Extrait "Demain, une Europe agroécologique"

Xavier Poux est ingénieur agronome et docteur en économie rurale. Il étudie la dynamique des systèmes agraires et les politiques agri-environnementales depuis 30 ans au sein du bureau d’études et de recherches AScA. Pierre-Marie Aubert est ingénieur AgroParisTech et docteur en sociologie politique. Il développe des approches interdisciplinaires pour la transition des systèmes alimentaires et coordonne les travaux de l’Iddri en matière agricole et alimentaire.

Ils travaillent depuis plus de cinq ans sur le modèle et le scénario Tyfa, au cœur du propos de cet ouvrage.

Marielle Court est journaliste. Après avoir été rédactrice en chef adjointe du service sciences du Figaro, elle poursuit sa carrière aujourd’hui sur des questions qui la passionnent : l’environnement et l’agroécologie.

Illustration de couverture : © Élisabeth Guilhem, 2021

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DEMAIN, UNE EUROPE AGROÉCOLOGIQUE

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AVEC LA PARTICIPATION DE MARIELLE COURT

ISBN 978-2-330-15368-7

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DÉP. LÉG. : SEPT. 2021 22 e TTC France www.actes-sud.fr

XAVIER POUX ET PIERRE-MARIE AUBERT

Le temps est venu pour l’agroécologie de changer d’échelle : une production intégralement agroécologique, exempte de pesticides et d’engrais de synthèse, est aujourd’hui envisageable à travers toute l’Europe. Au cœur de ce modèle porté par une nouvelle génération d’agriculteurs et d’agronomes : la disparition de l’élevage industriel qui rend possible l’autonomie fourragère et améliore la contribution de l’Europe aux équilibres alimentaires mondiaux. Loin d’être réservée à quelques fermes pionnières, l’agroécologie peut transformer en profondeur nos paysages pour le plus grand bénéfice du climat, de notre santé ainsi que celle de la faune et de la flore. Appuyant son propos sur une modélisation quantifiée, cet ouvrage explore également les modes d’organisation sociale et économique et les choix politiques qui peuvent rendre ce scénario plausible et désirable.

On a dix ans pour lancer l’Europe sur les rails de l’agroécologie afin qu’en 2050 l’hypothèse devienne réalité.

XAVIER POUX ET PIERRE-MARIE AUBERT

DEMAIN, UNE EUROPE AGROÉCOLOGIQUE

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Remerciements et guide de lecture Table des illustrations

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PRÉFACE d’Olivier De Schutter

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INTRODUCTION : L’AGROÉCOLOGIE, UNE PROMESSE RÉALISTE POUR L’EUROPE

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PARTIE 1 – QUAND L’AGRICULTURE RENCONTRE L’ÉCOLOGIE

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1. AGRICULTURE CONVENTIONNELLE : HIER LE RÊVE, AUJOURD’HUI L’IMPASSE 2. LA BIODIVERSITÉ AU SERVICE DE L’AGRICULTURE : LE CŒUR DES HYPOTHÈSES DE TYFA 3. COMMENT L’AGROÉCOLOGIE POURRAIT NOURRIR L’EUROPE 4. TERRITOIRES : UN PRINCIPE COMMUN, PAS UN MODÈLE UNIQUE 5. DES PAYSAGES VIVANTS 6. BIODIVERSITÉ ET CLIMAT, UNE COMMUNAUTÉ DE DESTIN

49 68 87 96 111

PARTIE 2 – TRANSFORMER L’ALIMENTATION : DE LA FOURCHE À LA FOURCHETTE 127 1. LA RÉVOLUTION DU SYSTÈME ALIMENTAIRE : UN PILOTAGE PAR UNE NOUVELLE DEMANDE SOCIALE 2. LA PLACE DU CONSOMMATEUR, LE RÔLE DU POLITIQUE 3. AGRO-INDUSTRIES : MEDIUM IS BEAUTIFUL

128 140 168

4. L’AGRICULTEUR PAYSAN : L’ÉCOLOGIE COMME FACTEUR DE PRODUCTION ET DE LIEN SOCIAL

186

PARTIE 3 – UN AGENDA POLITIQUE, DE L’EUROPE AUX TERRITOIRES

223 224 2. QUELLES POLITIQUES COMMERCIALES POUR UNE EUROPE AGROÉCOLOGIQUE ? 230 3. POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE : LES ENJEUX D’UNE VRAIE RÉFORME 243 4. LA POLITIQUE ALIMENTAIRE : L’HEURE DE VÉRITÉ EUROPÉENNE 255 1. L’AGRICULTURE ET L’ALIMENTATION : DES SECTEURS TRÈS POLITIQUES

5. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ACTRICES DE LA TRANSITION AGROÉCOLOGIQUE

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CONCLUSION : ET MAINTENANT ?

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REMERCIEMENTS ET GUIDE DE LECTURE Les auteurs tiennent à remercier celles et ceux qui ont permis la réalisation de cet ouvrage. À commencer par l’équipe de l’Université Domaine du possible, Émilie Rousselou, sa directrice, et Jean-Paul Capitani, son président. À travers leur engagement en faveur de l’agroécologie, ils ont non seulement porté le projet dès sa conception mais, par leurs attendus, ils ont concouru à enrichir les analyses conduites dans ce livre. Émilie a particulièrement contribué à identifier les témoignages qui ponctuent le propos et, nous espérons, lui donnent une chair. Citons aussi Stéphane Durand, éditeur de la collection “Domaine du possible” chez Actes Sud pour ses remarques pertinentes et sa patiente bienveillance.

Nous remercions également celles et ceux qui ont relu les textes dans leur version provisoire et nous ont fait part de leur retour constructif : Christophe Bouni, Laura Brimont, Aline Cattan, Gaëlle Chevillotte, Sarah Lumbroso et Lucile Rogissart.

Enfin, nos remerciements vont à la Fondation Primat qui a soutenu financièrement ce livre. C’est à elle que l’on doit ce projet d’écrire à destination d’un large public. Citons en outre la Fondation pour le progrès de l’Homme et la Fondation Carasso qui ont aussi participé au projet Tyfa qui constitue le cœur de cet ouvrage.

Pour finir, quelques mots sur la manière dont l’ouvrage est cons­ truit. La trame principale consiste en l’analyse globale des tenants et aboutissants et des conditions de réalisation d’un scénario agroécologique pour l’Europe. Elle résulte d’un travail d’écriture complice croisant les compétences de Marielle Court pour la forme et la défense d’un questionnement grand public et, pour le fond plus expert, celles de Xavier Poux pour l’ensemble de l’ouvrage et de Pierre-­ Marie Aubert plus particulièrement pour la troisième et der­nière partie. Ce qui n’a pas empêché une relecture croisée !

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Des encadrés et des figures – incluant les rendus paysagers par Suzy Pensuet – permettent de renforcer le propos sur un plan scien­ ti­fique.

Deux autres composantes s’adjoignent à cette trame principale : des dessins d’Élisabeth Guilhem qui apportent une dimension sensible et inspirante au propos d’ensemble et des témoignages tirés d’interviews réalisées par Marielle Court. Ces témoignages proposent des re­gards situés et incarnés sur les différentes facettes de la transition agroécologique.

Cet ouvrage a été initié et soutenu par la Fondation Primat

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TABLE DES ILLUSTRATIONS Tyfa : un scénario pour une Europe agroécologique en 2050 23 Le rendement du blé en France 37 Rapport entre les rendements moyens en agriculture biologique et conventionnelle 51 La production végétale en Europe 70 Homme vs bétail : qui utilise les céréales ?

75 L’assiette moyenne de Tyfa : on mange mieux qu’aujourd’hui 78 Moins d’animaux et donc moins de céréales 83 Quand l’agriculture désertifie ses paysages 100 De la richesse de l’agroécologie pour les paysages 101 Toutes les prairies et tous les parcours ne se valent pas 103 Le “sablier” de la chaîne alimentaire en France 151 Quand l’organisation industrielle des filières conduit à des paysages agricoles pauvres en biodiversité et à des impasses agronomiques 183 Quand l’agroécologie et les filières façonnent des paysages qui valorisent la biodiversité 185 Évolution des charges, du revenu et des subventions à l’échelle de l’ensemble des exploitations agricoles françaises 215 Évolution de la part des pays de l’Union européenne à 28 dans les exportations mondiales 233 Bilan net des calories et des protéines que les pays de l’Union européenne importent 235 Les exportations et importations alimentaires de l’Union européenne à 28, mesurées en valeur 236

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PRÉFACE D’OLIVIER DE SCHUTTER

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oici donc venue l’heure de l’agroécologie. Née du croisement des sciences agronomiques et de l’écologie, cette science est à la base d’un ensemble de techniques de production agricole qui visent à faire une utilisation plus efficiente des ressources, de manière à mieux intégrer l’agriculture à ses écosystèmes et à réduire l’empreinte écologique de la production agricole. Elle consiste pour le paysan à chercher à imiter la nature dans son champ. Elle mise sur les complémentarités entre différentes plantes et différents animaux. Elle reconnaît la complexité inhérente aux systèmes naturels. Elle récompense l’intelligence et l’inventivité, là où l’agriculture industrielle prétend décomposer la nature en ses éléments et simplifier, quitte à la rendre monotone, la tâche de l’agriculteur.

L’agroécologie conçoit l’agriculture non pas comme un processus qui transforme des intrants (engrais et pesticides) en productions agricoles, mais plutôt comme un cycle, où le déchet qui est produit sert d’intrant, où les animaux et les légumineuses fertilisent les sols, et où même les herbes qu’on appelait “mauvaises” remplissent des fonctions utiles.

L’agroécologie est une manière de penser l’agriculture qui vise à réduire l’utilisation d’intrants, de fertilisants chimiques et de produits phytosanitaires, en misant sur une forte intégration des différentes composantes de la production agricole pour tirer parti des cycles et régulations naturels. Elle se traduit par différentes techniques agricoles : les systèmes de polyculture-élevage permettent la réintégration des animaux au sein des systèmes agricoles afin de profiter de leur capacité à valoriser des résidus de cultures et de produire de l’engrais de ferme ; l’agroforesterie réduit les risques d’érosion, fournit de l’ombrage aux plantes et favorise la capacité des sols à préserver l’humidité, réduisant le besoin d’irrigation ; les rotations de cultures maintiennent la santé des sols et renouvellent les nutriments dont les plantes peuvent bénéficier ; l’association de cultures permet aux plantes de se – 13 –

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protéger des insectes ravageurs et donc de réduire le besoin de pesticides.

L’agroécologie présente des atouts considérables à plusieurs niveaux, tous pertinents dans le cadre fixé par les Objectifs de développement durable des Nations unies. Du point de vue environne­mental, l’agroécologie peut contribuer de manière significative à l’atténuation du changement climatique. Elle réduit l’utilisation d’intrants externes qui dépendent de l’énergie fossile pour leur production et qui entraînent d’importantes émissions d’oxyde nitreux, un des principaux gaz à effet de serre. Elle permet aussi de préserver et d’améliorer la santé des sols et l’agrobiodiversité, les sols fonctionnant ainsi comme des puits de carbone et de conserver leur fonction de régulation des cycles de l’eau. Mais l’agroécologie peut aussi favoriser l’accès à une nutrition adéquate grâce à la mise en place de régimes alimentaires plus diversifiés et équilibrés. Ce n’est pas une contribution anecdotique : alors que le passage de systèmes de culture diversifiés à des systèmes simplifiés à base de céréales à la suite de la “révolution verte” mise en œuvre dans les années 1960 et 1970 a contribué à la malnutrition en micronutriments qui affecte en particulier de nombreux pays en développement, les nutritionnistes insistent aujourd’hui de plus en plus sur la nécessité de disposer d’agroécosystèmes plus variés, afin de garantir une production de nutriments plus diversifiée par les systèmes agricoles. Enfin, l’agroécologie propose le développement de systèmes hautement demandeurs en main-d’œuvre pour maximiser la valeur ajoutée du travail face à la mécanisation et la commercialisation des produits via des filières courtes, garantissant un accès facile au marché pour les producteurs, réduisant la distance entre les agriculteurs et les consommateurs et rééquilibrant l’équité sociale, les rapports de gouvernance et la répartition des revenus entre les différentes parties prenantes des chaînes de valeur agricoles.

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Il ne faut donc pas s’étonner de l’engouement pour l’agroécologie, qu’un nombre croissant d’experts scientifiques et d’organisations internationales considèrent comme un levier indispensable de la transformation sociétale qu’exigent pour leur réalisation les Objectifs de développement durable. L’Union européenne elle-même paraît de plus en plus sensible à ces arguments. Annoncées simultanément en mai 2020 comme deux composantes importantes du “pacte vert” – le fameux Green Deal –, présenté en décembre 2019 comme l’objectif majeur de cette législature 2019-2024, la stratégie alimentaire européenne “de la ferme à la fourchette” (“from farm to fork”) fait référence à plusieurs reprises à la nécessité d’encourager la transition agroécologique, et la stratégie sur la biodiversité prévoit notamment une réduction de 50 % de l’usage des pesticides pour 2030. La stratégie “de la ferme à la table” aborde pour la première fois au niveau de l’Union européenne de manière intégrée les diffé­ rentes composantes des systèmes alimentaires. Elle relie les changements au niveau de la production aux changements dans les modes de consommation, reconnaissant l’interdépendance entre ces deux évolutions, qui doivent aller de pair : on ne peut pas demander aux producteurs de faire des efforts pour la transition écologique si l’on ne travaille pas également la question des débouchés et de la commercialisation, et on ne peut attendre des collectivités et des ménages qu’ils passent à une alimentation plus durable si l’offre ne suit pas. La stratégie reconnaît aussi l’importance de l’“en­ vironnement alimentaire”, c’est-à-dire de l’ensemble des facteurs qui influencent notre manière de consommer, sans tout faire reposer, comme cela fut parfois le cas par le passé, sur la responsabilisation du consommateur individuel.

Les défis qu’affronte la transition agroécologique n’en sont pas moins considérables. Celle-ci requiert une révision complète du cadre dans lequel évolue l’agriculture. L’acquisition et la transmission des terres pour les agriculteurs familiaux devraient être favorisées au – 15 –

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détriment des groupes et des intérêts financiers. Les réglementations taillées sur mesure pour l’industrie agroalimentaire en matière de sécurité alimentaire ou de propriété intellectuelle devraient être revisitées avec un regard critique quant à leur impact sur les systè­mes agroécologiques en construction. Les politiques commerciales ellesmêmes devraient être réexaminées afin d’éviter que les grandes monocultures soient soutenues en priorité, dans le souci de renforcer la compétitivité des producteurs agricoles européens sur les marchés internationaux. Face aux difficultés de convaincre les fermiers qui hésitent à se risquer dans la transition agroécologique, les chercheurs doivent, en collaboration avec les agriculteurs, coconstruire les itinéraires techniques agroécologiques adaptés à la multiplicité des contextes de production et accumuler les données permettant d’objectiver les plus- et moins-values environnementales, économi­ques, et sociales de la diversité des options envisagées afin d’ouvrir la voie vers des systèmes alimentaires durables au bénéfice des agriculteurs, de l’environnement et de la société. Ce sont, au bout du compte, nos conceptions héritées de la “productivité”, ou du “progrès”, qu’il nous faudra revisiter, afin d’opérer un déplacement dans ces notions de lectures essentiellement quantitatives vers des approches plus qualitatives, et plus adaptées aux défis que rencontre l’agriculture de ce siècle.

Le changement sera d’autant plus difficile à conduire que, ainsi que le relevaient l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et AgroParisTech dans un rapport remis en décembre 2020 au Parlement européen, il subsiste une incohérence manifeste entre les propositions de réforme de la politique agricole commune (PAC) et le Green Deal. Cela s’explique d’abord par la chronologie. Les propositions initiales de réforme de la PAC pour 2023-2027 avaient été formulées dès juin 2018, sous l’ancienne Commission européenne (présidée par Jean-Claude Juncker), à un moment où les préoccupations environnementales n’étaient – 16 –

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pas prioritaires. La Commission von der Leyen n’a pas osé poser le geste fort qui aurait consisté à retirer ces propositions pour en mettre en avant de nouvelles, plus audacieuses, à la place. La PAC pèse, en outre, environ 58 milliards d’euros par an : près d’un tiers du budget total de l’Union européenne. Les trois quarts des exploitations agricoles en Europe ne survivraient sans doute pas sans les subventions. On n’opère pas facilement une révolution dans une politique qui est la source d’une dépendance aussi forte. On le fait d’autant moins facilement que le budget de la PAC baissera d’environ 15 % en termes réels, à la suite du Brexit et de la nécessité de financer d’autres politiques européennes. Enfin, comme le relevait une étude de Corporate Europe Observatory en octobre 2020, les syndicats agricoles dominants, regroupés au sein de la Copa-Cogeca, ainsi que les acteurs de l’agro-industrie, jouent un rôle déterminant dans les négociations de la nouvelle PAC grâce à leur accès privilégié aux décideurs, réduisant d’autant la marge de manœuvre des politiques.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer le projet Ten Years for Agro­­ ecology. Pour la première fois, nous disposons ici d’une évaluation précise des trajectoires qui permettent d’opérer la transition agro­ écologique dans l’Union européenne, reliant les changements d’affectation des terres aux changements d’habitudes de consommation, et examinant les impacts de cette transformation aussi bien au sein de l’Union européenne que dans ses rapports à ses partenaires commerciaux. Ce qui est présenté dans ce volume est le résultat d’un effort de recherche considérable, mais qui vient parfaitement à son heure : c’est justement au moment où l’on se prépare à repenser fondamentalement les systèmes alimentaires en Europe que cette boussole nous est indispensable.

En coordonnant ce travail important, Xavier Poux et Pierre-Marie Aubert ne contribuent pas seulement à nourrir un débat scientifique, qui tourne autour de la capacité de l’Union européenne, si elle opère – 17 –

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ce tournant vers l’agroécologie et l’alimentation durable, à satisfaire la demande interne de produits alimentaires, sans augmenter dramatiquement ses importations. Ils font bien davantage : ils éclairent un débat démocratique qui doit concerner toute la société, tant les enjeux de fond sont décisifs pour l’avenir. Alors écoutons, pour être des citoyens et citoyennes mieux outillés : il nous reste dix ans pour réussir.

Olivier De Schutter copréside le Panel international d’experts sur les sys­ tèmes alimentaires durables (IPES-Food), qui a coordonné entre 2016 et 2019 une réflexion participative sur la mise sur pied d’une politique ali­ mentaire commune pour l’Union européenne. Il était entre 2008 et 2014 le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation.

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Ils travaillent depuis plus de cinq ans sur le modèle et le scénario Tyfa, au cœur du propos de cet ouvrage.

Marielle Court est journaliste. Après avoir été rédactrice en chef adjointe du service sciences du Figaro, elle poursuit sa carrière aujourd’hui sur des questions qui la passionnent : l’environnement et l’agroécologie.

Illustration de couverture : © Élisabeth Guilhem, 2021

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Le temps est venu pour l’agroécologie de changer d’échelle : une production intégralement agroécologique, exempte de pesticides et d’engrais de synthèse, est aujourd’hui envisageable à travers toute l’Europe. Au cœur de ce modèle porté par une nouvelle génération d’agriculteurs et d’agronomes : la disparition de l’élevage industriel qui rend possible l’autonomie fourragère et améliore la contribution de l’Europe aux équilibres alimentaires mondiaux. Loin d’être réservée à quelques fermes pionnières, l’agroécologie peut transformer en profondeur nos paysages pour le plus grand bénéfice du climat, de notre santé ainsi que celle de la faune et de la flore. Appuyant son propos sur une modélisation quantifiée, cet ouvrage explore également les modes d’organisation sociale et économique et les choix politiques qui peuvent rendre ce scénario plausible et désirable.

On a dix ans pour lancer l’Europe sur les rails de l’agroécologie afin qu’en 2050 l’hypothèse devienne réalité.

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