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La course à l’hydrogène vert

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Interview

Cédric Philibert

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La course à l’hydrogène vert

Face à l’urgence climatique, les projets de production foisonnent du Maroc à l’Afrique du Sud, en passant par Djibouti. Le continent dispose des ressources nécessaires pour devenir un acteur majeur dans ce secteur novateur. par Cédric Gouverneur

L’hydrogène. C’est l’une des solutions les plus prometteuses pour assurer la transition énergétique vers une économie mondiale libérée des émissions de carbone, et limiter au maximum le réchauffement climatique. À la condition impérative que l’extraction du dihydrogène (H2) par électrolyse s’effectue non pas avec des énergies fossiles, mais au moyen d’énergies renouvelables ! C’est ce que l’on dénomme « hydrogène vert » (propre), par opposition à « hydrogène gris » (émetteur de CO2) [voir l’interview de Cédric Philibert pages suivantes]. Cet élément, qui est le plus répandu sur Terre – il est présent dans chaque molécule d’eau –, peut être employé pour l’industrie, dans les engrais et les transports. Deux premières voitures à hydrogène (la Toyota Mirai et la Hyundai Nexo, encore très onéreuses) sont sur le marché. À Paris, la société Hype, qui fait rouler des taxis à hydrogène depuis 2015, ambitionne de déployer une flotte de près de 10 000 véhicules pour les Jeux olympiques de 2024.

Le transport aérien – pointé du doigt pour ses rejets de CO2 – travaille aussi à développer ses avions. Airbus planche ainsi sur une « aile volante » de 100 mètres d’envergure, qui ne rejetterait que de la vapeur d’eau : l’appareil compenserait sa vitesse laborieuse (prévoir une quinzaine d’heures pour un vol transatlantique en 2035, contre sept aujourd’hui avec un long-courrier fonctionnant au kérosène…) par un confort accru, digne d’un paquebot de croisière. Idéalement, l’aviation commerciale pourrait se trouver décarbonée vers 2050 !

Idéalement, l’aviation commerciale pourrait se trouver décarbonée vers 2050 !

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Le nouveau contexte géopolitique accroît également l’appétence pour l’hydrogène : depuis le début de la guerre en Ukraine en février, les Occidentaux explorent toutes les pistes pour s’affranchir du gaz et du pétrole du Kremlin… Or, l’Europe n’a ni l’ensoleillement, ni le vent, ni même les surfaces suffisantes pour produire assez d’hydrogène afin de répondre à ses besoins. À l’inverse, l’Afrique dispose de déserts côtiers où installer des usines de dessalement d’eau de mer, d’un ensoleillement record pour charger les panneaux photovoltaïques, et de grands espaces peu peuplés pour dresser des parcs solaires et éoliens (du fait de la forte densité de population en Europe, l’esthétisme des installations d’énergie renouvelable commence à faire débat…).

En mai, six pays du continent (le Maroc, l’Égypte, la Mauritanie, l’Afrique du Sud, la Namibie et le Kenya) ont ainsi formé l’Africa Green Hydrogen Alliance. Lors du World Power-to-X Summit, organisé en juin dernier à Marrakech par l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN), en partenariat avec l’Université Mohammed IV Polytechnique, le Maroc a d’ailleurs confirmé son ambition de produire de l’hydrogène dès 2025, avec des partenaires allemands et néerlandais. Alger – sur fond de rivalité avec Rabat – n’est pas en reste : plusieurs responsables ont réitéré dans les médias l’intérêt du pays pour cette filière. L’Égypte a, elle, signé un protocole d’accord avec l’Arabie saoudite et la société Alfanar (qui dispose de panneaux solaires dans la région d’Assouan) pour un mégaprojet de 3,5 milliards de dollars, afin de produire de l’ammoniac vert et de l’hydrogène. Quant à la Mauritanie, elle a conclu fin mai un accord-cadre avec le groupe australien CWP Global, l’un des leaders de l’énergie solaire sur l’île-continent : baptisé AMAN,

ce mégaprojet de 18 gigawatts (GW) d’énergie éolienne et 12 GW d’énergie solaire devrait produire, d’ici 2030, par dessalement puis électrolyse de l’eau de mer, 10 millions de tonnes d’ammoniac ou 1,7 million de tonnes d’hydrogène dans les régions de Dakhlet Nouâdhibou et d’Inchiri. À l’autre bout du continent, l’Afrique du Le nouveau Sud – important pollueur contexte en raison de ses centrales géopolitique à charbon – entend accroît aussi employer l’hydrogène afin de décarboner l’appétence pour son économie. Avec cet élément. des partenaires publics et privés allemands, Pretoria veut ouvrir, dans la province du Cap-Nord, une usine de 10 GW afin de produire un demi-million de tonnes d’hydrogène par an d’ici 2030, à un coût compétitif estimé à 1,60 dollar le litre. Qui plus est, le géant minier d’Afrique australe est le premier producteur mondial de platine : or, ce métal rare à l’échelle mondiale entre, avec le cuivre, dans la fabrication des électrodes afin Grandement désertique et bordée par l’Atlantique, la Namibie est sur les rangs. de procéder à l’électrolyse de l’eau. Grandement désertique et bordée par l’Atlantique, la Namibie – qui achète la majeure partie de son électricité à son voisin sud-africain – mise aussi sur l’hydrogène : à l’exemple de la Mauritanie, elle veut installer des usines de dessalement, alimentées en électricité par des panneaux photovoltaïques, puis électrolyser cette eau pour en extraire le dihydrogène. Le consortium franco-allemand Hyphen Hydrogen Energy va ériger sur la côte, à Tsau Khaeb, un complexe industriel de près de 10 milliards de dollars, qui pourrait dès 2026 produire 2 GW, puis 5 GW d’énergies renouvelables (éolien et solaire), et 300 000 tonnes d’hydrogène et d’ammoniac, dont une partie pourrait être exportée

à travers le monde via le port voisin de Lüderitz. Les autorités de Windhoek espèrent ainsi créer 18 000 emplois directs, dont 3 000 permanents. Quant au Kenya, la secrétaire d’État à l’Énergie Monica Juma a affirmé en juillet l’objectif du pays d’atteindre la neutralité carbone dès 2030, notamment grâce à l’hydrogène.

Du côté de Djibouti – pas encore membre de l’Africa Green Hydrogen Alliance –, un accord-cadre a été conclu en juillet dernier avec le groupe australien Fortescue Future Industries afin de produire de l’hydrogène et de l’ammoniac à partir d’énergies renouvelables (solaire, éolien et géothermie), à Obock et au nord-Ghoubet. L’État pivot de la Corne de l’Afrique, qui importe la majeure partie de son électricité, entend devenir autosuffisant, avec 100 % d’électricité renouvelable : « Djibouti ne veut pas manquer ce moment historique où l’hydrogène vert devient le carburant de la transition énergétique », a déclaré en juillet le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Yonis Ali Guedi.

Mais l’Afrique n’est pas la seule à s’intéresser à sa production. En Amérique du Sud, le Chili – avec son désert côtier et un solide secteur industriel… – est logiquement sur les rangs. Et surtout, les pays du Golfe, qui voient leurs bénéfices exploser depuis l’invasion russe, en raison de l’envolée des prix pétroliers, entendent réinvestir une partie de cette gigantesque manne (1 300 milliards de dollars attendus d’ici 2026 !) dans leur propre transition énergétique, et notamment dans des usines d’hydrogène. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et leur grand rival, le Qatar, sont en compétition pour s’imposer comme leader du secteur dans les toutes prochaines années. La course à l’hydrogène démarre à peine, et la concurrence sera rude. ■

LES CHIFFRES

56 % des commerces et des entreprises du Kenya préfèrent que leurs clients paient avec leur téléphone (contre 14 % au Nigeria et 7 % en Afrique du Sud), selon VISA. Avec M-Pesa, le pays est depuis 2007 le pionnier mondial du paiement mobile.

2,7 MILLIARDS DE DOLLARS, C’EST LA SOMME LEVÉE PAR LES START-UP AFRICAINES LES CINQ PREMIERS MOIS DE 2022, CONTRE 1,2 MILLIARD LORS DE LA MÊME PÉRIODE EN 2021.

23 prêts

contractés par 17 pays africains ont été annulés par la Chine, montrée du doigt pour creuser la dette du continent.

10 MILLIARDS DE FRANCS CFA,

C ’ EST LE MONTANT DES IMPÔTS PAYÉS VIA LES TÉLÉPHONES DES CONTRIBUABLES AU CAMEROUN EN 2021.

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