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Rosie Pinhas-Delpuech Le Typographe de Withechapel

© J. Sabar ros

Rosie Pinhas-Delpuech

Écrivain, lauréate du prix de littérature Alberto-Benveniste en 2014 pour l’ensemble de son travail, tr aductrice de l’hébreu et du turc, Ros ie Pinhas-Delpuech est l’auteure de Insomnia, une traduction nocturne (Actes Sud, “un endroit où aller”, 1998), Suites byzantines (Bleu autour, 2003), Anna. Une histoire française (Bleu autour, 2007) et de L’Angoisse d’Abrah am (Actes Sud, “Un endroit où aller”, 2016). A writer, winner of the Alberto-Benveniste in 2014 for her oeuvre as a whole, and translator from Hebrew and Turkish, Rosie Pinhas-Delpuech is the author of Insomnia, une traduction nocturne (Actes Sud, ‘Un endroit où aller’ collection, 1998), Suites byzantines (Bleu autour, 2003), Anna. Une histoire française (Bleu autour, 2007) and L’Angoisse d’Abraham (Actes Sud, ‘Un endroit où aller’ collection, 2016).

Le Typographe de Whitechapel

Comment Y. H. Brenner réinventa l’hébreu moderne

The Whitechapel Wordsmith. How Y. H. Brenner Reinvented Modern Hebrew

“Il s’appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie. Il est avec H. N. Bialik et S. Y. Agnon l’un des trois grands écrivains fondateurs de l’hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné, lors d’émeutes arabes à Jaffa en 1921, à l’âge de quarante ans. Il laisse derrière lui quelques volumes, nouvelles, romans, essais, pamphlets, artic les, qui témoignent en creux, dans l’espace de vingt ans, de la renaissance tumultueuse de l’hébreu moderne, entre la Russie, l’Europe, les ÉtatsUnis d’Amérique et la Palestine ottomane que les pionniers appelaient Eretz Israël.” Voici, en quelques mots , esquissé par l’auteure, le portrait de son personnage et l’objet de son enquête. Car c’est en Fantômette de la langue hébraïque et de l’identité au s ens biblique et littéraire (pléonasme, ici) que Rosie Pinhas-Delpuech s’élance au-devant de Brenner, déraciné fougueux et pionnier malgré lui, comme on se r end à un pr emier r endez-vous amour eux, avec autant d’élan que d’inquiétude, d’audace que de réticences imprécises. Si Des c ailloux dans la bouche raconte le prolétariat juif eur opéen en exil à Londr es, le ghetto des ateliers de confection, les rotatives d’où sor tent les jour naux des expatr iés, la misèr e et la pouss ière, l’odeur de la sueur, de l’encre et le bruit des machines, et certain rêve fragile d’une terre d’accueil pour les es poirs d’avenir de tout un peuple errant… en vérité ce livre est l’histoire d’une rencontre. Celle de deux écrivains, par-delà le temps et la mort. Celle d’une femme avec un livr e, avec le livre et sa langue, éternelle, épuisée, cryptique, cristalline, qui s’offre, se r efuse, s’abîme, se réinvente comme pour provoquer la réalité autant que pour la dire. Cette langue archaïque et rebelle qui malgré tout survivra au XXe siècle, que Br enner tient presque à lui seul, à bout de bras, au bout de ses doigts, l’hébreu d’aujourd’hui. Cette langue indomptable que Rosie Pinhas-Delpuech appr ivoise au quotidien sans jamais chercher à la soumettre, avec laquelle depuis longtemps déjà elle danse, à laquelle elle consacre vie et destin. Et dont elle fait ici le cœur battant d’un voyage littérair e surprenant et passionnant, exaltant et douloureux, dont les émotions contradictoires souvent, en embuscade parfois, nous cueillent. ‘His name was Yossef Hayim Brenner. He was born in 1881 in Novi Mlyny on the border between Russ ia and Bela rus. Along with H. N. Bialik and S. Y. Agnon, he was one of the three great writers who gave birth to contemporary Hebrew, and surely the most audacious. His life was short – he was murdered during the Arab riots in Jaffa in 1921 at the age of forty. He left behind a few volumes of writing, short stories, novels, essays, pamphlets and articles which subtly reflect a twenty-year period divided between Russia, Europe, the United States and Palestine under the Ottoman Empire (which the pioneers referred to as Eretz Yisrael) during which modern Hebrew underwent a turbulent renaissance. In a few words, this is the author’s summary of the character who is the subject of her investigation. It is as an ad venturer herself in this biblical and literary Hebrew la nguage that Rosie Pinhas-Delpuech sets out in search of the up rooted, fiery and relucta ntly pioneering Brenner as if it were a first romantic date, with all the excitement and anxiety, daring and vague reticence, which that implies. Des cailloux dans la bouche tells the story of Europe’s workingclass Jews in exile in London, evoking the ghetto of the workshops, the rotary printing presses which produced the expatriate newspapers, the poverty and dust, the odour of sweat and ink, the din of the machines, and a fragile dream of a land to accommodate the future hopes of a wandering people, but in truth this book is first and foremost the story of an encounter between two writers that transcends time and death. And of the encounter of a woman with a book, the book, and its exha usted yet eternal language, cryptic and crystalline, which makes itself both accessible and inaccessible, and contorts and reinvents itself as if it is provoking reality as much as seeking to capture it. An archaic a nd rebellious language which despite everything will survive the 20th century and which Brenner with all his force holds afloat almost on his own and which becomes the Hebrew of today. An indomitable language that Rosie Pinhas-Delpuech tames on a daily basis without ever seeking to force it into submission, a language to which she dances and has devoted a whole lifetime. It is the beating heart of this arresting and thrilling literary journey in which contradictory emotions – exaltation and pain – lie in ambush for us and ultimately sweep us away. 13

LITERARY ACCOUNT OCTOBER 2021 10 × 19 192 PAGES 16.50 €

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