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Fanta Dramé

L’ÉCRIVAINE FRANÇAISE ENQUÊTE SUR

ses origines dans un premier roman intime, préfacé par Faïza Guène. Elle retrace le périple d’émigration de son père, depuis la Mauritanie jusqu’en France dans les années 1970. par Astrid Krivian n la retrouve dans un café du quartier de Belleville, où elle a grandi. Fanta Dramé se souvient des beignets et des jus de bissap préparés par sa grand-mère, qu’elles vendaient dans les foyers de travailleurs immigrés, à quelques encablures. La mémoire familiale est la pierre angulaire de sa démarche littéraire. Son premier roman, Ajar-Paris, retrace le parcours d’émigration de son père Yely, depuis Ajar, en Mauritanie, en passant par le Sénégal, où il rencontre sa future épouse, jusqu’à sa traversée de la Méditerranée vers Paris, en 1975. « On parle toujours des immigrés, terme devenu péjoratif, à partir de leur point d’arrivée, et non pas de leurs racines », regrette la jeune plume, née en 1987. Sirotant un Coca-Cola – « une addiction » –, elle revient sur l’événement déclencheur de l’écriture. En se rendant aux obsèques de sa grand-mère en Mauritanie, en 2013, Fanta Dramé foule pour la première fois la terre d’origine de ses ancêtres. À Ajar, commune reculée, où le temps semble s’être arrêté, la Parisienne affairée éprouve un choc culturel. Une foule de questions l’assaille alors : « Comment mon père a-t-il réussi à quitter un village, un pays, un continent, pour tenter sa chance en France, à Paris, soit deux mondes opposés ? C’est un parcours peu ordinaire : quitter son pays est un déchirement. Or, pour lui, devenu chef de famille très jeune à la mort de son père, émigrer était le chemin classique pour gagner son pain, faire vivre les siens. »

Carnet et stylo à la main, elle enquête, creuse son « archéologie familiale », questionne son père sur son histoire, méconnue de ses enfants. Diplômé d’études coraniques au Sénégal, Yely a travaillé en France en tant qu’éboueur, apprenant le français lors de cours du soir. Parfois, face à sa pudeur, aux silences recouvrant les épreuves, l’autrice imagine, instille de la fiction.

L’écriture lui a permis de redorer le blason paternel. « Enfants, on grandit avec l’idée que nos parents sont moins bien que les autres. C’est absurde ! » Elle se sent aussi plus entière. « J’ai complété mon patrimoine identitaire. Et j’ai compris ce que signifie être née dans un pays dont on n’est pas originaire. » Ajar-Paris rend aussi hommage à toutes ces personnes issues de l’immigration postcoloniale, invisibilisées. « Selon Frantz Fanon, chaque génération a une mission. En tant qu’enfants d’immigrés, la nôtre est de rappeler que nos parents ont participé à l’histoire de France, et qu’ils doivent être intégrés dans le récit national. »

Ajar-Paris, Plon, 208 pages, 19 €.

Celle qui lit tout son soûl depuis l’enfance, des Harry Potter aux classiques, est une professeure de français épanouie, en collège d’une zone défavorisée, en Seine-Saint-Denis. Une vocation née en classe de cinquième, grâce à une enseignante inspirante. Après un master de lettres modernes, elle obtient le concours du Capes. Malgré les difficultés, Fanta Dramé transmet avec ferveur sa passion pour la littérature aux élèves : « Je crois en l’école de la République, en tant qu’ascenseur social. J’en ai bénéficié. » De toute façon, elle et ses frères et sœurs étaient « obligés de réussir » : « Mon père veillait à ce que l’on ait les mêmes droits que les autres. Grâce aussi à son soutien, je me suis épanouie à l’école. » Mon père, ce héros… ■

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