Extrait de "Ravenne"

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HENRI

Henri Stierlin, historien de l’art et de l’architecture,

STIERLIN

est un spécialiste incontesté des arts de l’islam qu’il a toujours abordés dans une large perspective comparatiste, notamment avec l’art de l’antiquité hellénique et perse et celui de leur héritière, Byzance. Il est l’auteur, en particulier, de L’Architecture de l’Islam (1979) et, aux éditions de l’Imprimerie nationale, de : Alhambra (1991, réédition en 2011), Pétra (2009, réédition en 2013), L’Art persan (2011), prix du Cercle Montherlant – Académie des beaux-arts, Institut de France (2012), ou Cordoue (2012).

ADRIEN

BUCHET ANNE

STIERLIN

Ravenne

Adrien Buchet, est un photographe d’art et d’architecture, fasciné notamment par les monuments anciens qu’il a inlassablement saisis dans leur beauté (temples, forums, basiliques, mosquées, pyramides, ou objets d’art). Il a récemment publié, aux éditions de l’Imprimerie nationale, Cordoue (2012), et, chez Actes Sud, Les Serres (2013).

Chez le même éditeur

Églises de Rome

Pierre Grimal, Caroline Rose

Églises de Venise Alessandra Boccato

Byzance

Tania Velmans, dir.

L’Orient grec

Ravenne HENRI STIERLIN Photographies :

ADRIEN BUCHET ANNE STIERLIN

Au temps où la ville de Ravenne se proclame « capitale de l’Empire romain d’Occident » (Ve-VIe siècles), l’art ravennate exprime le grand souffle du christianisme latin. Il affirme aussi le refus des catholiques de se ranger sous l’autorité des empereurs orthodoxes grecs de Constantinople qui règnent sur le vaste Empire byzantin d’Orient. Ravenne n’est ni orthodoxe, ni grecque, ni soumise à l’Église d’Orient mais se réfère toute au monde romain et latin. De ce constat naît une radicale réinterprétation de l’art et de l’architecture ravennates, sur la base de sources romaines et latines, et ce, par-delà les parentés avec l’esthétique de Byzance. À Ravenne, les premiers chefs-d’œuvre expriment, dès le IVe siècle, l’éclat somptueux d’une esthétique chrétienne certes héritière de l’Antiquité mais novatrice. Cette originalité se manifeste rapidement dans les vastes ensembles de mosaïques qui ornent l’intérieur des monuments ravennates et surprennent par leur infinie beauté. Succession chatoyante et étincelante de scènes figuratives et ornementales se déroulant en frises sur les conques absidales, sur la nef, au-dessus des portiques ou sur l’arc triomphal précédant l’autel, ces mosaïques, telles une « tapisserie somptueuse et inaltérable, tendue pour l’éternité » (L. Bréhier), confèrent une unité remarquable aux parois qu’elles parent de leurs tesselles multicolores. Le mausolée de Galla Placidia (milieu du Ve siècle) est le premier chef-d’œuvre ravennate dont la polychromie, omniprésente, frappe par son intensité. Les baptistères octogonaux « des Orthodoxes » et des Ariens, bâtis tous deux sous Théodoric le Grand, montrent, dans leurs coupoles respectives, les douze apôtres entourant la scène du baptème. En 500, Théodoric fait ériger l’église Saint-Apollinaire-le-Neuf qu’il revêt de mosaïques formant une Imago Mundi d’une haute portée théologique et, à la fin de sa vie, il fonde la basilique Saint-Vital, à plan centré octogonal, où la magnificence des mosaïques flanquant l’autel principal saisit celui qui les contemple. Son mausolée (vers 520-526), de pierre nue, tranche avec le chromatisme tendre du décor de mosaïques de la basilique Saint-Apollinaire-in-Classe, achevée une dizaine d’année après Saint-Vital, et sa vision idéale et pure. En inscrivant l’art de Ravenne dans l’héritage de la Rome paléochrétienne plutôt que dans l’histoire « officielle » de Byzance, Henri Stierlin restitue aux chefs-d’œuvre ravennates leur rôle éminent. Et les photographies d’Adrien Buchet et d’Anne Stierlin s’attachent toutes à révéler la prodigieuse beauté d’un art infini.

Henri et Anne Stierlin

Cordoue

Henri et Anne Stierlin, Adrien Buchet 79€ prix T.T.C. France ISBN : 978-2-330-03665-2

Illustration de la couverture : Basilique Saint-Vital (VIe siècle), presbyterium orné de scènes bibliques © Adrien Buchet. Au dos : Oratoire de Galla Placidia (Ve siècle), motif de la grecque géométrique © Adrien Buchet.

JAQUETTE_DER_RAVENNE.indd 1

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RAVENNE

RAVENNE

Mosaïques en majesté au temps de Justinien

P

OUR METTRE FIN à une anarchie qui ne cesse de grandir en Italie avec les exactions des Barbares, Justinien, qui n’attendait qu’un prétexte pour intervenir, se décide à envoyer ses troupes afin que la péninsule italienne et l’Occident réintègrent l’autorité impériale byzantine. Mais il ne semble pas que ce retour du pouvoir byzantin en Italie ait beaucoup modifié le langage ni le style des artistes occidentaux : c’est le contenu du message qui varie fondamentalement. Après la mort de Théodoric III, en 526, la monarchie ostrogothique périclite au VIe siècle. Sa fille, Amalasonthe, tente d’assurer la régence au nom de son fils Athalaric. Mais complots et assassinats plongent la cour dans le désarroi. Amalasonthe finira, en 535, étranglée par les sbires d’un cousin, Théodahat. Confrontée à l’état catastrophique de l’Italie, elle avait fait appel à Justinien, l’empereur d’Orient, lequel, considérant Ravenne comme terre impériale, saute sur l’occasion pour tenter de réintégrer la péninsule dans le giron orthodoxe. C’est le signe de la reconquête de l’Italie. Bélisaire débarque en Calabre. Après s’être emparé de Naples (536), il entre dans Rome, tandis que les Ostrogoths saccagent Milan. Bélisaire, n’obéissant à aucune stratégie précise, laisse le pays s’enfoncer dans une guerre d’usure et d’extermination. Vitigès, successeur de Théodahat, élu roi des Ostrogoths, parvient, au prix d’un siège d’un an, à pénétrer à son tour dans Rome (537), dont la garnison byzantine était peu nombreuse. « Il exigea du peuple romain, écrit Émilienne Demougeot, un serment de fidélité au pape ». La politique d’alliances et de trahisons atteint son comble avec le massacre de sénateurs romains, auquel s’ajoute l’interception des convois de blé d’Afrique et de Sicile, cause de la disette et du dépeuplement de villes comme Milan ou Pavie. Les catastrophes se multiplient: civils égorgés et femmes vendues comme esclaves, famines dans les campagnes causant la mort de cinquante

› Après le bombardement de 1944 qui l’avait gravement atteinte, la basilique San Giovanni Evangelista (Saint-Jean l’Evangéliste) a connu une complète restauration et elle offre aujourd’hui l’image dépouillée de l’architecture basilicale ravennate à ses origines, mais privée de sa parure de mosaïques. Mosaïques en majesté au temps de Justinien

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Mosaïques en majesté au temps de Justinien

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OUR METTRE FIN à une anarchie qui ne cesse de grandir en Italie avec les exactions des Barbares, Justinien, qui n’attendait qu’un prétexte pour intervenir, se décide à envoyer ses troupes afin que la péninsule italienne et l’Occident réintègrent l’autorité impériale byzantine. Mais il ne semble pas que ce retour du pouvoir byzantin en Italie ait beaucoup modifié le langage ni le style des artistes occidentaux : c’est le contenu du message qui varie fondamentalement. Après la mort de Théodoric III, en 526, la monarchie ostrogothique périclite au VIe siècle. Sa fille, Amalasonthe, tente d’assurer la régence au nom de son fils Athalaric. Mais complots et assassinats plongent la cour dans le désarroi. Amalasonthe finira, en 535, étranglée par les sbires d’un cousin, Théodahat. Confrontée à l’état catastrophique de l’Italie, elle avait fait appel à Justinien, l’empereur d’Orient, lequel, considérant Ravenne comme terre impériale, saute sur l’occasion pour tenter de réintégrer la péninsule dans le giron orthodoxe. C’est le signe de la reconquête de l’Italie. Bélisaire débarque en Calabre. Après s’être emparé de Naples (536), il entre dans Rome, tandis que les Ostrogoths saccagent Milan. Bélisaire, n’obéissant à aucune stratégie précise, laisse le pays s’enfoncer dans une guerre d’usure et d’extermination. Vitigès, successeur de Théodahat, élu roi des Ostrogoths, parvient, au prix d’un siège d’un an, à pénétrer à son tour dans Rome (537), dont la garnison byzantine était peu nombreuse. « Il exigea du peuple romain, écrit Émilienne Demougeot, un serment de fidélité au pape ». La politique d’alliances et de trahisons atteint son comble avec le massacre de sénateurs romains, auquel s’ajoute l’interception des convois de blé d’Afrique et de Sicile, cause de la disette et du dépeuplement de villes comme Milan ou Pavie. Les catastrophes se multiplient: civils égorgés et femmes vendues comme esclaves, famines dans les campagnes causant la mort de cinquante

› Après le bombardement de 1944 qui l’avait gravement atteinte, la basilique San Giovanni Evangelista (Saint-Jean l’Evangéliste) a connu une complète restauration et elle offre aujourd’hui l’image dépouillée de l’architecture basilicale ravennate à ses origines, mais privée de sa parure de mosaïques. Mosaïques en majesté au temps de Justinien

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› Après le bombardement de 1944 qui l’avait gravement atteinte, la basilique San Giovanni Evangelista (Saint-Jean l’Evangéliste) a connu une complète restauration et elle offre aujourd’hui l’image dépouillée de l’architecture basilicale ravennate à ses origines, mais privée de sa parure de mosaïques. 100.

RAVENNE - Capitale de l’Empire romain d’Occident


RAVENNE

› Après le bombardement de 1944 qui l’avait gravement atteinte, la basilique San Giovanni Evangelista (Saint-Jean l’Evangéliste) a connu une complète restauration et elle offre aujourd’hui l’image dépouillée de l’architecture basilicale ravennate à ses origines, mais privée de sa parure de mosaïques. 100.

RAVENNE - Capitale de l’Empire romain d’Occident


RAVENNE

108.

RAVENNE - Capitale de l’Empire romain d’Occident

RAVENNE

L’Architecture, héritière de Rome et de l’Orient

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RAVENNE

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RAVENNE - Capitale de l’Empire romain d’Occident

RAVENNE

L’Architecture, héritière de Rome et de l’Orient

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Henri Stierlin, historien de l’art et de l’architecture,

STIERLIN

est un spécialiste incontesté des arts de l’islam qu’il a toujours abordés dans une large perspective comparatiste, notamment avec l’art de l’antiquité hellénique et perse et celui de leur héritière, Byzance. Il est l’auteur, en particulier, de L’Architecture de l’Islam (1979) et, aux éditions de l’Imprimerie nationale, de : Alhambra (1991, réédition en 2011), Pétra (2009, réédition en 2013), L’Art persan (2011), prix du Cercle Montherlant – Académie des beaux-arts, Institut de France (2012), ou Cordoue (2012).

ADRIEN

BUCHET ANNE

STIERLIN

Ravenne

Adrien Buchet, est un photographe d’art et d’architecture, fasciné notamment par les monuments anciens qu’il a inlassablement saisis dans leur beauté (temples, forums, basiliques, mosquées, pyramides, ou objets d’art). Il a récemment publié, aux éditions de l’Imprimerie nationale, Cordoue (2012), et, chez Actes Sud, Les Serres (2013).

Chez le même éditeur

Églises de Rome

Pierre Grimal, Caroline Rose

Églises de Venise Alessandra Boccato

Byzance

Tania Velmans, dir.

L’Orient grec

Ravenne HENRI STIERLIN Photographies :

ADRIEN BUCHET ANNE STIERLIN

Au temps où la ville de Ravenne se proclame « capitale de l’Empire romain d’Occident » (Ve-VIe siècles), l’art ravennate exprime le grand souffle du christianisme latin. Il affirme aussi le refus des catholiques de se ranger sous l’autorité des empereurs orthodoxes grecs de Constantinople qui règnent sur le vaste Empire byzantin d’Orient. Ravenne n’est ni orthodoxe, ni grecque, ni soumise à l’Église d’Orient mais se réfère toute au monde romain et latin. De ce constat naît une radicale réinterprétation de l’art et de l’architecture ravennates, sur la base de sources romaines et latines, et ce, par-delà les parentés avec l’esthétique de Byzance. À Ravenne, les premiers chefs-d’œuvre expriment, dès le IVe siècle, l’éclat somptueux d’une esthétique chrétienne certes héritière de l’Antiquité mais novatrice. Cette originalité se manifeste rapidement dans les vastes ensembles de mosaïques qui ornent l’intérieur des monuments ravennates et surprennent par leur infinie beauté. Succession chatoyante et étincelante de scènes figuratives et ornementales se déroulant en frises sur les conques absidales, sur la nef, au-dessus des portiques ou sur l’arc triomphal précédant l’autel, ces mosaïques, telles une « tapisserie somptueuse et inaltérable, tendue pour l’éternité » (L. Bréhier), confèrent une unité remarquable aux parois qu’elles parent de leurs tesselles multicolores. Le mausolée de Galla Placidia (milieu du Ve siècle) est le premier chef-d’œuvre ravennate dont la polychromie, omniprésente, frappe par son intensité. Les baptistères octogonaux « des Orthodoxes » et des Ariens, bâtis tous deux sous Théodoric le Grand, montrent, dans leurs coupoles respectives, les douze apôtres entourant la scène du baptème. En 500, Théodoric fait ériger l’église Saint-Apollinaire-le-Neuf qu’il revêt de mosaïques formant une Imago Mundi d’une haute portée théologique et, à la fin de sa vie, il fonde la basilique Saint-Vital, à plan centré octogonal, où la magnificence des mosaïques flanquant l’autel principal saisit celui qui les contemple. Son mausolée (vers 520-526), de pierre nue, tranche avec le chromatisme tendre du décor de mosaïques de la basilique Saint-Apollinaire-in-Classe, achevée une dizaine d’année après Saint-Vital, et sa vision idéale et pure. En inscrivant l’art de Ravenne dans l’héritage de la Rome paléochrétienne plutôt que dans l’histoire « officielle » de Byzance, Henri Stierlin restitue aux chefs-d’œuvre ravennates leur rôle éminent. Et les photographies d’Adrien Buchet et d’Anne Stierlin s’attachent toutes à révéler la prodigieuse beauté d’un art infini.

Henri et Anne Stierlin

Cordoue

Henri et Anne Stierlin, Adrien Buchet 79€ prix T.T.C. France ISBN : 978-2-330-03665-2

Illustration de la couverture : Basilique Saint-Vital (VIe siècle), presbyterium orné de scènes bibliques © Adrien Buchet. Au dos : Oratoire de Galla Placidia (Ve siècle), motif de la grecque géométrique © Adrien Buchet.

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