Place aux jeunes
Il calme encore nos tempêtes
B
onjour, Daktari1. C’est l’infirmière qui vous parle. » Un coup de fil au petit matin ne peut signifier qu’une chose. Alors que je m’arrête pour entendre ces mots terribles, mon cœur bat tellement vite que j’ai l’impression qu’il va éclater. « Je suis désolée de vous informer que Peter vient de mourir. » En entendant cette mauvaise nouvelle que je redoutais, mon corps se crispe. « Je m’occupais de votre patient comme d’habitude, et nous conversions normalement. Tout à coup, sans que rien ne le signale, il a cessé de respirer. Nous avons tenté de le réanimer, mais sans succès. » Les événements de la semaine dernière défilent alors dans mon esprit. J’ai rencontré Peter2, un homme de 47 ans, dans ma clinique. Il était accompagné de sa femme et de son fils. Cet homme frêle, maladif manquait d’appétit, perdait du poids, et toussait légèrement depuis trois mois. Ses deux mains tremblaient – un symptôme caractéristique de sevrage de l’alcool. Sa condition était pire que ce que je pensais au départ. La distanciation sociale et les ordres de rester à la maison pour atténuer la propagation communautaire de la pandémie mortelle de COVID-19 n’ont pas amélioré sa situation. Je ne pouvais qu’imaginer les ténèbres et l’anxiété qui l’ont assailli ces derniers mois. Comme il présentait des symptômes respiratoires, je l’ai rapidement admis à l’hôpital. Je l’ai mis sous oxygène et sous traitement de soutien, conformément à son diagnostic de COVID-19. Il n’a fallu que cinq jours pour que Peter succombe à la maladie, laissant dans le deuil une femme et deux fils adultes avec des questions auxquelles je n’ai pas de réponse.
Cet homme frêle, maladif manquait d’appétit, perdait du poids, et toussait légèrement depuis trois mois.
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Septembre 2020 AdventistWorld.org
Matthew, le fils de Peter, est livide. « Docteur, comment avez-vous pu laisser mon père mourir ? crie-t-il. J’étais sûr que vous le sauveriez ! Je pensais qu’il allait déjà mieux et qu’il rentrerait bientôt à la maison. Qu’avez-vous fait pour le tuer ? » Que puis-je dire ? Comment lui enlever sa douleur ? Surtout quand je sais que sa mère a aussi un diagnostic positif à la COVID-19. Elle a refusé catégoriquement de se faire traiter à l’hôpital. Tout ce que je peux faire, c’est prier – prier pour que « le Dieu de toute consolation » (2 Co 1.3) réconforte cette famille endeuillée. Je n’arrive pas à trouver les mots qui peuvent atténuer leur douleur. Alors je prie. Je prie pour que « l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables » (Rm 8.26). Je prie pour que Matthew, ainsi que tous ceux qui, à l’échelle mondiale, ont été infectés et affectés par la COVID-19, ne s’affligent pas « comme les autres qui n’ont point d’espérance » (1 Th 4.13). Au moment où j’écris ces lignes, plus de 15 millions de personnes ont été infectées dans le monde, et plus de 600 000 décès sont imputables au coronavirus mortel. La pandémie de COVID-19 a pris le monde d’assaut, avec des vagues d’incertitude qui secouent les vies partout. Mais notre sauveur peut marcher sur l’eau ! Il calme les vents et les vagues de notre agitation et de nos angoisses, et nous invite à faire l’expérience d’une paix qui dépasse toute compréhension. Au cœur même de la tempête, il dit : « Silence ! tais-toi ! » (Mc 4.39) Un jour, notre Seigneur triomphant nous donnera des sièges aux premières loges pour assister à sa victoire tant attendue – la mort de la Mort elle-même. Alors nous chanterons : « La mort a été engloutie dans la victoire. Ô mort, où est ta victoire ? Ô mort, où est ton aiguillon ? » (1 Co 15.54,55) 1 2
« Docteur » en swahili. Les noms dans cet article sont des pseudonymes.
Frederick Kimani est médecin consultant à Nairobi, au Kenya.