Extrait "S'éveiller à la nature avec un enfant"

Page 1

Pendant sa thèse sur les orangs-outans à Bornéo, Emmanuelle Grundmann découvre une forêt tropicale dévastée. Elle se tourne alors vers l’écriture pour raconter cette biodiversité qui part en fumée. Depuis, elle a publié de nombreux ouvrages, dont Devenir consom’acteur : l’huile de palme dans la collection “Je passe à l’acte” (Actes Sud, 2018). Élodie Balandras est autrice, graphiste et illustratrice pour la littérature jeunesse et la communication. Elle a publié plusieurs albums, notamment Un nouveau printemps pour pépé Ours (Didier jeunesse, 2020).

Dép. lég. : mars 2022 10 € TTC France www.actes-sud.fr 978-2-330-16322-8

9:HSMDNA=V[XWW]:

S’ÉVEILLER À LA NATURE AVEC UN ENFANT je passe à l’acte

je passe à l’acte

A

vez-vous déjà entendu parler du “syndrome de manque de nature” ? Selon certaines études, il toucherait de nombreux citadins et serait associé à des pathologies psychiques et chroniques. Chez les enfants, l’éloignement des milieux naturels provoque un symptôme particulier : la disparition de l’émerveillement, cet élan actif qui fait naître en eux l’envie d’apprendre et de découvrir le monde qui les entoure. Pour contrer ce phénomène inquiétant, la naturaliste Emmanuelle Grundmann se propose de raviver l’émerveillement des petits et grands en faisant dialoguer la sensibilité de l’adulte avec celle de l’enfant. Car c’est en interrogeant son propre rapport à la nature que l’on encourage la curiosité de l’enfant qu’on accompagne (et qu’on a été !). Dans ce guide, on découvre des informations scientifiques, des conseils concrets pour réussir sa sortie nature et des idées d’activités à proposer au fil des saisons, pour tous les âges. Derrière la sensibilité à la nature se cachent d’autres sentiments que l’on réapprend à apprécier : la patience, l’ennui, la vulnérabilité face à l’immensité du monde, la liberté d’expérimenter… Car s’émerveiller est le premier pas pour transmettre le respect de la nature et des espèces vivantes qui la peuplent.

S’ÉVEILLER À LA NATURE AVEC UN ENFANT

Emmanuelle Grundmann

ACTES SUD

couv JPAA s'éveiller à la nature entier.indd 1

14/02/2022 11:15


Vous trouverez plus d’informations sur les notions marquées d’un astérisque dans la rubrique “Pour en savoir plus”, p. 58. Sauf mention contraire, les citations sont issues de témoignages recueillis par l’autrice.

Citation p. 9 : © Éditions Gallimard Citations p. 11 et p. 46 : Catherine L’Ecuyer, auteure de Cultiver l’émerveillement, Eyrolles, 2019. Citation p. 28 : Montessori-Pierson Publishing Company (initialement publié en anglais en 1949 sous le titre The Absorbent Mind). Citation p. 33 : Copyright 1998 Helen Dwight Reid Education Foundation. Collection dirigée par Françoise Vernet. Ouvrage réalisé en collaboration avec Fabienne Hélou. Conception graphique : Anne-Laure Exbrayat, studio graphique d’Actes Sud. © Actes Sud, 2022 ISBN : 978-2-330-16322-8 www.actes-sud.fr

MEP S'éveiller-à-la-nature 24-01.indd 2-3


P

ar une multitude de petites (r)évolutions dans notre quotidien, chacun de nous a le pouvoir de construire le monde de demain. Un monde écologiquement et socialement responsable, équitable, respectueux du Vivant et en symbiose avec lui. Face à l’urgence de cette profonde transition, nous sommes nombreux à vouloir faire notre part, à notre façon, avec nos aspirations et talents multiples, en nous faisant davantage confiance tout en restant reliés aux autres. L’envie est là, le sentiment qu’il n’y a plus de temps à perdre aussi. Oui, mais comment faire ? C’est pour répondre à cette demande d’outils inspirants et pratiques, pour oser passer à l’acte qu’est née cette collection. Elle s’adresse à tous : débutants ou initiés, hésitants ou convaincus. Elle aborde tous les domaines d’action possibles avec un objectif : vivre ce désir de changement, l’étayer et l’aider à aboutir. Tant sur le plan individuel que collectif. En six étapes progressives, les titres “Je passe à l’acte” vous accompagnent vers une présence au monde plus significative et vous guident tout au long de votre propre (r)évolution.

14/02/2022 11:16


MEP S'éveiller-à-la-nature 24-01.indd 4-5


SOMMAIRE 6

POURQUOI

16

S’ENTOURER

26

S’ÉQUIPER

32

SE LANCER

42

TENIR BON

52

ET APRÈS

58

POUR EN SAVOIR PLUS

14/02/2022 11:16


POURQUOI “Maman, maman, viens vite !” crie ma fille de 6 ans en se ruant dans la maison. “Maintenant !” ajoute-t-elle en me tirant par le bras alors que je sors à peine de la douche. “Une aurore ! La première de l’année”, précise-t-elle tout excitée. Ce papillon virevoltant dans la brise encore fraîche de ce matin d’avril a su oblitérer le temps, toujours trop court. Durant un long moment, nous l’avons observé, émerveillées, aspirant de fleur en fleur les lampées de nectar dissimulées dans les tréfonds des corolles violettes de monnaiedu-pape égrainées dans notre petit jardin.

MEP S'éveiller-à-la-nature 24-01.indd 6-7


P

etite, mon quotidien se conjuguait entre le béton et le bitume d’une ville dans la périphérie de Paris. Cependant, il ne se passait pas un jour sans que je m’émerveille de l’éclosion parfumée d’un coucou, du bruissement d’un bourdon “cul blanc” ou du zinzinulement d’une mésange. Ce lien avec la nature, nourri par mes parents et mes grands-­ parents, par des livres et le fabuleux magazine “le plus lu dans les terriers”, La Hulotte, ne s’est jamais rompu, bien au contraire. Il s’est renforcé tout au long de ma vie et je le partage désormais avec ma fille, jour après jour.

14/02/2022 11:17


8

PIERRE DÉOM, RÉDACTEUR DU JOURNAL LA HULOTTE DEPUIS PLUS DE QUARANTE ANS “Autrefois, à la campagne – mais aussi souvent en ville –, les enfants passaient beaucoup de temps dehors, dans les champs, les terrains vagues ; ils construisaient des cabanes, grimpaient aux arbres. Ils connaissaient peu de choses de la nature, mais s’y frottaient au quotidien. Aujourd’hui, leur niveau de savoir est souvent très élevé grâce aux documentaires, aux livres, aux revues, à Internet. Gamin, je ne m’intéressais pas à la nature, je ne savais même pas reconnaître un merle ! Il a fallu que je me retrouve en pension pour que le besoin de verdure se fasse entendre. J’ai débuté en baguant des oiseaux.

Puis j’ai eu un coup de cœur pour Raboliot de Maurice Genevoix1, ce qui est paradoxal car ce roman conte les aventures d’un braconnier, sans doute parce que, soudain, la nature n’était plus uniquement un décor, mais un monde riche de diversité, de complexité. Depuis près d’un demi-siècle, en artisan, je crée les numéros de La Hulotte tels que j’aurais aimé les lire enfant. Je reçois beaucoup de courrier de lecteurs, jeunes et moins jeunes, des questions autour d’animaux rencontrés en balade, des observations… La nature et l’émerveillement qu’elle suscite, si tant est que l’on arrive à l’impulser, pourraient être le remède à l’ennui des enfants blasés qui n’ont plus ni volonté ni patience.” 1. Paru aux éditions Grasset en 1925.

Pourtant, autour de nous, le constat est tout autre. La majorité des enfants sont coupés de la nature, élevés hors sol, loin de la gadoue, des flaques dans lesquelles sauter à pieds joints, des mares où patauger au milieu des têtards et des arbres auxquels grimper. La nature est essentielle à tout être humain, et aux enfants en particulier. C’est notre héritage, notre ancrage, au même titre que notre milieu familial, et c’est elle qui donne le rythme de la vie. Le jour, la nuit, les saisons, les années… ponctuent notre existence. Renouer avec la nature permet de retrouver ce lien rythmique souvent perdu ou mis à mal, qui donne pourtant des repères, des points d’ancrage, une expectative.

MEP S'éveiller-à-la-nature 24-01.indd 8-9


pourquoi

l 9

Avec la saison qui tire sa révérence naît par exemple ce que les Japonais nomment nagori, la nostalgie de la séparation. On abandonne une part de soi-même avec cette saison qui s’achève, cet arbre qui clôt sa floraison, les dernières tomates du jardin, les grues cendrées qui nous quittent. Loin d’être vécu comme quelque chose de négatif, puisant dans la mélancolie, “le cœur qui fait l’expérience de nagori est un cœur généreux, sinon courageux : il ne craint pas de faire don de lui-même à ces petites choses infimes, pas forcément dramatiques, mais si fragiles et délicates qui composent notre vie1”. Les saisons et leurs fêtes associées, qu’elles soient propres à chaque famille (pour célébrer l’arrivée du printemps, l’équinoxe d’automne, les premières fraises…) ou liées aux traditions d’un pays, à un héritage religieux, vont donner du relief et du sens au temps. En étant attentif à la nature et à ses changements, si infimes soient-ils (ici, un bourgeon qui fait éclater son corset d’écailles pour laisser entrevoir de jeunes feuilles, là, la première hirondelle revenue de son périple africain…), on rend les enfants présents. Se lier intimement à la nature leur permet de se poser, d’apprécier l’ici et maintenant, de cultiver l’attente. Cette expérience va résonner profondément à l’intérieur d’eux-mêmes. C’est l’antidote à cette société de surconsommation, du tout-tout-de-suite, du remplissage qui ne parvient jamais à rassasier, où la patience n’a plus voix au chapitre.

“Nous sommes trop vêtus de villes et de murs. Nous avons trop l’habitude de nous voir sous notre forme antinaturelle. Nous avons construit des murs partout pour l’équilibre, pour l’ordre, pour la mesure. Nous ne savons plus que nous sommes des animaux libres2.” Jean Giono

1. Ryoko Sekiguchi, Nagori, POL, 2018. 2. Jean Giono, Rondeur des jours, Gallimard, 1973.

14/02/2022 11:17


10

LA RÈGLE DES 3-6-9-12 Psychiatre et psychologue, Serge Tisseron travaille sur les bouleversements imposés au quotidien par la désormais omniprésence des écrans. En décryptant les impacts de ces écrans sur le développement des enfants, il a instauré des balises, ou “règle des 3-6-9-121”, qu’il résume ainsi : • Avant 3 ans, jouons, parlons et arrêtons la télé.

• De 3 à 6 ans, limitons les écrans à moins d’une heure quotidienne, et surtout partageons-les et parlons-en en famille. • De 6 à 9 ans, créons avec les écrans et expliquons l’usage d’Internet. • De 9 à 12 ans, apprenons à l’enfant à se protéger et à protéger ses échanges. • Après 12 ans, restons disponibles. 1. Elles sont présentées sur ce site : 3-6-9-12.org/les-balises-3-6-9-12.

Si le signal d’alarme retentit particulièrement fort aujourd’hui, la rupture avec la nature n’est pas récente ; le lien s’effiloche depuis de nombreuses années. Cependant, l’arrivée dans l’ère numérique a accéléré le phénomène jusqu’à provoquer de vives inquiétudes dans les milieux médicaux et éducatifs. Aux États-Unis, l’hyperconnexion, qui débute de plus en plus précocement, est désormais devenue une question de santé publique et les spécialistes en arrivent aux mêmes conclusions désormais en Europe. Selon une étude de 2016 réalisée en France, les enfants de 1 à 6 ans passent en moyenne 4 heures 37 sur Internet par semaine, les 7-12 ans 6 heures 10 et les 13-19 ans 15 heures 11. Ce temps s’ajoutant à celui qui est passé devant la télévision. Des études nord-­américaines montrent qu’un enfant de 2 à 5 ans consomme en moyenne 2 à 4 heures de télévision et de vidéos par jour. Au Royaume-Uni, à l’âge de 5 ans, deux tiers des enfants consomment de 1 à 3 heures quotidiennes d’écran. Des chiffres qui ont de quoi affoler et interroger sur l’impact à court, moyen et long terme d’une telle consommation d’écrans.

MEP S'éveiller-à-la-nature 24-01.indd 10-11


pourquoi

l 11

“La nature permet à l’enfant d’être attentif, patient, d’observer la réalité lentement et à son rythme. Elle lui enseigne à retarder la gratification3.” Catherine L’Ecuyer

Car ce temps d’écran se substitue au temps passé à jouer, à créer, et réduit d’autant plus les moments en contact avec la nature. Certes, l’urbanisation galopante grignote les espaces verts, les recoins encore sauvages (bien qu’ils refassent de belles apparitions, dans les villes notamment), et les cours de récréation des écoles affichent depuis plusieurs décennies des visages stériles. Exit le bac à sable, le jardin, les arbres, la terre au profit du goudron, du béton, de la propreté et de la sécurité, la terre étant par beaucoup considérée comme sale, et la nature comme dangereuse. Grimper à un arbre fait peur et le spectre des procédures, qui se multiplient en cas d’accident, plane trop souvent. Nous passons davantage de temps à l’intérieur, où il est bien plus facile de surveiller les enfants, enfants que nous surprotégeons avec la complicité de beaucoup de médias alimentant cette angoisse. Pourtant, un enfant qui a très tôt appris à se mouvoir aisément dans la nature, à grimper dans un arbre, à escalader des rochers, aura fait l’expérience physique de ces milieux imprévisibles (la branche qui casse, la terre rendue glissante par la rosée du matin) et risquera moins de se faire mal. Ces expériences l’auront aidé à apprivoiser la peur, il aura confiance en lui, et il pourra mieux mesurer les difficultés, anticiper une éventuelle glissade ou une chute. La nature apporte la confiance, mais ce n’est pas tout, loin de là ! D’où ce trouble déficitaire de la nature qui peut se manifester quand un enfant en est privé et qui fait désormais les gros titres ici et là. Cet éloignement de la nature a entraîné une dissolution, voire 3. Catherine L’Ecuyer, entretien mené par Olivia Lévy, “L’émerveillement, un besoin fondamental”, lapresse.ca, 2019.

14/02/2022 11:17


Pendant sa thèse sur les orangs-outans à Bornéo, Emmanuelle Grundmann découvre une forêt tropicale dévastée. Elle se tourne alors vers l’écriture pour raconter cette biodiversité qui part en fumée. Depuis, elle a publié de nombreux ouvrages, dont Devenir consom’acteur : l’huile de palme dans la collection “Je passe à l’acte” (Actes Sud, 2018). Élodie Balandras est autrice, graphiste et illustratrice pour la littérature jeunesse et la communication. Elle a publié plusieurs albums, notamment Un nouveau printemps pour pépé Ours (Didier jeunesse, 2020).

Dép. lég. : mars 2022 10 € TTC France www.actes-sud.fr 978-2-330-16322-8

9:HSMDNA=V[XWW]:

S’ÉVEILLER À LA NATURE AVEC UN ENFANT je passe à l’acte

je passe à l’acte

A

vez-vous déjà entendu parler du “syndrome de manque de nature” ? Selon certaines études, il toucherait de nombreux citadins et serait associé à des pathologies psychiques et chroniques. Chez les enfants, l’éloignement des milieux naturels provoque un symptôme particulier : la disparition de l’émerveillement, cet élan actif qui fait naître en eux l’envie d’apprendre et de découvrir le monde qui les entoure. Pour contrer ce phénomène inquiétant, la naturaliste Emmanuelle Grundmann se propose de raviver l’émerveillement des petits et grands en faisant dialoguer la sensibilité de l’adulte avec celle de l’enfant. Car c’est en interrogeant son propre rapport à la nature que l’on encourage la curiosité de l’enfant qu’on accompagne (et qu’on a été !). Dans ce guide, on découvre des informations scientifiques, des conseils concrets pour réussir sa sortie nature et des idées d’activités à proposer au fil des saisons, pour tous les âges. Derrière la sensibilité à la nature se cachent d’autres sentiments que l’on réapprend à apprécier : la patience, l’ennui, la vulnérabilité face à l’immensité du monde, la liberté d’expérimenter… Car s’émerveiller est le premier pas pour transmettre le respect de la nature et des espèces vivantes qui la peuplent.

S’ÉVEILLER À LA NATURE AVEC UN ENFANT

Emmanuelle Grundmann

ACTES SUD

couv JPAA s'éveiller à la nature entier.indd 1

14/02/2022 11:15


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.