis, taillables et corvéables à merci, et, considérant le pays où ils habitent comme un pays conquis, ils continuent à traiter les indigènes en vaincus et sont tentés d'avoir aussi peu d'égards pour les paysans russes, venus en émigrants d'Europe afin de coloniser la Sibérie. Ils préfèrent donner des ordres à en recevoir, et faire travailler les autres à travailler eux-mêmes. On dit que la paresse est la mère de tous les vices; l'ivrognerie n'est pas moins dangereuse que la paresse, et les Cosaques la pratiquent en maîtres. Lorsqu'on donne toujours tort aux autres, on est forcé d'exagérer, et le mensonge devient chose facile et naturelle les Cosaques de Sibérie sont aujourd'hui presque aussi menteurs que paresseux. Ils travaillent pourtant un peu, ils s'occupent de chasse, de pêche et de jardinage; c'est d'ailleurs presque toujours la pêche qui est leur plus grande ressource. Les fleuves et les rivières de Sibérie sont immenses et très poissonneux. Beaucoup d'indigènes, qui vivaient uniquement du produit de leur pêche, ont dû peu à peu leur céder les meilleures places, et, refoulés par les Cosaques, ils ont remonté plus avant dans les vallées où coulent les affluents du fleuve Amour. cc Nos Cosaques ne valent plus rien en temps de paix, me disait un jour le gouverneur d'une province sibérienne; mais, vienne la guerre, et ceux qui les méprisent et les blâment se verront forcés de les apprécier et leur seront reconnaissants! » La guerre est venue, et la Russie a fait appel à ses Cosaques. Tous ceux de Sibérie ont sauté joyeusement sur leurs chevaux, persuadés que la guerre serait courte et qu'ils n'auraient qu'à paraître pour être victorieux. (( Vaincre sans nous, me disait un jour un d'eux, la Russie ne le pourrait pas! » Le mot peut paraître extraordinaire; il n'est pas étonnant dans la bouche d'un Cosaque, qui le dit simplement, naïvement; et il ne surprendrait personne en Russie. Je ne peux oublier ce que me racontait un
vieux Cosaque de l'Oural, qui vit encore d'ailleurs aujourd'hui. Dans une des batailles livrées par les Russes au Turkestan, il était resté à cheval, tout sanglant, couvert de blessures, à la tête d'un petit détachement qu'il commandait, sans vouloir mettre le pied à terre et gagner l'ambulance. « Tant qu'il est à cheval, me racontait-il, un Cosaque ne meurt pas » J'ai habité souvent chez les Cosaques du steppe kirghize, de la province de Transbaïkalie et du bassin de l'Amour. J'ai déjà présenté aux lecteurs du Tour du Monde quelques-uns des types les plus curieux que j'ai rencontrés. Presque toujours, en effet, quand j'allais visiter les paysans indigènes, je prenais
réunis et la main à la visière de sa casquette. » Parmi les Mongols, quelques individus ont été embrigadés dans les régiments cosaques, et leurs fils sont aujourd'hui des soldats, inférieurs pourtant à leurs camarades. On en trouve un certain nombre de ce genre en Transbaïkalie; ils ont pris les défauts ordinaires des Cosaques, en donnant, avant tout, la préférence à l'ivrognerie. C'est là d'ailleurs un vice admis et bien considéré, puisqu'un jour une femme cosaque s'écriait devant moi cc Un homme qui ne boit pas, n'est pas un homme! » Or, comme je déclarais toujours que je ne buvais pas une goutte d'alcool, parce que je ne voulais pas qu'on me fit trop boire et parce que je savais qu'en Russie il faut toujours finir une bouteille commencée, je compris que cette réflexion ne pouvait s'adresser
qu'à moi. On peut donc penser si je me sentis humilié. J'ai fréquenté d'ailleurs assez souvent chez les Cosaques établis le long du fleuve Amour. La navigation sur ce fleuve dure du 16 mai au 15 octobre; elle est souvent très désagréable, car les eaux sont basses trop souvent, et l'on échoue sur les rochers dans la partie du fleuve qui se nomme le Chilka et ensuite sur les bancs de sable si nombreux et si perfides du fleuve Amour. Les stations les plus importantes sont de gros villages cosaques, bâtis en bois le plus souvent, sans caractère spécial, et ressemblant à presque tous les villages russes. Pendant mon dernier voyage, les accidents furent nombreux, et nous
saques, qui s'avance à toute bride, renverse tout sur son passage
r
Comme pour me prouver ce qu'il avançait, l'officier, que quelques verres d'eau-de-vie avaient mis en gaieté, sauta sur son cheval, qui se trouvait devant la porte. Il le fit d'abord caracoler, l'excita, puis le lança au quadruple galop sur les dunes de sable du rivage le cheval franchissait talus et fossés; tout à coup, maintenant toujours son cheval à son allure vertigineuse, l'officier se renversa, se suspendit par les pieds, saisit au ras du sol un petit arbuste, fit un rétablissement vigoureux, et, ramenant vers nous son cheval, il revint en agitant comme un trophée les branches qu'il venait d'arracher. Nous l'applaudîmes, et de grand coeur. « Quel ennemi pourrait résister à nos Cosaques?
me dit-il; les Chinois, qui nous ont vus à savent bien!
l' œuvre, le
Oui, les Chinois; mais les Japonais? lui dis-je ». L'officier éclate d'un rire bruyant. Ce n'est pas lui qui croyait au péril jaune, et, comme tous les Sibériens, il ignorait ce que valaient les hommes de l'empire du Soleil Levant et les progrès qu'ils ont faits
depuis trente ans. les Macaques, répondit-il en employant le \( Ah terme méprisant dont aiment servir les Russes quand ils parlent des Japonais, les Macaques! Mais on lancera nos cavaliers parmi eux, et on les assommera d'un coup de poing. Ce sera de l'ouvrage vite et bien fait, on n'aura pas à s'y reprendre à deux fois! » L'officier cosaque avait raison, mais en partie seulement; oui, les Cosaques sont les premiers cavaliers du monde, et ceux que frappent leurs poings ne se relèvent pas facilement; mais, voilà, les Macaques ont de bons fusils, dont ils se servent mieux que leurs adversaires, et ils ne se laissent pas approcher de trop près. Les Cosaques aujourd'huil'ont appris à leurs dépens. Ce qui est incontestable, c'est la valeur, la bravoure, le mépris de la mort des deux armées qui se trouvent en présence et même lorsque, comme moi, on souhaite, par sentiment et par raison, la victoire du Cosaque sur son adversaire, on ne peut cependant oublier les qualités de ce dernier on regrette de voir tuer chaque jour, dans les deux camps, tant de braves soldats, qui sont aussi de braves gens.
se
PAUL LAB8É.
Une Colonie agricole française au Canada. IL existe encore au Canada plus de 2 millions de Français et, dans l'ouest, des plaines fertiles qui sont inoccupées. Les peupler par des Français, afin d'y faire revivre le nom et l'influence française, telle est la tâche à laquelle s'est consacré un de nos compatriotes, M. l'abbé E. Cramillon. Ancien aumônier à bord des navires hôpitaux, à Terre-Neuve et en Islande, il a fondé au Canada un orphelinat agricole. Son but est simple recueillir des orphelins français et leur donner un avenir, mais en se plaçant à un point de vue particulier, qui est d'offrir à ces enfants un avenir exclusivement basé sur l'agriculture. L'avenir se présentera sous les espèces d'un lot de terrain de 64 hectares qu'allouera à chacun d'eux le Gouvernement, à l'âge de vingt ans, époque où ils quitteront l'établissement. L'abbé ne se contentera pas de procurer à ces enfants une connaissance superficielle de l'agriculture, car l'agriculteur ne doit pas être un homme attaché exclusivement à sa terre et à ses bestiaux; il leur donnera des connaissances générales, qui viendront étayer une connaissance scientifique et
pratiquement documentée.
prend les orphelins qu'à partir de l'âge de douze ans, et avec le plein consentementdeleur tuteur ou du conseil de famille. C'est une oeuvre qui mérite de réussir elle a groupé autour d'elle de nombreuses sympathies, mais a encore besoin d'être aidée par la charité de ceux qui ont à coeur l'avenir des orphelins, et qui veulent en même temps voir se développer l'influence française.. dans un pays qui a conservé, malgré les changements de la politique, de profondes attaches avec la France. Il ne
Les Kourdes et les Arméniens. LES affaires d'Arménie ont recommencé à préoccuper l'opinion publique. Près de Mouch, dans la province de Bitlis, en pays kourde, l'œuvre de la police turque s'est accomplie. Arménie, Kourdistan, ces expressions ethnogéographiquesn'offrent pas à l'esprit une idée bien nette de leur véritable signification. Le Kourdistan est moins une division politique ou administrative qu'une région ethnographique. Il s'étend, en Asie mineure, du nord-ouest au sud-est, du confluent des deux bras de l'Euphrate à Karpout jusqu'à la frontière du Louristan, sur une longueur de plus de 900 kilomètres avec une largeur qui varie de 100 à 200 kilomètres. Quant à l'Arménie, ses limites ont très souvent changé; on la divise aujourd'hui en trois parties turque, russe, persane. La première, celle qui est le théâtre des événements actuels, comprend les pachaliks d'Erzéroum, de Bitlis et de Van. C'~st une partie du pays kourde. Les Kourdes jouissent d'un certain droit de protection sur les Arméniens. Mais, depuis i8oo, les relations entre ces deux peuplades, qui jadis fusionnaient, sont devenues fort difficiles. Les Kourdes forment la grande majorité de la population. Leur nombre, d'ailleurs, diflére suivant les géographes. M. Vivien de Saint-Martin l'évalue à 1828000; M. Frédéric L~moinne, dans la Géographie, le porte à 2 400 ooo, en comprenant, il est vrai, ceux qui, assez nombreux, ont émigré en Perse. Ce sont des pasteurs sédentaires; ils sont divisés en trois classes l'aristocratie, représentée par les chefs de tribus; la classe moyenne, composée de petits propriétaires fonciers et une sorte de roture, obligée à des redevances, à des corvées, ainsi qu'au service mili-
taire. Les Arméniens, dont le nombre, d'après M. Lemoine, peut être évalué à environ 500 000, s'adonnent ait commerce aussi bien qu'à l'agriculture, soit en qualité de propriétaires, soit comme serfs ou tenanciers. A ce dernier titre, ils doivent au chef kourde le kJ~afir ou impôt annuel, ainsi que des redevances en na-
ture.
Arméniens et Kourdes sont donc deux peuples superposés, comme le Kourdistan est le tout, dont l'Arménie est une partie.
De l'Oubangui au Lac Tchad à travers le Bassin du Chari.
Mission Chevallier.
L'exploration que M. Chevallier vient d'accomplir, en r9oz et rgo3, est la continuation d'une a?uvre conçue par le général de Trentinian. L'organisateur du Soudan français, après la période de conquête de la boucle du Niger, entreprit de faire inventorier par des spécialistes les productions et les richesses ignorées dit sol et de faire étu-
dier la flore, la faune et l'état social des habitants, pour déterminer la valexzr coloniale de ces pays nouveaux. De cette
ceuvre, qu'il a szz znener à bien, M.
Chevallier a jàit à la Société de Géograpbie un com~te rendu dont nous analysons les ~rincipazsx ~assages.
PARTI, le 3 août 1902, de Brazzaville, M. Chevallier remonta le Congo,
passa du Congo dans le Bas-Oubangui, arriva, le 3 i août, dans le HautOubangui sur la Kémo. Installé, le 9
septembre,
à
Fort-Sibut(Krébedjé), il se mit im-
médiatement
à
l'ouvrage. Son choix, pour la création d'un jardin d'essai, se p8rta sur un beau coin de brousse qui s'étendait sur kilomètre de longueur environ, le long de la Tomi, 1 aftluent de la Kémo. L'administrateur du cercle lui procura une équipe de travailleurs, et il put bientôt ensemencer ses graines les plus précieuses et transplanter les jeunes plantes, qui s'étiolaient dans les serres portatives. On vit successivement germer les citronniers, les mandariniers, les orangers et une foule
d'autres plantes utiles apportées du Muséum, du Jardin colonial de Nogent, etc. En deux mois, environ quatre cent soixante espèces ou variétés de plantes utiles furent ensemencées ou transplantées. Entre temps, M. Chevallier fit plusieurs excursions, l'une à l'ouest de'la Tomi, vers les sources de l'Ombella; l'autre à l'est, vers la moyenne Kémo. C'est
au cours de ces voyages qu'il prit peu à peu contact avec les principales peuplades de race banda Mdis, Mbis, Nlbrous, Ungourras. Le II novembre, l'explorateur se mit en route pour explorer les États du sultan Snoussi. Le sentier qui va du bassin de l'Oubangui au
Haut-Chari,traverse un pays aujourd'hui complètement désert, mais où existaient, il y a peu d'années encore, des villages populeux. Les habitants ont fui pour se soustraire au portage et aux rapines des noirs affamés qui parcourent cette route. Près de la ligne de partage des eaux des deux bassins, on pénètre chez le second grand peuple du Haut-Chari la race mandjia. Cette race, quoique habitant un pays fertile, est aujourd'hui décimée par la famine, le portage, les épidémies, l'hostilité des Bandas envahisseurs. et elle se
trouve en un état d'affaissement lamentable.
Crampel, où vivent côte Fort
à côte les Bandas
et les Mandjias, cst le poste le plus rapproché de la ca-
pitale du sultan Snoussi, la ville de Ndélé. Pour l'atteindre, on marche douze jours à travers un pays où la chasse à l'esclave a fait des vides immenses. Snoussi fit à l'explorateur un très cordial accueil. Il lui fit apporter toutes les productions curieuses de ses États les noix du palmier à huile, les fibresdu raphia, le poivre d'Éthiopie, des plantes de café sauvage. Il donna en son honneur un grand tabour, sorte de revue où il fit défiler mille cinq cents soldats avec toutes les bannières déployées. Avant de le laisser aller aux marais du Mamoun, Snoussi hésita quelque temps; il le fit accompagner par une quarantaine de ses guerriers, qui devaient veiller sur sa sécurité. Dans cette région, où ni Nachtigal, ni Potagos n'avaient pénétré, existait, au dire des musulmans de l'entourage du sultan, une mer intérieure, comparable au lac Tchad. La déception de l'explorateur fut grande de ne trouver qu'une immense plaine marécageuse, longue de plus de 150 kilomètres, où s'écoulent cinq rivières, dont la principale est le Boungoul, rivières qu'aucun Européen n'avait encore vues, à l'exception des sources de la Mindjia, découvertes par Potagos, en 1878, à la frontière du Dar-Four.
Ces grandes plaines nues, à sol argileux improductif, sont extrêmementgiboyeuses. Dans les rivières profondes abondent les hippopotames, les tortues, les crocodiles et de très gros poissons. M. Chevallier quitta Ndélé le 2 mai, et, par la
vallée du Bangoran, atteignit Fort-Archambault, sur le Chari, une vingtaine de jours après. C'est dans cette zone de Fort-Archambault, entre le neuvième et le dixième parallèle, que se trouve l'un des groupements humains les plus intéressants, aussi bien au point de vue physique qu'au point de vue économique le groupe des Saras. M. Maistre est le premier voyageur qui ait fait connaître ce peuple. Quand l'explorateur raconta qu'il avait trouvé dans le centre africain une population de haute stature et à tête large, il rencontra beaucoup d'incrédules c'est pourtant la vérité. Les hommes mesurant i m. 8o de taille ne sont point rares, et la force de quelques-uns est herculéenne. Les Saras sont de laborieux cultivateurs. Ils ignorent l'anthropophagie et forment une société assez bien policée, ayant de véritables chefs. La plus grande partie de leur contrée est une brousse défrichée. Les villages, souvent populeux, sont situés près des rivières ou plus fréquemment sur des coteaux sablonneux fertiles; les cultures de sorgho et d'autres plantes vivrières indigènes sont parfaitement entretenues. Les champs sont ombragés d'arbres qui leur donnent l'aspect de magnifiques vergers. Malheureusement, cet intéressant pays est dépourvu des ressources forestières naturelles qui pourraient déterminer un courant d'exportation. Le Bahr-Salamat, qu'on rencontre un peu plus au nord, est la seule rivière originaire du Ouadaï qui amène encore, chaque année, un peu d'eau au Chari. Depuis le Dar-Rounga jusqu'à la région des Saras, le Bahr-Salamat coule dans une immense plaine nue, à sol argileux imperméable, remplie de crevasses et de dépressions. A la saison pluvieuse, l'eau s'y accumule et transforme en marais toute la contrée. Le plus vaste réservoir est le lac Iro, situé dans une boucle au sud du Bahr-Salamat, très riche en hippopotames. Les indigènes du lac Iro appartiennent au groupement Koulfé et Goulla et forment une douzaine de tribus tout à fait indépendantes les unes des autres.
Les villages construits sur dé petites protubérances, hors des atteintes de l'inondation, sont ordinairement fortifiés par une ou plusieurs enceintes d'arbustes épineux formant des buissons impénétrables. Au nord du Bahr-Salamatvivent d'autres peuples les Bouas, les Sokoros, enfin les Noubas ou Fagnias. Ces derniers constituent un peuple des plus intéressants. Leurs habitations minuscules on les
prendrait pour des ruches d'abeilles
sont perchées dans des rochers presque inaccessibles. A la moindre attaque, ils se réfugient au haut des falaises, dans des cavernes invisibles où il est impossible de les découvrir. C'est là aussi qu'ils cachent une partie de leurs récoltes et qu'ils ont parfois des citernes contenant de l'eau en réserve. Le pays, qui s'étend depuis les crêtes granitiques des Niellim jusqu'au coeur du Ouadaï, est une plaine argileuse d'une uniformité désespérante. Il n'est pas douteux que toute cette contrée a été parcourue autrefois par un inextricable lacis de canaux
qui devaient lui donner l'aspect des Pays-Bas. Les canaux, qui s'élargissaient parfois en lacs, couraient dans une vaste plaine au sol argileux qui raye le centre de l'Afrique, depuis les lacs du Niger moyen jusqu'aux marais de la Méchra sur le Nil. La plus grande partie du Baguirmi est formée par ce terrain, et sa surface est transformée l'hiver en lagunes et en imrrenses marécages, par suite de l'existence d'un sol imp~rméable et sans pente. Dès l'arrivée de la saison sèche, les marais s'évaporent, le steppe devient aride, les herbes se dessèchent, le sol se durcit et l'eau devient très rare. Dès le sud du Baguirmi, à partir du dixième parallèle, on commence à rencontrer des colonies de races islamisées. Ce sont tantôt des Barmagué' (Baguirmiens) essentiellement cultivateurs, tantôt des Bio'ss (Bornouans) émigrés de leur pays, tantôt enfin des Choua's (Arabes pasteurs) qui se déplacent pour faire pâturer leurs troupeaux. Tejcna est aujourd'hui la capitale du Baguirmi et c'est là que le sultan Gaourang a transporté sa résidence depuis la destruction de Massénia. Malgré sa situation privilégiée au bord du lit de l'Erguig, la ville manque presque complètement d'eau potable, lorsque le lit est à sec, c'est-à-dire de mars à octobre. La plupart des cases, d'aspect misérable, semblent des campements provisoires. Sur le marché, il ne se traite pas pour plus de ioo 00o francs d'affaires par an, défalcation faite du trafic des esclaves, qui, tout en étant clandestin, n'en constitue pas moins la principale branche de commerce du sultan et de ses chefs. Les ruines des grandes cités soudanaises, qui jalonnent la brousse de tout le nord de l'Afrique"tropicale, laissent toujours une impression douloureuse sur l'âme du voyageur; il n'en est pas qui produise une sensation d'aussi profonde tristesse que celles de Massénia.
De la cité décrite
par Barth, il ne reste absolu-
ment rien; la trace même des mosquées et des palais des sultans est effacée. Une prairie d'herbes hautes de [ m. 50, où viennent pâturer les antilopes, remplit toute l'enceinte de la ville. Dans l'argile du mur ébréché en mille endroits voisinent les tibias humains, les morceaux de crânes, les débris de poterie. La flore des plaines basses situés au sud du Tchad est presque exclusivement composée d'arbustes épineux et d'herbes annuelles. L'autruche y vit par troupeaux de quatre ou cinq individus, assez nombreux dans les steppes au
nord du dixième parallèle. Il en existe quelques sujets domestiques dans tous les villages de la région. Le nord du Baguirmi a été couvert autrefois d'un réseau serré de canaux qui mettaient en rapport tous les bras orientaux du Chari inférieur. Ce vaste estuaire, dont le Tchad n'était qu'une dépendance, se prolongeait par la plaine du Bahr-elGhazal jusqu'au cœur du Sahara. Il est même probable qu'à l'époque préhistorique, ce grand fleuve, après avoir contourné à l'est le massif du Borkou et traversé le désert libyque, s'en allait tomber comme le Nil dans la Méditerranée. On est donc amené à se demander si, bien avant la civilisation égytienne, un groupement humain, réparti sur les rives de ce grand fleuve saharien qu'était alors le Chari, n'a pas prospéré, préparant
l'humanité au rôle éminent qu'elle a joué par la suite
sur les bords de la Méditerranée. Le Kanem aussi est un pays asséché. Il ne faut pas se faire d'illusions sur sa valeur. C'est déjà le Sahara dans toute sa pauvreté. Les céréales les moins exigeantes y poussent difficilement. M. Chevallier commença, à la fin de septembre
1903, le retour vers le sud, et, après avoir traversé une partie de l'archipel du Tchad, arriva à Fort-Lamy. Quelques jours plus tard, il s'embarquait sur le Chari
pour rentrer en France. Les pays visités par la mission Chari-lac Tchad
ont pour notre avenir colonial une valeur incontestable. Les peuples du Soudan, bien supérieurs aux autres noirs, ont un état social tel qu'on peut le considérer comme une demi-civilisation. Une ère nouvelle a commencé pour eux à partir du jour de la pénétration française. L'exploration scientifique et méthodique du Soudan est assez avancée pour faire entrevoir les principales ressources naturelles, dont le commerce et l'industrie de notre patrie pourront tirer un jour tout le parti désirable. Au sud, se trouvent les lianes à caoutchouc de grande taille. On peut aussi y cultiver les arbres fournissant la kola, si recherchée des noirs, ainsi que les caféiers, qui y croissent déjà à l'état sauvage. La zone moyenne est la plus peuplée et la plus intéressante. C'est le pays des grandes cultures, des champs admirablement entretenus. C'est là surtout grand que la culture du cotonnier est appelée à un avenir.
Enfin, les steppes du nord, où vivent les autruches et où se rencontrent les acacias donnant la de pâgomme arabique, sont par excellence des pays turages et de peuples pasteurs. Les territoires de l'Afrique occidentale française, aujourd'hui unifiés, offrent un débouché qui suffira à à notre activité, jusqu'au jour où le bassin du Tchad, présentera dans des conditions plus favo-
son tour, se rables à la colonisation.
Les Conditions futures d'une Expédition dans les Régions
polaires arctiques'.
D'urts conférence faite récemment par
M. Charles
Bénard, président de la Société d'Océanographie du qu'étant donné golfe de Gascogne, il semble résulter l'état d'avancement des découvertes autour du bassin maritime polaire, il ne reste aujourd'hui que deux des sortes d'explorations rationnelles à entreprendre explorations annuelles localisées sur le périmètre du bassin arctique, analogues à celles du prince de Mocelle de Greely, dans la baie naco, dans la baie Red; à l'archipel du fort Conger, et à celle de Sverdrup dans La Conquête du Pôla par Ch. Benard. Librairie Hachette, 1904. 1. Voir
i
vol.
de Parry; et de grandes missions de pénétration dans le bassin maritime polaire, entreprises avec des bateaux spéciaux, transformés en observatoires, ayant la soliemportant dité suffisante pour résister au (( pack le matériel et les vivres nécessaires pour le nombre
et
d'années correspondantà l'itinéraire suivi. Quelle route devront suivre les explorateurs de cette catégorie? En principe, il faut prendre une route dans laquelle les navires n'auront pas à refouler des courants généraux contre lesquels il est impossible de lutter. On est amené ainsi tout naturellement à éliminer les routes du détroit de Smith et de la côte orientale groënlandaise, qui. sont les grands lits de la descente glaciaire. D'ailleurs, l'expérience confirme cette appréciation. Aucune mission n'a jamais pu remonter le courant glacé le long du Groënland la Germania et la Lilloise y ont péri corps et biens; quelques navires comme l'Alert et le Polaris ont pu franchir le canal Robeson et parvenir à l'entrée de la mer de Lincoln, mais aucun n'a pu songer un instant à s'engage1' plus loin.
Le Spitzberg ne peut pas non plus servir de point de départ; le navire qui tenterait de gagner l'océan Polaire, depuis cette terre, aurait à lutter sous banquises; il un angle de 45° contre la dérive des serait entraîné par elles sur la côte orientale du Groënland. Les mêmes inconvénients se retrouveraient sous Françoisun angle de 90° en partant de la terre de
Joseph.
Le seul moyen de
traverser la grande cuvette
polaire consiste à refaire le voyage du Fram, un peu plus au nord. L'idée de la traversée du bassin polaire, dans le sens du grand courant arctique, est née à la suite de la découverte des bois flottés et des boues de Sibérie sur les côtes orientales et méridionales du Groënland, et aussi quand furent trouvées, au cap Farewell, des épaves de la Jeannette, abandonnée par son équipage, au nord de l'île Bennett. Il faut donc partir d'un port norvégien, traverser la mer de Barentz, relâcher à Karabova pour prendre des équipes de chiens, remonter, entre la banquise et la terre, la presqu'île de Yalmal; longer, en fin d'été, la presqu'île Taïmyr, arriver, vers l'automne, aux îles de la Nouvelle-Sibérie, et gagner un point situé sur le point, le 150e degré de longitude est. Rendu à ce navire de l'expédition n'a plus qu'à se laisser entraîner par la banquise. La durée d'une telle campagne est escomptée à trois ans, les approvisionnements sont prévus pour cinq ans. Enfin, les frais s'élèveraient à la somme d'un million et demi de francs au plus. Avis aux courageux amateurs
Le Train d'Or~é~at et les Voyages Sopar terre et par mer de Paris à Coustantinople. Paris. ciété française d'éditions d'art, ~903. ln-4°, avec figures. Prix 5 fr. 25.
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Les grands Sports. de l'automobilisme n'a pas L'HISTOIRE
encore d'événement de cette importance à enregistrer, et il vient à propos, en un moment où bien des esprits commençaient à craindre que l'industrie française n'eÚ( enfin trouvé une rivale
pour la battre irrémédiablement.
Théry, le représentantdela France, arrivé premier avec une avance de 12 minutes environ sur son concurrent, a, pendant 5 h. 50 minutes, roulé à une allure moyenne de 96 km. 22 à l'heure. C'est un exemple d'endurance et de vitesse combinées qui fait honneur au constructeur comme au conducteur de la voiture. Voici d'ailleurs les temps des différents concurrents, et l'ordre
de
leur
arrivée. 1.
Théry (Français)..
5
2. ]enatzy (Allemand). 6 3. DeCaters(Allemand) 6 4. Rougier (Français). 6 5. Braun (Autrichien). 6 6. Hautvast (Belge).. 7 7. Salleron (Français). 7 8. Lancia (Italien) 7
h. 5o m. 8. s.
7
9. Girling(Anglais).. 7
1
28
46 48
3~
59
6
2 15 17
30
22
1
3 54 54
36 7 23 10. Cagno (Italien) (Autrichien) 7 32 14 1. Werner (Anglais).. 36 i2.Jarrott 7 32 Thérymontait, comme on sait, une voiture Richard-Brasier. La « Coupe une délicate œuvre d'art c'est en réalité un groupe en argent massif représentant une automobile dirigée par
est
la Victoire. Le vainqueur de la course internationale
conservera ce «record» » pendant une année. Il est permis d'espérer même qu'il le conservera plus
longtemps!
GordonBennett, de par la pensée La Coupe
même de son fondateur, est la grande épreuve, celle qui appelle tous les peuples à mesurer leurs forces, et qui classe l'industrie de chaque pays d'après la réalisation plus ou moins parfaite de ce beau rêve fait par chacun. Donnée à la France, où l'industrie automobile était née et où elle avait tout d'abord pris une grande avance, la Coupe y resta deux ans, en 1900 et en
Elle nous échappa en 1902 et en 1903. Elle nous est revenue
1901
triomphalement, cette année.
La lutte était aléatoire, et bien risquée pour nous. Ce n'est pas que
notre fabrica~ion n'ait conservé toute sa valeur et fait même de considérables progrès, mais des conditions extérieures venaient compliquer le problème à résoudre et rendre plus difficile la vic-
toire..
La France est le pays de la route
La Coupe Gordon-Bennett.
belle, large et facile, au sol uni, aux longues et belles percées. Aussi, l'automobile a-t-elle gardé dans sa ligne et dans ses besoins cette belle, simple et robuste ordonnance des routes de notre pays. Ce sont, d'ailleurs, celles que chacun préfère et que chacun vient parcourir et admirer. La France est aujourd'hui le pays par excellence de la fabrication, mais surtout de la promenade automobile. Les routes étrangères sont, en général, beaucoup plus rudes et beaucoup plus accidentées. La vitesse y joue un rôle moins grand, et il est bien certain qu'au Taunus, par exemple, où s'est disputée la course, la vitesse est devenue non l'unique facteur de classement, mais pour ainsi dire une cause d'élimination même, la route ne pouvant s'y prêter. Voilà pourquoi l'histoire de la Coupe gravite dans ces quatre dernières années autour de la date de 1902 où S. F. Edge nous l'enleva, non par la vitesse même de sa voiture, mais parce qu'il resta seul en ligne sur les routes étroites et sinueuses d'Irlande. L'industrie française, continuant l'erreur qui lui avaitcoûté la Coupe en 1902, s'étaitoccupée de mettre des voitures avant tout rapides. Elles restèrent en ligne, cette fois, mais elles manquaient d'une qualité primordiale sur une route sans lignes droites et
préparée que les années précédentes, car elle a mis en ligne toutes ses forces vives, et, avant de les envoyer au combat, les a comparées dans une épreuve éliminatoire, le Circuit des ~9rdesmes. Ce sont donc ses trois meilleurs champions qui l'ont représentée. La fête fut admirablement réussie. splendides, un temps merveilluttes Des leux, pas ou peu d'accidents. L'Allemagne avait, d'ailleurs, grandement fait les choses c'est 2 millions qui furent dépensés pour la réfection des routes, la construction de tunnels ou de ponts, l'établissement des tribunes, bureaux de poste, télégraphes, ornementations diverses. L'empereur et l'impératrice assistaient au tournoi. Guillaume Il n'avait caché ni son désir ni sa ferme espérance de voir triompher l'équipe allemande il a fait contre mauvaise fortune bon visage, et avec l'à propos dont il a si souvent fait preuve, il a envoyé le prince de Hesse, grand maître de l'ordre de l'Aigle Noir, porter sa photographie avec dédicace à Brasier et à Théry, les vainqueurs de la Coupe. Il a également envoyé au président de la République française toutes ses félicitations, à l'occasion de cette belle victoire industrielle, qui doit nous rapporter honneur et profit. La France exporte au-
jourd'hui pour près
de 60
millions par an de voitures automobiles; c'est un peu de ce gros capital que nous allions risquer dans une bataille avec tous les concurrents étrangers. Voilà ce qui a donné à la Coupe Gordon-Bennett, cette année, une particulière
valeur;voilàpourquoi,dans les 12 minutes qui séparèrent l'arrivée de jenatzy de celle de Théry, les spectateursles plus calmesavaient peine à contenir leur émotion. Théry était parti 28 minutes après jenatzy, et quoique prenant de tour en tour uneavance progressive, il n'avait pas pu dépasser son terrible adversaire qui, vivant sur son avance, pas-
sait le poteau au milieu d'une tempête de hourras, à 4 h. 45 minutes du soir. Pour remporter la victoire, le champion français devait donc arriver avant où il faut bondir de tournant en tour- 4 h. 45+28 minutes, soitavant 5 h. 1] minant. Elles ne démarraient pas assez vite, nutes. A 5 h. minute, il passait le poteau, gagnant ainsi avec une avance de et l'on assista à ce phénomène bizarre nos voitures régulières et plus rapides, 12 minutes. C'est une lutte mémorable dont battues par une voiture qui n'était pas plus régulière, à coup sûr moins rapide, l'importance pourrait échapper à ceux-là mais qui démarrait avec une promptitude seuls qui ne sentent pas que ces combats effrayante, gagnant à chaque fois beau- sont destinés à remplacer les autres. coup plus qu'elle ne perdait, en somme, une fois lancée. La France était, cette année, mieux
Les Tirailleurs sénégalais. Possesseurs incontestés d'un Etat africain dont la superficie s'élève à ~rès de 5 millions de kilomètres carrés, nou! avons raison d'en être fiers, mais la justice et la reconnaissance nous font ztn drvoir de ne point revendiquer la part tout entière de cette gloire d'une aussi rapide conquéte. En efjet, malgré les ruineux sasbsides conseutis par la Métropole, malgre les nombreuses existences héroïquement sacrifiées, le succès n'eût pas ré~ondu à nos efforts si nous n'avions trouvé, dans lE pays même, d'admirables auxiliaires. C'est grâce aux tirailleurs sénégalais, que nos armes ont pu victorieusements'avancer dans les profondettrs d'un ~ays si fatal à la santé des Euro~éens. Avant escx, au début de l'occupation, que de tombes semées sur les bords fiévreztx du Sénégal, que d'hécatombes de soldats blancs sur les sables ettfiammés du Cayor!
création des cipayes de l'Inde, dont l'effectifs'éleva sous Dupleix, en 17 53, jusqu'à io 00o hommes, avait démontré les avantages du recrutement indigène pour la garde des colonies et pays de protectorat. L'essai renouvelé, vers 1818, à la Guyane, par suite d'une épidémie qui avait décimé nos troupes, donna également La A
mais combien insuffisante en regard des vastes espaces confiés à sa protection, si l'on se rend compte que la plupart de nos postes sont distants de 200 et même de 400 kilomètres les uns
des autres, que douze et quinze jours de marche à travers un pays difficile et désert les séparent et que, dans le cas d'une révolte ou d'une attaque, ils auraientle temps plusieurs
d'heureux résultats. Aus-
si, quelques années plus tard et pour des raisons analogues, la création de corps indigènes fut décrétée pour chacune de nos
fois d'être anéantis avant
que tout secours leur parvienne. Les compagnies de tirailleurs sont formées
d'indigènesrecrutésparmi
colonies tropicales.
Vers 1853, à l'épo-
les différentes races de
que où s'ouvre la période de conquête, le Sénégal n'a qu'une compagnie de tirailleurs noirs; mais bientôt à cette unité viennent s'en ajouter d'autres plus nombreuses. Il faut des hommes, en effet, pour occuper et défendre les vastes territoires soumis
l'Afrique occidentale. On y trouve des Ouolofs, habitants du Bas Sénégal, des Toucouleurs, riverains du même fleuve, des Peulhs, pasteurs nomades, des Malinkés, des Bambaras, nègres purs du Niger.
Cette dernière race fournit le plus gros continà notre domination, il en gent en même temps que LES ~EMMES DE NOS TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS. faut surtout pour contile meilleur. Le Bambara Photograpltie de M. Pout-Pinet. n'est point orgueilleux, nuer, vers l'intérieur, cette marche audacieuse et bruyant, vantard comme pénible où les soldats européens succombent, terrassés le Ouolof et le Toucouleur et, s'il est moins agile et moins nerveux que le Peulh il est plus que lui robuste, par la fièvre et les coups meurtriers du grand soleil. Donc, d'année en année, le nombre de nos soldats endurant, infatigable marcheur. Il est surtout plus finoirs s'accroît pour atteindre, en 1904, le chiffre de dèle, plus discipliné, plus malléable parce que, seul 6000 environ; force imposante dans son ensemble, parmi ses compagnons d'armes, il est encore fétichiste. A TRAVERS LE MONDE.
28e
LIV.
N~
28.
9
Juillet 1904.
Partout où l'islamisme se glisse, notre autorité s'en trouve amoindrie or, ses progrès sont immenses en Afrique, même depuis notre conquête; et peut-être n'avons-nous point pris d'assez habiles mesures pour enrayer sa marche. Il ne faut pas oublier que l'islamisme est l'ennemi irréconciliable du blanc; que c'est en son nom que les populations se sont soulevées contre nous et que ce sont ses prophètes qui nous ont combattus avec le plus d'acharnement. Notre domination est subie, mais non acceptée partout; les mara-
bouts fanatiques travaillent dans l'ombre, et, quand « l'heure de Mahomet sonnera », nous verrons, si nous
ne savons les prévenir, de sanglantes représailles. A
proprement parler, il n'existe pas de musul-
quelques années après, ne voit-on pas cette chose plus étonnante encore? huit tirailleurs de la mission Casemajou, après le meurtre de cet officier et de l'interprète Olive, venir réclamer au sultan de Zinder les cadavres des deux chefs blancs « Si tu ne nous les ils allument rends pas, nous détruirons la ville. l'incendie. Assaillis hors des murs, dans la case où ils se sont retirés, ils résistent trois jours à plus de 15°0 guerriers, réussissent enfin à leur échapper, laissant quatre d'entre eux parmi les victimes. L'histoire de la colonie fourmille de ces traits admirables, et, à vouloir rappeler seulement les principaux, le cadre d'un simple volume ne suffirait pas. Toutefois, si le tirailleur possède en leur intégrité absolue toutes les qualités du soldat de conquête, il n'est point exempt de ses défauts. Il est naturellement pillard et même en temps de paix, en pays soumis et tranquille il rançonne parfois les indigènes sans autre motif que sa cupidité, abusant de la crainte qu'inspire sa chéchia rouge et son fusil. La paix ne lui plaît point. N'estEt,
Et
mans véritables parmi nos tirailleurs, bien que quelquesuns soient issus de races d'un fanatisme excessif, les Toucouleurs, par exemple. Le fait de servir le blanc, de se vendre délibérément à lui, en somme, est une atteinte grave à la loi de Mahomet; aussi est-il considéré par ses coreligionaires comme un renéde ce jour, il vit en gat il pas tirailleur pour faire la marge de la société. Au surguerre? et la guerre pour lui plus, le tirailleur qui se dit n'est pas un but, mais un musulman, l'est en quelque sorte par «snobisme», parce moyen. Comme tous les noirs, ce n'est ni pour une que les rites extérieurs de cette religion, qu'il pratique cause, ni pour une idée qu'il se bat, c'est pour s'enrichir sans conviction aucune, mais d'une façon très ostensible, aux dépens de son prochain. L'ennemi vaincu, on se parvoire même théâtrale, lui confèrent, à ses yeux, une tage ses femmes, ses enfants, espèce de supériorité sur les ses troupeaux. Mais depuis Bambaras et les autres nègres que notre autorité s'est établie là-bas, les guerres devienfétichistes. Et c'est tout si nent de plus en plus rares, cet orgueil le rend d'une les prisonniers ne sont plus conduite plus difficile, plus l'apanage du vainqueur, le délicate, il n'influe point en pillage est sévèrement réprimal sur ses qualités militaimé aussi l'enthousiasme du res, quand on sait prendre tirailleur pour le métier des sur lui l'autorité voulue. UN T~R2If.LECR Sn:NLf..lf.Ats pOR1'?N1 ON ENI'.1\En définitive, malgré armes va-t-il se refroidissant. Photogra,rltie Ce M. Pont-Piret. les défauts inhérents à leur (( Campagnes, vois-tu, y a plus bon », me disait un jour race propre, les tirailleurs forment un corps d'élite. Véritables soldats de conun vieux sergent indigène, balafré, couturé du front à quête, aptes aux coups de main téméraires, durs à la la cheville dans toutes nos guerres, mais possesseur fatigue et à la souffrance, ils sont susceptibles aussi de de six femmes, d'autant de captifs, et d'un nombreux l'héroïsme le plus sublime et des plus sublimes dévouetroupeau. plus ments. (( Et pourquoi, Yakaye, campagnes y a bon? Ne vit-on pas, lors du guet-apens de Dio, 3o de Parce qu'y a plus faire captifs. » ces braves tenir tête, toute une journée, à 2°°° BamPlus de guerres, plus de captifs, le métier de baras tombant traîtreusement sur le convoi du capitirailleur se gâte. taine Gallieni ? Cependant, leur chef est un blanc, et Captifs eux-mêmes, pour la plupart, ils deveceux qui l'attaquent sont des noirs, des Bambaras, naient hommes libres en s'enrôlant dans nos rangs, et leurs frères enfin. Ceux-ci sont 2 000, eux ne sont que c'est ce qui explique ce courant sympathique qui les 30; pourquoi se faire tuer inutilement alors? pourquoi entraînait vers nous; ayant appartenu à un maître, à ne pas abandonner,livrer leur chef et se partager avec plusieurs souvent, ils devenaient ainsi maîtres à leur les assaillants son butin? Non, ils lui font un remtour. Chaque campagne les dotait d'une richesse noupart de leurs corps et, héroïquement, pour le sauver, velle, d'une prise faite à l'ennemi une femme, un ils se feront tuer, s'il le faut, jusqu'au dernier.
enfant, un petit troupeau. Ils devenaient propriétaires! Et c'est ainsi qu'eux, les parias, les déshérités, condamnés par leur naissance au servage et à la pauvreté perpétuelle, ils se constituaient une famille et un foyer. Il faut dire, à leur éloge, que les prisonniers ainsi faits à l'ennemi ne sont point considérés par eux comme une marchandise de traite. C'est en quelque sorte une valeur mobilière qui leur échoit et qu'ils ménagent. Les femmes, ils les épousent d'ailleurs et elles sont heureuses, et savent bien vite prendre de l'autorité sur eux. Si elles sont coquettes, bientôt elles sont parées de bijoux, d'étoffes voyantes et multicolores soieries et lainages rococo et passés, vieux fonds de boutiques venus d'Europe, soldés ici à des prix ruineux. Tout leur fait envie, et le tirailleur achète toujours, un peu pour les satisfaire, plus peut-être pour satisfaire son amour-propre personnel. La solde est insuffisante, il s'endette; puis, quand la complaisance des créanciers est épuisée, quand ils deviennent menaçants, il se résigne alors à vendre le tendre objet de ses folies. Ses dettes payées, s'il lui reste encore quelque argent, il s'offre une nouvelle compagne de moindre luxe, ou, revenu à une plus sage philosophie, comble le vije fait dans son foyer par l'achat
nin est un obstacle à la tranquillité et à la discipline; aussi, certains officiers font-ils prendre l'empreinte de l'un des doigts de chaque femme légitime, et celles-là seules sont autorisées à vivre avec les tirailleurs. Des confrontations inopinées sont faites les délinquants sont punis et leurs complices expulsées. Guerrier dans l'âme, amateur de tous les exercices violents et pénibles en vue du combat, le tirailleur l'est moins des travaux manuels. Q.uand on veut employer son activité à quelque œHvre utile, culture ou construction, il s'y prête de mauvaise grâce. (( C'est pas pour continuer captif, dit-il, que moi y a servir blanc, y a pour faire campagne. » En effet, pour ces peuples, le travail c'est le lot des captifs, l'homme libre y perd sa dignité. Il est très curieux de constater, chez cet être de civilisation évidemment inférieure, un sentiment très net de sa valeur personnelle ou plutôt de ce qu'il croit être sa valeur personnelle. Absolument dénué de préjugés, dépourvu des plus élémentaires principes de la morale courante, il possède à un curieux degré le sens de ce qu'il doit faire ou ne faire pas. Il est vrai qu'il applique cette distinction à deux ordres de choses absolument différents des nôtres le bien, c'est la guerle mal, c'est le travail. re Il ne sait pas encore, le noir, d'une vache ou de quelques brebis. que c'est par le travail, et grâce au travail, que l'on Et la coquette ruine s'élève et qu'on devient meilainsi plusieurs maris, puis revient quelquefois au preleur. Il ne comprend pas que c'est le travail seul qui l'armier, dont la fortune s'est rachera à sa croupissante rétablie pendant son absenbestialité. C'est à nous de le ce, mais dont elle ne tarde convaincre. Et quand il sera pas, par ses coûteux capridébarrassé de ce préjugé, ces, à rompre à nouveau l'équilibre. quand son activité, sagement 1,'UN DES SUR\'l\1NTS DE LA )IISSION CASEYIAJOCI. conduite, s'appliquera à la Si le tirailleur n'est mise en valeur de son pays, point insensible aux grâces f'hotograpliie de Al. Poltt-Piuet. capiteuses de ces guenons supeut-être verrons-nous surgir périeures, il charme et séduit à son tour. N'est-ce point, enfin de cette Afrique ingrate la juste récompense de d'ailleurs, sur tous les points du globe, le rôle des fils nos durs labeurs et de nos immenses et douloureux de Mars de faire éclore l'amour et battre les cœurs de sacrifices. PONT-PINET. femmes! Aussi bien à Timbouctou qu'à Paris, sur les rives du Tchad que dans le golfe de Venise, le sexe faible subit cette inflexible loi. Mon Dieu, pour être négresse on n'en est pas moins femme! Certaines cases de tirailleurs n'envieraient rien à la riche variété d'un sérail. Femmes légitimes et captives, femmes abandonnées ou trahies, femmes infidèles et transfuges, amenées là A Le et rivées par le coup de foudre, assemblage bizarre de races diverses, qui se haïssent ou se méprisent, et dont les jalousies et les compétitions déchaînent des cris, des injures. des menaces, des luttes aussi, à tel point LE brigandage moderne tient compte des transformations qui se sont opérées autour de lui et il sait que, si ce n'était la couleur des furies en présence, approprier ses moyens d'action aux idées, aux mœurs, on se croirait transporté subitement dans quelque halle de nos ports, sur quelque bateau-lavoirde nos capitales. à l'état politique et social du pays où il a établi le siège Cet envahissement des camps par l'élément fémide ses opérations. En Macédoine, le chef d'une troupe
Brigandage au Maroc. propos de l'Affaire Perdicaris.
de bandits affecte les allures d'un patriote et fait mine de subventionnerune insurrection. Au Maroc, Raisouli fait du brigandage une annexe de la diplomatie il transforme le vulgaire pillard en homme d'État, qui sait exploiter les rivalités des grandes puissances au profit de ses intérêts particuliers. C'était, de la part d'un chef de brigands, un véritable coup de maître que d'avoir capturé M. Perdicaris, sujet des États-Unis, et son gendre. Le Gouvernementde Washington était, de toutes les grandes puissances, celle dont une intervention à main armée sur le sol du Maroc devait susciter le plus de complications. Raisouli ne montra aucun empressement à entrer en pourparlers avec le sultan Abd el-Aziz et les agents diplomatiques en résidence à Tanger; mais en attendant de signifier à qui de droit ses conditions, il affecta de traiter ses deux prisonniers avec la plus parfaite courtoisie. Pendant toute leur captivité, les deux Américains ont eu l'autorisationd'écrire, tous les jours, à leur famille et n'ont eu qu'à se louer des égards et des marques de déférence qui leur furent prodigués; ces procédés courtois ne durent pas empêcher les deux prisonniers de s'abandonner à de douloureuses réflexions. Par une curieuse ironie du sort, le jour même où M. Perdicaris tombait entre les mains des brigands, une revue anglaise publiait un article de lui. Avec beaucoup de verve; M. Perdicaris représentait le Maroc comme le pays le plus paradoxal de l'univers. L'anarchie et la guerre civile, loin d'être pource territoire privilégié entre tous une cause de ruine, avaient, disait-il, imprimé à la prospérité publique un prodigieux développement. Depuis que les tribus de l'intérieur se livraient de perpétuels combats pour faire triompher la cause du chérif ou du prétendant, elles n'avaient plus le temps de mettre à la rançon les caravanes, tandis que de son côté la douane de Tanger était devenue très accommodante pour le commerce d'importation, depuis qu'elle n'était plus soumise à aucun contrôle sérieux. Ce régime de libreéchange avait eu pour conséquence une activité commerciale extraordinaire, et jamais les maisons européennes n'avaient réalisé d'aussi gros bénéfices que depuis le jour où le Maroc n'avait plus de Gouvernement. Toutefois, dans cette curieuse étude sur les bienfaits de l'anarchie, M. Perdicaris avait bien voulu reconnaître que la sécurité relative des villes et de leurs environs n'était plus guère, il est vrai, qu'un souvenir. Mais si le brigandage faisait chaque jour de nouveaux progrès, les bandits se contentaient de piller les indigènes et n'auraient jamais l'audace d'attaquer les Européens. Raisouli s'est chargé de dissiper cette illusion. M. Perdicaris avait cru que le prestige du drapeau de l'Union américaine suffirait pour mettre, à l'abri de tout danger, la personne et la demeure d'un citoyen des États-Unis. Son nom de Perdicaris et son prénom de Ion n'ont rien d'américain mais lord Palmerston n'avait-il pas failli mettre le feu à l'Europe à propos d'un juif portugais nommé Pacifico, établi à Gibraltar, qui ne se rattachait que vaguement à la nationalité britannique ? Le président Roosevelt a donné aux deux escadres américaines de l'Europe et du sud de l'Atlantique l'ordre de se rendre immédiatement dans les
eaux de Tanger. En trois jours, dix vaisseaux arrivaient devant les côtes du Maroc. C'était beaucoup pour faire la chasse à un brigand caché dans une caverne de l'Atlas! Le Gouvernementaméricain, recourant au parti le plus sage, mit le sultan Abd el-Aziz en demeure de réparer le préjudice causé sur son territoire et de faire appel aux bons offices de la France pour qu'elle fit intervenir son protégé, le chérif d'Ouazzan. Après quelques jours d'un silence obstiné, Raisouli se décida enfin à faire connaître ses conditions. Le chef de brigands réclamait, en premier lieu, une somme de 350000 francs pour indemnité du préjudice que les troupes de l'empereur du Maroc ont causé à sa tribu; en second lieu, il exigeait l'arrestation immédiate des chefs du Garb qui l'ont tout récemment emprisonné lui-même; enfin, il eut l'exorbitante prétention de se faire officiellement nommer chef du district où il a jusqu'à présent exercé ses déprédations. Il s'engageait d'ailleurs à utiliser la compétence qu'il avait acquise dans fart de troubler ordre en consacrant désormais toute son énergie à le maintenir. On remarquera que dans ces clauses préliminaires du traité proposé par le chef des bandits, il ne fut pas dit un mot de la rançon des deux prisonniers. La somme de 350000 francs, que paya dernièrement le Gouvernement marocain, pour obtenir l'élargissement des deux prisonniers, ne représente que des dommages-intérêts, réclamés à raison du préjudice matériel causé par les troupes du chérif aux habitants d'un village dont Raisouli s'est constitué le protecteur. L'unique effet à espérer de la présence d'une escadre américaine dans les eaux de Tanger ne pouvait être qu'une explosion du fanatisme musulman. Aussi le Gouvernementde Washington avait-il compté beaucoup plus sur une intervention amicale de la France que sur le déploiement de ses propres forces pour amener le bandit à résipiscence. Les négociations entamées avec le chef de brigands par Mohamed el-Torrès, le délégué du pouvoir central à Tanger, auraient été peut-être plus dangereuses encore que les grandes démonstrations navales des Américains, si elles n'eussent été appuyées par celles du chérif d'Ouazzan. Cette ombre de gouverneur, qui représente une ombre de souveraineté, avait trouvé ingénieux de susciter contre Raisouli les jalousies des tribus voisines pendant qu'il entrait en pourparlers avec lui. Une bataille entre des brigands, qui se seraient disputé à main armée des otages dont ils espéraient tirer une riche rançon, aurait eu pour dénouement inévitable l'assassinat des prisonniers. Les captifs n'avaient en réalité d'autre chance de salut qu'une intervention du chérif d'Ouazzan. L'ami et le protégé de la France était, de tout l'empire du Maroc, le seul chef indigène qui pût disposer d'une autorité suffisante pour conseiller au sultan Abd el-Aziz d'entrer en pourparlers avec Raisouli. L'événement a prouvé que c'était l'homme désigné pour trouver la vraie solution. Pressé par la France d'accepter au moins une partie des conditions proposées, le sultan s'est rendu à ses conseils, et les prisonniers sont renc'est un début intéressant et trés dans leurs foyers un succès pour l'intervention française au Maroc. G. LABADIE-LAGRAVE.
faite sur place, et on rebouche en faisant au-dessus du sol un tumulus hémisphérique que l'on recouvre de
Les Sépultures en Corée. L'INHUMATION est pratiquée pour tous en Corée, sauf pour les bonzes et les bonzesses, qui sont incinérés. Les Coréens gardent leurs morts indéfiniment; aussi les collines qui avoisinent les grandes villes sontelles littéralement couvertes de tombes. Les tombes ordinaires se reconnaissent aux tumuli gazonnés qui les constituent, et l'aspect de ces collines toutes bossuées est un sujet d'étonnement pour le voyageur qui visite la Corée. Ces cimetières occupent un espace considérable autour de Séoul et nuisent même à
gazon. Tel est le type de la tombe ordinaire à laquelle tout Coréen a droit. Il n'y a pas de pierre portant le nom, ni quoi que ce soit qui permette de savoir qui est enterré là. On peut se demander comment les familles, aux jours de visite des tombes, arrivent à reconnaître leur emplacement, au milieu de ces collines bossuées uniformément, donnant l'aspect, en plus grand, des terrains ravagés par les taupes. Il paraît cependant qu'il ne se commet pas d'erreur les Coréens prennent des points de repère sur les tombes voisines, et jamais les victuailles apportées ne se trompent de destination. Quelques tombes de Yang-bancs sont entourées d'une petite ceinture en terre, tertre demi-circulaire de 3 à 4 mètres de rayon, imitant en quelque sorte le mur en briques des grandes tombes. D'autres tombes
sont agrémentées d'un tertre et de deux petits tumuli en avant du tumu-
son développement.
Lorsqu'il
s'agit, pour un chemin de fer, pour
lus recouvrant le
cercueil. Les cercueils
uneroute,pourune
construction, de
sont
enterrés
couper quelques
¡m50
environ au-
dessous du
tombes, même celles des humbles, de grandes difficultés se dressent
à
sol,
mais les tombes de pauvres sont creu"sées moins profondément, et le cadavre des mendiants y est quelquefois posé sans cercueil, à peine enveloppé d'une toile grossière et recouvert d'un peu de terre,
remuerles os d'une famille, c'est pour elledetrès mauvais augure (quand ce
n'est pas le sorcier lui-même qui a
prédit qu'il fallait déplacer le tomSTATUE EN PIERRE PRÉPOSÉE A LA GARDE DU TONBEAU D'UN PERSONNAGE PRINCIEI à la merci des beau de l'ancêtre), chiens errants. parce qu'on trouPhotographie de M. Bourdaret. Les grands ble le repos du cadavre, et qu'on ri risque de détruire le bonheur de la fonctionnaires, les gens riches agissent avec plus de précautions pour leurs sépultures. descendance! Si la Corée veut entreprendre de grands travaux Ils acquièrent tout un mamelon, bien isolé, pas publics, il faudra qu'elle se débarrasse au plus vite de trop loin de leur résidence, et personne ne peut plus venir enterrer sur les flancs de cette colline. De nomces coutumes qui permettent de placer les morts où l'on veut, car la place occupée par eux est infiniment breux procès ont lieu chaque année dans les provinces plus grande que celle occupée par les vivants. Si, d'ailou à Séoul, à la suite de réclamations de Yang-bancs, propriétaires plus ou moins authentiquesd'une colline, leurs, l'on ne marche pas sur une tombe, on se trouve contre des paysans qui y ont enterré leurs morts. sur une colline sacrée pour une autre raison, par exemple, parce qu'elle représente le corps, la tête ou la queue L'argent étant le meilleur argument en justice coréenne, le Yang-banc fait facilementvaloir ses droits, et d'un tigre ou d'un dragon; que là passe la veine du bonheur de tel pays, de tel village. le pauvre doit transporter ailleurs ses chères dépouilles. Pour les tombes royales, c'est non seulement A chaque instant se posera ce problème; les Coréens devront limiter leurs cimetières et se soumettre toute une colline, mais quelquefois tout l'espace environnant au système européen. ou 4 lieues qui est réservé. Ces emplaToute place libre sur un mamelon inculte, cements de tombes royales sont désignés par les sorcar les cimetières sont toujours sur des collines, le fond des ciers, les géoscopes les plus habiles; à l'aide d'une vallées pouvant être utilisé pour la culture, peut être boussole, ils déterminent endroit où l'on doit renoccupée par quiconque pour y enterrer ses morts. On contrer la veine du drago~a qui habite au centre de la terre et dispose de toutes les faveurs pour les familles creuse un trou à côté des tombes voisines, espacées de qui ont placé leurs tombeaux à sa guise. 3 mètres en 3 mètres, on y descend le cercueil, souC'est généralement sur le sommet de la colline vent enfermé dans une cuve en maçonnerie, en chaux,
sur
acquise par ces grands personnages, que sera placé le tombeau de leur famille; car dans le même emplacement, à côté l'un de l'autre, sous le même tumulus, peuvent être placés les corps du père et de la mère, si celle-ci était la femme légitime. L'emplacement du tombeau étant choisi, on ménage généralement un chemin d'accès facile ou un escalier pour arriver au sommet du mamelon. On déboise tout autour dans un rayon de 20 à 30 mètres, et hors de ce rayon on laisse pousser de magnifiques bois de pins, qui font aux tombeaux des rois, aux environs des capitales coréennes, un cadre merveilleux. Les rois ne peuvent être enterrés à plus de 30 lis (environ 15 kilomètres) des capitales qu'ils ont habitées. Les grands tombeaux sont gardés en dehors de l'emplacement déboisé est construite la maison des gardiens. Les tombeaux des rois sont gardés par des lettrés qui exercent en outre la police sur le territoire des tombeaux; car ils ne font plus partie du territoire de la commune ou du district. Quelquefois ces constructions sont très vastes et comportent même un petit temple pour les sacrifices, et une salle où l'empereur revêt les vêtements de sacrifices quand il vi~nt aux tombes de ses ancêtres. Le fond de la fosse est rempli de chaux, ce qui permet de retrouver parfois les corps presque intacts longtemps après l'inhumation, signe de grande faveur pour la famille. Ce sont les sorciers qui déterminent également l'orientation dans laquelle doit être placé le cercueil, le plus souvent la tête au nord, les pieds au sud; mais cette règle n'est'pas rigoureuse, à cause des prévisions du géoscope, qui donne quelquefois une autre direction. Des parents, des familles, soucieux de plaire au dragon protecteur, interrogent de génération en génération, et souvent à quelques années d'intervalle ou à la suite d'un-grand événement, les sorciers pour savoir si mot-là a une l'emplacementest toujours favorable, grande valeur en Corée, et il arrive souvent, comme actuellement pour le tombeau de la reine Mine, assassinée en 1895, que les tombeaux soient déplacés et transportés même très loin. Quoi qu'il en soit, les cérémonies relatives au culte des morts s'observentponctuellement; et chacun, selon son rang et sa richesse, s'efforce de faire à ses morts le plus de sacrifices possible, afin de leur plaire et d'en retirer bonheur et prospérité. Il arrive que le sorcier ne trouve pas tout de suite un emplacement favorable, ou que la famille ne puisse garder son mort chez elle avant de le transporter au tombeau les corps sont alors exposés à l'air, sous des hangars en paille faits pour la circonstance et recouverts d'un toit de chaume. Dans le Tchoun-tchang-to, province au sud de Séoul, il règne une coutume, qui peut-être existe aussi dans les autres provinces, mais que je n'ai pu vérifier qu'à Séoul, c'est celle d'exposer, en plein air, les corps d'enfants ou d'adultes morts de la variole jusqu'à ce que l'épidémie de' petite vérole ait disparu de la contrée à ce moment seulement, on donne l'autorisation d'inhumer. C'est une coutume étrange qui n'a rien à voir avec l'hygiène, mais qui n'en est pas moins observée très méticuleusement. Pour les petits
-ce
enfants quelquefois, et j'ai vérifié le fait, au lieu de les enterrer, on enveloppe les cadavres dans une natte en paille et on attache le paquet à une branche d'arbre; d'autres fois, la sépulture est une paillotte dans laquelle le corps est étendu sur un plancher audessus du sol. Quand il s'agit des funérailles d'un bonze, on prépare un grand bûcher de bois sur lequel est étendu le cadavre, puis on y met le feu pendant que tous les bonzes de la bonzeriefont des prières autour du bûcher. La légende veut qu'un bonze qui a mené une existence de saint, un bonze presque bouddha, laisse, après la crémation, au milieu de ses cendres, une perle appelée sa-ri, qui est alors religieusement conservée, enterrée dans de petites pagodes placées devant le temple des bonzes. En réalité, hélas! on ne voit jamais de ces petits pagodons devant les temples. Comme il n'y a pas la moindre perle au milieu de ces cendres, le supérieur de la bonzerie les ramasse, les broie, y mélange du riz et donne le tout aux corbeaux et aux pies. BOURDARET.
La Presse japonaise. Comment elle trompe ses Lecteu
rs.
DANS la plupart des pays, la presse est, comme les langues d'Ésope, la meilleure et la pire des choses. Au Japon, elle semble ne mériter guère que le dernier de ces deux qualificatifs. C'est elle qui, en somme, a fomenté la guerre actuelle elle qui, maintenantencore, entretient une excitation intense dans le peuple, dont elle exaspère le chauvinisme et qu'elle pousse aux résolutions extrêmes, et ce, au moyen des plus grossiers mensonges. Ceux qu'elle fait à ses lecteurs pour les rassurer sur l'issue finale de la guerre sont enfantins elle transforme le moindre succès en victoire, en négligeant naturellement de signaler le moindre revers; elle produit, chaque jour, des nouvelles à sensation qui, bien que démenties plus tard, font toujours leur petit effet au moment de leur apparition. Port-Arthur est-il bloqué? Les fréquentes explosions qui y retentissent prouvent que les Russes désespérés font sauter leurs bateaux. Il serait plus logique de supposer qu'ils cherchent à déblayer la passe par des explosifs; mais non il faut la nouvelle sensationnelle à tout prix. Là-dessus tout un peuple en joie fête ce succès incroyable. Si la presse est forcée d'annoncer la perte d'une partie de l'escadre, elle mettra cette perte sur le compte de la fatalité; puis, pour combattre l'effet produit par cette nouvelle désastreuse, elle inventera immédiatement une immense victoire; et ce bon peuple japonais sera à moitié consolé et toujours aussi confiant dans la
réussite finale de la guerre.
Ces nouvelles sensationnelles sont lancées le soir
dans des éditions spéciales que distribuent gratuite-
ment des porteurs, en courant comme des fous à travers les villes. L'édition spéciale est rendue assez nécessaire par l'absence de journaux du soir mais elle sert surtout à montrer au public combien la presse est désireuse de lui communiquer le plus tôt possible les grands événements concernant la patrie. En réalité, c'est une réclame pour les journaux. Tout le monde s'arrache ces chiffons de papier qui ont le double avantage d'être gratuits et de contenir généralement l'heureuse nouvelle qui servira de prétexte à la manifestation patriotique du soir. Aussi le porteur des « éditions spéciales» » joue-t-il un rôle prépondérant dans la vie japonaise. M. Charles' Petit, correspondant du Temps au Japon, en trace un curieux portrait. Lorsqu'il arrive en courant, on ne distingue que ses jambes jaunes, émergeant d'un petit caleçon blanc, et sa tête de singe satisfait, sur laquelle flottent des petits drapeaux en papier. Puis, lorsqu'il a passé, l'on n'aperçoit plus que sa blouse bleue avec une immense lune rouge au milieu du dos, sur laquelle est inscrit en gros caractères le nom du journal. Son arrivée est annoncée de loin par le paquet de sonnettes qu'il porte attaché à ses reins, et qui imite le bruit d'un cheval couvert de grelots. Aussitôt chacun se précipite au dehors de sa maison pour recueillir au vol les feuilles que ce courrier lance au vent. Et ce sont des exclamations de joie à n'en plus finir, sur son passage. Ce grotesque courrier, que tout Japonais acclame, aura peut-êtrela suprême gloire de don ner le signal d'une révolution.
Les Fouilles de M.
Gayet.
Dé-
couverte d'un Guignol contemporain des Pharaons.
Gayet, que nos lecteurs connaissent depuis longtemps, a fait,
dans sa dernière année de fouilles, une étrange découverte celle d'un guignol contempo-
rain des pharaons. Hérodote parle de chanteuses, de mimes qui, à l'époque des fêtes de Bacchus, couraient la cité en montrant les marionnettes, représentations fidèles des mystères sacrés. En ouvrant le tombeau de (( Khelmis la bacchante », M. Gayet trouva auprès de la momie, vêtue encore d'une lourde robe de soie jaune, une petite nef en bois sculpté, montée par des personnages en ivoire, dont fun était articulé et qu'actionnaient des fils. Au centre de la nef est une cabine, fermée sur le devant par deux battants d'ivoire. Ils s'ouvraient pour laisser voir le mystère. Point de plafond, sauf une pièce de bois qui s'étendait au-dessus, supportée par deux montants et terminée par une traverse découpée en dents de scie. Lors de la découverte, de légers fils y adhéraient encore. Ces fils servaient à faire mouvoirles
figures. Quelles sont ces figures? Au centre, sur un pivot, la déesse Isis. Elle est articulée, elle remue les bras. D'autres personnages sont fixés par des chevilles; à
droite et à gauche, deux petites poupées figurent le~ deux rives du Nil. Au-devant, est le persea c'est l'arbre sacré. Il est placé de façon que la déesse puisse apparaître dans son feuillage. Deux figures, à peu près semblables aux poupées gnostiques,représentent Osiris mort, c'est la plus petite, et Osiris ressuscité, c'est la plus grande.
n'est point douteux que, voilà quatorze ou quinze siècles, ces marionnettes, images naïves de la divinité, se sont agitées au gré des ficelles. Il y avait une foule pour s'émouvoir et applaudir; une foule qui avait la joie d'éprouver, devant les images barbares de ses dieux, l'ineffable frisson du mystère. Mais où sont Il
les mystères
d'antan?.
J. Jacot-Guillarmod.
Six mois dans l'Himalaya. Le Karakorum et l'Hindu-Kush. Voyages et explorations aux plus hautes montagnes du monde. Neuchâtel, W. Sandoz, et Paris, Fischbacher. vol. in-8o de 363 pages avec 269 gravures, 10 planches hors texte en phototypie et 4 cartes. Prix 20 francs. EN compagnie d'alpinistes anglais et autrichiens, le docteur Jacot-Guillarmod a livré assaut au Chogori, au mont rodwin Austan ou pic K2, comme il est désigné dans les tables du service topographique des Indes. De par ses 8611 mètres, cette cime est le second point culminant du globe. Si l'assaut n'a pas été couronné de succès, il n'a été ni sans gloire, ni sans intérêt. C'est le récit de cette tentative hardie de sa vie, pendant neuf semaines sur les glaciers, à des altitudes comprises entre 4 000 et 6 700 mètres, des souffrances et des privations de la caravane, que Dr Jacot-Guillarmod nous fait avec une simplicité de bon aloi. Son ouvrage est magnifiquement illustré et constitue, à ce point de vue, l'un des plus beaux livres de montagnes. Dr
Boursiers de voyage de l'Université de Paris autour du monde. J vol. grand in-8°. Félix Alcan, éditeur, Paris. Prix 10 francs.
Les
un généreux donateur a mis, à la disposition de l'Université de Paris, un capital destiné àenvoyer, chaque année, cinq jeunes professeurs agrégés à travers le monde.
EN 1898,
but essentiel de ces voyages est de faire acquérir, à ces jeunes professeurs, une idée exacte de la situation de la France dans le monde et un vif sentiment de l'effort nécessaire pour maintenir notre pays à un rang digne de lui. Les premiers boursiers, aujourd'hui revenus, ont publié le présent recueil de monographies, comme une sorte de justification de leur mission. On trouvera dans ce livre une étude d'ensemble sur le rôle économique de la France à l'étranger, surtout en Extrême-Orient, par M. Hovelacque; mais, en général, les voyageurs ont préféré la formede la monographie, où les impressions et souvenirs de voyage rendent plus concret et plus vivant l'exposé méthodiquedes faits essentiels. Les monographies coloniales dominent l'une est consacrée à une importante colonie française, l'Indo-Chine (M. Challaye), d'autres à l'Inde (M. Piriou), à lû Birmanie (M. Bourgogne), à la colonisation des Hollandais à Java (M. Burghard), des Américains aux Philippines (M. Garnier). Le Japon a été étudié par M. Meyer, la Terre-Sainte par M. Borner. L'éducation dans la République démocratique des Etats-Unis fait le sujet d'un des chapitres du livre (M. Weulersse), la situation actuelle de l'Amérique latine, celui d'un autre (M. Jacques Duclaux). Enfin, les pays anglais autonomes, dont on ne peut dire s'ils doivent être appelés colonies ou Républiques, ont été étudiés à divers points de vue par M. Albert Métin (Trois ministres de l'empire anglais, sir W. Laurier, M. Barton, M. Seddon); M. Muller a étudié le Canada, et M. Roustan l'Arbitrage obligatoire en NouvelleZélande. Le
KOLONIALE ZEITSCHRIFT
Choses de Bolivie.
Berlin
EN Bolivie, comme dans la vie de Cadet
Roussel, toutes choses vont par trois il y a trois régions climatiques, (tropicale du côté du Brésil, tempérée au fond des vallées, presque froide sur les hauts plateaux); et il y a trois races distinctes, qui portent trois costumes différents. Il y a d'abord le Bolivien proprement dit, qui se targue de n'avoir dans les veines que du sang espagnol. Au-dessous, vient le cholo, métis des deux races blanche et cuivrée. « Indien ne daigne, blanc ne puis, » pourrait-il dire, en modifiant la devise des Rohan. Cependant, s'il devient riche, il trouve moyen de se décrasser de son origine humiliante de sang-mêlé et d'être salué « caballero plus pur sang espagnol par tous les caballeros qui le grugent. Tout au bas de l'échelle, méprisé, honni, exploité, maltraité comme une bête de somme, nous trouvons l'Indien, l'ancien maitre du pays, le descendant des fiers caciques, dont la haine pour l'envahisseurne peut plus se traduire que par des regards de rage impuissante et, parfois, par un mauvais coup sournoisement donné. Le créole, qui se proclame d'origine européenne, cherche naturellement à se donner le chic de nos boulevards, tandis que le cholo se contente d'une courte jaquette, galonnée sur toutes les coutures. Les femmes des cholos portent la crinoline mais leur robe descend à peine jusqu'aux mollets; et leur costume est d'une couleur crue, d'un jaune ou d'un vert criard, à les faire ressembler à des comédiennes
du
de foire.
Les Indiens, eux, sont vêtus de noir de pied en cap; à peine quelques paillettes blanches, semées sur leur couvrechef, rompent-elles cette uniformité sombre. Ils portent culotte, et tout le bas de la jambe reste nu. Le cholo est brasseur d'affaires et âpre au gain comme un Gobsec. Le créole met son orgueil à étaler une nonchalance qui annonce une oisiveté dorée. L'Indien, lui, peine. comme un nègre. Mais ces trois races se rencontrent dans trois vices communs, qu'on pourrait appeler nationaux l'ivrognerie, la saleté et l'immoralité. Certes, ces trois fléaux ne connaissent pas de frontières; mais ils sévissent en Bolivie avec une intensité qu'on a peine à imaginer. Il n'est pas de jour où l'on ne rencontre, dans les rues des villes boliviennes, des pochards de tout âge, de toute condition et des deux sexes. Quant à la crasse bolivienne, elle est passée en proverbe dans l'Amérique du Sud. L'horreur de l'éau est poussée à un tel point dans le pays, que même les dames du monde, et ce à l'âge où l'on songe à plaire avant tout, ne peuvent se décider à se décrasser. Elles se fardent, mais elles ne se lavent pas. Est-ce que j'ose ajouter un détail encore plus réaliste? Sur le seuil des portes, dans les rues les plus fréquentées, on voit Boliviens et Boliviennes se chercher mutuellement leurs parasites s'en réga
et.
1er. Les
moyens de communications,en dehors de deux ou trois insignifiants tronçons de chemins de fer, sont des plus primitifs. Comme il n'y a pas de routes, à proprement parler, les braves petites mules boliviennes sont le seul véhicule qui permette d'affronter les redoutables fondrières et cassecou que se trouvent être, le plus souvent, les chemins de ce pays.
K~'GNISCIIE ZEITUNG Cologne.
Comment on enterre les Morts dans l'Est africain allemand. UN missionnaire, qui naguère est revenu de l'Est africain alle-
mand, raconte que chez les Wapangwa, les Wangeni et les Matingo, qui habitent à l'est du lac Nyassa, il règne de
curieuses coutumes. Voici, entre autres, la manière dont ils enterrent leurs morts. A peine un de ces naturels a-t-il rendu l'âme, qu'on le recouvre d'une natte, et alors ses femmes commencent à hurler des chants de deuil, jusqu'au moment où le corps aura disparu dans la terre. Quelques-unes,cependant, se rendent en toute hâte chez les parents qui demeurent loin de là, pour leur annoncer la funèbre nouvelle. De leur côté, les fils ou les gendres font une fosse de 8o centimètres de côté, à la partie supérieure, mais qui s'évase à mesure qu'on creuse. La profondeur du tombeau est d'environ 1 m80. Dans le tombeau même, on pratique une niche latérale; un de ceux qui creusent s'y met, jambes croisées, accroupi, replié sur lui-même, dans la position où sera le cadavre qu'on se dispose à y placer, pour voir si la niche est assez grande. Pendant ce temps, on lave ce dernier plusieurs fois; car, dans ce climat chaud, les morts vont vite, et les odeurs qu'ils dégagent sont terribles. Quand le tombeau est prêt, les fils du mort rentrent dans la hutte, replient et attachent les membres du cadavre, qu'ils mettent en paquet dans une natte, et ils suspendent celle-ci à une longue perche dont ils placent les deux bouts sur leurs épaules. Ainsi suspendu, le corps est porté au pas de course à sa dernière demeure. Au bord du tombeau, les assistants défilent devant le mort. dont la natte a été ouverte, et chacun fait des remarques « Sa peau s'est gonflée aux jambes » ou bien « Sa tête rentre dans ses épaules ». « Par l'éclair, ajoutent-ils, cela prouve que le mort a été insulté par ses ennemis. Nous le vengerons. Mais aujourd'hui, il n'y a rien à faire. » Puis, un des fils descend dans le trou, reçoit la natte qui s'est refermée sur le mort, ainsi que la peau de chèvre que celui-ci a portée pendant sa vie, et la tête coupée d'une chèvre qu'on vient d'abattre devant la hutte. Le cadavre est placé dans la niche, sur une couche de gazon desséché, afin de ne pas être en contact avec la terre nue. La niche est fermée avec des bâtons disposés en forme de barreaux; les assistants jettent de la terre dans la fosse, que les fils, restés dedans, foulent et tassent sous leurs pieds. Quand le trou est comblé, les femmes du mort versent sur la terre un filtre composé de sucs de certains arbres; un peu de cette liqueur est mise à part pour les enfants du mort, qui la boivent dans le creux de leur main, afin de ne pas avoir, dans leur sommeil, la vision du mort à l'état de fantôme. Puis on brise sur le tombeau corbeilles, armes, tout ce qui a appartenu au défunt.
TffF' LANCE~ Londres.
Malaga comme Station d'hiver. MALAGA! Ce nom, connu du monde entier, le sera bientôt par délicieux climat d'hiver autant que par ses vins. Ce clison matesttout simplementidéal.Levoisinagedelamertempèrece
que la chaleur pourrait avoir d'excessif; de hautes montagnes l'abritent des vents du nord la neige et les basses températures y sont pour ainsi dire inconnues, et le thermomètre n'y
descend presque jamais au-dessous de zéro. La pluie, de son côté, n'y tombe en moyenne que trente jours par année, et seulement pendant quelques heures. Seul, un vent local, le tarral, en été dessèche tout, et en hiver amène le froid en passant sur les neiges des montagnes. Mais il ne souffle jamais longtemps. C'est le pli de la feuille de rose! L'ombre au tableau le gros inconvénientde Malaga ne vient pas de la nature, mais de l'incurie des autorités municipales et de la saleté des habitants. Les eaux stagnantes, les ordures accumulées dans les cours et les rues de la vieille ville, les citernes qui ne sont pas maintenues en un suffisant état de propreté, sont une menace constante d'épidémie. Et que serait-ce si Malaga ne jouissait pas de son climat paradisiaque ? Il est vrai que des progrès ont été accomplis au point de vue hygiénique. Un service de distribution d'excellente eau potable, des quartiers neufs, où deux ou trois hôtels bien tenus ont été construits, rendent Malaga à peu près habitable aux étrangers. Néanmoins, il convient d'at-
tendre encore.
Norodom ler roi du Cambodge, Un Monarque asiatique protégé de la France, I°' est intimement lié à l'bistoire des relations qui se sont établies, il y a quelque quarante ans, entre le Cambodge et la France. Déchiré par de longues guerres, le Cambodge ne formait plus qu'un état su,~erain du Siam quand les Français occupèrent la Cochinchine. Ils ne pouvaient laisser le Cambodge aux mains d'une puissance qui aurait détourné le commerce du Laos et du Mékong sur Bangkok. Norodom, comprenant fort bien ses propres intérêts, se dégagea de la su,~eraineté du Siam et se plaça sous le protectorat de la France, en aoîat 1863. Rendons-lui cet hommage qu'il s'est toujours montré un allié fidèle et loyal. Le nom de Norodom
LE cablogramme apportant, il y a quelques semaines,
la nouvelle de la mort de Norodom 1er, roi du Cam-
bodge, n'a pas dù surprendre ceux qui s'intéressent aux choses coloniales. Depuis des années, le roi, qui était de faible cons-
titution, très petit,
desséché comme un fumeur d'opium arrivé au dernier degré de l'intoxica-
jour remise. Autant Norodom était petit et maigre, autant l'Obbarach est grand et robuste. Je le revois par la pensée, lorsqu'il pénétrait dans la tribune royale pendant la procession de l'éléphant blanc à Pnompenh. La garde sacrée des Bakous », dont les lances reposent
dans
des
étuis d'argent ciselé, entourait le mo-
les grands officiers et des di-
tion, se trouvait dans un état de santé assez précaire.
narque
gnitaires, àgenoux, tenaient dans leurs
Dans ces derniers
temps, une tumeur
dans la bouche se déclara; un mois après, la parole de-
mains les objets aimés du roi la boîte à bétel, le plateau d'or, l'épée à la
vint très difficile.
garde enguirlandée
Cependant, Norodom croyait tou-
d'une couronne de jasmin, la fleur dy-
jours à sa guérison, optimisme qui n'était pas partagé par sonentourage.Tous les matins, les fem-
nastique au Cam-
mes du second roi,
bodge. Haut de taille, large d'épaules, son buste solide
cambré dans la L'ENTRÉE DU PALAIS ROYAL DE PNOM-PENH AVEC LES ÉLÉPHANTS ROYAUX ALIGNÉS.
veste de soie, le
sampot court laissant apercevoir D'après une photographie. des mollets rebondis, en tout opposés aux tibias frêles de Norodom, ment des nouvelles de la nuit et peut-être rentraientelles en tremblant, à la pensée qu'il faudrait avouer au l'Obbarach se courbait devant ce vieillard décrépit maître que le vieux monarque vivait toujours. qui était son frère, s'agenouillait, en attendant un C'est que, malgré tout, il durait depuis longsigne, frappait le sol de sa tête puissante où de drus temps, Norodom, et les cheveux de l'Obbarach devecheveux noirs commençaient à blanchir, et seul, au naient blancs, en attendant cette succession de jour en milieu des ministres et des mandarins, il obtenait le
l'Obbarach, venaientau palaiss'informer discrète-
A TRAVERS LE MONDE.
29"
LIV.
No 29.
16
Juillet 1904.
Il
était le fils aîné du roi
Ong Duang, et il succéda à son père, non sans luttes, car son
frère cadet, Si Votha, essaya de lui disputer la puissance, les armes à la main. Norodom, d'abord vaincu, se rapprocha du Siam, qui, moyennant la cession de deux provinces, le replaça sur le trône du Cambodge. C'était en 1862. La France, nouvelle et souveraine maîtresse de la Cochinchine, intervint. Le i 1 août 1863, Norodom signait un traité par lequel il reconnaissait notre
protectorat. Malgré ses efforts pour se rapprocher du Siam et
LA PAGODE DE
PN03I-FENH.
D'apz-ès zate plzotographie.
mot qui l'autorisait à s'asseoir en face du potentat. Rien ne peut nous donner, en Europe, l'idée de la puissance d'un roi asiatique. S'il est le père, il est aussi le souverain absolu de son peuple, le maître des existences. Toute vie lui appartient, et il peut la supprimer, même par caprice, sans rencontrer la moindre opposition chez ses tremblants sujets. Comme l'incarnation d'un dieu, il est admiré dans tous ses actes et adoré avec ferveur par toute une nation. Nul ne songerait à refuser au monarque ses biens les plus précieux et la vie des personnes qui lui sont le plus chères. Il y a de cela peu d'années, lever les yeux sur le roi était un crime de lèse-majesté, puni de mort; encore maintenant, on ne peut le toucher. Le cas de danger pressant ne serait pas une excuse, et celui qui s'avancerait jusqu'à saisir la personne royale, pour l'empêcher de se noyer, par exemple, le ferait aux dépens de sa vie. Les plus hauts fonctionnaires doivent se traîner sur les genoux pour aller vers le souverain ou en passant devant la partie du palais qui abrite sa présence auguste et redoutable, et ils restent prosternés devant le roi aussi longtemps qu'ils sont admis à l'ap-
procher. Cet abus de la puissance explique, en partie, la mentalité spéciale de Norodom, que n'effleura jamais la pensée d'épargner une vie; qui exécutait, sans sourciller, les projets les plus extravagants ou les plus féroces voilà pourquoi, lorsqu'il fut le plus faible et obligé d'accepter la loi d'un plus fort, quand la présence d'Européens apporta, dans son existence, des bouleversements qui lui paraissaient monstrueux et dressa devant lui des impossibilités qui lui semblaient un crime, il chercha l'oubli dans l'opium. Depuis l'annonce de cette mort qui a ramené l'attention sur le Cambodge, chacun connaît maintenant les événements principaux de la vie de Norodom. Il naquit en 1835, et fut envoyé dès l'âge de treize ans à la cour du Siam. Il passa vingt ans chez les anciens maîtres du Cambodge, et il leur garda ensuite une admiration où entrait la sympathie secrète comme la terreur.
lui donner la prépondérance, il dut se plier à notre souveraineté. En 1877, l'administration, les finances, la justice' étaient
réorganiséesau Cambodge, sous l'inspiration française; l'abolition de l'esclavage était préparée. En 1884, l'administration française s'établissait enfin complètementdans le pays. Norodom, entouré d'honneurs et de prestige, n'avait plus l'usage du pouvoir absolu que dans l'intérieur de son palais. Il est vrai que ce palais est immense. C'est dans ce cadre qu'il fallait voir le monarque asiatique, pour se faire une juste image de cette majesté sur son déclin. La résidence royale se trouve placée à Pnompenh, la capitale du Cambodge, non loin du large Mékong, « le père des fleuves ». Un mur blanc à créneaux enserre les bâtiments du palais. Les toits dorés d'une pagode, les clochetons de quatre pagodins, des pnoms de pierre (pyramides pleines), des sommets d'édifices cambodgiens et européens dépassent cette muraille. De larges portes sont percées dans le mur blanc, contre lequel s'appuie une maison européenne, le Trésor royal, la « Monnaie Pnom-penh. Devant cette étendue et à l'aspect des nombreuses habitations qui s'y groupent, l'imagination ferait volontiers du palais royal de Pnom-penh le séjour des surprises et des merveilles, une des rési-
de
dences enchantées des Mille et une Nuits. En réalité, il n'en est rien, et ce palais, qui abrite un monde de fonctionnaires et de serviteurs, où les orfèvres du roi enchâssent, tout le long du jour, les pierres précieuses, où les prêtres, dans leurs pagodes et dans leur bonzerie, s'agenouillent et prient du matin au soir, où les miliciens cambodgiens, béret bleu, jambières foncées surmontant leurs pieds nus, semblables à d'exotiques chasseurs alpins, montent devant les portes les factions les plus fantaisistes, où quatre cents femmes vivent avec une innombrable suite de domestiques, ce palais si populeux, si riche d'aspect, ne diffère pas des plus pauvres villages cambodgiens. Le climat destructeur et l'incurie des indigènes ont fait ici leur oeuvre entière; les parties de cet ensemble paraissent uniformément vieilles, tous les détails en sont abîmés par le temps et la saleté, dénaturés par le manque de soins. De vastes cours où l'herbe pousse, des jardins négligés, de sales ruelles, séparent les unes des autres les diverses constructions.
La grande pagode, que l'on aperçoit de loin, a été assez récemment édifiée par Norodom. C'est cette pagode qu'il avait l'intention de paver en piastres. On préparait pour le parquet une plaque d'argent fondue avec 30000 dollars, et il était à penser que, sous la poussière des pieds nus et les taches de bétel,
l'ornement, d'un goût si barbare, deviendrait bientôt méconnaissable. Voici la salle de danse, qui est une maison de bois cambodgienne placée près de la salle du trône un pavillon de fer, qui figura à l'Exposition de 1867 et dont Napoléon III fit cadeau au roi du Cambodge. Des Sèvres ternis s'y dressent parmi un mobilier Louis XIV, dont les meubles n'ont pas été remués depuis les temps lointains où on les mit en
place. Au-devant, s'étale un parterre aux allées herbeuses. Des réverbères brisés s'y montrent aux angles des chemins, et l'Amour de bronze le plus bouffi, tenant une amphore dont l'eau ne coule plus, évoque vainement, dans ce cadre exotique et parmi les lourds effluves de la flore tropicale, des souvenirs qui ne semblent pas à leur place. Une petite pagode, dans laquelle se trouve l'urne qui contient le corps de la reine-mère, s'élève près de la première maison que fit construire le roi lors de son avènement. La salle du trône occupe à elle seule un bâtiment séparé. C'est une grande pièce rectangulaire, soutenue par une double rangée de colonnes en bois précieux. Celles-ci sont coloriées de bleu et or des miroirs éteints y sont accrochés, de gigantesques N peints les décorent; des lustres de cristal pendent dans toute la longueur de la salle. Une quantité de fenêtres s'ouvrent de chaque côté, mais avec difficulté, car elles sont à demi pourries des' consoles supportent des bronzes affreux:ainsi que des vieilleries informes sous leur couche de crasse. Un écran en étoffe déteinte et déchirée barre l'entrée principale. Le parquet est crevé par places. Une senteur faite de l'odeur des chauves-souris, des cancrelas, de la moisissure, vous serre la gorge dès les premiers pas. Dans le fond, se dresse le trône. Il est composé de deux parties le socle, rectangulaire; le siège, dont le dossier se termine en pyramide effilée. Le tout est en laque d'or ciselée, fouillée, recouverte de verroteries et de pierreries. L'ensemble est lourd, éclatant, majestueux, beau dans son genre. On dirait l'autel éblouissant que les boud-
qui, tous les matins, mettait une nouvelle ceintured'or, et dont les favorites trop jeunes et trop délicates pliaient souvent sous le poids des bijoux, habitait, quand je le vis, une étroite et pauvre maison de bois, qui paraissait aussi inconfortable que sale. A peine, sous les vérandahs, quelques vases de fleurs chétives, quelques nattes usées et déteintes. Comme défense, pour ce maître qui, sur le. plus léger soupçon, aurait emprisonné et tué. ses proches, un soldat tagal se promenait devant la porte, le fusil négligemment posé sur l'épaule et la cigarette aux lèvres. Telle était la note exacte, et qui me parut typique, de cette existence royale, si peu semblable à celles que nous voyons se dérouler en Europe, entre les prescriptions du plus méticuleux protocole. Le quartier des femmes occupe une immense étendue dans le palais. Les favorites et les premières épouses ont des habitations distinctes; les autres vivent en phalanstères. C'est le peuple le plus drôle et le plus amusant à voir. Presque toutes vêtues de jaune, qui est la couleur royale, elles ont le buste recouvert d'une écharpe, un sampot de soie bouffe autour de leurs jambes; leurs cheveux sont uniformément taillés en brosse, et cette coiffure masculine les enlaidit. La plupart sont couvertes de bijoux pendants d'oreille, bagues, bracelets et lourds colliers en grosses perles de filigrane d'or, qui supportent des médaillons larges. Sur leur peau jaune, quelques-unes ont jeté des gouttelettes de lait de chaux; c'est une mode qui fournit ainsi en même temps et grains de beauté et poudre de riz. Ce sont des Cambodgiennes, des Annamites, des métisses, quelques Indiennes et même des Chinoises. Lorsqueje puslesvoir, leurgrandtroupeaurieur s'apprivoisa peu à peu, me montra ses bijoux, ouvrit les boîtes que portaient les suivantes et qui renfer-' maient les plus hétéroclites objets. Au milieu de tout ce monde, couraient des enfants nus ou à peine vêtus d'une veste courte, mais tous avaient au-dessus du front le petit chignon de tresses entouré d'une guirlande de jasmin et traversé d'une épingle de pierreries, qui désigne les princes royaux et les fils de
grands mandarins.
dhas vénérés occupent dansles
pagodes, et l'effet doit être grandiose lorsque le Maître des existences domine de là-haut, dans l'impassibilité et le silence, l'agenouillementde ses sujets. Ce souverain absolu, qui exerçait dans cette enceinte réservée, de la façon la plus sauvage parfois, les droits de la plus impitoyable justice, ce monarque fastueux qui pavait d'argent le sol de sa pagode, qui portait sur lui des trésors de pierreries,
PIROGUE CAMBODGIENNE.
D'après une photogr~aphie.
Il y avait alors, parmi ces quatre cents femmes du roi, des petites filles à peine nubiles, des jeunes
femmes dans toute la force de l'âge et des vieilles décrépites et hideuses. Celles-ci étaient les épouses du premier rang, celles qui dataient de la jeunesse du roi et venaient de loin, par conséquent. L'une de ces premières femmes, qui a été un personnage distingué à la cour, ne consentit à me recevoir dans le pavillon qu'elle habitait, qu'après quelques pourparlers.Je me trouvai en présence d'une femme bien conservée, grande, de proportions parfaites, sans un bijou sur elle. Une autre de ces premières épouses, grosse et toute ronde, m'admit sans difficultés dans sa maison abritée par des bananiers. Elle riait très fort en me demandant mon âge, ce qui est le comble de la politesse là-bas; des fils blancs rayaient sa rude tignasse, et son ventre jaune, rebondissant, apparaissait nu sous l'écharpe. Dans ce harem, le souverain maître promenait ses fantaisies. On raconte qu'étant jeune, il en avait beaucoup, et des jalousies féroces. Des exécutions atroces se sont déroulées dans ce palais où il pouvait tout femmes condamnées à la « mort lente », piétinées par des éléphants dressés à ne leur broyer la tête qu'en dernier lieu. L'on parle aussi de la marque qui était appliquée sur une date, au fer rouge, le corps de ces malheureusesquand elles quittaient la couche royale, afin d'établir sur des bases certaines les nombreuses paternités du monarque. La princesse royale, la fille aînée de Norodom, qui ressemblait tout à fait à un petit homme sec et rabougri, vêtue d'écharpes etde sampots de soie noire, couverte de bijoux et répandant de toute sa petite personne une pénétrante odeur de santal, me conduisit à la pagode où repose, depuis des années, le corps de la reine-mère. Ce corps, embaumé et désarticulé,était accroupi dans une espèce de jarre en orfèvrerie, que l'on avait déposée au point culminant d'un autel très élevé. Des bonzes priaient, jour et nuit, autour de la momie royale, et quand les horoscopes auraient désigné, l'heure propice, on devait transporter l'urne précieuse dans une pagode de bambous et de paillottes, déjà élevée sur l'une des places de Pnom-penh. Du même coup, le corps et la pagode seraient brûlés; les cendres, soigneusement recueillies, seraient transportées, sous la conduite du roi lui-même, à la ville sainte d'Oudong, où se trouvent les tombes de la dynastie. n y a peu de temps qu'a eu lieu la crémation de
la reine-mère.
Et voici que la mort, visitant de nouveau le pa-
lais de Pnom-penh, les cérémonies rituelles ont recommencé à se dérouler dans cette enceinte! A peine le roi avait-il expiré, le dimanche 24 avril
à cinq heures du soir, que la remise de son corps, tout d'abord recouvert d'un linceul tissé de fils d'or, fut solennellementfaite aux Bakous. Ceux-ci sont les descendants des brahmanes qui régnèrent au Cambodge, sous la dynastie des Kmers. Puis, le Conseil des ministres, présidé par notre résident supérieur, désigna enfin l'Obbarach, comme successeur de son frère. Mais l'Obbarach ne règne qu'à titre intérimaire, car son couronnement n'aura lieu qu'après la créma-
tion du roi défunt. Terme éloigné, sans aucun doute. Tandis que les prêtres frappaient leurs cloches de bronze et que les princes et les femmes du harem se prosternaient, le corps de Norodom, embaumé, habillé de vêtements en fils d'or, le visage couvert d'un masque d'or enrichi de pierreries, couronné du « pnom (l'antique diadème), chaussé de babouches d'or, était placé dans l'urne de vermeil et d'orfèvrerie. Suivant les rites, on l'y mit à genoux, les bras ramenés sur la poitrine, les mains jointes. Le précieux récipient fut ensuite, comme pour la reine-mère, transporté dans une salle du palais transformée en chapelle ardente, et, de nouveau, on élève une haute pagode de paillottes qui rappellera le mont Méron des bouddhistes, la montagne sacrée sur laquelle devaient être
brûlés les rois Kmers. Il n'est pas téméraire de penser que des plans défectueux amèneront, parfois, la chute de l'édifice; ou encore des cyclones l'ébranleront, les horoscopes favorables se feront attendre. Et le corps du roi n'est pas près de quitter la capitale pour aller reposer dans la ville sainte d'Oudong. cendres légères M.
Où en sont les Expéditions coloniales de 1°Allemagne et de
l'Angleterre?
LES expéditions coloniales de l'Allemagne et de l'Angleterre, en Afrique, pour la première de ces deux puissances, en Asie et en Afrique pour la seconde, ne paraissent pas être conduites avêc une bien grande rapidité; les combats et les conciliabules se succèdent sans amener d'appréciablerésultat. Au Damaraland, la nomination du général de Trotha, en remplacement du colonel Leutwein, n'a pas apporté grand changement dans la situation respective des troupes en présence. Au Tibet, une délégation du Dalaï-Lama a été reçue par le colonel Younghusband. Celui-ci, comme préliminaires aux négociations, a exigé l'évacuation de la forteresse de Gyang-tsé, et les Tibétains ont demandé à réfléchir. Les Anglais, il est vrai, ne leur en ont guère laissé le temps et, passant des négociations à des mesures plus efficaces, ils se sont mis à bombarder la citadelle qui a fini par se rendre à merci. La prise de Gyang-tsé marquera peut-être une étape importante dans la marche sur Lhassa à moins d'être le simple épisode d'une lutte interminable. Au Somaliland, les affaires semblent mal marcher. Le Mullah se trouve au sud du Nogal, avec 2 000 fusils, 5000 hommes, de nombreux moyens de transport et de grandes quantités de munitions. Les tribus voisines s'agitent et se disposent à faire cause commune avec le Mullah. Que d'existenceshumaines, de temps et d'argent seront encore sacrifiés avant que soient atteints les
trois buts proposés
tronçon Moramanga-Mangoro (16 kilomètres), dont l'exécution n'exige qu'un cube insignifiant. La seule difficulté, qui subsiste en ce moment pour l'achèvement de l'entreprise, sera le franchissement des hauteurs du massif montagneux situé à une quarantaine de kilomètres de Famoavana, et sur lequel la ligne devra s'élever pour atteindre le plateau de l'Emyrne.Les travaux seront assez pénibles dans cette région, et cela sur une quarantaine de kilomètres. Mais ils auront sur ceux de la région basse cet avantage qu'ils seront exécutés dans un climat sain et salubre, où les Hovas n'hésiteront pas à fournir une abondante main-d'œuvre. En outre, la proximité de la route carrossable facilitera considérablementle ravitaillement des chantiers. De ce rapide exposé, il résulte, dit la Revue de Madagascar, que très prochainementtous les obstacles que la Nature a dressés devant la construction du chemin de fer de Brickaville au Mangoro seront surmontés. Mais cela n'aura pas été sans peine ni sans de grandes dépenses. Les difficultés techniquesont surgi dans ce pays si tourà chaque pas; les prévisions, menté, dont la nature du sol était si peu connue, ne se sont souvent pas réalisées; les calculs les plus serrés 3° Le
La Situation du Chemin de fer de Madagascar. Vote de
nouveaux Crédits.
L ES travaux du chemin de fer de la côte est de Mada-
gascar sont poussés avec la plus grande activité. La distance entre Brickaville, point de départ de la ligne, à l'extrémité du canal des Pangalanes et Famoavana, qui est le but à atteindre actuellement, est de ioo kilomètres en chiffres ronds. L'infrastructure est terminée sur les 65 premiers kilomètres, qui comprennent le tunnel Gallieni, d'une longueur de 800 mètres. Elle a dû être achevée en mai sur les 2o kilomètres suivants, et elle doit l'être en août ou septembre, sur les 15 derniers. Le rail atteindra Famoavana en octobre au plus tard. Famoavana est relié à Ambavaniasy, sur la route de l'est, par un tronçon carrossable, déjà livré à l'ex-
TRACÉ DU CHEMIN DE FER DE MADAGASCAR.
ploitation. Marchandises et voyageurs arriveront donc bientôt jusqu'à Famoavana par la voie ferrée et, de là, jusqu'à Tananarive, en voiture ou en automobile, en attendant le jour où la voie ferrée parviendra jusqu'à la capitale. Les travaux vont continuer sur les 66 kilomètres
qui séparent Famoavana du fleuve Mangoro, lesquels comprennent
tronçon Famoavana-Analamazaotra s'étendant sur 2o kilomètres dans la grande forêt où la plateforme est terminée. Dans ce tronçon, les chantiers ont été ouverts en avrillg02 et ce n'est qu'en avril 1904 qu'il est devenu possible d'en licencier le personnel; les travaux d'infrastructure auront donc duré deux ans. Or trois mois suffiront pour finir les quelques ouvrages laissés en suspens sur le tronçon Famoavana10
Le
Analamazaotra et poser la voie. 2° Le tronçon Analamazaotra-Moramanga (3o kilomètres), constitué, pendant 26 kilomètres, par la route carrossable qui a été tracée de façon à pouvoir servir de plate-forme à la voie ferrée et, pendant 4 kilomètres (les plus voisins de Moramanga), par un tronçon à exécuter entièrement. Aux termes du cahier des charges, les travaux de ce tronçon doivent être terminés le 1er novembre prochain.
ont été pris en défaut, tant et si bien que les sommes mises à la disposition du Gouverneur général pour la construction du premier chemin de fer à Madagascar se sont trouvées insuffisantes. La section BrickavilleMangoro avait été évaluée à une dépense de 8 millions. Elle en nécessitera 10 de plus, soit 18 millions. La section Mangoro-Tananarive avait été évaluée a 133 millions, elle en a absorbé 1 de plus. Il était donc urgent de demander Il millions. Mais on a préféré ~ugmenter ce chiffre pour parer à l'imprévu. Aussi, aux 6o millions empruntés, d'après la loi du 14 avril 1900, le Parlement vient-il d'ajouter, sans discussion, une somme de 15 millions, qui permettra l'achèvement de la voie jusqu'à Tananarive. Il est loisible de prévoir que, vers la fin de tc~o6, la locomotive fera son entrée à Tananarive. Nous n'avons plus à redire les résultats qu'on doit attendre de la mise en communication de la capitale de l'île avec la côte par une voie rapide et sûre. Il n'est pas exagéré de prétendre que les facultés économiques de la région desservie en seront au moins doublées, grâce à la libération des nombreux travailleurs, employés actuellementaux transports à dos d'homme, qui pourront être alors rendus aux travaux productifs de l'agriculture et de l'industrie, grâce aussi aux facilités que le chemin de fer offrira pour la mise en valeur, par les
populations des hauts plateaux, de la zone comprise entre l'Emyrne et la région côtière. Déjà les facilités de communication et de transport dues à la construction de la route de l'Est ont amené un commencement de peuplement dans cette zone, jusqu'ici à peu près complètementdéserte et inexploitée. Elles ont permis aux riz de la région des hauts plateaux d'arriver à la côte, dans des conditions qui leur rendent la concurrence possible contre les riz importés du dehors. Ce n'est là que le début d'une transformation économique qui prendra toute son ampleur et produira tous ses résultats, le jour, prochain maintenant, où le chemin de fer reliera Tananarive au littoral.
La Génération spontanée des Villes. Kalgoorlie d'Aus-
tralie.
L'AUSTRALIE, comme l'Amérique du Nord, voit surgir spontanément les villes de son sein. M. Mac Kenzie nous donne, dans ses Esquisses de la vie en Australie, une histoire de la ville de Kalgoorlie, qui ressemble à un roman. Kalgoorlie n'est âgée que de dix à onze ans et a toute l'audace de la jeunesse. Elle possède la région aurifère'la plus riche de l'univers et elle a dépassé sa rivale Coolgardie. Elle est contente d'elle-même. Les habitants ne cessent d'entretenir les étrangers de la grandeur de la ville et du progrès de la population. Il y a du reste de quoi être fier. Quand le soir, on se tient au balcon d'un hôtel de Hannanstreet, on voit au-dessous de soi de larges rues éclairées à l'électricité. Des lignes de trams électriques roulent dans toutes les directions. Des poteaux électriques et téléphoniques se dressent dans toutes les rues. Les huttes de zinc font place partout à des maisons en pierre. Les magasins sont aussi chers que dans les quartiers élégants de Londres. La dame que l'on voit descendre de son coupé commande ses robes à Paris. Les grandes lumières que l'on aperçoit sur les collines et le roulement continuel et assourdi des décharges de dynamite annoncent les progrès de l'industrie. Enfin, l'air est déchiré par le sifflet des locomotives. Il y a dix ans, au commencement de 1893, cet endroit était désert. On n'y circulait qu'en courant les plus grands dangers. La brousse incendiée, la terre, rouge et brûlée, le manque d'abri et d'eau en faisaient un enfer. C'est alors que Pat Hannan, le plus misérable des aventuriers, vint àpasser par ce lieu. Il était presque mort de soif et de chaleur. Il n'avait pas été heureux dans ses prospections et avait repris le chemin de la vie civilisée. Son cheval, en battant le sol de ses fers, dénonça la présence de for dans ce lieu de misère. Kalgoorlie allait naître. Dix années ont fait d'une solitude une ville de 35000 habitants. La valeur de la terre bondit de zéro à mille. LeGouvernementagagnéplus de 3 5ooooofrancs en vendant des terrains à bâtir. Ces recettes ont contribué à faire d'une colonie abandonnée une perle de
l'avenir. Les premiers habitants de Kalgoorlie prétendent que l'endroit est déjà (( gâté ». Le bon temps était l'époque où il n'y avait ni chemin de fer ni millionnaires quand on devait parcourir plus de 200 milles à dos de chameau ou dans des charrettes. C'était l'époque héroïque où l'on ne connaissait ni viande fraîche, ni lait frais, ni légumes frais, et où il fallait souvent payer 3 francs pour un tonnelet d'eau, et il était même difficile de l'avoir à ce prix. Puis, vint la dysenterie; car de la viande de chien en conserve et du mauvais whisky, un dur labeur sous l'ardeur du soleil, l'eau à la cuiller et du mauvais champagne pris comme de la bière tuaient en masse les habitants de la première heure. Voilà les jours heureux, dont ces vétérans parlent avec un soupir. La fièvre a disparu de Kalgoorlie. La ville est devenue un centre tranquille et prosaïque dont l'industrie est l'extraction de l'or. L'aventurier n'a plus rien à espérer. La période romanesque est passée. Le spéculateur hardi est remplacé par l'ouvrier mineur, qui gagne de 12 à 18 francs par jour. Le surveillant de mines du bon vieux temps a fait place aux experts allemands et américains. Aujourd'hui, quand on rencontre un habitant de la ville, il ne vous parle plus de grandes découvertes, mais du développement de la ville, de lignes de trams et de ponts. On ne distille plus laborieusement l'eau des lacs salés ou on ne la recueille plus soigneusement dans des citernes. On la pompe à des centaines de milles de la côte et on en a tant qu'on veut. Le marchand de whisky ambulant est remplacé par une société qui possède des maisons en briques à deux étages. Des églises s'élèvent partout. Le théâtre attire un bon contingent de la population changeante de la colonie. La ville est lancée et, à peine au sortir de l'enfance, possède toute la vitalité d'une vieille et forte cité.
L'Initiation des Féticheurs au Congo. UN Père rédemptoriste des Missions catholiques du
Congo a eu l'occasion d'étudier dans la région de Kiouzo la manière curieuse dont les indigènes sont initiésau culte des fétiches. Il a pénétré dans une sorte d'école dirigée par un féticheur et dédiée au fétiche Nkimba. Cette école se trouve à proximité d'un village et d'une forêt, disposés de telle sorte que les chemins qui y conduisent forment une grande croix. Le haut de la croix est occupé par l'école au bras gauche, il y a le village; au bras droit, la forêt réservée aux élèves; au bas de la croix, se fait la première ini-
tiation.
temps en temps, les chefs d'une contrée trouvent bon d'ouvrir l'école du Nkimba; tous les enfants mâles auront à y entrer; ils seront cinquante, cent, d'après l'importance du pays. Chaque village en enverra une demi-douzaine environ. Sous la conduite De
d'un kapita, ils quittent leur village dès le premier chant du coq. Ils s'en vont vers le lieu de l'initiation, où ils doivent être arrivés avant le lever du soleil. Là, le Nganga ou féticheur du Nkimba commence par dé-
pouiller chaque postulant de tous ses vêtements; puis il l'étend par terre, et, comme un boulanger qui travaille sa pâte, il le frappe trois fois du poing en le roulant trois fois sur la terre; il prononce, dans la langue du Nkimba et en appuyant terriblement sur chaque syllabe, le nouveau nom du cathécumène, puis il se met à enduire et à frotter tout le corps du malheureux avec de la terre blanche, et ce corps noir devient aussi blanc qu'un mur badigeonné. Alors seulement, le farouche sorcier donne à l'initié les premières leçons de son nouvel état. Quand tous les novices ont été badigeonnés, on entoure leurs reins de feuilles de palmier; le féticheur leur indique brièvement le règlement qu'ils auront à suivre à!' école; puis, prenant le premier par une feuille de son habit de verdure, il les conduit au village voisin, où tous doivent le suivre. Arrivés au village où toutes les femmes sont accourues, le sorcier leur dit ces mots (( Voyez, ils étaient morts, et ils sont ressuscités; les voilà qui arrivent
sur le dos des anciens, ils arrivent en triomphe et à grand vacarme vers le village. Là, c'est une expectative fébrile. Toute la contrée est en habits de fête. Les nouveaux féticheurs font semblant de venir d'un autre monde, et en sont, pour ainsi dire, persuadés. Ils ne veulent d'abord reconnaître que leurs anciens; ils semblent ignorer leurs propres mères. Ils font semblant de ne pouvoir marcher, de ne pas connaître les manières de cette vie. Ils mangent par terre, font des grimaces, mordent, etc. Et tous d'en avoir pitié, de les excuser, puisqu'ils viennent d'un autre monde Enfin, on se reconnaît on présente.le fils à sa mère, le frère à sa soeur, le fiancé à sa fiancée! La joie devient frénétique, et la fête continue de plus belle. Le vin de palme est servi en abondance. Partout des feux de joie, et autour des feux des groupes heureux. Ce ne sont plus qu'agapes, où l'on sert des poules, des chèvres, des moutons, des porcs. Et puis ce sont les danses, les chants et les tam-tam Et tout cela dure des jours, des semaines Après quoi, chacun regagne son village, emportant qui son fils, qui son frère, devenus Nkimba.
»
Puis, le maître féticheur serre successivement son petit doigt autour du petit doigt de chaque novice, et prononce son nom nouveau. Il prend ensuite du sel mêlé avec du pilipili, et, avec le pouce, il met de ce sel sur la langue des novices. Alors seulement, les novices peuvent prendre de la nourriture, car jusque-là ils étaient à jeun.
rendent à l'école du Nkimba. C'est un grand chimbek en paille, où trône contre une Du village, ils se
des parois, et dans un panier, le fétiche Nkimba. Arrivés là, les novices jettent leur habit de verdure, car le fétiche Nkimba ne permet pas que l'on se présente dans son temple, autrement que tout nu. A quoi occupe-t-on ces jeunes gens pendant leur séjour à l'école? On leur apprend des chants indigènes et la langue du Nkimba, langage mystérieux, que les initiés seuls comprennent. Il diffère beaucoup de la langue usuelle, et se conserve par tradition sans lettres, sans grammaire, sans écrits, dans la mémoire de ces sauvages. Les novices passent le reste de leur temps à faire des travaux indigènes, tels que nattes, vases en terre pour cuire, pipes, etc., etc. Tous ces objets sont vendus. Le prix, dont la grosse part s'en va au sorcier, sert à acheter les étoffes et tout ce qu'il faudra pour célébrer dignement la fête de clôture. Les jeunes gens sont très durement traités à l'école. Mais c'est une honte de rester un profane, de ne pas avoir passé par l'école du Nkimba Et puis, on aime tant la fête de la clôture Dès le grand matin de ce jour, on met le feu à l'école du Nkimba et à d'immenses bûchers d'herbes sèches juxtaposés. C'est le signal de la fête. Aussitôt. les initiés courent à l'eau, se lavent soigneusement jusqu'à ce que leur peau reprenne leur couleur noirbronze habituelle. Ils mettent des anneaux brillants aux jambes et aux bras; ils s'entourent les reins d'un beau pagne nouveau, puis, transportés en hamacs ou
Jules Huret.
En Anaérique. De New York à la NouvelleBibliothèque Charpentier, 1(, rue de Gre-
Orléans. vol. nelle, Paris. Prix
3
fr.
50.
VOICIun livre captivant entre tous. C'est
en traits innom-
brables, merveilleusement observés et rassemblés avec infiniment d'adresse, la vie réelle de l'Amérique du Nord. C'est presque trop bien, dirons-nous,car, après avoirfeuilleté ce gros volume, on n'a plus besoin d'aller voir cette jeune Amérique, si curieuse; aux aspects si variés et si différents de ce qu'on trouve dans la vieille Europe. Il est rare qu'on éprouve, en lisant un livre de voyage, une « vision » aussi nette. Loti est le maître descriptifdes sites et des lieux. Dans cet ouvrage, M. Joles Huret s'affirme comme le maître descriptif des milieux humains et de la vie quotidienne. C'est par une série de tableaux successifs que cette vision intense est donnée au lecteur. On passe de New Yùrk à Boston, de Boston à Philadelphie, à Pittsburg, à la NouvelleOrléans, en s'arrêtant soit à l'Université d'Harvard, soit à Turkeege où est l'Ecole des nègres soit dans les résidences d'été des Américains, etc. Partout, M. Jules Huret a appliqué son goût de l'information et de l'enquête à se renseigner sur tout ce qu'on a envie de savoir théâtre, mœurs, habitudes mondaines, presse, industrie, agriculture, éducation, méthodes d'enseignement, sports, rien ne lui a échappé. Et, avec le talent qui lui est propre, il fait, de tout ce qu'il recueille sur et proplace, un résumé clair, vivant, spirituel, amusant fondément instructif. Ces tableaux distincts qui nous font si bien voir comment vivent les Américains, comment ils sont élevés, comment ils' travaillent, comment ils se divertissent, n'empêche nullement que les idées générales soient traitées par M. Jules Huret avec toute l'importance qu'elles méritent. Avec lui, au contraire, tant son observation est précise et sagace, on comprend parfaitement ce qu'est le peuple américain dans son ensemble et ce que doivent forcément produire son éducation et sa tournure d'esprit. Les tendances politiques et économiques d'un peuple aussi actif et entreprenant sont notées et mises en lumière comme il convient. Et M. Huret arrive à nous communiquer, tout aussi bien sinon mieux que des auteurs à l'allure plus dogmatique, la perception très claire de ce qu'est ou sera le fameux « péril américain ». Il a paru beaucoup de livres sur l'Amérique. Nous n'en connaissons pas qui donnent, mieux que celui-ci, nous le répétons, « l'idée ce que sont les Américains. C'est un livre à lire.
de
Situation des sept grandes puissances navales. Chaque année, l'Amirauté britannique fait établir et distribuer au Parlement un état comparatif des forces na-
vales de la Grande-Bretagne, de la France, de la Russie, de l'Allemagne, de l'Italie, des Etats-Unis et du japon. Cet état qui donne la date du lancement, le tonnage et l'armement de chaque navire, classe les bâtiments en cuirassés, croiseurs, garde-côtes, bateaux torpi"l1eurs, destroyers, torpilleurs et sous-marins, construits et en construction. D'après cet état les bâtiments construits, quel que soit leur type, sont au nombre de 445 pour l'Angleterre, .399 pour la France, 280 pour la Russie, 21] pourl'Allemagne,204 pour l'Italie, > pour les Etats-Unis et 148 pour le japon; et les navires en construction, au nombre de 104 pour l'Angleterre, '72 pour la France, 42 pour la Russie, 24 pour l'Allemagne, 27 pour les Etats-Unis et 7 pour le Japon. Le nombre total des navires construits de ces sept puissances est de i 8oo; ils se répartissent ainsi 129 cuirassés de ie~ rang, 23 de 2e et 19 de ]e; 53 garde-côtes, 70 croiseurs cuirassés, J7 croiseurs protégés de 1 re classe, 108 de 2e classe, 87 de 3e classe et 49 croiseurs non protégés 74 navires torpilleurs(croiseurs-torpilleurs,avisos-torpilleurs, porte-torpilleurs), 282 destroyers, 824 torpilleurs et 15 sousmarins. Les navires en chantier ou dont le début de la construction est prévu pour l'année courante sont au nombre de 404, se répartissant ainsi 56 cuirassés tous de ier rang, 41 croiseurs cuirassés, 3 croiseurs protégés de 1 re classe, 5 de 2e classe et 1) de 3e classe, 8 éclaireurs (scouts), 74 destroyers, i 16 torpilleurs et 88 sous-marins. Si l'on fait un rapprochement entre les navires construits et les navires à construire, on arrive aux constatations suivantes que les puissances navales ne construisent que des cuirassés de 1 er rang, qu'elles ont abandonné la construction des garde-côtes et canonnières cuirassées, que la construction des croiseurs simplement protégés est absolument insuffisante pour le remplacement des unités en service et qu'enfin on ne construit plus de croiseurs non protégés. Un nouveau type de bâtiment, l'éclaireur, paraît dans cette statistique des bâtiments à construire. Il est à remarquer que ce nouveau type figure pour l'Angleterre seulement toutefois on peut considérer que quelques-uns des croiseurs de .3e classe, comme le Novik russe, pourraient être classés comme appartenant à ce type. Ce sont des navires très rapides, peu armés, destinés à éclairer les escadres, assez grands cependant,pour pouvoir affronter la grosse mer du large sans le déchet de vitesse que les petits navires éprouvent forcé-
ment.
construire, il résulte que les maritimes comparées donnent une grande sept puissances activité à la construction des cuirassés; les 56 en chantier se répartissent ainsi Angleterre 12, France 6, Russie 9, Allemagne 8, Italie 6, Etats-Unis 1) etjapon 2: on trouve 17 croiseurs cuirassés en chantier en Angleterre, 9 en France, 3 en Allemagne, en Italie et Il aux Etats-Unis. La Russie et le japon n'en ont aucun en construction ni même en projet. La Russie est la seule puissance qui construise encore des croiseurs protégés de 1 re classe, soit 3; comme croiseurs protégés de 2e classe, il y en a 2 en chantier en Angleterre, 2 aux Etats-Unis au japon; pour les croiseurs protégés de 3e classe, on en trouve 4 en Angleterre, 2 en Russie et 7 en Allemagne;cesderniersd'ailleurs, qui filent plus de 22 noeuds, peuvent être considérés comme des éclaireurs, de même les 2 russes dont la vitesse prévue est de 24 nœuds. Les destroyersont complètementremplacéles croiseurstorpilleurs et avisos-torpilleurs;on en compte en chantier 36 pour l'Angleterre, 15 pour la France, 14 pour la Russie, 6 pour l'Allemagne, 2 pour l'Italie et pour le japon. Les Etats-Unis n'en ont pas en construction. La constructiondes torpilleursn'est active qu'en France en effet, sur les 1 16 en chantier et en projet, la France entre pour 94. En Angleterre il n'y en a que 4, on en trouve 14 en Italie, aux Etats-Unis et 3 au japon. La Russie et l'Allemagne n'en ont pas en construction. De l'examen des navires à
et
La construction des sous-marins se développe très ra-
pidement l'Angleterre en compte 21 en chantier ou à commencer cette année la France 48, la Russie 14, l'Italie 5. Voici maintenant, par nation, le total des navires
construits.
Le
déplacement total de la flotte Angleterre. construite s'élève à 1567470 tonnes, dont cuirassés de de 2e rang, 37 500 de 3e rang, 1er rang, 660000 tonnes croiseurs cuirassés, 272 600 12 400; de garde-côtes, 5 440 croiseurs protégés, Ire classe, 201 950 2e classe, 2 15 580 3e classe, 72 650; croiseurs non protégés, 1] 970; bâtiments torpilleurs, 31 915 destroyers, 42 865. La France possède un déplacement de France. 6 16 855 tonnes de navires construits, ainsi répartis Cuirassés de le~ rang, 223 652 tonnes; de 2e rang, 63 559; de garde-côtes, 4o 631 croiseurs cuirassés, 3e rang, 9 164 r r4 z68; croiseurs protégés de 1 re classe, 48 ]21 de 2eclasse, 62 964 de 31) classe, 3 r r35 croiseurs non protégé, 1 705 bâtiments torpilleurs, 14 896; destroyers, 6560. Russie. -43z ~73 tonnes construites, dont 189 649 de cuirassés de 1 er rang; 145 957 tonnes à construire, dont 125 2 1 ode cuirassés. Allemagne. 430 530 tonnes construites,dont 152 581r de cuirassés; 145 400 tonnes à construire, dont 103 976 de cuirassés. z57836 tonnes construites, dont 149 417 de Italie. cuirassés 83 283 tonnes à construire, dont 75 339 de cuirassés. 267901 tonnes construites, dont Etats-Unis.
decuirassés de ier rang et339 76o tonnes à construire, dont 193 180 tonnes de cuirassés et 140180 tonnes de croi1 13 367
seurs cuirassés.
Japoai.-z59673tonnesconstruites,dont 84300 tonnes de cuirassés, de 1er rang et 34700 tonnes à construire, dont 3
1 7oc de
cuirassés.
Le service des ambulances russes en
Extrême-Orient.
ambulances russes en Extrême-Orient emploie pour le transport des blessés des trains, des bateaux, des automobiles. Les trains sanitaires sont faits tous sur le même modèle ils comprennent 1 wagon de Ire classe, 2 de 2e, 8 de 3e et 2 de bagages dont l'un est transformé en cuisine. On a construit en outre des sortes de chalands sanitaires, qui sont de vrais hôpitaux militaires, à 200 lits. Un médecin s'y trouve assisté de trois étudiants qui lui servent d'aides, de 8 soeurs de charité, de 15 infirmiers et d'un économe. Un des étudiants sert de pharmacien, un des Le service des
infirmiers de cuisinier. La Croix-Rouge a fait connaître l'arrivée à Khabarovsk du premier convoi de ces bateaux-hôpitaux évacué de Karbine par voie fluviale. 100 blessés et 150 malades étaient à bord; le voyage le long de la Soungari, de l'Amour et de l'Oussouri a réagi favorablement sur leur état de santé. Quelques opérations ont été exécutées en cours de route. Ce convoi était composé de bateaux affrétés par le syndicat des marchands et des banquiers pétersbourgeois. Moscou enverra de même prochainement,à Karbine, deux chalands-hôpitaux, l'un de bois et l'autre de tôle, dont on a annoncé la construction comme terminée et dont il ne reste qu'à organiser
l'aménagement. Le transport des blessés est primitif on les transporte en voiture sur du foin ou de la paille (et le trajet est dur, car les routes sont épouvantables), ou, quand on le peut, en chemin de fer.
Sur les derrières de l'armée, actuellement se trouve la route qui réunit Blagovechtchensk,Moukden. Des lazarets ont été établis sur cette route; on y conduit les blessés qui sont transportés par bateaux sanitaires sur la Soungari. Enfin, on vient d'imaginer, pour faciliter les transports, un train automobile sanitaire, qui ferait 20 verstes à l'heure et pourrait transporter 6o hommes. Il est composé de io voitures automobiles, 4 pour les soldats qui sont grièvement blessés, 6 pour ceux dont les blessures sont moins graves. On croit que ces trains pourront fonctionneravant l'automne.
La Ville de Bayreuth
et le Théâtre de Wagner.
L'ceuvre de Wagner a rayonné maintenant sur l'univers entier. La période béroïque des luttes entre adversaires et partisans du compositeur allemand est définitivement close, et son génie a forcé les portes des Opéras des deux mondes. Mais si les dilettanti ~euvent, à Paris ou à l~ienne, à Munich ou à New York, ouvrir leur âme aux accents de leur musique préférée, les fidèles estiment que c'est à Bayreuth même qu'il faut boire à la source wagnérienne. Des représentations ont
lieu ces jours-ci. Elles attirent leurfoule babituelle.
p ARl'Orient-Express, on peut aller de Paris à Bayreuth en vingt heures. Ce train, qui laisse la gare de l'Est à six heures cinquante minutes du soir, vous met à Stuttgard le lendemain, à sept heures du matin. De là, vous prenez un train pour Nuremberg. Vous arrivez à midi, et, à trois heures, vous êtes à Bayreuth. Bayreuth
est une jolie
ville située sur le Mein rouge qui, en cet en-
chitecte Giuseppe Gali-Babiena.Cet édifice, autrefois la plus grande scène d'Allemagne, est resté tel qu'il était. L'intérieur, en style rococo, est richement décoré. Les Français eurent, jadis, le mauvais goût de transporter le rideau de ce théâtre à Paris; il se trouve maintenant à Vienne, à l'Opéra-Royal. C'est enfin le parc, vaste et bien planté, qui s'étend derrière le nouveau
château.
Devantce
nouveau châ-
droit, n'est
teau, s'élève une fontaine
qu'un petit ruis-
seau coulant
monumentale, au centre de la-
entre deux ber-
ges de gazon, ombragé çà et là de minces roseaux et mur-
quelle est campé un groupe construit par Rany en 1700, à la mémoire du
murant gentiment sur un lit
margrave Chri-
de cailloux. Aujourd'hui, cheflieu de la Hau-
stian-Ernest qui
combattit les
te-Franconie,
Turcs en 1683.
jadis la capitale d'un margraviat, où régna la soeur du grand Frédéric.
cheval, a à côté de lui son nain favori. Quatre
Le
Bayreuth fut
VUE EXTÉRIEUREDC THÉATRE DE WAGNER A BA~'REUTH.
ta. Que penserait-il de cette oeuvre de Wagner qui attire ici tant de gens de tous les pays ? La ville a des coins tout à fait ravissants. C'est d'abord la vieille église gothique du xv. siècle, où vingt-six membres de la famille margraviate dorme. leur dernier sommeil. C'est encore l'Opéra, construit par l'ordre du margrave Frédéric, sur les plans de l'ar30e
LIV.
à
statues, portant
D'après une photographie.
Voltaire y habi-
A TRAVERS LE MONDE.
prince,
les noms des quatre fleuves qui prennent leur source dans le Fichtelgebirge, complètent ce monument. Trois autres fontaines décorent le marché. Elles sont dédiées à la Renommée, à Hercule et à Neptune. La ville de Bayreuth est d'ailleurs riche en monuments. L'ancien château, d'ornementation lourde, mais non sans caractère, a reçu dans sa cour extérieure une statue du roi de Bavière, Maximilien Il, N°
)0.
2) Juillet J90'4.
saire d'employer pour cette manceuvre un grand nombre de machinistes. On peut juger dans Parsifal de la perfection avec laquelle ce système fonc-
tionne.
Les représentations du théâtre de Wagner commencent à quatre heures et durent jusqu'à dix heures avec deux entr'actes de cinquante
ISTÉRIEUR DE LA SALLE DU 1 H~ 1
L'après
T~ne
r~E DE
WAGNER,
ir/iotegra,rhie.
d'après Brugger, de Munich, coulée par Miller. Cette statue a été érigée en 1860. Deux autres statues, celle
et
due à Schwande Jean-Paul Richter, élevée en 1841 thaler, celle de Graser, le pédagogue, élevée en 1880, décorent, l'une la place Frédéric, l'autre la place de
l'École centrale. La colline sur laquelle s'élève le théâtre de Wagner est aux portes dA la ville. Le petit guide de Bayreuth a raison quand il nous dit que Wagner a su choisir un site admirable pour y élever son théâtre, libre de tous les côtés, entouré de belles promenades, avec, à l'arrière-plan, les bois de la Hohennarte. C'est le 2 mai 1872 que la première pierre de l'édifice fut posée. L'auteur du plan est l'architecte Gottfried Semper, constructeur du Burg-Theater à Vienne. Les travaux ont été surveillés par plusieurs architectes, sous la direction de M. Runkwitz. L'aspect du théâtre est des plus simples. Un péristyle, modeste comme proportions, donne accès dans un couloir ouvert extérieurement et qui sert de pronaos. Huit escaliers conduisent dans la salle disposée en amphithéâtre. Derrière cet amphithéâtre, une galerie tient toute la largeur du fond. Deux loges seulement ont été réservées au milieu de cette galerie, l'une pour la famille Wagner, l'autre pour les familles princières. Les côtés de la salle sont ornés de hautes colonnes portant chacune une couronne de lampes électriques. Le sous-sol, dans lequel est dissimulé l'orchestre, se prolonge très avant sous la scène avec une profondeur presque égale à celle de la salle de spectacle. La scène a une longueur de 36 mètres, une largeur de 28, une profondeur de io et une hauteur de 29. Les rues y sont profondes et larges. On sait que l'on appelle ainsi les bas-côtés où sont rangés et où peuvent se manœuvrer les décors. Une disposition des plus heureuses permet de développer des décors mouvants qui sont enroulés autour d'un treuil comme un store de voiture, sans qu'il soit néces-
A
BAy!ŒUTH.
minutes chacun. On dine au restaurant voisin pendant le second entr'acte, si on peut parvenir à trouver place à une table. Sinon, on en est réduit au lunch debout. Deux avertissements, donnés sur le péristyle par une fanfare qui les emprunte à l'un des motifs de la pièce en
représentation, a n n o ncent que l'on doit regagner sa place, si l'on ne
veut pas perdre le bénéfice du spectacle. L'arrivée des voitures, qui amènent les spectateurs et gravissent péniblement le versant de la colline,
est une des choses les plus curieuses de Bayreuth. Les femmes prennent largement, à ce moment, leur revanche de l'obscurité obligatoire de la salle, et toute leur coquetterie se concentre dans la forme du chapeau et dans la coupe du manteau jeté sur dès épaules qu'on ne peut découvrir. Peu de fleurs; l'Allemagne ignore ce luxe. Avant le commencementdu spectacle, il se forme des groupes sur la terrasse qui précède le péristyle du théâtre. C'est là que se classent les différentes nuances de dilettanti les muets que l'adoration empêche de parler, les éloquents qui éprouvent le besoin de manifester pour montrer qu'ils peuvent dépasser le diapason normal, les curieux, les sages, puis les initiés qui seuls comprennent, seuls sont dignes d'entendre et sourient doucement, de ce sourire à la fois bienveillant et dédaigneux que les divinités bouddhiques concèdent parfois aux simples mortels. Pour ma part, je n'ai nullement l'intention de décrire les représentations auxquelles je suis allé assister à Bayreuth, dans lapensée qu'il en estdes œuvres de Wagner comme de certaines eaux qu'on doit boire à la source. Ce que je tiens seulement à dire, c'est que j'ai constaté là, une fois de plus, que la pensée géniale dans les manifestations intellectuelles de tout ordre est caractérisée par la puissance du résultat obtenu, et par la simplicité des moyens employés. Wagner prend pour thèmes de ses compositions des vérités éternellement vraies, constamment traduites par les hommes en des légendes éternellement semblables. Dans le Lohev~grin, c'était la fable de Psyché. Dans Parsifal, c'est la parabole chrétienne. Les sujets choisis, il fait dans une ouverture ou dans un prélude ce que nous appelons, en style parlemen-
taire, un exposé des motifs. Puis il développe sa proposition en insistant sur les points qu'il veut mettre en lumière et avec la volonté bien arrêtée d'épuiser tous ses arguments. Son système préféré attribue presque tout à l'orchestre. Les chanteurs ne sont que des récitants, mais des récitants aussi indispensables à l'intelligence de l'action que le costume dont ils sont revêtus
et que le décor qui les encadre. Si on allait à Bayreuth pour y trouver la sensation que peut donner un opéra, au sens italien ou français du mot, on se tromperait. Il faut se rappeler que c'est en Allemagne que la Réforme est née, que l'esprit allemand se plaît aux généralisations philosophiques, qu'il se nourrit volontiers de l'invisible et qu'il hésite toujours à mettre sa morale en action, ce qui est le propre de l'esprit français. Cette distinction une fois admise, on peut s'asseoir dans un fauteuil du théâtre de Bayreuth et, après avoir suffisamment pensé à Luther, à Kant et à Goethe, se préparer à admirer le génie incontestable de Wagner. J'ai pris grand plaisir aux auditions de Bayreuth. Le duo de Tristan et Yseult m'a paru être l'une des plus hautes expressions de la passion humaine, et si, au troisième acte de la pièce, on se prend parfois à être aussi désireux que Tristan de voir arriver le bateau, il est impossible de méconnaître que la longue lamentation du héros est d'un style incomparable, Quant aux deux derniers actes de Pa~·sifal, c'est pure merveille. Il faudrait n'avoir aucune des qualités de notre race, si prompte à s'émouvoir de tout ce qui fait appel à son insatiable curiosité du simple, pour demeurer froid devant une aussi étonnante explosion de formules mesurées et justes. Dans cette dernière oeuvre, Wagner a montré la plus vaste capacité du vrai qu'ait jamais possédée un esprit allemand. Devant cette correction et, j'ajoute, cette discrétion de la forme, on n'est même pas éloigné de partager l'opinion de Saint-Évremond qui disait que l'opéra, tel que nous l'ont apporté les Italiens, n'est le plus souvent qu'une sottise magnifique chargée de musique. « Si vous voulez d'ailleurs savoir, écrivait l'ami de la duchesse de Mazarin au duc de Buckingham, ce que c'est qu'un opéra, je vous dirai que c'est un travail bizarre de poésie et de musique, où le poète et le musicien, également gênés l'un par l'autre, se donnent bien de la peine à faire un méchant ouvrage. Ce n'est pas que vous n'y puissiez trouver des paroles agréables et de fort beaux airs, mais vous trouverez plus
sûrement à la fin le dégoût des vers où le génie du poète a été contraint et l'ennui du chant où le musicien s'est épuisé dans une trop longue musique. » Lorsqu'on relit cette lettre, on est frappé de la justesse des critiques qui y sont formulées. Les choses
ont-elles beaucoup changé depuis Saint-Évremond? L'esprit français a tenté dans l'opéra-comique de donner plus de vraisemblance à la représentation en ne faisant point tout chanter, mais la tentative n'a pas été des plus heureuses pour ramenercette unité de conception que Saint-Évremond regrettait de ne point voir dans l'opéra. On a simplement obtenu par l'opéra-comique des comédies en musique plus ou moins agréables. Quant au drame musical, il est demeuré soumis aux mêmes exigences de la collaboration du poète et du musicien, aboutissant au chant ininterrompu des acteurs chargés de les représenter. On comprend très aisément que Wagner il n'est pas le premier ait voulu réagir, pour mieux produire sa pensée, contre un usage qui en pouvait troubler l'expression. Pour cela, il a commencé par écarter la collaboration du poète, en tissant lui-même la trame sur laquelle il voulait placer son inspiration musicale. Cela fait, il a été plus loin. Il a disposé un théâtre exclusivement destiné à ses oeuvres, ayant reconnu les inconvénientsque peut amener la distraction du public, la gêne qu'occasionnentses conversations, le trouble qui résulte du va-et-vient des spectateurs; il a stipulé que, le signal donné, personne n'entrerait dans la salle et n'en pourrait sortir. Puis, les spectateurs ayant pris leurs places, il les a plongés dans la nuit, ne laissant à leurs yeux que la ressource ou, pour mieux dire, l'obligation de se diriger vers la scène seule éclairée. L'orchestre, par sa disposition dans nos
hipl5'ON DE WpGNER A BAYREUTH.
D'aprPs une Fhotographie.
salles de spectacle, s'interposait entre le public et la scène. En outre, ses sons se perdaient dans l'immensité de la salle. Il a encavé l'orchestre et il l'a envoûté, de façon à donner aux sons qui s'échappentpar l'étroite ouverture plus de sonorité et en même temps plus de fondu. L'antre dans lequel est enfoui l'orchestre de Bayreuth est une sorte de creuset aux mélanges. Enfin, c'est l'orchestre seul qui déroule la phrase musicale simplement ponctuée par les chanteurs. Cela est intéressant et admirable, et je suis sorti de chacune des représentationswagnériennes avec une impression profonde, mais en me disant qu'il serait fâcheux que nos compositeurs fussent tentés d'imiter servilement les procédés du maître allemand. Chaque peuple doit apporter à œuvre commune les ressources de son génie propre.
l'
BARTHÉLEMY.
La Chasse des Phoques à
Fourrure.
LE bruit a couru que les Japonais projetaient une expédition aux îles russes de la mer de Bering, pour exterminer les phoques à fourrure et nuire ainsi au
commerce des fourrures que les Russes exercent dans ces parages, notamment aux îles du Commandeur. C'est sur ces îles et sur quelques autres plus voisines de l'île de Sakhaline il y a même là une Ile des Phoques que les bêtes en question viennent habiter à la fin d'avril ou au commencementde juin. Les mâles abordent les premiers, choisissant des emplacements commodes pour leur future famille. Les femelles arrivent ensuite. La chasse commence au mois de juin et dure jusqu'à la fin de juillet, quelquefois même jusqu'au ier septembre, selon l'époque de la mue. Les chasseurs qui pratiquent cette chasse, en commerçants avisés, ne tuent que les mâles âgés de deux à trois ans. Leur procédé est des plus simples. Lorsqu'ils ont trouvé une colonie, ils la cernent, de grand matin, du côté de la mer et la chassent ensuite' à coups de bâton jusqu'à l'endroit fixé pour le massacre. Les phoques sont tellement inoffensifs qu'une douzaine d'hommes suffisent à diriger un troupeau de -plusieurs milliers de têtes. Une fois le troupeau acculé au point arrêté d'avance, deux hommes le maintiennent en respect. Les chasseurs laissent sortir les phoques par groupes de 20 à 3o et assomment d'un coup de bâton sur le crâne, dont les os sont excessivement faibles, les bêtes qu'ils choisissent. Les cadavres des victimes s'amoncellent en tas qui grandissent à vue d' œil. D'autres chasseurs, véritables contrebandiers, ne se préoccupent pas de faire le tri entre les mâles de deux à trois ans et les autres phoques, femelles ou bêtes trop jeunes. Ils ont trouvé un nouveau procédé qui consiste à les détruire en mer, jusqu'à deux cents milles des côtes. Seulement, comme dans cette chasse en mer la
sélection à opérer entre les mâles et les femelles ou entre les animaux trop jeunes est impossible à faire, il en résulte que l'espèce tend à s'appauvrir peu à peu, et que même on craint qu'elle ne disparaisse. années, dit le Novoïé (( Pendant de longues hrémia, la Russie et l'Amérique, qui sont les États les plus intéressés à la régularisation de l'industrie des fourrures de phoque, se sont efforcées de mettre fin à la chasse en mer de créatures inoffensives qui ont le malheur d'avoir une fourrure très recherchée.Ces pays conclurent enfin, en 1897, une convention qui défend absolument ce procédé de chasse. Le Japon a adhéré à cette convention, et il ne manquait plus, pour la mettre en pratique, que l'assentiment de l'Angleterre. » Or, une Commission spéciale de délégués russes et canadiens, siégeant à Londres, a abouti à une entente au sujet du litige provoqué, il y a quelques années, par la capture de 6 goélettes du Canada. \( C'est ainsi, conclut le Novoïé l~émia, qu'une question, qui entravait depuis longtemps le développement régulier des rapports anglo-russes,aété liquidée à l'amiable au bruit des canons. Et si la fin du litige concernant les 6 goélettes canadiennes amène, comme il y a lieu de l'espérer,l'adhésionde la Grande-Bretagne à la convention de 1897, il sera permis de dire que la Russie aura réussi à en finir avec une des questionsles plus difficiles de l'Extrême-Orient. » L'entente, dont nous parlons, s'est terminée par l'adhésion de la Grande-Bretagne à la convention de 1897. Et l'Angleterre envoie un navire de guerre dans la mer de Bering pour faire respecter cet accord. Cela signifie que le Japon va renoncer à l'expédition projetée et qui ne devait pas comprendre moins de 200 navires à voiles. Se figure-t-on le carnage auquel peuvent se livrer les équipages de 200 voiliers? Grâce à l'Angleterre, les phoques sont sauvés.
L'OEuvre aéronautique de M. de la Vaulx. Nous avons signalé l'intéressante expérience de M. de
la Vaulx pour se diriger en ballon au-dessus des flots à l'aide de stabilisateurs et déviateurs'. Aujourd'hui M. Hervé, collaborateur de M. de la Vaulx, a adapté au Méditerranéen un moteur qui, placé sur une articulation ronde, à l'avant de la nacelle, peut s'incliner en avant, en arrière, à gauche et à droite cette inclinaison modifie la direction dans tous les sens, comme elle modifie la chute ou l'ascension.
L'hélice, composée de deux branches en aluminium, a 7m3°. Elle pèse 78 kilos. C'est la modification la plus importante du système de MM. Hervé et de la Vaulx. Grâce au moteur spécial, les équilibreurs, les compensateurset les déviateurs deviennent des instruments secondaires, une sorte de gouvernail de fortune, et ne serviront plus qu'au cas où l'instrument principal aurait une avarie quelconque ou encore si l'on veut seulement profiter de l'état du temps. i. Voir A Travers le Monde, t
903, P. 157.
La Préparation de l'Indigo en
Mandchourie.
UNE teinte bleue est la note dominante dans le costume du peuple', en Mandchourie et dans la Chine
du Nord.
Les beaux costumes de soie, aux couleurs chatoyantes et auxchauds reflets, que nous voyons exposés aux étalages des marchands de produits exotiques, ne sont pas de mise courante en Chine. Ils proviennent de la garde-robe de quelque riche et puissant mandarin. ou de quelque costumier de théâtre. La toile de Manchester a inondé la Chine, au détriment de la cretonne de Rouen. Pour. quoi? Parce que, il y a
plus d'un demi-siècle, quand la Chine commença à s'ouvrir, nos
industriels, fortement imbus de cette idée colonisatrice éminemment française, que
et de la Chine du Nord. La plante est coupée, à la fin de l'été. A ce moment, une de ses tiges écrasées entre les doigts ne colorera pas ceux-ci en bleu, mais en vert. L'indigo se trouve à l'état latent, en quelque sorte, dans la tige et les feuilles de l'indigotier. Pour l'en faire sortir, il faudra toute une série de réactions chimiques, les unes biologiques, les autres industrielles que nous allons suivre. Les plantes, fraîchement coupées, sont amenées sur des charrettes et jetées dans des bassins cimentés, ayant de 4 à 5 mètres de diamètre et 1 mètre de profondeur. Elles y sont mélangées à de l'eau, et on attend moins que la fermentation se fasse. Celle-ci est plus ou rapide selon l'état de l'atmosphère. Comme pour la vendange en cuve, au moment de la fermentation, il faut que les tiges d'indigotier baignent bien dans le liquide, et pour ce, la (( cuvée (( chargée avec des poutres et des pierres. Avant la décantation du liquide, pour bien extraire des tiges et des feuilles tout ce qu'elles contiennent de matière colorante, on pratique le (( foulage aux pieds », comme'onle fait encore dans beaucoup de contrées vinicoles pour le raisin. Des hommes
entrent dans le bassin et piétinent des heures durant sur l'indigotier, écrasant à fond les tiges ramollies par la fermentation.
nous ne devons pas fabriquer selon le goût
des indigènes, mais forcer ceux-ci
à
pren-
dre goût à nos fabrications, nos industriels donc, ne
Le liquide, obte-
voulurent
point organiser des métiers pour tisser des toiles d'une certaine
largeur; ils voulurent
est
!.A RÉCOLTE DE L'INDIGO DANS LES PLAINES DE LA hIANDCHOURIE,
nu de la sorte, présente une belle teinte verte. Du bassin de fermentation, il est conduit dans un réservoir, par
imposer aux Chinois D'après mte photographie. les dimensions franun caniveau légèreçaises. Le résultat ne se fit pas attendre. La Chine ment incliné, dans lequel sont disposés quelques bouchons de paille destinés à faire un filtrage grossier. se détourna de Rouen et fit appel aux métiers de Avec des seaux, le liquide :est puisé dans le réManchester, qui aussitôt se plièrent aux dimensions servoir et mélangé, dans de gros tonneaux, à de la requises par les Célestes. Et certainement, alors comme aujourd'hui, nos industriels gémirent (( Le Gouverchaux. Une réaction des plus complexes se produit, à la suite de laquelle le liquide prend une teinte bleue nement ne nous protège pas » Mais ils ne firent rien superbe. On laisse reposer, on décante doucement, et pour reconquérirle marché qui venaitde leur échapper. Depuis, des milliers et des milliers de kilomètres le liquide est prêt pour la teinture. Cette méthode se pratique, là-bas, depuis des de toile bleue anglaise ont pris la route de Chine, venmilliers d'annéesi. Elle se continueralongtempsencore, dues là-bas à très vil prix. Cette quantité ne suffit pas. La Chine produit du coton, qui sert à faire de la toile, et les péripéties de la guerre, qui se déroule maintenant en Mandchourie, laisseront indifférents les (( indiet de l'indigo qui colore celle-ci. La teinture et le tissage ne se font pas sur une goteurs », surtout si les belligérants, de l'une ou l'autre couleur, ne viennent pas frapper de lourdes grande échelle, comme à Manchester. Pas d'usines, pas contributions leur modeste industrie qui assure, tout de hautes cheminées vomissant la fumée, mais des quantités de petits métiers. Beaucoup de familles font juste, leur existence encore plus modeste. MIRABEL. leur toile et la teignent elles-mêmes. signalent l'antiVoici comment, en Mandchourie, on procède à 1. Tous les voyageurs, en ces régions, quité des moyens de culture charrues et herses sont en la fabrication de la couleur indigo. bois. Le sud de la Mandchourie produit du riz, de l'orge et L'indigo est tiré d'une plante, l'indigotier, une beaucoup de coton. On y trouve encore de grands champs légumineuse de la famille des papilionacées,qui pousse de pavots pour la fabrication de l'opium et de nombreuses plantations de tabac. en abondance, dans certains coins de la Mandchourie
Moeurs
et Coutumes des
Herreros.
LES Herreros, qui, à l'heure actuelle, donnent tant d'embarras à l'Allemagne, appartiennent à une race d'ailleurs intéressante par ses moeurs comme aussi par
certaines aptitudes intellectuelles.
Le Herrero est, règle générale, un type d'homme vigoureux et assez bien proportionné physiquement,
dont la peau est d'un noir peu foncé, tirant sur le rouge. Le visage est maigre, les traits assez réguliers. La taille, chez les hommes, oscille entre ¡ffi75 et ¡ffi9°. Les femmes herreros atteignent elles-mêmes une taille de ¡ffi7°' Les yeux, d'un brun foncé pour la plupart, ont une expression de sérénité et de bienveillance. Les cheveux, d'un noir très foncé, sont crépus, comme il convient, mais peuvent s'allonger avec le temps en mèches et en tresses. Les membres sont énormes, et la charpenteosseuse est massive aussi les Herreros ont-ils plus de force musculaire que d'agilité. Les avant-bras et les pieds sont d'une longueur presque ridicule. Ces noirs sont presque tous glabres, parce qu'ils ont l'habitude, dès l'âge de la puberté, de s'arracher les poils de la barbe avec des pincettes. Leur vue est moins étendue et leur ouïe a moins d'acuité que celles des Hottentots, qu'ils surpassent par contre en force mus-
culaire. Leur occupation exclusive est l'élevage du bétail. Ils ne cultivent la terre que dans le voisinage et sous l'influence des missionnaires. Avoir de nombreux bestiaux, telle est toute leur ambition. Pour la satisfaire, tous les moyens leur sont bons; mais ils sont assez adroits ou assez modérés pour ne pas se laisser prendre fréquemment en flagrant délit. Ils volent, d'ailleurs, très rarement les Européens. Par contre, dans leurs relations mutuelles, ils s'entourent d'infinies précautions pour cacher tout ce qu'ils possèdent aux regards de convoitise du voisin. On rapporte, entre autres, qu'un chef herrero était obligé, au gros de l'été, de toujours porter sur lui les trois pantalons qu'il possédait, dans la crainte qu'ils ne trouvassent des amateurs. Mais, à part ce penchant au vol, le Herrero se recommande par des qualités précieuses il est hospitalier, toujours joyeux, patient dans l'épreuve; il a un caractère aimable et ouvert. Le costume, chez les hommes, ne brille pas par une extrême propreté. Il consiste essentiellement en un tablier de forme irrégulière, qu'une ceinture fixe à
ceinture,ils passent leurs armes de petit calibre, couteaux, pistolets, etc., à la manière des Orientaux. Le haut du corps est ordinairement nu cependant, quand le temps est mauvais, la hauteur des hanches. A cette
ils jettent sur les épaules une peau de chèvre ou de mouton. Un collier, où sont enfilées des boules d'ivoire de la grosseur d'une petite noix, constitue leur principale parure. Les femmes, elles, portent une coiffe en cuir très solide, à laquelle une pièce de cuir plus mince et plus
souple est ajoutée par devant. Enroulée au sommet de la tête, cette seconde pièce encadre le front d'un bourrelet déployée, elle sert de voile. Mais la partie la plus curieuse de cette coiffure consiste en deux longues oreilles,- quelquefois trois, en cuir très dur, qui se dressent au sommet de la tête. Un corset formé de coquillages enfilés à des lacets de cuir, un tablier dans le genre de celui des hommes, et une sorte de manteau, formé de lanières de cuir entrelacées, complètent leur costume. Semez tout cela de perles de verroterie ou autres ornements aussi barbares.Une couche de graisse de mouton ou d'ocre rehausse, dans la pensée des femmes herreros, l'éclatde leur peau et l'attrait de leurs charmes. C'est leur fard ou leur poudre de riz! Aujourd'hui, les Herreros sont pourvus d'armes européennes. Cependant, ils conservent encore le javelot (kirry) qu'ils manient avec une remarquable
maestria.
Les huttes des Herreros ont une forme hémisphé-
rique, comme celles des Cafres, mais sont plus négligemment construites. C'est que les Herreros sont nomades, et leurs huttes ne sont pour eux que des abris provisoires. Des perches fichées dans le sol, reliées par des branches d'arbres flexibles, enduites d'une épaisse couche d'argile ou de fumier; par-dessus tout cela, en guise de toit, des peaux de boeuf solidement fixées voilà l'habitation des Herreros. Il va sans dire qu'à côté de leurs demeures proprement dites, disposées très irrégulièrement se trouvent aussi des cc kraals » pour leurs bestiaux. Pendant leur tendre jeunesse, les enfants sont laissés aux soins de leur mère, qui, lorsqu'elle doit quitter sa hutte, les emporte sur son dos, roulés dans une peau de vache. Mais, dès l'âge de sept à huit ans, les petits moricauds vont rejoindre les enfants de leur âge, et tous paissent cn commun, dans les pâturages voisins, des troupeaux de chèvres, de veaux et de brebis. Pendant qu'ils Jes surveillent, ils s'exercent à tirer de l'arc ou à lancer le kirry. Les jeunes filles, de leur côté, aident leur mère à cueillir des fruits ou à aller chercher du bois mort dans les forêts. Entre la douzième et la seizième année, chaque enfantdoit subir la douloureuseopérationdite« okuba», c'est-à-dire l'ablation des quatre incisives inférieures et des deux incisives du milieu de la mâchoire supérieure. C'est moins une extraction qu'une rupture partielle, de telle sorte que l'ouverture qui en résulte prend la forme d'un V majuscule, mais renversé. A en croire les Herreros, la beauté du visage humain a tout à gagner à une pareille opération, et ils plaignent sincèrement les Européens, qui n'ont pas ce grand trou noir dans la bouche. Même ceux d'entre les indigènes qui se convertissent au christianisme ne peuvent se résoudre à renoncer à l'okuba, et le missionnaire Schinz
rapporte qu'un de ses néophytes, témoignant d'une admiration sans bornes pour la beauté de Mme Schinz, ajoutait cependant, avec un soupir de regret ((
dents
Quel dommage qu'elle ait la bouche pleine de
» Une
autre cérémonie, dont les jeunes filles sont.
dois-je dire les élues ou les victimes? a lieu à peu près en même temps que l'okuba; c'est (( l'okurura », qui consiste à raser entièrement la tête de l'enfant, sauf une touffe de cheveux qu'on laisse au sommet du
crâne et qui finit par former une longue tresse au bout de laquelle on suspend une petite boule de fer. Les Herreros sont mariés dans leur plus bas âge; je veux dire qu'ils ne savent pas encore parler que les familles leur cherchent déjà conjoint ou conjointe; les parents des futurs époux entrent déjà dans des marchandages interminables dans le temps que le « mari » et la « femme » sont encore à la mamelle. Le fiancé est censé acheter sa femme (sans qu'on le consulte, il est vrai), pour un nombre déterminé de veaux et de brebis. Le marché conclu entre les deux familles, elles donnent une grande fête, l' « oumkandi », pendant laquelle la petite fiancée est tenue sévèrement à l'écart de ses compagnes. La fête se termine par une promesse solennelle de mariage. Il est vrai que les deux fiancés sont alors rigoureusement séparés jusqu'au jour encore lointain de leur mariage. Ce jour-là, l'acheteur, je veux dire l'époux, va prendre sa compagne par la main et la conduit dans le cercle de ses amis, où il la présente comme sienne. A dater de cette heure-là, la jeune fille se voit investie de tous les droits d'une femme mariée. Ces droits, il est vrai, se réduisent à l'assurance d'avoir un abri et d'être nourrie concurremmentavec d'autres épouses, car les Herreros pratiquent la polygamie. La médecine des Herreros est absolument extraordinaire. Dès qu'un naturel tombe malade, le sorcier est appelé ilcommence sa cure en réclamant l'immolation d'un boeuf, dont il s'approprie le meilleur morceau. Une grande chaudière, remplie de la chair de la victime, est ensuite mise sur le feu, et le malade, tenu par deux ou trois parents ou amis, se voit lentement balancé sur cette cuisine en ébullition. L'opération a lieu dans une hutte forcément petite, remplie de la fumée nauséabonde du feu, de la viande rôtie et des pipes, car tout le ban et l'arrière-ban des amis et connaissances envahit l'espace étroit. Pas de ventilation possible c'est à s'évanouir de suffocation, même quand on est en bonne santé. Mais ce n'est pas tout quand le pauvre diable est à moitié rôti, on l'ensevelit sous d'épaisses fourrures, qui lui recouvrent même la tête. Naturellement, il ne tarde pas à expirer. Alors commencent les chants de deuil et les hurlements de douleur de toutes les femmes du village, qui clament les vertus et les actes de courage du défunt. La plus âgée de ces pleureuses fonctionne en qualité de coryphée le choeur l'appuie dans les refrains. Puis on brise à coups de pierres et de kirrys la nuque du défunt, dont la tête, séparée du tronc, est placée entre les jambes. Cette atroce cérémonie a pour but d'empêcher que le mort ne revienne sous forme de fantôme, et ne nuise à la communauté. Le cadavre, ainsi mutilé, est placé dans une peau de beeuf, et enfoui dans une fosse de 4 à 6 pieds de profondeur où sa tête est tournée vers le nord, sans doute parce que les Herreros vinrent du nord pour envahir le pays qu'ils occupent à l'heure actuelle. La fosse est remplie de terre; on la surmonte d'un tas de pierres qu'on garnit d'épines, pour en écarter les bêtes sauvages. Une partie des troupeaux du mort est immolée en guise de sacrifice. On n'ose pas en manger la chair, considérée commé impure on la laisse aux Damaras de la montagne. qui servent de valets aux Herreros, ainsi qu'aux pleureuses, qui ont sans doute besoin de réconfort solide après toutes
les larmes qu'elles ont versées. Les cornes des victimes sont suspendues à un arbre dans le voisinage du
tombeau.
Andrew Carnegie.
L'emp i~e d~s affaires. Traduit de Maillet. Préface de M. Gabriel Bonval'anglais par Arthur lot. Paris, Ernest Flammarion, éditeur, 26, rue Racine.
Prix
3 fr. 50.
Carnegie, le richissime américain, a eu
l'idée heureuse d'écrire, sous ce titre, une sorte de manuel, de vademecum à l'usage des jeunes gens, qui veulent se lancer dans les affaires. Les aperçus ingénieux, les conseils prudents, les phrases réconfortantes, fourmillent dans ce volume où tout est à lire et à méditer. L'esprit pratique de l'Américain s'y retrouve à chaque page. Parfois, sans doute, il viendra à l'esprit du lecteur français de penser que les conseils de l'auteur ne sont pas tous facilement applicables en France, où les horizons sont bornés, où la réglementation opprime un peu les initiatives. Mais il y a, dans ce volume, tant d'expérience et de bon sens, qu'on trouvera profit pour soi-mème à voir comment le succès est venu par le travail et la persévérance à ce milliardaire fameux. M
Georges Lynch.
Corée, Chiue et Mafr lchourie. Les Convoitises russes et japonaises (The Patb of Empire). Traduit de l'anglais par G. Giluncy. 1 vol. in- 16. Dujarric et Ci., éditeurs, 50, rue des Saints-Pères, Paris. Prix 3 fr. 50. Ce livre tout d'aclualité est d'un intérêt de premier ordre. Ce n'est pas le simple récit du voyage que M. Georges Lynch vient d'accomplir, il y a quelques mois, en ExtrêmeOrient c'est une étude documentée et instructive où l'on trouve, au milieu de remarques saisissantes et d'observations profondes, les causes du conflit actuel. Ecrit d'un style alerte et excellemment traduit, ce volume de M. Georges Lynch doit être lu par tous ceux et ils sont légion que passionne la guerre russo-japonaise et qui sont préoccupés des conséquences qu'elle aura, suivant que l'un ou l'autre des adversaires triomphera.
Pierre Leroy-Beaulieu.
Les Etats-Unis au xxe siècle. fort vol. in-18 jésus de 480 pages. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Prix broché, 4 francs. livre de l'auteur des Nouvelles Sociétés ArrgloC Saxoraneset CE nouveau de la Rénovation d~ l'Asie vient à son heure. Les Etats-Unis, qui convient en ce moment toutes les nations à venir contempler à l'Exposition de Saint-Louis le spectacle de leur merveilleux progrès, débordent de plus en plus sur le monde. Au moment où s'affirme leur concurrence politique, où redouble leur concurrence économique, il est indispensable de bien connaître les forces de ces redoutables rivaux et de se rendre compte de l'oeuvre qu'ils ont déjà accomplie. C'est ce que permet de faire le livre de M. Pierre Leroy-
l'activité du peuple américain et des productions qu'il tire de son territoire. L'auteur débute par l'étude de la population des EtatsUnis. Il passe ensuite à la production agricole et industrielle; puis il en décrit toutes les principales branches, indiquant les résultats obtenus, les causes qui accélèrent ou retardent leur développement. Il termine par l'étude de l'industrie des transports, des chemins de fer, dont le réseau est si étendu et Beaulieu, qui constitue un tableau complet de
l'exploitation si bien organisée, et enfin par celle du commerce extérieur et de la navigation. M. P. Leroy-Beaulieu ne s'est pas borné à une étude purement statistique. Connaissant le milieu américain par un d'anséjour prolongé qu'il a fait aux Etats-Unis, il y nées, il met en relief le côté social aussi bien que le côté économique des diverses questions qu'il aborde, et il recherche les facteurs moraux, aussi bien que les facteurs matériels des succès des Américains. Ce substantiel ouvrage, riche de faits et d'idées, s'impose à l'attention de tous ceux qui veulent comprendre le sens et la direction du prodigieux essor de la démocratie américaine.
peu
Un Succédané des Arbres à Caoutchouc. La Culture des Balatas à la Guyane française. ON sait la crise que subit le caoutchouc.
lentes; en second lieu,
il ne pousse pas famille, qui rend la récolte aussi en ce difficile que coûteuse, car le nombre des pieds est très rare. Disséminé de tous côtés, il affectionne surtout les terres riches, les fonds de vallée non submergés, les flancs de coteaux à terre profonde; on le rencontre parfois en montagne, mais plus rarement encore. Un peu plus répandu en certains endroits, dans le Maroni et le Haut Maroni surtout, il peut, en cette contrée, donner lieu à une exploitation que, malheureusement, la cherté de la maind'oeuvre, occupée à chercher de l'or, vient souvent entraver. Le Gouvernement, comme mesure de prévoyance, interdit l'abattage de cet arbre, dans ses permis d'exploitation forestière. Mais aucun contrôle n'est apporté à l'expédition des bois, et d'ailleurs il est bien difficile d'empêcher, au fond de la brousse, un bûcheron d'abattre telle espèce de bois dont il a besoin. L'obligation de planter, pour chaque hectare concédé par exemple, une certaine quantité de balatas serait peut-être une meilleure mesure. Elle contribuerait, tout au moins, à assurer l'avenir, et presque sans frais. L'incision desarbres estfaitecomme pour les caoutchouquiers.Différentes entailles, disposées en arête de poisson, favorisent l'écoulement du latex, qui est drainé par une liane disposée en tourniquet autour de l'arbre, lutée à l'argile à celui-ci, et dont la partie la plus basse domine un récipient ad hoc. Mais plus souvent, l'arbre est abattu et saigné en large, sous indistinctement avec l'une ou l'autre prétexte qu'un balata saigné est perdu et espèce. destiné à mourir. Ce moyen brutal n'est Pour augmenter la quantité, on sa- pourtant pas nécessaire. crifie la qualité, et, deux latex différents, Les latex sont transportés avec les susceptibles de fournir deux produits impuretés qu'ils ont charriées, les longs d'une valeur distincte, l'une supérieure, filaments asséchés sur l'arbre, les gouttel'autre inférieure, ne donnent plus que lettes tombées à terre, dans un vase spéla même quantité totale, mais de valeur cial, généralement chaudière ou marmite, inférieure. où ils sont soumis à une évaporation lente Il n'est guère que la longue obser- jusqu'àconsistance légèrement crémeuse. vation, jointe à une étude sommaire de Un autre procédé assez courant conla qualité de chaque latex pris isolément, siste à rouler les gommes plus ou moins qui permette d'arriver à une sélection rai- pures entre les mains, jusqu'àconsistance, sonnée des différents produits. Ces deux de façon à former une sorte de boudin, conditions nécessitent fort souvent la légèrement effilé, long de ]0 à 40 centiprésenced'un Européen, ou toutau moins mètres, semblable un peu à une cravache, d'un agent local, compétent, intelligent et qui, sous le nom même de balata, sert et observateur. dans le pays à corriger les chiens. Les documents circonstanciés nous peut-être aussi les gens. manquent, malheureusement, sur ces Le mélange des différents latex, différentes espèces, leur qualité, leur ren- ainsi réduit, est exposé au soleil ou, pardement on connaît cependant quelques fois, sur un feu doux, dans de grands révariétés exploitées, dont la principale, cipients plats, de large diamètre et de celle qui fournit le meilleur produit et quelques centimètres de profondeur. La dont le latex ne devrait jamais être mé- première pellicule formée à la surface est langé, est le balata rouge, grand arbre au découpée sur les bords et étendue au sofruit charnu, comestible, renfermant 5 ou leil, pour achever de sécher. On continue 6 semences de la forme d'une amande ainsi jusqu'à équisement. aplatie, et qui pousse un peu partout. La récolte est généralement pratiDeux inconvénients lui sont parti- quée en saison des pluies, parce que culiers il ne fructifie qu'à de longs in- l'arbre « donne davantage de lait. » tervalles, trois, quatre, cinq, sept ans, Cette remarque est vraie, mais le lait est ce qui rend sa propagation des plus beaucoup moins riche et, tout compte
C'est un des rares produits où la consommation dépasse de beaucoup la productionnormale. Aussi s'est-on efforcé de suppléer à l'insuffisance des arbres à caoutchouc par la culture d'essences analogues et, notamment, de l'arbre qui donne les balatas, produit intermédiaire entre les caoutchoucs et les guttas. C'est dans la Guyane française qu'on récolte les balatas appelés à jouer, s'ils sont habilement employés, un rôle important dans l'industrie française. On conseilla cette exploitation en Guyane française, parce que cette colonie est enclavée entre les deux pays producteurs, et en se basant surl'exportation en France de quelques billes de bois de balata originaires du pays. Chaque année, le Gouvernement reçoit une centaine de demandes en concession d'exploitation, couvrant plusieurs milliers d'hectares, demandes auxquelles il s'empresse généralement de souscrire, sans que pour cela le chiffre des exportations du produit paraisse varier sensiblement. Cela laisse supposer deux hypothèses ou les concessions ne sont pas exploitées, ce qui est à peu près la moitié des cas; ou elles ne rendent rien, ce qui est l'autre moitié, ou presque. Pour une exploitation semblable, la connaissance parfaite des essences lactifères est nécessaire; seuls, quelques indigènes la possèdent, encore d'une façon toute superficielle; et le créole guyanais n'agit ni moins ni plus sagement que le noir du Congo qui prépare son caoutchouc
fait, on se trouve avoir accompli un supplément de travail pour la même quantité extraite. D'autre part, les pluies constantes, outre qu'elles rendent les recherches et le passage sous bois très fatigants, drainent
dans le récipient, pendant l'exploitation, quantité de débris divers, mousse, insectes, fragments de bois, sans compter l'eau qui coule avec le latex dans le vase récepteur. De ce fait, un litre de latex, qui peut donner 300 grammes de gomme, arrive à n'en plus rendre que de 50 à 100 grammes.
En période sèche, au contraire, la préparation est plus rapide, le produit
meilleur, et l'arbre fournit autant de gomme coagulée. La récolte par le système de la liane tourniquet, quoique rapide et peu coûteuse, n'est pas encore parfaite. Far suite de la pente de certains arbres, la partie située en dessous devient inexploitable, car le latex ne peut être recueilli. M. L. de Bovée signale dans f.AgricultuYeprattque des~ays chauds une intéressante méthode « Je ne saurais, dit-il, trop recommander un moyen que j'ai employé moi-même avec succès, et qui est encore plus rapide un morceau de fer-blanc, découpé en forme de croissant allongé, et destiné à enserrer l'arbre sur le tiers environ de sa circonférence, est fixé rapidement à celui-ci par deux pointes enfoncées à chaque extrémité. Il prend de lui-même la courbure de l'arbre, en s'inclinant vers le sol par l'autre extrémité dont les bords sont légèrement relevés en rigoles. L'arbre est ensuite brossé ou gratté sur la partie à entailler, un lutage sommaire à l'argile assure l'écoulement dans le fer-blanc et, de là, dans un vase ad hoc. )) Les coagulants immédiats parfois préconisés pour les caoutchoucs ne paraissent pas efficaces, et les essais pratiqués n'ont donné que de mauvais résultats. Le système local serait donc le meilleur, mais à condition de le perfectionner, en aseptisant d'abord chaque feuille détachée, soit par une légère exposition à la fumée, soit en la plongeant dans un bain d'eau phéniquée ou mieux d'acide salicylique, que l'on rendra ensuite plus rapide.
Enfin, les produits secondaires et déchets, qui, sous aucun prétexte, ne doivent être mélangés au produit fin, sont exposés au boucan, à une fumée abondante pendant quelques jours, et expédiés en sacs, ou, ce qui vaut mieux, aseptisés, dans un bain quelconque,
pressés à une forte presse et chargés en vrac. Peut-être un traitement par des dis-
solvants spéciaux conviendrait-il et permettrait d'obtenir un produit fin, sans doute caoutchouc, car toute pâte de balata, à l'origine de sa coagulation, reste fileuse et élastique comme les caoutchoucs, et ne devient compacte, rigide et même cassante qu'après dessiccation complète.
Voyages et Explorations au Tibet. Le Tibet va, vraisemblablement, s'ouvrir la civilisation européenne. Avec leurs procédés un peu rudes, les Anglais vont s'implanter dans un pays qu'ils convoitent depuis longtemps et ois les appelle une question de supré~r.atie morale, autant l'insuccès. Il que des intérêts d'ordre matériel. L'exploration du Tibet compte quelques tentatives dont la hardiesse con pense convient de rappeler en ce moment le nom et l'a'uvre des lutteurs de la première heure.
I~ existe encore, au coeur de l'Asie, un pays dont certaines parties sont moins connues que le centre africain, les îlots perdus du Pacifique, voire les terres polaires c'est le Tibet. Ce n'est pas qu'aient manqué les explorateurs peu nombreux toutefois mais la nature y présente de tels obstacles, la mauvaise volonté des habitants est si active que les résultats des différentes explorations sont bien maigres encore. Pour péné-
même hauteur que le pic le plus haut du Caucase. Quand on vient des fonds du Turkestan chinois, de la ville de Khotan, qui plane à J 4o6 mètres, ou des parages du Lob-nor, lac qui miroite à 678 mètres seulement au-dessus des mers, une muraille de plus de 7000 mètres se dresse devant le voyageur, et les passes de ces montagnes, deux fois plus hautes que les Pyrénées, ont deux fois
l'élévation des
ports les plus élevés de la chaîne hispana-française.
trer seulement
Quand on
dans le pays, il faut accomplir déjà des tours de force. Le Tibet, en effet, la
vient de l'Inde ou
de l'Assam, les cols de l'Himalaya ne se laissent pas non plus aisément franchir ainsi, le col de Donkiaa s'ouvre
plus haute extu-
mescence de toute la terre, tombe de tous côtés sur le bas pays par des talus d'extraordinaire raideur; des montagnes, qui le
à 5 628
soit ig mètres seulement de moins que l'Elbrouz, tête du Caucase, et 820 de plus que le mont
hérissent,s'élèvent les pics les plus
Blanc.
aériens du globe. C'est par des rou-
Ce pays ré-
barbatif est,
tesincroyablement ardues qu'on y monte.
Quand on
Photographie communiquée par The English i11u.'>ttated Magazine.
descendue dans des gorges d'une profondeur vertigineuse, il lui faut gravir des cols plus élevés que le mont Blanc lui-même, et ce n'est point une route, mais un sentier, un escalier, une ornière de boue suivie d'une avalanche de pierres, une très périlleuse glissade dans les précipices. Un de ces cols échancre la montagne à 5475 mètres d'altitude, soit presque à gieux
TRAVERS LE MONDE.
en somme, une Suisse
LE HAMEAU DE LIPE, L'UN DES FOYERS DU BOUDDHISME.
vient de Chine, la route fait des soubresauts prodi-
A
mètres,
] le
Uv.
monstrueuse; un
plateau colossal,
traversé, d'occident en orient, par cinq énormes chaînes de montagnes un socle d'une altitude moyenne de 4 kilomètres, d'où s'élancent des monts bordé ou
de 5000, 6000, 7 ooo, 800o mètres et plus encore, à la bordure du sud. Il y a peu d'années encore, on ne lisait sur les cartes du Tibet que des noms tibétains, chinois, mongols, indiens, russes; mais depuis les voyages de No 3~.
JO Juillet J 904.
Français, tels que Dutreuil de Rhins, Bonvalot, Henri d'Orléans, nous rencontrons des noms aux syllabes familières lacs de l'Antilope, des Hémiones, des Perdrix, du Sel rouge, du Cratère, des Geysers, des Roches-Rouges, lac d'Ammoniaque, lac Armand-Da'~°t'~ ~`"' '`~~ vid, lac Montcalm, monts ~`~ Christophe-Colomb, monts ` » Dupleix, monts Crevaux, volcan Élisée-Reclus, etc. `~ Les difficultés à vain'$ cre ont effectivement fait surgir une petite phalange d'explorateurs doublés de `.~ héros où le Français ne fait # mauvaise figure. Avec pas ~~?~`~ des fortunes très diverses, r ces hardis voyageurs ont contourné, pénétré, parcou~:ÿ`~ ru quelque portion du terri-
~5, a'
4a
reux d'obtenir des Tibétains un convoi nécessaire à
l'achèvement de leur voyage.
tentative fut faite par deux explorateurs français, Dutreuil de Rhins et Grenard. Au cours d'une expé~a ditionscientifique,lesvoyageurs s'approchèrent de la ~`~ ville interdite, mais sans s dépasser le point atteint par r,_ ;~w Bonvalot. Harcelée par les ç Tibétains, la mission dut ~°" battre en retraite et perdit bientôt son chef, massacré T ° ~¢ par les indigènes. En avril 1895, M. et En 1893, une nouvelle
Litteldale attaquent le versant nord du Tibet. Mais, ici, c'est la fatigue qui vient à bout de la coura«y~ geuse exploratrice, et la pe"` toire mystérieux, visant à tite colonne anglaise se ra > Lhassa comme un explorabat vers le Cachemire. VALLÉE PAYSANNES DE RACE KUNOWARI DANS LA DU BASPA. teur vise au pôle. En mai (L~O2, SVen Deux Français ont eu Hedin commence son merpJZOtograpkie communiquée par The Englbh i11u~ttated l'honneur de montrer la Magazine. veilleux voyage, et, sous le route Bonvalot et le prince costume de pèlerin, est sur Henri d'Orléans. Ils se proposaientde gagner le Tonkin le point de pénétrer dans Lhassa. Mais sa ruse est déà travers le Tibet et de cueillir en route Lhassa. Pour couverte et il obtient à grand'peine des Tibétains la vie mettre toutes leschances de leur côté, ils partent en sauve et un convoi pour sortir de cette inhospitalière Mme
°
W~°~
région.
Les lecteurs du Tour du Monde
ont encore présente à
]' esprit
la rela-
tion, si curieusement rapportée par M.
Deniker, des
voyages accomplis à Lhassa par le pèlerin russe Narzounoff. On y a vu qu'en somme Narzounoff était le pre-
mierétrangerquiait
fait un long séjour
ville sainte et mystérieuse. dans la
Enfin, un ex-
plorateur anglais, M. E. Simmonds,
vient d'accomplir, surla route dutibet, un voyage très in-
téressant,dontnous UN CADIPCSIE\'1 '1'tbÎ:'1'd1Y ~UR LA
ROUIE DE LHASSA.
D'après icne photogr-apl:ie.
hiver. Sur ces hautes cimes, le froid est terrible, un véritable froid polaire les Tibétains, par un pareil temps, doivent être tapis au chaud et n'exercer qu'une surveillance intermittente. Les souffrances du voyage seront singulièrement aggravées, mais qu'importe? Après des dangers sans nombre, ils furent heu-
croyons devoir résumer le récit qu'il en a fait lui-même,
pour compléter
notre revue des explorations du Tibet. ~< Pendant mon voyage d'exploration de 4 000 milles, de Simla au Tibet, j'ai, dit-il, traversé des villages très curieux, dont les habitants avec leurs coutumes semblentétranges à notre point de vue européen. Quelques-uns des districts les plus reculés que j'ai tou-
chés n'ont, que de loin en loin, l'occasion d'être visités par un blanc. Une partie de la route que j'ai faite de pas humains. se trouvait même absolument vierge plus habile pour « Je voudrais avoir une plume peindre les beautés sauvages et la sublime horreur des montagnes qui bordent le Tibet monde infini de pics succédant aux pics, immenses vallées, inextricable labyrinthe de précipices, de gorges, de cols, de chaînes, dont les cimes n'ont souvent pas de noms, et sont inconnues de nos cartographes. reculé doit nourrir des « Naturellement, ce pays populations étranges. Je tâcherai d'en croquer quelques prétypes et d'en peindre quelques coutumes, sans
tendre à la rigueur méthodique d'une relation
de voyage scientifique.
Voici d'abord Chitkul, ma première étape, en quittant Backhamp, et le dernier village qu'on trouve encore sur le territoire
britannique, si ce mot dé village ne semble pas un peu prétentieux pour cette réunion de huttes chétives, à toit
plat, construites en bois, sur la rive droite du fleuve Baspa, au pied d'une hauteur qui n'est qu'un informe amoncellement de débris rocheux, restes d'une ancienne avalanche. Sur le terrain plat où est bâti le village, on cultive des pois, des pommes de terre, du millet. Les habitants de ce rude pays, qui une altitude de 22000 pieds, ne pourraient vivre des maigres produits du sol; ils font le troc et l'échange, ou s'engagent comme hommes de peine dans les contrées voisines. Leurs troupeaux se composent de métis de yaks et de vaches. quinze Tibétains apparu« Pendant mon séjour, rent avec plusieurs centaines de moutons, du sel et de la laine qu'ils apportaient, pour remporter en échange d'autres marchandises. Les moutons, chèvres, etc., sont amenés en automne, avant que les cols soient obstrués par la neige, à Garhwal, et y passent l'hiver, le climat étant trop rude pour eux à Chitkul. Les femmes sont absentes toute la journée du village, au moins certains jours. J'en appris la cause elles vont certaines sur les hauteurs, avec des hoyaux, déterrer racines sauvages qui servent de nourriture à ces paubaies de vres gens, avec, comme complément, des ronces.
rencontrai s'appelle Paari, près de la jonction du Baspa et du Sutlej. C'est aussi une collection de huttes en troncs d'arbre à peine équarris ou en planches, avec de la terre pour boucher les interstices.Parfois, il y a un étage, celui-ci servant d'appartement, tandis que le rez-de-chaussée est transformé en écurie ou en grenier. Autour de la maison, en plein air. à fa hauteur de l'étage, court une galerie Les enfantsjouent parfois sur le toit plat de la hutte. dieu à lui, et la « Chacun de ces villages a son hutte, qui lui sert de temple, se distingue des autres des sculptures taillées dans le bois du porche et « Le deuxième village que je
par béliers, plantées dans par des cornes de chèvres, de les murs, à l'extérieur. Les naturels se montrent aussi scrupuleux que les Romains, en ce qui concerne la manière d'entrer dans ces
il faut le temples faire du pied droit ou de passer à côté on doit alors les avoir toujours à.sa gauche. Mes guides hindous et moi-même avons scrupuleusement observé cette coutume, afin de ne pas offenser les habitants et c'était d'autant plus facile que les traces d'innombrables pas avaient creusé un large et profond sillon à droite de ces temples. « La race kunowari, à laquelle appartiennent ces naturels, pratique la polyandrie, et toutes ces Hébés, au teint sombre, possèdentplusieursépoux. Mais, pour éviter, sans doute, les querelles qu'engendrerait la pré-
sence de plusieurs
propriétaires » en présence de leur com-
o
mune moitié, ceux-ci occupations diffésont sagement dispersés par des faisant du rentes, l'un gardant les chèvres, l'autre Chacun, tour à tour, a commerce dans le Tibet, etc. le l'honneur de vivre pendant un certain temps sous libertoit conjugal. Pour compenser, sans doute, cette dans té illimitée dont jouissent les femmes, il existe, célibat, la contrée, des couvents de nonnes vouées au coupés très courts et qu'on distingue à leurs cheveux et à leur robe d'un jaune rougeâtre. Près du village de Purbani, que rien ne distin~( qui s'était fait descengue des autres, j'ai vu une femme corde de 200 pieds dre dans un précipice au bout d'une gauche tandis de long. Elle s'y cramponnaitde la main coupait l'herbe qui jaunissait les que, de la droite, elle moindres saillies du roc. Et elle chantait avec autant
d'insoucianceque si elle se fût trouvée sur une route
large de 40 pieds. Du reste, toutes les femmes de ce pays mènent une vie très rude, se levant, dès l'aube, pour aller, par Uf) vent souvent glacial, recueillir de l'herbe sur les hauteurs, où elles s'exposent à des dangers aussi sérieux que celle dont je viens de parler. « Le village de Lipe est un des foyers du bouddhisme il est presque entièrement formé de grantts « manis » (temples)
dont quelques-unsont ioo pieds
de long, 10 de haut et io de large, de cloîtres, etc. Mais, pour être un lieu saint, ce village n'en est pas plus beau pour cela impossible de décrire cet horrible pêle-mêle de maisons chevauchant l'une sur l'autre, dans un tel désordre qu'on pourrait les croire semées et entassées par un caprice du hasard. Ajoutez-y la boue et les ordures entassées dans des rues étroites, tortueuses, montueuses, toutes en bosses et en fondrières, Et, quand vous vous êtes engagé dans ces
coupe-gorge, au-dessus de vous, de toutes ces maisons et galeries enchevêtrées, surgissent d'horribles têtes de naturels; ce serait à se croire dans un pandémonium ou un carrefour de l'enfer. Par bonheur, ces affreux indigènes sont inoffensifs. « Après une rude marche à travers les rochers, je parvins ensuite au village de Spuch, dont les habitants sont des métis de Kunowaris et de Tartans, ou des Kunowaris, ou des Tibétains de race pure. Dans les jardins, on cultive la prune, l'abricot, la fraise. Les prairies du voisinage sont soigneusement irriguées par des canaux dérivés des torrents de la montagne. En dehors de la lisière de terres cultivées qui entoure le village, le terrain, il est vrai, est presque absolument inculte et stérile. « Les femmes de Spuch sont coquettes et aiment la parure elles portent de grandes boucles d'oreilles
ornées de turquoises, des colliers, etc. Sous leur longue robe, elles ont un pantalon en laine. Leur chevelure forme un véritable monument. Tout cela serait bien, si elles étaient propres! Mais ces bijoux recouvrent des plaques de crasse qui n'en rehaussent guère l'éclat 1 « Le village de Shipki, près de la frontière tibétaine, a le même langage, les mêmes huttes, les mêmes cultures que les précédents; mais le type des habitants est tout à fait distinct, ce sont de purs Mongols. D'ailleurs, leur costume diffère aussi de ceux que nous venons de voir. Hommes et femmes portent de longues robes et de grandes bottes, sans distinction de sexe. Le trait le plus saillant que j'ai noté chez eux, ce sont des pratiques superstitieuses dont voici la plus curieuse. J'avais remarqué, sur le toit d'une de ces huttes basses qui servent de temple au dieu du village, un très vieux fusil dont le canon était rongé de rouille, et qui, certainement, était une ancienne arme d'ordonnance aujourd'hui hors d'usage. Il était braqué, au dehors, sur la campagne environnante. Un indigène, très intelligent, à qui je demandai des explications sur cette arme, plus inoffensive qu'un pistolet d'enfant, me répondit qu'elle était destinée à effrayer les mauvais esprits qui seraient tentés d'envahir le village. « Une jolie coutume de ces naturels ils ont l'habitude de s'offrir des fleurs quand ils veulent faire acte de courtoisie. Si, cependant, ce cadeau est adressé à un supérieur hiérarchique, le donateur s'attend à recevoir en retour un cadeau de plus grande valeur.
« Le Rohro, pays de
montagnes et de défi1és, a
aussi plusieurs grands villages disséminés, isolés du reste du monde et même du village voisin par des rochers et des précipices. \( Telles sont les populations, fort peu connues, qui vivent à cheval entre l'Inde et le Tibet, dans les plus formidables massifs montagneux du globe. Elles mustrent bien la parole célèbre, qu'une moitié du monde ne sait pas comment vit l'autre moitié. » Les Anglais, inaugurant une nouvelle méthode, ont formé pour pénétrer dans Lhassa une caravane monstrueuse; elle compte un nombre considérable d'hommes et de bêtes de somme, emporte des monceaux de vivres et même des canons. Aussi bien c'est une armée et le général Younghusband n'a rien d'un
pèlerin.
Cologne port de mer. L'EMPIREd'Allemagne n'a eu longtemps que deux villes à la fois fluviales et maritimes, que l'on pût qualifier justement ports de pénétration, Hambourg et Brême.Tous ses autres centres maritimessont situés sur le littoral même de la mer du Nord ou de la Baltique. En même temps que cette situationgéographique explique la prospérité de Hambourg et de Brême, elle met, il est vrai, l'empire dans la nécessité de consentir aux marchandises dirigées par chemins de fer vers les ports allemands de l'intérieur des tarifs réduits, permettant d'expédier du lieu de production aux pays d'outre-mer à des conditions avantageuses. Mais l'empire y trouve son compte. Aussi, tout en pers.évérant dans cette voie de tarifs spéciaux par voie ferrée, l'Allemagne paraît vouloir augmenter le nombre des ports mixtes. Cologne est aujourd'hui capable de recevoir des navires de mer. Cette ville communique, depuis longtemps déjà, avec Anvers et Rotterdam par un chenal fluvial d'une profondeur d'eau de 3 mètres, et avec la Baltique par des canaux. On y a fait de grands travaux depuis quelque temps construction de quais, de docks, de hangars, etc., etc., et les conséquences de ces améliorations se font sentir d'année en année. Le mouvement maritime, qui avait été, en 1 go i de 724366 tonnes, a été, en 1902, de 782779 tonnes et a approché de 80000o tonnes en Ig03. La flotte marine comprend maintenant 37 vapeurs et 3° 000 tonnes de chalands. Cologne mérite d'ailleurs les travaux d'amélioration dont la ville est dotée sans discontinuité. Elle est devenue le point central des industries et du commerce des pays rhénans. En dehors du commerce proprement dit, très actif et secondé par de puissants établissement de crédit, elle a d'importants marchés de bétail, de légumes, de fruits, de fleurs et de volaille. Elle est en pleine prospérité, et le nombre de ses habitants, qui approche de 35°000, augmente à chaque recensement de la population.
s'étmdait au nord jusqu'au Canada et
à
l'est au Mis-
sissippi.
Saint-Louis et 1"Exposition commémorative de l'achat de la Louisiane.
IL y a dans les mémoires de Lucien Bonaparte une petite scène autour d'une baignoire qu'il vaut la peine de rappeler ici. On peut dire que l'Exposition qu'on célèbre en ce moment à Saint-Louis en est la solennelle commémoration. Nous sommes au mois d'avril 1803. Le Premier Consul est dans sa baignoire. Ses frères, Lucien d'abord, puis Joseph, viennent dans la salle de bains
pour l'entretenir d'un sujet très grave le projet du Premier Consul de vendre la
Louisiane aux États-Unis. 11 avait besoin d'argent; l'An-
gleterre était menaçante, prête à recommencer la guerre, prête aussi à s'emparer de ce vaste territoire du Mississippi, si difficile à garder, si difficile à défendre, surtout après la désastreuse expédition de Saint-Domingue. Il avait donc décidé de faire la
Cette acquisition colossale, connue désormais aux États-Unis sous le nom de Louisiana purcbase's (achat de la Louisiane), provoqua parmi les citoyens américains, quand ils la connurent, une vive émotion. Les Fédéralistes, qui étaient alors dans l'opposition, dénoncèrent cette « extravagance », 15millions de dollars payés pour un immense désert qui, au surplus, n'avait rien de commun avec les États de la côte et qui ne tarderait pas, une fois colonisé, à se séparer d'eux! Néanmoins, le 19 octobre, la Chambre vota la ratification du traité par go voix contre 25 et le Sénat la confirma, quelque temps après, par 26 voix contre 5. Le
3
octobre, on vota
une loi établissant un nouveau Gouvernement pour le nouveau territoire.
Dix-sept jours plustard, arrivèrent à la Nouvelle-Or-
vente. Mais les Conseils n'y ~onsentiront jamais, avait ob-
jecté Lucien.
Je me passerai du consentement des Conseils, répondit Bonaparte. » Joseph, très sérieux, lui reprocha avec animation son attitude; Bonaparte se fâcha à CARTE DE LA LOUISIANE son tour. A un moment donné, au beau milieu d'une scène de colère, le Premier Consul se laissa brusquement retomber dans sa baignoire. Le grave Joseph reçut un paquet d'eau en pleine figure, et le pauvre valet qui assistait à cette scène de famille en fut si secoué qu'il tomba en syncope. Quelques jours après, arrivait à Paris un envoyé spécial des États-Unis, James Monroe, qui, plus tard, devait transmettre son nom à la postérité comme l'au-
teur d'un document politique célèbre. II était envoyé par Jefferson, président des États-Unis, pour négocier l'achat, non de toute la vallée du Mississippi qu'on ap-
pelait alors la Louisiane, mais de l'embouchure seulement et de la rive orientale. Le 3o avril, le traité était
Les Américains, terrifiés par la grandeur du morceau, auraient reculé devant ce marché colossal. Mais, pour avoir la partie qu'ils convoitaient, il leur fallait acheter le tout. Les papiers étaient rédigés stipulant les conditions de la cession et le prix, lequel était de 15 millions de dollars. Le 22 mai i8o3, le Premier Consul y apposait sa signature.
prêt être signé;
léans les commissaires américains, et le 2o décembre, la milice provinciale s'assembla sur la place d'armes pour être passée en revue par Laussat, délégué du Premier Consul. Dans le port, les mâts des navires étaient pavoisés, les balcons et les toits des maisons étaient garnis de spectateurs. Quelques minuEN 1803 ET 1903. tes avant midi, le canon ton. na pour annoncer que les Américains avaient quitté leur camp, à deux milles de la ville. La ~atterie française tira un salut de vingt et un coups. A midi précis, les nouveaux occupants débouchaient sur la place d'armes, précédés par Wilkinson et Claiborne, les délégués officiels des États-Unis. Ils entrèrent au Cabildo, où se trouvaient assemblés tous les hauts dignitaires de la ville. Laussat lut une déclaration officielle, aux termes de laquelle il était autorisé par le Premier Consul à remettre l'administration de la colonie entre les mains du Gouvernement américain. Le nouveau gouverneur Claiborne parla
il
livrait aux États-Unis, non seulement la NouvelleOrléans et la rive est du Mississippi qu'ils voulaient acheter, mais toute la région appelée la Louisiane, c'est-à-dire le vaste territoire aux limites indécises qui, borné à l'ouest par la crête des montagnes Rocheuses,
à
son
tour, disant aux habitants que les États-Unis les recevaient comme des frères et qu'ils seraient protégés par le nouveau Gouvernementdans la jouissance de leur liberté, de leur propriété et de leur religion, ajoutant que leur commerce, comme leur agriculture, serait encouragé par les États-Unis.
Le drapeau français fut amené et le drapeau de l'Union prit sa place au milieu des salves d'artillerie et des cris de la multitude. L'oeuvre de Robert Cavelier, sieur de La Salle, qui, en 1682, avait, le premier, baptisé exploré les rives du (( Père des fleuves cette vallée du nom de Louisiane, était anéantie. Il ne restait à la France de l'œuvre des Champlain, des Marquette, des La Salle et des d'Iberville que quelques vagues îlots sur la côte du Canada. Quelle magnifique Nouvelle-France les États-Unis avaient acquise! Il ne leur fallut pas longtemps pour
et
s'en rendre compte. Cette vaste région, dont on avait, à dessein, laissé les limites indécises, et dont l'immensité effrayait les timides colons de la Nouvelle-Angleterre, ne tarda pas à s'étendre davantage, grâce à l'élasticité des traités de cession et aux promesses des explorateurs Lavis et Clark, impatients d'annexer tout ce qu'il était possible de prendre. Regardez sur la carte la région que représente l'ancienne Louisiane du marché de 1803. C'est un territoire, dont la superficie dépasse la superficie totale de la France, de l'Allemagne, de l'Angleterre, de l'Écosse, de l'Irlande, du pays de Galles, des Pays-Bas, de la Belgique, de l'Italie et de l'Espagne. Suivez,l'un après l'autre, les États et les territoires qui y ont été découpés successivement. Vous en trouverez en tout Louisiane, Arkansas, Missouri, Kansas, quatorze Colorado, Nebraska, Iowa, Minnesota, Dakota, Orégon et les Territoires indiens, Idaho, Washington, Wyoming et Montana. D'un côté, il touche au golfe du Mexique, de l'autre aux plaines glacées du Canada. Est-il étrange que les Etats-Unis, et particulièrement les États de cette région aient songé à commémorer une date comme celle-ci, qui leur permet de mesurer le chemin parcouru et de s'enorgueillir des progrès accomplis? En i8o3, toute cette {, Louisiane » ne comptait pas plus de 8o à 100000 habitants. Aujourd'hui, elle en a environ 15000000. En 1803, la Nouvelle-Orléans était une petite ville, Saint-Louis un village composé de huttes en torchis Kansas City, Minneapoliset Denver étaient encore dans le devenir. Aujourd'hui, la Nouvelle-Orléans a 287 000 habitants, Denver 133 000 et Saint-Louis est la quatrième ville des États-Unis, avec une population estimée, d'après le dernier recensement local, à
f'93
00o
habitants.
Saint-Louis est la ville la plus populeuse, la plus centrale et la plus importante économiquementde la vallée du Mississippi. Aussi, à l'unanimité des 93 délégués de tous les États dda Louisiane, réunis le 10 janvier 1899 à Saint-Louis, elle fut choisie pour être le théâtre de l'Exposition. Sa situation géographique, sa richesse et son énorme population furent considérées comme autant de garanties de succès. Pour le Français, elle offre l'intérêt d'une ville de création essentiellement française qui, hélas n'a conservé de français que son nom, et les noms de quelques-unes de ses vieilles familles qu'on appelle les créoles et qui constituent une sorte de vieille aristocratie locale fermée et exclusive. (A suivre.)
O.
GUERLAC.
Les Gisements aurifères de la
Mandchourie.
LES Russes ne se battent pas seulement pour le sol, mais encore pour le sous-sol de la Mandchourie. C'est qu'il renferme un métal qui excite, plus que tout autre, les convoitises, et dont .1'extraction rémunère avantageusement exploitants et donneurs de concessions. L'or, nous enseigne le Bulletin de la Société d'études coloniales, semble particulièrementabondant dans la partie septentrionale de la Mandchourie, dans la province de Hé-loung-kiang dont la frontière nord et nord-ouest est formée par l'Amour et l'Argoun. Sur toute la rive droite du fleuve, depuis la sortie de l'Argoun du lac Dalai-nor jusqu'au confluent de l'Amour avec son affluent, le Soungari, c'est-à-dire sur plus de i 609 kilomètres, et à l'intérieur du pays sur une étendue de plusieurs centaines de kilomètres, s'étend une vaste contrée, sur de nombreux points de laquelle on a, soit exploité des gisements aurifères, soit reconnu la présence du précieux métal. C'est la découverte des placers de la jeltonga qui attira l'attention des Russes sur l'or de la Mandchourie. La jeltonga est un petit affluent de l'Albasikua, rivière qui se jette dans l'Amour en face du village cosaque
deIgnachina. Deux forçats sibériens, en rupture de ban, découvrirent, vers 1886, des alluvions aurifères sur ce cours d'eau. Le bruit de la découverte se répandit chez les Sibériens de l'Amour, et, en peu de temps, une nuée d'aventuriers sibériens ou chinois accoururent sur la jeltonga; ils s'organisèrent en une sorte de communauté de plus de 2 000 travailleurs. Les sables qu'ils
lavaient contenaient, dit-on, jusqu'à 140 grammes d'or par tonne, et en un an, malgré une exploitation primitive, ils retirèrent plus de i 600 kilos de métal jaune. Celui-ci était coulé secrètement en Sibérie. Les autorités chinoises eurent vent de ce qui se passait (la loi chinoise interdisait alors l'extraction de l'or), et envoyèrent une troupe armée pour chasser les mineurs. Ceux-ci la mirent en pièces. Une deuxième expédition, plus forte, fut plus heureuse et parvint à s'emparer des placers. Les mineurs qui ne purent s'enfuir furent soumis à d'épouvantables supplices. Pour se défendre, en outre, contre les futures incursions des Sibériens sur les placers, les Chinois élevèrent, sur la rive droite de l'Amour, un poste fortifié appelé Mokho, fort qui fut d'ailleurs rasé par les troupes russes. La loi chinoise, modifiée dans la suite, autorisa pour les Chinois l'extraction de for et l'organisa au profit du Trésor. La richesse des placers de la jeltonga est restée proverbiale en Sibérie; le drame qui s'y déroula ne fit qu'exciter les esprits, et des chercheursd'or sibériens, au péril de leur vie, s'aventurèrent de l'autre côté de l'Amour à la recherche du métal tentateur. De nom-
breux placers.furentaussidécouverts,notamment tout près du fleuve à environ 140 ou I 7o kilomètres de son confluent avec le Soungari.
Pendant ce temps, deux Compagnies chinoises,
celle de Mokbéchan et celle de Toulounko, recevaient la concession des mines d'or situées dans la province
de Hé-Ioung-kiang. La Compagnie de Toulounkho, la dernière en date, fut fondée en 1898; elle ne put arriver à exploiter les placers qu'elle possédait surles rivières Toulounkho et Guiton; elle eut avec ses ouvriers, dès le début des travaux, des difficultés qui se terminèrent par une attaque des mines par des bandes de brigands koungouses, le pillage des bureaux et le massacre des em ployés. L'autre Compagnie exploitait, avant la guerre, divers placers situés à proximité de l'Amour et sur des petits affluents de celui-ci. Ces placers ont une teneur en or qui atteint souvent 71 grammes à la tonne. Comme sa rivale, la Compagnie de Mokbéchan eut à soutenir les attaques des bandes koungouses; mise plusieurs fois en danger, elle dut construire des retranchements, gardés à ses frais, par des troupes armées. Outre ces placers, d'autres étaient exploités en secret sur divers points par des Sibériens téméraires ou des Chinois. En maints endroits, on a trouvé des veines de quartz aurifère, et on cite le cas d'ouvriers russes, occupés à la pose des poteaux télégraphiques du chemin de fer de l'Est Chinois, qui, en 1899, découvrirent de petites pépites d'or dans les trous qu'ils creusaient dans le sol. Le Kouan-toung, à l'extrémité méridionale de la presqu'île de Liao-toung, abonde de son côté en gisements aurifères, à tel point qu'on a pu prétendre que le fond de la mer qui baigne la pointe de Port-Arthur formait un vaste champ d'or. La partie gauche du bassin de l'Amour fournit, depuis longtemps, plus de ioooo kilogrammes d'or annuellement, et la Mongolie nord-est (province de Tse-tsen-khan), qui borde, à l'ouest, la Mandchourie, est aussi riche en dépôts d'or que les placers mandchouriens à l'exception de quelques-uns, à peine exploités de façon primitive et barbare, ils sont encore vierges ou commencent à peine à être connus, préservés qu'ils étaient par l'interdiction chinoise. On s'explique facilement alors la confiance qu'ont les Russes dans le merveilleux avenir minier de la Mandchourie pacifiée, de même qu'on s'explique leur désir de s'en assurer le bénéfice.
Qu'est-ce que la Toundra? toundra, dont il est question dans la
relation que
nous publions du voyage de Stadling A la Recbercbe d'Andrée, dont aussi le nom apparaît parfois dans les nouvelles qui nous viennent de Sibérie, est la zone polaire de l'Asie septentrionale. Elle est plus étendue dans la Sibérie centrale que dans la Sibérie occidentale. En Sibérie centrale; elle a une étendue de i 444 00o kilomètres carrés. Il ne saurait y être question de végétation, car la saison estivale y est si courte qu'il est impossible de songer à
entreprendre en ces régions la moindre culture. La
toundra ne peut être exploitée que pour l'élevage des rennes, ou pour la chasse, ou pour la pêche. Un groupe de marchands de Krasnoiarsk y exploitent activement les rivières; leurs représentantsvivent dans des huttes, ils conservent le poisson dans de la glace, sur un chaland qui est remorqué ensuite sur 1'lénesséi; les poissons sont transportés ensuite en Russie dans des
wagons-glacières. La flore de la région est pauvre en espèces, cela va sans dire. Middendorff n'a trouvé sur la présqu'ile de Taimyr que 124 phanérogames, parmi lesquels figuraient les buissons les plus bas des espèces polaires, des bouleaux nains, des saules polaires et des inélèzes. Parmi les 124 espèces que nous venons de citer, 30 seulement n'étaient pas du type exclusif des plantes polaires. Les arbres de la région sont rabougris et étiques. Parmi les mammifères de la région, citons l'ours polaire qui est un habitant des îles de l'océan Glacial, et qui est apporté dans la région par les glaces flottantes, le renard blanc, le renne. Au nord d'Iakoutsk, la toundra est couverte de pousses ligneuses basses et rampantes, alternant avec des marais découverts. En été, elle n'est pas couverte de neige, mais à 3 centimètres de sa surface on trouve un sol glacé dont les couches alternent avec des couches de glace pure, où l'on trouve, outre des coquilles marines ou fossiles, des mollusques encore vivant aujourd'hui dans l'océan Glacial, des ossements d'animaux disparus ayant habité le Nord sibérien, tels que le mammouth, le rhinocéros, le bos et quelquefois les cadavres de ces animaux sont en entier. Dans cette partie de la toundra, la végétation n'est représentée que par des mousses et des buissons très bas, de l'herbe assez rare, le tout formant parfois un épais
gazon;le plus
souvent cette herbe pousse en touffes ou en plaques sur uri sol dénudé de couleur boue sale.
La terre est souvent friable et molle, le pied enfonce profondément, et le voyage est difficile dans ces ré-
gions désolées.
Victor Bérard.
vol.
in- 18 jésus de 440 pages. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Prix broché, 4 francs. LA guerre russo-japonaise n'est pas seulement une grande c'est peut-ètre un tournant de l'histoire du guerre monde. Elle ne doit pas seulement nous émouvoir comme citoyens français, .liés aux destins de la Russie, elle nous La Révolte de l'Asie.
intéresse aussi comme Européens, comme hommes civilisés. Car ce n'est pas seulement la richesse et la puissance russes qui sont en jeu, c'est aussi l'avenir de l'humanité et des deux civilisations blanche et jaune, qui jusqu'ici se partageaient le monde, mais avec une tendance et une chance de la civilisation blanche à tout recouvrir. M. V. Bérard a voulu, dans ce nouveau volume, expliquer les origines profondes et les causes superficielles de ce grand événement, en peindre les acteurs et les péripéties, en mettre sous les yeux du lecteur le théâtre et les personnages. Les titres mêmesdes différents chapitres de son nouvel ouvrage en font bien comprendre l'intérêt l'Asie et l'Europe, le Japon et l'Europe, la Descente russe, l'Ex~anslon japonatse, le Rôle de l'Angleterre. La compétence si hautement reconnue de M. Bérard dans toutes les questions mondiales, son talent d'écrivain, sa clarté d'exposition, recommandent cet ouvrage à l'attention de tous.
AFRIQUE
Le Commerce de la République
de Libéria.
Le président Barclay vient d'inaugurer une série de lois. plu's importante est celle qui permet aux négociants étranLa gers, établis sur les territoires de la République, d'ouvrir des établissements commerciaux et de se livrer aux opérations commerciales ailleurs que dans les ports dits « ports d'entrée ». Depuis dix ans la République a fermé ses portes à tous commerçants, sauf ceux établis dans un des « ports d'entrée ». Aussi les commerçants, représentés par les maisons de commerce anglaises et allemandes, ont-ils protesté à maintes reprises. La nouvelle loi sera vraisemblablement suivie par un
grand développementcommercial. A part l'entreprise de sir Harry Johnston, l'ancien commissaire de l'Ouganda, il n'y a que deux maisons anglaises dans la République, toutes deux de Liverpool. L'ancien commerce avec Bristol s'est éteint. Pour le moment, les principaux commerçants de la République sont les Allemands. Ils jouissent dans ce pays d'une position prépondérante. Il n'y a aucune maison française dans le Libéria.
Achèvement de la première section du Chemin de fer de la Guinée française. Le chemin de fer de la Guinée française est complète-
ment achevé jusqu'à Kindia (148 kilom. 500), point terminus de la première section. La circulation des trains a com-
mencé entre Conakry et Kindia. Ce résultat est très important, si l'on tient compte des difficultés qu'ont présentés les travaux d'infrastructurede la ligne, pour ce premier tronçon, en raison de la nature des terrains à traverser. Les travaux de la deuxième section sont dès maintenant entrepris et vont se poursuivre avec activité.
L'Or à Madagascar. d'alluvions est en notable augmentation sur divers points de l'île. En outre, on La production aurifère des placers
fonde des espérances sur l'exploitation des filons qui existent vraisemblablementdans les régions éruptives de Madagascar. Une première exploitation filonienne, que le gouverneur général a visitée récemment, au mont Vohinambo, à 5o kilomètres au nord-ouest de Tananarive, a fourni à cet égard de très intéressantes indications. On y a mis à jour un filon de quartzite d'une puissance variant de offi50 à 1 m20 qui, dans certaines parties, a donné des teneurs de 176 grammes à la tonne. La matière, très friable, est facilement broyée à l'aide de pilons à main. Néanmoins, l'opinion générale des prospecteurs est qu'il faudrait recourir à l'exploitation mécanique et véritablement industrielle, si l'exploitation filonienne venait à se développer à Madagascar. AMÉRIQUE
Les Chinois aux États-Unis. La question chinoise va de nouveau se poser aux EtatsUnis où, en vertu des traités actuels, les immigrants chinois sont traités avec assez de rigueur pour que leur pénétration soit presque impossible dans la fédération américaine. Le Gouvernement de Washington vient d'être avisé que le Gouvernement de Pékin dénonçait le traité sino-américain relatif à l'immigration chinoise. Le régime en vigueur expirera le 27 décembre, et l'on se retrouvera à ce moment, à moins qu'un nouveau traité ne soit intervenu, sous l'empire de la loi antichinoise, dite bill Gerry, qui est beaucoup plus rigoureuse encore que le traité actuel. L'attorneygénéral, M. Knox, prépare un régime qui devrait être sanctionné par un nouveau traité, et aux termes duquel, si l'on maintenait le ré-
gime qui exclut la main-d'oeuvre chinoise, on ouvrirait cependant d'une manière plus large le pays aux Chinois des plus hautes classes, et en particulier aux marchands. On se demande comment les Etats-Unis vont traiter maintenant la question chinoise qui vient d'être résolue d'une manière toute nouvelle dans l'Afrique du Sud.
Le Canal de Panama. On estime, aux Etats-Unis, que le canal de Panama pourra être terminé dans l'espace de huit ans. Durant les deux premières années, on se bornera aux préparatifs qui permettront ensuite de pousser vigoureusement les travaux. Avant tout on va procéder, dans l'isthme, aux mesures d'assainissement qui ont été appliquées à la Havane avec tant de succès pendant l'occupation américaine. Durant la première période des travaux, les ouvriers nègres au nombre de huit cents, qui se trouvent déjà sur place et ceux qu'il sera possible de faire venir encore de la
Jamaïque suffiront; mais
plus tard, quand plusieurs milliers
de travailleurs seront nécessaires, il faudra recourir aux coo-
lies.
ASIE
La Guerre russo-japonaise
et le Transport du Thé.
La guerre russo-japonaise a pour conséquence assez cu-
rieuse de déplacer les voies de transport du thé chinois et de l'acheminer en Europe par les itinéraires qu'il suivait avant la construction du Transsibérien. Le Transsibérien a, comme on pense, amené de grands changementsdans le transport du thé de Chine; les voies anciennes étaient même à peu près abandonnées, et voici que la guerre, en absorbant le trafic
du chemin de fer, a obligé les expéditeurs à y revenir. Jadis, le thé de Chine suivait trois routes pour venir en Europe. On le transportait à dos de chameau à travers la Mongolie pour Ourga et Kiakhta. On le convoyait par le fleuve Amour et enfin par la voie maritime; les bateaux de la Flotte Volontaire l'amenaient de Changhaï et de Hong-kong jusqu'à Odessa. En 1903, la Compagnie de l'Est-Chinois commença activement à transporter le thé; le transport sur le fleuve Amour perdit ainsi toute son importance, l'an dernier, et il n'est pas probable qu'il la reprenne jamais. En 190), le thé a été envoyé à trois villes principales: Tcheliabinsk, Moscou et Irkoutsk. Or c'est par la Mongolie que le thé doit être amené cette année en Russie, ainsi que cela se passait jadis. C'est un retour inattendu à des procédés qu'on pouvait croire abandonnés pour toujours.
L'Outillage de l'Indo-Chine. L'Indo-Chine adopte rapidement les divers procédés que les pays européens emploient pour faciliter les rapports des hommes entre eux. Le réseau téléphonique de Hanoï a été inauguré le ler juin pour le service urbain, et déjà on a entrepris les travaux de pose d'un double fil entre Hanoï, Haïphong et Quang-yen, ainsi que la pose des lignes HanoïLang-son et Hanoï-Son-tay. D'autre part, en même temps que les chemins de fer, les tramways se développent dans cette colonie. Nous en avons naguère donné la statistique. Voici que la Compagnie française des tramways de l'Indo-Chine a, sans subvention ni garantie d'intérêts, prolongé de 1) kilomètres, ce qui la porte à 27, la ligne de Cholon à Saïgon. Le terminus est désormais non plus Govap, mais Hoc-mon. Le paysan annamite, qui se montre, comme on sait, très partisan de ce moyen de transport rapide, économisera, grâce à la voie nouvelle, cinq heures pour l'aller et le retour. Le prix du transport est luimême diminué. et l'Annamite appréciera fort ce double avantage.
Saint-Louis et l'Exposition commémorative de l'Achat de la Louisianel. Saint-Louis, qu'ont cboisi les États-Unis pour y installer leur gigantesque exposition, est aujourd'hui une des ~lus terre,d'Amégrandes villes des États-Unis. Elle n'existait pas il y a cent cinquante ans. Ce n'est pas un miracle en cette d'Europe. Mais il est intéressant rique septentrionale où les villes immenses s'organisentavec plus de rapidité qu'un village s'ils n'ont pas asse,~ souvent la de remarquer que c'est une ville française. Les Français savent avoir l'esprit colonisateur, et l'em~lacement à choipersévérance qui triom~he des obstacles, ils ont l'instinct qui leur indique l'czuvre bonne à accomplir, sir, la colonie à lancer.
C'EST en 1764 que l'histoire place la fondation de Saint-Louis. Et le fondateur, dont le nom n'est perpétué que par une avenue de la ville qu'il a créée et baptisée, est un certain Pierre Lac1ède-Liguest, dont nous ne savons guère que le nom et la date de naissance et de mort.
Pierre La-
clède-Liguest était un résidant de la
Nouvelle-Orléans. Il était né en France en 1714, sans doute dans les Pyrénées. Il mourut à l'âge de c
i n q u ante-quatre
ans, le 3ojuin 1778, près du confluent de la rivière Arkanil fut enterré sas dans la solitude et aucune pierre ne marque son tom-
charte spéciale, le monopole du trafic des fourrures dans la partie supérieure du fleuve. Il y avait alors très peu de postes dans cette ré. gion. La Compagnie annonça qu'elle allait en créer. Une expédition fut formée, à cet effet, composée de chasseurs, detrappeurs, de mécaniciens et de cultivateurs. Laclède en prit la direction. C'est sur la rive ouestqu'il voulait fixer son poste. Après avoir installé sa troupe à Fort-deChartres, il examina tous les emplacements possibles,
particulièrement entre Fort-de-Chartres et le confluent du Missouri. Un endroit, à quelque
vingt mètres en
beau.
aval de la « Rivière boueuse », comme
Ce Pierre La-
clède était, en 1763, membre de la raison sociale Laclède-Li-
LES QUAIS DE
SAINT-LOUIS ET LE MISSISSIPPI.
D'après une photographie.
guest, Antoine
Maxent et Cle, qui faisait le commerce d'échanges avec les sauvages du Mississippi. Cette Compagnie résidait à la Nouvelle-Orléans et opérait dans la vallée du Mississippi. Précisément, à ce moment, elle reçut, par une 1.
Voir A Travers le Monde, n°
A TRAVERS LE MONDE.
s'appelaitle Missouri, parut convenir à
]2"
3
LIV.
p.
=45~
ses plans.
choisit une trentaine d'hommes parmi les plus habiles. Le 15 février, la troupe se mit au travail de défrichement et de construction. C'est ainsi que la nouvelle cité fit son apparition dans le monde. Cet embryon de ville française n'était qu'un Il
N~
32.
6 Août 1904.
poste composé de quelques huttes de bois mal équarri. Les habitants étaient de rudes trappeurs: leur vie était à la merci d'une attaque de sauvages, et leur nourriture dépendait des hasards de la chasse.
Bientôt,
dition, ils se plaignirent souvent de la petite quantité de pain qu'ils recevaient pour leur argent et baptisèrent le village du nom de cc Pain court. » Toutefois le chiffre des habitants gran-
dit
le petit
les esprits
dans quelques-uns
aventureux de la Nouvelle-Orléans venaient chercher fortune dans cette
des postes de la rive est, qui, eux non plus, ne voulaient pas vivre sous la
région perdue sur les confins du désert. En 1799, Dehàult Delassus fit le
nique. C'étaient
ment
tous des Français de
Saint-Louis comp-
poste se grossit des
Français établis
premier recense-
domination brita7n-
le village de
tait 925 habitants,
la Louisiane ou du
Canada,joyeux en-
et toute la région environnante mon-
fants de la Gaule,
qui n'interrom-
tait à 6028.
paient leur lutte acharnée contre une nature ingrate et rebelle que pour se
Le commerce lui-même se développa. On établit
délasser
par des chantsetdesdanses
du pays natal.
C'était bien
LE PALAIS DE JUSTICt: DANS LA VILLE BASSE.
D'après ur:e photographie.
une ville française, Elle ne possédait, pour débuter, que deux ou trois rues. A ce moment-là, les champs qui entouraient Saint-Louis constituaient une propriété collective. Les habitants les culti-
vaient en commun,
afin de se protéger mutuellement en
cas d'attaque et
d'être à portée de leur demeure si quelque danger survenait.
Alors com-
mencent les incursions
d'Indiens,
coïncidant avec la guerre de l'Angleterre contre ses colonies. Plus d'une fois, ces incursions, qui se terminaient souvent par la capture de quelques habitants, jetèrent la terreur parmi les
deux distilleries, dont l'une fut possédée par Auguste Chanteau.
Quand, en
1804, Saint-Louis
passa sous l'administration américaine et que le major Stoddard prit des mains de Dehault Delassus le gouvernement de la colonie, le petit bourg ne contenait
guèred'Américains. La Louisiane supé-
rieure comptait en
tout près de 9000 habitants. A partir de 1804, Saint-Louis progressa
rapide-
ment. L'immigration anglo-saxonne et tout ce qu'elle amène avec elle s'y fit rapidement sentir. On établit deux bacs sur le Mississippi. En i 8 i i la ville contenait 1400 habitants avec une
imprimerie, douze
magasins, deux écoles, dont une française et l'autre ancolons de Saintglaise. Louis. La terreur, A cette époLES MAISONS HAUTES DANS LE QUARTIER DES AFFAIRES. sinon des soldats que, le troc était du moins des habiD'après une photognaphie. encore en honneur à Saint-Louis, et, tants, est assez légitime, si l'on se rappelle à quelles horribles mutiladans une annonce, un marchand qui vend 'du coton, tions se livraient les Peaux-Rouges. de l'acier, des bonnets de soie, des fleurs artificielles, En 1788, Saint-Louis était devenu un endroit de la corde et une jeune négresse de dix-huit ans, offre très connu dans la vallée. Les chasseurs et les trappeurs d'accepter en paiement des fourrures, du whisky, du venaient s'y approvisionner et, si l'on en croit la trasucre ou du miel.
Dans une autre annonce, un certain Schewe annonce qu'il donne des leçons de français et qu'il a une provision de chandelles qu'ilvendra à bon marché, Ce chiffre des habitants alla de 1400 en 1810 o à 2 00o en 1815, 4589 en 1820,6000 en 1833 et 100000 en i 850. En 1809, Saint-Louis reçoit sa charte de bourg et, en 1822, de ville. Graduellement, il se construisit des banques, des églises des différentes sectes protestantes, de grandes maisons de commerce, des écoles, des hôpitaux. En 1847, on introduisit l'éclairage au gaz. Bientôt, devant l'invasion croissante des AngloSaxons,qui monopolisent de plus en plus les principales fonctions, le noyau français disparait insensiblement. Aujourd'hui, Saint-Louis est une ville essentiellement cosmopolite. Comme la plupart des grandes villes américaines elle a reçu un afflux abondant d'Allemands. Cette antique cité française est souvent considérée aujourd'hui comme une des villes les plus
allemandes des
États-Unis. Cette métropole, si admirablement située, n'a pas tiré le meilleur parti possible du magnifique site
comme de véritables trains de chemin de fer, les passants courent à leurs affaires avec cette hâte fiévreuse que les écrivains aiment à attribuer aux foules anglosaxonnes. Le soir, au contraire, quand les bureaux et les magasins sont fermés, on s'y croirait presque dans uneîle déserte. Toute cette foule grouillante et tumultueuse s'est évadée vers les quartiers de banlieue où elle habite loin du bruit, loin de la fumée, loin de ces rues laides, sombres, inégales, aux enseignes voyantes, aux affiches criardes, où d'ignobles masures en bois voisinent avec d'énormes bâtisses modernes et les blanchisseries chinoises alternent avec des cabarets borgnes. C'est dans l'ouest de la ville que se trouve, à Saint-Louis,ce quartier des résidences, qui est toujours, aux États-Unis, le principal attrait de toutes les villes, parce qu'on y voit des bomes élégants, de larges avenues, de vertes pelouses, des parcs ombreux et tous ces signes extérieurs de richesse et de confort qui déjà, en 183 1, frappaient Tocqueville et luifaisaient dire que ce peuple était le plus heureux du monde. La rue principale des affaires
qu'elle occupe.
est Broadway.
long des rives du Mississippi, sur une longueur de 2o milles cons-
tres,
Elle s'étend tout le
Comme à NewYork, Broadway est la rue des magasins, des théâdes
restau-
elle court parallèlement au fleuve. C'est là que blement du fleuve, se trouve le grand ne devrait-elle pas PONT DU CHEMIN DE FER, SUR LE MISSISSIPPI. hôtel, le Soutbern, présenter un panocélèbre par sa granD'après une pkotographie. rama unique au monde? de salle des PasMais il semble qu'aux États-Unis, dans la fièvre Perdus (lobby), où circulent, dans les périodes de condes affaires, on'oublie toujours les questions d'esthéventions politiques, les délégués de tous les États de tique. Au lieu d'utiliser pour leur beauté ces bords du l'Union, et où, cet été, on pourra voir l'état-major du Mississippi qui eussent constitué des quais presque sans parti démocrate qui s'assemblera à Saint-Louis pour égauxau monde, aussi grands et peut-être moins frustes choisir son candidat à la présidence, Toute cette ville basse se partage, au reste, très que ceux de la Néva à Saint-Pétersbourg, on a laissé envahir toute cette partie basse de la ville par des faégalement les affaires locales. Dans la quatrième rue briques, des usines, des chantiers, des chemins de fer, se trouvent les grandes banques; dans la rue de l'Oliquand ils ne sont pas inondés par l'eau du fleuve, vier (Olive Street), où l'on ne voit plus guère de traces de l'arbre qui lui a donné son nom, est concentré le comme il arriva, l'an dernier. L'ancien village de Laclède, le Pain court des commerce de détail dans Washington Street sont les magasins de gros enfin, les grandes Compagnies d'astrappeurs, est maintenant occupé tout entier par le quartier des affaires, où se trouve concentrée toute la surances se sont installées dans la troisième rue. Dans vie industrielle et commerciale. On y achète, on y la. rue du Marché, Market Street, est située la giganvend, mais on n'y réside pas. C'est là que sont les tesque station de chemin de fer, Union Station, qui grands édifices de douze à trente étages, les banques, est l'orgueil de Saint-Louis, la plus grande du monde, les grands magasins de nouveautés, les bureaux de avec ses 32 lignes utilisées par 22 Compagnies de compagnies financières, les restaurants, les saloons, les chemins de fer. grands hôtels, Durant le jour, la cohue s'y presse, les Dans la même rue se trouve le Palais de Justice, tramways électriques passent l'un derrière l'autre vieille bâtisse sombre et noircie par le charbon, qui
truite en terrasses, montant insensi-
rants
était, jadis, le centre de la ville, car c'est sur la place qui l'avoisine que se tenaient, jusqu'en 1860, les marchés d'esclaves. Ce Court House, construit d'abord en 1827, puis rebâti avec son dôme et sa façade à colonnes grecques, rappelle notre Panthéon, Le charme principal de cette ville en terrasses, c'est qu'elle est encerclée par un des plus beaux systèmes de parcs qu'on puisse voir dans.n'importequelle
ville du monde. Ils sont au nombre de vingt, qu'on espère réunir un jour par un immense boulevard. Un de ces parcs, le plus grand et le plus beau de tous, Forest Park, a été découpé pour fournir une partie de l'emplacement de l'Exposition, et plusieurs arbres séculaires ont dû être arrachés pour faire place à quelques baraques de la grande foire, qui aura lieu le long de la rue appelée le Pike. Quant au jardin botanique, appelé Sban Garden, dû à l'initiative d'un particulier, c'est un jardin que les botanistes feront bien
d'examiner.
Saint-Louis est le grand entrepôt de marchandises qui dessert tout le Sud et le Sud-Ouest, la métropole économique de la vallée du Mississippi et de ses affluents. En 1903, 3o millions de tonnes de marchandises sont sorties de ses usines pour être distribuées autour par les chemins de fer et les bateaux rayonnant de la ville dans toutes les régions des États-Unis. 7°00 manufactures travaillent à fabriquer du tabac, de la
bière (préparée par les grandes brasseries
Anheuser Busch ouvertes à l'inspection du public avec collation gratuite), des chaussures, des wagons, des bois de construction, des machines à vapeur, de la quincaillerie, des confections, etc. Dans les dix dernières années, les affaires de la ville ont doublé. Parmi les principaux établissements d'instruction, il y a l'UniversitéWashington, dont tous les visiteurs de l'Exposition pourront contempler les locaux tout neufs, sorte de château féodal, qui domine la grande foire à laquelle ils servent de bureaux. Cette Université laïque a 2 2 19 étudiants. L'Université de Saint-Louis, qui est une Université catholique fondée en 1824 comme une école pour jeunes Indiens, est maintenant une école préparatoire pour jésuites et comprend 840 élèves. Les Français, curieux de découvrir quelques traces des premiers établissements de l'époque française, devront visiter Sainte-Geneviève, la plus ancienne ville du Missouri; Cahokia, qui possède une église vieille de cent soixante et un ans et des maisons du XVIIe siècle, et Florissant, qui contient une population parlant encore le français. O. GUERLAC, (A suivre.)
Une Relique de l'Expédition
d'Andréee
malheureuse du II juillet 1897, qui marqua le départ vers l'inconnu de l'expédition aéronautique d'Andrée vers le Pôle, aucun indice séDEPUIS la date
rieux n'avait pu permettre jusqu'ici de lever le voile mystérieux qui nous cèle jusqu'aux plus vagues épisodes de cette tragique odyssée. Or un vaisseau américain, revenant des mers glaciales, vient de rapporter un tube de métal portant la mention (( Expédition polaire Andrée », et qui a été découvert au cap Flora, l'île la plus méridionale de l'archipel François-Joseph. Cette relique a été adressée, sur sa demande, au frère de l'aéronaute. On ignore encore ce que c'est exactement que ce tube, que les uns considèrent comme un fragment de la grande bouée polaire d'Andrée, et d'autres comme une boîte pour pellicules photographiques. Mais l'im'portance de la découverte réside surtout dans ce fait qu'elle peut fournir l'un des jalons de la route suivie par le ballon dans sa suprême embardée. On supposait déjà que l'aérostat avait dû passer par le Spitzberg et la Terre François-Joseph. La découverte du tube en question permet de croire qu'en quittant le Spitzberg, l'expédition a dû être poussée par le vent d'est. Peut-être enverra-t-on une expédition au cap Flora pour y rechercher de nouvelles traces des malheureux aéronautes.
Les Japonais et les Littérateurs d' Occident. dix-septième siècle, les marchands hollandais apprirent aux japonais quelques mots de leur lancelles de gue, et leur donnèrent des livres. De toutes première l'Europe, la littérature hollandaise fut donc la délaissée connue par les Nippons. Elle est aujourd'hui pour l'anglais, l'allemand et le français. Tous les gens cultivés, au japon, savent une au moins de ces trois langues, et peuvent en lire des ouvrages dans le texte original. Le peuple lui-même commence à les connaître par les traductions. Le professeur Guzo Tsubouchi a traduit Otbello, Macbetb, le Marcband de Venise. L'écrivain anglais le mieux connu Macaulay; puis au japon est Carlyle; après lui vient Emerson, Hill, Spencer. Parmi les poètes, on lit TenMilton. nyson, Longfellow, Wordsworth, Byron et David Copperfield a joui longtemps d'une vogue que lui ont disputée d'abord la Case de l'Oncle Tom et, plus récemment, les livres de Bellamy et de Henri Georges. Aujourd'hui, l'allemand l'emporte. 11 existe une Ligue elle japonaise pour la propagation de cette langue s'appelle la « Shigarami-Gesellschaft ». Son fondateur,
Au
le docteur Rintara Mori, a traduit Werther, ,~azzst et Natban le Sage. La philosophie de Nietzsche n'est pas moins à la mode à Yokohama qu'à Berlin et à Paris, Pendant le XIX. siècle, un livre français, le Coizet des trat social, fut le Code et la Bible des politiques morale et sociologues japonais. Mais notre influence littéraire a beaucoup diminué: Deux ou trois romans de Victor Hugo et de Zola, quelques nouvelles de Maupassant, voilà à peu près tout ce qui a été traduit.
Ibsen et Bjœrnson, Dostoiewski, Tchekof et Gorki sont plus connus au japon que nos auteurs contemporains.
vivent exclusivement de la chasse et de la pêche, principalement de la capture des phoques. Pendant la décade étudiée par M. C. Ryberg, le produit de la chasse a donné les résultats suivants Les Groenlandais
Un Rapport sur la Population et le Commerce du Groenland. Las nouvelles du Groenland sont chose rare. Aussi
sommes-nous heureux d'emprunter à M. Charles Rabot les grandes lignes du résumé, qu'il a publié dans la Géograpbie, du rapport de M. Carl Ryberg sur la démographie et la situation économique du Groenland danois, durant ces dix dèrnières années (exactement, de 1892 à 19°1). On sait que, très sagement, afin de préserver ses sujets esquimaux contre leurs propres entraînements et contre les entreprisesd'aventuriers sans scrupules, le Gouvernementa interdit
l'entréedu Groenland àtout
navire autre que ceux de l'État danois, et à toute personne étrangère aux administrationsdanoises, ets'est
GROENLAND MÉRIDIONAL,
Rendement moyen annuel. Maximum.
Phoques. Baleines blanches (Beluga).
Renards.
347°3 418 1736
4759° (1898-1899)
Minimum. 24 583
(1891-1892) (1898'1899) (1896,1897)
788
(189H896)
180
2337
(189'¡-1895)
1100
Le commerce se fait uniquement au moyen de
neuf petits vaisseaux, propriété de la Compagnie royale du Groenland, jaugeant 2 000 tonnes. Pendant cette décade, la moyenne de l'exportation du Groenland méridional s'est élevée à 5 578 tonnes métriques de lard de phoque destiné à être transformé en huile et à 8606 peaux de ce mammifère marin. Pour le Groenland septentrional, la statistique de la chasse n'a pas été établie, M. Carl Ryberg donne simplement le montant de l'exportation. Durant la
période envisagée, en
réservé le monopole du commerce sur cette terre de glace. Grâce à ces mesures protectrices, les indigènes sont préservés de l'alcoolisme et des maladies con-
moyenne chaque année, de ce district, 562,9 tonnes métriques de lard de phoque, 392,6 tonnes métriques de foie de Scymnus borealis et 31 228 peaux de phoque ont été expédiées en Danemark. Depuis 1882, l'huile de phoque a subi une baisse énorme. De ioo francs qu'elle valait en 1882, la tonne de ce produit est tom-
tagieuses que le contact
avec les Européens amène chez tous les primitifs. De plus, ils sont entourés par l'administration de soins qui méritent l'approbation de tous les philanthropes. Le monopole exercé par le Gouvernementdanois n'est maintenu que par des
bée actuellement à
56
francs. De ce fait l'administration danoise a de CARTE DU GROENLAND. considérations humanitailourdes charges pour subrémud'être loin res, car, venir à son œuvre de bienfaisance. nérateur, il constitue une charge pour les finances daSauf dans le district de ]ulianehaab, où il existe noises. Depuis dix ans, une seule année, le budget s'est quelques bêtes à cornes, le seul animal domestique au soldé par un excédent de recettes de 51000 francs Groenland est le chien, et encore seulement dans le toutes les autres, le déficit a varié de 33 000 à 37 500 Groenland septentrional et dans le district d'Holstensfrancs. borg du Groenland méridional. L'effectif de ces aniLe résultat de la politique essentiellement phidécembre 1901, à 3653, dont maux s'élevait, au lanthropique observée par le Gouvernement danois à du nord pour 5 167 habitants. 3 544 dans l'inspectorat l'égard des Groenlandais, et qui peut être citée en En 1750, le commerce était concentré dans les exemple à tous les peuples possédant des colonies, se mains d'une compagnie privée, mais en 1774, le Goumanifeste dans le mouvement de la population. Alors vernement reprit à son compte les affaires, qui avaient indigènes ont les l'Amérique pour nord de le dans que complètement périclité. On nomma deux inspecteurs, ainsi dire fondu en présence d'une race supérieure, la chargés de veiller aux intérêts des indigènes toutefois population du Groenland éprouve un accroissement il fallut attendre jusqu'en 1830 pour constater un proconstant. Au 31 décembre 190 l, elle s'élevait à grès sensible. 11283 individus, se répartissant en 5167 dans le En 1894, une station a été fondée à AngmagsaGroenland septentrional et 6 1 16 dans le Groenland lik, sur la côte orientale, par 66°35' de Lat. N., pour méridional. L'augmentation a été de 1 076 unités en évangéliser les clans esquimaux découverts dans cette dix ans. Pareil résultat n'avait jamais encore été consrégion par le commandant Holm et en même temps taté.
3
pour les prémunir contre la famine. Tellement strict est le principe humanitaire qui est la règle de l'administration danoise que pour ne pas habituer les indigènes du Groenland oriental aux excitants modernes, défense est faite de leur vendre du café. Au 31 décembre 1901: la petite colonie d'esquimauxd'Angmagsalik comptait un effectifde436 membres (2og hommes
et
227 femmes). Du
janvier 1895 à fin 1901
deux fois le chiffre des décès a égalé celui des naissances, toutes les autres années, un excédent de naissances s'est produit en 19°1, il s'est même élevé à 24 unités. 1 er
La Situation militaire du Yunnan améliorée par les Japonais. Nos Précautions à
prendre.
Las travaux du chemin de ferdu Yunnan entrant dans
une période d'activité nouvelle, il convient d'envisager l'éventualité d'une intervention française dans cette province, au cas où les efforts de notre diplomatie seraient insuffisants pour assurer aux Européens employés à ces travaux la sécurité dont ils ont besoin. C'est à cette étude que s'est livré le lieutenant Grillières, au cours de sa mission dans cette partie de la Chine. En juin 1899, les Européens qui se trouvaient alors dans le Yunnan se virent assaillis par des nuées de malfaiteurs c'était le mouvement boxer qui commençait à se dessiner. Nos compatriotes, dispersés sur la route de Mongtzé à Yunnan-sen, pour les études du chemin de fer, n'eurent que le temps de se replier sur ces deux centres. Les mandarins étaient incapables de mater la révolte et l'avouaient d'ailleurs cyniquement. Aujourd'hui, la situation s'est considérablement aggravée le mouvement boxer a fait place aux revendications chinoises, et cette question doit être envisagée d'une façon différente. Il y a seulement quatre ans, le soldat yunnanais n'avait pour lui que sa vigueur mal armé, mal habillé, mal instruit et mal payé, il vivait à sa guise, n'apparaissant qu'à de rares intervalles au poste dont il dépendait. Les mandarins militaires se souciaient fort peu de leur troupe, qu'ils tenaient d'ailleurs aussi réduite que possible afin de distraire à leur profit une plus grosse part des salaires mis à leur disposition. Les petits fortins bordant la frontière tonkinoise étaient
tous plus ou moins délabrés et leurs garnisons extrêmement réduites. Instruits par les événements de i goo, les Chinois ont compris la nécessité de transformer leurs méthodes, leur organisation et leur armement la pique, le trident et le sabre viennent d'être remplacés par le fusil et le canon du modèle le plus récent; les grotesques manoeuvres chinoises ont fait place à l'école d'escouade et de compagnie. L'armement n'est sans doute pas encore parfait, mais chaque semaine il arrive, par la voie du
Kouei-tchéou, des caisses d'armes et de munition ainsi que des canons de montagne et des mitrailleuses. jusqu'alors, l'infériorité incontestable de l'armée chinoise provenait surtout de l'ignorance de ses chefs; les mandarins militaires n'avaient en général aucune valeur, les hommes restaient sans direction; cette infériorité était cependant contrebalancée par le grand nombre des soldats. Depuis quelque temps, la réorganisation de l'armée provinciale se poursuit sur des bases modernes; les instructeurs, quoique tous chinois encore, proviennent des établissements spéciaux de Tien-tsin. Bientôt, d'ailleurs, les japonais seront les véritables éducateurs des soldats chinois. Dans le courant de l'année dernière, en effet, des instructeurs allemands avaient été appelésau Yunnan; mais, sur les observationsprésentées par notre consul général à Yunnan-sen, leur venue fut différée. Aujourd'hui ce sont lesjaponais qui apparaissent. Ils avaient été introduits tout d'abord dans la province voisine du Kouei-tchéou, où ils ont été appelés à diriger une école militaire à Kouei-yang, en même temps que des professeurs égalementjaponais étaient chargés d'organiser une sorte d'université civile. Il n'y a plus à douter que les japonais seront bientôt, dans tout le Yunnan, les instructeurs des soldats chinois et qu'ils y prépareront la résistance contre un envahisseur. Les effectifs que peut lever le Gouvernement provincial de Yunnan-sen sont tels que nous devons avoirla conviction que, le jour où nous serions appelés au Yunnan, nous trouverions en face de nous un adversaire avec lequel nous aurions sérieusement à compter. D'après les renseignements les plus précis, recueillis par le lieutenant Grillières, le Yunnan pourrait nous opposer, au bout d'un mois, un minimum de 80000 hommes bien armés. Certains ont cru que nous pourrions nous appuyer sur les musulmans de la province mais compter sur cet appui serait une grave erreur et conduirait à une profonde déception. Ceux qui connaissent le mieux le Yunnan n'ont pas le moindre doute à ce sujet extérieurement les Chinois sont pleins d'aménité et de prévenances à notre égard; on aurait tort de se fier à ces trompeuses apparences. Leurs sentiments n'ont pas varié, ils nous exècrent, nous méprisent et comptent bientôt nous expulser de leur territoire. Nous avons contre nous, non seulement la haine de tous les mandarins, mais encore celle de tout le peuple, qui sera trop heureux d'obéir aux instructions secrètes de ses chefs et peutêtre de les devancer. Il y a à peine un an, un nouveau mouvement insurrectionnel se manifestait encore au Yunnan, et, bien qu'on ne le dise pas dirigé contre les Européens employés à la construction de la voie ferrée Lao-kayYunnan-sen, il est bon néanmoins de nous tenir prêts à tout événement. L'effectif nécessaire pour courir au secours des Français installés au Yunnan n'a pas besoin d'être très considérable si nous envisageons seulement le cas où nous serions obligés d'aller occuper très rapidement un point qui servirait de refuge aux Européens pour le moment présent. D'autre part, cet effectifdoit être assez important
pour triompher de la difficulté que présente la marche sur Mongtzé, pour y constituer un point d'appui, et, au besoin, pour garder la ligne de communication. Trois routes permettent d'aller du Tonkin à Mongtzé le Fleuve Rouge, la Rivière Claire et la Rivière Noire. En raison de la navigabilité du Fleuve Rouge, de
la route qui le longe, de la voie ferrée en construction et de la brèche qui est en face de Lao-kay, cette voie est la seule possible; c'est donc vers l'extrémité de son tracé que devra se trouver la base d'opérations,
trois voies s'ouvrent sur Mongtzé celle de Man-hao, celle de Sin-chienn et celle de De Lao-kay,
Nam-ti.
La route de Nam-ti, au dire du lieutenant Grillières, mauvaise encore pour le moment, paraît devoir être de beaucoup la meilleure à brève échéance, car la Compagnie du chemin de fer du Yunnan a donné à l'adjudication la construction d'un chemin de service qui, sous peu, constituera une excellente voie de péné-
tration vers le Yunnan. Ce chemin toutefois, comme les autres, aura l'inconvénient de s'élever entre une double ligne de hauteurs. Une des parties les plus délicates d'une marche au Yunnan serait certainement le ravitaillement des troupes, car une colonne opérant dans cette province serait assurée de ne trouver sur sa route aucun approvisionnement en vivres; elle ne pourrait compter absolument que sur l'eau et le bois.
Nous avons le devoir de ne nous faire aucune illusion et de considérer la marche sur Mongtzé telle
qu'elle se présentera réellement, c'est-à-dire comme une opération de guerre difficile. Il faudra déployer des efforts considérables pour atteindre le bord du plateau yunnanais. Mais cette difficulté sera en raison directe de la rapidité avec laquelle nous agirons. Chaque jour de retard permettra aux Chinois de réunir des troupes et d'augmenter la résistance sur un sol déjà si bien défendu par la nature. La rapidité serait une garantie de succès; en opérant vite, on triompherait plus facilement des difficultés du terrain et de l'infériorité dans laquelle nous nous trouvons par rapport aux Chinois, au point de vue du ravitaillement.
L'Accord franco-anglais et les Marocains.
L'AFFAIRE de M. Perdicaris, enlevé et gardé avec son gendre par le brigand Raisouli, a prouvé que la situation n'était pas aussi calme qu'on pouvait le supposer au Maroc. Cet accident montre l'urgence de la tâche que nous avons acceptée, par l'accord francoanglais, dans l'empire d'Abd-el Aziz et la nécessité notamment d'organiser tout de suite une force de police. Si la France veut que sa tâche soit menée à bien, il faut beaucoup se préoccuper de ce que pense et de ce que fait l'élément marocain. Or, voici justement que
deux de nos croiseurs viennent de partir pour Tanger. C'est ce que M. Augustin Bernard indique avec précision dans le dernier numéro du Bulletin de l'Afrique française. Le peuple très simpliste voit dans l'accord du 8 avril l'invasion des chrétiens et la vente par le sultan du pays aux Français. A Fez, ville de commerce et ville religieuse, il existe deux courants les négociants se rendent compte que la sécurité des biens et des personnes gagnera au changement, que la création de banques et de divers travaux publics favorisera leurs affaires; la classe religieuse est hostile et ne peut être qu'hostile, parce qu'elle vit de la haine du chrétien. Parmi les gens du makhzen, dans ce qu'on pourrait appeler les milieux officiels, beaucoup de jeunes secrétaires nous sont favorables. Ils verraient au nouvel état de choses l'avantage que leur situation serait mieux garantie et que, lorsqu'ils auraient cessé de plaire, ils ne seraient plus jetés en prison les fers aux pieds. Quant aux ministres, aux vizirs, à côté de ceux qui, comme Si Feddoul Gharnit, représentent le vieux makhzen, le non ~ossusnass opposé à toutes les demandes des chrétiens, il y en a d'autres qui se rendent compte que les temps sont changés et qu'on est engagé sur une pente où il n'est pas possible de s'arrêter. Certains vizirs consentiraient à des réformes dans ies finances, dans l'armée, dans les travaux publics; ils savent bien que ce qu'on appelle l'État marocain marche de plus en plus mal et se détraque complètement. D'autre part, le jeu de bascule qui leur avait permis jusqu'ici de se jouer de l'Europe a pris fin par l'accord des deux g~andes puissances intéressées tout leur conseille donc de consentir à des réformes. Mais l'essentiel, pour eux comme pour nous, est qu'il s'agisse bien de réformes et non d'une occupation plus ou moins déguisée. Quant au sultan, il s'éloigne singulièrement du type idéal du souverain marocain; il n'aime ni la guerre ni les affaires; il est resté très enfant, nul ne l'ayant instruit ni formé à son métier de roi. Il est devenu la proie de divers conseillers européens dont il n'a pas toujours eu à se louer, car ils n'ont cherché qu'à profiter de son inexpérience pour lui vendre des jouets coûteux. Aujourd'hui, il est sans guide et sans boussole. Son premier mouvement a été d'être fort inquiet et fort mécontent de l'accord anglo-français. Il a trouvé très mauvais que des dispositions concernant l'empire chérifien eussent été prises sans son assentiment. Puis il s'est calmé, au moins en apparence. En résumé, on tient trop de compte en France du côté international du problème et pas assez de l'élément marocain, qu'il ne faudrait en aucune façon traiter comme une quantité négligeable, sous peine de s'exposer à des déboires.
Georges Servières.
L'Allemagne f.ranFalse sous Napoléon fer, avec une carte des territoires annexés. Librairie académique Perrin, 35, quai des Grands-Augustins, Paris. Prix
7
fr. 50.
GAZETTE DE LAUSANNE
L'Ithaque d'Homère,
L
question de l'Ithaque d'Homère, d'après une correspondance particulière du journal que nous citons, vient d'entrer dans une nouvelle phase la pioche a succédé à la plume, et bientôt peut-être nous saurons si, oui ou non, il existe à Ithaque des restes du palais d'Ulysse. Actuellement, quatre opinions sont en présence 1 L'Ithaque homérique est l'Ithaque actuelle. 2° L'Ithaque homérique était l'île appelée de nos jours
Leucade.
L'Ithaque homérique était la presqu'île de Palé, qui forme aujourd'hui la portion occidentale de l'île de Cé.3°
phalénie,
4° L'Ithaque d'Homère était une contrée imaginaire. Beaucoup de savants, et en particulier M. Doerpfild, le directeur de l'Institut allemand d'Athènes, se prononcent aujourd'hui pour la deuxième de ces hypothèses. Mais un Hollandais, M. Goekoop, admirateur enthousiaste d'Homère, a repris la première, qui paraissait un peu démodée, et vient d'entreprendre, pour la justifier, des fouilles beaucoup plus complètes que celles de Schliemann. Le 18 avril, il a eu la joie de voir donner, dans l'île d'Ithaque, le premier des coups de pioche, qui, il en est persuadé, finiront par mettre au jour le fameux palais où les prétendants se disputaient la main de Pénélope, et où le divin Ulysse reparut, dix ans après la prise de Troie, déguisé en mendiant. Partis en voiture de Vathey, capitale de l'ile, raconte le corresrespondant de la Gazette de Lausanne », qui a visité les fouilles, nous avons d'abord longé la gracieuse baie de Dexia, bordée de beaux oliviers,puis nous avons atteint le village de Lefki par une route ravissante,qui côtoie les flancs du Véritos, La vue sur la mer et sur l'Ue est d'une grande beauté les fleurs couvrent le sol rocailleux, et la vigne a déjà des feuilles de 6 à 8 centimètres; on vendangera au mois d'août, et, quelques mois après, on pourra se procurer, pour quelques centimes le litre, un délicieux vin, rouge ou blanc. Les maladies de la vigne sont inconnues ici; le seul ennemi de la récolte est la sécheresse. Arrivés au petit village de Stavros, nous avons trouvé une vingtaine d'ouvriers, occupés à creuser une tranchée explorative, Stavros paraît correspondre assez bien avec l'emplacement probable du palais d'Ulysse. Nous avons visité la source Aréthuse, dans la partie méridionale de l'île, au fond d'un ravin sauvage,.dominé par une roche perpendiculaire, qu'on a identitiée avec le Korax d'Homère puis, une caverne, près de Vathey. C'est là dit-on, qu'Ulysse cacha les trésors que lut avait donnés Alcinoüs. Au-dessus du Korax, sont les pàturages où le divin porcher Eumée paissait'ses troupeaux. C'est un dessites les plus remarquables de l'île, et il correspond fort bien avec la description d'Homère, car il est loin de la ville, au-dessus d'un grand rocher, dans un lieu d'où la vue est fort étendue. Nous y avons trouvé, parmi des oliviers séculaires, des bergers basanés, vêtus de lourds manteaux de laine, entourés de vastes troupeaux de chèvres et de moutons. On aperçoit de là presque toute l'ile d'Ithaque. Au loin, Céphalénie Leucade, les Echinades, les sommets du Péloponèse,Avec le Pentélique et l'Acrocorinthe, le plateau de \Iarathia, tel est son nom,-est peut-être le plus beau site de la Grèce,
Toute l'ile, du reste, est ravissante, et l'accueil qu'on y reçoit est des plus hospitaliers. Ajoutons qu'au nord de Stavros, on remarquedes blocs énormes, alignés et superposés sur une terrasse d'où descendent des escaliers taillés dans le roc. Les habitants du pays appellent cet endroit « l'Ecole d'Homère ». T'HE GEOGRAPHICAL JOUR.'VAL Londres.
Sur la Lisière sud de l'Abyssinie. ENTREle pays des Somalis au sud-est, l'Abyssinie au nord
et, à l'ouest, une chaîne de lacs dont le plus connu est le lac Rodolphe, s'étend comme un grand triangle le pays des Gablas, en partie inexploré, et dont les tribus qui l'habitent réservent à l'ethnographe plus d'une découverte intéressante. Une de ces tribus, celle des Boramis, a été étudiée, à la fin de 1902, par un explorateur anglais, le capitaine Philip Maud. Nous extrayons de son récit de voyage ce qui se rapporte aux mœurs de cette peuplade. Les Boramis vivent essentiellement de l'élevage du bétail. Ils ont aussi des brebis, des chèvres, mais peu de cha-
meaux domestiques qu'ils remplacent par des chevaux. Un village borami est entouré d'une haie vive dont les épines forment toute la défense; dans cette enceinte trouvent place, pêle-mêle, des enclos pour le bétail et des huttes hémisphériques, couvertes de terre gazonnée. Chacune de ces agglomérations comprend de dix à quatre-vingts familles. Comme pour tous les peuples pasteurs, c'est la présence de l'eau et des pâturages qui détermine la position des villages boramis et leur plus ou moins de stabilité. Dans les environs des puits dont l'eau ne tarit jamais, on est toujours sûr de trouver de pareils groupements de naturels; ailleurs, les Boramis sont semi-nomades, changeant d'habitation sur une aire de deux ou trois journées de marche dans tous les sens, au fur et à mesure que les prairies sont broutées ou que les sources tarissent. A part les soins qu'ils donnent à leurs bestiaux et des essais de canalisation des plus primitifs, les Boramis ne font rien; ils sont même d'une indolence inconcevable. Une belle race au demeurant, vigoureuse et physiquement bien bâtie; mais leurs longues lances d'aspect farouche, hérissées d'épines, de dents d'animaux, etc., leur tombent des mains au moindre péril et ne font que souligner leur lâcheté. Ils se revêtent d'une ample draperie en coton qui flotte et leur tombe jusqu'aux genoux. De lourds ornements en fer ou en ivoire colliers, bracelets, etc., ne répondent pas seulement à leur instinct de coquetterie; ils ont une signification quasi-symbolique, chaque Baromi s'attachant à suggérer l'idée d'un animal particulier l'un se dit un tigre, l'autre un éléphant j bref, toutes les bêtes y passent, y compris
l'homme1
Les Boramis sont polygames. quand ils peuvent. Si les hommes se parent avec recherche, les femmes doivent se contenter de se vêtir de peaux de vache, les tissus de coton
étant considérés comme trop nobles pour elles. Leur religion consiste en un vague culte à une divinité qu'ils nomment Wak. Ce Wak, du reste, semble dans leur esprit se confondre avec le ciel, qu'ils désignent par le même terme. Ils ne songent pas à une existence quelconque après la mort; leur seule préoccupation, c'est d'apaiser la colère de Wak. Pour cela, ils lui offrent en sacrifice leurs enfants et des pièces de bétail. Ils sont tenus à ces sacrifices humains tant qu'ils appartiennent à la classe des « Raba ». Quel que soit son état de fortune ou sa position sociale, tout Borami qui se marie devient un Raba pour un certain nombre d'années, que le capitaine Maud évalue vaguement à huit. Pendant ce temps, l'indigène est obligé d'exposer à une mort certaine, dans les bois ou le désert, tous les enfants qui naissent de lui; sinon, les pires calamités fondraient sur sa maison. Au bout de cette période, le Borami est circoncis et devient un Il Gudda »,
c'est-à-dire qu'il est considéré comme quitte envers la divinité et peut se payer le luxe de laisser ses enfants en vie. A l'est des Boramis habitent les Gurre, d'origine somalie et de religion musulmane. Mais un phénomène ethnique extrêmement curieux s'est produit ici ces Gurre, à une date qu'il est impossible de préciser, ont envahi le territoire des Boramis et s'y sont établis; mais, trop peu nombreux pour abattre les premiers occupants ou même pour leur imposer leurs mœurs et leur religion, ils ont fini, euxmêmes, par subir, dans une certaine mesure, l'influence morale des Boramis, sans cependant se fondre entièrement avec eux les uns parlent le borami, les autres ont gardé leur dialecte somali; mais la plupart sont devenus si mauvais musulmans, que dans l'ouest, du côté du lac Rodolphe, ils n'ont gardé de leur culte primitif que le mot salaam (salut!) et celui d'Islam. Ils se vantent encore d'être les « fidèles » du Prophète j mais, de toutes les prescriptionsde Mahomet, ils n'ont gardé que la coutumede défendre à leurs femmes de sortir tête nue. D'ailleurs, on peut suivre la décadence graduelle de leur foi musulmane en s'avançant de l'est à l'ouest.
Sur la lisière du désert, les Gurre sont chameliers; auprès des sources, où ils entrent en contact avec les Boramis, ils élèvent, comme ces derniers, des troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres. La base de leur nourriture est, naturellement, le lait; ils sont d'ailleurs aussi sobres que leurs chameaux.
Saint-Louis et l'Exposition commémorative de l'Achat de la Louisiane. les Expositionsantérieures Saint-Louis a su faire plus grand et aussi donner une note personnelle en créant une exposition qui d~érât des précédentes. Au lieu de montrer les produits, elle a mis sous les yeux les moyens de les faire naître; c'est l'exposition de l'activité humaine Plutôt que de ses résultats. De ce caractère découle une extraordinaire intensité de mouvement et de vie.
Il semblait difficile de faire mieux que
de l'Exposition a été entre des mains L'ORGANISATION expertes. Quand, le ro janvier 1899, la convention des 93 délégués des quatorze États ou territoires découpés dans la Louisiane primitive arrêtèrent leur choix sur Saint-Louis, elle nomma tout de suite des hommes particulièrement qualifiés pour s'occuper de l'entreprise et pour la mener à bonne fin. A leur tête était M. Francis, ancien maire de Saint-Louis,ancien gouverneurdu Mis souri. Par sa haute situation sociale, sa fortune et son influence, il était tout désigné comme directeur général de l'Exposition. 11 paya généreusement de sa person-
au Congrès un emprunt de 20 millions de francs environ gagés sur les entrées. Au total, on estime que l'Exposition aura coûté 250 millions de francs. Trentesix nations étrangères ont exposé et beaucoup ont dépensé plus de 2 millions de francs chacune. La plupart des grands palais ont coûté de 2 millions à 2 millions
500000 francs. La superficie totale des terrains de l'Exposition est de 1240 acres.
L'Exposition de Chicago n'avait que 633 acres et
celle de Paris 336. Elle est donc deux fois plus grande que la première et quatre fois plus grande que la seconde. En fait, les terrains de l'Expo-
nepourgagnernon de
sition de SaintLouis occupent
Washington, mais
presque autant de
seulement l'appui indispensable
surface que les qua-
encoreleconcours, non moins nécessaire, des Gouvergers.
On pensa d'abord qu'on avait besoin seulement de la somme exacte que la Louisiane avait coûtée, soit plus de 75 millions de francs. 25 millions devaient
être souscrits par les citoyens de Saint-Louis, 25 millions par l'État de Missouri et 25 millions par le Gouvernement fédéral. On vit bientôt que la somme ne
suffirait pas. Au mois de janvier dernier, on dut demander Voir.4 Travers le Monde, n'3
A TRAVERS LE MONDE.
des Expositions
D'après une photographie.
nements étran-
J.
tre dernières gran-
EXFOS111JN DE SAIN'1-LOUIS: PALAIS DES ARTS LIBÉRAUX.
3
je uv,
p. 245; no3
2, p, 249-
américaines réunies. Une des intentions principales des organisateursa été de montrer non seulement des produits achevés mais des produits en voie de fabrication. On veut initier le spectateur au mécanisme de l'industrie moderne et, pour cela, il était nécessaire d'avoir de la place. De là, la grande quantité d'Expositions en plein air, dans l'intérieur même de l'Exposition générale, plus de 600 acres ayant été consacrés à cette catégorie, non la moins importante. L'emplacement choisi est le mieux approprié qu'on ait pu trouver dans les environs de Saint-Louis. No
))-
1) Aoî~t ~9oç.
C'est un morceau de terre vierge, de forêt primitive, ayant la forme d'un parallélogramme d'environ 2 milles de long sur i de large, situé dans ce grand parc dont j'ai parlé et dont le nom seul est une description Forest Park. La partie choisie était connue était couverte d'une futaie sous le nom de « désert où s'élevaient quelques arbres plusieurs fois centenaires. Transformer, en une brillante et multicolore cité moderne de plus de mille bâtiments distincts, cette forêt vierge coupée de collines et de ravines, n'était certes pas une petite besogne. Il a fallu, en deux ans et demi, niveler le terrain, couper les arbres, raser des taillis, changer même le cours d'une rivière qui s'appelle la rivière des Pères. Dans toutes les Expositions, il faut un point central et comme un noeud autour duquel se développe le plan général. Ici, il n'y avait pas de lac comme à Chicago, ni de fleuve comme à Paris, le Mississippi étant à plusieurs kilomètres de ForestPark. On s'est rattrapé alors sur la colline qui court à travers la forêt. C'est à son
et
sommet qu'on a
placé le clou architectural de l'Exposition, le Hall des Fêtes, haut de 200 pieds, qui com-
mande toute
la
cascades descendant en terrasses de la verte colline où se dresse Festival Hall. Le spectacle est d'une très grande beauté, et le jour de l'ouverture, si j'en crois un témoin oculaire, quand, sur un signal, les eaux se mirent à jouer pour la première fois, il était magnifique. C'est ici que se trouvent, aussi, tous les grands palais à droite, le palais des Industries variées et de l'Électricité; à gauche, le palais des Manufactures et celui d'Éducation qui, avec les palais des Mines et des Arts libéraux et ceux des Machines et de la Transportation, forment un groupe très imposant de huit grands édifices. Sur la gauche, sur un repli de terrain, se dresse le palais construit par le Gouvernementdes États-Unis, construction imposante à charpente métallique, d'une longueur de 800 pieds. L'Agriculture et l'Horticulture sont sur les confins ouest de l'Exposition. Ici, comme à Paris, les États
de l'Europe ont ri-
valiséd'ingéniosité pour abriter leurs envois sous un édifice à la fois
artis-
tique et caractéristique. Mais, au lieu
d'être groupés comme sur les
bords de la Seine, ces petits monuments sont dispersés, comme au hasard, et surgissent à un tournant d'allée pour rafraîchir l'œil fatigué du
masse des édifices, et qui, couronnant la chute des terspectateur. rains et des cascaEXPOSITION DE SAINT-LOI;IS PALAIS DES INDUSTRIES. Le pavillon des, rappelle notre allemand, qui est D'après une photographie. vieille connaissanune reproduction ce, le Trocadéro, Ce hall, flanqué de ses colonnades semi-circudu palais de Charlottenberg, est d'un grand effet. Il laires, qui abritent les statues de tous les États compris est installé, dans la partie est, sur une éminence d'où il domine orgueilleusement la plaine. Le palais français, dans le marché de i8o3, est d'un très grand effet. A réplique textuelle et d'un effet gracieux du Grandchaque extrémité, cet écran semi-circulaire est terminé par une pagode. Trianon, est dans la partie ouest, presque à un kiloAinsi le tableau d'ensemble de l'Exposition est mètre de distance du palais allemand. formé par huit grands palais, des pelouses, des casL'Angleterrea envoyé l'Orangerie de Keusington cades, des lagunes et des bassins qui se déploient Palace. La Chine donne le palais du prince Pu-Lun de Pékin; le Japon, la résidence du mikado à Kioto; comme un éventail, dont le Hall des Fêtes serait le l'Inde, un tombeau d'Agra. centre. De là, partent aussi de larges avenues qui séL'intérêt de cette exposition résidera, comme il parent les principaux édifices l'avenue centrale a 600 pieds de largeur, les autres 300 pieds. est naturel, dans quelques parties vraiment originales. C'est la grande avenue de 600 pieds qui est une je rappelle que 600 acres sont consacrés à des expositions en plein air. Ce sont celles-là qui ont l'ambition des voies les plus fréquentées de l'Exposition. Elle d'être particulièrementinstructives et neuves. commence par une vaste place appelée la place de Il y a une exposition forestière couvrant8o acres, Saint-Louis, où se dresse la statue équestre de saint Louis, oeuvre d'un sculpteur américain, entre deux une ferme modèle américaine de 20 acres, 2o acres d'expositiond'horticulure et une vaste étendue consaautres statues, l'une de Soto, l'autre de Joliet, les deux crée uniquement à des jardins. Un des parterres se premiers explorateurs du Mississippi. Plus loin, voilà le monument commémoratifde compose de 62000 roses. Il est probable que l'on n'a pas souvent réuni l'achat de la Louisiane, couronné par une statue de la Paix. Puis viennent les lagunes, que sillonnentles gonune collection aussi riche et aussi variée de la flore du monde. Pour quelques-unes des plantes exotiques, on doles, puis le grand bassin qui reçoit les trois grandes
a dû importer de la terre des régions tropicales et régler artificiellement la température dans les serres. Du reste, la ville qui a la charge de l'Exposition permanente de Sban Garden était particulièrement qualifiée
pour présenter au monde une exposition botanique aussi riche. L'anthropologieest aussi un des clous de l'Exposition. Toute une collection de peuples primitifs sont présentés au public dans leur décor et leur milieu naturels, dans ledéshabillédeleur existence quotidienne; les Indiens plantent du maïs, les géants patagons se livrent à la chasse à la bola, sorte de lasso, -avec laquelle ils s'emparent des autruches, et les Igarrotes et Moras des Philippines vivent dans des villages exactement copiés sur leurs lieux d'origine. Pour être fidèle à la devise de l'Exposition qui est d'être an exposition of ~rocessus not of products, on a montré, non plus des mines modèles au repos, mais des mines en fonctionnement. Cet
Une foule de curiosités historiques et autres se trouvent également rassemblées ici, de celles qui attirent les badauds et se gravent dans la mémoire des enfants des écoles les lunettes de Washington, la canne de Franklin, la case où vivait, avant sa gloire, le général Grant, des manuscrits précieux du Vatican, et puis une horloge en fleurs de ioo pieds de diamètre (et qui marque l'heure). Tout le monde sait, d'autre part, que Saint-Louis va être le rendez-vous de toutes
sortes de sociétés athlétiques, scientifiques et littéraires. On donnera les jeux olympiques dans un stade immense qui peut contenir 27 000 personnes. Il y aura 276 Congrès, à quelques-uns desquels assisteront des savants de tous les pays du monde, y compris une trentaine de savants français. Enfin, c'est ici que les grands aéronautes se disputeront un prix de 500 000 francs pour le ballon dirigeable, qui répondra le mieux aux conditions du con-
agent si important
cours.
Deux questions se posent na-
de la richesse in-
turellementdevant
dustrielle de l'Amérique, la mine de houille, la mine d'or et la mine de cuivre, opère sous les yeux du visiteur. Le Gouvernement américain montre une mine de cuivre comme elle était exploitée, il y a deux siècles,
le visiteur
Comment circule-t-on à
l'intérieur de l'Exposition ? Commentvit-onàSaintLouis et où se case-
t-on pendant la du-
rée de son séjour? A
de l'Exposition, il
y a un trolley
électrique c i r c ulaire à deux voies qui, tantôt court
avec les instru-
ments primitifs alors en usage.
A ces expo-
sitions
minières
s'ajoutent
des ex-
l'intérieur
EXPOSITION DE SAINT-LOUIS: PALAIS DE 1!ÉLECTRICITÉ.
sur terre, tantôt sous terre et tantôt au-dessus dela terre. De plus, toutes les variétés de
positions forestièD'après ur:e photographie. des exposivéhicules foncres, tions de poisson, de gibier, de mille et une victuailles! tionnent sur les voies et avenues de l'Exposition, Mais tout cela pâlira, sans doute, quand le Pike depuis la gondole vénitiennejusqu'à la jinrikisha japobattra son plein. Le Pike désignait autrefois les routes naise. où l'on ne pouvait passer qu'en payant un droit de Pour la commodité du lecteur, je vais, en me serpéage. A Saint-Louis, c'est le nom donné à la voie révant d'un journal local, lui faire faire un petit tour de servée à la badauderie publique c'est ¡le pendant de l'Exposition sur le chemin de fer intermural, en saluant ce qu'à Paris on appelait la rue des Nations. On y voit au passage les principales attractions qu'il pourra endes ménageries, un panorama des Alpes tyroliennes, suite, à son gré, visiter en détail. Nous supposons qu'il entre par le tramway de une bataille navale; on peut faire un voyage sur le Transsibérien, voir une scène de la rue à Séville ou à Saint-Louis à la porte du boulevard Lindell. Il est là Ceylan, un village japonais, un village irlandais. On sur la grandiose plaza de Saint-Louis. C'est là aussi qu'il monte en chemin de fer. pourra aller au Pôle nord et se promener en sousmarin. Le général Cronje est là avec des soldats boers, On passe d'abord devant le monument comméqui feront la guerre, pour rire cette fois, avec des moratif de la cession de la Louisiane. Derrière, on apersoldats anglais. Tous les événements tragiques de ces çoit le canal dans lequel se mirent les corniches et les dernières années seront reproduits pour le bénéfice de colonnes des palais de l'Éducation et de l'Électricité, et, derrière le grand bassin, la salle des Fêtes et la coceux qui n'ont pu y assister, tel que le grand déluge de Galveston. lonnade des États de l'Union; puis le train se dirige Dans le même ordre d'idées, bien qu'en dehors vers l'ouest. du Pike, se trouve une reproduction de Jérusalem, On longe le palais des Industries diverses et on laisse un peu au nord le Pike et ses (( attractions vacomme elle était au temps du Christ, avec 23 rues, riées puis toute l'histoire de la vie résumée en trois 300 maisons et une population de 1 200 personnes.
concessions
la création, la catastrophe de Galveston
et l'au-delà. Puis apparaît l'immense palais des Transports avec ses arches puissantes, et l'on est déjà dans la section des pavillons étrangers qu'on entend encore les sourds grondements des machines géantes. On oblique à l'ouest, et on ne fait qu'entrevoir le pavillon du Mexique; le Grand-Trianon, pavillonde la France; l'Orangerie de la Grande-Bretagne, les pavillons du Siam, du Nicaragua et du Brésil, et, dans l'Autriche. un autre groupe, ceux de la Suède et de Derrière ces derniers, se trouvent la Chine et Cuba. L'Italie a une villa pompéienne, la Belgique un Hôtel de Ville. On longe ensuite le bâtiment de l'Administration, la section de l'Anthropologie,la salle des Congrès et le pavillon de la Commission des dames directrices, pour arriver au terrain sur lequel se tiendront les jeux olympiques, et notamment le concours aéronautique. Après avoir passé l'amphithéâtre des jeux olympiques,
le on trouve le groupe de pavillons qui représentent
Gouvernement du mikado. Le train traverse ensuite les parterres qui entourent le pavillon de l'Illinois, pour passer devant la maison de la mission Santa-Barbara, érigée par la Californie. Après une région boisée très pittoresque, on
revoit de nouveau le palais des Beaux-Arts; puis la cabane en bois du général Grant. Enfin, un autre souvenir historique les murs du fort Clatsop, quartiers d'hiver de Lewis et Clark, qui explorèrent la région de l'Orégon en 1865, On laisse un peu sur la gauche le 20 acres d'exposition minière, comprenant (( Gulch » un champ minier, un concasseur de minerai, une mine de charbon, des wagonnets mus par l'électricité et les différentes méthodes employées pour la fonte. Le train gravit une autre ,colline, Juste au-deson sous se trouve le plateau des États, et, bientôt,États passe devant les pavillons élevés par les différents de l'Union. Con-
tournant ensuite
le palais du Gou-
vernement des
l'intramural tourne vers le sudouest et traverse
les terrains
États-Unis, on a une vue d'ensemble des palais de
de
l'extrémité est. Dans le lointain
campement, quii seront le théâtre
apparaît le toit en tuiles du palais des
d'exercices et de manoeuvres p e n-
Mines et de la Mé-
dant l'Exposition. Ce qui attire ensuite les yeux, c'est la vaste carte
tallurgie et les
masses de rochers qui en marquent
les coins. Tout
agricole des ÉtatsUnis, qui couvre 240 acres sur le
versant d'une fertile colline les li-
mites de chaque
État y sont marquées par les pro-
près de la voie, la structure pyra-
midale du palais des Arts libéraux.
1,NE CASCADE LUMINEUSE.
Lorsqu'on la dé-
D'après une photographie.
passe, on se re-
duits qu'on trouve dans cet État, Puis l'intramural contourne le lac Arrowhead, qui limite à l'est et au nord l'emplacement réservé aux Philippines. Le palais de l'Agriculture, qui vient ensuite, vaut d'être signalé, à cause de ses dimensions. Il a une superficie de 23 acres. Ce n'est pas seulement le plus grand des palais de l'Exposition, mais c'est peut-être le plus grand qu'on ait jamais construit. Sur tous ses côtés, sauf celui qui regarde le palais de l'Horticulture, il est entouré d'expositions en plein air. Le train continue sa route, et on aperçoit le palais des Forêts, de la Pêche et de la Chasse, les étangs à poissons et les grandes volières. On tourne pour laisser à gauche des pavillons étrangers le Canada, Ceylan, les jardins de Versailles; à droite, le palais des Machines, qui renferme les puissants générateurs, producteurs de force motrice. Le train gravit une colline dans la direction du sud; on obtient une vue latérale de la colonnade des États, de la salle des Fêtes et du palais des Beaux-Arts, destiné à perpétuer le souvenir de l'Exposition. Plus près sont les murs mystérieux de Jérusalem, avec la mosquée d'Omar et autres monuments de la ville sainte. Couronnant la colline,
trouve à l'entrée
du Lindell Boulevard, d'où on était'parti. Saint-Louis se vante de savoir loger son monde. Il a eu souvent de grandes foules à recevoir. La société locale, qui s'est occupée de la question, a obtenu de la plupart des hôtels qu'ils n'augmentent pas leurs prix. Le prix moyen pour un bon hôtel (il y en a environ 8o d'excellents) sera io francs par jour pour la chambre seule et le service (c'est ce qu'on appelle le plan européen. C'est aussi le prix du Grand-Hôtel installé à l'Exposition même, l'172side Inn, qui a 2257 chambres allant de fr. 5o à 12 fr. 50, y comprenant le prix 7
d'entrée sur les terrains. Il y a deux systèmes différents en usage aux États-Unis les hôtels à l'européenne et les hôtels à l'américaine. Dans le premier cas, il n'y a de prix fixes que pour la chambre, tandis que l'on prend ses repas à la carte à l'hôtel ou ailleurs. Dans les hôtels à l'américaine, les prix comprennent la chambre, la nourriture et le service. Certains hôtels combinent les deux systèmes. (A svivre.)
O. GUERLAC.
Saint-Gothard.
ensuite deux longs tunnels, un autre pont de 256 pieds de haut (85 mètres), puis un autre tunnel, puis deux viaducs aussi hardis que les précédents. Jamais voie ferrée n'eut à franchir autant d'obstacles c'est cette portion de la ligne qui a absorbé la majeure partie des neuf millions et demi qu'a demandéslaconstruction de la ligne tout entière. A Gurtuellen, on est déjà à plus de 800 mètres d'altitude. De là, à Goeschenen, c'est-à-dire en moins de 7 à 8 kilomètres, le voyageur s'élèvede 400 mètres. C'est une course extraordinaire, fantastique, à travers gorges, tunnels en tire-bouchon, où la voie s'élève dans de véritables puits comme la rampe d'un escalier dans une tour ronde, sans qu'on en ait conscience, jusqu'au moment où, le train reparaissant au jour à quelques centaines de mètres au-dessus de l'entrée du tunnel, que vous dominez sans l'avoir dépassée, votre œil étonné voit autour de lui
En outre, la har-
une nature de
La Route du Saint-Gothard. EN général, ces trous de taupe, qu'on appelle des tunnels, ôtent aux voyageurs en chemin de fer la faculté d'apercevoir les beautés naturelles d'un pays. Mais le tunnel du Saint Gothard, en permettant de passer, en moins d'une demi-heure, d'une nature alpestre et d'une austérité toute septentrionale en pleine
splendeur méridionale et italienne, accentue de la manière la plus saisissante le coup de théàtre qui avait déjà rendu fameux, avant la construction du chemin de fer, le col du
haute monta-
diesse vertigineuse, qui est le caractère de toute cette voie
gne, une végétation plus maigre, des sapins plusclairsemés, pluschétifs; dix minutes aupa-
ferrée aux ap-
proches du tunnel, loin de gâter la sauvage poésie des Alpes,
ravant, vous
vous trouviez encore dans un fond de vallée C'est ainsi, entre autres, que vous passez trois fois en vue de la petite église de Wasen mais, chaque fois, à une hau-
y ajoute
encore tout ce
que la science de l'ingénieur a pu créer de plus
fantastique et, en apparence, de plus aventureux. Si l'on part de Lucerne pour l'Italie, il
teur différente d'abordau pied,
vautmieuxfaire
APPROCHES DU TUNNEL DU SAINT-GOTHARD.
la première éta-
D'après une photographie de M.Wel:rli.
pe en
bateau,
bien que le lac de Lucerne soit bordé d'une voie ferrée. Mais, arrivé à l'autre bout du lac, à Fluelen, dans le
canton d'Uri, on entre dans un des confortables wagons de la Compagnie du Gothard, et le train de chemin de fer vous fait remonter rapidement la haute vallée de la Reuss, ou d'Uri. Vous passez devant Altorf, où eut lieu, selon la légende, la fameuse scène de Guillaume Tell tirant sur la tête de son fils et attrapant. la pomme; devant Btirglen et Schattdorf, deux villages qui jouent aussi leur rôle dans la vie du héros de la légende suisse; devant Erstfeld (520 mètres) où va commencer la raide montée qui conduira au tunnel. Déjà à Armsterg on s'est élevé de près de ioo mètres en moins d'une demiheure. On y montre sur une colline les ruines de ce qu'on croit être le Twing Uri, le château du tyran Gessler. Puis, la voie ferrée s'engage dans les gorges de Kesterlen Brouk, où elle franchit un pont de 147 pieds de longueur et de 178 pieds de hauteur (6o mètres). De là, on a une saisissante échappée de vue sur la sauvage vallée de Maderan,latérale à celle de la Reuss. Viennent
puis au niveau du clocher et
enfin bien audessus de la flèche. Cela est tout à fait saisissant. A Goeschenen, un trou noir s'ouvre dans le massif du Saint-Gothard cette fois, c'est la porte de l'Italie, c'est l'entrée du grand tunnel Vous venez d'en franchir, depuis deux heures que vous avez quitté le lac de Lucerne, presque autant qu'il y a de tunnels dans l'Allemagne entière mais ce ne sont que d'humbles portes en comparaison de la formidable trouée qui a, d'un seul coup, percé de part en part la maîtresse chaîne des Alpes, la grande barrière qui semblait posée pour l'éternité entre le nord et le midi de l'Europe. 16 kilomètres de chemin à faire sous terre, sous un formidable massifqui est le noeud des Alpes! Il faudrait que chaque voyageur, passant le Gothard, donnât une pensée à l'homme de volonté,.de science et de foi, qui mourut avant d'avoir pu mener jusqu'au bout sa tâche gigantesque j'ai nommé l'ingénieur suisse Louis Tavre, l'entrepreneur du tunnel qui, frappé d'une attaque d'apoplexie, le 19 juin 1879, avait eu le temps de communiquerà des millions d'ou-
vriers la belle ardeur qui l'animait et qui devait les mener à la victoire. Lorsque les deux tronçons du tunnel, celui qu'on creusait de Goeschenen, et celui qu'on creusait en même temps d'Airdo, du côté suisse-italien, se rejoignirent au cours de la percée, à peine, en deux ou trois coups de pic et de pioche, les mineurs des deux côtés avaient-ils réussi à pratiquer un orifice suffisant pour communiquer entre eux, que, dans une pieuse pensée, ils firent passer de l'un des tronçons du tunnel dans l'autre, le portrait de l'entrepreneur, mort huit jours auparavant. Ce fut le 28 février de l'année i88o.
nouveau, et le système employé a l'inconvénient d'être très long, très périlleux, très coûteux. Le Père Huguenet, des Missions des Pères Blayzcs, donne des détails curieux sur la façon dont on nettoie ou répare les puits des oasis. (( Au niveau du sol, dit-il, le puits peut avoir entre 4 à 6 mètres carrés d'ouverture. Jusqu'à une certaine profondeur, variant entre 2 et 3 mètres, il est coffré, c'est-à-dire que, pour empêcher les éboulements de la première couche, on a superposé, sur les quatre côtés, des troncs de palmierss'entrecroisant aux quatre forme d'un coins, ce qui donne à cc la bouche carré parfait; le puits diminue de dimension jusqu'à la couche rocailleuse, où il n'y a plus guère d'espace que pour y laisser passer le corps d'un homme muni de ses
la
outils.
La Question de l'eau dans les Oasis du Sahara. DURANTles deux années qui viennent de s'écouler, une grande quantité de chameaux ont été réquisitionnés pour les convois de ravitaillement et pour les expéditions militaires, nécessités par les soulèvements des indigènes. Or beaucoup d'entre eux sont morts de soif sur la route du Touat. C'est par 20000, 30000 peut-être, qu'on pourrait les compter, et pourtant c'était au moment le plus propice, en hiver, époque où le chameau ne boit pas, dit-on. Si l'on se rappelle ce qu'eurent à souffrir du manque d'eau les survivants de la colonne Flatters, et que la soif les décima plus encore que les attaques de leurs ennemis et la privation de nourriture; si l'on songe que, plus récemment encore, l'expédition Fou-
reau-Lamy faillit échouer, parce qu'elle ne trouvait pas de puits pour abreuver ses 1300 chameaux; si l'on considère que, tous les ans, nombre de voyageurs risquent, faute d'eau, de laisser leurs cadavres dans les immensités du Sahara, on comprendra l'importance que prend la question des puits dans les oasis. Or elle
est inquiétante pour l'instant. A Ouargla nous comptons cent soixante puits artésiens, les uns creusés par les indigènes, les autres par les Français, depuis l'occupation. La quantité d'eau donnée par chacun d'eux est très variable selon les lieux. Il en est qui rendent jusqu'à 1600 litres par minute. C'est beaucoup, peut-être, pour arroser 2 millions de palmiers; mais, chaque année, on constate une diminution notable de la nappe artésienne et, en quelques points, l'oasis redevient le désert. L'eau diminue incontestablementdans la vallée de l'OuedMia.
Tuggurth, par exemple, on en est à se demander si, dans un avenir peut-être très rapproché, on ne sera pas obligé d'abandonner au sable la partie du Sahara qui lui a été arrachée. Dans l'Oued-Souf, même pénurie d'eau. L'Oued-Rhir, qui a vu jaillir les puits artésiens les plus considérables qu'on ait creusés en ces régions, voit aussi dépérir ses plantations, faute du précieux aliment. Nous ne parlons ici que des puits artésiens de date récente, car nombre de ceux qui existaient déjà sont complètement (( morts », selon l'expression des gens du pays. II faudrait les curer de A
On comprend très bien que les matières étrangères accumulées au fond du puits, soit qu'elles proviennent des éboulementsextérieurs, soit qu'elles aient été amenées par les canaux afférents, sont un obstacle suffisant pour empêcher l'eau de s'échapper. Un engorgement se produit, et il faut procéder au curage. Pour ce travail, l'outillage est des plus rudimentaires une pioche, deux cordes et un seau de toile suffisent. Sur des poutres entrecroisées on en adapte une autre à laquelle se trouve attaché un léger câble, assez long pour atteindre le fond. C'est lui qui doit servir de guide au plongeur, lui encore dont il usera pour descendre et remonter, lui enfin qui est destiné à donner l'alarme, dans le cas où quelque accident viendrait à se produire pendant le travail. L'autre câble, qui descend parallèlement au premier, a pour usage de ramener à la surface le seau rempli par le plongeur. Voici comment procède ce dernier tenant en main la corde, ayant le corps immergé jusqu'aux épaules, il reste ainsi quelque temps suspendu au-dessus de l'abîme qui doit l'engloutir; puis il se laisse couler. On n'aperçoit bientôt plus de sa personne que l'index de la main droite tenu élevé tant que le plongeur n'a pas dépassé le coffrage. Cependant notre homme a complètement disparu. Mais quelques faibles secousses sont imprimées à la corde; on sait par là le moment précis où il est arrivé au fond du puits qu'il doit nettoyer, le moment où il travaille, le moment enfin où il commence à
remonter. Cela dure de trois minutes à trois minutes et demie. Rendu au fond, le plongeur passe entre les deux premiers orteils d'un pied la corde qui tient le seau jusqu'à ce qu'il soit rempli; cela fait, il ressaisit son guidon des deux mains et remonte à la surface, où il trouvera, assis sur la poutre transversale, un de ses compagnons, qui doit le saisir par-dessous les épaules, lui tenir la tête hors de l'eau et lui permettre de respirer. Les ouvriers peuvent faire quatre ou cinq de leurs terribles plongeons en un jour. Chose à peine croyable, ces hommes, sans appareil protecteur, supportent une pression de trois à quatre atmospbères, les puits n'ayant pas moins de 40 à 45 mètres de profon-
deur dans l'oasis d'Ouargla! » Les puisatiersdu désert ont du travail pour long-
temps1
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La « Gorge de la Mort» du Parc de Yellowstone. Ls
parc de Yellowstone, qui renferme tant de merveilles naturelles, possède aussi une gorge de la mort. Elle a été découverte en 1888 par le Dr Weed, un des fonctionnaires du service géologique des datsUnis. M. Weed, raconte la Société d'Études Coloniales, trouva dans cette gorge cinq ours, un cerf, plusieurs petits mammifères et de nombreux insectes en état de décomposition plus ou moins avancée. Aucun de ces animaux ne portait de traces de mort violente. Il était donc probable que leur mort était le résultat de l'action de gaz toxiques. Environ dix ans plus tard, un autre chercheur y trouva les cadavres de huit ours. Mais cela ne donnait pas la clef du mystère. Le Dr Traphagen a, depuis lors, visité différentes fois la gorge, et il vient de communiquer ses observations scientifiques. La première fois, il découvrit, comme ses prédécesseurs, un grand nombre de cadavres dans cet endroit et observa un fort dégagement d'acide hydrosulfurique. Il eut soin.alors de se munir, lors de sa visite suivante, d'appareils pour déterminer ce dégagement. L'odeur était plus forte encore que la première fois. Les pièces d'argent que M. Traphagen avait en poche devinrent même noires. Il constata, près du sol, que l'air contenait plus de ro pour ioo d'acide carbonique et qu'il renfermait des traces accentuées d'acide hydrosulfurique; il vit aussi que ces gaz sortaient de crevasses le long des parois de la gorge. L'air qui provenait de ces ouvertures renfermait plus de 5o pour 100 d'acide carbonique et environ i pour ioo d'acide hydrosulfurique, bien qu'un vent assez fort soufflât à travers la gorge et qu'il y eût de nombreuses averses. Ce sont donc les gaz qui s'échappent de ces crevasses qui amènent la mort des animaux qui s'aventurent dans la gorge, surtout par un temps tranquille, quand le vent ne mêle pas les gaz à l'air extérieur. Le Dr Traphagen trouva les cadavres de deux ours, plusieurs cerfs, trois oiseaux, des mites, des papillons, des mouches et des larves. La présence de larves mortes est particulièrement intéressante, car elle permet de conclure à une interruption dans les effets toxiques des gaz. Il faut qu'après la mort des grands animaux, il se soit produit une épuration de l'air qui ait non seulement permis aux mouches de dé= poser leurs oeufs dans les cadavres, mais ait laissé aux ceufs le temps de donner naissance à des larves, qui, à leur tour furent tuées par les émanations de gaz. L'aspect de la gorge est particulièrement sauvage et impressionnant. Les murailles sont tellement raides qu'il est à peine possible de les escalader. Cette disposition des lieux favorise naturellement l'accumulation des gaz. L'atmosphère de la gorge ne paraît pas agir d'une manière très pernicieuse sur les gens, quoique tous ceux qui l'ont visitée aient présenté des symptômesd'empoisonnement.Nous sommes loin des effets relativement bénins de la grotte du Chien
Kate Brousseau,
docteur de l'Université de Paris, professeur de psychologie à l'école normale de l'Etat à Los Angeles (Californie). L'Education des nègres aux EtatsUnis. vol. in-80. Félix Alcan, éditeur. Prix 7 fr. 5°. LE problème, étudié par Mme Kate Brousseau, est un des plus intéressants et des plus vivants que puisse présenter la science sociale neuf millions d'individus d'une race arriérée, d'une couleur méprisée, portant sur les épaules le fardeau d'un esclavage séculaire, vivent aux Etats-Unis; leur présence menace la paix de la nation. Comment diriger cette race de manière à développer à leur plus haut point toutes ses facultés et à l'adapter en même temps au milieu blanc, afin qu'elle devienne un facteur utile pour la société au lieu d'être une lèpre dans son sein ? L'auteur passe en revue l'histoire du nègre américain avant la guerre civile et son rôle pendant la période de reconstruction; il étudie ensuite les conditions psychologiques,sociales, politiques du nègre, mais seulement dans leurs rapports avec l'éducation de la race, pour essayer de fixer les principes généraux qui doivent diriger les éducateurs. Enfin il examine les diverses formes de l'éducation donnée actuellement ['instruction primaire, industrielle, libérale. Son but est d'amener ses compatriotes à raisonner froidement sur la question, en oubliant les préjugés de race ou les rancunes outrageantes, et, s'il ne peut présenter une conclusion précise, c'est que le problème est tellement grave qu'il constitue presque une impasse. André Siegfried, docteur ès lettres, La Démocratie en Nouvelle-Zélande. vol. in-i8 jésus avec une carte hors texte. Librairie Armand Colin, 5, rue de Mézières, Paris. Prix broché, 4 francs. LA ,Nouvelle-Zélandeest un des pays qui, depuis quelques années, ont le plus piqué la curiosité européenne. Et ce n'est pas seulement pour son côté pittoresque qui est grand, comme nos lecteurs ont pu s'en rendre compte par la lecture des livraisons récentes de M. de Courte, c'est aussi par l'audace des solutions qu'il a données, dans l'isolement lointain du Pacifique, aux difficultés sociales qu'il éprouve, tout comme les pays d'Europe. A la suite d'un long séjour en Nouvelle-Zélande, qui lui a permis de voir sur place les hommes et les choses, M. André Siegfried nQus donne une étude complète de la démocratie néo-zélandaise. Constitution politique, division et psychologie des partis, réformes accomplies depuis quinze ans (en particulier l'arbitrage obligatoire, le vote politique des femmes, les lois agraires), toutes ces questions sont traitées par l'auteur avec grand talent. Les rapports de la colonie et de la métropole forment la conclusion du livre. L'évolution de la Nouvelle-Zélande vers l'union douanière et militaire, son attachement à l'empire sont à l'ordre du jour. C'est ainsi que la vigoureuse campagne, engagée récemment par M. Chamberlain en faveur du protectionnisme et de l'impérialisme,donne à l'in.téressant ouvrage de M. André Siegfried un vrai caractère d'actualité. Nos lecteurs nous sauront gré de leur recommander cette étude forte et consciencieuse.
Albert Bordeaux.
La Bosnie populalre. vol. i n- 18. Librairie Plon-Nourrit et Cie, 8, rue Garancière, Paris.
Prix
3 fr. 50,
M. Albert Bordeaux, qui
a récemment publié avec succès des ouvrages sur la Sibérie et la Californie, la Rhodésie et le Transvaal, vient d'offrir aux amateurs de voyages moins lointains un volume sur la Bosnie, si recherchée depuis quelques années par les touristes. Mais la Bosnie populaire doit intéresser en outre les amateurs de vieilles légendes et de chants populaires, comme aussi ceux qui cherchent, dans les moeurs populaires et les coutumes locales, l'histoire de la famille dans le passé. Un séjour de plusieurs années en Bosnie, et un voyage'récent, ont seuls pu permettre à M. A. Bordeauxde connaître d'aussi près les souvenirs et les traditions d'un pays.
EXTRÊME-ORIENT
La guerre de mines en Extr~me-Orient.
Les torpilles sous-marines ont fait parler d'elles au commencementde la guerre russo-japonaise; c'est maintenant le tour des torpilles terrestres. A Kin-chéou, elles ont failli submerger les colonnes d'attaque japonaises sous une trombe de feu et de pierres. Dans les dernières attaques, les japonais ont eu à subir des pertes sérieuses en s'aventurant sur un terrain miné. Les Russes ont eu tout le temps d'établir sur chacune des positions principales des réseaux de fougasses et de torpilles destinés à jouer au moment décisif. Des galeries de mine ont été poussées en avant des principaux saillants, et c'est sur un véritable volcan que les japonais devront s'avancer. On ne croyait plus à la guerre de mines. Il ya quelques
années encore, tous les deux ans, dans chaque régiment du génie, on faisait un simulacre de guerre de mines; mais on y avait depuis quelque temps à peu près renoncé. Avec les nouvelles théories allemandes des attaques
brusquées, il semblait que la guerre de mines deviendrait tout au plus un incident assez rare dans l'attaque des places fortes. Le siège de Port-Arthur va peut-être obliger les stra-
tégistes à modifier leurs théories, Les Russes paraissent trop partisans des mines terrestres pour qu'ils n'en fassent pas un large usage. Il est très probable d'ailleurs que, sur les points menacés, ils ne se borneront pas à installer une seule ligne de défense souterraine, car, autrement, lesjaponais sacrifieraient une première colonne, qui serait anéantie, mais qui déblaierait le terrain. Pour que ces mines soient efficaces, il faut que les deuxième et troisième colonnes d'assaut trouvent, comme la première, un sol miné. Dans ces conditions, les japonais devront en venir à la guerre réelle de mines, guerre dans laquelle le défenseur doit fatalement succomber, mais qui demandera à l'assaillant, énormément de temps et des efforts considérables, Si donc la garnison ne s'affaiblit pas trop par le feu et les maladies, le siège de Port-Arthur peut être d'une très longue durée. Nos mineurs pourront y trouver une remarquable leçon.
4° Dès qu'ils veulent se rendre indépendants et agir pour leur compte, ils tombent sous les coups de la cavalerie adverse
une colonne composée des trois armes, s'ils sont intercalés dans la colonne même, ils ne rendent aucun service s'ils sont en avant, ils perdent la liaison et tombent dans des embuscades; 60 Si l'on veut utiliser leur mobilité pour la poursuite, dans leur impossibilité de se faire éclairer, ils finissent par tomber dans une embuscade d'infanterie et se font décimer; 7° Pendant les manoeuvres, ils réalisent de superbes exploits, parce qu'il n'y a pas de balles dans les fusils; mwis, en campagne, il en serait tout autrement; ils ne pourraient rester au contact de l'ennemi. A ces reproches courants, l'auteur en ajoute de particuliers « Pour se rendre compte, dit-il, des services que les cyclistes peuvent rendre, il faut se placer au point de vue stratégique, » C'est donc sur un corps d'armée ou une division, comprenantles trois armes, qu'il faut raisonner. Or, en station, l'utilité des détachements cyclistes est difficilement appréciable. En marche, la sûreté d'une colonne est suffisamment assurée. Au combat, il ne parait pas qu'il y ait lieu de créer un organe nouveau. Après avoir montré 'l'inutilité des détachements cyclistes dans la plupart des cas où ils sont, jusqu'à présent, employés, l'auteur propose de les adjoindre à la cavalerie, car il est maintenant à peu près admis que la cavalerie étant l'arme du mouvement par excellence, il est indispensable de lui adjoindre un soutien d'infanterie. Napoléon lui-même, dans ses Mémoires, insiste sur la nécessité, pour la cavalerie, de disposer de fantassins « qui pourraient sa~ivne la cavalerie au trot. » Seul un détachement cycliste pourra remplir ce rôle, Les cyclistes combattants peuvent et doivent être toujours utiles à la cavalerie, quels que soient le terrain et les circonstances. Il faut donc donner à la cavalerie, d'une façon permanente, ces soutiens d'infanterie. Nous sommes arrivés à un moment où va se produire une évolution dans l'utilisation des unités cyclistes. 5° Dans
ANGLETERRE FRANCE
Passage d'une rivi~re.
Une expérience inté-
ressante a été faite, dernièrement par un régiment d'infanterie il s'agissait d'effectuer le passage d'une rivière au moyen des seules ressources dont dispose un régiment. Le bateau construit se composait essentiellementd'une bâche de voiture de compagnie formant le fond et les côtés. Ce fond est consolidé, soit au moyen de trois derrières de fourgon, soit au moyen d'une planche quelconque, une porte par exemple. Les côtés sont constitués par des sacs de distribution, remplis de paille. Le tout est consolidé par un cadre fait au moyen de branches trouvées sur place et attachées par des cordes de voitures. Chaque bateau transporte dix hommes armés et
équipés.
L'expérience a pleinement réussi. La Marne, large de 6o mètres, fut franchie en deux minutes. En une heure, donc une compagnie peut être jetée d'une rive à l'autre, et cela, avec les seules ressources dont dispose le train de combat.
Les cyclistes militaires.
La Revue politique
et parlesTaentaire publie une intéressante étude sur la question des cyclistes militaires, dont l'utilité a été récemment des
plus discutées; l'auteur y examine les principaux reproches que l'on adresse ordinairement aux détachements cyclistes. Ces reproches sont les suivants 1 Les détachements cyclistes ne peuvent opérer par tous les temps et par tous les chemins; 2° Ils éprouvent de grosses difficultés à s'éclairer sur leurs flancs; 3o Ils ont besoin de voitures pour porter leurs vivres, leurs sacs, etc.; ils ne peuvent se suffire à eux-mêmes;
La marine anglaise comparée aux marines
étrangères.
D'une conférence faite par lord Brassey aux membres de la Chambre de Commerce de Londres, il appert que en tant que vaisseaux de ligne de 1 re classe, l'Angleterre est à égalité avec une combinaison de trois puissances. En tenant compte des navires en construction et en supposant que le progrès soit toujours le même, l'Angleterre pourrait, au total, faire face à deux puissances combinant leurs forces, et cela largement. La dépense pour la marine, pour l'année financière courante, sera d'environ 42millions de livres sterling. Dans la période de 1895 à 190), les dépenses navales, en Alle, magne, se sont accrues en nombres ronds de 8 millions de livres sterling et, en Russie, de 5 millions de livres; dans les deux cas, les dépenses sont affectées, principalement, aux constructionsde navires et aux armements.Pour les constructions nouvelles, l'Angleterre a eu, en dix ans, une augmentation qui n'est guère inférieure à 10 millions de livres sterling, ce qui a été à peine suffisant pour maintenir les constructions de manière à faire équilibre à deux puissances combinées. Si, dans les dernières années, il y a eu quelque hésitation à engager de fortes dépenses, il n'en est plus de même aujourd'hui, et l'Angleterre dépasse, en dépenses pour les constructionsnavales, l'Allemagne, la France et la Russie réunies; de plus, l'Angleterre construit à 20 pour ioo meilleur marché, au moins, qu'on ne pourrait le faire en France et en Russie. En ce qui concerne les équipages, l'orateur estime que l'Amirauté devrait faire plus pour l'éducation des jeunes officiers de la réserve navale. Avec 100000 hommes dans les réserves, on pourrait graduellement réduire les forces actives et, par suite, les dépenses.
Le Lac Baïkal et le Transsibérien. ~rince Kbilhof, ministre russe des Voies et Communications, est parti dernièrement pour le district du Baïkal; il va visiter la ligne nouvelle qui, en tournant au sud les eaux du lac. permettra d'éviter le transport des bom»res et des vuarcharzdises par ferry-boat ou traîneau. On annonce pour le courant de septembre l'inauguration de la voie nouvelle. La marche de lci guerre russo japonaise est soumise au rendement du Transsibérien et le Transsibérien n'était pas complet sans la ligne du Baïkal. On comprend ainsi tout l'intérêt qui s'attacbe à cette région. Le
LAA dernière fois que j'ai traversé le lac Baïkal, dont on parle et dont on parlera si souvent au cours de la guerre actuelle, c'était au mois de juillet 1902. Je revenais alors d'un long séjour au pays des lamas, moines de la religion bouddhique, et j'avais vécu auparavant quelq'ues jours encore avec l'enfant-dieu Loundok Loupsane Nima, que j'ai, l'an
dernier,
devait aller jusqu'à la frontière de la Mandchourie.Les voyageurs se pressaient dans le buffet; au milieu de quelques officiers que je connaissais, se trouvait, très mélancolique, un colonel anglais, avec lequel on me laissa causer très librement le colonel connaissait très bien la langue française, puisque le premier mot qu'il me dit fut le suivant
présenté
cc
aux lecteurs du
j'ai
mal
aux cheveux! » Il me conta
Tour du Monde.
J'avais quit-
ensuite toutes ses déceptions. Il était
té, la veille, la ville de Sélenginsk, qui est le chef-lieud'un vaste district et qui ne contient pourtant que quelques maisons en bois,
venu en Asie pour visiter la Sibérie
orientale et la Mandchourie. ((
On me re-
çoit toujours très
groupées autour
bien, trop bien
d'une grande égli-
même, me déclarait-il. Oui, partout il y a des gens
se. Le pays est assez accidenté et
fertile, il n'est pas encore traversé par une voie ferrée, et il faut descendre dans la vallée de la
qui m'attendent et
qui m'accompagnent
les déJeu-
ners, très plantureux, sont suivis
Selenga vers le
d'interminables diners On m'a grisé à Omsk, on m'a
nord, pour atteindre à Verkhné-OuPhotograpkie cornrnuniquée par M. Paul Labbc°. dinsk la ligne du grisé à Irkoutsk, Transsibérien. Verkhné-Oudinsk vue de loin, très piton me grisera partout, et je ne puis constater qu'une toresque, bâtie en amphithéâtre au bord de la large chose chaque jour le vin de champagne est excellent! Selenga, et dominée par une grande prison, est une Mais ce n'était pas la peine de traverser le monde pour ville assez importante une grande foire s'y tient tous ne faire que cette découverte! » les ans, et les échanges qu'on y fait alors, atteignent Je consolai en ria!1t le colonel, que je conduisis parfois un chiffre assez considérable. jusqu'à son wagon, et son train se mit en marche au J'atteignis la gare où stationnait un train, qui moment où arrivait le train même de Mandchourie qui ~E.DE1RS
A TRAVERS LE MONDE.
34"
LIV.
DE FOLRRL'RES LU DA~KAI.
N° 34,
20 Août ~904.
devait nie conduire au lac Baïkal. Le train était un express, et selon l'usage en Sibérie, le chef de train était un ancien officier subalterne il me reconnut et
courut à
moi
Comment vous voilà! Quelle;oie de voyager de nouveau avec vous. Vous ne vous ennuierez pas, car mon train emporte une belle et joyeuse compagnie! » Il m'entraîna alors vers un voyageur, et employant la langu française qu'il connaissait à peine, il nous toucha tour à tour la poitrine' du doigt en dicc
sant
u Français, Français. Compatriote, compatriote'. »
Mon compatriote me serra la main et entra dans
le buffet. ,(
Quel est ce voyageur, demandai-je au chef
chef de train?
Le vice-roi Le vice-roi? Quel vice-roi? Le viceroi français! »
Je pensai que
je rêvais
depuis quelques semaines, je n'avais lu aucun journal, un roi en France me semblait chose assez peu probable, mais un viceroi par dessus le marché, cela devenait tout à fait ex-
traordinaire. Quels événements avaient donc pu se passer en mon absence? J'aperçus alors l'explorateur bien connu, Eudes Bo-
nin, qui était deve-
couvraient le Ba'ikal; pourtant un instant les rayons du soleil déchirèrent les brumes, et nous pûmes apercevoir, pendant l'éclaircie. très loin, au-dessus de la rive opposée, des cimes imprécises de montagnes. Le lac Baïkal est un des plus beaux du monde.
Les immenses possessions russes renferment un bien grand nombre de lacs, dont les plus importants
sont le Baïkal et le Balkhach. Les autres lacs du steppe sont le plus souvent salés, ressemblent à de petites mers, et sur leurs vagues, qui constamment déferlent, nagent des canards et des oiseaux de mer. Le lac Balkhach, avec ses rives couvertes de roseaux, est très important, mais bien qu'il soit plus grand qu'aucun lac d'Europe, il n'a pas la majesté du lac Baïkal. Les Mongols et les paysans russes ont toujours donné au Baïkal le nom de mer, et ils avaient de bonnes raisons pour le faire. Sensiblement inférieur au lac Victoria-Nyanza, à la mer d'Oural, et aux lacs américains Huron et Michigan, le lac Baïkal
pourtant une superficie de 34 180 kilomètres a
carrés, c'est-à-dire qu'il est soixante fois plus grand que le lac de Genève. La surface du lac est à 470 mètres audessus du niveaude la mer; quant à sa profondeur, elle est
encore mal étudiée,
et chaque année nous fait connaître de nouveaux chiffres. La Russie a, en
effet, forméunemission, dont le but est de faire dans le
nu secrétaire de la légation de France lac des sondages; LE V11.1.:1f.h: 1)F: LIS'l'vHl1'ICH-:Yd~l.l SUR LA RIvP: D1' RA·16A1 à Pékin, et je devile capitaine DriJennai tout. J'avais été Pimtograpkie eornmuuignele par M. f'aul Labbu ko, qui depuis quelprésenté à M. Beau, que années est le nouveau gouverneur d'Inclo-Clii-ie, qui venait de chargé de cet important travail, y a trouvé déjà des quitter son poste pour se rendre à Paris, avant de gaprofondeurs de 2 000 mètres. La mission du capitaine Drijenko n'est pas la gner Saïgon. Nous traversâmes sur un très beau pont la Sala seule qu'ait organisée le Gouvernement russe le lenga, et dans un paysage pittoresque, nous arrivâmes, ministre de l'Instruction publique et la Société impériale de Géographie ont chargé le professeur Korotnef, au bord du lac Baïkal et, après l'avoir longtempscôtoyé, à la station de Myssowâia où, selon l'usage, quelques bien connu par ses travaux aux laboratoires russes de Kiev et de Villefranche, de faire connaître la faune et voyageurs furent très habilement soulagés de leurs pala flore du lac, si riches en espèces inconnues les quets par des porteurs peu scrupuleux; je ne connais crustacés y abondent, et j'ai eu moi-même la bonne pas d'endroits où les escamoteurs soient plus nombreux. fortune de rapporter au Muséum d'histoire naturelle Le bateau était bondé; nous traversâmes le lac de Paris un certain nombre d'espèces nouvelles, et pendant la nuit, une nuitépaisse et sans étoiles; le vent quelques phoques spéciaux au lac Baïkal. soufRait, la tempête retarda longtemps notre marche (( Ce n'est pas tout, m'affirmait un Mongol, il et le hateau roulait comme sur la mer. Au petit jour, n'y a pas que des poissons dans le lac, il y a des esprits, tous plus méchants les uns que les autres. Le nous aperçûmes des feux et des signaux. Le vent se calma peu à peu, mais un froid assez vif était venu, et maitre des eaux, Oulane-Khat les gouverne, et quand à huit heures du matin, en plein été, la neige tombait. c'est lui qui se fâche, ce n'est pas drôle pour les pèA nos pieds, large, rapide et profonde, l'Angara toute cheurs il jongle avec les bateaux comme un sorcier bleue sortait majestueusementdu lac; des brouillards avec des coquilles. »
il
Imbécile de sauvage,
me dit alors un soldat,
croit aux esprits! Quel idiot, n'est-ce pas »
Et avec conviction le soldat ajoutait (( Ce n'est pas un esprit, c'est un diable qui est caché au fond du lac. Qui te l'a dit? Les vieux l'ont vu o Habité ou non par un diable, le lac Baïkal est superbe. Lorsque le temps est beau, il a la couleur du saphir, et sa surface immense s'étend sans une ride. La rive occidentale est couverte de forêts de sapins sombres que les bouleaux égaient de leur feuillage argenté, et parmi lesquels des sorbiers nous jettent çà et là des tons éclatants. Les maisons des villages, qui s'alignent sur la rive, sont laides, vues de près de loin, elles semblent charmantes et complètent agréablement le paysage. Une brèche énorme qu'un géant, d'après la légende, a taillée dans la montagne sert de lit à l'Angara, qui coule lar-
jour; il transporte à chaque voyage vingt-sept wagons, ce qui donne la moyenne quotidienne de quarante wagons des tempêtes et des brouillards impénétrables occasionnent en outre beaucoup de retard, et sur les deux rives, les marchandises s'entassent et s'abiment parfois en attendant leur tour, Le bateau qui sert en été est ce fameux briseglaces. dont on avait tant parlé, et qui, malgré nombre de services rendus, a déçu les ingénieurs, Il était fait avant tout pour l'hiver, et l'hiver est la seule saison pendant laquelle il ne peut pas fonctionner son éperon, quoique très puissant, a été insuffisant pour briser une couche de glaces ayant parfois 5 mètres d'épaisseur; le brise-glaces du Baïkal casse cependant facilement une couche de glace ayant plus d'un mètre d'épaisseur. On est donc obligé, en hiver, de décharger les wagons et de transporter les marchandises en traîneaux; de là des retards énormes, et c'est là pourquoi les Russes
ge et rapide, entre des bords merveilleusement abrupts et qui va porter les eaux du Baïkal au gigantesque fleuve appelé l'lénisséi. De cette brèche on n'aperçoitguère l'autre rive; pourtant dans le ciel au lointain, on voit étinceler les cimes blanches des montagnes, estompées de vapeurs violettes qui les enve-
voie provisoire,
pour faciliter l'envoi des troupes, des munitions et des provisions. Bien des gens en Russie ont été effrayés par les dépenses que nécessi-
tera l'établissement d'une voie ferrée autour du Baïkal, et ils avaient proposé de renoncer à
loppentpresque en-
ce projet et de construire de nouveaux bateaux ils ne sup-
tièrement. On
traverse
l'hiver le lac en traîneau, et l'été en ba-
teau. Le transport
essayèrenttoutdernièrement d'établir sur le lac Baïkal une
primeraientpastou-
LE VIf.L.IGE DE GOLDANSTNAIA, SUR LA RIVE DU BAÏKAL.
tes les difficultés
les trains en effet, marcheront nuit et f'hotographie commur:iquée par b~. Paul Labbé. jour et en toute Mandchourie, subit de longs retards aux bords du en saison, tandis qu'au contraire la circulation sur le lac Baïkal, et pour y remédier on a décidé, il a quelques y sera toujours interrompue, deux fois par an, au moment années déjà, la création d'une voie ferrée autour du de la prise et de la débâcle des glaces. L'arrêt de ces lac dans sa partie méridionale. Cette ligne sera termicirculations a été pour les voyageurs de dix-huit jours née au cours de l'année 1904, si l'on pendant l'année 1900- 1 90 l, de vingt-neuf au prinen croit les ingénieurs. temps 1901, de quatre seulement pendant l'hiver de En attendant, les troupes de renfort devront faire 1901-1902 et de huit au printemps suivant; pour les à pied 90 kilomètres; le matériel, les bagages et les marchandises, l'arrêt dans les transports est toujours marchandises seront transportés par bateau. Que ce soit plus long. en bateau ou en traineau, les transports s'effectuent touOn voit quelles difficultés ont pu entraver, cette jours difficilement. L'intérieur du grand bateau, qui les année, l'envoi des troupes et le ravitaillementen Mandassure, ressemble à une gare de chemin de fer; à l'exchourie. Au mois de mars, alors que les glaces étaient trémité de la ligne, sur la rive même du lac, un pont encore solides, le prince Khilkof, ministre des Voies s'abaisse qui réunit la voie du Transsibérien à la cale et Communications, eut une idée très heureuse on du bateau; le pont à l'intérieur de ce dernier est muni construisit sur la glace même du lac, une voie ferrée de rails, et des hommes poussent un par provisoire, et les wagons furent d'une rive à l'autre un les wagons sur le bateau, qui doit les transporter jusqu'à la traînés par des chevaux. Un essai de passage de locorive opposée. Il n'y a donc pas, en été, de déchargemotive ne fut pas heureux, et pourtant des spécialistes ments sur les bords du lac, mais il y a toujours un affirmaient qu'une locomotive pouvait sans danger faire grand encombrementde wagons et de marchandises. le trajet. L'expérience tentée avec succès par le prince Le bateau ne fait en effet qu'une traversée et demie Khilkof n'était pas nouvelle, car elle avait déjà réussi par
des marchandises, envoyées d'Europe
en Russie même on n'a' pas encore construit de pont sur la Volga à Saratov le fleuve, dans cette ville, a 5 kilomètres de large. La gare de Saratov-Moscou est sur la rive droite, celle de Saratov-Ouralsk, sur la rive gauche; en été, on va d'une gare à l'autre en bateau, en hiver, on établit, chaque année, sur la glace qui couvre le fleuve, une voie ferrée provisoire. La ligne qui contournera le lac Baïkal comprend une série d'ouvrages d'art de tout premier ordre. Les ingénieurs n'ont pas pu, selon leur coutume, tourner les obstacles et éviter les tunnels; ils ont eu à vaincre toutes les difficultés que peut apporter la nature dans un pays très montagneux; il leur a fallu jeter des ponts hardis de rochers en rochers au-dessus des torrents et des précipices, et percer un grand nombre de tunnels. La ligne sera aussi solide qu'elle pouvait l'être, mais
les accidents seront toujours à craindre à l'époque des avalanches et de la chute des neiges. La dépense totale de la ligne est estimée à 5362574'5 roubles, soit par verste 219777 roubles, c'est-à-dire près de 600000 francs. On sait qu'une verste équivaut à 1067 mètres. La somme totale qu'auront dépensée les Russes à la construction de leur ligne d'Asie sera, frais corollaires compris, d'un milliard de roubles 2 milliards 700 millions de francs. Le lac Baïkal est donc, cette année, un grand obstacle, pour la Russie, qui retarde les opérations militaires. On a dit que malgré tout elle pouvait envoyer deux mille hommes par jour; c'est là une chose que quelqu'un qui a étudié le pays ne pourra jamais croire. Il est probable que les Russes ne transportent pas plus de vingt mille hommes par mois. On comprend donc maintenant le rôle prépondérant que le lac Baïkal jouera dans les questions du ravitaillement des troupes de Mandchourie. Il est dilficile, d'ailleurs, de savoir comment s'effectuera le ravitaillement car, ainsi que certains spécialistes l'affirment, il n'est guère possible que les pro iuits de la Mandchourie suffisent à l'entretien des troupes. La partie méridionale du pays comprend, il est vrai, de vastes steppes fertiles et des exploitations agricoles très importantes, tandis que la partie septentrionale est la région de l'élevage. L'an dernier, les récoltes dans le sud ont été excellentes, et dans le nord les bêtes n'ont pas eu a souffrir des épizooties si fréquentes en Chine. Les dépôts de fourrages et de provisions sont concentrés sur les derrières de l'armée avec le gros de l'intendance or les voies de communication sont maintenant, à l'époque des pluies, dans un état pitoyable, l'approvisionnement de l'armée n'en est que plus difficile, et l'avant-garde est le plus souvent forcée de trouver pâture comme elle peut. On sait ce que sont des soldats affamés ils font main basse sur tout ce qu'ils trouvent; ils mangent des choses malsaines qui les rendent malades, et quand ils traversent des régions productives, ils goûtent et gaspillent les provisions sans songer aux camarades qui viennent derrière eux. On a souvent accusé, non sans raison, les Français de ne pas savoir la géograp:.ie, et c'est d'ailleurs un reproche qu'on pourrait adresser à beaucoup d'autres peuples. Tous savaient pourtant ce qu'était le lac Baïkal qui n'a pas lu ou vu jamais, en effet, Micbel Strogoff, et ses aventures au pays sibérien? Jules
intéressants romans de vulgarisation scientifique, servi la cause de la géographie; les erreurs dans ses livres ne sont pas si nombreuses qu'on veut bien le dire, et il pourrait même passer pour un prophète, Il y a, en effet, dans Michel Strogoff, une traversée très mouvementée sur l'Angara, où l'auteur décrit l'incendie des sources de pétrole. (( Il n'y a pas de naphte dans la région! » ont aussitôt déclaré les voyageurs ce sont les voyageurs qui ont eu tort, et Jules Verne a eu raison puisqu'on vient de découvrir du Verne a, par ses
naphte sur les bords mêmes du lac Baïkal. Je connaissais le lac Baïkal pour une autre raison, me disait récemment une Parisienne, c'est le centre du pays desfourrures! La région du Baïkal est, en effet, très giboyeuse; on y trouve des zibelines, des loutres, des renards, des hermines, des écureuils. Ces derniers ont été poursuivis plus que jamais depuis que les pelisses en petits gris sont devenues à la mode, et, tous les ans, on en voit plusieurs millions à la foire d'Irbit, qui se tientau mois de février, à laquelle se rendent tous les gros marchands de France, d'Europe et d'Asie, et où ils ont, chaque année, pour plus de cent millions de francs de marchanchandises. Les sauvages qui chassent dans les forêts, le long du Baïkal et de la Léna, savent aujourd'hui le prix de leurs fourrures, et ils ne consentent plus, comme autrefois, à échanger des peaux de renards bleus ou de zibelines contre des grands sabres, des lames et de la verroterie. Les fourrures de Sibérie coûtent d'ailleurs quelquefois moins cher à Paris qu'à Irkoutsk; ce fut le cas de cette année. Les marchands d'Europe avaient fait, pendant les années précédentes, des provisions qui leur permirent de ne pas hausser leurs prix en Sibérie, où la chasse avait été moins productive que les années précédentes, on vendit les peaux de loutre et de zibeline à un prix très élevé. Quand un sauvage propose une belle peau de zibeline, il demande souvent 100 roubles; s'il en a deux pareilles (on sait que les couleurs sont très variées et qu'il est difficile d'apparier les fourrures), il demande 300 roubles pour trois peaux semblables, ses exigences croissent encore. C'est d'ailleurs la logique même, logique que je vis un jour appliquer de façon bien amusante. (( Vends-moi donc un chien du Kamchatka, demandai-je un jour à un sauvage. Cela te coûtera un rouble, me répondit le sauvage. Mais j'en veux deux, un mâle et une femelle.
Ce sera trois roubles. »
Je me récriai alors, et j'expliquai au sauvage que quand on achetait chez nous deux objets semblables, on pouvait espérer une diminution une augmentation de prix n'était pas possible, l'indigène s'étonna de la logique française. (( Un rouble pour le mâle, me dit-il, un pour la femelle, et un troisième pour les petits qu'ils auront plus tard » La logique imprévue de ce sauvage était peut-être la meilleure PAUL LABBÉ.
Autour du Simplon. p LUSIEURSjournaux ont annoncé, dès le mois de mai
dernier, que le tunnel du Simplon était percé. C'est une erreur il restait, à fin mai, exactement 817 mètres à perforer. A la moyenne d'avancement de i imi6 par jour, on peut espérer 1
sauf nouveaux accidents
chberg, d'autres encore.jusqu'à parfaite solution du problème de l'aviation, qui n'enlèvera du reste jamais aux chemins de fer le transport des marchandises lourdes. Toutes ces voies maîtresses dominent les relations du Nord avec le Sud et avec l'Orient elles jouent un rôle considérable dans les intérêts économiques des peuples, et c'est pourquoi nous voyons successivement la France d'une part, et l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche d'autre part, se disputer si àprement, tour
que
les équipes nord et sud se rencontreront dans le mois d'août ou de
septembre. Le
moment nous paraît donc
propice pour examiner rapidement l'état des grandes voies alpestres d'hier, d'aujourd'hui, de demain. La grande route postale du Simplon fut construite, on le sait, sous Napoléon fer, de i8oo à 1805. et porte, en Italie, le nom de voie napoléonienne. Ses deux points terminus sont Domo d'Ossola en Italie et Brigue en Suisse. Longue de 63 kilomètres, large de 8ffi40, avec des pentes qui vont jusqu'à 7 pour 100, cette voie magistrale est réputée à bon droit comme la plus belle des routes alpestres, nullement inférieure aux anciennes voies romaines. Elle comporte 611 ponts et 8 tunnels dont un seul, celui de Gondo, a 23o mètres de long (il n'a pas fallu moins de dix-huit mois pour le construire); en outre, 2o refuges ont été établis pour recevoir les voitures et les voyageurs en cas d'avalanche ou de tourmente; plusieurs de ces refuges ont, d'ailleurs, été détruits par la tempête. La voie du Simplon coûta 18000000 de francs; 30000 ouvriers y travaillèrent pendant six ans. Le col, près l'hospice, est situé à 2005 mètres. L'hospice! Demain, il sera devenu inutile, après avoir hébergé, pendant cent ans, plus de 13000 hôtes par an. Et la route elle-même, ce travail gigantesque, ne sera plus
fréquentée que par quelques rares
touristes épris d'originalité!
Les grandes routes alpestres
ont fait leur temps; les tunnels monstres relient désormais les deux versants des Alpes; les entrailles
du massif montagneux sont percées de part en part Col du Brenner, mont Cenis, Arlberg, Saint Gothard, Simplon, sont les réalités d'hier et d'aujour d'hui demain, ce sera le tour du mont Blanc, du Lots.
LES GRANDES PERCÉES DES ALPES.
tour, la suprématie des transports internationaux. Avec le Brenner, on voit tout à coup le grand courant du Nord descendre vers l'Adriatique par l'Allemagne (de l'ouest et du nord au sud-est) et le Tirol; à
puis, peu après l'ouverture du mont Cenis en 187 1, ce courant reprendre la ligne française, pour se diviser en 1882, avec le Gothard, en deux grandes sections qui, depuis lors, ont pu, grâce à une lutte constante, après des alternatives de hauts et de bas, maintenir à peu près l'équilibre des trafics. Quelles serontles conséquences économiques de l'ouverture de la ligne internationale du Simplon ? Au point de vue français, celui qui nous intéresse le plus, il est dans l'ordre naturel des choses que cette ligne ait des conséquences heureuses, de par sa situation et l'orientation de ses sources et de ses débouchés, Mais en matière de trafic, il est difficile de prévoir avec exactitude, le jeu des tarifs pouvant, au gré des compagnies intéressées, produire des déplacements d'itinéraires qui souvent font pencher la balance du côté des voies concurrentes. Rappelons, au demeurant, que le Simplon pourrait, à juste titre, être appelé une ligne française, car le premier projet (i 85o environ) de percement de cette montagne est bien antérieur à ceux du mont Cenis ou du Saint-Gothard; il fut longtemps préconisé par les financiers, hommes d'État 1 et publicistes français assurément, il n'y avait pas unanimité de vues à cet égard, puisque d'autres, le sénateur Chardon en tête, soutinrent une lutte désespérée pour lui faire préférer le projet du mont Blanc, exclusivement français celui-là, le plus rationnel d'ailleurs, puisqu'il prévoyait le projet le plus court et le plus économique. Son tour viendra forcément, C'est grâce à une subvention de 15000000 de francs de la Suisse et de 4000000 de francs de quelques villes et provinces d'Italie, que le projet de l'ingénieur Brand put être réalisé; les concours des financiers firent le reste. Le coût du tunnel sera de 59 millions en chiffres ronds, et de 15 millions en plus si la galerie d'aération est complétée pour être rendue apte au trafic; les travaux auront duré presque six ans le cahier des charges prévoyait soixante-six mois avec une prime de 500o francs par jour d'avance, ou une amende de 5000 francs par jour de retard. On sait que ces clauses ont été rendues caduques par la force des éléments, de nombreuses chutesd'eau à l'intérieur du tunnel ayant retardé les travaux pendant de longs mois. La pente du tunnel, du côté nord, sera de 2 par mille, et de 7 par mille du côté sud, les niveaux des deux orifices étant différents, soit 687 mètres à Brigue et 634 mètres à Isella. Une oeuvre aussi colossale ne va pas sans faire de nombreuses victimes. Le premier ingénieur, M. Meyer, qui avait préconisé un tunnel de faîte2, mourut asphyxié; M. Brand, l'auteur du projet actuel, mourut d'une congestion provoquée par la différence de tempérrature, un jour qu'il sortait de la galerie. Et pourtant, de minutieusesprécautionsavaient été prises pour assurer la complete aération et éviter les accidents de personnes un tunnel parallèle était percé simultanément, à 17 mètres de distance du premier, auquel il était relié par des galeries latérales perforées députés français demandèrent à l'Assemblée nationale une subvention de 48 millions pour le Simplon. Elle fut refusée. 2. Le tunnel de base, en cours d'exécution, fut proposé par M. l'ingénieur Canovatti, Italien, et élève de l'E. C. P. J. En 1873, t83
de 200 en 200 mètres; ce tunnel parallèle, en même temps qu'il établissaitla circulation de l'air, permettait la rapide évacuation des matériaux d'excavation; de
plus, il pourra servir ultérieurement de voie complémentaire du trafic. Des ventilateurs de 2m05 de diamètre ramènent la température à un degré supportable. En quittant les galeries de travail, les 4000 ouvriers de l'entreprise passent d'abord par une galerie dite de transition, et ont enfin à leur disposition un service de douches pour les prémunir contre des congestions. Des cantines modèles leur offrent une existence des plus confortables. La longueur totale du tunnel sera de 19731 1 mètres en ligne droite. Rappelons à ce propos la longueur des principaux grands tunnels Mont Cenis
i3
Arlberg
14944 o z5o
Saint-Gothard
05o mètres
L'ouvrage d'art le plus curieux de la ligne sera cependant la galerie hélicoïde au-dessus de Varzo, ainsi construite parce qu'il s'agit de gravir, en quelques kilomètres, une différence de niveau de 45° à 600 mètres.
On dit qu'une gare souterraine serait aménagée à mi-chemin du tunnel; s'il en est ainsi, cette gare unique ne servirait évidemmentqu'à des besoins techniques d'exploitation. Elle n'en constitue pas moins un
motif de vive curiosité pour tous ceux qu'intéressent
les questions de chemins de fer. Selon toutes probabilités, l'ouverture officielle de la ligne du Simplon aura lieu en 1905, juîte cent ans après l'inauguration de la route postière qu'on mettait douze heures à parcourir laps de temps qui suffira presque désormais à se rendre de Paris à Milan JOSEPH ORSAT.
Saint-Louis et l'Exposition commémorative de l'achat de la Louisiane'. L'Exposition de la France a été, presque tout entière, terminée pour le jour de l'Exposition, sauf la salle Dubufe et la salle de la Chambre du Commerce. C'est le 16 mai que M. Jusserand, ambassadeurde France, est allé l'inaugurer officiellement. J'ai déjà signalé au passage le palais de la France. Il est placé à l'extrémité de l'avenue principale de l'Exposition, dans la partie ouest, près des confins de la La Section française.
foire.
compose de trois corps de bâtiments rectangulaires, qui bordent la grande cour d'honneur. De grands pilastres en marbre blanc et rose encadrent les hautes baies vitrées en arcades décoratives. Un perron II se
i. Voir ATraversleMonde, n° 3
n° 33~ p. 257,
P. 245; n° )2, p.
249
j
et des seuils en porphyrolite (imitation de marbre), produisent cette impression de luxe discret qui caractérise les productions du siècle de Louis XIV. Un grand jardin à la française borde l'allée centrale qui conduit au palais. Des vases, des statues sur des piédestauxdécoratifs ornent les pelouses, aux bordures garnies de fleurs. L'intérieur du palais a été disposé de telle façon que le public puisse le visiter d'une façon régulière et complète, sans avoir besoin de passer deux fois dans la même salle. Le bâtiment du fond de la cour d'honneur est occupé par la grande galerie d'honneur. Cette salle a une dimension de 38 mètres de longueur sur 9 mètres de largeur; elle est éclairée par 7 grandes fenêtres et a une hauteur de 7 mètres sous plafond. L'aile droite est occupée par la manufacture nationale de Sèvres, qui a envoyé quelques-uns de ses produits les plus rares, faits exprès pour la circonstance. Les encoignures sont ornées de quatre grands vases de Bieuville et de Fournier, et le pourtour de biscuits l'~toile du Berger », de Roussel (( Vers l'Amour », d'Escoula; (( Héro et Léandre », de Gasq; (( l'Aurore », de Saint-Marceaux; (( Lafayette », de Houdon. On y voit aussi le buste de M. Loubet, par Puech. La ville de Paris occupe trois salons, où l'on peut voir, entre autres, des travaux exécutés par les élèves des écoles professionnelles de Paris, à côté de beaucoup d'autres documentscaractéristiques de la vie administrative de la capitale française. Dans l'aile gauche, se trouvent les salons de l'Union centrale des Arts décoratifs, installés et organisés sous la direction de M. Georges Berger. Ensuite, l'on trouve les salons dits des artistesdécorateurs, entièrement décorés et installés par les soins de M. Dubufe et de la Société des Artistesdécorateurs. Enfin, à l'entrée de l'aile gauche du palais, se trouve le salon de la Chambre de Commerce de Paris, qui a contribué aux dépenses de la construction du palais national, et qui a accepté d'installer une salle digne des représentants du commerce parisien. Quant aux produits de l'industrie française, ils sont répartis entre les quinze départements et les cent quarante-quatre groupes qui composent l'Exposition de Saint-Louis. Il y a environ huit mille exposants de notre pays. C'est surtout dans le département des Beaux-Arts que la France a fait un effort éclatant pour affirmer sa supériorité. L'Exposition de Saint-Louis est la première manifestation internationale depuis l'Exposition de Paris de 1900. Les membres du jury d'admission ont choisi les envois avec 1 évidente volonté d'attester uniquement la vitalité de l'École française. Sur 1 700 oeuvres examinées, 500 environ ont été admises. C'est que la Commission française ~ne dispose dans le palais des Beaux-Arts que d'une superficie murale de 6w mètres, dont à peine 500 mètres pour la section de peinture. Il fallait, avant tout. assurer une représentation complète de l'École française. Parmi les oeuvres exposées, il faut citer des tableaux de Léon Bonnat, de Jean Béraud, de Bouguereau, de Carolus Duran, de Carrier-Belleuse, de Théobald
Chartran, de Georges Clairin, d'Édouard Detaille, de G. Dubufe, de François Flameng, de Gervex, d'Henner, de F. Régamey, de Tony Robert-Fleury, de Tattegrain, etc., etc. Quant aux sculpteurs qui représentent l'art français, ce sont Rodin, Frémiet, Guillaume, Barrias, Mercié, Bartholomé, Injalbert, Desbois, Gardet, Michel, Mathurin-Moreau, Roty, Lemaire, Baffier, Dampt, Rivière, Ségoffin, Puech et, parmi les morts tout récents, Dalou et Falguière, Il y a aussi une admirable collection de médailles. Tous les maitres de la gravure française sont également représentés. On ressent, à la vue de ces chefs d'oeuvre de notre pays, ce petit frémissement que ressent même le plus fruste des êtres devant ce que les Anglais appellent a tbing of benuty. Et c'est ce frémissement-là qui sera la part du génie français dans cette joute internationale. Qui oserait dire que cette part n'est pas la plus belle ? OTHON GUERLAC.
Ferdinand Duchêne,
Frazzce nouvelle.
vol. Calmann-
Lévy. Prix 3 fr, 50. Sous forme de roman, M. Ferdinand Duchêne évoque des coins intéressants de l'Algérie Ce sont des tableaux de moeurs qui font connaître la vie d'un pays, qui pourrait dela plus belle moitié de venir, un peu calmé et plus uni, la France, et qui d'ailleurs mérite, tel qu'il est, de retenir et de captmer l'intérêt.
Jules Leclercq. polaire.
Une croisière au Spitsber,tr-sur un yacht
vol. in-i6 avec une carte et 34 gravures. Librairie
Plon-Nourrit et (ie, 8, rue Garancière, Paris. Pnx 4 francs. DEPUIS que, en 1897, le téméraire Andrée choisit le Spitsberg comme point de départ de sa fatale expédition vers le pôle, le lieu où il s'éleva en ballon a attiré nombre de curieux, et le Spitsberg est devenu ainsi la terre classique des excursions estivales. C'est une de ces croisières polaires, jusqu'à la banquise, que raconte M. Jules Leclercq. Ce livre a, entre autres buts, celui de faire connaître que le Spitsberg, o le seuil de la grande cathédrale de glace de la nature », comme dit Nansen, ne se trouve plus qu'à dix jours de Paris. De cette contrée arctique, l'auteur a rapporté d'inoubliables visions traduites dans son journal de route, et il ne néglige pas de nous taire connaître l'histoire du Spitsberg, car cette terre inhabitée a son histoire, et des plus curieuses. Ce livre a sa place marquée dans la bibliothèque de tous ceux qu'intéressent les voyages. II est agréablement écrit, d'un style clair et limpide. Collège de France, membre de Moscou. 1 vol. petit in-4°, illustré de 86 gral'Institut. 5°; relié, 4 fr. 50. (Envol franco contre vures. Broché, mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tùurnon,) Moscou est certainement une des villes les plus curieuses de l'Europe. Une description illustrée de cette célèbre capitale, sera la bienvenue du public français qui s'intéresse tant à la Russie. Chargé de missions du Gouvernement, l'auteur a visité Moscou à diverses reprises; il la décrit avec une compétence incontestable, avec un enthousiasme communicatif. Les impressions de voyage, les souvenirs personnels ajoutent un piquant attrait à ce volume, le premier ouvrage qui ait été consacré à la description et à l'histoire de la glo-
Louis Leger, professeur au
fr.
rieuse cité. Les chapitres sur l'art russe constituent une véritable histoire de cet art peu connu.
Comment on peut déterminer la Méridienne au moyen d'une Montre. par la plume autoDelpech, risé de M. nous enseigne un de ces petits trucs scientifiques qui amusent toujours en instruisant: double profit si désiré! Avec une simple montre on peut trancher du savant. Il s'agit, dans l'espèce, de déterminer la méridienne sans recourir à des instruments de laboratoire. On appelle méridiennne l'intersection du plan qui passe par le lieu d'observation et le pôle nord avec le sol ou le plan horizontal. La méridienne d'un lieu est donc l'intersection du méridien de ce lieu avec
LA
Revue scientifique,
en face du soleil, ce que l'on obtient lorsque l'ombre de cette aiguille se trouve
exactementau-dessousd'elle,laligne midiminuit indique la direction de la méridienne. Mais, comme la petite aiguille va deux fois plus vite que le mouvement apparent du soleil, il en résulte que ce n'est pas la ligne midi-6 heures qui indique la méridienne, mais bien la bissectrice de l'angle formé par la ligne midi-6
heures et la petite aiguille. A 4 heures, comme à n'importe quelle heure, la petite aiguille est deux fois plus éloignée de la ligne midi-6 heul'horizon. res que le soleil du plan méridien, Pour avoir donc la direction de la méridienne, il faut prendre la moitié de l'heure indiDÉTERMINATION DE LA MÉRIDIENNE quée. A 4 heures, ce sera la ligne 2 heuAU MOYEN D'UN BATON res-8 heures qui nous donnera la direction de la méridienne. Le soleil traverse ce plan au moLes divisions de la montre permetment où il est le plus élevé dans sa course, c'est-à-dire à midi. Une ou plusieurs heu- tront toujours de déterminer la bissectrice. Chaque heure est séparée de la préres avant son passage au méridien, le so- cédente ou de la suivante par 5 divisions leil est à une distance du méridien égale minutes; on peut compter l'angle à celle à laquelle il se trouvera une ou ou 5 formé par la ligne midi-six heures et la plusieurs heures après son passage au dit méridien, Il suffit donc, pour trouver la petite aiguille en minutes, et prendre méridienne, de tracer l'ombre d'un pôteau alors la moitié. Si l'on fait l'observation à planté en terre, dans une position exac- 6 heures du soir, la petite aiguille est à la la bissectrice passera donc tement verticale, une ou deux heures 30e laminute; c'est-à-dire J 5e minute et la 45e avant midi, d'en faire autant une ou par deux heures après midi et de prendre la par 3 heures et 9 heures. Si l'on fait l'observation à 3 h. 20', bissectrice de l'angle ainsi formé. On peut suppléer à cette opération, fort peu com- la petite aiguille aura dépassé 3 heures mode à exécuter, en employant une de près de deux divisions, puisque chaque division que parcourt cette petite aiguille montre. correspond à minutes de la grande aiguille. Dans ce cas, la petite aiguille RELATION ENTRE LE MOUVEMENT D'UNE étant considérée comme étant exactement MONTRE ET LE sur la 17e minute, on prendra la moitié et l'on aura la bissectrice qui sera déterMOUVEMENT APPARENT DU SOLEIL minée par la ligne des minutes S' '/2 et Le soleil fait le tour de la terre en 3S" /2, soit pour heure 3 1/2 divisions 24 heures; la petite aiguille d'une montre et 7 heures 3 1/2 divisions. fait le tour du cadrait en 12 heures; par suite, cette petite aiguille marche deux fois CAUSES D'ERREURS DANS LES CALCULS plus vite que le soleil, dans son mouvement apparent. Quand la petite aiguille Il ne faut pas ajouter une très heures, elle aura parcouru un grande importance à cette manière de démarquera 4 quart du cadran, tandis que le soleil terminer la méridienne et en conclure n'aura fait que le huitième de sa course qu'on pourrait par cette méthode mesurer quotidienne. rigoureusement l'angle que fait une ligne Si la montre était partagée en avec la méridienne. heures 24 au lieu de 12, l'aiguille des Pour que cette théorie fût rigoureuheures parcourrait dans une heure le même sement exacte, il faudrait que le midi marle soleil la voûte parcourt sur espace que qué par la montre, en supposant même céleste. Il y aurait, dans leur marche, qu'elle fût parfaitement réglée, corresponcorrélation parfaite. dit exactement au passage du soleil au Dans ce cas, si l'on plaçait la méridien, c'est-à-dire au r~:idi vrai. Mais montre de telle manière que l'ombre de il n'en est pas ainsi. la petite aiguille fût exactement recouverte par l'aiguille elle-même, il en résulSOLEIL FICTIF terait que la ligne midi-minuit serait SOLEIL VRAI dans le plan du méridien et, par suite, CE QU'ON APPELLE LE TEMPS MOYEN indiquerait la direction de la méridienne. Ainsi, à 2 heures de l'après-midi, le soleil Les jours vrais, c'est-à-dire le temps serait, dans le ciel, à la même distance qui s'écoule entre deux midis consécudu plan méridien que la petite aiguille de tifs, ne sont pas égaux entre eux. Le jour la montre le serait de la ligne midi-mi- vrai ne peut donc pas être pris comme nuit si donc on place la petite aiguille unité de temps et on est obligé de recou-
¡
rir au jour solaire moyen déterminé par un soleil fictif. Imaginons un mobile qui, décrivant d'un mouvement uniforme une circonférence dont la terre occuperait le centre, passe au périgée en même temps que le soleil. Si la vitesse de ce mobile est égale à la vitesse moyenne du soleil, le soleil ficse séparera immédiatement, après le passage au périgée du vrai soleil, celui-ci le dépassant, et l'écart ira en augmentant jusqu'à ce que le soleil vrai ait acquis sa vitesse moyenne. A partir de ce moment, l'écart diminuera et les deux soleils se retrouveront ensemble à l'apogée; puis ils se sépareront de nouvean, le soleil fictif dépassant alors le vrai soleil et l'écart augmenterad'abord jusqu'à ce que le soleil vrai ait acquis sa vitesse moyenne. A partir de ce moment, l'écart diminuera et les deux soleils se retrouveront ensemble au périgée, La différence entre le temps vrai et le temps rnoyen, que l'on nomme équation du temps, est donnée, pour tous les jours de l'année, par l'Annua:re du Bureau des langitudes. Cette équation qui est nulle, quatre fois dans l'année, vers le r5 avril, le 15 juin, le 15 septembre et le 24 décembre, varie tous les jours et peut atteindre 16 minutes. Tantôt le soleil vrai est en avance sur le soleil moyen, tantôt il est en retard. Toutes les montres étant réglées sur le temps moven, il faudrait, pour bien opérer, après s'être assuré de l'exactitude de la montre, tenir compte de l'équation du temps et augmenter ou diminuer la bissectrice déterminée de la moitié de la valeur de cette équation. Encore cette opération ne serait-elle pas très exacte à cause de l'incertitude ou de la difficulté de bien déterminer la bissectrice. Mais ce serait là bien des complications pour une chose qui ne demande pas tant d'approximation scientifique.
tif
UTILITÉ DE LA MÉTHODE
Cette méthode ne peut donc être considérée que comme une indication qui permet de retrouver la direction du nord, à n'importe quelle heure de la journée s'il fait soleil. Elle peut être très utile pour les troupes en marche ou pour les chasseurs égarés. Elle n'est du reste indiquée que dans ce but. Il ne faut pas supposer que l'erreur maxima que l'on peut commettre soit très grande. Ne pouvant dépasser 16 minutes en plus ou en moins, la petite aiguille a parcouru pendant ces 16 minutes une division plus un tiers de la seconde division, par conséquent la bissectrice réelle, celle que l'on devrait obtenir, ne diffère de la bissectrice que l'on obtient que de 8 minutes représentées par les deux tiers d'une division de la petite aiguille. L'approximation est donc suffisante pour le but que l'on se propose.
Confection des Émaux cloisonnés en Chine et au Japon. Les événerrre~rts quotidiens nous montrent avec une douloureuse évidence que l'Extrême-Orienta su s'initier avec succès à certains progrès des pays d'Occident. Mais une civilisation, dont l'origine se ~erd dans la nuit des temps, est tru~ ~énétrée de l'espr it de tradition pour qu'il ait complètement disparu. C'est dans l'art surtout que nous le retrouverons et notamment dans la fabrication de ces merveilleux cloisonnés qui sont une des gloires de la Chine et du Japon.
est un travail qui demande à l'ouvrier plus de patience que de talent, plus de dextérité manuelle que de sens artistique, c'est sûrement celui des émaux cloisonnés chinois, ces fameux cloisonnés si remarquables, surtout les vieux modèles, par la richesse et la variété de leurs couleurs, couleurs dont le secret, spécialement pourles bleus et les rouges, semble s'être perdu. Les émaux de S'
IL
voyageurs font raconté, que l'industrie des émaux cloisonnés est d'importation européenne et que les jésuites ont, au XVIIe, été les initiateurs des Chinois. Les cloisonnés, qualifiés de ( vieux », ceux qui sont si appréciés des Chinois, qui se payent des prix que nous ne pouvons comprendre, ont été fabriqués en Chine, cent cinquante ans avant l'arrivée des premiers mis-
sionnaires. Comme la poudre à canon,
Pékin furent réputés, jadis, danstoute la Chine. On les fabrique encore, de
la brouette et la boussole, le « cloi-
sonné >, est une manifestation de l'esprit inventif des Célestes.
nos jours, dans la capitale du Fils du Ciel. Les procédés actuels sont calqués sur ceux d'il y a deux siècles, Un atelier moderne res-
Avant de pouvoir se présenter à nos yeux sous la
forme d'imposants brûle-parfums des temples, de vastes coupes, de décoratives lanternes, de vases pansus ou de microscopiques tasses à thé, aux couleurs multiples, éclatantes, criardes ou harmoniques, l'émail cloisonnéva passer par une série de phases que je vais
semble de tous
points à un atelier d'il y a deux cents les ouvriers ans ont le même costume, la même natte de cheveux; les fenêtres ont les mêmes vitres de papier les outils sont
UN
aussi rudimentai-
ATELIER D'ÉMAUX CLOISONNÉS A PÉK1N.
Photographie-commuuiquéepar M. Jacques du Taurat.
res; les modes de cuisson et de soudure sont ceux qu'employérent les générations depuis longtemps disparues. La tradition s'est conservée immuable, et le seul perfectionnement emprunté (( aux barbares d'Occident soit venu troubler la routine de cette industrie séculaire, est l'adoption de la pile électrique pour la dorure galvanique des pièces après le dernier polissage. C'est une erreur de croire, ainsi que certains
qui
A
TRAVERS LE MONDE.
.35"
uv.
rapidement décrire en les résumant. Trois éléments fondamentaux sont nécessaires de l'émail, les cloisons et un support. Ce support est la forme, le mannequin de l'objet lui-même qui va être paré, habillé de teintes polychromes, représentant des fleurs, des feuilles, des arabesques compliquées, au milieu desquelles se déroulent les anneaux du dragon symbolique, où se dessineront No 35.
27 Août ~904.
les vieux « caractères» » Fou et Chô bonheur et longévité motifs de décoration par excellence, qui se trouvent partout en Chine, sur les portes, sur les chaises, les malles, les boîtes à encre, les potiches, les même les cercueils boucles de ceinture et Suivons un vase dans ses transformations suc-
cessives.
Ce vase est, la forme, le
tout d'abord, fait en cuivre rouge
mannequin sur lequel un graveur, avec la pointe de son burin, va esquisser, en traits simples et légers, l'ossature de l'émail, d'après le modèle qu'un peintre'aura dessiné sur papier ou sur soie, indiquant avec une méticuleuse exactitude l'emplacement et les formes des cloisons, les teintes de chaque c'est
alvéole, Sur les traits du burin seront appliquées les cloisons. Celles-ci sont faites de lames de cuivre, épaisses de un demi-millimètre, hautes de un etdemi à 2 milli-
mètres,éminemment malléables
L'ingéniosité des artistes chinois s'est, de longue date, révélée dans le modede soudure des cloisons qui se fait de la façon suivante. Les alvéoles et les cloisons sont saupoudrées d'un mélange pulvérulent d'argent, de cuivre et de borax. Le vase, ainsi recouvert de sa (( soudure en poudre », est disposé dans un manchon de fer, lequel est enfoncé dans un brasero alimenté par du charbon de bois, dont la combustion est activée, non point par un soufflet, mais par les mouvements d'un grand éventail en plumes d'aigle qu'un ouvrier agite selon certaines règles, En un quart d'heure, en moyenne, le mélange pulvérulent entre en fusion et se refond en couche mince sur les cloisons et les alvéoles qui, après refroidissement, adhèrent d'une façon parfaite.
sortir du fourneau, le vase présente une teinte gris-sale. 11 faut le décaper pour faciliter l'adhérence de l'émail. Le décapage s'obtient en faisant bouillir le vase dans une grande Au
bassine où mijo-
tent des abricots
et susceptibles de se plier à toutes les exigences de la fantaisie capricieuse de
tapés. Après ébullition, lavage et brossage, le vase est prêt
l'artiste. C'est
pour l'émail-
par le travail de préparation de
lage.
L'émail est un mélange porphyrisé de certains grès et de certains cristaux salpêtreux, tirés des montagnes du Chou-Toung, patrie de l'im-
ces cloisons que débutent les ap-
prentis travail méticuleux, qui
demande des gens peu ner-
veux,maisd'une
exécution,
en
somme, très facile. Les seuls
mortel
dont se servent les ouvriers sont
blanche, est colorée par addi-
cius. Cette pou-
instruments
des ciseaux pour couperle cuivre,
Confu-
dre, de teinte RE'COUCHE DES
CLO1S0\\I:5 dPR~S l'NE FRE\IIERE CUISSON.
Photographie comrauniquée par
d'une petite pince à ressorts qui reste à peu près fixe, alors que la lamelle de cuivre s'incurve, se redresse, autour de ses mors, au gré des doigts agiles des Célestes. Tous ces petits fragments de cuivre qui, de loin, rappellent des ressorts de montre, sont tout d'abord collés sur le vase de cuivre en suivant exactement les traits du burin. Je signale, en passant, la qualité remarquable de la colle, la Paé-tchi, que les Célestes obtiennent par macération dans l'eau d'une variété d'orchidées: elle résiste aux températures les plus élevées.
Rapidement la surface du vase se recouvre de ce réseau de fils de cuivre, et bientôt les traits du burin auront disparu sous le relief des cloisons. C'est là le premier bâti, l'ébauche fragile des alvéoles qu'il faut maintenant consolider. La cloison doit être soudée au vase, faire corps avec lui. Autrefois, l'alvéole était creusée à même le cuivre. La cloison était plus épaisse, irrégulière le cbamp levé n'a pas la netteté et la délicatesse de traits du cloisonné. Il est plus difficile à faire et coûte plus cher.
~i~. Jacques dl~
Taurat.
tions d'oxydes
métalliques, de pyrites. Poudre et colorants sont triturés dans un mortier avec de l'eau de riz, et on obtient, de la sorte, une pâte semi-liquide, dont la gamme des teintes est extrêmement riche. Au moyen de petites cuillères, dont la capacité n'excède pas un demi-centimètre cube, les ouvriers garnissent les alvéoles, puisant selon les besoins, dans les nombreuses petites soucoupes, étalées devant eux, qui renferment les pâtes de diverses teintes. Ils se guident, pour la répartition des couleurs, soit sur un dessin sur papier, soit sur un vase placé à côté d'eux comme modèle. Cette opération de garnissage se fait assez vite, quoique méticuleuse, car souvent le même alvéole devra recevoir deux et trois pâtes de couleurs différentes, destinées à ménager les transitions, au moyen de demi-teintes. Des bavures se forment, les couleurs empiètent d'un alvéole sur l'autre, la chose est sans importance, si le fond de la cellule a été suffisamment
garni.
Ce
garnissage achevé, l'émail est soumis
à
une
première cuisson. Le vase est replacé dans le manchon de fer, et celui-ci dans le brasero dont nous avons déjà parlé. L'éventail s'agite, la température s'élève. C'est maintenant que l'ouvrier doit avoir ce que nous appelons le « tour de main pour ne pas dépasser le degré voulu de chaleur. L'appréciation de la température est facile avec les moufles dont disposent nos usines. Il n'en est plus de même avec les appareils rudimentaires des Chinois. Cette première cuisson de l'émail ne dure pas un quart d'heure. Retiré du feu, le vase se présente sous un aspect assez informe. L'émail a bavé, s'est boursoufflé, formant une sorte de gangue polychrome, brûlée, éclatée par places, ne laissant plus rien voir des cloisons. De même que pour les tapis à longs poils, on ne peut soupçonner l'harmonie des teintes et l'éléciseaux gance du dessin, tant que le « rasage n'a pas été fait; de même pour le cloisonné, on ne peut se rendre compte de l'éclat des couleurs, de la délicatesse compliquée des arabesques, avant qu'un premier polissage grossier, à la lime, n'ait un peu égalisé les surfaces de l'émail. Ce dégrossissage permet à l'ouvrier de reconnaître les défauts de son travail soufflures, éclatements, brûlures. Toutes les cellules qui se présentent mal sont vidées de leur contenu et garnies d'émail. Une deuxième cuisson, identique à la première, a lieu ensuite. Après cette cuisson, le vase est soumis à un polissage plus sérieux à la pierre ponce, sur le tour, puis resuivi attentivement, pour trouver quelques défauts. Çà et là des trous doivent encore être bouchés, et une troisième cuisson est opérée, suivie d'un nouveau polissage sur le tour, avec de la poudre de charbon de bois de Pour les objets courants, cette cuisson et ce polissage sont les derniers. Les objets de grand prix sont passés au feu quatre et cinq fois. L'émail chinois n'est pas vitrifié comme l'émail japonais. Il conserve toujours l'aspect de la porcelaine polie. On y voit comme une sorte de grès extrêmement ténu. Le cloisonné chinois se distingue encore par un autre côté du cloisonné japonais. En Chine, les cloisons sont multipliées à l'infini; au Japon, elles sont plus rares, ce qui permet de donner au travail un caractère artistique beaucoup plus en harmonie avec nos goûts occidentaux. Le Japonais excelle à jeter, sur le fond monochrome et uni d'un gros vase, une feuille et une fleur d'iris, ou à piquer, dans le coin d'un grand plat d'émail rutilant, une ou deux touffes de chrysanthèmes. Ici, le cloisonnement est réduit au strict minimum; c'est le triomphe de l'émail qui se déploie éclatant et libre sur de larges surfaces. Après le polissage, une dernière opération reste à accomplir la dorure des cloisons. Celle-ci aujourd'hui se fait par les procédés galvanoplastiques, plus faciles, plus rapides et plus économiques que la dorure au mercure, employée pendant des siècles. La fabrication du cloisonné est un travail minutieux. Il faut du temps et de la patience les Chinois en sont abondamment pourvus. Ce que je viens de dire nous permettra de comprendre que les beaux cloisonnés doivent se vendre cher. Et si nombre de voyageurs savaient quelle différence de travail il y a entre
aux
tilleul..
un cloisonné d'exportation et un cloisonné d'amateurs qui, à leurs yeux, paraissent presque identiques, ils s'étonneraient moins de voir les marchands chinois leur demander, pour deux objets sensiblement pareils, cent sous de l'un et 200 francs de l'autre. JACQUES DU TAURAT.
Les Forages de Puits dans les
Oasis du Sahara.
Étude nous avions signalé dans notre sur la question de l'eau dans les oasis du Sahara', a préoccupé les pouvoirs publics, et nous sommes heureux d'apprendre que l'atelier de forages artésiens d'Ouargla vient de terminer le cinquième puits de l'oasis de N'goussa. Le débit de ces puits est en moyenne de 480 litres à la minute. Cet important résultat pour la région, où les puits ont ordinairement un débit de 5° à 80 litres à la minute, est dû surtout à l'emploi d'une nouvelle méthode de forage cette méthode consiste principaleLe danger que
ment
1 Dans le placement d'une colonne d'ascension
rendue absolument étanche par un coulis de ciment fait, avant le jaillissement du puits, entre les parois extérieures de la colonne et le trou de sonde; 2° Dans la descente, au moyen des vis de pression, dans la masse sableuse aquifère, d'une colonne de 20 à 25 mètres, lanternée de i 800 à 2 000 trous par 2 mètres de tube; 3° Dans l'extraction, à l'aide d'une pompe à épuisement, reliée à une sonde creuse dont la base est constamment maintenue dans la colonne lanternée, de tout le sable fin qui a pu pénétrer dans cette colonne ou qui s'est accumulé contre ses parois extérieures. Cette aspiration du sable à la pompe crée ainsi, à l'extérieur de la colonne lanternée, un drain de gros graviers qui laisse filtrer l'eau jaillissante et qui empêche l'ensablement du bassin d'alimentationdu puits, constitué, non plus comme autrefois, par une simple excavation de 2 à 3 mètres de diamètre, faite dans la masse sableuse, mais bien par les 20 ou 25 mètres de colonne lanternée.
Pithécanthropes vivants, à Java.
Une Colonie de
ouest-il
cet homme-singe intermédiaire entre l'homme et le gorille? A Java, nous dit-on.. En 1902, un négociant hollandais, du nom de van Buren, se trouvant à la chasse dans les grandes Voir A Travers le Monde, 1904, p, 262.
forêts de l'intérieur de Java, perdit son chemin dans la jungle et fut obligé de passer la nuit sous un arbre gigantesque et touffu, dans une région volcanique, toute ruisselante de sources thermales. Quel ne fut pas son étonnement, lorsque, réveillé subitement, au milieu de la nuit, par un bruit insolite, il perçut distinctement des voix articulées. Mais les syllabes que put saisir son oreille n'a,ppartenaient à aucun idiome de lui connu, ni européen, ni indigène, Celles qui revenaient le plus souvent pourraient être écrites ainsi kzcrrhy,
kurrby. matin, dès que l'aube lui permit de distinguer les objets qui l'entouraient, il aperçut dans une enfourchure de branches, sur l'arbre qui l'avait abrité, un nid géant,dont l'ouverture circulaire pouvait mesurer 5o centimètres de diamètre. Une tête couronnée de poils ou de cheveux bruns, d'aspect simiesque, apparut bientôt dans cette ouverture elle appartenait à un animal quadrumane qui se laissa couler de branche en branche, en se rapprochant du sol. Soudain, à l'aspect du chasseur, la bête se mit à grimper avec une agilité de singe dans la direction de son nid, où elle disparut. M. van Buren ne pouvait resterdavantage; mais, après avoir remarqué, par des repères certains, la position de ce lieu, il s'orienta, et fit bientôt la rencontre d'indigènes qui lemirent sur le bon chemin. Sa curiosité avait, d'ailleurs, été trop vivement excitée pour ne pas le pousser à retourner, cette fois en compagnie d'un savant américain, le Dr Thomas Werdehouse, à l'endroit où lui était apparu l'étrange animal grimpeur, que certains caractères physiologiques rapprochaient du singe, mais dont la voix articulée, la demeure aérienne en branches d'arbre, le regard, se distinguaient de tout ce que nous savons du gorille et du chimpanzé. Pendant trois mois, le Dr Werdehouse eut la patience de camper non loin du nid, que les deux explorateursavaient fini par retrouver. Avec des précautions infinies, car l'animal, entre autres caractères, se distingue par une extrême timidité, il parvint à suivre les ébats et à étudier les moeurs de deux familles de ces quadrumanes, et qui, pour le savant anglais, sont des exemplaires authentiques du pithécanthrope tel que l'avait deviné Haeckel. Le Dr WerdeLe lendemain
house lui a laissé le nom de aach ~erri,fl sous lequel le désignent les indigènes de Java, D'après ses observations, l'asch-perrizl est un quadrumane vivant sur les arbres, aussi habile grimpeur que le singe, tandis que, sur le sol, sa démarche est gauche et mal assurée. Ses pieds sont faits pour saisir et étreindre, et non pour marcher. Sa taille est au-dessous de la moyenne, si on la compare à celle de l'humanité normale elle se rapprocherait, comme proportions, de celle des nains découverts par Stanley au centre de l'Afrique. La peau est d'un brun clair et n'est pas velue; elle porte un léger duvet le front, les joues et le menton sont absolument dépourvus de poils. En revanche, et en ceci il se rapproche du singe, le pavillon de l'oreille n'est pas développé comme le nôtre. Pas de queue. L'angle facial, bien que le doc-
teur n'ait pu le mesurer, lui paraît d'une ouverture intermédiaire entre celle de l'homme et celle du singe. Les asch-perrizl vivent par couples et sont très peu féconds. Cette circonstance, outre leur caractère
doux et craintif, expliquerait leur petit nombre et peut-être leur disparition prochaine. Ils sont d'une extrême propreté et se baignent souvent, tandis que les singes ont horreur de l'eau; cependant, ils craignent extrêmement la pluie, et s'abritent sous une espèce de parapluie sans manche dont ils saisissent les bords en le maintenant sur leur tête c'est à la fois pour eux un chapeau, un manteau et un parapluie, et c'est la seule trace de costume que le docteur ait remarquée chez eux. Toutefois, les asch-perrizl femelles ne sont pas
étrangères à tout sentiment de coquetterie
le docteur les a vues se passant au cou des colliers formés de ra-
meaux grêles garnis de baies rouges. La vie de famille paraît être chez eux très intime. Ils ont un soin extrême de leurs petits, que la mère berce pendant des heures dans ses bras, en faisant entendre des chants étranges oui, des chants, et pas un simple murmure, des chants où les mêmes syllabes reviennent fréquemment. Il est vrai que leur vocabulaire n'est pas très riche le savant Américain n'a noté qu'une soixantaine de syllabes articulées, dont la forme kssnrl~y semble être la plus fréquemment usitée. Le docteur croit que c'est une salutation, une sorte de bonjour échangé(!). Tandis que la mère berce ainsi ses enfants, le père se met en quête de la nourriture de la famille fruits, racines, œufs d'oiseaux, dont ils semblent très friands, voilà leur menu ordinaire. Ils paraissent aussi aimer le poisson. Deux détails encore et caractéristiques l'aschperrizl ne se sert que de ses mains de devant pour porter des fardeaux ou pour manger; sur le sol, il se tient droit! Enfin, il connait le feu, mais est incapable de l'allumer. L'explorateur ayant, un jour, négligé d'éteindre son foyer, put, caché à quelque distance, voir toute une famille d'asch-perrizl, père, mère, petits, s'approcher du feu avec des marques indéniables de joie et de vive curiosité. Voilà ce que raconte le Dr Werdehouse dans le New York Herald. Certes, son récit n'est pas pour nous parole d'évangile nous voudrions, comme saint Thomas, voir à notre tour. Le docteur n'a pas voulu tuer un de ces intéressants et c'est bien dommage animaux; il déclare qu'il aurait cru commettre un crime. D'autre part, capturer un individu vivant est chose malaisée. Mais et c'est là ce qu'il nous faut surtout retenir toute une mission de savants est maintenant à la recherche, dans les forêts vierges de Java, de l'énigmatique homme-singe. Le trouvera-telle ?
Mais au fait pourquoi persister à appeler cet ani-
l'homme-singe »? Il nous semble, d'après tout ce qu'on vient de lire, qu'il s'agit, tout bonnement, d'un singe tout court, appartenant à la famille des grands singes dont les allures et la taille font penser à quelque caricature humaine. Corvsxsl, le fameux singe que l'on vit l'hiver dernier à Paris, dans un café-concert, Consul qui fumait, s'habillait, saluait, faisait de la bicyclette, conduisait une automobile, était peut-être un de ces pithécanthropes. Il ne prononçait pas, il est vrai, le mot kcc~~rhy: cependant, quand il éternuait. mal
cc
Le Sénégal et le Chemin de fer de Thiès à Kayes. La Vole ferrée
nécesssaire au Développement du Soudan.
La
mission chargée, en 1903, d'étudier le tracé d'un chemin de fer entre Thiès et Kayes, a soumis son rapport au ministère des Colonies. Le nouveau chemin de fer, en projet, rejoindrait à Kayes la voie nouvelle de Kayes au Niger et relierait, par le rail, l'océan Atlantique à notre grand fleuve africain et aux immenses territoires de son bassin. En réalité, le lien entre la côte et les régions de la Boucle existe déjà. La voie fluviale du Sénégal jusqu'à Kayes, puis la voie CARTE DU CHEMIN DE FER ferrée, depuis quelques mois, amènent voyageurs et marchandises de Saint-Louis à Bammako. Le transit par le Sénégal, est, il est vrai, assez irrégulier le fleuve est souvent à sec, ou peu s'en faut; des
écueils en obstruent le cours,
et une barre en rend l'accès difficile. Mais telle qu'elle est, la voie existe, et l'on peut, comme le fait avec intérêt la Ouin~aine coloniale, discuter la création d'une voie ferrée dont le coût prévu n'atteindra pas moins de 50 mil-
lions.
Le fleuve dans son état actuel suffit, évidemment, à assurer tous les transports, et par cette voie une tonne de marchandises est rendue de Bordeaux à Kayes pour 68
francs, ce qui est peu mais il y a, par ailleurs, de tels inconvénients au mode fluvial, que la voie ferrée s'impose, si coûteuse qu'elle soit. Les transports actuels sont effectués à ce prix par des bateaux de fort tonnage du 15 juillet au 15 octobre; en dehors de cette période, on a recours aux chalands, et pendant quatre mois de l'année le fleuve n'est praticable,' ni\ aux' vapeurs, ni aux chalands. Quand le
fleuve n'a pas de crue, comme en 1902, ou lorsque la fièvre jaune interrompt la navigation pendant l'hivernage, comme en 1900, le mouvement commercial est suspendu et repris ensuite à des prix très élevés. La crainte de voir se renouveler de pareils contretemps, malheureusement fréquents, ne suffirait-elle pas pour assurer à la voie ferrée une appréciable supériorité? Quelle maison de commerce, ayant lafaculté des'approvisionnerd'une façon continue par le chemin de fer pendant toute l'année, voudrait courir le risque de voir ses stocks épuisés ou ses marchandises immobilisées parce que, comptant sur les bateaux de juillet à octobre, ceux-ci viendraient à être brusquementarrêtés à SaintLouis ou en cours de route par les caprices du fleuve ou d'une épidémie quelconque? En admettant même que ce régime du fleuve soit régularisé, que son chena: bien balisé évite des échouements comme ceux de la Nélia en 1898,
et
de du Général Dodds en 19° la Sénégambie en rc~o3,. le trafic du Soudan aura avantageà utiliser
la voie ferrée Thiès-Kayes. Les bateaux ne peuvent en PROJETÉ DE THIÈS A KAYES. effet franchir la barre du Sénégal à charge complète; ils sont obligés de s'alléger à Daka pour se recharger de nouveau à Saint-Louis. Ces manipula-
tions entraînent des détériorations et des pertes; parfois même la barre cause de vraies catastrophes l'échouement et la perte du Vauban en 190 i, les coques de navires qui garnissent le lit du fleuve au large de Gandiole, en font foi. Le débarquement à Kayes, sous les pluies de l'hivernage, de toutes ces marchandises à la fois occasionne de nouveaux dommages. Les marchandises débarquées exigent un magasin pour s'abriter, du personnel pour les garder etles réexpédier. En additionnant les pertes et avaries, les frais de transbordement et de magasinage, l'entretien du personnel, et en ajoutanttout cela au prix du transport par voie fluviale, on arriverait aisément à un chiffre supérieur à celui qui résulterait du transport par voie ferrée. Avec les tarifs prévus, les marchandises auront intérêt à prendre la voie ferrée qui permettra de les transporter; de Bordeaux à Bammako avec un seul transbordement à Dakar.
Un autre avantage du chemin de fer sera de mettre pendant toute l'année le Niger à quinze jours de France. Le commerçant de Bammako pourra donc renouveler ses approvisionnements à son gré, et par suite faire rendre à ses capitaux un bénéfice beaucoup plus considérable qu'en les immobilisant d'un hiver-
nage à l'autre. Si l'on supprime les dangers de la barre de SaintLouis, si l'on améliore le cours du fleuve au moyen de barrages et d'écluses, si on le rend navigable pendant toute l'année, on aura sans doute réalisé la voie permanente désirée. En supposanttous ces travaux possibles, en admettant que le Sénégal se prête plus docilement que la Loire à une amélioration complète et.qu'on puisse affirmer qu'un jour viendra où Kayes et SaintLouis seront reliés par un véritablecanal, la navigation
pourra reprendre en toute sécurité. Mais si l'amélioration du Sénégal n'est pas une chimère, comme celle de tant d'autres fleuves exotiques et même européens, sa réalisation sera, t-elle prochainement un fait accompli ? Combien d'années s'écouleront, combien de millions seront-ils dépensés avant d'aboutir à un résultat satisfaisant? Or le Soudan ne peut attendre cette échéance incertaine. La mise en valeur, l'exploitation des immenses territoires de la Boucle, déjà commencée sur divers points, ne saurait être poursuivie dans de bonnes conditions si le Haut-Sénégal reste isolé de la mer pendant neuf mois de l'année, Le commerce du coton traverse actuellement une crise redoutable; on ne saurait trop insister sur l'urgence qui s'impose de créer des marchés indépendants des marchés américains. Le pourra-ton si l'on ne dispose, pendant longtemps encore, que du
fleuve pour évacuer la récolte recueillie en décembre et janvier? L'absence d'une voie sûre, rapide et permanente nous a déjà trop coûté Si la voie ferrée paraît préférable à la voie fluviale pour relier le Niger à l'océan, son importance au point de vue des régions desservies n'est guère discutable. La voie permettrait le développementagricole et l'exploitation immédiate de tout le Bool, de la région de N'diolé, Ouarnéo, de la vallée du Niaru-Maro, du moyen Sandougou, de tout le Bondou et du Kaniéra. Il y a là un vaste champ d'exploitation dont le sort est attaché à la création des moyens de transport. Le tracé se présente dans des conditions particulièrement favorables; le pays est peu accidenté et il n'y aurait qu'un seul pont à construire pour le passage de la Falémé. La ligne aurait 68o kilomètres. Au point de vue stratégique, l'avantage du chemin de fer est incontestable. Dakar est en train de devenir un des points d'appui les plus importants de notre marine. Un point de cette importance doit être le moins possible isolé du reste du continent d'où il doit pouvoir tirer ses ressources en personnel, matériel et vivres, le cas échéant. Or, la voie Dakar-Saint-Louis, très rapprochée de la mer, serait constamment menacée par les débarquements probables d'un ennemi qui voudrait couper Dakar de Saint-Louis, et par suite isoler complètement le Soudan du Sénégal. Nos meilleurs contingents militaires indigènes
sont fournis par les provivces du Soudan, et nous pourrions avoir besoin de les amener rapidement soit à Dakar, soit sur la côte pour s'opposer aux tentatives
de débarquement. Le chemin de fer seul peut assurer cette liaison et permettre les transports rapides d'une région à l'autre, puisque Thiès est une station du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis.
Il est
espérer, en présence de ces avantages considérables, que le projet de tracé, qui a été bien à
étudié, sera approuvé rapidementpar le ministère des Colonies.
L'Entrée des Anglais à Lhassa. anglaise dirigée par le colonel Younghusband est entrée, le 3 août, à Lhassa, la ville sainte
La A colonne
du Tibet. Rappelons les origines du conflit anglo-tibétain. Des conventions de commerce et d'amitié ont été signées entre l'Inde et le Tibet en 189° et en 1893. Pour veiller à l'exécution de ces traités, il se trouvait à Ya-tong, sur la frontière indo-tibétaine, un commissaire anglo-indien et un commissaire chinois. Mais le Gouvernement indien prétend que les Tibétains ont mis des obstacles au commerce et qu'ils ont constamment violé les traités conclus. Aussi, en 1903, le viceroi des Indes, lord Curzon, décida-t-il d'envoyer au Tibet une mission dirigée par le colonel Younghusband, pour rencontrer des délégués tibétains et chinois et discuter avec eux les relations commerciales indo-tibétaines et obtenir du Gouvernement du DalaïLama l'observation des traités de i 89o et 1893. La mission arriva à Khambajong le 7 juillet i go3 le colonel Younghusband y attendit en vain les délégués chinois et tibétain et, en décembre, le Gouvernement britannique autorisait l'occupation de la vallée de Tchoumbi. Vers le milieu de décembre, la mission était à Guatong et pénétrait dans le Tibet proprement
dit. Tout d'abord les Tibétains n'opposèrent aucune résistance, mais un premier combat eut lieu le 3 mars de cette année, et la mission se transforma alors en expédition. Divers engagements, dans lesquels les Tibétains furent invariablement battus, eurent lieu à mesure que l'expédition avançait. Le ier juillet, un haut fonctionnaire tibétain vint faire des offres de paix au colonel Younghusband; mais deux jours plus tard elles étaient rompues, l'expédition continuait sa marche sur Lhassa, arrivait à Dongtse le 8 et Nagastse le i g. Là, nouveaux pourparlers avec le Ta-Lama et un autre fonctionnaire tibétain, mais qui n'eurent aucun résultat. Le colonel Younghusbandcontinuait sa route et arrivait le 29 juillet à quelques milles de Lhassa, à Chay-sam, où le grand chambellan du grand Lama et d'autres délégués venaient à sa rencontre. Ce personnage était porteur d'une lettre du grand Lama priant les Anglais de ne pas aller plus loin il ajoutait que la présence des Anglais dans la ville sainte produirait sur le grand Lama une telle émotion qu'il en mourrait peut-être. Le colonel Younghusband fit au grand cham-
bellan une réponse qu'il convient de noter. Il répondit d'abord qu'il fallait que le traité qu'il était venu discuter fût signé à Lhassa; mais il promit de ne pas pénétrer dans les lamaseries si l'on ne tirait pas sur les troupes anglaises et il prit aussi l'engagement de quitter Lhassa immédiatement après la signature du traité. Il ajouta que la durée du séjour des Anglais à Lhassa dépendait des Tibétains eux-mêmes. Le colonel Younghusband n'a fait que réitérer ainsi une promesse faite par lord Lansdowne, qui a pris vis-à-vis du Gouvernement russe l'engagement que la mission anglaise quitterait le Tibet aussitôt que l'objet pour lequel elle a été envoyée serait atteint. Mais en sera-t-il ainsi?.
Le Soulèvement des Wahabites en Arabie.- Un Schisme dans
l'Empire ottoman.
DEPUIS quelques années et principalement depuis quelques mois, un mouvement religieux d'une certaine importance semble agiter l'Arabie et ébranler
troubles constants qui éclatent dans les tribus de la péninsule, le fanatisme wahabite, et augmenterait le nombre de ses partisans. Il aurait même, il y a deux mois, poursuivi Ben-Raschid dans le pays de Kassem, et après deux victoires à Bereïdah et à Aneïzah, l'aurait rejeté, avec les débris de ses troupes, jusqu'aux environs de l'Euphrate. 11 marcherait, en ce moment, sur Haïl, la seconde ville du Nedjd. Ces nouvelles, que nous avons tout lieu de croire exactes, marquent un réveil du wahabisme, et constituent par suite une menace pour la domination ottomane, déjà si fragile, en Arabie. Les sectes wahabites, reconstituées et réunies par Abdel-Aziz, reprennent le rêve d'indépendancevis-à-vis des Turcs, et de domination sur l'Arabie tout entière, qu'elles avaient réalisé, il y a plus d'un demi-siècle, avec Ben-Saoud. Les chefs des tribus arabes leur témoignent une faveur active et une sympathie agissante. Les ressources d'armes et d'argent, dont la provenance serait peutêtre curieuse à connaître, surtout si l'on rapproche ce mouvement des tentatives de Mobarek à Koweït, ne leur manquent assurément pas. Aussi la Porte a-t-elle tout intérêt à préparer une répression vigoureuse si elle veut conserver, dans la vaste presqu'île, quelques bribes de l'autorité nominale qu'elle y possède et qu'il convient de lui voir con-
l'autorité bien faible du Gouvernement ottoman; et les nouvelles venues d'Arabie, pendant ces dernières semaines, marquent une recrudescence du soulèvement wahabite. Les Wahabites forment une secte répandue dans plusieurs provinces de l'Arabie, et dont le fondateur fut, au début du siècle dernier, un imam d'El-Riad, Mohammed ben-Abdel-Nahab. Un instant très puissants, ils dominèrent toute la péninsule, menacèrent d'envahir la Mésopotamie et la Syrie, et même l'Égypte. C'est là que se brisa leur puissance, quand le fils de Mébémet Ali, Ibrahim, après les avoir poursuivis jusque dans le Nedjd, s'empara d'El-Riad et fit prisonnier le chef qui avait dirigé leurs conquêtes, Abdallah ben-Saoud. Celui-ci fut, peu après, mis à
mort à Constantinople.
Maurice Tourneux. La Tcur. din. Camille Mauclair.
Gaston Schefer, Char-
Chaque voFragonard. lume avec 24 gravures, broché, 2 fr. 50; relié, 3 fr. 50. H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon. Envoi franco
contre mandat-poste. LA collection des Grands Artistes, qui compte deux années d'existence, poursuit avec éclat la série de ses monographies populaires des maîtres: voici que paraissent simultanément le La Tour de M. Maurice Tourneux, le Chardin de M. Gaston Schéfer et le Fragonard de M. Camille Mauclair. Dans chacun des trois volumes, vingt-quatre illustrations font revivre les oeuvres par où La Tour, Chardin et Fragonard ont conquis une célébrité maintenant universelle.
Depuis lors, la puissance wahabite avait toujours été supplantée, en, Arabie et dans le Nedjd, par les rivaux que lui suscita le Gouvernement ottoman. L'émir actuel du Nedjd, Ben-Raschid, avait chassé de
J. Thoulet.
ce pays les derniers de leurs princes, qui cherchèrent
français l'intérêt auquel il semblait que cette science eût droit depuis longtemps chez nous car c'est à des savants français qu'elle doit quelques-uns de ses plus notables
protection et hospitalité chez le célèbre cheik de
Koweït, Mobarek. Or au moment où l'incident de Koweït mit Mobarek en état d'hostilité ouverte contre les Turcs, les sectes wahabites tentèrent, par un mouvement parallèle, de reprendre l'offensive contre Ben-Raschid. Sous la conduite de l'un de leurs princes, Abdel-Aziz, elles essayèrent de profiter des embarras du Gouvernement turc pour reconquérir sur Ben-Raschidleurs anciennes provinces du Nedjd. Ce mouvement qui, depuis bientôt deux ans, a été marqué par une série de succès passagers et d'échecs réparables, serait-il sur le
point de réussir?
Abdel-Aziz serait, dit-on, aujourd'hui maître de la capitale El-Riad; de là il réveillerait, à la faveur des
L'Océan, ses lois et ses ~roblèmes. vol. grand in-So, illustré de 12 gravures hors texte. Broché, 12 francs. Hachette et Cie, Paris.
L'OCÉANOGRAPHIE commence enfin à provoquer dans le public
progrès. Le beau livre de M. Thoulet contribuera, sans aucun doute, à éveiller encore en sa faveur de nouvelles vocations,
autant qu'à satisfaire d'ardentes curiosités. Toutes les questions qui se peuvent poser à propos de
l'Océan, de la nature et du relief de son sol, de la composition chimique de ses eaux, de la distribution de la température dans ses profondeurs, de la faune qui les anime, des courants qui les sillonnent, sont ici, non pas nécessairement résolus, mais exposés avec une clarté magistrale. Et comme il s'agit d'une science qui se fait, l'histoire de chacun des problèmes qui sont passés en revue en précède toujours
l'étude théorique.
L'ouvrage de M. Thoulet est un effort tout à fait heureux pour communiquer à un public étendu, dans un tableau d'ensemble, les résultats positifs de recherches ordonnées
suivant une discipline hautement scientifique.
Projet adopté d'une Voie ferrée de Hanoï à Thai-nguyen. Le Conseil supérieur de l'Indo-Chine a donné son appro-
bation au projet de construction d'une ligne ferrée reliant Hanoï à Thai-nguyen, par Dong-khe et Da-phuc; un arrêté a été pris par la direction des Travaux publics, qui a approuvé le tracé général du tramway à vapeur; les travaux commenceront incessamment, les études étant entièrement finies. Il paraît qu'un projet a été établi, tendant au prolongement de cette ligne jusqu'à Cao-bang par Cho-moi, Bac-kan et Ngan-son et en suivant la route militaire. Cette ligne, qui desservirait une région fort riche, rendrait service à l'administration et lui ferait réaliser de sérieuses économies surles dépenses de ravitaillement et de transport.
La Réforme de l'Enseignemel~t au Tonkin. L'insuffisance de l'enseignementau Tonkin vientd'amener le gouverneur général de l'Indo-Chine à prendre des mesures nouvelles dont voici les principales l'arrêté du Gouvernement prévoit la création d'une école au chef-lieu de chaque province. Les indigènes pourront y apprendre les caractères chinois, le quoc-ngu, le français, l'arithmétique, avec quelques notions générales d'histoire et de géographie. Deux écoles pratiques, dites écoles complémentaires indigènes, joueront, vis-à-vis des Annamites, le rôle du collège de Hanoï et des cours commerciaux de Haïphong à l'égard des Européens, L'une de ces écoles, installée à Hanoï, pré-
parera spécialement des interprètes et des instituteurs l'autre, établie à Nam-dinh, préparera des agents pour les Travaux publics, le Cadastre, les Chemins de fer, les Postes et Télégraphes, le Commerce, l'Industrie et l'Agriculture. A ces établissements viendra s'ajouter l'école professionnelle de Hanoï, qui n'existait qu'à l'état embryonnaire, et dont l'organisation sera complétée. Un plus grand développement sera donné à cette école par l'adjonction de nouveaux cours, par l'admission des élèves européens (elle n'était jusqu'à présent ouverte qu'aux seuls indigènes;, et par la création d'un Comité de direction. Cet ensemble de réformes a été complété: 10 par la création de diplômes; 20 par la réformedu corps enseignant; ]0 par l'organisationd'un service permettant une action plus directe du Gouvernement sur toutes les branches de l'enseignement.
Amélioration du Port de Haïphong. été procédé à l'adjudication des travaux de construction d'un quai sur la rive droite du Cuacam à Haïphong, Les devis dépassent 2 millions de francs. Dans quelques mois vien,ira l'adjudication des travaux de construction,dans le même port, d'une cale de halage de 280 mètres de longueur; la dépense de ces seconds travaux est évaluée à 700 000 francs. On va commencer ainsi à donner satisfaction aux desiderata du commerce. Le port de Haïphong, qui est déjà assez fréquenté, et qui le sera plus encore par suite du développement du réseau ferré tonkinois, est insuffisamment outillé. L'exécution de ces divers travaux lui apportera quelque amélioration. Il ne semble pas qu'ils doivent être suffisants. L'accès du port devra être un jour amélioré de façon à ne point obliger les grands navires à rester en baie d'Along et à y faire leurs opérations de débarquementet d'embarquement Il a
dans des conditions défavorables et onéreuses.
Nouveaux Travaux publics en hgypte. Sir William Garstin, sous-secrétaire d'état aux Travaux publics en Egypte, vient de soumettre à lord Lansdowne un programme d'irrigation et de construction de chemins de fer, dans le bassin du Nil, programme qui entraînerades dépenses s'élevant à 400 000 livres égyptiennes. Ces travaux comporteront la surélévation du barrage d'Assouan et l'amélioration du chenal dans les bras du Nil de Rosette et de Damiette.
Au Soudan, on fera divers essais, et, une fois le chemin de fer Souakim-Berberachevé, on s'occupera d'améliorer encore le service des voies ferrées.
NouveauChef-lieu duCongofrançais. M. Gentil, commissaire général délégué à la direction ad-
ministrative du Congo, vient d'aviser le ministre des Colonies que le siège du Gouvernement du Congo a été transféré avec tous ses services, à la date du ter juillet, à Brazzaville. Les relations sont désormais constantes par le Chari avec le Tchad où le lieutenant-colonelGouraud, le vainqueur de Samory, a pris possession de son commandement militaire.
Le Chemin de fer de la Côte d'Ivoire.
Les travaux du chemin de fer et du port de la Côte d'lvoire sont poussés avec vigueur, sous la direction du commandant Houdaille et de ses collaborateurs, les capitaines du génie Calmel et Thomasset. Le canal qui doit faire communiquer la mer avec la lagune, sur l'emplacement futur de
Port-Bouet, aujourd'hui Petit-Bassam, est amorcé sur plus d'un tiers de sa longueur. La plate-forme de la voie ferrée est en train jusqu'au trentième kilomètre; la pose du rail a commencé et la première locomotive a été débarquée fin juin. Une ligne télégraphique, en installation dans le Baoulé, a atteint récemment le poste de Singrobo.
La Police de Tanger. Tanger a dominé toutes autres affaires pendant ce mois de juillet, On n'admettait pas, en effet, que pLÎt durer la situation qui a permis l'enlèvement de M. Perdicaris et les nombreux actes de brigandage qui révèlent parmi les tribus marocaines une déplorable anarchie. Le makhzen, qui a ressenti l'humiliation des conditionsqu'il a dû subir pour la libération des La question de la police de
deux prisonniers de Raissou!i, semble avoir compris la nécessité d'écouter nos avis et de suivre nos conseils l'organisation d'une force de police à Tanger est décidée, et c'est un de nos officiers indigènes, le lieutenant Ben-Sedira, qui commandera le tabor de Tanger. Ainsi s'établit peu à peu, entre le sultan et nous, cette collaboration à laquelle nous prétendons et qui nous ouvrira peu à peu le Maroc.
Le Transport du Caoutchouc au
Soudan français.
La route qui
depuis peu relie Sikasso à Bammako offre
aux exportateurs de caoutchouc des avantages considérables, Jusqu'à ce jour, le transport du caoutchouc de Sikasso à Bammako, pour de là gagner Kayes en chemin de fer, et Saint-Louis en bateau, s'effectuait de deux manières 10 à dos d'homme un porteur transportait 3o kilogrammes, moyennant 6 fr. 50 à 7 fr. 5o et mettait quinze jours à effectuerles 34o kilomètres de Sikasso à Bammako; 2° à dos d'âne un bourriquot transportait 3 charges, c'est-à-dire go kilogrammes, ce qui demandaitvingt-deuxjoursau prixde22fr. 50. Le kilogramme de caoutchouc coûtait donc de transport ofr. 25, francs la tonne. soit Avec la route qui vient d'être terminée, les conditions sont changées. La voie est carrossable, et dès la première
5°
saison sèche, les voitures et les mulets y circuleront aux conditions suivantes Un mulet, conducteur, nourriture,amortissement, réparations, coûte par jour fr. 50. L'animal traînera 3°0 kilo-
grammes nets (charge réglementaire des conducteurs soudanais). Il remplacera donc 1° porteurs à o fr. 5° par jour 5 francs par jour, et mettra 15 jours de Sikasso à Bammako, pour 2z fr. 50. On peut compter 24 francs en chiffres ronds pour 3°° kilogrammes, c'est-à-dire moins de o fr. Iole kilogramme pour frais de transport. Donc, la tonne de caoutchouc Bammako-Sikasso coûtera dorénavant 1°° francs au lieu de 250. Cette route servira aussi au ravitaillementdes postes au sud de Bammako et Ségou.
=
Les Paysans de la Russie. A l'beure où le Transsibérien canalise le flot des soldats russes qui s'en vont en Extrême-Orient servir sous Kouropatkine, il n'est pas sans intérêt de connaître la vie, les mceurs, la condition de ce peu~le des campagnes qui alimente l'armée du t,far. AJjranchis depuis ~eu, les paysans de la Russie ne semblent pas avoir reçu de leur indépendance l'éducation morale qui fait des hommes vraiment libres, et des souvenirs du Moyen-Age s'éveilleront certainement à la lecture de cette étude.
pratiques. Les anciens et les vieilles du pays conservent 1 l'habitude du costume national, les jeunes le revêtent ments ethniques qui peuplent la Russie, il faut diparfois au jour de fête; mais passez en temps de traviser les Russes proprement dits en Grands-Russes au vail dans un village du nord, Petits-Russes au sudNord, du Centre ou du Sud, ouest, Russie blancheà voici ce que vous remarl'ouest, aux confinsde la Pologne. Cette cohue de natioquerez à peu près partout. Le vêtement essentiel du nalités surprend le regard dans un musée d'ethnograpaysan russe, caractéristiphie il faut voir au musée que, est la voubachka; c'est ethnographique de Saintune sorte de chemise boutonnée sur le côté gauche, Pétersbourg, au musée portée à même sur la peau Dachkof de Moscou, organisé comme les nouvelles et retenue par une ceinture de cuir noir ou une cordegaleries du Muséum d'Hislette de couleur. La routoire naturelle à Pâris, en bachka ordinaire est rouge, vitrines réparties par famild'un rouge cru. Il y en a de les, groupes, etc., cet incouleur sombre; dans cercroyable mélange de formes, taines localités, sur les dede couleurs, de parures et vants et les poignets de roud'ornements qui compose bachki en toile grise, les les vêtements des différents femmes brodent des ornepeuples de l'Empire. En général, on distinments géométriques rouges et noirs, rouges et bleus; et gue les Slaves du Nord et les Finnois à leurs grands manles dessins varient suivant les Gouvernements ou les teaux de laine blanche bordés de broderies rouges, à villages plutôt que suivant leur goût pour les couleurs la fantaisie individuelle. Sur la roubachka, crues, à leur simplicité de l'hiver, le paysan jette un vêtements.Au contraire,les Slaves du Sud s'habillent lourd manteau de bure brun ou blanc, lié par une avec une profusion de couleurs sombres, et une receinture rouge ou violette, KIEW), (GOUVERNEMENT DE PAYSANNES DE LA PETITE-RUSSIE cherche dans la parure bien le kaftane; puis il s'envedifférente de l'apathie lourloppe dans un gros manteau Photographie communiquée par M. Gaston Cahen.
jJoott ne pas s'égarer dans la multiplicité des groupe-
de du Nord.
Mais ces costumes si pittoresquescédent la place, en Russie comme ailleurs, à des confections plus uni-
formes, ¡meilleur marché et, disons-le, souvent plus A TRAVERS LE MONDE.
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LIV.
en peau de mouton dont la laine est à l'intérieur, la poloucbouba ou demi cbouba qui descend jusqu'aux genoux. La chouba elle-même tombe jusqu'aux pieds; par ses dimensions et la maN~
36.
3 Septembre ~904.
nière dont on la tient croisée pour la fermer, elle-ressemble à nos robes de chambre. Ajoutez un simple pantalon très léger, rose ou bleu, et le costume sera complet, avec le système des chaussures.C'est, en effet, une autre partie essentielle et caractéristique que la chaussure du paysan russe. L'hiver, quand la neige monte à plusieurs centimètres, parfois à une archine (Om75) et davantage; au printemps, quand, à la fonte des glaces, on enfonce dans la boue souvent au-dessus du genou, il faut veiller avec soin au froid et à l'humidité des bottes, de ces bottes molles qui, neuves, vont jusqu'aux cuisses, et qui, tassées ensuite en petits plis, montent encore aux genoux, forment une excellente chaussure, un peu lourde, mais sèche, simple, pratique. Si le froid est trop vif, dans la Russie du nord, de l'est, en Sibérie surtout, les bottes en cuir deviennent insuffisantes on emploie alors de
grosses bottes toutes en
feutre, les valièneki, très chaudes. L'été, il faut autre chose pour la poussière des routes; alors le paysan s'enveloppe pieds et mollets dans des bandes d'une toile blanche épaisse, énorme, les azTOZStcbi; il porte aux pieds des chaussons en écorce de bouleau, carrés, informes, mais légers et très bon marché, les lapti. Et c'est le complément indispensable du ciel gris, du bouleau blanc, de la terre
maigre que cet homme aux longs cheveux, coupés en rond (( à l'écuelle », à la barbe châtain clair, vêtu de sa roubachka rouge ou de couleur, de son pantalon rose ou bleu, traînant ses
rouge sur le haut des manches, qui sont courtes, et d'une jupe de couleur foncée, bleu sombre en général; des rubans et des colliers de grosses perles en verre de couleur, les boucy ressortent sur le fond blanc du vêtement et forment un pétillement de couleurs gaies qui cadre bien avec la pétulance de ces natures méridionales. Les enfants vont pieds nus, tête nue, les filles dans une méchante robe d'indienne, les garçons serrant leur roubachka d'une ficelle. L'impressionde ces petits êtres souffreteux, aux têtes blondes, d'un blond presque blanc, au gros ventre gonflé de pain de seigle,
est quelque peu pénible à la traversée d'un village du Centre. C'est que si la nourriture du paysan est aussi simple que son costume, elle paraît moins bien appropriée. Toute l'année, toujours et partout, du pain de seigle, non pas gris mais noir, mou, gluant. L'hiver, on y ajoute la kacba, sorte de bouillie de grains nourrissante et bonne, quand on y mêle beaucoup de beurre, mais lourde. L'été, tous, hommes, femmes, enfants, croquent des agourtsy, petits concombres verts qu'on vend partout, et que les paysans mangent crus, sans les peler, Pour boisson, l'hiver, le thé qu'on prépare sur le
samovar; l'été, le kvas, sor-
te de limonade faite de pain fermenté, aigrelette, assez
agréable.
Et ainsi nourri, le
paysan est obligé aux plus
durs travaux. L'été est court, il faut se hâter; puis le paysan souffre du manque de terres, des impôts, soit directs pour le
rachat de sa liberté qu'il
paie depuis J'affranchisselapti sur les routes poument de 1861 soit indidreuses. Sa femme n'aime QUATRItSIE CI-AISE: ~L'R UN VAPEUR DU Voi~G-4. LA rects par suite du protectiopas moins que lui la counisme; il souffre de la tuleur la coupe de la camiPlzoto~raphie contntuttiqt:cc ~ar M. Gastott Cahen. telle de l'administration, de sole ou de la jupe varie suivant les endroits; les teintes diffèrent un peu, mais, bien d'autres maux encore. Il s'en va louer de la terre à court terme et rentre à peine dans ses frais après une en général, ce sont les indiennes de Moscou ou de Varsovie, les sitsy qui en font tous les frais; ces cosaison de labeurs. Aussi au Nord, au Centre, vous tonnades imprimées tranchent sur le paysage sombre l'entendrez rarement pousser sa charrue en chantant, le cceur gai, satisfait. Du reste, la chanson indivipar leurs tons éclatants le rouge, le jaune vif ou le blanc d'un tablier à broderies de couleur. Au Nord, le duelle n'est pas son fait. Ses habitudes le poussent à costume des femmes, surtout l'hiver, ne se distingue se grouper pour trouver appui et protection; et, dans guère de celui des hommes un vêtement de bure, certaines localités, réunis, les paysans chantent des chœurs spontanés, graves, justes, admirables souvent. comme à l'homme, comme à lui les bottes, les valiéneki. Il serait même difficile de distinguer les uns des Les femmes, les Bahoui, chantent aussi, mais avec une voix suraiguë et fausse.. Malgré cela le charme de ces autres, si les paysannes, qui ne portent jamais de chamélodies plaintives ou haletantes et vives, de ces peau, ne se couvraient la tête d'un et le plus souvent de deux mouchoirs ou foulards, platki rouges, entoupièsui, entendues le long des rives d'un grand fleuve, rant le cou et noués derrière par un gros nmud sur la ou le soir après le coucher du soleil, au retour à la maison, est surprenant. nuque. L'hiver, il faut rester à l'isba, la chaumière L'été, les paysannes de la Petite-Russie s'habillent d'une sorte de grande chemise blanche brodée de celle du Nord, faite de troncs à peine équarris avec
de l'étoupe pour remplir les interstices, celle du Sud, mieux construite, recouverte d'une couche de chaux ou de plâtre qui lui donne un aspect plus confortable. Mais l'hiver, c'est cinq, six mois, qu'il faut rester sur le poêle, cette masse de maçonnerie, par un côté de laquelle l'on entre le bois, pendant que tous, pêle-mêle, dorment dessus. Il fait étouffant à l'intérieur de l'isba
enfumée de pétrole, où bêtes et gens sont renfermés ensemble. Que devenir? Les femmes veillent aux animaux, filent ou tricotent. Les hommes n'ont que deux ressources se livrer à l'industrie domestique ou émigrer. Ceux qui restent au village s'occupentde fabriquer des objets en osier, en bois, en corne; des jouets, de la ferblanterie!, etc. Il y a toute une partie très curieuse de l'industrie russe qui vit ainsi d'objets façonnés à domicile et livrés à très bas prix. La main-d'oeuvre est bon marché sans doute, le temps n'entre pas en ligne de compte le plus souvent, mais que d'exploitation et de misère dans cette production Le paysan est incapable de s'ouvrir luimême les débouchés nécessaires à la vente, incapable de s'associer pour l'achat des matières brutes. Alors inter-
médicaments nécessairesleur sont fournis gratuitement. Malgré tout, la perspective d'une vie meilleure engage nombre de paysans à émigrer. Le paysan russe ne ressemble en rien au campagnard de France attaché à son lopin de terre. La masse paysanne est en un perpétuel état de migration, de déplacem(nt, de changement. Est-ce à dire que les voyages ,oient si faciles ? Bien loin de là. L'autorisationobtenue à la police, le passeport signé, il faut se mettre en route. Mais sur quelles routes! Les chemins russes, à très peu d'exceptions près, sont de simples sentiers où les roues des voitures ont creusé de profondes ornières, où les défoncements, les trous et les creux font faire à tout véhicule des cahots et des sauts qui démonteraient les plus solides de nos carrioles. Le ministère des Voies et Communications n'a guère d'attention que pour les chemins de fer. Aussi la voie ferrée sert-elle non seulement aux trains, mais aux piétons, tout heureux de trouver sur les traverses un fond ferme au milieu du sable ou de la boue environnante. S'il vient un
train, il approche lentement, on le voit, on l'entend, on s'en gare comme d'un tramway, et
viennent les inter-
édiaires,
la marche reprend
les (( poings » koulaki, comme les caractérise la langue, Et ils tirent profit à la fois du paysan désarmé qu'ils lient par un habile système de prêts, et du client m
ensuite, nulle barrière ne séparant la voie du reste de la
route. Mais les che-
qu'ils forcent
à payer plus cher. Le
mal est si évident que plusieurs des
UNE ISBA DANS LE GOUVERNEMENT DE POLTAVA.
i. Voir A Travers le Monde, i
Les Industries rurales en Russie.
903,
p.
177 et suivantes,
sentparcoûtercher.
Alors le paysan, l'été, utilise le magnifique réseau fluvial de la Russie. Les fleuves, des fleuves géants dont le plus long des nôtres serait à peine un affluent, forment les véritables routes de la Russie. Les gros vapeurs de la Volga ont une 4" classe où, pour quelques roubles (le rouble z fr. 65), vous pouvez parcourir des milliers de verstes (la verste 1067 mètres). Enfin si le prix est, malgré tout, trop élevé pour la très maigre bourse des paysans, alors ils partent à pied, hommes, femmes, le paquet enveloppé de toile cirée, sur l'épaule, quelques paires de lapti de rechange avec la théière, à la ceinture, le bâton de pèlerin, à la main. Les uns, de gré ou par ordre s'exilent pour coloniser la Sibérie; d'autres vont chercher du travail à la ville pendant l'hiver. beaucoup partent en'pèlerinages, et partout, sur la voie ferrée, dans les rues des villes, auprès des couvents vous rencontrez des files de gens qui marchent, l'un derrière l'autre, des jours entiers, mendiant, jeûnant, rapportant parfois des maladies contagieuses, mais heureux d'avoir baisé des reliques ou satisfaits d'avoir entrevu leur idéal. II arrive même que tout un vil-
Photographie communiquée par l'~T. Gaston Caher:.
Assemblées provinciales ou Ziemstvo ont cherché à remplacer le système d'exploitation (koulatcbesvo) par des avances, des prêts, des ateliers. Elles sont loin d'avoir toutes réussi. C'est au Ziemstvo aussi qu'appartient l'honneur d'avoir lutté contre l'ignorance et la maladie. Grâce à ses efforts, la Russie qui ne savait pas lire, il y a cinquante ans, où le nombre des illettrés, suivant les endroits, flotte encore entre 40 et 8o pour ioo, se couvre peu à peu d'écoles primaires, s'achemine au niveau d'instruction de la France et de l'Allemagne. Et grâce au Ziemstvo encore, les terribles épidémies qui sévissent à l'état endémique sur la pauvre et immense terre russe, la variole, le typhus et ses variétés, quelquesunes spéciales à la Russie, commencent à perdre du terrain. Non seulement les campagnes sont parcourues par les médecins du Ziemstvo, mais encore les paysans trouvent, dans les Gouvernementspourvus d'un Ziemstvo, des hôpitaux en pleine campagne, où soins et
mins de fer, malgré leur bas prix relatifs, n'ont pas de 4" classe, et les longs voyages finis.
lage se déplace, filles, garçons, hommes, femmes,
tous sauf les vieillards et
les enfants, pour se louer
ouvriers noirs », c'est-à-dire pour les gros ouvrages, à la ville où à la fabrique voisine. Ces migrations continues sont une des raisons qui retardent le développementde la classe ouvrière proprement dite. Au contraire de l'Occident, la Russie ne fait pas une distinction nette entre l'ouvrier et le paysan; ou plutôt si le nombre des paysans qui, ayant rompu à tout jamais avec la vie des champs, se sont fixés à la ville et s'y transforment en citadins est en augmentation progressive, il reste cependant très inférieur à la masse paysanne. La Russie, pourrait-on dire, est encore, à l'heure présente, un immense pays agricole habité par un immense troupeau de paysans. Mais les embarras de l'agriculture et les progrès rapides de l'industrie y créent un élément ouvrier qui s'accroît de jour en jour. comme
((
La Navigation du canal de Suez en 1903. La France au troisième Rang. L A navigation en 1903 s'est chiffrée par 3 761 navires (3 708 en yo2, 3 69c~ en 1901) représentant un tonnage net de II 907288 tonnes (II 248413 en 1902,
10823840 en 1901). Voici la répartition du transit, en 1903, par nationalité, nombre de navires et tonnage
net Pavillons.
Anglais
Français. Néerlandais Austro-Hongrois. Russe Japonais. Italien Allemand
GASTON CAHEN.
Espagnol. Norvégien
Danois. Ottoman. Américain
Le Transcontinental panamé-
Divers.
ricain.
Nous avons plusieurs fois entretenu nos lecteurs du
projet gigantesque d'une ligne de chemin de fer desservant presque tout le continent américain. Le, projet a reçu un commencement d'exécution par la constitution d'une compagnie qui s'est fait enregistrer, aux États-Unis, sous le nom de Panamerican Railway Conc~any (Compagnie du chemin de fer panaméricain). Le projet prévoit l'établissement d'une ligne de chemin de fer commençant à Port-Nelson, dans la baie d'Hudson, et traversant les États-Unis, le Mexique, l'Amérique centrale, la Colombie, le Pérou, la Bolivie et la République Argentine. Il n'y aurait, en fait, qu'à relier entre elles les voies ferrées déjà existantes sur les deux tiers du trajet projeté là où il serait nécessaire. Ce seraient d'abord les voies canadiennes et des États-Unis qui entreraient dans le nouveau réseau. La ligne terminée aurait environ 16000 kilomètres de
longueur. A ce sujet, un communiqué de la légation de Guatemala fait connaître que M. Estrada Cabrera, président de la République, a lu le message suivant au
dernier Congrès ( Un contrat a été signé avec un puissant syndicat américain pour la construction de la voie ferrée transcontinentale. Les travaux préliminaires ont été commencés en plusieurs endroits à la fois et sont poussés activement. La ligne de Mazatenango est terminée; les sections du Centre, du Sud et de l'Ouest sont ainsi raccordées. (( Les travaux de cette ligne vont être continués elle atteindra avant peu Izapa, sur la côte de l'océan Pacifique. Le Transcontinental panaméricain est destiné à relier les trois Amériques et constituera une des plus gigantesques entreprises des temps modernes. »
Navires.
2278 494 261
223
128 1 19 9 53
72 26
35
Ilt
26 12z 23
Tonnage net. 7 403 553
1 773265
781379 548 658
° 188 349092 220966
407
148706
86713 70601 41 168 z9 069 23612z 22 000
Pour 1902, le pavillon anglais est en augmentation de 1 13 navires et de 630 000 tonnes environ; sa proportion, dans l'ensemble du trafic du canal en représente toujours les trois cinquièmes. Le pavillon allemand rattrape et au delà le terrain perdu l'année précédente, et s'accroît de 14 navires et 66000 tonnes. Le pavillon français, qui reste au troisième rang, s'est encore augmenté de 12 2 00o tonnes tout en perdant 13 navires. Le pavillon néerlandais s'augmente de 28000 tonnes et le pavillon austro-hongrois en perd
9000.
regagne 20 000 tonnes en 1903, Le pavillon japonais ne cesse de diminuer depuis quelques années son recul est de i i ooo tonnes pour 1903.
Le pavillon russe
Le pavillon italien, baisse encore de 19000 ton-
nes. Le pavillon espagnol suit de même une marche décroissante, avec 9 ooo tonnes en moins. Le pavillon norvégien perd 4000 tonnes. Le pavillon américain reperd les deux rangs gagnés l'année précédente, avec un recul de 24000 tonnes, soit de plus de moitié. Le nombre des passagers, qui était de 223 658 en 1902, a été de 195 2 17 seulement en i go3; il y avait déjà eu diminution notable par rapport à 1901. Dans ce nombre on compte 25 362 passagers spéciaux (pèlerins, émigrants, transportés), 89272 passagers civils et 80 583 militaires. Parmi ces militaires, on compte 3oooi Anglais, 33 Ottomans, 7 386 Allemands, 22 ggo Français, 4 10 1 Russes, 241 1 Néerlandais, etc. Les différences les plus sensibles portent sur les Ottomans qui ont doublé de nombre et sur les Russes et les Américains dont le chiffre est en diminution des deux tiers sur 1902.
Il
Projet de trois nouvelles Voies ferrées à travers les Pyrénées. LE
23 mars 1885, les Gouvernements français
et es-
pagnol signèrent une convention diplomatique en vue d'ouvrir deux nouvelles voies ferrées à travers les Pyrénées. A la suite de négociations préliminaires et d'études préparatoires dues, pour le côté français, à M. Mille, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, on était arrivé à s'entendre sur un double tracé. L'un était celui d'Oloron à Jaca par le col de Canfranc. L'autre était celui de Saint-Girons à Lerida par le col de Salau. Les commissaires avaient décidé que les deux lignes seraient mises sur le même plan. Tout paraissait donc réglé. Mais un article, qui disait que les deux
Gouvernements
s'entendraient sur
espagnol s'opposait à toute prise en considération avant de savoir si les intérêts de la défense nationale permettaient la percée des Pyrénées dans les cols de la Cerdagne et aux abords de la Llivia, ce curieux petit territoire espagnol, qui se trouve enclavé dans le territoire français. L'Espagne ordonna des études nouvelles. Elles furent faites très rapidement, et, en ces temps derniers, la réponse du Gouvernement espagnol fut communiquée au Gouvernement français elle était favorable. L'entente put, dès lors, s'établir sans difficultés, et le dernier projet passa même au premier rang dans les débats de la Commission. Voici sur quelles bases on a fini par s'entendre On s'occupera tout d'abord de la construction de la ligne proposée par le Gouvernement français, d'Ax à Ripoll. Cette ligne permettra un trajet direct entre Toulouse, Foix et Barcelone. Outre que, comme nous le disons plus haut, elle fera gagner quatre heures sur le parcours actuel par Narbonne et Perpignan, elle aura un autre avantage grâce à elle, les voyageurs pour l'Algérie qui .craignent la mer,
la date où la conven-
pourront se rendre directement à Car-
à la ratification par-
thagène et de là à Oran, par une tra-
tion serait soumise lementaire, rejeta ce règlement à une date indéterminée.
Jamais la convention ne fut soumise au Parlement. Depuislors, à plusieurs reprises,
on a recommencé
les pourparlers. Tantôtde Paris, tantôt de Madrid, d'intéressantescommu-
versée extrêmement courte. Ce dernier argument est l'un de ceux que l'on a le plus fait
ressortir
du côté
français.
Ensuite, et cette fois par
les
communications rapides, on s'occupeCARTE DES TROIS VOIES FERRÉES PROJETÉES A TRAVERS LES PYRÉNÉES. ra du vieux projet nications sont veOloron-Jaca par Canfranc, qui n'est nullement abandonné, quoique nues, mais toujours sans résultat. En juillet i go3, les placé au second plan. Ce chemin est bien le plus dideux Gouvernements, désireux d'arriver à une solution, rect la ligne télégraphique Paris-Madrid passe par là. ont nommé une nouvelle Commission, dont les memDes deux côtés de la frontière, tous les plans sont bres, tombés d'accord sur les questions essentielles, d'ailleurs prêts depuis longtemps pour cette ligne. On sont arrivés à un résultat qu'il est intéressant de connaître. peut dire que seul le travail purement matériel reste à accomplir. Du côté espagnol, la Compagnie du Nord L'accord de la Commission, que vient de ratifier, arrive déjà presque au pied des montagnes qu'il faudra tout récemment, une convention signée par M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères et par M. Léon percer pour opérer la jonction. Quant au tracé Saint-Girons-Lerida, il semble y Castillo, ambassadeur d'Espagne à Paris, aboutit devoir être réservé pour une date plus lointaine. Il y dans son ensemble à porter de deux à trois les tracés aurait, du côté espagnol, un long, un très long tronqu'acceptent solidairement les deux Gouvernements. Aux deux lignes, Oloron-Canfranc-jaca et çon de ligne à construire. Et puis, on ne peut faire Saint-Girons-Salau-Lerida, s'ajoutera un troisième chetout à la fois. Cependant les deux Gouvernements se min de fer. Il partira d'Ax-les-Thermes dans l'Ariège sont engagés à construire ces trois lignes dans un délai maximum de dix années. et, à travers les cols de la Cerdagne, il s'avancera De ce que l'accord s'est fait entre les deux Goujusqu'à Ripoll. Cette nouvelle ligne abrègera de quatre heures environ le trajet de Toulouse à Barcelone. Elle vernements,il ne faudrait pas en conclure que tout soit terminé. Il reste, en effet, à obtenir l'approbation des aura, d'autre part, le mérite de desservir une populaChambres françaises et espagnoles; il reste aussi la lation laborieuse, mais peu favorisée jusqu'ici, qui lui question des frais énormes qu'occasionnerale percedevra un regain d'activité et de bien-être. Ce n'est d'ailleurs pas sans peine que ce troisième il reste enfin à avoir l'avis des Compagnies du ment projet a été adopté en principe par les membres espaMidi de la France et du Nord de l'Espagne, qui ne se gnols de la Commission. Le ministère de la Guerre sont pas encore prononcées sur la question.
La Politique française au Maroc. DANS un article que nous avons publié récemment sur la question de nos rapports avec le Maroc1, nous indiquions que le devoir de la France était de tenir compte des intérêts et de l'état d'esprit des Marocains, si nous voulions mener à bien l'œuvre que nous a reconnue la récente convention franco-anglaise. M. Eugène Étienne, le chef incontesté du groupe colonial, vient précisément,dans un article retentissant, de recommander une politique d'union avec le maghzen, aussi bien sur la frontière algérienne, où les accords conclus par M. Revoil en 1901 et 1902 ont donné les meilleurs résultats, que dans le Maroc proprement dit. Le général Lyautey s'est fait, dans les territoires du sud dont le commandement lui a été confié, l'habile et très actif artisan de ces opérations pacifiques. Étienne, en (( C'est en faisant la tache d'huile, dit M. passant d'une tribu soumise à une tribu insoumise, que le général entend mener à bien la pacification de cette région. L'orientation de la marche qu'il a adoptée, en prenant ce mot d'orientation dans son sens propre, n'est pas indifférente. Il procède du sud vers le nord. Une tribu soumise du nord forme ainsi entre la tribu voisine du nord et les populations nomades plus méridionales une sorte de tampon qui lui ôte la tentation et même la possibilité de se soustraire par la fuite dans le désert à la pression qui est exercée sur elle pour l'amener à résipiscense. Quand le maghzen, fortifié par nos conseils et par l'intervention de nos instructeurs, pourra, de son côté, et par des procédés moins sommaires que ceux dont il a usé jusqu'à ce jour, gagner du terrain sur les tribus du Bled-es-Siba, la jonction s'opérera tout naturellement entre les territoires pacifiés au sud et ceux qui feront leur soumission au nord. Le refoulement des nomades insoumis dans les déserts du Sud a été en Algérie un des grands obstacles à la pacification de la colonie. La méthode inaugurée par le général Lyautey au Maroc préviendra cette difficulté. » D'ailleurs, M. Étienne est d'a~cord avec M. Delcassé sur l'orientation générale à donner à notre politique au Maroc. Nous devons marcher avec le maghzen, parce qu'en dehors du maghzen, quelque contestée et souvent impuissante que soit son autorité, aucun embryon d'organisation n'existe, et que, suivant l'expression très juste du ministre des Affaires étrangères, (( on ne fait pas de politique avec le néant ». En suivant cette ligne de conduite, nous pouvons espérer faire une besogne utile et profitable. Parmi les puissances européennes, il n'y a que l'Espagne qui refuse son assentiment à la mission que la France a assumée au Maroc. L'Espagne, en effet, n'a pas abandonné ses prétentions. Sur ce point, M. Étienne est très net. Il écarte avec énergie toute solution qui préconiserait le démembrement de l'empire chérifien, Voir A Travers le Monde, 19°4, page 255.
un partage d'influence politique entre la France et l'Espagne. (( Un partage territorial serait, dit-il, la violation formelle de l'engagement que nous avons pris vis-à-vis de l'Angleterre (le Gouvernement de la République française a déclaré, dans l'article 2 de l'arrangement franco-anglais, qu'il n'a pas l'intention de changer l'état politique du Maroc). Mais ce serait aussi et surtout la négation de la politique traditionnelle de la France, qui a toujours eu pour base le respect de l'intégrité de l'Empire marocain. » Et plus loin (( Un cot2domizaiaanz, un attelage à plusieurs ou à deux ne pourrait que superposer une anarchie nouvelle à celle qui est déjà l'essence même de l'organisation administrative du Maroc. » Ce que nous pouvons, dès lors, accorder à l'Espagne, ce sont des satisfactions d'ordre commercial, dans le domaine économique, une large participation aux entreprises que comportera la mise en valeur du pays. Des négociations sont en cou:s s à ce propos.
Une franc-maçonnerie de Cannibales dans l'Ile de Vancou-
ver. L cannibalisme n'est pas encore une institution tom-
bée en désuétude, je ne dis pas seulement en Afrique, mais dans certaines tribus indiennes de l'Amérique du Nord. Dans l'île de Vancouver, en particulier, existe une tribu, celle des Kouatiutl, qui ne se distingue point par une férocité particulière des autres tribus indiennes, et qui n'est pas absolument réfractaire à l'attrait de la civilisation les jeunes filles, chez les Kouatiutl, ont même un certain goût pour les parures européennes. Et cependant, chez ces Indiens insulaires, se perpétuent certaines coutumes cannibales dont le caractère est à la fois horrible et répugnant. Ils ont en particulier une société secrète, celle des Ha-mat-sa, où l'on ne peut entrer qu'au bout d'une initiation aussi longue que douloureuse. A en croire ces indigènes, les âmes des plus fameux de leurs ancêtres continuent à hanter les forêts de l'île, et chacun des membres de la société se choisit parmi elles un patron, un génie qui, grâce à l'initiation, entre dans son corps et le remplit de bravoure, tout en lui donnant certains pouvoirs surnaturels. L'un des plus importants parmi ces esprits des morts est le Grand-Esprit cannibale, le protecteur particulier des Ha-mat-sa. Pour entrer dans cette société, il faut être né d'un de ses membres, ou, en tout cas, ne pas avoir pris femme en dehors du cercle exclusif de la confrérie. Dès qu'un Kouatiutl a posé sa candidature et qu'on l'a agréé, il dispar_aît subitement de la tribu pendant trois ou quatre mois on suppose que l'esprit cannibale l'a enlevé dans les forêts pour le remplir de sa vertu divine. En réalité, le candidat vit seul dans les bois, pendant tout ce temps-là, hantant les cimetières où des poteaux grossièrement taillés en forme de
statues sont autant de tombeaux. Le catéchumène, c'est dans la violant les sépultures les plus récentes, règle, s'exerce à mordre à belles dents à même les bras des cadavres. Nous voulons supposer que ce n'est là qu'un exercice, qu'un entraînement à des morsures plus cruelles, mais moins répugnantes. Pendant ce temps, règne une grande agitation au siège ou temple de la société, une très grande hutte dont l'intérieur, divisé en plusieurs pièces, est orné de figures horribles ou grotesques. Les membres de la secte s'y exercent à chanter et à danser sous la direction d'un chef. Le candidat est censé s'initier à ce même moment, aux mêmes chants et aux mêmes
danses sous la direction du Grand-Esprit. En réalité, le chef s'arrange avec le candidat pour entraîner dans les bois, dans le voisinage de ce dernier, qui a soin de rester toujours invisible, ceux qu'il exerce de cette manière, et l'élève du Grand-Esprit s'entraîne de son côté en écoutant le chant, en suivant de loin la figure des danses. C'est, du reste, fort heureux pour lui, car il aura son rôle à jouer dans ces chants et dans ces figures, et une seule erreur de sa part déchaîneraitsur lui les plus épouvantablescatastrophes. Enfin, le temps des exercices approchant du terme, un beau jour, les sociétaires se réunissent dans le temple et se mettent à chanter à tue-tête pour attirer le candidat. Celui-ci, en effet, s'approche de la hutte sacrée, dont le toit est surmonté d'un gigantesque bec de corbeau. (Le corbeau représente le messager du Grand-Esprit.) Mais le héros du jour n'a pas le droit d'entrer dans le temple par la porte, parce qu'il n'est pas encore initié; une passerelle établie pour la circonstance lui permet d'escalader le toit, d'où, par une ouverture ménagée à cet effet, il descend dans l'intérieur de la hutte, dans une pièce voisine de la salle où sont assemblés les chanteurs. Tout à coup, ceux-ci voient se précipiter parmi eux un homme nu, dont le cou, les bras, le milieu du corps, sont simplement entourés de branches de cèdre. Il semble hors de lui; il bondit, il cherche à mordre tous ceux qui l'entourent. C'est notre candidat, et c'est le Grand-Esprit qui l'anime. On cherche à s'emparer de lui;. il s'échappe, il regagne la forêt; on se met à sa poursuite; il se jette sur ses poursuivants, les mordant au bras à pleines dents, et ce n'est pas une morsure pour rire Mais le poursuivant n'y perdra rien, il sera déciommagé mordu et content! Enfin, fatigué de courir, de crier, de mordre, l'initié devient plus traitable; on s'empare de lui et on le ramène au temple. Dans la seconde partie du programme, on chante et l'on danse autour de lui, et les chants comme les danses sont calculés pour apaiser et doucement endormir le Grand-Esprit qui le possède. D'abord furieuses et échevelées, danses et mélodies deviennent peu à peu quelque chose de doux, de tendre et de gracieux. Le charme s'opère; le candidat, après avoir roulé des yeux furieux et s'être démené comme un démoniaque, se radoucit et finit par prendre part à la danse. Mais ce qui caractérise cette cérémonie, c'est que membres et candidat portent des masques hideux et gigantesques, qui sont censés représenter des
monstres terrestres ou marins, dont les Kouatiutl se disent les descendants. Le masque du candidat, en
particulier, représente une énorme et monstrueuse face vaguement humaine, flanquée, à droite et à gauche, d'une double et énorme tête de serpent cornu dardant une langue d'un mètre de longueur. L'initiation est achevée, le candidat est compté comme membre de la société; mais, pendant une année encore, il devra observer certaines prescriptions rituelles, ne manger que de certains mets, ne s'asseoir que sur certains sièges et vivre à part de la tribu.
Les Chemins de fer africains. LA grande ligne ferrée du Cap au Caire est loin d'être terminée. Actuellement, la section nord de ce futur chemin de fer s'arrête à Khartoum, et, pour le moment, le projet de la prolonger jusqu'au lac Albert reste en suspens. Mais on va relier Kartoum à Kassala, centre commercial important, auquel on assurera d'abord un débouché sur la mer Rouge (Souakim ou Massaouah), puis que l'on joindra au lac Rodolphe (Afrique orientale anglaise), par Gédaref, Roseires sur le Nil Bleu et Itang, en territoire éthiopien. Voici le tableau récapitulatifdes longueurs kilométriques des voies ferrées en exploitation dans les différentes régions du continent noir.
françaises. Egypte,
Colonies
Colonies anglaises
allemandes portugaises
italiennes
État du Congo La
Total.
5 167
kilomètres
4 646 9 747 244 943 28
398 21 173 kilomètres
seule conquête qui reste à faire en Afrique
étant la conquête économique et commerciale, le rail fournit l'arme pacifique et l'outil nécessaire à cette
conquête. Le nouvel accord franco-anglais va permettre à la France d'étudier le prolongement des lignes de l'Ouest-Algérien vers Fez et Tanger, reliant ainsi directement par rail le golfe de Gabès à l'océan Atlantique.
R. GeblescQ,
La Question d'Orient et son caractère économique. Paris, Perrin, 19°4, in-18 de 216 pages. Prix 3 fr. 50.
fonction AUTEUR s'attache
à interpréter la question d'Orient en des faits économiques, C'est là un point de vue nouveau et intéressant. M. Geblesco s'effraie de la prédominance de l'Autriche sur le Danube, en Albanie et en Macédoine ce n'est pas qu'il souhaite l'intervention des Russes, injustes détenteurs de la Bessarabie roumaine, comme les Austro-Hongrois le sont de la Transylvanie valaque et de la Bukovine moldave. Il exclut la possibilité d'une fédération balkanique et, en bon Roumain, préconise l'alliance de la Roumanie avec ses soeurs latines, la France et surtout l'llalie,
JOURNAL DE GENÈVE
La Musique et la Danse aux Iles Foeroé.
routes des transatlantiques et dans des conditions de vie difficiles qui écartent de leurs îles les émigrants européens, les Foerings, ou habitants des Foeroé, ont conservé leur caractère propre et des moeurs simples et pures, telles qu'on se représente celles de l'Age d'or. En été, la pêche, la chasse des oiseaux de mer, les absorbent; mais, quand arrive la mauvaise saison, tandis que les vents soufflent en tempête et que le travail du cardage de la laine et de la fabrication des filets les retient dans leurs demeures exiguës, ces hommes vigoureux ont besoin de mouvement. C'est alors qu'ils dansent, qu'ils dansent durant des heures, durant des jours, non pas au son des instruments de musique, car ils n'en ont pas, mais au refrain des vieux chants héroïques. De même que la danse s'est transmise sans altération, les sagas et on retrouve dans les chants qui l'accompagnent qui sont proles romances du Moyen Age, sur des mélodies célèbrent ils chants; bablement aussi anciennes que leurs Sigurd, qui tua le serpent Fafner et qui, sur son cheval, traBrunehilde; ils chantent versa le feu pour parvenir jusqu'à le perfide Hagen et autres héros dont le génie de Wagner nous a rendu les noms familiers. La danse nationale des Foerings est d'ailleurs des plus rudimentaires et s'exécute toujours de gauche à droite. Tous hommes, femmes, y prennent part en se tenant par la main chaîne ou le plus jeunes et vieux, au hasard, forment une souvent un cercle. Si la ronde est trop grande pour la salle, elle se replie en méandres irréguliers. La cadence s'adapte exactement au rythme du poème qu'elle accompagne et s'accélère ou se ralentit suivant l'action qu'elle interprète, Les Foerings dansent-ils, par exemple, accompagnés par le chant de guerre de Regner Lodbrog, ils accentuent ce poème de bravoure en frappant fortement du pied sur les planches, en serrant les poings et en gesticulant avec vivacité. Les chants de carnage et de haine font un singulier effet dans la bouche des plus doux et des plus pacifiques des hommes! Mais ce serait mal connaître nos honnêtes Foerings A
ticement à la danse et placée entre deux solides compagnons, est forcée, tout en tournant, d'entendre jusqu'au bout le récit de son infortune. On pourrait trouver une corrélation directe entre les rondes de Foeroé et la carole, si répandue en France au temps des troubadours.
l'écart des grandes
ilsontaussi, quedecroirequ'ilssecomplaisentdansl'horrible; dans leur répertoire, les chants d'amour les plus gracieux. C'est entre Noël et le Carême que l'on danse le plus aux Foeroé; c'est aussi l'époque des fiançailles, et cette démarche intime se fait publiquement dans ce pays. C'est à la danse décisive. Si celle que le soupirant vient chercher une réponse forme la ronde, qu'il aime l'accepte à ses côtés lorsque se cela veut dire oui; s'éloigne-t-elle pour se placer ailleurs, c'est danse joue un rôle préponun refus en forme. Aux noces, la dérant, et le pasteur y prend souvent part, sans quitter son
costume d'officiant. Le soir du mariage, à un moment donné, le garçon d'honneur, frappant trois coups sur la solive de la porte, chambre nuptiale. somme les mariés de se rendre dans la Alors l'épouse et une de ses amies dansent encore une ronde est dit Il Vous devez en chantant « A vous, femmes, iltandis qu'on emmène la à vos maris. » Puis, I( obéissance mariée, les hommes dansent avec l'époux une ronde sur un rythme doux et lent dont le texte est le suivant Il Braves gens qui possédez une compagne, faites-lui porter avec modération le joug du mariage. » Après le départ du couple, les danses continuent jusqu'au jour. Alors on porte aux mariés, dans leur chambre, les présents de noce, et chaque convive reçoit au retour un
fête se verre d'eau-de-vie offert par l'époux. Quoique illa poursuive tout le long du jour et la nuit suivante, est à remarquer qu'aucun désordre ne s'ensuit. Les Foerings ne manquent, d'ailleurs, ni d'humeur, ni d'esprit satirique. Ils ont aussi des chants burlesques, et souvent une mésaventure arrivée à l'un d'eux est un thème tout trouvé pour faire danser toute une joyeuse société On n'a même aucune pitié, et la victime, qu'on a amenée subrep-
DEUTSCHE KOLONIALZEITUNG Berlin.
Dans la Banlieue de Kiao-tcheou. les Allemands éprouvent des mécomptes dans certaines parties de leur domaine colonial, l'activité grandissante du port de Kiao-tcheou et de leur zone d'influence dans le Chan-toung leur donne quelques motifs de consolation. Voici, d'après un soldat allemand envoyé dans ces lointains quel parages où est planté le drapeau noir-blanc-rouge,la ville aspect présentent, à l'heure actuelle, les environs de de Kiao-tcheou. Partout, dans la banlieue de la ville, s'élèvent des maisonnettes qui animent le paysage. Huttes de gardes-champêtres militaires, qui veillent sur les récoltes, que convoitent les maraudeurs chinois; misérables échoppes chinoises, faites de nattes cousues ensemble; baraquementsd'une des compagnies du .36 bataillon de marine, qui est chargée de monter la garde autour des rails mis en place ou qui restent à placer Ces barasur les lignes du chemin de fer en construction. quements ont un très joli aspect au milieu de la verdure, qu'ils égaient de leurs couleurs vives; car on leur a donné qui n'a rien de une architecture gracieuse, coquette même, commun avec l'uniformité de nos casernes européennes, de A quelques kilomètres de Kiao-tcheou, aux portes la ville de Kanmi, s'élève un second campement; mais, cette fois, c'est un campement chinois, dont les soldats sont chargés des mêmes fonctions que les soldats allemands. Le Gouvernement de Pékin a tenu à prouver ainsi te désir qu'il a de favoriser le développement des voies ferrées dans le Chantoung. Mais les Allemands ont encore plus de confiance dans l'ardeur que mettent les paysans indigènes à faciliter la tâche des ingénieurs, Partout, à perte de vue, sur le futur tracé des chemins de fer qui s'amorcent à Kiao-tcheou, on voit des monceaux de grosses pierres que, spontanément, les Chinois ont entassées en attendant de toucher la plus forte car, il est à peine besoin somme qu'ils pourront extorquer; de le dire, en voyant le rôle indispensable que jouent les pierres dans la construction des voies ferrées, il n'est pas un grand ou petit propriétaire de ces parages qui n'ait fait ses calculs, et résolu de tirer de ses fonds des matériaux qui lui permettent une récolte beaucoup plus fructueuse que son riz ou ses légumes. Et tous de se mettre à remuer, fouiller, retourner la terre en tous sens comme des taupes; quand leurs fonds se trouvent épuisés, ils se rendent sur les mony tagnes, et parfois à plusieurs kilomètres de distance, pour d'auspontanée est collaboration Cette récolter leurs cailloux. partant plus précieuse aux ingénieurs allemands qu'ils ont l'anexemple, fois un besoin urgent de matériaux, comme, par née dernière, lorsque les débordements du Weï-ho firent fléchir et même emportèrent, en partie, le viaduc en fer qui
Si
venait d'être construit.
Une des garanties de l'avenir économique de la contrée est l'industrie du tressage de la paille, dont le centre est Kianging, une des villes satellites de Kiao-tcheou, Déjà, les tresseurs de paille du pays ne suffisent plus aux demandes du commerce. Enfin, à quelque 150 kilomètres du port allemand, près de la ville d'Hamatoung, on met le pied sur des terrains riches en dépôts de houille, dont les locomotives du Chan-toung absorbent déjà les produits de première qualité, tandis que ceux de qualité inférieure sont achetés par les indigènes, Cette houille, dit-on, est supérieure à la houille japonaise. Si les prévisions des géologues à cet égard se réalisent, au point de vue de la: quantité aussi bien que de la qualité de ces dépôts, l'avenir économique de Kiao-tcheou, de ce seul chef, serait absolument assuré.
Du Sénégal au
Niger.
Le Chemin de fer soudanais.
Il y a
quelques semaines, nous exposions les avantages qu'aurait une liâne ferrée allant de Thiès, ~rès de Dakar, à Kayes, et qui permettrait d'éviter la navigation sur le fleuve capricieux qu'est le Sénégal. A Kayes cette ligne en ~ro~ét rencontrerait une voie ferrée déjà construite, celle du Sénégal au Niger, qui rejoint ce dernier fleuve à Bammako, et sur laquelle les trains circulent de bout en bout depuis le 19 mai dernier. Un coup d'ceil sur la carte montre qu'elle établit le lien indispensableentre l'Atlantique et la ~artie française du Soudan. L'étude suivante réunit et résume, d'une façon ~ittoresque et précise, les renseignements que nous avons fréquemment donnés sur cette importante voie ferrée.
APRÈS 900 kilomètres d'une navigation lente, pénible, interminable, sur les eaux lumineuses et tièdes du Sénégal, sous un ciel étouffant et impitoyable,
entre des rives dénudées, misérables, semées de loin en loin de huttes en paille où croupissent des noirs sous un soleil trop lourd; au bout de ces 900 kilomètres ainsi franchis avec cette angoissante conviction que l'on s'enfonce toujours dans un pays plus sauvage et plus abandonné, voilàque surgittout à coup, au détour du fleuve, une agglomèration de maisons européennes, Quelle surprise C'est Kayes,
petites machines s'efforçaient de l'atteindre avec une persévérance héroïque. Elles y sont parvenues enfin, mais après combien de vicissitudes! Ce n'est point assez de tous les obstacles matériels rencontrés sur la route, vallées à franchir, tranchées à creuser, mon-
tagnes à gravir, il fallut encore lutter chaque année contre l'hivernage,dontles pluies torrentiellescoupent la voie, minent les ponts, emportent les talus; il fallut
vaincre aussi la mauvaise volonté et la paresse des noirs auxquels tout
travail répugne et qui se dérobent. On essaie de les remplacer par des Chi-
la dernière escale
nois recrutés à grands frais, mais
du Sénégal, la porte du Soudan français, une petitevillepresque de larges ave-
ils
Des Marocains leur succèdent, ils meurent aussi. Puis des fourmis voraces, les ter-
nues plantées d'ar-
bres, bordées de
maisons toutes blanches et coiffées de toits rouges, une petite église, des TRACÉ DU CHEMIN DE FER comptoirs regorgeant de marchandises, de ballots d'étoffes multicolores, des bâtiments qui se construisent, de petits wagonnets roulant sur des rails, et, chose plus extraordinaire, une gare, une vraie gare dans laquelle de vraies machines sifflent, halètent, mènent grand train et s'élancent vers le Niger, jetant, dans leur course, l'affolement parmi les tribus innombrables de singes, de sangliers et de gazelles, refoulant toujours plus loin le repaire inquiétant des lions et des panthères. Le Niger! Voilà plus de vingt années que ces A
TRAVERS LE MONDE.
meurent.
37" uv.
mites s'attaquent
aux traverses de bois soutenant les rails, et les escarSOUDANAIS DE KAYES AU NIGER. billes enflammées, vomies par la machine incendient celles que les fourmis blanches n'ont point complètementdévoréi::s, Mais le comble, c'est cette aventure Certaines locomotives sont un jour débarquées à Kayes, sur le bord du Sénégal. On est alors en pleine époque d'hivernage, et on a la négligence de les laisser, le soir venu, sur la berge. La nuit, il survient une affreuse tornade; le Sénégal monte de 6 ou 7 mètres, et le lendemain matin on s'aperçoit que les locomotives ont disparu. Le tout est à l'avenant. Aussi, la ligne No
37,
10
Septembre ~90¢.
n'avance-t-elle que par étapes insignifiantes, et on se demande quand le rail parti du Haut-Sénégal atteindra le
Niger.
qu'à cette époque, la période de conquête bat son plein. On est obligé, à tout instant, de guerroyer contre Samory, contre les Touareg ou contre Babemba. Entre deux colonnes il est difficile de pousser activement la construction de la voie ferrée. Et puis, les crédits du Soudan sont principalement absorbés par les opérations militaires. Ce qui reste de disponible n'est pas suffisant pour couvrir les frais de travaux sérieux. Néanmoins, lentement, péniblement, les rails s'ajoutent aux rails; à la fin de l'année 1883,50 kilomètres se trouvent, tant bien que mal, alignés. C'est un résultat, mais un peu médiocre en regard des 16 millions employés. Aussi quand, en 1884, de nouveaux subsides furent demandés au Parlement, l'opposition trouva de véhémentes paroles pour combattre le projet du rapporIl faut dire,
sur une longueur continue de 6o à 8o kilomètres. M. Landenart, colonel du génie, directeur des travaux, maître enfin de son budget, libre de toute entrave pécuniaire, peut activer les travaux, les conduire à sa guise et couvrir, en quatre années, les 310 kilomètres qui le séparent du Niger, alors qu'il avaitfallu dix-sept années et plus de dix-huit millions pour construire les
premiers kilomètres. Nous venons de citer le nom d'un directeur de génie, il serait injuste de ne pas dire que la rapidité avec laquelle on pousse les derniers travaux est due à l'énergie et à l'activité du dernier directeur de l'entre160
prise, M. le colonel de génie Rougier. Comme tous les chemins de fer de la Côte d'Afrique, celui de Kayes au Niger est à voie d'un mètre. Les rails sont de 20 kilogrammes au mètre courant. On a employé partout des traverses métalliques, le bois étant, comme on vient de le
et la majorité des votants, sans
voir, rapidement détruit par les termites. Le prix de revient du kilomètre est de 75 000
teur
francs.
vouloir envisager
La longueur totale de la ligne
lesconséquencesnéfastes d'un pareil
entre Kayes, point terminus de la navigation sur le Sé-
abandon, tomba
d'accord sur point
((
négal, et Bammako sur le Niger, est de
ce
qu'il vaut
mieux, en somme, doter de plus nombreux chemins de
516 kilomètres
Elle traverse un
pays presque dé-
ferl'arrondissement de leurs électeurs que d'en imposer aux nègres qui n'en ont que faire. »
Prud'homme n'eût pas mieux
1.
sert, inhospitalier, en partie stérile, parsuite du manque
d'eau et de la composition ingrate du
M.
TRAVAUX D'INFRASTRUCTURE DU CHEHIN DE FER SOUDANAIS.
sol
roches calcai-
res, dolomitiques, parlé; et les nougrès, argiles ferruPhotograpllie de M. Pont-Pinet. gineuses formées veaux millions demandés furent refusés tout net lorsqu'on passa au vote. en poudingues et en tufs d'une teinte rouge sombre. Jusqu'en 1896, le Parlementn'accorda à la colonie Le but de la voie ferrée n'est point de desservir que les crédits indispensables à l'entretien de la voie, ces contrées, mais de les traverser au plus vite pour et ce n'est que par des prodiges d'habileté et d'écoatteindre la vallée plus riante et plus riche du Niger. nomie que l'artillerie de marine et le génie réussirent A quelque io kilomètres de Kayes, un petit emà le prolonger chaque année de quelques kilomètres. branchement court sur Médine, poste autrefois fortifié Cependant, en présence de l'accroissement raoù 7 Européens et 22 soldats noirs, sous le commandepide de notre influence au Soudan, devant l'entreprement du métis Paul Holl, soutinrent, en 185 7, un siège nante activité des Anglais qui attaquent l'Hinterland de près de cent jours contre l'armée du prophète Elafricain par les voies ferrées de Sierra-Leone, de la Hadj-Omar, forte de 20000 hommes. Quand Faidherbe Côte d'or et du Lagos, et menacent de nous infliger un avec 500 hommes vint enfin délivrer l'héro'lque garéchec commercial désastreux au coeur même de notre nison, les derniers survivants, exténués, blessés, moucolonie, le Parlement comprend enfin la nécessité de rants, sans vivres, sans munitions, s'apprêtaient à se donner une impulsion vigoureuse aux travaux abandonnés par lui. 1. Bien qu'atteignant le Niger à Bammako, la voie se En 1898, 1600000 sont accordés. prolongera parallèlementau fleuve de 6o kilomètresjusqu'à Koulikoro, car, entre ce dernier point et Bammako,les rapides Enfin, en 1899, les fonds nécessaires à l'achèvede Sotouba rendent la navigation impossible une grande parment des travaux sont votés. tie de l'année, De Koulikoro on peut atteindre facilement, Aussitôt le personnel est augmenté, le matériel par le Niger, Tombouctou, Say, c'est-à-dire les centres prinrenforcé, les chantiers mis en oeuvre simultanément cipaux du Soudan.
faire sauter dans la citadelle plutôt que de capituler. D'ailleurs, dans toute cette région, surgissent de
nombreux souvenirs glorieux et sanglants. Depuis un demi-siècle bientôt tant de luttes acharnées s'y sont livrées où les nôtres sonttombés! De loin en loin, sur les pistes désertes, à peine frayées, une petite croix tout à coup se dresse, des pierres frustes l'entourent. Jusqu'ici la piété du voyageur ému y déposait une larme avec une prière; l'entretien de cette modeste tombe était comme la rançon obligatoire de l'Européen qui s'aventurait par là. Maintenant personne ne s'arrêtera plus; le train file, rapide, insensible, laissant ignorer, à ceux qu'il emporte, ces héros couchés loin du pays natal. Et leur souvenir périra, les petites croix seront dévorées par les fourmis blanches, les pierres rouleront au loin, et le sol se recouvrira d'une épaisse broussaille toute grouillante de reptiles sacrilèges. Pendant toute une longue journée, le train glisse à travers des paysa-
teur. En outre deux fleuves sont traversés sur des ouvrages d'art qui étonnent en pareil lieu. Un pont de 400 mètres sur le Bafing à Mahina, un autre de 35o sur le Bakoy à Toukoto. En ce dernier point, on arrive la nuit tombée. Là, de propres constructions en briques il faut s'y arrêter pour la nuit, car les nègres estiment que la nuit est faite pour dormir et pour cela seulement. Passé une certaine heure, chauffeurs et mécaniciens, obstinément, s'endorment sur leur machine. C'est dangereux pour le matériel et bien autant pour les voyageurs. Aussi vaut-il mieux, en somme, respecter le sommeil du nègre. D'ailleurs, comme compensation, Toukoto est doté depuis peu d'un hôtel très confortable appartetenant au chemin de fer et où les voyageurs peuvent se reposer des fatigues du voyage. Vers le milieu du second jour, on atteint Kita, grand village ma-
lenké, planté de beaux arbres, en-
touré d'assez nombreuses plantations de mil et de coton.
gesd'unemêmetristesse. Tour à tour
Mais la sauvage pauvreté du décor
falaisesà pic, monts
réapparaît bien vite pour ne finir qu'au bout de la journée sur les pentes orientales du plateau qui s'affaisse vers le Niger, à Kati, poste militaire assez copuis la voie quet s'engouffre dans Ge
isolés, abrupts, san,
glants sous cette couche d'argile ferrugineuse qui les recouvre; puis des
vallées nues, arides, où luisent des fonds de marigots asséchés par la saison torride et qui soufflent au passage des miasmes putrides, des etfluves de fièvre et de mort; de vastes plaines mo-
NÈGRES TRAVAILLANT A L'EXÉCUTION D'UNE TRANCHÉE.
la brousse haute,
Photograplzie de M. Pont-Pinet.
notones où, parmi
profondes tranchées aux parois surplombantes,
desséchée, cassante, que la locomotive parfois incendie, se dressent çà et là des baobabs énormes qui semblent, avec leur tronc monstrueux, surmonté de rameaux très rares et très courts, quelque bras géant émergeantde la flamme crépitante des hautes herbes et dont la main se crispe
d'agonie. Le train stoppe devant deux huttes de paille accolées, c'est une gare. Quelques nègres, avec beaucoup de gestes et beaucoup de bruit, renouvellent au
moyen de seaux en toile l'eau de la chaudière, Un Européen, au teint hâve, souvent tremblant de fièvre, d'un air las, les surveille c'est le chef de gare. Puis le train repart, et le blanc, tristement, regarde s'enfuir au loin cette fumée qui le laisse seul. Et c'est ainsi, tout le long du jour, des haltes pareilles devant de pareilles huttes de paille, ces mêmes nègres tapageurs et ce même blanc, triste, défait, que minent l'ennui et la solitude. Il faut citer comme un curieux travail le viaduc du Galbugo, qui a 75 mètres de longueur et 18 de hau-
dans lesquelles le silex, mêlé à fargile jaune, à far-
gile rouge, fait comme une mosaï-
que étrange. La
voie se suspend ensuite sur des viaducs, s'engage à nouveau entre des murailles luisantes, plus resserrées et plus hautes, ressort, s'incline, serpente, dégringole par courbes brusques, nombreuses, sur les flancs
abrupts d'une gorge ravissante où
de
l'eau cascade
dans un emmêlement de feuilles de palme, de bambous, de dattiers, de plantes rares. La gorge s'entr'ouvre, et le majestueux Niger apparaît dans sa splendeur. PONT-PINET..
Les Déportés de l'lle Sakhaline. UN des journalistes les plus distingués de la Russie, mort dernièrement de la phtisie qu'il a contractée
à Sakhaline, M. Anton P. Tschekoff, a laissé des con-
victs de cette grande île une remarquable description, à laquelle nous empruntons quelques traits, qui rappelleront à nos lecteurs le récit de M. Paul Labbé, paru il y a quelques mois'. Nous sommes dans le quartier des déportés qui ont tenté de s'échapper. La clef, énorme, grince sinistrement dans l'énorme serrure, et nous entrons dans une série de cachots, dignes de l'édifice, d'aspect sombre, antique et délabré, où nous nous trouvons. L'un d'entre eux est une petite 'pièce où sont entassés des malheureux chargés de chaînes aux mains et aux pieds. Toutes ces chaînes sont solidementfixées par un bout à d'énormes anneaux. Ces prisonniers sont tous très maigres et près de tomber d'épuisement. On leur a rasé la moitié du crâne l'autre moitié laisse tomber sur leurs épaules une chevelure horriblement sale. Ils n'ont pas de lit, pas même un pauvre matelas ils couchent sur le sol nu. Dans un coin, se trouve le seul meuble de la pièce, une commode qui sert à la misérable communauté, Le journaliste russe fut assailli de prières et de supplications de la part de ces malheureux fun demandait la liberté, en jurant qu'il ne tenterait plus de s'évader; l'autre souhaitait seulement de se voir délivré de sa lourde chaîne; un troisième criait (( Un peu
plus de pain Nous manquons de pain » Dans le même établissement pénitentiaire, se trouvent des cachots pour prisonniers isolés, ou réunis par groupes de deux ou trois. C'est dans une solitude absolue que nous trouvons la célèbre Sophie Bluff stein, que les convicts de Sakhaline ont surnommée la petite main dorée. Elle vient d'être condamnée à trois années de « hard labour pour avoir essayé de s'échapper de l'île, C'est une petite femme, très mince, dont les cheveux sont grisonnants et dont le visage est ravagé par la souffrance et les privations de toute nature. Sur son lit en planches, le visiteur a remarqué une peau de mouton tellement usée qu'elle tombe en loques. La prisonnière allait et venait dans sa petite cellule, le nez en l'air comme une souris dans sa souricière. On a de la peine à s'imaginer que ce fut, il y a quelques années, une beauté d'un prestige irrésistible, qui, jetée en prison, tournait la tête à tous ses gardiens. Ainsi, à Smolensk, un inspecteur des prisons fut tellement épris de ses charmes, qu'il l'aida à s'évader et prit la fuite avec elle. Comme tous les déportés de son sexe, elle eut d'abord à Sakhaline sa propre demeure, où elle vivait à sa guise, allant et venant librement dans un rayon déterminé. Avec l'aide d'un soldat, elle prit la fuite, fut reprise et plongée dans le cachot où nous venons de la voir. Pendant sa demi-liberté, toute une série de crimes furent commis, dont elle ne fut ni l'auteur, ni peut-être l'instigatrice, mais à l'idée desquels sa (( fatale beauté ne fut point étrangère meurtres, vols, ardentes querelles. Il faut pourtant dire que les enquêtes officielles n'ont jamais pu établir sa complicité. Dans la prison de Derbinski, aussi dans l'île de Sakhaline, vit une ci-devant baronne condamnée au hard labour. Les convicts l'ont surnommée cc la Dame qui travaille ». Un ci-devant marchand de Moscou, qui eut un magasin dans la « Tverskaya » ou princiz. Un Bagne russe. G'lle de Sakhaline, par M. Paul Labbé, 1 vol. Hachette.
pale rue de Moscou, dit au journaliste que nous citons (( Ah! les courses de Moscou ont dû commencer! » Il Quoi, deajouta (( Comme je voudrais la revoir Non. manda le visiteur; la Russie? La ville de Moscou? Non, la rue Tverskaya. Je donnerais le reste de ma vie pour y jeter un seul regard. » A Derbinski se trouvent aussi les « deux cousins de nom », deux convicts venus de deux parties tout à fait différentes de la Russie, qui ne sont pas du tout parents, et qui, portant les mêmes nom et prénom de Yemelyan Samoschvaloff, se sont rencontrés dans la même prison! Tous ces prisonniers, il est vrai, ne sont pas également intéressants. Un nommé Terechoff, par exemple, a sur la conscience plus de soixante assassinats. 11 a durement payé ses crimes son dos n'est plus qu'une surface labourée de cicatrices d'innombrables coups de fouets, qui n'ont pas épargné un centimètre carré de peau! Un autre, un Petit-Russien, ne cesse de réclamer à l'inspecteur de la prison, du fond de sa sombre cellule, une somme de 195 roubles, que ses gardiens lui ont volée en fouillant ses vêtements. « Et comment avez-vous gagné une pareille somme? » lui a demandé l'inspecteur. (( En jouant aux cartes »,
répondit le prisonnier. Bien que les règlementsl'interdisent, la passion du jeu sévit, en effet, dans les bagnes de Sakhaline l'enjeu est, naturellement, misérable ce sont un ou deux sous ou « fasthings » que le Gouvernement paie aux convicts, c'est un poisson fumé ou un morceau de pain. Quand un joueur est heureux, pain et poisson s'entassent à ses pieds, il en mange à crever d'indigestion, pendant que les perdants se serrent le ventre; si la chance est contre lui, il se passe de nourriture pendant plusieurs jours, et reste couché sur son lit, dînant de son sommeil, comme dit le proverbe.
Dans la prison Korsakoff, le journaliste a remarqué un convict qui a tué sa femme en la cravachant pendant des heures, sans discontinuer. Le motif? Hélas, le vieux, l'éternel motif la jalousie! Un autre convict, affublé d'une tunique militaire en loques¡'habitait une hutte de paysan. « Vous avez été officier? » lui demanda le visiteur. » Moi? pas du tout, j'ai été prêtre », dit le malheureux en soulevant une main que des milliers de (( croyants sans doute baisée dévotement, selon l'usage en Russie, pour obtenir une bénédiction.
ont
La Mission d'enquête au Congo belge. C'est le 15 septembre prochain que s'embarqueront à Anvers les membres de la commission d'enquête chargée d'aller au Congo belge vérifier l'exactitude des accusations portées par les missionnaires anglais contre les agents de l'Etat indépendant. La mission arrivera à Coquilhatville et dépassera cette station jusqu'à la jonction du fleuve avec la Lulonga, qui parcourt toute la région caoutchoutière. C'est dans ces parages, on le sait, que les agents de l'Etat auraient commis, aux dires des missionnaires anglais, les cruautés qu'on leur reproche. On estime que la commission ne rentrera pas en Belgique avant le mois de mars 1905.
Vers les Placers de la Guyane française. En remontant
l'Approuague.
LE but de mon voyage en Guyane était de vérifier
la richesse en or de divers cours d'eau situés près des sources de la rivière Mana, à 170 kilomètres de Cayenne à vol d'oiseau, et de prospecter les parties non exploitées encore de ces cours d'eau, en vue de leur avenir. La courte durée de quatre mois imposée à
mon voyage ne me donnait guère le temps de prospecter moi-même, mais je devais utiliser les prospections déjà faites par les chefs des placers, et
en
contrôler
quelques-unes. Commel'intérieur de la Guyane est très peu connu, même des Guyanais, et comme j'ai profité de circonstances exceptionnelles pour le parcourir, je pense que la description en paraîtra intéressante.
J'emporte une impression extrêmement vive de ce passage rapide à travers la Guyane. Nous avons d'abord remonté la rivière Approuague sur plus de 200 kilomètres de son cours,
nous avons parcouru à pied à travers la forêt et les placers près de 150 kilomètres, puis nous sommes redescendus à la côte par la rivière Mana. C'était la première fois que je parcourais à loisir un pays tropical, un de ces pays où l'atmosphère est pleine d'une lourde vapeur d'eau, pénétrante comme l'atmosphère d'une serre ou d'une salle de bains russes. Mais il y a ici l'incomparable avantage de jouir de l'air libre chargé de senteurs, d'entendre les mille frémissements de la forêt, de contempler toutes les variétés de la flore et de la faune les plus puissantes du monde. La Guyane, c'est uniquement la forêt vierge tropicale, c'est un enchantement pour celui qui ne l'a jamais vue. Auparavantj'avais bien parcouru le Mozambique et la Rhodésie, Mais on traverse le Mozambique trop rapidement en chemin de fer, et les plateaux de la Rhodésie, que j'ai décrits au Tour du Monde, il y a sept ans, n'ont pas le caractère tropical des pays chauds et humides. La Guyane est, à mon avis, une contrée exceptionnelle. Je décrirai ici mon passage à pied, à travers la forêt et quelques-unsdes placers visités. J'étais accompagné d'un Guyanais, M. Sully
l'AdmiraI, créole d'une vieille famille de la Guadeloupe, ancien chasseur d'Afrique, depuis quinze ans aguerri aux climats guyanais et brésilien. De caractère gai, il resta, dans tout le cours de ma mission, l'homme plein de ressources sur qui je pouvais toujours compter. Nous avions quitté Cayenne sur un voilier appelé la Paulette. L'Admiral avait pris pour l'accompagner, à titre de médecin, une femme créole, nommée Emma, qui déjà l'avait suivi au Brésil elle avait passé des années à ce fameux Carsewène, où l'on a fait tant d'or. Avec elle, ni la fièvre, ni les coups de soleil, ni les serpents ne sont à craindre, et enfin elle fait la cuisine. Notre voyage unissait le confort à la sécurité. La Paulette nous déposa à une vingtaine de milles de l'embouchure du fleuve Approuague, et de là nous remontâmes le courant en canot durant treize jours, faisant halte chaque soir pour passer la nuit au bord de l'eau, dans des abris de branches et de feuilles appelés carbeis que nos pa-
gayeurs construisaient en quelques minutes. Je ne
m'attarderai pas à raconter ici ce voyage en canot,
malgré l'extrême intérêt qu'il eut pour moi, particulièrement au passage des cataractes du grand Carj'arrive sans tarder nory au débarcadère, dégrad en créole, où nous quittâmes définitivement les rives de l'Approuague pour
nous
enfoncer dans la forêt
vierge. A ce dégrad, il
y
a
deux hangars ou magasins couverts en chaume et en feuilles de palmiers. Ils
viennent d'être construits, tout au bord de la rivière, trop près à mon avis, car sur
la pente opposée s'élèvent
des arbres immenses, dont la chute serait désastreuse pour eux. En Guyane, les chutes d'arbres sont très fréquentes, les arbres n'ont pas en effet de racines pivotantes profondément enfoncées dans le sol, celles-ci rayonnentet courent à la surface du sol. Si un coup de vent violent incline l'arbre, celui-ci arrache en se penchant les racines collées au sol, et tombe entraînant toutes les lianes qui l'ont escaladé et qui, à leur tour, entraînent les arbres voisins auxquels elles sont également agrippées. Ce sont ces chutes qui rendent parfois dangeureuses les courses en forêt, ce ne sont pas les serpents ni les fauves qui sont à craindre. Resserré entre des pentes et assombri par les grands arbres, le site où nous sommes n'est qu'à 150 mètres d'altitude. Il y a, ce soir, une quantité de hamacs suspendus sous le grand hangar et sous les
carbets voisins. Vers sept heüres du soir arrivent nos pagayeurs avec un des canots, et portant nos bagages
et nos provisions; nous avions fait à pied la fin du trajet, à cause des troncs d'arbres qui barraient la rivière et rendaient difficile le passage des canots chargés. Ils font un grand feu pour rôtir le caïman que nous avons tué ce matin même; nous le mangerons demain. Avant d'aller dormir dans nos hamacs, le chef magasinier nous offre un verre de pippermivct; ce n'est qu'une amorce pour que Sully aille chercher une bouteille de l'excellent champagne qu'il a chargé sur son canot, et nous voilà portant la santé de la forêt vierge que nous allons traverser. Notre déjeuner du matin suivant se compose d'un rôti de patira, petit porc sauvage qui est une variété du pécari; sa chair blanche rappelle celle du sanglier. Un des boys nous apporte un morceau de caïman, mais il est froid et mal cuit c'est d'ailleurs de la chair de poisson un peu épaisse et qui n'a pas mauvais goût. Ce qui est vraiment bon, paraît-il, c'est le petit caïman; celui que nous avons tué a plus de quatre pieds de longueur, et il n'est plus bien tendre. Vers onze heures, nous nous mettons en route, Sully, Emma et moi, avec six porteurs pour nos bagages, et un guide, Le sentier est à peine fini, mais il est suffisamment tracé pour qu'on ne puisse pas s'égarer. Nous passerons la nuit à un magasin inutilisé, parce qu'il n'y a pas assez d'eau pour y parvenir en canot. Bien qu'il ne soit qu'à 6 ou 7 kilomètres, nous n'y arriverons qu'à deux heures et demie du soir. C'est que le sentier est affreusement mauvais, il croise vingt fois la crique qui est très sinueuse on passe sur des ponts branlants faits d'un tronc d'arbre non équarri qui domine l'eau jaune de 5 mètres et parfois davantage, sans appui-main bien entendu. Les noirs, les créoles, veux-je dire, en ont l'habitude, et leurs pieds nus s'appliquent mieux aux rotondités du bois que nos souliers ferrés. Je passe fun ou l'autre de ces ponts à califourchon, mais Emma et Sully les passent debout, et cela m'encourage. Je dis à Sully de me couper une perche avec son sabre, j'aurai ainsi un appui-main. Par malheur, en coupant ma perche, Sully heurte de son extrémité un nid de mouches suspendu en l'air. Plusieurs de celles-ci, furieuses sans doute d'être dérangées, s'attaquent à moi, passent sous mon vêtement de toile légère et me piquent comme des guêpes. On les appelle, je ne sais pourquoi, des ~noaccbes-cbapeau, peut-être à cause de la forme de leur nid. Il y en a, parait-il, de plus terribles, appelées mouches-tatous et mouches-tigres.Je me contente des mouches chapeau, qui payent de leur mort leur agression. C'est une première expérienr.edes petits désagréments de la forêt vierge. Cependant, avec ma perche je passe debout, sans encombre, mais non sans appréhension, le grand tronc d'arbre qui sert de pont. L'on n'est pas habitué en France à faire des exercices d'équilibre, on a tort évidemment, mais la civilisation a envahi même les
montagnes et les glaciers (( Pour faire face aux mauvaises mouches, me dit Sully, il suffit de serrer les dents et de se contracter les muscles de la face, sans bouger. Alors elles ne peuvent plus vous piquer. C'est ainsi que les gens du pays les détruisent quand ils en trouvent des nids au voisinage de leurs habitations des placers, ou quelquefois dans les vieux carbets. Ils s'enduisent la figure
avec leur sueur, serrant leurs dents, contractant leurs muscles et vont empoigner le nid avec leurs mains nues. Ils le déchiquètent en morceaux et le jettent au feu sans qu'une seule mouche ose les piquer. La mouche tigre est la plus terrible, sa morsure est venimeuse et fait enfler. » Le voisinage de ces mouches et le passage des ponts dans le vide font que je ne commence pas cette pérégrination dans le bois sans une certaine appréhension. Nous voici au magasin abandonné, il y a un vaste espace déboisé tout autour. Comme il n'est que deux heures et demie, nous voudrions aller plus loin. Le guide nous dit qu'il y a de vieux carbets un peu plus en amont; aussi après quelque repos, car le soleil est chaud dans cette clairière, nous repartons. Sous la forêt, il fait bon sans faire frais, c'est cette atmosphère à la température presque voisine de celle du corps humain, où l'on ne sent nul besoin de vêtements, et où l'air qui circule sous la mauresque, le vêtement guyanais, donne seul un peu de fraîcheur. La mauresque se compose d'un large pantalon flottant et d'une veste non moins flottante, le tout en toile légère. Un nouvel exercice d'équilibre, sur un tronc bien mince pour sa longueur, et un moment de marche nous conduisent aux vieux carbets. Il y en a deux, et sous l'un d'eux, il y a des mouches-chapeau;nous nous gardons bien de les déranger, je n'ai pas assez de confiance dans le procédé créole. L'eau de la crique à côté de nous est plus limpide que d'habitude un bon bain nous remet de la fatigue du jour, et nous préparons notre dîner. Je dis (( nous » comme la servante du curé disait (( Nous confessons », mais quand on a un boy comme Sésame, une femme comme Emma, un chasseur comme Sully, il n'y a évidemment qu'à les regarder faire, on les gênerait en s'agitant comme la mouche du coche. Leur expérience me manque, et je vais rester si peu de temps en Guyane que je n'aurai pas le temps de l'ac-
quérir.
(A suivre.)
ALBERT BORDEAUX.
Opinion d'un Nègresur l'Avenir de la Race blanche. L race
blanche est-elle destinée à succomber sous l'effort des races de couleur? Un sociologue nègre, M. E. Tobias répond à cette question par l'affirmative. On pourrait lui répondre (( Vous êtes orfèvre comme M. Josse », et ne pas tenir compte de son dire. Mais comme M. E. Tobias ne met pas seulement en cause la race noire, mais aussi la race jaune, dont le champion actuel, le Japon, inflige à la Russie, champion de la race blanche, des échecs répétés et sensibles,
il
n'est pas sans intérêt de résumer la conclusion à laquelle il arrive. (( Les Européens et leurs descendants ont, dit-il, exploité l'Afrique et les populations africaines et leurs descendants pendant des années innombrables et l'ex-
ploitation continue. Mais tout a son tournant. La civilisation européenne doit beaucoup à l'Afrique et aux enfants de celle-ci, bien que les Africains soient considérés par les Européens avec mépris, comme les races les plus inférieures de l'humanité. L'Afrique est le berceau et le tombeau des civilisations. Les blancs, qui veulent conquérir le continent mystérieux et ses peuples les plus remarquables, feraient bien d'interroger l'histoire. Elle leur apprendra le sort des nations qui ont entrepris la tâche à différentes reprises. (( La politique française d'assimilation, autant qu'il est possible, est bien meilleure et beaucoup plus sage à l'égard des Africains que la politique anglo-
saxonne d'exploitation. (( Le problème du
xxe siècle sera celuides rapports
à établir entre la race blanche et la race de couleur dans le monde. Je crois que les races de couleur triom-
pheront des races blanches. Dans la catégorie des races
de couleur, je range les Africains, les Indiens, les Chinois, les Japonaiset les habitants des îles de l'Océanie. J'ai la ferme croyance que cette victoire des races de couleur sera certaine, et je me base surtout sur le fait que les races de couleur augmentent numériquement, tandis que les races blanches diminuent. Or c'est le nombre qui aura le dernier mot. » Qu'il y ait une exagération évidente dans les mérites des races de couleur prises en masse, cela est certain. Mais que certaines races de couleur et en particulier la race jaune n'aient montré, par l'exemple du Japon, que leur esprit d'initiative, leur intelligence, leur volonté, ne le cèdent en rien aux mêmes qualités de la race blanche, cela est non moins certain. Et voilà pourquoi l'opinion de M. E. Tobias est curieuse à recueillir.
un léger courant vers l'aval existerait à toute heure du jour, le niveau du lac pourrait être réglé à volonté; l'eau du lac seraitpure; on obtiendrait, sans dragages, une profondeur d'eau variant de 19m87 à Gravesend, à 9m75 à London Bridge les bateaux calant 9m 15 pourraient à toute heure du jour ou de la nuit atteindre London Bridge, sans être soumis au jeu de la marée les navires de tout tonnage pourraient s'amarrer en n'importe quel endroit de la rivière et se maintenir constamment au même niveau, ce qui constitue un gros avantage pour les opérations de chargement et de déchargement, les docks pourraient rester en libre communication avec la rivière, ce qui économiserait beaucoup de temps et d'argent. Il n'y aurait aucun apport de vase dans les bassins; les marées exceptionnelles étant retenues au barrage ne pourraient plus inonder les rives comme cela se produit parfois aujourd'hui les frais de remorquage, de dragage, d'entretien des talus, des quais, etc., seraient notablement réduits; la sécurité dela navigation serait mieux assurée, la plupart des accidents étant dus aux courants de marée Londres posséderait un lac d'eau douce d'environ 72 kilomètres de longueur et de 400 à 800 mètres de largeur, dont les avantages seraient hautement appréciés par les amateurs de sports nautique et de la pêche, et sur lequel pourraient s'établir des services réguliers de navigation. Malgré les avantages que semble comporter ce projet, il est combattu par les autorités qui administrent la Tamise. C'est une question considérable et qui promet d'intéressants débats.
Lafcadio Hearn, professeur
à l'Université impériale de Tokio. Le japon inconnu (esquisses psychologiques), in-~8. Traduit de l'anglais par Mme Léon Raynal. Prix 3 fr. 5°. Dujarric et Cie, éditeurs, 50, rue des SaintsPères, Paris. livre est ('œuvre attrayante d'un écrivain renommé à
vol.
La Transformation du Port
de Londres.
Chambre des Communes est actuellement saisie Ld'un bill de remédier quelques-uns
en des inconvénients ((
vue
à
que présente le port de Londres. Les
travaux proposés consistentd'abord à draguer le port; ensuite à convertir en un immense bassin une partie navigable de la Tamise, d'environ 65 kilomètres de longueur, par la construction en travers du fleuve d'un barrage muni d'écluses de navigation et de vannes.
partirait de Gravesend sur l'une des rives, pour aboutir à Chadwell sur l'autre. Une voie carrossable passerait sur le barrage et un tunnel pour voies ferrées serait établi dans le corps même de l'ouvrage. Le capital nécessaire à la réalisation de cette entreprise serait de 125 millions de francs. Les travaux, qui s'exécuteraient sans interruption de la navigation, auraient une durée de trois ans. Les marées, disent les partisans de ce projet, seraient arrêtées au' barrage la rivière serait transformée en un lac fort étendu ayant de nombreux affluents Ce barrags
Ce
l'étranger parmi ceux qui voyagèrent au japon ou s'inté-
ressèrent aux choses de ce pays. Professeur à l'Université de Tokio, naturalisé japonais, marié à une japonaise, M. Hearn a, avec une curiosité et une tendresse qui n'ont point été égalées, observé la vie japonaise sous ses aspects les plus divers. Le chapitre sur le Sou-
rire japonais est une fine et pénétrante étude psychologique,
animée d'anecdotes significatives, où se révèle l'âme japonaise dans ses manifestations les plus caractéristiques la douceur souriante, fruit de la nature et de l'éducation, recoufois léger et impénétrable les vrant comme d'un tissu qualités fortes de la race. Puis c'est la vie des danseuses, leur éducation, leurs arts, leurs rites et la touchante histoire de la Shirabyôchi de Saïkyô ce sont les jardins japonais,
la
tracés d'après des conceptions si différentes des nôtres, sym-
boliques, comme emplis de légendes poétiques et naïves, où tout, jusqu'aux pierres, semble prendre vie et s'animer; ce sont des promenades recueillies parmi les temples et les cimetières, qui sont l'occasion de curieuses études sur les superstitions populaires et le prétexte à des descriptions et des tableaux d'un pittoresque achevé, Ailleurs, enfin, l'auteur étudie le culte domestique et les religions du Japon ou nous conte ses impressions de professeur au milieu de ses nouveaux élèves, et c'est toute une évocation de la vie des étudiants, de leurs fêtes, de leurs jeux il faut lire ce chapitre,
où sont mises en lumière les qualités d'esprit du japonais, ainsi que ses faiblesses, son extraordinaire acharnement au
travail.
Projet de bateau-transport pour les torpilleurs et sous-marins. Il y a quelques mois, pour
renforcer nos stations navales de défense mobile en ExtrêmeOrient on dut expédier des sous-marins à Saïgon et au Tonkin; on vient encore d'en expédier plus récemment. On utilisa, pour cette opération, un grand transport, spécialement aménagé à cet effet. Les dispositions adoptées, et qui consistent à arrimer sur le pont du navire les torpilleurs ou sous-marins à transporter, ont soulevé quelques critiques, tant à cause des difficultés,de chargement et de déchargement que du manque de stabilité du navire transporteur trop chargé dans sa superstructure. Deux ingénieurs français, viennent de proposer un système qui remédie à ces inconvénients. Le principe de construction du nouveau navire-transport est basé sur l'aménagement,à la hauteur de la flottaison, d'un nombre déterminé de cases longitudinales, absolument étanches, destinées à recevoir chacune un torpilleur ou un sous-marin qui, une fois chargé, se trouve disposé à l'intérieur de son compartiment comme dans une cale sèche. Les compartiments sont fermés par des portes étanches disposées à l'arrière, de chaque côté du navire. Pour charger un sous-marin ou un torpilleur, on met d'abord le navire dans les conditions voulues de tirant d'eau, à l'aide de ses water-ballasts (compartimentsà eau dont le remplissage ou la vidange font varier la ligne de flottaison), Puis on ouvre la porte étanche du compartiment, qui glisse dans un cadre et fonctionne à la façon d'une écluse. Le niveau de l'eau s'établit à l'intérieur du compartiment, et il ne reste plus qu'à y faire penétrer le torpilleur ou le sous-marin. On referme ensuite la porte étanche et l'on assèche au moyen de pompes l'intérieur du compartiment. Le déchargement s'opère par une opération inverse. Chaque compartiment est double dans le sens de la longueur et il peut recevoir deux torpilleurs ou sous-marins, ce qui porte à quatre le total de ces engins qu'un tel navire peut transporter.Deux autres compartiments transversaux, disposés à l'avant, peuvent encore recevoir deux autres sousmarins de petit modèle. En donnant au navire 172 mètres de longueur, 25 mètres de largeur et un tirant d'eau moyen de 7m50, il pourrait transporter 4 torpilleurs ou sous-marins de 35 à 39 mètres, 2 sous-marins de 24 mètres, et, en outre, 500 hommes de troupe et 3000 tonnes de munitions de guerre. Ajoutons que cette disposition n'est pas entièrement nouvelle. Elle existe à ou tout au moins elle a existé bord du cuirassé italien Duilio. Il y a ou il y avait dans ses flancs un de ces compartiments étanches, dans lequel se trouvait un torpilleur qui pouvait entrer ou sortir à volonté lorsqu'on ouvrait une porte étanche. La marine de guerre suédoise. La marine de guerre de la Suède a bénéficié, depuis une dizaine d'années, de sérieuses augmentations. Tandis qu'en 1894 elle ne possédait que 3 cuirassés de 1 re classe, elle en a II au-
jourd'hui. Jusqu'à présent elle manquait de croiseur cuirassé. On vient d'en mettre un en construction en Suède. Ce croiseur, qui sera baptisé Fulgia, sera terminé à l'automne de 1905. Il doit avoir 4' 100 tonnes de déplacement, 1 15 mètres de long, 14,8 de largeur, 5, 18 de tirant d'eau. Ses deux machines à triple expansion, donnant 12 000 chevaux et agissant sur trois hélices, lui imprimerontune vitesse de 21 nœuds 5. Ces deux machines seront logées dans deux compartiments
étanches et protégés distincts. Le prix de revient du bàtiment sera de 3 450 000 couronnes et, avec l'artillerie et les munitions, de 6 4 10 000 couronnes en chiffres ronds.
Le service militaire des chemins de fer en
Russie.
L'importance du service militaire des chemins deferen Russie, dans les circonstances actuelles, rend opportun un court exposé de la manière dont il est organisé dans ce pays. La direction du service est confiée à la quatrième des administratiosts de l'état-major général qui en compte cinq. Elle est divisée en deux sections
La première, qui est chargée de la partie administrative et de l'organisation du personnel, transports dè troupes par
voies ferrées et sur route, stations haltes repas; transports de troupes par eau et transports du matériel étude militaire des voies en projet, étude du rendement des lignes et de la manière de l'améliorer; La deuxième section s'occupe de la mise en route des réservistes en cas de mobilisation, fonctionnementdes haltesrepas, mobilisation du service des chemins de fer; organisation du service des étapes en cas de guerre, évacuation des
etc.
blessés, Le chef de
l'administration des chemins de fer est un
officier général; les chefs des sections, des généraux-majors, Les différents réseaux sont chacun sous la direction d'un commissaire de lignes qui dispose lui-même, dès le temps de paix, d'un certain nombre de commandants de gare
ét~blis d'une manière permanente dans les stations les plus importantes; le nombre de ces derniers est de 7°, Conjointement avec les commissions de réseau, il existe encore en Russie des administrations de la gendarmerie et de la police des cben:ins de fer, créées en 1897 et au nombre de 17 pour tout l'empire. Les troupes de chemin de fer de la Russie sont très nombreuses par rapport à celles des autres armées. Elles comprennent 12 bataillons à 6 compagnies. Ces bataillons comptent sur le pied de paix 38 officiers et 96o hommes; sur le pied de guerre 37 officiers et fonctionnaires et 1 045 combattants.
Les mauvais traitements dans l'armée al-
lemande.
statistique officielle montre dans les Neue Militmrische Bl~tter qu'il y a eu, en ~903, pour l'ensemble de l'armée et de la marine allemande, 773 condamnations prononcées pour mauvais traitements envers les inférieurs, La
contre 777 en 19°2 et 77° en 19° (, Il ya donc une évidente équivalence d'une année à l'autre, et il semble que l'on n'a pas su jusqu'à présent apporter un remède efficace aux mauvais traitements envers les soldats. Parmi les différents corps d'armée, le XVIe corps (Lorraine) a présenté, en i go3, le plus grand nombre de cas 69. La plupart des corps d'arméeprussiens ont eu de 3° à 4° condamnations. Le nombre des condamnations a été étonnamment faible au XI, corps (Hesse), qui n'a eu que 16 condamnations par an.. En Saxe, le nombre des condamnations a diminué chaque année. Pour les deux corps saxons, il y avait eu en a plus eu que 63 en 83 condamnations en 19°1; 9oz et 53 l'année dernière, Dans la marine, il y a eu 25 condamnationsen 19°1; 33 condamnations en 19°2; 32 condamnations en 19°3,
n'y
Le monument de Turenne à Salzbach.
La Commission du budget doit s'entendre avec le ministre de la Guerre pour augmenter le traitement du sous-officier français auquel est commis en Allemagne la garde du monu-
ment de Turenne. Cet incident n'a pas une importance considérable, mais il évoque un souvenir peu connu, à savoir que, par une libé-
ralité du Saint-Empire, le territoire sur lequel expira Turenne, à Salzbach, dans le grand-duché de Bade, est devenu « terre française ». Le monument que la France a fait élever au maréchal est donc situé dans une enclave française, en pleine Allemagne.
Perfectionnement du fusil allemand.
De
temps à autre, on parle d'un progrès dans l'armement de l'infanterie allemande. Il ne peut être question du fusil automatique qui n'est pas encore assez perfectionné il s'agit d'une nouvelle cartouche qui, par le moyen d'un projectile allégé, et d'une poudre plus efficace, procure une trajectoire plus tendue et un tir plus précis. A noter que nous avons depuis peu, en France, sous le nom de balle D, une munition supérieure à la munition primitive du fusil Lebel.
Vers les Placers de la Guyane française. La Forêt tropicale et la Région aurifère'. forêt tro~icale est, en Guyane française, d'une intpressionnante beauté. Les arbres des essences les ~lus diverses, développent avec intensité dans une atntosphère de serre chaude, dans un la flore et la faune les ~lus variées du monde air chargé de senteurs. Mais l'bomme n'en a pas respecté les solitudes vie~ges dans des clairières, qui sont l'cruvre de sa main, s'élèvent des cbantiers où s'exploitent les alluvions aurifères charriées par les (( criques >, de la for°t.
s
La
Nous avons terminé la préface de notre voyage en remontant les 200 kilomètres du cours de l'Approuague il s'agit maintenant d'arriver aux premières criques aurifères, aux premiers placers que j'ai pour mission de visiter. Nous sommes au fond de la
soi, dans les fourmillements des insectes, les murmures et les cris des animaux, les chants éclatants des oiseaux; il est aussi dans le souffle du vent sur la cime des arbres, dans les rayons du soleil à travers les feuillages, jusque sur le sol toujours humide, dans les
Guyane,aumi-
d'eau traînées d'eau
lieu de la forêt vierge tropica-
à
travers le bois, et qui,
dans la tiédeur
le de partout, à des centai-
de l'atmosphère, font briller
nes de kilomètres, elle nous
les feuilles
mouillées. Ce
entoure. jenecon-
sontencoreces troncs géants étendus sur le sol et dressant en l'air leurs
nais pas de région dont la photographie
soit plus im-
puissante à donner une
racines
tres les ont déjà rempla-
idée que celleci. Les paysa-
cés,tantest
grande l'exu-
ges y semblent
bérance de la sève tropicale. Ce sont les criques sombres pleines d'eau
être toujours
les mêmes, les
collines sont peu élevées, et les grands arbres les ca-
chent entière-
DEUX HABITATIONS AUX PLACERS DE
ment; legenre
de nos pays de montagnes manque absolument. Le merveilleux se trouve être ici dans l'immense variété des essences, des fleurs et des fruits, et dans l'énorme étendue mystérieuse, inconnue, qu'on sent autour de l~oir A Travers le Monde,
A TRAVERS LE MONDE.
jaune presque immobile en
LA GUYANE FRANÇAISE.
travers des-
Plaotographie de M. Albert Bordeaux.
de pittoresque
1.
d'au-
)88
t 904, p,
LIV.
293.
quelles des fûts
d'arbres écroulés facilitent le passage des animaux.Tout
cela est dans un demi-jour créé par les cimes feuillues des grands arbres dont on ne distingue les variétés qu'à la longue et force d'attention c'est le bois violet, le bois de rose, l'ébénier vert et l'ébénier noir, le bois serpent, le bois d'encens. Sur leurs branches, ce sont N°
;8.
17
Septembre 1904.
les mille oiseaux de couleur, les perroquets verts, les aras rouges et bleus, et tout à l'entour, c'est la senteur des bois, depuis le parfum de rose, de lilas, d'encens, jusqu'à l'odeur repoussante des fleurs du ~almier-mabo.Devant un pareil spectacle, une fête complète pour tous les sens de l'homme, la photographie est impuissante, et le récit, toujours au-dessous de la
vérité. paraît-il; d'ailleurs il y en a un peu partout dans le bois; je ne m'en suis pas douté pendant nos treize ou quatorze jours passés en rivière. Ici pourtant ces bêtes sont plus fréquentes et il est bon de s'en garantir par une moustiquaire. Il paraît que le vampire si redouté n'est pas le grand vampire. Celui-ci, qui existe encore en Guyane, n'est pas dangereux. Le vampire suceur de sang est de la dimension de nos chauve-souris, même plus petit, et il leur ressemble exactement. Il s'attaque surtout aux pieds, sans doute parce que c'est la partie la plus exposée des dormeurs; il est bien rare qu'il touche à la figure, sauf à l'oreille, mais le mal n'est pas grand à cet organe. Le pire qui puisse arriver, c'est d'être piqué dans une artère, car le sang peut couler longtemps après le départ du vampire qui se contente de peu, et le dormeur peut être épuisé pour quelque temps par la perte de son sang. Sully cite un créole qui fut piqué au nombril et faillit en mourir, mais je me demande si l'imagination créole ne l'emporte pas, chez lui, dans certains cas. Ce qui est certain, c'est que la morsure au pied est fréquente. Le vampire tournoie d'abord quelque temps au-dessus de la tête de sa future victime, pour l'endormir par le bruissement de ses ailes, ou s'assurer par son frôlement qu'elle est parfaitement endormie, puis il va faire sa piqûre qui est absolument insensible. Elle ne cause réellement pas la moindre douleur. Il paraît, que la chauve-souris en ferait autant si elle se trouvait avec des vampires ce n'est que l'habitude qui lui manque. A défaut de moustiquaire, il est nécessaire de garder à côté de soi une lampe allumée. Comme nous n'avons le plus souvent ni feu ni lampe, je garde mes chaussettes,je replie mon 'hamac sur la tête et je m'endors sans plus songer aux vampires, sinon pour me dire que ce petit animal doit détruire pas mal de grosses bêtes de la forêt. Nous partons à sept heures du matin c'est l'heure régulière du lever du soleil en Guyane, et c'est lui qui nous réveille si exactement. Presque tout de suite nous gravissons une colline, qui était invisible avant d'y parvenir. Puis le sentier décrit une ligne sinueuse, interminableaussi bien dans le sens horizontal que vertical, à travers des criques, elles-mêmes sinueuses, et des collines tantôt très basses, tantôt presque fatigantes par leur raideur, tout cela sous l'ombre de la forêt. Après un long parcours horizontal où l'un et l'autre manque plus d'une fois de s'égarer en cherchant un tronc pour passer une crique, commencent des collines plus hautes. Il nous semble aussi que la direction de l'eau dans les criques a changé de sens elles vont maintenant vers le sud, et il paraît en effet que ce sont des affluents de l'Inini et non plus de l'Approuague ou du Sinnamary. Leur gravier est formé de quartz en fragments anguleux, et voilà aussitôt l'idée qui se présente à nous de chercher de l'or dans ces sables. Mais nous n'avons pas le temps de Il y a aussi des vampires,
prospecter. L'altitude de ces criques atteint 200 mètres. Les premières hautes collines, de 6o à 8o mètres au-dessus des criques, sont gravies très allégrement, bien que le sol soit glissant. La chaleur du soleil ne nous arrive pas à travers le feuillage, la température est tiède, et je reconnais l'immense avantage de l'ample mauresque qui évite la fatigue en laissant circuler l'air autour du corps. C'est à peine si l'on transon recommande l'exercice en Guyane, et on peut en effet s'y livrer dans ce costume; c'est le meilleur moyen de combattre l'humidité et de l'empêcher de vous pénétrer. Il y a un autre moyen, mais qui n'est que la conséquence de l'exercice, c'est de pire
manger beaucoup. Emma, après avoir peiné en gravissant plusieurs collines, s'assied à terre en gémissant; elle se plaint d'être épuisée, et invoque sa mère avec des expressions créoles imagées. Je l'assure que cet exercice lui fera du bien, elle en maigrira un peu. Mais en attendant, elle aimerait mieux se reposer. A travers cette région qui sépare les eaux de l'Approuague de celles de l'Inini, nous passons successivement dix collines de 6o à ioo mètres de hauteur au-dessus des criques. On appelle cela des montagnes en Guyane au total, cela fait vraiment une bonne montagne. C'est fatigant; le guide a beau nous dire (( Plus que quatre montagnes, plus que trois montagnes, » nous n'en croyons rien, et enfin nous faisons halte, autant pour manger, car il est midi passé, que pour laisser reposer Emma. Il y a ici un carbet qui a servi d'abri aux ouvriers du sentier lorsqu'ils ont déboisé pour faire un passage. Nous faisons un frugal repas, et nous nous reposons; jusqu'ici nous avons pris à peine vingt minutes de repos depuis sept heures matin. Nous avons vu défiler les arbres les plus variés le balata au grand tronc droit et lisse, qui donne une
du
gomme semblable' au caoutchouc. Sully la fait couler en entaillant l'écorce avec son sabre; puis c'est l'acajou, homogène et sans défauts, le jambe-cbien, qui part de terre sous forme d'une douzaine de branches se rejoignant en pyramide à cinq ou dix pieds du sol, le .~ata~rua et le comou, deux,palmiers au bois noir, très dur, dont on fait des cannes et des ouvrages d'ornement, le bois de lettre moucheté comme une peau de panthère, violet et noir, le bois de lettre rubané rouge, et le satiné rzsbavré; le comou jeune a le tronc formé de segments emboîtés l'un dans l'autre. Chaque palmier a son fruit, dont le goût rappelle plus ou moins l'amande, mais dont la grosseur varie de celle d'une amande à celle d'une noix de coco. Voici les palmieys-mahos, le mabo-caca, en créole, dont la fleur, qui jonche le sol, a l'odeur d'un champignon pourri. Il s'annonce par son odeur, d'où l'énergique expression créole, et on le passe à la hâte en se bouchant le nez. Cet arbre est, diton, très intéressant, mais vraiment il pourrait se dispenser de répandre une odeur si désagréable. Et de la plupart de ces arbres pendent des lianes, les unes droites, les autres torses, quelques-unes grosses comme le bras, même comme la jambe, et l'on peut y grimper comme à des cordes. Ce qui me tracasse le plus dans cette course de 25 kilomètres (à vol d'oiseau, sur la carte), c'est la traversée des criques. Les troncs sont arrondis, glissants, parfois un peu pourris; j'admire nos boys qui passent debout, leur
fardeau sur la tête; Emma et Sully en ont l'habitude; pourtant Emma retire ses pantoufles de caoutchouc; voilà bien la meilleure chaussure pour la forêt, on peut passer dans l'eau sans en imprégner ses souliers. Plus nous approchons du but, plus les collines sont hautes. Voici enfin celle qui doit être la dernière. Aux précédentes, le sentier contournait plus ou moins la crique, puis montait brusquement sur.le sommet où le terrain devenait plat quelque temps. Cette dernière colline n'en finit plus. On a taillé des marches de géants à cause du sol argileux qui glisse, mais vraiment les boys auraient dû faire des marches moins pénibles, Emma ne peut les gravir qu'avec notre aide. Puis ce sont des blocs de granit, qui rompent la monotonie de la forêt. Et ces blocs sont mousseux, l'humidité les ronge, il y a des espaces où des clairières se découvrent, la crique devient torrent, même cascade autour des blocs de granit. Le site prend un air
romantique
rappelant ceux
huttes où habitent les mineurs, au point le plus favorablement situé pour centraliser l'exploitation d'un certain nombre de criques ou de cours d'eau. On déboise, à l'endroit choisi, un espace assez grand pour y construire cinquante ou soixante huttes, ou davantage, suivant l'importance du champ aurifère. L'établissement se trouve ici au bord de la crique principale et s'étend en pente ascendante assez forte sur le versant d'une colline, à 300 mètres d'altitude. Le village a des ruelles qui se coupent plus ou moins régulièrement entre les huttes couvertes de chaume et de feuilles de palmier. Les parois des huttes sont faites d'un entrelacement à jour de longues lamelles de bois dur, légèrement flexible. La hutte directoriale, située au sommet du village, est un peu plus grande que les autres, mais c'est tout ce qui la distingue. Au lieu d'une ou deux chambres, elle en a trois celle du milieu, entièrement ouverte de deux côtés, sert de
salle à
des Alpes suisses. Mais il y a presque par-
une vérandah,
abritée par
l'auvent de la toiture, fait face au village.
tout l'ombre de la forêt, et
les sapins man-
Deux
quent. C'est
petites
huttesvoisines servent de cui-
plus sombre, plus sauvage que les Alpes,
sine et de salle de bains. Le bain n'est pas
encore impossible à photo-
un luxe aux placers, c'est
graphier, trop fin comme dé-
une nécessité. Le directeurr de NouvelleFrance, M. La-
tails dans cette pénombre. Les palmiers-maripas, aux feuilles multiples sur une tige lisse, ou leurs frères aux tiges épineuses,
manger;
caze, porte
OUVRIERS CRÉOLES EMPLOYÉS AUX PLACERS ET LEURS SURVEILLANTS.
Photographie de M. Albert Bordeaux.
remplissentt
tout le sous-bois de leurs formes sveltes et élancées. Dans une éclaircie, apparaissent tout à coup en plein soleil, des sables blancs aveuglants cette fois nous arrivons aux premiers placers, c'est ici l'ouvrage de l'homme qui contraste brusquementavec celui de la nature. On a d'abord déboisé, puis on a lavé ces sables pour en retirer l'or; sur la terre végétale, c'est maintenant du quartz étincelant de blancheur les exploitations actuelles ne sont pas loin. Il est deux heures quand nous rencontrons la première équipe de mineurs, et la crique qu'ils sont en train de laver s'appelle Nouvelle ~`rance. Il y a exactement six semaines que nous avons quitté la Vieille-France; le placer où
nous sommes s'appelle Souvenir. Placer Souvenir. Comme il est encore de bonne heure, nous avons le temps de visiter l'une ou l'autre des quatre criques qui sont en exploitation en ce moment. Mais auparavant nous allons nous présenter au Directeur de l'Établissement Nouvelle-France. En Guyane on appelle établissement l'agglomération des
tant d'activité à son travail qu'il en oublie de manger. Il
attache beau-
coup moins
d'importance à sa nourriture qu'à la quantité d'or qu'il récoltera au bout de sa journée. Il a tort, car il est fatigué, et il est obligé d'aller prendre du repos à Cayenne.
Sur sa galerie, nous rencontrons ses quatre chefs de chantier qui se montrent tout de suite très obligeants pour nous. Ils prennent ici leurs repas en famille, en vue de la crique, au fond de laquelle apparaissent les tas de sable lavés, éclatants de blancheur. La crique se prolonge par des bois touffus couvrant toutes les pentes des collines; le village est pittoresqueà souhait avec ses cases serrées sur la pente, environnées d'un océan de grands arbres. Le sol a été déboisé un peu
au delà des cases pour permettre de faire quelques plantations de manioc, la nourriture favorite des Guyanais, moins échauffante que le maïs. Le soir, au retour de nos prospections, après un repas dont le pécari fait les principaux frais, on met à
notre disposition les lits de la case principale. Ce sont des planches, avec un peu d'herbe par-dessus, et je regrette mon hamac. Le souvenir de mes nuits en
Sibérie me fait penser que je m'habituerai vite à ces planches. Un ennui plus grave est la présence des vampires, il faut garder à côté de soi une lampe allumée. Nous quittons Nouvelle-France après avoir prospecté certaines criques non encore exploitées et après le contrôle des chantiers en travail. Le chef de l'établissement ne paraît point exagérer la richesse de ses criques, du moins pour les premiers mois à venir. Il semble bizarre que ces créoles, exubérants dans leurs expressions, de façon à rendre incroyable tout ce qu'ils disent, ne le sont plus dès qu'il s'agit de la vie pratique, comme de ces prospections qui sont la raison d'être de leur présence ici et la garantie de leur avenir. L'avenir à longue distance est plus difficile à prévoir, car les criques s'épuisent très rapidement, et il faut sans cesse en chercher de nouvelles. Nous avons à déjeuner, avant de partir, un ananas frais, cueilli devant la maison. Il est exquis, et M. Lacaze nous dit pourtant que l'ananas des bois, qui est rougeâtre, a plus de goût encore, bien qu'il soit un peu moins fin comme chair. C'est véritablement le parfum de la fraise; un ananas frais est aussi tendre qu'une fraise, tandis qu'en conserve il se durcit pour prendre ces fibres ligneuses que nous connaissons
trop.
En allant à l'établissement central du placer Sou-
venir nous prospecterons deux criques que l'on tient en réserve pour fan prochain. Le directeur général du
placer, M. Beaujoie, est venu nous rejoindre. Bien qu'un peu souffrant à la suite d'un séjour de plusieurs années dans le bois, il est plein d'entrain. C'est un vieil ami de Sully, et ils ne causent plus qu'en créole; je ne trouve plus moyen de parler français. Il y a de fortes montagnes à traverser pour aller au Central, des pentes raides et glissantes, interminables; ce pays est une série de bosses dont l'une commence quand à peine l'autre est finie; les sommets ne sont pas longs, la descente suit de près la montée, les rocs sont fort rares et ne forment que des blocs isolés, des restes d'éboulements; mais les troncs écroulés sont fréquents et obligent à des détours
incessants.
Notre prospection est bonne, elle dure deux heures, puis nous reprenons notre course. En route, nous avons cueilli des noix muscades, dont le seul avantage est de compléter ce qu'il faut à Sully pour faire une nzarc~uise suivant toutes les règles. On fait une marquise avec du champagne, du sucre, du citron, de la vanille et de la noix muscade, mais il y a les proportions et surtout la manière! La manière, c'est le lélé, bois spécial où de chaque noeud partent huit ou dix branches coupées; on façonne ainsi comme les rayons d'une petite roue qu'on tourne violemment à la surface du liquide. On obtient une mousse continue parfumée, qui n'a pas son pareil pour reposer d'une course; et cette perspective nous fait hâter le pas vers le Central. Quand on gagne de for, c'est pour savoir s'en servir; les dernières pentes passent rapidement, malgré quelques averses, et nous voici au Central. Tout ce pays se trouve entre 25o et 300 mètres d'altitude; l'établissement Central a le même aspect que celui de Nouvelle-France, mais il y a davantage de plantations; manioc, canne à sucre, maïs, bananes
et patates. C'est qu'on est si loin de tout ici il faut quatre semaines et plus pour y parvenir en remontant la Mana. M. Beaujoie est un homme prévoyant; il y a plusieurs années qu'il a commencé ses plantations. Le trajet que nous avons suivi par l'Approuague est de découverte toute récente, il raccourcit d'au moins douze jours le transport des vivres. De la case principale, celle de M. Beaujoie, la vue est un peu plus pittoresque qu'à Nouvelle-France. On distingue, un peu vaguement il est vrai, les croupes de trois collines, celle de l'ouest en arrière des autres, ce qui donne de la profondeur à la perspective; elle est tout de même bien bornée. L'endroit, avant de recevoir le nom qu'il porte, s'appelait Bouche-Coulée. C'est un'e expression créole appliquée à une histoire que voici brièvement. Le premier exploitant de ce terrain n'avait pas pris de précautions suffisantes pour le délimiter. Lors du bornage officiel, il se trouva dépossédé par son voisin plus habile, le possesseur actuel. Furieux, il demanda à celui-ci une iQdemnité de i million de francs. On ne se douterait pas que la vie dans les bois met en jeu des sommes si importantes. Le procès, perdu à Cayenne, alla jusqu'en cassation, et là encore l'arrêt fut contraire à l'ancien exploitant. Il perdit tout, terrain et indemnité, et en fut si stupéfait que la boucbe lui en coulw. L'expression créole est vigoureuse et imagée pour traduire le désappointement, et cette langue a bien d'autres trouvailles heureuses. (A
sasivre.%
ALBERT BORDEAUX.
La Circulation postale dans la
Grande-Bretagne.
L rapport du Post Office sur la circulation postale de
mars i go3 à mars 1904 en Angleterre, donne les chiffres suivants
Lettres. postales. Cartes Paquets à un
demi-penny. journaux Colis postaux
2597600000 61) 7°0000 820400000 172800000 94400000
total marque une augmentation de 3,8 pour ico sur l'an dernier et donne la très forte moyenne de habitant. 1 cl, 3 lettres ou paquets par Le rapport montre que les personnes étourdies sont toujours nombreuses 379426 lettres ou paquets ont été mis à la boîte sans aucune adresse. Sur ce nombre, 4 190 contenaient des valeurs allant jusqu'à 3cooo francs dans un cas. Le développement des réseaux téléphoniques a fait diminuer de 2,7 pour ioo le nombre des télégrammes. Le jour le plus chargé de l'année a été le 17 déLe
cembre yo3, date de fermeture des listes de souscription de l'Encyclo~édie Britannique, prime offerte aux souscripteurs du Times. Ce jour-là, 9°°00 télégrammes ont été envoyés par les souscripteurs en retard.
La Condition des Femmes dans le sud de l'Inde. CE fut trop longtemps un lieu commun d'affimer que,
dans l'Inde, les femmes vivaient en esclaves. Le Dr Kurt Boeck, dans son intéressant ouvrage sur les Indes', s'est appliqué déjà à remettre les choses au point. Mais pour épuiser un pareil sujet, il faudrait plus qu'un volume dans la seule région de Travancore, on compte de quatre à cinq cents castes qui ont, chacune, son costume, ses moeurs, ses rites, ses pratiques religieuses distinctes. En dehors de ces castes, il y a, en outre, des tribus à demi-sauvages, des métis descendant des anciens conquérants portugais, des Juifs acclimatés en Inde depuis dix-huit siècles ou plus, etc. On voit combien il est nécessaire de se méfier d'une hâtive généralisation. D'ailleurs, la sévère réclusion,
escorte de femmes « noyars », d'une caste inférieure qui la préservent du contact impur des passants. Mais c'est là une exception; c'est une erreur de croire que toutes les femmes hindoues vivent en recluses et ne peuvent paraître en public que voilées. Pour le sud de l'Inde, en particulier, c'est manifestement faux. Dans le nord, les femmes des classes moyennes et inférieures sont tout à fait libres de leurs mouvements. Il est vrai que le public les entoure du plus grand respect. Ainsi, dans la caste dite des Noyars, (d'un mot sanscrit qui signifie guide ou conducteur), une mère ne verra jamais son fils, quel que soit l'âge de celui-ci, s'asseoir en sa présence il se tiendra toujours humblement derrière la chaise de sa mère. Ces Noyars ont été, autrefois, la caste guerrière dans le Travancore; aujourd'hui,ce sont les principaux propriétaires terriens de la contrée. Ils sont intelligents, se piquent d'être d'une propreté scrupuleuse,
et se distinguent
des autres castes
par deux traits assez singuliers les deux sexes amassentleurs cheveux en un chignon qui surmonte le côté gauche de la tête, et les femmes portent, sous forme de disques, des boucles d'oreilles énormes qui sont introduites dans le lobe, percé et distendu peu à peu, dès le
où se dérobe souvent la femme hindoue, la soustrait
plus bas âge, par l'insertion de disques de plus en
aux investigations de notre curiosité plus volumineux. européenne. Il est Cet ornement invrai que cette récluFEMMES DU SUD INDIEN TRAVAILLANT DES NOIX DE COCO commode leur insion est moins stricterdit tous les Photographie du doctealr KIIrt Boeck. te ici que dans le mouvements un nord; elle a été introduite dans le pays par les musulmans et adoptée peu violents, et, quand elles courent, les pauvres filles sont obligées de se tenir les oreilles, dont le lobe infémême par les Hindous qui, sans embrasser le mahorieur pourrait se rompre sous le poids de l'or ou de métisme, ont cependant subi son influence. Mais cette l'argent qui y est introduit influence est moins grande dans le sud de la péninsule. Dans cette caste comme, du reste, un peu parAinsi, par exemple, la Senana ou appartement des tout en Inde, les enfants des deux sexes sont mariés femmes, absolument clos et retranché du reste de la ridiculement jeunes; il est rare, malgré les lois anmaison, est une chose inconnue dans le sud. Même glaises, de voir des fillettes de neuf ans qui, théoriquedans les castes supérieures, où les deux sexes vivent ment du moins, soient encore célibataires Inutile de séparés l'un de l'autre, les femmes ont, du moins, le dire que ces mariages sont tout platoniques, et n'ont droit d'aller et de venir dans toute la maison de leur père ou de leur époux; cette loi ne souffre d'exception pour but que d'éviter aux parents la disgrâce de mourir sans voir leurs enfants mariés. Bien que ce soit une que dans une ou deux castes de stricte observance, cérémonie sans sanction, elle ne s'accomplit pas sans telles que celle des Nambrusi Brahmanes, sur la côte beaucoup de pompe ni de dépenses; on l'accompagne du Malabar, qui, exagérant la rigueur mahométane, de fêtes qui durent sept jours et auxquelles prennent séparent, dès leur plus bas âge, les frères et les part des foules d'invités. Après ces réjouissances, le sœurs. Dans ces sectes-là, une femme ne peut petit mari reçoit quatre roupies des parents de sa femme, paraitre en public que le visage absolument caché par est renvoyé chez lui! des voiles épais et accompagnée d'une véritable un habit neuf, des cadeaux, Les deux époux ne se reverront plus de longtemps1 Chez les Kanikars, dans l'ouest de l'Inde méridioIndes Boeck I~oyages Voir Mes et Dr Kurt ait aux 1. nale, c'est à l'oncle et non au père de la jeune fille Népal. Tour du Monde, 19°4, page 2°5 et suivantes.
et.
qu'on adresse la demande en mariage. Le jour de la cérémonie venu, le chef de la communauté, une sorte de maire, rappelle devant le mari et tous les invités que, dans le cas où l'épouse commet une légère faute, elle doit être cbolli kodu, c'est-à-dire réprimandée; une faute un peu plus grave la rend passible de peines proportionnées, telles que tapes, légers soufflets, etc. Les coups deviendront plus sérieux et de plus de conséquence (ce mot nous rend rêveur) si la faute est plus grave encore. Enfin, si elle devient crime, que la femme soit chassée du toit conjugal C'est peut-être à cause de ces terribles menaces que les femmes kanikares se montrent réservées, ombrageuses même, avec les étrangers. En revanche, dans une tribu où les hommes sont presque nus, elles ont la faculté de se couvrir d'ornements, colliers de coquillages, bracelets de fer, etc. Du reste, le type ethnique auquel elles appartiennent, à la fois maigre et trapu, les rend peu
séduisantes.
Chez les Pulayars ou Poliars, caste inférieure de
la côte ouest, dans l'Inde méridionale, règne une coutume qui, en France, fera sourire la loi ne permet pas au gendre d'approcher de sa belle-mère à moins de vingt pieds. Cette disposition de la loi n'a même pas
pu être abrogée par la venue du christianisme les néophytes pulayars continuent à fuir légalement leur belle-mère. Un missionnaire rapporte qu'en voyant un d'entre eux grimper par un pilier et entrer dans l'église par une fenêtre, il lui demanda ce qu'il faisait (( C'est que ma belle-mère s'est assise non loin de la porte, » fut la réponse de l'aimable gendre. Ces pauvres Pulayars étaient des esclaves, il y a quelques années encore. Aujourd'hui même, où ils sont reconnus libres, ils sont tenus à distance par les autres Hindous, sans pour cela être des Parias. Dans tout mariage régulier, aux Indes, même chez les Parias, le jeune homme a la coutume d'offrir à la famille de sa fiancée une corbeille contenant deux idoles, une noix de coco, du riz, du safran, une noix d'arek, du bétel. Chez les pêcheurs de la côte, c'est la fiancée qui fait ce présent à la famille de son fiancé, qu'elle achète, du reste, littéralement. Oh il ne vaut pas cher, soit dit sans ironie: un homme, là-bas, coûte exactement une roupie. En outre, contrairement à nos coutumes, c'est le mari qui demeure chez sa femme. Dame! puisqu'ellel'a acheté à beaux deniers. On voit donc qu'en Inde il n'est pas vrai que la femme soit toujours une recluse ou une esclave. Ajoutons que la femme moderne, selon le goût de nos plus exigeants féministes, y est aussi représentée, et que grâce à l'influence des dames anglaises elle gagne tous les jours du terrain.
dicité de ces conflits entre employeurs et employés inquiète et énerve le commerce international. On peut craindre que celui-ci ne déserte peu à peu Marseille, d'autant qu'il y a, non loin de notre métropole méditerranéenne, un port florissant, celui de Gênes, qui va se développant chaque jour, et qui est, d'ailleurs, da.1s de meilleures conditions économiques. En 1870, Gênes était peu de chose auprès de Marseille,qui était, sans conteste, la reine de la Méditerranée mais, dès 1876, son essor commençait. A cette date, le richissime duc de Galliera mit une somme de 20 millions de francs à la disposition de ses concitoyens pour l'amélioration de leur port. Le Gouvernement et la Ville apportèrent à eux deux 49 millions. Douze ans plus tard, l'œuvre était terminée. Voici la comparaison des deux ports au point de vue de l'étendue et de l'outillage. Elle permet de constater que les avantages se balancent et que, si à certains égards, Marseille garde sa supériorité, Gênes l'emporte à d'autres points de vue. Surface
d'eau. quais.
Longueur des Voies
ferrées
Appareils hydrauliques.
grève nouvelle qui vient, après plusieurs autres, arrêter encore la vie commerciale de notre grand port, menace de lui porter un coup funeste. La pério-
150 hectares
222 hectares
kilom. 6 42 kilom. 12
J
17
8
kilom. 6
48 kilom. 67
Dans ce prodigieux progrès, divers facteurs
sont à considérer. Non seulement Gênes a bénéficié du développement général du royaume d'Italie, mais le percement des tunnels du mont Cenis et du Saint-
Gothard, l'afflux des capitaux allemands, enfin, jusqu'à 19°1, l'absence de toutes difficultés ouvrières ont favorisé son essor. Si Gênes ne supplante pas encore Marseille en importance commerciale, il n'en demeure pas moins qu~, chaque année, la distance qui sépare les deux ports diminue. Chaque année, la situation de notre port est plus sérieusement menacée. Marseille grandit, mais grandit moins que Gênes. Le tableau suivant est à cet égard significatif L'avance de Marseille sur Gênes en tonnes de marchandises a été En
~880 J
LA
Gênes
Mais ces chiffres datent de dix-huit mois. Depuis lors, en 19°2 et 19°3, on a décidé des agrandissements et des perfectionnements qui amélioreront le port et qui ne coûteront pas moins de 5° millions. Les progrès du mouvement maritime ont monté de pair avec ceux du port. De i 400 000 tonneaux de jauge qu'il était en 1870, il a été, en i go3, de i millions et demi. Le tonnage des marchandises est passé de l 100000 tonnes à plus de 5 millions et demi.
1885 1895
Les Ports de Marseille et de Gênes.
Slarseillc
902 yo3
3 000 000 de tonnes
300000 J
000000
690 000
984000
L'augmentation du mouvement commercial de 1870 à 1903, a été de 124 pour ioo. Celle de Gênes, de 600 pour ioo. Or, si l'on songe que le tunnel du Simplon amènera à Gênes, avant deux ans d'ici, tout le trafic de la Suisse occidentale qui, actuellement, se dirige sui la France, on ne doutera pas de la nécessité où est
Marseille de tendre toutes ses forces vers sa défense, Les grèves qui y sont déclarées si fréquemment sont de trop.
Pour pouvoir lutter contre sa rivale, Marseille demande d'abord que les pouvoirs publics fassent respecter leslois régissant les matelots ou ouvriers des ports, ensuite qu'on hâte les travaux du canal de Marseille au Rhône, demandé depuis vingt-cinq ans et voté seulement l'année dernière, enfin qu'on crée, comme à Gênes, ou un port franc ou une zone franche. Les Marseillais voudraient bien encore qu'on leur donnât, toujours comme à Gênes, un consorfio autonomo, c'est-à-dire qu'on accordât à un groupement spécial et local le droit de veiller exclusivement aux intérêts du port. Administration, police, exploitation, tout ressortit à ce consorzio, où, fonctionnaires, négo-
sacs à sels; seuls, les Peaux-Rouges indigènes peuvent
supporter pendant quelques années un régime climatérique aussi meurtrier. Ils le paient, d'ailleurs, de leur santé sinon de leur vie les microscopiques particules salines qui flottent constamment dans l'air leur donnent une soif dévorante, qu'ils cherchent vainement à apaiser. Quelques années de ce genre de vie viennent à bout des tempéraments les plus robustes. Parmi les phénomènes atmosphériquesqu'on re-
marque dans cette étrange région, le plus bizarre est une « fata morgana » qui fait flotter, devant les regards hallucinés, la vaine image de champs florissants et de superbes cités. Le clair de lune, de son côté, transforme la plaine blanche et figée en un gigantesque suaire, où les moindres accidents du sol revêtent un aspect macabre et fantastique.
ciants, ouvriers, marins, sont représentés, donnant par leur collaboration une expression sensible à la solidarité vraie des intérêts. Mais chez nous, l'État n'aime pas à accorder d'autonomie. Et le voeu de. Marseillais sera difficilement suivi d'effet. Qu'on leur donne pour commencer le port franc, qu'on hâte les travaux et qu'on fasse régner la concorde entre armateurs et ouvriers. Ce sera déjà bien
Train extra- rapide sur le P.-L.-M. Paris-Nice en 13
Un
heures 50.
train extra-rapide de jour, qui détiendra le reUcord de la vitesse le des kilo-
Un Lac de Sel solidifié. DANS le désert du Colorado, un peu au nord de la frontière mexicaine, s'étend un vaste lac de sel desséché de plus de 400 hectares. La surface est d'une blancheur de neige et le soleil la fait étinceler d'une manière si intense qu'il n'est pas possible d'y fixer son regard. Le lac, qui n'est solidifié qu'à la surface, est nourri par de nombreuses sources salées qui jaillissent des montagnes voisines; l'horrible chaleur, qui règne dans ces parages, fait évaporer l'eau superficielle, et il en résulte une croûte de dix à vingt pouces d'épaisseur. Cette couche de sel est exploitée une grosse charrue à quatre roues, mue par la vapeur et dirigée par deux hommes, la sillonne sans. relâche de son lourd soc d'acier, en laissant derrière elle de larges sillons. Le sel s'amoncelle de chaque côté, en longues lignes parallèles. C'est ainsi qu'on recueille, chaque jour, environ 700 tonnes de sel. C'est à peine si la centième partie de cette immense croûte de sel est livrée à l'exploitation et encore, à peine la charrue a-t-elle creusé les sillons qui interrompent seuls la blanche uniformité du lac, que ces traces de l'industrie humaine tendent à s'effacer par la formation d'une nouvelle croûte. Les ouvriers occupés à l'extraction du sel sont tous des Indiens ou des Japonais. La chaleur extraordinaire qui règne dans cette région, aggravée par le reflet éblouissant du sel, en écarte invinciblementtous les travailleurs de race blanche. Les Japonais euxmêmes ne peuvent être employés que pour coudre les
pour parcours i ooo mètres, sera mis en mouvement,l'hiver prochain, entre Paris et Nice par la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée. Ce train effectuera, en 13 h. 50 le trajet de 1087 kilomètres qui sépare les deux villes. Le train de long trajet connu jusqu'à présent comme étant de beaucoup le plus rapide est le train dit du « XXe siècle », qui, entre New-York et Chicago, effectue en 12 h. 42 un parcours de iooo kilomètres. Le nouveau train Paris-Nice ne mettra que 12 h. 34 pour franchir la même distance. On avait obtenu jusqu'ici, en France et sur quelques lignes étrangères, des vitesses de marche très élevées sur d~s trajets moins longs; mais la solution du problème de la très grande vitesse sur des longues distances et comportant de nombreux arrêts pour changements de machines et prises d'eau était plus difficile à trouver.
Le comte de Marsay.
Une Croisière en Extrême-Orient.
vol. Paris, Delagrave, éditeur, rue Soufflot. Le li~étoria, yacht de 1900 tonneaux monté par soixante hommes d'équipage, a fait, en 1899 et 1900, une croisière qu'il a poussée le long de l'Inde, de l'Indo-Chine, des îles de la Sonde, de la Chine et du Japon, jusqu'à Vladivostok. Un des passagers, M. le comte de Marsay a publié ses souvenirs. Ce sont des notes, des paysages, des anecdotes où chaque escale est vivement peinte par un observateur sagace et
averti.
Au moment où des événements si graves se déroulent en Extrême-Orient, ce volume agréable, instructif et jamais banal, a tout ce qu'il faut pour plaire. On recueillera de sa
lecture une foule d'impressions profitables et attrayantes.
De quelques Procédés pour dresser un Plan ou une Carte. pier, on fait usage de l'échlle et du rapporteur. Et l'échelle, ce n'=st autre chose qu'une ligne droite qu'on trace sur le papier et sur laquelle on marque les longueurs réduites qui correspondent aux distances réelles mesurées sur le terrain. fruit. Comme il serait très long de prendre Laissant de côté les principes, qui chaque fois, avec le compas, sur cette relèvent d'une science spéciale, nous par- échelle les longueurs qui répondent aux lerons plus particulièrement des conven- distances qu'on a obtenues sur le terrain, tions dont les principales regardent le on se sert de préférence du double décidessin, le lavis, et surtout le choix de mètre. Si la carte, par exemple, est au l'échelle. 1 i o ooo, chaque centimètre de la règle équivaudra à 100 mètres sur le terrain. ÉCHELLE Un procédé ingénieux, consistant dans On appelle écbelle d'un plan ou l'emploi du Tachéograpbe, est encore venu d'une carte le rapport qui existe entre les simplifier et aussi rendre plus scientifique longueurs réelles prises sur le terrain et cette partie du travail. Nous en parlerons les lignes qui doivent les représenter sur dans un prochain Conseil aux Voyageurs. le papier. Ces lignes ne peuvent jamais DESSIN ET LAVIS être qu'une fraction très faible des lonLes cartes etles plans, dessins et lavis gueurs réelles; mais pour qu'on puisse se figurer exactement ce qu'elles représentent topographiquessont au trait ou en noir, en réalité, il faut connaître cette fraction. lorsqu'ils sont exécutés uniquement à la Si elle est de 1/100, on saura que 1 centi- plume lavés ou en couleur, lorsqu'une mètre sur le papier répond à 100 centi- grande partie du travail s'exécute au pinmètres, c'est-à-direà mètre sur le terrain; ceau. si la fraction est de 1/10 000, centiL'exécution comprend la mise au mètre sur le papier sera l'équivalent de trait, le figuré du relief, le dessin ou lavis roo mètres sur le terrain, et ainsi de suite. des détails, l'écriture. Le plan sera dit au centième, au dix-milAprès avoir placé sur le papier tous lième, etc., et l'on voit qu'il suffit de les points de repère obtenus sur le terrain, multiplier les longueurs figurant sur le on dessine avec un crayon fin les contours papier par le dénominateur de la fraction des divers objets j puis lorsqu'on s'est pour connaître à quelles mesures elles assuré que le tracé est correct, on l'arrête correspondent sur le terrain. à la plume, soit en noir avec de l'encre de Le choix de cette fraction, c'est-à- Chine, soit en couleur avec du bleu pour dire de l'échelle, dépendra du but qu'on les eaux, du carmin pour les constructions se propose; elle variera suivant qu'on en pierre, etc. Enfin, lorsque tous les veut représenter l'ensemble d'une con- contours sont bien fixés, on efface les trée, une vaste étendue de pays ou les traits du crayon devenus inutiles. détails d'une portion de terrain beaucoup La simple indication numérique plus restreinte. différences des de niveau cu des altitudes Les échelles les plus usitées sont ne suffit pas pour donner à première vue 10 pour les cartes générales une idée exacte des formes du sol. Ces chiffres ou cotes ont en cutre l'inconvé1/1000000 soit 1: i 000 000 ou O~e01 pour 10000 m. 1/500000 1: 500 000 OmOI 5000 nient, dès qu'on les multiplie un peu, de i/230 000 1: 2"iOOOO 0'01 t). 5()O trop charger le plan ou la carte. Il est 4/100 U00 1: !OOOOO 0~01 1000 donc préférable de recourir à d'autres topograghiques les pour cartes moyens qui remplissent mieux le but, i/50 000 soit 1:50000 ou O~n01 pour 500 mètres. sans nuire à l'exactitude. 1(lJOOO 1: 25 000 OmOI 230 Les principaux de ces moyens sont i¡10 000 100 1 10 000 0~~01 Les courbes de niveau ou sections )0 pour les plans topographiques boyi~ontnles, passant par ous les points 4/5000 soit 4:;i000 ou 50 mètres. du terrain qui sont situés à une même 1/2500 0~~01 4 500 23 altitude. Il suffit alors d',in seul chiffre 1/1000 1 i 000 0'"01 10 pour faire connaître à quel niveau se Le topographecommence par tendre trouvent tous ces points. En outre, comme la feuille de papier sur laquelle il veut tra- ces courbes sont équidistar.tes,c'est-à-dire vailler, sur une planche à dessin ou sur séparées par des intervalles égauxen hauteur, de 10 mètres, de 20 mètres, ou une feuille de carton très épais. Il détermine la direction nord-sud, davantage suivant l'échel1e, il n'est pas c'est-à-dire la méridienne d'un point cen- même besoin d'un chiffre pour qu'on tral du terrain à représenter; puis la ligne sache immédiatement que la courbe qui est-ouest, coupant la première à angles vient au-dessus de celle de ioo mètres, droits. par exemple, marque tout ce qui se Il porte ensuite sur le papier les trouve à un niveau de 110 mètres, de mesures prises sur le terrain, en commen- i 20 mètres, etc; Toutefois, il faut déjà une çant par le milieu de la région explorée, certaine habitude pour lire, sur un plan, qu'il place au centre de la carte, et en des formes qui n'y sont indiquées que par s'éloignant de plus en plus vers les points des sections horizontales, moins qu'elles extrêmes. ne soient extrêmement rapprochées les Pour reporter ces mesures sur le pa- unes des autres.
UN
dessin topographique est basé sur certains principes géométriques et aussi sur certaines conventions,qu'il faut connaître pour être en état de dresser un plan ou une carte intelligible à tous, ou même pour être capable de les lire avec
2
pour
Les hachures, ou traits noirs dans le sens de la plus grande pente, rendent d'une manière frappante le relief du sol.
Elles sont plus ou moins courtes, larges et serrées suivant que la pente du terrain est plus ou moins forte; mais par cela même elles rendent un peu noires les cartes qui représentent des terrains très accidentés. On y remédie en donnant aux hachures une teinte brunâtre qui conserve au sol tout son relief sans faire disparaître ni les courbes de niveau, ni les petits détails ou l'écriture. Indépendammentde la loi qui préside à l'espacement et à l'épaisseur des hachures, il y a encore à observer le mode d'éclairage. Dans l'un, celui de la lumière oblique, on suppose le terrain éclairé par la lumière du soleil qui le frappe obliquement de gauche à droite, sous un angle de 45° et l'on règle les hachures en conséquence, leur donnant plus de vigueur du côté de l'ombre, et moins du côté éclairé. Dans le second système, celui de la lumière verticale ou ~énithale, on suppose le terrain éclairé par la lumière du soleil tombant directement d'en haut sur les objets, de sorte qu'il n'y a point d'ombre et que l'intensité des hachures indique uniquement le degré de pente du terrain, les surfaces étant d'autant plus claires qu'elles sont moins inclinées.
Pour s'épargner le travail long et minutieux des hachures, on a recours quelquefois au lavis, c'est-à-dire à une teinte dégradée au pinceau par laquelle on cherche à imiter l'effet que présenterait le même plan couvert de hachures. C'est
là un procédé très expéditif, mais qui à lui seul ne peut guère servir que pour des ébauches exécutées sur le terrain. Au lieu d'une teinte qui ne varie que par des tons plus ou moins foncés, on emploie aussi des couleurs ou nuances différentes pour marquerles divers étages en altitude ou en profondeur. Ces couleurs ou nuances forment alors une échelle de convention, dont chaque degré marque en général une différence de niveau de zoo à 500 mètres. Après avoir indiqué les contours et les formes du terrain, il reste à en représenter les détails, c'est-à-dire à remplir certains espaces de manière
à faire con-
naître s'ils sontoccupés par des eaux, par des marécages, par des forêts, ou même, lorsque le plan est à une grande échelle, par quelles espèces de cultures, de constructions, etc. On a recours à cet effet à des signes conventionnels, généralement des abréviations, qui sont expliqués dans un des coins du dessin topographique. Le choix de l'écriture et la dimension des caractères sont une affaire de goût et d'appréciation. L'essentiel est que la carte ou le plan soient clairs; quant au reste on ne peut que recommander de régler la hauteur des lettres de manière à ce qu'elle soit proportionnée à l'échelle du dessin, et d'employer des écritures qui 'soient en rapport avec l'importance des objets qu'elles servent à désigner.
Vers les Placers de la Guyane française. L'Exploitation des Alluvions aurifères'. G'ex6loitation de l'or se fait par deux procédés le désagrégement par le Pilon du quart~ aurifere, et le lavage des alluvions dans les criques. En Guyane, l'or se ~résente rarement sous l'aspect qui rend nécessaire le broyage, presque toujours il se trouve contenu dans le sable des cours d'eau. C'est le long de ces criques que s'installent des colonies de travailleurs, des chantiers dont le produit est la source la plus claire des revenus de la Guyane française.
NoUS passons une huitaine de jours à visiterles chantiers et à faire des prospections dans la région du Placer Central (Haute-Mana). La crique principale renferme des blocs de quartz très riches, avec de l'or libre; c'est ici qu'il y aurait à faire d'impor-
table affleurement. Dans ce cas, la recherche est plus facile. Ailleurs, il faut faire des tunnels ou des tranchées, parfois très longues, avant de rien découvrir. J'ai la chance de n'avoir presqne pas d'averses pendant mes prospections, mais la pluie prend sa revanche la
nuit; comme
c'est bientôt la
tantes prospections, mais le
pleine lune, je constate qu'en
temps me man-
suivant
que totale-
effet,
une fouille de 3 à 4 mètres
dans le but de
créole, la pluie suit la lune. Le soir, quand je rentre, un boy me prépare un tub d'eau par-
chercherlapro-
fumée
aux
fondeur de la
plantes aromatiques, et tiède. C'est par-
ment. Tout ce quejepuisfaire exécuter, c'estt
un
de profondeur
roche en place
intacte. Maisje ne trouve que de la terre rouge décompo-
dicton
faitementreposant, et ce soin est justifié ici
sée. En effet
la santé avant
cette terre rouge descend en Guyane à 20 et 3o mètres, et il est bien rare qu'on ait réus-
tout; or la propreté en Guyane, et surtout dans le bois,
UN TUNNEL DE PROSPECTION POUR GISEMENTS
mettre à découvert des filons de quartz ceux-ci se sont désagrégés, et le quartz s'est éparpillé de tous côtés. Il n'est guère qu'une mine en Guyane, celle d'AdieuVat, au placer Saint-Élie, où l'on ait trouvé un vériVoirATraversleMonde, n° 37, p. 293;
A TRAVERS LE MONDE.
La méthode d'exploitation des alluvions aurifères est si simple qu'une description me paraîtrait superflue; cependant bien des lecteurs seront peut-être heureux de la connaître en détail. Je dirai d'abord qu'il arrive quelquefois, dans la saison des pluies, que le travail de certains chantiers
Photographie de M. Albert Bordeaux.
si à
1.
c'est la santé.
AURIFÉRES.
3(~e LIV.
n'38, p. 297.
No 39.
24 Septembre 1904.
est interrompu, parce qu'ils sont inondés d'eau. On est obligéde travailler certains cours d'eau l'été, quand il fait sec, et d'autres, l'hiver, quand il pleut. La saison des pluies dure sept ou huit mois de l'année, de décembre à juillet. Les grandes criques, où il y a beaucoup d'eau, sont les criques d'été, les petites criques sont les criques d'hiver. Mais il arrive que les
pluies peuvent être assez abondantes pour noyer même les petites criques. Dans ce cas on installe des pompes primitives, dites pompes macaques, mais elles
ne sont pas toujours suffisantes. Les pompes macaques sont composées d'un balancier, porté par une perche et supportant un seau d'un côté, tandis que de l'autre côté on ajoute une pierre pour soulever le seau quand il est plein d'eau. Le seau est déversé au delà d'un petit barrage, de façon que l'eau ne puisse redescendre dans le chantier en exploitation. Cela posé, voici comment se fait l'exploitation du gravier aurifère dans les petites criques, les seules que
j'aie pu contrôler dans des placers aussi éloignés de Cayenne. Ces criques, ou cours d'eau, n'ont guère en général que 4 ou 5 mètres et même moins comme largeur for apparaît tantôt immédiatement dès la surface, tantôt sous une couche de terre et sable, épaisse de trois à quatre pieds, rarement davantage. On commence par déboiser la crique en abattant les arbres sur 7 à 8 mètres de largeur, io mètres même aux endroits où c'est nécessaire. Ce travail est fait à la hache; on abat les arbres par file, plusieurs à la fois, par rideaux, suivant l'expression créole, en profitant des lianes qui les relient et les entraînent tous à la fois. Ensuite on fait le dessouchement, c'està-dire qu'on taille et arrache tout ce qu'il est possible des troncs et des racines qui sont peu profondes; en même temps on entasse les troncs éboulés sur les côtés de la crique, pour bien la dégager. Le travail suivant consiste à enlever la terre et le sable stérile jusqu'à la couche de sable aurifère, qui est le plus souvent quartzeux. Ce travail se fait à la pelle, et le sable stérile est rejeté sur les bords du lit du cours d'eau. On fait en même temps un petit barrage de la rivière en amont, et une canalisation celle-ci devra servir d'abord à écarter l'eau qui gênerait les travaux, et ensuite~à procurer au sluice dont nous allons parler, l'eau nécessaire au lavage du sable aurifère. Le tropplein de cette eau s'en va par la canalisation prolongée sur les bords de la crique. La couche de sable aurifère va être débarrassée de son or dans le sluice. Le sluice guyanais est le plus simple possible. Il est portatif, placé au milieu même du chantier d'exploitation, et on le déplace d'aval en amont à ,mesure que l'exploitation avance. Ce sluice est composé de canaux en planches, que les créoles appellent des dalles; elles sont emboîtées l'une dans l'autre, ouvertes à leur partie supérieure. Leur longueur est de 4 à 5 mètres, leur largeur, de 3o centimètres ou un pied, et il y a en général cinq dalles, toutes portées sur des piquets où des crochets sont fixés pour régler leur hauteur. La dalle inférieure porte des rifles ou lamelles de bois pour faire obstacle à l'or, et une plaque perforée maintenue par un rifle en fonte. L'or fin passe sous cette plaque. On verse un peu de mercure tout le long des dalles.
Deux mineurs prennent à la pelle le sable aurifère et le versent dans le sluice, près du sommet où arrive le courant d'eau. Ce sable étant argileux, il y a une ou deux femmes occupées à débourber les pelotes d'ar-
gile qui retiennent l'or et risqueraient de l'entraîner avec elles. L'or, étant dix fois plus lourd que le sable, reste contre les rifles et sous la plaque perforée, tandis que le sable est entraîné par l'eau'le long de la pente du sluice. A l'extrémité inférieure du sluice, un ouvrier rejette le sable de chaque côté pour qu'il ne gêne pas la circulation de l'eau qui, sans cela, pourrait rentrer dans le chantier d'exploitation. Il n'y a au total que sept ou huit hommes occupés au stérile, au sable aurifère, au sluice et à l'enlèvement des sables. Les uns ou les autres chantent, les femmes surtout, et cela donne de la gaieté au chantier. Ce travail est pourtant assez pénible, lorsqu'il faut rester des heures exposé au grand soleil ou à la pluie, car on a déboisé la crique en exploitation il faut être endurci au climat et à la peine pour résister de longs mois sans fatigue. Le chef de coantier est obligé à une surveillance très rigoureuse, et il doit constamment prospecter la crique pour contrôler le rendement en or qu'elle doit donner. Le soir à quatre heures, le chef du chantier vient récolter l'or du sluice. En réglant l'eau, il chasse d'abord le sable qui recouvre les planches du fond, puis il enlève peu à peu les rifles et la plaque perforée, ne laissant que le rifle en fonte. Tout le temps cependant, il maintient une batée, sorte de plat creux en bois dur, au bout inférieur du sluice. A la fin, il enlève le rifle en fonte, l'or amalgamé au mercure tombe dans la batée, et il ne reste plus qu'à laver celle-ci. Cette dernière opération demande un peu d'habitude pour éviter toute perte, mais elle est facile. L'amalgame d'or obtenu est serré dans un morceau de toile, et déposé dans une boîte en fer à cadenas dont le directeur du placer a la clef. Ce cadenas, qui est à ressort, est fermé au chantier devant les ouvriers et porté à l'établissement. Vers cinq ou six heures, suivant la distance des chantiers, le directeur de l'établissement prend toutes les boîtes qui lui ont été apportées, les ouvre devant les chefs des divers chantiers, et les ouvriers que cela intéresse, et il pèse les boules d'amalgame. Celles-ci sont ensuite passées au feu sur une plaque de fer, le mercure se volatilise, la boule jaunit, on la pèse à nouveau, et on l'enferme dans un coffret en fer. Un registre porte toutes les pesées journalières. Au bout du mois, l'or de tout le coffret est pesé à nouveau, puis expédié dans le coffret muni d'une serrure à secret, à Cayenne, par des canots boschs ou créoles. Le coffret est muni d'une corde et d'une bouée de sauvetage, pour parer au naufrage possible du canot dans les rapides et les sauts de la rivière. Je pense que ces explications suffiront pour expliquer l'exploitation des placers. Chaque établissement ~riv~ci~al que je visite a une dizaine de chantiers, ce qui signifie de quatre-vingtsà cent hommes occupés au travail du sable aurifère. Ces dix chantiers sont groupés entre quatre ou cinq établissementsdétacbés. Outre les mineurs, il y a les charroyeurs, les canotiers, les i Nom
donné aux noirs de la Guyane hollandaise.
ouvriers occupés aux dégrads, aux magasins, aux sentiers, soit au moins trente hommes par placer. Il y a enfin les malades ou soi-disant tels, ceux qui se prétendent fatigués à plus ou moins juste titre et veulent prendre quelques jours de repos. Le contrôle est difficile, car il n'y a pas de médecin dans la région que j'ai visitée, il n'y a qu'une petite pharmacie dans chaque établissement. En somme, pour dix chantiers, il faut compter un personnel total de cent cinquante hommes
environ.
La paye se fait par chèque au nom du propriétaire du placer à Cayenne. Les ouvriers sont nourris à ses frais, et celui-ci en profite plus ou moins pour écouler ses marchandises, lorsqu'il est commerçant. Mais il a tout intérêt à bien nourrir ses ouvriers;
c'est de bonne politique, car le rendement est bien
supérieur, et les hommes intelligents de Cayenne s'en
rendent fort bien compte.
partout constaté que la nécessité crée la meilleure méthode de travail, de même que dans l'évolution des animaux le besoin crée l'organe. En Guyane, les imperfections sont surtout apparentes dans le travail des maraudeurs; on appelle ainsi ceux qui se précipitent sur un champ aurifère nouvellement découvert sans aucun titre de propriété, et se hâtent de prendre le plus riche avant l'arrivée des légitimes propriétaires. C'est ainsi qu'ils ont saccagé les criques si riches de l'Inini et certaines criques d'un des placers que j'ai visités, le placer Dagobert. En ces endroits, à l'Inini surtout, l'or était en grosses pépites, les criques n'étaient riches que par places, et cela est iatal avec for gros; l'or fin est bien plus régulièrement disséminé sur de grandes longueurs de criques.
En général, sur les placers de la Haute-Mana que j'ai visités, l'or est fin et régulier L'avantage est
très grand, car on peut, dans
Bonne nourri-
ce cas, prévoir l'avenir en faisant des fouilles de prospection. Les direc-
ture et bonne surveillance,
c'est la règle
d'or, golden
teurs créoles
rule des An-
glais.
de ces placers
témoignent
Ce qui
m'a le plus
d'une grande prévoyance et de beaucoup de soin, en faisant de très nom-
frappé en visi-
tant
les chan-
tiers d'exploi-
tation des criques, c'est leur
breuses fouilles de prospec-
étroitesse et la rapidité avec laquelle on les
tion.
Ce
épuise. On
ces fouilles de
prospection
avance en effet à raison de 600 à 800 mètres de
longueur
par an en ne donnant, il est vrai, qu'un seul
sont
L'ÉTABLISSEMENTn CENTRAL » AUX PLACERS DE LA GUYANE FRANCAISE.
Photographie de M. Albert Bordeaux.
coup de sluice, deux aux rares endroits un peu plus larges. Or c'est là un défaut de la méthode guyanaise. On veut aller trop vite, et il arrive qu'on laisse le meilleur il reste le plus souvent à enlever les deux côtés de la crique, dont on n'a pris que le milieu, et l'or va souvent sur ces côtés. On fait bien des trous de prospection en amont du chantier, mais ils ne renseignentpas à coup sûr sur la position de l'or. Un autre défaut de cette précipitation, c'est qu'on laisse de l'or dans le fond du bed rock où les hommes, en le piétinant, l'enfoncent profondément sous l'argile décomposée. Ou bien ils jettent violemment en l'air la pelletée de gravier riche, et au lieu de retomber dans le sluice, elle s'éparpille, l'or plus lourd va retomber en aval du chantier et il est perdu. Je ne veux pas entrer ici dans trop de détails, mais seulement faire ressortir quelques imperfections de la méthode guyanaise. Celle-ci, d'ailleurs, bien appliquée, est la méthode la mieux adaptée au genre de travail à faire, de même qu'elle est la plus simple; elle fait honneur à l'esprit pratique et actif des créoles. J'ai
qui m'intéressent le plus, et je n'ai malheureusement pas le temps d'en
vérifier beaucoup; je suis obligé de me fier à la parole des directeurs des placers. D'ailleurs, il ne suffit pas de faire une fouille çà et là au hasard dans une crique pour connaître la richesse exacte et l'allure de l'or dans cette crique. Il faut tout un système de fouilles méthodiquement, placées tous les 5 mètres par exemple, et explorant toute la largeur de la crique. C'est ce que l'on a fait pour les criques les mieux prospectées, celles qui doivent assurer l'avenir immédiat; mais je ne puis les vérifier toutes, surtout que la plupart sont pleines d'eau sur trois à cinq pieds de profondeur, et 2 à 3 mètres de largeur. Ce travail de prospection est plus facile dans la saison sèche, et c'est alors qu'on l'entreprend. Quand il a été fait méthodiquement, les mineurs guyanais peuvent dire avec assez de certitude quel est le degré de richesse de la crique, et si for est fin, ils se trompent rarement. Lorsque l'or est en grosses pépites, ils disent que la crique est ~ochée, c'est-à-dire irrégulière, et dans ce cas on est exposé à des surprises, soit désagréables, soit très agréables.
Certains placers ont duré plus de 2o ans avec de beaux rendements, d'autres n'ont duré que quelques années. Dans la région que j'ai parcourue, for parait faire comme des taches; tout un réseau de criques est riche, tout le réseau voisin est pauvre, puis cela recommence.: il y a correspdndance évidente entre les parties riches et pauvres des filons désagrpgés et décomposés, qui ont autrefois affleuré dans cette région, et dont l'or a enrichi les criques actuellement exploitées, ou parfois même les terres rouges des collines, ce qu'on appelle les terres de ~nontaghe. Mais il serait beaucoup trop long d'entrer ici dans des détails sur l'exploitationde ces terres et la recherche des filons. Je passai trois semaines à parcourir quatre placers puis je redescendis, en compagnie de Sully et
d'Emma la Mana en canot jusqu'au bourg de Mana. Après avoir passé là quelques jours, la petite goélette qui nous avait conduitsà l'Approuague, la Paulette, vint nous chercher et nous ramena à Cayenne, dans la nuit
du 23 au 24 mars. Je passai dix jours à Cayenne où je reçus le meilleur accueil. Le 3 avril, je quittais Cayenne pour arriver le 23 à Saint-Nazaire, avec le désir de refaire un jour le trajet de l'Approuague et de la Mana, ce trajet en canot qui m'avait tant intéressé. ALBERT BORDEAUX.
religieuses et politiques des Oasis sahariennes.
Les Idées
Au moment où la pénétration pacifique du Maroc par
l'influence française va probablement entrer dans une période d'action, il n'est pas sans intérêt de connaître l'état d'esprit des oasis sahariennes, asiles des
tribus dont l'assimilation présentera certainement de grandes difficultés. S'entendre avec les populations du Makhzen, c'est traiter avec le sultan lui-même, et
une bonne partie du chemin semble déjà faite. Mais quel accueil nous réservent les peuplades des oasis, indépendantes, sans lien apparent, mobiles et insaisissables comme les sables de leur désert? Néanmoins, il n'est pas impossible d'étudier les influences qui agissent sur le moral de ces populations et d'en déduire la ligne de conduite qu'il serait bon
d'adopter. Personne n'ignore l'ascendant que les ordres religieux exercent sur les peuples de l'Islam. Il est peu de croyants qui ne soient affiliés à une ou plusieurs confréries, et n'en reçoivent une éducation qui détermine leur voie religieuse, et, par suite, leur attitude envers les infidèles. Connaître ces confréries, c'est connaître les têtes qui dirigent les bras; celles qui, d'après la Dépcche Coloniale, ont des affiliés dans les oasis sahariennes sont principalement les Taïbia, les Kadrya, les Cheikkia, les Kerzazia, les Bakkaia, les Tidjania et les Snoussia. L'ordre des Taïbia y est le plus répandu. Il a pour chef le chérif d'Ouazzan (Maroc) qui, personnellement, est plutôt favorable à la France et à la civili-
européenne; mais ses adhérents des oasis ne partagent pas toujours ses sentiments. Les Kadrya ou sectateurs d'Abd el-Kader Djilani, le plus grand saint de l'Islam, sont presque aussi nombreux que les Taïbia. Leur ordre, le plus ancien de tous, a son centre à Bagdad, mais leurs relations avec ce centre sont fort rares, et ils sont surtout dans la main des marabouts locaux. sa'_ion
La confrérie des Cheikkia ou des Ouled Sidi Cheik a des chefs qui sont actuellement pourvus de nombreuxcommandeinents dans le Sud-Algérien par le Gouvernementfrançais. Les Kerzazia ont leur zaouia-mère à Kerzaze, sur l'oued Saoura. C'est un ordre local dont le chef, le Mouley Kerzaz, persiste à suivre la même ligne de conduite que ses prédécesseurs, protéger les gens des ksours contre les nomades. Nos relations avec lui
semblent bonnes.
La confrérie des Bakkaia est dérivée de celle des Kadrya. Elle est originaire de Timbouctou. Le chef de
l'ordre ne nous paraît pas hostile, mais son frère le cheik Abidin, qui résidait précédemment à In-Salah, a essayé de susciter de l'agitation contre nous au Tidikelt et parmi les Touareg. Les Tidjania des oasis ne suivent pas les instructions de la maison-mère d'Aïn-Mahdi prés de Laghouat. Ils appartiennent à une branche marocaine, dont l'enseignement est en beaucoup de points différent. Les Snoussia, d'ailleurs peu nombreux au Tidikelt, sont des adhérents du cheik Snoussi. Leur ordre est très puissant; c'est certainement à lui surtout que l'Islam doit les immenses progrès qu'il a réalisés en Afrique depuis un demi-siècle. Très fanatique et très remuant à ses débuts, il semble être entré aujourd'hui dans l'ère de calme qui accompagne la prospérité. Si l'influence religieuse des confréries ne fait de
doute pour personne, on ignore plus généralement que les populations des oasis sahariennes sont divisées en deux partis politiques, deux soffs ennemis irréconciliables, les lhamed et les Seffian. Cette division remonte au XIIIe siècle, et ses origines, qui reposent dans un conflit entre tribus, sont plus connues des historiens que des intéressés eux-mêmes. Les gens qui aujourd'hui sont de fun ou de l'autre soffsont ennemis par conviction héréditaire et n'ont aucune idée des origines et des causes de leur hostilité. Dans les oasis szhariennes, l'élément arabe est généralement Ihamed, l'élément berbère est le plus souvent Seffian. Mais il existe des exceptions. Certains ksours sont neutres. Quoique aux combats d'Igosten, de Deramcha et d'In-Rhar, nous ayons eu affaire aux contingents du soff Ihamed, c'est pourtant ce parti qui semble maintenant nous être le moins hostile. Les événements qui se sont passés en 1901, soulèvements de plusieurs ksours dans le Gourara, incursion d'un millier de Berabers du Tafilelt, surprise de Timmimoum, ont été suscités par les Seffian. On comprend l'intérêt qu'il pourrait y avoir à s'appuyer sur un parti pour venir à bout de l'autre. En Algérie, nous avons mis un demi-siècle à nous imposer aux maîtres des confréries ou aux chefs des tribis. Une connaissance plus approfondie des idées courantes dans les tribus du Sud-Marocain nous permettra d'agir et de nous imposer avec plus de rapidité.
Les Chemins de fer du Siam. des chemins de fer a pris au Siam une importance capitale depuis le jour où nous en avons fait pressentir l'essor'. Le plan général des lignes en construction, à l'étude ou en projet, dénote même de la part du Gouvernement siamois une orientation nouvelle dans son économie politique. Tandis que les tracés anciens semblaient surtout destinés à desservir l'intérieur de l'empire, les tracés nouveaux visent
L A question
manifestement à rattacher le territoire siamois aux pays circonvoisins. Depuistrois ou quatre ans, la politique siamoise, comprenant ses vrais intérêts, a cessé de se replier
bang.
La grande ligne sera continuée de Lakhon au
nord-ouest jusqu'à Xieng-haï (212 kilomètres), puis jusqu'à la frontière de Chine et à Xieng-sen. D'autres études ont été faites pour des lignes vers le nord-est et l'est, en
vue de prolonger la ligne de Bangkok à Korat jusqu'à Nong-khaï(3 50 kilomètres), d'une part, et de Korat à Bassac (3~o kilomètres),
sur soi-même les derniers traités franco-siamois en sont la preuve. Les chemins
d'autre part. Un tramway à vapeur vient d'être con-
cédé de Korat à Pimaï, à l'endroit où la rivière Nam-
de fer, obéissant à une
même impulsion, rayonnent
moun, tributaire du Mé-
ou s'apprêtent à rayonner à l'extérieur et à faciliter les rapports entre le Siam et les possessions anglaises d'une part, le Siam et les possessions françaises d'autre part. Voici l'état actuel des chemins de fer dans l'em-
devient navigable durant neuf ou dix mois de l'année. Au sud-est, il est question de commencer une ligne de Bangkok au fond du golfe de Siam. par Pekong,
triou, Panat et Bang-pla-soi (135 kilomètres), qui coûte-
pire siamois On a ouvert à la cir-
culation, il y a quelques mois, la ligne ferrée de Bangkok à Petchabouri (15 li kilomètres). Cette ligne, à voie de i mètre, a coûté
10480000 francs, soit
LES CHEMINS DE
694o6 francs le kilomètre; elle se développe en terrain plat. Les deux principaux mètres de long; ponts en fer ont l'un 5°, l'autre ce dernier a une arche centrale de go mètres. La région
Ip
traversée est bien peuplée et cultivée. Cette ligne est l'amorce d'un réseau destiné à relier Bangkok aux
États de la péninsule malaise. La ligne Bangkok-Ayouthia-Lopbouri,qui était à l'état de projet en 190 l, doit décidément être prolongée vers le nord jusqu'à Xieng-maï; le Siam négociera des emprunts en Europe pour achever rapidement cette ligne, ce qui permettra de drainer vers Bangkok les produits du nord du royaume et de réprimer plus facilement les troubles qui éclatent souvent dans cette région. On travaille déjà à la section Lopbouri-Outaradit (450 kilomètres), qui coûtera de 25 à 3o millions, et les terrassements sont terminés jusqu'à Pak1.
nam-po. L'adjudication des rails de ce tronçon a été obtenue, non plus comme précédemment par les Allemands, mais à cause des prix moins élevés, par des Anglais et des Belges. On espère que, dans sept ou huit ans, Bangkok sera relié par chemin de fer à Xiengmaï, par Lakhon. Mais ce point terminus de la ligne Bangkok-Lakhon est en même temps le point de départ d'un réseau qui sillonnera le nord du Siam. L'extension du réseau nord doit se faire, d'une part, de Lakhon à Xieng-maï (103 kilomètres), de l'autre, de Long à Pray et Nan (i5o kilomètres). Un prolongement ultérieur est prévu sur Louang-pra-
Voir A Travers le Monde, 1901, page
12
5.
ra 8514000 francs. Cette ligne sera l'amorce de celle de Bangkok à Battambang, en passant par Vatana et Sisophon, qui amènerait à la capitale siamoise le riz des provinces de Sisophon et de Battambang, et le FER DU SIAM. poisson du lac Tonlé-sap. Pour éviter cette concurrence, il y a urgence à prolonger jusqu'à Poursat la ligne française de Saïgon à Mytho. On vient enfin de concéder la petite ligne de Bangkok à Tachin, en vue'd'apporter à la capitale le poisson de la baie de Tachin. Dans un autre ordre d'idées et pour répondre à des besoins de service intérieur, le tramway à vapeur de Tarna (sur la ligne de Lopbouri) à Prabat (17 kilomètres), lieu de pèlerinage, a été livré au trafic, le 7 février 1903, La ligne doit être étendue jusqu'à une forêt, à io kilomètres de Prabat, où abondent les bois précieux, tels que le taback. On voit que le Gouvernement siamois se remue, il est franchemententré dans la période d'expansion. Nous ne pouvons que nous en féliciter puisque ce voisin, aux tendances naguère hostiles, est devenu presque un allié.
Le
Traité anglo-tibétain.
LE colonel Younghusband a signé,
le 7 septembre à
Lhassa, le traité qui met un terme à l'expédition
anglaise.
En l'absence du Dalaï-Lama, qui s'est enfui, diton, vers quelque monastère de Mongolie, le traité a
été conclu avec le Conseil de Régence. On a procédé à la signature à Potala, dans le palais-couvent qui sert de résidence au Dalaï-Lama et dans les appartements même de ce Bouddha Incarné. Nous avons dit déjà que la mission britannique au Tibet, partie le 16 décembre 1903 et arrivée à Lhassa le 5 août dernier, avait rencontré sur sa route un très grand nombre d'obstacles et s'était heurtée à l'opposition armée des Tibétains. La Grande-Bretagne se proposait de demander au Tibet d'abord une indemnité pour couvrir les frais de l'expédition; ensuite, une réparation pour les insultes dont les représentants britanniques avaient naguère été l'objet et pour les attaques dirigées contre leur mission, qui n'avait aucun caractère agressif; enfin des facilités pour le commerce entre les Indes et le Tibet, et l'établissement d'un poste frontière à cet effet. On ne peut savoir si les réclamations britanniques ont reçu entièrement satisfaction, car on ignore les termes précis du traité, mais on assure à Londres que les Tibétains ont, pour ainsi dire, accepté purement et simplement les conditions qui leur étaient posées.
Après la signature du traité, le colonel Younghusband a déclaré que les Anglais n'interviendraient pas dans les affaires religieuses ou intérieures du Tibet. Ils ne désiraient autre chose que l'établissement de relations commerciales et le respect des représentants et des sujets de l'Angleterre. Le colonel a exprimé l'espoir de voir la paix rétablie pour toujours. Toute infraction au traité sera sévèrement punie. Le colonel a ensuite annoncé la mise en liberté des prisonniers de guerre. Les fonctionnaires locaux, appuyés par l'amban, c'est-à-dire par le mandarin qui représente la suzeraineté chinoise, soutiennent que la fuite du Dalaï-Lama équivaut à une abdication, et que, par suite, aucune difficulté ne sera élevée par les Tibétains contre la validité du traité. Or il y a au Tibet un rival tout prêt à prendre la succession du Dalaï-Lama. C'est le grand lama de Tashilhumpo, le Panchen Rinpoche ou grand maître, le chef du grand monastère qui se trouve aux portes de Shigatzé. Religieusement, théologiquement, cérémonialement, ce personnageest au moins l'égal, beaucoup disent le supérieur du Dalaï-Lama. Ce dernier n'a dû sa suprématie depuis deux siècles et demi qu'à la situation de Lhassa et au rôle de la province, dont elle est la capitale, et qu'aux intrigues politiques. En fait, le Tashe-Lama incarne à perpétuité le très glorieux Mandju-Sri ou Amitabha, le Dalaï-Lama
n'incarne que son disciple, Avaloskitesvara le maître est toujours plus que l'élève. Il n'y a donc, semble-t-il, aucune difficulté insurmontable, doctrinale ou autre, à faire accepter par la population monacale la suprématie politique d'un lama qui a gardé, malgré une longue subordination, bien des vestiges de sa supériorité religieuse d'antan. Et il est fort possible que l'Angleterre, qui, depuis le début, a trouvé un auxiliaire en la personne du Panchen Rinpoche, alors qu'elle se heurtait à l'opposition fanatique et à l'obstination follement invincible du Dalaï-Lama, juge de son intérêt de contribuer à ce déplacement d'autorité. Elle en tirerait un profit immédiat. En conséquence, les soldats de la colonne que
commandait le général Macdonald, pour faire escorte au plénipotentiaire Younghusband, vont retourner dans l'Inde très promptement. L'avenir dira ce qu'ils auront laissé derrière eux de résultats solides et permanents.
La Question des Langues et les Missïons protestantes aux
Philippines.
UN journalaméricain, The Cbristian
Work, s'est posé quelle va être la langue des Phi-
cette question lippines, la nouvelle possession américaine d'ExtrêmeOrient ? C'est, sans doute, l'anglais. Ce sont les instituteurs et les missionnairesprotestants qui seront les plus puissants agents de cette nouvelle conquête de la langue de nos voisins. D'après l'article très documenté de ce journal, on estime que, d'ici quelques années, il y aura un million d'enfants dans les écoles publiques, à qui on enseignera l'anglais, à l'exclusionde toute autre langue. Les parents apprendrontl'anglais de leurs enfants, ou dans les écoles du soir. Aux missionnaires, dès lors, de venir à la rescousse, de grouper, dans les écoles du dimanche, les enfants, dès qu'ils sauront l'anglais, pour commencer sans retard la prédication. Il y peut-être quelque optimisme dans ce plan d'activité missionnaire que dresse un journal religieux, avant même que les Philippines soient sérieusement pacifiées; mais il fallait s'attendre à voir les diverses sectes protestantes tourner leurs efforts vers les nouvelles conquêtes américaines. Elles possèdent, en effet, une ardeur apostolique que rien ne lasse. En ce moment, cinq églises protestantes travaillent aux Philippines, et non sans succès. Quatre d'entre elles ont procédé, d'un commun accord, au partage de l'archipel, de manière à assurer la bonne harmonie et à prévenir les doubles emplois ou les dépenses inutiles. Ce sont les méthodistes, les baptistes, les congrégationalistes et les presbytériens. Dans la ville de Manille, les méthodistes annoncent déjà, après quatre années d'activité, 4 9 10 convertis et environ 2 000 candidats. Les épiscopaux se sont également mis en branle,
mais en se réservant une entière indépendance. Ils se distinguent des autres sectes en ce que, jusqu'ici, ils se refusent à recevoir dans leur sein des prosélytes des autres églises chrétiennes, et spécialement les anciens catholiques; ils. vouent aux seuls païens toute l'activité de leur prosélytisme. Leur diocèse, car ils ont envoyé un évêque aux Philippines, comprend actuellement quatre églises, à Manille, à Baquio, dans l'île de Luçon et dans celle de Panay. Cette situation prospère des sectes protestantes était intéressante à signaler, car les Philippins étaient, on le sait, exclusivement catholiques. La main mise des Etats-Unis sur ces îles en chasse le catholicisme.
La Rivalité des Ports de la Mer du Nord.- Hambourg et Brëme contre Anvers et Rotter-
dam.
Ln Chambre de commerce de Hambourg, en constatant récemment les augmentations considérables du trafic de ce port, reconnaissait que les progrès d'Anvers étaient plus rapides. Il ne paraît pas inutile de comparer les raisons de l'essor des deux grands ports allemands de Hambourg et de Brême et des deux concurrents qui sont Anvers et Rotterdam. Le tableau suivant met en regard les résultats
des dernières années pour les grands ports de la mer du Nord en donnant le tonnage des navires ayant fréquenté ces ports, Hambourg
1895. 1896 1897. 1898 1899
1900.
1901. 1902.
19°).
Brême
Rotterdam
vince hollandaise du Limbourg a seule empêché la Prusse et la Belgique de réunir Anvers au Rhin au moyen d'un canal passant par Crefeld les Pays-Bas, pour favoriser Rotterdam, ont refusé leur adhésion à ce projet. D'après le tableau ci-dessus, on voit que les deux ports hollandais et belge ont progressé plus rapidement que les ports allemands; si Hambourg tient la tête, son avance diminue d'année en année; Brême ne possède qu'un médiocre réseau fluvial qui nuit à son développement et dans l'ensemble Hambourg et Brême ne fournissaient en 1902 qu'un total de i l 673000 tonnes contre les II 97 i o0o tonnes de Rot-
terdam et d'Anvers. Dans un rapport de M. Bihourd, notre ambassa-
deur à Berlin, adressé au Ministère des Affaires étrangères, on lit à ce propos (( 11 est certain que les chemins de fer allemands se sont efforcés de contribuer au progrès des ports allemands par des tarifs spéciaux, Grâce à eux, tout le coton destiné à l'Allemagne occidentale et à la Suisse passe par Brême, qui en 1902 en a reçu plus de l 800000 balles. Sans les tarifs différentiels, non seulement le port de Brême n'aurait pas obtenu ce quasi-monopole del'importation des cotons, mais les chemins de fer allemands eux-mêmes auraient souffert du passage de cette denrée par Rotterdam ou Anvers il est évident qu'il leur est plus avantageux d'acheminer vers Bâle des trains entiers de coton venant de Brême, que s'ils avaient pour point de départ Mannheim ou Strasbourg. »
Peut-être l'avantage que trouvent les chemins de fer à ces transports, le désir aussi de conserver à Brême une importance de premier ordre, expliquent en partie le manque d'enthousiasme manifesté à l'idée de développer le réseau des canaux allemands et de réunir le Rhin à l'Elbe par des voies navigables.
Anvers
Tonnes
6255000 218)000 4177000 53zzooo 6445000 2011000 4851000 5 785 000 6708000 2259000 5409000 6208000 7)50000 2464000 7769000 8041000
2406000 2494000
6452000 63z3 000 6872000 632600J 7720000 5715000
8)83000 z7t7ooo 6382000 7432000 8689000 2984000 6546000 8425000 9156000 )180000 7626000
La continuité des progrès établis par ces chiffres est remarquable seuls Brême en 1896 et i 899, Anvers en 1901, et cela à la suite de l'élan extraordinaire de l'année précédente, ont accusé de faibles diminutions à part ces exceptions, les quatre ports rivaux augmentent avec une rapidité constante, Brême restant toutefois en arrière, à une assez grande distance. Les progrès de Rotterdam et d'Anvers sont dus en grande partie au développement immense de l'industrie en Westphalie et dans la province du Rhin. Mais nul en Allemagne ne songe, pour favoriser les ports allemands, à apporter des entraves à la navigation du Rhin, dont Rotterdam profite directement, et les travaux des ports fluviaux à Mannheim et à Strasbourg ont fait de cette voie navigable la première de l'Europe.
Anvers ne peut lutter contre cette situation privilégiée de Rotterdam, et la position géographique de la pro-
Boland.
vol.
in-~6, contenant 36 gravures et une carte; broché, 4 francs. Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain. LES lles de la Manche arrivent à leur heure au moment des villégiatures; elles seront lues par tous ceux qui visiteront Jersey et Guernesey et par d'autres à qui cette lecture inspirera le désir de voir à leur tour ces terres demeurées fidèles à leur origine normande et qui gardent un parfum délicat et subtil, le parfum de la vieille France, de la France Les lles de la Manche.
d'autrefois. Les iles de la Manche, débris de l'ancien duché de Normandie, sont intéressantes à la fois par le pittoresque de leurs côtes sauvages, par leurs origines, leurs moeurs, leur langage et par leurs institutions autonomes. Sous la suzeraineté de l'Angleterre, elles ont conservé les antiques usages, une procédure qui remonte au duc Rollon, la clameur de haro, le droit coutumier de Normandie avec cela elles sont des ruches de travail et de culture intensive du sol.. M. Henri Boland, qui les a habitées longtemps, qui s'est imprégné des beautés du sol et de l'esprit de la population, les a décrites avec amour, en semant son récit de dé-
tails piquants et d'aimables anecdotes. Jersey et ses opulents paysages, Guernesey, illustré par le séjour de Victor Hugo, Serq, la merveille de l'archipel, Aurigny, le Gibraltar de la Manche, défilent tour à tour illustrés par leurs plus beaux sites et racontés avec une simplicité gracieuse qui dégage un charme pénétrant et durable.
Déclin du Commerce français dans le Levant. La France fut jadis prépondérante dans le Levant; elle fut jadis la nation princière dont le pavillon respecté était salué partout du moindre pêcheur grec ou turc elle fut jadis la grande patronne que nous dépeint notre histoire, et jadis son commerce en profita. Mais tout cela c'est le passé, un passé disparu, qui chaque jour s'enfonce un peu plus dans le recul de l'histoire et le présent est tout autre chose. Le Bulletin de la Ligue maritime frasafaise nous apporte, chiffres en mains, la triste constatation que le pavillon français était, il y a cinq ans, le quatrième dans les mers du Levant, qu'il y est aujourd'hui le septième et qu'il continue à reculer sans cesse d'un mouvement régulier. Ces chiffres, les voici dans toute leur brutale éloquence
Part proportionnelle de chaque nation
Rang par ordre d importance
Pavillons
Anglais Austro-hongrois.
1.
2.
Ottoman
Hellène. Italien.
3. 4. 5. 6. 7. 8.
Russe Français
Allemand.
Tonnage danslecommerce total total du Levant 1) 524 92~ 6 781 592
6 527 492 5 496 697 3 587 643
)027919 2 1
576
)80
6)2 793
30 0/0
1)
1451227 8 6 7 5 7
3 6
Ces chiffres visent le mouvement maritime de tous les ports ottomans de la Méditerranée, la mer Noire, Constantinople, la mer Rouge, et le golfe Persique.
Le Chemin de fer du Cap et de Beïra
au Zambèze.
On signale l'achèvement et l'ouverture au trafic du chemin de fer qui relie Boulouwayo aux Victoria-Falls sur le Zambèze. Le Cap, d'une part, Beïra sur l'océan Indien, de l'autre, se trouvent ainsi réunis par une voie ferrée au centre
de l'Afrique.
Avantpeu un pont métallique sera jeté sur le Zambèze,
en aval des chutes. Bien que la ligne du chemin de fer traverse la région carbonifère de Wankie, sur laquelle on fonde de grands espoirs pour les approvisionnements de combustible, on se propose d'utiliser, pour la force motrice, les chutes de Victoria. Depuis le 1er mai dernier, les chemins de fer du sud de la Rhodesia, administrés jusqu'à ce jour par la colonie du Cap, sont dirigés par la BeÏra'and Mashonaland Railway Cy.
Mesures contre la Peste au Tonkin. n'a pas encore fait son apparition au Tonkin. Néanmoins toutes les mesures ontété prises en vue d'y parer. La peste
Dans les villes de Hanoï et de H~Ïphong et dans les
différents centresdu Tonkin, des arrêtés instituent une prime pour la destruction ou la capture des rats, principaux agents de la propagation de la peste. Les chefs de province ont éfabli des lazarets intérieurs dans les villes et dans les principaux centres populeux et créé, à proximité de ces établissements, des cimetières spéciaux réservés aux individus décédés des suites de maladies épidémiques. Des maladies contagieuses existant à l'état endémique dans les provinces chinoises voisines du Tonkin, la circulation des voyageurs venant de ces régions doit être l'objet d'une surveillance très étroite. Les agglomérations importantes, les marchés, les gares, les embarcadères des chaloupes, les locaux où se trouvent réunis un grand nombre d'individus, seront spécialement surveillés. Les prisons, les
écoles, les casernements, seront également l'objet d'une att~ntion particulière. Les chefs d'entreprises employant la main-d'oeuvre chinoise ont été invités à signaler, à l'avance, les convois de coolies attendus, afin que ceux-ci soient soumis à une visite sanitaire à leur entrée au Tonkin. Toutes les mesures ont donc été prises pour parer aux éventualités qui pourraient naître de l'apparition de la peste.
fer de Kao-loung à Canton.
Le Chemin de
Les Anglais de Hong-kong continuent à se préoccuper beaucoup de la construction d'un chemin de fer de Kaoloung à Canton, dont la concession était prévue par les accords anglo-chinois qui reconnurent à l'Angleterre l'extension du territoire de Hong-kong derrière Kac~!oung, sur la terre ferme. Aujourd'hui, ils désireraientobtenir un appui financier du Gouvernement britannique pour réaliser cette oeuvre. Ils rappellent que la prospérité de Hong-kong dépend du pouvoir qu'aura la colonie de conserver sa situation comme centre de distribution du commerce dans la Chine méridionale. Il est donc nécessaire de construire le chemin de fer, avant qu'une voie ferrée venant de Canton n'aboutisse ailleurs sur la mer et permette d'établir un port concurrent. La longueur de la nouvelle ligne doit être de 194 kilomètres, dont (/5 sur le territoire de Kao-loung cédé à bail à
l'Angleterre.
Mission scientifique en Islande
et aux Féroë.
Le Gouvernement
danois a décidé d'organiser une mis-
sion scientifique, qui sera .chargée de procéder à une exploration complète, au point de vue zoologique et géologique, de l'Islande et des iles Féroë.
Coût actuel de l'Expédition contre les Herreros. Une dépêche de Berlin aux journaux annonce que l'Allemagne a déjà dépensé 50 millions de marks pour l'expédition contre les Herreros. L'envoi des renforts continue en Afrique centrale alleIrande pour réprimer l'insurrection des Herreros. Les difficultés augmentent, des vides nombreux se remarquent dans les rangs des Allemands. A ce propos, l'empereur Guillaume vient de terminer le projet d'une plaque commémorative qui sera remise aux parents des soldats alle:nands morts au cours de la campagne. Son dessin représente saint Georges à cheval, posant de la wain gauche une couronne de laurier sur une pyramide de drapeaux, de cuirasses et de casques, de tambours et de trompettes. La tablette porte l'inscription suivante « Plaque commémorative de (nom et grade du défunt) mort pour l'empereur et pour la patrie. Honneur à sa mémoire! » A gauche est réservée une place pour la photographie du soldat décédé, représenté en uniforme colonial. Un exemplaire de cette plaque impériale sera remis, encadré d'ébène, aux parents des officiers et soldats tués.
La Population de l'Allemagne. D'après le dernier annuaire statistique qui vient de paraitre, la populationde l'empire allemand atteignait, en juin dernier, le chiffre de 59495000 habitants. Au dernier recensement du lor décembre ~900, l'empire n'avait que 56 367 178 habitants. L'accroissement en trois ans et demi est de 3,1) millions d'habitants, soit d'environ 5,5 pour 100. Depuis l'année 1870, la première année de son existence, la population de l'empire allemand a progressé de 18,5 millions d'habitants ou de 45 pour 100.
Le Comité du Transsibérien et son OEuvre en Sibérie. Monsieur A.-N. de Koulom,~ine, secrétaire d'État, membre et chargé d'affaires du Comité du Transsibérien, vient de publier en un volume appuyé de documents officiels et orné de nombreuses illustrations l'bistoire et les résultats de la grande augmentée et mise à jour, la ceuvre russe en Sibérie'. Les lecteurs du Tour du Mondey reconnaîtront, considérablement matière des nombreuxarticles que le journal a publiés sur le chemin de fer, ils y trouveront aussi l'exposé des travaux considérables entrepris par le Comité du Transsibérien et des faits de colonisation, géographie, météorologie, minéralogie, etc. C'est cette secondepartie que nous avons anah·sée ci-dessous. LE
principe directeur de la politique qui devait être
suivie à partir du moment où le Comité du Transsibérien prit en mains la question de l'émigration, a été formulé par l'empereur lorsqu'il dit (mars 1895) qu'il ne fallait pas avoir peur de l'émigration, et que l'action du Gou-
Transpas attendre; depuis la création du Comité du sibérien, le nombre total des émigrants a été d'environ 1410000. Le type d'émigrant le plus connu, ainsi que le montrent les statistiques, est constitué par des paysans cultiva-
teurs d'une aisance moyenne, c'est-à-dire
vernement devait
avoir seulement pour but de lui donner un caractère plus conscient et une base plus régulière. Le Comité constata que cette émigration devait exercer sur la Sibérie une excellente influence politi-
assez sensiblement dis-
tincts du groupe des très pauvres. Le Comité n'a pas manqué de profiter du désir que manifestent les émi-
grants de ce genre
d'augmenter, grâce à leur déplacement, leur part de terre il a pris
que et économique,
une série de mesures ayant pour but, d'abord, de former, autant
parce qu'elle y favo-
riseraitl'installation et
le développement de la civilisation russe et hâ-
que possible, un contingentd'émigrants of-
terait la solution du réunir promptement d'une façon intime les
frant des garanties au point de vue colonisateur, et ensuite de faci-
d'Asie avec la Russie d'Europe.. Les résultats des encouragementsvenus de haut lieu ne se firent
éclairer les futurs colons sur les ressources
problème qui consiste à
liter les conditionsmatérielles de l'émigration. Il commença par
possessions russes
véritables que
A.-N.
Koulomzine, Transsibérien. Traduit le du russe parJulesLegras. Librairie Hachette et Cie,
rentes régions de la Sibérie. Il remit aux fonc-
LE SEUL TUNNEL DU TRANSSIBÉRIEN.
tionnaires, pour qu'il
Gravure extraite de Le Transsibérien.
Paris, 1904. A TRAVERS LE MONDF.
pou-
vaient offrir les diffé-
4 O'
uv.
W 40.
1er
Octobre 1904.
les fissent connaître aux intéressés, des recueils contenant les lois relatives à l'émigration, de brèves descriptions de la Sibérie, et le volume édité par la chancellerie du Comité des ministres sous le titre de Itinéraires pour les émigrants. En même temps, il faisait paraître, dans un journal fort lu au village, le Siélski Viestnyi, des articles courts et véridiques au sujet des terres vacantes de la Sibérie et des conditions dans les-
quelles pouvait s'effectuer l'installation sur ces terres. M. A. Koulomzine, secrétaire d'État, écrivit une brochure populaire sous le titre de l'Émigration en Sibérie, où tous ces détails étaient clairement expliqués. Cette brochure, tirée à 500000 exemplaires, fut abondamment répanduedans les principaux foyers d'émigration. La question des secours de route fut ensuite réglée par le Comité du Transsibérien. On loua aux émigrants ou on leur vendit à bas prix les chevaux, les chariots, les chalands qui leur étaient nécessaires quand ils quittaient la voie ferrée sur laquelle ils avaient été transportés à des tarifs extrêmement ré-
duits. Tout le long du Transsibérien, la surveillance médicale fut supérieurement organisée, particulièrement dans les localités dites Points d'Émigration (Tchéliabinsk, Piétoukhovo, Petropavlovsk, Omsk, Kayate, etc.). Enfin, au départ des Points d'Émigration, on remit à chaque famille une somme de 5o roubles et même de ioo pour.les immigrants de l'Amour et des Côtes. Après avoir encore réglé la question de territoires, suivant leur état social (terres vacantes ou steppes kirghizes), ou suivant leur nature (steppes, forêts, steppe boisé), réglé la question de l'eau, la répartition des émigrants, le Comité distribua à chaque famille une concession, d'une contenance moyenne de 16 hectares et s'occupa de l'installation des villages. Des agents du Comité veillent à la police de cette installation, à l'établissement de la voirie pren-
nent des mesures de protection contre le gaspillage des paysans ou l'exploitation maladroite des richesses du pays, enregistrent les colons, font en somme le travail d'un officier civil. Toute une série de mesures ont été imaginées par le Comité pour améliorer, dans ces villages, les conditions d'existence des nouveaux colons. Ainsi-, l'organisation médicale est tout à fait in-
suffisante en Sibérie, et la population des campagnes se passe le plus souvent de médecins; il en résulte que l'apparition de quelques cas de maladie infectieuse ouvre la porte à une épidémie. Le Comité prit l'initiative de faire augmenter partout le personnel médical, ainsi que de développer l'assistance médicale. Il s'inquiéta en outre des suites funestes qu'avaient, pour la population, les disettes de céréales. A cet effet, il étendit aux colons l'effet du décret dit « de nourriture », qui stipule que, en cas de disette, il pourra être avancé du blé aux paysans pauvres. Afin de pouvoir mettre à la disposition des paysans un combustible commode et à bon marché, le Comité fit rechercher des tourbières. Ces investigations firent découvrir, dans les districts de Kourgane, d'Ichime, de Tioukalinsk, de Yaloutorovsk et de Pétropavlovsk, io8 tourbières, d'une superficie de 3 00o hectares, et d'une contenance évaluée à 47 millions 500000 mètres cubes. Il fallait des routes carrossables pour atteindre les villages d'émigrants situés loin de la ligne le Comité assigna à cet effet un crédit de 210000 roubles. A côté des besoins matériels de la population,le Comité voulut songer aussi à ses besoins spirituels les plus essentiels, et s'occupa, dans cet esprit, de construire des églises et des écoles dans certains villages. La construction fut commencée dans les principales stations, où non seulement les paysans des environs, mais aussi l'administration du chemin de fer et les ouvriers en avaient le.plus grand besoin, et bientôt l'exemple se propagea sur toute la ligne. Le mou-
vement atteignit jusqu'à la TransbaïkaIie, qui cependant
compte encore bien peu d'émigrants, mais où la construction d'églises et d'écoles a surtout pour but de soutenir et de répandre l'orthodoxieet la civilisation russe, au milieu d'une population d'indigènes païens. L'initiative privée s'est occupée aussi des besoins intellectuels des émigrants en Sibérie. Nous voulons parler des mesures suivantes organisa-
tion, dans les grandesstations, de bibliothèques de lecture
vente de livres populaires dans les gares et dans les bureaux de voloste; organisation, dans
UN VILLAGE D~ÉHIGR1NTS DANS LE STEPPE BOISÉ.
Gravure extraite de Le Transsibérien.
certaines écoles, de lectures avec projections, etc. Il est enfin une série de circonstances où les colons sibériens, en dépit de toutes les mesures qui ont permis d'assurer, d'une façon solide et du-
rable, le soin de leur bien-être physique et de leurs aspirations morales, se trouvaient
cependant placés dans des situations pénibles, Le Comité a envisagé ce cas et créé des Caisses de secours et des Asiles pour les impotents, les veu-
ves,les orphelins.
Que deviennent, demandera-t-on, ces émigrants? Leur bien-être s'accroît au fur et à mesure qu'ils s'éloignent des dures années du début, et la dernière statistique (1900) montre un accroissement continu et général dans le nombre des hectares ensemencés. Le Comité du Transsibérien ne s'est pas contenté d'organiser, sur des bases durables, le peuplement du rayon commandé par le chemin de LA COQUETTE VILLE DE DALNY, pUJOURD~HUI RUINÉE PAR LA GUERRE. fer; ses efforts ont eu également pour but d'étudier et de Gravure extraite de Le Transsibérien. développer les forces créatrices de la Sibérie dans les régions avoisinantes. Nous voudécouvert des ancrages commodes, élaboré des indilons signaler par là les exj~lorations géologiques, et en cations pour le pilotage, dressé des cartes, placé enparticulier l'étude des mines d'or, les travaux d'hyfin en divers points des signaux d'avertissement et drographie poursuivis sur le lac Baïkal, aux bouches des feux. de l'Obi et de 1'léniseï et sur une partie de la mer Les membres de l'expédition hydrographique de Kara, et enfin le complément du réseau des stations étudièrent également l'Angara supérieure et le passage météorologiques. conduisant à la Vitim. L'Angara supérieure fut exLes études géologiques se poursuivirentpresque plorée sur une distance de 300 kilomètres on la tout le long de la ligne et furent plus d'une fois utiles trouva, sur tout ce parcours, praticab;e à des bateaux à la construction. Il suffira de rappeler, par exemple, calant 89 centimètres. Les stations météorologiques étaient très peu que c'est par les géologues que furent opérées l'étude des sols et des sous-sols sur lesquels s'appuient les nombreuses en Sibérie (i par 2000 milles géogragrands travaux d'art (par exemple le pont de l'Iéniphiques) or les renseignementsmétéorologiques pouseï), celle des carrières de sable et de pierre, la revaient être de grande utilité pour Ie chemin de fer cherche des matériaux nécessaires à la construction, comme pour les transports à exécuter sur le lac Baïl'étude enfin des conditions qui permettaient d'assurer kal. Le Comité résolut donc de contribuer au dévelopl'alimentation en eau, et decelles qui régissaient le gel pement des stations de ce genre. En 1897, il mit à la éternel. disposition de l'Observatoire physiquecentralla somme Ces travaux ne furent pas moins utiles à l'exde 586o R., pour fonder et entretenirdes stations méploitation du Transsibérien; qu'ils ne l'avaient été à la téorologiques dans le voisinage du lac Baïkal à Listconstruction.Ce furent, en effet, les géologues qui dévsnitchnaia, à Mysovaia, à Koultouk, au placer d'A= couvrirent, étudièrent, et prospectèrent même, en lexandrovsk, et, durant l'hiver, au milieu du lac partie, toute une série de gisements houillers; dans Baïkal. Le Comité du Transsibérien fut loin de se désinun nombre considérable de districts ils révélèrent la présence de for dans la vallée d'une foule de rivières; téresser de la voie de pénétration en Sibérie qui emet dans la région située entre la ligne de partage des prunte les bouches de l'Obi ou celles de l'Iénisei. Il monts Djoug-djour et la ceinture des montagnes qui organisa en 1893 une expédition chargée d'étudier bordent la rive, ils ont déterminé six rayons précette route, et, plus spécialement, de faire parvenir à sentant des signes évidents qui autorisent à y praKrasnoiarsk une commande de rails faite en Angletiquer la prospection de l'or. Ces rayons comprennent terre. Cette expédition réussit à merveille, parvint les systèmes des rivières suivantes l'Aldane, l'Ouï, aux bouches de l'Iéniseï, et remonta le fleuve jusqu'à la Lantar, la Mouté, la Némouï, la Kirane et la Yana. Iéniséïsk, montrant ainsi, comme plusieurs expédiA côté des rivières qu'il fallut nettoyer et régutions antérieures, que la mer de Kara était praticable ariser, se trouvait le lac Baïkal, qu'il s'agissait d'exaux bâtiments de commerce ordinaires. plorer et d'étudier en détail. Ce fut l'objet de l'expéA ce moment, on comprit la nécessité de dresser dition hydrographique du colonel Drijenko, organisée une carte exacte des côtes sibériennes. C'est pour cette raison que, le 15 mai 1894, le Comité assigna un crépar le Comité du Transsibérien. Les résultats pratiques dit de io8ooo R., permettant d'organiser une nouse firent sentir au cours même des travaux. On avait
velle expédition chargée, cette fois, exclusivement, d'étudier les bouches de l'Obi et de l'Iéniseï et une partie de la mer de Kara. Les travaux auxiliaires dont nous venons de terminer la revue, témoignent de l'activité déployée par tous ceux qui furent appelés à exécuter les décisions du Comité du Transsibérien. Il nous reste maintenant à fournir des détails sur les résultats de l'exploitation et sur l'influence que le chemin de fer a commencé d'exercer sur la Sibérie. Si l'on veut comprendrel'importance de la transformation opérée par le Transsibériendans la vie économique de la Sibérie, il est nécessaire de s'arrêter quelque temps aux voies de communication dont cette contrée disposait avant la construction du chemin de fer. Parmi les routes de terre, une seule méritait l'attention, c'était le grand Tract (route) de Sibérie. Il traversait les territoires les plus peuplés, par Tioumen, Ialoutorovsk, Ichim, Tioukalinsk, Kainsk, Kolyvan, Tomsk, Mariinsk, puis gagnait Irkoutsk, en courant presque parallèlement au tracé actuel de la voie ferrée. Après Irkoutsk, il se divisait en deux branches
r
aux communications estivales entre les cours d'eau d'un même bassin. La nécessité des transbordements, la cherté et la lenteur des transports par terre faisaient que la Sibérie était comme partagée en plusieurs sections, presque sans rapports les unes avec les autres. En outre, plus on s'éloignait du bassin de l'Obi, plus les communications avec l'Europe devenaient difficiles. Quant à l'est de la Sibérie, on ne l'atteignait guère qu'en faisant le tour de fAsie par le canal de Suez. La construction du Transsibérien transforma complètement le caractère des communications entre l'Asie russe et l'Europe. La meilleure preuve, et la plus éloquente qu'on en puisse donner, consiste dans l'examen des chiffres représentant le mouvement des marchandises et des voyageurs, qui ont été enregistrés sur les différentes sections du Transsibérien. Ils montrent une progression constante et témoignent d'un incontestable et magnifique succès. Les résultats de la construction du Transsibérien permettent de constater que les intentions fondamentales qui ont présidé à la conception de cette colossale entreprise, sont actuellement réalisées. D'une part, la Russie a cessé d'être séparée des confins de ses possessions extrême-orientales, et d'autre part, la Sibérie
est maintenant introduite d'une façon sûre dans le cercle
d'évolution
économique et civilisatrice que parcourent les autres parties de l'Empire russe.
LE PONT DU CHEMIN DE FER SUR LA SOUNGARI.
Gravure extraite de Le Transsibérien.
l'une, se dirigeant sur Kiakhta, continuait dans les profondeurs de la Chine; l'autre, contournant la rive méridionale du lac Baïkal, passait par Verkhné-Oudinsk et Srétensk, puis suivait l'Amour par Khabarovsk jusqu'à Nicolaievsk. Extrêmement peu peuplée, la Sibérie ne pouvait guère développer ses routes de terre. En revanche, la nature l'a dotée d'un réseau fluvial considérable l'Obi, l'Iéniseï, la Léna, l'Amour, qui par leurs affluents font communiquer le centre de l'Asie avec l'océan Glacial ou l'océan Pacifique. Toutefois, malgré l'abondance des cours d'eau, la navigation sibérienne rencontrait de graves obstacles qui paralysaient son développement d'abord, la rigueur du climat qui ne laisse à la navigation qu'une courte période d'exercice; puis ce fait que presque tous ces fleuves, se dirigeant du sud au nord, coulent perpendiculairementà la direction suivant laquelle se développe la contrée.
Une seule exception se manifeste en faveur de l'Amour, qui coule sensiblement de l'ouest à l'est, et qui sert de principale voie de communication en ces contrées, l'été par bateaux, l'hiver sur la glace. Malgré la construction de certains canaux de communication, le caractère des transports fluviaux en Sibérie était marqué par ce fait qu'ils se limitaient
Dans le court espace de temps qui s'est écoulé depuis le début des travaux de la construction jusqu'à ce jour, une modification sensible a déjà pu s'opérer dans le caractère de la Sibérie. Jadis, le peuplement de ce pays se faisait très lentement, et ne s'étendait, à de rares exceptions près, que le long de la Grande Route et dans les vallées des cours d'eau. A présent, ce mouvement d'émigration a pris l'aspect d'une colonisation régulière et systématique; les limites de l'ancienne émigration sont largement dépassées, et les colons nouveaux se répandent avec succès dans des forêts
vierges et des steppes marécageux que l'on croyait encore, il y a quelques années à peine, réfractaires à toute exploitation agricole. En même temps, le chemin de fer a exercé une influence vivifiante sur l'industrie et sur le commerce de la vaste contrée. Il a commencé à donner les gages d'un développement considérable de l'industrie minière. Nul doute que, dans un avenir prochain, il ne provoque l'épanouissementdes industries de transformation, qui ouvriront à la population sibérienne de vastes champs d'action, et assureront à la Sibérie la conquête de ces immenses marchés que constituent les États de l'Extrême-Orient. C'est donc une ère nouvelle qui s'est ouverte pour la vie économique et la civilisation de l'énorme colonie russes. tronçon qui contourne le lac Baïkal est terminé. Son fonctionnement va donner au Transsibérien l'unité et la rapidité qui lui ont fait défaut jusqu'à présent pour le transport des troupes. 1. Le
terre l'envoi de deux navires, le Morning et le Terra-
Le Retour de l'Expédition antarctique anglaise de la « Discovery » (1901-1904). La Discovery,
commandée par le capitaine R.-F. Scott, de la marine anglaise, quitta Cowes le 6 août 1901, à destination du Cap et de la Nouvelle-Zélande, emmenant vers les régions australes les membres de l'expédition antarctique anglaise. Celle-ci devait durer trois ans. Les dépenses étaient
estimées à iooooo livres sterling, sur lesquelles 45000 livres furent accordées par le Gouvernement, 8000, souscrites par la Société royale de Géographie, le reste étant le produit de souscriptions publiques, en-
tre autres celle de 25 000 livres faite par M. Lle-
wellin Longstaff. De plus, l'Amirauté offrit de payer l'état-major et l'équipage de la Mission. La Discoverv partit de
Lyttelton en Nouvelle-Zélande, le 24 décembre 190 l et entra bientôt dans la région antarctique. Elle prit ses quartiers par 77°50 de latitude. Le 1er novembre 1902, le capitaine Scott, avec le lieutenant Shackleton, le DrWilson et dix-huit chiens, fit son célèbre raid en traineau où il atteignit
Nova, au secours de la Discovery. Si, à la fin de l'été 1903-1904, ce dernier bâtiment n'était pas débloqué, il deviendrait nécessaire de l'abandonner. Ce h'était donc pas trop de deux navires pour effectuer lé rapatriement de l'expédition antarctique. Heureusement,
l'été 19°3-1904 fut favorable.
janvier 1904, le Morning arriva de nouveau dans la banquise. Vers la fin de ce mois, la glace qui séparait les deux navires, commença à se rompre rapidement, et le Morning rejoignit la Discovery, le 12 février. Le 14, on fit exploser deux lourdes charges de dynamite qui créèrent un canal d'eau libre autour de la Discovery. Le 29 mars, les trois navires vinrent à Lyttelton d'où ils gagnèrent l'Angleterre, où la Discovery est arrivée, le i l sepLe
5
tembre, à Portsmouth. De nombreuxtravaux scientifiques de tout ordre ont été accomplis par l'ex-
pédition de la Discovery, qui marquera dans l'histoire des expéditions au pôle Sud. Des cinquante hommes qui la composaient, un seul est mort en tombant du haut d'une falaise, pendant le séjour de trois années dans les régions glaciales. Le roi Édouard a ordonné la frappe d'une nouvelle médaille, pour services rendus dans les régions polaires. Cette médaille sera décernée aux officiers et aux membres de l'équipage de la Discovery.
Cette expédition, qui fut faite, comme nous favons dit, au même moment que l'expédition allemande 82° 17 de latitude par de von Drigalski et que CARTE DONNANT L'ITINÉRAIRE DE LA rt DISCOVERY Il ET LES POINTS EXTRÊMES ATTEINTS PAR LES NAVIGATEURS DANS L'ANTARCTIQUE. l'expédition suédoise de 163 degrés de longitude NordenskjOld,nous fait emouest, battant de 384 kilomètres le record connu. Ils furent absents du navire prunter au Mouvement géograpbiquele relevé des points pendant quatre-vingt-quatorzejours. Ce voyage se fit extrêmes atteints dans ces parages depuis le capitaine dans les conditions les plus pénibles. Tous les chiens Cook qui, le premier franchit le cercle polaire austral, le 17 janvier 1773, jusqu'au capitaine Scott. La carte moururent et les trois hommes durent retourner avec leur traîneau vers le bateau. Le lieutenant Shackleton que nous donnons indique l'itinéraire de la Discovery, faillit mourir de froid. L'expédition constata que les depuis le petit port de Lyttelton jusqu'à son point chaînes de hautes montagnes se continuent sur toute terminus vers le pôle. la terre de Victoria. Nationalité. Latitude atteinte. Noms. Années. Le 23 janvier yo3, le navire de secours, le 71°10' Anglais. Morning, commandé par le capitaine Colbeck, arriva en Cook. 177) 69°)0' Russe. Bellingshausen. 1820 vue de la Discovery. Une grande étendue de glace sé74°15' Anglais. 182) Weddell. parait les deux navires; aussi, tous les approvisionne67°1' Biscoe. 18)1 ments apportés par le navire de secours durent être 66°30' Anglais. 1834 Kemp. transportés sur des traîneaux. 680 Balleny. 1839 Le Morning retourne à Lyttelton en mars yo3, 66025' Américain. Wilkes. 1840 laissant la Discovery toujours emprisonnée dans une 660)0' Dumont d'Urville. Français. ceinture de glace ayant 4 milles (640° mètres) de 78°10' Anglais. Ross. 1842 67°30~ largeur. Dans ces conditions, on décide en Angle1845 Moore.
,oms.
_~nnées.
~Tationalité.
Latitude atteinte.
64°56' 67° 65°57
1891 1898
Larsen.
Allemand. Anglais. Norvégien.
de Gerlache.
Belge.
7
1900
Borchgrevink.
Suédois. Anglais.
78°40'
1873 1874
1901
Dallmann. Nares.
SCOtt.
Nous avons imprimé en
i °36'
82° 17'
caractères gras les noms
des cinq explorateurs qui ont successivement détenu le record du point le plus rapproché du pôle 1773 1823 1842
igoo 1902
Cook. Weddell. Ross.
71° 74°15' 78°10'
Borchgrevink.
78°40'
Scott.
82° 17'
compagne la circulaire. Il est recommandé aux chefs de province de joindre à leur texte les cartes, les croquis, les statistiques, les photographies, les reproductions de textes, d'épitaphes et d'images qui pourront en faciliter la compréhension. Tous les rapports seront ensuite, par les soins du Gouvernement général, méthodiquementgroupés et coordonnés. Dans un an ou dix-huit mois au plus tard, nous aurons donc, sur les diverses races qui concourent au peuplement de Madagascar, la documentation complète qui faisait défaut jusqu'ici. Il n'est pas douteux qu'elle doive être le point de départ de nouvelles améliorations dans l'organisation administrative de la grande île, et qu'elle permettra de mieux approprier cette organisation aux moeurs et aux coutumes de notre colonie.
Le capitaine de frégate Scott a été promu capi-
taine de vaisseau.
La Navigation sur le Niger.
L'Enquëte du général Gallieni sur les Institutions indigènes de Madagascar. UrIB des graves difficultés de la colonisation consiste dans l'adaptation intelligente des lois du vainqueur aux institutions du vaincu. Bien connaître la nature, le caractère, les moeurs d'une colonie, c'est avoir accompli déjà les trois quarts de son organisation. Cette vérité si évidente a été cependant maintes fois méconnue et c'est avec une vive satisfaction que nous voyons à Madagascar le général Gallieni s'ingénier à ne pas retomber dans les errements passés. Une circulaire, qu'il a adressée le Ier juillet dernier aux chefs de province et aux commandants de cercle, les invite à lui faire parvenir des études détaillées sur l'histoire des coutumes et les institutions des indigènes qui habitent leurs circonscriptions. Les recommandations du général prennent le caractère d'instructions formelles et précises, ayant pour but d'introduire un maximum de précision et de méthode dans l'enquête entreprise. Déjà, à Madagascar même, on a pu se rendre compte de l'intérêt d'une pareille documentation.Le remarquable ouvrage de M. le conseiller Cahuzac Essais sur les institutions et le droit Mal~acbes, rend les plus grands services aux magistrats et aux fonctionnaires. Grâce à lui, les coutumes publiques et la législation de la race hova sont suffisamment connues et le général Gallieni juge inutile d'en faire l'objet d'une nouvelle étude, C'est donc surtout sur les circonscriptions habitées par les autres races Betsileo, Sakalava, Sihanaka, Bezanozano, Betsimisaraka, Tanosy, Bana, Mohafaly, Antandroy, etc., que portera l'enquête prescrite par sa circulaire. Les renseignementsqui devront être recueillis se rattachent à trois rubriques- générales il, Histoire; 2" moeurs et coutumes locales; 3" institutions juridiques. Un questionnaire détaillé précisant les points à élucider ac-
Urr contre-coupassez naturel de la mise
en exploitation de la voie ferrée reliant Kayes au Niger, se
manifeste dans l'essai d'une organisation de services fluviaux sur le grand fleuve de l'Afrique occidentale française. Le lieutenant Le Blévec, assisté de trois officiers de marine, a terminé l'étude hydrographiquedu fleuve, de Bammako à Mopti, c'est-à-dire sur 5°0 kilomètres. (Disons qu'il compte achever sa mission en trois ans, et que la carte hydrographique du Niger sera levée sur près de 2000 kilomètres.) Il a déjà constaté que de Bammako à Koulikoro, où se trouvent des barrages de roches, le fleuve n'est pas navigable, sauf pour des chalands. Au-dessous de Koulikoro on rencontre les rapides d'Ansongo; après Timbouctou, la navigation est possible sans difficulté pendant neuf mois. En avril et mai, il est vrai, il n'y a plus que 40 centimètres d'eau sur les seuils. Mais ceux-ci n'offrent qu'un fond de sable; en disposant des épis en clayonnage remplis de glaise, on peut créer des chasses et entretenir un chenal profond de 6o cen-
timètres.
Étant données ces conditions, on peut faire circuler, de juin à mars, c'est-à-dire pendant neuf mois, des ravires à roues d'arrière, de 36 mètres de long sur 6m50 de large, pouvant porter trente passagers de cabine et un très grand nombre de passagers de pont. Leur coque sera élevée de 8o centimètres au-dessus de l'eau, de telle sorte qu'à mesure que la crue montera, on pourra les charger davantage. La situation sera donc celle-ci aux toutes basses eaux, de tels navires porteront seulement des passagers, leurs bagages, la poste, et pourront remorquer deux chalands portant 6o tonnes en tout. Aux hautes eaux, ils chargeront, de plus, 5° tonnes. Cela est bien suffisant pour le mouveDent actuel sur le Niger. Un de ces navires sera prêt à circuler au mois de septembre 1905. De plus, le lieutenant Le Blévec prévoit la créaticn, dès la fin d~ l'année 1904, de vedettes postales
de 15 mètres de long sur 3 de large, à turbine, et peutêtre avec un moteur à alcool. On étudiera la question de savoir si l'alcool peut être fabriqué sur place. Ces vedettes circuleront toute l'année entre Koulikoro et Ansongo. Elles contiendront une cabine pour deux personnes, et aux basses eaux pourront servir à transporter médecins et malades. Le prix de ces vedettes, à 30000 francs l'une, la solde du personnel de la mission, la constructiond'un atelier avec machines-outils et d'une cale de halage et réparation est portée aux prévisions du budget de la colonie pour 1905, pour la somme de 260000 francs. Enattendantlaconnaissance complète du fleuve, on va entrer dans un essai pratique. Le fleuve entre Koulikoro et Timbouctou sera prochainement doté d'un service de bateaux à vapeur, organisé par le Gouvernementrolonial. Celui-ci d'ailleurs ne fait là qu'une simple expérience, et dont l'initiative privée pourra profiter ensuite.
L'Évolution des Peaux-Rouges.
Ions la disparition de l'un d'eux et non des moindres, le célèbre Joseph, le chef de la tribu des Nez-Percés. que l'on avait surnommé le Napoléon des Indiens. Il est mort la semaine dernière dans la réserve indienne de l'Etat de Washington. Il avait soixante-dix ans. C'était le dernier des grands Indiens, le seul qui restait, depuis la mort de (( Nuage Rouge », de ces guerriers peaux-rouges qui disputèrent le far west aux visages pâles. Il fit une mémorable campagne sur la rivière du Serpent, dans l'Orégon, et fut finalement vaincu par le général Miles à Yellowstone.
~i~i~i~i~oi~ii~ A NOS LECTEURS
w~~y~~W~dviS'vWv'v~~iw~WSw'v~~i~W'dvWV~'v'v~~dv~~w~wW~'v'v'v'v
Le Docteur Kurt Boeck, dont le Tour du Monde a récemment publié l'intéressant récit Mes voyages aux Indes et au Népal, nous prie d'aviser nos lecteurs qu'il est l'auteur de toutes les photographiesqui ont servi à toutes les illustrations de son ouvrage. Nos lecteurs n'ignorent pas d'ailleurs que nos illustrations ont pourorigine des photographies, et que le nom du dessinateur qui figure parfois à côté de la légende est celui de l'artiste dont le talent a su mettre en valeur l'épreuve photographique.
SI l'on s'occupe beaucoup des noirs aux États-Unis, il
y a également des rouges auxquels
il faut bien
revenir de temps en temps. Leur situation est celle d'un peuple en état de transition. Il y a quelque vingt ans que fut voté par le Congrès un bill émanant du sénateur Dowes, et en vertu duquel le Peau-Rouge était admis au bénéfice d'une maison inaliénable, du moins pendant vingt-cinq ans, avec quelque terre. Cependant, on n'avait pas suffisamment songé alors que le blanc, en voyant le naïf Peau-Rouge en possession d'un immeuble, ne tarderait pas à vouloir le supplanter en prenant cet immeuble en location. Les conditions de cette location équivalaient souvent air dépouillement de l'Indien. Le Gouvernementdut aviser il statua que tout contrat de louage de cette nature devait obtenir sa sanction, et il chargea quelques attorneys de défendre devant les tribunaux les intérêts des Indiens scandaleusement exploités.
Cependant, le mouvement général de colonisation ne devait pas tarder à rendre bien précaire cet échafaudage. Un bill récent prévoit la libération de toute tutelle en faveur des Indiens des cinq tribus civilisées qui forment le Territoire Indien, à condition toutefois que, pour chaque demande particulière, le secrétaire de l'IiÜérieur devra s'assurer que l'Indien qui revendique sa liberté est capable de voler de ses propres ailes une question bien difficile à trancher, on en conviendra. Le terme de cette nouvelle étape, une fois l'Indien émancipé de toute entrave, ce sera l'Indien naturalisé, et mis sur le même pied que les noirs, dont il est certainement l'égal. Naturalisé ne veut pas tou-
jours dire électeur, pour un homme de couleur, certaines conditions étant mises à l'octroi des droits politiques; mais cela aussi n'est que transitoire. Puisque nous parlons des Peaux-Rouges, signa-
Gcs Russes en Extrême-Orient. vol. in-16, contenant 28 gravures et une carte; broché, 4 francs. Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain.
Paul Labbé.
LES lecteurs du iour du Monde connaissent depuis long-
temps la compétence de M. Paul Labbé dans les questions sibériennes. Le nouveau livre qu'il fait paraître aujourd'hui est d'une actualité évidente,mais c'est aussi un ouvrage qui devra survivre aux circonstances. Ce qu'a été l'œuvre des Russes en Asie, au prix de quels efforts ils sont arrivés à la réaliser, quelles fautes ils ont cependant commises et comment ils les peuvent réparer, quels services enfin la cause de la civilisation et les intérêts de l'Europe et de la France doivent attendre de leur succès définitif, telles sont les questions auxquelles il est ici répondu avec une sûreté de documentation à laquelle on ne saurait rien opposer ni rien comparer. C'est que l'auteur ne parle que de ce qu'il a vu, pé= nétré, étudié par lui-même, et que les déductions du politique s'appuient sur une connaissance infiniment exacte et précise du pays et de ses habitants. Aussi les épisodes pittoresques abondent-ils dans ce livre. L'auteur est de ceux qui croient avec raison les anecdotes caractéristiques plus instructives que les dissertations: dès lors que de peintures animées! que de récits amusants soit qu'il nous décrive la vie des Cosaques de l'Amour et des peuplades à demi civilisées auxquelles ils se mêlent en les survillant; soit qu'il nous fasse pénétrer dans l'intérieur paisible des marchands chinois, japonais, coréens de la Sibérie orientale, ou dans les campements redoutés des terribles Khonghouses; soit enfin que nous visitions avec lui les vieilles cités de Moukden et de Kharbin, ou les villes neuves de Port-Arthur et de Dalny, avec leur population de fonctionnaires parfois inquiétante. On citerait à travers ces pages vécues, telle scène de tragédie ou de vaudeville qui en apprend plus long que bien des traités sur ces pays si peu connus et qu'il est désormais si nécessaire de connaître.
CHICAGO SUNDAY REVIE~V
Chez les Papous de la Nouvelle-Guinée. UN prédicateur nègre, évêque dans l'église méthodiste, pré-
tend qu'Adam et Eve étaient noirs, et que la race blanche est issue d'une maladie de peau de l'humanité primitive,
Mais nous aurions tort de créée à l'image de Dieu. Merci plaindre, jamais les nègres car nous ne pourront nous rendre tout le mal que nous leur avons dit et surtout que nous leur avons fait. Et, en bons garçons que nous sommes, nous allons fournir au galant évêque de nouvelles verges pour nous fouetter, je veux dire de nouveaux arguments qui sembleraient corroborer sa thèse, si jamais personne y compris prenait sait la sérieux. On certains lui-même nèau que
gres des Etats-Unis ont des érésypèles ou des dartres farineuses qui leur donnent vaguementl'aspect d'hommes blancs, ce dont ils se montrent d'ailleurs très fiers. Un globe-trotter de Chicago, M. Olivier Bainbridge, nous parle, d'autre part, de nombreux albinos qu'il a rencontrés parmi les Papous de la Nouvelle-Guinée, surtout chez les tribus montagnardes de l'île. Ces individus ont la peau blanchâtre, les yeux bleus et des cheveux couleur filasse, ce qui les distingue aux yeux de l'observateur le plus superficiel du reste des Papous. Comme leurs parents ont une peau du plus beau noir, on est forcé de conclure que cette couleur claire est chez eux un accident, presque une maladie. Donc l'homme normal est le nègre. Ce qu'il fallait démontrer. M. Bainbridge, qui nous a donné ces détails assez curieux, nous décrit d'ailleurs les moeurs de ces Papous. Il a assisté à leurs cérémonies funèbres. De grands feux sont allumés, où des jeunes gens jettent sans relâche du bois, une montagne de bois; les femmes chantent des litanies de la voix la plus lamentable et la plus discordante; quant aux hommes, ils semblent absolumentfurieux; ils sautent, gesticulent, gambadent, grincent des dents, écument comme des possédés, brandissent leurs longues lances, font le simulacre de se battre et de se massacrer. Cette bacchanale dure toute la nuit. Elle a sans doute pour but d'éloignerdu cadavre les mauvais esprits qui pourraient se glisser auprès de lui. A l'aube, commence un festin, une ripaille, qui dure deux jours, où tous ces furieux qui ont, sans doute, le ventre creux après leurs danses de démons, engouffrent sans relâche, dans un estomac qui doit être extensible comme celui d'un boa, des quartiers de viande de kangourou, de crocodile, de porc, de poisson, des bananes, des noix de sagou, des grenouilles, des couleuvres, des oeufs de pigeon, des larves d'insectes. Pour faciliter la déglutition, ils ont de l'eau et du lait
de coco. Mais il serait injuste de croire qu'ils passent tout leur temps en sabbats et repas de goinfres. Les Papous pratiquent
l'agriculture, et, bien qu'ils ne connaissent pas encore l'usage de la charrue, ils s'entendent fort bien à labourer un champ. Ils se mettent à trois, à quatre, à cinq; chacun d'eux a un bâton pointu qu'il enfonce dans le sol, de manière que tous ces bâtons soulèvent la même motte et creusent le même sillon. A un signal donné, le genou servant de point d'appui et le bâton de levier, tous, de concert, pèsent sur le gros bout des bâtons, et la même opération continue pendant des
heures avec une surprenante régularité. On jurerait que la charrue a passé par là Malgré leurs méthodes primitives, ces ingénieux agriculteurs obtiennent des récoltes variées, cultivent la banane, le taro, l'arrow-root, le cocotier, le blé, le tabac, etc. Leurs chefs jouissent pratiquement d'une assez faible autorité; mais deux des privilèges auxquels ils tiennent le plus sont la faculté de garder en leur possession les têtes coupées des ennemis qu'ils ont tués dans les batailles, et celle d'épouser un grand nombre de femmes. Toutefois, les Papous se distinguent de la- plupart des peuples sauvages par la considération dont ils entourent le sexe f~ible. Sans doute, la femme est obligée chez eux de porter de lourds fardeaux, de se livrer aux travaux les plus pénibles; si l'homme bâtit sa hutte, cultive la terre, va à la chasse, à la pêche, à la guerre, sa compagne cultive les plan-
tations, moissonne, charge sur sa tête légumes, fruits, céréales, qu'elle rapporte à la maison. Mais, en revanche, elle exerce une certaine influence morale sur son mari. Ses droits de propriété, en particulier, sont mieux sauvegardés chez ces
sauvages que dans beaucoup de pays européens. La tribu de Papous dont M. Bainbridge a été l'hôte, et qui habite le voisinage de la Bentley Bay, dans la Nouvelle-Guinée britannique, se paie le luxe d'une reine, du nom de Koloka. Le voyageur américain a assisté à la cérémonie nuptiale où elle s'est adjoint un prince consort. Oh ce prince Albert ou prince Henri novoguinéen, en épousant sa sauvage Victoria' ou Wilhelmine, ne dut jamais connaître les douceurs mitigées d'amertume du Gouvernement Koloka ne voulait partager avec lui que sa case princière, sise sur le cap Sukling, et sa couche de paille ou de feuilles mortes. Voici comment le voyageur la décrit, le jour où elle attendait la venue de son fiancé, pour se voir unie à lui par les liens du mariage Entourée de ses filles d'honneur à la peau couleur chocolat, la reine, assise dans un hamac qui pouvait figurer un trône, mâchait, sans doute pour prendre patience, des noix de bétel, et buvait de larges rasades de lait de coco, dans une calebasse aux flancs rebondis. Un énorme chignon de cheveux crépus lui tenait lieu de diadème; un jupon d'herbes tissées répondait assez imparfaitement à un mand'opulents tandis que tatouages, étalés sur sa poitrine teau royal,faisaient l'effet de demi-nue, décorations Dernier trait de ressemblance avec la reine Victoria, c'est elle-même qui avait choisi son époux; mais et ici s'arrête l'analogie ce dernier n'avait pas acheter lui dû roy ale versant une énorme compagne en moins sa dot sous les espèces de deux cochons de lait, deux colliers de dents de chien, trois perles, dix bracelets, plusieurs centaines de noix de coco, etc., etc. Les croyances religieuses des Papous sont assez
rudi-
mentaires. Ils croient à l'existence d'un Grand Esprit qu'ils Bara, qu'ils exorcisent de la même manière que les Polynésiens et les Mélanésiens à l'égard de leurs mauvais esprits. Ils parlent aussi vaguement d'un lieu de délices, situé au delà du « lac ou de la rivière de la mort, » et où s'en vont les âmes des trépassés. Là, disent-ils, on a sous la main, à bouche que veux-tu, noix de bétel, viandes variées, et l'on passe des jours et des nuits en danses, jeux et festins. Leurs bâfrées funéraires ont sans doute pour but de leur donner l'avant-goût de ces délices d'outre-tombe, dans leur Paradis de goinfres.
appellent Palaku
NEW ZÜRCHER ZEITUNG Zurich.
Les Indiens du Mexique. La
docteur suisse, Albert Siegrist, a vécu quelque temps chez les Indiens des montagnes du Mexique. Il a parcouru les nombreux villages et hameaux, où habitent plusieurs milliers d'indigènes, et qui sont construits à des altitudes élevées. Les demeures de ces Indiens sont en briques séchées au soleil et recouvertes de chaume. L'intérieur ne forme qu'une seule et même pièce, dont quelques nattes de paille, quelques ustensilesd'argile de fabrication grossière, un pilon pour broyer le maïs, quelques paniers, composent tout l'ameublement. Une ou deux grosses pierres plates forment le foyer. Il est vrai que les besoins de ces pauvres gens sont des moins raffinés et des moins compliqués. Mais, à ce sujet, le docteur Siegrist a noté des nuances caractéristiques. Une évolution sociologique est en train de se dessiner dans les populations indiennes du Mexique. Tandis que les mont::gnards proprement dits vivent dans un état de parfait communisme, chacun menant paître ses troupeaux en cultivant le sol où bon lui semble, les Indiens de la haute vallée d'Oaxaca et du pied des montagnes ont transformé en partie leur territoire communal en propriétés privées. De là les résultats qu'on pouvait prévoir chez eux, les uns ont tout accaparé, les autres souffrent de la gêne matérielle et sont mécontents, lorsque leurs congénères de la montagne vivent dans un état d'égalité parfaite, et ne connaissent ni l'ambition, ni l'avarice. Il est vrai qu'ils demeurent très bas dans l'échelle intellectuelle,et ne font aucun progrès, tandis que leurs frères de la plaine, remuants, mécontents, ambitieux, en proie à des divisions intestines, s'initient du moins à un commencement de civilisation. Et voilà toute la question sociale qui se pose dans sa complexité sur la terre des anciens caciques
De l'Atlantique au Pacifique à travers l'Argentine et le Chili par un Officier de la Marine Impériale russe, L'acte de concession du cbemin de fer à travers la Cordillère des Andes vient d'être définitivement signé par le Gouvernement chilien. Cette ligne formera le dernier tronçon du grand Transcontinental sud-américain, qui s'étendra de Buenos Aires, sur l'Atlantique, à I~al~araiso, sur l'océan Pacifique. La section à construire partira de Los Andes, terminus actuel de la voie ferrée chilienne venant de l~al~araiso,pour aboutir au sommet de la Cordillère, au point frontière, où elle se soudera avec le réseau argentin, qui est déjà ~resque acbevé. Sa débense est évciluée à 37 millions de francs et le con trat prévoit que la ligne sera terminée en r9o~.
DÉSIREUXd'accomplir la traversée de l'Amérique du Sud par des procédés qui, grâce au Transcontinental en construction, auront bientôt rejoint dans l'arsenal des vieux souvenirs les diligences et les mulets d'antan, je recueillis, auprès d'amis com-
Pour ces différentes raisons, la route est surtout utilisée par les voyageurs à destination du Chili, qui évitent ainsi une traversée d'une quinzaine de jours, traversée souvent contrariée par les mauvais temps à la sortie du détroit de Magellan.
plaisants, les renseignements nécessaires à mon voyage; car les
En quittant Retiro, où je pris le chemin de fer, nous tra-
versons Corrientes, dont les immenses réservoirs alimentent la capitale d'une eau jaunâtre provenant du
indications officielles font absolument défaut. Pour passer d'un
océan
à
l'autre, de
Buenos Aires à Valparaiso, les deux réseaux argentin et chilien qui transportent les voyageurs sont déjà très
développés, et
rio de la Plata; puis nous longeons Palerme
et Belgrano, dont
les
superbes jardins sont
une preuve du bon goût reste plus guère qu'ude l'ingénieur français chargé des promenane soixantaine de kilomètres à faire dans des et squares de Buela Cordillère, soit à nos Aires. mulet, soit en voiture. Aux faubourgs succèdent de coquetLes trains marchent tes maisons de camassez vite, et la durée totale du trajet (1430 pagne, blotties dans la UN TRAIN DU « TRANSANDINO ». kilom.) exige environ verdure. Puis les habisoixante-cinq heures. tations se font plus raPhotographie de M. Edvvard Don. Malgré cette facilité res, et nous arrivons de communications entre les deux Républiques, le quelques kilomètres plus loin en pleine campagne. transit n'est pas très actif à cause des transbordeJusqu'à Junin, le paysage est encore assez varié les prairies alternent avec les champs de céréales ou ments multiples exigés par les changements de compagnies et les transports à dos de mule. De plus, le de plantes textiles; d'interminables files de peupliers Ferro Carril Buenos Aires al Pacifico ne coïncide que élancés coupent l'horizon et, avec les bouquets de trois fois par semaine à Mendoza avec le Transandino. sapins jetés çà et là au milieu des herbages, donnent il ne
A TRAVERS LE MONDE.
4 le
LIV.
No
4
J.
8 Octobre J 904.
une certaine illusion de plaine européenne, De place en place apparaissent quelques ombres, curieuse essence d'arbres dont le bois résiste impunément aux incendies si fréquents dans le Campo. En Argentine et au Chili, tous les wagons sont à couloir. Sur beaucoup de réseaux on adopte la disposition suivante. Chaque wagon comprend deux parties distinctes; dans l'une sont des compartiments à couchettes réservés aux dames et aux familles; le couloir est alors sur le côté. Dans l'autre partie, au contraire, le passage est au milieu et les places de chaque côté. Le soir, on tire les banquettes pour former une couchette, en même temps le plafond s'abaisse et se
transforme également en lit. Après Junin, c'est la plaine argentine, la pampa qui commence. Pas le moindre accident de terrain pour rompre sa désespérante monotonie. D'immenses troupeaux de bétail paissent au milieu de cet océan de verdure et lui donnent quelque animation. Les routes n'existent pas dans cette contrée; les ornières ou les foulées des animaux indiquent seules au voyageur la direction à suivre. Les ruisseaux sont rares et se perdent générale-
Argentins, par Romain Daurignac. Sans contester nullement l'authenticité des faits, je trouve son récit réjouissant, car l'auteur a un pied dans la tombe au moins une dizaine de fois et finit toujours par s'en tirer. De plus on y relève des thèses plutôt erronées. Ainsi, l'auteur prétend que l'Argentin a la manie des Dres, car presque tous les noms sont précédés de la particule. Celle-ci existe bien, en effet, mais se met lorsqu'on écrit à une dame pour indiquer son nom de jeune fille; ainsi, on libelle une lettre de la façon suivante (nom (nom de famille du mari), de Senora de jeune fille de la dame). Le roman de Daurignac n'offrant guère plus d'intérêt que le paysage, je ne suis pas fâché de lier conversationavec hies compagnons de route. L'un est Chilien et l'autre Français; ils vont monter une industrie agricole au sud de Santiago. Ils sont interrompus au milieu de leur conversation par de violents cris partis du fond du wagon c'est un brave franciscain italien qui discute théologie avec ses voisins, et essaie de les persuader de la véracité de ses paroles à grand renfort de gestes et d'exclamations. Décidément nous devions avoir une idée com-
Z.
CARTE DU « TRANSANDINO », CHEMIN DE FER DE L'ATLANTIQUE AU PACIFIQUE, DE BUENOS AIRES
ment dans les sables. Le bétail s'abreuve, comme il peut, dans des mares formées par les eaux de pluie. Les habitations sont très clairsemées; les estan8 lieues et souvent plus; cias sont distantes de entre elles existent quelques rares ranchos dont les toits
ou
font tache au milieu des herbages.
traversons est très-riche, me dit un de mes voisins, car il contient en abondance les deux variétés d'herbes utiles au bétail le pasto duro ou herbe dure et le pasto blando ou herbe tendre. » Les stations sont encombrées de gauchos ou conducteurs de bétail, qui viennent voir le train. C'est la seule distraction que leur offre leur vie mouvementée, passée à cheval pour la surveillance des troupeaux. « Le pays que nous
Vers Alvear, des lagunes salées succèdent aux prairies; de nombreuses bandes de flamants, de cygnes ou de canards y prennent leurs ébats en parfaite
sécurité.
Parfois de désagréables souffles de pampero couvrent le train de nuages d'une poussière fine et ténue qui pénètre partout pour le plus grand ennui des voyageurs. Pour charmer mes loisirs, je parcours un récit d'aventures bien de circonstance Trois ans che~ les
Y.
A
VALPARAISO)
1430
KILOMÈTRES EN
65 HEURES.
plète de la pampa, car vers le soir nous traversons un incendie de prairies. Les flammes viennent lécher la voie, et pendant quelques instants les wagons sont envahis d'une fumée acre et pénétrante, qui détermine une toux générale. C'est en vain, par exemple, que nous cherchons les troupeaux affolés, fuyant devant le fléau, comme se plaisent à les représenter tous les ouvrages qui parlent du Campo. Pendant la nuit, notre sommeil est troublé par les invasions de poussière et les allées et venues des contrôleurs. Le lendemain matin, à l'aube, nous nous réveillons en gare de San Luis de la Punta. Un accès d'hilarité s'empare de nous, car nous sommes recouverts des pieds à la tête d'une couche blanche uniforme, qui nous donne de faux airs de Pierrots, Deux Anglais entre autres sont tout à fait réussis, car involontairement ils ont passé la main sur leur nez qui, dépourvu de poussière, se détache en rouge vif sur leur visage poudré. Cela ne les émeut d'ailleurs pas autrement, et avec un délicieux sans-gêne ils font leur toilette au milieu du wagon, alors que les autres voyageurs attendent patiemment leur tour de passer au lavabo.
Nous avons sous les yeux un autre aspect de la
prairie. Les carillas ont succédé aux herbages; ce sont des buissons verts, qui poussent en plein sable et couvrent le sol à perte de vue; leur bois tordu est tout au plus bon à faire du feu, et leur feuillage ne peut servir de nourriture aux bestiaux aussi cette région est-elle complètement déserte. A Tunuvan, dans le lointain vers l'ouest, une ligne bleuâtre marquée de points blancs indique la chaîne des Andes avec ses neiges éternelles. Entre temps, nous changeons de réseau, nous voici sur le Gran Oeste Argentino qui doit nous conduire à Mendoza. Vers midi, le paysage change, la verdure fait son apparition sous forme d'immenses cultures de vignes protégées contre les vents froids par les traditionnelles haies de peupliers, souvent doublées ou triplées pour avoir une action efficace contre la bise. Au milieu des cultures se dressent des canons
formé en objets réservés aux usages les plus vulgaires. Le cataclysme laissa debout quelques édifices, en les
transformant toutefois; c'est à lui qu'on doit de pouvoir admirer des portiques tenant debout par un miracle d'équilibre sur une seule rangée de colonnes, les fûts symétriques étant renversés. Ces phénomènes bizarres donnent seuls une physionomieparticulière à la ville, très banale avec ses larges avenues, coupées à angles droits, plantées de peupliers superbes, dont la base plonge dans des ruisseaux d'une eau vive et transparente. A Mendoza, nous quittons les spacieux wagons-
couloirs du Gran Oeste Argentino pour nous enfourner dans les voitures moins confortables du Transandino. Sans nous en apercevoir, nous avons déjà atteint l'altitude de 800 mètres, et dans notre après-midi il nous faudra encore nous élever de 2 000 mètres.
POINT CULMINANT DE LA LIGNE DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE.
Photographie de M. Edward Don. à grêle pour garantir les plantations contre ce fléau malheureusementtrès fréquent dans la région. Nous entrons dans la banlieue de Mendoza, le verger de l'Argentine », qui mérite bien sa réputation; car, outre ses vignobles remarquables, elle possède de magnifiques plantations d'arbres fruitiers. Nous avons le plaisir d'apprécier les produits de la contrée les pêches et les abricots qu'on nous sert au wagon-
restaurant viennent du pays et, d'un avis unanime, sont trouvés délicieux.
A signaler, en passant, une curieuse essence
d'arbre, le retam, sur lequel pousse une sorte d'ex-
croissance qui, au bout de quelques semaines, se transforme en une magnifique fleur de bois aux dessins variés. Mendoza doit son cachet à un tremblement de terre qui la dévasta, il y a quelque quarante ans. A cette époque, c'était une ville monastique, célèbre par ses couvents et ses chapelles, remarquable aussi par la prodigalité avec laquelle on usait de l'argent, trans-
Nous franchissons d'abord les premiers contreforts des Andes, simple ligne de coteaux peu élevés,
remarquables par leur aspect dénudé. Sur leurs flancs,
végètent
de pauvres cactus blancs, aux tiges rabou-
gries qui percent avec peine la couche de galets dont le sol est recouvert. Les Andes se dressent plus proches, semblables à des murailles abruptes contre lesquelles le train paraît devoir s'écraser. La voie traverse l'impétueux rio Mendoza dont les berges indiquent un curieux phénomène d'érosion. Le torrent très encaissé enlève sur ses rives de grandes couches de terre, disposées verticalement et parallèles les unes aux autres. Les rares masures qu'on aperçoit ne tranchent guère sur cet ensemble gris; elles sont bâties en torchis et ont un caractère commun de misère. Toutes possèdent l'indispensable four en terre que de loin on prendrait pour un tombeau de marabout arabe à cause de la coupole qui le surmonte. En approchant, une fente se dessine pourtant
dans la muraille immense, et le train s'engage dans les ramifications élevées de la Cordillère en suivant la tortueuse vallée du torrent qu'enjambent au moins une douzaine de ponts, tous d'une construction difficile. Dès le début, les Andes prennent l'aspect sévère et grandiose qu'elles conservent pendant tout le temps qu'on les traverse. Peu de végétation, des touffes rabougries, aux colorations foncées, mouchètent seules les parties plates et les font ressembler de loin à une immense peau de léopard. Presque partout apparaît le rocher très curieux avec ses amoncellements gigantesques ou ses découpures étranges en forme de tuyaux d'orgue. Des sédiments d'un caractère étrange interrompent parfois les traces de l'action volcanique, mais c'est pour peu de temps, et plus on s'avance à l'intérieur, plus les sédiments s'effacent pour laisser dominer le roc superbe avec ses colorations violettes ou rosées. Peu de villages naturellement dans cette région désolée. Des établissements de bains se créent pourtant dans le lit même du torrent; mais il faut être vraiment misanthrope ou bien convaincu pour les fréquenter, car la seule distraction qu'offre la Direction des Eaux est le passage du train tous les jours. Chose incroyable, les baigneurs se mettent en toilette pour venir regarder le ferro carril; cela me rappelle Florès, où tous les soirs les senoritas et leurs familles viennent, revêtues de leurs plus beaux atours, contempler l'express de quatre heures. Ce pays heureux où l'on soigne ses rhumatismes sans entendre les accords de la valse Bleue s'appelle Cachenta. Nous montons toujours en décrivant des lacets
extraordinaires. Les herbes sont rares,
desséchées et
comme brûlées. Parfois dans un coude du torrent se forme un terrain d'alluvions où le fourrage pousse admirablement. Cette tache verte, jetée au milieu de ces régions arides, aux teintes grises ou roses, forme un contraste surprenant. Elle donne un indéfinissable sentiment de repos; il me semble que la vue d'une oasis au milieu du désert doit produire une sensation analogue. Ces carrés de verdure ont parfois des dimensions un peu plus considérables; ce sont alors des potreros ou pâturages qui ont eu naguère leur temps de célébrité, lorsque la traversée de la Cordillère se faisait uniquement à dos de mulet. Aujourd'hui, plusieurs de ces potreros sont abandonnés; dans un petit nombre d'entre eux seulement on continue l'élevage du bétail qu'on envoie dans les hautes vallées chiliennes au commencementde l'été. Nous atteignons l'endroit où naguère un pont fut enlevé par une violente rafale, comme on en rencontre fréquemment dans les Andes. Depuis, la Compagnie a modifié le tracé de la voie et lui fait traverser le torrent presque à fleur d'eau, sur un pont de bois, en l'engageant dans un couloir, sans issue, d'où on ressort, machine en tête, au moyen de deux ingénieux aiguillages. Un orage magnifique vient accentuer les reliefs de la montagne et nous charme par des éclats de ton-
nerre grandioses, qui se répercutent avec fracas dans la vallée et grondent au loin au-dessus du torrent. A Uspallata, l'aspect général changeun moment; nous entrons dans une grande plaine vallonnée où de place en place on remarque des vestiges d'exploitation minière. Sous la domination espagnole, paraît-il, on
extrayait du minerai d'or et d'argent, mais on a abandonné les travaux, les filons devenant trop pauvres. A la nuit tombante, nous arrivons à Zanjou
Amarillo où nous prenons une locomotive à crémaillè~: e, car la pente s'accentue. A Puenta de Vacas, une v<llée encaissée s'ouvre devant nous; le rio Tupungalo en descend, tumultueux et blanc d'écume. La voie surplombe par moment le lit du torrent qui roule ses flots boueux à travers d'énormes blocs de rochers. Après un dernier effort, le train arrive enfin à Puente del Inca, non sans s'être arrêté fréquemment (tous les quarts d'heure environ) pour prendre du bois, car la locomotive ne possède ni tender ni réservoir. La nuit est presque complète; c'est juste si nous apercevons dans l'ombre trois ou quatre douaniers argentins drapés dans leurs grands manteaux foncés, qui leur donnent une allure peu rassurante. Nous nous précipitons à l'hôtel pour dîner, car l'heure est tardive, et nous allons admirer le Puente dcl. Iv~ca, pétrif.cation naturelle expliquée par la présence de nombreuses sources pétrifiantes dans le voisinage. Le pont enjambe le lit du torrent très encaissé en cet erdroit, et le long de cette arche naturelle pendent des stalactites du plus gracieux effet. Pour gagner l'hôtel, nous avons utilisé cette passerelle naturelle, sans nous en apercevoir toutefois, car le tablier du pont sert au passage des voitures. Nous allons faire un tour jusqu'à la Posada, où les mulets, leurs conducteurs, Ies voitures et leurs attelages sont entassés pêle-mêle avec les bagages. Bêtes et gens passent la nuit au grand air à proximité de feux qu'on entretient toute la nuit pour les préserver du froid. L'aspect de ce campement bizarre, vu au clair de lune, est des plus pittoresques. Nous passons une nuit, sinon confortablement, du moins sans être gênés par la poussière. Vu l'exi-. guité de l'établissement, on nous entasse trois par trois dans d'horribles petites chambres, dont le mobilier est réduit à sa plus simple expression. Pour les dames, il existe des faveurs spéciales, car on les isole généralement du reste des voyageurs. Cette étape marquait la fin de notre premier voyage en chemin de fer. La locomotive allait, le lendemain, céder le pas aux chevaux de la diligence. EDWARD DON. (A suivre.)
Une Maison en acier à Caracas. Une revue étrangère nous apprend que M. Cipriano Castro, présidentde la République du Vénézuela, dans l'Amérique du Sud, s'est fait récemment construire, à Caracas, un palais tout en acier. C'est par crainte des tremblements de terre, très fréquents dans la région, que le chef élu de la nation vénézuélienne a décidé d'abandonner Cucufa, petite ville de la banlieue de Caracas, maintes fois détruite par des secousses sismiques, pour venir habiter définitivement le centre de la capitale. A l'extérieur comme à l'intérieur de l'habitation, l'œil n'aperçoit que la pierre ou les boiseries, mais la st~'ucture tout entière, parois et charpente, est en acier trempé. Admirable protection contre les tremblements de terre et peut-être les bombes anarchistes.
Les Travaux publics (Port et Chemin de fer) à la Côte de l'Ivoire. L A colonie de la Côte de l'Ivoire va être dotée prochainement d'un chemin de fer et d'un port.
La capitale de la Côte de l'Ivoire, Grand-Bassam, a une réputation bien fondée d'insalubrité la fièvre jaune y règne à l'état endémique et menace perpétuellement les colonies voi-
d'autre part, ilvn'est pas possible d'y aménager un sines
port en eau profonde, acces-
sible en tout temps aux
grands navires qui font le
service de la côte occidentale. Ces diverses raisons ont décidé le gouverneur général à faire creuser un port à Petit-Bassam, à faire partir de ce port le chemin de fer qui se dirige vers l'intérieur et à y transporter le siège du Gouvernementde la colonie. Les études du chemin de fer sont terminées sur 3o kilomètres la plate-forme est déboisée sur une quinzaine
d'une jetée pour permettre le débarquement des marchandises sans avoir à traverser la barre. Les paquebots commencent à faire escale à Petit-Bassam, et déchargent le matériel destiné à la construction du chemin de fer et au creusement du port. Des ateliers mus par l'électricité vont être installés avec les engins
mécaniques les plus perfectionnés. Tous ces travaux donnent une grande animation à la colonie. Il ne se passe pas de semaine sans que plusieurs commerçants viennent de Grand-Bassam constater l'avancement des travaux, et emportent l'impression que la Côte de l'Ivoire est en train de se transformer complètement. Il tarde à tous de pouvoir évacuer Grand-Bassam pour venir s'établir dans la future capitale commerciale de la colonie. Grâce au futur chemin de fer, le trafic entre Kong et la mer ira en augmentant tous les ans. Quand, de Kong, on aura construit des routes pour remplacer les chemins qui mènent de Kong à Tengrela, à Sikasso, à Oua, le développementde la colonie se fera avec une rapidité qui lui a manqué jusqu'à présent. Ce qui doit inspirer confiance, c'est que chaque effort de pénétration a amené une augmentation de trafic. En 1890, les recettes doua-
nières étaient de 288000 francs en 1891 lorsque nous avons occupé Lahou et Fresco, elles se sont élevées à
600000; en 1892 et 1893,
lorsque nous eûmes pris possession de la côte jusqu'à Cavally, elles furent de 664000, plate-forme, permet au dipuis de 793000 francs. On recteur de visiter ses chantiers avec une voiture autoest en droit d'espérer une augmentation considérable mobile qui fait l'admiration quand fonctionnera le chedes indigènes. Les travaux min de fer, élément de prosont menés avec activité sous grès encore inconnu à la l'impulsion énergique de CÔTE L'IVOIRE CHEMIN CARTE DE LA ET DU DE DE FER Côte de l'Ivoire. Quant aux M. le commandant du génie DE PETIT-BASSAM A KONG. Houdaille. mines d'or dont on a tant parlé, elles trouveront en lui un précieux adjuvant Partout les noirs, Dahoméens, Kroomens, le jour où elles seront exploitées. Dioulas, Sénégalais, Ébriès, chantent en faisant les terrassements. Depuis le 1er janvier, ils ont remué environ 35000 mètres cubes de terre. Ces douze cents hommes de races diverses travaillentgaiement, préparant une moyenne de 3 kilomètres de plate-forme par mois. On peut espérer faire 23 kilomètres cette année, au lieu de 16 primitivement prévus. De plus, sur l'emplacement de la future ville, on voit déjà cinq la Marine pavillons servant à logerle personnel, l'infirmerie, les magasins, etc. Le lotissement est fait, et déjà les négociants s'occupent de leur installation. On s'occupe activement du creusement du chenal qui doit faire communiquer la lagune Ébrié Tour le monde sait que, dans les préoccupations de l'empereur d'Allemagne, la marine de commerce avec la mer; la communication permettant de faire circuler les chalands sera prochainement établie sur tient une place presque égale à la marine de guerre. Les progrès de la marine marchande allemande, une profondeur d'un mètre, 400 mètres de long et 8 mètres de large on a commencé la construction s'ils ne sont pas exclusivement dirigés contre nous, de kilomètres. Un Decauville provisoire, posé sur cette
Les Progrès de marchande en Allemagne. La Force des subventions.
nous, portent cependant des coups qui expliquent en partie l'état inquiétant de la marine marchande française. Le Parlement aura d'ici peu à se prononcersur un projet de loi déposé le 22 juin sur le bureau de la Chambre et consacré aux subventions à fournir à la marine. Il pourra utilement s'inspirer de l'exemple offert par la marine de nos voisins. Voici, dans une période de trente ans, dont le commencementmarque l'essorde la marine allemande, les statistiques officielles relatives au mouvement des vaisseaux marchands de l'empire 1871
A
VOILES.
Baltique
zoo6 z366 437z
43ço89
361
zz3g9
461 x7z
1875
484784
22)6
50714.3
Baltique
76
10734
71
71z6o
451
200665
Merdu
1012
t3o5394
147
81994
""i463 1 506059
982)55
3699 201)202
Mer du
Nord.
Total.
900;61
NAVIRES A VAPEUR.
Nord.
Total.
Total
général
4519
On remarquera la progression de la marine à vapeur, qui correspond à une décroissance, d'accord avec les exigences modernes, de la marine à voile; on notera aussi que le développement du commerce sur la mer du Nord contraste avec l'état stationnaire enregistré sur la Baltique. C'est que Hambourg, Cuxhaven et Brême ont, peu à peu, au grand avantage du commerce et pour la simplification des questions de transport, monopolisé presque tout le trafic maritime. A ce point de vue, la centralisation de l'effort en quelques points a été pour l'Allemagne une cause de succès. Mais la cause première des progrès de la marine marchande, ne l'oublions pas, réside, spécialement, comme le remarquait l'empereur dans son toast de Kiel, dans l'appui à la fois moral et matériel que lui a donné le Gouvernement. Le premier encouragement sous cette forme fut donné à la marine marchande par la loi du 6 avril 1885, qui accordait, sous certaines conditions, à titre de primes à la marine, une somme de 4 400 000 marks (5 500 000 francs), dont 4 millions de marks furent alloués aux lignes de l'Orient et le reste au service de Trieste-Brindisi-Alexandrie. Ces subventions, augmentées dans la suite, s'élèvent actuellement à plus de 7 millions de marks (8750000 fr.) ainsi répartis Marks
Sud.
Lignesde Brême et Hambourgpourla Chine, le Japon, l'Australie et
Étrange Superstition en Hongrie.
1902
Nombre. Tonnage. ;lombre. Tonnage. NA V1RES
fois plus élevé que celui-ci. On aurait donc tort de croire que les subventions sont tout pour le développement d'une marine marchande. Mais en Allemagne on se montre plus commerçant qu'en France, et le Gouvernementn'encourage pas les grèves.
l'Australasie.
Lignes de Hambourg pour l'Afrique de l'Est et du Ligne de l'Australie aux îles du Pacifique. Lignes du Cap à Swakopmund.
Total.
559° 000
t 350000 120000 co5oo
707°200
Le total des subventions françaises est quatre
`~otet un pendant hongrois aux pratiques bizarres,
que M. Gaston Vuilliera racontées aux lecteurs du Tour du Monde dans ses récits sur les Magiciens et les Sorciers de la Corrè.~e i. Dans le village de Reuschor, comitat de Fogaras, en Transylvanie, qui a été particulièrement éprouvé le bruit se cette année par la grande sécheresse, répandit l'autre jour que, si la pluie ne tombait pas, c'était parce que le vieux paysan Todor Bordas, décédé il y a quelques semaines, avait proféré en mou-
rant d'horribles blasphèmes.. Comme, de son vivant, cet individu passait pour avoir fait un pacte avec le démon, tous les habitants du village crurent sur le champ qu'il en était ainsi, et onze d'entre eux, plus savants et plus courageux que les autres, entreprirent de détruire l'effet des maléfices de Bordas. Conformément aux indications d'un grimoire qui leur fut prêté par le (( bon sorcier village voisin, ils se rendirent, par une nuit noire, au cimetière, et, à minuit précis, exhumèrent le corps à moitié décomposé du mort, en prononçant des formules magiques. Les incantations terminées, le cadavre fut tourné sur le ventre, replacé dans la bière, et la fosse de nouveau fermée. Quelques gouttes de pluie étant tombées le lendemain matin, l'heureux phénomène fut naturellement attribué à la macabre opération. Mais, bientôt, le soleil revint, plus implacable que jamais; l'eau baissa dans les puits; même le ruisseau du village cessa de couler. Les paysans s'assemblèrent de nouveau; et, après avoir relu plus attentivement le grimoire, ils résolurent d'employer une recette plus complète, donc plus efficace. Le soir même, ils retournèrent au cimetière et, exhumant encore une fois le cadavre, ils le firent alors sauter à coups de fourche. Le fils de Bordas, prévenu de ce qui se passait, vint les supplier à genoux de cesser leurs pratiques; mais les paysans, qui avaient à leur tête le fils du maire de la localité, le ramenèrent de vive force dans sa maison. Le lendemain, il ne plut point davantage. Mais la gendarmerievint arrêter les onze violateurs du tombeau, y compris le fils du maire et le « bon sorcier » qui avait prêté le grimoire. Ils ont été immédiatement emprisonnés et mis à la disposition des autorités qui t;¡ennent fort justement à faire un exemple.
d'un
t
Tour du Monde,
t 899
Le Remplacement de
ia
Vapeur les Che~
par l'Électricité sur mins de fer est-il prochain ?
1 est quelquefois questiondans le monde des chemins
de fer de supprimer la traction par la vapeur et d'alimenter en énergie électrique les divers réseaux. Dans un article, qui a fait quelque bruit en Allemagne etque résume la Revue suisse, l'ingénieur W. Reichel, tout partisan qu'il est de la réforme, constate néanmoins que la captation et la distribution de l'énergie électrique présentent de grandes difficultés, du moment où il s'agit d'une traction à grande vitesse, en raison des puissances considérables qui entrent en jeu. Il faut observer, en effet, que si la quantité d'électricité re-
quise pour tenir le train en mouvement est relativement petite, la quantité nécessaire au démarrage est bien plus grande. La maison Siemens et Halske étudia récemment une prise de courant à 15 5 00o volts le train fonctionna avec une prise variant de 10000 à 1 l ooo volts au démarrage. Cette prise de courant s'opère par trois cadres horizontaux, articulés verticalement sur trois colliers serrés sur un mât vertical fixé au toit de la voiture. Ces cadres, obliques par rapport à la voie, se terminent par des branches verticales qui pressent contreles trois fils de la ligne. Les résultats ont été très satisfaisants, même à la vitesse de 200 kilomètres. On peut donc employer les prises de courant à archet et à haute tension. Pour les lignes moins rapides, on préfère: le courant continu à l ooo volts, amené par le troisième rail, avec retour par la voie. Mais il ne s'agit là que de l'emploi de l'énergie électrique; la question de la distribution de cette énergie est au moins aussi délicate. M. Bennett, ingénieur doublé d'un financier, l'a étudiée en l'appliquant aux chemins de fer anglais. Si l'on considère qu'il faut une station par 8o kilomètres de voie, 3°8 stations seraient nécessaires à l'électrisation des 24 63o kilomètres de voies ferrées de l'Angleterre et du pays de Galles. Il faut arranger les choses autrement. Ce n'est pas en se basant sur la longueur de chaque réseau qu'on doit établir les sources d'énergie électrique, mais sur la surface de terrain qu'empruntentles réseauxdesdiverses compagnies; au lieu d'espacerles stations de charge le long d'une ligne, il faut en faire des centres où viendront s'alimenter les lignes passant à proximité. M. Bennet propose de fractionner le pays en portions de 2 322 km! chacune, englobant dans bien des cas les lignes des réseaux différents, chaque portion possédant au centre une station pour l'alimentation d'énergie.Il suffirait alors de 65 stations. Chaque compagnie paierait à proportion de sa consommation électrique. En prenantpour base un trafic moyen de 20 trains de voyageurs et de 17 trains de marchandises de 350 tonnes chacun, et pour chaque station génératrice pourvue d'un matériel de recharge, en admettant une capacité de l l ooo kilowatts, le coût
serait de 3 540 000 francs. Pour la totalité des stations, il faudrait compter 25° millions de francs. La dépense d'exploitation annuelle serait de 3 milla liards 65o millions et dans ces conditions traction électrique donnerait sur la traction à vapeur un avantage de 0,29 pour roo. II est douteux que ce soit l'appât de ce gain qui pousse les compagnies à électriser leurs réseaux. Mais il faut considérer que les transports rapides accroissent le trafic celui-ci peut tripler et quadrupler pour les marchandises et les voyageurs, à la fois,. C'est là-dessus que compte M. Bennett pour amenerle capital employé à rendre 1, 83 pour ioo de plus que celui qui sert à la traction par la locomotive cette fois-ci l'opérationvaudrait la peine d'être tentée.
J. Thoulet.
L'Océan, ses lois et ses Prabtètnxs. 1 vol. grand in-8°, illustré de 12 gravures hors texte,. broché, 12 francs. Librairie Hachette,. 79 boulevard Saint-Germain.
commence enfin à provoquer dans le public l'intérêt auquel il semblait que cette science eût droit depuis longtemps chez nous; car c'est à des savants français, et en particulier à M. Thoulet, qu'elle doit quelques-uns de ses plus notables progrès. Le beau livre de M. Thoulet contribuera sans aucun doute à éveiller encore en sa faveur de nouvelles vocations, autant qu'à satisfaire d'ardentes curiosités. Toutes les questions qui se peuvent poser à propos de l'océan, de la nature et du relief de son sol, de la composition chimique de ses eaux, de la distribution de la température dans ses profondeurs, de la faune qui les anime, des courants qui les sillonnent, sont ici, non pas nécessairement résolus, mais exposés avec une clarté magistrale. Et comme il s'agit d'une science qui se fait, l'histoire de chacun des problèmes qui sont passés en revue en précède toujours l'histoire théorique. L'ouvrage de M. Thoulet est un effort tout à fait heureux pour communiquer à un public étendu, dans un tableau d'ensemble, les résultatspositifs de recherches ordonnées suivant une discipline hautement scientifique. Du reste, nous publierons prochainement une chronique qui s'efforcera de donner un avant-goût des intéressantes questions qu'il contient. L'ocÉANOGRAPHIE L français
Avesnes.
Journal de Bord d'utt Aspirant. 1 vol. in 16. Prix 3 fr. 50. Librairie Plon-Nourrit et Ci,, rue Garancière, 8, Paris. HommE le plus heureux, a dit Méry, serait celui qui se condamnerait à parcourir sans repos ni trêve les milliers de. lieues qui cerclent notre globe, en disant un éternel adieu aux bonheurs de rencontre. Cette douce philosophie semble avoir illuminé d'un vif rayon les récits fugitifs de l'écrivain qui abrite, sous le pseudonymed'Avesnes, sa personnalité élégamment désabusée et son dilettantisme exquis. Ne vous fiez pas, du reste, au titre de l'ouvrage. Ce Journal debord, qui prend l'apprenti navigateur au Borda, pour nous le montrer voguant, sur le Dugua,y~?~rauin, vers les paysages de rêve, les cités mystérieuses et les civilisations lointaines, livré à toutes les suggestions d'une espèce de solitude mouvante, subissant la magique attirance de l'inconnu, ne se hérisse d'aucune préoccupation technique. C'est, comme dit l'auteur avec une éloquente bonne foi, une impression d'ensemble sur les spectacles bigarrés qui ont charmé ses yeux, une série de notes vivantes croquées sur son album accompagnées de la « vibration claire et entraînante de la chanson des voyageurs ». CEuvre charmante qui retient l'attention par la sincérité de l'inspiration.
Les artilleries russe et japonaise.
Nous avons dans un de nos précédents articles Armées et Flottes, donné quelques renseignements sur les fusils russe et japonais. Disons un mot maintenant des artilleries en présence. Le canon de campagne russe de trois pouces, modèle 19:)0, le dernier en date, diffère notamment de notre canon de 75. Il était resté jusqu'ici peu connu, mais, depuis le commencement de la guerre, on possède sur lui des renseignements assez précis. Ce canon tire, à la vitesse considérable de 500 mètres par seconde, un schrapnel du poids de 5 kg. 5, contenant 26o balles de Il grammes et pouvant éclater en l'air jusqu'à une distance de 5 kilomètres. Au point de vue mécanique, il est donc extrêmement puissant, soit exactement moitié plus que le canon allemand et un peu plus que le canon français. Mais, s'il est à tir rapide comme ce dernier, il est moins bien organisé. Ce canon n'a pas la stabilité de notre 75 il est tro~ puissant et n'a pas un frein assez doux; aussi saute-t-il généralement un peu dans le tir, ce qui amène des dépointages et ne permet que rarement de tirer quinze coups par minute, à moins de circonstances très favorables. C'est une pièce remarquable pour l'époque où elle a été établie, mais, actuellement, l'industrie est arrivée à mieux faire. Le canon de campagne japonais est encore beaucoup moins connu que le canon russe. Il n'a été, jusqu'ici, rien publié sur son compte, bien que cette bouche à feu ait été presque complètement construite au Creusot et chez Krupp, ainsi que le canon de montagne du même pays. C'est un canon d'assez faible puissance, à tir accéléré et non à tir rapide, mais très bien approprié aux régions difficiles. Ce canon, du modèle 1899, porte, comme le fusil japonais 1897, le nom du colonel Arisaka, qui l'a établi en prenant un peu dans tous les matériels étrangers. Son calibre est de 75 millimètres et il tire à la vitesse de 450 mètres un schrapnel de 6 kilogrammes, contenant grammes. 2)0 balles de Sa puissance est donc à peine supérieure à la moitié de celle du canon russe, mais il rachète cette infériorité par beaucoup d'autres avantages. Le canon russe, pièce puissante, à tir rapide, relativement lourde, est destiné surtout au service d'Europe. Le canon japonais, pièce médiocrement puissante, à tir seulement accéléré, relativement légère, est excellent pour un pays difficile, ayant de mauvaises routes. L'effectif des troupes japonaises. Le Berliner Tageblatt donne, sans indiquer malheureusement la source où il les a puisés, les renseignements suivants sur les forces militaires duJapon. Les troupes qui se trouvent en Mandchourie et en Corée comprennent toute l'armée active, sa réserve et l'armée territoriale, à l'exception d'une brigade et demie à Formose et d'une brigade spéciale à Yéso. Les corps mobilisés de l'armée active l'ont été au moyen des 4°, 5e, 6e et 7e classes de recrutement. On en aurait formé 16 divisions (au lieu de 1) existant en temps de paix) et on aurait conservé des cadres pour la conduite des détachements de renfort destinés à combler les vides des troupes d'opérations. Avec l'armée territoriale (8e, ge, 10., lIe et i-~e classes de recrutement) on aurait formé 16 brigades qui se trouveraient également en-totalité sur le théâtre de la guerre. Dins ces conditions, les formations ci-dessus indiquées comprendraient 192 bataillons de l'armée active et 96 bataillons de réserve, soit 288 bataillons d'Infanterie. Mais la population de 46 millions d'âmes du Japon peut fournir des ressources bien plus importantes. On ne l'avait pas perdu de vue au Japon avant la guerre actuelle et l'on avait, en conséquence, constitué une réserve de recrutement au moyen de tous les hommes non incorporés. Cette réserve est divisée en deux séries. Les hommes qui en font partie restent dans la première série pendant quatre ans et sont alors astreints à une période d'instruction de deux à trois semaines. Au moyen de cette réserve et de la classe de recrute-
i
ment de 1904, appelée en entier, on a formé de nouveaux régiments dont l'existence a été décelée, parce que l'empereur leur a donné des drapeaux en juillet et en aoî~t. Les va-
cances en officiers ont été comblées par la promotion prématurée des élèves de l'école militaire, d'un certain nombre de sous-officiers et de volontaires d'un an, dont on avait admis l'an dernier un bien plus grand nombre que d'habitude. Ces régiments nouvellement formés ont reçu également de nombreux engagés pour la durée de la guerre. Ils ont été armés avec des fusils Mourata modèle 1887 (les qualités balistiques en ont été améliorées par l'adjonction à la balle d'une ceinture en bronze). La deuxième série de la réserve de recrutement n'offre plus un personnel aussi utilisable, parce qu'on y classe les jeunes gens de valeur physique médiocre et ceux qui ont des charges de famille. On ne peut donc guère en tirer que des éléments pour la garde du territoire. Tandis que le développementdes unités d'infanterie se serait produit sans trop de difficultés, le Gouvernement japonais aurait la plus grande peine à créer de nouvelles formations de cavalerie et d'artillerie de campagne.
La proportion des nobles et des bourgeois dans le corps d'officiers de l'armée prussienne.
Voici ce que dit à ce sujet le Berliner Tageblatt, d'après l'étude du dernier annuaire prussien pour t9o¢-~905. Toutes les fonctions se rattachant à la personne de l'empereur (membres de la maison militaire, aides de camp
du souverain cabinet militaire, etc.) sont presque uniquement occupées par la noblesse. Dans l'état-major général, il n'y a pas un bourgeois pour dix nobles. Au contraire, les inspections de l'artillerie, des pionniers, des forteresses sont à peu près exclusivement peuplées d'officiers non nobles. Il en est de même dans les troupes des voies de communication (chemin de fer, télégraphie, aérostation), et dans les établissementset commissions techniques. Parmi les officiers généraux nous trouvons Généraux de l'infanterie ou de la cavalerie 53 nobles Généraux-lieutenants 83 nobles, 17 bourgeois; Généraux-majors 98 nobles, 66 bourgeois ce qui montre nettement combien la proportion des officiers d'origine bourgeoise diminue à mesure qu'on approche du somn·.et de la hiérarchie. La proportion entre nobles et bourgeois varie beaucoup selon les différentes armes. L'inégalité, dans l'infanterie surtout, est des plus variables selon les régiments. Dans certains régiments d'infanterie et dans beaucoup de régiments de cavalerie, on ne reçoit aucun officier d'origine bourgeoise. Ces régiments sont dits burgerreine (purs de roturiers). Dans d'autres, c'est à peine si un ou deux bourgeois sont parvenus à se glisser. Cela est vrai surtout dans la garde, où les bourgeois ne sont en majorité que dans le bataillon de pionniers et le bataillon du train ( 17 contre 5 et 16 contre 2). Dans la cavalerie, il y a très peu de bourgeois, surtout dans la grosse cavalerie. Dans l'ensemble des régiments de cuirassiers, il n'y a que 18 bourgeois en tout. Dans les dragons, il y a sept régiments burgerreine et deux qui n'en contiennent que trois chacun. Dans l'infanterie (en dehors de la garde), la proportion varie beaucoup; treize régiments ne comptent que de à 12 z of ficiers bourgeois; au contraire, il y en a 50 dans certains régiments. Dans les bataillons de chasseurs, il n'y a presque que des nobles.
Essais d'artillerie à tir rapide en Belgi-
que.
Après avoir étudié un système d'artillerie de campagne à tir accéléré, la Belgique ne l'a pas adopté. Elle a mis au concours le modèle d'artillerie à tir rapide. Deux rivaux restent en présence après un premier examen éli:11inatoire
Krupp et Saint-Chamond. L'artillerie belge va armer avec des pièces de chaque système deux batteries qui seront comparées au tir et aux
œanœuvres.
Un long essai dira qui l'emporte de l'industrie allemande ou de l'industrie française.
De l'Atlantique au Pacifique à travers l'Argentine et le Chili par un Officier de la Marine Impériale russe'. Nous avons, dans une précédente chronique, voyagé sur la ligne du chemin de fer argentin qui nous a laissés à micôte de la Cordillère. Il s'agit maintenant de dépasser le point culminant, la crête de montagnes qui partage les bassins de l'Atlantique et du Pacifique. C'est au pas de la Cumbre qu'a lieu la traves·sée partie la Plus pittoresque du voyage, non seulement à cause du paysage, mais encore à l'égard des moyens de transport, diligences et mulets, qui~ouissent de leur reste en attendant le raccordement des deux tronçons du Transandino.
LA
traversée de l'Amérique du Sud comporte trois
une en chemin de fer sur le réseau argentin; une intermédiaire, en diligence ou à mulet; une dernière, en chemin de fer encore, sur le réseau chilien. La seconde commença pour nous au lever du soleil; elle s'ansections
nonça brutalement,
dès quatre heures du matin, par un branlebas fort désagréable. Peu après, des breaks à quatre chevaux arrivent devant l'hôtel on y empile aussitôt les valises, car les malles sont restées à la Posada, attendant les convois de mules qui doiventles emporterjusqu'à Salto del Soldado. Vers cinq heures, nous partons à fond de train pour Las Cuevas. Au premier tournant, on a une certaine impression de soulèvement, car le mayoral (conducteur) se garde bien de ralentir l'allure de son attelage; la sensation est encore accentuée par la vue du torrent qui roule à quel-
ment les pentes des
Plaotographie de M. Edmard Dora.
ralentit un peu cependant, car le chemin monte beaula dercoup. Nous arrivons dans une haute vallée, Voir A Travers le Monde,
A TRAVERS LE MONDE.
Andes. Les teintes se fondent harmonieusement entre elles, tandis que, dansl'éloignement, s'alignent les glaciers singulièrement amoindris par la distance. Autour de nous, le paysage s'anime à son tour. Les rochers prennent des formes plus pittoresques que laveille et
L'ACONCAGUA DANS LE FOND. LA MONTÉE DE LA CUMBRE,
que cent pieds au-dessous de la route. La course se
1.
où nous voyons travailler nière avant Las Cuevas, D'après avec ardeur aux terrassementsdu Transandino. l'état des travaux, il est à peu près certain que le train argentin pourra atteindre, l'an prochain, le pied même de la Cumbre. Sur ces entrefaites, le jour se lève peu à peu, merveilleux de clarté, qui fait miroiter sur les crêtes les roches aux dessins de dentelles, merveilleusement colorées par les feux du soleil levant. Vers les cÎmes, des champs de neige jettent leur note blanche sur cet admirable tapis rose que for-
190
42e LIV.
l,
page )21,
tranchent sur le fond rosé des montagnes. De tous côtés ce sont des blocs
erratiques, entassés en désordre, semblables aux ruines d'un château gigantesque. Le torrent qui a maintenant pris des allures de ruisseau, blanchit à traversles fait de rocs écroulés. La route elle-même serpente et N~
42.
15
Octobre 1904.
multiples détours à travers un interminable dédale.
Sur un sommet, nous apercevons une superbe basilique d'une pureté de lignes admirable et où se rend une procession de pieux pèlerins; pendant quelque temps, l'illusion est à peu près complète, puis tout se brouille et se transforme en un chaos de rochers désolés. Vers huit heures, nous arrivons à Las Cuevas où nous laissons les équipages pour prendre des mules, bien que la route de la Cumbre soit excellente et presque dépourvue de neige pour l'instant. Seulement, comme le voyage est prévu avec le trajet à mules, on se garde bien de changer la tradition. Avant de faire l'ascension, il faut se précipiter l'unique auberge du relais pour absorber un verre de cordial, odieux mélange de tous les plus mauvais alcools européens qui aient jamais pu se rencontrer sous un même toit, Enfin, la consommation de cette mixture est obligée, sous peine de paraître
manquer de coeur,
mauvais présage quand on doit faire
une promenade
mouvementée comme celle qui nous attend.
Cependant
les muletiers son-
nentle boute-selle,
ou, pour être plus véridique, nous crient de nous dépêcher. On nous amène nos mon-
tures harnachées à la mode du pays et
égale pour redonner des forces aux animaux les plus fatigués. Pendant le trajet, la consigne est de laisser la libe~té absolue aux mules, une impulsion imprudente donnée aux rênes pouvant avoir la fâcheuse conséquence de faire perdre pied à la monture et de l'envoyer rouler, avec son cavalier, au fond de la vallée. Pendant toute cette montée, en effet, on se garde bien de suivre la grande route en lacets qui conduit au col, on grimpe à pic pour gagner du temps. N'étant dérangés ni par le souci de la direction à suivre, ni par le voisinage de charmantes amazones, nous avons tous les loisirs voulus pour nous retourner et admirer le superbe paysage que nous laissons derrière nous. Nous entrons dans le domaine des neiges éternelles, étincelantes sous les rayons du soleil. De grands pics décharnés trouent cette blancheur immaculée et l'émaillent de rocs aux formes tourm entées. Plus tard, apparaissent les glaciers avec
leurs reflets bleuâtres et leurs crevasses profondes,
gigantesques lézardes, à l'aspect sinistre, qui balafrent la surface du névé. Dans le lointain, la masse imposante de l'Aconcagua se détache nettement sur un ciel sans nuage et dresse, au-dessus des cimes et des
portant, en guise roches, à près de de selle, un bât en 7000 mètres, ses forme de tréteau, sommets sauvages recouvert de nomLE PAS DE LA CU>1BRE (3 950 MÈTRES). où le guanaco luibreuses épaisseurs même ose à peine Photographie de ~M. Edmard Don. de couvertures. s'aventurer. Sur Les étriers en bois, les escarpements, des pans énormes de glace se détasemblables à une moitié de sabot, jouent un tour aux chent, tombent d'un seul bloc et s'écrasent avec frasujets de Sa gracieuse Majesté qui nous accompagnent; ils sont, comme de juste, taillés pour des pieds hucas dans le fond de la vallée, tandis que la neige fraîchement tombée, entraînée par la chute, papillonne mains normaux et non pour ces sortes d'immenses gadans l'espace. lettes plates qui décorent les extrémités inférieures des Chose curieuse; bien que la neige soit très abonsujets du Royaume-Uni. Nos deux braves insulaires dante sur ces hauts sommets, les glaciers ne sont pas doivent se contenter de courroies en guise d'étriers. Il aussi nombreux qu'on pourrait se l'imaginer. Mes leur reste cependant une consolation. Si la neige empêche nos mules d'avancer, ils pourront rire de notre compagnons de route m'en donnent la raison les vallées ne sont pas inclinées en pente douce, mais mine déconfite et s'avancer sans crainte sur le blanc des cajons, selon sont coupées par des gradins, tapis, leurs fameux souliers leur servant de raquettes qui séparent les différentes parties leur expression, Nous quittons Las Cuevas en quatre ou cinq é'une même vallée. De plus, ces petites plaines sont groupes d'une dizaine de personnes, chacun sous la très encaissées, car de véritables murailles verticales, conduite de muletiers, qui ont pour principale attriplus ou moins ondulées en forme de tuyau d'orgue, bution d'entretenir l'ardeur de nos nobles coursiers les entourent. Il est donc impossible à la neige de en hurlant sur tous les tons possibles « Mula! » parole s'amasser dans les conditions habituellement requises, magique dont le pouvoir est considérable sur nos et, pendant la traversée, c'est à peine si je remarque bêtes. Je me hâte d'ajouter qu'elle est souvent accomtrois ou quatre moraines véritablement bien formées. pagnée d'un argument frappant, représenté par une Quelque chose aurait manqué à ce tableau si longue et étroite lannière, dont la puissance est sans
nous n'avions vu les maîtres légitimes de ces solitudes glacées je veux dire les condors, au vol majestueux. Ils viennent tournoyer au-dessus de nous en poussant des cris rauques; rien ne remue en euxpendant qu'ils décrivent des cercles qui, sans cesse, vont en se resserrant. Seul leur cou décharné s'agite par moments et se tend en avant, comme si l'oiseau voulait donner un coup de son énorme bec crochu. Par instants, nous traversons de grandes plaques de neige qui, vues de loin, ont toujours le même aspect de moines agenouillés. Les muletiers leur ont donné le nom de nieve penitente. La formation de ces silhouettes est assez curieuse. Quand la neige est fraichement tombée, le vent qui règne toujours sur les hauteurs y creuse de véritables sillons. La partie élevée du sillon fond sous l'action du soleil, tandis que la partie inférieure reste intacte, se gèle sous l'action du froid et prend les formes bizarres que nous voyons. Peu à peu, la vallée de Las Cuevas disparaît au-dessous de nous; encore quelques pas, et nous sommes à la Cumbre. Un vent violent et glacé se fait sentir; aussi ne nous attardonsnous guère à contempler l'affreux trépied en tôle qui décore piteusement la frontière argento-chilienne.
au point de vue pittoresque la transformation est complète les vallées sont beaucoup plus profondes et les montagnes incomparablementplus découpées'et plus accidentées que la veille. Nous arrivons avec satisfaction au fond de la première vallée; mais la joie est de courte durée, car, après un rapide galop en terrain plat, la descente recommence. Pas d'habitations dans ce pays aride; de loin en loin, on rencontre quelques cabanes en pierre, qui servent d'abri aux voyageurs surpris par les tourmentes de neige. On y trouve généralement quelques provisions auxquelles on se garde de toucher hors le cas de nécessité; elles servent, surtout en hiver, aux muletiers chargés du service postal. Pendant six mois de l'année, en effet, le transit est interrompu, les caravanes postales seules fonctionnent. Ces casuchas ont un toit arrondi pour offrir moins de prise à la neige
qui, presque toujours, fait crever les toits plans, même lorsqu'ilssonttrès inclinés. Le second cajon, après la Cumbre, doit être gravi par le Transandino cbileno. au moyen
d'un tunnel en hélice;
quelques sondages ont
déjà été effectués par les ingénieurschiliens. Pendant la descente, nous
côtoyons le
torrent.
Blanc d'écume, il des-
cend la pente rapide,
Devant nous, la
p
r e que verticale, par
des cascades qui se séparent, se rejoignent, se
vue est arrêtée par une gigantesque muraille rougeâtre, sur les cîmes de laquelle le soleil fait resplendir d'un éclat intense la blancheur de la neige, tandis qu'au zénith un ciel sans nuage
quittent à nouveau,
franchissentd'unjet une vingtaine de mètres de hauteur et retombent
sur les rochers qui disSUR LE VERSANT CHILIEN. paraissent sous l'écume. Cette seconde desPhotographie de M. Edward Don. nous couvre de sa coucente franchie, nous voipole au bleu admirable c'est l'inoubliable magie des horizons bleus et rouges à ci à Il Portillo. La vue d'une bâtisse en pierre, portant laquelle nous sommes trop vite arrachés, car la pente le mot (( hôtel gros caractères, fait tressaillir inquiétante que prend l'échine de nos montures nous d'aise nos estomacs affamés. Hélas il faut en rabattre, force à abaisser nos regards. la maison est déserte; jadis elle servait de relais, lorsque La descente est commencée; le sentier (?) suivi le train était moins avancé. Notre guide nous annonce est plutôt raide, car les mules se permettent de temps avec complaisance qu'il y a encore trois échelons de à autre des glissades aussi désagréables que soudaines. cette gigantesque échelle à descendre avant d'arriver C'est le fameux passage des Caracoles. Au-dessous de à Juncal. Cette triste nouvelle est accueillie par un morne silence. Il ne faut rien moins que la vue de la nous, la route serpente jusqu'au fond de la vallée; ses lacets Lagune de l'Inca (2 800 mètres), située dans un site on en compte une quarantaine se perdent merveilleux, pour changer le cours de nos idées et dans l'éloignement, et les caravanes qui nous précèdent prennent des aspects lilliputiens. Seul le cri de nous donner des pensées moins terre-à-terre. Le lac est bordé d'un côté par une agglomération de rochers « Mula 1 traverse l'espace et trouble le silence impoporphyriquescouverts de neige, tandis que, sur l'autre sant de ces montagnes, car la voix du torrent qui, semblable à un filet bleuâtre, roule au fond de la rive, une montagne à pic s'enfonce sous les eaux azuvallée, ne monte pas jusqu'à nous. rées de la Lagune. Pas la moindre végétation, natuDu côté chilien, nous trouvons un changement rellement mais il me semble que la désolation qui règne autour de nous produit un effet plus imposant et notable dans la Cordillère, non pas au point de vue géologique, c'est toujours le même sol volcanique, ajoute encore au grandiose du paysage. Après Il Portillo, la descente reprend. Ici la entrecoupé de granits et parfois de porphyres, mais
en
route se bifurque d'un côté, la route carrossable décrit de gracieux lacets au flanc du cajon, tandis que les mules, fidèles à la tradition, s'engagent dans l'affreux sentier qui, peut-être, servit à San Martin lors de son expédition au Chili, car on est foncièrement conservateur dans ces pays montagneux. Le chemin est effacé de place en place par des avalanches; le cavalier s'éloigne de la verticale et prend des inclinaisons peu rassurantes, mais on passe quand même. Le long du chemin, nous rencontrons quelques masures éventrées par les avalanches ou démolies par les inondations lors de la fonte des neiges. Entre temps, le père franciscain nous donne une belle leçon de charité chrétienne trouvant que sa monture doit être fatiguée de l'avoir porté jusqu'à présent, il fait la route à pied, tirant l'animal par la bride, et la mule, ravie d'une belle aubaine, trottine allègrement derrière
lui.
Nous voici enfin au cinquième cajon. C'est à peine si nous avons le temps d'admirer la belle teinte rouge foncé des montagnes qui nous dominent, teinte encore accentuée par le bleu intense du ciel, car involontairement nos yeux se reportent au-dessous de nous sur une agglomération de maisons où flamboie le mot Juncal. Il semble que la vue de la halte tant désirée impressionne favorablement nos montures, car elles expédient d'un galop furieux les quelque vingt lacets qui nous séparent de l'arrivée. Pendant la course, le muletier nour fait admirer le pic de Juncal, perdu dans les neiges, se dressant au-dessus de la Posada. Après un copieux déjeuner, nous retrouvons les équipages à quatre chevaux de front analogues à ceux du matin. La route descend sans cesse, aussi le véhicule roule-t-il à une allure déréglée. Les tournants se font sans ralentir; d'ailleurs, la disposition même de l'attelage favorise beaucoup la rapidité des évolutions; aux tournants, en effet, le cheval le plus à l'intérieur, le trait d'en relié à l'avant-train par un seul trait dedans, reste sur place et fait pivoter les trois autres chevaux autour de lui. La course s'effectue au milieu d'un nuage de poussière, car il pleut rarement dans ces parages, et, malgré un vent violent, le soleil se fait vivement sentir. La haute vallée de l'Aconcagua, que nous suivons maintenant, est superbe. Le torrent, dont le volume a considérablement augmenté, se précipite
avec une vitesse inouïe au milieu d'amas de rochers; l'eau boueuse perd sa teinte jaunâtre sous des flots d'écume blanche qui jaillit de tous côtés. La verdure fait son apparition sous forme de variétés de mélèzes ou de chênes rabougris; d'énormes cactus brandissent leurs tiges épineuses couvertes de belles fleurs blanches ou roses; le sol est couvert de jacinthes qui émaillent le dessous des arbres de leurs floraisons variées. Les
pâturages. deviennent plus fréquents, et de loin en loin on aperçoit quelques ranchos curieusement nichés dans la verdure. Les chevaux qui vivent dans ces prairies élevées sont très recherchés à cause de leur sûreté de pied vraiment remarquable. La vallée se creuse de plus en plus, et les montagnes qui la ferment se changent en deux murs à pic le long desquels ruissellent de magnifiques cascades. Nous arrivons bientôt au rio Blanco où se trouve la première station télégraphique chilienne. En cet en-
droit, le télégraphe devient aérien; pendant la trav~rsée des Andes, en effet, le câble est enterré pour être à l'abri des avalanches ou des tourmentes de n~ige., si fréquentes dans la Cordillère.
La gracieuse hirondelle des Andes, au plumage blanc et noir, fait ici son apparition et anime la solitude par un vol rapide. La route se transforme en véritable promenade de corniche, surplombant presque l'Aconcagua, dont le lit devient très encaissé. Le torrent bondit de roc e.1 roc, éclabousse la berge de son écume blanche, tournoie sur lui-même dans des vasques plus tranqu¡u,~s, s'élance en grondant sur une barrière d'arbres déracinés qui semble vouloir arrêter sa course vertigineuse l'onde franchit quand même l'obstacle, et, ralentie un instant, repart de plus belle, invisible au milieu d'un tourbillon d'écume. Dans un bois, nous apercevons un campement composé de quatre ou cinq tentes blanches; c'est, paraît-il, la demeure des ingénieurs chargés du tracé de la voie. Ils restent là pendant la belle saison, faisant des ïevés de terrain ou des sondages en vue des travaux futurs, attendant surtout que les fonds arrivent à la caisse de la compagnie. Peu de promeneurs sur la route. Il y a presque plus de gendarmes que de passants; tous les trois ou quatre kilomètres, on en rencontre un qui parcourt tranquillement la route au pas de sa monture. Ces gendarmes chiliens sont d'une politesse que ne désavoueraient pas des hildagos. La moindre question obtient une réponse empressée et correcte. Nous croisons des groupes de pesnes, revêtus de l'indispensable poncho aux rayures vives. Au Chili, ce vêtement est beaucoup plus court qu'en Argentine; en général, ici, il ne descend guère au-dessous des hanches. Ces rares promeneurs nous annonçaient le retour à la civilisation, ou du moins à des chemins plus hospital.'ers. Nous allions en effet terminer notre seconde étape, la plus curieuse, sinon la plus confortable et retrouver des moyens de locomotion plus modernes. EDWARD DON. (A suivre.)
Progrès du canal Empereur-Guillaume (Kiel). L'administration du canal maritime EmpereurGuillaume vient de publier une intéressante notice sur les résultats comparatifs de l'exploitation du canal depuis son ouverture jusqu'à fin juin 1904. Ce document fait ressortir l'accroissementconsidérable du trafic par cette voie, d'année en année. Le nom'ire des navires, qui atteignait à peine 7 ooo pour le premier semestre de 1896, s'est élevé, pour la période correspondante de 1904. au chiffre de i 5 00o environ. Le tonnage des navires ayant utilisé le canal de Kiel pendant le premier semestre de 1896 n'était que de 600000 tonnes. Cette année il atteint 2 200 000 tonnes. Ces chiffres donnent une idée du développement futur qu'il est appelé à prendre. On"sait, en outre, que ce canal est fréquemment utilisé par la marine de guerre allemande et qu'il permettrait, en cas de con flit, une jonction rapide des flottes de la Baltique et de la mer du Nord, en vue d'une action commune.
sanatoriaom, où les soldats et les fonctionnaires anglais,
Le Présent et l'Avenir de 'w eÏ- haÏ-weÏ. p
ORT ARTHUR, Weï-haï-weï,
Kiao-tchéouforment le trio
épuisés par le climat de Singapour, de Hong-kong ou de Chang-haï, peuvent rétablir leur santé. Pour opérer du jour au lendemain cette métamorphose, il avait suffi d'une conversation de quelques minutes entre M. de Bulow et l'ambassadeur d'Angleterre à Berlin. L'empereur Guillaume Il, qui avait jeté son dévolu sur la province de Chan-toung, ne voulait pas qu'une forteresse britannique s'élevât dans le voisinage de Kiao-tchéou, la future capitale de la Chine allemande. Le Gouvernementde Londres s'inclina de bonne grâce devant les prétentions d'un souverain qui était à cette époque-là le plus fidèle ami de la Grande-Bretagne, et il fut convenu que les fortifications de Weï-haï-weï resteraient inachevées et que les Anglais ne construiraient aucun chemin de fer dans la plus riche et la plus grande des provinces du nord du Céleste-Empire. Si elle abandonnait ses pré-
de villes où, après la guerre sino-japonaise de 1894, s'installèrent et se fortifièrent la Russie, l'Angleterre et l'Allemagne, au front de l'Empire chinois. Port-Arthur, qui a déjà un passé, est en train d'écrire son histoire à coups de canon. Que vaut Weï-haï-weï en face de sa sœur glorieuse? Il y eut une explosion d'orgueil en Angleterre lorsque le Gouvernement annonça aux deux Chambres que le drapeau tentions sur le Chan-toung britannique flottait sur le qui ne compte pas moins port chinois. Le public ande trente-trois millions glais ne savait pas au juste d'habitants et a eu la gloire où il se trouvait, mais il se d'être la patrie de Confufélicitait cependant d'une cius, l'Angleterre se réserconquête qui avait le mérite vait d'avoir les mains libres de n'avoir rien coûté. dans la vallée du Yang-tsé. Une étude plus approAujourd'hui, sur la fondie surexcita ce premier petite île de Liou-toung, qui enthousiasme. Weï-haï-weï commande l'entrée du port, devait être le Port-Arthur s'élèvent des forts sans aret le Kiao-tchéou de l'Antillerie, une petite caserne gleterre. Admirablement situé pour surveiller en pour les marins, un hôpital et un dépôt de charbon. même temps le point terAjoutons enfin un hôtel minus du Transsibérien, la européen et un certain nomcôte de la Corée, l'entrée du bre d'appartements plus ou golfe de Petchili et l'emmoins meublés que des probouchure du Pei-ho, le noupriétaires chinois tiennent veau Gibraltar paraissait à la disposition des voyadestiné à devenir une des forteresses maritimes les geurs. Sur la terre ferme, en plus importantes du globe. face de l'île, on voit le paA peine installés dans la LA MER JAUNE ET LES TROIS PORTS DE PORT-ARTHUR, ~VEl-HAÏ-NE1, lais du gouverneur, une place, les Anglais entrepriKIAO-TCHÉOU. école anglaise pour les petits rent des travaux de fortification, construis~rent une jetée dans le port, qu'ils apgarçons, un hôtel monumental, où les fonctionnaires pelèrent Port-Edward et tracèrent les plans du chemin et les gros commerçants de Chang-haï et de Hongkong viennent passer les mois les plus chauds de de fer qui devait s'enfoncer dans la province de Chanl'été et enfin la caserne où est installé le le" régiment toung. et ce fut tout. d'infanterie chinoise au service de l'Angleterre. Bien Les forts construits suivant toutes les règles de habillés, bien nourris, bien payés, ces sujets du Fils la science moderne attendent encore leurs canons; le du Ciel, enrôlés sous les drapeaux britanniques, font port militaire, où dix cuirassés de premier rang des économies sur leur solde et protègent les popudevaient trouver un refuge inviolable, estresté à l'état lations indigènes au lieu de les piller, comme l'exide projet, et la voie ferrée, qui devait apporter dans la geraient les mceurs et les traditions militaires du nouvelle possession britannique les marchandises de Céleste-Empire. l'une des plus fertiles régions de la Chine, n'existe que Toute la ville, qui se serait appeléePort-Edward sur le papier. si elle avait pris une extension sérieuse, se réduit, en La diplomatie fait parfois des miracles. Une possession, dont le Gouvernementanglais et les joursomme, à la résidence du gouverneur, une école, un hôtel, une caserne et à un très petit nombre de naux qui reçoivent les inspirations du Foreign Office maisons. célébraient à l'envi les avantages stratégiques et commerciaux, a, du jour aulendemain, perdutous ses De l'autre côté des champs de parade, où le régimérites et brusquement cessé d'être un des points les ment chinois s'initie sans conviction et sans entrain plus importants du globe, pour n'être plus qu'un simple aux secrets de la manoeuvre européenne, s'élève 13
ville indigène, assez peu intéressante, de Weï-haï-weï. La civilisation britannique n'a apporté à la province de Chan-toung qu'un seul indiscutable bienfait les Anglais ont fait de la propreté une vertu obliga-
toire.
Un écrivain chinois, ami de l'Angleterre, nous apprend dans la Forfni$htly Review que la condition
des classes agricoles s'est très sensiblement améliorée dans la portion de la province de Chan-toung soumise au protectorat britannique. Lespaysans chinois, étant à l'abri des dévastations exercées par les brigands et par les soldats réguliers du Céleste-Empire,ont renoncé à vivre dans de misérables huttes de terre et ont construit des maisons de pierre, le long de la route de 64 kilomètres qui traverse la possession britannique. Déjà les industriels et les commerçants japonais se sont abattus sur un pays mis en valeur par le travail des agriculteurs chinois. A Weï-haï-weï ce sont des sujets du mikado qui vendent des marchandises à très bcn marché et exploitent des établissements de bains sulfureux, très fréquentés par les indigènes. Ce sont également des bateaux japonais qui font le service du cabotage. Un avenir commercial à peu près illimité s'ouvrirait pour le nouveau port de mer où s'est installée l'Angleterre, si un chemin de fer le mettait en communication avec l'intérieur de laprovince de Chan-toung, qui ne compte pas moins de deux cents vingt et un habitants par kilomètre carré, et est par conséquent trois fois plus peuplée que la France. Le port voisin de Tché-fou-hien se développe avec une très grande rapidité, bien qu'il se trouve dans les conditions les plus défavorables, et le vide se fait à l'ombre du drapeau allemand dans le port de Kiaotchéou. Pour éviter les droits exorbitants que prélèvent les douaniers de l'empereur Guillaume, les jonques chinoises, venues de Hong-kong, préfèrent doubler la presqu'île du Chan-toung et déposer ensuite leur chargement à Weï-haï-weï. Taï Fou, qui est un mandarin très lettré, car il écrit des articles en anglais dans la Fortv~igbtlyReviez; ne peut s'expliquer l'indifférence du Gouvernement britannique. Le chemin de fer, qui traverse un des pays les plus peuplés du globe, serait construit par une compagnie privée qui n'exigerait aucune subvention du trésor public de la métropole. Les ingénieurs officiels ont évalué à cinquante millions de francs les frais de construction d'un port fortifié, où dix navires cuirassés de premier rang pourraient trouver refuge; mais l'écrivain anglo-chinois invoque le témoignage d'un homme du métier qui, moyennant une somme de sixou sept millions, se chargeraitd'exécuter ce travail et d'assurer ainsi aux escadres britanniques la base d'opérationsdont elles auraient besoin dans le golfe de Petchili. Au dire du savant mandarin, qui parait plus préoccupé de la grandeur de l'Angleterre que de la sécurité de sa propre patrie, il eût suffi au Gouvernement de Londres de prélever, au profit de Weï-haï-weï, une très faible part des quarante-deux millions affectés par le budget de cette année aux travaux du port militaire de Hong-kong, beaucoup trop éloigné des eaux de la Corée et du Japon, où se jouera la grande partie qui décidera du sort de l'Extrême-Orient. Le mandarin anglo-chinois voudrait encore qu'au lieu d'entretenir
à Tien-tsin une garnison paralysée par la présence de
troupes internationales supérieures en nombre, la G:~ande-Bretagne tînt concentrées Weï-haï-weï toutes les forces dont elle peut disposer dans l'est de l'Asie. Ces conseils sont fort judicieux sans doute, mais ils arrivent trop tard. A l'époque où M. Balfour a pris envers l'Allemagne l'engagement de ne pas armer les forts de Weï-haï-weï, de ne pas construire de chemin de fer et de transformer en simple station sanitaire une place d'armes qui, suivant le projet de lord Salisbury, devait commander les mers de la Chine, personne ne se doutait du remaniement qui allait, à bref délai, s'opérer sur l'échiquier des grandes puissances. Rien ne faisait prévoir la guerre entre le Japon et la Russie, ni le rapprochement entre la France et l'Angleterre. La qaestion de l'Extrême-Orient paraissait facile à résoudre par un accord entre l'Allemagne, qui s'était réservée la province de Chan-toung pour sa part dans les dépouilles du Céleste-Empire, et l'Angleterre, qui avait jeté son dévolu sur la vallée du Yang-tsé. C. LABADIE-LAGftAVE.
Arts et Métiers de l'Indo--Ghine. LES encouragementsque M. Beau, gouverneur général de l'Indo-Chine, ne cesse, après M. Doumer, de prodiguer aux industries indigènes de notre colonie nous amènent à examiner sommairement la nature et la valeur de ces industries. La Q,uin,~ainecoloniale nous offre à cet égard des renseignements précieux. Broderie, fabrication des meubles, sculpture sur bois, fonderie et martelage de bronze, enluminure, tels sont les principaux métiers auxquels se livrent nos protégés d'Extrême-Orient. La broderie tonkinoise possède d'habilesartisans, traitant le coton, la laine et la soie. Le travail sur le coton et la laine se complique de galonnage, de soutachage, de pailletage et de découpages. Ses produits sont notamment destinés à la confection des pavillons, bann:ères, étendards, dais, etc., dont les bouddhistes font un si grand usage dans les cérémonies. On en faitaussi l'ornementdesautels familiaux ou des pagodes. Dans l'intérieur de l'habitation, ils servent, plus ptosaïquement, à l'ornementation du cadre supérieur des moustiquaires. La broderie de soie est entre les mains de véritablesartistes; ils exécutent des coussins, des panneaux, des paravents, des dessus de tables et de
lits, des dos de pianos, des portières, etc. Les fonds sont variés, mais les plus fréquents sont le jaune paille, le jaune crème et le rouge grenat. La broderie représente soit des scènes animées, soit plutôt des paysages ou encore des tracés purement décoratifs. Avec fermeté, sans violences de tons et avec de délicieuses dégradations de coloris, leurs auteurs ont traité des compositions, très heureusement ordonnées, de dragons, d'oiseaux, d'insectes, de fleurs, de pantes, d'eaux et de pagodes ou de processions
ritue~les. Dans le genre uniquement décoratif, on
trouve des grotesques, des sentences en caractères
chinois et plus souvent encore des grecques dont la délinéation a peut-être ici son origine. Le mobilier annamite fait le plus heureux emploi des bois diaprés d'éclats irisés de nacre, sans que jamais le chatoiement empêche de discerner les figurations représentées. L'ébéniste incrusteur, qui traite d'ailleurs beaudont la teinte rougeâtre rappelle coup plus le go celle de notre poirier que l'ébène, tient à travailler des pièces dont la durée ne sera pas éphémère; avec de très vieux bois, il confectionne des meubles confortables, solides et toujours moins étranges pour nous que les meubles de Chine et du Japon. Cette industrie d'art, toute nationale, comprend aussi bien le fabricant d'enseignes que celui de bibe-
à des enfants la répétition indéfinie du même poisson, du même tigre, de la même scène; l'exécution de ces enluminures est par suite enlevée avec un brio qui n'est plus qu'un tour de force de dextérité, mais qui
n'a qu'un rapport très éloigné avec l'art de l'aquarelle ou de la gouache dont elle procède. Sous la domination annamite, défrayés de tous soucis de leur existence et installés chez le mandarin, les artistes pouvaient se livrer en toute sécurité à l'élaboration de leurs longs travaux. Aujourd'hui les difficultés matérielles les ont trop souvent astreints à faire de leur art un métier. Il appartient au Gouverne-
ment général de remettre les choses au point et de dégager les vrais artistes des préoccupations qui entravent leur talent et leur goût.
lots, celui de meubles que celui de pipes à eau; la gravure sur nacre est une de ses branches; on peut lui rattacher aussi la sculpture sur nacre et sur écaille, par laquelle certains artistes annamites reproduisent, en
genre camée, des portraits photographiques réussis. Les échoppes des sculpteurs sur bois ont conservé une grande activité. C'est que leur production trouve toujours un écoulement assuré avec les emblèmes divers qui s'accumulent dans les pagodes et dont le fini délicat est trop souvent empâté par la laque. Le dur go s'emploie aussi aux travaux d'ornementation des pagodes, mais plus particulièrementà l'ornementationdes habitations et du mobilier de luxe. Sur la seule indication de la destination d'un objet d'usage européen, l'artiste annamite trouve facilement une adaptation très satisfaisante, et même pleine de cachet, du style du pays. Les cartons des sculpteurs sont curieux à ce point de vue; ils montrent l'aisance avec laquelle ces ouvriers ont su trouver d'heureuses appropriations.
La menuiserie et même la charpente s'agrémen-
tent de sculptures; ce sont, au moins, des grecques pour le châssis des tables et pour les faces vues des poutres; l'extrémité de ces dernières se termine habituellement en tête de dragon. Les vieilles pièces d'art, en bronze, en cuivre ou étain martelé, montrent que les fondeurs et les repousseurs ont possédé d'habiles maîtres; mais les produits actuels prouvent que le goût des beaux ouvrages s'est bien atténué. Dans le bronze, on ne livre guère maintenant que des surmoulages qui ont perdu toute finesse de modelé et dont les parties saillantes sont faites de
Les Étudiants américains à
l't.tranger.
IL est établi que c'est
la science allemande qui a le
plus contribué à préparer l'essor magnifique qu'à pris, en notre temps, la science américaine. Ce sont les universités d'outre-Rhinqui servirent de séminaires à la plupart des maîtres et professeurs de la jeune Amérique, avec ses innombrables collèges, académies, universités dont elle est si justement fière. Il résulte, toutefois, des dernières statistiques, que la situation se modifie assez sensiblement depuis quelques années. Les ressources des établissements américains sont maintenant assez considérables pour retenir' at ho-me nombre de jeunes gens qui, autrefois, auraient été obligés de se rendre à l'étranger. En second lieu, on s'est mis, en Amérique, à aller étudier en Angleterre; en Autriche, en France autant de concurrents pour l'Allemagne. Enfin, le grade allemand de docteur en philosophie a paru être souvent octroyé dans des circonstances qui excitent quelque défiance à l'endroit de sa valeur intrinsèque. Ce sont là du moins, les explications que la Nation de New York, dans un récent numéro, fournit des statistiques relatives au nombre actuel des étudiants américains dans la savante Allemagne.
pièces de rapport grossièrement rivées ou soudées à
l'étain d'une manière apparente; de bons praticiens existent encore, mais les artistes se font rares. Dans le cuivre et l'étain, le battage au marteau n'aborde plus que des formes simples, les artisans lui
préfèrent la facile décoration géométrique obtenue au poinçon et au burin. La niellure d'argent cependant est plutôt en voie de progrès. Les procédés de patinage sont encore très répandus et il reste aussi quelques élèves des émailleurs chinois de Hoï-hao (Haïnan). Les enlumineurs ont perdu toute invention, ils se bornent à reproduire machinalement une même série de kakémonos dont ils n'ont même plus besoin de tracer un poncif; beaucoup d'entre eux abandonnent
Carl Ribhe.
Zmei Jabre
vol.
unter den Kannibalen der Sa-
lomo-Inseln. illustré de cartes et gravures. Librairie Hermann Beyer, Dresde.
CES deux années passées chez les Cannibales des îles Salo-
mon ont été admirablement remplies. M. Carl Ribhe a dépeint avec art les paysages parcourus, étudié en linguiste l'idiome des indigènes, en savant et en observateur sagace l'ethnographieet les moeurs de contrées mal connues jusqu'ici. De nombreuses illustrationsagrémentent ce texte des planches et des cartes complètent les renseignements.Un index alphabétiquepermetde trouver, dans cette petite encyclopédie des îles Salomon, les points qui intéressent particulièrement le lecteur.
Le Tachéographe LE
Tachéograpbe Schraderremplace toute la série d'opérations usitées jusqu'ici dans le levé, le calcul et la construction
des plans ou cartes par une seule opération, celle de la visée, dont le résultat en planimétrie se lit instantanément et se trace automatiquement sur la surface plane destinée à recevoir le plan à une échelle déterminée,pendant que la différence de niveau s'obtient par une lecture directe. Il élimine par cette opération automatique et instantanée toutes les pertes de temps, toutes les possibilitésd'erreurs ou d'inexactitudes que comporte le système de notations, de calculs et de construction actuellement en usage. Principe du Tachéographe. Tout rayon visuel dirigé vers un point de l'espace peut être considéré comme l'hypoténuse d'un triangle rectangle situé dans le plan vertical passant par le point de station et le point visé, les deux autres côtés de ce triangle étant respectivement représentés par une verticale (différence de niveau) et une horizontale (distance en planimétrie). L'opération du levé consiste dans la détermination de la direction et de la longueur du rayon visuel, de la relation des deux côtés vertical et horizontal, et dans le rapport, sur une surface correspondant à la surface terrestre, de la distance horizontale à une échelle déterminée. Ces quatre éléments primitifs de toute construction géographique rayon visuel, horizontale, verticale et rapport d'échelle, sont directement matérialisés dans le Tachéographe et dans sa mire, et lié's de telle sorte que leurs relations demeurenttoujours proportionnelles à celles du triangle rectangle produit par la visée. De la sorte, l'instrument opère automatiquement, par le seul fait de cette visée, les réductions, calculs ou constructions qui aboutissent à la lecture de la distance horizontale et de la différenee verticale et au tracé instantané du point visé. Descriptiovz de finstruvzzent.
Le
Tachéographe se compose d'une lunette, susceptible de prendre diverses inclinaisons, et mobile autour d'un axe-broche vertical, vissé au centre du plateau. Ce plateau, sur lequel se fixe la feuille destinée au levé, repose sur un trépied, par l'intermédiaired'une couronne à trois vis volantes, permettant la mise de niveau. La lunette grossit quinze fois environ. Son objectif est fixé sur un coulant, mobile dans le corps de la lunette, pour la mise au point. Cette mise au point, d'ailleurs, n'incombe pas à l'opérateur elle est faite automatiquement par un mécanisme réglé, une fois pour toutes, par construction. Le réticule, dans le plan duquel vient se former l'image de la mire et de ses voyants, est composé de deux parties l'une fixe, l'autre mobile. La partie fixe se compose 10 d'un trait horizontal au milieu du champ; 20 d'un trait vertical, situé à 4 millir. Voir page 304.
Conseils aux Voyageurs », 19°4,
Schraderl.
mètres de l'axe, à gauche; c'est ce trait qui sert à bissecter le voyant placé audessus du point à déterminer; 3o d'un trait vertical interrompu, à 8 millimètres du premier. La partie mobile se ~ompose de deux traits verticaux. La glace sur laquelle sont gravés ces deux traits est fixée à demeure sur un chariot qui en assure le déplacement rectiligne, perpendiculaire-
que, qui pénètre à refus dans le trou pratiqué à l'extrémité d'un fort ressort horizontal fixé sous l'instrument. Ce boîtier peut se fixer en un point quelconque, et une vis, manœuvrée de la main gauche, permet de faire avec précision les petits mouvements angulaires nécessaires pour parachever le pointé. Le plateau est divisé en grades, et le vernier donnant le demi-dixième de grade permet l'estime des centigrades. ment à l'axe optique de la lunette. Ce chariot, sollicité par deux longs La lunette est mobile verticalement s'appuie à boudin liants, deux tourillons horizontaux, dont les très ressorts sur constamment sur une carne en acier paliers font corps avec le bâti de l'instrutrempé, qui traverse la boîte du réticule, ment. Un levier-rappel à ressort peut être et peut se déplacer parallèlement à l'axe immobilisé par la vis en un point quelconde la lunette. que, et une vis butée, se manoeuvrant de L'appui du chariot sur la came a la main droite, permet de déterminer la lieu par l'arête vive d'un couteau à angle visée. Un limbe divisé en grades et un droit en acier trempé dur. D'autre part, vernier en demi-dixièmes servent à mela came est appuyée par son côté rectiligne surer les déplacements angulaires de la sur l'extrémité trempée d'une vis en acier. lunette. Ainsi donc, les ressorts appuient le Dans l'opération de visée, le voyant, chariot mobile sur la came, et celle-ci, qui apparaît à gauche dans l'image renarticulée à son extrémité, s'appuie à son versée, est destiné à coïncider avec le tour sur la vis butée. C'est par le dépla- trait fixe du réticule micrométrique les cement longitudinal de la came qu'on deux autres' voyants sont destinés à coïnfait mouvoir le chariot, et par suite les cider' avec deux traits mobiles du même réticule. deux traits mobiles. La came est articulée à son extréLe trait horizontal du réticule, situé mité antérieure sur un coulisseau mobile dans le plan de l'axe optique de la lunette, dans une coulisse. Celle-:i' fait corps avec a pour fonction de couper par la moitié la la lunette, et assure le mouvement recti- règle horizontale de la mire, indiquant ligne de la came, toujours parallèlement ainsi que l'axe optique de la lunette est à l'axe optique de la lunette. dirigé vers la partie médiane de cette règle. Chacun des traits verticaux a une Le coulisseau de came est embroché par un axe à un second coulisseau, verti- fonction spéciale correspondant à un des cal celui-ci, se mouvant frottement trois voyants de la mire. Le trait fixe, vidoux et sans jeu dans la rainure verticale sible dans la partie de gauche du champ visuel, doit bissecter le voyant qui appad'une équerre. Le côté horizontal de cette équerre rait à gauche dans l'image renversée. Le glisse dans une coulisse horizontale pra- trait correspond au second voyant et sert tiquée dans le bâti de l'instrument. La pour les petites distances (20 à 50 m au coulisse est parallèle au plan vertical pas- J /IOOOe) j le trait correspond au troisième sant par l'axe optique. voyant et correspond, à la même échelle, Ainsi, la came et l'équerre sont aux distances de 50 mètres et au delà. Le liées mécaniquement; et, quelle que soit point où l'opérateur doit cesser de se serla position de la lunette horizontale ou vir de l'un des fils pour prendre l'autre inclinée, le déplacement lorgitudinal de lui est indiqué par le trait interrompu du l'équerre entraine celui de la came et par réticule. suite fait varier l'écartem~nt entre le trait La coïncidence des traits et des voyants étant obtenue, on imprime un fixe et les traits mobiles du réticule. Les déplacemeutslongitudinaux de mouvement tournant au crayon du tral'équerre sont mesurés nu r.-ioyen d'une çoir, taillé avec un léger décentrage, ou division en millimètres et d'un vernier en au stylet traçant, si l'on opère sur le médemi-dixièmes de millimètre. tal (le décentrage du crayon a pour but L'axe embrochant les deux coulis- de lui faire tracer, sur le disque en paseaux est dans le plan de l'axe optique; pier, un très petit cercle dont le centre, il coïncide à la fois avec le zéro de la demeuré blanc, indique avec un maxidouble division tracée sur le montant mum d'exactitude la position en planivertical de l''équerre, et avec celui du dou- métrie du point visé). Cette position peut ble vernier tracé sur le coulisseau. se lire en même temps en distance du Le traçoir ou pcinteur fixé sur centre de l'instrument, sur la règle hol'équerre est à la fois sur le prolonge- rizontale, tandis que la différence de niment de cet axe et dans le plan vertical veau se lit sur la règle verticale. Les différences de niveau seront passant par le centre du plateau. Ce poininscrites déplace suivant ad libitum sur le disque horizonteur se donc un rayon. L'instrument tout entier tourne au- tal ou sur un carnet, où elles seront actour de l'axe-broche vissé au centre du compagnées du même numéro d'ordre plateau, sur le pourtour duquel glisse, à que le point auquel elles se rapportent. frottement doux, un boîtier-vernier. CeluiL'instrument permet aussi la déterci est relié à l'instrument par une bielle mination et l'inscription directe des courdont l'extrémité porte une goupille coni- bes de niveau.
j
Une Visite à Pompéi. Le Vésuve a
tout récem~saent fait ~arler de lui l'inquiétante montagne exbalait une fois de j~lus le feu et la mort.
Un de nos correspondants, de ~assa~e dans les lieux que le volcan dévasta jadis, fit à Pomj~éi une visite d'où il a rapporte une pittoresque évocation du ~assé. Le souvenir de la Martinique et de Saint-Pierre anéanti est asse,~ nexcf pour faire naître en nous une association d'idées qui augnaznte notre émotion. LORS d'une récente excursion, je me dirigeais vers les
ruines de Pompéi, précédédu ciceroneinexorable qui vous conquiert à la sortie du train. Je craignais d'être déçu au cours de ma visite. Mais, non Pompéi tient largement ses promesses. Devant ses portiques effondrés, ses villas sans toits et qui paraissent rasées, l'ombre se dresse, multiple, de la vie humaine bru-
publique aux temps pompéiens, il faut avoir Visité à Naples la Strada Tribunali, la rue des vendeurs ambulants. Ici régna la même exubérance, la même agitation. Seuls, de petits lézards silencieux et prestes, derniers hôtes de la cité se pourchassent maintenant au long des arcades qui
entendirent, il
y
a deux mille
ans, les vociférations et le tumulted'un mar-
ché latin en
plein air. Chaque arcade abrite une mi-
talement tranchée. Voici les
ornières des
nuscule échop-
chars, profon-
pe, et chacune
dément em-
de ces boutiques redit clairement le mé-
preintesaupavé des rues; voici les abreuvoirs
tierde celui qui
publics où buvint, le 23 novaient les chevembre79,pour la dernière fois vaux, et la cons'asseoir à son duite de plomb qui répartissait travail quotiPOMPÉI. LE TEMPLE DE JUPITER, A l'eau dans la dien. C'étaient ville. Voici des des potiers racPhotographie communiquée par le Comte de Ségur. thermesintacts, commodant les des hôtels, des échoppes, et des temples, et des palais amphores au cliquetis joyeux de leurs petits marentiers, qui s'étonnent d'être abandonnés. Dans un resteaux c'étaient des fruitières criant leurs légumes de la même voix nasillarde et fausse, sans doute, taurant, où le comptoir de pierre porte la marque creusée des amphores de vin, des inscriptionslatines que les padulani napolitains de nos jours. invitent le passant à sacrifier à Bacchus. Aux murs Sous la voûte fraîche de la Porta Marina, des s'étalent de grossières figures en couleur sans doute cordonniers vantaient à qui mieux mieux la finesse et la qualité de leurs sandales. Et, courant d'un groupe à nous avons devant nous les habitués du lieu. Les buveurs sont habillés de la toge on distingue la coupe, l'autre, riant au soleil torride, au Vésuve qui fumait l'attache, les plis du vêtementromain. Voici le Forum. dans l'air tiède, des enfants nus et sales jouaient, C'est un vaste quadrilatère, dominé par un temple s'ébattaient, mendiaient et vociféraient, comme les consacré à Jupiter. Pour imaginer ce foyer de la vie vaga.~xi qui grouillent aujourd'hui sur les marches de A
TRAVERS LE MONDE.
q. je
uv.
No
4.
22 Octobre ~go4.
San Giovanni Maggiore. Des fresques, découvertes dans les maisons avoisinant le Forum, nous gardent le reflet de ces scènes diverses. Elles nous montrent, entouré d'une troupe de gamins, de vendeurs ambulants, d'es-
claves, l'image familière du rôtisseur penché sur son fourneau fumant, fort semblable au marchand de soupe aux tomates, auquel sur la Piazza Cavour l'ouvrier vient acheter pour un soldo le droit de tremper son pain sec dans la sauce épaisse. Nous y voyons le Macellum, ou marché au poisson, qui se tenait à l'angle nord-est du Forum. Les bateliers chargés du produit de leur pêche entraient dans la ville par la Porta Marina, qui était toute proche du rivage en ce temps où la mer ne s'était point encore retirée. Dans les cendres accumulées autour de la Porte gisaient des monceaux d'écailles desséchées. Près de là était l'étal des bouchers. Des parcs à bestiaux en font foi, et toujours les inscriptions, les peintures barbouillées sur la pierre. Combien elles sont éloquentes ces grossières peintures; et quelle orgie de couleurs, quelle symphonie d'Õdeurs violentes et lointaines, de sons et de discordances oubliées s'exhalent de ce Forum à les
contempler! Que de passions et que de vices elles évoquent aussi L'âpreté au gain tient la première place. M~rchands, ils l'étaient avant tout, ces Pompéiens. Ils mettaient autant de coeur au commerce qu'ils en mettaient au plaisir. Lascrur~a gaudiuna liton, griffonné maintes fois aux murs des échoppes. Sur le seuil de la demeure d'un certain Siricus, trafi~ quant en soieries, deux mots sont gravés, qui ont survécu
Salve, lucrun2! Certes, le commerce ne chômait guère sur la rive Iatine. L'on troquait contre
les marchandises précieuses d'Alexandrie, du Levant,
les produits de Nola et de Nocera. Pompéi recevait avec les richesses de l'Orient les trésors de son art et de son industrie. De cet échange constant lui venait son or, et lui venaient ses vices. Vénus, protectrice de la cité, y régna vraiment en souveraine. Certain Pompéien vertueux, sans doute hébreu ou chrétien, -épouvanté par tant de corruption, traça un jour sur une porte ces mots indignés Sodomah-Gor~torrah! Anathème ou prophétie, la parole glissa sans les remuer sur ses concitoyens. Mais elle nous renseigne étrangement sur l'âme de ce peuple sensuel et cupide, raffiné par delà la décadence, combinant mal les rudes qualités qu'il tenait de ses ancêtres Samnites avec la grâce alanguie des Grecs dégénérés qui peu à peu le formèrent à leur image. Passions, débauche, désirs satisfaits et inassouvis, la catastrophe a tout anéanti,
pour tout, préserver. Pompéi violé nous livre ses secrets. Et nous nous plaisons à les déchiffrer sous le soleil qui, de nouveau, éclaire et chauffe ses rues désertes où le vent de mer s'engouffre par bouffées. Et d'abord, voulons-nous imaginer quelle fut, de cette vie intense qui s'agita sur Ies bords fleuris du Sarno, l'affreuse agonie? Il y a mieux que les récits de Pline, et que les inventions de lord Lytton. Il y a les squelettes que les fouilles ont exhumés et qui vont nous redire les angoisse de cette heure suprême. C'est une sentinelle surprise dans sa guérite, une main sur la bouche et l'autre sur sa'lance; c'est un prisonnier qu'on tira de sa cellule, les mains liées encore par des fers; c'est la famille de Diomède, dix-sept morts qui gisaientdans une cave II y a quelque chose de plus dra-
matique encore. Un jour, en déblayant une petite rue, l'on aperçut sous un amas de débris un espace vide où des ossements luisaient. On versa du plâtre dans le creux, on détacha la croûte de pierre ponce et de cendre durcie qui couvrait les corps. Quatre cadavres furent ainsi extraits, qui sont exposés dans le musée de Pompéi. Ce ne sont pas des squelettes, ce ne sont pas des moulages ce sont des corps humains vêtus d'une robe de plâtre et de cendres. Le pli flottant des tuniques a fixé la convulsion dernière des muscles raidis. Souvent les os percent la peau. Les momies d'Égypte ne sont qu'endormies; elles reposent souriantes dans une attitude hiératique qui n'est qu'une contrefaçon de la mort. Les Pompéiens exhumés refont pour nous les gestes de leur agonie; pour nous ils jouent éternellement la tragédie de leur mort. Ils la jouent différemment, chacun suivant son caractère. Le premier est un homme de grande taille, peut-être un athlète. Il s'est étendu sur le dos pour expirer; il a pu allonger ses jambes et ses bras. L'os d'un de ses doigts porte un anneau de fer; sa bouche est ouverte et comme prête à crier. Pourtant quelque chose de résolu dans son geste nous dit qu'il mourut sans gémir, qu'il tomba intrépide au milieu des ruines. Près de lui git le cadavre d'une femme. On trouva à ses côtés quatrevingt-onze pièces de monnaio, deux vases d'argent, une clé, des bijoux. Elle fuyait, emportant ces objets précieux, lorsqu'elle s'abattit dans la petite rue. Elle est couchée sur le côté gauche. L'un de ses bras se lève et se tord, la main est crispée, on dira-t que les ongles sont entrés dans la chair. Son histoire est évidente: surprise par le désastre, elle voulut emporter ses joyaux, perdit du temps à les rassembler, se sauva trop tard. Et il me souvient en la regardant de ces religieuses de Torre del Greco qui périrent brûlées vives lors de l'éruption de 1764. Des torrents de lave roulaient vers le couvent, la campagne était en feu, et à la cime de la montagne, le pin-parasolde fumée et de flamme, démon des éruptions, dansait sur le cratère. PourtlOt elles balançaient à fuir; elles couraient de ci, de là; elles cherchaient leurs confitures. Quand elles les trouvèrent, le Vésuve était à.leur porte.
.Veut-on maintenant se détourner de ces morts
et respirer un peu d'art pompéien? Il faut d'abord visiter les salles du musée de Naples. Elles contiennent la majeure partie des richesses découvertes. Ce sont des mosaïques fraîches comme des peintures, des vases de bronze plaqués d'argent, ciselés précieusement, des bijoux d'oretd'émail, etdescamées sans nombre, etdes fresques et des statuettes gracieuses comme celles de Tanagra. Parmi ces dernières, voici l'une des plus exquises. Elle figure un jeune homme nu, d'une beauté svelte, élancée, souple et fine avec un air de mélancolie et de langueur. Ses cheveux bouclés sont retenus par un rameau courbe où le myrte attache ses baies légères, ses pieds sont chaussés ou plutôt ornés de sandales délicates où les tiges d'une fleur serpentent et s'enroulent. Une peau de chèvre pend à son épaule; l'une de ses mains s'appuie sur sa hanche, et l'autre, de son index effilé, désigne un point de l'horizon. Le visage s'incline avec une moue singulière, qui peut être de l'humeur ou de la complaisance, l'oreille est tendue, tout le corps s'infléchit, il écoute. Narcisse entend au loin la nymphe Écho.
L'on regrette secrètement que ces objets d'art merveilleux aient été arrachés des demeures qu'ils servaient à embellir. Les morts aiment à hanter leur pénates, et je pense qu'une parcelle de leur âme reste attachée à leurs bibelots favoris, aux œuvres d'art qui réjouirent leurs yeux. Dispersées, elles gardent leur valeur, mais elles perdent leur individualité; entassées, elles nous fatiguent. Et c'est pourquoi les rares maisons pompéiennes qu'on a respectées nous parlent un langage plus intime que ne font les trésors rassemblés au musée de Naples. Entre autres, cette charmante villa dite des Vettii, qui vient d'être mise au jour. Un péristyle harmonieux enceint une cour centrale ou mieux un jardin, et là des statuettes enfantines se penchent sur les rosiers refleuris, un impluvium de marbre blanc s'ouvre sous le ciel pur. Tout
autour du
ristyle,
à cette époque où il nous apparaît si délicieusement teinté d'hellénisme. Et Pompéi n'était qu'une cité de troisième ou de quatrième ordre, inférieure à Baïes, inférieure même, assure-t-on, à Herculanum. Elle ne connut point les meilleurs artistes ceux-ci travaillaient à Rome, à Ostie. Il y a plus la plupart de ces tableaux, que nous prenons pour des oeuvres de maîtres, ne sont autre chose que des imitations, des répliques. On en a trouvé plusieurs qui sont évidemment inspirés d'un modèle commun. Témoin ces quatre fresques qui représentent Argus surveillant la génisse Io, témoin celle, deux fois répétée, de Persée et d'Andromède. Donc il existait de ces divers sujets un tableau-typeque l'on s'ingéniait à reproduire en le modifiantl peine. Ce chef-d'œuvre, nous ne le possédons pas; nous n'en avons ici que les copies multiples. Ce qui nous surprend, ce n'est pas que la peinture produisît à Rome, au coeur de
l'empire,
des œuvres plus admirables que
pé-
des
fresques luisent dans l'ombre des arcades aux murs des cubicula, du triclinium, de l'exedra et des couloirs qui relient, ces pièces,
dans une pro-
vince éloignéè:
c'est au contraire que des artistes locaux, des inconnus,
eussent atteint cette perfection de coloris,
c'est
de vie, de détail. Je vois là une manifestation nouvelle de ce goût du beau que les
une procession d'Éros voltigeant en nuées légères, groupés en guirlandes, et qui folâtrent, et qui s'ébattent le
carquois au
VILLA DITE DES VETTII. LE PÉRISTYLE.
tèrent
Photographie communiquée par le Comte de Ségur.
côté. Ceux-ci, lancent à la poursuite de biches et de daims bondissants ceux-là ont des ailes aux pieds et s'exercent entre eux à la perchés sur des chars rapides,
Latins emprun-
se
course; fun gambade sur un autel dédié à Bacchus, l'autre retient une coupe de vin qui s'épanche; celui-là contemple en un miroir son visage souriant comme le soleil réfléchi dans une goutte d'eau et d'autres encore lutinent Hercule adossé contre un cyprès, jouent avec sa couronne de lierre, ou bien, tirant sur des cordes avec de grands efforts, s'essayent à soulever la massue du dieu. Et de galerie en galerie, le rêve se
prolonge des Éros mêlés aux scènes bachiques, aux figures sereines des héros, telle une ronde falote de gobelins ou de fées. Amours éphémères et durables, amours aux ailes de phalène, amours frêles et toutpuissants, le sourire de vos bouches de rose n'a pas vieilli d'un jour après dix-huit cents années le tombeau n'a pas plus altéré votre grâce perfide que les siècles ne nous ont fortifiés contre votre faiblesse. Si l'on songe qu'au musée de Naples il y a près de deux mille peintures, où éclate la même fantaisie charmante et souvent plus de force dramatique, l'on comprendra quel fut le culte de l'art en pays romain,
aux
Grecs, etqu'ils répandirent de ville en ville jusque dans les parties reculées de l'empire. J'en distingue un' autre symptôme dans l'impeccable ornementation des édifices publics. Aux thermes de Po;npéi règne la même décoration sobre, discrète et pourtant brillante qui caractérise les demeures privées. Sculptures, frises, mosaïques, peintures murales, tout y est harmonieux, doux à rœil, élégant; rien de criard ni de tapageur. Et l'on se demande de quoi l'on doit s'étonner davantage du raffinement des anciens qui, non contents de bâtir des palais exquis pour y couler leurs jours, déployaient autant d'art et presque autant de richesses à orner pour le plaisir des yeux l'asile public de leurs quotidiennes ablutions, ou de la rudesse de notre goût, que rend tristement évidente l'architecture, je ne dirai point de nos établissements de bains, mais de nos caravansérails modernes, qu'ils s'appellent théâtre, hôtel, restaurant, gare ou casino. .Mais voilà! les siècles ont passé sur les cités détruites, et le soleil éclaire aujourd'hui un monde où le modern-style a remplacé l'art grec. LE COMTE DE SÉGUR.
L'Achèvement et l'Exploitation du Chemin de fer Circumbaï kal.
L voie qui contourne le lac Baïkal, dont les travaux
ont été si activement poussés depuis le printemps, sous la direction du prince Khilkof, ministre des Voies de communication, vient enfin d'être terminée. Le 2o septembre, le premier train l'ayant suivie de bout en bout arrivait à Mysovaïa,pointd'atterrissement sur la rive orientaledes bateaux qui faisaient le service du lac. C'est là un résultat considérable et qu'il faut signaler, bien qu'il fût prévu depuis plusieurs mois pour l'époque où il s'est produit. Le tracé choisi est celui qui va de la station de Baïkal jusqu'à Koultouk, et de là, à Mysovaïa. On avait proposé un autre tracé qui passerait par la région montagneuse située entre Irkoutsk et Koultouk, mais cette région atteint parfois des hauteurs de 700 mètres au-dessus du niveau du lac Baïkal. Il aurait fallu des pentes trop fortes; par endroits elles auraient atteint 17 pour 100, et, de plus, les roches auraient offert une grande résistance. La longueur totale du tracé choisi est de 243 verstes (259 kilomètres) et la dépense.prévueétait de 52 523 695 roubles, en faisant rentrer dans cette somme les travaux d'aménagement de certains ports, qui doivent rendre de grands services au trafic de la ligne. Cette ligne circumbaïkale sera donc la plus coûteuse de toutes les voies ferrées russes et aussi celle qui aura présenté le plus de difficultés de construction. La côte du lac Baïkal, depuis l'embouchure de la rivière Angara jusqu'à Koultouk, soit sur une distance de 8o verstes, est très montagneuse et les rochers ne laissent par endroits qu'une bande étroite de terre jusqu'au lac, ou même descendent à pic dans le lac qu'ils surplombent par endroits de 35o mètres. De plus, ces rochers présentent, par places, des cre-
vasses. Sur cette section de la ligne il n'y a pas moins de trente-deux tunnels, auxquels il faut ajouter deux cent dix travaux d'art divers, comme des ponts, des viaducs, etc. Il a fallu prendre des précautions spéciales pour que des éboulements ne se produisent pas dans les rochers qui surplombent la voie ferrée; car ces rochers sont, en bien des endroits, d'origine volcanique. Pour la même cause, les tunnels pouvaient se trouver envahis par l'eau et il a fallu y faire des travaux de maçonnerie bien plus considérables qu'on n'avait supposé au début. La masse de terre ou de rochers qu'il a fallu déplacer sur cette partie de la ligne atteint jusqu'à 23 000 mètres cubes par verste. L'autre partie de la ligne, de Koultouk à Mysovaïa, ne présente aucun de ces obstacles. Après Koultouk, les montagnes s'écartent du rivage et laissent une place plus que suffisante pour le chemin de fer, de sorte qu'il n'y a qu'un seul tunnel. En revanche, de nombreux cours d'eau ont nécessité la construction de ponts, dont l'un a jusqu'à 170 mètres de long.
Les ponts, de même que les viaducs, sont tous construits en pierre ou en fer. La ligne est à une seule voie, mais les tunnels sont assez larges pour qu'on puisse établir une seconde voie. La pente la plus forte est de 8 pour 100 et le rayon de courbe le plus faible est d'environ 36o mètres.
Rappelons que la voie de contournement du Baïkal n'aurait dû être normalement terminée qu'à la fin de 1905 ou au commencement de 1906. C'est un beau tour de force d'avoir pu diminuer de plus d'une année le temps prévu pour la construction de cette dernièrepartie du chemin de fer sibérien. Les trains militaires n'auront donc plus à rompre charge pour la traversée du Baïkal qui exigeait, les bacs à vapeur ne suffisant pas à l'enlèvement de tous les trains, des manoeuvres pénibles de transbordement à la fois coûteuses et dangereuses, sources d'avaries et de retards. Mais c'est surtout à l'approche de la mauvaise saison que le progrès réalisé prend une importance plus grande encore. On se rappelle l'énergie avec laquelle le prince Khilkof, au mois de mars dernier, fit installer une voie ferrée temporaire sur la glace du lac, malgré les crevasses, les amas de glace, les difficultés de toute nature. Mais à l'époque du gel et de la débâc.1e, il y aurait eu forcément une période de plusieurs semaines pendant laquelle tout mouvement de troupes ou de matériel à travers le lac aurait dû cesser, comme cela s'est produit à la fin d'avril de cette année. On a donné sur le nombre des soldats amenés en
Mandchouriedeschiffresfantastiqueset contradictoires, permettant mal de se faire une opinion sur le rendement journalier et moyen du chemin de fer. Voici qui peut servir de point de repère. Le ioe corps de l'armée russe commença de venir vers le 20 juin; à la suite le l 7e. Le 5e passait en juillet et août. Le 25 août, à un jour près, il devrait être arrivé tout entier. Donc, du 20 juin au 25 août, en soixantesix jours, le Transsibérien a amené trois corps, soit un corps en vingt-deux jours. Si l'on compte le corps à 40000 hommes, on voit que le chemin de fer a porté i 800 hommes par jour. Encore doit-on dire que, dans cette période, le chemin de fer n'a pas amené que des hommes. Entre le 17e et le 56 corps, il y a eu un intervalle de plus de douze jours, pendant lesquels il n'est venu que des munitions et des vivres. Quelques
jours ont été pris par le transport de canons supplémentaires. On peut évaluer à dix-huit au moins, le nombre de jours perdus ainsi pour le transport des
troupes. Il est permis d'espérer un progrès sensible dû à l'ouverture du nouveau tronçon. ({ Il n'est pas douteux, dit à ce sujet la Reicl~sv;ehr, que l'ouverture au trafic de la nouvelle ligne de contournement du Baïkal procurera au commandement russe de grands avantages, et qu'en particulier la durée du trajet d'un train militaire, qui est actuellement de trois semaines environ de Moscou à Kharbin, sera sensiblementdiminuée. Mais cette économie de temps ne profitera pas seulement au transport des troupes, le renforcement de l'armée en Mandchourie augmentera les besoins d'es troupes russes; l'achèvement complet de la ligne pouvait seul suffire au transport du matériel et des vivres. »
verdure aux teintes sombres des hautes montagnes qui nous entourent. Cette région, excessivement fertile, est admirablement irriguée depuis quelques années par des dérivations nombreuses du torrent. Partout on rencontre de nombreux troupeaux de
De l'Atlantique au Pacifique à travers l'Argentine et le Chili par un Officier de la Marine
Impériale russe'.
N ous avions fait en diligence ou à mulet une soixan-
taine de kilomètres dans les rudes chemins de la Cordillère quand soudain le chemin s'arrêta brusquement nous étions à Salto del Soldado à la route poussiéreuse succédait la voie du Transandinochileno. Sur une plate-forme, large de quelques mètres, creusée en plein roc, on a installé deux baraquements l'un, servant de gare et de
bureau de
douane, l'autre, excessivement sale, s'intitulant pompeuse-
ment café. C'est en vain que nous cherchons
de
l'ombre;
nous n'avons pas d'autre ressource que de cuire pendant quelquesheures
superbes vaches Durham, paissant placidement avec des chevaux, qui détalent à l'approche du train au milieu d'un nuage de poussière. Sur tout le parcours, les travaux d'art se suivent sans interruption. Les remblais succèdent aux tranchées et aux tunnels, car la voie est, pour ainsi dire, accrochée au flanc du rocher, dont la base plonge dans les eaux du torrent. A Santa Rosa de Los Andes, ou simplement Los Andes, transbordement. Il faut traverser la ville très mal pavée, sans cachet particulier, pour gagner la gare du chemin de fer de l'État. Les voitures qui font le service sont impossibles il y en a pour tous les goûts. Je conseille vivement à un historien, désireux de faire un ouvrage
sur
vc
le
véhicule à travers les âges », de pousser une pointe jusqu'à Los Andes. Il recueillera, de
visu, des documents inappréciables, car la série est complète, depuis la simple brouette
jusqu'au fassous un soleil radieux, empritueux huit-ressonnés que sorts hors d'uCAMPEMENT DES OUVRIERS DU « TRANSANDINO ». nous sommes sage. Le train entre la montaPhotographie de M. Edward Don. de l'Etat est incomparablegne taillée à pic et le ravin profond où gronde le torrent. ment plus confortable que le Transandino; il n'y manL'administration, toujours bienveillante, nous que qu'un wagon-restaurant; il est vrai qu'on trouve donne au moins les loisirs nécessaires pour admirer facilement à se ravitailler, car, à chaque station, le la merveille de l'endroit la gorge profonde que nous train est envahi par des marchands de fruits, charcutedominons. La montagne est littéralement coupée en rie variée et fromages. Les fruits ont une apparence deux et laisse à peine un étroit passage à l'Aconcagua magnifique de grâce, n'ayez pas de doute sur leur qui, enserré de tous côtés, fait jaillir des flots d'écume fraîcheur, ils sont encore couverts de rosée seulement, contre le moindre obstacle qui obstrue son cours. n'arrivez jamais en avance à la gare, sinon vous verriez A l'extrémité de la gorge, le roc semble se refermer les paysannes se bousculer à la fontaine pour enlever la poussière qui macule leurs denrées. sur le torrent qui disparaît en bouillonnant. Après une vague inspection des bagages, on Le pays est toujours aussi cultivé. Les céréales et surtout les vignobles font leur apparition. Nous nous permet d'entrer dans le ferro carril. Peu confortables, ces compartiments On se croirait dans un wagon pénétrons dans la zone des clos renommés du Chili, à bestiaux, tellement l'installation est primitive, et il dont les meilleurs sont le Panquehue et l'Errazuriz. faut lire à plusieurs reprises « Primera clase » écrit Vers huit heures, nous sommes à Uaï-Uaï, qui porte admirablement son nom araucan de « beauen superbes caractères dorés, pour se bien convaincre que l'on ocCupe la place à laquelle on a droit. coup de vent », car, dans les deux vallées qui se renAussitôt après la station, la voie s'engage dans contrent en cet endroit, règne une bise glacée. Après un tunnel en S, merveille d'art, coupé en deux par le une visite au buffet, nous prenons l'express venant ravin noir et profond que, selon la légende, un soldat de Santiago. Nous assistons à un superbe coucher de poursuivi traversa d'un bond. soleil sur la Cordillère côtière. Les granits revêtent Nous entrons dans la vallée de l'Aconcagua où des tons merveilleux de violet, tandis que l'astre disles prairies et les cultures mêlent agréablementleur paraît au milieu d'une traînée de pourpre, qui bientôt pâlit, en même temps que le ciel prend une admirable I. VoirATraversleMonde, n° 41, p.32~; no42, P. 329.
teinte verte, dont la nappe uniforme est bientôt trouée par des scintillementsd'étoiles. Nous traversons la Cordillère côtière en suivant les sinuosités de l'Aconcagua, que nous quittons du
côté de Quillota. A Kinâ del Mar, le Trouville chilien, nous apercevons le Pacifique, magnifique miroir sans la moindre ride, où se reflète un clair de lune radieux. Les tournants se succèdent, brusques et répétés. Nous voici dans l'immense rade au fond de laquelle est bâti Valparaiso. Des files de réverbères marquent de points sanglants le flanc des Cerros sur lesquels s'étage la ville. Telles sont mes impressions sur ce magnifique voyage à travers les Andes. Je n'ai qu'un regret, celui de rendre si mal les inoubliables paysages que je viens d'admirer. EDWARD DON.
Les Embarras
d'un Explorateur archéologue. LES directeurs de fouillesarchéologiques dans les pays musulmans n'ont pas seulement à faire preuve de perspicacité et d'érudition leur science doit s'allier à l'habileté des meneurs d'hommes, voire à la politique des diplomates. Le docteur allemand W. Andræ, qui dirige les fouilles de la mission allemande d'archéologie à Fara et à Abu-Hatab, dans ce qui fut autrefois la Babylonie, se trouve à la tête de quatre à cinq cents ouvriers indigènes, menteurs, voleurs et toujours prêts à jouer du couteau dans leurs incessantes querelles. Leur humeur batailleuse est exaspérée par la nécessité où ils sont de loger en commun, dans la colonie ouvrière de Fara. Ce sont, chaque jour, des récriminations,des menaces, des horions; à la fin de la semaine, au moment de la paie, le fauteuil du directeur des fouilles se trouve transformé en tribunal de Salomon le malheureux ne sait plus auquel entendre, ni démêler, au milieu des vociférations de ces Arabes, qui se plaignent les uns des autres, les torts ou les droits de chacun d'eux. Les gardes arabes, qui jouent dans la colonie de Fara le rôle de policiers et qui devraient chercher à maintenir l'ordre parmi toutes ces têtes chaudes, font tout le contraire, et c'est eux qu'on est obligé de punir le plus souvent, en les privant pour quelques jours de café ou d'allumettes, jusqu'à ce qu'ils soient devenus
raisonnables.Leuraviditéà quémanderimpérieusement des pourboires de la part des ouvriers, en leur promettant de fermer les yeux sur l'irrégularité de leur conduite, donne lieu, en effet, à mille marchandages qui dégénèrent en querelles. Un cheik du nom de Mohammed el-Selmân a donné beaucoup d'ennui au docteur Andrec à cause de sa rapacité. Certes, les autres cheiks de la contrée, à qui le docteur a dû s'adresser également pour obtenir des ouvriers, ne se distinguaient pas de celui-là par un
noble désintéressement,ni même par une scrupuleuse probité, mais du moins, ils y mettaient quelque pudeur, en chargeant des intermédiaires de soigner leurs petits intérêts. Mohammed, lui, y allait de franc jeu on le trouvait partout où il y avait de l'argent à extorquer. Les jours de paie, cela devenait intolérable Mohammed et ses acolytes assiégaient les portes de la Kal'a ou bureau du directeur, pour exiger un véritable tribut des ouvriers; il leur faisait donner leur argent, sous prétexte que lui, Mohammed, était leur chef! Le directeur finit par interdire à Mohammed l'accès des portes de la Kal'a. Fureur de Mohammed, qui menace Schaul Selman, interprète, du directeur et son lieutenant auprès des indigènes, de cent coups de bâton. L'affaire devenait grave; le directeurs'adressa alors à Sagbân, le cheik des cheiks, qui l'avait assuré qu'il ferait tout son possible pour que les savants européens ne fussent pas molestés. En outre, le directeur somma Mohammed de comparaître devant lui, pour répondre de ses menaces. Ce n'est pas Mohammed, mais son vieux père, qui se présenta au directeur. Le coupable avait pensé que les cheveux blancs et l'éloquence du vieillard feraientde l'effet sur l'archéologue. Le vieil Arabe se mit à gémir, accusa son fils de faire le chagrin des dernières années de son pauvre père, se répandit en éloges hyperboliques sur les chrétiens en général et le directeur en particulier, et finit par obten~r la grâce du coupable. Au même moment, Mohammed fit son apparition, se prosterna, baisa la terre, jura qu'il nourrissait pour Schaul les sentiments les plus affectueux. Le père et le fils rentrèrent chez eux bras dessus bras dessous, tout joyeux d'avoir obtenul'assurance qu'on ne les inquiéterait pas auprès des autorités musulmanes; toutefois, il leur fut impossible de prendre congé du directeur sans lui mendier une livre de café pour eux et quelques nattes dont ils avaient, disaient-ils, le besoin le plus pressant. A Abu-Hatab, ce fut bien autre chose encore Le directeur des fouilles croyait s'être mis en règle avec les propriétaires des terrains à explorer, et ses ouvriers commençaient à ouvrir des tranchées, lorsque dans le brouillard, qui ne permettait pas de voir à cinquante pas devant soi, apparurent tout à coup une dizaine d'individus qui brandissaient des fusils et se démenaient comme des forcenés, criant qu'on empiétait sur leurs propriétés. L'explorateur dut battre en retraite avec tous ses hommes et déposa une plainte entre les mains du consul allemand; les autorités turques lui accordèrent un chef de police et vingt zaptiés à cheval, qui devaient le mettre à l'abri de toute agression. En outre l~s coupables furent jetés en prison. Tout n'est pas rose dans la vie d'archéologue!
Menées anglaises en Perse. Les menées du Gouvernement britannique en Perse
ne cessent pas. Et ce n'est pas parce que l'expédition Younghusband sur Lhassa a fait quelque bruit,
qu'il faut regarder comme choses négligeables les tentatives faites par l'Angleterre pour s'implanter sur les bords du golfe Persique, lequel prendra une valeur indiscutable après l'ouverture du chemin de fer de Bagdad.
Tout récemment, deux faits précis sont venus montrer l'importancedes menées britanniques c'était, d'une part, la décision du shah interdisant aux Per-
sans de passer leurs concessions ou monopoles à des étrangers en l'espèce aux Anglais; c'était, d'autre part, et dans un tout autre ordre d'idées, la rencontre armée et sanglante des troupes ouahabites et desTurcoArabes près du golfe Persique. Or, cette bataille s'est terminée à l'avantage des Ouahabites, alliés du Gouvernementanglo-indien. Et ce succès va encore raffermir les avantages de la politique suivie par le vice-roi des Indes, lord Curzon, dont on se rappelle le voyage fastueux le long de la côte persane ou arabe. En somme, l'Angleterre veut profiter des embarras de la Russie pour régler à son profit la question de l'Asie intérieure. Mais si la Russie est occupée ailleurs, on risque de heurter les intérêts économiques de l'Allemagne, qui l'est beaucoup moins. Aussi s'inquiète-t-on à Londres des complications éventuelles. Nous n'en voulons pour preuve que l'article du Reynold's Newspaper, qui s'exprime comme il suit sur la récente bataille « Cette fois, la politique du Foreign Office consiste à laisser les tribus indigènes se battre pour sa cause, tout en leur fournissant en sous-main l'argent, les armes, les provisions et toute autre aide matérielle et morale nécessaire. « Une bataille vient justement d'être livrée par Ebn Saoud, chef des Arabes ouahabites et soudoyé par l'Angleterre, contre son rival, Ebn Reschid, vassal fidèle de la Turquie. Les forces du premier consistaient en 20000 irréguliers arabes, celles du second en 8000 Arabes et 1500 hommes de l'armée régulière
turque.
résultat de sadéfaite est qu'un vaste territoiré sur le golfe Persique, s'étendant de Koveit à Katif, devient indépendant sous la souveraineté nominale du cheik Moubarek, qui n'est, en réalité, qu'un instrument de lord Curzon ». Le Reynold's Newspaper ajoute que l'Angleterre s'est alliée au Japon pour tenir la Russie occupée en Extrême-Orient et s'emparer elle-même du Tibet et « Ebn Reschid fut battu et le
du golfe Persique. Mais ces vastes entreprises pourraient fort bien armer la Russie contre le RoyaumeUni, le jour où la guerre du Japon sera finie.
Congrès des États-Unis.
Un Mormon au pÉRIODIQUEMENT,
l'opinion publique s'occupe des
Mormons, jette quelques exclamations effarouchées sur les menées des missionnaires de Salt Lake City, et passe à une autre question. Mais aujourd'hui,
nous apprend la Bibliothèque universelle, il s'agit d'une affaire plus grave l'enquête officielle conduite à l'occasion de l'envoi au Congrès, par la République de l'Utah, de M. Reed Smoot, un polygamiste. Cette enquête a été particulièrement intéressante en ce qu'elle a permis, sinon de faire la lumière sur la véritable situation des disciples de Brigham Young, du moins d'obtenir des elders (anciens) de l'église quelques renseignements assez caractéristiques.Les chefs de la Mormon Churcb ne cherchent pas à cacher leur attachement à la doctrine de la révélation ils ne nient point que la polygamie existe chez eux, en flagrante contradiction avec les conditions mises par le Gouvernement fédéral à l'admission de l'Utah dans l'Union. Toutefois, ils affirment que les ~luralmarriages, comme ils les appellent, deviennent de plus en plus rares.~D'aprèsdes statistiques, sujettes d'ailleurs à caution puisqu'elles sont fournies par les intéressés, le nombre des familles polygames, qui s'élevait à 2 541 en 1890, est descendu en 1899 à 1 543, et en 1902 à 897. Selon les anciens, l'extinction de cette pratique n'est qu'une affaire de temps. En attendant, le président Smith et sept de ses apôtres ont ensemble, à l'heure qu'il est, trente-trois femmes et des centaines d'enfants. L'homme qui détient le record en la matière possède huit compagnes et est l'heureux père de quarante-cinq rejetons des âges les plus divers vingt-six de ceux-ci sont déjà mariés eux-mêmes et presque tous polygames. A entendre les hommes, ce n'est pas leur faute s'ils ont tant de famille ils y sont obligés par le Covenant, la fameuse révélation Pour sortir de la difficulté, un diplomate très pratique, M. Schuyler Colfax, avait jadis proposé à Brigham Young un ingénieux moyen une contre-révélation abolissant la polygamie. Mais c'était trop simple pour réussir. Si l'on veut réellement en finir avec des usages qui sont déplacés en notre siècle et dans un pays civilisé, il n'y a guère qu'une marche à suivre introduire dans la Constitution fédérale un amendement déclarant que la polygamie est un crime relevant directement des Cours fédérales. Alors force serait aux Latter Day Saints de renoncer à leur doctrine, ou d'émigrer en des pays où sont encore primitives la morale et la civilisation.
E. Tallot.
La solution franFaise de la questio~t du
Maroc. Paris, Delagrave. suite d'un résumé très soigneusement fait, d'après les meilleurs auteurs, de la géographie physique, politique et économique du pays, ainsi que de son ethnographie, résumé où son expérience de la Tunisie l'aide à mieux faire M. Fallot entreprend dans son livre comprendre le Maroc, l'étude des compétitionseuropéennesdansl'empire du Soleil couchant; il s'attache alors à montrer, avec le plus de précision possible, ce que sont au Maroc les intérêts français et les intérêts anglais, et il conclut que l'Angleterre, poussant la France à une intervention directe au Maroc, il est « une sol'établissement lution qui concilie tous les intérêts » l'anarchie d'un protectorat français qui mettra fin à en restaurant l'autorité chérifienne, et qui fera cesser les révoltes périodiquement amenées par les exactions du maghzen en supprimant les causes qui les provoquent.
la
La Situation de l'Indo-Chine. Lors de la session du Conseil supérieur tenue à Hanoi,
en septembre, la situation financière est apparue très satis-
faisante. Le budget présente des excédents de recettes, et une somme de 2 600000 piastres a été versée à la caisse de réserve. Dans le discours qu'il a prononcé, M. Beau, gouverneur général, a insisté sur la nécessité d'exécuter des travaux d'irrigation et de dragage, de construire des quais, d'établir des voies de communication entre le littoral et le Mékong, de compléter le programme des chemins de fer, de développer l'instruction pratique et l'assistance publique, et de créer des industries qui trouveront leurs débouchés sur les marchés de
l'Extrême-Orient. Il a constaté que la situation politique est excellente, l'exportatiori du riz, ralentie par la guerre russo-japoque naise, est en voie de reprise, et que des efforts sérieux sont faits pour l'organisation de la défense de l'Indo-Chine.
L~Italie et la Tripolitaine. Des pourparlers ont eu lieu entre le Gouvernement anglo-égyptien et le Gouvernement ottoman, en vue d'une délimitation des frontières entre l'Egypte et la Cyrénaïque,
délimitation qui serait, aujourd'hui, un fait acquis et enlèverait à la Tripolitaine une région importante. Tout ceci se serait accompli sans que le Gouvernement italien en eût connaissance, et les journaux italiens, toujours inquiets de ce qui Se passe en Tripolitaine, demandent des explications à la Consulta.
Balisage du fleuve Sénégal. En attendant la construction du chemin de fer ThiesKayes, le ministère des Colonies s'efforce de rendre le Sénégal moins rebelle à la navigation. La mission hydrographi-
lieutenant Mazeran, chargé du balisage du fleuve Sénégal, se poursuit dans les meilleures conditions. Les derniers avis concernent l'installation de tours-balises en maçonnerie, notamment à l'extrémité de la pointe amont du plateau rocheux Aéré-Dioude.Doune; et un peu en amont du village de Sogala. En outre des mâts en fer ont été que du
placés aux Roches
tera.
Le
de Solou et à la pointe rocheuse de Ko-
lieutenant Mazeran a prévenu les navigateurs que
le balisage do tous les seuils rocheux du fleuve entre Kaëdi et Kayes était sur le point d'être terminé. Constitué par 17tours-balises en maçonnerie de 7 à J mètres de hauteur, plusieurs mâts en fer, de nombreux poteaux sur les berges supérieures et 4 grandes échelles de crue, il rendra les plus grands services à la navigation.
peinture des tours, noire pour celles de tribord, rouge pour celles de bâbord, est commencée, et des dispositions sont prises pour l'allumage aussitôt que possible, au La
sommet de ces tours, de feux respectivement verts et rouges, afin de faciliter la navigation de nuit.
La Population du Togo. Projet de Chemin de fer. D'après le recensement du ~e~ janvier J 904, la populablanche s'élève à 189 personnes, soit J 79 Allemands, tion 4 Suisses, 3 Anglais et 3 Américains. Pour la population indigène on en est réduit aux évaluations; elle peut être considérée comme s'élevant à 1 million et demi d'individus dont :8000 dans le district de Lomé, 56000 dans le district de Petitpopo, 93 000 dans le district d'Atakpamé, )60000 dans le district de Sokodé et )00000 dans le district de Mangou. La loi comportant un prêt à la colonie pour la construction du chemin de fer vient d'être promulgée. Elle autorise le chancelier de l'Empire à mettre une somme de 7 800000 marks à la disposition de la colonie en vue de construire un chemin de fer de 1 mètre d'écartement de Lomé à Palimé.
La Situation économique de Madagascar. L'Office Colonial a reçu récemment les statistiques du commerce de Madagascar pendant l'année ~903. Le com-
merce se présente comme il suit
IMPORTATIONS
France Des Colonies françaises De l'Etranger
1903 19°2 (En francs)
)1)21869 27844958
De
Totaux.
France.
417660)
1 180099
5479 105
3 873 497 3z 898 554
40 997 577
EXPORTATIONS
Pour la Pour l~s Colonies
Pour
françaises
l'Etranger
Totaux
6 195009 563 725
9 884 545
682622
63678o6
5 703 843
I3 127440
16271 010
TOTAUX
Colonies. tranger.
France.
37517778 )772950)
E
11846911I
Totaux.
4740328
54
1 862721t
9577340
t o5 o I 7 49 t 69 564
D'après le tableau ci-dessus, les importations à Madagascar, en i go3, ont accusé une diminution de 8 079 02) francs sur 1902, pendant que les exportations de notre colonie progressaient de 14J 570 francs. Il s'ensuit que le commerce de Maè.agascar, dans son ensemble, a fléchi de 4 935 453 francs, diminution que peut regretter la métropole, mais que la colonie n'a pas à regretter dans son propre intérêt.
Les Tigres aux Indes. Les tigres commenceraient-ils à se dégoûter de la chair humai~e? On serait tenté de le croire, d'après la statistique annuelle qui vient d'être faite par le Gouvernement indien des victimes de ces félins. En 190), les tigres ont dévoré beaucoup moins d'hommes que dans les années précédentes. Dans les districts de Chanda, de Hashangabad et de Raipur, 59 personnes au lieu de 10°, moyenne ordinaire, ont passé sous les dents des
tigres; dans les provinces du centre, 349 personnes seulement ont eu le même sort, contre 6)7 en 1902. Par exemple, les féroces carnassiers se sont rattrapés sur le bétail, dont ils ont consommé 5 938 têtes au lieu de 4260. Enfin, parmi les victimes humaines, la proportion est de 89 pour 100 de noirs contre
Il
pour
100 de blancs.
A propos du Gulf-stream. Au congrès international d'océanographie, qui vient de
Copenhague, les délégués écossais ont fait part du résultat de leurs travaux sur la direction exacte du courant
se tenir
à
du gul;~=stream.
ressort de cette communication que la partie du gu~-stream qui va jusqu'aux îles Færoër, ne longe pas exactement, ~omme on le croyait jusqu'ici, les côtes de Norvège, mais décrit un arc de cercle dans la direction du sud-est jusqu'aux îles Shetland, d'où elle se dirige à l'est-nord-est sur la Norvège. Le gulf-stream se ramifierait, d'autre part, dans la mer du Nord; des côtes d'Écosse et de l'Angleterre septentrionale, il passerait le long du Jutland, et de là obliquerait vers le
nord.
Les délégués écossais attribuent à l'influence du gulfstream la haute proportion de sel et la température assez élevée des eaux de la mer du Nord.
Une Soirée à Vladivostok. Vladivostok a failli connaître la gloire. Choisie d'abord comme termin~cs de la civilisation occidentale en ExtrêmeOrient, elle s'est vu ensuite ~référer, comme ville commerçante, Dalny; comme forteresse, Port-Arthur. Ces deux villes, hélas! ne s'en sont pas mieux trouvées. Vladivostok est cependant une ville de négoce et un port de guerre. C'est aussi une ville de Plaisir, et c'est sous ce triple aspect qu'elle est apparue à notre collaborateur. me trouvais, un jour de novembre de l'année i go i à Vladivostok, chez un compatriote bien connu des lecteurs du Tour du Monde, chez l'explorateur Chaffanjon, qui a fondé, en ExJE
trême-Orientdescomptoirs, d'abord à Vladivostok, et ensuite à Port-Arthur. Il habitait une maison assez vaste dont le propriétaire, Young Kou Sane, était un
Non, comment est-il? La troupe est-elle
intéressante? La troupe est excellente, et le théâtre vaste et beau, répondit en riant le Chinois. Comment pourrait-il en être autrement j'en suis le propriétaire »
Quelques minutes
plus tard, nos cochers nous
faisaient monter au galop
riche marchand chinois.
la rue qui passe près de
Nous discutionsthéâtretout comme si nous étions à Paris. Il y avait à Vladivostok plusieurs théâtres, le
l'hôtel de la Corne d'Or et qui conduit au théâtre chinois. La salle était vaste, en effet; elle était bondée de spectateurs, tous sujets
meilleur était occupé par du Céleste-Empire.Les Chiune excellente troupe d'opérette qui faisait connaître nois sont très nombreux à Vladivostok, où ils travailaux gens d'Extrême-Sibérie les œuvres viennoises de lent à tous les métiers ils Strauss, de Zeller, de Milsont commerçants, emlœker et de Suppé, les ployés, ouvriers, décharoeuvres parisiennes d'Offengeurs de bateaux; tous adobach, de Lecoq, d'Audran rent le théâtre, qui souvent et de Planquette. On y doit refuser du monde. jouait aussi des opérettes Il faut avoir les nerfs tripatouillées par un chef solides pour résister aux d'orchestre quelconque, qui cris suraigus des acteurs et en avait profité pour subsau bruit strident des instrutituer son nom à celui de ments qui forment l'orchesl'auteur c'est d'ailleurs la tre chinois. mode en Russie, même à cc Notre orchestre est Saint-Pétersbourg. On jouait moins nombreux que celui VLADIVOSTOK LA RADE ET LE PORT. aussi à Vladivostok Madanae de l'opérette russe, me dit Sans-Gêne, mise en musique Photographies de M. Paul Labbé. Young Kou Sane, mais, ajouta-t-il avec orgueil, il par un compositeur russe; l'affiche portait le nom de ce dernier, mais les airs l'emporte sur ce dernier par l'intensité du son » avaient été pillés un peu partout dans le répertoire. C'était, hélas! la vérité, Il y avait des instruConnaissez-vous le théâtre chinois de Vladiments aussi désagréables qu'originaux l'un faisait le u vostok, me dit un jour Young Kou Sane. bruit de la crécelle, l'autre imitait le sifflet d'une A TRAVERS LE MONDE.
44e
LIV.
N° 44.
29 ~~tobre 1904.
locomotive, enfin un troisième reproduisait le cri de la sirène des bateaux. Je restai quelques minutes étourdi par le bruit que j'entendais. On joue ordinairement dans un théâtre chinois, pendant une seule soirée, des comédies, des drames, des tragédies; les pièces se suivent sans entr'acte. Dès que l'une est terminée, une autre commence. Pour moi, à Vladivostok, le spectacle étaitaussi intéressant dans la salle que sur la scène. L'intérieur de la salle était assez semblable aux théâtres européens on m'avait placé au balcon, et Young Kou Sane m'expliquait à voix basse les scènes et le jeu des acteurs. La vérité est que le théâtre chinois est presque toujours incompréhensible pour un Européen, et pour cette raison, je ne me permettrai pas de le juger trop sévèrement; les Chinois ont une logique et une façon de discuter très spéciales, et puisque leur théâtre les amuse tant, c'est qu'il est intéressant et qu'il répond à leurs goûts et à leur nature. Dans les moments les plus palpitants, tous les instruments retentissent,c'est une cacophonie de notes
suraiguës. Même
à
Changhaï, où j'ai enten-
duu des orchestres
bruyants, mes oreilles
n'avaient jamais
terrib:e, chassait à grands crissa femmeéplorée;celle-ci le suppliaitencriant aussi fortque lui il tirait son sabre, la menaçait de la tuer les musiciens redoublaient d'ardeur, les instruments faisaient entendre des sons et plus le mari criait, plus la femme hurlait. L'homme alors devint plus menaçant, il exécutait avec son sabre des moulinets effrayants audessus de la tête de sa femme qui, au lieu de se calmer, poussait des cris plus aigus encore. Alors le mari, voyant qu'il ne pouvait la faire taire, prit une résolution aussi héroïque qu'imprévue, il se prit d'une main ia tête par les cheveux, et de l'autre se coupa la gorge. Dès que le mari fut mort, la femme se calma comme par enchantement. C'est en tout cas un moyen extraordinaire et peu connu pour apprivoiser les épouvantables
mégères
Puisqu'il devait finir par là, dis-je à Young Kou Sane, il aurait mieux fait de se tuer tout de suite C'eût été dommage, me répondit le Chinois, car une pièce aussi admirable ne saurait durer trop «
longtemps » La pièce qui suivit fut peu intéressante elle était jouée par une qua-
rantaine d'acteurs. C était la guerre. Certains
subi personnages étaient une torture plus épou presque nus, et en se vantable que celle que battant les uns contre me réservait le théâtre les autres, ils se répande Vladivostok. Les ardirent sur le corps un tistes poussaient alors liquiderouge, etla scène des cris qui n'avaient tout entière paraissait plus rien d'humain; ensanglantée. De nouleurs voix luttaient avec veaux instruments les instruments, elles les étaient venus renforcer dominaient parfois, puis l'orchestre tous dontout à coup, l'acteur, naient ensemble des noaprès un cri d'une intes suraiguës; le cliquetensité invraisemblable, tis des sabres et des prenait une pose tragiarmes ajoutait encore au Photogralhie de NI. Paul Labbé. que ou une attitude tervacarme les quarante rifiante. Plus son geste acteurs poussaient des hurlements surhumains, et les me semblait exagéré et contraire à la nature et à la spectateurs des cris gutturaux pour mieux montrer leur vérité, plus les spectateurs étaient enthousiasmés émotion. ils en gloussaient d'aise, et quelques-uns faisaient enLe succès devint très grand, car dans les scènes tendre bruyamment des grognements d'admiration. qui se succédèrent, les Chinois trouvaient des allusions De temps à autre, des domestiques passaient dans les aux événements récents, à la révolte des Boxers et à la rangs des spectateurs, portant sur les bras des tas de petites serviettes mouillées d'eau chaude. Les spectaguerre contre les Européens. A la grande joie des spectateurs, passaient sur la scène des hommes noirs qui teurs s'essuyaient tour à tour le visage et les yeux, représentaientdes missionnaires, couraientépouvantés donnaient un petit pourboire, puis s'abandonnaient de et suppliants, criblés de coups de pied et de bâton. nouveau à leur émotion. dit un Chinois, Une assez jolie comédie ressemblait par certains {( Tout le monde applaudit, me c'est ;Jne revanche, et la meilleure de toutes, Ia recôtés aux vieilles pièces de notre répertoire. On y vanche artistique1 voyait une jeune fille amoureuse qui confiait à sa souCe qui me plaît le moins dans votre théâtre, brette une lettre pour un jeune homme qui passait lui dis-je, c'est ce qui semble vous faire le plus de souvent devant sa maison. Et la pièce se déroulait avec plaisir. toutes les péripéties conformes à la dramaturgie euroCela prouve qu'il y a un goût chinois et un péenne. goût européen, dit alors Young Kou Sane, et si l'on La comédie avait été jouée de façon parfaite c'étaient des hommes qui jouaient à s'y méprendre les nous demandait à tous deux quel est le meilleur, il n'est pas probable que nous serions d'accord. » rôles de femmes, et celui de la soubretteavait été supéJe quittai le théâtre et réintégrai mon hôtel. rieurement rempli. Une autre pièce, plus chinoise, celleQuelques instants plus tard je me couchais, persuadé là, commençait. Un mari, à la barbe épaisse et à l'air
que ma journée était finie et que je ne quitterais mon lit que le lendemain matin. Je dormais depuis quelques minutes, lorsque je fus réveillé en sursaut; on m'appelait bruyamment, on frappait à grands coups de poings à ma porte. Quelques personnes, que je connaissais assez peu d'ailleurs, avaient, en sortant de l'opérette, éprouvé le besoin de boire à la France, et venaient dans cette intention me chercher, sans plus de cérémonie. Un des marchands de la ville, que je ne connaissais pas, me prit dans ses bras en entrant et m'embrassa, sans paraître offusqué de la simplicité de mon costume. Je puis dire que je fus habillé et emmené de force. Lorsque nous fûmes en voiture, le marchand qui répondait au nom de Boris fils de Jean, Boris Ivanovitch, et qui paraissait mener la bande, fut pris du désir de sortir de la ville et donna aux cochers l'ordre de nous mener sur la hauteur.
Bien sou-
bateaux qui importent près de 15 millions de marchandises et qui en exportent plus de quatre. Le commerce avec les pays voisins est très actif; la Corée envoie à Vladivostok du riz, de la farine, des céréales, des haricots et du bétail elle y achète du maïs, des chaussures, des objets manufacturés, des peaux et du poisson. Malheureusement l'hiver y est dur, et la rigueur du climat s'explique scientifiquement par le courant polaire qui passe près du rivage, par les vents de mer qui soufflent, apportant avec eux une terrible humidité, par le caractère tourbeux de la région et par les immenses étendues de forêts vierges qui l'entourent. La température moyenne de Vladivostok est de 120 18,2 en été et + 7,9 en hiver, 3,2 au printemps, en automne. Les marchandises amenées à Vladivostok, imc portées et exportées par des vaisseaux de nationalités diverses, se répar-
+
+
tissent de la façon
vent déjà, j'avais
suivante
contemplé, des
31,5
pour 100 de Rus-
collines voisines,
ville de Vladivos-
sie, 28,2 .d'Allemagne, 17 de Norvège, IO,6 d'An-
rarement le
gleterre, 6,6 du
spectacle fut plus
Japon, 2,2 d'Amérique, l de Danemark, 0,9 d'Au-
la tok
pittoresque
beau que pendant
cette nuit-là. Le ciel était constel-
triche, 0,2 de
lé d'étoiles et la
Corée. Une répar-
lune remplissaitt
tition d'autre
d'éclairs les eaux de la vaste baie, sur lesquelles de
genre est la sui-
46,3 pour ioo des marchan-
vante
dises provenant des ports russes,
gros bateaux de
guerre maient
dor-
19,5 des
c'étaient
ports
t,6 des
des bâtiments qui
chinois,
devaient devenir célèbres,laRossia,
ports japonais,
le Petropavlosk, le Rurik, le Gravoboï. De l'autre côté du port se
ARTISTES DU THÉATRE CHINOIS DE VLADIVOSTOK.
Photographle de M. Paul Labbé.
trouvaient des vapeurs russes, norvégiens ou japonais l'un d'eux était sous pression et de nombreux sampans l'entouraient. « Quelle belle nuit, me dit Boris Ivanovitch, et songez qu'en ce moment même le soleil fait brillamment étinceler la coupole de Saint-Sauveur de Moscou, la flèche de Smolny de Saint-Pétersbourget tous les clochers de Kiev. Il fait jour de l'autre côté de l'Oural, de l'autre côté du monde, et l'autre côté du monde, c'est toujours la Russie. » Vladivostok est une ville jeune, qui s'est déve-
loppée avec une incroyable rapidité. Chaque fois que je l'ai vue, je l'ai trouvée plus vaste et plus jolie c'est une place de commerce de grand avenir, vers laquelle, chaque année, les navires de tous les pays du monde se rendent plus nombreux, et une forteresse de premier ordre, défendue naturellementpar de pittoresques montagnes et artificiellement par des ouvrages d'un art militaire très savant. Le port vaste et bien situé est admirable. Il y entre, chaque année, plus de trois cents
1
9,2 des ports de la Province mari-
time qui s'étend depuis la frontière de Corée jusqu'au
détroit de Behring et de l'île Sakhaline, 8,2 des ports anglais, 3, l des ports allemands, 1.4 des ports d'Amérique, 0,5 des ports de Corée. Par la quantité de
marchandises amenées chaque année à Vladivostok, les produits manufacturés occupent le premier rang et représentent 25 pour 100 du commerce local, le blé en grains et en farine 15 pour ioo, les vivres divers pour ioo; viennent ensuite les articles métalliques, le sucre, l'esprit de vin, les métaux bruts, etc. Les marchandises étrangères, de provenance allemande avant tout, occupent dans les statistiques une place très importante. Cela vient de ce que des maisons de Hambourg se sont établies à Vladivostok et dans la Province maritime, et y ont fait, d'année en année, un commerce plus important. Les objets, dont l'exploitation a le plus progressé, sont principalement les produits de la chasse à la baleine, au morse, à la loutre marine, les fourrures, le chou marin,. le trépang, les cornes de cerfs marals, le bois, etc. Le service des communicationsentreVladivostok
i
et Odessa est assuré par les bateaux de la flotte volontaire. Deux fois par mois, un de ces bateaux, qui portent tous des noms de villes russes, quitte Odessa, et un autre quitte Vladivostok. Sauf Saïgon, les escales sont les mêmes que celles de nos Messageries maritimes. En outre, les bateaux de la flotte volontaire font, à l'aller et au retour, relâche dans le Kouantoung. Un des bateaux, le laroslar, vient deux fois par an il est aménagé pour le transport des forçats, et son point terminus n'est pas Vladivostok, nais l'île de Sakhaline, où il fait escale devant Alexandrovsk et devant Korsakov. Ce sont, en général, des bateaux norvégiens qui servent dans la région de transports
pour le charbon. Comme compagnie russe très importante, il y a la Compagnie dite du chemin de fer de Mandchourie, dont les escales sont les suivantes Petropavlovsk, Okhotsk, Nikolaïevsk, Castries, SainteOlga, et les deux ports de Sakhaline pour les lignes du nord, Nagasaki.aujapon, Gen-san, Fousan, Tchemoulpo en Corée, Dalny et Port-Arthur dans le Kouan-toung, Tché-fou et Changhaï sur le rivage de Chine. La grande compagnie japonaise de Nippon Yusen Kaisha fait à peu près les mêmes escales; elle a en outre des services sur les routes japonaises à Otaro, à Hakodaté dans l'île d'Yéso, et dans les principaux ports des autres îles; elle a des bateaux qui vont du japon en Europe, et du japon en Amérique. On étudiait, au moment de la guerre, un projet très tentant pour la Russie. La Compagnie du chemin de fer de Mandchourie, compagnie quasi officielle, dont les attaches avec la banque russo-chinoise, et partant avec le ministre des Finances de Russie, sont très étroites, prétendaitorganiser un service direct entre Vladivostok et l':lmérique. La guerre est venue déranger toutes ces combinaisons, mais le projet reste viable et par la suite il sera forcément mis à exécution. Et les bateaux français, me dira-t-on, et les marchandises françaises? Hélas je l'ai déjà dit aux lecteurs du Tour du Monde, nous n'existons plus guère dans cette région. Des dizaines d'années se passent sans qu'on voie, dans les eaux sibériennes, un bateau portant le pavillon français, et nos marchandises prennent dans les statistiques la nationalité des bateaux qui les apportent; bien souvent les marchandises dites françaises portent des étiquettes mensongères et ne sont que contrefaçons. Les commerçants de Vladivostok, qui ont connu des jours si brillants, passent depuis quelque temps par des épreuves difficiles. La loi du 16juin 1900 a été mise à exécution, Vladivostok a cessé d'être port franc, et les marchands se sont pl4ints, avec quelque raison, d'avoir été sacrifiés au nouveau port de Dalny, pour lequel la Russie a fait tant de dépenses, que la guerre a rendues inutiles. Mes compagnons me rappelaient tous ces détails pendant que nos cochers faisaient souffler nos chevaux; seul Boris Ivanovitch était resté en voiture. « Il fait tout de même beau, s'écria un de ceux qui, comme moi, contemplaient avec joie l'admirable baie éclairée par la lune. Il fait surtout soif, repartit Boris Ivanovitch. Vous ne pensez qu'à boire, Boris Ivanovitch.
J'ai toujours soif,
répondit tranquillement le marchand,et je ne considère de véritablementheureux,
que
l'homme qui a toujours soif! »Admirable philoso-
phie.
Nous descendîmes la colline de toute 12. rapidité de nos chevaux, pour nous arrêter devant le restaurant Schw:ndt. Boris Ivanovitch fit des prouesses; plus il buvait, plus il avait soif; il mélangeait le vin rouge avec la bière, le cognac avec le champagne, il se sentait plein de mépris pour moi ({ Tu n'es pas un Français, me disait-il, tu ne veux pas boire! Tu ne mérites pas que je boive à la France avec toi! Il nous quitta et alla s'asseoir à une table, où un japonais buvait avec un des plus gros fonctionnairesde la ville, et au bout de quelques instants, les trois compagnons s'embrassaient à bouche que veux-tu et buvaient en se jurant une amitié éternelle à la santé du Japon et de la Russie! « J'aurais préféré boire à la France, me criait de loin Boris Ivanovitch, mais tu ne l'as pas'voulu, mauvais Français que tu es. Quand j'ai soif, je boirais à tous les pays du monde vive le japon aujourd'hui! » Les temps sont bien changés depuis lors, et je suis sûr que le brave marchand de Vladivostok n'a plus envie de boire au japon. PAUL LABBÉ.
Le nouveau régime adminis-
tratif de l'Afrique occidentale française.
Gouvernement général de
l'Afrique occidentale vient d'être réorganisé, afin que l'administration de norre vaste domaine de l'Ouest africain ait plus de cohés~on. L'organisation actuelle datait de 1899. On lui reprochait d'avoir éparpillé l'action gouvernemen-
tale.
Par le décret du 20 octobre, le Gouvernement général de l'Afrique occidentale cesse de gouverner directement la Sénégambie-Niger, qui, désormais, deviendra une colonie distincte, tout comme la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Dahomey.Cette nouvelle colonie, qui prend le nom de Haut-Sénégal et Niger, aura un lieutenant-gouverneur, dont la résidence sera à Bammako, sur le Niger. Une nouvelle colonie est d'ailleurs créée. Elle comp:end tous les territoires situés sur la rive droite du Sénégal, occupés par les nombreuses tribus maures. Cette colonie sera placée, comme les autres colonies de la région, sous l'autorité du Gouvernementgénéral, et prendra le titre de Territoire civil de la Mauritanie. Elle sera administrée par un commissaire général. Le décret de réorganisationprévoit certaines réformes financières, dont l'idée directrice est de concentrer toutes les ressources financières de l'Afrique occidentale entre les mains du Gouvernementgénéral, qui, ensuite, pourvoira aux dépenses de chaque colonie.
De Paquebots modernes. plus grands en plus grands.
Où
s'arrêtera-t-on?
Nous trouvons dans
le Bulletin de la Ligue naaritinte
français, deux graphiques intéressants dessinés par M. Albert Sebille, qui montrent la constante progression des vitesses et des déplacements des bâtimentsde
commerce àvapeur.
Compagnie allemande NorddeutscherLloyd, avec ses paquebots Kaiser Wilbelrn 11, K. Wilhelm ~der Grosse, etc., qui détient actuellement le record de la vitesse et du déplacement. Mais l'opinion publique s'est émue en Angleterre de voir passer à la marine allemande la suprématie de la vitesse; le Gouvernement anglais vient de faire à la Compagnie Cunard une avance de 75 millions à 2,75 pour ioo et il a porté sa subvention annuelle de 2 à 4 millions, en lui imposant la construction de deux navires ayant en service une vitesse de 25 nœuds, et pouvant installer de l'artillerie de manière à se transformer au besoin en croiseurs auxiliaires. La Compagnie Cunard a aussitôt commandé à des chantiers anglais deux navires dont voici les principales dimen-
sions
Les chiff res desvitesses et des déplacements
23
longueur,
l m80; largeur, 26m2;
tirant d'eau, iom i6. Hauteur du pont supérieur au-dessus de l'eau
s'appliquent aux navires doués de la plus
grande vitesse en service courant, aux épo21 mètres; déplacement 38000 tonnes. ques indiquées. Chacun d'eux On remarquera dans le diagramme que aura 16 chaudières, consommant 700 tonde 1860 à i 8~0, la vitesse ne dépasse guère nes de charbon par jour, et fournissant à 14 nœuds: c'est l'épo4 machines à turbines que où les Compagnies la vapeur nécessaire de navigation font l'essai de l'hélice. Les prepour transmettre à 8 hélices de 5m 1 de rniers navires à hélice DIAGRA3fbIE MONTRANT LA PROGRESSION DES VITESSES ET DÉPLACESIENTS DES BATIMENTS DE COMMERCE A VAPEUR. diamètre, donnant 171 i vont même moins vite tours par minute, une Cliché du Bulletin de la Ligue maritime. que les derniersnavires puissance maxima de à roues ce fait s'explique par la diminution du tonnage sur les premiers 80000 chevaux, dont 7 l 600 en service courant. L'équipage sera de 52o hommes, et il y aura des amévapeurs à hélice, qui sont à leur période d'essai. Mais, à partir de ce moment, tonnage et vitesse augmentent nagements pour 2440 passagers. Les soutes de char-
SILHOUETTES COMPARATIVES
LA a JEANNE D~ARC
11,
LA « LORRAINE 11, LE
a KAISER WILHELM DER GROSSE
Il
ET LES NOUVEAUX CUNARDS.
Cliché du Bulletin de la Ligue maritime.
progressivement et sans arrêt, et l'emploi de deux hélices vers 1890 accélère encore le mouvement. En 1902, on voit des paquebots de 20 à 24 mille tonnes de déplacement, filant en service plus de 23 noeuds. C'est la
gement seront relativement très petites, car ces navires ne sont pas destinés à transporter des marchandises les soutes à charbon contiendront 6000 tonnes. Ces énormes navires ne pourront entrer que dans un
350
A
TRAVERS LE MONDE.
petit nombre de ports. Aucun port français ne pour-
rait actuellement les recevoir. Pour donner par comparaison une idée encore plus précise des dimensions colossales des nouveaux Cunard, nous avons cru intéressant de placer sur un seul dessin les silhouettesdetroisautres navires notre plus grand croiseur cuirassé, la Jeanne d'Arc, le plus grand transatlantique français, la Lorraine, et le plus grand navire du Norddeutscher Lloyd, le Kaiser Wilbelm der Grosse.
Orient avant le co janvier. Où ira-t-elle? Il n'y a que deux buts possibles Port-Arthur ou Vladivostok. Le premier sera probablement pris d'ici trois mois. En tout cas, c'est un dangereux réceptacle à bombes et à torpilles. Reste Vladivostok dont le chenal sera gelé. Mais les navires peuvent entrer et sortir avec l'aide d'ur. brise-glaces.
L'amiral Rodjestvinskytrouvera donc un port de refu~3e. Sa flotte peut-elle se mesurer avec les forces de
Togo?
L'escadre russe compte cuirassés
Départ de la Flotte russe de la Baltique pour l'ExtrêmeO rient. L'ORDREde départ a été enfin donné à l'escadre de la Baltique. La saison ferme la route de l'océan Glacial; c'est par le canal de Suez pour une partie des navires, pour l'autre par le cap de Bonne-Espérance, que va s'effectuer cette croisière, une des aventures les plus audacieuses qu'ait enregistrées l'histoire navale. Les Japonais n'ont vaincu que parce qu'ils étaient maîtres de la mer. Le maintien de leur supériorité navale est la condition sine qua non du triomphe final. 11 est évident que les navires de la première flotte du Pacifique ne peuvent rien tenter. Tout se borne à savoir si l'escadre de renfort peut se rendre de la Baltique dans la mer Jaune, si elle trouvera dans cette mer une base d'opérations convenables, enfin si elle est en état de se mesurer avec les forces ennemies. Les difficultés du voyage sont énormes. Elles ne semblent pas insurmontables. La distance de Libau à Vladivostok est de 12 300 milles marins par la route la plus courte, le canal de Suez. A la vitesse de 8 nœuds, l'allure économique des navires russes les plus anciens, cela représente soixante-dix jours de navigation. Avec les arrêts indispensables pour les réparations, le repos, il faut compter 90 jours. Par la route de Bonne-Espérance, ces chiffres devraient être majorés de 25 pour 100 au moins. Trois mois de navigation sans longue escale sont une'rude épreuve pour le personnel et le matériel. Mais la principale difficulté est celle du charbon. La croisière exigera 3000 tonnes au moins par petit navire et 12000 pour les croiseurs et cuirassés. Les bâtiments les mieux partagés ne portent que i 500 à 2 000 tonnes avec surcharge. Il faudra donc se ravitailler. Or la Russie ne possède aucun dépôt de charbon entre Libau, point de départ, et Vladivostok, lieu probable d'arrivée. Le ravitaillement dans les ports neutres est subordonné à la bienveillance des puissances. L'Angleterre a opposé un veto formel et elle détient presque toutes les escales. On a donc été forcé de recourir au ravitaillement en mer. 11 est très compliqué mais possible. La:Russie a acheté des centaines de mille tonnes de Cardiff, frété des navires qui attendent à des rendez-vous. L'escadre ne peut pas arriver en Extrême-
Borodiwo,
Alexandre III, Souvaroff, Orel, Oslablia, Sissoï-Veliky et Navarin. Les quatre premiers sont des cuirassés de i j o0o tonnes, du type Cesarevitcb, très puissants. Ils peuvent, sur le papier, soutenir la comparaison avec les navires similaires ennemis. Nous ne parlons évidemment ni de la valeur du matériel ni de l'entraînement des équipages. L'Oslablia est un bâtiment du type Peresviet, de 12 000 tonnes. La grosse artillerie et la cuirasse sont un peu faibles. Les deux derniers cuirassés datent de 1890 et 1894. Ils ne filent que 16 6 noeuds.
Leur artillerie est très mal protégée. Ils sont mal désignés pour lutter contre les cuirassés japonais. Passons aux croiseurs cuirassés. L'amiral Rodjestvinsky n'en a que deux, le Nakhimoff et le DmitriDonskoï, deux anciens bâtiments de 1883 et 1885. qu'on s'est efforcé de rajeunir. Ils se défendraient mal contre les huit croiseurs cuirassés de i o 00o et 7 000 tonnes du japon dont le plus ancien date de 1898. Les croiseurs protégés Aurora, Alma. Svietlas~a, l,fumrud, Iemscbug sont en général excellents sous le sauf pour rapport vitesse, mais leur armement, 1'Aurora, est très faible, alors que les croiseursprotégés japonais sont très fortement armés. Enfin, l'amiral Rodjestvinsky emmène douze contre-torpilleurs. Togo en a plus de cinquante. Ces chiffres sont inquiétants. Pour que la tentative russe ait quelques chances de succès, il faudrait que Port-Arthur tînt encore trois mois, que les navires qui s'y trouvent fussent en état de combattre, que la divaion de Vladivostok pût également intervenir. Espérons toutefois que se produira cette triple éventua. lité. Le mauvais sort ne peut cependant pas s'acharner sur les mêmes avec une pareille ténacité
La Superficie des Territoires
africains soumis aux puissances européennes.
LE professeur Supan publie, dans la revue Die
BevSl-
kerung der Erde, les résultats d'une évaluation nouvelle des superficies des divisions politiques de l'Afrique, telles qu'elles ont été délimitées par les arrangements internationaux des douze dernières années. En certaines régions, les frontières n'étant encore qu'assez vaguement déterminées ou les cartes présentant des erreurs, les données ne peuvent être qu'ap-
proximatives, elles offrent telles quelles un réel intérêt. Remarquons aussi que, vu les incertitudes actuelles au sujet des limites des territoires britanniques de l'Afrique orientale et de l'Abyssinie, le professeur Supan n'a pu à cet égard donner que des indications hypothétiques. Dans le tableau ci-dessous, il a admis la frontière manquante comme suivant la direction générale est-sud-est, depuis l'extrémité sud de la frontière établie jusqu'au-dessus de Berbera, et a calculé sur cette base la superficie des deux territoires. Le professeur a groupé les divers territoires en trois grandes divisions principales l'Afrique du NordEst, l'Afrique du Nord-Ouest et l'Afrique du Sud (cette dernière comprenanttoute la partie au sud de la frontière septentrionale de l'État du Congo èt l'Afrique orientale allemande). Là, comme le fait observer l'au. teur, les frontières sont bien définies, et les deux premières ont une certaine importance politique par le fait que le groupe nord-est est pour la plus grande partie sous l'influence britannique, et le groupe nord-ouest, sous celle de la France. La troisième division (sud) est plus diversifiée et présente un caractère plus composite. L'évaluation est faite en milles carrés (Mille = i6oc~ mètres).
Milles carrés.
Socotora.
Somaliland britannique
b) Sphère
Protectorat d'Ouganda
Gambie. Leone. Lagos). Protectorat de
Zanzibar
Sierra Côte
d'Or
Nigérie (avec Afrique du Sud Iles de l'Afrique orientale lies de l'Afrique Total à la Grande Bretagne
occidentale.
Égypte
Lybie.
Soudan anglo-égyptien Désert de Total sous influence anglaise.. Côte française du Somali
Tunisie Algérie Sahara français
139000 180000 85 840 96~
3 700
26880 78430 360540 1 188800 965 125
2 126375
247550 784700 515550 1547800 8 roo
64560
etc.
français. française.
Afrique occidental8 Congo Madagascar, Total à la
Kameroun. allemande.
Probabilités de l'Existence d'uneTerre près du Pôle Nord. Le
R.-A. Harris, du Coast and Geodetical Survey, a présenté à la Société philosophique de Washington un travail sur certaines indications relatives à l'existence probable d'une terre dans le voisinage du pôle Nord. Ces indications sont surtout fournies par 1 La direction et la vitesse des courants de surface, connus en partie par les chemins suivant lesquels ont été entraînés l'Advance et la Rescue, la Jeanuette et Dr
(6o centimètres); à PitIekuj, de 0,2 pied (6 centimètres), et à Point-Barrow, de 0,4 pied (12 centimètres), le flux arrivant là de l'ouest. La principale conclusion à laquelle on est arrivé est qu'une grande terre, ayant la forme d'un trapèze, pourrait s'étendre depuis les environs du pôle, dans la direction de l'Alaska et de la Sibérie orientale; un coin se trouverait presque au nord de l'île Bennett; un autre, au nord et un peu vers l'ouest de Point-Barrow; le troisième, à une distance relativement faible de la Terre de Banks, au nord-ouest, et le quatrième, au nord de la mer de Lincoln. Les observations de Thomas Simpson sur les marées l'ont amené à conclure qu'une ou plusieurs îles se trouvent à peu de distance de cet endroit, vers le nord. Est-ce exact?
679430 229820 3937 45'0 0
33620
Eugène Gallois.
190870
Mozambique. Portugal
489 790
Total au
Au point de vue de la dimension des territoires, la France est, on le voit, en bonne place. L'avenir montrera, il faut l'espérer, que la qualité de nos possessions vaut, en bloc du moins, leur quantité.
669940
364970 317540
Angola
188950
1942420
Afrique orientale Afrique allemande du Sud-Ouest Total à l'Allemagne Guinée Iles Açores, Madère et du Cap Vert. San Thomé, Principe
portugaise.
l'Italie
343 180
France..
Togo
Total à
146530
2° La très vieille glace trouvée au nord-est de l'Alaska 3° Les marées à l'ile Bennett, à Pitlekuj'le long de la côte nord de l'Alaska, et dans l'archipel arctique. A l'île Bennett, la marée est en moyenne de 2 pieds
1360
orientale a) Administré par la Grande-
Bretagne. d'influence.
Somaliland
42420
le Fra~n;
59770
britannique de l'Afrique
Protectorat
Erythrée. italien.
Au Japon. Impressions de voyage. Librairie orientale et américaine, rue de Mézières, 6. ARMI les livres d'actualité, nous signalerons le charmant volume d'un de nos fidèles collaborateurs, le voyageur Eugène Gallois. \1 résume avec un véritable accent de sincérité les impressions qu'il a recueillies au cours d'une toute récente visite au Japon, semant son texte de photographies et croquis prestement exécutés.
petit
907 000
13070 2700 360
293480 799400
T13E GEOGRAPHICAL JOURNAL Londres,
De Pékin à Tsitsikhar. Nous
ne suivrons pas, étape par étape, l'anglais Claude Russel, l'auteur de l'article que nous citons, dans le voyage qu'il a fait de la capitale de la Chine à la première ville mandchoue, qu'on rencontre après avoir passé les limites de la Mongolie, sur le bras principal de la Soungari. Ces étapes sont, après avoir franchi la grande muraille Jehol (Changtou-fou), que l'abbé Huc appelait le « Versailles chinois », mais dont les empereurs ont délaissé depuis longtemps le palais, maintenant en ruine, et l'immense parc de chasse; Tang-shou et ses sources d'eaux thermales, où Chinois et Chinoises grouillent pêle-mêle dans la même piscine et prennent des douches en se vidant des pots d'eau sur la J'en passe, qui sont moins intéressantes. Aussi bien, la cartographie de tout ce pays est encore si mal fixée, et les noms de localités si altérés par les géographes russes et anglais qui nous les donnent, que M. Russel marche de malentendu en malentendu avec ses guides chinois ou mongols. Pour compléter la confusion, presque toutes ces localités ont un double nom, mongol et chinois, de même que les villes transylvaniennes ont chacune deux ou trois noms, allemand, hongrois, roumain. Mais ce qui nous a paru vraiment intéressant dans la relation de M. Russel, c'est la description qu'il fait des moeurs et du caractère des populations mongoles avec lesquelles il est entré en rapports entre les deux fleuves Lia-ho et Soungari. Ces indigènes l'ont frappé d'étonnement par leur accueil avenant et leur honnêteté. Ils n'ontpas, à l'égard des étrangers, les préjugés des Chinois, cette haine qui se dissimule sous l'obséquiosité des manières. !1 est vrai que ces derniers regardent les Mongols comme d'assez pauvres créatures, et se comportent à leur égard avec toute la morgue d'une nationalité soi-disant supérieure; mais ces parents sacrifiés des Célestes n'en sont pas moins intéressants, au contraire. Si la peinture que M. Russel fait d'eux est fidèle, et nous n'avons aucune raison d'en douter, on croirait presque pénétrer chez des bergers des idylles. Jugez-en ces Mongols regardent l'argent avec indifférence, car il n'a absolument pas cours parmi eux. Tout ce qu'ils ont est mis à la disposition de l'étranger, sans arrière-pensée intéressée; leur hôte pourrait vivre indéfiniment chez eux et à leurs dépens, assure M. Russel. A son arrivée dans les campements qui leur servent de villages, le voyageur se voit accueilli par tout le monde avec empressement; la famille qui le loge tue en son honneur un mouton, dont la chair a paru à M. Russel plus succulente que partout ailleurs. Du reste, son témoignage concorde avec celui des missionnaires qui ont parlé de ces populations. Le lait et les divers produits que les Mongols en tirent, beurre, fromage, etc., se distinguent aussi par leur qualité supérieure. Il est vrai que l'élevage des bestiaux est l'occupation exclusive de ces populations. Inutile de dire que d'aussi honnêtes pasteurs sont d'une sobriété à toute épreuve. M. Russel ne les a jamais vus boire de vin; il ne leur est cependant pas inconnu, puisque, un jour, à une cérémonie religieuse, leur hôte a vu entre les mains des prêtres une jarre de vin de Chine. Le seul breuvage dont ces naturels se paient le luxe, est le thé, qu'ils additionnent de sel et de graisse de mouton. M. Russel assure avoir fait la grimace en y goûtant. Chose curieuse les Mongols éloignent leurs femmes des yeux des étrangers avec un soin aussi jaloux que les peuples les plus intransigeants à cet égard, L'arrivée de M. Russel dans chacun de leurs villages était régulièrement marquée par la disparition instantanée de tout l'élément féminin, qui courait se cacher au fond des tentes. Les enfants lui ont paru peu nombreux on a l'impression que ces intéressantes peuplades vont en diminuant rapidement par la dépopulation. Un prince mongol, représentant l'empereur de Chine, réside à Chastuchi, qui sert de chef-lieu à cette partie de la Mongolie. Une muraille de boue séchée entoure toute la ville d'une vaste enceinte. Les maisons sont construites, les
tête!
unes dans le style chinois, les autres dans le style mongol. Le prince reçut le voyageur anglais avec la même hospitalité que ses administrés, mais lui posa une foule de questions dont la naïveté trahissait la plus complète ignorance des réa-
lités politiques, j'entends du pays même. \1 demanda par exem~le à M. Russel s'il avait visité Lhassa, si Tsitsikhar, distant de cinq jours de marche de là, était occupé par les Russes; si les Anglais vivaient sous des tentes dans leur pays, etc. Touchante et quasi divine innocence, qui s'alliait fort bien avec une hospitalité digne de celle de ses congénères et administrés Quand son hôte le quitta, il lui fit présent d'un carrosse et d'un vigoureux mulet, qui facilita grandement la dernière partie du voyage. \1 est vrai que le pays n'est pas sillonné de routes proprement dites; mais cette partie de la Mongolie forme une plaine si bien unie, si peu coupée de vallées ou d'autres obstacles naturels, et les trous que laissent les chariots, dans la direction du sud au nord que suivait M. Russel, sont si visibles dans la magnifique nappe d'herbes où paissent les troupeaux des Mongols, qu'il y roula presque aussi commodément que sur nos routes européennes. De loin en loin, apparaissaient des habitations qui gardaient le type de la tente mongole, mais qui étaient entourées de basses-cours, de troupeaux et de cochons, comme les grosses fermes de chez nous. Chose curieuse à mesure qu'il s'avançait au nord, frontière la mandchoue, les Mongols que rencontrait vers M. Russel tendaient à se confondre de plus en plus, par le costume, les mœurs et les caractères, le langage seul excepté, avec les Chinois proprement dits; de sorte que l'influence de ces derniers n'a laissé sa forte empreinte que sur les populations les plus éloignées de la grande muraille! \1 y a là un problème ethnographique dont il serait intéressant de chercher la solution.
K~'LNISCHE ZEITUNG
A
Cologne.
Un Mariage berbère au Maroc.
plusieurs reprises déjà, notre revue s'est occupée des choses du Maroc; mais il y a moyen d'y trouver du nouveau et encore du nouveau. La description qui suit, et que nous tirons d'une relation de voyage d'un explorateur allemand, nous montre le farouche Maghreb sous un aspect de grâce idyllique, tout à fait inattendu. C'était non loin d'EI-AraÏch, sur la côte de l'Atlantique. On était au printemps tout était vert; dans les herbes luxuriantes, s'ouvraient de toutes parts mille variétés de fleurs, dont plusieurs sont inconnues en Europe, bruyères, asphodèles, etc. Tandis que le voyageur et son escorte, campés non loin de la mer, se reposaient à la fin d'une journée des plus fatigantes, voici qu'à l'horizon se dessine, grandit, s'approche une longue théorie de femmes et de
jeunes filles en costumes de fête, qui semaient leur route de rires et de chansons. C'étaient des Berbères qui revenaient d'un mariage. Loin de montrer, à la vue de l'étranger, cette farouche pudeur des femmes arabes qui se voilent la figure et ne répondent pas aux questions, toutes ces Berbères jeunes et vieilles, rirent de toutes leurs dents blanches en passant devant le « Roumi », qui put examiner à son aise les traits de leur visage et les curieux tatouages qui leur descendaient de la gorge, en s'étendant jusqu'à l'extrémité des bras. Ces dessins n'avaient d'ailleurs rien de bien artis-
tique: ils n'étaient pas sans rapport avec les tatouagespolynésiens, sauf que les longues lignes survenues,tracées parallè.'emcnt sur la peau par l'aiguille de l'artiste berbère, étaient réunies par une foule de petites croix qui pourraient bien être, au dire du voyageur, un dernier souvenir du christianisme, autrefois religion dominante dans tout le nord de l'Afrique, et dont l'Islam n'aurait peut-être pas réussi à effacer toutes les traces chez les mystérieuses populations
berbères et dans l'Atlas marocain. En les voyant défiler devant lui, notre voyageur put admirer la régularité de leurs traits et leurs yeux de lumière. Elles auraient été tout à fait belles, si leur teint pâle n'avait trahi le genre de vie de ces pauvres paysannes qui venaient de se payer un jour de fête.
Aux Indes, les indigènes ont une singulière méthode pour prendre les tigres. Les feuilles du sycomore et du grand platane, recouvertes d'une substance gluante, sont placées sur la piste d'un tigre. Quand l'animal met la patte sur une de ces feuilles, il la frotte immédiatement sur sa tête pour s'en débarrasser, ce qui naturellement englue sa tête et l'énerve, si bien que l'animal se roule par terre et s'enveloppe de feuilles; dès qu'il est fou de rage, les indigènes s'approchent de lui très prudemment et l'enveloppent de filets et de toile à sac.
Maintenant, comment instruire le fauve
capturé? Il s'instruit parlesrapprochements qu'il établit entre ses faits et gestes et les modifications qui en résultent dans ses rap-
ports avec l'homme. C'est une erreur courante d'attribuer à la peur son obéissance
aux ordres du domp-
teur. L'habitude, fignorance de l'homme, voilà ce qui fait d'un
animal un élève habile dans les mains d'un bon dompteur. L'animal s'accoutume à faire les mêmes choses de la même façon, à la même heure; et l'ignorance de son pouvoir personnel le retient dans cet état de sou-
mission. Cette habitude
est développée
chez
l'animal par des procédés patients et laborieux. Pour rendre un lion dressable on le soumet à certains exercices préparatoires on l'enferme dans une cage dont les barres
caresses lui font plaisir, il permet qu'on les renouvelle sans s'y opposer. Quelquefois le dompteur met un morceau de viande au bout du bâton, ce qui engage l'animal à s'en laisser approcher. Souvent le lion le mettra en pièces avec ses dents; le dompteur le laisse faire, car il désire lui prouver qu'il n'a rien à craindre du bâton. Bientôt l'animal s'empare tranquillement de la viande sans se soucier du bâton, et quand on arrive à cette période de son dressage, on raccourcit le bâton chaque jour, jusqu'à ce qu'enfin il ne soit pas plus long que la main. Règle générale aussitôt que l'on a réussi dans le truc du bâton, il est comparati-
vement facile d'aller
un peu plus loin..
Alors l'animal, non seu-
lement ne s'oppose nullementà la présence du dompteur, mais paraît même l'attendre et la désirer; ses soupçons disparaissent, et, bientôt, les doigts du dompteur remplacent le bâton pour le caresser ce qui constitue un grand progrès; car se laisser toucher par
la main humaine est une des choses les plus difficiles à obtenir d'un
fauve. Dès que le lion
fraternise
avec son
dompteur, il est transféré dans une autre cage où, pendant deux semaines, le même
dompteur le nourrit, l'abreuve et le soigne, jusqu'à ce que l'ani-
mal, non seulement le Cl.j'érascope Richard tolère, mais encore déDRESSÉ, MAIS NON DOMPTÉ. sire sa présence, parce qu'elle lui procure inGravure extraite de « Le dressage des Fauves par F. C. Bostock;». variablement quelque chose d'agréable. Six semaines plus tard, on glisse, peuvent être déplacées Ces barres mobiles sont ajus tées dans un but déterminé. On désire amener l'anipendant qu'il dort, un collier très large autour de mal à des rapports plus intimes avec l'homme qui veut son encolure. A ce collier, on attache une chaîne assez longue pour que l'animal puisse remuer, assez courte être son dompteur. Les barres sont changées de place tous les pour l'empêcher d'atteindre le fond de sa cage. Le chapitre suivant du dressage qu'entreprend jours. Bientôt la cage est assez petite pour qu'on en le dompteur, c'est de mettre une chaise dans la cage; atteigne le fond avec un long bâton. Ce bâton y est instantanément,le lion fond sur elle mais, arrêté par introduit par le dompteur et on l'y laisse pendant la chaîne, il s'aperçoit qu'il ne peut l'atteindre et se plusieurs heures. Le lion peut-être n'y prête aucune retire dans un coin en grognant, contre cet objet attention, peut-être rugit-il ou le saisit-il. Quoi qu'il fasse, on laisse le bâton et on le remplace s'il le nouveau, d'un air boudeur. Après avoir jeté des regards vindicatifs sur la chaise, il s'habitue, non sans détruit. Dès qu'il s'y est accoutumé, on lui frotte doucement l'encolure et le dos avec ce bâton il le mord grogner de temps en temps, à sa présence, et, enfin, n'y fait plus attention. Alors le dompteur, après avoir souvent au début; mais si, une fois, il trouve que ces
Le Dressage des Fauves par F. C. Bostock\ Le public ~ossède sur le dressage des fauves des idées peu nombreuses, mais à;heu ~rès toutes erronées. En général on considère que dresser, c'est abrutir; et les moyens pressentis ou divulgués sont aussi ridicules qu'inexacts. Mlle Lilian Holbrook a publié à la librairie Hachette l'élégante et fidèle traduction d'un ouvrage dans lequel Mme Ellen helvin, autorisée ~ar le fameux Bostock à étudier de près le dressage des fauves et la nzétbode des don,bteurs, nous explique que la vraie force du dom~teur est dans l'ascendant que possède sur la bête l'intelligence bunaaine. nn voici le résumé.
fauves dans leurs cages, E voyantapprécient exactement les peines, les
peu de perles dansonnes gers et les frais qu'exige leur capture. Capturer les
fauves dans leur pays natal présente un grand danger. Le sport de la chasse aux fauves n'est rien en comparaison des difficultés qu'offreleur capture car il s'agit de les prendre non seulement vivants, mais encore
mort. La lionne tuée, tout danger n'est pas encore conjuré, car les lionceaux sont forts, farouches, méchants. Pour les prendre, on jette sur eux des filets ou un morceau de forte toile à sac où ils s'empêtrent. Quand ils sont capturés, on se procure des chèvres, en plein flux de lait,
pour les nourrir jusqu'à ce qu'ils aient
passé l'âge de la dentition et puissent manger de la viande.
intacts. Un animal
blessé est générale-
Pour
des lions en pleine
ment sans valeur. Il n'y a pas de tâçhe plus dangereuse,
croissance, on emploie
des pièges de diverses
formes. Mais les lions, comme tous les félins, sont astucieux, et nombre d'hommes ont perdu la vie en allant examiner un piège amor-
ni plus hasardeuse que la poursuite d'un lion dans les vastes déserts de la Nubie. Un certain
nombre d'indigènes bat le pays jusqu'à ce que la trace d'une
cé.
lionne ou de lionceaux soit découverte. S'ils voient que le repaire contient unè lionne et ses petits, ils la tuent pour capturer les lionceaux. Cela paraît très
simple; mais une
lionne, dont les petits sont menacés, est un des animaux les plus redoutables; elle tiendra bon jusqu'à la 1. Un
volume avec
Cl. C'haes Nesensolm.
nombreusesillustrations. fr. Librairie Hachette et Cie. Prix
5
A TRAVERS LE MONDE.
capturer
M,IDAJtE MORELLI ET SES FAUVES.
Gr-avure extraite de 45e uv.
«
Le Dressage des Fauves par F. C. Bostock ». N° 45.
On capture aussi les fauves en les acculant, au moyen de torches enflammées, dans des enclos faits de filets et de baguettes en bambou. Une fois dans ces clôtures, les animaux sont bien prisonniers, car tout essai pour escalader les baguettes de bambou les rejette tout simplement dans les filets, le bambou n'étant pas assez solide pour supporter leur poids. 5
Novembre 1904.
lion cesse de griffer la chaise et se retire dans un coin,
ouvert et refermé la porte une ou deux fois, regarde dans la cage, y entre lui-même tranquillement, et ensuite s'assied sur la chaise. Il est tout juste hors de la portée du lion, et, quand le lion a grogné, a protesté contre sa présence, comme il l'a fait pour la chaise, il
fort penaud, extrêmement intrigué et troublé. Tandis qu'il médite sur cet acte bizarre, le dompteur en profite pour sortir de la cage, laissant la chaise derrière lui. Presque toujours, après l'incident de la chaise, quand le lion a eu le dessous, il s'apaise assez vite; et dès que le dompteur reparaît, bientôt après, il a évidemment oublié tous ces désagréments, et se rappelle seulement que c'est le dompteur qui lui apporte tout ce qu'il désire. Un pas décisif est accompli avec succès dans son dressage. Dans la période suivante, le dompteur entre de nouveau dans la cage, avec la chaise et le gourdin. L'animal n'est plus militant, mais un peu timide, et reste dans son coin en regardant furtivement le dompteur. Peu à peu l'homme s'avance avec sa chaise jus-
s'apaise de nouveau et retombe dans son indifférence. L'heure sonne enfin où le lion est libéré de sa chaîne, où le dompteur risque sa vie; il sait qu'il touche à l'instant suprême. Si tranquille et docile qu'ait paru le lion pendant qu'il était enchaîné, aussitôt mis en liberté, il est certain qu'il déploiera soudainement sa férocité naturelle. Pour commencer, le lion est généralementunpeu nerveux, effrayé lui-même; et c'est la crainte qui chez lui engendre la colère; il regarde négligemmentde côté en grognant légèrement; puis, une seconde après, gueule ouverte, pattes étendues, il traverse l'espace comme un éclair, droit vers la gorge de l'homme, son corps rigide de fureur et ses cinq cents livres de nerfs et de muscles prêts à s'abattre sur l'im-
portun. dompteur qui n'aura pas prévu cette attaque terrible, qui ne s'y prépare pas, n'a pas le droit de s'occuper Le
des fauves et, selon toute probabilité, il ne s'y risquera plus à l'avenir, s'il a la chance de s'en tirer sain et sauf. Ici, la chaise qui joue un rôle im-
portant dans le
dressage d'un fauve, s'emploie de nouveau c'est une Gravure extraite de des meilleures défenses contre l'élan d'un lion. Si rapide et, en apparence, si spontané qu'ait été cet élan, le dompteur a dû remarquer la tension des muscles qui fa précédé, et, avant que l'animal ne l'atteigne, les gros pieds de la chaise se dressent entre eux.
Problème pour le lion Cette chose inconnue a soudainement pris une signification imprévue et peutêtre mortelle. En grognant, il se dresse sur son séant et griffe la chaise; il est peut-être tombé lourdement contre elle et à senti les coups de ses pieds lourds. Puis, de derrière elle, un gourdin s'élance, le même gourdin dont il a d'agréables souvenirs mais, maintenant, ce gourdin lui devient hostile, car il le frappe douloureusement sur le bout du nez, juste à l'endroit de ses plus intenses sensibilités. Le gourdin le frappe de nouveau; il y a dix chances contre une que deux coups sur cet endroit sensible suffiront. Rugissant de rage et de douleur, le
UN JEU ENNUYEUX. «
Le Dressage des Fauves par F. C. Bostock
qu'à ce qu'il soit à la portée du lion, puis il commence à le frotter avec le gourdin. Peu à peu, il diminue la distance, jusqu'à ce que, finalement, il ait sa main sur
l'épaule du lion et le caresse doucement. Le lion a appris à supporter le contact de la main humaine. De jour en jour le dompteur familiarise le lion avec sa présence et son toucher; il lui frotte le dos, le caresse sur les épaules, lève ses pattes. Ensuite, on le dresse à se coucher, à reculer jusqu'au fond de sa cage à un certain commandement ou à un certain signal; et, après chaque acte d'obéissance, on lui donne un petit morceau de viande comme récompense. S'il n'obéit pas, il ne reçoit point de récompense, et, bientôt, l'habitude se fortifie à un tel point qu'il fait tout ce qu'on lui demande, qu'on l'en récompense ou non. Alors, autre période du dressage, période très dangereuse pour le dompteur; c'est la première entr.ée
de l'animal dans l'arène. Il se trouve dans un lieu étranger qui lui paraît vaste, relativement à sa cage; il en est un peu troublé, car tout ce qui l'entoure est nouveau pour lui. Une des raisons pour lesquelles les dompteurs sont toujours si impatients de terminer le dressage dans les cages et l'école préparatoire pour introduire enfin leurs fauves dans l'arène, c'est que ces animaux ont été dressés dans des cages relativement petites, de sorte que, quand on les amène pour la première fois dans l'arène, il faut presque toujours recommencer leur dressage. D'ordinaire il faut un jour entier pour habituer un lion à ce nouvel entourage ensuite, on lui fait faire plusieurs des exercices qu'il faisait dans sa petite cage. A partir de ce point-là, le dressage d'un fauve n'est plus que l'adaptation à un travail plus avancé des principes déjà appliqués. C'est le progrès au dehors, à la suite d'une espèce d'école préparatoire. Les léopards, les panthères et les jaguars sont tous dressés à peu près de la même façon. On aurait tort toutefois de s'imaginer que tous les fauves en captivité soient également aptes à être dressés. Le caractère personnel y entre pour beaucoup. Ce qui réussit avec le lion peut, il est vrai, réussir avec le tigre, le léopard ou le jaguar; mais ce qui convient à un lion peut ne pas convenir à un autre lion, et on ne saurait dresser tous les tigres de la même manière. Beaucoup de personnes croient que le lion est courageux et le tigre traître; elles attribuent bénévolement à d'autres animaux des qualités fixes, généralisant ainsi sans avoir de bases sérieuses. Les dompteurs craignent le lion à cause de sa maladresse autant que pour toute autre raison car elle le rend capable de causer des dommages sérieux, sans même le savoir; le jaguar et le léopard, pour leur rapidité terrible dans l'action; le tigre, pour sa ténacité à atteindre un but, ténacité qui, une fois éveillée, est presque invincible. Mais, d'une manière générale, il serait inexact de dire qu'un de ces animaux soit plus à craindre que les autres. Le dompteur qui réussit compte sur l'individualité. Un animal peut avoir le tempérament lourd et flegmatique; un autre peut être lent et stupide; un troisième est sujet à des accès de rage sans frein; un autre est curieux et investigateur, ce qui le rend sans cesse inquiet; un autre est nerveux et craintif; un autre a un caractère difficile, irritable, et refusera de figurer dans la représentation, à moins qqe les circonstances ne soient à son gré. Sauf de rares exceptions, tous les félins sont indignes de confiance et plus ou moins traîtres. Que leur dressage en soit au début ou au perfectionnement, que leur dompteur les connaisse de longue ou de fraîche date, ils sont disposés, sans la moindre raison, à se jeter sur lui à n'importe quel moment. Il y a longtemps que les naturalistes et les philosophes soutiennent que les animaux, dominés comme ils le sont par leurs instincts, sont inaptes à la compréhension d'idées nouvelles, et incapables d'acquérir et de se rappeler les choses nouvelles que l'homme leur enseigne; mais l'étude des animaux savants, placés dans des conditions et sous des influences nouvelles, démontrera qu'ils sont capables in-
tellectuellement d'un progrès très grand, et donnera, sans doute, les limites probables de ce progrès. Dès aujourd'hui, l'on peut voir à quel degré le dompteur est arrivé dans le développementde l'intelligence animale, et, aussi, que ce développement a eu lieu dans des :onditions assez semblables à celles observées dans le perfectionnement de l'intelligence humaine. C'est une erreur de croire qu'un fauve soit jamais vraiment apprivoisé. Il acquiert, par suite de sa nature passive et de sa réceptivité, une disposition à subir l'empire de l'homme et oublie, provisoirement, sa férocité état produit en partie par les encouragements qu'on lui offre. Mais il se plie à la volonté de l'homme, seulement parce que celui-ci, par la force de son intelligence, exploite l'ignorance de l'animal. Le premier principe que l'on apprenne à un dompteur, c'est de ne jamais permettre- à un animal de connaître son pouvoir. Dès le moment où il le comprend, il est disposé à employer ses crocs terribles ou ses griffes.plus terribles encore. Aussitôt qu'un animal comprend son pouvoir, son dressage est manqué. Il devient insolent, et s'irrange pour se venger sur le dompteur de tout ce qu'il a enduré. Voilà pourquoi l'on fait tout pour développer chez l'animal le plus de respect possible pour l'homme. S'il griffe un dompteur, celui-ci ne doit, à aucun prix, le montrer, car il ne faut pas que l'animal sache qu'il peut le blesser. Le plus grand danger menace le dompteur dès qu'il est jeté à terre. Debout, il est maître; mais un fauve n'a aucun respect pour l'homme abattu. Dès l'instant où son corps touche le plancher, le dompteur cesse d'être le maître. S'il est renversé, le seul recours qu'il ait, c'est de s'efforcer d'atteindre les barreaux de la cage qui lui offrent un point d'appui pour se relever; car, une fois debout, il pourra tenir tête à la furie de l'attaque. Un des plus grands facteurs dans le dressage des fauves, c'est d'exiger une prompte obéissance des animaux, non seulement au début, mais toujours. L'obéissance absolue des animaux est la base capitale du dressage sans elle, point de sujets domptés ni de domvteurs. L'observateur superficiel dit et, probablement, se figure que l'empire exercé par un dompteur sur ses animaux vient du pouvoir magnétique de son regard. jamais plus grande erreur ne fut avancée. Une étude de la représentation que donne le capitaine Bonavita convaincra n'importe qui de cette erreur. Il a vingt-sept lions dans l'arène en même temps, et leur tourne constamment le dos, tandis qu'il circule au milieu d'eux et que, de temps en temps, il en choisit un, soit à droite, soit à gauche, po'ur lui faire faire un tour de force spécial. Ce n'est pas l'œil, c'est l'esprit qui domine en même temps une vingtaine et même un nombre plus grand d'animaux. L'espace nous manque pour résumer les chapitres qui traitent de l'histoire du dressage, de l'entretien des fauves, de quelques dompteurs célèbres, etc. L'ouvrage est émaillé d'anecdotes amusantes et des plus curieuses. C'est un livre intéressant, propre à faire l'instruction et le divertissement des lecteurs de tout âge.
La Fête des Eaux à Pnom-Pen
h.
Dss les
premiers jours de kadék, novembre, époque où le Tonté-sap commence à restituer au Mékong, dont il est tributaire pendant la saison des pluies, les eaux qui ont été refouléesdans le Grand-Lac, les Cambodgiens se préparent à fêter dignement BrahGanga, leur fleuve, qu'ils ont divinisé. A Pnom-Penh, la capitale, ont lieu, durant trois jours, des régates magnifiques, auxquelles s'empressent d'accourir tous les Européens présents à la colonie;
les femmes des
de drapeaux français. Des arcs-de-triomphe ont été formés avec des fleurs et de la verdure. En approchant des bords du fleuve, nous sommes arrêtés par une foule compacte formant haie; bientôt des accords se font entendre c'est la musique royale, composée de musiciens tagals, qui se rend aux régates, jouant Sambre-et-Meuse, et suivie de la garde particulière du roi, composée d'environ vingt-cinq soldats, dont pas un ne marche au pas Sa Majesté a bien fait les choses sur les bords du Mékong, encore inondés et couverts de boue, on a construit un pont mobile sur des radeaux de bambous, ce qui permet d'arriver aux embarcations aménagées pour le roi, les Européens, les princes etles dignitaires du royaume. Quatre heures! Sa Majesté est encore dans les barques réservées aux femmes de son harem. Cependant les régates vont commencer: la musique attaque
magistralement
Le
colons et des fonc-
toire, un coup de
tionnaires pren-
canon retentit, et
nent place dans les barques royales qui, pour la
les ~he-luovcgs,
pirogues,
qui
doivent prendre part aux joutes,
circonstance, ont été aménagées, tapissées de velours et d'or, décorées de fleurs et de feuillage,transformées en loges.
viennent défiler un à un, lentement, devant les loges fleuries. Quel défilé
curieux!
Un vapeur
Dans
ces pirogues étroi-
des Messageries fluviales, sur lequel j'avais pris passage à Mytho, me débarqua le lendemain dans la capitale cambodgienne pour la seconde journée
Père la Vic-
tes, légères, creusées dans un seul
tronc d'arbre et parfaitement inLA FÊTE DES EAUX A PNOM-PENH (LES RÉGATES).
Photographie de M. Prahas.
desjoutes.
Tout Pnom-Penh était en liesse. Le quai et les rues, bruyants et animés, regorgeaient de monde.
Tous les Asiatiques se coudoyaient magots chinois, commerçants du Hou-pé, au nez surmonté d'immenses lunettes rondes, Indiens étriqués dans des redingotes beaucoup trop étroites, Malais aux traits accentués et énergiques, Annamites malingres, à la physionomie railleuse, Cambodgiens insouciants et querelleurs, Cambodgiennes pittoresquement vêtues de sam~ots empesés et d'écharpes de soie aux couleurs vives, couvertes de bijoux, et l'oreille droite garnie d'un gros bouquetde jasmin blanc ou de pbka-kiet-tboum, grandes fleurs légèrement safranées, aux troublantes senteurs. Et parmi tout ce monde, jetant la note vive de leurs costumes entièrement jaunes, une foule de bonzes, impassibles devant les saluts qui leur sont prodigués, et des groupes de quatre, cinq ou six tirailleurs cambodgiens tenant le haut du pavé, et fiers de leur élégante tenue blanche, sur laquelle tranche le rouge ardent d'une large ceinture et des jambières. Le palais royal et ses abords sont garnis de mâts portant des trophées de drapeaux aux armes du roi et
stables pour "quiconque n'a point l'habitude de ce mode de locomo-
tion, se tiennent, rangés deux par deux, une quarantaine de pagayeurs, debout dans les unes, à genoux dans les autres. Avec un admirable ensemble, les pagaies se lèvent et s'abaissent, frappant l'eau en cadence, aux accents d'un chant comique que scande un personnage bouffon, dansant et gambadant au centre de chaque embarcation. Le refrain, très court et souvent répété, est repris èn choeur par les pagayeurs auxquels il semble donner une ardeur croissante.
Un nouveau coup de canon retentit bientôt,
suivi d'un nouvel air toujours aussi énergiquement attaqué par la musique royale. Des cris retentissent de toutes parts; une foule bariolée accourt et se presse sur les radeaux pour voir, du plus loin possible, arriver les concurrents au but placé en face des loges. Les régates battent leur plein. Deux à deux, les ~be-luongs s'élancent, avec cinq minutes d'intervalle entre chaque départ. Sur le Mékong, qui roule majestueusementses eaux jaunâtres, on aperçoit bientôt deux points noirs qui grossissent rapidement ce sont les deux premières pirogues qui arrivent, rapides, soulevant des flots d'écume sous l'impulsion de leurs qua-
rante rameurs, dont les puissantes poitrines lancent vers le rivage des sifflements stridents. Pendant plus d'une heure, toujours deux à deux dans leur lutte de vitesse, les pirogues continuent d'affluer vers le but. Un ou deux coups sonores, frappés sur un tam-tam, annoncent laquelle des embarcations, celle de tribord ou de bâbord, est la gagnante. Encore une fois, d'autres pirogues défilent devant les loges pour gagner le point de départ, toujours avec le même cérémonial, puis, s'élançant à leur tour vers le but, troublent, sous les efforts de leurs rameurs, les flots à présent courroucés. Les pagayeurs sonttrempés de sueur et d'embruns, mais le Tonlé-Thoum grand fleuve est vaincu dans cette lutte enragée. Alors a lieu la distribution des récompenses. Les pirogues gagnantes défilent encore une fois devant les loges pour y recevoir leurs prix, aux acclamations de la foule; la musique joue son dernier air, les joutes de la journée prennent fin. Mais le dernier mot n'est pas encore dit sous la nuit qui descend lentement, des centaines de pirogues qui, à leur tour, sillonnent le fleuve, lancent aux échos des chants doux, savamment modulés, que des sortes de guitares accompagnentlangoureusement. Et demain, pour le dernier jour des fêtes, le roi, selon qui doit passer la nuit en prières, tranchera, une courroie symune vieille coutume religieuse; bolique qui retient le cours des eaux et permettra au fleuve de descendre se vider à la mer, en attendant la saison des pluies qui le remplira à nouveau. PRAHAS.
Les Allemands au Chan-toung. ARRIVIE récente de croiseurs russes à Tsing-tao, le port de la colonie allemande de Kiao-tchéou a ramené l'attention sur l'action des Allemands dans cette partie de la Chine. C'est en 1897 qu'ils reçurent à bail le territoire en question appartenant à la province du Chantoung, avec le droit d'y construire un chemin de fer de pénétration et d'y exploiter les mines dans un rayon
de 15 kilomètres des voies projetées. Le premier soin de l'Allemagne fut de constituer deux sociétés auxquelles elle rétrocéda la double concession qu'elle venait d'obtenir de la Chine. La Compagnie des chemins de fer du Chan-toung, la première en date, se mit immédiatement à l'œuvre. Les 405 kilomètres séparant Kiao-tchéou, ou plus exactement le port de Tsing-tao de Tsi-nan-fou, la capitale du Chan-toung, furent couverts en un peu plus de quatre années, ayant été commencés en octobre 1899 et terminés en mars 1904. Il est probable qu'on ne s'en tiendra pas là. On parle, en effet, de relier cette ligne à un projet plus vaste qui devrait doubler le grand canal par une voie allant de Tien-tsin au fleuve Bleu par le Chan-toung. L'importance du premier objectif n'a pas besoin d'être soulignée.
Pour le moment, deux embranchements se détachent respectivementau tiers et aux deux tiers environ de le. ligne et conduisentaux centres houillers exploités par la Compagnie des mines du Chan-toung. Le premier, dénommé Fang-tze, est le seul où 1 ''extraction du charbon se soit faite jusqu'ici d'une façon régulière et progressive. Encore n'est-elle poussée que modérément. A Po-chan-hien, l'autre centre, les forages ont permis d'établir la richesse énorme et incontestable du district. Là est la grande réserve de l'avenir. Au terminus de ce chemin de fer, à Tsing-tao, de grands travaux furent entrepris pour créer un port. Les travaux furent difficiles, car, en aucun point, la baie de Kiao-tchéou n'offrait les avantages d'un port naturel. La science des ingénieurs y suppléa, et deux ports d'inégale grandeur ont été édifiés, On peut se faire une idée du plus grand ainsi que de l'importance du coût de l'œuvre, en disant que la digue en forme de bras recourbé, qui isole ses eaux de la pleine mer, a 4 kilomètres de longueur. Une ville nouvelle, moderne, européenne, est venue remplacer les bourgades indigènes, sises anciennement au bord de la baie. L'ensemble en est imposant. 1 C'est, en un mot, une création d'État. Bien que le chemin de fer traverse les grands centres de la province, tels que Weï-hien ou Tsi-nan-fou qui sontdes villes de 2 à 300 000 âmes, au dire des Allemands qui sont là-bas, il ne rapporte pas. Quant au port de Tsing-tao, son développement n'est pas très rapide. En 1902, le nombre des vapeurs entrés a été de 236 et celui des vapeurs sortis de 237, représentant un tonnage de 500000 tonnes environ. Le commerce a atteint 14 598 41 taels en 1903 (le tael vaut francs environ), après n'avoir été que de 8 73 0 920 taels en 1901 etde IO 344642 taels en 1902. C'est une augmentation de 67 pour 100 en deux ans de temps. Dans ces chiffres, les importations figurent pour 5969050 taels en 1901, 8075250 taels en 1902, 266367 taels en 1903, et les exportations naturelII lement pour la différence,soit respectivement2 76. 1870, 2 269 392 et 3 332 044 taels 1. Dans le chiffre des importations, figure l'apport destiné au chemin de fer, aux mines, au port. Or, c'est là une cause de mouvement tout à fait occasionnelle qui diminuera dans de larges proportions avec l'achèvement des grands tra-
et
vaux.
Dans une étude sur foeuvre allemande au Chantoung, M. E. Pelleray appréciait ainsi les résultats que nous venons de signaler. cc On aurait tort de décréter l'impuissancecertaine des Allemands à conquérir économiquement le Chan-toung,ll faut tenir compte de ce que leurs entreprises ne sont en somme qu'à leurs débuts. Leur caractère même n'y est pas étranger. Tsingtao n'est pas le résultat d'un mouvement commercial croissant. Il procède d'une tout autre conception. Ce port a été construit en vue d'un développement à venir. C'est à l'organe de créer la fonction. Et pour cela, il lui faut dériver des courants établis, se détourner des habitudes invétérées, dans le pays où la Japonais sont actifs à Kiao-tchéou, comme partout en Chine. L'importation de leurs cotonnades, allumet2es, etc., a passé de 30500o taels en 190 à 1 214 000 1. Les
en 1902.
routine a le plus de force. Leur chemin de fer est également bien conçu. Ce n'est pas sa faute si le Chantoung est lent à s'ouvrir commercialement et s'il ne vaut pas, malgré tout, la vallée du Yang-tsen. Il ne faudrait pas cependant que de sensibles améliorations soient apportées au port de Tche-fou, ni qu'on le relie avec le centre de la province par une voie ferrée. Ce serait un coup mortel pour Kiao-tchéou, mais ce n'est guère à craindre, l'Allemagne étant politiquement toute puissante au Chan-toung. » Laissons donc à l'avenir le soin de dire si les Allemands ont fait au Chan-toung une « bonne affaire ». En s'implantant en Chine, ils ont voulu surtout frapper l'imagination de la Chine, satisfaire leurs visées d'impérialisme, donner à leur expansion une source d'activité nouvelle. En cela, ils ont réussi pleinement.
Pêche et Préparation de la Sardine.
-quand elle se trouve dans la
localité et qu'elle n'est pas trop repue, car alors la distribution de rogue est faite en pure perte et on l'entoure silencieusement avec le filet. Bientôt effrayée, elle cherche à s'échapper, et, dans sa fuite, elle se prend par les ouïes, se n~aille dans les mailles du filet. On embarque, et pour démailler le poisson sans y toucher, car aucun n'est plus délicat et plus prompt à se corrompre, deux hommes placés en face l'un de l'autre reploient lentement le filet'et lui communiquent par intervalles un très rapide mouvement saccadé de ;va-et-vient. La sardine se détache et on la range dans des paniers. Le jour même, elle est portée à terre, vendue et préparée dans les usines ou friteries. Des femmes lui arrachent la tête et l'étripent; on la lave et on, la laisse pendant une heure ou deux dans une saumure. On l'en retire, on la sèche à l'air, on la place dans des supports en fils métalliques galvanisés où chacune est isolée, on la fait passer dans un bain d'huile bouillante. Égouttée etrefroidie, on l'empiledansdes boîtes dont on fait ensuite le plein avec de l'huile froide, on soude le couvercle, on réchauffe les boîtes à l'eau bouillante, on achève la soudure, et la boite de sardines est prête pour la vente.
sardine revient sur les côtes de France, et l'on peut Lespérer pêcheurs n'auront plus déplorer,
à que nos momentanémentdu moins, son absence, qui est pour eux synonyme de misère. Une page de M. Thoulet, dans son beau livre sur l'Océan, nous enseigne comment ces intéressants petits poissons passent de leur demeure ordinaire dans les boîtes de fer-blanc. La pêche à la sardine, dit-il, a beaucoup faitparler d'elle, et l'histoire seule de ses migrations, de ses apparitions ou disparitions subites sur les côtes, a donné lieu à une littérature véritablement de poids, car je sais un savant qui, ayant commencé à collectionner les brochures ou mémoires publiés à ce sujet, en possédait déjà, il y a quelques mois, environ 700 kilogrammes Rien d'étonnant, par conséquent, à ce que la question soit encore un peu obscure. Quoi qu'il en soit, la pêche à la sardine, quand ce poisson veut bien donner, se fait de la manière suivante. Les bateaux sardiniers partent de grand matin. Arrivés sur le terrain de pêche, selon la grosseur de la sardine, les pêcheurs choisissent un filet à mailles plus ou moins fines et teinté en bleu afin d'être moins visible, et ils le mettent à l'eau. La forme est celle d'un grand rectangle assez long, mais peu élevé, et il est maintenu vertical par des morceaux de liège espacés sur son bord supérieur et souvent par quelques plombs à sa partie inférieure. La sardine se tient à unecertaine profondeur; pour qu'elle monte à la surface, on lui jette de la rogue, ovaires de morue bourrés d'oeufs. La hausse considérable du prix de la rogue, qui a triplé depuis deux ou trois ans, est une des causes qui ont eu une influence sérieuse sur la crise de l'industrie sardinière, pêche et fabrication des sardines à l'huile. On met une certaine quantité de ces ovaires dans un seau, et, avec les mains, on les déchire pour qu'ils laissent échapper les oeufs comme une bouillie claire qu'on jette par poignées autour du bateau. La sardine, très friande de cette boëtte, monte à la surface,
Émile Bourdaret.
En Corée.
vol.
in-16, avec gra-
vures. Prix 4 francs. Librairie Plon-Nourrit et Ge, 8, rue Garancière, Paris.
Bourdaret, qui n'est pas un
inconnu pour nos lecteurs, puisqu'il nous a donné, au commencement de cette année, la primeur de ses impressions coréennes, vient de publier un livre qui arrive à son heure. L'attention du monde entier est fixée sur cette petite péninsule asiatique qui est devenue l'un des enjeux de la terrible partie engagée entre la Russie et le Japon. Aussi, est,ce avec une curiosité angoissée que le lecteur pénètre, à la suite de M. Émile Bourdaret, dans ces cités mystérieuses, dont quelques-unes, comme Tchemoulpo, rappellent d'inoubliables drames; s'enfonce dans les massifs montagneux dénudés de leurs forêts de pins, transformés en «mornes» déserts; s'initie aux moeurs étranges d'un peuple mené par des sorciers, livré, en plein vingtième siècle, malgré les apparences de la civilisation, aux pratiques du plus grossier fétichisme. Précise comme un instantané, colorée comme un tableau de plein air, la description de Séoul, avec ses embarras de chars à deux roues qui rappellent un Boileau, ses illiokos bondissant sur les pavés j avec la file de ses petits chevaux rageurs, ses chaises à porteurs, dignes de l'Ancien Régime, sa pagode de marbre blanc, son palais impérial qui est une ville dans la capitale, son corps de ballet qui a l'honneur d'exécuter devant le souverain la Danse des tigres et la Danse des sabres; avec ses maisons, enfin, à une seule ouverture, protégées de papier blanc. En résumé, conclut M. Bourdaret, l'impression générale du visiteur est qu'il a en face de lui une nation intelligente, bonne, hospitalière, mais dont la mentalité est retardataire. La terre de la (\ Fraîcheur matinale », ainsi que les Extrême-Orientaux appellent la Corée, ne s'est réveillée de son sommeil séculaire, hanté de rêves merveilleux, que pour devenir la proie de convoitises rivales. Quel sera le sort de cette race, qui a l'ingéniosité des Japonais sans en avoir la nervosité brouillonne, et que la nature semblait avoir vouée à des destinées arcadiennes? C'est le secret du Dieu des batailles. Mais aujourd'hui, comme demain, quiconque voudra connaître à fond l'âme coréenne, avec ses étonnantes complications, ne pourra se dispenser de consulter l'œuvre, si profondément observée, de M. Bourdaret, qu'illustrent et commentent vingt-quatre magnifiques gravures hors texte. M
Opinion de l'Allemagne sur 13s cyclistes
militaires combattants.
L'Allemagne s'est montrée peu enthousiaste, dès le début, sur la question des cyclistes combattants. Elle continue à rester aussi froide à leur égard. Il y a, dit la StrassburgerPost, des partisans de l'infanterie montée à bicyclette, mais ils se trouvent en minorité. Les expériences des guerres récentes ont prouvé que l'infanterie à bicyclette ne sert à peu près à rien. Les succès obténus aux manoeuvres d'automne, qui ont conduit en France à la création d'unités cyclistes, ne sont pas des preuves indiscutables de la praticabilité de leur emploi en temps de guerre. Ce qu'il y a de plus étonnant pour nous, c'est que les Anglais, toujours si excités sur les questions de sport, et qui ont, les premiers, réuni des unités cyclistes, ne les ont pas du tout employées comme combattants pendant la guerre sud-africaine. Puisqu'on entend toujours dire qu'un cycliste peut aller partout où va un fantassin, il est impossible que ce soit le manque de viabilité de l'Afrique du Sud qui ait été la cause du non-emploi d'infanterie montée à bicyclette, On ne doit donc pas accuser de tendances rétrogrades les armées qui n'ont pas organisé d'unités cyclistes. Mais, de plus, il conviendrait de restreindre l'emploi des cyclistes comme agents de transmission en marche ou au combat. En marche, le cycliste ne va pas plus vite que la colonne; et, au combat, tous ces cyclistes, courant en arrière du front, donnent un mauvais exemple aux traînards qui cherchent à se défiler. Chaque bataillon pourrait emporter quelques bicyclettes sur ses voitures pour les utiliser pendant le stationnement, pour assurer le transport mais des ordres et renseignements,le service pO.ital, en marche et en combat, on ne devrait tolérer aucun fantassin qui ne soit un fusil, de même que tout cavalier doit être un sabre. Si l'on veut utiliser les cyclistes en marche ou au combat comme estafettes, il faut les réunir en groupes spéciaux sous les ordres d'un officier, et veiller en même temps à ce qu'ils aient reçu en temps de paix une instruction appropdée. Le partisan des unités combattantes cyclistes combattra cette proposition et la repoussera comme insuffisante, parce qu'à ses ye~x elle ne constitue qu'une demimesure. Mais un chef de troupe, jugeant avec calme la situation, se ralliera à cette m::nière de voir, car tous ces bicyclistes, errant de tous les côtés, inspirent peu de sympathies dans les régiments. Une flotte neuve japonaise. Le journal Zeit fait connaître que l'on construit actuellement pour le japon, sur les chantiers anglais de la Clyde, toute une série de puissants navires des types les plus nouveaux. Ces bâtiments seront sans doute terminés à peu près à la fin de la guerre actuelle. De cette façon, le japon disposera au moment de la paix d'une flotte plus puissante encore qu'actuellement. Bien entendu, ces navires ne seront livrés au japon qu'à la fin des hostilités, même si leur construction était achevée auparavant. Le capitaine de vaisseau japonais Fudji est détaché en Angleterre pour surveiller ces travaux. On le regarde comme un des officiers les plus compétents de la marine japonaise. Il est certain qu'après la guerre actuelle, quelle qu'en soit l'issue, un certain nombre des navires japonais se trouveront hors de service, et l'ambitieux japon ne se soucie pas de se voir momentanémentdésarmé, même après une victoire.
etc.
Passages de rivière par l'artillerie.
Nous avons signalé à nos lecteurs en temps voulu, des essais de passage du Rhin exécuté à Maxau, cet été, par de l'artillerie de campagne. Des essais analogues ont été faits à Kœnigsberg avec du matériel improvisé au moyen de tonneaux. Pièces et avant-trains passèrent séparés. Chaque demivoiture était supportée par deux files de 4 tonneaux réunies au moyen de deux longues perches. Sur chaquefile de tonneaux, un tablier en planches portait le harnachement, les effets des hommes et les hommes chargés de la manoeuvre. Une des pièces fut pa.isée à la rame; les autres, halées au moyen de cordelles. L'expérience fut considérée comme réussie.
Effets de l'artillerie sur une infanterie
abritée.
Une série d'articles, publiés dans la ~eutsche OJfiyérblatt et dus à un officier de réserve allemand qui a fait la campagne du côté boer, semble indiquer la nullité de l'effet de l'artillerie sur une infanterie abritée. L'auteur cite un cas où le commando allemand, dont il faisait partie, avait à défendre une ligne de kopjes, formant le point d'appui d'aile de la ligne générale de défense. Le commando, fort de 3o hommes, était bombardé de front par plusieurs batteries de campagne, et de flanc à 3 00o mètres nar quelques pièces de marine tirant des obus à la Iyddite. Il tomba sur les Allemands près de o0o projectiles. Leurs pertes furent pourtant peu considérables en proportion de cette orgie d'obus 2 tués, 6 blessés grièvement, blessé légèrement. Les shrapnells, ou éclataient en avant de la position occupée dans les rochers, ou la dépassaient pour aller éclater au loin en arrière. Le tir percutant des obus à explosifs donnait, lui aussi, peu de résultats, à cause du peu d'étendue de la zone où leurs éclats avaient un
effet utile. Cela montre, de la manière la plus nette, l'impuissance absolue où se trouve l'artillerie de faire évacuer, à ell~ seule et sans l'aide de l'infanterie, qui oblige le défenseur à se montrer et par suite à se donner en prise, une position sur laquelle il existe de bons abris naturels ou artificiels, même en recourant à l'emploi des obus à explosifs brisants.
Le poids del'équipementdufantassinrusse.
correspondant Le amèrementdu
universelle se poids qu'on oblige les soldats à porter plain-t en campagne. « Notre soldat, dit-il, porte sur lui, en campagne, 68 livres. C'est sous ce faix qu'il doit attaquer, courir et viser. Ce poids se répartit comme suit le fusil 10 1/2 livres, les cartouches 8 1 /2 livres, le reste est absorbé par le sac, le manteau et la gamelle. Le sac de toile est passé en bandoulière et retombe sur la hanche, qu'il heurte à chaque pas. Malgré la consigne rigoureuse, les soldats préfèrent attacher ce sac à leur ceinture par une courroie. Pendant la bataille du Yalou, les soldats suppliaient sans cesse leurs chefs de leur permettre de jeter leurs sacs. Naturellement on le leur a défendu; alors ils protestaient en montrant les Japonais, qui les attaquaient, chargés seulement de leur fusil et de cartouches. » Les généraux russes expliquent la légèreté de l'qu'pement japonais par la qumtité de domestiques militaires, qui accompagnent les régiments (un coolie pour deux soldats) et portent toutes les charges; cette explication est juste, mais ne remédie en rien à l'infériorité de notre soldat sur ce point. De même, le port de la gamelle sur le dos a l'inconvénient, pendant la marche, de heurter la pioche et de faire un bruit métallique très importun, surtout dans les mouvementsqui devraient rester secrets. russe de la Bibliotbèque
La transformation du matériel d'artillerie de campagne aux Etats-Unis. La nouvelle pièce
de o°'08, qui est due au capitaine Lewis et a une certaine analogie avec le modèle français, a été adoptée après deux années d'expériences. Elle porte le nom de « moest fabriquée en partie dèle du Comité de l'Ordnance à l'arsenal de Watervliet (N. Y.). Les détails de construction sont ~;enus secrets pour le présent. Le matériel qui est fabriqué à l'arsenal de Rock Island (Illinois) est de l'invention du capitaine r. W. Burr, de
et
l'Ordnance Dcpartment. L'affût est muni de boucliers, à peu près semblables à ceux du modèle français; le recul de la pièce, sur cet affût, est de 1 ID 15 environ. Le caisson sera pourvu d'un bouclier dont la disposition est tenue secrète. Il paraît cependant que la protection offerte par ledit caisson n'est pas analogue à celle du caisson français; les constructeurs américains considèrent en effet la méthode française comme extrêmementincommode et ont tâché de remédier à ses inconvénients, Comparé avec le matériel ancien, le nouveau matériel présente une amélioration évidente, tant au point de vue de la légèreté qu'à celui de la quantité de munitions transportées par la batterie.
Le Laboratoire de Zoologie expérimentale de Roscoff. Quand la nécessité ~ousse à la décentralisation, elle fait ceuvre utile et durable. L'impossibilité d'étudier la vie des êtres maritimes nulle ~art mieux qu'au bord de la mer a amené la fondation, à Roscoff, d'un laboratoire de ,~oologie ex~érimentale qui est un foyer de science et de brogrès. Dans une sorte de~halanstère, où fraternisent maîtres et étudiantsfrançais et étrangers, se font les découvertes et s'offre un bel exem~le du désintéressement légendaire de nos savants. bien des siècles, on n'a connu, en fait d'or1 ganismes marins, que les animaux comestibles et ceux que leur taille ou leur forme signalaient à l'attention de tous baleines, poulpes, serpents de mer, coquillages. A cela se bornait le monde maritime. A la fin du XVIIIe siècle, un excellent abbé du Havre, l'abbé Dicquemare, s'attacha aux recherches de la biologie marine. Doué d'une grande patienceet d'un pENDANT
grand courage,
bon nageur, il s'avançait dans la mer jusqu'aux en-
Milne-Edwards, le premier, se servit du scaphandre dans un but zoologique. Le premier laboratoire maritime permanent fut fondé à Ostende, en 1843, par P. J. Van Beneden. Les savants les plus illustres vinrent y travailler. En 1857, un laboratoire, beaucoup plus vaste et confortable, fut édifié à Concarneau, par Coste. En 1867, une société privée fonda la station d'Arcachon, et une autre, en 1871, celle de Sébastopol. En 1872, la Prusse consacra
un demi-million, à élever, à Naples,
droits où vivaient les animaux qu'il
pour la zoologie
maritime, un véri-
voulait observer et y restait des heures entières, en ca. leçon de bain, pour les contempler à son aise sans qu'ils
table palais. La même année, M. de LacazeDuthiers fondait,
avecdesressources très restreintes, le
se contractassent. Les dessins qu'il en
laboratoire de Roscoff,
adressa au journal
la première
de Physique
attirèrent l'attention sur
station vraiment universitaire,c'est-
ce monde de la
à-dire destinée aux
mer, et Bernard de Jussieu vint luimême étudier, sur
travaux pratiques des
étudiants et
LE LABORATOIRE DE ZOOLOG1E EXFÉRIEIEN'fALE DE ROSCOFF.
non pas seulement à ceux des profesPhotographie conzmuniqziée par J~l11c M. Dal~bresse. les côtes de Norseurs. En 1873, les mandie, ce qui lui États-Unis installaientleur première station. En 1876, permit de restituer au règne animal nombre de Pola Société zoologique des Pays-Bas créait le premier lypes et de Bryo,~oaiyes, avant lui réputés plantes. laboratoire maritime itirrérarrt. En 1884, l'Écosse faiCependant, jusqu'er¡ 1826, on n'étudiait guère sait Saint-Andrews et Granton la première station des animaux marins que leur structure interne et exmaritime flottante; puis, en 1888, l'Angleterre bâtisterne,déforméeparunlongséjourdansl'alcool.En 1826, sait Plymouth sur le modèle de Naples. Le nombre de Audouin et Milne-Edwards entreprirent les premières recherches méthodiques sur la faune maritime. Dujarces Instituts est aujourd'hui de cinquante. Il y a une quarantaine d'années, la pensée de fondin, de Quatrefages, de Lacaze-Duthiers, Jean Müller, der, à Roscoff, un laboratoire de zoologieexpérimentale Edward Forbes, Bengt, Fries, les suivirent bientôt. A TRAVERS LB MONDE.
46e
LIV.
N~
46.
12
Novembre 1904.
sombre, avec une pointe amarante elles balaientl'eauautour d'elles, boules vivantes et étranges. De petits polypes, couleur beige, d'autres marrons, au ras
du sable, épanouissent leurs ramillettes, fleurs de la mer délicieusement jolies; des mollusques rampent ou, visqueux comme les patelles, collent leurs pédoncules aux parois de verre; de petits bernard-l'er~nite, agiles, sortent de leur coquille une frimousse amusante, tandis que des crabes, aux gros yeux, regar-
dent vaguement alentour. Certains bacs contiennent
L~AQUARIUhf DU LABORATOIRE DE ZOOLOGIE,
A
ROSCOFF.
Photographie communiquee par Mlle M. Daubresse.
s'imposait à l'esprit de M. de Lacaze-Duthiers. Bien qu'il connûtd'avance les difficultésauxquelles se heurte toujours une tentative généreuse, l'illustre zoologiste se mit à l'œuvre, et, quelque temps après (juin 1813), ilavait la joie d'inaugurer, aprèsl'avoirsommairement outillée, la station de Roscoff. Bien qu'ayant déjà coûté beaucoup de peine, le laboratoire n'était qu'à ses débuts c'était une promesse, un essai; M. de LacazeDuthiers ne l'ignorait point, aussi poursuivit-il courageusement sa tâche. Pendant vingt ans, il consacra son temps, son argent, ses forces, à la réalisation complète de ses projets. La première impression, lorsqu'on pénètre dans cette maison de science et de travail, est tout
agréable. Un beau jardin, aux gracieux ombrages, offre au visiteur la fraîcheur reposante de ses vertes frondaisons. La façade d'un pittoresque bâtiment s'irrégularise de la bosselure de deux grosses tours, dont l'une est couverte de lierre presque du pied au faîte. A angle droit, avec cette première construction, s'en élève une seconde, semblable à une serre fAquariurra. Deux grands bassins dessinent, sur le sol, l'ellipse de leur contour. Remplis d'eau de mer, ils reçoivent les animaux que les travailleurs du laboratoire rapportent de la pêche pour les étudier. Des coquillages aux formes contournées, des oursins épineux, y progressent lentement, ces derniers hissant leur châtaigneuse personne jusqu'aux bords de la vasque, mus peut-être par un vague instinct de liberté. Sur les côtés de la salle sont rangés une vingtaine de bacs. Ce sont des caisses à parois de glace, posées à un mètre environ. du sol, et dont le fond est couvert de sable. L'eau de mer, qui y est perpétuellement renouvelée et aérée, y entretient la vie des petits habitants, leurs hôtes momentanés. Non seulement ils y vivent, mais encore quelques-uns y multiplient. D'autres oursins, des astéries, y promènent leur corps géométrique. Des anémones, d'une espèce singulière, y meuvent leurs mille petits bras au tissu fin, vert
des pierres moussues sur lesquelles de minuscules et éclatants corynactis mettent la tache brillante de leur lumineux petit être. Pourpres ou vert pistache, ils semblent des fleurs en minia-
ture, ou d'appétissantsbonbons, ou les grains éclatants d'un idéal collier. Que de peines pour amener ici cette richesse zoologique que les profanes contemplent d'un oeil diverti ou curieux Seuls les naturalistes, qui ont été recueillir ces vivants de la mer, savent avec quelles
difficultés se livre la faune riche et variée de Roscoff. M. de Lacaze-Duthiers, qu'elle remplissait d'admiration, nous conte quelques-unes de leurs épreuves. {( Dans le canal, dit-il, entre l'île de Batz au nord, et la terre ferme, au sud, les animaux, protégés contre les fortes houles du nord, se multiplient beaumais la chasse y est pénible, il faut tourner les coup lourdes pierres qui cachent des trésors zoologiques, il faut, la pioche à la main, fouiller les herbiers, il faut enfin se coucher sous les blocs de granit amoncelés pour trouver les êtres qui se réfugient sous eux, à l'abri de la lumière. Quand on aura passé toute une matinée à explorer, soit au nord de l'île Verte et des Bourguignons, surtout le banc de Bistard, soit à l'ouest, les îlots de Rolea, du Loup, ou Carec-ar-Bleiz, ou bien, à l'est, Carec-zu, Meinamet et Ben-ven, on rentrera au laboratoire chargé d'une riche moisson. Quant à la partie nord de l'île de Batz, la côte y reçoit directement la houle de la pleine mer, le ressac y est toujours très fort. Il faut faire devéritables puits, en suivant la marée qui descend; alors, après des peines, des fatigues très grandes, on arrive à trouver, dans les anfractuosités, abrités sous les pierres amoncelées, des Éponges, calcaires ou autres, superbes, fort curieuses, et des êtres très variés: Mollusques, Hÿdraires, Coralliaires et Annélides. La plage de Saint-Pol-de-Léon a une faune différente, à bien des égards, de celle de Roscoff. On y trouve en abondance certaines Annélides Myxicoles et Sabeiles, des Cbceto~tères et beaucoup d'Acépbales, des Gastéropodes et des Hydraires.
Quelle joie pour le chasseur, car c'en est une, de revenir, tout chargé de son butin Avec quel soin il protège ses trouvailles zoologiques, avec quelle sollicitude il suit l'évolution de leurs métamorphoses,avec
quelle patience il essaie d'arracher à ces êtres primaires le secretde la Vie qu'ils détiennent peut.être! » C'est là, dans ce laboratoire, que le savant poursuit ses recherches; il y recrée la Nature à la mesure de l'esprit humain; il use ses forces à soulever un coin du voile sous lequel se dérobe l'éternelle, et peut-être à jamais insaisissable Maïa. Aussi, n'est-ce pas sans émotion qu'on franchit le seuil de cet asile et qu'on y reçoit l'accueil de ceux, noblement désintéressés, dont la vie se dépense à poursuivre la Vie. Ce sentiment de respect, si simple, demeure cependant étranger à quelques-uns qui n'ont pas le sens du mystère. D'une façon tout unie, ils interrogent pour savoir {( à quoi peut servir un laboratoire?. » Certains s'enhardissentjusqu'à suggéreraux zoologistes des idées {( utiles ». Ainsi, nous sommes probablement fort loin de Roscoff, un fonctionnaire important s'exclama, s'adressant au directeur d'une de nos
stations zoologiques
Encore, si vous faisiez quelque chose pour le départementl. », et plus caressant, il insinua « ou même pour la ville où vous êtes. nous vous fournirions des subsides. » Parce qu'il faut ajouter, qu'en France, les institutions les plus nécessaires manquent généralement d'argent. Il s'en dépense tant d'autre part! Homme d'esprit, le directeur de la station précitée ne laissa rien voir de son étonnementet promit d'étudier une certaine amélioration concernantla pêche à la sardine. Espérons qu'il arrivera ainsi à toucher les subsides entrevus. Dépendant de l'Aquarium, quelques salleslui sont contiguës, notamment la Salle des Engins. On y met, à l'abri, la drague, un des instruments les plus utiles aux chercheurs. Sur les fonds de sable ou de gravier et de débris coquilliers, elle permet de rapporter des Bryo~oaires, fort intéressants et nombreux; des espèces d'Ascidies variées; quelques Coralliaires; des É'toiles de Cribelles et Palmi~es; des Holoturies, des Molmer lusques Acé~bales et Gastéropodes nus, et de nombreux Crustacés. Seulement elle est lourde à manoeuvrer, son pesant cadre en fer ne la rendant pas d'un maniement facile. De plus, son emploi sur un fond de roche est impossible; aussi ne la prend-on que rare{(
fortunée ne peut sortir; l'engin des corailleurs, qui draîne les aspérités des roches et en rapporte une abondante moisson. Pour beaucoup d'espèces, l'exploration à marée basse suffit. Les instruments employés dans ce cas sont les pioches, pelles, houes, sarcloirs propres à fouillerle sable; les ciseaux à froid, marteaux, barres de fer, destinés à casser les roches. En outre, le chercheur doit toujours être muni d'un seau semblable à ceux dont se servent les pompiers dans les incendies. Ils sont légers et se ploient facilement. Le second grand côté de l'Aquarium s'ouvre sur le Vivier. C'est un immense bassin dans lequel un cube de briques fait office de filtre. Il laisse pénétrer l'eau de mer, qui remplit le vivier à marée haute, sans permettre la sortie des animaux captifs. Par delà le mur d'enceinte, le regard charmé se repose sur l'île Verte, où se trouve le Parc du laboratoire" puis, plus loin, sur l'île de Batz, qui, avec une nonchalance aimable, étale à l'horizon la grâce de ses lignes harmonieuses. L'eau douce est ici l'eau de pluie; elle est reçue dans une citerne accotée à l'Aquarium. L'eau de mer, pompée à l'aide d'une machine à pétrole, remplit un grand réservoir, surélevé, solidement construit en ciment armé. Il alimente les bacs et les stalles destinés aux travailleurs. Chacun de ceux qui poursuivent à Roscoff leurs patientes recherches jouit, en effet, d'une elles sont installation complète. Il a une chambre, dispose d'un bac dans au nombre de dix-sept, l'Aquarium, d'une caisse flottante dans le Vivier, s'il la désire, et d'unestallepourvue des tables de travail, des étagères, où se trouvent les vases de verre nécessaires à ses travaux, et d'une canalisation d'eau de merd'une incontestable utilité. On lui remet tous les instruments (loupes, microtomes, etc.) et produits (réactifs divers) dont il a besoin. Les stalles sont données de préférence aux travailleurs qui font des recherches originales; pour les autres, se trouve une salle commune avec table de dissection et une canalisation d'eau douce. L'aménagementde la station de Roscoff est complété par le Laboratoire de Chimie, très bien outillé, et
ment.
Très légers, presque jolis, sont les filets de mousseline. Ils ressemblent, comme forme, à ceux qu'on nomme quelquefois bourraques, seulement ils sont faits d'une étoffe très fine et ils s'augmentent d'un seau adapté au filet, dans lequel une ingénieuse combinaison permet d'emmagasiner, sans dommage, les produits de la pêche. Plus loin, les cbaluts, les filets à triples mailles, les unes très grandes, les autres plus petites, s'engageant dans les premières, sous l'effort de la capture qui se débat, et formant une poche, d'où fin-
UN DES BACS DE L'AQUARIUM ET SES HABITANTS.
Photographie communiquée par Mlle M. Daubresse.
qui a été inauguré en igo3; la Salle des Machines, les Magasins, les Salles de Collection où figurent quelques pièces curieuses un poisson volant, très rare sur nos côtes, un taret, avecle bois qu'ilperfora; les ventouses et le bec d'un poulpe que captura le pêcheur Marty, modeste et dévoué collaborateur de M. de Lacaze-Duthiers, auquel l'illustre savant rendit souvent témoignage. On compte encore comme annexes les appartements du directeur, la Bibliotbèque et le logement du
gardien.
Le chef actuel de la station de Roscoff est M. Yves Delage, le membre de l'Institut dont les tra-
vaux sont si universellementestimés du monde savant. Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Paris, directeur de fAvcnée Zoologique, M. Delage avait fait, autrefois, au laboratoire de Roscoff, sur les Crustacés (les Gebbies, les Mysis), sur les Poulpes, ses expériences si curieuses sur les fonctions des poches otolithiques. Aujourd'hui, il préside aux destinées de la maison, au renom de laquelle il sut contribuer. Après avoir publié son beau livre sur La structure du protoPlasma et les théories de l'bérédité et les grands ~roblèmes de la Biologie générale, le maître entreprit, avec la collaboration de M. Hérouard, un grand ouvrage dont la publication se poursuit; c'est le Traité de Zoologie Concrète, véritable monument scientifique digne de toute admiration. Le préparateur est, à Roscoff, M. Robert, auteur d'un important ouvrage sur les Troques. Deux catégories de travailleurs sont admises à Roscoff. Des savants de toutes nationalités viennent y faire des recherches originales et de jeunes étudiants y préparent leur licence. Pendant la saison 1903, quarante-sept personnes ont été les hôtes de la station de Roscoff. Il est incontestable que les jeunes gens, désireux de se familiariser avec les études pratiques de la zoolo-
gie, en passant un ou deux mois à Roscoff et en s'occupant exclusivement de la recherche, de la détermination et de la dissection des animaux, subiront les épreuves pratiques des examens avec une bien plus grande facilité. Ils sont, d'ailleurs, bien mieux préparés à faire des professeurs, ne tirant plus exclusivement les faits qu'ils enseignent de leur mémoire ou de ce qu'ils auront appris dans les livres, mais bien de leurs observations personnelles. Non seulement le laboratoire de Roscoff s'ouvre tout grand devant ces jeunes gens, épris de science; mais il leur continue, pour ainsi dire, le don généreux de ses richesses zoologiques. En effet, à tous les professeurs qui en font la demande, à tous ces maîtres qui enseignent leurs successeurs avec un inlassable dévouement, la station envoie des animaux vivants qui, c'est aisé à croire, n'ont aucun rapport avec ces épaves desséchées, confites dans l'alcool, tristes caricatures des êtres qu'elles furent autrefois, et dont elles n'évoquent plus qu'une image saugrenue. Pour faire l'envoi, on place, dans un panier, trois bocaux fermés par des bouchons de liège, recouverts de parchemin deux contiennent les êtres vivants, le troisième renferme de l'eau de mer pour changer les animaux à leur arrivée. ro4 envois ont été faits ainsi, cet hiver, dans les Universités européennes. On comprend l'importance qu'il y a à pouvoir montrer, dans les cours, les animaux marins, vivants; la leçon s'illustre d'exactes
et inoubliables images, elle devient véritablement de la zoologie expérimentale ». Que de progrès sont dus à w une si excellente et si féconde méthode 1 Mais ce qui doit être signalé, ce qui mérite peutêtre le nom de folie généreuse, c'est l'obligation, imposée par le fondateur, de garder, absolument gratuite, l'hospitalité du laboratoire. Le séjour; les instruments loupes, microtomes, bocaux les substances nécessaires réactifs de tout genre; les engins, les bateaux, le personnel, tout est mis gratuitement à la disposition des travailleurs. Ils puisent dans les collections, consultent la bibliothèque, et même certains étudiants, trop pauvres pour venir jusqu'à Roscoff, se sont vu offrir le voyage. En mettant cette condition au séjour des travailleurs, M. de Lacaze-Duthiers restait dans la tradition nationale, et M. Delage entend la continuer, malgré les charges qu'elle impose. Il paraît même fort surpris qu'on lui expose les désavantages de cette manière de faire. L'idée n'entre pas dans l'esprit d'un savant "ranÇais que la science soit objet d'échanges fruc-
tueux.
Et pourtant, est-il juste que ceux qui viennent ici ne laissent pas même une trace des travaux qu'ils ont faits; qu'ils publient, souvent à l'étranger, les recherches dont ils ont établi, en France, la minutieuse documentation?. Beaucoup ne s'y sont point soustraits, à cette obligation morale quelques-unsl'ont oubliée. Peut-être serait-il souhaitable de leur donner encore le moyen de faire connaître, presque immédiatement, les résultats qu'ils ont obtenus à Roscoff, et de garder ainsi, au laboratoire, ce qu'il permit de décou-
vrir.
Pourquoi la station n'aurait-elle pas- les Revues sont si encombrées une publication à elle, quelques feuillets apprenant, à ceux qui s'y intéressent, ce qui s'est passé dans ces salles, où, studieux, se penchent
tant d'amoureux de la science?.
Mais l'argent manque, et pour une Revue, et
pour bien d'autres choses encore. Quel Mécène songera à doter la trop modeste station et à fournir une des coûteuses feuillesdu Livre sur lequel nos maîtres tracent patiemment les merveilleux signes de la Science française? M. DAUBRESSE.
Les Progrès du «Transandino» (Buenos Aires à Valparaiso). Les deux tronçons du Transandino s'acheminent sans défaillance vers leur point de jonction, et les indications que nous avons données sur notre carte de ce chemin de fer (voir A Travers le Monde 1904, page 322)
aujourd'hui d'être modifiées. C'est ainsi que, du côté chilien, lalocomotive dépassemaintenant, de 8 kilomètres vers l'est, la station de Salto del Soldu côté argentin, le chemin de fer aboutit à Las dado Cuevas. Les diligences et aussi les mulets (pour le passage de la Cumbre) voient donc leur rôle s'effacer peu à peu. On espère que les travaux seront achevés en 1907, Dès lors la locomotive traversera triomphalement l'Amérique du Sud de part en part. si l'on utilise d'assez puissants chasse-neige pour pouvoir passer en toutes saisons. on~ besoin
rogatives de l'empire, et celui-ci n'était probablement pas enclin à aliéner les bienfaits d'une masse d'eau qui est une des richesses du pays. Il ne faut donc plus compter que sur le Nil Blanc. L'idée vient alors tout naturellementde faire aux grands lacs Albert et Nyanza ce qu'on ne peut faire au lac Tsana. Il serait relativeNil ment facile de construire des digues aux chutes Ripon Égypte. rrigation et à l'issue du lac Albert. Mais sir William Garstin démontre que de tels vient de publier à Londres un Livre bleu renfertravaux seront vains. Plus on enverra d'eau dans les marais du Bahr el-Ghazal, plus ils en absorberont. La mant une longue dépêche adressée à lord Lansquantité qu'ils laissent filtrer est downe, ministre des Affaires étranconstante. Ce qu'il faut, ce n'est gères, au sujet de la situation en Égypte, par lord Cromer, ministre donc pas tant leur envoyer de l'eau plénipotentiaire et consul général que la faire passer à travers le sudd, ainsi qu'on nomme l'amas extraorde la Grande-Bretagne au Caire. dinaire d'herbes flottantes qui emA la dépêche de lord Cromer barrassent le Nil dans la partie suest joint un rapport de sir William périeure de son cours. Garstin, sous-secrétaire d'État aux Deux moyens s'offrent. Travaux publics en Égypte, au sujet Ou bien approfondir en cet du bassin du Nil. endroit le cours du Nil, le débarrasCe rapport témoigne de l'importance que les Anglais entendent ser du sudd et le maintenir libre. Ce système impose l'entretien consdonner à l'avenir économique de l'Égypte, en améliorant par tous les tant d'une voie fluviale de 65o kilomètres, la lutte éternelle contre moyens possibles l'irrigation du l'herbe et la vase. pays. Ou bien creuser en ligne On sait que les travaux d'irdroite, de Bor au confluent du Sorigation entrepris en Égypte ont bat, un canal de 34o kilomètres en pour but de substituer au système ligne droite. La dépense immédiate vieilli des bods ou bassins temporaiserait de 5 millions et demi de lires d'irrigation, celui des canaux permanents qui double les récoltes, vres égyptiennes, soit environ 140 millions de francs. Mais les revenus mais exige de puissantes réserves de l'impôt fixés en Égypte et au d'eau pendantl'étiage. Les barrages, Soudan augmenteraient de 40 à 50 notamment le réservoir d'Assouan, millions par an. Et il y aurait ainsi le barrage d'Assiout, qui répondent grand avantage à la dépense. à cette nécessité pour le Delta et la Le débit du Nil y gagnerait Moyenne Égypte, sont loin de subvenir à tous les besoins. Il a donc en effet un nouvel et considérable appoint. On s'en fera une idée apet paru nécessaire de surélever, proximative si l'on envisage les dipeut-être de consolider, la digue mensions vraimentgigantesquesdu d'Assouan, pour augmenter la caréservoir que représente le Victoria pacité du réservoir, et de multiplier Nyanza. La ligne de contour, sans les canaux dans la Moyenne Égypte. D'autre part, pour obvier aux compter les mille petites indentations des côtes, est de plus de 1 200 inconvénients et au réel danger kilomètres. Quant à la profondeur, d'une crue exceptionnelle, on a reelle atteint par endroits des chiffres connu la nécessité d'élargir la éloquents; à 2 ou 3 kilomètres du branche de Rosette, de fortifier ses rivage la sonde donne communédigues et ses levées, tout en faisant ment des profondeurs de 4 à 6 mède la branche de Damiette une sorte tres dans le golfe de Boukoumbi de canal à niveau constant. de 7 à io mètres; le long de la rive Tous ces travaux sont décioccidentale, la sonde accuse des dés, et ils vont être entrepris. fonds de 15 à 25 mètres et même Mais il s'agit en même temps davantage. Déjà, lors de sa circumde pourvoir d'eau la Haute-Égypte et le Soudan, où coulent le Nil Bleu L'AMÉLIORATION DU COURS DU NIL ET L'IRRIGATION navigation, Stanley avait indiqué et le Nil Blanc. i io mètres de profondeur à l'est de DE L'ÉGYPTE. file de Boumbiré. Il est probable On avait eu l'intention de construire sur le Nil Bleu un barrage au lac Tsana. Ce que dans les parages du milieu, loin de tous les riplan a dû être abandonné pour des raisons politiques. vages, la profondeur est encore plus considérable. Élisée Reclus, le Victoria Nyanza Le lac Tsana est en Abyssinie il aurait fallu que \( S'il en est ainsi, dit serait, parmi les mers d'eau douce, celle dont la masse le Gouvernement anglo-égyptien entreprit sur les pré-
L'Amélioration du Cours du de l' et l' I
0
liquide serait la plus forte. » Les projets de sir William Garstin en ce qui concerne le régime du Nil sont donc de la plus haute importance. Nous, qui en France sommes responsables du Soudan français, par l'autre Nil qui a nom le Niger, nous devons suivre avec intérêt les tentatives faites par les Anglais en vue d'acl'Égypte. croître la « fertilisation
de
La Ville actuelle de Tien-tsin et l'~uvre du Gouvernement
militaire provisoire.
L A cité
de Tien-tsin fut, peu après la prise de cette ville par les troupes alliées, le 14juillet 1900, mise sous la tutelle d'un « Gouvernement militaire provisoire » qui devait durer jusqu'au 155 août 1902. Ce Gouvernement se composait d'un représentant de chaque puissance alliée ayant pris part à la campagne de 1900, soit l'Angleterre, l'Allemagne, la France, le Japon, l'Italie, l'Autriche et la Russie. Lorsque le Gouvernement provisoire fut remplacé par l'administration régulière chinoise, la cité avait changé complètement d'aspect. Elle n'était, à la vérité, plus reconnaissable. Au lieu et place des rues étroites et malodorantes, d'égouts à ciel ouvert, véritables réceptacles à pestilence et à microbes, de larges boulevards avaient été créés, et ces larges artères donnaient un air moderne à la vieille ville. Les murailles ayant été abattues, toutes ces petites maisons de fau-
bourg, adossées aux briques croulantes de l'enceinte, avaient disparu également. Les vieux préjugés sont si tenaces, qu'à peine le vice-roi Yuan-Chih-Kaï eut-il repris les rênes du Gouvernement des mains étrangères, on parla, dans les cercles indigènes, de la reconstruction immédiate de la muraille d'enceinte. Pour les Chinois, une ville sans muraille n'est plus une ville digne de ce nom, et tous les vrais et sincères Tien-tsinois,entretenant encore en leur coeur les bonnes et saintes tr~ditions, considéraient comme une humiliation de vivre dans une ville privée de ses attributs essentiels. Heureusement, Yuan-Chih-Kaï est un homme intelligent, il profita des bases établies par le Gouvernement provisbire, et sa police et l'entretien des routes et boulevards-ne laissent presque rien à désirer. Au lieu et place des anciennes murailles, on établit de larges boulevards macadamisés, entourant et sillonnant la cité; le long de ces boulevards, de nombreux magasins et des boutiques chinoises ne tardèrent pas à se construire et à s'ouvrir, en sorte qu'actuellement ces belles voies de communicationoffrent un aspect des plus animés. Un deuxième travail intéressant fut la rectification du lit de la rivière Haï-ho, qui traverse la cité. Le long de'la rivière, il y avait autrefois un fouillis inextricable de rues étroites le passage y était toujours difficile et encombré. Tout a été amélioré. Un autre travail très utile fut la transformation
partielle du système d'égouts. On remplaça méthodique:nent les ruisseaux à ciel ouvert, se déversant dans la r`.vière, par des canalisations souterraines établies de façon à s'écouler dans la campagne. L'hygiène y gagna et les promeneurs européens eurent moins à craindre l'asphyxie! Malheureusement, ces travaux ne purent être achevés, le Gouvernement chinois manquant vraisemblablement de ressources pour cet objet. Le Gouvernement provisoire institua également une commission sanitaire qui rendit les plus grands services, en s'efforçant d'enrayer la marche des maladies contagieuses. Un autre des actes de ce Gouvernement fut d'organiser un système de distribution d'eau potable dans la cité le service fonctionne très bien. La population a semblé bouder au début payer pour avoir de l'eau, alors qu'en allant puiser à la rivière, on en obtenait gratis, cela semblait de la folie. Peu à peu, les Chinois s'y sont faits. On peut voir à certains carrefours, une file de gens attendant leur tour, les seaux à la main ou plus généralementsuspendusà un bambou porté sur l'épaule. Le préposé reçoit l'argent qu'il glisse dans une boîte suspendue à son cou, puis il remplit les récipients. L'eau est de fort bonne qualité et certainement la généralisation de son emploi contribuera à améliorer encore la situation sanitaire. Une des meilleures besognes accomplies par le Gouvernement provisoire est d'avoir purgé la rivière et les villages avoisinants des pirates qui l'infestaient et d'avoir mis un frein aux vols exercés sur toutes les marchandises allant de la mer à Tien-tsin et vice versa. Le 15 août 1902, le Gouvernementprovisoire fut remplacé par l'administration chinoise régulière, et le général Yuan-Chih-Kaï fut nommé vice-roi; il occupe encore le pouvoir en ce moment et est ~ersona grata
auprèsde l'impératrice-douairière. En résumé, le règne du Gouvernementprovisoire fut fécond en bons résultats son administration fut sage et prudente. Le vice-roi retint d'ailleurs quelques membres subalternes de l'ancienne administration, mais l'élément japonais ne devait pas'tarder à les submerger.
La Batellerie en France au XXe siècle. Une Profession peu
lucrative.
LE Parlement a promis de s'occuper prochainement de la batellerie française. Il serait vraiment temps d'intervenir, si l'on en croit les doléances formuléespar M. Gui dans la Ligue maritime. Le commerce par eau douce alimente, comme chacun sait, la marine marchan,ie des matières formant la partie essentielle du fret de retour. C'est lui également qui répartit les importations à l'intérieur du pays, qui livre les matières premières à la porte des manufactures, etc.
Les bateaux transporteurs sont des péniches en bois de 38ffi50de long sur 5 de large, dimensions maxima imposées par les Ponts et Chaussées, de même que le tirant d'eau de Iffi80. Il en résulte généralement un port en lourd de 28o tonneaux au maximum. Chacune de ces péniches est conduite par un marinier, un seul la plupart du temps, aidé de sa femme pendant la moyenne partie de la traversée. Un pilote est embauché pour aider à conduire le chargement jusqu'à destination. Les logements de ce petit équipage comportent deux locaux 10 la cabine, placée au centre du navire, qui a les dimensions et l'aspect d'une roulotte de forains, et munie d'un bon poêle, décorée intérieurement d'une couche de peinture claire et d'une menuiserie' assez finement travaillée, sert à la fois de salle à manger et de cuisine; 2° le reux, ou cabine de l'arrière, sert de poste de couchage; à peine plus large qu'un compartiment de Ire classe de chemin de fer, il
contient deux couchettes, séparées par une ruelle de 6o centimètres de large. La vie, à bord des péniches, est pénible, surtout l'hiver par les grands froids. L'homme n'a pas de repos pendant le cours de la navigation. On le comprendra sans peine, si l'on songe que dans les environs de Saint-Quentin il existe des files de ioo bateaux, qu'il faut écluser en vingt-quatre heures, et le sas ne contient pas toujours plus d'un bateau à la fois. A cause du mauvais état de ces vieux canaux, la navigation à la voile est maintenant interdite sur la plus grande partie du parcours. Il faut avancer en poussant à la perche, ou se faire remorquer par un cheval qui tire la
cordelle le long du chemin de halage. Le cheval est parfois logé dans la péniche même. Mais les pénicbsrds ont intérêt à traiter avec des entrepreneurs qui organisent des relais tout le long de la voie. Il arrive fort bien que'pendant huitjours ou même plus, le malheureux batelier passe au travail ses journées et ses nuits. La besogne est délicate, surtout dans la région du Nord, où certains passages sont très étroits. C'est ainsi que celui du Pont de Sel, près de Cambrai, n'a encore que 5ffi5 de large, et le bau des péniches est de 5 mètres Près de Paris, on peut employer les remorqueursà vapeur, mais c'est là une lourde dépense, bien en-
tendu.
Voici maintenant ce que coûte, par exemple, le transport d'un chemin de houille de Pontavendin à
Paris.
Recettes Traité avec le producteur, pour le transport de 28o tonnes de houille à environ 5 francs la tonne 1
400 fr. Frais généraux de la péniche Halage ou
remorquage
Entretien de la péniche, à raison de 5 fr. par jour (chargement et dé-
compris). commission
ment. chargement
Escompte ou Droits de chargement et de déchargePilote
de
Janville à
Paris
Total.
300 francs.
1
° l'intérêt
de son capital à
p. 100; 2° l'amortissement d'une .péniche de 1 500 fr. environ qui s'use en douze ou quinze ans; 3° la rémunération de son travail quotidien. Il y a quelques années, une péniche rapportait 20 francs par jour. Nôus sommes aujourd'hui loin de compte, et la batellerie se 5
meurt.
curieux Procédé pour ravitailler les Flottes en Combustibles.
Un
départ
de la flotte russe de la Baltique pour l'Extrême-Orient appelle, de nouveau, l'attention sur le ravitaillement en combustibles des navires de guerre ou autres. On connaît le procédé adopté par la marine impériale russe pour effectuer cette opération, en haute mer et en marche, au moyen de vapeurs charbonniers convoyeurs. Un autre point de la question est envisagé par un de nos causeurs scientifiques les plus intéressants, M. Salagnac, c'est celui de l'approvisionnement LE
même des vapeurs charbonniers dans des entrepôts convenablement espacés sur l'itinéraire à suivre. On sait déjà que la Russie a pris ses précautions pour trouver du charbon à Vigo, en Espagne, et sur divers points du littoral africain. Peut-être y aurait-il eu intérêt à mettre ces provisions indispensables à l'abri des entreprises de l'ennemi en les dissimulant sous l'eau. Le charbon mis en tas à l'air libre subit une dépréciation considérable; non seulement il se délite, se désagrège, mais il perd une partie des gaz qui sont normalement contenus dans ses pores, devient poussiéreux et d'une combustion difficile. D'autre part, l'oxygène de l'air circulant dans les tas de houille y produit une sorte de combustion lente qui fait perdre au charbon une partie de son pouvoir calorifique. Or, si l'on immerge la houille dans l'eau, notamment dans l'eau de mer, qui est plus dense, la pression s'oppose au départ des gaz dans ces conditions, le charbon demeure en gros morceaux pendant des années sans perdre son pouvoir calorifique; mais il y a lieu, toutefois, d'opérer une dessiccation très soigneuse et très complète, pour éviter les phénomènes donnant lieu à des combustions spontanées. En sorte que le procédé que nous signalons, tout original qu'il soit, impose certaines précautions qui le rendront d'une application délicate et douteuse.
200 50 20 100
770
reste donc pour le pénichard 1400 moins .770, soit 63o francs. Supposons qu'il puisse faire six voyages par an, cela lui rapportera donc 3 780 francs, sur lesII
quels il doit trouver
L. Dujardin.
Projet d'une 'grande ~Alliance~de la France avec le~Monde musulman. IU'brochure ;in-8°.&AIger, 1904. UTOPIE d'aujourd'hui, vérité de Fdemain)~'Íle~projetl'de M. L. Dujardin mérite un sérieux examen. Ce .ne serait pas la première fois que la France pactise avec les « Infidèles ». Peut-être y trouverait-elle son~compte.
«
L'A. B. C. de la Plantation du Coton.
CHAPITRES ET II. LA CULTURE DU COTON.
Sous le titre « A. B. C. of Cotton planting », l' « Imperial Department of Agriculture for the West Jndies », vient de publier un opuscule destiné à guider les planteurs des Indes Occidentales dans le choix des terrains destinés à la culture du coton et à leur donner des indications leur permettantd'obtenir, sur des champs bien choisis, une récolte abon-dante. Comme la culture du coton est à ['ordre du jour, il nous a paru intéressant de citer quelques-unesdes questions et des réponses données par ce Manuel' du planteur. Quel est le terrain le mieux approprié à la culture du coton? Le terrain doit être riche, non exposé aux vents violents et situé dans un district où la quantité d'eau tombée n'est ni trop forte ni trop faible. Comment les vevrts violents sont-ils défavorables à la croissance des cotonniers ? Le vent, en détériorant ou renverles sant plantes, diminue leur production il y aura donc avantage dans de telles régions à abriter les cotonniers au moyen d'une autre plante. Quelle quantité de pluie faut-id considérer conzzzze trop forte pour la croissance du cotonnier ? Une pluie dépassant 1 m60 par an et un sol retenant cette eau sont impropres à cette culture; par contre une pluie de 1 mètre par an est trop faible; cependant si les saisons sèche et humide sont bien définies, le cotonnier pourra être mis en culture pendant la saison humide pour que la récolte puisse se faire pendant la saison sèche. Une saison humide de trois à quatre mois suffit pour permettre le plein développement de la plante.
C'est le Sea island, mais sa culture présente plusieurs difficultés la plante est délicate, elle exige des soins soutenus et le rendement est inférieur à celui des autres cotons. Ces difficultés peuvent être surmontées en choisasant un terrain riche, en cultivant la plante avec soin. La culture de ce Sea island est à conseiller, car il n'y point à craindre une augmentation trop considérable dans la production, ni une baisse de prix comme pour le Upland qui pe~ut ,}tre produit facilement et un peu partout dans les régions où la main-d'œuvre est bon marché. Dans les localités non favorables à la culture du Sea island, dans des terrains pauvres et secs, or peut essayer la culture des courtes soies; mais pour les Indes occidentales, oùles frais de culture sont considérables, si la valeur de ces cotons tombait à 5 ou 6 deniers par livre, la culture ne serait plus rentable. Quels sont les bénéjices que donne la culture e d:a Sea islazzd ? Quand le sol est bon ou de valeur moyenne, mais fortement fumé, et que la culture est bien conduite, le bénéfice net n'est pas inférieur à une moyenne de 125 francs par acre (40 ares 47 cent.) sans compter le profit tiré des graines qui, vendues pour la nourriture des animaux, augmentent le bé léfice pour une culture de huit mois, il ne serait pas inférieur à 175 francs par acre. Le meilleur terrain pow la culture du cotonnier est une argile sableuse avec un bon drainage, le coton ne pouvant pas pousser dans une région où le drainage est insuffisant. Un terrain fournissantune bonne récolte de patates jouces peut également fournir une bonne récolte de coton. Le cotonnier peut de même produire une bonne récolte dans un terrain sablonneux s'il y a suflsamment d'humus et si le sous-sol n'est pas trop poreux. Quel
s
s
Les principales variétés de coton sont, comme on le sait, « longue soie et courte soie ». Les principales sortes de coton longue soie sont le Sea island et le coton égyptien. Le Sea island est origi-
nàire des Indes occidentales, mais, par
sélectionnement, on en a obtenu des variétés meilleures dans les îles de la Caroline du Sud. Le coton égyptien paraît être obtenu par la modification d'un Sea island.
Quelles sont les"valeurs relatives de ces deux cotons longue soie, c'est-à-dire de ceux dont les fibres mesurent au moins 48 millimètres de long? Les Sea island sont considérés comme les meilleurs et ont un rendement supérieur presque de la moitié à celui du coton égyptien. La meilleure variété des cotons courte soie est le Upland américain. Quelle est la variété de coton à recommanderpour la Plantation dans les Indes occidentales?T
))
exigeant environ 21 ooo graines. La livre renfermant 4 000 graines, il faudra donc environ 6 livres pour un acre. Au bout de quatre jours, si les conditions sont favorables, les plantes seront en germination. On laissera deux germinations par trou et quand les jeunes plantes auront environ ontzz de haut on les buttera pour éviter qu'elles ne soient abattues par le vent. On enlèvera également les mauvaises herbes. \1 y a avantage à ne planter aucune récolte accessoire entre les cotonniers et il est désirable d'obtenir une plante basse, compacte, ramifiée près du sol et portant un très grand nombre de fruits. La récolte du coton est aisée, et avec un peu d'habitude le collecteur
pourra facilement ramener oo livres par jour. Cette récolte devra être faite quand le fruit est bien ouvert; les fruits non mûrs donnent une fibre cassante qui n'obtient pas un bon prix sur le marché. La récolte du coton Sea island est payée sur un taux plus élevé que celle des cotons courte soie. Le coton qui est laissé exposé aux intempéries perd rapidement de sa force et devient de qualité inférieure. Après récolte, le coton sera séché au soleil jusqu'à dessiccation complète; on fera bien d'opérer cette dessiccation sur un séchoir particulier. CHAPITRES III, IV ET V. MALADIES CAUSÉES PAR LES INSECTES. PAR LES CHAMPIGNONS. DE L'ENGRAIS.
Les parties.trois et quatre de ce Manuel du planteur ont rapport aux
maladies occasionnées par les insectes et les champignons, la cinquième traite de
l'engrais.
Dans çe chapitre l'auteur fait ressortir que le coton enlève surtout du sol
est levrai nzo:nenFpourplanter l'humus qui est nécessaire pour des
le cotonnier? C'est là une question difficile à résoudre, car, dans certaines îles, du coton planté en juin-juillet a donné un meilleur rendement que celui planté plus tard en août ou septembre. La meilleure précaution est de planter les graines juste avant les pluies de façon à profiter de la saison sèche pour récolter. A quelle distance doiv~ut être plantés les cotonniers ?
récoltes futures. Le meilleur moyen pour conserver au sol sa valeur cotonnière est donc d'ajouter du fumier de ferme ou d'employer comme engrais vert le cowpea ou une autre légumineuse. Le cotonnier exige encore de l'azote, de la potasse et de l'acide phosphorique. En Amérique on a obtenu le meilleur résultat en employant un engrais contenant 20 livres d'azote, 20 livres de potasse et 60 livres d'acide phosphorique Cette distance dépend du sol; dans par acre. Un engrais analogue pourrait les régions où les plantes paraissent être obtenu en mélangeant 440 livres de devoirse développer largem~nt, il faudra superphosphates, 40 livres de sulfate laisser plus de distance entre les pieds; d'ammoniaque, ce mélange serait applien d'autres termes, plus le sol est riche, qué à raison de 580 livres par acre en plus les pieds seront espacés, plus le sol une fois, lors de la plantation à une proest pauvre, plus les pieds seront rappro- fondeur d'environ 7 centimètres et bien chés. La distance la plus favorable pour mélangé avec le sol. les Sea island dans leur p,.ys d'origine En moyenne 100 livres de graines de est de coton brut donnent 29 livres de 1 ffi50 entre les rangées et de offi40 dans les rangées. On plantera quatre fibres. Ces graines fournissent une huile graines dans chaque trou à 25 milli- de valeur et un tourteau très riche pour mètres de profondeur. En plantant en la nourriture du bétail comme pour la rangées, comme nous venons de le dire, fumure, grâce à l'azote qui y est contenu on devra faire 5226 trous par acre, en quantités notables.
fer dans les Indes anglaises. «The Assam-Bengal Railway ». Sa Construction, son But.
Un nouveau Chemin de
A~rès avoir couve~'t l'Inde d'un réseau de voies ferrées dont le nonabre augmente tous les jours, l'Angleterre construit les lignes qui porteront au dehors les produits de son admirable colonie et la mettront en communication avec les peu~les voisins. Avec cette belle insouciance de l'argent que l'Angleterre apporte aux travaux qui peuventaugmenter sa puissance, elle a dépensé des millions de livres pour une ligne dont l'exécution a été un tour de force de la part des ingénieurs.
SI l'on
jette les yeux sur une carte récente de l'Asie politique, il est impossible de ne pas remarquer la différence considérable qui existe, au point de vue des chemins de fer, entre les autres puissances et l'Hindous-
tan. Tandis qu'en Sibérie, dans l'Est-Chinois, en Indo.Chine ou en Asie Mineure, un trait plutôt rare indique le nombre modeste des voies ferrées, une véritable trame de lignes, qui se joignent et s'entrecroisent, couvrela presqu'île indienne et dénote la multiplicité de ses chemins de fer. L'Inde, en effet, possède actuellement plus de 45 00o kilomètres de voies ferrées, répartis en une douzaine de grands réseaux les principales régions ont toutes leurslignesnécessaires les lignes secondaires sont amorcée! C'est depuis une vingtaine d'années surtout, qu'elles ont été construites. La dernière en date est celle qui porte le nom de Tbe Assam-Ben-
Indes, lord Curzon, a été construite, d'abord, pour relier entre elles les très populeuses contrées du Bengale oriental et des provinces de l'Assam, désignées sous les noms de Saïlhet et Catchar (situées au sud des montagnes du Catchar) ou les contrées plus clairsemées, mais très riches et très fertiles, de l'Assam proprement dit; puis, pour assurer à la côte et en particulier au
port de Tchittagong, le jute du Bengale oriental et le thé provenant des immenses plantations de l'Assam. La construction de la ligne a commencé à
Tchittagong, admirablement placé sur une ri-
vière navigable, à 16 kilomètres de la mer, juste en face de Calcutta, à qui la ville fait pendant de l'autre côté du golfe du Bengale. La voie s'é-
lance detchittagongvers le nord et s'avance au
milieu des richesdistricts de Tchittagong et de Tippera contigus au Bengale, traverse le Saïlhet et le Catchar, qui dépen-
gal Railway.
La ligne AssamBengale, commencée en 1892 et inaugurée au printemps dernier en
dent de la province de
présence du vice-roi des A TRAVERS LE MONDE.
l'Assam, et vient terminer sa première section au pied des montagnes du Catchar. En ce point,
CARTE DU CHEMIN DE FER ASSAM-BENGALE.
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LIV.
No 47.
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Novembre 1904.
Le pays est
d'un aspect pit-
toresque d'épaisses forêts couvrent les flancs des hautes montagnes, tandis que les collines,
UN TUNNEL DANS LES MONTAGNES DU CAiCHAR,
D'après une photographie. la voie ferrée atteint déjà un développement de ,00 ki-
lomètres environ. Après avoir traversé, sur une longueur approximative de 200 kilomètres, la pénible contrée des montagnes du Nord-Catchar, elle atteint, dans l'Assam proprement dit, la vallée supérieure du Brahmapoutra. Au nord des montagnes, la troisième section comporte environ 54o kilomètres le parcours total, de Tchittagong au nord de l'Assam, est donc à peu près de kilomètres. J 24o La ligne dessert des contrées dont la population laborieuse et la merveilleuse fertilité n'attendaient qu'un moyen de transport pour devenir une des plus riches parties du continent asiatique. Le district de Tchittagong est assez fertile pour fournir trois récoltes de riz, au printemps,à l'automne, en hiver. En 1840, on y reçut des graines du thé de l'Assam, en même temps que trois plants de Chine venus par Calcutta, et, trois ans après, ce premier thé apparaissait dans le Tchittagong. Il y a actuellement environ 25000o hectares en culture. La population est, en majorité, composée de mahométans; autrefois riches armateurs ou propriétaires terriens, ayant, il y a quelque cent ans, jusqu'à cinquante esclaves dans
chaque famille, ils ont beaucoup déchu; mais ils ont été remplacés petit à petit par les indigènes, desquels on ne peut les distinguer physiquement aujour-
d'hui.
Le Saïlhet, habité également par une forte proportion de musulmans, produit, lui, ses quatre récoltes de riz par an, et cultive le thé sur plus de 30000 hec-
tares.
quittant le Saïlhet pour le Catchar, on a l'avantage de trouver une contrée encore plus riche et qui a l'immense supériorité d'être salubre pour les EuEn
ropéens.
qui s'avancent vers la rivière, sont émaillées de riches cultures de thé. Enfin le fond de la vallée lui-même n'est qu'une verdoyante rizière, au milieu de laquelle se dressent les élégants bosquets de bambous et d'arbres fruitiers qui ombragent les villages. L'arbre à thé croît spontanément sur plusieurs hauteurs du cercle de la vallée. C'est déjà l'Assam, la riche terre d'Assam, sillonnée d'innombrables rivières et capable de donner à profusion tous les produits du sol, quand la population des côtes, trop nombreuse, sera venue louer ses bras à l'agriculture trop négligée par les habitants actuels, à cause de leur nombre insuffisant. Pour se faire une exacte idée des difficultés qu'eurent à surmonter les ingénieurs dans l'exécution de la voie ferrée, il faut ne pas perdre de vue, qu'en pareille circonstance, le problème du ravitaillement et des transports est aussi important à résoudre que celui de la construction. Or, il y eut pendant un certain temps jusqu'à 75 000 ouvriers occupés dans les chantiers; jamais moins de 25000. D'autre part, les travaux d'infrastructure, l'établissement des ponts, des rails, le percement des tunnels supposent un matériel considérable, par conséquent une route pour le charrier. En deçà et au delà des monts Catchar, les difficultés ne dépassèrent pas la moyenne ordinaire à de pareilles entreprises; mais le passage des montagnes présenta des obstacles qu'on eût pu croire insurmontables. La ligne avait à traverser une contrée difficile entre toutes des massifs rudes et escarpés, entrecoupés de ravins et de torrents une jungle des plus épaisses recouvrant un sol schisteux, friable à l'excès souvent pas un village d'où pût venir quelque secours; abstraction faite des dangers que présentent les terrassements entrepris dans un pays nouveau et avec une température souvent élevée, le desséchement des marais, la lutte contre la malaria, et de quelques accidents imprévus comme le tremblement de terre qui, en juin 1897, détruisit 34o kilomètres de voie construite, démolit ou endommagea plusieurs ponts et combla les tranchées. C'est dans une pareille région que les ingénieurs, aux prises avec des difficultés techniques déjà considérables, durent organiser un service de ravitaillement pour une armée d'ouvriers, sans compter les bêtes de somme, éléphants, chameaux, bœufs, ânes, poneys, mules et tout le personnel attaché à ces animaux de tran sport. Pendant la durée des travaux exécutés au sud des montagnes, les vivres furent apportés de Badarpour;
au nord, on les tira de Nowgong. Des deux villes, la distance se comptait par six à dix jours de marche. La route au sud était représentée par un sentier de mule, impraticable après une forte pluie; aucun véhicule n'y pouvant passer, il fallut recourir aux bœufs porteurs. Dans le nord, les transports relativement faciles jusqu'à Gaouhati, grâce au concours du Brahmapoutra, devaient, entre Gaouhati et la montagne, s'effectuer au travers d'une jungle épaisse, sur un parcours de près de 300 kilomètres. Les victimes furent nombreuses; la petite église de Tchittagong en témoigne avec sa plaque de marbre qui porte le nom de neuf ingénieurs morts pendant le cours des travaux. Ce que ne dit pas cette plaque, c'est le nom de ceux qui rapportèrent des montagnes de Catchar une santé fortement ébranlée et le nombre considérable des ouvriers qui creusèrent leur tombe en même temps que les tranchées. (( Notre récompense, dit dans son discours d'inauguration l'ingénieur en chef de la ligne, c'est d'avoir construit une voie ferrée qui, sur un parcours de 200 kilomètres, n'a pas sa pareille dans les Indes et peut-être dans le monde entier })» L'organisation et la surveillance des travaux furent confiés aux ingénieurs du ministère indien des Travaux publics. La construction fut entreprise par une société qùi s'était formée au capital de 37 millions et demi (exactement 1 5°0000 livres sterling) et qui en dépensa plus de deux cents (exactement 8 000 000 livres sterling), tant furent considérables et imprévues les difficultés de l'opération. Les travaux ne pouvaient avancer d'un mètre sans qu'on fit au préalable une minutieuse inspection du terrain maintes fois il fallut recommencer les travaux d'infrastructure, et l'on ne pouvait dire que le tracé d'une fraction de la ligne fût assuré tant que les rails n'étaient pas définitivement posés sur la voie. Les concessionnaires des différentes sections de la ligne, mis dans l'impossibilité de travailler à forfait par les obstacles sans cesse renaissants, durent
qui en était le débouché naturel. Elle ne put obtenir, pendant la durée des travaux du chemin de fer, la permission, qu'elle avait à maintes reprises sollicitée, de construire des quais dans le port et d'y apporter toutes les transformations nécessitées par l'extension que Tchittagong est appelé à prendre. Tchittagong, d'ailleurs, en devenant un grand port, ne ferait que recouvrer son ancienne splendeur c'est le porto grande des marchands portugais. Il tomba en décadence quand ceux-ci s'établirent sur l'Hougli, mais il s'est relevé graduellement, et il est fréquenté dès aujourd'hui par nombre de pavillons. C'est une ville d'agréable aspect, formée d'une agglomération de villages, de chantiers, de bazars, de bosquets et jardins qui se développent sur plusieurs kilomètres le long du fleuve ombragé d'arbres. Les grands étangs marécageux du voisinage en ont rendu longtemps et en rendent encore le climat peu salubre. Mais on a déjàfait beaucoup pour diminuerces causes de mortalité, et le développement du port aurait certainement pour corollaire de nouveaux travaux d'assainissement. Les quais enfin construits, on obtint à grand' peine l'autorisation de creuser un bassin de radoub pour deux vaisseaux; un plan de construction pour un bassin pouvant contenir cinq vaisseaux est à l'étude. La jalousie de Calcutta s'est trouvée immédiatement justifiée les exportations du jute pour l'Angleterre, parties de Tchittagong, ont considérablement augmenté dès l'année dernière. L'exportation du thé suit une marche analogue et ne saurait que s'accroître d'année en année, car la ligne Assam-Bengale et le port de Tchittagong desservent une contrée où la culture du thé a pris une extension considérable. Les navires exportateurs de thé et de jute se contentent actuellementdu trafic avec l'Angleterre et l'Amérique. Nul doute que dans un avenir rapproché les exporta-
abandonner la méthode européenne des soumissions et traiter de gré à gré avec les ingénieurs après l'accomplissementdes travaux. C'est le Gouvernement qui couvrit l'excès des dépenses. La société s'est vu concéder l'exploitation de la ligne pour une durée de trente ans; le Gouvernement s'est réservé un contrôle étroit
sur tous les actes de la Compagnie. Le Gouvernement de l'Inde, soucieux probablement de ne pas créer une concurrence commerciale à Calcutta en faisant de Tchittagong un grand port d'exportation, mit aussi peu d'empressement que possible à faciliter par ses autorisations l'œuvre de la Compagnie; celle-ci voulait mener de front la construction de la voie ferrée et l'aménagement du port
LA CONSTRUCTIOND'UN PONT MÉTALLIQUE DANS LES MONTAGNES DU CATCHAR.
D'après une photographie.
tions se feront pour toutes les nations du monde, au grand détriment de Calcutta. Voilà donc une immense contrée, et des plus fertiles, ouverte au commerce universel; bientôt les thés et le jute de l'Assam et du Bengale, qui n'avaient pas, il est vrai~ attendu la construction du chemin de fer pour apporter leur contingent à la consommation générale, vont venir sur tous les marchés concurrencer le jute de l'Hindoustan, les thés de Chine et de Ceylan qui n'avaient pas besoin, ces derniers surtout, d'un nouveau rival. Un contre-coup se fera probablement sentir, heureux pour les possessions françaises d'Indo-Chine. Le riz, que cultivait pour sa consommation' personnelle la population nombreuse du pays nouvellement exploité, va vraisemblablementvoir sa culture supplantée partout par celle, plus rémunératrice, du jute et du thé, assurés maintenant de trouver un débouché même à une production intense. Les rizières d'Indo-Chine trouveront une occasion magnifique d'écouler leurs produits dans des pays très populeux et dont la plupart des habitants font du riz leur nourriture à peu près exclusive. S.
La Recherche des Émeraudes
dans le Sahara.
oN peut se demander si,
dans les immenses régions désertiques, ironiquement abandonnées par l'Angleterre au coq français parce qu'il aime à gratcelui-ci ne finira pas par trouver, ter le sable »,
sinon du mil, du moins quelques perles à récolter. Strabon (Géographie, liv. XVII, chap. 3) ne dit, à ce sujet, que quelques mots, mais Pline (Hi'stoire naturelle, liv. V, chap. 5) est plus affirmatif. Voici ce qu'il rapporte, au sujet du pays de Garamantes, qui correspond à peu près à notre Sahara
oriental.
« Dans ces déserts sont
Mategx, bourg des Garamantes Deloris, où coule une fontaine brûlante de midi à minuit, et glacée de minuit au midi suivant; la fameuse Garama, capitale des Garamantes. Tout ce pays a été dompté par les armes des Romains. Dans le triomphe de Cornélius Balbus, outre les villes de Cidame et de Garama, on porta les noms et les représentations de toutes les nations et villages, qui marchèrent dans cet ordre Tabidium. petite ville; les Enipi, peuple le Giri, montagne, où xz~z écriteaxz nxarc~uait q~u,il y croît des pierres ~récieuses. Or, ailleurs, Pline nomme une soite de pierre précieuse garamarztites; c'est probablement celle qui venait de la montagne Giri. On a de fortes raisons de croire que cette pierre était celle désignée depuis, dans les musées, sous le nom d'énzesaude garamantiqxee. En effet, si nous consultons les modernes, nous trouvons, dans le remarquable ouvrage de Duveyrier sur les Tozzareg du Nord, le passage suivant (p. 143) « J'ai déjà dit qu'on avait trouvé des émeraudes dans le Touat; moi-même, j'ai
rapporté de mon excursion à El-Goléa des cristaux qui y ressemblent. Il est probable qu'une" exploration complète des montagnes des Touareg et des bassins qui en dépendent ferait retrouver l'ancienne émeraude garamantique des musées. » En 1882, alors que l'infortuné colonel Flatters campait dans cette vallée d'Amadghar d'où il ne devaa plus revenir, il y trouva des émeraudes en abon-
dance. Voici le passage du journal de la mission qui rapporte ce fait « Dimanche, 6 février. La caravane campe à quelque distance du Guelta (creux de rochers pleins d'eau de pluie) dans un oued sablonneux. Autour du camp, on trouve dans l'oued beaucoup d'émeraudes de toutes dimensions: quelques-unes sont grosses comme un œuf. M. Santin en fait ramasser une demi-charge de chameau le colonel promet une récompense à tout homme qui rapportera une de ces pierres. » Naturellement, ces émeraudes disparurent dans le désastre de la mission. Aucun des survivants
n'en rapporta. M. Foureau a confirmé l'existence de ces pierres
précieuses dans la région de l'Oued Mica et de
l'Igharghar. M. Forest, qui, en t 8c~ t
a
vainement tenté
d'organiser une expédition pour la recherche de ces pierres, aucun indigène n'ayant voulut l'accompagner chez les Touareg, a appelé l'attention de la Société de Géographie de Paris sur cet élément de fortune: devenu peut-étre aujourd'hui plus accessible. D'ailleurs, au lieu d'aller au hasard, on pourrait se guider, pour ces recherches, d'après ce que l'on sait déjà relativement aux autres gisements d'émeraudes. Ainsi, les aigues-marines des montagnes centrales de l'Asie et des monts Ourals se trouvent dans le granit. Les émeraudes vertes du Pérou sont engagées, soit dans le granit, soit dans le schiste. Les émeraudes chatoyantes de la Haute-Égypte, terre africaine qui se trouve à peu près sur le même parallèle que le Touat, sont disséminées dans une roche de mica-
schiste. D'une manière générale, l'émeraude, silicate double d'alumine et de glucine, se trouve dans les roches silicatées primitives ou dans les sédiments qui proviennent de la désagrégationde ces roches. On peut étudier un de ces gisements en France même, aux environs de Limoges; malheureusement, leur opacité et leur teinte, d'un blanc jaunâtre, leur ôte tout leur prix. En effet, les émeraudes limpides et d'une belle teinte, les émeraudes nobles, comme on les appelle, sont extrêmement recherchées dans le commerce; on les. paie jusqu'à trois ou quatre cents francs le carat. Or, le carat pèse exactement o gr, 2059. Il faut toutefois éviter de se laisser tromper par certains cristaux qui imitent l'émeraude à s'y méprendre. Les cristaux d'émeraude sont d'ailleurstoujours reconnaissables à leur propriété de rayer le quartz et de se laisser rayer par la topaze. Si ces caractères
étaient reconnus, il y aurait peut-être au Sahara une fortune à faire. Le premier point serait de s'assurer de la situation et de la richesse des gisements d'émeraudes. PAUL COMBES.
L'École française de Séoul. DEPUISque la Russie a engagé avec le Japon un corpsà-corps sanglant, la Corée, avec son ciel bleu et son charme particulier, a fait couler de véritables flots d'encre. Nos écrivains les plus en renom ont reproduit, dans des pages pittoresques, sa civilisation curieuse, ses moeurs bizarres, ses coutumes originales. Journalistes et savants, correspondantset reporters, tous ont étudié la Corée au point de vue politique, économique
N'allez pas croire, cependant, que cette École soit une maison fréquentée surtout par des enfants plutôt en quête d'exercices en plein air que d'études sérieuses. Les élèves sont tous d'un certain âge, car ils École qu'après avoir ne peuvent entrer dans cette achevé leur instruction chinoise. La plupart d'entre eux sont même mariés. Du reste, n'est pas élevé qui veut à l'École française. Les écoles étrangères, à Séoul, dépendent toutes, en effet, du ministère de l'Instruction publique coréen et figurent au budget. En plus de l'École française, il en existe une anglaise, une allemande et, jusqu'au moment de la guerre, il y en avait une russe. Chacune d'elles est dirigée par un haut fonctionnaire coréen dont l'autorité est purement nominale; en réalité, le vrai directeur est le professeur de chaque
L'ÉCOLE FRANÇAISE DE SÉOUL BERTHEAUX, VICE-CONSUL DE FRANCE; A SA GAUCHE, ¡\SSIS AU CENTRE, LE VICOMTE DE FONTENAY, MINISTRE DE FRANCE; A SA DROITE, M. L'ÉCOLE. LE MÉDECIN CORÉEN DE L'ÉCOLE; LE DEUXIÈME, J.. GAUCHE DE CE DERNIER, M. MARTEL, DIRECTEUR DE
.D'après ur:e photographie.
et social, avec un talent et une érudition remarquables. Cependant il semble que tout n'ait pas été dit sur ce joli pays, et peut-être nos publicistes ne se sontils pas suffisamment étendus sur le rôle de la France
langue qui opère sous le contrôle débonnaire du Gou-
d'origine française'.
Ces écoles donnent de très heureux résultats. En très peu de temps, elles forment des jeunes gens connaissant suffisamment la langue pour la parler couramment. Le Coréen est doué, en effet, d`une grande facilité d'assimilation, et on est souvent surpris de constater les rapides progrès faits par les élèves dans la langue qu'on leur enseigne. A leur sortie de l'école, les élèves servent d'interprètes, soit au palais impérial, soit au ministère des Affaires étrangères, soit aux Légations. Quelques-uns sont envoyés à l'étranger en qualité de diplomates.
en Corée. L'influence de la France en Corée, en effet, est incontestable, et c'est aux Français que les Coréens doivent les bienfaits du commencement de civilisation dont ils jouissent. Beaucoup d'administrations sont Mais le véritable siège de notre influence en Corée, c'est l'École française de M. Martel, un des plus anciens membres de la colonie, dans laquelle il
occupe une place de choix. L'École française est installée dans une maison coréenne; tout comme nos écoles modernes, cette maison est située au milieu d'un vaste terrain qui sert de cour de récréation. L'enjeu de la guerre russo-japonaise. A Travers le Monde, 1904, page 126.. 1. Voir
vernement. C'est le ministère de l'Instruction publique qui nomme les élèves dans ces écoles la grande majorité est prise parmi les fils de mandarins. C'est une faveur très recherchée, car le seul fait d'appartenir à un de ces établissements est considéré comme le premier échelon du fonctionnarisme, cette maladie du jour qui sévit là-bas tout comme chez nous.
Parmi les Écoles étrangères, en Corée, l'une des plus florissantes, disons-le bien haut, est certainement l'Ecole française. Le zèle et le dévouement, avec lesquels notre compatriote, M. Martel, dirige cette école, a déjà été couronné des plus heureux succès; certes ces succès seraient même encore plus satisfaisants, si on.laissait aux jeunes gens le temps de se perfectionner dans la langue qu'ils apprennent, au lieu de les
nommer dans une administration, dès qu'ils commencent à la balbutier. Cependant M. Martel sait parer avec un talent remarquable à tous ces inconvénients,et, chaque année, il donne au Gouvernement coréen un nombre important d'élèves instruits. Entouré de collaborateurs dévoués qu'il a formés lui-même, M. Martel ne se contente pas de donner l'instruction à ses élèves, il a en outre organisé des jeux et des sports auxquels les jeunes Coréens se livrent avec le plus vif plaisir. Chaque année, avant les vacances, M. Martel organise une grande excursion en pique-nique, à laquelle prennent part non seulement les élèves de l'école, mais encore les anciens élèves et les membres de la colonie française de Séoul,
Enfin, de temps à autre, des fêtes sont données sous la présidence du personnel de la Légation. On peut en juger par la photographie ci-contre qui représente les professeurs, les élèves et anciens élèves
de l'École française et quelques invités groupés autour de M. le vicomte de Fontenay, ministre de France, ayant à sa droite, M. Bertheaux, vice-consul de France; à sa gauche, le médecin coréen de l'École et M. Martel. L'empereur a manifesté plusieurs fois sa bienveillance pour l'École française et aussi pour la colonie française en général; tout dernièrement encore, il remettait à M. le vicomte de Fontenay le grand cordon de l'ordre de Hpal-koai, la plus haute distinction honorifique coréenne. Les Français de là-bas ont su faire aimer la France aux Coréens. ROBERT EUDE.
L'Affaire de la Succession de Lippe-Detmold. une curieuse ironie de l'histoire, c'est à partir du moment où les principautés allemandes sont devenues inutiles qu'elles sont devenues populaires. L'émotion produite, de l'une à l'autre extrémité de l'Allemagne, par le télégramme discourtois que l'empereur Guillaume II a adressé au régent de la principauté de Lippe, a montré à quels dangers s'exposeraient les Hohenzollern en touchant à ces dynasties minuscules, restées aux yeux des populations les emblèmes vivants de la petite patrie, qui ne veut pas se laisser dévorer par p
AR
la Prusse. La principauté de Lippe-Detmold est, par ordre
d'importance, undesderniers États de laConfédération. L'infortuné souverain, que la fatalité de sa naissance
et les décisions de la justiceappellerontà régner sur ce territoire, après une série de procès dont il est impossi'JIe de prévoir le terme, comptera cent quarante mille sujets, et ne disposera que d'une très médiocre liste civile. Un revenu annuel de deux cent cinquante-trois mille francs, c'est pour un simple particulier l'opulence, mais c'est la dernière détresse pour un prince souvt:rain obligé d'entretenir deux magnifiques châteaux construits sur le modèle, fun de Chambord, l'autre de Versailles, et de ne pas laisser déchoir la réputation d'un haras, dont les produits sont célèbres dans toute l'Allemagne. A ces charges viennent s'ajouter les traitements affectés au maréchal de la cour, au grand écuyer, au chambellan, à quatre dames d'honneur, à un aide de camp et à un officier d'ordonnance. Pour subvenir à de pareilles dépenses avec des ressources aussi limitées, le souverain le plus économe serait réduit à de perpétuels expédients. Aussi les princes de Lippe ont ils été obligés d'aliéner une à une les feuilles de la rose héraldique, qui est l'emblème de leur maison. Au XVIIIe siècle, ils ont vendu les comtés de Vianen et d'Ameiden à la Hollande, puis ils ont hypothéqué au profit du Hanovre une notable partie du territoire qui leur restait; enfin, en i 800, le prince Léopold II céda le district de Lippstadt à la Prusse, moyennant une rente annuelle de 3375° francs. Les apparences de la souverainetéconserventencore tant de prestige en Allemagne que le rêve de Guillaume II est d'assurer la couronne princière de Lippe à celle de ses soeurs qui lui inspire le plus d'affection. On n'a pas oublié la fameuse guerre des Trois Victoria, que la vieille reine d'Angleterre, la princesse royale de Prusse et la seconde de ses filles eurent à soutenir contre M. de Bismark. A défaut du prince de Battemberg, que l'inexorable chancelier avait jugé indigne d'épouser une sœur du futur empereur d'Allemagne, l'héroïne et la victime de cette lutte mémorable dut épouser le plus jeune des trois frères du prince régnant de Schaumbourg-Lippe, qui, luimême, avait cinq fils. Pour procurer à cette malheureuse princesse un rang plus élevé dans la hiérarchie des maisons souveraines,Guillaume II conclut avec le prince Woldemar de Lippe-Detmold un traité secret. Aux termes de ce pacte, dont la divulgation, de date toute récente, a jeté une vive lumière sur un des plus curieux et des plus inexplicables incidents de l'histoire de l'Allemagne contemporaine, le prince Woldemar, qui, dans la branche aînée de sa maison, n'avait pas d'autre héritier que son fI ère, atteint d'aliénation mentale, ;'nstituait, comme régent de la principauté de Lippe-Detmold, le Prince Adolphe de SchaumbourgLippe, beau-frère de Guillaume II. Cetterégencedevait durer jusqu'à la mort du futur souverain qui, à raison de son âge et de son état mental, était incapable d'exercer le pouvoir lui-même, et après le décès de ce dernier représentant de la branche aînée de Lippe, sa succession devait, suivantles calculs de l'empereur, passer au prince régnant de Schaumbourg-Lippe. Ici devait intervenir un arrangement de famille en vertu duquel le prince régnant de la lignée de Schaumbourg devait céder à son frère Adolphe ses droits de souveraineté sur la principautéde Lippe-Detmold.
Le beau-frère de -Guillaume II n'ayant pas d'en-
fants, les possessions des deux branches régnantes de Lippe devaient, après son décès, être réunies sur la tête du chef de la maison de Schaumbourg. Ces calculs savants et compliqués échouèrent devant la ténacité du comte Ernest de Lippe-Biesterfeld. Les droits du prétendantàla régence et à la succession éventuelle de la principauté de Lippe-Detmoldn'étaient pas douteux. La branche de Schaumbourgs'était séparée de la souche commune en 1601 et celle de Biesterfeld en i6~5; la dernière était, par conséquent, d'un degré plus rapproché dans l'ordre héréditaire, et la diète de la principauté de Lippe se prononça contre le beau-frère de Guillaume II. Le Prince Adolphe s'étant obstiné à conserver le pouvoir malgré la volonté manifeste de ses sujets, le comte de Biesterfeld, énergiquement soutenu par les habitants de la principauté, les souverains de la Confédération et l'opinionpublique, finit par obtenir que la contestation survenue entre les deux prétendants à la régence de Lippe fût soumise à une Cour arbitrale, présidée par le ,roi de Saxe. Cette juridiction ayant donné gain de cause au comte de Biesterfeld, le prince Adolphe fut obligé de s'éloigner de Detmold, après avoir régné pendant dix-huit mois sous le nom du malheureux prince Charles-Alexandre, dont l'aliénation mentale avaitfaitd'effrayants progrès depuis qu'il avait succédé à son frère. Le vainqueur paya cher son triomphe judiciaire. L'empereurGuillaume II refusa d'accorder au régent de Lippe la qualification d'Altesse et décida qu'il devrait se contenter du titre de (( comte illustrissime comme par le passé. En même temps, les officiers du 3e bataillon du 55e régiment d'infanterie, qui tient garnison à Detmold, reçurent l'ordre de n'épargner aucune avanie à un homme qui avait eu le mauvais goût de gagner un procès contre le beau-frère de l'empereur. Le chef de bataillon et ses subordonnés obéirent avec d'autant plus de zèle à la consigne que le comte Ernest était le seul souverain de la Confédération qui ne fût pas militaire. C'était un excellent prétexte pour lui refuser le salut lorsqu'il passait dans les rues de sa capitale, mais il répondit à ce mauvais procédé, en décrétant qu'à l'avenir il porterait un uniforme de régent. Le droit d'avoir un costume spécial ne s'étendant pas aux fils du souverain intérimaire de la principauté de Lippe, défense fut faite aux factionnaires de leur présenter les armes au sortir du Palais. Le comte Ernest eutla faiblesse de se plaindre à l'empereur d'Allemagne des procédés discourtois, dont sa famille et lui même étaient chaque jour victimes, il obtint pour toute réponse un télégramme bref et injurieux. Le régent se vengea de ces persécutions mesquines et de ces dédains par un coup de maître. La lutte inégale qu'il soutenait contre le Gouvernement de Berlin lui avait concilié les sympathies des habitants de la principauté, jaloux de défendre les derniers vestiges de leur autonomie, et il profita de sa popularité pour obtenir de la diète de Lippe-Detmoldle vote d'une loi qui appelait éventuellement son fils aîné, le comte Léopold, à lui succéder de plein droit comme régent. Cette prévision s'est réalisée, et le duel entre le lion et le moucheron a recommencé à la mort du comte Ernest de Biersterfeld. Guillaume II n'a pas su résister àunpremiermouvement, et, suivant sa coutume, apro-
cédé par voie télégraphique. Une dépêche datée de Berlin a notifié au comte Léopold que l'empereur refusait de le reconnaître comme régent de la principauté de Lippe et défendait à la garnison de Detmold de lui prêter serment de fidélité. Le minusèule gouvernement du comte Léopold ne se laissa pas intimider et fit voter par la diète une loi qui maintenait le nouveau Régent en fonctions jusqu'au moment où la question de la suc-
cession au trône princier serait définitivement tranchée par le pouvoir judiciaire compétent. M. de Bülow n'a rien négligé pour atténuer la fâcheuse impression produite en Allemagne par l'immixtion personnelle de l'empereurdans les affaires intérieuresd'un État souverain au même titre que la Bavière ou le Wurtemberg, et, grâce aux bons offices du chancelier, les trois branches de la maison de Lippe ont consenti à porter les différends devant une Cour arbitrale. L'ère des procès va se rouvrir. Au moment où s'est engagée la première contestation il y avait un point noir dans la généalogie du comte de Biesterfeld. Il avait été impossible de retrouver l'acte de naissance de sa grand-mère,Modestede Unruh, et, faute de preuve contraire, la Cour arbitrale, présidée par le roi de Saxe avait admis qu'elle était noble et que, par conséquent, aucune déchéance ne pesait sur ses descendants. Après avoir examiné à fond les registres de sept mille paroisses, les généalogistes réussirent enfin à découvrir l'acte depuis si longtemps cherché, mais il était trop tard l'arrêt était rendu. Les adversaires du comte Léopold de Biesterfeld n'auront probablement pas de peine à prouver que sa bisaïeule, Modeste de Unrunh, n'était pas seulement d'origine douteuse du côté maternel, mais qu'elle était la fille d'un général dont la légitimité donnait lieu à de graves soupçons. Si la juridiction arbitrale rejette ce grief comme étant trop ancien, le régent de Lippe ne pourra pas nier que son grand-père maternel, le comte de Wartenslebenavait épousé une Américaine de Philadelphie, dont la généalogie n'était que trop facile à établir, mais dont la dot s'élevait à un nombre respectable dé dollars, On assure que le comte Léopold serait loin de se trouver désarmé contre les revendications de la branche de Lippe-Weissenfeld, qui ne serait pas exempte de toute mésalliance; de sorte qu'il ne resterait que le prince Adolphe de Schaumbourg-Lippe, dont la femme, la princesse Victoria de Prusse, sœur de l'empereur Guillaume II, descend, tout comme son auguste frère, d'une demoiselle d'Olbrause, fille d'un pauvre gentilhomme de Poitou, laquelle avait épousé un Brunswick-Hanovre. C'est l'éternelle histoire de la paille et de la poutre. G. LABADIE-LAGRAvE.
Ardouin Dumazet.
Yoyage en France, 3ge série
Py-
Voyage en France, 40e série
Py-
(partie orientale). Nancy et Paris, Berger-Levrault, 1904. In-¡6, 343 pages et figures. Prix 3 fr..50.
rénées
Ardouin Dumazet. rénées In- 16,
centrales. Nancy et Paris, Berger-Levrault, 1904. 345 pages et figures. Prix 3 fr..50.
La Perception de l'Impôt dans le Congo français. Le commissaire général du Congo français vient, par
un récent arrêté, de modifier le système de la perception de l'impôt indigène dans la colonie. Voici les quelques points particulièrement importants de cette mesure L'impôt n'est plus, comme avant, un impôt immobilier sur la « case », ce qu'on pourrait appeler une taxe sur la fortune apparente des indigènes, il devient uniquement un impôt de capitation au taux individuel de 3 francs, à porter à 5, maximum à atteindre, dans un avenir prochain. Autant que possible, l'argent seul sera admis; cependant dans les tribus où celui-ci est peu ou point connu, les produits en nature pourront être reçus. Toutefois l'ivoire ne pourra être accepté que dans la proportion du tiers par rapport à la quantité de caoutchouc versé. Cette mesure, nous dit l'arrêté, a pour but de développer la production du caoutchouc qui constitue la principale richesse de la colonie et dont l'exploitation amènera chez l'indigène des habitudes de travail régulier. La remise à faire aux chefs de village est fixée à 6 pour 100. La perception par les miliciens est formelle-
ment interdite.
Un Nouveau Chemin de
fer dans
l'Afrique portugaise.
vient d'autoriser la construction d'une nouvelle voie ferrée, longue de 3~o kiloLe Gouvernement portugais
mètres, de Beïra à Sena sur le Zambèze. Cette ligne sera prolongée plus tard jusqu'au lac Nyassa et fera une concurrence sérieuse au chemin de fer de Quelimane à Chiromo.
L'Émigration allemande diminue. Pendant les sept premiers mois de l'année en cours, 17300 personnes ont quitté l'empire allemand à destination des pays d'outre-mer, contre 22000 personnes pendant la période correspondante de l'année 1903.
Cette diminution du chiffre des émigrants montre mieux que beaucoup d'arguments avec quelle rapidité l'Allemagne industrielle a su triompher de la crise récente.
Le Commerce en Suisse: D'après une statistique du commerce extérieur de la Suisse en 1903, la valeur des exportations s'est élevée dans ladite année à 888 millions de francs (contre 874 millions en 1902); la valeur des importations à 1 190 millions de francs (contre 1 128 millions en 1902). Sur le chiffre des importations, 350 millions de francs reviennent à l'Allemagne, 222 millions à la France, 181 millions à l'Italie, 78 millions à l'Autriche-Hongrie, 69 millions à la Russie, etc. A l'exportation, l'Allemagne participait pour 202 millions de francs, la France pour 114 millions, la Grande-Bretagne pour 117 millions, l'Italie pour 52 millions, l'Autriche-Hongrie pour 40 millions.
Le Commerce du Maroc et les
Colonies françaises de Tanger.
Le rapport du consul anglais Maclean
sur le commerce du Maroc, pendant l'année 1903, vient de paraître. La statistique porte uniquement sur le trafic des ports, dont la Grande-Bretagne prend 48 pour 100, la France 22 pour 100 et l'Allemagne 14 pour 100. Le commerce qui se fait par la frontière algérienne est difficile à apprécier; mais s'il pouvait l'être, il relèverait sensiblement la part de la France. Le commerce britannique a subi une légère diminution cette année, mais cela tient uniquement aux conditions troublées du pays. Ce qui paraît plus inquiétant au consul anglais, c'est la situation stationnaire de la marine britannique, alors que les nations concurrentes font de rapides progrès. Le
termine par un éloge des ressources naturelles du pays, surtout de ses ressources agricoles. TanLe nombre des Français établis au Maroc, monte toujours. Actuellement la colonie française ger, comprend prèsde400 membres, alors qu'on en comptait une centaine en 1900. Ajoutons que l'organisationde la police locale indigène à Tanger a commencé sous les ordres d'un officier français, le capitaine Fournier. rap port se
Les Américains mal vus Porto Rico.
à
Dans une étude sur l'action américaine à Porto Rico, le i'inzes montre à la suite de quelles mesures les Américains, reçus d'abord avec enthousiasme par les indigènes de l'île, se sont aliénés une grande partie de la population, et comment les deux races se sont nettement séparées. Les habitants de Porto Rico avaient espéré que les Etats-Unis banniraient de l'île les Espagnols, en réorganisant un Gouvernement qui apporterait à tous la prospérité. Or, ce Gouvernement est analogue au système administratif des colonies britanniques. Le gouverneur et les chefs des divers départements du pouvoir exécutif sont choisis par le président des Etats-Unis. Ce passage d'un régime aristocratique, comme l'avait été celui des Espagnols, à un système de représentation populaire, apportait déjà un
grand changement.
Certaines lois sur l'instruction, la supériorité de race cue ';es Américains semblent s'arroger, achèveront de mécontenter les indigènes. Deux partis se sont formés actuellenent les « Républicains », comprenant des gens de coukur et des indigènes partisans du gouvernement, et les réorganisés en un parti qui s'ap(~ Fédéralistes », récemment pelle « Unioniste », ayant pour eux les classes riches, hostiles au régime américain.
Les Chemins de fer de i'Inde. premier chemin de fer construit dans l'Inde remcnte à 1853 ce premier tronçon avait 32 kilomètres. En 1863, le réseau ferré atteignait 4 102 kilomètres. Depuis cette époque, il n'a cessé de s'accroître dans des proportions considérables. En 1873, il mesurait 9 161 kilomètres il dépassait déjà 17000 kilomètres en 1883 et se chiffrait par 29782 kilomètres en 1893. Au 31 décembre 1902, on comptait 41 549 kilomètres de voies de tous écartements ouverts à l'exploitation. Le tableau suivant, dont les données sont empruntées document parlementaire sur l'Inde récemmentpublié à Londres, fournit d'intéressantesindications sur le développemznt et l'exploitation des- lignes ferrées indiennes pendant la dernière période décennale Le
un
Années
1893'
1894. 895. 1896 1897 1898
1899. 900: 1901. 902.
Kilomètres ouvertsautrafic.
29782 30419 31463 326011 34002 35 475
37856
Voyageurs Poids des transportés marchandises milliers
milliers de ton.
135520 145727
28847 32643 33628 32471 33926
153061
159509 150584 151 566 1617:>.0
de
i o 15 5 kilog.
36 354
40592
176308 43739 194749 44142 46059 41 549 200555 La comparaison des résultats des années 1893 et 1902 :`ait ressortir que, durant cette période, la longueur des chemins de fer s'est accrue de Il 767 kilomètres ou de 39,5 pour 100 j que le nombre de voyageurs transportés à progressé de 47,9 pour 100 et que le tonnage marchandises s'est augmenté de 59,6 pour 100.
39838 40825
Excursion sur les Rives de la Vienne, en Haut-Limousin. Répétons une fois de plus qu'on va ~cbercher bien loin ce qu'on a près de soi, et qu'une excursion en certaines parties de la France donnerait des im~ressions plus neuves que maints voyages à l'étranger. Naturellement il faut savoir cboisir pour trouver de l'inédit. A ce titre, une des contrées les Plus curieuses est le bassin de la Vienne, en Haut- Limousin. La difficulté des communicationsen fait une terre lointaine, loin dans l'espace, loin dans le temps.
LE touriste, que
le hasard de son
itinéraire amène à
traverser le Limousin, passe indifférent; tout au plus s'arrêtera-t-il quelques heures à Limoges, l'ancienne capitale limousine devenue un grand centre militaire et manufacturier; mais quand il aura visité l'une de ces fabriques de porcelaine, dont le renom est universel; jeté
de primitives auberges, d'antédiluviennes pataches et, pour guides, que de braves gens parlant un patois dégénéré de la sonore langue d'oc, la langue des Cours d'amour, que présidaient les belles châtelaines. Cette langue morte est bien en harmonie avec ce pays, où ne subsistent plus que des souvenirs et des ruines, où la
vie
un regard hâ-
s'écoule
tif sur la cathé-
lentement,
drale, soeur de Notre-Damede
comme cristallisée, dansl'ab-
Paris; àl'église
solue igno-
Saint Michel,
rance de nos
curieuse
agitations; ses
avec son clocher de 55 mè-
chantantes a-
sii
intonations
joutent une
tres, terminé
poésie de plus
par une énor-
aux mélancoliqueshorizons que ferment les hautes collines empour-
me boule dorée, il reprendra sa route,
donnant à peine un coup
d'oeil
préesdebruyères, à travers
distrait
aux paysages
qui apparaissent à la portière de son
lesquelles bondissent, sur leurs lits de roches, la Vienne
PONT SUR LA VIENNE, PRÈS DE TORNAC (CORRÉZE~.
Photographie de M. F. de Queyriaux. wagon, et sans et ses affluents. se douter du Le plateau, bossué de cimes abruptes, qui est charme intense des sites qu'il laisse derrière lui, de l'intérêt des souvenirs et des coutumes qu'il dédaigne l'ossature de la contrée, porte le nom bizarre de plateau de Millevaches.
d'évoquer..
Une excursion dans le Haut-Limousin, vers les sources de la Vienne, est moins banale qu'une excursion en Écosse ou dans l'Engadine, moins facile aussi; il faut une vocation d'explorateur pour s'aventurer dans ces pittoresques parages, où l'on ne trouve que A TRAVERS LE MONDE.
48"
LIV.
Quelle est la lointaine étymologie de ce nom?. Nous ne saurions le dire. Mais aucun troupeau ne vient pâturer sur ces hauteurs désolées, où il n'y a d'autre végétation que de maigres bruyères et dans les anfractuosités des roches grises, sur les rives des innomN~
48.
26 Novembre ~904.
brables ruisselets qui jaillissent de tous côtés, d'admirables mousses. Elles passent par toute la gamme des verts. Les unes, presque noires, épaisses et rases, font comme un manteau de velours sombre aux blocs de granit qui, depuis des siècles, se dressent en de fantastiques équilibres. Tout au contraire, autour des sources, elles sont d'une teinte argentée, infiniment douce, semblables à des morceaux de peluche miroitante, jetés sur le terrain rocailleux pour protéger les pieds mignons d'une sylphide. Le sol de l'âpre plateau, composé de granit, de gneiss, de mica, ne permet pas à toutes ses sources, filles des neiges qui le recouvrent, huit mois sur douze, de pénétrer dans ses flancs, et tous les filets d'eau, forcés de rester àla surface, se frayent, comme ils peuvent, des routes vers les vallées, glissant sur les mousses, cascadant par-dessus les pierres. Parfois, un amas de roches leur oppose une infranchissable barrière; alors se forme un lac
fort de la rivière. Depuis des siècles, il subit cet incessant assaut, sans que son rude grain en soit même entamé, et pour continner sa route, la Vienne doit contourner l'obstacle en d'innombrables zigzags. Dominant le gave tumultueux, sous un ciel tour à tour d'un bleu intense, rappelant le Midi, et d'un gris brumeux tout ouaté de neige, comme en pays sibérien, se détache la silhouette d'une très vieille église. Ses fondations remontent aux premières années du IX. siècle. Elle fut consacrée en 833 par un évêque de Limoges, nommé Odoacre. La construction actuelle date de la fin du xtue siècle et du commencement du XIV.. 1-e cimetière'entourel'église; cimetière d'humbles paysans, avec des croix de bois sur les fosses herbues, où le tardif printemps met la parure de ses fleurs. Il doit être doux le long 'sommeil, dans~ ce vieux cimetière, au bruit berceur de la Vienne qui, là-bas, se
brise sur la gigantesque
en miniature, au bord duquel
roche; à l'ombre de cette petite église,
viennent s'ébattre, à l'épo-
que des passa-
aux murs verdis de mousse,
ges, les oi-
seaux migra-
dont la flèche pointe vers le
teurs. Ce
sont
ciel, symbolisant les suprê-
presque les seuls êtres vivants de ces
sôlitudes
mes ces.
où
Jadis, le dimanche, parents et amis venaient s'agenouiller sur les
sans cesse sif-
fle la bise;
mais sur ces notes plaintives, pour en atténuer l'infi-
nietristesse, se détache la joyeuse chan-
espéran-
tombes
de leurs trépassés mainteCASCADE DE LA VIROLE, PRÈS
DE:
TREIGNAC (CORRÈZE).
sauf
aux bonnes fêtes », l'église est presque déserte; à peine trois ou quatre femmes égrènent-elles leur chapelet, pendant que le duré et son sacristain chantent l'office divin, généralement chacun dans un ton différent; mais peu importe! le Seigneur voit l'intention; quant aux rares paroissiennes, elles y sont habituées dès l'enfance. Cependant, sur cette terre limousine,où le fléau de l'émigration a tué les croyances du passé, le culte des morts est demeuré très vivace. Le jour de la Toussaint, hommes, femmes, enfants, emplissent ,les églises, et à la sortie des vêpres, tous accompagnentlecuré au cimetière. Chaque famille se groupe auprès de ses tombes, et le prêtre va de l'une à l'autre psalmodier des Gibera. Ni la neige, qui souvent tombe en épais flocons, ni la bise, qui sur ces sommets dénudés, souffle presque tou50urs avec violence, accompagnant de sa plainte lamentable la prière de deuil, n'entravent cette touchante cérémonie du ressouvenir, qui se prolonge jusqu'au déclin du jour, u la tombée de la nuit suivant l'expression du pays. Les rites des funérailles se sont à peine modifiés
Photographie de M. F. de Qi-eyriaux.
son des ruisseaux bondissant le long des pentes rapides, se rejoignant pour former, peu à peu, des rivières fécondes et paisibles. C'est au mont Odouze, dans le département de la Corrèze, que se trouvent les sources de la Vienne. Quand la rivière, aussi large que la Loire, vient rejoindre à Chinon le grand fleuve paresseux, se souvientelle de sa mère, la sauvage montagne limousine, tapisséedebruyères et d'ajoncs?. des pierres grisâtres, rongées de lichens, qui lui servent de berceau?: Les rivières, comme les hommes, doivent être oublieuses de leur humble origine. La Vienne semble avoir grande hâte de quitter les solitudes où elle prend naissance; recueillant en chemin mille ruisselets, elle descend les pentes du mont Odouze avec une telle rapidité, qu'à 25 kilomètres de sa source, elle n'est plus qu'à 540 mètres d'altitude. Devant elle, lui barrant la route, se dresse alors une énorme roche, appuyée aux flancs de la colline de Rempnat. Rageusement, la rivière frappe le rocher de ses ondes écumantes, mais le géant de granit se rit de l'ef-
nant, ((
depuis l'époque gallo-romaine. Comme en ces temps lointains, on revêt les morts de leurs plus beaux habits, on met avec eux, dans le cercueil, des gâteaux et de l'argent, inconsciente réminiscence de la païenne offrande à Caron, le passeur du Styx. Des femmes se lamentent bruyamment dans la chambre mortuaire. Quand l'heure sera venue de s'acheminer vers la paroisse, elles feront cortège comme les pleureuses an-
passé les jours de leur enfance et dont les mélanco-
liques horizons leur sont restés au plus intime du coeur. Et pourtant, malgré cet amour du sol natal, ancré dans l'âme du Limousin, bien peu résistent à l'attirance de la grande ville; il y a des villages où, pendant « la saison du bâtiment, » il ne reste que des très vieux et des tout petits. Ce sont les femmes qui font métier d'hommes et travaillent la terre. tiques. C'est grande pitié de voir ces pauvres créatures, Parfois, la distance est longue du hameau ou de qui n'ont plus rien de féminin, tant le dur et incessant la métairie à l'église, et le cercueil est lourd aux labeur les a déformées, vieillies avant l'âge, moisépaules de ses porteurs par ces chemins raboteux, qui sonner sous l'ardent soleil le petit champ de blé ou tantôt grimpent le long des collines, tantôt descendent de sarrasin, jalousement enclos d'un mur en pierrailles, vers les vallées en pentes raou d'une épaisse haie d'épines pides. Il est resté dans la traet de houx; et lorsque vient s> dition de ce pays, jadis aussi l'automne, cette merveilleuse ~=f chrétien que la Bretagne, de saison du pays limousin, attes'arrêter devant les croix qui ler la paire de boeufs et, courbées sur la lourde charrue, rese dressent en grand nombre au bord des chemins. Pendant muer la terre avare, creuser le sillon dans lequel leurs mains que les porteurs se renouvellent, l'un des membres de la calleuses, brûlées par le soleil famille met au pied de la vieille et la bise, jetteront la sem~nce ° croix de granit ou de fer une de la récolte prochaine. °r~ Quand arrive l'hiver, la petite croix, taillée dans une branche de châtaignier, ou plupart des « Limousins rentrent au pays, rapportant le une racine de buis. petit magot destiné à arrondir La même séculaire trale lopin de terre familial. C'est dition fait déposer, à l'ombre le moment des mariages; ils de la croix la plus voisine de ° s'organisent aux veillées. On la demeure du mort, son verre et son écuelle. Dans certains se réunit entre voisins, et pencarrefours, il y en a des cendant que les vieux somnolent, taines. Personne n'y touche. que les vieilles tricotent en berçant du pied les marmots Peu à peu, ces derniers vesdont les mères sont parties tiges des êtres disparus à jamais subissent, eux aussi, l'ipresque toutes comme nourrices, la jeunesse bavarde à la névitable loi de la destruction lueur d'une petite lampe fuet se brisent comme tout se brise ici-bas. Les lézards glismeuse, qu'on dirait sortie d'un a tombeau romain. sent entre les tessons de ces Les garçons s'occupent verres et de ces écuelles, que à peler des châtaignes, ou à recouvrent à demi les ronces ~Y faire des paniers avec de jeunes et les herbes folles. La lugubre cérémonie pousses de châtaignier, les UN MENDIANT MENDIANI' LIMOUSIN. filles à filer le chanvre et laa terminée, fusage veut que palaine. Parfois le fuseau tombe, rents et amis retournent ausPhotographie de M. F. de_Queyriaux. et celui qui le ramasse a le sitôt à la maison mortuaire droit d'embrasser la fileuse. Je me suis laissé dire qu'il pour le repas des funérailles, où doit toujours figurer une soupe au lait. En se mettant à table, la plus âgée y avait des fuseaux qui tombaient très souvent. On s'embrasse aussi à la fin des bourrées, ces de l'assistance fait le signe de la croix et récite le De profundis en patois. danses au rythme lourd et joyeux. Ce sont de vraies .pantomimes, qu'accompagne de ses notes aiguës une Le paysan limousin tient à son vieil idiome, qui musette, nommée dans le langage du pays une cbareste pour lui sa vraie langue nationale et sans les émigrants, le français appris à l'école obligatoire serait brette, ou le crincrin d'un violon. Le musicien s'appelle vite oublié dans le Haut-Limousin. un violonaire ou un cbabretai-re. Il fait danser dans les Ils sont nombreux, ceux qui séduits par le miauberges et sur les places les jours de fête et précède les novis (mariés) dans les cortèges de mariage. rage des forts salaires s'en vont chaque année comme Ces cortèges perdent malheureusementbeaucoup maçons dans les grandes villes. Les plus intelligents deviennent entrepreneurs. A force d'économie, de trade leur pittoresque d'autrefois. Les jeunes filles veulent s'attifer à la mode, comme les dames; elles abanvail tenace, beaucoup arrivent à faire de véritables fortunes ils s'empressent alors de réaliser le rêve de donnent le barbicbet, la coiffe limousine si seyante au visage, pour d'horribles chapeaux chargés de fleurs et tous les montagnards posséder la plus grande part possible de cette montagne où ils sont nés, où ils ont de panaches éclatants, que leur vendent les modistes
d'Eymoutiers et de Saint-Léonard, les capitales de la région. Cependant, beaucoup d'anciens usages sont à son encore conservés. La fiancée donne toujours
fiancé sa chemise et sa cravate de noces, et reçoit en échange les souliers qu'elle portera le jour de son mariage. Le paysan limousin n'a aucune idée de l'axiome britannique. Time is money; il a toujours le temps, aussi n'arrive-t-il jamais à l'heure. Cette inexactitude explique que presque tous les mariages se célèbrent sans messe. On vient à l'église quelquefois à cinq heures du soir, après une halte à l'auberge au sortir de la mairie. La messe, c'est pour le lendemain. Les deux familles des novis la font dire pour leurs défunts. La plupart des assistantsy arrivent aux dernières oraisons, les yeux et le nez rouges, la tête lourde. On a bu, mangé, dansé une partie de la nuit. Ce sont de vraies noces de Gamache que ces repas de mariage, auxquels tous les.invités contribuent par l'envoi de victuailles. Quant aux jeunes gens, la galanterie locale exige qu'ils aient leurs poches pleines de morceaux de sucre, pour mettre dans le vin de leurs (( cavalières ». Dominant le tumulte des voix rudes et des gros rires, le musicien installé sur une estrade rustique faite avec des tonneaux et des planches, comme dans les gravures du xvme siècle, appelle à la danse cavaliers et cavalières. La salle de bal est la grange voisine. Pour tapisserie, les danseurs ont les vaches blondes et les grands boeufs qui, passant leur tête à travers les barreaux de l'étable, les regardent se trémousser, de leurs grands yeux calmes. Au lendemain de ces noces bruyantes, plus d'une jeune fille s'en va jeter une épingle dans la fontaine de Saint-Martin, à Bujaleuf; ou porter sa jarretière à la fontaine de Saint-Psalmet, pour obtenir d'avoir comme mari son cavalier de la veille. Saint Eutrope, vénéré à Beaumont, a également une spécialité matrimoniale il procure les maris bien tournés; aussi est-il fort invoqué dans la région. L'église où se trouvent ses reliques, délabrée comme presque toutes celles de ce pays très pauvre, date de la fin du XIe siècle et porte des traces de fortifications. C'était un important point de défense que cet abrupt sommet de Beaumont dominant toutes les collines environnantes, et c'est un des plus merveilleux panoramas qui se puissent imaginer, surtout en septembre, alors que les feuilles des châtaigniers semblent ciselées dans du bronze clair, que les cerisiers sauvages et les hêtres se colorent de pourpre, que les bouleaux aux troncs de satin blanc sèment leurs feuilles d'or
pâle, tandis que les chênes conservent encore leurs
-vertes frondaisons que brunissentlentement les gelées d'automne. Et sur ce fond superbe, sur le tapis bigarré que forment les champs et les landes, se détachent des clochers pointant leur flèche menue dans le ciel d'un bleu de turquoise; quelques agglomérations de maisons, hameaux ou bourgades, font des taches blanches et brunes, brillantes parfois quand le soleil déclinant vient frapper les vitres. Et de tous côtés, descendant vers la vallée pour rejoindre la Vienne aux eaux sombres, qui se glisse entre les monticules rocheux, des multitudes de ruisseaux étincellent comme des coulées
de dia.mants. Tout là-bas, fermant l'horizon, les ondulations violettes des monts d'Auvergneet de la Marche. Dans ce cadre enchanteur, de lentes mélopées, s'élèvent, les paroles ont des consonances sonores qr.e je ne comprends pas toujours, mais les notes rnliancoliques et graves s'harmonisent merveilleuse.m~nt avec ce paysage un peu sévère et ajoutent à cette poésie des choses, que rien ne traduit et dont la jouissance est l'aumône divine jetée aux pauvres enfants d'Ève affamés d'idéal. JACQUES DE LA FAYE.
L'Irrigation du Sénégal. Urr rapport du capitaine
Mathy sur le Sénégal, en
même temps qu'il implique l'abandon du fleuve ccmme voie de transport, lui assigne un rôle fertilisateur du plus haut intérêt. (( On a souvent dit que, grâce au Nil, l'Egypte était une longue oasis créée dans le Sahara oriental. A la côte occidentale, le fleuve du Sénégal joue le même rôle sur le même terrain; les mêmes travaux aussi doivent compléter son œuvre. où le sol commence à \( Depuis le mois de janvier, premières pluies se dessécher, jusqu'au 15 juin, où les ramènent la végétation, le débit du fleuve varie à peu près de 20 mètres cubes à 5 mètres cubes à la seconde. Pendant cette période de temps, c'est donc un cube de 20000000o de mètres qui va se jeter dans la mer en pure perte, le 1/5 de ce que retient le fameux barrage
d'Assouan. qu'une partie des richesses qui (( Ce n'est encore sont ainsi gaspillées. Les eaux de la crue charrient un limon épais dont le sillon jaunâtre dans les eaux bleues de l'Océan révèle à plusieurs lieues l'embouchure du fleuve. Ce limon n'est pas aussi précieux que celui du Nil Rouge, mais on voit pourtant sa puissance dans les terres soumises à l'inondation, dans le Bosséa en particulier, par conséquent on devrait s'efforcerde l'utiliser un peu mieux. La terre du Sénégal n'est probablement pas très riche, puisque c'est à cela qu'on attribue en partie l'échec de la colonisation agricole en i82o mais s'il fautavoir recours aux amendements, raison de plus pour arrêter au passage ceux que le fleuve apporte sans frais.
L'amélioration du lit du fleuve pourrait déjà contribuer dans une faible part au moins, à une précieuse utilisation des eaux de crue. Un barrage fixe au marigot de Doué réduirait de 1/5 environ la section du fleuve il y a donc lieu de croire qu'il se produirait en arrière une légère surélévation des eaux. Le resserrement du fleuve à Bakel joue naturellement \(
un rôle semblable, puisque, au-dessus, la crue a souvent une valeur double de ce qu'elle est en aval. D'autres points analogues pourraient être créés artificiellement. D'ailleurs les barrages qu'il y aura lieu de placer pourront former des obstacles sérieux à la navigation, et il faudra peut-être attendre l'époque lointaine où le Sénégal ne sera plus employé comme -voie de pénétration. »
navirevenant,d'un pays situé approximativementsur une ligne qui, partant du Nord de l'Écosse, aboutirait à Dakar (ligne brisée, un peu élastique, puisqu'elle met sur un même plan Liverpool, Brest et Lisbonne), le canal de Suez est et restera la ligne la plus courte pour aller en ExtrêmeEn principe, pour un
Des Distances qui sépareront les principaux Ports du Monde après le Percement du Panama. Vu sur un planisphère, le continent américain semble barrer de son immense longueur la route qui mène, de l'extrémité occidentale du Vieux Monde, aux îles d'Océanie, à l'Australasie, au Japon, et même à la côte sibérienne de la mer du Japon.
Orient. Par contre, les itinéraires indiqués sur notre carte présentent les voies qui seront rendues plus rapides, grâce au percement du canal. On y voit que le canal desservira utilement, pour l'Europe, les côtes occidentales de l'Amérique, l'Océanie tout entière, le Japon et Vladivostok; à l'Amérique même, il rendra des services analogues entre la côte orientale et l'Océanie (plus le Japon et Vladivostok), et facilitera considérablement les communications entre les côtes occidentale et orientale du Nouveau Continent.
LES NOUVELLES ROUTES MARITIMES CRÉÉES PAR LE CANAL DE PANAMA.
Aussi les voies ferrées se sont-elles hâtées de le traverser de part en part. Les chemins de fer transcontinentaux qui, à travers les États-Unis, relient l'Atlantique au Pacifique, ne suffisent pas au trafic et il faut les doubler. Dans l'Amérique du Sud, le Transandino va prochainement joindre Buenos Aires à Valparaiso l'isthme de Tehuantepec attend son chemin de fer. Enfin et surtout, le canalde Panamava, dans un avenir probablement rapproché, couper dans le vif du continent et livrer passage aux vaisseaux, Nous n'avons pas ici à discuter l'utilité du futur canal; elle a été cent fois envisagée et prouvée. Tout au plus peut-on se demander si les efforts tentés et les sacrifices consentis n'attendront pas un certain temps avant de recevoir le vrai prix de leur mérite. Mais il importe de préciser les cas où le canal rendra d'indiscutablesservices. Dans l'espèce, le service rendu est naturellement l'abréviation de la distance, et c'est ici, à l'éloquence des chiffres, qu'il faut avoir recours.
Aux éléments fournis par cette carte, nous ajou-
terons un état des distances qui séparent de Panama les ports du monde les plus intéress;¡,nts au point de -· vue des rapports internationaux. De Panama à Sydney
Melbourne Auckland Hong-kong
Changaï Saïgon Yokohama
Philippines Liverpool Brest Bordeaux
Lisbonne New York
la distance est de 14200 kilom.
14900 12100 18300 17 200
19100
15 100 17400
8300 8 100
8200
7600
3400
En combinant ces chiffres avec les chiffres don-
nés sur la carte, on peut se rendre compte de la longueur de toutes les traversées opérées par les navires qui utiliseront le canal de Panama.
pensable que nous complétions nos préparatifs militair~es et que nous donnions le plus tôt possible une base solide à nos fmances. Le Gouvernementa le devoir de
Le Japon grande Puissance. vient de paraître, en Allemagne, la première partie d'un volume intitulé Notre ~ntrie, le lapon, qui est composé par des Japonais connus. Le premier chapitre sur la croissance du Japon est écrit par le marquis Ito, l'ancien ministre japonais Le marquis évalue à 500000 hommes la force de l'armée japonaise; il fait ressortir, avec une fierté justifiée, les immenses progrès accomplis par le Japon. Nous croyons devoir donner ici quelques extraits de son article, qui montrent avec quelle netteté de conception le Japon s'est préparé à devenir la grande puissance, qui n'hésita pas à déclarer la guerre à la Russie. Voici d'abord un passage sur le rôle du Mikado
se préoccuper de ces préparations nécessaires, et le peuple aussi doit se convaincre des vérités ci-dessus énoncées, et faire en sorte d'être prêt lorsque éclateront des wénements imprévus. »
1~
Quelles que soient les causes qui aient favorisé le développement du Japon, tout cela est cependant insignifiant en comparaison de ce que le pays doit à l'empereur. La volonté impériale a constamment été l'étoile conductrice qui a guidé la nation. Quelque grand qu'ait donc été l'effort de ceux qui, comme moi, ont tâché de diriger le pays vers ie progrès, cet effort n'aurait pu aboutir à 'des résultats aussi merveilleux si la grande influence progressive et sage de l'empereur n'avait pas été derrière toutes les mesures édictées et toutes les réformes entreprises.C'est de l'empereur que la nation a reçu l'enseignement qui l'a faite ce qu'elle ~(
est aujourd'hui. » Parlant des relations du Japon avec la Chine, le marquis Ito adresse aux autres puissances l'avertissement suivant ({ Le commerce extérieur du Japon a fait, depuis la Restauration de 1868, d'importants progrès; les ÉtatsUnis sont devenus nos meilleurs clients. Nous ne devons pas nous borner à cette conquête économique, mais nous devons chercher à nous créer en Chine un immense débouché pour nos produits. Il est naturel que le développement de notre commerce obéisse à la loi de l'offre et de la demande; si nous n'avons pas de demandes pour nos produits, nous ne pouvons accroître notre commerce, quand bien même notre production serait à même de satisfaire d'importants besoins. Nous devons donc, de toute nécessité, élargir de tous côtés notre champ de débouchés, et en même temps pousser notre pays à une plus grande production. A mon sens, la Chine peut absorber beaucoup plus de nos produits qu'elle ne le fait, et devenir peu à peu notre meilleur débouché nous devons donc surveiller très attentivement le cours des événements dans ce pays. ~(Des réflexions ci-dessus, il ressort que, au seul point de vue de nos relations commerciales avec la Chine, ce pays sollicite toute notre attention. Nous sommes forcés, en outre, de prendre un grand intérêt aux changements politiques qui pourraient modifier l'état des choses en Chine il peut donc se produire bien des cas où le Japon serait obligé de sortir de son attitude passive. Dans ces circonstances, il est indis-
Les Italiens en
Érythrée.
L A ligne de côtes de la colonie italienne de l'Érythrée,
du cap Kasar au cap Chituma, s'étend du i3e au 18e degré de latitude nord. Cette immense façade de la colonie sur la mer Rouge n'a cependant pas tant de valeur qu'on pourrait croire, puisqu'elle ne possède que deux bons ports Massaouah et Assab. Ni l'une ni l'autre de ces villes n'a eu l'honneur de è.evenir la capitale de leur colonie. Avec un coup d'ceil très juste, l'intelligent gouverneur italien de l'Érythrée, depuis 1897, M. Ferdinand Martini, a réussi à décider le Gouvernement italien a faire transférer, du climat malsain de la côte aux altitudes salubres de l'intérieur, la résidence du gouverneur qui le représente. Un village qui, en 1897, comptait à peine une douzaine de maisons de construction européenne, Asmara, fut choisi à cet effet. Ce qu'est devenu ce village en six ou sept ans, nous allons le voir en suivant un savant allemand, le docteur E. Dagobert-Schoenfeld, dans le voyage qu'il fit de Massaouah à Asmara, l'année dernière. Comme la voie ferrée entre ces deux villes n'est pas encore terminée, il dut faire une partie du trajet dans la voiture du gouverneur italien. Il y a quelques mois, le chemin de fer ne dépassait pas Macatat, à 3o kilomètres dans l'intérieur. C'est donc à Macatat que le docteur allemand dut monter dans le carrosse du gouverneur, et suivre l'excellenteroute que le génie italien a construite dans les dernières années du XIXe siècle, et qui escalade hardiment, au moyen de multiples lacets, la côte abrupte qui borde le haut plateau où est bâti Asmara, à 2400 mètres au-dessus de la mer. Deterrasse en terrasse, parde formidables tranchéaa et de nombreuxtunnels, la route s'élève insensiblernent, en permettant au voyageur de jouir du magnifique spectacle de la côte et de la plaine que longe la mer. De gigantesques murs de substruction, ici et là des ponts hardis, ont permis, à la suite, d'enjamber gorges et précipices, et fixé les terrains mouvants. Les torrents sont contenus par des digues, captés par des canaux, qui mettent la route à l'abri des crues subites. De solides barrières en bois jalonnent la route du côté du précipice. La largeur de la route est suffisante pour que deux voitures puissent se croiser aisément, Sa _ongueur, de Macatat à Asmara, est de 68 kilomètres. Grâce aux deux vigoureux mulets qui tiraient sa voiture, M. Dagobert-Schœnfl;ld put faire ce trajet en dixsep~t heures. A la descente, on mit la moitié moins de terr,~ps.
Cette route magnifique qui, au dire du docteur allemand, surpasse en hardiesse et comme beauté de
spectacle les routes de Norvège et la corniche de la Riviera, traverse des forêts dont la végétation tropicale abrite des troupes de singes de diverses espèces, et tout un monde d'oiseaux. Des hyènes et des léopards, dit-on, se cachent au fond des gorges de la montagne; mais le voyageur n'en aperçut aucun. Les communications postales entre Asmara et Massaouahse font encore, avant l'entier achèvement des chemins de fer, par une voiture de poste dans chaque sens, qui sert en même temps de diligence pour dix personnes, à 25 francs la place. Il n'y a, naturellement, qu'un courrier par jour. Nous ne pouvons suivre le voyageur dans le détail de ses étapes; nommons du moins quelques-unes des stations où il mit pied à terre, et qui deviendront bientôt des stations de chemins de fer. Ghinda, cc un vrai paradis », centre d'un district de luxuriante végétation, pourrait devenir le grenier de l'Érythrée. De Ghinda à Refosit, le terrain est très accidenté; ce ne sont que gorges, parois de rochers, sommets aux formes variées, bref une vraie Suisse africaine, mais avec la végétation des tropiques sycomores, figuiers, lauriers, myrtes, cactus, glaieuls, orchidées, ornent
de leurs mille couleurs éclatantes l'étrange, l'abrupte hardiesse des lignes du paysage. Qpand on met enfin le pied sur le haut plateau, Asmara n'est pas loin on le voit à 2 kilomètres de soi, au milieu de magnifiques pâturages qui lui ont donné son nom. Asmara, dans la langue amhara, signifie, en effet, (( bonne place pour paître les troupeaux ». Malgré ce nom idyllique, ce village, du temps du négus Johannès, était un campementfortifié, résidence du ras Aloula, qui y demeurait au milieu de ses soldats. C'était une réunion de huttes abyssines, recouvertes d'un toit hémisphérique. Celle du ras ou général ne se distinguait des autres que par ses dimensions plus considérables. On la montre encore, bien conservée, au haut d'une colline. Lorsque les Italiens s'y établirent, en 1897, elle était habitée par des indigènes de race tugûl, parmi lesquels une poignée d'Européens se trouvaient comme noyés. Aujourd'hui, le village abyssin est devenu une ville de huit à neuf mille âmes, dont un millier d'Européens. A part quelques Grecs et les membres d'une mission protestante norvégienne, ces Européens sont exclusivement des Italiens. Deux considérations capitales ont fait choisir Asmara comme résidence. D'abord, sa position stratégique très forte. La place commande la route de Massaouahà l'intérieur du pays; trois citadelles, dont la principale est le fort Baldissera, couronnent les collines qui l'environnent. La garnison se compose de mille soldats indigènes et de trois cents Italiens, outre les officiers.
C'est ensuite l'excellent climat. Le thermomètre, à Asmara, dépasse rarement le maximum de 25 degrés et le minimum de 8 degrés Réaumur. L'air, riche en ozone, est très propre à fortifier les nerfs. Ici, ni tuberculose, ni diphtérie, ni aucune des fièvres qui désolent les tropiques. De très légers accès de petite vérole ont été remarqués chez les indigènes, mais sans conséquence grave ni contagion. Un médecin suédois, qui habite Asmara depuis trente ans, assure que lorsqu'un des. membres d'une famille en était atteint, le
malaise ne se communiquaitjamais au reste de la maisonnée. Asmara est donc tout indiqué pour devenir le sanatorium de tout le bassin de la. mer Rouge. C'est d'ailleurs, d'ores et déjà', une ville européenne, avec villas, cafés, un théâtre, un casino, un hôtel des postes et de superbes jardins publics ou privés.
Société de Géographie de Paris.
saharienne Foureau-Lamy(~8g8-rgoo).
Carte de la Mission
TOUT le monde
a encore présente à l'esprit la magistrale exploration qu'effectua, de 1898 à 1900, la mission Foureau-Lamy entre l'Algérie et le Congo. On sait que cette importante expédition parvint à se réunir, aux environs du Tchad, avec les missions Gentil et joalland, réalisant ainsi la jonction définitive des possessions françaises de l'Afrique
occidentale.
Depuis son retour en France, M. Foureau travaillait à assembler les très nombreux documents géographiques qu'il avait recueillis au cours de son voyage. Il les a condensés en une magnifique carte, qui vient d'être publiée par les soins de la Société de Géographie de Paris, sur le legs Renoust'des Orgeries. C'est sous la forme d'un atlas en seize feuilles qu'a été établi cet important document. M. le capitaine Verlet-Hanus s'est chargé de le dresser. Il y a reporté tout l'itinéraire de la mission depuis Ouargla jusqu'à Bangui, à l'échelle du 1/400000" (feuilles 1 à 12) et y annexé un levé détaillé du cours du Chari, aux basses eaux, entre Fort-Lamy et Fort-Archambault, à l'échelle du yoo oooe (feuilles 13 à 16), L'itinéraire général suivi par la mission a été levé en double et séparément sur une étendue de plus de 5 200 kilomètres (Ouargla-Bangui), d'une part par M. Foureau, d'autre part par l'un des officiers de l'escorte militaire, désigné d'après les circonstances. En outre, tous les détachements, envoyés hors de la route principale à l'occasion de reconnaissancesscientifiques ou militaires, pâturages, etc., ont rapporté le levé du chemin parcouru, et, de ce fait, ajouté plus de 2000 kilomètres à l'œuvre topographique de la mission. Les carnets d'itinéraires ont été uniformément établis à l'échelle du 1/100000", au moyen de la boussole, de la montre et du baromètre. Pour la construction de la carte, les auteurs ont choisi une échelle qui permet, à la fois, et d'embrasser d'un même coup d'oeil toute une région avec ses grands caractères géographiques, et de se faire une idée exacte du terrain par la lecture de ses accidents de détail. Le 1/400000" a paru répondre le mieux à ces deux conditions. Le système de projection adopté est la projection orthographique méridienne ou de Flamsteed modifiée, le méridien central étant le 10" de longitude Est, qui correspond à peu près à l'axe général de l'itinéraire. En ce qui concerne la représentation du sol, on s'est attaché particulièrement à traduire les accidents de terrain avec la valeur toute relative qu'ils tirent de la nature du pays environnant; il est par exemple, au Sahara, tel monticule qui devrait disparaître de la carte à l'échelle de y4oo oooe et qui, constituant au milieu de ces solitudes un point de repère caractéristique, exige pourtant qu'on le conserve en dépit des lois topographiques. Pour ajouter à la compréhension de l'itinéraire général, de nombreux croquis et des plans des points les plus inté-
ressants ont été annexés dans les marges de chaque feuille. La carte de la mission saharienne est, en résumé, un monument cartographique de premier ordre; elle est une des bases fondamentales sur lesquelles on devra s'appuyer pour la construction d'une carte détaillée du Sahara, dont les moindres vallées seront, d'ici peu, connues, pour peu que se poursuivent les études déjà nombreuses, dont n'a cessé d'être l'objet, depuis quelques années, cette intéressante région du continent noir.
DEUTSCHE WOCHENZEITUNG IlV DEN NIEDERLANDEN Amsterdam.
Les Métis des Indes hollandaises. BIENdistincts des millionnaires hollandais dont ils vou-
draient se rapprocher, et des Malais qu'ils dédaignent, métis de Java, et surtout leurs « nonas » les « sinjos ou épouses, sont d'insupportables créatures, vaniteuses, indolentes, gueuses et pleines de morgue comme des men-
ou
la superstition. Tout Java, lorsque la nuit tombe, tremble dans l'attente d'apparitions redoutées et désirées à la fois; partout on fait cercle autour de conteurs qui parlent de génies, de morts qui reviennent, de philtres et d'enchantements. Leurs auditeurs, hommes, femmes, enfants, sont suspendus à leurs lèvres. Dans le grand silence que trouble seule la voix du narrateur, on entend parfois un soupir, un ci d'effroi ~flstaga! (Ecoutez!) Pigi mana! (Malhe;:r!) Ajoutons que tous les Javanais redoutent comme nous le nombre treize. gènzs
diants espagnols. Les deux sangs mêlés, blanc et malais,
KANSAS CITY STAR
qu'ils ont dans les veines, ne leur ont transmis que les
défauts des deux races. Un sinjo ce nom vient du portugais senhor, seigneur se reconnaît tout de suite, dans les rues de Batavia, à son pantalon blanc, qui serre étroitement ses petites jambes maigres, à sa courte jaquette de soie, au plastron d'une éblouissanteblancheur qui fait croire qu'il change de
chemise tous les jours. N'oublions pas les manchettes ornées de boutons en or, ou plutôt en simili or, et qu'il exhibe avec ostentation, non plus que la légère badine dont il joue avec une grâce de singe imitant un dandy. Sur son visage, encadré de cheveux artistement bouclés et d'un collier de barbe soigneusement frisée au fer, on lit un incommensurable contentement de soi-même. Plat et rampant devant les Hollandais, il ne redoute rien tant que d'être frôlé par un de ces Malais parmi lesquels ce serait l'insulter que de lui chercher ses congénères. Même lorsque le sinjo est pauvre, il veut paraître riche à tout prix. La maison du moins fortuné de ces métis est ornée d'une coquette vérandah peinte en blanc où se prélassent quelques meubles européens, si possible dorés et sculptés. C'est là qu'ont lieu les réceptions. Mais, si leurs invités finissaient leurs investigations dans les pièces où la famille se tient à l'ordinaire, ils passeraient subitement, parfois, d'un cadre opulent, ou qui veut le paraître, au milieu le plus misérable. Et la petite brune en tablier blanc qui reçoit si gentiment les étrangers est une orpheline de dix à douze ans que le « sinjo » de céans est allé recueillir à l'asile, et qu'il n'a pas besoin de payer à peine s'il la nourrit
Le sinjo a donc une vie de paravent, où il singe l'Européen, se meublant comme lui, mangeant avec couteau et fourchette; et une vie familiale, où il revient avec
bonheur à ses us et coutumes, à ses goûts et instincts malais. Quand il est sûr de n'être observé par aucun témoin, il s'assied sur le sol, parfois au milieu de ses sièges dorés où il vient de se prélasser comme un gentleman; il plonge ses doigts dans le plat de riz fortement épicé qui forme la base de sa nourriture; et, renonçant à écorcher l'anglais ou le hollandais, qu'il ne parvient jamais à parler correctement, il se sert de sa langue maternelle, le malais, avec une volubilité qui trahit le soulagementqu'il éprouve à revenir à son naturel. Toutefois, cette classe de faux dandys n'est pas absolument dépourvue de tout instinct artistique les sinjos aiment la danse avec passion; ils accourent partout où l'on fait de la musique; mais malgré leur snobisme, la musique européenne ne les jette pas dans l'extase où les plongent les chansons malaises (pantoungs) dont plusieurs, à vrai dire, sont charmantes, au moins comme air; car leurs vers sont d'une rare niaiserie. Elles se chantent avec accompagnement d'harmonica, leur instrument préféré. Quand ils ont enfin consenti à le poser, après en avoir joué pendant des heures, c'est pour passer à des jeux moins artistiques jeux de cartes aux innombrables figures, jeux de hasard interdits par la loi en termes très sévères, mais dont les Hollandais vendent sous main la concession à des Chinois, qui ouvrent de véritables tripots de tolérance! Ces jeux, qui ne sont pas sans rapport avec la roulette, les sinjos en sont fous! ils y perdent souvent toute leur fortune; ils s'endettent, ils forcent leurs femmes et leurs filles à se prostituer pour mettre sur la rouge ou la noire. Il est vrai qu'à cet égard les Malais pur sang ne le leur cèdent en rien. Un autre point commun entre les métis et les indi-
Kansas City.
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Théâtre démoniaque au Tibet.
Tibet, plus que jamais, est l'ordre du jour le musée L d'histoire naturelle de Brooklyn vient de recevoir toute à
tibétains d'aspect fantastique mufles de tigres, faces de démons horriblement grimaçantes, parfois couronnées de têtes humaines coupées ou de crânes de morts, etc. Ces. masques ont un emploi qu'il serait facile de deviner, même sans l'aide de nos faibles lumières sur la vie tibétaine ils figurent dans les drames mystiques et démoniaques qui se jouent, le dernier jour de l'année bouddhique, dans les lamaseries du Tibet, et en particulier devant le Dalaï Lama en personne. Ils constituent un des la plus importante des cérémonies reli« numéros gieuses de l'année. Les jours qui précèdent immédiatement cette solennit~ toutes les routes du Tibet qui convergent vers Lhassa sont couvertes de longues caravanes de pèlerins, de prêtres) de fidèles montés sur des yaks, des chameaux, des chevaux. Elles sont parties des points les plus reculés du p,a3,s et même du monde bouddhique Mongolie, Chine, etc. TOJS viennent assister aux u mystères» sacrés, qui se jouent en plein air, dans la cour intérieure et carrée du palais du Dalaï Lama, sur la colline de F'otala. Avant la représentation, et pour recevoir plus dignement les lamas et les prêtres accourus comme spectateurs, on a préparé des milliers de gâteaux qui sont servis, tout chauds et fumants, pendant la représentation. D'après le pandit hindou Sarat Chandra Das, qui, déguisé en pèlerin bouddhiste, a pu assister à cette fête et nous rapporter les détails qui suivent, les ustensiles qui servent à la confection de cette pâtisserie sont ornés d'or et de pierreries. Le grand jour est arrivé. Toutes les fenêtres du palais donnant sur la cour intérieure sont noires de monde. Le Dalaï Lama prend place sur un trône élevé; il est entouré de prêtres et de hauts dignitaires vêtus de longues robes bigarrées. La scène est constituée par un espace laissé libre au milieu de la cour. L'objet de ces mystères, qui ne sont pas sans analogie av~c notre théâtre au Moyen Age, est d'illustrer l'histoire du lamaïsme, dans ses luttes et son triomphe sur les cultes païens. En outre, et toujours comme certains de nos m:rstères du Moyen Age, ce théâtre a un but édifiant il montre aux spectateurs terrifiés, en une série de scènes à la fois fantastiques et réalistes, les démons qui rôdent autour des pauvres âmes et menacent de les dévorer. Ces démons sont figurés par des acteurs qui se sont on l'a deviné revêtant leur visage des affreux « fait une tête masques dont nous avons parlé. A la fin du drame, comme un deus ex macbina, un acteur figurant le Grand Lama intervient et délivre les malheureux humains des diables à tê:e de bêtes féroces qui se jetaient déjà sur eux pour les déchirer. Ces scènes sont entremêlées de chants et de danses oi. figurent trois cents personnages. Un orchestre, composé de cymbales, de flûtes et de tambours, souligne les passages une: collection de masques
de
en
p2
thétiques. Une fois les âmes sauvées des gueules de l'enfer par
la toute-puissance du Grand Lama, tous les acteurs et figurants, y compris les diables, défilent en procession devant le trône de ce dernier et lui rendent hommage par des prosternements et des prières rituelles.
Une Ascension au mont Olympe de Bithynie. On se rend au~burd'hui à Constantinople aussi, et même plus facilement qu'en de certains coins éloignés de France, que ne dessert aucun Oriezzt-Express», et qui ne con rutissent pas le confort des Grands Hôtels Ezzropéens ». Et l'on ne va guère à Constantinople sans faire l'excursion de Brousse. Les notes que nouspttblions sur le mont Olympe de Bitbynie, qui domine la plaine de Brousse, engageront à en faire l'excursion ceux de nos lecteurs qtc'attireront un jour Stanaboul et la mosquée Verte, et rappelleront peut-être à certains une course facile et intéressante.
UNE mer uniformément bleue, sans une vague, un
ciel implacablement bleu, sans un nuage. Au loin, derrière le sillage de notre bateau s'efface la silhouette de Stamboul et disparaît de l'horizon la côte européenne. Devant nous, au sud, la côte d'Asie se dessine déjà, au ras des flots. Notre bateau, qui, depuis son
départ, n'avance qu'avec une extrême lenteur, ralentit encore sa marche; des cheminées ne s'échappe plus qu'un très léger
tantinople, sur la durée possible du voyage. La compagnie Mahsoussé possède, nous a-t-on affirmé, trois vaisseaux pour assurer le service; mais l'un d'eux s'est échoué, il y a quelques mois, dans le port même de Moudania, on voit encore, lorsqu'on s'embarque, émerger des flots l'extrémité des mâts et d'une cheminée, et la flotte s'est trouvéeainsi réduite à deux unités. Or ni l'un ni l'autre des deux bâtiments qui
subsistent n'est excellent il n'est pas rare qu'un incident quelconque vienne inopinément interrompre leur marche, et il est fréquent qu'ils met-
nuage de fumée. Le mouvementdes cylindres diminue, puis s'arrête enNoussommes mien panne lieu de la mer de Marmara, à mi-chemin entre Constantinople et Mouda-
fin.
au
tent quelque six ou sept heures pour accomplir un trajet de moins d'une centaine de kilo-
nia
Lesindigènes qui encombrent le pont n'ont point l'air de s'alarmer de
mètres.
Au bout d'une
demi-heure, nous repartons. On com-
cet arrêt inattendu, mais peut-être pas mence bientôt à distinguer les déinaccoutumé auUNE HALTE DANS LA PLAINE. tails de la côte d'Acun d'eux ne s'inPhotographie,de M~ J. Armagnac. sie par delà des quiète, et ils decollines boisées, se meurent immobiles découpent sur l'horizon les masses imposantes et maet silencieux, comme engourdis par la chaleur pesante jestueuses d'une montagne élevée, dont le sommet de cette matinée d'août. Les touristes, dont les jours neigeux étincelle sous le soleil. Cette cime est celle du et les heures sont comptés, comme vous êtes mont Olympe; et la merveilleuse cité bâtie à ses se pauvres de temps, vous autres Européens » pieds au-dessus d'une plaine boisée et verdoyante, on préoccuperaient davantage de connaître à quelle cause l'a appelée autrefois Prusa ad Olympum ». est due cette soudaine interruption de la traversée, si quelque chose ne les avait gagnés, eux aussi, de cette « Un instinct naturel, écrit Heuzey 1, a toujours indifférence et de ce fatalisme satisfait des Orientaux et s'ils n'avaient été surtout mis en garde, dès Consi. Heuzey. Le mont OJympe et l'Acarncin:é. A TRAVERS LE MONDE.
4()e LIV.
N~
49.
3
Décembre 1904,
porté les peuples primitifs à faire du sommet des grandes.montagriesJe séjeur de ladivinité. En contemplant du fond dés vallées ces régions aériennes qui paraissent
inaccessibles, les hommes se les sont facilement représentées 'comme un monde à part, habité par des êtres supérieurs à eux. Ainsi firent les Pélasges, qui probablement les premiers consacrèrent l'Olympe à leur grand dieu, Jupiter. Les tribus primitives font d'ordinaire habiter la divinité dans leur voisinage. Les Grecs, en ces temps reculés, avaient pour demeure les plaines de la Thessalie d'où ils voyaient à chaque heure du jour se dresser devant eux l'imposante masse de l'Olympe. C'est de là que sortit le paganisme grec. » Il semble que, une fois établis en des colonies loin du sol natal, les Grecs aient cherché à se représenter encore le séjour de leurs dieux sur telles montagnes élevées où pût monter leur prière et qu'ils se soient attachés à conserver à Ces sommets la dénomination de celle qui avait été la première montagne sacrée et qui restait
citati~ns de poètes persans ou turcs sont artistement graves et encadrés dans le revêtement de faïence. Sous le feuillage, une cigogne se promène avec gra-
vité.
M. Bay, auquel nous exprimons notre désir de monter le lendemain à l'Olympe, veut bien envoyer son cawass prévenir l'administration ottomane que
nous aurons recours à la protection des gendarmes. Sans doute la sécurité règne autour de Brousse pourtant, au moment même où nous nous y trouvons, q'Jelques bandes de vagabonds, raconte-t-on, rôdent dans les environs la présence du représentant de la force publique nous assurera de la plus complète tranquilUé durant notre promenade. Et puis, ce sera une occasion, pour ces braves gendarmes, qui ne touchent peut-être pas leur paye très régulièrement, de recevoir un backchich aussi volontiers offert qu'accepté sans façon. Quatre heures du matin. Nuit claire et étoilée. Les chevaux
le sanctuaire tradi-
impatientsfrappent
tionnel de la religion grecque et
le sol. En selle Les sabots de nos bêtes sur les pa-
du culte de Jupiter. « Le nom de l'Olympe se multiplia dans le monde hellénique. On retrouve des sommets de ce nom à Lesbos, près de Smyrne, dans la chaîne de l'Ida, dans celle du Taurus, et jusque dans l'île de Chypre. »
vés inégaux et durs éveillent de bruyants échos dans la ville silencieuse. Sur le pont de Sed-Bachi, un
pont antique et
massif, d'une seule arche, nous passons
torrent du Gueuk-Sou, qui
le
bruit tout au fond
Après 1'0,
du ravin, sous un
fouillis de verdure. Puis nous sortons de la ville, entre thynie jouit d'une AUX FLANCS DU MONI OLYJIPE: LA 1-OP~T INCENDIÉE. des petites maisons très grande célébriblanches, aux nomté nous avons Photograpl2ie de 3T. J. Ar~magnac. breuses fenêtres tenu à juger par masquées. par de légers grillages de bois et, tout de nous-mêmes qu'une telle renommée était pleinement suite, la montée commence, justifiée, et à payer à notre tour le tribut d'admiration Une route nous conduit d'abord jusqu'à une terqui est dû au mont dont les Hellènes avaient fait le sanctuaire de leurs dieux. rasse assez proche, où d'énormes platanes abritent un petit café turc; ensuite, par un simple sentier, qui De Moudania à Brousse, un petit chemin de. fer s'engage entre des taillis de hêtres et des broussailles, à voie étroite nous conduit, entre des champs plantés csominés parfois par un énorme châtaignier noueux, d'arbres fruitiers ou de vignes, et des bouquets d'oliviers ou de noyers le parcours est ravissant, avec de nous nous élevons peu à peu sur le flanc de la monmerveilleuses échappées sur le golfe de Ghemlik. tagne. Dès les premières pentes, nous découvrons à Notre premier soin, en arrivant à Brousse, est de nos pieds, baignées dans de la brume, endormies enrendre visite au sympathique et obligeant vice-consul core dans la nuit et dans l'ombre, la plaine et la ville la plaine où serpentent les eaux du Nilufer, et où les de France, M. Bay. Nous le trouvons dans le jardin du consulat, dont il a organisé la décoration en s'inspi« arbres moutonnent à l'infini comme la frisure d'un la ville, « étagée sur la croupe tapis de laine verte rant des merveilleux modèles qu'il a sans cesse sous des collines », comme éboulée, comme dégringolée en les yeux. Quelques stèles, ornées de gracieuses aracascade sous la verdure. « Les Turcs, dit Pierre Loti, besques, égaient des massifs de verdure. Des sources l'appellent la ville aux cinq cents mosquées; et en efbruissentdans de jolies fontaines. Des oiseaux chantent fet, ce qui surnage au-dessus du flot vert, ce sont sursur les arbres. Un petit kiosque, dont les murs sont revêtus de faïence émaillée, d'un dessin naïf à la fois tout les saintes coupoles, les flèches blanches des puis les grandes larmes noires des cyminarets, et compliqué, est un curieux spécimen de fart décoprès, disant qu'il y a partout des morts, que les ratif oriental; des sentences, des proverbes, quelques lympé de Thessalie, l'Olympe de Bi-
et
Osmanlis d'autrefois sont là, endormis sous les pas de leurs fils pieux. » A mesure que nous montons, le sentier devient plus escarpé et plus raide, mais nos petits chevaux avancent toujours d'un pas égal entre les quartiers de roc, ou sur les éboulis de sable. Souvent nous côtoyons le précipice et découvrons alors la vallée en des vues de plus en plus profondes. Des sonnailles, un bruit de voix c'est une caravane qui descend. Des mulets transportent d'énormes blocs d'une éblouissante blancheur, et dont les facettes étincellent au soleil levant. Seraient-ce des marbres de l'Olympe? Non, mais simplement des blocs de neige, sous lesquels on fera rafraîchir à la ville, pour les déguster lentement, longuement, les petits sorbets aux fruits, les limonades et les sirops à l'essence de rose. Deux heures d'ascension sur des contreforts boisés nous ont amenés au premier plateau. Au calcaire et au grès qui re-
vêtent du côté
de
Brousseles bases du mont Olympe, succèdent le gneiss et le micaschiste. Une nouvelle grimpade sur un sol
rocailleux
et
tourmenté, et nous
voilà sur le second plateau. Là se ren-
contrent des blocs granitiques,et, provenant de leur dés-
agrégation, des sables mous et fins. Une forêt de sapins, au milieu de la-
quelle pointent quelques tom-
raille verticale de calcaire saccharoïde stratifié, traversée par plusieurs dykes granitiques, forme le sommet du mont Olympe; nous y parvenons par un col situé à l'ouest de la cime, et à partir duquel, la pente étant désormais peu raide, nous mettons enfin pied à terre pour gravir, sur des fragmentsde marbre au brillant éclat, la dernière arête. Il est près de dix heures quand nous atteignons le sommet dénudé du mont Olympe. Le voyageur Lucas y signalait, il y a quelque deux siècles, une espèce de tour faite de pierres arrangées seulement les unes sur les autres et sans maçonnerie. quelque grand édifice ou quelque église dont on voit les ruines comme ensevelies sous la terre, plusieurs sépulcres, entre autres un de trente pieds de longueur. Nous n'avons pas trouvé trace des monuments antiques indiqués par Lucas; mais, ce qui valait peut-être mieux, nous avons joui, au sommet, d'un panorama splendide et nous avons oublié l'archéologie.
Lee
mont
Olympe, (ou
Ké-
chich Dagh « mont des Moines », ainsi nommé en raison des religieux qui, dès les premiers siècles du christianisme, avaientchoisi pour lieu de retraite les forêts et les grottes de l'Olympe, et auxquels
succédèren
des
santons musulmans), a une alti-
tudede 1 93° mètres selon Tchihatchef, 2 ~oom selon le comte de Moustier, 2587m suivant cer-
tains autres auAU SOMMET DU MONT OLYMPE. beaux, s'élève sur teurs. La montagne ce second plateau Photog~~aphie de h~. J. Armagnac. est taillée à pic au malheureusement, nord et au midi. Tout autour s'étend un terrain moncette forêt est fréquemment incendiée, et la plupart tagneux que la chaîne de l'Olympe traverse du norddes troncs, qui y subsistent seuls, sont à demi carouest au sud-est, comme une immense ossature. De bonisés. Avec leurs pentes dévastées, avec, surtout, elles occupent, à elles seules, 7 171 kivastes forêts ces bancs de sable d'une remarquable blancheur entre lomètres carrés sur une superficie totale de 9400 kil. les amoncellements de rochers, quelques points de ce dans le sandjak de Brousse tracent dans ce paysage paysage désolé nous rappelleraient certains plateaux de de larges taches sombres, tandis que çà et là de nomla forêt de Fontainebleau, si tous ces troncs d'arbres, breux fleuves miroitent sous le soleil. Voici, à.I'ouest, blancs ou noirs, semblables à des fûts de colonnes le Ryndacos (Mouhalitch Tchaï) dans lequel se jette le entre l'herbe rase, ne nous faisaient bien plutôt songer Nilufer qui arrose la plaine de Brousse, et le lac à quelque ancien cimetière musulman,vaste et peuplé. d'Apollonie (Aboulonia) parsemé d'îles, et où se déUne longue plaine, où la marche est très aisée, s'étend devant nous quelques touffes de genévriers verse l'Adranas (Adranas Tchaï) qui longe à sa base, en mille circuits, le versant abrupt du mont Olympe. Si ou de lauriers rompent seuls la monotonie de médiol'on devine plutôt que l'on ne distinguele lac d'Aphnicres paturâges, que sillonnent une foule de petits ruistis (Manyas), derrière lequel se trouve la presqu'île de seaux aux eaux fraîches et limpides. Quelques aigles, Cyzique, et si la chaîne de l'Ida (Kaz Dagh) nous masd'une espèce commune, planent à une faible hauteur au-dessus de nous. que la Troade, en revanche le regard se perd, au sud, Après une halte de quelques instants à l'extrémité vers les vastes plaines fuyantes de la Mysie et de la Bithynie. A l'est, on suit longtemps le cours du Sande cette longue plaine, nous abordons la dernière crête garios (Sakaria),' aux eaux tumultueuses, que sa londe la montagne. Devant nous, de larges plaques de neige recouvrent le versant nord-ouest. Une haute mugueur rend le second fleuve de l'Asie Mineure. On
aperçoit au nord-est le petit lac d'Yéni Chehr, et dans le fond d'une vallée, le lac Ascanios(d'Isnik), au bord duquel est bâtie Isnik, l'antique Nicée, la Nicée des conciles et de Théodore Laskaris, bien déchue aujourd'hui de son ancienne splendeur. Au nord, les deux golfes de Ghemlik et d'Ismid et, se confondant avec l'horizon, la mer de Marmara. Nous déjeunons sur le sommet, mal abrités par un petit mur en pierres sèches contre le vent qui souffle avec violence, plus mal protégés encore contre le soleil qui darde sur nous ses rayons ardents. Les gendarmes, cependant, sommeillent, insouciants, sur une couche peu confortable. Nous redescendons par un col situé à l'est, sur le plateau nos chevaux, dans des sentiers faits tout au plus pour des chèvres,font preuve d'une adresse et d'une sûreté de pied incroyables. Halte de quelques minutes dans la cabane d'un berger qui garde des troupeaux sur le plateau. Une hutte misérable, quelques peaux de mouton jetées sur la terre battue, autour du foyer, quelques paniers et quelques hardes. Quelle chétive et primitive existence! Mais l'homme nous ayant fait asseoir sous son toit, sans mot dire, sort, d'un même sac, du café et un bloc de sucre, réduit l'un en poudre, casse de petits morceaux de l'autre et nous offre le plus savoureux breuvage qu'ait jamais réservé à des voyageurs le simple accueil de l'hospitalitémusulmane. La descente s'achève, ensuite, sans incident. Des régions dénudées du troisième plateau, nous revenons aux forêts de sapins, puis aux châtaigniers des premières pentes les châtaignes des forêts voisines de Brousse sont aussi connues que les « marrons de Lyon » en France. Voici les coteaux qui produisent les vins blancs et rouges, dits vins du mont Olympe, Voici Brousse. \( Le crépuscule est commencé sous les platanes et sous la voûte touffue des treilles, dans les petites rues où la population est maintenant assise, après les paisibles travaux du jour, pour fumer les narguilhés endormeurs gens du peuple, en veste courte, rouge ou bleue, les reins ceints de cachemire, la tête noble coiffée du tarbouch à gland noir qu'un mince turban de soie entoure,; gens lettrés, gens riches en robe longue, avec volumineux turban en mousseline blanche ou verte; tous causant ensemble et attendant le signal de la prière du Moghreb qu'ils feront en commun. » Au milieu du silence de la nuit qui vient, s'éteint doucement le murmure d'une vie paisible; sur la plaine bleue, sur la ville blanche, du haut de l'antique Olympe, tombe lentement l'ombre du soir. J. ARMAGNAC.
Un Service de Navigation
dans les
Territoires pris à bail du Haut-Nil.
La navigation régulière du Haut-Nil est désormais assurée; le 15 de chaque mois, à dix heures du
matin, un steamer du Gouvernement soudanais quittera Khartum pour remonter le Nil jusqu'au poste congolais de Lado. Après un arrêt d'une heure, il repartira pour la station anglaise de Gondokoro, distante d'un peu plus de 16 kilomètres. Le retour est de même organisé.
~lr~servations g~ologiques sur le Simplon.
LE percement du Simplon n'est pas seulement une œuvre industrielle et financière considérable, elle intéresse aussi un public attentif aux observations scientifiques dont elle est l'occasion. Ce public lira avec profit un travail que résume la Revue Suisse et que vient de publier M. H. Schardt, géologue de l'entreprise du Simplon, dans les Eclogc~ geologicee Helvetza>. Les faits ont pleinement confirmé les prévisions de M.. Schardt, au point de vue géologique. Il avait donné le plan des couches géologiques qui, d'après lui, devaient être rencontréesau fur et à mesure du travail. Gn les a toutes trouvées, aux points indiqués, et la chose est d'autant plus intéressante qu'elle confirme pleinement l'hypothèsedes nappes de recouvrementque M. Schardt avait adopfées à la suite des beaux travaux de M. Marcel Bertrand, et lui donne un appui de plus. Au point de vue hydrologique, des observations très intéressantes ont été faites. On a rencontré bon nombre de sources, comme on s'y attendait, froides et chaudes. L'une d'elles donne i ioo litres à la seconde; plusieurs contiennent beaucoup de sulfate de chaux. Par ¡;es sources il se fait une destruction considérable de la montagne; elles enlèvent au bas mot, chaque année, 30 000 tonnes de sulfate de chaux, 10000 mètres cubes en volume. De la sorte se creusent de vastes cavités pouvant occasionnerdes effondrements importants. Ces cavités servent de réservoir aux eaux de neige et de pluie la forte pression due à la quantité d'eau accumulée augmente le débit des sources, qui est plus fort de mai à juillet. A cette époque, l'eau contient moins de gypse; mais celle qui coule ensuite, plus lentement, étant restée plus longtempsau contact ¿,e la roche, renferme plus de gypse; moins aboné.ante, l'eau est plus dure. Au point de vue de la température profonde, le percement du Simplon a permis de faire des constataticns intéressantes. Dans la région nord, où les couches s'enfoncent vers la terre et où les terrains sont secs, la chaleur se conserve à l'intérieur, et la température du sommet de la montagne est plus élevée qu'elle ne devrait l'être par rapport à celle du tunnel et en tenant compte de la diminution d'un degré par zoo mètres d'altitude. C'est dans la galerie nord qu'on 2. rencontré la température la plus élevée, qui est de 54 cegrés; du côté sud, on trouve du froid, au contraire la température du rocher tombe brusquemment entre le deuxième et le troisième kilomètre. Cela tient à son humidité. Ce qu'apprendra encore le percement du Simplon, c'est l'immensité et le nombre des difficultés qui peuvent surgir pendant un tel travail. A chaque instant on annonce comme prochaine la rencontre de deux équipes à travers la montagne à chaque instant la nature semble se faire un plaisir de donner à son dé-
tracteur un démenti.
Au Mexique. Les Indiens tehuanos et leur ville de Tehuantepec, rivale de Panama. qui deviendra peut-être une grande cité TEHUANTEPEC,
commerçante, est, au Mexique, la ville des cocotiers. Amas de maisons, fouillis de masures, assemblage irrégulier de huttes qui, du haut de la colline, dégringolent sur les bords du rio Tehuantepec au milieu des frondaisons, est-ce une ville, est-ce un village?C'est une ville par l'importance de sa population de 14000 à 16000 habitants c'est un village aussi parce qu'on n'y rencontre rien de ce qui constitue une ville pas de rues, pas de commerce, pas
toutes autres occasions, elles leportent replié sur le front et couvrant seulement la partie postérieure de la tête. Il est toujours blanc et forme un vif contraste avec leur peau fortement bronzée, la vraie couleur d'un beau chocolat luisant, recouvrant des chairs fermes et douces. La langue de ces Indiens est le zapotèque, sonore et harmonieux, conservé à peu près intact à travers les siècles. L'espagnol leur est, d'ailleurs, également familier. L'Indien tehuano est ouvrier des champs, beaucoup plus travailleur que son congénère de la côte de Vera Cruz et incomparablementsupérieur à l'Indien des grands centres. Sa journée commence à cinq heures du matin vers onze heures, il déjeune, fait la sieste; à trois heures de l'après-midi, il reprend sa besogne et l'achève à cinq heures. Aucun Européen ne résisterait à ce régime. En outre, les salaires sont peu élevés et ne suffiraient même pas au Napolitain qui, en d'autres pays du Sud-Amérique, constitue le principal
élément ou-
vrier agricole.
C'est assez dire que ces régions chaudes ne valent rien pour
d'industrie,
des hôtels qui n'en ont que le nom
Mais c'est
l'émigrant européen qui n'a pour toute res-
mieux qu'un village ou qu'une ville, c'est un archevêché Toute cette région de
source que le travail de ses mains. Les jour-
l'État de Oajaca est habitée par
une ancienne race d'Indiens très mélangés aujourd'hui et connus sous le nom de Tehuanos. Le Tehuano ressemble à tous les Indiens
du Mexique,
naux mexicains
mènent grand bruit autour de la capitale qui
abrite cette
brave popula-
tion. En Amérique chaque
contrée veut AftCHEVEQUE DE TEHUANTEPEC AU hIILIEU DE SES OUAILLES.
D'après uue photographie.
physiquement.Au moral, il vaut infiniment mieux que l'Indien des hauts plateaux et surtout des villes; il est travailleur et honnête. Au point de vue intellectuel, il n'a rien de particulier, il est d'une bonne médiocrité. Il en est différemment de la femme. La Tehuana a conservé plus pur le type de sa race; il serait difficile d'expliquer pourquoi, néanmoins, la remarque s'impose c'est un fait. Son vêtement est toujours le même une sorte de pagne qui sert de jupe et un corsage sans manches qui couvre le haut du corps. Il est le plus généralement rouge. Le luxe consiste à porter autour du cou des colliers de pièces d'or. Il se fait un vrai commerce de ces pièces, et les livres sterling de la reine Victoria font prime. Celles qui ne peuvent s'offrir des livres authentiques se gardent bien. d'en porter de fausses. Et avec, au cou, ces colliers qui représentent parfois plusieurs milliers de francs, elles vont
pieds nus, toujours. Le guepil de dentelle qui leur entoure la figure, retombant sur les épaules, ne leur sert que pour se rendre à l'église et assister aux offices. En
avoirsonTrans-
continental
quand la bande de terre qui sépare les deux océans est étroite, les prétentions locales visent un canal. Le Mexique a actuellement pris part aux compétitions et présente en première ligne l'isthme sur lequel se place Tehuantepec. Tehuantepec espère participer au trafic que nécessite la traversée du continent américain; le Gouvernement mexicain lui promet une belle part du gâteau. Tehuantepec mérite peut-être mieux que des promesses et des espérances. Sans partager l'enthousiasme de ses partisans, il est curieux de connaître les arguments présentés par ceux qui opposent son isthme et son chemin de fer à Panama et à son canal (( L'isthme de Tehuantepec, dit le Nouveau Monde, qui s'est fait le champion de la cause, présente de grands avantages sur celui de Panama, par la simple raison qu'il se trouve plus rapproché que celui-ci de l'axe commercial du monde Hong-kong, Yokohama, San Francisco, New York et Liverpool. On s'en rend parfaitement compte en examinant une mappemonde. Et l'on peut dire que pour tout voyage d'Eu-
rope ou de la côte nord-américaine de l'Atlantique à un point quelconque de l'Orient ou à San Francisco, la route de Tehuantepec présente une économie de 125° milles marins sur celle de Panama. Or si l'on
admet que les vapeurs de charge ordinaire parcourent environ 250 milles en vingt-quatre heures, c'est
une économie de cinq jours. Pour passer le canal de Panama il faudra un jour, et pour le transbordementde navire à navire et le transport par le chemin de fer de Tehuantepec, deux jours seront nécessaires. Il restera donc une différence de quatre jours à l'avantage de cette dernière voie. Il n'est pas exagéré de dire que les navires a àvoiles ne se serviront jamais du canal de Panama; ils ne pourront ni arriver jusqu'à lui ni s'en éloigner. Ces sortes d'embarcationsévitent toujours, en effet, les calmes qui règnent de chaque côté de l'isthme de Panama. Si, à la suite d'un cataclysme, la nature ouvrait un canal naturel, à la hauteur de l'isthme de Panama, par exemple, aussi profond que le Pas-de-Calais, jamais les voiliers n'en profiteraient, à l'exception naturellement de ceux qu'un vent favorable y pousserait. C'est une erreur de croire que les voiliers sont appelés à disparaître; bien que leur nombre ait diminué, ils constituent encore un important facteur dans le commerce universel, plus important même dans le commerce de cabotage de ce conti-
Mardi gras, appelé dans le pays dimanche des Brandons. Plusieurs semaines à l'avance, chaque village se met à l'œuvre pour préparer les figots (bûchers) et rassembler les bruyères, les genévriers, la paille qui serviront à les dresser. Une fois les combustibles amassés, on va couper dans les bois un arbre de n'importe quelle essence, pourvu qu'il soit droit et long, et on l'amène sur l'emplacement du feu. Cette place est presque toujours la même. S'il existe, comme c'est le cas à Courtine, un mégdithe dans les environs immédiats du village, c'est là que se fait le figot. Arrangé autour de l'arbre, le bûcher prend la form~ cylindro-coniquedes meules de blé ou de fourrage. Quelques-uns:sont très élevés; pour certaines occasions ils ont jusqu'à i mètres de haut. La coutume de mettre des chats vivants dans le figot est maintenant perdue. Mais les vieillards se souviennent encore qu'on plaçait un chat dans une botte de paille attachée au sommet du mât. Cette coutume a disparu en raison de sa barbarie et surtout à la suite des interdictionsformulées par les municipalités pour éviter les risques d'incendie. En effet,
souvent les malheureux chats, encore tout enflammés, s'échappèrent du brasier et allèrent se réfugier dans les maisons et les
granges où ils mettaient le feu. Dans les derniers temps, on les attachait avec des fils de fer. Mais cela n'a plus lieu, sinon peutêtre dans quelques villages à demi sauvages de la haute montagne. Lorsque la nuit est arrivée, un cortège se forme, musette ou vielle en tête, et l'on va chercher les
nent. L'économie de temps de quatre jours, résultant de l'emploi de la voie de Tehuantepec par préférence à celle de Panama, représentera pour 5 00o tonnes une économie d'argent de ioooo livres sterling, moins, bien entendu, les frais de chargement et d~ déchargement et ceux de transport à Coatzacoalcos et Salina ((
jeunes couples mariés depuis les
FEMME TEHUANA PORTANT LE
GUEPIL Il.
derniers Brandons. On leur présente un long bâton de noisetier, tout enrubanné, et au bout duquel brûle une mèche; arrivés
près du figot, les jeunes époux Cruz. » D'après mte photographie. allument le feu le plus haut posLa lutte est ouverte, comme sible. Autrefois le nouveau marié mettait le feu à la on le voit. L'avenir se chargera de résoudre un pro. paille d'un coup de pistolet. blème dont nous ne pouvons guère qu'indiquer les élé Puis le musicien fait le tour du figot en jouant, ments. J.-CH. ROUMAGÈRE. et alors commencentles danses, aujourd'hui de toutes sortea, mais anciennement on ne connaissait que la
Survivance du Culte du feu dans le Haut- Bourbonnais. La Fête des Brandons. Lss habitants du Haut-Bourbonnais ont conservé, de
temps immémorial, une pratique curieuse, celle d'allumer des feux de joie, le dimanche qui suit le
bourrée. Chaque danseur tient dans la main une torche de paille, formée d'une forte poignée de chaume serré de distance en distance par de solides bracelets de pailla. C'est ce qu'on appelle une brande, d'où le nom de Brandons. Ces torches bien faites durent presque une heure. Leur inconvénient consiste dans les étincelles dangereuses pour les yeux et les vêtements auss'.l'habitude de danser en tenant des brandes, s'estelle oerdue. Il n'y a pas pour ce bal de chants particuliers, mais lorsqu'on n'a pas de musiciens, les paysans
assemblés chantonnent des airs pour accompagner .les danseurs. A l'avance, les femmes ont .préparé des beignets faits de farine, de beurre et d'oeufs formant une pâte frite à l'huile. Les hommes apportent du vin; parfois on dresse une table, et, dans l'intervalle des danses, on boit et on mange pour recommencer ensuite à danser, car un figot bien fait doit durer plusieurs heures.
Quand la cérémonie a lieu dans un bourg où
personne n'apporte rien, le soin de désaltérer les danseurs incombe aux jeunes mariés.
Lorsque tout est consumé et qu'il ne reste que quelques tisons et de la braise ardente, quelques personnes franchissent d'un bond lé foyer pour obtenir la réalisation de certains voeux à Isserpent, par exemple, dans l'Allier, les femmes sautent pour obtenir des mâles dans leurs couvées d'oies; les jeunes gens, et parfois les jeunes filles, sautent pour le plaisir de montre leur agilité. Le lendemain, quand les cendres sont refroidies, on fait traverser l'emplacement du figot par le bétail du voisinage pour le purifier et le préserver des maladies.
sique, ne pouvaient arriver à comprendre ce phéno-
mène, et absorbaient carrément ces légumes demicrus, d'où nombre d'accidents d'entrailles. On a fait remarquer, non sans raison, que l'étatmajor de l'expédition aurait pu prévoir ces inconvénients et y remédier dans une certaine mesure. Pour la cuisson, il suffisait d'avoir des marmites à fermeture hermétique, munies de soupapes, permettant d'y élever la pression à une atmosphère. Il n'aurait pas fallu pour cela des récipients bien solides. On fait encore remarquer que, par les basses températures, on doit graisser les batteries des armes avec de la glycérine, toutes les huiles, en se congelant, les rendant impropres au service.
D.
Penant.
Répertoire de droit colonial et maritime. 1 fort vol. de 600 pages. Prix: 20 francs. 1 14, rue"de Provence, Paris.
La fête des Brandons, en tant que survivance de l'antique culte du feu, et qu'on peut rapprocher des feux de la Saint-Jean, mérite d'être signalée. G. GAGNIER.
Écho de l'Expédition anglaise au Ti bet. L'EXPÉDITION anglaise au Tibet, à défaut d'autres résultats utiles à l'humanité, nous vaut tout au moins, sur les conditions de la vie aux hautes altitudes, de curieuses observations qu'à enregistrées le Bulletin de la Société de Géograpbie de l'Est. Cette expédition a obligé de très nombreux individus, non habitués à un tel milieu, à vivre d'une façon continue a des altitudes variant de o0o à 5800 mètres. La plus basse température observée a été de 32°C, à Chuggia, un simple campement; on a 26 degrés mais la moyenne de la nuit, eu souvent pour janvier et février, a été de 23 degrés pour 4600 mètres d'altitude, s'élevant à 12 degrés par 3 050 mètres. Le mal de montagne, comme on pouvait s'y attendre, s'est largement révélé et a été étudié par les médecins de la mission. Les indigestions ont été fréquentes, à cause de la cuisson imparfaite'des aliments. A 4600 mètres, l'eau bout à 17 degrés environ plus bas qu'au niveau de la mer, et on n'arrive plus à obtenir, pour quantité d'aliments, la cuisson dans des vases ouverts. Le riz, les lentilles se refusent à cuire à cette hauteur. Dans les approvisionnementsde la mission, on n'a trouvé qu'une seule espèce de lentilles, celles de Musaour, que l'on puisse amener à un degré de cuisson convenable. Les Indiens de l'expédition, peu experts en phy-
CET ouvrage constitue un véritable Répertoire méthodique
et complet, non seulement de Jurisprudence, mais de Droit colonial. Tous ceux qui ont eu occasion d'entrer en contact avec les questions coloniales ont immédiatement senti le besoin d'avoir un fil conducteur, qui leur permît de se diriger dans les dédales d'une législation particulièrement touffue et si souvent confuse ce fil conducteur, ils le trouveront désormais synthétisé dans les tables que l'auteur vient de dresser. En effet, non seulement ils rencontreront dans cet ouvrage l'indication précise et complète de tous les textes, décrets, arrêtés. qui ont été promulgués, et éviteront ainsi des recherches fort longues, mais, de plus, ils y trouveront le corps de doctrine que l'effort patient des diverses juridictions dégage peu à peu, par chacune de leurs décisions, du chaos des textes. Toutes les décisions intéressantes intervenues de 1891 à 1901 inclus, sur toutes les matières coloniales, ont été, chaque année, recueillies de plus en plus grand nombre et toutes sont résumées dans la Table décennale. C'est sous les auspices de MM. Ballot-Beaupré, premier président de la Cour de cassation, Eugène Etienne, vice-président de la Chambre des Députés, l'initiateur du mouvement colonial en France, et Dubreuil, conseiller à la Cour de Paris, ancien procureur général de Madagascar, dont l'expérience pratique en la matière est bien connue, que le ~épcrtone de droit colonial et maritime de M. Penant est présenté au monde colonial. Fonctionnaires coloniaux de tous ordres et spécialement gouverneurs, administrateurs et magistrats, avocats, défenseurs, aussi bien que simples curieux, sociologistes, grands commerçants, armateurs, compagnies coloniales, etc., tous ceux qui surveillent le mouvement colonial, étudient nos procédés de gouvernement et d'administration dans nos possessions d'outre-mer, en même temps que les affaires qui s'y traitent, doivent porter leur attention sur ce Répertoire.
J. Boillot-Robert.
Léopold
ll et
le Congo. Nos fils au
Continent noir. (Neufchâtel, Anvers et Paris, 1904). Le livre de M. Boillot-Robert mérite de fixer l'attention au moment où le Congo est attaqué par certains journaux anglais. Comme son titre l'indique déjà, il comprend deux parties. La première dans laquelle l'auteur expose l'œuvre de Léopold Il au Congo et où il réfute les arguments présentés contre le jeune Etat. La seconde partie « Nos fils au Continent noir expose le travail accompli au Congo par les Suisses qui se sont enrôlés pour l'Etat, il cite à l'appui de ses dires des paragraphes précédents des extraits du journal de route de plusieurs Suisses. Edité avec soin, nous dirons même avec luxe, cet ouvrage copieusement illustré aura un succès certain.
Une armée silencieuse.
Sous ;ce titre, la Wiener Zeitung vient de consacrer un article, dû à un correspondant anglais, aux coutumes des troupes japonaises.
Jamais on n'y entend une sonnerie ou une batterie, jamais les troupes ne chantent pendant la marche ou au bivouac. On n'y connaît l'usage ni du.vin, ni de l'eau-devie. Le seul luxe du soldat japonais, c'est le thé et la cigarette ses seuls plaisirs, la lecture des journaux et la pêche à la ligne. Pendant les repos, on voit tout le monde assis par terre les jambes croisées, lisant un journal ou fumant une cigarette, ou s'il y a une rivière à proximité, officiers et soldats taquinent le poisson. Le correspondant de la Wiener Zeitung (très japonophile et très russophobe) loue le calme, la politesse et l'honnêteté des soldats japonais. \1 est frappé de la distance à laquelle les grands chefs restent loin de la première ligne pendant le combat, recevant seulement des renseignementspar le téléphone. \1 cite, comme exemple le général Kuroki, pendant la bataille de Liao-Yang, installé tranquillement dans la cour d'un temple bouddhiste avec son état-major, communiquant exclusivement par le téléphone avec ses divisionnaires et dirigeant l'action uniquement d'après la carte. A ce propos, il remarque la rapidité avec laquelle les Japonais installent leurs lignes téléphoniques. Avec le moindre détachement marche une compagnie de pionniers, disposant de mulets de bât porteurs de perches en bambou et de voitures-dérouleuses, traînées par des coolies, pour les rouleaux de fil de cuivre la troupe est à peine en position que le téléphone fonc-
th,eeou des;.oaliments, et'de leur_distribuer ¡soit ¡les effets qui
leur manquaient (casquettes, bas, mouchoirs), soit de petits cadeaux (thé, savon, fil, aiguilles, etc.). A l'arrivée à la station de Baïkal, on trouva un train sanitaire militaire prêt à recevoir les malades et les blessés; on a'.fait eu soin, pendant la traversée, de leur distribuer des billets de couleur différente, indiquant dans quel wagon ils d¡;vaient trouver place; les blessés débarquaient par
r es
grou
de 20 à 25, les uns portés sur des brancards, les
autre:, marchant seuls, accompagnés par les soeurs de charité. L'embarquement se fit avec une grande rapidité et avec un ordre parfait en présence du sénateur von Kaufmann, directeur général de la Croix-Rouge. Le train arriva à Irkoutsk. 11 était trop tard pour répartir, séance tenante, les blessés et malades dans les différents hôpitaux. On leur laissa donc passer la nuit dans le train sanitaire, qui fut rangé sur une voie de garage, à côté de l'aôpital de la Croix-Rouge, installé dans les baraques habituellement destinées aux convois d'émigrants.
Le développement de la marine de
guerre allemande.
nous apprennent que le projet de budget de la marine allemande pour l'année prochaine prévoit un effectif de 3300o hommes en chiffresronds. Sur ce nombre, 20000 sont destinés aux parties essentielles de la flotte, c'est-à-dire aux divisions de matelots et aux divisions d'ouvriers des arsenaux.
Le
budget prévoit 1
Le correspondant de la Wiener Zeitung met en oppo-
Un transport de blessés à travers~le lac
Baïkal.
Nous donnons ci-dessous, d'après les Novoié Vrémia, le récit du transport d'un convoi de blessés à travers le lac Baïkal. Le train sanitaire était arrivé avec ses blessés à Myssovaïa. Il devait les embarquer sur le vapeur Théodosia, appartenant à la Croix-Rouge. L'embarquement se fit avec une rapidité remarquable. En moins de 50 minutes, tout le convoi (z4o hommes) était embarqué et installé à bord; les hommes gravement blessés ou malades dans l'intérieur du bateau, les blessés assis sur le pont. En même temps, tous avaient reçu du linge blanc. Moins d'une heure après la fin de l'embarquement, tous avaient pris un repas chaud; le repas des officiers comportait trois plats, celui des hommes de troupe deux plats; tous avaient à leur disposition du thé et des cigarettes (le repas était donné aux frais de la CroixRouge, le thé, aux frais personnels du prince Hilkow, ministre des Voies de communication). Les blessés et malades étaient de bonne humeur et très loquaces. La plupart avaient été blessés au combat de Vafangohou. Il était intéressant d'écouter les appréciations et les récits naïfs des soldats ils n'ont aucun mépris pour les Japonais, qu'ils regardent comme un ennemi rusé, méchant et dangereux; mais ils ne peuvent se figurer que ce soient des hommes de la même nature que les Russes. Pendant toute la traversée, les soeurs de charité, faciles à reconnaître à leurs manières pour des femmes du monde, s'occupèrent sans cesse de donner aux blessés du
700 officiers de vaisseau;,
marine; mariniers; officiers 1 652
tionne déjà.
sition à ce silence des troupes japonaises les moeurs de l'armée russe. Dans celle-ci, les clairons et tambours sonnent ou battent le matin et le soir le réveil et la retraite, les musiques jouent pendant le combat, les soldats chantent sans cesse. Les officiers sont toujours en avant pendant le combat, excitant leurs hommes par leur exemple, s'exposant aux coups, offrant toujours un brillant spectacle. Les bivouacs russes sont toujours très animés; les hommes se pressent autour des boutiques des mercantis pour acheter de l'eau-de-vie et de la bière, chantent et dansent à tout propos. Il y a une différence tranchée, conclut-il, entre les deux adversaires. Ce sont~deux mondes, en face [l'un de 1 autre
Les Neue Militcerische Blcetter
197 médecins de
7 866 sous-officiers;
les
26900 hommes. Depui~ rcinq ans, les augmentationsannuelles ont été
suivantes En En En En En
1900, 1 553 hommes; 1901, 2 837 hommes; 1902, 2 370 hommes; 1903, 2277 hommes; 1904, z 3q hommes.
L'augmentation moyenne d'année en année est donc de 230o hommes. 11 en sera encore de même, l'an prochain, et l'effectif de la marine allemande dépassera 40000 hommes; il aura plus que doublé depuis dix ans. D'ailleurs l'activité du Gouvernement allemand, en vue du développementdes bâtiments de la flotte, ne se ralentit pas.
On s'occupe actuellement des préparatifs de constitu-
tion d'une deuxième double escadre dans les eaux alle-
mancies, qui prendra le nom de flotte de combat de réserve (Reserve-Schdacbtflotte), conformément au programme naval de 19°0, en plus de la flotte de combat active qui va se
t~ower complètementconstituée. La moitié des bâtiments de cette flotte de réserve, 8 cuirassés et 8 croiseurs (2 grands et 6 petits), doit, dès que le matériel flottant nécessaire sera disponible, être maintenue en service d'une manière permanente. En octobre
sera constituée la première formation de réserve, qui aura Dant.aig comme station. Les garde-côtes cuirassés
Fritbjof et Odin, qui
VO!1t
être remplacés dans la flotte active par des cuirassés neufs, se rendront à Dantzig et deviendront le noyau de la no~velle division de réserve de la Baltique. Chacun d'eux aura à bord les noyaux des équipages nécessaires pour deux cuirassés. La division de réserve sera ainsi à même de fournir des équipages à quatre cuirassés de la flotte de réserve. Dans le courant de l'année prochaine, on commencera constitution d'une division de réserve de la mer du Nord. la Il y a dans cette augmentation continue de !a marine, de guerre un facteur militaire et politique de premier ordre c,uel0us ne saurions prendre en trop sérieuse considération d'ici une vingtaine d'années, l'Allemagne sera une puissance maritime de premier ordre. Ce sera le bouleversement è,e l'équilibre maritime au détriment de la France.
Le Port de Rosario de Santa Fé (République Argentine). Voici qu'en Amérique du Sud les villes se mettent à croitre avec une rapidité que ne désavouerait ~as le Nord du continent. Rosario de Santa Fé, naguère encore simple bourgade, est aujourd'hui une ville de 127 000 âmes. Sa situation exceptionnelle sur le vaste estuaire du Parana en fait un port maritime presque au milieu des terres. Les ingénieurs français sont de Buenos Aires. en train d'y aménager des travaux considérables et d'en faire le rival
LE port de Rosario est situé
à environ 300 kilomètres
en amont de Buenos Aires, sur la rive droite du Parana. C'est le second port de la République Argen-
tine par l'importance des transactions qui s'y opèrent. Les navires de mer peuvent arriver en tout temps dans ce port intérieur. La ville de Rosario a 132 °9° 766 mètres carrés,
cinq lignes de chemins de fer y convergent. Ces diverses compagnies apportent presque tous les produits des provinces de Santa Fé et de Cordoba, les deux plus riches de la République. De plus, tout le cabotage du Para-0 guay et du HautParana vient abou-
tir à
acclimatement pénible c'est une hospitalière région. Le mouvementdu port de Rosario a été en 19°3 Tonnes de marchandises. 2069465 tonnes. Tonnes de jauge des navires. 3772824 1824 Tonnage moyen des navires.
Importation
Exportation.
D'après le recen-
sement de 1903, la population est de 127040 habitants. Rosario s'est développée
la province de Santa Fé, la plus riche
avec une rapidité
surprenante. C'est en 1527
d'humus épaisse de 3° à 40 centimètres. Le climat de
Rosario est tempéré et tout à fait agréable.
^a
La température ne monte pas au-dessus de de 4 degrés 34 degrés et ne descend jamais au-dessous
centigrades. En été la température moyenne est de 26 degrés, et en hiver elle est de 15 degrés environ. La fièvre jaune n'existe pas, le paludisme non plus, le pays est sain et l'Européen y vit très facilement sans A TRAVERS LE MONDE.
1636 759
C'est en juillet 1840 que le premier navire à vapeur européen mouilla dans le port de Rosario, ce fut le Flambeau de l'escadre française; mais ce n'est qu'en 1852 que l'agglomération de Rosario fut érigée en municipalité.
Rosario. Dans
du Sud-Amérique, on fait de l'élevage, du blé, du lin, du maïs, toutes les variétés de fruits et de légumes connus de plus elle a d'immensesforêts. Son sol est recouvert d'une couche
432706
50e
LIV.
que Sébastien Caboto, intrépide voyageur, découvrit le rio Parana et occupa, à quelques kilomètres plus haut,l'endroit où se trouve aujourd'hui la florissante et populeuse ville de Rosario de Santa Fé, au confluent du rio Caracana et du rio Parana (Port Santi Spiritu). Le Dr Carrasco dit, dans ses Annales de Rosario de Santa Fé que, jusqu'en 1689, les territoires sur lesquels se trouve aujourd'hui la ville de Rosario n'avaient d'autres maîtres que les Indiens « autoctonos des tribus ({ calchaques », et le roi d'Espagne en N° 50.
10 Décembre 1904.
vertu d'une conquête qui lui fut longtempsincontestée. Peu de temps après, en 1725, Francisco Godoy essaya de délivrer les Indiens « calchaques » des persécutions dont ils souffraient en s'établissant avec eux sur les terrains formant actuellement la ville de Rosa-
rio.
En 1815, fut fait le premier recensement qui donna les résultats suivants 15 groupes de maisons (manzanas)
habitants (327 hommes et 436 femmes). Par une loi émanant de la Province, le 3 août 763
1852, Rosario fut élevée à la catégorie de ville. Par décret en date du 3 octobre 1862, l'ouverture du port de Rosario fut proclamée par le général Justo José de Urquiza. Les premières élections municipales eurent lieu à Rosario en janvier 1860. Le 20,avril
eut lieu l'inau-
guration des
travaux du Chemin de fer cen-
tral Argentin, par le président
de la République, le général C. B. Mitre, et le 21
juillet 1864,
le navireenglisb-
man mouilla dans le port de Rosario, appor-
Cette année, il est entré dans ce port trois navir~s français; ils venaient apporter du matériel il la conpagnie du port dont la construction a été confiée à des entrepreneurs français, MM. Hersent, Schneider
et Cie. Le plan des
travaux et installations maritimes
du pcrt de Rosario comporte une dépense de plus de 6o millions de francs; d'ici deux ans, les navires accosteron_ à quai, ce qui sera une source de grande économie de frais. Les travaux des nouvelles installations furent inaugurés par le président de la République, le général Roca, le 26 octobre 1902. L'exploitation du port dispose de magasins, abris, entrepôts, ainsi que de grandes surfaces pour dépôts de charbon, bois, fers et matériaux divers. Les quais ont un développement de 3 870 mètres; 37 000 mètres de voies ferrées relientt les quais avec
les diverses
com-
pagnies de che-
min de fer. On s'occupe en ce moment de la
construction d'un élévateur pour les grains; les silos de cet
établissement pourront contechargement des nir .3° 000 mèmatériaux pour tres cubes de LES QUAIS DE BOIS DU PORT DE ROSARIO. les commencer grains. Photographie communiquée par le dccteur Adrien Loir. travaux. Une très Les chifgrande activité fres des derniers recensements de la population de la règne sur les chantiers, les travaux sont poussés avec ville de Rosario sont les suivants rapidité. Deux ponts bascules sont en construction. On Années 1815' 763 habitants. travaille aux 51 240 mètres carrés de chaussées 1858 9785 pavées, aux 52 ooo mètres carrés de chaussées maca23869 1887 dami~ées. Six hangars de 8o mètres de longueur sur 50914 91669 23 m~tres de largeur, avec marquise et plate-forme, 112461 sont en construction. Plusieurs dragues et remor127040 queurs sillonnent la rivière et donnent une grande vie Comme dans toute la République Argentine, le à toute cette côte. En voyant tous les bateaux qui sont Français se sent presque chez lui à Rosario. On parle le long des quais, ou ceux qui à l'ancre, au large, en notre langue partout; il est certainement nécessaire de face de Rosario, sont au milieu du fleuve et attendent savoir l'espagnol qui est la langue du pays, mais enfin le moment où ils pourront venir se ranger sous les le français est compris, en général, surtout dans le qu,ais actuels qui dominent la rivière, on a l'impression monde intellectuel et des affaires. d'un port en pleine activité et qui pour se dévelopIl y a quinze ans, les navires des Chargeurs per e:lcore n'attend plus que l'achèvement des nouréunis venaient de temps en temps à Rosario; depuis velles installations; la construction est poussée fiévreucette époque, on n'avait pas vu un seul bateau porsement par nos ingénieurs français, à la tête desquels Cependant, dans le grand et le tant notre pavillon. se trouvent M. Pangnard et M. l'administrateur Flompetit commerce, nous avons de nombreux compadroit. triotes ils se réunissent même dans un Club français Il faut espérer que l'effort français, fait à Rosario, bien aménagé, où j'ai eu l'honneur de faire une conféen ce moment, entraînera nos voyageurs, ceux du rence, sous la présidence de M. Calvet,~ sénateur des commerce comme les touristes, à suivre le mouvement Deux-Sèvres, en mission dans l'Amérique du Sud. Le de nos capitaux, et que nos navires qui vont à Rosario nombre des Français à Rosario est de 2 300. n'y porteront pas uniquement les matériaux du port.
tant le premier
1869" 1895. t9oo.
t9o3.
La France perd peu à peu sa place dans l'Amérique du Sud, non pas parce nous y allons moins; non, le mouvement qui nous porte vers ces, pays est toujours le même; mais, parce queles Anglais, les Belges, les Américains du Nord, surtout les Allemands, font un effort énorme pour y implanter leurs produits. Une des conséquences qu'il m'a été donné d'observer en visitant l'Institut Pasteur antirabique de Rosario, c'est qu'on y voit les portraits de Pasteur, de Duclaux, de Roux; le directeur, un Argentin, parle le français, ne dit pas un mot d'allemand, et cependant tous les instruments de laboratoire viennent de Berlin, parce qu'on est venu les présenter sur place en donnant des facilités depaiement. Cet exemple me touche de près; voilà pourquoi je le cite, mais hélas il est loin d'être unique. Il ne faut pas seulement envoyer des jeunes gens en Amérique du Sud, il faut que
Les
Femmes américaines dans les Harems.
l'on trouve de l'extraordinaire,on estsûr de voir figurer au premier rang l'Américain et surtout l'Américaine, Cette dernière commence seulement à faire parler d'elle dans le monde, mais elle rattrape rapidement le temps perdu. Et, comme elle est belle, comme elle est souvent très riche, elle a pu attirer de suite l'attention, soit par le déploiement de son luxe, soit par le simple exercice de ses excentricités. On la voit même, pour satispARTOUT où
faire ce besoin, ris-
quer son indépendance, aliéner la hommes faits se liberté entière de sacrifient, qu'ils aillent y faire des son existence, le bien si cher à toute voyages eux seuls bonne Américaine sont capables de qu'elle en fait son voir ce qu'il peut y premier article de avoir à faire pour foi. Devant certainotre industrie et nes attractions,elle notre commerce français. Il faut ne sait pas résister, et le harem, tel imiter en cela nos qu'il est décrit par concurrents étranles voyageurs, est gers. Le Gouverune de celles qui nement a eu une semblent en avoir heureuse inspiraattiré le plus. On tion en envoyant ne se doute pas un de nos sénaqu'il y a, dans les teurs faire une enharems des pays quête dans le pays. ottomans,un nomM. Calvet, le sébre considérablede nateur français, acÉTAT ACTUEL DU PORT DE ROSARIO LES GLISSIÈRES POUR LE CHARGEMENT DES NAVIRES. femmes américaituellement, depuis plus de six mois, nes, disparues du Photographie communiquée par le docteur Adrien Loir. monde, plongées à dans l'Amérique jamais dans le mystère de la vie musulmane, éliminées du Sud, a été en Argentine autrefois; il est l'ami du de l'agitation civilisée. Partout on les rencontre, en président de la République et des personnages influents Turquie, en Perse, au Maroc, en Tunisie, devenues la du pays et peut nous rendre de grands services. Sa chose de leur seigneur et maître, vivant en musulsituation de sénateur le fait recevoir partout; le Gouvernement vient d'organiser un banquet en son honmanes, ayant appris et parlant la langue locale. Ce ne sont pas seulement des filles enlevées à la faveur de neur, il a sa place au Sénat dont les membres veulent certaines circonstances, entrées dans leur prison contre bien le considérer comme s'il était un véritable sénaleur gré; non, la plupart y sont volontairement,ayant teur argentin. Il peut donc agir efficacement auprès du accepté leur mariage avec le maître. monde politique de ce pays, et lorsqu'il rentrera en L'une d'elles, aujourd'hui princesse NasrullahFrance, s'il propose un traité de commerce ou autre Khan, jadis miss Mary Ditson,.de Boston, publie dans chose, il sera bien placé pour faire prévaloir ses idées auprès de nos gouvernants le ministre qui lui a donné un journal américain un court aperçu, qui ne sera pas pour diminuer l'attrait du harem musulman. Cela sa mission tiendra à lui fournir l'occasion de démontrer sonne même un peu comme une réclame de marchand. son utilité, il aura de plus sa qualité de sénateur qui D'une excellente éducation, cultivée, raffinée, elle lui permettra d'agir auprès du Parlement. épousa d'abord, à dix-huit ans, un missionnaire méDes missions temporaires ne peuvent être que thodiste, Perkins, qui la mena en Perse, où il mourut d'un bon effet pour la cause de notre pays en Amérique six mois après. Un fonctionnaire, qui dut se rendre à la du Sud, où le terrain est bien préparé pour y cultiver mission pour l'autorisation nécessaire au transport du l'influence française. 1~ ADRIEN LOIR. corps en Amérique, en devint amoureux et l'épousa,
certains de
nos
Quelques semaines après, comme le missionnaire, il mourut. C'est alors que le prince Nasrullah-Khan, qui avait entendu parler de sa beauté, l'envoya chercher, et un troisième mariage s'ensuivit. Il ne semble pas qu'il se soit écoulé beaucoup plus d'une année entre la première et la troisième union. C'est de l'américanisme. Aujourd'hui, l'ancienne Bostonienne est, paraît-il, un personnage influent des sphères aristocratiques persanes, à la tête du harem de son mari et si charmée de sa position qu'elle fait un appel à ses soeurs yankees, leur conseillant de suivre son exemple. (( Je puis, dit-elle, assurer mes soeurs d'Amérique qu'elles ne peuvent avoir un sort plus heureux que d'entrer dans le harem d'un Oriental riche et de bonne éducation. Au harem, la vie passe comme un rêve doux et tranquille dans un jardin de roses. Chacune a ses domestiques; il n'y a aucun ennui à avoir à leur sujet. Une foule d'esclaves sont à portée pour exécuter les ordres. Ils ne peuvent nous quitter, et si leur service donne le plus léger ennui, il n'y a qu'à donner l'ordre de les décapiter ou de les faire fouetter. » Ce
dernier avantage est vraiment captivant! Après la description des avantages enchanteurs qu'offrent les demeures musulmanes, elle continue « La générosité d'un Oriental, et spécialement d'un mari persan, envers sa femme qu'il aime, ne connaît aucune limite. Elle peut avoir des chaînes de perles sans prix, des rubis, des diamants, des bijoux de toutes sortes, des vêtements d'une exquise richesse, brodés d'or et d'argent, constellés de 'pierres précieuses, que les millionnaires occidentaux ne pourraient acheter pour aucune somme. \( Au harem, nous ne connaissons aucun de ces cassements de tête ou de cœur; aucune des misères et des luttes de la civilisation occidentale; aucun des maux physiques et moraux qui s'attachent à une civilisation artificielle; et la cruelle, nécessaire lutte pour la vie. » Elle manque ici de raisonnement, Madame la princesse Nasrullah. Elle était née riche, elle n'aurait donc pas eu à souffrir de cette lutte. Elle parle, sans le dire, des pauvres déshéritées rêvant de riches parures, de joyaux sans nombre, qu'il leur est impossible d'avoir ailleurs qu'au harem, en abandonnant tout et tous, pays, langue, parents, amis, pour la condition
d'esclaves1
Je passe sur la \( civilisation artificielle », qui n'est
certainement point à comparer avec la civilisation des intérieurs musulmans, des harems de pachas, où l'on peut faire décapiterun serviteur qui a eu la maladresse de casser une porcelaine, et je continue \( Le mari occidental est presque invariablement bon pour ses femmes et ses enfants. Il aime à jouer avec elles et à leur faire des présents. Il ne se casse pas la tête avec les affaires. Il ne boit pas. Il ne reste pas tard la nuit au club. Quoiqu'il ait la possibilité de divorcer, il use rarement de ce privilège. Le seul devoir d'une épouse persane est une obéissance absolue à son mari. Tout étrange que cela puisse sembler à une femme américaine, l'habitude, quand elle est prise, devient bientôt le plus grand plaisir de la vie. » C'est pousser le paradoxe un peu loin. Trouver le plus grand plaisir de la vie dans cette annihilation complète de la volonté, dans cet esclavage pur et simple, est vraiment trop. C'est l'inconscience causée
par l'amour du luxe, l'hypnotisme des rutilances ds bijoux, de l'éclat de l'or et des pierres précieuses. Elle oaôlie de dire que la relation, à ce point de vue, entre elle et son maître, est la même que celle entre elle et son esclave, et que si elle a le droit de faire décapiter l'esclave, son maître à elle a le même droit de la faire
suicider », si elle a cessé de lui plaire ou si elle n'obeit pas comme un chien, ce qui arrive souvent. La princesse finit par un appel qui pourrait bien être ordonné par son mari. cc Je suis sûre que quelques-uns des meilleurs hommes de Perse, princes et nobles, seraient heureux d'acquérir des épouses américaines, et je sens que je ne f..Ís qu'accomplir un devoir en faisant connaître franchement quelques-uns des charmes indiscutables de la vie du harem. » Si j'étais femme, et femme américaine surtout, Mme la princesse Nasrullah-Khan, née Ditson, ne me persuaderait point du tout. Malheureusement pour sa plaidoirie, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on sait à quoi .en tenir sur la vie qui est faite aux femmes chrétiennes, que le malheur a poussées dans l'antre musulman. Et les exemples ne manquent pas. Mlle Muriel Badd:ngton, une Anglaise, je crois, qui fait partie d'un haren d'un prince justement persan, cousin du shah, en sait quelque chose. Mais elle, au moins, réussit, grâce à l'aide que lui prêta la légation d'Angleterre, à s'échapper du paradis de Mme Nasrullah, qu'elle déclarait être un enfer. Fatima la belle, au harem du sultan du Maroc, en sait quelque chose aussi. Elle désobéit, et sa situation dans le gynécée ne fut plus tenable elle s'enfuit, et son sort fut atroce. Échappée en Espagne, elle fut extradée, livrée à son maître, malgré les protestations des femmes espagnoles, et voici ce qui lui arriva elle eut les chevilles brisées pour qu'il ne lui prît plus la fantaisie de s'enfuir; elle eut les yeux crevés pour rendre cette impossibilité plus effective encore. Il y en a d'autres, cependant, qui sont heureuses à la façon de Mlle Ditson. Mlle Murray, encore une Américaine, ancienne serveuse d'une Exposition, partit pour Constantinople avec le directeur de la section turque, et là, elle épousa un jeune turc noble. Elle est au harem où, peut-être, couverte de bijoux et de soieries de prix, elle est heureuse de son sort. Une autre encore, miss Grace Wilkins, de New York, est devenue Mme Hafiz-Oussein. Son mari est raisonnable et n'a que deux autres femmes. Comme elle est la plus jeune, elle a quelque chance de rester la préférée, à moins que M Hafiz ne revienne, pour son commerce de tapis, à New York, et ne fasse la connaissance d'une autre Amér:caine plus jeune. Qui sait combien d'autres gémissent ou patienteat derrière les croisées grillées des harems musulmans, enlevées au monde, à la vie civilisée, par leurs maîtres, simples esclaves moins appréciées que de beaux chevaux! La propagande de miss Mary Ditson est des plus dangereuses; et si nous croyons pouvoir nous en faire l'écho, c'est pour en répudier hautement les prétendus attraits. Vendre sa liberté pour les charmes d'une vie fabéa:1te, est mal; y pousser autrui, c'est pire encore! cc
ÉMILE DESCHAMPS.
La Mort aux Balles. L'Almanach du Drapeau pour igog est une~etite encyclopédie militaire, infiniment instructive et amusante à feuilleter. Il renferme, comme son but astreint, mille renseignements techniques sur les armées de terre et de mer,
l
françaises ou étrangères; aussi, nombre de pages qui, sans perdre de leur valeur s~éczi~le, s'adressent davantage au grand ~ublic. Exem~le cette chronique scientifico-mystérieuse sur l'innocuité des balles.
B ÉNÉDETTI, ancien cafetier italien établi à Rome, inventa, entre deux tournées de vin de Syracuse, une cuirasse qui garantit hommes et montures contre les atteintes des balles les plus pénétrantes de tout poids et de tout métal. La balistique la plus savante ne peut percer les cuirasses Bénédetti, et les savants à leur tour ne peuvent percer le mystère qui entoure l'impénétrableplastron. Si, au point de vue chimique, le radium a renversé les théories jusqu'ici acceptées de la Matière, on peutdire qu'au point de vue mécanique la cuirasse Bénédetti entame fortement les théories admises sur la transformation du mouvement. Que l'on se figure un plastron (dont on ignore la composition bien entendu), mais qui ressemble à un feutre épais, pouvant être coupé et taillé selon les nécessités de la protection. L'épaisseur et le poids varient selon les projectiles tirés et les distances. Mais quelles que soient la forme et l'épaisseur adoptées, l'appareil arrête les balles de
tous les fusils de guerre connus. La
qu'il oppose à lapénétrationesttelle
force
que les
projectiles
sont retirés des fibres de la cuirasse absolument aplatis et dégantés de leur enveloppe métallique ex-
terne.
On LA CUIRASSE BÉNÉDETTI.
Cliché de l'Almanach du Drapeau
pour tgo5.
pourrait
penser que le choc est considérable. Erreur Il est supprimé
au point qu'une balle tirée sur un verre d'eau, préalablement cuirassé du feutre magique, s'a. platit au contact, sans qu'une seule goutte de liquide soit répandue. Tout cela serait contestable si des rapports officiels, émanés de commissions militaires, n'affirmaient le résultat des expériences tentées devant elles. LaLigue navale italienne invita en septembre 1903 l'inventeur Bénédettl à faire des expériences publiques
au Théâtre Adriano de Rome. Ces expériences furent répétées à Milan, en octobre suivant. Le délégué du ministre de la Guerre était là qui enregistrait les faits. Son rapport constate la merveilleuse application pratique de l'invention en citant les cas suivants Distance 5o mètres, Fusil modèle 189 I. Cartouche réglementaire. Cuirasse de 8 millimètres d'épaisseur sur 33 x 41. Poids 17 kilos. Cette cuirasse est simplement suspendue par un fil de fer horizontal entre les deux
dentsd'unefourche dont le manche est fixé en terre. La cuirasse est donc os-
cillante. Deplus, un verre plein d'eau est équilibré sur le rebord
supérieurdudis-
positif. Deux balles touchent en plein. Rien
ne bouge. Le
verre rempli au ras du bord ne
perd pas une
goutte.
Distance
i oo mètres. Fusil modèle 1901.
Cartouche réglementaire. Cuirasse de 8 millimètres d'épaisseur sur 3 j x 41. Poids 17 kilos. Cette cuirasse coiffe deux bouteilles de verre mince à long col et pleines d'eau. Deux balles sont tirées. Les bouteilles touchées n'ont pas bougé et sont intactes. L'expérience est répétée surles mêmes bouteilles vides. Les résultats sont les mêmes. Distance 300 mètres. Fusil modèle 189 1. Cartouche réglementaire. Cuirasse de 3 centimètres d'épaisseur sur 3 39. Poids 6 kilos. La cuirasse est maintenue par deux piquets fixés dans le sol. Les balles la frappent sanslui imprimer une seule secousse. Distance 2 mètres. Revolver modèle 1889. Une rondelle de la cuirasse 155 x 18 sur i millimètres d'épaisseur et pesant 53o grammes est fixée au fond d'un chapeau de paille. Trois balles s'aplatissent dans la rondelle sans que le chapeau suspendu ait oscillé. Bien entendu, le chapeau n'est pas troué. L'inventeur n'a rien révélé de la nature de sa cuirasse. Pourtant il s'en explique sur certains points. Cette cuirasse a la forme d'un gilet commun. Extérieurement, c'est l'étoffe derrière laquelle se trouve nécessairement la doublure. Mais-entre ces deux plans de fibres se trouve ce que Bénédetti appelle la, cuirasse de protection sur la nature de laquelle il ne s'explique pas. Bénédetti construit ses cuirasses de différentes épaisseurs selon l'intensité des chocs que la cuirasse doit supporter. Celle de 3 millimètres d'épaisseur, par exemple, résiste aux balles du revolver d'ordonnance déchargé à 2 mètres de distance. La plus forte épais-
x
Non seulement ils restèrent sains et saufs, mais ils ne seur qui leur est donnée est 3 centimètres3 millimètres. perdirent pas l'équilibre. On ne put davantageentamer Le fusil italien, modèle 189 1, est certainementun des meilleurs fusils de guerre qui existent aujourd'hui. les mêmes animaux avec un couteau de chasse affilé. La portée utile de cette arme est de 4 kilomètres. Sa A ce dernières expériences étaient présents le ministre de la Guerre, le général Peyroli, directeur de l'artilleballe est aux dimensions de 3 centimètres de long sur rie e~les attachés militaires de Russie, d'Angleterre,des un diamètre de 6 millimètres 1/2. Or, la cuirasse n'est États-Unis, etc. L'inventeurs'était offert pour que l'on pas transpercée par ce projectile. La balle traverse d'abord l'étoffe, puis rencontrant la matière mystétïrât sur lui. rieuse, elle y reste prise, attrapée au passage sans pouMuni de cette cuirasse, le soldat devient véritablen-ent invulnérable, car non seulement les balles sevoir pénétrer dans la partie opposée. Contre la résisraient impuissantes contre son vêtement, mais les tance, la balle se déforme de telle façon que sa chemise meilleures lames se briseraient à le frapper. En effet, passe à l'intérieur; le plomb reste au dehors en témoignant d'un commencement de fusion qui n'est d'ailon peut sabrerd'estoc et de taille la cuirasseBénédetti. Elle est impourfendable. Chargée à la lance, le fer déleurs jamais réalisée. Or, d'après les théories partout vie, s'émousse ou se brise. Dans les meilleures condiadmises de la transformation du mouvement en chations, les plus formidables coups de poignardsont sans leur, la destruction immédiate de la force vive devrait action. Le feutre est increvable et les épaisses lames coïncider avec une élévation considérable de la tempéd'acier s'ébrèchent ou se brisent. Rien n'entame l'exrature. Rien de cela ne se produit. Le projectile s'imtraordinaire matière. De quoi se compose-t-elle donc? mobilise, à peu près froid, au choc Il n'y a pas véritamysuère 1 blement chaleur et il n'y a pas davantage de mouveBénédetti se fait fort d'établir contre les terribles ment engendré sur l'obstacle, comme le prouve engins de l'artillerie moderne un rempart impénél'expérience du tir à balle sur un verre rempli d'eau trable. Rien n'est changé en effet dans les conditions jusqu'au bord et posé sur une cuirasse suspendue par du problème. Le poids du prodeux cordelettes. L'eau ne déjectile est plus lourd, voilà tout, borde pas, n'affiche aucune mais nous savons que le choc onde, et, de plus, la cuirasse est absorbé par l'extraordifrappée n'oscille pas. Il y a naire cuirasse. Théoriquement, donc anéantissement instantarien ne s'oppose donc à ce que né de la force vive des projecles' obus viennent se prendre tiles. La science moderne n'est dans les mailles de la cuirasse d'aucun secours devant ce fait brutal et ne peut rien nous excomme les perdreaux au collet pliquer, attendu qu'il est conou les poissons dans l'épervier. En somme, les défenses de forstaté et enregistré que le choc tune que l'on utilise actuelled'une balle correspond sur un ment contre les projectiles corps dur à une élévation de L'ÉPREUVE UN CHEVAL A DES BALLES fascines, sacs remplis de terre, température de plusieurs cenCliché de l'Almanach du Drapea:u pour rgo5. matelas, etc., ne sont que des taines de degrés, et que l'énercuirasses absorbantes ou neugie balistique d'une balle est tralisantes. Bénédetti semble opérer dans le même sens. de 25° kilogrammes sur une surface égale à sa section. Au surplus, les applications sont nombreuses, S'il ne s'agissait que d'expériences privées, on pourrait douter de l'authenticité des phénomènes obblindage des chariots à munitions, casques pare-éclats, tran:hées mobiles, boucliers légers d'artillerie, revêteservés, mais en dehors des personnalités militaires déjà signalées, il en est d'autres qui témoignent de la réaments de poudrière, cuirasses de navire, etc., etc. On l'ignore. Quel est le secret? lité des faits pour avoir assisté aux expériences GénéL'inventeur, qui, on le conçoit, n'est pas prolixe, raux Spingardi et Mangiogallo, major d'artillerie Malavasi, auteur du rapport au ministre de la Guerre, coa div « Mon invention consiste dans une préparation très légère, pouvant épouser les formes du corps et à lonel Caveglia, colonel di Mauro, major di Lorenzo, lieut.-colonel Castellani, chevalier Cisotti, chevalier peine un peu plus rigide qu'une chemise empesée. » Magagnini, etc., etc. D'autre part, voici comment s'exCette déclaration n'apprend pas grand'chose sur la nature de la substance. Les phénomènes sont plus prime le rapporteur de la Guerre et de la Marine inst'uctifs. « Par l'ensemble des expériences auxquelles j'ai assisté, Le choc de la balle doit déterminer une élévation je me suis convaincu que l'invention est sérieuse et de t~mpérature; or, la cuirasse ne s'enflamme pas. Il qu'en réalité elle offre des résultats qui étonnent, partis'agit donc d'une matière tout au moins ignifugée. culièrement, en ce qui concerne la déformation des proD'autre part, une lame d'acier ne pouvant entamer la jectiles et le manque de secousse sous l'action du cuirasse et se brisant contre elle, on doit en déduire choc. » Non seulementl'homme peut se soustraire désorque. peut-être, le tissu est imprégné de poudre de diamais à l'épreuve des balles, mais les animaux peuvent mart. Enfin, quant à la nature de la matière employée, profiter du bienfait; l'inventeur tira avec le revolver anglais (dont la balle traverse des plaques d'acier) sur que l'on se souvienne que des balles tirées, par exemple, dans une masse de coton compressé ne vont un cheval simplementprotégé par un plastron de chemise. De plus, un coq et un âne, revêtus d'une légère pas loin, et que les guerres nous ont révélé 'des milliers de cas où les projectiless'aplatissaient sur un porcuirasse Bénédetti, furent criblés de balles de revolver.
tefeuille providentiellement rencontré au bon endroit ou sous une liasse de lettres glissées sous la tunique. Dans tout ceci, il y a une question d'armes, de poudres, de distances, qui rendent le problème complexe. A nos lecteurs d'en rechercher la solution, car elle peut être appelée à recevoir des applications importantes. Bien volontiers, l'Almanacb du Drapeau rendrait compte des expériences et des résultats contrôlés qui lui seraient soumis.
Tentative nouvelle pour rendre la Loire navigable. Création automatique d'un Chenal.
Une
Nous avons autrefois expliqué longuement les maux
dont souffre la navigation de la Loire, fait l'historique de la question et étudié l'œuvre de la Société qui s'est donné pour mission de rendre à notre grand fleuve sa prospérité d'antan. Une expérience des plus intéressantes pour sa navigabilité vient d'être récemment tentée aux environs de Chalonnes, à 7° kilomètres en amont de Nantes. C'est, comme nul ne l'ignore, l'accumulation des sables qui rend difficile presque partout, et impraticable en de nombreux points, la circulation des bateaux sur ce grand fleuve souvent inutile. La manière méthodique dont s'amoncellent ces sables a fourni aux ingénieurs l'idée d'en tirer parti, et c'est du mal même que semble devoir sortir le remède. Voici comment, dans la Loire, se fait l'ensablement. En une courbe quelconque du fleuve, le courant qui se brise fouille le sol, et sur une longueur variable creuse une sorte de chenal, qu'on appelle une mouille; l'eau s'échappe de la mouille, entraîne le sable, le dépose au milieu du fleuve en formant ainsi un seuil, et, reprenant son élan, va sur la rive opposée, parallèlement à une nouvelle courbe, creuser une nouvelle mouille, et ainsi de suite de courbe en courbe. On comprend que la navigation soit impossible sur un fleuve pareil. Le batelier qui a trouvé assez d'eau dans une mouille pour y manœuvrer, doit, pour gagner la mouille suivante, franchir un banc de sable qu'à peine une couche de quelques centimètres d'eau recouvre, et sa navigation devient une suite de zigzags, de mouille en seuil et de seuil en mouille. Voici l'ingénieux expédient qu'a trouvé la science pour lutter contre cet inacceptable régime des pieux, enfoncés dans le sable et reliés les uns aux autres par des branches de bois, s'alignent dans le lit du fleuve. Ces « clayonnages ou é~zs se détachent de chaque rive en une suite de traits parallèles, obliques (comme des arêtes de poisson) et d'inégale longueur. Plantés dans le sens opposé au courant, ils font obstacle à la brutalité de son choc, arrêtent au passage et retiennent les sables qu'il transporte; ils forment
t. Voir A Travers le Monde
Loire navigable. »
nouveau Fram et la 1899, pages 9 et suivantes. « Un
ainsi, le long des rives, de véritablesplages; le courant du fleuve, repoussé de la rive qu'il rongeait et dont il usait les fonds, ne pourra plus creuser le lit qu'à la place même où l'ingénieur aura concentré la puissance de son choc, au milieu du fleuve; les mouilles artificiellement amenées dans le prolongement les unes des autres, formeront au centre de la Loire un chenal profond, toujours navigable, coupé de seuils, il est vrai, mais de seuils navigables aussi, car l'inclinaison des plages, sur chaque rive, en forçant le fleuve à descendre au milieu de son lit, créera sur les seuils, au temps des plus basses eaux (cela a été calculé), une profondeur d'eau de plus d'un mètre. Les dernières crues ont démontré la perfection du travail entrepris. Non seulement les clayonnages ont résisté à la poussée dés plus hautes eaux, mais les sables, balayés vers eux, s'y sont agrégés; quelquesuns de ces clayonnages sont déjà presque recouverts, et l'on aperçoit, sur les rives du fleuve, deux ébauches de petites plages. Le bon passage est en train de se former. L'épreuve est faite, et l'on peut dire que la victoire, si impatiemment attendue, est remportée. Il n'y a plus qu'à poursuivre ce qu'on a commencé. Ce n'est pas l'argent qui manquera. L'àménagement des mètres de rive, où M. Cuënot, ingénieur en 1 700 chef du département des Deux-Sèvres, délégué du Gouvernement, vient de planter ses premiers clayonnages, a coûté environ 25 000 francs à supposer que, sur d'autres points, de menus travaux de consolidation des berges (qui étaient inutiles à Chalonnes) soient nécessaires, et qu'il en coûte finalement, pour régulariser la Loire, de Chalonnes à Angers, 50000 francs par kilomètre au lieu de 15 ooo, la dépense totale tomberait encore au-dessous de la moitié de la somme prévue par le projet. La Loire navigable est la libération de toute une population; c'est la voie ouverte à la circulation de richesses qu'immobilisait le fleuve ensablé, et que la batellerie va désormais pouvoir porter à bas prix sur les marchés du monde. Et ce n'est pas seulement les départementsde la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe qu'intéresse la victoire, toute une c'est dix départements limitrophes, région dont l'extrême cherté des transports par voies ferrées (en l'absence d'une batellerie concurrente) empêchait l'essor industriel.
Paul Labbé.
Sur les grandes Routes de Russie. (Entre
l'Oural et la Volga.) vol. Ín-18 jésus, cartonné toile, de 'L 300 pages avec 15 illustrations dans le texte. Prix 3 francs. c'est PAUL LABBE cette fois a quitté l'Extrême-Orient, et de Russie d'Europe qu'il nous parle dans son livre où nous trouvons des. observations très précises, des descriptions très pittoresques et une foule d'anecdotes amusantes. Voici la Volga que nous descendons, assistant tour à tour à la foire de Nidji Novgorod, aux fêtes religieuses de Kazan, au départ des émigrants de Samara. Puis nous franchissons les contreforts des monts Ourals et nous gagnons les campements des extraordinaires Bachkirs. Enfin nous descendons la va1\ée du fleuve Oural et visitons le pays cosaque.
M
Comment on peut vérifier, au besoin rectifier une Carte sans Instruments techniques, ¡AGRANDISSEMENT PARTIEL DE LA CARTE EMPLOYÉE
QUAND un voyageur s'est procuré les meilleures cartes et les plus détaillées de la contrée qu'il veut parcourir, son premier soin, au point de vue géographique, sera d'en vérifier sur place l'exactitude et de les rectifier ou de les compléter au besoin. Une précaution qu'on ne devrait jamais négliger, c'est de dresser, avant chaque excursion et d'après les cartes qu'on possède, un croquis à grande échelle de la portion de pays qu'on se propose d'explorer.
Avec une échelle agrandie, les inexactitudes de la carte deviendront apparentes et les redressements qu'on en opérera auront plus de valeur pour une rectification de la carte originale. On
peut ne tracer que légèrement les lignes
de ce croquis, et les forcer à mesure qu'elles seront reconnues exactes, en ayant soin d'effacer celles qu'on aura rectifiées j de cette manière on rapportera de chaque excursion un croquis fidèle et clair de la région parcourue.
UTILISATION DE L'ÉCHELLE
1
ET DES COUHBES DE NIVEAU
points depuis lesquels on découvre une vaste étendue de pays, on commencera, nous dit M. Kaltl, brunner, un vieux et pratique voyageur « Arrivé;' aux
DÉTERMINATION DES POINTS par examiner à quelle échelle est la carte qu'on possède, afin d'avoir une idée du DE REPÈRE rapport qui existe entre la réalité et la représentation qu'on a sous les yeux. Quand l'échelle est notée sous forme de Ces préliminaires achevés, on vifraction, on n'a qu'à diviser par mille le sera tous les points marquants qu'on dénominateur de cette fraction et l'on découvre, pour s'assurer qu'ils se trouconnaîtra ainsi ce que 1 millimètre sur vent bien dans la directior indiquée la carte représente en réalité sur le sur la carte. A cet effet, on peut se terrain. Ainsi, par exemple, les cartes servir d'une boussole à pinnules, à anglaises du Survey Office sont à l'échelle l'aide de laquelle on relève les divers du ~/63360, soit pouce anglais par angles sous lesquels on aperçoit les mille anglais; 1 millimètre y représen- objets. Avec un rapporteur, on vérifie 6jm, j6o pris sur ensuite si, sur la carte ou sur le croquis tera 63 36o o00 le terrain. Si l'échelle manque, on peut à grande échelle, on obtient les mêmes y suppléer, jusqu'à un certain degré, en angles. A défaut de boussole, on pose la mesurant la distance qui sépare en réa- carte ou le croquis bien à plat; puis on lité deux points indiqués sur la carte. plante une épingle au point qui corresSoit 8 15 5 mètres cette distance, qui sur la pond à celui où l'on stationne et une carte n'est que de Om,020; on dira autre épingle en un second point où est 20 millimètres représentant 815 mètres, figuré un objet (clocher, phare, cime de millimètre 40m,75. Si l'équidis- montagne) qu'on découvre au loin. On 1 tance des courbes de niveau n'est pas tourne ensuite la carte de manière connue, on comptera combien il y a de que cet objet se trouve dar.s l'aligneces courbes ou de rangées de hachures ment des deux jalons. Fixant alors la carte de manière qu'elle ne puisse pas se déplacer, on plante des épingles r~ D. Kaltbrunner. « Manuel du ou des aiguilles fines aux divers points Voyageur. n
=
=
dont on
(veu( vérifier -la"position et, par vers les objéts correspondants, visée une on s'assure s'ils se trouvent ou non sur le prolongement du rayon visuel passant par les deux épingles. Si la carte est exacte, chaque localité, chaque détail indiqué sur le papier, devra se retrouver sur le terrain dans l'alignement déterminé par l'épingle plantée au point de stationnement et celle qu'on piquera à la place où cette localité, ce détail, sont figurés. Si ce n'est pas le cas, on rectifiera la direction en déplaçant la seconde épingle à droite ou à gauche, jusqu'à ce qu'elle concorde avec l'objet et l'on notera sur la carte cette direction rectifiée. On peut faire usage aussi d'une alidade ou règle en métal armée de deux pinnules ou d'une lunette qui permettent de viser les objets. Cette alidade est posée alors de manière que son bord intérieur touche les deux points de la LÉGENDE » DE LA CARTE LA carte dont on veut vérifier la position respective. En répétant cette opération Il faudra aussi lire attentivement depuis d'autres stations, on aura trois la légende de la carte, afin de bien quatre alignements pour un même savoir ce que signifient tels chiffres, tels ou point et l'intersection de ces divers alisignes, telles abréviations, et en particu- gnements donnera sa position véritable, lier si les cotes de niveau sont rappor- à condition toutefois que les points de tées à la mer ou à la surface d'un lac et stationnement soient eux-mêmes exactesi elles sont exprimées en me tres ou en ment, placés- sur,6 la..carte. d'autres mesures, que l'on convertira au besoin. La manière dont les sondes ou cotes de profondeur des lacs, etc., ont été calculées, doit pareillement être examinée. Tout cela prendra moins de temps qu'il n'en faut pour le décrire.
entre deux points extrêmes 3ont la cote numérique est donnée, et après avoir arrondi ces cotes, on divisera la différence d'altitude qui en résulte par le nombre de courbes ou de rangs de hachures qui séparant les deux points choisis. Ainsi, par exemple, oa a 2 points marqués, l'un 758m, l'autre 12J8m, entre lesquels on compte 9 courbes horizontales ou rangs de hachures. Sachant que le niveau de ces courbes est toujours un chiffre rond, on arrondira 758m à 760 et J 218m à J 2 1 o. La diffàence sera 760m= 45om, qui divisés par 2'Om 9 donneront une équidistance de 5° mètres. »
COMMENT ON DÉCOUVRE L'ERREUR
Dans le cas contraire, si c'étaient les points de stationnement dont la position fût mal indiquée par la carte, on s'en apercevrait immédiatement, parce qu'alors les visées marquant la direction dans laquelle on découvre des objets, déjà relevés depuis d'autres points, ne concorderaient pas avec l'intersection des lignes menées depuis ces autres points vers les mêmes objets. Il y aurait donc lieu de vérifier et de rectifier d'abord la position du nouveau point de stationnement, soit en estimant la distance qui le sépare des stations précédentes, soit en relevant l'angle sous lequel on y aperçoit deux ou plusieurs de ces précédentes stations. A mesure qu'on avance et qu'on obtient un plus grand nombre de repères fixes, on peut vérifier et corriger les principaux contours, en examinant la position qu'occupent les cours d'eau, les routes, etc., par rapport aux points dont on a déterminé la si! uation exacte, et en voyant comment ils se comportent entre un de ces points et l'autre. On parviendra ainsi soit à se convaincre de l'exactitude de la carte qu'on possède et dont la valeur ne peut que gagner à ce contrôle, soit à la corriger dans ses indications principales et à pouvoir en donner une meilleure édition.
L'Océan, ses Lois et ses Problèmes, océanographique.
Une Station
L'Océanogra~bie,complément naturel de la Géogra~bté pour la conna2'ssatzce de notre ~lataète> est en train de prendre, dans l'ordre des sciences, la place qui lui est due. M. Tboulet, qui s'en fait le cham~ion autorisé, a publié à la librait-zé Hachette un ouvrage 1 qzzi sera le guide attraya>zt et docuntenté des adeptes de la nouvelle science. Nous en ré.rcsmons les pages oi~ l'auteur nous enseigne cotntnent les profondeurs de l'océan sont étudiées au moyen des êtres qui lbabitent.
L'ÊTREest si intimement relié au milieu qu'il habite qu'il peut être considéré comme un instrument destiné à le mesurer, instrument très sensible, quoique, par malheur, il possède deux graves défauts. Il ne renseigne que sur l'ensemble des conditions ambiantes; il ne donne qu'une indication totale, trop souvent vague à cause de sa généralité même
éclairent d'une vive lueur les conditions de ce passé. C'est ainsi que l'océanographiea pour auxiliaires indispensables la zoologie et la botanique maritimes; et que le sort de cette science se trouve lié aux résultats des pêches spéciales dites les pêcbes profondes. Ces. pêches
scientifiques s'accomplissent, en haute mer, dans des stations océa-
quigênepourfaire la part de telle ou telleinfluenceparticulière. En second lieu, il est
nographiques dont
travaux peuvent ainsi se résu-
les
mer.
La première
de leurs opérations consiste à mesurer la profondeur. Si elle est faible, on emploie un petit son-
insuffisamment gradué, car il ne porte, en quelque sorte, quetroisdivisions l'absence lorsque les conditions sont nette-
deur portatif à fil d'acier qu'on manœuvre à la main et qui peut s'installer sur une em-
ment défavorables, la rareté des individus ou leur état chétif quand elles ne sont qu'à
barcation
pour les grandes pro-
LA NASSE EST ENVOYÉE SUR LE FOND
demi favorables fondeurs on se et enfin leur abonsert d'un treuil à dance quand elles sont très favoravapeur et d'un Gravure extraite de l'Océan, ses Lois et ses Problèmes », câble fin en fils bles. Néanmoins, quelles qu'elles soient, les indications fournies sont préd'acier. Le plomb de sonde est le plus souvent à poids cieuses elles racontent l'histoire actuelle de l'être viperdu. Au-dessus de lui, on fixe une bouteille à recueillir l'eau, portant son thermomètre, et, plus haut, à des vant et, transportées par analogie dans le passé, elles distances connues, une série aussi nombreuse que 1. Thoulet. L'Océan, ses Lois et ses Problèmes. fort possible de bouteilles Richard, munies chacune de son volume in-8~ orné de nombreuses gravures. Hachette et Cie. thermomètre. Une seule opération fournit donc la pro1904. Prix 12 francs. A TII.AVERS LE MONDE.
51" LIV.
N°
5 1.
1
7 Décembre 1904.
fondeur; un échantillon du fond ramené par le tube creux du sondeur ainsi que plusieurs échantillons d'eaux avec leur température respective, échelonnés à intervalles connus depuis le fond jusqu'à la surface. Pendant l'opération, on a effectué des observations astronomiques qui ont permis de connaître la longitude et la latitude du point où l'on se trouve. La seconde opération consiste à mouiller une nasse. On donne ce nom à une carcasse en bois léger en forme de prisme triangulaire, recouverte d'un filet et lestée de quatre sacs remplis de pierres
de palangre. L'embarcation qui la porte s'éloigne doucement en la déroulant dans la mer. AussitÔt qu'elle a été complètement filée avec tous ses hameçons boëttés, on la termine par un second anneau qui eat introduit dans le fil de sonde mis une seconde fois a l'eau. On leste et on lâche en même temps les deux anneaux, fun sur le fil de sonde et l'autre sur le câble de la bouée. La palangre descend, parvient sur le fond, et alors on relève le fil de
ligne:
sonde. D'autres fois, on se contente de lester faible-
ment l'extrémité de la palangre, de la tendre autant
que possible et de la laisser descendre par son propre poids, en glissant d'un côté sur le câble de la nasse.
pour l'entraîner
au fond. Sur les deux bases verticales du prisme
sont ménagées deux ouvertures
On abandonne le
par lesquelles les
tout pendant ur,
deux ou trois
animaux peuvent entrer, mais d'où il leur est impossible de sortir. A l'intérieur, on sus-
jours, temps de se
livrer au dragage ou à d'autres opé-
rations.
pend de la boëtte, des morceaux de poisson, des tessons de porcelaine blanche que la
La bouée de nasse fixe en un
point déterminé de l'océan, dont on connaît la profondeur d'eau,
phosphorescence
rendra
visibles, quelquefois aussi des tubes phos-
constitl1e une station dont on n'a pas, jusqu'à présent, profité au-
phorescents
en verre, remplis de
tant qu'on aurait
sulfure de calcium et de paraffine, afin de n'être pas écrasés par la pression des grands fonds. On file la nasse attachée d'abord à un bout de filin, puis à un câble en acier auquel on fixe, dès qu'il cesse de
pu le faire; elle ne tardera pas à être
utilisée pour une
foule d'expériences et de mesures
qui font défaut à l'océanographie.
descendre,
une très grosse bouée
qu'on surmonte d'un pavillon afin
Gravures extraites de
«
l'Océan, ses Lois et ses Problèmes~,
de la rendre visible de loin, pendant le jour, et sur laquelle on allume un fanal, pendant la nuit. A la nasse on ajoute une palangre. L'engin est une longue ligne à laquelle sont attachés, à des intervalles égaux de 3 ou 4 mètres, de courte's lignes ou avançons portant un hameçon. La nasse et sa bouée étant rendues libres de tout lien avec le bâtiment, on enfile dans son câble un anneau qui soutient la
On aurait, avec elle, l'avantage de recueillir des indications continues et pour lesquelles il suffirait d'imaginer quelques instruments enregistreurs. On
mesurerait, par exemple, en même temps, les courants superficiels et profonds; peut-être parviendrait-on à enregistrer l'effet des marées en -haute mer, encore absoliment inconnu au point de vue expérimental; on a-irait des tracés de vagues, des informations comparées sur les variations de pénétration de la chaleur et de l'éclairement pendant le cours entier d'une journ:ej les modifications de la densité renseigne-
raient sur l'évaporation et la circulation générale océanique. On ne mentionne ici que quelques-unes des nombreuses expériences qu'il serait facile d'exécuter, grâce à cet observatoire temporaire immobile au milieu de l'océan. L'emploi de la bouée de nasse est certainementune des méthodes qui, en océanographie, ont le plus d'avenir. On aura été longtemps sans y songer; lorsqu'on aura commencé à l'utiliser, on en tirera un parti extraordinaire. Rien n'empêche même de réduire cet appareil à sa plus simple expression, si l'on ne tient pas à récolter d'animaux et qu'on se borne à faire de l'océanographie pure, en remplaçant la nasse par un sac ou une caisse remplie de pierres et la bouée par le plus élémentaire et le meilleur marché des flotteurs, une planche, portant un pavillon destiné à la rendre visible de loin. Les opérations achevées, on coupe la corde, on recueille la bouée et naturellementon abandonne le sac de pierres. Pendantque les poissons et les autres animaux se
prennent aux palangres et dans la nasse,on procède au chalutage. Le
sondage a occupé
une matinée, la mise à l'eau de la
nasse une après-
lève le chalut avec le treuil à vapeur. Pendant trois, quatre ou cinq heures quelquefois, on voitle câble, dont l'image tremblante se perd dans le bleu sombre des vagues, en apparence toujours à la même place, frémissant sous la charge énorme qu'il soulève, s'enrouler sur le tambour. Un compteur enregistre les longueurs enroulées, et par conséquent celles qui restent encore dehors. Les yeux interrogent sans cesse l'accumulateur qui atténue les secousses et le dynamomètre qui marque la tension. On veille avec un soin extrême à ce qu'aucune coque né se forme, accident fréquent à cause des mouvements de roulis et de tangage du bâtiment qui, alternativement, mollissent et raidissent le câble. Le moment s'approche où le chalut va parvenir à la surface. On voit rallier de tous les côtés du bâtiment sur le pont tous ceux dont les fonctions ou les occupations leur permettaient d'éviter la fastidieuse monotonie du tirage; les naturalistes ont revêtu la longue blouse de toile et chaussé
les bottes
en caoutchouc. La récolte sera-t-elle bonne ou rnauvaise ? Il faut avoir assisté à ces opé-
rations pour com-
prendre la véritable fièvre, presque
midi, à la condition que l'on n'ait pas perdu un instant et que la profondeur ne soit pas trop considé-
l'angoisse qui
rable
trop brusque, l' en-
le soleil
s'est couché, le
étreint alors les
cœurs. La montée
s'est effectuée
sans encombre. Que de fois, dans un coup de roulis
roulement n'étant fanal de la bouée pas convenablea été allumé, on ment réglé, une passe la nuit à seconde d'inattencroiser en vue de tion de la part ce feu solitaire que du mécanicien, berce la houle, et Gravure extraite de « l'Océan, ses Lois et ses Problèmes ». le lendemain, dès une erreur d'apprédation dans le rythme du mouvement, un hasard, que le jour fait son âpparition,on commence à chaluter. Chacun connaît la disposition du chalut, vaste un rien et le câble s'est cassé net, retombant dans la mer, englouti à jamais avec le coûteux engin qui y poche en filet, dont l'ouverture est soutenue par une arétait attaché. Que de temps, de peines, de travail et mature en fer forgé et à laquelle sont attachés, de d'argent perdus! chaque côté de l'entrée et parfois aussi latéralement, Chacun escalade les bastingages, grimpe sur des fauberts, paquets de cordelettes de chanvre dont on les enfléchures des haubans, se penche sur la mer et se servaitautrefoispour sécher le pont après le lavage. plonge ses regards, perpendiculairement, à travers On envoie le chalut à la mer, on fait suivre le câble l'eau transparente. Enfin une tache noire, indécise, d'acier qui le retient en y ajoutant, à quelque distance à contours ondoyants, à reflets tour à tour éclatants en avant, une ou deux olives, lourds poids en fonte de lumière ou pleins d'une ombre épaisse, teintée de destinés à permettre au filet de bien s'étaler sur le sol tons glauques ou bleu d'azur, sort doucement de et de ne pas avoir son orifice relevé pendant le traîl'abîme; elle monte, se fait plus distincte, enveloppée nage. d'un nuage blanc de vase qui transsude à travers les On file le câble en lui donnant une longueurd'un mailles et laisse derrière elle une traînée semblable à bon tiers supérieure à la profondeur de la mer, connue parle sondage de la veille. Arrivé au fond, après avoir une voie lactée au milieu de l'eau limpide, avec de grandes ondulations, dont chacune correspond à un laissé le mou suffisant, on assure son extrémité et l'on marche à très petite vitesse. Le chalut racle le sol et coup de roulis du bâtiment. Uarmature en fer forgé est parfois tordue malgré ses fortes dimensions, si emprisonne les êtres qu'il rencontre sur son passage. elle a rencontré au fond des bloc.; de roches, peut-être Après trois ou quatre heures de traînage, on re-
des épaves de bâtiments naufragés endormis depuis des siècles dans le silence, et dont le sommeil, un moment troublé, va rentrer dans un repos qui durera des siècles avant d'être de nouveau troublé, s'il doit l'être
jamais. Le chalut montejusqu'àlahauteurdela grand'vergue de misaine, il est entièrement hors de l'eau et la boue qu'il contient, agglomérée en un énorme pa-
quet à son extrémité inférieurelaissetomberde grosses
éclaboussures blanches. Sur le pont, au-dessus d'un socle bas en forme de caisse à claire-voie, sont superposés trois gros tamis métalliques à mailles de grosseurs décroissantes.C'est au-dessus de ces tamis qu'est amené le chalut. On déle nœud qui en fermait le fond; il s'ouvre et verse son contenu dans le tamis. Les fauberts sont détachés, et, dans un coin du pont, suspendus à une bonne hauteur, on s'empresse, en coupant les brins de chanvre avec de fins ciseaux, de s'emparer des crustacés, des fragments de coraux qui s'y sont accrochés et sont restés enchevêtrés. Sur le tamis rempli, le tuyau d'une pompe à incendie commence à déverser des flots d'eau de mer. Les naturalistes, rangés tout autour, les bras nus, fouillant dans cette boue glacée, recueillent avec d'infinies précautions les animaux qui y sont enfouis, les lavent et les déposent sur des plateaux en zinc. L'eau ruisselle, traverse les tamis superposés, remplit la caisse inférieure qui déborde au roulis et couvre le pont, sur l'avant, d'un liquide laiteux qui s'écoule par les dalots, tombe à la mer et trace des bandes blal1ches dans le sillage. Les naturalistes continuent leur besogne. De temps en temps, un cri de joie et d'admiration signale la découverte d'une pièce rare ou inconnue. La boue a été emportée par le courant d'eau; il ne reste plus rien et quand le tamis supérieur vide est soulevé et mis à part, on trouve encore, arrêté~ par les mailles plus fines des deux autres tamis, de petits fragments de roches qui deviennent la proie du lithologiste. La récolte est terminée. Les animaux sont souvent mutilés, car le chalut est brutal, mais ils possèdent encore les nuances de la vie, que fera disparaître l'alcool dans lequel on est obligé de les conserver, pour les ramener à terre et les confier au spécialiste qui en fera l'étude détaillée et définitive. C'est pourquoi à peine l'animal est-il débarrassé de la vase qui le souille, qu'il est étalé dans un cristallisoir rempli d'eau pure et remis à un artiste, qui tout aussitôt prend « la note de couleur », c'est-à-dire en fait le portrait colorié destiné à être à son tour recopié et complété dans les planches qui illustreront les monographies publiées. Alors seulement l'animal est retiré de l'eau, plongé dans l'alcool et placé dans des flacons ou des tubes soigneusement bouchés. Le lendemain matin, le travail reprend. La bouée est de nouveau hissée à bord et le câble de la nasse s'enroule lentement autour du tambour. La nasse sort de l'eau; elle est soulevée au-dessus des bastingages, descendue sur le pont et son contenu est recueilli, poissons aux formes bizarres, à la tête énorme et aux corps grêle, quelquefois filiforme, à la bouche gigantesque faite pour qu'aucune des proies si rares dans les solitudes des abîmes ne puisse échapper et nourrisse ce corps réduit à son minimum de volume; on y trouve des crustacés, de longues crevettes écarlates
fait
desti:1ées à être l'ornement des collections et dont on s'amose à faire cuire quelques-unes, afin de permettre, à ceux auxquels elles seront servies, de se vanter d'avoir mangé un mets aussi rare que précieux. Les
pièces sont dessinées, s'il y a lieu, et mises dans
l'alccol.
Mais en même temps qu'apparaissait la nasse, arrivait aussi l'anneauauquel était fixée l'extrémité des
palargres. On hisse à bord cette longue ligne; les avan~;ons montent un à un. Beaucoup sont vides, car les très grandes profondeurs sont peu peuplées, sur-
tout je gros poissons susceptibles d'être pris à l'hameçon. Les captures n'"Cn ont que plus de valeur. Parfois même arrivent des requins. Le requin de surface possède une figure de brute et d'assassin, en même temps vile et féroce. Mais si horrible qu'il soit, le requin des profondeurs est plus horrible encore. Qu'on s'imagine une masse noire, molle, flasque, aplatie sur les planches du pont, à peau non --)as rugueuse mais lisse, luisante, une tête plate rappelant un peu celle de la vipère et un oeil que je ne ~,ais comment qualifier, sinon par le mot u atroce >·, oeil petit, éclairé d'une lueur phosphorescente, livide et profond comme un immense souterrain, aux parois tout imprégnées jusqu'au plus profond de ses profondeurs, d'une lumiére pâle et verdâtre! Pendant le cours d'une campagne sur mer, il convient surtout de recueillir des documents aussi nombreux que possible en notant jusqu'aux moindres circonstances qui s'y rapportent. L'idéal serait de n'en combien de fois arrive-t-il qu'une négliger aucun particularité futile en apparence prenne à l'étude une mportance capitale! On regrette toujours de n'avoir pas remarqué certains détails qui prennent subitement un intérêt inattendu. C'est pourquoi toutes les expériences. les mesures, sauf les plus rigoureusement indispensables, doivent être laissées de côté pour n'être exécutées qu'au retour, dans la tranquillité et le confortable scientifique du laboratoire, chacune par son spécidiste. Quelque parfaite que soit l'installation à bcrd, on aura toujours à compter avec le manque d'espace, la gêne mutuelle de personnestravaillant les unes à côté des autres, le mouvement du navire, le peu de lumière. A bord, la récolte des documents, les mesures absolument nécessaires, la prise de notes, de beaucoup de notes, la conception d'idées générales résultant de la vue d'ensemble des phénomènes; à terre, la mise en oeuvre des matériaux, l'élaboration complète et déf nitive par la vérification des hypothèses. C'est pour obéir à cette maxime, qu'à n'importe quel rnoment, en marche comme en opération, il faut s'emparer de tout ce qui passe à portée. Une épave flottante, si on parvient à mettre un canot à la mer pour s'en saisir, peut être un butin précieux. De grands haveneaux sont disposés du côté intérieur des bastingages, filets arrondis comme les épuisettes des pêcheurs à la ligne, munis d'un long manche en bambou à la f~is solide et léger. Si l'on traverse des parages abondants en vellèles, en physalies et qu'on en voie défiler près du bord, le haveneau servira à les prendre. Au mouillage, s'il y a des rochers, on pose le tramail. Tcut est bon'à prendre c'est la moisson de la science!
Port de Dakar et l'Avenir de ce Port.
Les Travaux du
LE Gouvernement général de l'Afrique occidentale
française mène, avec une inlassable activité, les travaux grâce auxquels son immense territoire connaîtra l'ère d'une prospérité qui lui est bien due. Nous avons vu déjà les progrès accomplis par les chemins de fer. Ce n'est pas tout. A Dakar, les travaux du port militaire sont commencés depuis deux ans ceux du port de commerce viennent d'être adjugés et vont commencer incessamment. Les travaux du port militaire consistent dans la cons-
navires, en tout temps, un accès facile et un abri absolument sûr. Mais ce port n'a, actuellement, que des installations tout à fait rudimentaires; il n'a pas de quais accostables aux navires de fort tonnage; pas de grue pour charger ou décharger les marchandises, pas de terre-pleins pour les déposer, pas de magasins pour abriter celles qui sont transitées à Dakar. Le chargement et le déchargement des marchandises se font en pleine rade, sur des chalands, ce qui augmente sensiblement le prix du fret. Ces installations sont tout à fait insuffisantes pour le commerce actuel, et se prêtent encore moins au développement normal du trafic. Il importe de faire, le plus tôt possible, les aménagements nécessaires pour utiliser la situation naturelle, merveilleuse de ce port, et permettre au commerce de la colonie de se développer. Les travaux qu'on va exécuter répondent à ces divers besoins. En outre, Dakar est en voie de
devenir un port de charbonnage très important. Le nombre des bateaux quiviennent y charbonner est
truction d'une je-
tée de 2 500 mè-
de plus en plus
tres environ de
longueur, destinée à abriter la rade, et laissant entre les deux musoirs une passe de 200 mètres de largeur; de
grand, et ce nom-
dragages 5o hectares, à la profondeur de 9 mè-
les
bre
encore quand les
travaux d'aménagement du port seront terminés.
Quand
sur
travaux d'assainis-
sement seront
tres au-dessous des
plus
augmentera
achevés et auront fait disparaître toutes les causes d'insalubrité, quand tous les services du Gouvernement général seront dé-
basses
mers; d'un bassin de radoub de 200
mètres de long
pouvant recevoir les plus grands baLE PORT DE DAKAR. finitivement instalteaux, enfin d'un terre-plein sur lequel seront édifiés les ateliers, magalés à Dakar, la capitale du Gouvernement général sins et installations diverses de la défense mobile. sera certainement appelée à de brillantes destinées. La jetée est à moitié terminée, les dragages et Nus lecteurs n'ont d'ailleurs pas oublié que Dales fondations du bassin de radoub sont assez avancés; kar doit être mis en communication ferrée avec la les travaux exécutés par la maison Hersent sont grande ligne du Niger par le raçcord de Thiès à Kayes. poussés activement de façon à pouvoir, dès l'année Dakar se trouverait ainsi la tête de ligne de la grande prochaine, recevoir et abriter une flottille de torroute traversant de l'ouest à l'est toutes les possessions pilleurs. de l'Afrique occidentale, route d'environ 4000 kiloLes travaux du port de commerce qui viennent mètres, ainsi répartis d'être adjugés comprennentla construction de 2 môles 82o kilol11. ferrée
de 300 mètres de longueur, de 1900 mètres de quais accostables aux grands bateaux, les dragages nécessaires pour faire accéder les bateaux à ces quais et l'établissement de 18 hectares de terre-pleins pour le dépôt des marchandises. Le port de Dakar, qui est la porte d'entrée du Sénégal et du Soudan, occupe une situation géographique remarquable c'est le point de passage obligé pour tous les navires qui vont d'Europe vers le sud de l'Afrique. Au point de vue nautique, il présente aux
rée.
De Dakar à Kayes, voie De Dakar à Bammako ou Koulikoro, voie fer-
De Koulikoro à Timbouctou,Niger navigable. De Timbouctou à Karimama, Niger navigable. De Karimama à Cotonou, chemin de fer du
Dahomey
Total.
520
820
1 000 700
3 860
L'importance de cette voie au point de vue commercial, agricole et militaire est évidente. Elle contribuera forcément au développementde Dakar.
Comment est possible la Pén~tration de la Chine par les Étrangers. EsT un fait universellement reconnu que le Japon
pénètre la Chine; mais on est en droit de se demander si les changements que l'entreprenant Japonais pourrait imposer à son frère jaune, sont comparables à l'étonnante révolution qu'il a opérée lui-même dans son sein. Les conditions sociales et politiques sont tellement différentes dans les deux pays qu'il est permis d'en douter. La transformation du japon est un phénomène unique on a prétendu l'expliquer par l'esprit d'imitation mais, dans tous les domaines, les japonais ont perfectionné les importations étrangères avec une aisance qui n'a rien d'une copie. Il faut plutôt y voir le génie inventifd'un peuple qui s'est révélé au contact d'une civilisation supérieure. A ces conditions particulières, s'ajoutaient des circonstances historiques sans lesquelles sa récente transformation n'aurait pu s'accomplir. Le japon ne possédait pas la stabilité politique et sociale qui constitue, en Chine, le principal obstacle aux innovations étrangères. Il sortait des luttes continuelles de la période féodale. Un grand besoin d'organisation et de centralisation se faisait sentir, et la restaurationdu mikado en résulta tout naturellement. Les conditions sociales de la Chine sont tout autres « Le public occidental s'est fait, sur ce pays, des idées peu nombreuses, il est vrai, mais bien arrêtées et passées depuis longtemps à T'état d'axiomes indiscutés La Chine, dit-on, est en décrépitude; elle est tombée en léthargie et ne se réveillera que pour subir le démembrement final. Elle est exploitée par une nuée de fonctionnaires qui passent leur vie à apprendre une écriture si difficile que les vieillards seuls arrivent à en faire usage. « Pour expliquer l'étonnante stabilité de cet empire, il sembleraitqu'on dût au moins lui accorder une certaine unité nationale. les missionnaires, les négociants et les « Non diplomates tombent d'accord sur l'absence complète d'un lien commun entre les populations des provinces de l'empire. « Ces assertions, basées sur des rapprochements superficiels entré deux civilisations qui n'ont rien de comparable, sont inexactes. La Chine n'est pas en léthargie. C'est. l'organisme le plus vivace qui se puisse imaginer, parce qu'il est constitué, non par un étatpolitique, mais par un état social parfaitement équilibré. Sa civilisation est d'ordre exclusivement moral; elle consiste dans l'étude des rapports sociaux entre la famille et les gouvernants, entre les gouvernants et l'État. Cette étude, qui est l'unique objet de la théologie, de la philosophie comme de la raison pratique des Chinois, a reçu son expression définitive, il y a 2500 ans,
et constitue une loi universellementadmise, dont l'autorl':é est le ciment de cette immense agglomération humaine. L'agent, grâce auquel pénètre partout cet idéal socialconforme au génie de la race, est cette merveilleuse écriture idéo-phonétique qui, s'adaptant à toutes les prononciations locales, a permis, depuis des milliers d'années, à des milliards d'êtres humains, de vivre dans une parfaite unité intellectuelle et morale. «,Tous les Chinois apprennentà lire dansles mêmes livr,3s élémentaires, puis à penserdans les mêmes livres classiques; il en résulte une communauté de sentimerits dont nous ne soupçonnons pas la puissance. « La trame sociale de cette humanité est trop solide pour être ébranlée par les fluctuations politiques ou les menaces de l'étranger. Les dynasties se succèdent sans qu'aucun changement profond en résulte; le peuple chinois est régi par son organisation sociale, bien plus que par ses autorités politiques. La famille, les associations, les syndicats d'associations, sont les véritables agents de l'ordre. Dans de telles conditions, une révolution analogue à celle du Japon est impossible. » La Chine ne la désire pas; aucun parti politique n'est capable de l'imposer au pays, et le Gouvernemerit au pouvoir ne s'amusera pas à introduire des réformes qu'il sait antipathiques au sentiment national. La pénétration de la Chine par l'étranger, qu'il soit russe ou japonais, se fera autrement. Ce sera une superposition d'éléments nouveaux qui seront obligés de respecter l'esprit social de tradition. Les Chinois permettront peut-être ou ne pourront empêcher que les étrangers s'occupent en leur lieu et place de finances, d'armée, d'industrie; mais c'est à condition que ces nouveaux services fonctionnent sans que soit atteinte l'intégrité des institutions fondamentales. On peut diriger des affaires chinoises on ne peut révolutionner la Chine.
La Défense de l'Indo-Chine. situation militaire de
nos possessions d'ExtrêmeOrient a été envisagée avec une certaine inquiétude par ceux qui voient dans la guerre russo-japonaise un présage fâcheux pour l'avenirde notre colonie. Le d iscours qu'a prononcé M. Beau à la dernière session du Conseil supérieur remet les choses au point; il est de r.ature à dissiper des craintes exagérées. « Les années 1903-1904. dit l'honorable gouverneur, ont été marquées par des progrès notables dans l'organisation de la défense militaire et maritime de la colonie. « La situation militaire de la Cochinchine, il y a deux ans, était particulièrement précaire. La ville de Saïgon et l'arsenal n'étaient protégés par aucun ouvra~;e. Les effectifs des troupes françaises ou indigènes étaient absolument insuffisants. Au cap Saint-Jacques, les batteries n'étaient même pas outillées pour faire le tir de nuit, la défense du front de terre était tout à LA
fait insuffisante. (( Au Tonkin, à part quelques batteries sans valeur, il n'existait aucune fortification. Le corps d'occupation y est, il est vrai, plus nombreux, mais les éléments en étaient dispersés sur toute la surface du territoire et la mobilisation eût exigé plus d'un mois. (( L'état des défenses maritimes n'était pas plus satisfaisant. Les vieuxbâtiments cuirassés, qui forment à Saïgon la division de réserve, n'avaient pas d'équipages et se trouvaient immobilisés dans le port. Les torpilleurs seulement se trouvaient en état de coopérer sérieusement à une défense mobile active encore auraient-ils dû, faute d'un centre de ravitaillements, de refuge et de repos, renoncer à stationner dans l'estuaire des rivières de Saïgon, qui est cependant leur champ d'action tout indiqué. n'existait pas. La (( Au Tonkin, la défense mobile baie d'Along, inutilisée par nous, offrait à l'ennemi des mouillages sûrs où il pouvait tranquillement se concentrer et préparer des attaques à terre. (( Un travail considérable de réorganisation a été accompli. (( Le Conseil de défense s'est réuni onze fois en cc~o3-i9o4; il a examiné les questions suivantes posées par le Comité consultatifde défense des colonies recrutement indigène, réserves indigènes, cadres; emploi des réserves européennes défense générale de la Cochinchine, défense côtière et maritime, défense de
renforcée depuis quelques mois par l'arrivée de nouvelles et pré!;ieuses unités. Un centre de stationnement s'organise à l'abri du cap Saint-Jacques, et nos officiers pourront enfin, par un séjour prolongé dans ces parages, acquérir la connaissance indispénsable de la côte et du delta cochinchinois. « Les défensessous-marines, dontlaguerreactuelle nous montre le rôle presque prépondérant dans l'attaque et la défense d'un grand port, ont été étudiées et organisées ainsi que le travail si important des sémaphores. Toutes ces transformations, toutes ces études ont été faites de concert avec l'autorité militaire. Le général de Beylié, commandant du point d'appui, a su grouper toutes les bonnes volontés et les faire concourir à un travail méthodique de coordination de tous les efforts vers un but unique bien défini. « Le problème de la défense maritime est plus simple au Tonkin qu'en Cochinchine. Tout le travail préparatoire de l'installation d'une défense mobile en baie d'Along est achevé. « Quelles que soient les ambitions qui nous entourent et alors même que devrait prévaloir un jour, sur les deux rives du Pacifique, la nouvelle et audacieuse théorie de « l'expropriation des races incompétentes », l'Indo-Chine française poursuivra sans crainte son évolution. »
l'intérieur. ((
Défense générale du Tonkin et de l'Annam, dé-
fense côtière et maritime, défense de l'intérieur; organisation des troupes sur le pied de paix, sur le pied de guerre, répartition des troupes en temps de paix; organisation du commandement et des états-majors; organisation de l'infanterie, de l'artillerie, du génie, de la cavalerie, de la gendarmerie, des formations sanitaires, des formations administratives, du service vétérinaire, de la remonte, des postes et du Trésor, en temps de guerre, etc. « Il reste sans doute beaucoup à faire, mais on peut dire qu'au cours des deux dernières années la situation militaire de l'Indo-Chine a été transformée. « Les effectifs des troupes européennes de Cochinchine ont été portés de 3 000 à 5 000 les effectifs indigènes, de 25°0 à 4550; les troupes du Cambodge ont été renforcées par deux compagnies indigènes, comprenant un effectif de 383 hommes recrutés sur place. « Au Tonkin, il a été créé trois bataillons de chasseurs-frontière, et la brigade de réserve a été renforcée par un bataillon européen et une batterie. Les unités sont désormais groupées à proximité de leurs chefs, de leurs centres de recrutement et de leur lieu d'action. La mobilisation, qui exigeait un mois, se fera désormais en moins de huit jours. \( Les fortificationsde Saïgon sont commencées et les ouvrages les plus importants seront prochainement achevés. Les batteries du cap Saint-Jacques sont maintenant outillées en vue du tir de nuit; les défenses du côté de terre ont été notablement renforcées. \( La défense maritime, sous l'active impulsion du commandant Poidelouë, s'est également et très heureusement transformée. La division de réserve est aujourd'hui en état dé coopérer très honorablementà la défense de la colonie. La défense mobile se trouve
Camille Enlart, Directeur du Musée"de Sculpture compaRouen. 1 vol. petit in-4, illustré de ~08 gravures. Broché, 4 francs, relié 5 francs. (Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tournon, Paris 6e.) rée.
le visiteur LORSQYE
regarde Rouen du haut
d'une des
nombreuses collines qui l'entourent, il est saisi par la beauté du paysage et par le nombre des monuments qu'il voit s'élever de toutes parts dans la ville. C'est l'histoire de cette ville et de ces monuments que M. Enlart nous fait connaître d'une façon aussi rapide et complète que possible dans le Rouen qu'il vient d'écrire pour la collection des Villes
d'Art célèbres.
Saint-Ouen, Saint-Maclou, la Cathédrale, le Palais de Justice, la Grosse-Horloge, l'Aitre Saint-Maclou, etc., sont des monuments populaires entre tous, mais ce ne sont pas les seuls que possède la ville, car chaque époque a travaillé à son embellissement; comme le dit excellemment M. Enlart, « Rouen n'a jamais cessé de prospérer, c'est pourquoi il est une ville d'art très complète ». Le volume de M. Enlart est abondamment et bien illustré. Aspects, quais, rues, vieilles maisons, monuments, soutels que prison et emplacement du venirs historiques, vivent ou revivent devant nos bûcher de Jeanne d'Arc, yeux, grâce aux cent huit excellentes reproductions directes du livre, dont un grand nombre sont dues à l'érudit auteur. M. Enlart nous donne ainsi à la fois un livre et un album il nous montre que Rouen est une ville particulièrement privilégiée sous le triple rapport de la situation, de
l'artet de l'histoire.
Robert de Caix.
Terre-Neuve, Saint-Pierre et le French (Enquête Shore. sur la question des pêcheries et du traité du 8 avril ~90¢.) Paris, Société française d'imprimerie et
de librairie, 1904. M. de Caix est allé se rendre compte de la situation de pêcheries de Terre-Neuve. Dans une série d'études d'une nos
documentation solide et d'une démonstration très serrée, il explique que nos droits sur le French Shore s'abrogeaientpeu à peu et qu'il convenait d'en négocier les débris.
L'Amélioration des Territoires dans le Nord Sibérien. On s'occupe en ce moment, dans les milieux scientifiques, d'améliorer les vastes régions du Nord de la province de Tomsk ces territoires ont une étendue immense, mais la population en est incroyablement peu dense; les marécages et les étangs y sont très nombreux, les crues y sont effrayantes, et il y a des rivières près desquelles il est presque impossible de s'établir. Malgré les crues, si l'on en croit le journal de Tomsk, les habitants de ces terres déshéritées pourraient vaincre les difficultés, mais un ennemi plus petit semble invincible en été et en automne, il n'est pas de pays peut-être où les moustiques soient plus nombreux. Dans ces saisons, seuls les indigènes toungouses, établis au bord des rivières, semblent savoir voyager. Ce sont ces rivières, où parfois les hauts-fonds sont nombreux et les bancs de sables fréquents, mais qui sont larges et navigables, que des spécialistes voudraient améliorer.
Le Commerce indo-chinois en 1903. Le commerce extérieur de cette colonie a atteint, pour 1903, le chiffre de 324702000 francs, inférieur de ~5yz~ooo francs, soit IS,90 pour 100 à celui de l'année 1902. Les importationssont en diminution de to 909 00o fr., soit 5,07 pour 100 et les exportations de 64818000 francs, soit 35 pour 100. Ce recul important dans le mouvement commercial de l'Indo-Chine doit être attribué en grande partie à la mauvaise récolte du riz, dont l'exportation est tombée de 134095000 francs, en 1902, à 75820000 francs en 1903. Cette mauvaise récolte a affecté non seulement les chiffres de l'exportation, mais en diminuant la puissance d'achat des indigènes, elle a également Influé, jusqu'à un certain point,
sur le mouvement des importations. Une des raisons principales de la diminution du chiffre des importations a été l'augmentation moyenne de JO à 15 pour ioo constatée en 1903 sur les produits européens, calculée en monnaie indo-
chinoise.
Cette hausse a été la conséquence naturelle de la baisse du taux de la piastre; cetle baisse a été désastreuse pour les colons et surtout pour les indigènes, dont les rentrées se font en piastres et qui se trouvent forcés de réduire leurs achats proportionnellement à la hausse que les écarts de change font subir aux produits. Malgré le recul constaté dans le mouvewent commercial de l'année 190,3, la situation de l'lndo-Chine n'apparaît pas mauvaise. 11 est probable que les mauvaises récoltes de riz ne se répéteront pas souvent, et d.ailleurs on s'efforce d'améliorer la culture de cette denrée.
Formation de la Compagnie des. Chemins de fer de l'Afrique orien-
tale allemande.
Un syndicat de banquiers allemands vient de recevoir du Gouvernement impérial l'autorisation de fonder une Compagnie de cbemin de fer de l'Afrique orientale.
Cette Compagnie devra, comme premiers travaux, construire la ligne de Darressalam à Morogoro, dont elle aura ensuite l'exploitation. La voie aura 1 mètre de largeur. L'achèvement des travaux et l'ouverture de la ligne devront avoir lieu dans un délai de cinq ans, à moins que, en raison de difficultés imprévues, cette durée ne soit proloagée par le chancelier. La concession du chemin de fer de Daressalam à Morogoro a donné l'idée de créer une entreprise de transports qui aurait pour objet de conduire les marchandises de Moro-
goro dans l'intérieur et jusque dans le pays des lacs. On emploierait pour cela des charrettes traînées par des ânes et on se servirait de ces animaux comme porteurs là où la c:rculation pour les voitures est impossible. On prévoit aussi une ~ntreprise d'élevage en grand et la création de plantations de coton dans la principale station.
Prolongement du Chemin de fer central du Brésil. Le récent voyage du président de la République à Minas Geraes, où il est allé assister à l'inauguration d'un
nouveau prolongement du chemin de fer central, a donné quelque actualité à cette voie ferrée et surtout à son avenir, au point de vue des communications qu'elle assurera avec l'intt:rieur et le nord du Brésil. Pour les Mineiros, tout prolongementdu chemin de central, fer c'est le San Francisco qui se rapproche, et attei-~dre ce fleuve est le rêve de Minas Geraes. La situation financière n'a point permis de poursuivre, aussi avant qu'on l'aurait souhaité, le projet d'atteindre Piya~ora; ce projet a eu aussi à souffrir des critiques de ceux qui prétende lit que le tracé du Central n'est point celui qui lui convient le mieux; il a été ajourné, mais ce qui est hors de doute, c'est que cette ligne, pousséejusqu'à Pirapora, attehdra un point où il sera possible d'ouvrir des communications avec 7 ooo kilomètres de rivières navigables ou pouvant être rendues telles. Cet idéal des Mineiros est relativement rapproché. Le prolongement du chemin de fer central, qui vient d'être inauguré, a été d'une exécution très facile et comprend, de Coraésburgo à Curvello, une distance de 54 kilomètres. Au delà de Curvello, où 4o kilomètres sont déjà en état de recevoir les rails, la construction est plus facile encore. D'après les p °emières études, la distance de Curvello à Pirapora était d'environ 240 kilomètres; aujourd'hui, d'après de nouvelles étud~ss, elle se trouve réduite à 213 kilomètres et à 1.73 à peine si l'on tient compte des 40 kilomètres en état de recevoir des rails. Cette distance, une fois franchie, le chemin de fer central atteindra le point où le San Francisco devient franchement navigable et établira une communication intérieure entre le sud et le nord du pays.
La Navigation sur le Mékong. résident supérieur, au Laos, vient d'accomplir deux voyages qui pourront avoir la plus heureuse influence sur l'avenir de la navigationdu Mékong. Dans le premier, dont M. le
l'itinéraire était
Vien- Tiane-Saigon-Vlen-Tiane,M. Mahé a mis à la descente neuf jours et à la montée douze jours et demi,
remcntant dans tout leur parcours les rapides de Kemmarat. Des observations qu'il recueillies, il résulte que le fleuve est navigable jusqu'à Vien-Tiane pendant cinq mois de l'année. Cette période de navigation pourra même s'élever à huit et neuf mois par an, quand les études et les travaux nécesssaires pour le balisage auront été effectués. Le second voyage avait pour itinéraire Vien-Tiane,
Luang-Prabang, Ban-Houéi-Say, Luang-Prabang-Vien-Tiane. M. Mahé, parti de Vien-Tiane est arrivé à Luang-Prabang quatre jours après. Il repartait le soir même pour B-in-HouéiSay, et était de retour à Luang-Prabang une semaine plus tard, et à Vien-Tiane le surlendemain. Le voyage s'est effectué dans d'excellentes conditions. Il y avait cependant des obstacles sérieux à franchir en aval et en amont de Luang-Prabang. Ce n'est pas à dire que la navi~ation du Mékong soit facile, mais elle est possible pendant un certain temps, ce qui a été nié trop longtemps. Avec un bon matériel, de bonnes machines, et un personnel rompu à la navigation du fleuve, on pourra tnompher ces difficultés qui semblaient s'opposer à la pénétration du Laos.
Excursion à Sân al-Hagar.
Ruines de l'ancienne Tanis.
Les ruines classiques de l'antique Égypte retiennent l'attention des savants et des voyagezzrs, et leur intérêt fait pâlir les souvenirs rzwins connus d'une terre si riche en rnonuments. Cependant le royaurne des Pharaons tout entier est jonché de souvenirs qui feraient la glofre d'un pays ~noirzsprivilégié. Les ruines de l'ancienne Tarzz's, si elles n'ont ~as conservé l'allure Égyptiens. ~rza~éstzzeuse des grandes villes dis~arues, attestent hautenzerat la puz'ssante architecture des anciens
Les ruines de l'ancienne Tanis sont situées sur la rive
droite ou orientale du bahr Moëz, canal dérivé du Nil, qui vient se jeter dans le lac Menzaleh, à droite de la presqu'île du même nom. A l'extrémité des ruines, sur le bord de la rivière, se trouve le village arabe de Sân al-Hagar, qui a conservé le nom arabisé de l'ancienne capitale pharaonique. Pendant mon séjour à Port Saïd, j'ai fait deux fois le voyage de Sân. Le seul
moyen
dans le lac. Même en été, à l'époque des basses eaux du lac, on voit ces deux lignes de verdure se projeter parallèlement à une grande distance dans la nappe liquide. Quand on s'éloigne du lac, la double bordure de végétation qui longe la rivière s'élargit un peu; on voit apparaître quelques champs de coton ou de dourah. De distance en distance, un bouquet de dattiers ombrage une e,~bé, ou ferme arabe. Au delà de cette zone étroite, de chaque côté de la
pratique
est d'aller en bar-
rivière, c'est le désert à perte de vue, une plaine immense de sables arides qui renvoient à l'œil fatigué les réverbérations éblouissantes du puissant soleil d'J:gypte. Parfois
que. Le chemin de fer nous transpor-
terait après
de
longs détours jusqu'àSalahieh,mais il resterait encore plus de 3o kilomètres à parcourir dans une plaine complètement ari-
le mirage vient faire diversion à
de et déserte. Par la voie d'cau, le
cette monotonie.
trajet est
long, mais très agréable, et sans fatigue. 11
Lesruinesde Sân forment un
monticule élevé
faut traverser le lac Menzaleh dans toute sa largeur, de Carpouty à
qui, dans une plai-
VILLAGE DE~SAN :~MAISONS ARABES DANS LES RUINES.
ne absolument unie, produit l'efPhotographie de M. L. Leroy. fet d'une chaîne de l'embouchure du montagnes. On les aperçoit de très loin. Nos mariniers bahr Moëz; cette traversée demande quatre heures par nous les indiquèrent plus de cinq heures avant. que un bon vent. On s'engage ensuite dans la rivière, et nous y fussions arrivés. il faut huit à dix heures de navigation pour arriver à La nuit nous surprit bien avant que nous fussions Sân. parvenus à notre destination, mais une belle nuit d'été, La limite entre le lac et les terres marécageuses éclairée par un splendide clair de lune. Le fleuve, tande la rive méridionale est très indécise et varie suivant tôt large et majestueux, tantôt étroit et resserré, resles saisons. Les berges du bahr Moëz, couvertes de roplendissant sous la pâle lumière de la pleine lune, la seaux et de plantes marécageuses, s'avancent très loin A TRAVERS LE MONDE.
52e LIV.
No 52.
24 Décembre 1904.
silhouette fantastique des ezbés et des plantations de la rive, et, au delà, le désert immense, inondé d'une douce clarté, tout cela produisait un spectacle véritablement féerique. Nous arrivâmes vers minuit et nous allâmes jeter l'ancre à l'autre extrémité du village, à un endroit où les derniers monticules de décombres viennent plonger dans la rivière. Notre arrivéefaitsensation, les chiens donnent l'alarme et aboient furieusement. Quelques habitants viennent se rendre compte de la cause de ce vacarme. Ils engagent la conversation avec nos Arabes et avec nous-mêmes. Quand ils ont pu se convaincre que nos intentions sont pa.cifiques, ils se retirent, à l'exception d'un aubergiste grec qui nous engage à venir passer la nuit dans son hôtel. Nous préférons notre barque et nous nous y installons comme nous pouvons, pas très confortablement, mais peu importe! Nous ne tenons pas à dormir profondément, car nous voudrions assister au lever du soleildu haut des ruines de Tanis. Après avoir, sans succès, essayé de gt:>ûter un peu de sommeil dans la cabine, je vais m'installer
Le visage tourné vers l'orient, nous attendions, insensibles à tout autre objet. Il n'y avait ni une nuée
ni la plus légère trace de brouillard pour dérober à nos
sur le pont. L'aube com-
yeux l'astre naissant. Bientôt un point brillant apparut à l'horizon; ce point s'accrut, puis le disque solaire tout entier se dégagea radieux, inondant de ses feux rougeâtres les jaunes débris de la ville des Pharaons. Saisis par la beauté de ce spectacle, nous attendîmes que le soleil se fût levé à une certaine hauteur et que ses rayons eussent recouvré leur blancheur normale. Alor; nous cherchâmes à nous rendre compte de ce que nous avions autour de nous. Nous étions à près de 4° nètres d'altitude. La colline, très large, paraissait s'allonger indéfiniment vers le sud. Du côté de l'est, nous avions à nos pieds la fameuse plaine de Tanis, qui fut le théâtre des plaies d'Égypte « Dieu a accompli ses merveilles dans la plaine deTanis », Ps. 77. Nous voulûmes y descendre pour nous rendre compte de l'aspect des ruines de ce côté. Le sentier cessait au sommet; aussi la descente s'opéra avec difficulté. Ce côté de la colline est beaucoup plus abrupt que
chir le ciel du
Après quelques
côtédel'Orient, quand mon attention fut attirée parle clapotementdeseaux
minutes d'une marchepénible, au milieu d'un
mençait à blan-
dans la direction du village c'étaient deux femmes de Sân qui prenaient un bain matinal avant le lever du jour. Je songeai à la fille de Pharaon al-
l'autre versant.
tourbillon de
poussière, sur un sol qui se dérobait sous nos pas, nous parvînmes dans la plaine, recouverte aussi, jus-
qu'à une grande distance, de la 1S1`EC1' GÉP'I~:RdL DE~ !lI'.INES DE TANIS.
même pous-
sière jaune, mêlant prendre lée de débris Photog~~aphie~de M. L3Lenoy. dont la colline son bain aux est formée. Celle-ci a un aspect plus grandiose et environs de la même ville, le jour où elle sauva Moïse. plus sauvage que du côté de la rivière. La pente est J'éveillai mes compagnons, et ,nous nous dirigeâmes, pius rapide, et elle paraît plus haute. Le fleuve et ses dans une demi-obscurité,vers le point culminant de la rives verdoyantes, ainsi que le village, [sont dissimulés colline. Un sentier conduisaitdans cette direction, nous derri~re la hauteur, et l'on n'aperçoit que ruines et arimarchions sur un sol rougeâtre et poudreux, formé évidité. Nous nous demandons quelle ville a pu laisser un demment de poussière de briques. Le sentier nous pareil amas de décombres. (( La ville égyptienne par amena bientôt dans un dédale de murs écroulés, de coelle-même n'était rien, dit M. Maspéro une enceinte lonnes et d'obélisques renversés et brisés, de statues fortifiée, quelques maisons d'apparence médiocre, où et de sphinx mutilés et en désordre. Nous passâmes rales riches et les employés du Gouvernementlogeaient, pidement pour ne pas manquer notre lever de soleil, en puis, sur des monticulesd'antiques décombres accrus nous promettant bien de mieux satisfaire notre curiode siècle en siècle, des masures éphémères en pisé ou sité à notre retour. La colline devenait de plus en plus abrupte, et nous avions peine à avancer, lorsqu'on en briquescrues, divisées en groupes irréguliers pardes s'écartait du sentier battu car le sol, formé d'une pousrues ~troites et sinueuses. Tout l'intérêt se concentrait sière sans consistance, s'éboulait sous nos pieds, et sur le temple et sur ses habitants, hommes et dieux. » Si l'état de complète destruction des ruines de nous soulevions une aveuglante poussière jaune. L'asTanis atteste le peu de solidité de ses constructions, cension, heureusement, ne fut pas longue, et au bout leur immense étendue et leur hauteur considérable de quelques instants, nous atteignîmes le point le plus élevé de cette partie des ruines. Un petit édifice de nous donne une idée de la grandeur de l'ancienne capitale des rois-pasteurs. Après avoir rassasié nos repierres le désignait de loin à nos regards. Il faisait garde; et notre imagination par l'évocation de l'antique déjà grand jour, et le soleil n'allait pas tarder à faire capit.1le pharaonique, nous repassons le monticule pour son apparition.
visiter plus attentivement les restes du temple près desquels nous avions passé hâtivement au point du
jour.
Les anciennes villes de la Basse-Égypte sont beaucoup plus ruinées que celles du Saïd. A Tanis, comme à Bubaste, comme à Péluse, tout est renversé et brisé les tronçons de colonnes et d'obélisques, les débris de colosses, les statues et les sphinx mutilés, gisent pêle-mêle sur le sol. A l'entrée, lorsqu'on vient du village, on trouve un amas considérable de pierres taillées, trop informe pour que l'on puisse juger de sa destination primitive. C'étaient peut-être les pylônes du temple ou sa façade. Quelques pas plus loin, au
pied d'un second monceau de pierres semblables, gisent les débris d'un colosse de granit. La tête est séparée du tronc, les bras et les jambes sont cassés. Mais à en juger par les proportions de ses restes, ce colosse égalait ceux de Memphis et de Thèbes. C'est sans doute le fameux colosse monolithe que Ramsès II se fit érigeràTanis,
et qui pouvait soutenir la comparaison avec les plus grands de l'Égypte. A quelques pas de là, un obélisque, renversé sur
une
éminence et cassé en deux, semble dominer ces débris. Les deux tronçons
réunis auraient une
longueur de 18 à 2o mètres. Chacune de ses faces peut avoir i m. 6o de largeur. Au sommet, le roi Ramsès II est
représenté
à ge-
gauche un sceptre, et dans la droite le signe de la vie. Le roi, qui porte aussi la couronne des deux Égyptes, lui offre un pain. Ce qui reste se compose de blocs épars, de statues et de sphinx plus ou moins mutilés, semblables à ceux que l'on rencontre dans les autres ruines égyptiennes. Nous asseyant alors à l'ombre de ces vénérables débris, nous voulûmes revivre par l'imagination la vie de cette grande cité si complètementdétruite et si importante encore dans ses débris informes. Nous sommes donc au milieu des décombres de la plus biblique des villes d'Égypte, qui fut mêlée aux plus grands événements de l'histoire de l'Ancien-Testament, celle où fut recueilli Moïse enfant, et qui, quatre-vingts ans plus tard, le vit apparaître menaçant, revêtu de la puissance du Très-Haut. C'est de Tanis que furent proférés les anathèmes qui changèrent les eaux du Nil en sang, remplirent le pays de grenouilles et de moucherons, couvrirent d'ulcères les hommes et les animaux, détruisirent par la peste une partie de
la
population,
anéantirent par la grêle, puis par les
sauterelles, les récoltes des Égyp-
tiens, couvrirent le pays de ténèbres si épaisses que l'on pouvait les tou-
cher.
Tanis donna
l'Égypte deux dynasties la vingt et unième et la vingtà
lSÈS Il S.1CRI4'IANT AU1 DIEUX SCULPTURES D"UN \( NAOS n :lfON1'RdN'l' troisième. noux, offrant une oblation à une diviAprès cette Photographie de M. L. Leroy. nité que l'on ne heure de gloire, peut reconnaitre, la pierre étant cassée à cet endroit. Tanis fut foulée par tous les conquérants. A quelques pas de cet obélisque, nous en trouAu moment de la conquête musulmane, elle n'était plus, comme de nos jours, qu'une chétive bourvons deux autres de mêmes dimensions, également renversés et cassés en deux. Puis nous découvrons un gade au pied d'un colossal monceau de ruines. Le gésecond colosse moins mutilé que le premier, mais un néral Andréossy, qui les visita en 1799, rend compte de son exploration dans les termes suivants (\ Non peu moins grand. Une femme de petite taille est sculptée entre ses jambes, dans le même bloc. Un troisième loin de ces deux positions antiques (Tennis et Tonnah) colosse, inférieur en dimensions aux deux premiers, et le long du canal de Moueys, se trouve le petit bourg est beaucoup mieux conservé. Les jambes, seules, ont de Sân, reste de la Zoan de la Bible, l'ancienne Tanis, été rompues, le tronc et la tête sont intacts. Il porte qui fut une ville immense au temps des Grecs et des Romains. Dans son intérieur, on retrouve encore les sur la poitrine le cartouche de Ramsès II, et les traits du visage rappellent ceux du colosse de Sakkara. débris d'un forum spacieux ayant la forme d'un paA gauche de cet endroit, l'attention est attirée rallélogramme sa grande entrée était du côté du canal, et de petites issues latérales le coupaient dans par un monument de granit rouge, en forme de coffre, taillé dans un seul bloc. Il est recouvert sur toutes ses tous les sens. Aujourd'hui, Sân n'est important que faces de figures en creux et d'inscriptions hiéroglypar un grand commerce de dattes que les Arabes de phiques. C'est un naos ou chapelle dédiée par Ramsès Il Salahieh viennent livrer, en échange de poissons salés. » aux dieux Atoum, Horus et Khopri. Sur la face latérale, Ramsès le roi Il est représenté trois fois, sacrifiant aux Le forum, dont parle le général Andréossy, retrois dieux, auxquels le naos est consacré. Au centre, présente évidemment les ruines du temple. Quant à la bourgade de Sân, elle est dans l'état où il la trouva se tient le dieu Atoum portant la double couronne de Basse-Égypte; la Haute et de la il a dans la main une agglomération de huttes arabes en pisé et quelques
maisons en briques enlevées aux décombres de fancienne ville. Nous voulûmes traverser ses ruelles étroites pour revenir à notre barque, et notre passage excita, commeil arrive toujours dans les localités peu fréquentées des Européens, un vif sentiment de curiosité. Hommes, femmes et enfants, désireux de voir les Frangis, se mirent à notre suite. Mais, contrairementà notre attente, pas une injure ni une pierre ne nous fut lancée; l'attitude des Arabes fut très courtoise, et le cheikh, avec qui j'engageaila conversation,nous invita même à prendre le café. Quand nous eûmes regagné notre barque, j'ordonnai à nos Arabes de remonter la rivière. A une petite distance en amont du village, elle se bifurque en deux bras, dont l'un s'étend le long des ruines, tandis que l'autre s'en écarte sous la direction du sud-ouest. Nous aurions voulu remonter celui des deux bras qui longe les ruines de plus près. Le peu de profondeur ne nous le permit pas, et nous dûmes nous engager dans la branche principale. Nous nous étions à peine éloignés de quelques centaines de mètres que nous eûmes sous les yeux un spectacle grandiose. La colline formée par les décombres de Tanis à laquelle nous aurions donné, en la voyant du village, i ou 2 kilomètres de longueur, s'allongeait à perte de vue jusqu'à l'horizon, toujours aussi haute, dominant avec majesté la plaine absolument unie. L'imagination reste confondue en songeant à la prodigieuse quantité de constructions qu'il a fallu pour produire cet énorme amas de débris. Une autre surprise nous était réservée. Nous avions à peine dépassé les plantations qui bordent la rivière au sortir du village, que nous aperçûmes, à notre gauche et à notre droite, un lac splendide parsemé d'îles verdoyantes, aux eaux éblouissantes, sous les rayons du soleil de midi. C'était un mirage, le plus beau qu'il m'ait été donné de voir, celui où l'illusion était la plus complète. Ce lac fantastiquecommençait au bord même de la rivière sur laquelle nous voguions, à quelques pas de nous. Ses eaux et leurs ondulations, ses îles avec leurs arbres verdoyants et leurs herbes touffues, se dessinaient avec la même netteté que s'ils eussent existé réellement. Il n'y avait rien d'indécis ni de vaporeux. L'illusion de ce spectacle po~vait toutefois se reconnaître à deux signes des ondulations semblables à celles qui paraissaient agiter la surface du lac, devenaient, par moments, visibles dans l'air, à une certaine hauteur au-dessus du sol. L'atmosphère prenait alors une légère teinte sombre. En second lieu, nous pûmes observer que plus nous nous élevions, plus la rive apparente s'éloignait de nous; elle se rapprochait, au contraire, quand nous nous baissions. 11 ne nous fut pas possible de remonter bien loin la rivière. Nous n'avions pas un souffle d'air, et nos Arabes, qui nous poussaient à la perche, sous un soleil torride, étaient ruisselants de sueur. Nous nous arrêtâmes à la première île que nous rencontrâmes. Elle était verdoyante comme celles que nous montrait le mirage, et entourée d'une ceinture de roseaux, ce qui nous fit penser aux roseaux du Nil, au milieu desquels fut exposé Moïse. Ce fut sans doute dans cette région, puisqu'il fut exposé à proximité de Tanis, du côté de la terre de Gessen. Bien que l'eau fût très boueuse, car c'était l'époque de la crue du Nil, nous voulûmes
prenc re un bain dans les eaux où Moïse fut sauvé. Notre bain achevé, nous revînmes vers le vil-
lage. Quelques-uns d'entre nous voulaient repartir immé.diatement pour Port-Saïd, mais la violence du vent qui soufflait exactementdans le sens contraire, et l'impossibilité de louvoyer dans une rivière, nous retint de force à Sân. Je ne regrettai point ce retard. Nous descendîmes dans une île formée par le fleuve, en face du village. Il y avait une ezbé dissimulée, selon l'usage, sous un bosquet de dattiers. Nous reçûmes de ses habitants l'accueil le plus cordial. Décidément, les Arab,s de Sân sont les plus affables que j'aie rencontrés en Égypte. Cette île, bien arrosée, est d'une fertiUé admirable, comme toutes les basses terres de la va lée du Nil. Elle est couverte de vigoureuses plantations de coton, de millet et de dourah. De distance en distance, s'élevaient de petits monticules de terre. Nous en demandâmes l'usage. Alors un enfant, tenant en main une fronde, monta sur l'une de ces éminences et la1ça, à une grande distance, une pierre sur ure bande de petits oiseaux qui jacassaient, perchés sur un arbre, et il nous expliqua que ces buttes servaient ce positions aux frondeurs, qui, au moment de la récolte, devaient veiller incessamment pour écarter les oiseaux et le; empêcher de manger le grain. Quand la nuit fut venue, le vent tomba et changea de direction, comme nos Arabes l'avaient prévu. Nous pûmes mettre à la voile et savourer de nouveau le plaisir d'une nuit de navigation à la voile, sur le Nil, au beau milieu de l'été. Il faisait grand jour quand nous quittâmes le fleuve pour aller dans le lac. Au bout de quelques heures, nous rentrions à Carpouty après avoir fait deux courtes stations aux îles de Ton:1ah et de Tennis. L. LEROY.
La Soie d'Araignée. ÉCOLE professionnelle de Tananarive a repris des
casais, jadis tentés et abandonnés, de travailler de la soie d'araignée. Les premières expériences de dévidage du fil de la Ne~loila Madagascarievcsa's ou Halabé des Malgaches sont dues au Père Camboue, missionnaire fran;ais. Il enfermait les araignées dans des boîtes d'allumettes, de façon à laisser émerger l'abdomen, et il tirait le brin qui se présentait à l'orifice. M. Nogué, actuellement'sous-directeurde l'École, a adopté un appareil de dévidage dont le principe est le même que celui du Père Camboue. Cet appareil peut être assimilé à une succession de huit petites guillotines. La partie inférieure est fixe, et la partie supérieure mobile pour enserrer l'araignée, de façon que l'abdomen seul sorte du côté d'une manivelle qui enroule sur une bobine, quand elle est mise en mouverr.ent, les huit brins de soie préalablement réunis sur un crochet métallique. On n'est pas arrivé encore à faire une éducation pratique de la Nepbila Madagascarie~z°is. Le mode de récolte employé aujourd'hui est d'envoyer les femmes à la chasse et de filer sur place avec l'appareil à guillotine; quand'l'araignée a rendu son fil, on la remet sur l'arbre. La soie ainsi obtenue, d'un beau jaune doré, revient à 1000 francs le kilogramme c'est un succès de laboratoire1
1;v'PARMI r.
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1,
La Condition de la Femme
au Congo.
UNE correspondance adressée au Mouve~nent géographiqace de Bruxelles par la mission des Pères blancs, nous donne, sur la condition des femmes au Congo des détails concernant la vie de famille et de travail journalier. En dépit de la bestialité souvent reprochée aux noirs, la femme congolaise n'est généralementpas maltraitée par son époux; certains droits lui sont même reconnus, et elle sait, au besoin, les faire
ou neuf heures vous le voyez déjà rentrer au village, la pioche sur l'épaule, et ce ne sera que vers quatre ou
cinq heures du soir que vous l'y verrez retourner. Devant une telle activité, les limites de la brousse ne reculent que peu à peu; lorsque le dernier coin est défriché et cultivé, le premier est déjà envahi de nouveau par les herbes. La femme reprend alors la pioche et se met à sarcler ce n'est d'ailleurs pas un très gros travail; quelques journées bien employées suffisent à cette opération. Dès lors, il n'y a plus qu'à attendre patiemment la récolte? Non, pour les femmes, ce n'est pas fini; il leur faudra encore défendre pied à pied contre les envahisseurs le fruit du travail. Ces envahisseurs, ce sont les cochons sauvages; ils sontlégion dans la contrée chaque nuit ils se plaisent à venir patauger dans les marais, et quand les champs sont sur leur chemin, ils ne rentrent dans les ravins sauvages de la montagne qu'après s'être réconfortés par un abondant repas
demaïsoudepatatesprélevésurlesespérancesdesnoirs. En janvier, février, vient l'époque où la faim s'installe souvent au foyer des Congolais; ils ont été ce que sont tous les noirs imprévoyants. Au temps de l'abondance, ils ont mangé copieusement et vendu plus que ne le permettait leur provision, aussi guettent-ils le moment où le maïs aura pris quelque consistance. Alors lafemme ira journellementà son champ, cueillant çà et là les épis les plus mûrs. En attendant ce moment, qui marque la fin d'un jeûne forcé, la femme n'a pas grand'peine à remplir sa tâche de cuisinière il n'y a rien autre chose à trouverque des feuilles de patates, de courges, de manioc, d'amarandes sauvages que l'on cuit à l'eau, tout comme nos épinards. Ce sera là tout le menu du repas de la famille. Le maïs vient-il à être mûr et bien dur, sa préparation crée à la femme des occupations plus suivies. Il faut le cueillir, l'égrener.
trop souvent, malheureusement, l'enfant qui peut courir est beaucoup trop abandonné à lui-même, surtout si un plus jeune est venu le remplacer dans les L'enfant, au lendemain préoccupations maternelles. de sa naissance, prend position aux côtés de sa mère, suspendu dans un morceau d'étoffe ou une peau de chèvre. Sa petite tête émerge de ce berceau improvisé et se balance, tantôt à droite, tantôt à gauche. Le négrillon quitte bien rarement cette position c'est là qu'il fait l'apprentissage de la vie, apprentissage bien dur parfois, car il y est exposé au soleil de plomb comme au froid piquant des matinées d'été, à la pluie comme au beau temps, enfin, aux chocs de tous genres. C'est là qu'il prend son sommeil, malgré toutes les secousses qu'il subit; il va aux champs, en voyage, à la promenade, au travail, toujours avec sa mère. A-t-il faim, a-t-il soif; il crie, se démène un peu et finit toujours par être satisfait, étant toujours à portée de la corne d'abondance. Et ce train devie dure
longtemps, trop longtemps souvent, mais d'ordinaire jusqu'à ce que l'enfant soit assez grand pour se tirer d'affaire tout seul. L'homme seul s'est créé la nécessité de la couture il en supporte la peine. Il coud lui-même sa veste, ses culottes, se tresse un chapeau de paille La couture n'est donc pas une occupation féminine la femme se contente d'un pa~ ne d'une seule pièce:, qu'elle s'enroule autour des.reins. Les plus modestes et aussi les plus riches s'en revêtent complètement depuis les aisselles jusqu'aux talons. Le vêtement ne variant guère dans sa forme, c'est dans la solidité du tissu, l'éclat du teint, comme aussi dans l'abondance et la richesse du collier de perles que la vanité féminine ira se loger. Depuis que œuvre du missionnaire se fait sentir, la religion chrétienne commence à produire ses fruits de civilisation. Les familles chrétiennes, par la pratique des bonnes moeurs, la paix et la bonne entente au foyer domestiql:le, la vraie affection pour les enfants et leur' bonne éducation, sont d'un exemple fructueux pour les réfractaires qui les entourent. Mais la transformation complète d'une population apathique est oeuvre de patience et de longue haleine et les missionnaires auront encore bien des années de sacrifices avant de faire de la femme congolaise un être vraiment digne de sa destinée!
l'
La Mission Théveniaut dans
l'Adrar.
LES rapports du capitaine Théveniaut, commandant la mission de reconnaissance du Sahara soudanais, sont parvenus au Gouvernement général. On sait, dit le Jorcrrr~l officiel du Sénégal, que cette missior constituait une première tentative en vue de relier à l'Algérie nos territoires du Niger, et que, sous son caractère pacifique, ses travaux visaient l'ouverture possible de communicationsdirectes avec l'Algérie par la création d'une ligne télégraphique électrique ou optique, d'une route praticable de caravanes et, aux points les plus favorables, de caravansérails dont la garde pourrait être confiée à des auxiliaires ou même à des tirailleurs
méharistes. Le programme de travail consistait au départ à se rendre à Bourem, à treize journées de marche au nord,est de Tombouctou, et de là, une fois le groupement de la mission effectué, à gagner un point central de l'Adrar, Teleya, par exemple, opérer la reconnaissance du pays par rayonnement, puis si la situation politique et les moyens le permettaient, pousser un
raid sur Timissao. Partie de Tombouctou, le 1er février, la mission arrivait à Bourem, le 13, s'organisait et se mettait définitivement en route pour l'Adrar le 2 mars. Le but poursuivi a non seulement été atteint, mais la rencontre à Timiaouin, au sud de Timissao, de M. le capitaine Théveniaut et de M. le chefd'escadron Laperrine, commandant supérieur des Oasis sahariennes, a ré-
solu ~:ffectivement le problème de
la jonction de l'Algérie et de l'Afrique occidentale française. La mission Théveniaut s'arrêta, le 4, sur le bord de l'oued Telemsi, dont le cours et celui de son affiuem: Tagmart forment la voie la plus directe et la
mieux dotée en ressources d'eau et de pâturages pour se rendre à Teleya. Elle arriva, le Il, 'a' Es-Souk. D'après le capitaine Théveniaut, Es-Souk ne serait autre que la Tademaket dont parlent AbdulFéda et les autres chroniqueurs arabes. L'importance
des rnines, dont beaucoup sont ensablées, indiquerait l'em¡:lacement d'une ville considérable, située, comme l'indique bien la géographie arabe, au midi d'une grande montagne (le Tachdaït) et au milieu de gorges et de vallées. Les ruines des constructions sont de tous les â~;es le cintre en moellons, mis à nu, est contem-
poraia des tanières en pierres sèches juchées sur les flanc:, au-dessus de la crête. Ces dernières sont bien les maisons basses difformes que l'on rencontre dans les n:ontagnes de la Kabylie, et leur origine paraît
berbère.
M. Pozzo di Borgo,
interprète militaire attaché à
la mission, a relevé sur un des rochers de la crête à laquelle est adossée la partie principale de la ville l'inscription suivante, qui établit de la façon la plus probante qu'un musulmanétait à Es Souk au xiesiècle Ceci 1- été écrit par Baba berz-Mobamed ben-Abdallah, en l'année 468, et cela au vnoz's de IZed~eb; soit, d'après la correspondance des calendriers musulman et grégorien, en juin 1065. D'Es Souk, la mission se dirigea sur Teleya où elle arriva le 19 mars. Là, conformément aux dispositions du programme arrêté, la mission s'arrêta, entra cri relations avec les Ifoghas, habitant la région, et rayon na dans le pays. Les quelques observations faites par la mission, pend.cnt les mois de mars, d'avril et mai, ont donné Sécheresse de Vents
l'air..
dominants
Vitesse du vent
(au maximum)
(5 à à zoo E.-O. et N.-S. 12 mètres.
~Températures extrêmes maximum 420 minimum SO
Le pays paraît être un plateau ensablé de roches primitives, légèrement inclinées vers l'ouest. En partant cu Niger, on y accède insensiblementpar les grès ferrugineux, latérite, argiles bariolées du type de Bourem. Sur le socle du plateau se groupent, dans un désordœ chaotique, des ¡lots rocheux séparés d'arènes granLiques, de couloirs où se font jour les eaux tor-
rentielles. L'altitude de ces rochers n'atteint pas 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Par place, la sécheresse de l'air, les vents dominants, la radiation solaire, le passage des eaux rapides ont terminé leur œuvre de désagrégation; c'est alors le harnadaou, le reg noir que l'on foule. Partout ailleurs les ro~hers les plus durs, ruinés à la base, s'écroulent, s'amoncellent en groupes bizarres de blocs superposés, au sommet desquels un quartier énorme reste souvent perché en un équilibre inquiétant, et de ces îlots de roches qui s'en vont, dévalent les torrents vers les réceptacles de détritus, les-grands ouadi à fond plat, d'argile ou de sable, qui s'écoulent vers le couchant dans le Telemsi, leur collecteur principal vers le Niger.
Des échantillons de roches et de fossiles ont été recueillis par la mission et vont être étudiés par des
spécialistes.
La quantité d'eau, relativement considérable, qui imprègne les dépôts des ouadi de l'Adrar, donne à la végétation une vigueur qui la rend équivalente à celle des terrains fertilisés par le Niger la flore est d'ailleurs la même que sur les bords de ce fleuve. On y retrouve toutes les espèces, à l'exception de celles du figuier et
du tamarinier. Les Touareg ignorent la culture du dattier
les procédés qu'ils emploient sont plutôt de nature à détruire les sujets déjà existants; ils mettent le feu aux branches sèches, laissent pousser les rejetons à l'infini, n'arrosent à aucune période. On remarque cependant à Teleya, fondé en i88o, les restes d'un foggarat, système de captation d'eau usité dans les oasis. La canalisation tentée s'écroula sous l'afflux de l'eau et cette tentative fut abandonnée; aussi n'y a-t-il dans l'Oued qu'un seul dattier; par contre, le palmier doum (rônier fourchu) y est assez répandu. A Tassalit, dans les deux palmeraies adossées le long du rocher sud qui les domine de 150 mètres, le
nombre des sujets est d'une centaine. De nombreux rejetons ne sont pas employés et pourraientl'être à des plantations nouvelles. Il n'y a pas trace d'irrigation. A Kidal le nombre des palmiers est encore inférieur à celui de Tassalit. La faune est celle des pays désertiques. On y trouve, comme animaux domestiques, le chameau, le boeuf, la chèvre, le mouton et l'âne. Le cheval, très rare, paraît y avoir été importé du Sud. A l'état sauvage vivent les antilopes et les mouflons. Les serpents sont représentés par la vipère cornue, assez commune, et aussi, à la saison des pluies, par le trigonocéphale. Parmi les oiseaux, en outre des oiseaux de proie que l'on rencontre au Soudan, on trouve la pintade, les tourterelles, les alouettes, les bergeronnettes, les hirondelles, les colibris et les bengalis. L'industrie est nulle dans le pays toutefois, les Ifoghas de l'Adrar paraissent être les selliers des compagnies de méharistes à qui ils vendent les selles et harnachementsde chameau. La seule richesse appréciable du pays réside dans les troupeaux. Les Touareg excellent dans l'élevage. Les races bovine, ovine et caprine sont vigoureuses le mouton se paie aux oasis de 25 à 3o francs. Le boeuf est mené au Niger où il est échangé contre du grain. La population de l'Adrar se compose d'Ifoghas, d'Idnan, de Kel-N'Souk, de Kounta et de quelques tribus serves des Ifoghas, dont l'ensemble peut être évalué à environ 6000 habitants. L'évaluation approximative des troupeauxdonne 1 ooo chameaux ou chamelles, 4 à 5 000 boeufs et environ 40 000 moutons ou chèvres. Les Touareg appartiennent sans exception à la religion musulmane et suivent le rite maléchite. Ils se conforment d'une façon générale aux prescriptions du Coran, observent le jeûne pendant le mois de Ramadan et font leurs prières aux heures réglementaires, mais avec très peu de conviction. Dans l'Adrar, on ne connaît pas de naturel qui ait fait le pèlerinage de La
Mecque. Les femmes remplissent leurs devoirs religieux, mais à là façon des hommes, uniquement pour faire acte de musulman. En général, les Touareg sont voleurs, menteurs,
fourbes, traîtres et mendiants, mais pas fanatiques. Il n'existe pas dans l'Adrar d'ordre religieux particulier, et les Ifoghas et les Idnam, ainsi d'ailleurs que presque toutes les autres tribus touareg du Sahara, sont des adeptes de la secte de Kadriya, dont on connait les tendances pacifiques et la grande tolérance. Tel est, dans un aperçu rapide, l'exposé très résumé des renseignements recueillis sur l'Adrar saharien par la mission Théveniaut qui, en trois mois, a parcouru 2 500 kilomètres, dont 2000 en pays complètement inconnu jusqu'à ce jour, et qui rapporte tous les éléments utiles pour aborder l'étude du problème tendant à mettre l'Afrique occidentale française en relation directe avec l'Algérie.
Quendelfeld.
Division et répartition de la population berbère au Maroc. Ouvrage traduit de l'allemand par H. Simon, capitaine du service des affaires indigènes au gouvernement général de l'Algérie (Alger, Jourdan, éditeur). L'OUVRAGB de Quendelfeld, qui avait paru dans une revue de Berlin, Zertschrift für Ethnologie, était péu connu en France. Il constitue cependant un document d'une grande valeur, particulièrement intéressant pour nous aujourd'hui. La traduction donnée par le capitaine H. Simon arrive donc à son heure.
L'attention du lecteur mérite d'être spécialement retenue par les quelques pages de notes et de critique que le traducteur a ajoutées à la fin du volume. Le travail de Quendelfeld, en effet, à peine postérieur au grand ouvrage de De Foucault, avait besoin d'être mis à jour. C'est ce qu'a fait le capitaine Simon, en le comparant aux travaux de Mouliéras, Doutté, de La Martinière et Lacroix, de Segonzac,
de Flotte-Roquevaire. Un croquis en couleurs indique la répartition des groupes de population berbère au Maroc.
André Pératé, conservateur-adjoint du Musée national de Versailles.
Versailles. 1 vol. petit in-4°, illustré de 149 broché, gravures, 4 francs, relié, 5 francs. (Envoi franco contre mandat-poste à H. Laurens, éditeur, 6, rue de Tour-
non, Paris 6e.)
ANS la collection des Villes d'Art célèbres, Versailles doit
tenir une des toutes premières places. Son magnifique château, ses jardins peuplés de statues admirables et animés
par le jeu des eaux, les délicates merveilles de ses deux Trianons en font comme la parfaite incarnation de deux grands siècles d'art français. Auprès de ces splendeurs, la ville même, on le comprend, ne joue qu'un rôle secondaire, malgré l'importance relative de quelques monuments. Le livre que nous présentons au public est donc avant tout une histoire aussi complète que possible du château de Louis XIV et de tout ce qui l'entoure. Son auteur, M. André Pératé, conservateur adjoint du Musée national de Versailles, à l'enrichissement duquel il consacre depuis longtemps tous ses soins, ne s'est pas contenté d'y résumer les recherches de l'érudition la plus sûre et la plus méthodique il y a mis cette beauté de la forme, ce sentiment de la discipline artistique, qui sont l'âme même de Versailles. L'éditeur n'a rien épargné pour que l'illustration n'eût pas moins d'importance que le texte. 149 gravures, d'un choix et d'une exécution remarquables, présentent au lecteur les aspects les plus variés et charmants de Versailles, et les plus somptueux décors du xvue et du XVIIIe siècle; elles donnent à ce livre de haute doctrine et de poésie tout à la fois, l'attrait d'une œuvre populaire.
DEUTSCHE KOL01'IALZEIT'Ui'G Berlin.
La Question du Lait frais dans une Colonie allemande.
donnent des soins aux deux dont les sclks ornées mulcts ccnb ~1dcs dl: somme, chevaux, des et ânes, vive dans ce de couleur tons et les parements voyants mettent sÕbres. lignes de p.iysa;c beau nioueliet dt: soie. Les agoyates
THE NEW YORK HERALD
Haines religieuses à Damas.
DANSla lisière de forêts vierges qui constitue la principale
ressource industrielle et la meilleure perspective d'avenir de la colonie allemande du Cameroun, une chose manque, dont les colons, les fonctionnaires et les soldats européens, depuisquelquesannées, sentent particulièrementla privation :> les indigènes n'entendent rien à l'élevage des bestiaux, et se contentent des produits que le sol leur livre sans culture. Impossible de se procurer du lait frais. On a essayé de combler cette lacune en introduisant dans le pays quelques génisses venues de Souabe; on dit qu'elles supportent assez bien le climat des hauts plateaux de l'intérieur. Mais, comme la côte et toute la région de moyenne altitude de la colonie leur sont interdites, et que les essais de croisements avec du bétail africain n'ont pas donné de bons résultats, on est obligé de chercher ailleurs une race laitière plus résistante. L'auteur de l'article que nous citons préconise l'introduction d'une espèce de chèvres, originaire des iles du CapVert, et qui s'est acclimatée parfaitement dans l'île ~ortugaise de San Thomé. Or San Thomé est soumis au même régime climatique que le Cameroun, dont cette ile est relativement voisine. La chèvre du Cap-Vert s'accommode des feui'les et des fruits de l'artocarpus tntegréfolia, que le Cameroun produit en abondance. Cet animal ne fournit pas, il est vrai, une grande quantité de lait un demi-litre par jour, en dehors de celui qui est nécessaire à la nourriture de ses petits, mais dans les vastes pâturages de la colonie, elle pourrait multiplier au point de suffire, et au delà, aux besoins d'une population bien plus cônsidérable que celle du Cameroun. En outre, étant moins maigre que la chèvre des Alpes, elle peut être élevée également comme bétail de boucherie. Reste à apprendre aux indigènes à la soigner et à la traire, chose dont ils n'ont encore, au Cameroun, pas la moindre idée.
SEMAINE LITTÉRAIRE
Une
Genève.
Journée à Delphes.
ELPHF! un vaste cirque de
-Ah
¿èle~
»
Hakim, de son côté Zacharie! « Moi, que je supporte plus longtemps ce balayais Mais le Prophète me maudirait si je ne pas sur le champ cette ordure de la surface de la terre. » Espérons qu'ils ont fait la paix, fùt-ce sur le dos d'un client volé.
rochers sauvages, dénudés,
tragiques, rocs de calcaire jaunâtre, sombres, menaçants, hérissés. Cependant, sur un des blocs éboulés, un petit petit homme a surgi, laid, borgne, édenté, la figure ravagée par l'effort, illuminée par la pensée. Il parle, et, en parlant, il brandit de la main droite,une canne d'olivier. Et voici qu'à l'appel de cette voix, au geste de ce bâton magique, le passé renaît vivant de ces ruines, et la magnificence du sanctuaire antique se dresse tout entière sous les yeux des voyageurs. Les temples surgissent, et les gymnases avec leur piste, leur palestre et leurs bains, et les myriades de statues. Ce petit homme qui saute de roc en roc, qui bondit de stèle en stèle, ce petit magicien est un grand savant il s'appelle M. Homolle. C'est en ces termes que l'auteur de l'article que nous analysons, M. Gaspard Vallette, raconte les premières impressions qu'il a éprouvées en arrivant à Delphes. Il a eu l'occasion d'y faire aussi la connaissance des habitants actuels de la contrée, les Palikous, aux traits durs et farouches, briUés par le soleil, et dont les yeux brillent comme ceux des oiseaux de proie. Voici la jolie description qu'il en rait:
assis
Stephan Bensal, un correspondant militaire du grand 1. journal américain que nous citons, se trouvant à Damas entre deux campagnes guerrières, fut amené, ironie des c:~oses! àtenter de rétablir la paix entre les deux grandes religions rivales. Mahométisme et christianisme se regardaient de tnvers, dans la personne de deux négociants de Damas établ s dans la même rue, et qui, tous deux, tout en volant leurs clients avec la même adresse, juraient, l'un par le Christ et l'autre par Mahomet. Zacharie, tel était le nom du chrétien, était marchard de chevaux; Hakim, ainsi s'appelait le disciple du « Prophète », était sellier de profession. Cette touchante solidarité comrlerciale, que le voisinage de leurs deux boutiques rendait nécessaire, les amenait à faire de bonnes affaires enscmtie tant que durait leur négoce, ils s'entendaient. comfle larrons en foire; mais dès que le muezzin, du haut du minaret voisin, appelait les fidèles et la prière, Hakim, du seuil de sa boutique, jetait de l'autre côté de la rue, vers la maison de son voisin, un regard de haine chrétien. » « je l'éventrerai, par Allah! ce chien de Et quand revenaient les fêtes chrétiennes, en particulier à No où la voix des anges annonça la paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, Zacharie, en grinçant des dents, aiguisait son coutelas sur la meule « Ce Hakim, il faut que je l'égorge L.. » Donc, le correspondant militaire du New- York Herald, témoin de ces haines fraternelles, essaya de prêcher la paix. ennemis! dit-il à Zacharie, c'est Jésus-Christ u Ai.-nez vos cui vous l'ordonne. » bien oui! Jésus-Christ! s'écria le bon Zacharie; mais il parlait des juifs, et non pas de ces chiens d'infiIf
Un vieux sur un bloc de marbre, se chauffe au sobelle la laine blanche de leurs fuseaux. Aux filent femmes leil. Des flûtes aigres, deux de stridents aux sons sourds d'un énorme sons la main, dansent une danse cinq hommes, tenant se par tympanon, noble. Des éphèbes ner~,eux, allure lente, cadencée, d'une grave et la luttent à l'appàt d'un enflammés par course dans le stade, Et prix, le gardien-chef phylax », éperdu d'orgueil, dressé au sommet d'une stèle et dominant les ruines, étale la splendeur de son co~tume de g21a fustanelleéclatante de blancheur,justaucorps noir a boutons d'argent, poignard de luxe à la ceinture, cnémides blanches à rubans noirs, sandalesrecourbées à la poulaine, dont la pointe se pare d'un
SCIL'NCE SIFTINGS
Londres.
La Polyandrie au Tibet. raison polyandrie tibétaine; parlé 1 institution est très pays est pauvre qu'il nombreuse population.Supposons dix
011 a
la
de la
claire
le
si
de ceHe ne
saurait nourrir une mafemmes chacune de donfemme, et ris ayant chacun une ces enfants, vingt-quatre ou voilà trois deux jour à nant le ou trente bouches à nourrir sur une terre marâtre, où le commerce, étant donné l'isolement du Tibet, ne peut remédier à la stérilité du sol. Les Science Sifta~xgs ajoutent certains détails curieux sur le même sujet. On a prétendu que la femme tibétaine, prendre dans en épousant plusieurs maris, était tenue de les la même famille. C'est une erreur ces maris sont souvent frères ou cousins les uns des autres, d'accord, mais ils peuvent aussi n'avoir aucun lien de parenté. Mais, chose plus curieuse encore, la polyandrie n'exclut -:)as, au Tibet, la polygamie un homme, tout en partageant ~a même femme avec plusieurs confrères ou collègues, peut :ui-même entrer dans un second ou même troisième groupe, où il partagera une seconde ou troisième femme avecd'autres :olli'gues et pacifiques rivaux. De là, un inextricable croisement de droits de parenté, de 5uccession, de propriété, qui ont été réglés par un code vieux de mille ans et plus. En comparaison, nos lois sont d'une simplicité absolumer.t enfantine.
Son Développement rapide et son brillant Avenir.
Le Port d'Oran.
Au ~rrorrrent où se pose la double question du rachat des chemins de fer algériens et de notre pénétration pacifique au Maroc, il est intéressant de suivre le développement prodigieux du port d'Oran dont l'avenir est lié en partie à la solution de ces problèrnes économiques.
L'ESSORdu port d'Oran, qui, en moins d'un demisiècle, arrive à se créer une situation prépondérante dans la Méditerranée, et acquiert, en attendant mieux, une place honorable parmi nos premiers ports français, mérite notre respectueuse attention. C'est réellement un spectacle consolant pour notre amourpropre national, et l'on peut
y trouver une
se maintiennent sans trop de difficultés jusqu'en 179°. L'occupation espagnole enraya le mouvement croissant du port. Cela s'explique aisément; les chrétiens, par une répulsion peu profitable, n'entrèrent jamais en relations aveclestribusdel'intérieuretsecontentèrent d'affirmer leur suprématie en se fortifiant sur les côtes.Or le port d'Oran doit sa fortune à sa si-
tuation privilé-
réponse vigoureuse
à
giée,commedébouché naturel de toutes les régions du SudAlgérien et du
ceux
qui, prétendant notre race incapable d'énergie colonisatrice, l'accusent de ne rien poursuivre avec persévérance.
Maroc. Sise
à
l'orée de la
que deux ans,
grande voie de Figuig, l'unique. artère par laquelle toutes
millénaire.
tilesquipassent
Ilyaquel-
Oran fêtait son
les zones fer-
C'est en effet, aucoursdego2,
par les plaines de Tlemcen et de Misserghin
que des Maures, venus d'Espagne, s'établirent à l'embouchure du Ravüa vert dans le but de commercer avec la riche cité arabe de Tlemcen. Mais depuis cette époque, que de vicissitudes dans son histoire Plusieurs fois prise et reprise, Oran passe successivement sous la domination des Fatimites, des Almoravides, des Almohades, etc. Elle atteint son apogée commerciale au xm° siècle. Mais en 1492, les Espagnols, victorieux des Maures de Grenade, passent le détroit et s'emparent d'Oran, où ils A TRAVERS LB MONDE.
G
j° LIV.
se déversent vers la 'mer,
Oran était fatalement appelée à drainer à son profit le commerce de ces vastes étendues. Quand les Français entrèrent dans la kasba, en 1831, on avait peine à reconnaître cette cité, célèbre dans tout l'Islam pour son luxe et sa prospérité. La ville, ne se composant que d'un seul quartier, d'une écoeurantemalpropreté, tombait en ruines à l'ombre dés forts démantelés de Ferdinand le Catholique. En 1832, Oran compte 3856 habitants, dont N° 53.
3
Décembre 1904.
73° Européens; en 1860, sa population s'élève à 30 52o habitants; le recensement de 19° la porte à 93 33o habitants,dont 45 865 Français Pendant les dix dernières années, du ier janvier r893 au 31 décembre 19°3, le chiffre des naissances n'a cessé de suivre une progression croissante, tandis que le chiffre des décès diminuait. Cette constatation proclame la splendide vitalité de cette population laborieuse qui, non contente de s'accroître par l'apport de l'immigration, trouve en son propre sein la puissance de se développer. Ainsi, là où il ne restait rien, s'est groupée, sous notre poussée, une place active qui n'est encore qu'à l'aurore de sa gloire. Alors qu'Algerévolue lentement, malgré la présence d'une administration nombreuse, Oran, consciente de sa force et laissée à sa propre initiative, s'élève avec une rare sûreté. On est frappé, en débarquant à Oran, de voir les maisons se dresser le long des trottoirs, comme bourgeonnent les arbres d'une forêt; cela rappelle les villes de l'Australie et de l'Amérique,qui se sont créées sous l'empire de la fièvre des
nant le vieux port. Mais avant même que ce havre fût achevé, on en avait reconnu l'insuffisance un bassin de 25 hectares avait été entrepris en 1858, on mit 18 ans à l'achever. La rade, ou plutôt l'anse au fond de laquelle est située Oran, est ouverte aux vents du Nord, les plus dangereux de la côte; une série d'ouragans causèrent, à plusieurs reprises, des avaries sérieus~s à la digue extérieure et interrompirent les travaux. Actuellement, ce bassin de 25 hectares est tout ce qd constitue le port d'Oran. Tel qu'il est, il a coûté 20 millions; un quart de cette somme a été fournie par la Chambre de Commerce. Ces ouvrages ne sont plus à la hauteur des besoins auxquels ils sont chargés de pourvoir. La superficie des bassins ouverts àla navigationn'est point assez vaste. pour contenir les steamers appelés à transiter dans le port d'Oran la faible largeur des eaux profondes ne permet pas aux grands navires modernes d'évoluer librement; enfin la surface des quais de déchargement est notoirement trop restreinte. La plupart des marchandises restent exposées sur les quais, les articles plus
Eldorados,avec cette différence, toutefois,
sont remisés dans neuf magasins appartenant à la Cham-
que l'afflux du sang jeune, qui
bre
fait battre le coeur d'Oran,
deCommer-
ce, que celle-ci
loue au mètre carré. L'infériorité des aména-
est une pulsation calme et saine, et non le résultat d'une
gements du
excitation passagère.
L'avenir d'Oran est dans
susceptibles
port d'Oran apparaît surtout
au point de vue de l'outillage. son port granPar suitedu peu Photognaplaie conzmuniquéepczr lf~. P. de Myrica. dissant, son de développeport, dont les racines profondes vont puiser leurs ressources, non ment des quais, ou parce que ces quais ne sont pas accores, les seules compagnies subventionnées,faisant un seulement dans les vignes et les champs de blé du service régulier, accostent pour décharger, les autres Tell, les jardins de Misserghin et du Sig, les forêts navires s'amarrent par l'arrière et procèdent au transd'oliviers de Tlemcen, mais encore jusque sur les bord,ment de leur fret par voie de chalands. Beaucoup pâturages du djebel Amour, les déserts d'alfa du Tade steamers et les grands voiliers sont obligés de prendre filelt et les montagnes du Rif. Journellement, elle se poste à la grande jetée et doivent transporter leurs marfait plus intense la concentration des produits de ces chanjises à travers toute la longueur du port. Cette pays où se gagnent, chaque année, quelques lieues nécessité de recourir à des expédients est la grande décarrées de plus à la civilisation et au commerce, quelfectuosité du port d'Oran. Les frais de chargement et ques centaines d'hectares nouveaux à l'agriculture. de déchargement se trouvent, de ce fait, augmentés de Cependant le port, dont nous verrons plus loin l'extraordinaire mouvement, se trouve dans des coni fr. 50 à 1 fr. 60 la tonne environ. En outre, beaucoup d'avaries se produisent; des retards très préjudiciables ditions nautiques très inférieures; il ne possède qu'un surviennent dans les mouvements. Enfin l'abondance outillage défectueux, malgré les efforts qui ont été tendes chalands est telle que la flottille en occupe le vieux tés afin de l'aménager. port?resqu'en entier, le supprimant ainsi au commerce Au moment de notre établissement, les navires, utile. Le port ne possède pas moins, en effet, de ne trouvant pas devant Oran un abri sûr, mouillaient dans la rade de Mers el-Kebir, située à 7 kilomètres 170 chalands, pontons ou allèches, ce qui est man:festement exagéré. dans l'ouest; une jetée de 42 mètres, construite jadis tl.uant aux moyens d'arrimage, ils sont absolupar les Espagnols, suffisait à peine à garantir les pément rudimentaires. Deux grues à bras l'une de 20, niches et les embarcations de pêche. De 1844 à 1868, l'autre de 8 tonnes, d'un système si ancien qu'on ne fut construit un bassin de 4 hectares formant mainteYI'E GÉNÉRALE D'ORA-l.
les emploie jamais, et quelques pontons à bigue, voilà tous les apparaux en service! Ajoutons qu'il n'y a pas à Oran de forme de radoub une cale sèche, située à l'angle S.-E., permet seulement de hisser des navires de 150 tonneaux. Les débardeurs sont arabes ou espagnols; les
premiers, presque exclusivement employés à peser et ensacher les céréales. Les Espagnols travaillant à la marine sont des émigrés andalous ou murciens. Bien que les uns et les autres de ces manoeuvres n'aient pas lieu de se montrer exigeants, ils gagnent en moyenne 6 francs par jour. Malgré ces inconvénients, le port d'Oran suit une marche ascendante surprenante, dont on peut se faire une idée par les chiffres suivants Année
s'exporte pour les contrées étrangères. Oran centralise aussi la presque totalité du commerce avec l'Espagne, soit 355 00o francs environ. Ce chiffre ne doit pas surprendre, si l'on songe que la province a été créée en partie par le peuple espagnol. Il est un point, enfin, sur lequel on ne saurait trop insister quand on traite du port d'Oran, car il touche à la réalisation d'un de nos rêve les plus chers; c'est la pénétration économique dans l'Extrême-Sud, les oasis sahariennes et le Maroc, qui s'accomplitpar son intermédiaire. Déjà le mouvement s'est nettement accentué depuis 1897, date de la mise en vigueur des excellentes mesures administratives qui admettent les marchandises à transiter librement pour ces destina-
Navires entrés
1856..
36000 tonneaux.
1881 1902
1
281351
3029789 Marchandises transitant
1860. 833
1883 1902
20000
64 (60
370236 739224
existe peu d'exemples dans l'histoire commerciale du monde, d'un semblable développement. Oran est avant tout un port d'exportation dont la balance se chiffre touIl
jours par un excédent considérable.
Aussi, peut-on dire que sile mouvement général en est inférieur à celui d'Alger, sa situation n'en est pas moins plus prospère. Exemple Importation Exportation 1902 Oran 78169 Alger 142087
Le commerce
Droits
84ozo 98970
5159
5a6o
d'exportation du port d'Oran se
décompose de la façon suivante pour
Céréales. Vins Moutons. Alfa Peaux
Laines.. Crin
végétal.
Tabacs
i go2
29696000 tonneaux 24400000 10020000 2 794000 2301 000
16;8000
1 582000 (
247 000
Etc.
Encore l'exportationdes vins a-t-elle manqué en 1902 par suite de la mauvaise récolte, et n'arrive-t-elle qu'au second rang contrairement à la règle générale. Une autre caractéristique du port d'Oran, c'est de'présenter chaque jour plus d'importance au commercede cabotage international, grâce à un fretdesortie très rémunérateur(alfa,crin végétal, marbres, etc.). Il en résulte cette anomalie, conséquence du privilège des Compagnies françaises de navigation, que le fret est plus élevé sur les ports du Nord que sur la Belgique et l'Angleterre (13 à 16 francs au lieu de 18 à 20 francs). La grande majorité des produits cités
LE FOND DU PORT L'(JAdN.
Photogr-aplaie commuuiquée par M.
P. de Myrica.
tions lointaines. La douane peut nous édifier sur cette question. Voici ses statistiques En 1897 le transit s'élève à En 1898 En 1899' En 1900 En 1901 En 1902
31000 francs.
237000--
218000 334000
677000-749000--
Ainsi, que ce soit avec la France dont la clientèle absorbe 8o pour ioo des affaires de l'Algérie, que ce soit avec l'étranger, ou avec l'intérieur, la place d'Oran augmente ses relations dans des proportions considérables. Un événement économique de la plus haute importance viendra encore d'ici peu donner un nouvel essor à son développement; nous voulons parler de la double ou triple percée des Pyrénées qui facilitera, dans une large mesure, les communications entre la France et l'Afrique septentrionale, par l'Espagne. Les ports méditerranéens de l'Espagne, notamment Barcelone et Carthagène, tireront le plus grand profit des chemins de fer projetés et, par contre-coup, le port d'Oran, de l'autre côté de l'eau, y trouvera son compte.
Malheureusement, il estvrai, deux obstacles s'opposent à ce libre rayonnement la mauvaise disposition du port (nous nous en sommes déjà préoccupés), et la cherté des moyens de transport. Par suite des fautes commises au moment de leur concession, les chemins de fer algériens étaient voués à la stérilité. Les compagniesont adopté des taxes excessives qui ont eu pour résultat immédiat de détourner le trafic de leurs lignes. C'est ainsi que dans le mouvement général des marchandises transitant à Oran en 19°2, celles qui furent transportées par chemin de fer figurent pour ces chiffres dérisoires. A A
l'exportation. l'importation
165513 tonneaux. 60492
n'est même point besoin de consulter des répertoires pour se rendre compte de cette anomalie, on en juge de visu il suffit de constater, près de la gare de la marine où ne circulent que de rares locomotives, l'étonnante activité des charrois Les Chambres sont saisies de divers projets de lois qui ont pour but de mettre un terme à cet état de choses. Nous n'avons pas le dessein de nous prononcer dans le grave débat qui va s'ouvrir prochainement sur ce sujet. Quelle que soit la solution que l'on adopte, elle amènera, grâce à la revision des barêmes, une révolution économique dont le port d'Oran tirera Il
un immense profit. La question de l'agrandissement du port d'Oran estelle-même près d'aboutir. A l'étude depuis plusieurs années, elle reçut, en c c~o2, un commencement d'exécution par la transformation de la jetée Sainte-Thérèse en un quai de 4° mètres. Mais ces travaux ne pouvaient remédier aux nécessités urgentes du commerce. Au cours de l'année tc~o3, bien que la récolte des céréales eût été insignifiante, on put se convaincre que la surface des quais disponibles était insuffisante. Plusieurs réunions plénières de chargeurs durent se rassembler à la Chambre de Commerce pour signaler les dangers de l'encombrementdes terrains, et prendre les mesures que les circonstances exigeaient. Aussi, malgré les dépenses importantes qu'entraînera la constructiondu nouveau porte 14 5ooooofr.), on est maintenant résolu à l'entreprendre. Rien ne saurait arrêter l'élan du port d'Oran; son avenir s'impose, plein de séduisantes promesses; il faut être en mesure de le doter d'un outillage en rapport avec sa situation économique future. Du reste la Chambre de Commerce s'offre à faire face à la plus grande partie des frais en échange d'un droit de péage octroyé sur l'entrée des navires. Avec un tel gage, basé sur la richesse de tout le Sud-Oranais et du Maroc, la Chambre consulaire peut contracter sans crainte un em-
prunt.
Dès les premiers jours de janvier 1904, la Commission des Ponts et Chaussées a été amenée à examiner sur place les divers projets et devis en présence. faire connaître son Cette Commission ne tardera opinion et le temps est proche, pensons-nous, où sera posé le premier cube de béton de la jetée qui doit abriter fun des plus grands ports de la Méditerranée, l'Afrique occidentale ». cc la Carthage de
pas
PIERRE DE MYRICA.
La Taille des Patagons. Une Légende qui disparaît. Urt savant anthropologiste, M.
R. Verneau, profes-
seur suppléant au muséum d'histoire naturelle de Paris, vient de présenter sur les Patagons un travail qui e:claircira la question toujours un peu obscure de leurs caractèresphysiques et ethnographiques. Nous ne connaissons les Patagons que très imparfaitement. Beaucoup d'entre nous continuent à vivre, en ce qui les concerne, sur les débris des vieilles léger,des. Notre enfance a été hypnotisée par la taille gigantesque qu'on leur attribuait. On entend dire couramnent et nous le lisons ce sont les plus grands hommes du monde. Sans doute ils sont grands. Et même leur stature moyenne est une des plus élevées. Mais, outre qu'on trouve aussi grand, il faut en rabattre sur leurs extraordinairesdimensions. M. Verneau, pour appuyer ses études actuelles de l'autorité du passé, a réuni les squelettes complets, les crânes et tous les os rassemblés dans diverses collections importantes, en particulier celles d~ M. Moreno et du comte Henry de la Vaulx. Il y a joint une série de crânes rapportés par le Dr Machon, de LlUsanne. Après avoir minutieusement étudié les documents mis à sa disposition, il a comparé les caractères anatomiques révélés à ceux de quelques populations voisines Araucans anciens et modernes, Puelches et autres Pampéens, ainsi qu'avec les Botocudo~. En outre, il a coordonné tous les renseignements somatiques qui avaient été exprimés avant les siens, et il est arrivé à ces conclusions La taille moyenne des Patagons dans les diverses série:; étudiées est de 1 m73; ¡ m 56; 1 m7 1; 1 m69. C'est entre Im65 et ¡m7° que se place la stature du plus g--an(l nombre. Voilà qui est loin de nos anciennes
croyances!1
Un élément humain, d'une taille supérieure à la n:oyenne, a joué jadis un rôle prépondérant dans la
Pataf;onie entière; mais, partout aussi, une ou plusieurs races de petite taille sont venues se mélanger à cet élément fondamentaL L'étude des crânes permet de supposer l'existence de six types fondamentaux qui se sont croisés entre eux; les Tehuelches sont représentés par les crânes dolichocéphales, c'est-à-direallongés et relativement étroits. Et comme c'est dans le cours du rio Negro que l'on a rencontré le plus grand nombre de types, on peut supposer que la Patagonie s'est anciennement peuplée par cette région. Il est impossible d'établir les dates d'arrivée de ces races anciennes. M. Verneau pense que les Tehuelches sont les derniers venus. La race de petite taille, qui aurait influencé jusqu'à le modifier le type de haute stature, est probablement celle des Araucans. Que notre erreur retombe sur la tête des Araucans
Les Canots automobiles. Si le mot est discuté, la valeur de la chose ne l'est pas. Il est bien étonnant qu'on ait mis un temps si long à appliquer, à la navigation des petits bâtiments, les moteurs à pétrole ou à essence qui ont, depuis des années déjà, donné d'excellents résultats quand on les adapte aux voitures.
Enfin, les constructeurs se rattrapent maintenant en multipliant les épreuves qui permettront d'apprécier la valeur de leurs canots. Courses de Paris à la mer; courses de Calais à Douvres; Toulon-Alger; tour de France! On n'entend plus parler que de cc cc
nation de degré variable et qui va en augmentant. Au repos, ces plans inclinés sont dans l'eau, mais, lorsque l'hélice, placée à l'arrière, très bas, entre deux gouvernails, attaque l'eau, le bateau se soulève et glisse absolument à la surface de l'eau sans remous, sans traînée d'écume, comme un caillou plat lancé en ricochet. Toute la résistance de l'eau est donc supprimée, et ce fantastique rectangle court, s'en va ainsi à près de 30 à l'heure, avec un moteur de quatorze chevaux, Un bateau de 6 mètres, à belle coque et de quatorze chevaux, ne peut.guère dépasser 14 à l'heure. La vitesse ici est doublée. Le bateau prend sa lancée en 5o mètres, et c'est un merveilleux spectacle que de le voir démarrer ainsi comme un véritable auto, puis planer littéralement sur la nappe liquide, comme un oiseau. Lors d'une expérience tentée dans le petit bras de la Seine, à Puteaux, le bateau a fait, officiellement
chronométré,le kilomètre en 2' 6" (en descente), et
records r, de chevaux », de
« temps », comme si les canots étaient
2' 16" (en montée),
soit une moyenne de 2' 1 1 au kilomètre. La première vitesse donne 'plus de 28 kil. 500 à l'heure, ce qui a toujours jusqu'ici représenté. quel 1 que soit le genre de coque, un mo-
de vulgaires automobiles terrestres. L'histoire du canotage-automobile a déjà, hélas! ses victimes elle a aussi ses exaltés. Car il importe de
ranger, dans une
catégorie spéciale, les inventeurs qui ont juré de faire du canotage au long cours, et
teur de plus de trente chevaux.
C'est un beau résultat.
veulent traverser l'Atlantique en canot automobile.
LE C06i'l'E DE LAMBERT SUR SON BATEAU GLISSEl'R.
Un pareil voyage
Cliché de M. F'mile Allemoï.
nécessite
une
Comment le bateau glisseur se
quantité assez considérable de pétrole ou d'essence, soit une coque plus grande et, par conséquent, un moteur plus fort. Mais, si le moteur est plus fort, il
faudra plus de combustible, donc une coque plus grande et un moteur plus fort. Que si le canot doit être accompagné en mer par un bateau, chargé pour lui de combustible, l'épreuve perd tout son intérêt. En vérité, c'est plutôt la vitesse que, là comme ailleurs, les constructeurs se sont efforcés d'atteindre. La légèreté de la coque et la puissance du moteur ont été combinés pour que le canot battît les records et abaissât les « temps ». Une tentative bien curieuse, pour arriver à une vitesse assez considérable, avec un moteur de force modérée, a été tentée, il y a quelques mois, par le comte de Lambert sur son bateau glisseur. L'inventeur a remplacé la propulsion dans l'eau par un glissement sur l'eau. C'est, en somme, une machine qui rappelle un peu le bateau rouleur de Bazin. Le bateau, dessiné par le comte de Lambert, a 6 mètres de long sur 3 mètres de large; il est de forme rectangulaire et porte au-dessous cinq plans à incli-
comporterait-il
dans certaines conditions devents, de vagues, etc., c'est une autre question, et l'exemple du bateau de Bazin n'est pas fait pour donner beaucoup d'espérance. Q!Ioi qu'il en soit, il y a là une intéressante tentative. Elle vient, d'ailleurs, d'être récemment renouvelée par M. Ader, dont le canot comporte de curieux perfectionnements. M. Ader s'est attaché, lui aussi, à diminuer la résistance opposée au véhicule aquatique par sa transformation en véhicule glissant. Mais la résistance au glissement s'accroit considérablement avec la vitesse. C'est ici qu'intervient une observation utile à M. Ader. Cette observation, c'est que, pendant le glissement, il s'introduit parfois de l'air entre l'eau et la surface du corps qui glisse, et que, dans ce cas le glissement est grandement facilité. Partant de ce fait, M. Ader a étudié différentesmanières d'employerl'air, une des plus originales consistant à envoyer de l'air comprimé sous les ailes d'un canot, donnant à celui-ci les pneus qui font qu'il vole réellement sur l'eau. Voici la structure de son canot. Le corps en est ponté, avec déplacement qui suffit à en assurer le
flottement; le fond est plat. A l'avant, la coque est flanquée de deux ailes ayant leur surface un peu audessous du fond plat de la coque. Elles sont cubiculées, ce qui permet d'en faire varier l'inclinaison, et fortement membrées. A l'arrière, le canot a une queue dans le genre des ailes. Le dessous de ces appendices est creux il forme une chambre à air fermée par l'eau, dans laquelle une pompe comprime sans cesse de l'air. On voit comment fonctionne l'appareil les ailes et la queue sont étalées l'hélice marche; le bateau prend
une position, une inclinaison qui est réglée par la vitesse et par l'inclinaison des appendices; et il est presque hors de l'eau, reposant sur trois patins pneumatiques, grâce auxquels il glisse très aisément. Telle est la théorie et il est admissible, et il paraît bien qu'en eau immobile le canot peut atteindre des vitesses considérables. En modèle réduit, le canot Ader a fonctionné d'excellente manière, nous est-il dit par la Revue techvcique; mais il faudra voir ce que donnera le canot de la pratique. D'ailleurs, les partisans les plus éclairés du nouveau sport songent déjà à demander au canot automobile autre chose que la vitesse, C'est qu'en effet la vitesse, intéressante en course, cesse d'être l'élément principal pour le voyage. Les organisateurs du Tour de France projettent un règlement qui tiendra compte de la solidité, de la légèreté, de la stabilité, de l'économie et d'autres qualités qu'on est en droit d'espérer des intéressants petits navires. C'est ce qui leur vaudra leur plus légitime succès.
Les nouveaux Adorateurs du Soleil à Chicago. IL n'y apas de pays au mondeoù la crédulité humaine atteigne des proportions telles qu'aux États-Unis. Un imposteur quelconque, avec un certain pouvoir de persuasion, est parfaitement certain d'y réussir, quel que soit son enseignement; absurde ou désagréable. C'est le paradis des audacieux, des rêveurs d'utopies de rapport, des fabricants de religions, des professeurs en tous genres, professeurs de beauté et de respiration. Le nouveau, surtout s'il se présente avec une certaine saveur de mysticisme, est toujours bien accueilli, et fait des fidèles, des fervents ou des fana-
tiques.
Vous avez eu le plaisir de voir à Paris, il
ya
quelque temps, un des grands-prêtres de ces religions nouvelles qui poussent comme des champignons, et suivent le fameux Dowie, si maltraité à New York, en Australie et en Angleterre, qu'il revient désillusionné des autres pays. S'il avait été mieux avisé, il aurait su qu'aucun peuple civilisé ne ressemble, pour ce genre de crédulité, à celui des États-Unis, et qu'il n'y avait aucune chance pour lui de faire des prosélytes au dehors. Dowie est millionnaire, et tous ceux qui ont entrepris ce genre d'exploitation de
le sont devenus comme lui. Celui doat nous allons nous occuper aurait pu le devenir en très peu de temps, mais, arrêté dans sa marche par lé, police, il le deviendra plus tard. Il se nomme luimême « docteur » Ottoman Zar Adush Hanish. Cela la. sinplicité humaine,
sonne comme un nom de vieille souche orientale, ma's son propriétaire n'est autre qu'un Américain avec un peu de sang nègre dans les veines. Il se dit lui-mêmePersan, instruit dans un templee des environs de Téhéran, venu à vingt ans en Amériqce comme missionnaire de sa foi. Ce Hanish, au contraire de scn confrère Dowie, n'aime pas la réclame, et celle qu'on vient assez brusquement de lui faire n'a certainement pas son approbation. Il procédait avec ombre et mystère dans le silence inspirateur du temple, temple consacré à l'adoration du soleil, religion des Perses anciens et des Parsis de nos jours, Lake Park Aver.ue, à Chicago. Mais ce fut une mauvaise inspiration lu prophète d'introduire le jeûne, et un jeûne sévère, comme principal article de l'orthodoxieenseignée car, 5-ans lui, le monde l'ignorerait, une ou deux de ses adep;es ne seraient pas mortes, parmi lesquelles se trouvait la principale de ses ouailles, celle qui avait fait miroiter à ses yeux l'espoir d'avoir un jour en plein Chicago, la ville du cochon, un temple magique élevé au soleil et un clergé entouré de tout le faste des rèves d'Orient. Car Mme George Gilbert, pour donner son nom à cette enthousiaste de l'astre des jours, avait promis de dépenser 25 millions de francs pour la nouvelle religion. Mais elle jeûna trop, ce fut son malheur, e't celui d'Hanish; elle jeûna pendant deux ans, contre tous les efforts de son mari, car elle était mariée, et s'affaiblit tant que la plus légère indisposition l'emporta. Elle mourut, on peut le dire, de faim. Mais ce sacrifice ne fut pas un enseignement pour les autres cervelles détraquées. Une autre, miss Reusse, à la suite d'un jeûne de quarante et un jours, devint folle et on dut la transporter dans une maison d'aliénés, après une tentative, échouée, des fidèles de l'enlever de l'hôpital où elle était pour la garder et la soigner au milieu d'elles. Une autre encore, Mme Davenport Vickers, mais celle~-ci avec plus de succès, réussit à jeûner quarantedeux jours. Noblesse oblige, et cette dame étant la c'est « superintendante » du temple de Mazdaznan elle devait faire mieux le ncm de la secte nouvelle pour prêcher d'exemple. Elle a d'ailleurs reconnu que ce lozg jeûne lui avait fait du bien, et elle pensait déjà, celui-ci à peine terminé, à en entreprendre un autre, plus prolongé. Plus forte que les autres, elle a résisté, et, ce genre de distraction lui plaisant, elle continuera c~~rtainement, jusqu'à ce qu'elle suive le chemin des autres. Le fanatisme des adeptes de la philosophie mazdaznane va jusqu'à leur faire soumettre leurs propres enfants au jeûne. Mais les interrogatoires n'ont pas appr.s grand'chose de ce côté les fillettes récitaient une :eçon apprise et déclaraient qu'elles étaient satisfaites et aimaient à aller entendre parler le « docteur » Hanish. Une d'elles, de quatre ans d'âge, Delia Gearson, à l'air faible et maladif, dit qu'on l'avait fait jeûner une fois pendant trente-sixheures. aussi sa Mais le « temple du Soleil chambre de torture. L'un des instruments employés par Hanish consistait en un tube dont l'extrémité, en-
avait
tourée de pointes d'aiguilles, se déclanchait;sous la pression d'un ressort enfermé dans l'intérieur de l'autre extrémité et pénétrait profondément dans la chair. La blessure était ensuite frottée avec de ({ l'huile de
fleur de lotus ». C'est sur le dos de ses fidèles que Hanish promenait son tube à aiguilles, pressant ici et là le ressort, et ceux qui ont témoigné ont affirmé que la souffrance était intolérable. Mais ils la supportaient pour l'amour d'Hanish et du Mazdaznan! De là une quatrième victime transportée à l'hôpital pour y soigner les blessures faites de cette façon. Il ne faudrait pas croire que ces femmes sont de pauvres ménagères cherchant le moyen de vivre sans manger, avec un verre d'eau et deux grains de blé par repas, pour raison d'économie. Hanish sait ce qu'il fait. Toutes sont riches, comme dans la plupart des cas semblables, et nombre d'entre elles se sont dépouillées de tout pour embellir le temple et remplir les poches de son grand-prêtre. Mme George Gilbert, qui devait hériter de 8o millions de francs, aurait certainement tenu sa parole de doter son culte favori et son appellation donnée à Hanish par ses fidèles, ({ père de 25 millions. Elle n'en eut malheureusementpas le temps et le prophète a dû en être au désespoir. Dans la religion d'Hanish, le Soleil est un symbole, désigné comme ({ la grande source de toute lumière et de toute vie ». Il dit « La philosophie de Mazdaznan enseigne que chaque individu doittravailler à son propre salut. Bouddha, Confucius, Zoroastre et Christ étaient tous des adeptes de notre système. Jésus chercha à sauver les autres, mais il échoua, comme avaient échoué les autres avant lui. Il aurait dû savoir qu'il devait échouer. Le sage dans les livres sacrés (?) enseigne qu'il n'y a pas de dieu en personne, mais que le seul dieu qu'il y ait, est dans chaque individu et dans toute la nature que Dieu est tout, et tout est Dieu » une formule reprise des adeptes ou par les adeptes de la ({ nouvelle pensée », un système religieux qui s'est rapidement répandu aux Etats-Unis. Mais ce qui doit impressionner le plus les auditeurs d'Hanish est le côté plus pratique de sa philosophie, qui consiste à dire que l'homme peut régler sa vie de telle façon qu'il lui est possible d'atteindre le grand âge des patriarches. Il affirme que l'on pourrait vivre quatre cent soixante-quinze ans, et il a, évidemment, des exemples à fournir, dont un est un homme qui vécut quatre cent quatre-vingt-cinq ans, Les ({ accidents cités plus haut ne sont guère faits pour lui donner raison dans cette partie de son enseignement, mais il ne s'en embarrasse guère et déclare que ces femmes étaient trop zélées. Il avance que le corps, sous l'action d'un traitement convenable dans lequel l'auto-suggestion comme dans la ({ nouvelle pensée » joue son rôle, peut être entièrement nourri avec l'air qui pénètre les poumons; mais on doit respirer avec l'esprit et l'âme concentrés sur la théorie du Mazdaznan. Il paraît que c'est difficile. -Aussi, il conseille de ne se livrer qu'à une diète mitigée, grains de blé et eau ({ Deux grains de blé par jour et un litre d'eau sont assez pour un homme fort, et un quart de cent serait un prix extravagant pour payer sa pension quotidienne. Nous avons besoin de si peu de nourriture, que nous pouvons vivre pendant longtemps d'air seulement. On en a connu qui ont jeûné
ainsi neuf mois et ont vécu soixante-cinq ans avec deux grains de blé et un litre d'eau par jour. » En voilà qui auraient été pour le moins deux fois centenaires s'ils avaient mangé comme les autres. Il y a encore quelques expressions curieuses dans le système d'Hanish, le faux ou le vrai Persan. « Le cycle présent est celui du nitrate qui durera jusqu'en 1960. Après reviendra le « cycle du phosphore », pendant lequel les adorateurs du Soleil pourront atteindre l'âge de neuf cent soixante ans, les corpuscules de phosphore, flottant dans l'air, étant infiniment plus favorables à la longévité humaine que ceux du simple nitrate. Tout cela est amusant. Hanish n'est pas venu directement à Chicago où il est depuis septembre 1902. Il était jadis à Denver, d'où on le chassa à la suite de la mort d'une adepte, Marian Berry, après un jeûne prolongé suivant la formule. Ses succès de Chicago le rendaient entreprenant et déjà il se proposait de convertir New York et Boston, quand la justice a au moins d'essayer, interrompu ses pratiques mystiques. Mais ses amies ont foi en lui et lui resteront fidèles, même si on l'envoie purger une condamnation quelque part. Et il recommencera, pour émerger quelque beau jour, en une métropole, gros capitaliste, avec des biens au soleil, en reconnaissance de la part que l'astre du jour aura prise dans ses succès. ):MILE DESCHAMPS.
Maurice Courant, maître de conférences à l'Université de
Études sur l'éducation et la colonisation(vol. X). Paris, Librairi~ généra1e de droit et de jurisprudence, 20, rue Soufflot. DANs le X. volume de ses études sur l'éducation et la colonisation, M. Maurice Courant s'occupe exclusivement de l'Extrême-Orient, et plus spécialement de notre domaine asiatique de l'Indo-Chine. Avec toute la compétence que lui assurent son expérience, ses études, ses voyages antérieurs et tout son talent, M. Maurice Courant expose d'abord parallèlement le rôle de l'Européen chez les Asiatiques et la situation des Asiatiques vis-à-vis de la civilisation européenne. Puis il étudie successivement dans le détail ces deux grands problèmes qui sont la base même de toute colonisation en Extrême-Orient l'éducation asiatique de l'Européen et l'éducation européenne de l'Asiatique. Il montre combien il importe pour le colon de connaître les mœurs, les institutions, la langue du pays dans lequel il s'établit, de meubler son esprit de connaissances pratiques, économiques et commerciales, et non de le bourrer de chiffres ou de renseignements spéculatifs innombrables, mais qui ne pourraient qu'encombrer sa mémoire sans servir à son éducation pratique. Pour l'Asiatique, il insiste sur la nécessité d'assticier à notre oeuvre colonisatrice l'aristocratie indigène, et pour cela de l'initier à nos idées par l'éducation. Et M. Maurice Courant conclut son livre si intéressant, si utile à méditer, par ces quelques lignes, excellemment pensées « Avec des éléments bien .préparés, fonctionnaires et colons connaissant à fond le pays, la langue, les moeurs indigènes, soigneusement maintenus dans leur milieu moral, largement instruits des vérités scientifiques, des procédés utiles à la vie pratique, discrètement et en petit nombre initiés à la vie intellectuelle et morale de la nation dominatrice, on peut espérer une collaboration intelligente et fructueuse, le progrès vers la prospérité matérielle, vers le développement des qualités des uns et des autres. Ce sera le couronnement de la colonisation, la justification de la violence qui est à la base de toute conquête. » Lyon.
Conserves à chauffage automatique.
On s'est préoccupé, en Russie, d'établir un type de boîte de
conserve permettant aux isolés, patrouilles, reconnaissances, de prendre un repas chaud sans avoir à allumer etc., de feu. La boîte contenant la conserve est enfermée elle-même dans un récipient plus grand divisé en deux compartiments et contenant, dans l'un de l'eau, dans l'autre de la chaux vive, soigneusement séparées par une cloison. Une clef permet de faire le mélange et il se développe alors une chaleur suffisante pour réchauffer l'aliment contenu dans la boite intérieure. L'augmentation de poids causée par ce dispositif serait peu considérable. Il ne serait pas question, d'ailleurs, d'établir d'après ce système toutes les boîtes de conserve, mais seulement la quantité suffisante pour qu'on en puisse munir les gens mis en route isolément ou par petits groupes. Il semble que ce procédé soit appelé à rendre des services, surtout pendant la campagne d'hiver qui s'annonce.
etc.
Moulins portatifs pour l'armée russe.
On a essayé dans l'armée russe de Mandchourie, en vue de permettre l'utilisation des grains trouvés sur place, l'emploi de moulins portatifs actionnés par des locomobiles. Il y en l'un qui donne par jour a deux types différents 8 à 900o rations; l'autre de 16 à 17 ooo rations de farine. Ces moulins peuvent être chargés sur des trucs de chemins de fer, ce qui permet de les utiliser pour les besoins des troupes, chaquefois que celles-ci se trouvent à proximité de la voie ferrée.
Les maisons mandchoues.
n'est pas sans intérêt, aux approches de l'hiver, de décrire le type le plus commun de maisons usité dans les villages de Mandchourie, en raison de l'obligation où vont se trouver les deux belligérants de les utiliser, bon gré mal gré, dans une large mesure. La plupart des détails qui suivent sont empruntés à la 11
brochure du général Orlov, Les Cosaques de Transbaïkalie en Mandchourie en r9oo, et à l'ouvrage officiel, Descriptiore dc la Mandchourie, publié par le ministère russe des Finances. Presque
toutes les maisons de la Mandchourie sont construites sur le même type. Elles sont entourées d'un enclos en pieux ou d'un mur en pisé englobant une cour. La
porte de la maison est presque toujours orientée du côté du sud, ainsi que la façade principale. Celle de la cour est orientée de même et flanquée généralement de piliers élevés. Autour de la cour se trouvent les bâtiments de service écuries, granges, Ces maisons, désignées dans les récits russes sous leur nom chinois de fanse, sont soit de simples rez-de-chaussée, soit à un étage. Les fenêtres, très larges châssis de bois, sont placées aussi du côté sud; elles sont garnies non de vitres, mais d'un papier spécial très solide, qui laisse assez bien passer la lumière et résiste au vent et à la pluie. En général, la porte se trouve sur le milieu de la façade principale et donne d'abord dans un vestibule assez vaste qui sépare en deux toute la maison. Le mode de chauffage est tout à fait particulier. Dans le vestibule se trouve un foyer qui sert avant tout à la cuisine; de ce foyer partent des tuyaux qui vont chauffer les chambres par le procédé suivant. Tout autour des chambres règne un divan de briques assez bas, et large de 1 mètre et demi environ, appelé kan. Sous ce divan passent les tuyaux assurant le tirage du foyer du vestibule. Ils chauffent suffisamment le kan et ses abords immédiats pour qu'on puisse y séjourner assez confortablement par les gros froids: au contraire, le milieu des pièces reste souvent très froid. Les habitants passent donc leur vie sur le kan, qui leur sert de lit, de table et de banc. Souvent le tirage de ce foyer se fait mal et la plupart du temps la fanse est pleine de fumée. Sous le toit sont suspendus les outils, les vêtements et les provisions, qui consistent en riz, en racines légumineuses et en poisson séché. Les hommes et les femmes habitent un côté distinct
etc.
de la maison. Chaque maison a de dix à vingt habitants et chaql:e village une trentaine de maisons.
C'est peu confortable, et les immenses contingents, qui occuFeront la Mandchourie pendant l'hiver, auront à souffrir de ces primitives installations.
L'action des projectiles employés dans la
guerre russo-japonaise.
nombre des blessés par p.ojectiles d'artillerie est (comme dans les guerres antéri2ures) bien inférieur à celui des hommes mis hors de combat P,lf le fusil. Les Japonais emploient à la fois pour leur artillerie les shrapnels et les obus brisants. Les premiers, munis de fusées à double effet, contiennent 260 balles; les blessures faites par ces balles sont très analogues à celles que faisaient les anciens projectiles en plomb; ces blessures sont souvent graves. Au contraire, celles qui proviennentdes éclats d'obus brisads, semblent beaucoup moins graves, en général. La ezuse en est à la très grande force explosive de ces projectiles. L'obus, en éclatant, est transformé en un nombre considérable d'éclats tout petits. Ces éclats ne peuvent conservep leur vitesse au.delà de quelques mètres du lieu d'éclatement et perdent très rapidement leur puissance de pénéLe
tratio7.
La balle du fusil japonais, du calibre de 6m/m5, que tire également la mitrailleuse dont les Japonais font un très grand usage, fait des blessures analogues à celles de tous
les fusils de petits calibres; leur guérison serait, en général, plus facile que dans les blessures faites par le fusil Mauser ou par le fusil Lee.Metford.
Critiques du général Merscheidt contre l'infiinterie allemande. Le général Merscheidt, an-
cien commandant au 15e corps prussien, publie en ce moment un ouvrage où il prend à partie certaines erreurs de l'instruction dans l'infanterie. Le général insiste beaucoup sur la question de la pal'exécution du fameux pas de parade, la jambe rade étendue, a eu pour conséquences bien des mauvais traitements infligés aux soldats; et les propositions du général Merscheidt de transformer et de moderniser la parade seront entendues avec satisfaction par les intéressés. La pédanterie en tout ce qui touche la parade provient d'un oassé lointain, et n'a plus aucune valeur maintenant que l'on combat essentiellement en ordre dispersé. général, on allait au com« Sous le vieux Fritz, dit le bat à rangs serrés pour y tirer des feux de salve et l'on marchait alors au pas de parade; en 1870 encore, la colonne d'attaque reposait sur l'emploi de ce pas. Nos vieux officiers se souviennent des exercices d'attaque, répétés jusqu'à éreintement, au bruit des tambours, des fifres et de la musique. Le combat moderne exige la plus grande mobilité, de la vie et de l'adresse; il faut que, même dans la parade, on tienne compte de ces besoins. Nous cherchions jadis la bonté de la marche de parade dans la raideur suprême nous l'apprécierors à l'avenir d'après l'aspect guerrier des troupes qui défilent, et d'après la correction de l'attitude militaire et l'expression de fierté de chaque soldat en particulier. »
j
La guerre et le Transsibérien.
La guerre
transforme le chemin de fer de Sibérie. La ligne de Teheliabirsk à Irkoutsk avait été initialement construite pour recevoir trois trains par jour dans chaque sens. Au moment de la guerre de Chine, en 1900, l'exploitationest parvenue à faire -asser dix trains, et depuis la guerre actuelle, le nombre en a été porté à douze dans chaque sens en mai, à seize en octobre, à dix-sept à la fin de novembre. La guerre a montré que la. ligne, pour servir à la fois aux besoins civils et militaires, devait permettre le passage de vi:1gt-cinq trains par jour dans chaque sens, et pour cela il faut une seconde voie, des pentes moindres et des rails plus :ourds. Ces derniers sont déjà posés sur les trois quarts du trajet, et les pentes, dans la région des contreforts des mor¡ts Saïansk, entre Atchinsk et Irkoutsk, vont être ramenées partout au-dessous de 10 pour 100. La question de la deuxième voie sera résolue bientôt.
TABLE DES MATIÈRES ET DES GRAVURES Accord franco-anglais du 9 avril J
(Modifications territoriales de l'Afrique occidentale française consenties par 1'1.. des modifications territoriales de l'Afrique occidentale Accord (L') franco-anglais et les Adoua (L'anniversaire de la bataille). Une revue de 100000 hommes passée par Grav Revue de iooooo hommes passée par
Atlantique
9°4
Carte
française.
nr,
149
La
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93
l'). Bennet.
l'),
Vendeurs
348 105
Entrée du Couvent La Grande Place de Podgoritza. Allemands (Les) au Allemands (Diffusion des) dans l'Afrique du Sud.. Andrée (Une relique de l'expédition d"
1i:)7
Le
106
Pass. Haute).
d'Ostrog.
r86
r07
Kasanitza. bergers.
185 185
Chan-toung.
188
Tibet. Tibet. traité). le
358 68 252 5
polaires)
Chili. Transandino.
Carte du Transandino Point culminant de la ligne dans République La montée de la Cumbre
Argentine.
La
cuirasse Bénédetti Un plastron de chemise imperforable.. Un cheval à l'épreuve des Basilique (Découverte d'une) souterraine et de cata-
balles.
siècle. Wagner.
combes près de Rome Bàtellerie (La) en Franceau xxe Bayreuth (La ville de) et le théâtre de
Vue
5
I4i:)
310 215 34! 321
:h2
la
323 329
205
205 141:)
26] z65 266 267 397
39i 397 398 116 366 233
extérieure du théâtre de Wagner à
Bayreuth
théâtre.
Wagner. chiliennes. Intérieur de la salle du Maison de
Beautés Bretons ;(Les) de la baie d'Audierne sont-ils d'origine mongole?
pour suivre la marche des Anglais
au Anglo-tibétain (Le conflit; Anglo-tibétain (Le Arctiques (Les conditions futures d'une Expédition dans les Régions Atlantique (De l') au Pacifique à travers l'Argentine 321, 32g et et le Grau. Un train du
kal
Balles (La mort aux;, 107
et Carte
Angleterre
kal Le village de Galoanstnaïa sur le Baï-
r05
Albanie
grosseur d'une autruche naissante, comparée à la taille d'un petit enfant, Baïkal (Ce que coûtera le chemin de fer de la pointe du) Baïkal (Le lac) et le de fourrures au Baïkal. Le village de Litvemtchenaïa sur le Bai-
Transsibérien.
93
le lac Train de voyageurs passant au sommet de la White Carte du chemin de fer de l'Alaska.. Arrivée par chemin de fer au sommet de la White (Dans la défilé de Une maison de
Pass
341
Autruche (L'élevage de l') aux États-Unis,
140
255
Afrique occidentalefrançaise (Le nouveau régime adminisrratif de Alaska (Les voies ferrées de @i@ Le premier train de voyageurs quittant
Campement des ouvriers du Transan-
dino
Marocains.
Menelick
33c 33r
Le pas de la Cumbre Sur le versant chilien,
Ces types d'enfants bigoudens n'évoquent-ils pas des visages exotiques? Cette jeune fille bigoudcnne n'a-t-elle
pas un type mongol? Cette mariée bigoudenne ne rappellet-elle pas des types asiatiques? Femmes Borgou (Dans le). Un pays du Brandons (La fête des). Survivance du culte du feu
bigoudennes.
Carte
d'avenir. Borgou.
dans le Haut-Bourbonnais Canada (Une colonie agricole française au),
233
23{ 235 12
121r
r21r 122 123
124 1'01
101
39c 2r2
Le
Canots (Les).
Automobiles
nature.
terrestre. africains.
Carte (Une) économique en Cercles (Les deux grands) d'instabilité maxima du globe
Congo (La réorganisation
421
tratives du Congo français.. Congrès (Le) de Géographie de Tunis et les Progrès
comte de Lambert sur son bateau
glisseur
way. char.
Chemins de fer (Les) Chemin de fer (Un nouveau) dans les Indes anglaises
1 Sri
Un
de fer Assam-Bengale. les montagnesdu Cat-
Construction d'un pont métallique dans les montagnes du
Catchar.
de la
159 287
Exploitation
370
Martigny.
Projet
Asie. Nedjaz.
Carte des nouveaux chemins de fer russes en Chemin de fer du Chemin de fer (Le) de la côte est de Madagascar à
Tananarive
(\;¡(L'@
en).
Carte de la Corée d'après les derniers documents.
61
189
Vue
13 133
actuel. Yi-youg-ik
Seoul; porte du palais
Vote de nouveaux
crédits
du;.
Tracé du chemin de fer de Madagascar
Pyrénées.
Carte des trois projets de chemins de fer à travers les
Pyrénées.
Chemins de fer du Siam (Les)
montagnes
tère de Chan-gan-sa Au monastère de Sortie du monastère de Sak-wamg-sa.. Corée (A travers la). -Les étrangers en
Seoui Un
Corée.
prisons. mausolée. Les
Seoul.
coréens
Paysans Une rue de
Corée (Le Culte des morts en) 177 et Enterrement d'un grand seigneur co-
mère. Chevauxfunérairesencarton.
en).
réen Tombeau de la reine
229 2zg
285 3og
Corée (Les Sépultures
Statue
en pierre préposée à la garde du tombeau d'un personnage princier..
Coréenne (L'armée),
Siam.
309
Général coréen
Kita-Bammako. Chemin de fer
196
manceuvres Cosaque? (Qu'est-ce au juste
GraQ.
Chemin de
Les chemins de fer du fer Le) de Kayes au Niger. Achèvement
du tronçon
(Le) soudanais. Du Sénégal au Ni-
Niger. tranchée. Kayes.
Tracé du chemin de fer soudanais de ger
Kayes au
Grau.
Chemin (Le) de fer de Thiès
à
Carte du chemin Thiès Kayes
les
étrangers. en).
rie. mer. en).
Chine (Ports' ouverts. Ports à traité
Cç~i~to~
zgo
277
C
Combustibles (Un curieux procédé pour ravitailler les flottes
Femmes
406 71
Dalny
Damaraland (Le). 1\
173
244 367
«
le quartier des administrations.
Une colonie peu
prospère.
Carte du Damaraland
Discovery » (Le Retour de l'expédition antarctique
anglaise de la) de la Dressage (Le) des fauves, par F. C. Bostock. ~rav. Mme Morelli et ses fauves. Blessé mais non dompté, Un
173
Dakar.
Ta-lien-ouan
Itinéraire
de la Sibérie par une escadre russe
Cologne port de
port de
de)
ville lointaine » de la colonie coréenne à Dalii5,. Emplacement de Dalny dans la baie de
r~rïë~
277
Le
Dalny (La création de), la
291r 277
Circumnavigation (La) de l'Europe septentrionale et est-elle possible? Itinéraire de la Circumnavigation de l'Europe septentrionale et de la Sibé-
Défilé d'un régiment de
Dakar (Les travaux du port
de fer projeté de
à Le vapeur Général Dodds échoué dans le Sénégal. Chevallier (Mission). Voy. OUBANGUI. Chine (Comment est possible la pénétration de la) par
qu'un). cosaques.
campagne
2139
6r
65 65
66 66 67 73 733
Discovery.
jeu ennuyeux
1.
Séoul.
française de Séou ( r~ay. L'École française de Émaux (Confection des) cloisonnés en Chine et au
École
1
L')
74 75
76
8
1
81
8 83 8+ 190 1777
178 179
179 221 221 1177
faisant la critique des
Femme cosaque. Cosaque en tenue de
289
Travaux d'infrastructure du chemin de
fer soudanais Nègres travaillant à l'exécution d'une
Ryong-sang.
Tombeau royal à 285
47
Construction d'une chapelle au monas-
Chemins de. fer (Projet des nouveaux) à travers les \Q!ïif0
Gensan
Chargement des bagages pour l'expédition de
55
emportant
Le secrétaire de le sceau de l'État Corée (A travers la). De Seoul à
60
37 (La situation
Tchemoulpo.
du port de
You-kom-sa.
Carte du chemin de fer de la côte est de
Chemin de fer de Madagascar
Seoul.
Arrivée à Seoul; transport des bagages.
37
Madagascar
la).
Corée (A travers la).
18<)
85
i5o
371
340
Chemin de fer (Nouveau projet de) à travers les Alpes. De Turin à de chemin de fer de Turin à Martigny Chemins de fer russes en Asie. Nouvelles lignes et nouveaux projets
Régence.
Coprah (Le) Corée (L'effervescence intérieure Corée (Situation politique et économique actuelle
3(,9 369
85
Carte des nouvelles divisions adminis-
de
Chemin de fer du Baïkal. Voy. BAïKAL. Chemin de fer (Le) Circumbaïkal. Achèvement et
,oaMe~
(Q¡i~)
The Assam-Bengal Rail-
Cartetunnel du chemin dans
du`.
4z r
Japon. Grav. [Ju atelier d'émaux cloisonnés à Pékin.
Retouche des cloisonnés après une première cuisson
117
2 o(j 209 21
1r
405 405 161
¡61 162 163"
77 77 317 7
317 353
353
354 355 373
373 273 273
274
Sahara.
Émeraudes (Les) du Embarras (Les) d'un explorateur archéologue.
Erythrée (Les Italiens en) État juif (Le futur; sera-t-il en Afrique orientale?. Etats-Unis (Pourquoi les sympathies des) vont au Japon,
372
3.p 382 6 8(i
Hambourg et Brême contre Anvers et Rotterdam.. Harems (Les femmes américaines dans les) Herreros (Moeurs et coutumes des Herzégovine (En) De Serajevo à la frontière du Mon-
)
183
Expéditionscoloniales de 1 Allemagne et de l'An-
gleterre Fauves
(Où en sont
les)
15 5
Coiigo
Uneordinaire.
Femme
femme du Congo et son fardeau
coco. Pnom-l'enh.
Femmes (La condition des) dans le sud de l'Inde. du Sud-Indien travaillant des
Femmes
Fête
noix de (La) des Eaux à @!iD La fête des eaux à Pnom-Penh,
Regates>
Féticheurs (L'initiation des) au Flotte russe (Départ de la) de la
régions
Congo.
Baltique pour l'Ex-
La
fEmilia.
Forum romain (Les dernières
basilique Le forum romain avant 1870, Le forum romain en janvier 1904. Escalier du temple de Fouilles (Les) de M. Gayet.- Découverte d'un guignol contemporain des
301
357' 357 230 350 38 212 a
211 201
202 203
204
Pharaons. (L'arrangement)
223 134
nouveau traité)
Chemini.
Sud-Tunisien
Gabès
Pont de
Djana,
Menzel
Marché de
(Une;
L'oasis
70 57 57
58 58 59
Gayet. (M.) Voy. Fotu-t-ra.
Fumerie d'opium Génération spontanée (L1~ des villes.
d'Australie
Gorge de
1I8
du). viaduc. de). lac. la).
Construction du
funiculaire,
Saint-Philbert.
du)
Carte du Groenland 293,297et Guyane française Guyane française Carte habitations placers (Vers les placers de la) de la Deux aux
19
153 153
154 154 155
126 253 253 305 293
de la
Guyane française Ouvriers créoles et leurs surveillants Un tunnelde prospection pourgisements
297 299
Central
305 307
auriferes,
L'établissement"
».
tistan
De
137 138 139 140
Workmanndans le Bal181
malaya
7
l'). l').
132 mètres dans l'Hi-
Indigo. Voy. MANDCHOI'IUE. Indiens d'Amérique (Les Indo-Chine (Arts et métiers de Indo-Chine (La défense de Ivoire (Les travaux publics à la Côte de
derniers). l')
Carte min
137
18r
Une ascension de
de la Côte de l'Ivoire et du chede fer de Petit Bassam à Kong.
Jacottet(Henri).
182 195
334 406 325 325 143
Japon (Le) et la civilisation occidentale. Le Roma-jo ou l'alphabet latin de la langue japonaise
du).
Japon (Le) grande puissance Japon (La situation économique Japon (Au). Religions d'hier et d'aujourd'hui
Temple
Sintoïste à
Nikko
36 382 62 97
gï
Entrée d'un temple bouddhiste à Kioto. La statue gigantesque de Bouddah à Kanakouna Statues bouddhiques du temple San-jiu
98
aïno.
100
populaires. théâtres Osaka.
lOg
Kioto Japon (Les deux races du) à
Spécimen du type
99
lOg 109
Spécimen du type japonais proprement
dit Japon (Au). Lesdistractions
La
La
230 17 17 18 18
La descente du Grand-Lieu (Le lac chasse sur le Le village de Passay Passay place où a lieu la criée, la nuit. L'antique église Guerre russo-japonaise (L'enjeu de Groenland (Un rapport sur la population et le commerce
Itinéraire du
rue des
à
dans un champ d'iris.
Noge. Japonais. Chine.
La Promenade
263
parc de Yellowstone. Grand-Jer (Une excursion au pic rav. Vue de la gare de départ du funiculaire. Panorama de Lourdes
La
::a:?if·
395 238
Dans
le Baltistan
Kalgoorlie
(La; du
la Mort»
Himalaya (Nouvelles explorations dans l').
301
Vénus.
Franco-Anglais Franco-Siamois (Le
Grav.
4133
japonaises en présence dans les
d'Extrême-Orient. fouilles du).
Gabès L'oasis de)
413
Les
trême-Orient. polychromes.
Fontaines Forces ¡Les) russes et
ville de l'Herzégovine A la Tchardja de Sérajevo.
228
:Q!¡i veut acheter des) (La condition de la' au
Serajevo.
Conscrits
États-Unis (Aux;. Desfan3tiques religieux tuant leurs enfants,
Drina.
ténégro par la vallée de la se rendant à Fabrication des confitures par des paysans de l'Herzégovine. Cour de quartier turc dans une petite
31¡
colline de
Jeunes
Japon (Pénétration du) en
Japanais (Les)
et les littérateurs
Japonaise (La
presse).
lecteurs
d'Occident.
(L'infanterie). des). voyageur). Arméniens. solidifié.
Kourdes (Les) et les Lac (Un) de sel Lac Menzaleh (Le). Ses villes disparues d'un château fort à Peluse. Carpouty
lac. départ
pour la pêche transport des voyageurs pour gagner la « (Succès de la mission). La vrai-- route d~ la
djerme. Tchad. Lenfant. Itinéraire
Lenfant
1 q 1I5 115> 119
z5z 2 22 92 54 52
87 212z 303 >
a
Port de pêche dans une île
du
Le Le
1133
Comment elle trompe ses
Japonaise Juifs en Russie (La situation Kanitz (Mort du Khoungouzes et Toungouzes,
Ruines
113
France au
de la mission (Le retour de la mission).
Lenfant Lhassa (Entrée des Anglais
à).
:1
3 -1
6g 6g 153
278
del.
Lhassa (Ceux qui sont entrés dans la merveilleuse cité
Haut-
Limousin (Excursion sur les bords de ~rav.
la Vienne en
Virole. limousin.
Pont sur la Vienne près de
lai.
Tornac.
Cascade de la Un mendiant Lippe-IIetmOld (L'affaire de la succession
de,'
Loire navigable (Une tentative nouvelle pour rendre Londres [La transtonnation du port
dei,
Los (Les îles de) et l'avenir de Konakry Madagascar (L'enquête du général Gailiéni sur les
institutions indigènes de; Madagascar (Les transports à). La filanjane détrônée par
l'automobile. Transvaal.
lliain-d'aeuvre (La) chinoise au Mandchourie (Les gisements aurifères de la; Mandchourie (L'œuvre des Russes en) :iiandChourie (La préparation de l'indigo en,
La
377 387 279
3;,f4 399
295 1 Ro 318
94 175
237
Mandchourie. en)
49 49
Vue générale des temples de la ville de
Kaïlar.mongol..
la). terrc.
Type de cheval Montagne sacrée avec un petit temple à son sommet Mandchourie (Notes sur femme mandchoue. Hutte de paysans avec son rempart de
jeune
Marine marchande en Allemagne (Les
50
50
Menées anglaises en
193
]93 195
progrès
Maroc.
Mexique (Au). Les Indiens Tehuanos et leur ville de Tehuantepec, rivale de Panama. L'archevêquede Tehuantepec au milieu de ses ouailles Femme tehuana portant le Gtiepil
Missions françaises en Extrême-Orient (La guerre
Japon.
russo-japonaiseet les) Marine japonaise (La) et les ports de guerre du les ports de guerre du
Mœurschinoises. Une visiteentre femmes du monde. Monténégro (Du) en Albanie. Scutari.. 35 et
polaires
Entrée
302 342
390 86 157 157 14
Pnom-Penh. cambodgienne.
903.
lai. problèmes.
square Jakson.
Le
Nouvelle-Orléans(La population actuelle de Nouvelle-Zemble (Un séjour dans
(L' ses lois
la;
et ses Grav. La nasse est envoyée sur le fond Sondages Le chalut plein est amené à Oasis sahariennes (Les idées religieuses et poli-
tiques desj, Olympe de Bithynie (Une ascension au
Le port
del. d'Oran
Chari
Mission Chari-Lac Tchad
Les
Panama. ville Panama. Miséricorde. Grav. Sainte-Anne. Revellin La
Eglise de la Parc de Rue de Place de
Saint-François.
modernes.
Panaméricain (Le Transcontinental)
169
Perdicaris
(Le brigandage au Maroc à propos de
170
l'affaire)
soleil
En Albanie
d'animaux séchant au
pont sur la
Scutari.
rue principale de Gjoani l'évêché des Paysanne de la plaine Caravane de montagnards Mormon (Un) au Congrès des États-Unis. Niger (La navigation sur
Poulati.
le). skreli.
35
171 172
343 31g
417 417 41S 419 213 213 37
381
3Sl 145 145
146 146 147
284 349 349
des).
aux).
219
l'Amérique.
(Le) nègre en Afrique.
verue de
401 401
349 420 319
des
Péril
110 7
travers le bassin du
169
Peaux
34
gr1
d'Oran. d'Oran.
De Gatzko à la frontière turque.
Scutari
33
89 go
la forêt
ports du monde après le percement du Panama nouvelles routes maritimes créées par le canal de
Grav
ti9
mont).
45
Scutari Coin du marché
+5
225 225 226 227
30S 385 385
Panama (Le canal Panama. Des distances qui séparent les principaux
Paquebots
47
23
Le fond du port (De l') au lac Tchad à
(çiiÏ~1&j
2 r
Olympe.
Vue générale
Oubangui
21c
386 387 198
Au sommet du mont Or (L'origine de l'I au Klondyke, Or IL') à Madagascar, Oran (Le port d')
Grac.
365
402 403
plaine.
incendiée
365
bord.
Une halte dans la Aux flancs du mont Olympe
Grav.
389 389
France.
La pagode de Pirogue Nouvelle-Orléans (La) en 1803 et en Grav. Bateau faisant le service du Mississipi. L'hôtel de ville de la Nouvelle-Orléans,
325
133 133
de).
Nord~nskjÕld (Les résultats de l'expédition Norodom 1er, roi du Cambodge. Un monarque asiatique protégé de la du Palais royal de Pnom-Penh.
Boïana.
Scutari
La
Itinéraire
Diagramme montrant la progression des vitesses et déplacementsdes bâtiments de commerce à vapeur Silhouettes comparatives de la Jeanne d'Arc, la Lorraine, le Kaiser ~Vilbelm et les nouveaux Cunard Patagons (La taille Peaux Rouges (L'Évolution
Rieka, où l'on s'embarque pour aller à
Monténégro (Au).
gation de Nordenskjtfld (Comment fut retrouvé). Le naufrage de son navire l'A~atarctic. de l'Antarctic dans les régions
286
Gènes. Perse
Carte indiquant Japon,
~in.e1 L'amélioration du cours du Nil et
51
au:au) .174
de la) Maroc (La politique française Maroc (L'oeuvre future de la France Maroc (Cérémonies religieuses au) Grav. La fête du Rhamadan au Marseille (Les ports de) et de
l'Égypte,
Océan
237
t l'Égypte.
Nil (L'amélioration du cours du) et l'irrigation de
246 31
récolte de l'indigo dans les plaines de la Mandchourie (Les Russes générale de la station de Djelan-
Vuetoune
6 377
Une Église noire
PhiliJ~pines (La question des Langues et les Missions protestantes
207 310
du). à). (Le).
Phoques à fourrure (La chasse
des;
Pithécanthropes (Une colonie de) vivants à Java.. Pôle Nord (Probabilités de l'existence d'une terre près
Pôle Sud
(Y a-t-il moyen
d'arriver au) en automobile.
Pompéi (Une visite
(9~~)
Le temple de Jupiter à
Pompéi.
VilIaditedesVettii" et
Popocatepetl Graa.
Amecameca et le Popoca2epetl. Vue de l'Ixtacihuatl la femme couchée. Une heure après avoir quitté Ameca-
meca
cratère. stratégique.
Un coin du
Popocatepetl.
de?.
La descente du
Port-Arthur. Son importance Port-Arthur (La genèse Grav.
Ports francs
Panorama de
Port-Arthur
236 275
337 337 339 29 9 1 ()
29
29 102 165 165
Rocher
La crevasse d'Escoaïn de la crevasse d'Escoaïii
d'Escoaïn.
4°
d'Escod'in.
41
Le village La Fuente, rivière de la crevasse d'Es-
coaïn Un montagnard
41
42
294
le')
1 *« Radium (L'eau et Remplacement (Le) de la vapeur par l'électricité sur
tine. la;
92
les chemins de fer est-il prochain? Robo d'une javanaise (Comment se fait Rosario de Santa Fé (Le port de). République Argen-
327
montage. Les quais de bois État actuel du port de Rosario.
393 395
Roscoff (Le laboratoire de zoologie expérimentale de)
36 t
@j¡y) Ateliers et chantiers de
(:I'~V.
Roscoff. laboratoire.
Le laboratoire de zoologie expérimentale
de
la).
L'aquarium du Un des bacs de l'aquarium et ses habi-
tants
Russie (Les Paysans de
Paysannes de la Petite Russie, La quatrième classe
Volga
sur un vapeur du
Une isba dans le gouvernement de Poltava Russie (Rivalité de la) et de l'Angleterre en Perse.. de la Perse montrant les voies de la pénétration Sahara (Les Forages de Puits dans les oasis Sahara (La question de l'eau dans les oasis Sardine (Pêche et préparation de Saint-Gothard (La route du~ Gr~av Approches du tunnel du Saint-Gothard. Saint-Louis (La prochaine Exposition Or Grac Pose du premier Plan de l'Exposition Palais des machines Palais des Arts Saint-Louis et l'Exposition commémorative de l'achat de la Louisiane. 245, 249 et @iïi~ Carte de la Louisiane en 1803 et en
Carte
européenne.
Sakhaline Sénégal (L'Irrigation
Seoul à Moukden (La route stratégique Seoul (Incendie du palais de) Siam (L'accroissement territorial de la France au) Can;
20 39~'
394
361
362 363 281 281 t
282
Les grandes percées des Simplon (Au tunnel du). Nouveau retard dans son
percement.
de). rang.
Simplon (Observations géologiques sur le) Soleil (Les nouveaux adorateurs du) à Chicago
53 53
français
Spitzberg ,Une excursion au, Stanley (Mort srac. Portraitde
Stanley.
Suez (La navigation du canal de).
Superficie (La) des territoires africains soumis aux
européennes
Hongrie. Panama.
Superstition (Étrange) en Tahiti et le canal de Tanis Ruines de
l'ancienne;
Maisons arabe>. Aspect général des ruines de Sculptures d'un « Naos >~ Télégraphie sansfil ,L'application de la) en France. Tërre-Neuve (La question de) et l'accord anglo-français du 9 Theveniaut (La mission) dans l'Adrar Tibet (L'Angleterre et le). Voy. ANGLETERRE. Tibet (La Campagne des Anglais Tibet (Moines et monastères monastère tibétain; la lamaserie de
cra~ Village de San
Tani~
Kunowari.
Tirailleurs
quais de Saint-Louis et le Mississipi.
Le Palais de Justice dans la ville basse.
Lhassa.
Paysannes de race Un campement tibétain sur la route de
249 z5o
provisoire. sénégalais.
Leslais (Les)
182
IIr 107 167
284 350 326 206
409 409 410
majon. baron).
Toll (Inquiétudes persistantes sur le sort de l'expédition du
411r 175 158
141
197 197 198
241
242 242 243 391
366 217
femmes de nos tirailleurs sénéga-
Tirailleur sénégalais portant son enfant. L'un des survivants de la mission Case-
270 245
388 422
24'
au). LeBouddhisme.
26
1903
108
Groupe de lamas mendiants Tibet (Voyages et explorations hameau de Lipe, l'un des foyers du
au'
jalon.
28
156 269 269
414
25 25
Libéraux.
151
avril. du' Un
Une gorge dans les montagnesdu Tibet. Tibet (Écho de l'expédition anglaise au) Tien-tsin (La ville actuelle de) et l'œuvre du gouvernement militaire
27
110
La France au
la).
261 261
380
le réseau de
So..
283
29'
Nigeria. Alpes.
Simplon (Autour du)
puissances
260
125
siamoises
Noirs dans la
troisième
257 258 259
12j
Silencieux (L'insurrection des). Une société secrète de
l'État
251r
d'après le dernier traité. Carte des nouvelles provinces franco-
275 262 359
du). du).
Les
du). de'
Palais Une cascade (Les déportés de
Soldats (Les) du génie employés sur
Race blanche (Opinion d'un nègre sur l'avenir de
la)
Libéraux. Industries de l'Electricité. lumineuse. l'île).
Palais des Arts Palais des
(Ç~r.1!i)
40
250
<m. Pont du chemin de fer sur le Mississipi.
IlI
79
Pyrénées (Dans les).
affaires
351 30
(Les). Alger semble désigné pour un
essai
Saint-Louis Les maisons hautes dans le quartier des
Toundra? (Qu'est-ce que
la;
·
217 218 8 219 150 247
Train (Un) extra-rapide sur
le P. L.
Ni
bérie. boisé. Dalny. 13 h. :;0,
Transatlantiques (Le duelanglo-allemand des lignes
Transsibérien Le Comité du' et
t·na~
son œuvre en Si-
Le seul tunnel du Transsibérien. Un village d'émigrants dans le steppe
de).
303
3133
3133 314
Tunisie (Progrès de la colonisation française en;, Vancouver (Une franc-maçonnerie de Cannibales
60
Vikings /,Découverte d'un navire des Vladivostok (Une soirée à)
cra~
port. théâtre chinois.
Vladivostok Le
la rade et le
chinois.
ottoman. de). Artistes du théâtre
Wahabites (Le soulèvement des). l'empire
anciens'
Livres et Cartes, 7, 15, 23, 31, 39. 47, 55, 63, 7 l, 79. 87, 95, 103, III, zig, 1'J.7. I35, Iq3, ISI, c5g, I6~, y5, I83, IgI, Igg, 207,215,223,231,239.247,255;263, 271, 279, z8~, zg5, 303, 3I I, 3tg, 3z~. 335, 3q3. 35I, 35g, 3ê7. 375, 383,391,399,407,
BIHLlOGRAPHIE
31S
gari
Texte
207
La coquette ville de Le pont du chemin de fer sur la Soun-
dans l'île
Livres et Cartes.
Paris-Nice en
3 16
280
Armées et Flottes.
52
3455 345 346 347
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136, ¡68, 200, 232, 264, 296, 3z8, 360,
392 et
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La mer Jaune et les trois ports de PortArthur, Wei-Haï-Weï, Kiao-Tchéou, ,,129 et Yéso (Huit jours dans l'ile ~rav. Danse de femmesaïnos
279 333
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aïno. Yéso. Japonais. Hutte aino
Vieux couple Couvent de trappistes près d'Hakodaté. Carte de Pile de (La situation militaire du) améliorée par les
Mouvement géographique et colonial.
333 141
129 130 131
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Texte 5~), ôô, 112, 144, 184, 20ô, 24.ô, 280, 312, 34.h 376 et
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254
Revues Étrangères.
Conseils aux Voyageurs. Texte
Texte
32,39,64,80,
415
Un schisme dans
Weï-Haï-Weï (Le Présent et l'Avenir
Yunnan
et.
120, J6o, 192, 216, 240, 272, ~n6, 368 et
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IG,48, 72, 104, Ia8, .52, 176, 224, 256, 288, 304, 320, 352, 38+,
et
416G
Paris.
Imprimerie F.
SCHMIDT, 20, Rue du Dragon.