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MAURO MINARDI
MAURO MINARDI
Paolo Uccello
Paolo Uccello 18/07/17 15:25
MAURO MINARDI
Paolo Uccello Traduit de l’italien par Anne Guglielmetti
MAURO MINARDI
Paolo Uccello Traduit de l’italien par Anne Guglielmetti
SOMMAIRE
Illustration du coffret et de la jaquette Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, détail, vers 1470, Londres, National Gallery / © 2017, The National Gallery, Londres / Scala, Florence
6 Préface 10 Introduction Le Paolo Uccello “pédant et subtil” de Giorgio Vasari et sa fortune critique au xxe siècle Partie 1
Partie 5 232 244 248
À l’ombre de Lorenzo Ghiberti
251
avec Ghiberti
263
22 Les origines familiales et les premiers contacts 25 Florence, 1400-1425 33 Bizarreries de style gothique tardif : 52 55 65
les premières peintures de Paolo Uccello Voyage à Venise Le retour à Florence et les premières Scènes de la Genèse dans le Cloître vert À Santa Maria Maggiore
Partie 2 Dans le sillage de Brunelleschi, Donatello et Alberti (1)
72 Une nouvelle Florence : 1425-1440 79 Le cycle de la chapelle de l’Assomption
Autour du Déluge Le Déluge et les Scènes de la vie de Noé au Cloître vert Eugène IV dans le Déluge et le concile de Florence Dans le sillage du Déluge : la fresque de Santa Maria della Scala et la Compagnia della Natività Le grand cadran de l’horloge et les vitraux à Santa Maria del Fiore L’intermède padouan
Partie 6 268 273 282 287 304 309 321 338
dans l’église (par la suite cathédrale) de Prato
Vers les dernières années Avane, 1452 : un changement de cap Première fable de saint Georges : le jour Un triptyque pour sœur Félicité Fresques et “enluminures” : méditations florentines sur la solitude et sur l’ascèse “… et d’autres petits meubles” Deuxième fable de saint Georges : la nuit Le séjour à Urbino La Chasse et l’épilogue de l’activité de Paolo Uccello
113 Autour des fresques de Prato
Partie 7 Partie 3 134 145 154
Dans le sillage de Brunelleschi, Donatello et Alberti (2) Célébration d’un condottiere : Giovanni Acuto et l’humanisme florentin L’exploit bolonais : fragments d’un chef-d’œuvre Prédelle, Vierge à l’Enfant, fragments : la richesse des années 1430
La traduction de cet ouvrage a été effectuée avec la contribution du SEPS
© 2017, 24 ORE Cultura srl, pour l’édition italienne © 2017, Actes Sud, pour l’édition française ISBN 978-2-330-08397-7
354 362 363
Segretariato Europeo per le Pubblicazioni Scientifiche
Via Val d’Aposa 7 40123 Bologna - Italie seps@seps.it www.seps.it
352
Paolo Uccello et le xxe siècle Au tournant du siècle : Bernard Berenson et Marcel Schwob Retour à l’ordre et peinture métaphysique : Ardengo Soffici, Giorgio De Chirico, Carlo Carrà, Giorgio Morandi Intermède anglo-saxon : Roger Fry, Edward M. Forster, Kenneth Clark Paolo Uccello à l’épreuve du surréalisme, et au-delà
Partie 4 174 177 216 224
L’“épopée” des Batailles San Romano, 1er juin 1432 Des Médicis aux Bartoloni Salimbeni Métaphysique et abstraction “… l’étude des points de perspective difficiles, voire insolubles”
Annexes 372 Bibliographie 379 Index des noms
SOMMAIRE
Illustration du coffret et de la jaquette Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, détail, vers 1470, Londres, National Gallery / © 2017, The National Gallery, Londres / Scala, Florence
6 Préface 10 Introduction Le Paolo Uccello “pédant et subtil” de Giorgio Vasari et sa fortune critique au xxe siècle Partie 1
Partie 5 232 244 248
À l’ombre de Lorenzo Ghiberti
251
avec Ghiberti
263
22 Les origines familiales et les premiers contacts 25 Florence, 1400-1425 33 Bizarreries de style gothique tardif : 52 55 65
les premières peintures de Paolo Uccello Voyage à Venise Le retour à Florence et les premières Scènes de la Genèse dans le Cloître vert À Santa Maria Maggiore
Partie 2 Dans le sillage de Brunelleschi, Donatello et Alberti (1)
72 Une nouvelle Florence : 1425-1440 79 Le cycle de la chapelle de l’Assomption
Autour du Déluge Le Déluge et les Scènes de la vie de Noé au Cloître vert Eugène IV dans le Déluge et le concile de Florence Dans le sillage du Déluge : la fresque de Santa Maria della Scala et la Compagnia della Natività Le grand cadran de l’horloge et les vitraux à Santa Maria del Fiore L’intermède padouan
Partie 6 268 273 282 287 304 309 321 338
dans l’église (par la suite cathédrale) de Prato
Vers les dernières années Avane, 1452 : un changement de cap Première fable de saint Georges : le jour Un triptyque pour sœur Félicité Fresques et “enluminures” : méditations florentines sur la solitude et sur l’ascèse “… et d’autres petits meubles” Deuxième fable de saint Georges : la nuit Le séjour à Urbino La Chasse et l’épilogue de l’activité de Paolo Uccello
113 Autour des fresques de Prato
Partie 7 Partie 3 134 145 154
Dans le sillage de Brunelleschi, Donatello et Alberti (2) Célébration d’un condottiere : Giovanni Acuto et l’humanisme florentin L’exploit bolonais : fragments d’un chef-d’œuvre Prédelle, Vierge à l’Enfant, fragments : la richesse des années 1430
La traduction de cet ouvrage a été effectuée avec la contribution du SEPS
© 2017, 24 ORE Cultura srl, pour l’édition italienne © 2017, Actes Sud, pour l’édition française ISBN 978-2-330-08397-7
354 362 363
Segretariato Europeo per le Pubblicazioni Scientifiche
Via Val d’Aposa 7 40123 Bologna - Italie seps@seps.it www.seps.it
352
Paolo Uccello et le xxe siècle Au tournant du siècle : Bernard Berenson et Marcel Schwob Retour à l’ordre et peinture métaphysique : Ardengo Soffici, Giorgio De Chirico, Carlo Carrà, Giorgio Morandi Intermède anglo-saxon : Roger Fry, Edward M. Forster, Kenneth Clark Paolo Uccello à l’épreuve du surréalisme, et au-delà
Partie 4 174 177 216 224
L’“épopée” des Batailles San Romano, 1er juin 1432 Des Médicis aux Bartoloni Salimbeni Métaphysique et abstraction “… l’étude des points de perspective difficiles, voire insolubles”
Annexes 372 Bibliographie 379 Index des noms
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Préface L’histoire de l’art est d’abord faite d’œuvres, de faits et de personnes ; de dates et de liens ; surtout de liens, en fin de compte. Carlo Volpe, Paolo Uccello a Bologna, 1980. Écrire une monographie sur Paolo Uccello pose aujourd’hui des problèmes qui ne sont plus ceux que le chercheur rencontrait il y a vingt ou trente ans. Les questions relatives au partage de son œuvre entre différents maîtres étant désormais dépassées dans l’optique de la plupart des critiques spécialisés, son curriculum s’inscrit dans la richesse de l’expérience vécue par un seul et même artiste, et l’historien de l’art qui s’apprête à évaluer son activité se trouve face à une difficulté qui tient davantage à la chronologie qu’à la reconstruction d’un catalogue entrecoupé de nombreuses peintures dont l’attribution est incertaine, discutée ou impliquant d’autres mains. Dans l’histoire d’un peintre qui n’a pas suivi un “bon” parcours évolutif mais est revenu, au contraire, après l’apogée d’expérimentations placées ouvertement sous le signe de la Renaissance, à une poétique formelle pouvant sembler un repli vers les atmosphères “nocturnes” du gothique tardif, établir un itinéraire cohérent de cette trajectoire figurative est un objectif dont l’importance est claire et justifiée – aux yeux de qui s’est attaché aux textes. Maître de la perspective linéaire, mais aussi poète hermétique, puissant créateur d’images et, pour nombre de commentateurs, solitaire, Paolo Uccello a été passé au crible de divers points de vue. Tous ont observé sa densité intellectuelle, ses liens avec la pensée du Moyen Âge tardif et celle de son temps, avec la théorie de la perspective et sa mise en pratique, et certains ont souligné sa position de précurseur génial et involontaire des avant-gardes du xxe siècle. Au cours des vingt-cinq dernières années, deux monographies lui ont été consacrées : celle de Franco et Stefano Borsi en 1992, centrée surtout sur les peintures inscrites au catalogue, et plus récemment celle de Hugh Hudson qui s’est proposé de reconstruire les liens complexes entre l’artiste et son activité d’une part, son milieu familial, ses commanditaires et collectionneurs de l’autre, dans le tissu historique de la Florence du xve siècle. Mais je pense que le lecteur désireux d’aborder l’activité de Paolo en s’appuyant surtout sur les textes doit aller beaucoup plus loin et faire usage de la monographie de John Pope-Hennessy, dans l’édition revue et augmentée de 1969 (la première version datant de 1950) qui est aussi, au moment de sa parution, le fruit des connaissances et de l’horizon que l’on avait alors de la peinture florentine. Et c’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai abordé la préparation de ce volume sur Paolo Uccello, j’ai opté, avec le bagage méthodologique que cela implique, pour une approche avant tout philologique. Ce choix, qui était aussi plus généralement la réaffirmation de la validité d’une méthode qui dépasse la simple connoisseurship, m’a paru le plus pertinent en relation
avec un artiste chez qui, justement, l’approche théorique et mentale (bien que non suffisante et non définitive) a souvent parlé d’une voix plus forte que l’œil. Considérer aujourd’hui Paolo Uccello signifie inclure dans son profil des lieux, des œuvres et des périodes de la peinture florentine qui n’étaient pas pris en compte il y a encore trois ou quatre décennies, autrement dit observer la richesse et la diversité d’une histoire qui a vu le jour au sein de la culture du gothique tardif et, à travers un demi-siècle d’art toscan, s’est construit une position entièrement sienne dans le contexte de la Renaissance. Pour compléter cette image, il m’a fallu parcourir – non sans accidents, tortueuses montées et virages imprévus sur le plan historiographique – un siècle entier, le xxe du nom, qui constitue aussi une phase incontournable de la fortune moderne de l’artiste. Mais il est frappant de constater que le sommet de cette redécouverte méritée a coïncidé avec le Paolo Uccello du Monument équestre de Giovanni Acuto, des Batailles de San Romano, du Déluge et de quelques autres œuvres. Aujourd’hui, il est possible de tenter de comprendre Paolo Uccello au-delà de ces “icônes” de la Renaissance, tout en restant conscient du fait que divers aspects de son époque, de ses peintures, de ses commanditaires et de sa sensibilité continuent de nous échapper. Comme nous échappent ses voyages. Si ses séjours à Venise et à Padoue sont effectivement documentés, ils nous restent inconnus sur le plan des témoignages figuratifs, alors que l’on a de plus en plus l’impression que Bologne a été une croisée des chemins en rien secondaire pour ses débuts, antérieurs à toutes les œuvres qui nous sont parvenues. De plus, l’étude des archives nous a restitué un réseau relativement étendu, bien que très partiel, de ses commanditaires qui, pour la plupart (Bartolini Salimbeni, Quaratesi, Lanfredini, Rucellai, Carnesecchi, del Beccuto), appartenaient à l’oligarchie marchande de Florence, étaient souvent proches des Médicis et suffisent donc à battre en brèche la légende bâtie par Vasari selon laquelle Paolo était un artiste pauvre et marginalisé, perdu dans ses élucubrations d’insomniaque sur la perspective. En réalité, pour suggérer l’inexactitude de ce mythe, il suffit de considérer d’autres commandes reçues des plus grands ordres religieux de sa ville (les dominicains de Santa Maria Novella, les camaldules de Santa Maria degli Angeli, les olivétains de San Miniato al Monte) et de la cathédrale Santa Maria del Fiore, pour laquelle il a travaillé au moins à trois reprises. Compte tenu de ces prémisses, un des objectifs du présent volume était de comprendre Paolo Uccello dans le milieu culturel et le panorama figuratif qui étaient les siens, autrement dit de mettre en relief son originalité, sa fonction, sa dialectique d’ouvertures et de fermetures dans un dialogue tantôt constant, tantôt intermittent, jusqu’au silence dernier. Comme le suggère Alessandro Parronchi, le situer sur une ligne de développement menant de Brunelleschi et Masaccio à Piero della Francesca
serait réducteur. Et une interprétation qui se contenterait des relations, qui sont demeurées toujours prégnantes et dans un rayon plutôt limité, avec ses collègues peintres, serait non moins réductrice. L’examen des œuvres montre que Paolo, au moins jusqu’à une certaine date, a accordé la plus grande attention au langage des sculpteurs, Lorenzo Ghiberti d’abord et, progressivement, Jacopo della Quercia et Donatello ensuite, dont l’influence s’est fait sentir jusqu’aux années 1440. C’est sur cet aspect qu’une ample part de ma réflexion a porté. Je me suis aussi intéressé tout particulièrement à un groupe de peintures sur bois, moins étudiées et souvent associées à son atelier, qui offrent soit une qualité, soit des connotations stylistiques en assonance avec des moments précis de sa carrière. On ne peut, en revanche, en dire autant des dessins. Alors qu’à partir des années 1980, de nombreuses peintures quittaient les limbes des attributed works et gagnaient pleinement le statut d’œuvres autographes, l’ensemble de dessins – sur lesquels les exégètes les plus impliqués dans une analyse théorique ont fondé le primat de Paolo Uccello au sein de la Renaissance – a commencé à connaître un destin critique opposé : leur attribution a été remise en cause ou elle s’est vu grever de nombreux doutes. Écrire une monographie, c’est obligatoirement raconter, illustrer, opérer des synthèses et clarifier. Mais une personnalité aux
multiples facettes comme Paolo requiert aussi des clés de lecture qui permettent d’accéder à sa sphère poétique et intellectuelle (ou, au moins, l’effleurer). Preuve en est le discours cultivé et interdisciplinaire que sa personnalité a suscité en particulier au xxe siècle, dont rend compte la dernière partie de ce livre. Je crois que mon travail aurait eu une tout autre coloration si je n’avais pas été stimulé par deux livres très éloignés par leurs thèmes, leur méthodologie et leur valeur – Gli ultimi libertini de Benedetta Craveri (2016) et Terre senz’ombra d’Anna Ottani Cavina (2015) –, publiés au moment où je commençais à peine à concevoir le présent volume. Alors que je prends congé de ma tâche, je souhaite remercier vivement, plus encore que l’amitié des livres, ceux qui m’ont grandement aidé de leurs conseils et de leur disponibilité, ou ont facilité mon étude de diverses peintures : Alessandro Angelini, Annamaria Bernacchioni, Elisa Camporeale, Claudio Cerretelli, Jonathan Graindorge Lamour, Valerio Mosso, Daniela Parenti, Neville Rowley, Angelo Tartuferi ; et le personnel de la Fondazione Federico- Zeri à Bologne. Descende, o coeli ros Ex alto asperge nos Vers du motet Longe mala, umbrae, terrores (rv 629) d’Antonio Vivaldi.
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Préface L’histoire de l’art est d’abord faite d’œuvres, de faits et de personnes ; de dates et de liens ; surtout de liens, en fin de compte. Carlo Volpe, Paolo Uccello a Bologna, 1980. Écrire une monographie sur Paolo Uccello pose aujourd’hui des problèmes qui ne sont plus ceux que le chercheur rencontrait il y a vingt ou trente ans. Les questions relatives au partage de son œuvre entre différents maîtres étant désormais dépassées dans l’optique de la plupart des critiques spécialisés, son curriculum s’inscrit dans la richesse de l’expérience vécue par un seul et même artiste, et l’historien de l’art qui s’apprête à évaluer son activité se trouve face à une difficulté qui tient davantage à la chronologie qu’à la reconstruction d’un catalogue entrecoupé de nombreuses peintures dont l’attribution est incertaine, discutée ou impliquant d’autres mains. Dans l’histoire d’un peintre qui n’a pas suivi un “bon” parcours évolutif mais est revenu, au contraire, après l’apogée d’expérimentations placées ouvertement sous le signe de la Renaissance, à une poétique formelle pouvant sembler un repli vers les atmosphères “nocturnes” du gothique tardif, établir un itinéraire cohérent de cette trajectoire figurative est un objectif dont l’importance est claire et justifiée – aux yeux de qui s’est attaché aux textes. Maître de la perspective linéaire, mais aussi poète hermétique, puissant créateur d’images et, pour nombre de commentateurs, solitaire, Paolo Uccello a été passé au crible de divers points de vue. Tous ont observé sa densité intellectuelle, ses liens avec la pensée du Moyen Âge tardif et celle de son temps, avec la théorie de la perspective et sa mise en pratique, et certains ont souligné sa position de précurseur génial et involontaire des avant-gardes du xxe siècle. Au cours des vingt-cinq dernières années, deux monographies lui ont été consacrées : celle de Franco et Stefano Borsi en 1992, centrée surtout sur les peintures inscrites au catalogue, et plus récemment celle de Hugh Hudson qui s’est proposé de reconstruire les liens complexes entre l’artiste et son activité d’une part, son milieu familial, ses commanditaires et collectionneurs de l’autre, dans le tissu historique de la Florence du xve siècle. Mais je pense que le lecteur désireux d’aborder l’activité de Paolo en s’appuyant surtout sur les textes doit aller beaucoup plus loin et faire usage de la monographie de John Pope-Hennessy, dans l’édition revue et augmentée de 1969 (la première version datant de 1950) qui est aussi, au moment de sa parution, le fruit des connaissances et de l’horizon que l’on avait alors de la peinture florentine. Et c’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai abordé la préparation de ce volume sur Paolo Uccello, j’ai opté, avec le bagage méthodologique que cela implique, pour une approche avant tout philologique. Ce choix, qui était aussi plus généralement la réaffirmation de la validité d’une méthode qui dépasse la simple connoisseurship, m’a paru le plus pertinent en relation
avec un artiste chez qui, justement, l’approche théorique et mentale (bien que non suffisante et non définitive) a souvent parlé d’une voix plus forte que l’œil. Considérer aujourd’hui Paolo Uccello signifie inclure dans son profil des lieux, des œuvres et des périodes de la peinture florentine qui n’étaient pas pris en compte il y a encore trois ou quatre décennies, autrement dit observer la richesse et la diversité d’une histoire qui a vu le jour au sein de la culture du gothique tardif et, à travers un demi-siècle d’art toscan, s’est construit une position entièrement sienne dans le contexte de la Renaissance. Pour compléter cette image, il m’a fallu parcourir – non sans accidents, tortueuses montées et virages imprévus sur le plan historiographique – un siècle entier, le xxe du nom, qui constitue aussi une phase incontournable de la fortune moderne de l’artiste. Mais il est frappant de constater que le sommet de cette redécouverte méritée a coïncidé avec le Paolo Uccello du Monument équestre de Giovanni Acuto, des Batailles de San Romano, du Déluge et de quelques autres œuvres. Aujourd’hui, il est possible de tenter de comprendre Paolo Uccello au-delà de ces “icônes” de la Renaissance, tout en restant conscient du fait que divers aspects de son époque, de ses peintures, de ses commanditaires et de sa sensibilité continuent de nous échapper. Comme nous échappent ses voyages. Si ses séjours à Venise et à Padoue sont effectivement documentés, ils nous restent inconnus sur le plan des témoignages figuratifs, alors que l’on a de plus en plus l’impression que Bologne a été une croisée des chemins en rien secondaire pour ses débuts, antérieurs à toutes les œuvres qui nous sont parvenues. De plus, l’étude des archives nous a restitué un réseau relativement étendu, bien que très partiel, de ses commanditaires qui, pour la plupart (Bartolini Salimbeni, Quaratesi, Lanfredini, Rucellai, Carnesecchi, del Beccuto), appartenaient à l’oligarchie marchande de Florence, étaient souvent proches des Médicis et suffisent donc à battre en brèche la légende bâtie par Vasari selon laquelle Paolo était un artiste pauvre et marginalisé, perdu dans ses élucubrations d’insomniaque sur la perspective. En réalité, pour suggérer l’inexactitude de ce mythe, il suffit de considérer d’autres commandes reçues des plus grands ordres religieux de sa ville (les dominicains de Santa Maria Novella, les camaldules de Santa Maria degli Angeli, les olivétains de San Miniato al Monte) et de la cathédrale Santa Maria del Fiore, pour laquelle il a travaillé au moins à trois reprises. Compte tenu de ces prémisses, un des objectifs du présent volume était de comprendre Paolo Uccello dans le milieu culturel et le panorama figuratif qui étaient les siens, autrement dit de mettre en relief son originalité, sa fonction, sa dialectique d’ouvertures et de fermetures dans un dialogue tantôt constant, tantôt intermittent, jusqu’au silence dernier. Comme le suggère Alessandro Parronchi, le situer sur une ligne de développement menant de Brunelleschi et Masaccio à Piero della Francesca
serait réducteur. Et une interprétation qui se contenterait des relations, qui sont demeurées toujours prégnantes et dans un rayon plutôt limité, avec ses collègues peintres, serait non moins réductrice. L’examen des œuvres montre que Paolo, au moins jusqu’à une certaine date, a accordé la plus grande attention au langage des sculpteurs, Lorenzo Ghiberti d’abord et, progressivement, Jacopo della Quercia et Donatello ensuite, dont l’influence s’est fait sentir jusqu’aux années 1440. C’est sur cet aspect qu’une ample part de ma réflexion a porté. Je me suis aussi intéressé tout particulièrement à un groupe de peintures sur bois, moins étudiées et souvent associées à son atelier, qui offrent soit une qualité, soit des connotations stylistiques en assonance avec des moments précis de sa carrière. On ne peut, en revanche, en dire autant des dessins. Alors qu’à partir des années 1980, de nombreuses peintures quittaient les limbes des attributed works et gagnaient pleinement le statut d’œuvres autographes, l’ensemble de dessins – sur lesquels les exégètes les plus impliqués dans une analyse théorique ont fondé le primat de Paolo Uccello au sein de la Renaissance – a commencé à connaître un destin critique opposé : leur attribution a été remise en cause ou elle s’est vu grever de nombreux doutes. Écrire une monographie, c’est obligatoirement raconter, illustrer, opérer des synthèses et clarifier. Mais une personnalité aux
multiples facettes comme Paolo requiert aussi des clés de lecture qui permettent d’accéder à sa sphère poétique et intellectuelle (ou, au moins, l’effleurer). Preuve en est le discours cultivé et interdisciplinaire que sa personnalité a suscité en particulier au xxe siècle, dont rend compte la dernière partie de ce livre. Je crois que mon travail aurait eu une tout autre coloration si je n’avais pas été stimulé par deux livres très éloignés par leurs thèmes, leur méthodologie et leur valeur – Gli ultimi libertini de Benedetta Craveri (2016) et Terre senz’ombra d’Anna Ottani Cavina (2015) –, publiés au moment où je commençais à peine à concevoir le présent volume. Alors que je prends congé de ma tâche, je souhaite remercier vivement, plus encore que l’amitié des livres, ceux qui m’ont grandement aidé de leurs conseils et de leur disponibilité, ou ont facilité mon étude de diverses peintures : Alessandro Angelini, Annamaria Bernacchioni, Elisa Camporeale, Claudio Cerretelli, Jonathan Graindorge Lamour, Valerio Mosso, Daniela Parenti, Neville Rowley, Angelo Tartuferi ; et le personnel de la Fondazione Federico- Zeri à Bologne. Descende, o coeli ros Ex alto asperge nos Vers du motet Longe mala, umbrae, terrores (rv 629) d’Antonio Vivaldi.
88 Paolo Uccello, Présentation de la Vierge au Temple. Prato, cathédrale, chapelle de l’Assomption.
88 Paolo Uccello, Présentation de la Vierge au Temple. Prato, cathédrale, chapelle de l’Assomption.
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PARTIE 2
•
DANS LE SILLAGE DE BRUNELLESCHI, DONATELLO ET ALBERTI (1)
netteté et plus luminescent et clair qu’une surface lunaire68”, dans lequel une ligne enveloppante et élastique définit la mâchoire, les lèvres, le pli de la peau sur le cou, le contour de l’habit, les courbes des mèches de cheveux éclaircis par la lumière, est très proche des visages peints par Paolo à Prato, à commencer par les têtes qui ponctuent les encadrements de ses fresques. Parmi les plus récentes acquisitions du catalogue de l’artiste figure la Vierge à l’Enfant de la collection Alana (ill. 99), qu’Andrea De Marchi a datée de la période de la chapelle de l’Assomption69. Il s’agit d’un fragment d’une peinture plus vaste, comme le suggèrent les veines horizontales des planches de bois qui en constituent le support et supposent un développement plus important en largeur, à la manière d’un antependium destiné à la décoration d’un autel. La figure de la Vierge étant coupée à la hauteur des genoux, on ne comprend pas immédiatement qu’elle est assise sur un siège couvert d’un drap de velours or et vert, dont on aperçoit quelques plis obliques dans son dos et qui suit, en bas à droite, la forme de cette position assise. Et il est impossible de savoir ce qui l’entourait, probablement des figures. La convergence temporelle presque parfaite avec les fresques de Prato (mais que cette Vierge à l’Enfant pourrait aussi précéder de quelques années) est donnée par le manteau bleu, doublé de vert et bordé d’or, dont les ondulations compliquées rappellent à l’évidence les servantes de la Naissance de la Vierge. Les longues mains fléchies dans un
geste de gracieuse tristesse font écho aux mêmes figures, et plus encore au personnage féminin qui incarne le Courage, tandis que le regard douloureux renvoie à deux têtes des encadrements des fresques, l’une au sommet de la Dispute de saint Étienne, l’autre à gauche de la Présentation de la Vierge au Temple, mais aussi à la jeune servante qui descend l’escalier dans la Naissance de la Vierge. Marie est ici une jeune fille d’apparence fragile, qui se tient pourtant bien droite sur son trône. Le jeu des mains instaure entre elle et son enfant un dialogue muet : les doigts de sa main droite à elle effleurent le majeur de son fils et la grenade qu’il tient dans sa main gauche ainsi que le lacet noué autour de sa taille, allusion au cordon de la robe franciscaine. Les auréoles ne sont pas représentées en perspective ni décorées au poinçon. La présence de l’or dans certaines parties des vêtements (bords, poignets, encolures) dénote une conception antérieure à d’autres peintures mariales que nous verrons bientôt. L’intérêt de Paolo pour l’espace est perceptible dans la manière dont la tunique de l’Enfant décrit une courbe sur le côté gauche et, comme dans les représentations des saints à l’intrados de l’arc d’accès à la chapelle, cette tunique s’évase en petits plis verticaux. Enfin, il faut remarquer l’affinité de rendu entre ce vêtement et celui, pareillement bordé d’or en bas, de l’Enfant également debout sur les genoux de sa mère et bénissant, peint par Fra Angelico dans le compartiment central du Retable de Santa Croce (1429) puis dans
97 Paolo Uccello, Portrait d’un jeune homme. Indianapolis, Museum of Art, The Clowes Fund Collection.
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PARTIE 2
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DANS LE SILLAGE DE BRUNELLESCHI, DONATELLO ET ALBERTI (1)
netteté et plus luminescent et clair qu’une surface lunaire68”, dans lequel une ligne enveloppante et élastique définit la mâchoire, les lèvres, le pli de la peau sur le cou, le contour de l’habit, les courbes des mèches de cheveux éclaircis par la lumière, est très proche des visages peints par Paolo à Prato, à commencer par les têtes qui ponctuent les encadrements de ses fresques. Parmi les plus récentes acquisitions du catalogue de l’artiste figure la Vierge à l’Enfant de la collection Alana (ill. 99), qu’Andrea De Marchi a datée de la période de la chapelle de l’Assomption69. Il s’agit d’un fragment d’une peinture plus vaste, comme le suggèrent les veines horizontales des planches de bois qui en constituent le support et supposent un développement plus important en largeur, à la manière d’un antependium destiné à la décoration d’un autel. La figure de la Vierge étant coupée à la hauteur des genoux, on ne comprend pas immédiatement qu’elle est assise sur un siège couvert d’un drap de velours or et vert, dont on aperçoit quelques plis obliques dans son dos et qui suit, en bas à droite, la forme de cette position assise. Et il est impossible de savoir ce qui l’entourait, probablement des figures. La convergence temporelle presque parfaite avec les fresques de Prato (mais que cette Vierge à l’Enfant pourrait aussi précéder de quelques années) est donnée par le manteau bleu, doublé de vert et bordé d’or, dont les ondulations compliquées rappellent à l’évidence les servantes de la Naissance de la Vierge. Les longues mains fléchies dans un
geste de gracieuse tristesse font écho aux mêmes figures, et plus encore au personnage féminin qui incarne le Courage, tandis que le regard douloureux renvoie à deux têtes des encadrements des fresques, l’une au sommet de la Dispute de saint Étienne, l’autre à gauche de la Présentation de la Vierge au Temple, mais aussi à la jeune servante qui descend l’escalier dans la Naissance de la Vierge. Marie est ici une jeune fille d’apparence fragile, qui se tient pourtant bien droite sur son trône. Le jeu des mains instaure entre elle et son enfant un dialogue muet : les doigts de sa main droite à elle effleurent le majeur de son fils et la grenade qu’il tient dans sa main gauche ainsi que le lacet noué autour de sa taille, allusion au cordon de la robe franciscaine. Les auréoles ne sont pas représentées en perspective ni décorées au poinçon. La présence de l’or dans certaines parties des vêtements (bords, poignets, encolures) dénote une conception antérieure à d’autres peintures mariales que nous verrons bientôt. L’intérêt de Paolo pour l’espace est perceptible dans la manière dont la tunique de l’Enfant décrit une courbe sur le côté gauche et, comme dans les représentations des saints à l’intrados de l’arc d’accès à la chapelle, cette tunique s’évase en petits plis verticaux. Enfin, il faut remarquer l’affinité de rendu entre ce vêtement et celui, pareillement bordé d’or en bas, de l’Enfant également debout sur les genoux de sa mère et bénissant, peint par Fra Angelico dans le compartiment central du Retable de Santa Croce (1429) puis dans
97 Paolo Uccello, Portrait d’un jeune homme. Indianapolis, Museum of Art, The Clowes Fund Collection.
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PARTIE 2
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DANS LE SILLAGE DE BRUNELLESCHI, DONATELLO ET ALBERTI (1)
à droite de la Présentation au Temple (ill. 102), déjà mentionnée, dans le profil de Marie (même front haut, mêmes yeux à demi fermés), la similitude entre le visage de saint Eustache et celui du donateur dans la Présentation ou la tête bouclée insérée dans l’encadrement de la Lapidation de saint Étienne (ill. 103). Et c’est en relation avec la Lapidation qu’il faut considérer le stupéfiant paysage marin qui s’ouvre au-delà de la scène principale : les montagnes de taille décroissante situées à l’horizon et les voiles blanches qui sillonnent ces lointains dérivent des mêmes pensées, à cette différence près que l’ouverture de l’espace se fait plus ample. La mer agitée de vaguelettes par une brise légère, qui soulève aussi le voile transparent de Marie, prolonge la profondeur créée par la prairie au premier plan. Les figures de Marie et de l’Enfant se dressent à la limite inférieure de ce sol herbu, immédiatement au-dessus de la brèche rocheuse, creusée de trois cavernes, devant laquelle saint Jérôme, sainte Marie Madeleine et saint Eustache, en prière, lèvent les yeux vers l’Enfant et la Vierge (ill. 105). Les animaux qui enrichissent l’iconographie (le lion de Jérôme, le chien et le cerf d’Eustache) couvrent en partie le sol aride de cet asile de pierre, dont triomphe pourtant la force vitale de quelques arbustes et maigres plantes qui poussent autour de la fissure ouverte par un mince ruisseau. Les éclats de pierre orientés vers la droite sont un élément commun avec la Présentation au Temple de Prato, mais leur signification visuelle
est moindre par rapport au point de vue centré et non incliné latéralement, imposé au reste de la scène. En haut, six anges musiciens en pleine effervescence et bourdonnant comme une nuée d’insectes sont peints sur une feuille d’or73. Bien que la production tardive de Paolo soit caractérisée par de semblables figurines aux traits effilés et par un même milieu désertique, le tourbillon de ces robes exagérément longues, les volutes des cartouches et les ailes déployées dans une danse frénétique plaident ici pour une datation haute, dans une phase qui garde encore le souvenir des caractères gothiques des premières Scènes de la Genèse dans le Cloître vert. De plus, l’Adoration de Karlsruhe offre le premier exemple de perspective virtuose chez Paolo : le palmier aux feuilles géométriques, représentées dans un raccourci à 360 degrés (ill. 106). Ce faisant, notre artiste appose sa marque sur un arbre exotique qui, de Ghiberti à Fra Angelico74, abonde dans l’art florentin de cette période, mais jamais avec cette intention secrète de saisir la géométrie de la nature, la loi abstraite de la réalité. Faut-il voir un lien entre l’Adoration de Karlsruhe et l’affiliation de son auteur à la Compagnia della Pietà, dite “Buca” di San Girolamo, comme cela a été proposé ? Si Paolo devint effectivement membre de cette confrérie au cours des cinq premiers mois de 1438, cette date a l’inconvénient d’être trop en aval de la genèse de la peinture75. Initialement à Fiesole, la confrérie s’installa en
103 Paolo Uccello, “Tête”. Prato, cathédrale, chapelle de l’Assomption.
104 Paolo Uccello, Adoration de l’Enfant avec les saints Jérôme, Marie Madeleine et Eustache. Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle.
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PARTIE 2
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DANS LE SILLAGE DE BRUNELLESCHI, DONATELLO ET ALBERTI (1)
à droite de la Présentation au Temple (ill. 102), déjà mentionnée, dans le profil de Marie (même front haut, mêmes yeux à demi fermés), la similitude entre le visage de saint Eustache et celui du donateur dans la Présentation ou la tête bouclée insérée dans l’encadrement de la Lapidation de saint Étienne (ill. 103). Et c’est en relation avec la Lapidation qu’il faut considérer le stupéfiant paysage marin qui s’ouvre au-delà de la scène principale : les montagnes de taille décroissante situées à l’horizon et les voiles blanches qui sillonnent ces lointains dérivent des mêmes pensées, à cette différence près que l’ouverture de l’espace se fait plus ample. La mer agitée de vaguelettes par une brise légère, qui soulève aussi le voile transparent de Marie, prolonge la profondeur créée par la prairie au premier plan. Les figures de Marie et de l’Enfant se dressent à la limite inférieure de ce sol herbu, immédiatement au-dessus de la brèche rocheuse, creusée de trois cavernes, devant laquelle saint Jérôme, sainte Marie Madeleine et saint Eustache, en prière, lèvent les yeux vers l’Enfant et la Vierge (ill. 105). Les animaux qui enrichissent l’iconographie (le lion de Jérôme, le chien et le cerf d’Eustache) couvrent en partie le sol aride de cet asile de pierre, dont triomphe pourtant la force vitale de quelques arbustes et maigres plantes qui poussent autour de la fissure ouverte par un mince ruisseau. Les éclats de pierre orientés vers la droite sont un élément commun avec la Présentation au Temple de Prato, mais leur signification visuelle
est moindre par rapport au point de vue centré et non incliné latéralement, imposé au reste de la scène. En haut, six anges musiciens en pleine effervescence et bourdonnant comme une nuée d’insectes sont peints sur une feuille d’or73. Bien que la production tardive de Paolo soit caractérisée par de semblables figurines aux traits effilés et par un même milieu désertique, le tourbillon de ces robes exagérément longues, les volutes des cartouches et les ailes déployées dans une danse frénétique plaident ici pour une datation haute, dans une phase qui garde encore le souvenir des caractères gothiques des premières Scènes de la Genèse dans le Cloître vert. De plus, l’Adoration de Karlsruhe offre le premier exemple de perspective virtuose chez Paolo : le palmier aux feuilles géométriques, représentées dans un raccourci à 360 degrés (ill. 106). Ce faisant, notre artiste appose sa marque sur un arbre exotique qui, de Ghiberti à Fra Angelico74, abonde dans l’art florentin de cette période, mais jamais avec cette intention secrète de saisir la géométrie de la nature, la loi abstraite de la réalité. Faut-il voir un lien entre l’Adoration de Karlsruhe et l’affiliation de son auteur à la Compagnia della Pietà, dite “Buca” di San Girolamo, comme cela a été proposé ? Si Paolo devint effectivement membre de cette confrérie au cours des cinq premiers mois de 1438, cette date a l’inconvénient d’être trop en aval de la genèse de la peinture75. Initialement à Fiesole, la confrérie s’installa en
103 Paolo Uccello, “Tête”. Prato, cathédrale, chapelle de l’Assomption.
104 Paolo Uccello, Adoration de l’Enfant avec les saints Jérôme, Marie Madeleine et Eustache. Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle.
194
PARTIE 4
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L’”ÉPOPÉE” DES BATAILLES
le moins de doutes. Le condottiere qui mène l’attaque, à la tête de l’armée qui envahit la scène à partir de la gauche, est à coup sûr Niccolò da Tolentino, puisque son blason, le “nœud de Salomon”, reproduit dans la fresque que lui a consacrée Andrea del Castagno en 1445, est bien visible sur l’étendard en haut 66. Le bâton de commandement et le précieux casque de combat que tient son écuyer, derrière lui, sont des références anachroniques aux honneurs et cadeaux que le héros reçut de la République en 1433, à l’occasion du discours déjà cité du chancelier Bruni. À droite, des cavaliers en sont déjà à s’affronter 67 et, en arrière-plan, des fantassins sont aux prises avec des lances et des arbalètes tandis que deux hommes à cheval s’enfuient, à moins qu’il ne s’agisse des émissaires dépêchés par Tolentino à Cotignola68. D’après les reconstructions jusqu’à présent proposées et que corroborent les précisions apportées par James Bloedé69, la peinture conservée aux Offices (ill. 154-160), deuxième élément du cycle, occupait la place centrale. Et c’est elle, effectivement, qui porte la signature de Paolo, “pauli ugieli opus 70”, insérée dans l’angle gauche, au premier plan, à la manière d’un ornement héraldique. L’hypothèse selon laquelle le condottiere désarçonné par un coup de lance, au centre, serait Bernardino Ubaldini della Carda71, n’est pas confirmée par les sources contemporaines, qui se contentent d’indiquer que celui-ci a été
parmi les premiers à prendre la fuite au moment de la contreattaque de Cotignola72. À propos de cette figure, on a avancé aussi le nom d’Antonio Petrucci, une des personnalités les plus puissantes de Sienne au début du xve siècle ; commissaire général durant la guerre, c’est lui qui a mis au point, avec della Carda, la stratégie de la bataille73. Quoi qu’il en soit, la peinture célèbre la défaite des adversaires de Florence, que l’on voir fuir dans la partie haute74 ; l’étendard blanc croisé de rouge sur la gauche semble, en revanche, renvoyer à Florence 75. Dans la troisième peinture, aujourd’hui au Louvre (ill. 161167), on a généralement identifié le moment décisif de l’affrontement : la contre-attaque de Cotignola, qui défait les lignes ennemies. Comme pour la peinture aux Offices, la difficulté de résoudre d’une manière univoque les indications fournies par l’héraldique interdit une reconnaissance certaine, qui demeure néanmoins vraisemblable76. Même ceux qui ont proposé que la peinture au Louvre constituait une commande autonome, distincte des deux autres, admettent que le protagoniste de la scène est Cotignola. Avant que ne soit connue la mention ambiguë qui figure dans le délibéré de 1495 (Déroute de la Torre à San Romano ou Déroute de Niccolò Piccinino), plusieurs spécialistes ont émis l’hypothèse selon laquelle la peinture au Louvre représenterait la bataille d’Anghiari 77 qui, le
Ci-contre 154 Paolo Uccello, Bataille de San Romano : l’armée florentine défait les troupes ennemies, détail. Florence, musée des Offices.
Pages 196-205 155-160 Paolo Uccello, Bataille de San Romano : l’armée florentine défait les troupes ennemies, vue d’ensemble et détails. Florence, musée des Offices.
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PARTIE 4
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L’”ÉPOPÉE” DES BATAILLES
le moins de doutes. Le condottiere qui mène l’attaque, à la tête de l’armée qui envahit la scène à partir de la gauche, est à coup sûr Niccolò da Tolentino, puisque son blason, le “nœud de Salomon”, reproduit dans la fresque que lui a consacrée Andrea del Castagno en 1445, est bien visible sur l’étendard en haut 66. Le bâton de commandement et le précieux casque de combat que tient son écuyer, derrière lui, sont des références anachroniques aux honneurs et cadeaux que le héros reçut de la République en 1433, à l’occasion du discours déjà cité du chancelier Bruni. À droite, des cavaliers en sont déjà à s’affronter 67 et, en arrière-plan, des fantassins sont aux prises avec des lances et des arbalètes tandis que deux hommes à cheval s’enfuient, à moins qu’il ne s’agisse des émissaires dépêchés par Tolentino à Cotignola68. D’après les reconstructions jusqu’à présent proposées et que corroborent les précisions apportées par James Bloedé69, la peinture conservée aux Offices (ill. 154-160), deuxième élément du cycle, occupait la place centrale. Et c’est elle, effectivement, qui porte la signature de Paolo, “pauli ugieli opus 70”, insérée dans l’angle gauche, au premier plan, à la manière d’un ornement héraldique. L’hypothèse selon laquelle le condottiere désarçonné par un coup de lance, au centre, serait Bernardino Ubaldini della Carda71, n’est pas confirmée par les sources contemporaines, qui se contentent d’indiquer que celui-ci a été
parmi les premiers à prendre la fuite au moment de la contreattaque de Cotignola72. À propos de cette figure, on a avancé aussi le nom d’Antonio Petrucci, une des personnalités les plus puissantes de Sienne au début du xve siècle ; commissaire général durant la guerre, c’est lui qui a mis au point, avec della Carda, la stratégie de la bataille73. Quoi qu’il en soit, la peinture célèbre la défaite des adversaires de Florence, que l’on voir fuir dans la partie haute74 ; l’étendard blanc croisé de rouge sur la gauche semble, en revanche, renvoyer à Florence 75. Dans la troisième peinture, aujourd’hui au Louvre (ill. 161167), on a généralement identifié le moment décisif de l’affrontement : la contre-attaque de Cotignola, qui défait les lignes ennemies. Comme pour la peinture aux Offices, la difficulté de résoudre d’une manière univoque les indications fournies par l’héraldique interdit une reconnaissance certaine, qui demeure néanmoins vraisemblable76. Même ceux qui ont proposé que la peinture au Louvre constituait une commande autonome, distincte des deux autres, admettent que le protagoniste de la scène est Cotignola. Avant que ne soit connue la mention ambiguë qui figure dans le délibéré de 1495 (Déroute de la Torre à San Romano ou Déroute de Niccolò Piccinino), plusieurs spécialistes ont émis l’hypothèse selon laquelle la peinture au Louvre représenterait la bataille d’Anghiari 77 qui, le
Ci-contre 154 Paolo Uccello, Bataille de San Romano : l’armée florentine défait les troupes ennemies, détail. Florence, musée des Offices.
Pages 196-205 155-160 Paolo Uccello, Bataille de San Romano : l’armée florentine défait les troupes ennemies, vue d’ensemble et détails. Florence, musée des Offices.
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PARTIE 5
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AUTOUR DU DÉLUGE
que Paolo reçoit son premier paiement pour la fresque, il est effectivement présent lors de l’attribution de deux vitraux au maître verrier Carlo di Francesco Zati, puis lui-même reçoit commande du dessin pour deux fenêtres : la réalisation de l’une est confiée à Zati, l’autre au maître verrier Angelo di Lippo56. En juillet, Paolo est crédité de 40 lire en relation avec le carton de la Résurrection, qu’il a donc déjà présenté. En novembre, il reçoit la même somme en paiement du carton de la Nativité dont Angelo di Lippo tirera le vitrail. On arrive ainsi au mois de février de l’année suivante, date à laquelle Paolo reçoit 40 autres lire après avoir fourni le carton de l’Annonciation. Tous ces travaux font l’objet d’autres paiements documentés au début de 1445, relatifs aux corrections apportées par l’artiste sur les vitraux déjà réalisés57. L’Annonciation ayant disparu en 1828, il ne reste de cette commande que les grandioses scènes de la Nativité (ill. 198) et de la Résurrection (ill. 199), dans le contexte des travaux effectués au même moment par Ghiberti (l’Ascension du Christ, la Prière au jardin des Oliviers et la Présentation de Jésus au Temple) et par Andrea del Castagno (Lamentation sur le Christ mort) ; au cours de la décennie précédente, Donatello avait réalisé le carton pour le Couronnement de la Vierge 58. La valeur de ces réalisations dans l’appareil décoratif des huit oculus du tambour de la coupole de Santa Maria del Fiore indique que Paolo Uccello, au cours des années 1440, est une personnalité de premier plan dans le
contexte des plus grandes commandes de la cathédrale. La cohérence formelle avec la fresque de l’horloge est évidente lorsque l’on compare la tête de Jésus dans la Résurrection et les têtes barbues ; quant au couple de soldats à terre, revêtus d’anachroniques armures du xve siècle et coiffés de mazzocchi cylindriques, il rappelle les soldats des Batailles, qu’évoque aussi la touffe d’herbe sur un côté. La solidité des figures, que seul le déhanchement du buste de Jésus contredit, est la même que dans la Nativité, et elle donne un sentiment de monumentalité analogue à celui de la Nativité peinte à fresque dans l’hôpital de Santa Maria della Scala. En faisant abstraction de ce qui revient à la transposition des dessins de Paolo par les maîtres verriers et aux restaurations qu’ont connues les vitraux, ceux-ci témoignent de l’adhésion de Paolo aux idéaux de solennité et de monumentalité qui datent de sa seconde intervention dans le Cloître vert, bien que le médium du vitrail se plie difficilement à la profondeur perspective qui lui était chère et que nous avons rencontrée dans les œuvres étudiées plus haut. Laquelle se limite ici aux raccourcis efficaces du tombeau dans la Résurrection et de la cabane dans la Nativité. On notera enfin que la première composition, qui domine la sacristie des Messes dans laquelle est située la lunette de Luca della Robbia sur le même thème, entre presque en opposition avec la dimension de clarté et d’équilibre propre au sculpteur, qui travaillait à cette œuvre au cours des mêmes années 59.
198 Paolo Uccello, Nativité. Florence, cathédrale.
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AUTOUR DU DÉLUGE
que Paolo reçoit son premier paiement pour la fresque, il est effectivement présent lors de l’attribution de deux vitraux au maître verrier Carlo di Francesco Zati, puis lui-même reçoit commande du dessin pour deux fenêtres : la réalisation de l’une est confiée à Zati, l’autre au maître verrier Angelo di Lippo56. En juillet, Paolo est crédité de 40 lire en relation avec le carton de la Résurrection, qu’il a donc déjà présenté. En novembre, il reçoit la même somme en paiement du carton de la Nativité dont Angelo di Lippo tirera le vitrail. On arrive ainsi au mois de février de l’année suivante, date à laquelle Paolo reçoit 40 autres lire après avoir fourni le carton de l’Annonciation. Tous ces travaux font l’objet d’autres paiements documentés au début de 1445, relatifs aux corrections apportées par l’artiste sur les vitraux déjà réalisés57. L’Annonciation ayant disparu en 1828, il ne reste de cette commande que les grandioses scènes de la Nativité (ill. 198) et de la Résurrection (ill. 199), dans le contexte des travaux effectués au même moment par Ghiberti (l’Ascension du Christ, la Prière au jardin des Oliviers et la Présentation de Jésus au Temple) et par Andrea del Castagno (Lamentation sur le Christ mort) ; au cours de la décennie précédente, Donatello avait réalisé le carton pour le Couronnement de la Vierge 58. La valeur de ces réalisations dans l’appareil décoratif des huit oculus du tambour de la coupole de Santa Maria del Fiore indique que Paolo Uccello, au cours des années 1440, est une personnalité de premier plan dans le
contexte des plus grandes commandes de la cathédrale. La cohérence formelle avec la fresque de l’horloge est évidente lorsque l’on compare la tête de Jésus dans la Résurrection et les têtes barbues ; quant au couple de soldats à terre, revêtus d’anachroniques armures du xve siècle et coiffés de mazzocchi cylindriques, il rappelle les soldats des Batailles, qu’évoque aussi la touffe d’herbe sur un côté. La solidité des figures, que seul le déhanchement du buste de Jésus contredit, est la même que dans la Nativité, et elle donne un sentiment de monumentalité analogue à celui de la Nativité peinte à fresque dans l’hôpital de Santa Maria della Scala. En faisant abstraction de ce qui revient à la transposition des dessins de Paolo par les maîtres verriers et aux restaurations qu’ont connues les vitraux, ceux-ci témoignent de l’adhésion de Paolo aux idéaux de solennité et de monumentalité qui datent de sa seconde intervention dans le Cloître vert, bien que le médium du vitrail se plie difficilement à la profondeur perspective qui lui était chère et que nous avons rencontrée dans les œuvres étudiées plus haut. Laquelle se limite ici aux raccourcis efficaces du tombeau dans la Résurrection et de la cabane dans la Nativité. On notera enfin que la première composition, qui domine la sacristie des Messes dans laquelle est située la lunette de Luca della Robbia sur le même thème, entre presque en opposition avec la dimension de clarté et d’équilibre propre au sculpteur, qui travaillait à cette œuvre au cours des mêmes années 59.
198 Paolo Uccello, Nativité. Florence, cathédrale.
Ci-contre et pages 276-279 205-207 Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, vue d’ensemble et dÊtails. Londres, National Gallery.
Ci-contre et pages 276-279 205-207 Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, vue d’ensemble et dÊtails. Londres, National Gallery.
317
constitue une esplanade d’où part, sur la gauche, une large voie d’accès irréelle à la Silène libyenne. La désolation de ce vaste panorama est interrompue par trois habitants de la ville dont l’un, au centre, est vêtu du même rouge que celui dont nous avons parlé : apparitions non moins oniriques qui stationnent devant les murailles. Derrière ces murailles, d’un blanc laiteux, la ville contient une série de constructions presque indiscernables si l’on n’y prête attention : plusieurs tours, un édifice couvert d’une coupole s’élèvent contre le ciel, vestiges fantomatiques simplement profilés sur fond bleu et rehaussés de blanc sur leurs contours. Autour, la campagne, déserte, porte néanmoins la trace de la présence humaine : champs cultivés et haies basses jalonnées de pins parasols, dans un ordre régulier et clair. De rares animaux : une bête sauvage qui en tue une autre, à l’extrême gauche, et un couple de cerfs non loin de là. Pour l’œil du spectateur, la diagonale de la voie qui mène à la citadelle se poursuit idéalement dans le profil extérieur de la ceinture des fortifications, qui épouse docilement le sommet d’une colline, avant d’en redescendre et de disparaître dans la miniaturisation des dix tours toujours plus minces et des intervalles toujours plus courts qui les séparent. L’effet n’est pas moins séduisant que celui des pentes et châteaux lointains qui couvrent l’arrière-plan dans la Thébaïde et que Paolo nous avait déjà efficacement montré, bien qu’avec une utilisation de
235 Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, détail. Paris, musée Jacquemart-André.
l’espace plus empirique, dans la version la plus ancienne de ce thème : la peinture à la National Gallery of Victoria à Melbourne (ill. 27). Sur la droite, une deuxième ouverture visuelle fait écho à la première : une plaine se déploie sur un niveau plus bas, dessinant des lignes orthogonales sans intersection entre elles76. En deçà de la diagonale des collines qui ferment l’horizon et sous un mince croissant de lune, un épais bois de pins tache de sombre les cultures. Une autre oblique est créée par le ruisseau que l’on aperçoit derrière les pattes du cheval et qui entre dans la caverne, en une reprise presque parallèle de la haie qui borde, de l’autre côté, cette même caverne. Privé de contenu dramatique réel, le Saint Georges terrassant le dragon de Paris est un chef-d’œuvre d’abstraction décorative, une vision nocturne et onirique, où la fable verse dans l’étrange et où les choses, comme les personnages, semblent sceller une valeur chiffrée. La narration elle-même paraît suspendue : le dragon et le cavalier sont moins en mouvement qu’ils ne dessinent des formes figées dans l’espace. On comprend qu’une telle peinture, qui a retenu toute l’attention de critiques comme Roger Fry ou Kenneth Clark et mérité tous leurs éloges, ait fasciné le xxe siècle77. Il est certain que, dans la Florence des années 1460, elle devait paraître hors du temps, et l’on peut se demander si l’originalité du style tardif de Paolo, qui se nourrit
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constitue une esplanade d’où part, sur la gauche, une large voie d’accès irréelle à la Silène libyenne. La désolation de ce vaste panorama est interrompue par trois habitants de la ville dont l’un, au centre, est vêtu du même rouge que celui dont nous avons parlé : apparitions non moins oniriques qui stationnent devant les murailles. Derrière ces murailles, d’un blanc laiteux, la ville contient une série de constructions presque indiscernables si l’on n’y prête attention : plusieurs tours, un édifice couvert d’une coupole s’élèvent contre le ciel, vestiges fantomatiques simplement profilés sur fond bleu et rehaussés de blanc sur leurs contours. Autour, la campagne, déserte, porte néanmoins la trace de la présence humaine : champs cultivés et haies basses jalonnées de pins parasols, dans un ordre régulier et clair. De rares animaux : une bête sauvage qui en tue une autre, à l’extrême gauche, et un couple de cerfs non loin de là. Pour l’œil du spectateur, la diagonale de la voie qui mène à la citadelle se poursuit idéalement dans le profil extérieur de la ceinture des fortifications, qui épouse docilement le sommet d’une colline, avant d’en redescendre et de disparaître dans la miniaturisation des dix tours toujours plus minces et des intervalles toujours plus courts qui les séparent. L’effet n’est pas moins séduisant que celui des pentes et châteaux lointains qui couvrent l’arrière-plan dans la Thébaïde et que Paolo nous avait déjà efficacement montré, bien qu’avec une utilisation de
235 Paolo Uccello, Saint Georges terrassant le dragon, détail. Paris, musée Jacquemart-André.
l’espace plus empirique, dans la version la plus ancienne de ce thème : la peinture à la National Gallery of Victoria à Melbourne (ill. 27). Sur la droite, une deuxième ouverture visuelle fait écho à la première : une plaine se déploie sur un niveau plus bas, dessinant des lignes orthogonales sans intersection entre elles76. En deçà de la diagonale des collines qui ferment l’horizon et sous un mince croissant de lune, un épais bois de pins tache de sombre les cultures. Une autre oblique est créée par le ruisseau que l’on aperçoit derrière les pattes du cheval et qui entre dans la caverne, en une reprise presque parallèle de la haie qui borde, de l’autre côté, cette même caverne. Privé de contenu dramatique réel, le Saint Georges terrassant le dragon de Paris est un chef-d’œuvre d’abstraction décorative, une vision nocturne et onirique, où la fable verse dans l’étrange et où les choses, comme les personnages, semblent sceller une valeur chiffrée. La narration elle-même paraît suspendue : le dragon et le cavalier sont moins en mouvement qu’ils ne dessinent des formes figées dans l’espace. On comprend qu’une telle peinture, qui a retenu toute l’attention de critiques comme Roger Fry ou Kenneth Clark et mérité tous leurs éloges, ait fasciné le xxe siècle77. Il est certain que, dans la Florence des années 1460, elle devait paraître hors du temps, et l’on peut se demander si l’originalité du style tardif de Paolo, qui se nourrit
247 Paolo Uccello, Le Prêteur juif et les siens condamnés au bûcher, prédelle du Miracle de l’hostie profanée. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
248 Paolo Uccello, Les anges et les démons se disputent l’âme de la femme coupable, prédelle du Miracle de l’hostie profanée. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
249 Paolo Uccello, Le Prêteur juif et les siens condamnés au bûcher, prédelle du Miracle de l’hostie profanée, détail. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
247 Paolo Uccello, Le Prêteur juif et les siens condamnés au bûcher, prédelle du Miracle de l’hostie profanée. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
248 Paolo Uccello, Les anges et les démons se disputent l’âme de la femme coupable, prédelle du Miracle de l’hostie profanée. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
249 Paolo Uccello, Le Prêteur juif et les siens condamnés au bûcher, prédelle du Miracle de l’hostie profanée, détail. Urbino, Galleria nazionale delle Marche.
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253 Paolo Uccello, Chasse. Oxford, Ashmolean Museum.
PARTIE 6
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VERS LES DERNIÈRES ANNÉES
Pages suivantes 254 Paolo Uccello, Chasse, détail. Oxford, Ashmolean Museum.
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253 Paolo Uccello, Chasse. Oxford, Ashmolean Museum.
PARTIE 6
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VERS LES DERNIÈRES ANNÉES
Pages suivantes 254 Paolo Uccello, Chasse, détail. Oxford, Ashmolean Museum.
COF_PaoloUccello.indd 1
MAURO MINARDI
MAURO MINARDI
Paolo Uccello
Paolo Uccello 18/07/17 15:25