Extrait de "Méditerranées"

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spécialiste de la littérature italienne et de l’art baroque, est un connaisseur de la Méditerranée. Il a récemment publié chez Actes Sud, avec Ferrante Ferranti, Imaginaire des ruines (2009) et Voyage en Algérie antique (2013). Ferrante Ferranti, architecte de formation, théoricien de la photographie (Lire la photographie, 2003) et de l’esthétique (L’Esprit des ruines, 2005), est surtout homme de passion, d’enthousiasme et de goût, sensible à la profusion et à la profondeur des choses.

Également aux éditions Imprimerie nationale : Églises de Rome Pierre Grimal / Caroline Rose Sicile Dominique Fernandez / Ferrante Ferranti L’Orient grec Henri et Anne Stierlin

FERRANTE FERRANTI

Naples Dominique Fernandez / Ferrante Ferranti Pompéi Eva Cantarella / Luciana Jacobelli Cordoue Henri et Anne Stierlin / Adrien Buchet

M É D I T E R R A N É E S

DOMINIQUE FERNANDEZ

Dominique Fernandez, de l’Académie française,

M É D I T E R R A N É E S DOMINIQUE FERNANDEZ

FERRANTE FERRANTI

« Les plus beaux souvenirs de l’espèce humaine et ses regrets les plus profonds se lient aux rivages de cette mer que j’ai sous les yeux. C’est sur les rivages baignés par ces ondes qui se brisent à trois pieds de mon crayon qu’eurent lieu les événements les plus intéressants de l’histoire de l’espèce humaine, et tout ce que le genre humain possède de liberté, de bonheur, de pouvoir sur le reste de la nature, et de science, nous ramène, si nous en cherchons l’origine, à ces rivages enchanteurs de la Méditerranée. » (Stendhal, Rivages de la mer.)

« Mère Méditerranée : c’est d’abord un son, une musique, la rumeur du reflux sur les plages ou du ressac contre les rochers. […] Mère Méditerranée, c’est un esprit. Une façon d’être. Une morale, plus qu’un décor. […] Vous ne trouverez pas « toute » la Méditerranée dans ce livre, mais celle que nous préférons, Ferrante et moi, celle que nous avons visitée le plus souvent et qui a nourri nos plus beaux rêves. […] Certains de ces endroits ou pays, je les ai éliminés par manque de goût, la plupart à cause des difficultés du voyage ou de l’impossibilité de m’y rendre plusieurs fois, la règle étant pour moi de ne jamais en évoquer un qui ne m’ait marqué profondément, au point de changer ma manière de vivre. La première fois, on est sous le choc d’impressions que dément souvent une meilleure connaissance des lieux et qu’il faut de toute façon nourrir de lectures et de nouvelles visites. Enfin, on ne peut pas tout aimer. Ce livre n’est qu’une anthologie de nos choix. Le bon titre eût été Notre Méditerranée,

Rêveries italiennes

mais le possessif a toujours quelque chose de

Dominique Fernandez / Joël Laiter

prétentieux et de déplaisant. “Mare nostrum”, disait Mussolini, qui rêvait de reconstituer l’empire

Illustration de couverture :

romain. Méditerranées signale bien les limites de

Capri (Italie). De la villa d’Axel Munthe, vue du Vésuve

l’ouvrage, qui ne vaudra que s’il sait rester partiel

et de la baie de Naples. © Ferrante Ferranti.

et partial. C’est une Méditerranée personnelle, sans rien d’exhaustif ni de panoramique. » Dominique Fernandez

Au dos : De gauche à droite : marbre antique d’Éphèse (Turquie) ; azulejos andalou (Espagne) ; composition de marbre ornant une église de Palerme (Italie). © Ferrante Ferranti. ISBN 978-2-330-05106-8 79 € TTC France

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Capri (Italie). De la villa d’Axel Munthe, vue du Vésuve et de la baie de Naples.

Mère Méditerranée

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ère Méditerranée : c’est d’abord un son, une musique, la rumeur du reflux sur les plages ou du ressac contre les rochers. Musique qui n’a pas l’ampleur des houles océanes, musique qui signale un espace resserré, un vivier d’émotions, une concentration de plaisirs. Le murmure affectueux des vagues, la tiédeur de l’air, la pureté du ciel, les parfums de l’été, tout contribue à donner l’impression d’une caresse maternelle à celui qui découvre pour la première fois les rivages méditerranéens. Tel a été mon cas lorsque je suis arrivé pour la première fois en Italie. D’où ce titre de Mère Méditerranée pour le premier livre que j’ai publié sur ce pays, il y a maintenant cinquante ans. Ce qui n’était au début qu’une impression épidermique s’est trouvé confirmé par de nombreux séjours et l’exploration de la société et de la culture italiennes, puis de la société et de la culture des autres pays riverains de la Méditerranée. Et même au-delà, si j’accepte la définition avancée par Darius Milhaud, Provençal né à Aix, et pour qui la Méditerranée constituait un vaste empire s’étendant d’Istanbul à l’Amérique du Sud. Empire uni par son climat, ses mœurs, par le génie de ses artistes. « Mère », d’abord, parce que matriarcale, gouvernée, dominée par les mères, en dépit du cliché selon lequel les hommes feraient la loi. Ce sont eux que l’on voit dans la rue, oui, qui se promènent, boivent un café, mais les choses sérieuses, la maison, l’économie domestique, l’éducation des enfants, l’honneur familial sont confiés aux femmes. Les hommes ne sont libres que parce qu’ils ne comptent pas plus que des hochets. Certains restent brisés à vie par une mère castratrice, la grande Genitrix qui empêche ses enfants mâles de grandir ; on en verra un exemple dans l’Alexandrie de Cavafis.

Mère Méditerranée

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Baie de Marseille (France), îles Degaby et du Frioul.

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A «

h çà ! Votre Méditerranée ne serait-elle que de ruines ? La réduiriez-vous à un musée des antiques ?

Ignorez-vous que deux mille cinq cents ans ont passé et que de nouvelles civilisations, non moins vigoureuses et bien plus intéressantes aujourd’hui, parce qu’elles touchent personnellement chacun de nous, ont jailli du cimetière de civilisations désormais mortes ? » Je m’attendais à cette ruade. L’Éphésien de vingt-cinq ans se moque bien d’Artémis, de son temple et du culte qu’on y rendait, dans des temps reculés, à une déesse inconnue de lui. Halicarnasse, Hérodote ne disent rien à un habitant de Bodrum. Qu’y a-t-il de réel pour chaque être, si ce n’est sa propre existence ? Pour comprendre et admirer les côtes de la Méditerranée, il faut ravaler ses curiosités archéologiques, choisir l’aventure, aborder l’inconnu, déambuler au hasard dans les ports, flâner sur leurs quais, arpenter leurs ruelles, se mêler à leur population, toujours « pittoresque », « colorée » et « grouillante », selon d’autres clichés, largement admis. Il faut se jeter à corps perdu et se perdre dans ces villes ouvertes sur la mer et que le vent du large garde éternellement jeunes en les empêchant de moisir dans la nostalgie du passé. Beyrouth, Tel-Aviv, Alexandrie, Tunis, Alger, Barcelone, Gênes, Marseille… Et avant tout, Naples, le port des ports, la quintessence de l’effervescence portuaire, qui mêle plus que tout autre le grandiose et le sordide, le magnifique et le minable, le séduisant et le décati, dans un tohu-bohu de vitalité, de misère, de noblesse, de courage et de drôlerie. Par un coup de génie de l’histoire, les « antiquités » de Naples se trouvent en dehors de la ville : à Herculanum, à Pompéi, à Cumes, à Pouzzoles, à Paestum, où trois des plus beaux temples grecs s’alignent, mais à plus de cent kilomètres. On peut connaître à fond Naples sans être passé

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Alexandrie (Égypte), la baie et le port.

Panthéon, Rome, Italie, 1997 Palais de Dioclétien, Split, Croatie, 1996

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Marseille (France), « Et sur les flots d’azur Phocée jeta à nouveau ses nefs », haut-relief attribué à Louis Botinelly, angle de la rue Tasso et de l’avenue Saint-Jean. Marseille (France), le mucem. p. 106-107 Héraklion (Crète), le fort et la baie.

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spécialiste de la littérature italienne et de l’art baroque, est un connaisseur de la Méditerranée. Il a récemment publié chez Actes Sud, avec Ferrante Ferranti, Imaginaire des ruines (2009) et Voyage en Algérie antique (2013). Ferrante Ferranti, architecte de formation, théoricien de la photographie (Lire la photographie, 2003) et de l’esthétique (L’Esprit des ruines, 2005), est surtout homme de passion, d’enthousiasme et de goût, sensible à la profusion et à la profondeur des choses.

Également aux éditions Imprimerie nationale : Églises de Rome Pierre Grimal / Caroline Rose Sicile Dominique Fernandez / Ferrante Ferranti L’Orient grec Henri et Anne Stierlin

FERRANTE FERRANTI

Naples Dominique Fernandez / Ferrante Ferranti Pompéi Eva Cantarella / Luciana Jacobelli Cordoue Henri et Anne Stierlin / Adrien Buchet

M É D I T E R R A N É E S

DOMINIQUE FERNANDEZ

Dominique Fernandez, de l’Académie française,

M É D I T E R R A N É E S DOMINIQUE FERNANDEZ

FERRANTE FERRANTI

« Les plus beaux souvenirs de l’espèce humaine et ses regrets les plus profonds se lient aux rivages de cette mer que j’ai sous les yeux. C’est sur les rivages baignés par ces ondes qui se brisent à trois pieds de mon crayon qu’eurent lieu les événements les plus intéressants de l’histoire de l’espèce humaine, et tout ce que le genre humain possède de liberté, de bonheur, de pouvoir sur le reste de la nature, et de science, nous ramène, si nous en cherchons l’origine, à ces rivages enchanteurs de la Méditerranée. » (Stendhal, Rivages de la mer.)

« Mère Méditerranée : c’est d’abord un son, une musique, la rumeur du reflux sur les plages ou du ressac contre les rochers. […] Mère Méditerranée, c’est un esprit. Une façon d’être. Une morale, plus qu’un décor. […] Vous ne trouverez pas « toute » la Méditerranée dans ce livre, mais celle que nous préférons, Ferrante et moi, celle que nous avons visitée le plus souvent et qui a nourri nos plus beaux rêves. […] Certains de ces endroits ou pays, je les ai éliminés par manque de goût, la plupart à cause des difficultés du voyage ou de l’impossibilité de m’y rendre plusieurs fois, la règle étant pour moi de ne jamais en évoquer un qui ne m’ait marqué profondément, au point de changer ma manière de vivre. La première fois, on est sous le choc d’impressions que dément souvent une meilleure connaissance des lieux et qu’il faut de toute façon nourrir de lectures et de nouvelles visites. Enfin, on ne peut pas tout aimer. Ce livre n’est qu’une anthologie de nos choix. Le bon titre eût été Notre Méditerranée,

Rêveries italiennes

mais le possessif a toujours quelque chose de

Dominique Fernandez / Joël Laiter

prétentieux et de déplaisant. “Mare nostrum”, disait Mussolini, qui rêvait de reconstituer l’empire

Illustration de couverture :

romain. Méditerranées signale bien les limites de

Capri (Italie). De la villa d’Axel Munthe, vue du Vésuve

l’ouvrage, qui ne vaudra que s’il sait rester partiel

et de la baie de Naples. © Ferrante Ferranti.

et partial. C’est une Méditerranée personnelle, sans rien d’exhaustif ni de panoramique. » Dominique Fernandez

Au dos : De gauche à droite : marbre antique d’Éphèse (Turquie) ; azulejos andalou (Espagne) ; composition de marbre ornant une église de Palerme (Italie). © Ferrante Ferranti. ISBN 978-2-330-05106-8 79 € TTC France

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