un seul bâtiment concentrant toutes les fonctions. Le dernier point fort du projet architectural des agences Fabre & Speller/3A réside dans la volonté d’intégrer la Réplique au cœur d’un bâtiment n’induisant surtout aucune ambiguïté pour le visiteur lors de la découverte de ce patrimoine reconstitué. Avec celui-ci, nous décidons d’assumer le statut de la Réplique et de ne pas assimiler cette restitution à la véritable grotte. Ainsi, en sortie de visite, nous avons installé une aire couverte où nous expliquons comment a été conçue et construite la Caverne du Pont d’Arc. Où reproduire la Caverne du Pont d’Arc ? Comment choisir un terrain ? Généralement, cette recherche du site idéal concentre rapidement des difficultés parfois proportionnelles au nombre d’habitants y vivant déjà. Dans le cas du projet de Réplique, les associations environnementales sont très tôt sollicitées pour participer à ce choix, notamment en prenant part aux études d’impact. Après investigations, deux sites retiennent l’intérêt des partenaires publics et associatifs, deux espaces pour lesquels les nuisances sont minimes, tant pour l’environnement naturel que pour les hommes. Ces deux sites sont encore en balance lors du concours international d’architectes. Le terrain qui obtient les faveurs de tous est celui du lieu-dit Le Razal, situé sur les hauteurs de la commune de Vallon-Pont-d’Arc. Il s’agit d’un plateau calcaire dont les roches correspondent à celles dans lesquelles est creusée la grotte du Pont
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Vue panoramique du site d’implantation de la Caverne du Pont d’Arc en février 2012 avant les travaux de construction. L’endroit est alors occupé par une garrigue méditerranéenne. Le choix de ce terrain calcaire a fait l’objet de nombreuses études écologiques et géologiques, notamment en associant étroitement la Fédération RhôneAlpes de protection de la nature (FRAPNA). En outre, l’acquisition des terrains a été menée à l’amiable avec l’ensemble des propriétaires.
d’Arc. Massifs, durs, ces calcaires offrent parfois des surprises géologiques. Or, lors du choix final du terrain, personne n’est encore tout à fait certain qu’une ou plusieurs cavités profondes n’en trouent pas le sous-sol. Des sondages géologiques et électriques sont entrepris. Jour après jour, les résultats négatifs s’égrènent et correspondent à autant de bonnes nouvelles. Ne reste plus qu’un seul endroit à sonder, celui où doit être construit le bâtiment accueillant la Réplique. Là aussi, le résultat s’avère négatif. Heureusement. Il eût été paradoxal qu’une cavité anonyme empêchât la construction de la Réplique de la mère de toutes les grottes. La phase de prospection archéologique peut alors être engagée. Le 10 janvier 2011, les archéologues investissent le terrain pour cinq semaines, curieux de savoir ce qui se cache potentiellement dans les dépôts de surface du Razal. À défaut de sols épais et prometteurs, les dépôts meubles sont très fins, à peine de quoi faire tenir un arbrisseau debout. Ce constat d’apparence rassure quant au faible potentiel archéologique du lieu, mais n’entame en rien le travail des archéologues dont ni la géologie ascétique ni la météo hivernale ne détournent les yeux et les mains. Le site est fouillé grâce au creusement de cent vingt fossés longs parfois de 5 mètres et larges de 1 mètre. Le 18 février 2011, date de fin des fouilles préventives, les résultats sont connus. La pièce majeure est un four à chaux morcelé d’âge très récent : “Les traces d’occupation préhistorique ou protohistorique y demeurent indigentes”
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19 AOÛT 2013, LE BÂTIMENT EST VIDE
SEPTEMBRE 2013, LES TOUS PREMIERS CARRÉ DE BÉTON
Architectes et entreprises envisagent le projet grâce à un modèle numérique intégral comprenant la Réplique et le bâtiment qui l’accueille. Cette méthode offre une souplesse de travail permettant d’adapter le projet jusqu’au dernier moment, tout en anticipant précisément les conséquences matérielles des choix techniques. L’intégration dans un modèle 3D de l’ensemble des données architecturales, techniques et scientifiques a permis la création d’un outil unique permettant d’envisager des évolutions et ajustements très tardifs du projet de Réplique. L’ensemble des informations techniques et scientifiques est intégré dans un modèle numérique 3D de la Réplique. Cet outil offre une souplesse très confortable qui, lors d’une opération de construction, fait défaut une fois le chantier commencé. L’outil informatique est une aide précieuse à la prise de décision.
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LE TEMPS DE L’AVEU
COMMENT FABRIQUER LA RÉPLIQUE ? ÉQUILIBRER LA RÉPLIQUE La réplique de la grotte est un édifice très spécifique. Pour construire et stabiliser un objet dont la complexité réside dans la gestion des charges très différentes selon les topographies à restituer, il faut imaginer un système permettant de rendre immobile une masse de béton de 1 600 tonnes répartie sur 8 220 mètres carrés de surface totale (sols, parois et voûtes). La prise en compte de ce paramètre est rendue essentielle en raison des topographies très complexes de la Réplique. La Réplique reprend les reliefs tortueux de la véritable cavité. Ainsi, elle associe des morphologies simples avec d’autres extrêmement complexes. Ces reliefs rendent la gestion des contraintes difficile, les charges au sol devant alors être confortées par une charpente robuste capable de soutenir et de stabiliser la Réplique. Les topographies très planes de la Réplique facilitent la répartition des charges de façon relativement homogène alors que d’autres très torturées concentrent ces mêmes charges sur des surfaces beaucoup plus réduites. À titre d’exemple, une surface plane engendre une contrainte au sol d’environ 250 kilos par mètre carré. À l’opposé, un plafond au relief très sinueux induit une masse atteignant parfois 1 300 kilos par mètre carré. Or, ces différences de poids changent en quelques mètres, si bien qu’il faut anticiper très précisément les contraintes pour prévoir les renforts de structure nécessaires. Les ingénieurs imaginent un squelette métallique complexe capable de tenir la coque en béton. Le dispositif technique pour soutenir et stabiliser la réplique de la grotte du Pont d’Arc reste un cas unique. Une fois la solidité de la structure avérée, se pose la question de la stabilité et de la résistance des bétons qui forment l’épiderme de la Réplique. Notamment, on étudie et on teste la stabilité de la Réplique au climat ardéchois, réputé pour ses étés de feu et ses hivers parfois douloureux, posant clairement la question du comportement mécanique de la Réplique face à ces amplitudes thermiques. Il est admis que le décor et sa charpente subiront tous deux potentiellement une amplitude thermique annuelle pouvant atteindre environ 40 °C, induisant une dilatation des structures de 10 centimètres environ entre l’hiver et l’été.
SOUTENIR ET MAINTENIR LA RÉPLIQUE Pour mieux entrevoir la Réplique et ses coulisses, il faut imaginer une coque de béton fermée, d’une surface déployée d’environ 8 220 mètres carrés. Au plafond, cet objet est maintenu par plusieurs milliers de suspentes accrochées à la charpente. Au sol, c’est un système de pilotis ancrés dans les sols du bâtiment qui conforte la Réplique. Cette dernière est donc enchâssée dans une armature métallique accrochée aux murs, plafonds et sols du bâtiment.
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renforcés très ponctuellement en ajoutant du noir et du blanc. Le badigeonnage de ces matériaux colorés est réalisé à l’aide de pinceaux, d’éponges végétales ou plus sobrement de la main. Enfin, pour évoquer la vie géologique des parois de la grotte du Pont d’Arc, les plasticiens projettent ou soufflent, de manière très localisée, de la calcite réduite en poudre sur les parois restituées. La fabrication des fonds rocheux qui doivent recevoir la reproduction des œuvres paléolithiques est menée de façon artistique selon un cahier des charges scientifique intangible, le travail de restitution ne tolérant pas l’interprétation personnelle. Cette précision géologique exigeante se poursuit avec la reproduction de très vieux fossiles. Certains bancs calcaires de la grotte renferment des fossiles – coquillages nommés “orbitolines” –, témoins de l’environnement sous-marin en Ardèche il y a environ cent vingt-cinq millions d’années. Ces coquillages présentent des formes caractéristiques qui, pour certaines œuvres, ont pu être exploitées par les hommes de la préhistoire dans la grotte du Pont d’Arc. Il est donc nécessaire de reproduire ces fossiles dans les parois ornées, ce que font les plasticiens en sculptant des coquillages qu’ils intègrent dans le badigeon de surface. Ces êtres vivants factices retrouvent une place identique à celle observée dans les véritables parois de la grotte.
Montignac, été 2013. Après assemblage des sections, le puzzle formant la première grande fresque de la future Réplique est assemblé. Débute le travail de restitution des états de surface simulant la texture et les morphologies mimant la roche calcaire et les argiles qui la recouvrent.
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Montignac, printemps 2013. Après le fraisage d’un bloc en polystyrène, permettant d’acquérir la morphologie d’ensemble de la paroi, commence la seconde étape du processus de restitution du panneau des Chevaux, avec l’application de résines associées à des fibres. Montignac, printemps 2013. Une fois indurée, la matière est démoulée du bloc de polystyrène pour obtenir une coque sur laquelle seront reproduites les œuvres pariétales. Ici, la coque en résine qui va accueillir les reproductions gravées du hibou, du cheval et de plusieurs mammouths. Vallon-Pont-d’Arc, septembre 2014. Dans la salle du Fond, David SartreDoublet travaille la coque en résine, sur laquelle sont reproduits des fossiles marins et des micromorphologies en creux, évoquant des processus de dissolution des calcaires identiques à celles visibles dans la véritable grotte.
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Toulouse, novembre 2013. Gilles Tosello réceptionne le panneau des Chevaux sur lequel Alain Dalis avait prépositionné les têtes de chevaux grâce à un système de vidéoprojection très précis. Montignac, printemps 2013, ateliers Arc & Os. Le panneau du Cheval gravé associé à deux mammouths emboîtés (à droite) est l’un des premiers panneaux ornés produits par l’équipe d’Alain Dalis. Toulouse, novembre 2013. Une partie de l’atelier de Gilles Tosello.
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