Extrait de "Oscar Peterson"

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Comme tous les volumes de la collection “Classica”, ce Oscar Peterson est enrichi d’un index, de repères bibliographiques et d’une discographie. Jean-Pierre Jackson est né en 1947. Ex-instituteur et autodidacte, éditeur, batteur de jazz, cinéaste, cinéphile, il a aussi écrit des livres (sur le serial américain, Jayne Mansfield, Mizoguchi, Russ Meyer) et traduit des philosophes (Spinoza, Hume, Locke, Schopenhauer). Il est membre de l’Académie du jazz. Il collabore à Classica et a publié, chez Actes Sud, un Charlie Parker, un Miles Davis et un Benny Goodman.

JEAN-PIERRE JACKSON

Après Miles Davis, Benny Goodman et Charlie Parker, Jean-Pierre Jackson consacre un nouvel ouvrage à une grande figure du jazz : Oscar Peterson (1925-2007). Pianiste doté d’une technique exceptionnelle, d’une volubilité irrésistible, d’un swing contagieux et omniprésent, il brilla comme accompagnateur hors pair de presque tous les grands solistes du jazz. C’est cependant au sein de la formule du trio (avec contrebasse et batterie, ou guitare) qu’il produisit ses accomplissements les plus mémorables. Infiniment respecté des musiciens, honoré de multiples récompenses, Peterson incarna avec humour et gentillesse ce que peuvent être la générosité et la dignité musicales.

Oscar Peterson

OSCAR PETERSON

LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS

Jean-Pierre Jackson

ISBN 978-2-330-01002-7

ACTES SUD

DÉP. LÉG. : SEPT. 2012 16,50 e TTC France www.actes-sud.fr

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ACTES SUD

Photographie de couverture : Oscar Peterson par Eliot Elisofon en 1954. © Time Life Pictures / Getty Images, 2012

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CLASSICA

collection dirigée par Bertrand Dermoncourt

Une collection coéditée par Actes Sud et le magazine Classica La plupart des hommes, partagés entre le regret du passé et le souci de l’avenir, laissent communément échapper la réalité que le présent offre à leur adhésion et promet à leur amour. Quoi d’étonnant s’ils suivent les mêmes errements en écrivant la vie des autres qu’en vivant la leur propre ? roland-manuel

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DU MÊME AUTEUR CHARLIE PARKER ,

Actes Sud, 2005. Actes Sud, 2007. BENNY GOODMAN, Actes Sud, 2010. MILES DAVIS ,

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Édition préparée avec l’aide de Laure-Hélène Dufournier © ACTES SUD, 2012 ISBN 978-2-330-01002-7

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JEAN-PIERRE JACKSON

Oscar Peterson

ACTES SUD | CLASSICA

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Ce livre est amicalement dédié à Philippe Lorin, organisateur émérite du Festival international de jazz de Tanger.

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I CARNEGIE HALL Dans le monde du jazz, Oscar Peterson est probablement la personne la plus influente en ce qui concerne le piano. Herbie Hancock

Ce samedi soir presque pluvieux du 17 septembre 1949, la foule des grands jours se presse dans le hall illuminé du Carnegie Hall, sur la Septième Avenue. Le programme, exceptionnel, très attendu, présente Jazz At The Philharmonic, de retour à New York après deux ans d’absence. Sont présents sur la scène Charlie Parker, Lester Young, Roy Eldridge, Tommy Turk, Hank Jones, Ray Brown, Buddy Rich et Ella Fitzgerald. Après une première jam-session et une première prestation d’Ella, suivies d’une deuxième jam-session, Norman Granz, organisateur de l’événement et maître de cérémonie, s’avance. Il invite “un des futurs géants du jazz, présent dans le public, le jeune pianiste canadien

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Oscar Peterson”, à monter sur scène, accompagné par le contrebassiste Ray Brown. Le batteur Buddy Rich, fatigué par ses prestations précédentes, n’a pas souhaité se joindre à l’événement. Oscar, âgé de vingt-quatre ans, interprète trois morceaux : I Only Have Eyes for You, Fine and Dandy et Carnegie Blues. Le public est enthousiaste, les comptes rendus font état d’“une révélation de première grandeur”. Norman Granz a gagné son pari, et Oscar une réputation. Car cette invitation-surprise par laquelle ce dernier a volé la vedette au Carnegie Hall a été soigneusement organisée. Deux mois avant cette mémorable soirée, Norman Granz se rend en taxi à l’aéroport de Mont­réal. Le chauffeur écoute la radio, qui diffuse du jazz. Granz pense écouter un disque mais le chauffeur lui indique qu’il s’agit d’une retransmission en direct depuis l’Alberta Lounge. L’imprésario dit alors au chauffeur d’oublier l’aéroport et de le conduire immédiatement au club. Après avoir assisté à sa prestation, Granz, qui se tient au courant de tout ce qui paraît en matière de jazz, déclare à Oscar : “Pourquoi enregistres-tu ces horribles disques de boogiewoogie ? Ce n’est pas toi. Tu ne joues pas comme ça.” À quoi Oscar répond qu’il joue ce qu’on lui demande de jouer, et de lui rappeler qu’ils se sont déjà rencontrés l’année précédente au Café St. Michel à Montréal, le soir d’un concert du jatp. Norman Granz voulait y entrer sans payer,

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car les musiciens participant à la jam-session en cours étaient précisément ceux du jatp : il avait lui-même engagé les frais nécessaires à leur déplacement et à leur séjour dans la capitale canadienne. Devant l’esclandre qui se levait à la porte, Oscar était intervenu, avait fait entrer Granz et avait assuré au portier qu’il prendrait les dépenses de l’imprésario à sa charge si nécessaire. Mais ce soir-là, Oscar ne joue pas. C’est ainsi que la véritable rencontre n’a lieu qu’à l’Alberta Lounge où, en dépit du boogie-woogie, Norman Granz réalise l’extraordinaire potentiel de ce jeune pianiste surdoué, au swing impérieux, à la technique impressionnante. Il décide de le présenter au public américain. Le problème, ce sont les lois relatives à l’immigration et les obligations syndicales liées à l’American Federation of Musicians, en particulier le Local 802 de New York. C’est pourquoi ils con­ viennent ensemble qu’Oscar sera assis au premier rang, non programmé et inopinément invité à monter sur scène. La revue new-yorkaise Down Beat du 29 septembre 1949, sous la plume de Mike Levin, rend compte du choc qu’a provoqué sa prestation inattendue sur la scène du Carnegie Hall : “Peterson a mis en œuvre une main droite rapide comme l’éclair, un tas d’idées bop dans le style de George Shearing, ainsi qu’un beau sens du développement harmonique. En outre, il a terrifié les larbins [minions] locaux en interprétant

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des figures bop d’un seul doigt de la main gauche, ce qui n’est pas pratique courante. Plus encore, Peterson a impressionné les musiciens d’ici non seulement en ayant de bonnes idées et en les mettant en pratique, mais en leur con­férant un punch rythmique et un drive qui manquent cruellement aux pianistes plus jeunes. Tandis que certaines des stars du bop possèdent de bonnes idées mais suent pour les exécuter, Peterson les disqualifie avec un excès de puissance qui ne laisse aucun doute sur la technique prodigieuse qu’il garde en réserve.” Oscar lui-même, des années plus tard, con­­ fiera : “Au moment où ce fut terminé, vous savez, le morceau terminé, ils hurlaient ; c’est alors que je perçus le signal : je pouvais rester sur scène. C’était un rêve devenu réalité. Plus qu’un rêve, un fantasme : être soudainement admis parmi eux*.” Ce rêve, Oscar l’a conçu plusieurs années auparavant : il a bercé son adolescence.

* Les musiciens du jatp.

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II ENFANCE

La période de l’enfance et de l’adolescence d’Oscar Peterson est essentielle à examiner. De dix à vingt-quatre ans, âge auquel il se produit sur la scène du Carnegie Hall, non seulement se constituent et s’affirment les éléments originaux de son jeu pianistique, mais s’enracinent aussi les fondements d’une conscience sociale et politique qui va déterminer nombre de ses choix d’homme autant que ceux du musicien. Comme il le dit lui-même dans son autobiographie en revenant sur ces années : “Je crois fermement que les premières expériences de terrain, auxquelles n’importe quel musicien est confronté, sont aussi importantes que les influences postérieures exercées par des noms plus connus ; parce qu’il est d’abord plus impressionnable en cette période, mais probablement aussi plus instable.” Oscar Emmanuel Peterson naît le 15 août 1925 à Montréal d’une mère femme de chambre et d’un père employé aux chemins de fer, tous deux originaires des Antilles. La famille Peterson

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comprend trois frères, Fred, Charles (Chuck) et Oscar, et deux sœurs, Daisy et May. Le père, Daniel, qui joue de l’orgue pour son plaisir, décide de constituer un groupe musical familial. Les enfants sont donc conviés à étudier en priorité le piano. Oscar pense surtout aux cowboys, aux Indiens ou au base-ball. Il évite autant qu’il peut les exercices quotidiens planifiés par son père lorsque ce dernier s’absente pour de longs trajets, mais se sort sans encombre des contrôles à son retour : il écoute les frères et sœurs qui s’exécutent avant lui, et reproduit ce qu’il a entendu. Il découvre ainsi qu’il est doté d’une excellente mémoire, et comprendra plus tard qu’il bénéficie de “l’oreille absolue”. Billy Thomas, chef d’orchestre local, est chargé d’aider M. Peterson père à constituer un orchestre familial avec le concours d’enfants du voisinage. Tous les jeudis les répétitions se déroulent dans la salle à manger. Oscar a hérité du cornet. La mécanique brillante, le fait que les partitions ne comprennent qu’une ligne, que l’on puisse tenir une note ou la faire décliner, tout cela l’enchante et explique sans doute la complicité particulière qu’il aura par la suite avec les trompettistes. Tout semblait aller pour le mieux quand Fred, le frère aîné, tombe gravement malade. Les autorités médicales viennent inspecter la maison. Oscar et sa sœur Daisy sont immédiatement emmenés à l’hôpital : la tuberculose les a tous frappés. Son frère aîné Fred,

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qu’Oscar considère comme “le pianiste le plus doué” d’entre eux, n’y survit pas. On peut naturellement estimer la perte que cela représente, en imaginant ce qu’aurait été un pianiste plus doué qu’Oscar… Oscar va rester un an et demi au Montréal Children’s Hospital. Il a sept ans. Il se trouve désormais éloigné de la chaleur familiale, de ce qui a constitué son foyer depuis sa naissance ; le voilà isolé dans un environnement antiseptique qui l’angoisse et qu’il rejette : “Ma première réaction fut de sombrer dans une période sans la moindre communication, non seulement avec l’équipe médicale mais également avec les autres jeunes de l’hôpital. Je restais presque totalement silencieux, sauf pour répondre aux questions indispensables qui m’étaient posées. Je jouais tranquillement tout seul et dormais davantage que les autres enfants, pour ne pas avoir à communiquer”, déclare-t-il dans son autobiographie, à propos de ces tristes mois d’hospitalisation. Cette maladie et l’année et demie d’isolement volontaire qui la suit ne sont pas sans conséquence pour le jeune Oscar. Elles sont même d’une certaine façon décisives. En effet, très vite, le docteur de la famille informe ses parents qu’il est désormais hors de question qu’il joue d’un instrument à vent. Il lui faut donc renoncer au cornet. Le monde musical a peut-être perdu un grand trompettiste…

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L’autre conséquence d’importance de ces mois d’hospitalisation est que, face à l’insistance de son père qui veut le remettre sérieusement au piano – facteur essentiel, pour lui, d’une guérison définitive –, Oscar non seulement ne se rebelle plus mais se montre même obéissant. Il explique ainsi le sens de ce changement de comportement : “Tandis que je progressais dans cette nouvelle phase de ma vie musicale, un étrange et nouvel état d’esprit m’a progressivement gagné, et j’ai ressenti un intérêt croissant pour le piano. Peut-être est-ce cette coupure complète d’avec le monde musical qui m’a fait comprendre la place qu’il occupait dorénavant dans ma vie, et combien il allait devenir central dans mon existence. Quoi qu’il en soit, je décidai de m’y consacrer complètement et de voir comment cela pourrait marcher pour moi.” Cette double décision, l’une imposée (l’abandon du cornet), l’autre volontaire (se consacrer totalement au piano), marque la véritable naissance musicale d’Oscar Peterson, qui, à moins de dix ans, envisage désormais son avenir en musique. Même si le gamin est doué, le chemin est long et difficile : il va d’abord falloir apprendre, et apprendre encore, c’est-à-dire connaître et se reconnaître des maîtres.

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Comme tous les volumes de la collection “Classica”, ce Oscar Peterson est enrichi d’un index, de repères bibliographiques et d’une discographie. Jean-Pierre Jackson est né en 1947. Ex-instituteur et autodidacte, éditeur, batteur de jazz, cinéaste, cinéphile, il a aussi écrit des livres (sur le serial américain, Jayne Mansfield, Mizoguchi, Russ Meyer) et traduit des philosophes (Spinoza, Hume, Locke, Schopenhauer). Il est membre de l’Académie du jazz. Il collabore à Classica et a publié, chez Actes Sud, un Charlie Parker, un Miles Davis et un Benny Goodman.

JEAN-PIERRE JACKSON

Après Miles Davis, Benny Goodman et Charlie Parker, Jean-Pierre Jackson consacre un nouvel ouvrage à une grande figure du jazz : Oscar Peterson (1925-2007). Pianiste doté d’une technique exceptionnelle, d’une volubilité irrésistible, d’un swing contagieux et omniprésent, il brilla comme accompagnateur hors pair de presque tous les grands solistes du jazz. C’est cependant au sein de la formule du trio (avec contrebasse et batterie, ou guitare) qu’il produisit ses accomplissements les plus mémorables. Infiniment respecté des musiciens, honoré de multiples récompenses, Peterson incarna avec humour et gentillesse ce que peuvent être la générosité et la dignité musicales.

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Photographie de couverture : Oscar Peterson par Eliot Elisofon en 1954. © Time Life Pictures / Getty Images, 2012

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