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L’UTOPIE ET LA VIE !

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PRÉSENTATIONS

PRÉSENTATIONS

LE COMBAT D’UN SÉNATEUR BRETON CONTRE LES PESTICIDES entretiens

Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit.

René Char1

Qui êtes-vous, vous qui lisez ces lignes ? Quelle curiosité, quelle petite audace vous a fait tourner la page de couverture pour aller au-delà ? Quelle promesse ce livre représente-t-il pour vous qui vous rendez, à cette heure, disponible pour en recevoir les pensées ?

Peut-être connaissez-vous bien Joël Labbé ou du moins avez-vous déjà entendu parler de lui. Peut-être êtes-vous sensible à l’écologie ou en attente de réponses de la part des politiques face aux urgences actuelles. Peut-être lisez-vous toutes parutions autour de ces sujets, notamment celles de la collection “Domaine du possible”, que vous avez identifiées positivement.

Peut-être êtes-vous agricultrice, agriculteur, militante, militant, peut-être habitez-vous en Bretagne. Peut-être pas.

Quelqu’un de confiance vous a peut-être conseillé l’ouvrage – votre libraire, votre bibliothécaire ou une amie –, à moins que vous ne soyez journaliste, étudiante ou étudiant ; une personne qui, de par son activité, a une certaine obligation de le lire. C’est peut-être la lecture du titre puis de la quatrième de couverture qui a piqué votre intérêt, ou tout simplement le visuel qui vous a plu.

Il se peut également que ce livre se soit retrouvé entre vos mains par hasard. Qu’une après-midi de vacances, qu’un soir de désœuvrement, vous l’ayez emprunté à qui l’avait laissé là, préférant en cet instant un voyage immobile plutôt qu’une balade en ville ou en forêt, préférant le chemin de la lecture à une errance hertzienne ou sur une plateforme de vidéos à la demande, à chercher vainement quelque chose de valable à vous mettre sous la dent.

Qui que vous soyez, quelles que soient vos raisons, sachez que je suis heureuse de ce temps que vous vous apprêtez à passer avec Joël

Labbé, bienvenue à vous. Mes propres motivations, la source comme le cap, sont de vous permettre de recevoir les bienfaits de son côtoiement. Je les ai observés déjà pour moi-même – je sais que cela s’est produit aussi pour d’autres –, j’ai vu s’opérer ce que je ne croyais plus possible : une réconciliation avec le politique et un regain d’espérance.

La première fois que j’ai rencontré Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan, c’était en décembre 2013. Il avait à choisir le professionnel qui l’accompagnerait dans un travail sur la prise de parole en public. La dizaine de séances prévues devait être filmée pour un portrait documentaire.

Marie-Pomme Carteret, la monteuse du film, avait pensé que j’avais le profil. Elle m’avait vue travailler avec des comédiennes et comédiens lors d’un laboratoire de recherche. Je dois avouer que lorsqu’elle m’en a parlé, j’ai eu envie de décliner la proposition purement et simplement, me disant qu’un bon nombre de personnes spécialisées dans l’exercice du coaching serait mieux à même de répondre à la commande. J’étais consciente qu’accompagner un homme politique dans ce périlleux travail tout en étant filmée n’était pas sans risque. Je savais que le réalisateur et le producteur étaient des plus fiables, je connaissais la finesse dans l’art du montage de Marie-Pomme, mais tout de même, j’hésitais à me placer sur les rangs.

Je me suis rendue au premier rendez-vous avec Joël Labbé dans sa permanence de sénateur à Saint-Nolff, sous l’œil de la caméra déjà présente, avec l’objectif de vérifier que ses motivations étaient à la mesure de ce qu’il comptait entreprendre. Il l’ignorait encore, mais un travail sur la prise de parole en public allait convoquer de multiples champs et pas uniquement techniques. Il y aurait certes ce qui relève de la corporalité – respiration, élocution, voix, ancrages –, mais aussi tout ce qui se rattache aux émotions, à la pensée, au rapport à l’espace, à soi, à la mémoire, à l’autre. Pour moi, l’enjeu était principalement celui de la rencontre : une relation de confiance était-elle envisageable entre nous pour cheminer ensemble sur des terrains si mouvants ? La première phrase que j’ai dite à Joël est :

“Je ne suis pas coach.” Il a enchéri par : “Ça tombe bien, je ne veux pas un coach.” Cela commençait plutôt pas mal. J’avais préparé un long déroulé de questions afin de cerner ses attentes, ses problématiques, pour écrire un protocole sur mesure au cas où notre collaboration se confirmerait. Il y en avait notamment une qui l’interrogeait sur la raison pour laquelle il acceptait la présence d’une caméra durant un travail si intime. Il m’a répondu qu’il espérait que ce film convaincrait d’autres personnes de s’engager en politique, lui-même étant devenu sénateur alors qu’absolument rien ne l’y prédisposait.

Durant les séances qui se sont déroulées sur plusieurs mois, malgré la violence que le processus engendrait en lui, Joël a persévéré avec confiance. Il a toujours été soucieux que je puisse progresser comme je le souhaitais. Je me souviens également qu’il me demandait régulièrement des nouvelles de ma famille. Il était soumis à ce moment-là à de fortes pressions professionnelles, pourtant pas une seule fois il n’a dérogé à ses valeurs d’humanité et de simplicité qui ne sont pas une posture, mais bel et bien qui il est.

Lors des débats passionnants avec le public qui suivaient la projection du film Au risque d’être soi auxquels j’ai parfois assisté, j’ai pu mesurer combien la personnalité de Joël touchait les gens et combien sa vulnérabilité était sa force, car chacun, quel qu’il soit, pouvait se reconnaître en lui. Les échanges qui en découlaient allaient tout de suite à l’essentiel.

Depuis dix ans, la pérennité de notre lien doit beaucoup à sa constance. Joël me donne régulièrement des nouvelles, m’envoie chaque année sa carte de vœux si reconnaissable qu’accompagnent toujours quelques phrases amicales. Il ne manque jamais de m’exprimer sa gratitude pour le travail que nous avons mené ensemble et qui lui a permis, m’assure-t-il, de se déployer dans son expression politique. Chaque fois que nous nous sommes vus, j’ai abordé avec lui des questions d’actualité, lui témoignant de mes agacements, de mes incompréhensions. La qualité de son écoute, son expertise franche, son optimisme pragmatique, ont toujours agi sur moi comme un baume. Savoir qu’un homme comme lui siège au Sénat est une pensée qui rassure quand le désenchantement lié au fonctionnement du politique ou la noirceur des horizons pourraient prendre toute la place.

C’est donc aussi dans la continuité de cette relation que s’inscrivent les entretiens dont vous allez prendre connaissance. Quand Joël m’a proposé d’être celle qui le guiderait dans cette aventure, j’ai su que nous continuerions de dérouler le lien familier sur des terres nouvelles. Je n’ai pas eu besoin de lui dire : “Je ne suis pas journaliste politique”, sachant bien ce qu’il me répondrait.

J’espère qu’au fil des lignes vous entendrez la voix de Joël, la force de ses convictions.

J’espère que vous serez sensible au courage et à la simplicité de celui qui avance à découvert, qui outrepasse ses doutes et sa pudeur pour mettre en partage son expérience, qui l’essaime dans l’espoir que d’autres – vous peut-être – prennent le relais.

Sabrina Delarue, le 22 octobre 2022

Retrouvez gratuitement le documentaire en suivant le lien : https://vimeo.com/129095918 et avec le mot de passe : sénateur

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