Extrait de "L'Art persan"

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HENRI

STIERLIN

Henri Stierlin, historien de l’art et de l’architecture, a effectué, depuis près d’un demi-siècle, de nombreuses missions d’étude et reportages photographiques en Iran et dans les pays limitrophes, hauts lieux de l’art persan. Parmi ses ouvrages traitant de la Perse, Ispahan, images du Paradis, préface d’Henri Corbin (1976), L’Architecture de l’Islam (1979), L’Art de l’Islam en Orient (2002), L’Architecture de l’Islam, « Découvertes Gallimard » (2003).

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR :

Clavijo, La Route de Samarkand au temps de Tamerlan L. Kehren éd.

Rubrouck, Voyage dans l’Empire mongol R. Kappler éd.

HENRI STIERLIN

Vertigineuses merveilles de l’art persan ! L’ampleur souveraine des ensembles monumentaux édifiés par Timour à Samarkand, par Shah Abbas à Ispahan, accueille une infinie complexité décorative et architecturale, superposant à l’harmonie des courbes un entrelacs de couleurs, de formes et de motifs, géométriques, scripturaires, animaliers ou végétaux, l’éclat des ors et des miroirs, des mosaïques de faïence et des kashis turquoise, outremer ou vieux-rose… hymne au pouvoir temporel et à l’Au-delà rêvé. Exposer tant de beautés dans leur cadre naturel, montagnes arides de l’Iran, plaines alluviales de Transoxiane, est le premier propos du livre. L’éblouissement initial face aux structures alvéolaires de la Mosquée du Vendredi à Ispahan, se renforce au fil des vues panoramiques de la cour au bassin multilobé, du mirhab polychrome ; à Samarkand, voici la profusion décorative du tombeau de Timour, de la mosquée de Bibi Khanum, son épouse, de la madrasa Shir Dor. Rayonne enfin, surenchère de luxuriance et de splendeur, l’œuvre de Shah Abbas, Roi-Soleil de la Perse. La Grande Mosquée royale, le palais des Huit Paradis, le palais des Quarante Colonnes (Tchéhel Sotoun) et son iwan de verre et d’or, le salon de musique du palais Ali Kapou : autant de merveilles inouïes, ineffables, dont la mise en pages révèle la somptueuse majesté et l’effervescence du détail. Cette haute civilisation, aux antiques origines, dont le Livre des Rois (Shah Namé) de Firdousi (940-1020) marque le regain après deux siècles de soumission aux dynasties arabes, « conquit ses féroces vainqueurs », seldjoukides, mongols, turco-mongols, du XIe au XIVe siècle, au point de marquer de son empreinte l’Asie Centrale, Bagdad, l’Afghanistan (Hérât). L’essor, au XVIe siècle, de la dynastie iranienne des Safavides la porte à son suprême épanouissement. Henri Stierlin décèle les multiples correspondances entre l’architecture, les arts, l’inspiration des poètes – Omar Khayyâm, Hâfiz, Nîzami, Saadi – qu’illustrent de précieuses miniatures, sommets de grâce et de raffinement. Ainsi, tel tapis à motif en Tchahar Bagh –« quatre jardins » – croisant à angle droit, en un bassin octogonal, les « quatre Fleuves du Paradis » (p.174), reproduit la composition même de la mosquée Royale de Shah Abbas. De cette forêt de symboles l’auteur dévoile les mystérieuses résonances, échos du Pentateuque, du Coran, des grands mystiques Rûmî et Sohrarwardî. Le décor de faïence où les arabesques d’une végétation immortelle jouxtent les inscriptions stylisées, dédiées à la trinité shiite Allah, Mahomet et Ali ; l’arbre Tuba joignant l’ici-bas à la Terre des Âmes ; les reflets immatériels des iwans et des galeries dans le bassin aux eaux d’éternité… l’arcane cosmique de l’architecture figure le passage du monde matériel à la transcendance, exalte la foi en la résurrection.

Faïences d’azur M. Barry / R. et S. Michaud

Voyage au cœur des Empires R. Cagnat / A. Orloff

Afghanistan, monuments millénaires B. Dupaigne

Byzance T. Velmans dir.

L’Art seldjoukide et ottoman G. Curatola

69 € prix T.T.C. France ISBN : 978-2-330-00064-6

Illustration de la couverture : Page du Shah Namé de Shah Tahmasp. Miniature attribuée à Aga Mirak, Tabriz, 1532, (format 47 x 32 cm) © Musée Aga Khan, Toronto.


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L’Éclosion de l’art persan L’art persan, qu’illustrent de nombreux chefs-d’œuvre, à Ispahan, Shiraz, Kerman, Yazd ou Kashan, se trouve aujourd’hui en pleine lumière. Outre l’Iran, qui représente le principal apport de l’architecture persane, il inclut les prolongements naturels de la culture iranienne : monuments situés à Bagdad, en Irak, à la fin de la période abbasside ; rares édifices qui subsistent en Afghanistan ; et surtout, le riche patrimoine bâti de la Transoxiane (l’actuel Ouzbékistan), à Samarkand, Boukhara et Khiva… Les principales créations de l’Asie centrale ont, en effet, pour auteurs des architectes et des artistes persans, appelés en masse par Timour (Tamerlan), qui, de Samarkand, sa capitale, règne sur un empire immense. Après la conquête arabe et l’islamisation, la Perse connaît un développement complexe : les phases d’unité se succèdent, entrecoupées de morcellements et de regroupements. Les périodes d’unification correspondent à l’éclosion de grands empires musulmans : celui des Seldjoukides, puis ceux des Mongols, ou Ilkhanides, de Timour et des Timourides, précédant l’éclosion d’une dynastie proprement iranienne, celle des Safavides, dont l’apogée culturel et artistique a pour centre Ispahan. Avant l’Islam, la vieille civilisation de la Perse antique a connu plusieurs périodes de vaste rayonnement : à l’origine, Cyrus II fonde le gigantesque empire des Achéménides (du au

IVe

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s. avant notre ère), auquel met fin la conquête d’Alexandre le Grand. Au royaume

séleucide – au sein duquel l’hellénisme s’impose difficilement en Perse – succède, de 250 avant notre ère à 226 apr. J.-C., la puissance parthe des Arsacides qui domine le Moyen-Orient, mettant plusieurs fois les légions de Rome en échec. L’empire des Sassanides (226-651) redonne au pays les frontières qu’il avait atteintes au temps des Achéménides. Cette puissante dynastie, dont la capitale se trouve à Ctésiphon, en Irak, est en lutte continuelle avec Rome, puis Byzance dont elle est le principal adversaire. Au lendemain de l’invasion arabe qui anéantit la civilisation sassanide au VIIe siècle, la Perse, humiliée, devient partie intégrante des premières dynasties arabes : celle, glorieuse, des Omeyyades, puis celle des Abbassides, dès 750 qui, de Bagdad ou de Samarra, règne de l’Atlantique aux portes de l’Inde et de la Chine. Les immenses territoires qu’unifient le Coran, la langue arabe et la foi en l’islam comprennent, dans leur partie orientale, la Perse et les cultures iranisées s’étendant jusqu’à l’Asie centrale. Après des siècles d’occupation arabe et de diffusion de la religion de Mahomet, la population iranienne se trouve profondément islamisée… mais elle ne tarde pas à refuser l’usage exclusif de l’arabe. Elle s’attache à maintenir vivant le farsi (ou persan, langue qui, à l’origine, était parlée dans le Fars), refuse de scotomiser la glorieuse histoire iranienne et la pensée de l’âge antéislamique. Dès les

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et

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siècles, les poètes persans, pratiquant le farsi, favorisent une renaissance du passé de

l’Iran. Firdousi (940-1020) chante dans le Livre des Rois la tradition de l’ancienne Perse. Certes, lettrés et religieux usent aussi de l’arabe, langue du Coran, dont ils ont adopté l’écriture. Mais la Perse est le premier pays conquis par l’Islam qui parvient à maintenir vivante sa langue d’origine (ils seront suivis en cela par les Turcs qui continueront à user des parlers propres aux nomades turcophones). Grâce à ses poètes, l’Iran renoue avec son passé La bataille des corbeaux et des chouettes, miniature safavide de Quazvin, 1593. Format : 30 × 20 cm. Musée Aga Khan, Toronto.

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n Coupole de la mosquée Royale d’Ispahan réalisée par Shah Abbas entre 1612 et 1630. Le décor de pampres et de ramures est à l’image de l’arbre Tuba, « arbre du Paradis ».

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L’Éclosion de l’art persan

parthe et sassanide, ainsi qu’avec la mémoire des anciens souverains achéménides, au nombre desquels ils incluent le Macédonien Alexandre, successeur de Darius III ! Car le conquérant macédonien laissa intacte une part importante de leur héritage historique et politique. Aujourd’hui, il n’est pas rare en Iran que des enfants portent les noms des héros de l’épopée iranienne ou des antiques rois perses. On trouve fréquemment des prénoms tels que Cyrus, Darius, Khoshro, Shirin, etc. Cet attachement au passé se comprend de la part des Iraniens : l’histoire de leur pays millénaire mérite une initiation.


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p Vue sur la cour de la Mosquée du Vendredi à Ispahan, le grand iwan ouest se mirant dans le bassin aux ablutions rituelles. Derrière les arcades sont ménagées des salles d’hiver.

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Détail du décor de la madrasa Moustanzarieh, à Bagdad, bâtie sur ordre du calife al-Moustanzir (1226-1241) : sous un réseau de baguettes à motifs étoilés en relief, un fin semis d’entrelacs semble traité au trépan.

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n Perspective sur un pishtak (porte) ornementé de la madrasa Moustanzarieh, édifiée avant l’invasion des Mongols.

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L’Invasion des Mongols


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HENRI

STIERLIN

Henri Stierlin, historien de l’art et de l’architecture, a effectué, depuis près d’un demi-siècle, de nombreuses missions d’étude et reportages photographiques en Iran et dans les pays limitrophes, hauts lieux de l’art persan. Parmi ses ouvrages traitant de la Perse, Ispahan, images du Paradis, préface d’Henri Corbin (1976), L’Architecture de l’Islam (1979), L’Art de l’Islam en Orient (2002), L’Architecture de l’Islam, « Découvertes Gallimard » (2003).

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR :

Clavijo, La Route de Samarkand au temps de Tamerlan L. Kehren éd.

Rubrouck, Voyage dans l’Empire mongol R. Kappler éd.

HENRI STIERLIN

Vertigineuses merveilles de l’art persan ! L’ampleur souveraine des ensembles monumentaux édifiés par Timour à Samarkand, par Shah Abbas à Ispahan, accueille une infinie complexité décorative et architecturale, superposant à l’harmonie des courbes un entrelacs de couleurs, de formes et de motifs, géométriques, scripturaires, animaliers ou végétaux, l’éclat des ors et des miroirs, des mosaïques de faïence et des kashis turquoise, outremer ou vieux-rose… hymne au pouvoir temporel et à l’Au-delà rêvé. Exposer tant de beautés dans leur cadre naturel, montagnes arides de l’Iran, plaines alluviales de Transoxiane, est le premier propos du livre. L’éblouissement initial face aux structures alvéolaires de la Mosquée du Vendredi à Ispahan, se renforce au fil des vues panoramiques de la cour au bassin multilobé, du mirhab polychrome ; à Samarkand, voici la profusion décorative du tombeau de Timour, de la mosquée de Bibi Khanum, son épouse, de la madrasa Shir Dor. Rayonne enfin, surenchère de luxuriance et de splendeur, l’œuvre de Shah Abbas, Roi-Soleil de la Perse. La Grande Mosquée royale, le palais des Huit Paradis, le palais des Quarante Colonnes (Tchéhel Sotoun) et son iwan de verre et d’or, le salon de musique du palais Ali Kapou : autant de merveilles inouïes, ineffables, dont la mise en pages révèle la somptueuse majesté et l’effervescence du détail. Cette haute civilisation, aux antiques origines, dont le Livre des Rois (Shah Namé) de Firdousi (940-1020) marque le regain après deux siècles de soumission aux dynasties arabes, « conquit ses féroces vainqueurs », seldjoukides, mongols, turco-mongols, du XIe au XIVe siècle, au point de marquer de son empreinte l’Asie Centrale, Bagdad, l’Afghanistan (Hérât). L’essor, au XVIe siècle, de la dynastie iranienne des Safavides la porte à son suprême épanouissement. Henri Stierlin décèle les multiples correspondances entre l’architecture, les arts, l’inspiration des poètes – Omar Khayyâm, Hâfiz, Nîzami, Saadi – qu’illustrent de précieuses miniatures, sommets de grâce et de raffinement. Ainsi, tel tapis à motif en Tchahar Bagh –« quatre jardins » – croisant à angle droit, en un bassin octogonal, les « quatre Fleuves du Paradis » (p.174), reproduit la composition même de la mosquée Royale de Shah Abbas. De cette forêt de symboles l’auteur dévoile les mystérieuses résonances, échos du Pentateuque, du Coran, des grands mystiques Rûmî et Sohrarwardî. Le décor de faïence où les arabesques d’une végétation immortelle jouxtent les inscriptions stylisées, dédiées à la trinité shiite Allah, Mahomet et Ali ; l’arbre Tuba joignant l’ici-bas à la Terre des Âmes ; les reflets immatériels des iwans et des galeries dans le bassin aux eaux d’éternité… l’arcane cosmique de l’architecture figure le passage du monde matériel à la transcendance, exalte la foi en la résurrection.

Faïences d’azur M. Barry / R. et S. Michaud

Voyage au cœur des Empires R. Cagnat / A. Orloff

Afghanistan, monuments millénaires B. Dupaigne

Byzance T. Velmans dir.

L’Art seldjoukide et ottoman G. Curatola

69 € prix T.T.C. France ISBN : 978-2-330-00064-6

Illustration de la couverture : Page du Shah Namé de Shah Tahmasp. Miniature attribuée à Aga Mirak, Tabriz, 1532, (format 47 x 32 cm) © Musée Aga Khan, Toronto.


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