E. GARAULT POUR L’EXPRESS
Enquête mondiale Etbissem et Najoua, 22 et 23 ans, françaises, étudiantes en langues : « Un nom à consonance étrangère sur un CV, ça aide pas. »
Comment les jeunes voient leur avenir Commentvontlesjeunes ?Quepensent-ilsdel’avenir ? Celle-ci s’appuie sur un sondage mené en Europe, en Delasociété ?Delamondialisation ?Bref,quelestleur AsieetenAmériqueduNordauprèsde20 000personnes état d’esprit ? A l’occasion du 40e anniversaire de 1968, autotal.Résultat ?LesAméricainsontunepêched’enL’Expressproposeuneradioscopiedelajeufer. Les Scandinaves aussi. Et la jeunesse Avec nessemondiale,enpartenariataveclaFonfrançaiseest…laplusdépriméedumonde. dation pour l’innovation politique, qui puElle redoute l’avenir, la mondialisation et blie cette semaine une vaste enquête même son ombre. Alerte au péril jeune ! ● AXEL GYLDÉN, AVEC CÉCILE CASCIANO intitulée«Lesjeunessesfaceàleuravenir». Tiré à part de 8 pages, extrait de L’EXPRESS 2948 du 3 janvier 2008, imprimé à 6000 exemplaires. NE PEUT ÊTRE VENDU.
Nils, 28 ans, français, imprimeur : « Se réorienter, c’est presque impossible. »
E. GARAULT POUR L’EXPRESS E. GARAULT POUR L’EXPRESS
Marjorie, 24 ans, française, étudiante en sociologie : « Les gens sont désabusés. »
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ue reste-t-il de Mai 68 ? A coup sûr, cette question sera le leitmotiv de l’année 2008. Sans attendre le 40e anniversaire des barricades du Quartier latin, L’Express est en mesure d’y répondre par quatre lettres : rien. Telle est, en substance, la conclusion de l’étude comparative de la Fondation pour l’innovation politique, réalisée auprès de 20 000 jeunes en Europe, aux EtatsUnis, en Chine, en Inde, en Russie, à Taïwan et au Japon (interrogés par l’institut de sondages Kairos Future). Son objectif : tenter de mesurer la perception que les 16-29 ans ont de l’avenir, leur état d’esprit face à la mondialisation, leur attitude vis-à-vis du
travail, de l’argent, de la famille, des institutions, ou encore des générations qui les précèdent. Ce passage au scanner du « cerveau jeune » nous révèle notamment qu’au sein de cette classe d’âge les Français sont les plus pessimistes de la planète. Ils craignent pour leur avenir et celui de la société. Redoutent la mondialisation plus que tous les autres. Se disent persuadés de ne pas obtenir un bon travail dans les années qui viennent. Ils sont également timorés, et se croient incapables de faire bouger la société. Un conformisme de mauvais augure dans un monde globalisé où la capacité d’adaptation, l’aptitude à l’innovation, l’esprit d’initiative sont les clefs de la survie.
Les gens peuvent-ils Changer la société ? % de jeunes de 16-29 ans qui pensent que les gens peuvent changer la société. Etats-Unis Danemark Norvège Estonie Allemagne Suède Russie Espagne Finlande Italie Royaume-Uni Pologne France
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Russie VLADIMIR SEGALOV, 26 ANS, CADRE CHEZ NIKE
« L’argent, c’est la liberté »
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’aiunbontravail,oùtout meconvient:lesgens,l’atmosphère,lespossibilités d’évolution, les voyages en Russie et à l’étranger, le salaire. L’argent sera toujours un élément déterminant dans mes choix professionnels.Sijen’enavaispasassez, jeseraisprêtàchangerd’emploi immédiatement, quitte à traverser toute la ville et à passer des heures dans les embouteillages,pourgagner davantage. L’argent, c’est la liberté. C’est lui qui permet d’acquérirtoutcequel’ondésire.Leproblème,c’estque,à mesure qu’on s’enrichit, de nouveaux besoins apparaissent.D’abord,onvitdansun studio. Puis dans un deuxpièces. Et, très vite, on rêve d’une grande maison. C’est sansfin.Auboutducompte, onsemetàrêverdeposséder un jet privé et un yacht de luxe. Réussir sa vie, c’est ça : avoirsuffisammentd’argent sur son compte en banque
pournepasavoiràypenser. Moi,jeferaitoutpourbiengagner ma vie, y compris montermonproprebusiness.Aujourd’hui, Moscou offre beaucoupdepossibilitéspour ceux qui ont de l’ambition. » ● Propos recueillis
La belle vie, est-ce d'avoir Beaucoup d'argent ? % de jeunes de 16-29 ans qui pensent qu'une belle vie, c'est avoir beaucoup d'argent. Inde Chine Taïwan Russie Estonie Suède Italie France Allemagne Etats-Unis Royaume-Uni Pologne Espagne Japon Norvège Finlande Danemark Source : Kairos Future / Fondapol
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A. ZEMLIANICHENKO/WPN POUR L’EXPRESS
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RICHARD HEBERLING, 26 ANS, ÉTUDIANT EN DESIGN
Les jeunes Français valorisent peu l’indépendance « Soyons réalistes, demandons l’impossible ! » clamaient en 1968 les étudiants du haut des barricades. Mais c’était la préhistoire. Aujourd’hui, le conformisme est de mise : 1 jeune Français sur 4 juge « important de ne pas se faire remarquer dans la vie », tandis que 1 sur 2 – 54 %, record mondial ! – estime que « le regard des autres est déterminant » dans ses choix professionnels. Plus sidérant encore, cette donnée relevée par le sociologue (1) François de Singly, professeur à l’université Paris-Descartes : « Parmi tous les pays étudiés, seuls les jeunes Français considèrent que l’obéissance est une valeur plus importante à transmettre à leurs enfants que l’indépendance. » Où l’on voit que le climat social n’a rien de préinsurrectionnel. Ce que confirme d’ailleurs Marjorie, 24 ans, une étudiante en sociologie qui prévoit de quitter la France : « La société civile est en train de s’éteindre ; les gens sont désabusés et passifs. Ils l’ouvrent moins quand ils sont mécontents. » Le blues des jeunes Français – si l’on met à part celui des Italiens et des Polonais – est sans équivalent en Europe et dans le monde. Certes, les grands pays de la « vieille Europe » comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne ne brillent pas, eux non plus, par l’optimisme débridé de leurs jeunesses res-
«Oui, je crois en mon avenir»
A. ERICSSON/WPN POUR L’EXPRESS
« Leur niveau de fatalisme est impressionnant, observe, quelque peu déconcertée, Anna Stellinger, directrice de recherche à la Fondation pour l’innovation politique, et initiatrice de l’enquête. Cela transparaît dans tous les classements. Seulement un quart des jeunes Français voient l’avenir en rose, alors que, par exemple, plus de la moitié des Scandinaves jugent celui-ci prometteur. » Il suffit d’écouter Sophie, 22 ans, étudiante en droit à l’université de la rue d’Assas, à Paris, pour mesurer l’étendue du problème : « Je n’ai pas vraiment l’impression que l’on va vers le haut. Il y a trop de choses à changer : les problèmes de pollution, de chômage, de racisme, etc. L’égalité des chances, c’est juste un slogan, rien de concret. »
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e vois mon avenir de manière positive,car,commebeaucoupdegens demagénération,j’aibénéficiéd’un systèmedeprêtétudiant(lestudielån) misenplaceparl’Etat.Ilpermetàchacun,indépendammentduniveauderevenudesesparents,dedémarrerdans laviesansstress,avecunepetitesomme (àremboursertoutaulongdesonexistence)quipermetde“voirvenir”.Ainsi, aprèslebac,j’aivécuquatremoisdans unefermeécologiqueprèsdeToulouse, tandis que certains de mes amis faisaient le choix de sillonner l’Asie sac au dos. En d’autres termes, c’est l’Etat quifinancecesvoyagesinitiatiques,lesquels sont importants dans notre formation parce qu’ils nous ouvrent aux réalités du monde. Ensuite, j’ai étudié l’art pendant trois années tout en travaillantdansunfoyerpourpersonnes âgéesetenmultipliantlesstagesdans une agence de pub. Et c’est là que j’ai découvertmavocationdedesigner. Le système du studielån est vraiment
pectives. Mais ni outre-Rhin ni outreManche le moral des 16-29 ans n’est si profondément atteint. C’est grave, docteur ? Oui, si l’on compare avec la Scandinavie, où les jeunes, visiblement à l’aise dans leurs sabots, affichent une insolente confiance en eux. L’explication ? La bonne santé économique et un faible chômage, bien sûr. Mais surtout une véritable prise
Votre Avenir personnel est-il prometteur ? % de jeunes de 16-29 ans qui pensent que leur avenir est prometteur Danemark Etats-Unis Norvège Suède Finlande Estonie Allemagne Royaume-Uni Espagne Russie France Pologne Italie
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unechance,lesjeunesn’ayantainsipas à choisir définitivement une orientation aussitôt après le bac. J’ai encore troisansd’étudesdevantmoi,àl’école de design Beckmans, à Stockholm. Et environ100 000 couronnes[10 500 euros] à rembourser, petit à petit. » ● Propos recueillis par Antoine Jacob
en compte de la jeunesse, représentée politiquement et partie prenante du débat public, sur un pied d’égalité avec les quadras, les quinquas et les sexagénaires. Ceci explique cela : médaillés d’or de l’optimisme, les Danois sont 60 % à être convaincus que « leur avenir est prometteur ». Outre-Atlantique, les jeunes Américains affichent également un mo- ●●●
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ral de vainqueur. Tout se passe comme si ni le 11 septembre ni l’enlisement en Irak n’avaient eu le moindre impact sur le légendaire optimisme yankee. It’s a wonderful world… Là-bas, 60 % des jeunes, contre 27 % des Français du même âge, sont persuadés qu’ils auront un bon job dans l’avenir. Et 63 % estiment que les gens peuvent changer la société, contre 39 % en France. Le rêve américain fait encore recette.
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Chez nous, les orientations scolaires semblent irréversibles De l’autre côté du globe, les jeunesses de Russie, de Chine et d’Inde ont, quant à elles, le moral « boosté » par les taux de croissance de leurs éco-
nomies émergentes. « Les jeunes Français redoutent le déclassement et savent que leurs revenus risquent d’être inférieurs à ceux de leurs parents, constate le sociologue Vincenzo Cicchelli, de l’université Paris-Descartes. Les Indiens, les Chinois et les Russes entrevoient, au contraire, la possibilité de grimper dans l’ascenseur social. Pour eux, les Trente Glorieuses commencent. On assiste à la naissance d’une génération “bling-bling” pour laquelle l’argent, la célébrité et les biens matériels sont valorisés. Dans nos sociétés occidentales “postmatérialistes”, les jeunes prennent davantage en compte la valeur symbolique d’un métier, le prestige d’une profession, le temps libre. »
En France, le chômage élevé des jeunes est la cause principale du malaise ambiant. Mais les ratés du système scolaire sont aussi pointés du doigt. « Actuellement, 1 élève sur 5 arrête sa scolarité avec, au mieux, le brevet des collèges en poche !, accuse Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS. Ceux qui se lancent ensuite dans le labyrinthe des filières professionnelles – il existe 265 BEP ou CAP en tout ! – doivent passer sous les fourches Caudines de conseillers d’orientation déconnectés de la réalité du marché de l’emploi. Ajoutez à cela que 1 étudiant sur 4 entame des études supérieures sans jamais obtenir son diplôme, et vous avez tous les ingrédients d’un cocktail ravageur.
n etats-unis MALIKA QUEMERAIS, 22 ANS, TRAVAILLE À MTV
«Je suis sûre que je pourrai toujours rebondir» «
n fait, j’ai déjà un superjob. Je travaille à MTV. Si j’aicettechance,jeladois aussi à mes efforts. Depuis l’adolescence,jevoulaisentrer dans cette chaîne, et j’y ai fait unstageà18ans,àuneépoque
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Pensez-vous avoir un bon travail à l'avenir ?
H. MATSUIKE/WPN POUR L’EXPRESS
% de jeunes de 16-29 ans qui pensent qu'ils sont certains d'avoir un bon travail à l'avenir. Danemark Etats-Unis Chine Inde Norvège Suède Russie Estonie Royaume-Uni Finlande Espagne Allemagne Taïwan France Italie Pologne Japon
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Source : Kairos Future / Fondapol
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où, entre les cours au collège et un emploi de serveuse, j’organisais des concerts rock de charité.Enmai2006,àlafinde mesétudesdemarketingetde finance,jeleuraienvoyémon CV,et,sixmoisplustard,j’étais embauchée. A New York ! Après un an à MTV, j’ai intégré le département « talent » de la chaîne. Dorénavant, je vais m’occuper des artistes et de leurs agents. Ça, c’est le rêve. Mais je ne suis pas dupe. Commetoutlemonde,jepeux un jour perdre mon job. Mais bon…Jepourraitoujoursredevenirserveuseavantderebondirquelquepart.D’ailleurs,j’ai déjà d’autres horizons. En dehorsdutravail,jegèreunepetiteœuvrephilanthropiquequi me repose un peu du monde irréel de la musique et des capricesdesvedettes.Unjour,j’aimerais utiliser ma connaissance du show-biz au service d’une fondation de bienfaisance. » ● Propos recueillis par Philippe Coste
Comment les jeunes voient leur avenir
TARUN WADHWA, 24 ANS, PRODUCTEUR
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«Je bâtirai un grand studio» P. PRAKASH POUR L’EXPRESS
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e suis totalement optimistesurmonavenirparce quelamondialisationetle booméconomiqueindienoffrent beaucoup d’opportunités pour les jeunes comme moi, issus de la classe
La belle vie, est-ce de Devenir célèbre ? % de jeunes de 16-29 ans qui pensent qu'une belle vie, c'est devenir célèbre. Inde Taïwan Chine 22 Russie 15 Japon 13 Italie 12 Suède 10 Etats-Unis 10 Espagne 9 Estonie 9 Pologne 9 Royaume-Uni 6 France 5 Allemagne 5 Norvège 4 Finlande 4 Danemark 2
Source : Kairos Future / Fondapol
Le Regard des autres est-il déterminant ? % de jeunes de 16-29 ans qui pensent que le regard des autres est déterminant dans leur choix professionnel. France Italie Russie Allemagne Espagne Estonie Etats-Unis Danemark Suède Norvège Royaume-Uni Japon Pologne Finlande
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Source : Kairos Future / Fondapol
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Car commencer sa vie par un échec produit des effets dramatiques sur le plan de l’estime de soi. » Au fait, pourquoi ces questions cruciales ont-elles été éludées pendant la campagne présidentielle 2007 ? Autre spécificité française : la culture, voire l’obsession, du classement. Elle joue, elle aussi, un rôle néfaste. « Contrairement à ceux des pays anglo-saxons, les étudiants français sont davantage préoccupés par leur classement que par le contenu réel des programmes, poursuit Galland. L’école sert non à former, mais à classer et hiérarchiser les gens, c’està-dire à produire de l’anxiété. Pis, le niveau d’études est exactement prédictif de la position que l’on occupera dans la société. » Autrement dit, le diplôme représente un titre de no-
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moyenne. La force de l’Inde, c’est nous. Ma génération a étééduquéedansuneoptique de réussite. La preuve : avec unpeud’aidedemesparents, j’aifondémonentreprisevoilà six mois et je gagne déjà presque autant d’argent qu’eux !Monobjectif:ladévelopper pour en faire l’un des studioscinématographiques les plus importants du pays. Parallèlement, je veux moimêmedevenirungrandréalisateur.Pourêtrecélèbre,bien sûr,maisaussiparcequelecinéma me permet d’adresser des messages à mes compatriotes.Parexemplesurl’environnementoulapréservation desvaleursindiennesdansun mondedeplusenplusglobalisé. Je sais, ce ne sera pas facile.CarBollywoodestunmilieu fermé. Mais l’apparition de nouvelles technologies, commelesanimationsen3D, ouvredesperspectives. ● Propos recueillis par Pierre Prakash
blesse valable tout au long d’une vie. Ce qui induit un manque de mobilité sociale et crée les conditions d’une société figée où les self-made-men font figure d’ovnis. « Les Français se réorientent peu, complète Emmanuel Sulzer, spécialiste du travail des jeunes au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq). Ils considèrent les orientations scolaires, le choix d’études supérieures et celui de leur métier comme des étapes irréversibles. Ils voient l’existence comme un couloir sans porte de sortie sur les côtés. » Un vrai scénario de film d’angoisse ! Que connaît trop bien Nils, un imprimeur de 28 ans : « J’aurais adoré être ingénieur du son. Mais, quand on possède un diplôme dans une branche, on est bloqué. Pour changer de ●●●
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voie, il faut financer des formations coûteuses. Seule une minorité de gens peut se les offrir. »
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Les ministères de la Jeunesse sont plus puissants ailleurs Plus généralement, la France manque d’une politique lisible. D’ailleurs, l’intitulé du ministère « de la Jeunesse et des Sports » – un tantinet connoté « années 1940 » – témoigne à lui seul de la confusion des esprits. « Dans les pays nordiques, les ministères de la Jeunesse sont puissants et bien organisés, souligne Patricia Loncle, de l’Ecole des hautes études en santé publique. Ils mènent des politiques cohérentes, très construites. En France, en revanche, il est difficile de savoir qui fait quoi et avec quels objectifs. Les jeunes relèvent simultanément du ministère des Affaires sociales, de celui des Fi-
n estonie
Êtes-vous prêts à payer pour les Gens âgés ?
plus en plus souvent la patate chaude aux collectivités locales. » Reste la question qui fait mal : les jeunes ne seraient-ils pas tout simplement vieux ? « Non, ils sont juste clairvoyants, plaide Patricia Loncle. Ils savent ce qui les attend : des diplômes dévalorisés qui ne prémunissent pas contre le chômage, un niveau de vie en baisse, de la précarité à tous les étages. » A leurs yeux, le monde légué par la « génération 1968 » n’a rien de réjouissant. Ce n’est pas un hasard si la jeunesse française est la moins encline à payer des impôts pour les gens âgés : seulement 11 % d’entre eux financeraient volontiers la retraite des soixante-huitards. La vengeance est un plat qui se mange froid. ●
% de jeunes de 16-29 ans qui sont prêts à payer les impôts pour les gens âgés. Chine Russie Inde Norvège Estonie Danemark Finlande Etats-Unis Royaume-Uni Suède Taïwan Italie Allemagne Pologne Espagne Japon France
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Source : Kairos Future / Fondapol
nances ou encore de celui de la Santé. Avec, en toile de fond, le désengagement progressif de l’Etat, qui passe de
(1) Tous les experts cités dans cet article ont contribué à l’analyse des résultats de l’enquête menée par la Fondation pour l’innovation politique.
SANDRA SULE, 27 ANS, DIRIGE UN SERVICE DE L’ACADÉMIE DES ARTS
«La mondialisation, c’est bien, non ?» «
on pays est entré de plain-pied dans le monde global. Tant mieux !Lamondialisation,c’est plutôtunebonnechose,non ? Detoutefaçon,mieuxvautl’accepterquelarejeter.Moi,j’ysuis préparée car j’ai eu la chance
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La Mondialisation apporte-t-elle de Nouvelles ?
E. PERSSON/WPN POUR L’EXPRESS
% de jeunes de 16-29 ans qui pensent que la mondialisation apporte de nouvelles opportunités pour eux. Pologne Estonie Danemark Russie Etats-Unis Italie Finlande Suède Allemagne Norvège Royaume-Uni Espagne France Source : Kairos Future / Fondapol
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d’apprendrel’anglaisdèsl’âge de 7 ans, à une époque où le gouvernement communiste – c’était du temps de l’URSS – autorisaitunepoignéed’écoles, dontlamienne,àsespécialiser dans les langues étrangères. Grâce à ce bagage, j’ai facilementtrouvéuntravailintéressant. Aujourd’hui, je dirige les activités internationales de l’Académie des arts d’Estonie. Dansmonpays,confierdesresponsabilités à des jeunes est unechosenormale.D’ailleurs, augouvernement,unquartdes ministres sont âgés de moins de 35 ans. Aujourd’hui, la plupartdesjeunesmaîtrisentl’anglais.Selonunsondagerécent, de nombreux Estoniens seraientmêmed’accordpouren faire la langue officielle du pays !Pourquoipas ?Tantd’Estoniensfontunepartiedeleur carrière à l’étranger. » ● Propos recueillis par Antoine Jacob
Comment vont les jeunes Européens ? Les résultats de l’enquête sur
Comment les jeunes voient leur avenir
Anna Stellinger
Votreétudemontrequelajeunessefrançaisesesentparticulièrementmaldans sa peau. Que faire ? Lesjeunesexprimentunfortbesoind’autonomie. Ils souhaitent s’émanciper de latutelleparentalepourêtrelesvraismaîtres de leur destin. Cela suppose un minimumd’indépendancefinancière.Pourquoinepasimiterlemodèlescandinave de prêts-jeunes ? Il permet aux jeunes d’orienterleurviedemanièreautonome dès l’âge de 18 ans. Une telle mesure suffirait-elle à regonflerlemorald’unegénérationdéprimée ? Non.Maisilexisted’autresmécanismes pour « réintégrer » les jeunes dans la société. Car, contrairement à l’idée reçue, cesderniersnesontpasdésengagés,loin de là. Tirons-en parti. L’implication dans une association locale ou une organisationhumanitairedevraitêtredavantage valoriséedanslesCVetlesparcoursprofessionnels. Cela pourrait même ouvrir des droits à des allocations spécifiques. Une autre manière d’être à l’écoute des jeunesseraitd’abaisserledroitdevoteà 16ans,commecertainsLänderallemands l’expérimententactuellement.Ilfautoser écouterlajeunesseetsesouvenirqu’elle est une ressource, pas une menace. L’idée selon laquelle ils rechignent à travailler est-elle juste ? Pasdutout.Celadit,ilssouhaitentorganiserleurvieprofessionnelle «àlacarte». Ilsveulentpouvoirsuivredesformations toutaulongdeleurexistence,s’engager untempsdansuntravailsocialouhumanitaire, voire s’accorder une année sabbatique. En fait, ils veulent de la flexibilité, mais à leurs conditions. Retrouvez l’intégralité de l’étude de la Fondation pour l’innovation politique « Les jeunesses face à leur avenir » sur www.fondapol.org Cette étude sera présentée à la Fondation pour l’innovation politique le 30 janvier à 18 h 30.
E. GARAULT POUR L’EXPRESS
« La jeunesse est une ressource, pas une menace »
Anna Stellinger est directrice des recherches économiques et sociales de la Fondation pour l’innovation politique.
Pourquoivotreétudeinsiste-t-ellesurl’importancedes«mythescollectifs»enSuède et aux Etats-Unis ? Lesjeunessesdecesdeuxpayscroientfortement à l’avenir. Cela s’explique en partieparlavitalitédesmythesfondateursde ces sociétés. L’Etat providence suédois
comme le rêve américain du self-mademanencouragentetfavorisenttousdeux la réussite individuelle. En France, à l’inverse, le mythe de l’intégration républicaine a du plomb dans l’aile. Les jeunes en font l’expérience tous les jours. ● Propos recueillis par Axel Gyldén