Histoire de l’exploration archéologique
L
es circonstances mêmes de l’ensevelissement d’Herculanum, si particulières, expliquent l’histoire tout aussi spécifique des fouilles. Les énormes épanchements pyroclastiques qui ont submergé la cité dans les vingt heures de l’éruption ont en fait enchâssé les êtres et les choses dans l’écrin d’un gigantesque dépôt volcanique, épais de 20 mètres en moyenne, au-dessus duquel s’est développée, à partir du Moyen Âge, la bourgade moderne de Resina alors que l’on avait perdu sinon le souvenir, du moins la localisation topographique exacte de la cité romaine. L’histoire des fouilles commence dans les premières années du xviiie siècle, avec les recherches « privées » menées par le comte d’Elbeuf sur le domaine de sa villa campanienne, au cours desquelles il met fortuitement au jour le théâtre de la cité ensevelie. En 1738, Charles de Bourbon, nouveau roi des Deux-Siciles, lance les fouilles officielles du site, financées par le Trésor royal et conduites par des officiers du Génie ; la main-d’œuvre se compose à la fois d’ouvriers salariés et de forçats tirés de la prison du Granatello, à Portici. Les techniques de fouille – rudimentaires – sont comparables à celles des mines. Pour atteindre le niveau des structures antiques, on creuse d’abord des puits verticaux sur lesquels on installe des treuils permettant de descendre des ouvriers attachés à des cordes de chanvre ; les mêmes treuils servent aussi à remonter les pièces exhumées. Une fois au niveau du site antique, la fouille se fait par des galeries de mine horizontales, larges de 80 à 100 centimètres et hautes de moins
Ci-contre Naples, Musée archéologique national (inv. 6211 et 6104), provenant probablement du secteur du forum, statues équestres de M. Nonius Balbus. Ces statues, découvertes en 1746, ont été offertes au protecteur de la ville par les habitants de Nucérie (6211) et d’Herculanum (6204). Abbé de Saint-Nom, Voyage pittoresque, Paris, 1782, tome II, chap. VIII, p. 54, pl. 95 : « Transport des antiquités d’Herculanum du musée de Portici au Palazzo degli Studi de Naples », J.-L. Desprez (dessinateur), J. Duplessis-Berteaux & R. Daudet (graveurs).
HISTOIRE DE L’EXPLORATION ARCHÉOLOGIQUE
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Maison de Neptune et d’Amphitrite, vue d’ensemble du triclinium d’été (9). Ci-contre Maison de Neptune et d’Amphitrite, triclinium d’été (9), mur est, mosaïque avec la représentation de Neptune et d’Amphitrite.
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HERCULANUM
grotesques, est surmontée d’une sorte de grand éventail coloré, enrichi de broderies et d’arabesques. Au centre de la courette (9) a été aménagé un petit triclinium d’été, avec des lits en maçonnerie revêtus d’opus signinum et des encadrements de marbre. Derrière le triclinium estival se développe un grand nymphée habillé de mosaïques en pâte de verre. Au centre s’ouvre une grande niche en berceau décorée de bossages de calcaire en trompe-l’œil, dans un encadrement de pâte de verre bleue. Des deux côtés de la niche centrale s’ouvrent deux petites niches rectangulaires encadrées de panneaux de mosaïques représentant des pampres de vigne jaillissant de kantharoï en argent. La partie supérieure du nymphée est décorée de deux grands panneaux bordés de grotesques et ornés de scènes de chasse (avec des chiens poursuivant des cerfs) surmontées de festons de feuilles et de fruits sur lesquels sont perchés des paons. Le nymphée s’ornait en haut de masques théâtraux en marbre. Depuis le triclinium contigu (8), la grande porte-fenêtre ouverte dans le mur nord permettait d’admirer la vision de la courette et du nymphée, dans l’alignement de la salle à manger. Dans cette demeure aussi, on relève une prédilection marquée pour des solutions architecturales fondées sur la recherche des effets scénographiques et pour des programmes décoratifs coûteux et de grand effet, comme les mosaïques murales.
MAISON DE NEPTUNE ET D’AMPHITRITE
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