Caillebotte

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SOMMAIRE

TABLE OF CONTENTS

The Rules of the Game 9

La règle du jeu 9

L’intranquille 17

An Unquiet Mind 17

77, rue de Miromesnil 33

77 Rue de Miromesnil 33

Trial by Fire 49

L’épreuve du feu 49

Dans la mêlée 62

Into the Fray 62

Faire alliance 77

Forming an Alliance 77

A Family Affair 91

Une affaire de famille 91

Shadows Cast 102

Ombres portées 102

Peindre son monde 121

Painting His World 121

Interlude | Gustave by Gustave 145

Intermède | Gustave par Gustave 145

Bande à part 147

Breaking up the Band 147

In Full Sail 168

Toutes voiles dehors 168

Charlotte, l’amour flou 184

Charlotte, Love out of Focus 184

At Le Petit-Gennevilliers 200

Au Petit-Gennevilliers, à l’air libre 200

Le voyage 217

The Voyage 217

Fleurs et couronne 222

Flowers and Crown 222

Dispersions 243

Dispersals 243

Index 252

Index 252

L’homme au balcon, vers 1880 (MB 145)

L’homme au balcon (“Man on a balcony”), circa 1880 (MB 145)

Bibliographie 254

Bibliography 254

Le Billard, vers 1875 (MB 27) (“Billiards”), circa 1875 (MB 27) 001_256_Caillebotte_EN_FR.indd

77 rue de

à interpréter avec davantage d’ironie que de bougonnerie ? Raconte-telle plutôt de la timidité ou de la retenue ? À quoi ressemble alors sa vie intérieure ?

unwaveringly stubborn and protruding pout to be interpreted as ironic rather than grumpy? Is it more a sign of shyness or reserve? What were his inner thoughts? Sadly, no private letters have come down to us.

Aucune lettre intime ne nous est hélas parvenue. Un libraire parisien a toutefois récemment découvert quelques-uns des livres que possédait le futur peintre, joliment reliés en demi-chagrin et signés de sa main, dans le paraphe plein d’esbroufe d’un individu de 20 ans66. Gustave se nourrit autant de volumes de poésies de Théophile Gautier, du Voyage en Orient de Gérard de Nerval, que de l’Histoire de la peinture en Italie de Stendhal, narrant, entre autres, la vie de Léonard de Vinci.

However, a Parisian bookseller recently discovered some of the books the future painter used to own. They had a half morocco binding and were signed by his hand with the extravagant signature characteristic of a 20-year-old.66 Gustave could consume volumes of poetry by Théophile Gautier or Voyage en Orient by Gérard de Nerval, as well as Histoire de la peinture en Italie by Stendhal, which recounts the life of Leonardo da Vinci, among others.

Sans doute puise-t-il également dans les livres de la bibliothèque paternelle : Racine, Rabelais, Voltaire, la Revue des Deux Mondes, et quelques grands romans d’aventure de Walter Scott ou Fenimore Cooper67.

He must have also helped himself to books from his father’s library: Racine, Rabelais, Voltaire, the Revue des Deux Mondes, and a few great adventure novels by Walter Scott or Fenimore Cooper.67

Il possède enfin trois tomes des œuvres complètes de Baudelaire, disparu quelques mois plus tôt, en août 1867 : la traduction des Histoires extraordinaires et des Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, mais aussi L’Art romantique, un recueil de textes critiques notamment sur l’œuvre de Delacroix et contenant par ailleurs son fameux texte Le peintre de la vie moderne, dans lequel Baudelaire développe sa conception du « flâneur » pour qui « c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ».

Finally, he owned three volumes of the complete works of Baudelaire, who had died a few months earlier, in August 1867. These included translations of Edgar Allan Poe’s stories, but also L’Art romantique, a collection of criticism that features texts on Delacroix and also contains his famous essay Le peintre de la vie moderne, where Baudelaire expands upon his notion of the “flâneur” (ambler) who “derives great pleasure from dwelling in multiplicity, fickleness, movement, momentariness, and infinity. Living outside one’s home, yet feeling at home everywhere; seeing the world, being at the center of world and remaining hidden from the world.”

Flâneur, Caillebotte le sera à sa manière, dans l’étude attentive des mœurs et des attitudes de ses contemporains, et l’observation des codifications de l’espace social. Nettement moins dans une façon de faire sienne le monde extérieur, de l’utiliser comme un champ d’expérimentation. Toute sa vie, à l’exception notable d’un tardif périple au Maghreb que nous avons découvert, Gustave sera plutôt sédentaire, ne se laissant que peu gagner par la fièvre du voyage.

Caillebotte would amble about in his own way, closely studying the mores and behavior of his contemporaries and observing the codifications of society; but much less by making the outside world his own or using it as a field for experimentation. All his life, with the notable exception of a late journey to the Maghreb that was recently discovered, Gustave had a rather sedentary character, only rarely letting himself seized by an urge to travel.

Il est rarement noté combien ce garçon, qui n’est pas forcé à la ligne droite par la nécessité, semble dans la première partie de son existence si peu pressé. Quand certains peintres de son milieu foncent, bille en tête, vers leur vocation (Jean Béraud, Henri Gervex, Berthe Morisot…) ou que d’autres en profitent pour arpenter le vaste monde (comme Manet qui a embarqué à 16 ans comme matelot pour Rio), lui ne passe le concours des Beaux-Arts qu’à presque 25 ans. Et ne se lance vraiment dans la mêlée, en proposant ses Raboteurs au Salon, qu’à 27 ans.

Il est vrai qu’entretemps, la guerre pourrait avoir contrecarré ses projets.

It is rarely noted how much this young man, since he was not forced by necessity to march on in a straight line, seemed in no hurry whatsoever and bided his time. While some painters of his day rushed headlong towards their calling (Jean Béraud, Henri Gervex, Berthe Morisot…) and others took the opportunity to travel around the world (like Manet, who aged sixteen embarked for Rio as a sailor), Caillebotte only sat the École des Beaux-Arts’s entrance exam at nearly 25. And only really threw himself into the fray when he submitted Les Raboteurs (“Floor planers”) to the Salon aged nearly 27. Granted, the war of 1870 may have thwarted his plans.

66. Librairie Pierre Saunier, 22 rue de Savoie, 75006 Paris.

66. Librairie Pierre Saunier, 22 rue de Savoie, 75006 Paris.

67. ANMC/ET/ LVIII/906, 3-4 février 1875 : inventaire après le décès de Martial père (bibliothèques de l’hôtel de la rue de Miromesnil et de la maison de Yerres).

67. ANMC/ET/LVIII/906, 3–4 February 1875: inventory after the death of Martial Sr. (libraries of the mansion in the Rue de Miromesnil and the house in Yerres).

Gustave Caillebotte en 1867-1868 (archives familiales)

Caillebotte, circa 1867–68 (family archives)

Intérieur d’atelier au poêle (MB 10)
Intérieur d’atelier au poêle (“Interior of a Studio with Stove”), circa 1872 (MB 10)

En sortant de l’atelier, Gustave s’imprègne de l’ambiance du quartier. On peut supposer qu’il lui arrive d’aller vider un bock au café Guerbois, avenue de Clichy, où Manet, Fantin-Latour, Falguière et d’autres se réunissent parfois le vendredi, mais aucun témoignage ne le confirme. Achète-t-il parfois ses peintures chez Hennequin, le marchand de couleurs de la porte d’à côté ou bien se fournit-il déjà chez Vieille, rue de Laval ?122

Café Guerbois on the Avenue de Clichy, where Manet, Fantin Latour, Falguière, and others sometimes gathered on Fridays, but no accounts exist to prove this. Did he go to buy paints at Hennequin’s, the art supplies dealer next door, or was he already getting them from Vieille, in the Rue de Laval?122

When viewing the general picture, one is overwhelmed by the sheer number of artists living in the same area. Master Bonnat had his personal studio two paces away, on the Place Vintimille.123 Eugène Boudin, Monet’s friend and the “king of the skies” (according to Corot) and of plein-air painting, had just moved in across the street in 1871. The Impressionists would see him as a pioneer even if he himself remained outside the movement.

En élargissant le cadre, on est pris de vertige face à la concentration artistique qu’on rencontre alentour. Bonnat travaille chez lui à deux pas de là, place Vintimille123. En face vient d’emménager, en 1871, Eugène Boudin, l’ami de Monet, le « roi des ciels » (dixit Corot) et du plein air en qui les impressionnistes reconnaîtront un pionnier même si lui restera à l’écart du mouvement.

Alexandre Cabanel, the master of the hour, worked at 17 Rue de la Rochefoucauld. Upon returning from Bonnat’s studio, Gustave could, in the space of one quarter hour, go and smell the whiff of glory under his windows, walk in front of the terrace of the Nouvelle Athènes on the Place Pigalle, where he might have had a chance of spotting Degas and Renoir, and just before arriving in the Rue de Miromesnil run into Manet who lived and worked in the Rue de Saint-Pétersbourg, or Mallarmé in the Rue de Moscou.

Alexandre Cabanel, le maître des horloges, travaille 17 rue de la Rochefoucauld. Au retour de chez Bonnat, Gustave peut, dans le même quart d’heure, aller humer le parfum de la gloire sous les fenêtres de ce dernier, passer devant la terrasse de la Nouvelle Athènes, place Pigalle, où il a une chance d’apercevoir Degas et Renoir, et juste avant d’arriver rue de Miromesnil, croiser Manet qui vit et travaille rue de Saint-Pétersbourg, ou Mallarmé installé rue de Moscou.

122. Dont on retrouve le tampon au dos de certaines de ses toiles de jeunesse. Par la suite, il achètera ses toiles, sinon ses couleurs, chez Dubus, 60 boulevard Malesherbes.

123. Voir Fantasio, « Voyages au Pays des ateliers », Le Charivari, 23 mars 1876.

Whose stamp can be found on the back of some of his early paintings. He would later buy canvases and colors at Dubus, 60 boulevard Malesherbes. Fantasio, Le Charivari, 23 March 1876.

Jean Béraud, Portrait d’homme (“Portrait of a man”) [Martial Caillebotte Sr.], 1874

Jean Béraud, Portrait d’homme [Martial Caillebotte père], 1874

Déjeuner (MB 37) (“Luncheon,”), 1876 (MB 37)

Vue prise à travers un balcon, vers 1880 (MB 147) Amsterdam, Van Gogh Museum

Vue prise à travers un balcon (“View through a balcony”), circa 1880 (MB 147), Amsterdam, Van Gogh Museum

b reaking up the band

once again preferred the Official salon, Degas had imposed newcomers. Among them was Jean-François Raffaëlli who became the bone of contention between Degas and Caillebotte when he saturated the picture rails with forty of his works. The following year, Gustave would write to Pissarro: “In 1878, he [Degas] brought us Zandomeneghi, Bracquemond, Mme Bracquemond; in 1879 it was Raffaëlli… to name but one. – A n army of fighters for the great cause of realism!!!”272

Why was Raffaëlli’s presence such a nuisance to Gustave?

Admittedly, his rather dry paintings were clearly realistic in style, but until recently Gustave’s had been as well. In fact, both Degas and Pissarro were pushing to include “independent” painters in the group, and no longer only Impressionists. The difference was slight but crucial. In their view, only those who “had the firm intention of staying away from the Salon Officiel”273 were truly independent. On the basis of this definition, a mediocre painter like Raffaëlli or a more inspired artist like Zandomeneghi were more independent than Monet and Renoir, who regularly surrendered to the siren call of “l’Officiel.” And one had to admit that in 1880, the defections made them look bad: “In the impressionist temple, Renoir and Monet stood out like two caryatids. Is the temple going to collapse because the two caryatids have resigned from their position?” the newspaper L’Artiste ironically wrote.274 In short, it was all a question of point of view. Or point of focus, to paraphrase a surprising painting Gustave showed in 1880.

Bracquemond, Mme Bracquemond ; en 1879 Raffaëlli… j’en passe. –Quelle phalange de lutteurs pour la grande cause du réalisme !!! »273 En quoi la présence de Raffaëlli gêne-t-elle à ce point Gustave ? Certes, ce peintre au style un peu sec est clairement réaliste, mais jusqu’il y a peu, Gustave l’était aussi. En fait, Degas comme Pissarro poussent pour inclure dans le groupe des peintres « indépendants », et non plus seulement des impressionnistes. La nuance a son importance. À leurs yeux, seuls sont indépendants ceux qui « ont la ferme volonté de s’écarter du Salon officiel »274. Sur la base de cette définition, un peintre médiocre comme Raffaëlli ou – plus inspiré – un artiste comme Zandomeneghi sont plus indépendants que Monet et Renoir qui régulièrement cèdent aux sirènes de l’Officiel. Et il faut admettre qu’en 1880 les défections font désordre : « Parmi les impressionnistes, Renoir et Monet se distinguaient comme les deux cariatides du temple. Le temple va-t-il s’effondrer parce que les deux cariatides ont abandonné leur poste ? » ironise le journal L’Artiste275. Tout est une question de point de vue, en somme. Ou de mise en point, pour paraphraser une étonnante toile exposée par Gustave en 1880, Vue prise à travers un balcon. L’audace de cette calèche vue en plongée à travers les volutes forgées d’une balustrade témoigne du génie et de la liberté de Caillebotte, mais elle dit aussi une manière de claustration, d’isolement. Gustave est privé de ses fidèles Renoir et Monet, et exposer perd de sa saveur. On touche ici à la dimension la plus émouvante de cette brouille. Pour Caillebotte, l’aventure impressionniste est avant tout une histoire d’amitié. Il ne supporte pas qu’un grand bourgeois comme Degas, malgré son talent, ose s’en prendre à Monet ou Renoir, qui sont ses vrais amis dans le groupe. Et dont la défection lui inspire des lignes pleines de détresse : « Le sentiment qui domine chez moi [...] c’est celui de la désillusion. La vie me semble être une chose atroce. Y a-t-il des gens qui la supportent, sans concessions de toutes sortes », écrit-il à Monet276.

The boldness of this carriage seen from above through the iron curls of a balustrade attests to Caillebotte’s genius and to his independence of mind, but it also expresses a feeling of confinement and isolation. Without his loyal peers Renoir and Monet, the exhibition lost its relish for him. And now we come to the most moving aspect of the quarrel. For Caillebotte, the adventure of Impressionism was above all about friendship. He could not stand having an upper-class painter like Degas, despite his talent, lashing out at Monet or Renoir, who were his true friends in the group. And whose defections caused him to write these lines full of distress: “The overwhelming feeling I have […] is that of disillusion. Life seems a terrible thing to me. Are there people able to bear it, without making all kinds of concessions,” he wrote to Monet.275

Et d’ailleurs, l’exposition de 1880, il la boude. « Moi qui ai toujours passé mon temps dans nos locaux je ne mets pas les pieds dans celui-là. Il me fait froid »277, écrit-il dans une autre lettre à Monet, expliquant qu’à la place, il s’est rendu plusieurs jours à la campagne. Il y a chez Caillebotte cette dimension touchante, presque enfantine de l’affect meurtri, démesurément abîmé lorsque sont attaqués ceux qu’il aime. Quand il traite de peinture, Gustave est comme un jeune amoureux, il se donne entièrement, sans retenue. « Tout à vous », c’est ainsi qu’il a pris l’habitude de signer ses lettres aux membres du groupe.

As it happens, he shunned the 1880 exhibition. “I have always my time at our venues, but I will not set foot in that one. It leaves me cold,”276 he wrote in another letter to Monet, explaining that instead of attending, he had gone to the countryside. Caillebotte’s character had that touching, nearly childish sense of wounded affection that made

273. Lettre de Caillebotte à Pissarro, 24 janvier 1881 (Fondation Custodia, REF 1978-A.35).

from Caillebotte to Pissarro, 24 January 1881 (Fondation Custodia, REF 1978-A.35).

274. Lettre de Pissarro à Léon-Paul Robert, J. Bailly-Herzberg, op. cit., p. 138.

275. L’Artiste, revue de Paris, « Les impressionnistes », 1880, p. 140.

from Pissarro to Léon-Paul Robert, Bailly-Herzberg, Correspondance de Camille Pissarro, op. cit., p. 138. “Les impressionnistes,” in L’Artiste, revue de Paris (1880), p. 140 (February)

276. Lettre à Monet, 11 mars 1880, INHA, BCMN Ms 630, vue 30/368.

275. Letter to Monet, 11 March 1880, INHA, BCMN Ms 630, view 30/368.

277. Lettre à Monet, 14 avril 1880, INHA, BCMN Ms 630, vue 34/368.

276. Letter to Monet, 14 April 1880, INHA, BCMN Ms 630, view 34/368.

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elle avait vu le jour à Paris en 1858339. Ce n’est pas l’âge qui avait été donné trois ans plus tôt à l’agent recenseur de Gennevilliers, mais le notaire n’entre pas dans ces subtilités : il convoque Martial et Renoir qui confirment que ladite Anne Marie Hagen est bien celle qui vivait avec Caillebotte sous le nom de Charlotte Berthier. À cette époque, les alias sont relativement courants, personne ne semble s’étonner, va pour Anne Marie Hagen à qui l’on verse sa part d’héritage, pension et maison du Petit-Gennevilliers.

according to which she was born in Paris in 1858.338 This was not the age that had been given three years earlier to the census officer in Gennevilliers, but the notary did not probe such details: he summoned Martial and Renoir, who confirmed that the so-called Anne Marie Hagen was indeed the woman who was living with Caillebotte under the name Charlotte Berthier. At the time, aliases were fairly common and nobody seemed surprised, so Anne Marie Hagen received her share of inheritance, her annuity, and her house in Le Petit-Gennevilliers.

Si cette double identité, à plus d’un siècle de distance, embrume encore les choses, elle dissipe aussi d’autres mystères. Ce nom de Hagen permet d’éclairer l’identité du modèle d’une œuvre de 1877 exposée deux ans plus tard sous le titre : « Portrait de Madame H. »340. Une femme y est montrée dans l’hôtel particulier de la rue de Miromesnil, poliment assise sur le bord d’un fauteuil, encore chapeautée, à la manière de quelqu’un qui n’oserait pas s’installer, ou ne serait que de passage. Chez Gustave, ces détails disent souvent quelque chose. Serait-ce parce que cette jeune femme ne pouvait alors être que de passage ?

If this dual identity from over a century ago still makes things somewhat murky, it also clears up other mysteries. The name Hagen sheds light on the identity of a model in a work from 1877 shown two years later under the title: “Portrait de Madame H.”339 A woman has been portrayed in the private mansion of the Rue Miromesnil, politely sitting on the edge of an armchair and still wearing her hat, like somebody not daring to settle down, or only passing though. In Gustave’s work, such details are often revealing. Was it because this young woman could only be passing though?

338. Anne Marie Hagen (and not Anne-Marie Hagen, as sometimes mentioned), born on 12 October 1858 (Paris DA, 5Mi1 1014, views 18 to 21/ out of 51). Since the personal records of Parisians born before 1860 were burned during the Commune, they had to be “reconstructed” afterwards.

339. Anne Marie Hagen, née le 12 octobre 1858 (AD de Paris, 5Mi1 1014, vues 18 à 21/ 51). Les archives de l’état civil des Parisiens nés avant 1860 ayant brûlé lors de la Commune, ils avaient été « reconstitués » ensuite.

340. Les portraits exposés par Caillebotte ne sont jamais désignés autrement que par une initiale, probablement pour ne pas associer leurs modèles aux critiques négatives de la presse.

339. The portraits exhibited by Caillebotte always only contained an initial, probably so as not to associate their models with the negative press.

P. A. Renoir, Portrait de Charlotte Berthier (“Portrait of Charlotte Berthier”), 1883, Washington, National Gallery of Art

Auguste Renoir, Portrait de Charlotte Berthier, 1883 Washington, National Gallery of Art

Les dahlias, jardin du Petit-Gennevilliers (“Dahlias, garden in Le Petit-Gennevilliers”), (MB 462), Washington, National of Art

Les dahlias, jardin du Petit-Gennevilliers, 1893 (MB 462) Washington, National Gallery of Art

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• Caillebotte. l a peinture est un jeu sérieux

It is true that throughout his life, Gustave was mainly surrounded by men. Among his siblings, during his teenage years in high school, with his brothers in arms during the war of 1870, and judging by his friendships with Impressionists351 or regatta competitors, he was a man among men. This male overrepresentation is logically translated to his output where there are four times more men than women.

That being said, despite the undeniable eroticism of the spectacular Homme au bain (see p. 165) and the play on genre when he cross-dressed as a student, no archive seriously supports the theory of either an open or a closeted homosexuality.

Il est vrai que toute sa vie, Gustave s’est essentiellement entouré d’hommes. Depuis sa fratrie, son adolescence lycéenne, ses frères d’armes pendant la guerre de 1870, ses amitiés artistiques parmi les impressionnistes352, ou parmi les régatiers, il est un homme parmi les hommes. Cette surreprésentation masculine se traduit mécaniquement dans son œuvre où, figurent quatre fois plus d’hommes que de femmes. Pour autant, n’était-ce l’indéniable érotisme du spectaculaire Homme au bain (voir p. 165) ou le jeu sur le genre de son travestissement étudiant, aucune archive ne vient sérieusement étayer l’hypothèse d’une homosexualité vécue ou refoulée.

351. As others have pointed out, Caillebotte was never close to the women of the Impressionist group. He was strangely distant with Berthe Morisot, complaining about the few paintings she sent to the 1880 exhibition when she had just given birth, wishing to include her in exhibitions – as in 1881 – but going out of his way to misspell her name as “Morizot.” We find a positive remark about Marie Cassatt in his correspondence (“her painting is very good”), but he never bought any works by either of them. In a letter to Pissarro, he wrote a rather unflattering remark concerning Marie Bracquemond (part of the “army of fighters” for realism). And not a word about Eva Gonzalès.

352. Comme d’autres l’ont souligné, Caillebotte n’a jamais été proche des femmes du groupe impressionniste. Il fait montre, vis-à-vis de Berthe Morisot d’une étrange distance, se plaignant qu’elle n’ait pas participé à l’exposition de 1879 alors même qu’elle venait d’accoucher, souhaitant l’inclure dans les expositions – comme en 1881 – mais s’évertuant à écorcher son nom en « Morizot ». On retrouve, concernant Mary Cassatt, une remarque positive à son endroit dans sa correspondance (« sa peinture fait très bien ») mais il n’achètera jamais aucune œuvre, ni de l’une ni de l’autre. On relève une notation guère flatteuse au détour d’une lettre à Pissarro sur Marie Bracquemond (faisant partie de la « phalange des lutteurs » pour le réalisme). Pas un mot sur Eva Gonzalès.

Gustave photographié par son frère sur un banc à Gennevilliers, vers 1892. À chaque fois, la partie gauche de l’image a été retravaillée pour supprimer l’autre présence humaine… (archives familiales)

photographed by his brother on a bench in Gennevilliers, circa 1892. Each time, the left side of the image has been reworked to erase the other human presence… (family archives)

Les soleils, jardin du Petit-Gennevilliers, vers 1885 (MB 337) Paris, musée d’Orsay

Les soleils, jardin du Petit-Gennevilliers (“Sunflowers, garden in Le Petit-Gennevilliers”), circa 1885 (MB 337), Paris, Musée d’Orsay

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• Caillebotte. l a peinture est un jeu sérieux

In his projects, he made use of the whole ecosystem of Le PetitGennevilliers. The Texier shipyard had been based there since the 1860s, and Gustave commissioned them to build his first vessels. There was also Frébourg, an inn that made sails. In 1887, Eugène Monceau, one of Caillebotte’s neighbors, set up a workshop for building steam-powered pleasure boats.427 In 1891, out of the 33 adult males living on the Quai du Petit-Gennevilliers, 11 were sailors or fishermen and 7 were marine carpenters or sail makers.428 How many of them worked for the Luce shipyard? In certain photographs there are up to ten workers.

In late 1892, after a season during which the elegant Roastbeef, which he had had built, largely dominated the regattas, Caillebotte landed a contract to deliver a new boat to two aristocrats he had recommended to the CVP. Alain de Guébriant and Guy de Polignac, two Breton counts and experienced yachtsmen despite their living in the 7th arrondissement of Paris, had commissioned a racing boat from him, the future Dahut. 429 In a letter dug up by the historian François Puget, we can see a final side of Caillebotte: the businessman, the construction

une fois de plus le retour à ce qu’on appelle le bateau léger… » Et lui pourtant si rarement content de lui comme peintre, ose pour une fois un satisfecit public : « S’il y a une autre chose dont je crois pouvoir être fier, c’est d’avoir contribué de toutes mes forces et selon mes faibles moyens au triomphe du bateau lesté contre l’ancien “plat à barbe”428. » Pour ses projets, il s’appuie sur tout l’écosystème du PetitGennevilliers. Depuis les années 1860 y sont implantés les Chantiers Texier auxquels Gustave a commandé la construction de ses premiers bateaux. Il y a Frébourg, un aubergiste qui fabrique aussi des voiles. En 1887, un voisin de Caillebotte, Eugène Monceau a implanté sur son terrain un atelier de fabrication de bateaux de plaisance à vapeur429. En 1891, parmi les 33 hommes adultes vivant quai du Petit-Gennevilliers, onze sont marins ou pêcheurs et sept sont charpentiers de marine ou voiliers430. Combien travaillent pour les Chantiers Luce ? Sur certaines photos, on compte jusqu’à une dizaine d’ouvriers. Fin 1892, après une saison où l’élégant Roastbeef qu’il s’est fait construire a largement dominé les régates, Caillebotte décroche un contrat pour livrer un nouveau bateau à l’attention de deux aristocrates

428. Le Yacht, 10 janvier 1891.

427. With civil engineer Frédéric Gaillardet, the company was called Monceau et Cie. See Noëlle Gérôme, “Le quai du Petit-Gennevilliers : de la campagne à la banlieue, la continuité d’un rêve,” in Bachelard, De Manet à Caillebotte, op. cit., p. 78.

428. Cited by Noëlle Gérôme, ibid., p. 80.

429. Avec l’ingénieur civil Frédéric Gaillardet, la société s’appelle Monceau et Cie. Voir Noëlle Gérôme, « Le quai du Petit-Gennevilliers : de la campagne à la banlieue, la continuité d’un rêve », dans De Manet à Caillebotte…, op. cit., p. 78.

430. Cité par Noëlle Gérôme, ibid., p. 80.

429. Dahut: name of an imaginary animal. Gullible people were duped by being sent on the lookout for dahuts (Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert, 2016)).

Dahut sur l’eau, à Argenteuil, printemps 1893 (photo Martial Caillebotte).

Dahut on the water in Argenteuil, spring 1893 (photograph by Martial Caillebotte). The teenager in the foreground could be Joseph Kerbrat’s eldest son.

L’adolescent au premier plan pourrait être le fils aîné de Joseph Kerbrat

Régates à Argenteuil (“Regattas in Argenteuil”), 1893 (MB 475).

Régates à Argenteuil, 1893 (MB 475). Ce tableau montre, sous différentes allures, le Roastbeef de Caillebotte.

Le peintre s’est représenté dans l’homme à la barre

This painting shows Caillebotte’s vessel Roastbeef from different angles. The painter has represented himself as the man at the helm.

Crédits photographiques

Photo credits Coyner: 5, 21, 46, 93g, 97d, 242

• Comité Caillebotte, Paris: 6, 14-15, 27, 30, 37b, 40, 48, 53, 64, 68, 73, 78-79, 87, 90, 99, 109, 110-111, 128, 133h, 135, 136, 137, 150, 153, 178b, 181, 193, 202, 204b, 209, 225, 229, 233, 239, 251, 256 • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Martine Beck-Coppola: 16, 142 • CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet –Histoire de Paris: 18 • Jean-Louis Losi / Ville de Yerres: 19 • Jocelyne Grandiau / Cité scolaire Michelet de Vanves: 23

• Archives de Paris: 25, 29, 31, 114 • Artizon Museum, Ishibashi Foundation, Tokyo: 32 • Sotheby’s 2024: 37h, 178h

Gustave sur une plage près de Saint-Malo, 1892 ou 1893 (photo Martial Caillebotte)

Gustave on a beach near Saint-Malo, 1892 or 1893 (photograph by Martial Caillebotte)

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Matthieu Flory et Emma Gourault

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Révision

Babel Editing and Helen Bell

Béatrice Obergfell

Layout

Caroline Coyner : 5, 21, 46, 93g, 97d, 103bg, 103bd, 198, 211, 223, 224, 235, 242 • Comité Caillebotte, Paris : 6, 14-15, 27, 30, 37b, 40, 48, 53, 64, 68, 73, 78-79, 87, 90, 99, 109, 110-111, 128, 133h, 135, 136, 137, 150, 153, 156, 174, 178b, 181, 193, 202, 204b, 209, 225, 229, 233, 239, 251, 256 • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Martine BeckCoppola : 16, 142 • CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris : 18 • Jean-Louis Losi / Ville de Yerres : 19 • Jocelyne Grandiau / Cité scolaire Michelet de Vanves : 23 • Archives de Paris : 25, 29, 31, 114 • Artizon Museum, Ishibashi Foundation, Tokyo : 32 • Sotheby’s 2024 : 37h, 178h • Cercle de la Voile de Paris / photo musée d’Orsay, Allison Bellido Espichan : 42, 177, 180, 192, 208, 232 • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt : 43 • David Bordes / Archives familiales : 8, 45, 54, 63, 93d, 95, 97g, 98, 103hd, 103hg, 106, 115, 127, 130, 139, 141, 227 • Vicimages / Alamy Stock Photo : 56h • Stefano Baldini / Bridgeman Images : 56b • Bridgeman Images : 61, 117, 120, 203, 204h, 213, 215 • Image courtesy of The Wildenstein Plattner Institute, Inc. : 69 • Marc Verat : 71 • Artefact / Alamy Stock Photo : 74-75 • Bayeux, MAHB / Matthieu Ferrier : 83h • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Hervé Lewandowski : 83b • Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas / Art Resource, New York / Scala, Florence : 84h • Musée Marmottan Monet, Paris : 84b • Museum of Fine Arts, Houston / Museum purchase funded by Audrey Jones Beck / Bridgeman Images : 88, 94 • Eskenazi Museum of Art / Kevin Montague : 101 • Los Angeles, J. Paul Getty Museum : 105 • Gustave Caillebotte – Hasso Plattner Collection : 118-119, 183 • Image courtesy of Nelson-Adkins Digital Production & Preservation, Joshua Ferdinand : 125 • The Museum of Fine Arts, Houston / Will Michels 126 • Christie’s Images / Bridgeman Images : 131, 196, 234 • GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Franck Raux : 133b, 199 • Art Institute of Chicago, Dist. GrandPalaisRmn / image The Art Institute of Chicago : 149

Mise en page

Ursula Held

Ursula Held

Photoengraving

Photogravure

Graphium, Saint-Ouen

Graphium, Saint-Ouen

Printed and bound in September 2024 by OGM, Padova

Achevé d’imprimer en septembre 2024 sur les presses de OGM, Padoue

ISBN: 9782376660958

ISBN : 9782376660927

© Éditions Norma, 2024

© Éditions Norma, 2024

149 rue de Rennes, 75006 Paris, France www.editions-norma.com

149 rue de Rennes, 75006 Paris, France www.editions-norma.com

• Cercle de la Voile de Paris / photo musée d’Orsay, Allison Bellido Espichan: 42, 177, 180, 192, 208, 232 • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt: 43 • David Bordes / Archives familiales: 8, 45, 54, 63, 93d, 95, 97g, 98, 103hd, 103hg, 106, 115, 127, 130, 139, 141, 227 • Vicimages / Alamy Stock Photo: 56h • Stefano Baldini / Bridgeman 56b • Bridgeman Images: 61, 117, 120, 203, 204h, 213, 215 • Image courtesy of The Wildenstein Plattner Institute, Inc.: 69 • Marc Verat: 71 • Artefact / Alamy Stock Photo: 74-75 • Bayeux, MAHB / Matthieu Ferrier: 83h • Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Hervé Lewandowski: 83b • Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas / Art Resource, New York / Scala, Florence: 84h • Musée Marmottan Monet, Paris: Museum of Fine Arts, Houston / Museum purchase funded by Audrey Jones Beck / Bridgeman Images: 88, 94 • Eskenazi Museum of Art / Kevin Montague: 101 • Los Angeles, J. Paul Getty Museum: 105 • Gustave Caillebotte – Hasso Plattner Collection: 118-119, 183 • Image courtesy of Nelson-Adkins Digital Production & Preservation, Joshua Ferdinand: 125 • The Museum of Fine Arts, Houston / Will Michels 126 • Christie’s Images / Bridgeman Images: 131, 196, 234 • GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Franck Raux: 133b, 199 • Art Institute of Chicago, Dist. GrandPalaisRmn / image The Art Institute of Chicago: 149 • Artepics / Alamy Banque d’Images 155 • Fine Art Images / Bridgeman Images: 158 • Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris: 160 • Image courtesy Dallas Museum of Art: 163 • 2024 Museum of Fine Arts, Boston. All rights reserved / Sidney and Esther Rabb Gallery / Bridgeman Images: 165 • Minneapolis Institute of Art / The John R. Van Derlip Fund: 186-187 • Courtesy National Gallery of Art, Washington: 190, 191 • The Barnes Foundation: 212

• Artepics / Alamy Banque d’Images 155 • Fine Art Images / Bridgeman Images : 158 • Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris : 160 • Image courtesy Dallas Museum of Art : 163

• 2024 Museum of Fine Arts, Boston. All rights reserved / Sidney and Esther Rabb Gallery / Bridgeman Images : 165 • Minneapolis Institute of Art / The John R. Van Derlip Fund : 186-187 • Courtesy National Gallery of Art, Washington : 190, 191 • The Barnes Foundation : 212 • GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Tony Querrec : 220 • Giverny, musée des impressionnismes / François Doury : 230

• GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Tony Querrec: 220 • Giverny, musée des impressionnismes / François Doury: 230

• The Picture Art Collection / Alamy Stock Photo: 248

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