Volume VI, numéro 1, hiver 2009-2010
PUBLICATION OFFICIELLE DU RÉSEAU DES ALIMENTS ET DES MATÉRIAUX D’AVANT-GARDE
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Halte au sel! Le professeur Dérick Rousseau a peut-être trouvé un remède à la manie du sel des Canadiens. Page 17.
À L’INTÉRIEUR :
• Éliminer les phycotoxines ... page 11 • Un moyen de défense contre les biofilms ... page 14 • Favoriser la guérison des blessures ... 22
Sixième conférence scientifique annuelle de l’AFMNet Du mercredi 26 mai au samedi 29 mai 2010 Westin Nova Scotian, Halifax
Au plaisir de vous y rencontrer! Pour obtenir des renseignements concernant la programmation et l’inscription, veuillez vous rendre sur le site www.afmnet.ca, puis cliquer sur Conférence annuelle.
Au sujet des possibilités de commandites, veuillez communiquer avec Louise Jessup, directrice des communications de l’AFMNet, à louise.jessup@afmnet.ca.
Mot de bienvenue Volume VI, numéro 1, hiver 2009-2010 Publication officielle du Réseau des aliments et des matériaux d’avant-garde
Directrice de la rédaction Louise Jessup Rédacteur en chef Owen Roberts Coordonnatrice de projet et directrice associée Hayley Millard Adjointes à la coordination de projet Vanessa Perkins Anupriya Dewan Réviseure Stacey Curry Gunn Gestionnaire de projet Lise Smedmor
Directrice financière Jan Smith Translation Idem Translation, Quebec Adresse AFMNet Louise Jessup, directrice des communications 150, Research Lane, bureau 215 Guelph (Ontario), Canada N1G 4T2 Courriel : louise.jessup@afmnet.ca
Nous vous prions d’agréer, chers collègues et amis, nos sincères salutations. Directeur scientifique, AFMNet
Visitez le site Web de l’AFMNet au : www.afmnet.ca Les articles parus dans cette publication sont signés par des étudiants du programme Étudiants communiquant les liens et les avancées technologiques et scientifiques (ÉCLATS) de l’Université de Guelph, en Ontario, au Canada.
Président du conseil d’administration, AFMNet
Rickey Yada
Conception graphique JnD Marketing
Larry Milligan
Cette publication vise à favoriser le dialogue au sujet des recherches menées au Canada sur les aliments et les matériaux de pointe, ainsi qu’à en faciliter la compréhension.
Bienvenue au sixième numéro d’Advance, la publication officielle du Réseau des aliments et des matériaux d’avant-garde (AFMNet). Depuis la première parution d’Advance, il y a cinq ans, l’AFMNet est devenu un chef de file au chapitre de la recherche multidisciplinaire dans le domaine des nouveaux aliments et des biomatériaux. Nos chercheurs et leurs talentueuses équipes d’étudiants font des découvertes qui contribuent à orienter les politiques publiques, améliorent la santé des Canadiens et servent d’assises à de nouvelles entreprises. Dans ce numéro, vous découvrirez comment Rotimi Aluko utilise des peptides de pois afin de prévenir l’hypertension et les maladies du rein, comment Yoshinori Mine isole des peptides présents dans le jaune d’œuf pour réduire l’inflammation des intestins et comment les recherches de Spencer Henson et John Cranfield sur la perception qu’ont les consommateurs canadiens des aliments fonctionnels, des produits nutraceutiques et de l’étiquetage peuvent influer sur les politiques publiques. Nous vous présentons également de nouveaux domaines de recherche. Stephen Cunnane et Mélanie Plourde effectuent des recherches portant sur la capacité de l’huile de poisson à réduire les risques de déclin cognitif et de maladie d’Alzheimer. Dérick Rousseau se penche quant à lui sur de nouvelles façons de réduire notre consommation de sel en mettant au point des stratégies visant à réduire la teneur en sel des aliments et à modifier les éléments constitutifs du sel qui nuisent à la santé. Enfin, David Kitts élabore, au moyen d’une technologie de microencapsulation, des suppléments d’acide folique plus sécuritaires qui pourraient être bénéfiques pour les femmes enceintes. Nous espérons que vous apprécierez ce numéro et qu’il vous aidera à comprendre les importants progrès que le Réseau des aliments et des matériaux d’avant-garde a accomplis vers l’atteinte de son objectif, qui est de produire des résultats tangibles pour les Canadiens. Pour conclure, n’oubliez pas que vos commentaires sont toujours les bienvenus.
Larry Milligan Président du conseil d’administration, AFMNet
Postes-publications – numéro de convention 40064673 En cas d’impossibilité de livraison au Canada, veuillez retourner à : AFMNet, 150, Research Lane, bureau 215 Guelph (Ontario), Canada N1G 4T2
Rickey Yada Directeur scientifique, AFMNet
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COLLABORATEURS
Joey Sabljic
Étudiant de deuxième année en anglais et gourmet autoproclamé, Joey Sabljic a été élevé à Guelph, en Ontario, et sa croissance est due en majeure partie à la cuisine maison de sa grand-mère italienne. Maintenant que de nouveaux produits alimentaires enrichis arrivent sur le marché, les chercheurs peuvent déterminer si les gens adoptent les nouveaux aliments grâce à l’AFMNet Consumer Monitor. À lire en page 12.
Natalie Osborne
L’étudiante de deuxième année en science biomédicale Natalie Osborne, de Guelph, en Ontario, s’intéresse vivement au progrès médical. Elle n’a donc pas hésité lorsqu’on lui a demandé d’écrire au sujet d’une nouvelle forme de folate, une vitamine essentielle, qui pourrait aider à traiter des maladies neurologiques telles que le spina-bifida. Rendez-vous à la page 20 pour en savoir plus à propos de cette nouvelle technologie.
Andra Zommers
La réduction de l’apport en sel étant l’objet de l’article-vedette du présent numéro, les collaborateurs du programme ÉCLATS ont décidé d’inclure leur collation sans sel préférée à leurs notes biographiques, ci-dessous.
Andra Zommers, étudiante de quatrième année en développement international de Hamilton, en Ontario, a voyagé jusqu’en Asie du Sud-Est, où elle a assimilé la culture locale et échantillonné plusieurs espèces de poissons. Son article du présent numéro d’Advance se penche sur les diverses façons dont les gens métabolisent les huiles de poisson et sur les liens entre les poissons et la santé humaine. À lire en page 8.
Photo : Dave Peleschak
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Tous les articles du magazine Advance sont signés par des étudiants du programme Étudiants communiquant les liens et les avancées technologiques et scientifiques (ÉCLATS) de l’Université de Guelph. Le mandat d’ÉCLATS est de rédiger des résultats de recherche et de les diffuser de façon à intéresser le public. En 2009-2010, ÉCLATS fête ses 20 ans de rédaction, de photographie, de vidéographie et de production autour de la recherche.
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Vanessa Perkins
Avant de choisir Guelph, Vanessa Perkins, étudiante de troisième année au programme coopératif en psychologie de Newmarket, en Ontario, avait songé à des études de photographie. En tant que coordonnatrice photo du présent numéro, elle a maintenant l’occasion de réunir ses deux passions. Elle a aussi collaboré à un article sur les avantages des graines de lin dans un régime alimentaire équilibré. À lire à la page 21.
Johnny Roberts
Johnny Roberts, un étudiant de troisième année en théâtre, s’efforce depuis toujours de maintenir un régime riche en fruits et en légumes et pauvre en sodium. Toutefois, de nombreux Canadiens consomment chaque jour trop de sel provenant des aliments transformés, et sans même s’en rendre compte. Notre auteur de Chatham, en Ontario, nous décrit des travaux de recherche qui visent à réduire la teneur en sel de certains aliments transformés. À la page 17.
Katelyn Peer
L’étudiante de cinquième année en anglais Katelyn Peer, de Waterdown, en Ontario, est bien consciente de l’importance d’une bonne alimentation pour les longues heures d’étude ou pour jouer au volley-ball. Comme les œufs sont l’un de ses aliments préférés, Katelyn s’est intéressée à des chercheurs qui s’emploient à exploiter les propriétés de leurs peptides pour améliorer la santé de l’appareil digestif. Pour tout savoir sur ces nouveaux développements, allez à la page 13.
Carol Moore
Pour Carol Moore, étudiante de cinquième année en zootechnie de Sussex, au Nouveau-Brunswick, se mettre quelque chose de sucré sous la dent est un excellent moyen de prendre une pause au milieu d’un horaire chargé, à l’école comme au travail. C’est pourquoi elle a tenté de savoir comment un chercheur de l’Université de Guelph s’y prenait pour mettre au point un substitut de matière grasse sans gras trans pouvant être utilisé dans les produits de boulangerie. La réponse à la page 16.
Anupriya Dewan
Anupriya Dewan s’intéresse particulièrement à la recherche en santé, sans doute grâce aux connaissances qu’elle a acquises pendant ses études de premier cycle en science de la nutrition et nutraceutique. Maintenant en première année de maîtrise en naturopathie, cette étudiante de Brampton, en Ontario, s’est plongée dans les résultats de nouvelles recherches sur la génétique et les carences en vitamine C. À voir à la page 24.
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Table des matières
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Des étudiants deviennent des chercheurs alimentaires pendant une semaine
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Des huiles de poisson pour la maladie d’Alzheimer
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Les peptides : une prescription pour les problèmes de santé
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Des fibres résistantes et renouvelables dans la mer
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Éliminer les phycotoxines
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Les aliments fonctionnels : le point de vue des consommateurs
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Des peptides alimentaires provenant des œufs
13
Un moyen de défense contre les biofilms
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Ces peptides de pois font le poids
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Des gras plus sains à l’horizon
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À bas le sel!
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Le décodage de la boîte noire humaine pour une meilleure santé intestinale
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De nouvelles formes de folate
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Bien malin qui consomme des graines de lin
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Favoriser la guérison des blessures
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Des fruits frais encore plus frais, à commencer par les fruits à pépins
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Gènes et carences en vitamine C
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James Brylowski
Le programme Deviens un chercheur alimentaire pendant une semaine
Ouvrir les portes aux scientifiques en herbe
Le programme Deviens un chercheur alimentaire pendant une semaine de l’AFMNet a permis à Lindsay Bristow (à gauche) et Shyanne Kinnowatner de découvrir le laboratoire du professeur Ahmed El Sohemy.
Louise Jessup
Ce n’est pas tous les jours que de jeunes scientifiques, particulièrement des jeunes faisant partie d’une minorité ou habitant en région éloignée, ont l’occasion de passer du temps avec la crème des chercheurs travaillant à réaliser de toutes nouvelles percées dans le domaine des sciences alimentaires et de la nutrition. C’est maintenant possible grâce au nouveau programme Deviens chercheur alimentaire pour une semaine de l’AFMNet, dans le cadre duquel on jumelle de brillants élèves de niveau secondaire avec des membres du réseau. Ce programme est destiné aux élèves de 11e et de 12e année d’origine amérindienne, métisse ou inuite qui se montrent doués pour les sciences ou les sciences humaines et sont attirés par les sciences alimentaires et de la nutrition. Le gouvernement du Canada a reconnu que les étudiants autochtones étaient sous-représentés dans le secteur des sciences à l’université et soutient le programme afin d’éveiller en eux un intérêt
pour les études et professions scientifiques. Parmi les candidats inscrits, 12 élèves autochtones de niveau secondaire de l’Ontario, du Québec, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ont été sélectionnés. Ils ont passé toute leur semaine de relâche dans différents laboratoires universitaires au Canada afin de rencontrer des chercheurs dans leur milieu de travail. Lindsay Bristow de Winnipeg et Shyanne Kinnowatner du Nunavut ont passé du temps au laboratoire de nutriogénomique du professeur Ahmed El-Sohemy à l’Université de Toronto. Elles y ont appris certaines techniques de laboratoire, notamment l’isolation de l’ADN, le génotypage ainsi que le prélèvement d’échantillons. Les jeunes femmes ont également eu droit à une visite du campus de l’Université de Toronto ainsi que des laboratoires de conception et de développement d’aliments du Collège George Brown, en plus de rencontrer le chef David Wolfman de l’émission
Cooking with the Wolfman diffusée sur la chaîne APTN (Aboriginal Peoples Television Network). « Participer au programme Deviens un chercheur alimentaire pendant une semaine s’est avéré l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie. J’ai découvert différentes universités et un large éventail de carrières et de domaines de spécialité en recherche sur la nutrition », affirme Lindsay Bristow. Le programme Deviens un chercheur alimentaire pendant une semaine est soutenu par la Dre Verna Kirkness, membre de l’Ordre du Canada et défenseure de longue date de l’éducation aux Autochtones. « L’éducation est la clé de l’avenir des jeunes Autochtones du pays », déclare-t-elle. « L’occasion de devenir chercheur alimentaire pendant une semaine constitue un lien stimulant et important avec le vaste monde de la science. Le programme incitera les jeunes à considérer les sciences comme un champ d’études inspirant. » l
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Le poisson peut-il vraiment réduire les risques de maladie d’Alzheimer? Une équipe de chercheurs établit un lien entre maladie d’Alzheimer et dégradation des oméga-3 chez les porteurs du gène de l’ApoE4 Andra Zommers Le vieillissement de la population a amené les chercheurs à réexaminer les bienfaits des huiles de poisson et des importants acides gras oméga-3 qu’elles renferment. Les aliments riches en oméga-3 sont de plus en plus populaires auprès des consommateurs en raison de leurs nombreux effets bénéfiques sur la santé. Plusieurs données tendent ainsi à montrer que ces acides gras ont la capacité de réduire les risques de déclin cognitif et de maladie d’Alzheimer. Des chercheurs de l’Université de Sherbrooke au Québec estiment cependant que les oméga-3 sont loin d’être une panacée. Selon eux, certains profitent peut-être davantage des bienfaits des oméga-3 que d’autres. Selon le professeur Stephen Cunnane et la Dre Mélanie Plourde, du département de médecine
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de l’Université, le gène du régulateur du taux de cholestérol sanguin, l’apolipoprotéine E (ApoE), joue un rôle important dans le métabolisme des oméga-3. Des études pilotes réalisées par les chercheurs ont révélé que les porteurs du gène de l’isoforme ApoE4 ne métaboliseraient pas les acides gras oméga 3 de la même façon que les porteurs du gène des isoformes E2 ou E3. Cette particularité pourrait expliquer le risque accru de déclin cognitif chez les porteurs du gène de l’ApoE4. Ceux-ci présentent en effet le risque génétique connu le plus élevé de souffrir de la maladie d’Alzheimer. Environ la moitié des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont porteuses du gène de l’ApoE4, soit le double de la proportion de porteurs dans la population générale.
« Les personnes âgées qui consomment du poisson présentent normalement un moindre risque de déclin cognitif, explique Mme Plourde. Mais si elles sont porteuses du gène de l’ApoE4, manger du poisson ne les protège pas. » Cette découverte pourrait influer sur les choix alimentaires et les habitudes de vie des 20 à 25 pour cent de Canadiens porteurs du gène de l’ApoE4. Pour étudier de plus près le lien entre l’ApoE4 et la maladie d’Alzheimer, M. Cunnane et Mme Plourde suivent, dans le cadre d’une étude en cours, un nombre égal de porteurs et de non-porteurs du gène de l’ApoE4 qui ont reçu un diagnostic de troubles cognitifs légers. Les participants à l’étude reçoivent un marqueur de l’acide docosahexaénoïque (DHA)
Michel Caron
L’étudiante à la maîtrise Milène Vandal effectue des tests sur les acides gras oméga 3 afin de déterminer quels gènes les utilisent le mieux pour prévenir la maladie d’Alzheimer. qui suit les molécules d’oméga-3 dans le sang et retrace leur métabolisme et leur dégradation dans l’organisme. Chaque groupe se voit également administrer des suppléments d’acides gras oméga-3. Les chercheurs espèrent que les résultats de l’étude contribueront à combler les lacunes dans la compréhension des liens entre nutrition et déclin cognitif. Selon eux, les résultats contribueront également à orienter les stratégies d’intervention clinique et de santé publique relatives aux huiles de poisson. « Nous croyons que c’est la première fois qu’un groupe de chercheurs tente de voir ce qui distingue les personnes souffrant de troubles cognitifs légers sur la base du métabolisme des oméga-3 et du génotype de l’ApoE, affirme Mme Plourde. Si nous arrivons à comprendre pourquoi le métabolisme des oméga-3 s’effectue de façon différente chez les porteurs du gène de l’ApoE4, nous arriverons peut-être à mieux cibler les traitements. » Les chercheurs précisent que le génotypage de l’ApoE4 n’est pas un outil diagnostique et qu’il n’existe aucune stratégie de traitement ou de prévention liée à la lipoprotéine. Le génotypage peut cependant révéler un risque statistiquement supérieur ou une probabilité accrue de développer la maladie d’Alzheimer. Cela ne signifie pas pour autant que rien ne peut être fait pour diminuer les risques
de déclin cognitif. Les facteurs de risque considérés comme modifiables peuvent être gérés activement avec l’adoption de saines habitudes de vie. Selon M. Cunnane, le diabète de type 2 demeure le principal facteur de risque modifiable de la maladie d’Alzheimer. « Certaines populations semblent jouir de certains avantages d’ordre nutritionnel en ce qui a trait à la prévention de la maladie d’Alzheimer, et la consommation de poisson en est un, explique M. Cunnane. Le meilleur moyen de prendre soin de soi et de réduire les risques d’Alzheimer consiste toutefois à ne pas développer le diabète de type 2. On peut passer d’un état semi-diabétique à un état non diabétique en moins d’un mois. Il est donc possible de modifier ce facteur de risque. » Cette étude est menée en collaboration avec l’Université Laval, l’Université Cornell et le Conseil national de recherches du Canada. L’étude est financée par l’AFMNet, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil national de recherches en sciences naturelles et en génie, la Fondation canadienne pour l’innovation, le secrétariat du programme des Chaires de recherche du Canada, le département de médecine de l’Université de Sherbrooke, le Fonds de la recherche en santé du Québec et le Centre de recherche sur le vieillissement de l’Université de Sherbrooke. l
Peptides prometteurs Les peptides de poisson pourraient, à l’aide de la génétique, mener à un traitement médical personnalisé Carol Moore Le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires représentent trois importants problèmes de santé publique au Canada. Or, des études ont révélé que les protéines de poisson pourraient prévenir la progression de ces fléaux. Un groupe de chercheurs de partout au Canada a décidé de pousser davantage cette hypothèse en essayant de découvrir des peptides de poisson particuliers qui réduiront la prévalence de ces maladies et permettront des traitements plus personnalisés. André Marette, professeur au département de médecine de l’Université Laval et directeur scientifique de l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF) de cette même université, explore avec le professeur Tom Gill du Canadian Institute of Fisheries Technology de l’Université Dalhousie la possibilité d’utiliser des peptides de poisson particuliers afin d’améliorer la résistance à l’insuline et de réduire l’inflammation, deux causes reconnues de diabète et de maladies cardiovasculaires. Avec l’aide de Marie-Claude Vohl, professeure au département de sciences des aliments et de nutrition de l’Université Laval travaillant à l’INAF, ils essaient également d’identifier certains gènes touchés par ces maladies ainsi que des gènes particuliers qui réagissent au traitement à base de peptides. Ainsi, les patients pourraient recevoir des traitements plus ciblés et personnalisés. « Cette recherche constitue la suite logique de travaux précédents qui ont révélé que les protéines du poisson amélioraient la sensibilité à l’insuline et réduisaient les complications métaboliques liées à la résistance à l’insuline », déclare M. Marette. Les chercheurs feront une analyse préliminaire des protéines et des peptides de poisson pour détecter Suite page 10
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Suite de la page 9 toute activité biologique au sein de cultures cellulaires modèles (myocytes, cellules adipeuses et cellules endothéliales) correspondant aux tissus atteints par l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Ils souhaitent ainsi arriver à déterminer les peptides qui réduisent activement l’inflammation de certaines cellules. Une fois les protéines analysées et les peptides cernés, des essais précliniques seront effectués sur des modèles animaux (des souris) avec l’aide de Roger McLeod, professeur à l’Université Dalhousie. L’objectif des essais précliniques est de déterminer quels peptides agiront in vivo. Cette étape donnera aux chercheurs une bonne idée de l’action des peptides sur les humains et du potentiel qu’ils présentent pour le traitement des maladies cardiovasculaires et du diabète liés à l’obésité. Les essais cliniques et études pratiques seront menés par le Dr John Weisnagel et Hélène Jacques, professeure à l’Université Laval, avec la collaboration de Bruce Holub et de Spencer Henson, professeurs à l’Université de Guelph, ainsi que du Dr Jiri Frohlich de l’Université de la Colombie-Britannique. La participation de diverses disciplines scientifiques aux travaux de recherche permettra une évaluation à large spectre de l’effet des peptides sur la santé des êtres humains. Lors du tri génétique, des gènes particuliers peuvent être cernés, puisqu’ils sont touchés par une maladie. Un gène malade qui réagit au traitement à base de peptides pourrait indiquer la possibilité d’élaborer des traitements médicaux plus ciblés et personnalisés.
Une source inexploitée de fibres résistantes dans l’océan
Une grande variété d’espèces de poissons sera examinée afin de découvrir comment les peptides de différentes espèces agissent sur les cellules. Il se peut que les protéines de certaines espèces traitent un aspect du syndrome cardiométabolique et non un autre, ce qui pourrait mener à l’élaboration d’une gamme de produits à base de poisson conçus spécialement pour traiter certaines maladies. « Cette étude entraînera des recommandations alimentaires plus personnalisées », affirme M. Marette. « Elle pourrait également engendrer une nouvelle variété de nutraceutiques. » En collaboration avec Allan Paulson, professeur de l’Université Dalhousie, et Dérick Rousseau, professeur de l’Université Ryerson, l’équipe a pour objectif d’ajouter les peptides de poisson ciblés à des aliments fonctionnels. Il se pourrait que les résultats de l’évaluation des peptides ne soient pas homogènes, étant donné que les réactions peuvent différer d’une personne à l’autre. Cela dit, les chercheurs feront en sorte que les échantillons choisis pour les essais cliniques représentent adéquatement la population canadienne de façon à pouvoir confirmer les allégations de l’industrie alimentaire selon lesquelles les peptides de poisson contribueraient à réduire l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Ce projet est financé par l’AFMNet, les Instituts de recherche en santé du Canada, l’Association canadienne du diabète, la Fondation canadienne pour l’innovation et le programme stratégique de subventions pour les pêches du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. l
Andra Zommers
Danny Abriel
Le professeur Tom Gill (notre photo) collabore avec le professeur André Marette à l’étude des peptides de poisson pour le traitement du diabète et des maladies cardiovasculaires.
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Du sac à ordures au tube de dentifrice, les produits pétrochimiques font partie intégrante de notre quotidien. Ainsi, l’inquiétude croissante exprimée par rapport à l’épuisement des réserves mondiales de pétrole brut entraîne-t-elle le besoin de nouvelles sources renouvelables de matériaux à haute performance. Selon une équipe de chercheurs de l’Université de Guelph, un animal marin nommé la myxine, ou plutôt son mucus, fournirait une solution de remplacement. L’équipe, dirigée par Douglas Fudge, professeur au département de biologie intégrative, a découvert que les fibres protéiques contenues dans le mucus de la myxine pouvaient être transformées en fils étonnamment polyvalents. Elles sont plus extensibles que les fibres synthétiques Kevlar et presque aussi résistantes que la soie d’araignée; c’est l’une des matières les plus résistantes que nous connaissions. La myxine produit un mucus fibreux qu’elle utilise comme mécanisme de défense. Lorsqu’elle se sent menacée, elle sécrète de petites quantités de mucus qui, au contact de l’eau salée, se dilate pour former un grand cocon qui décourage le prédateur. Pour transformer les fibres en fils soyeux, on les étire dans l’eau avant de les sécher. Ce processus leur confère la capacité d’absorber de grandes quantités d’énergie sans se casser. M. Fudge affirme que le mucus de myxine a le potentiel de remplacer les matériaux pétrochimiques traditionnels comme le nylon, le polyéthylène et le polypropylène, ce qui représente les deux tiers du marché de la fibre industrielle. « Tôt ou tard, il n’y aura plus de pétrole, ou celui-ci sera extrêmement cher », déclare M. Fudge. « Si nous arrivons à créer une fibre pouvant vraiment contribuer à réduire notre dépendance aux matériaux pétrochimiques, tout le monde y gagnera. » L’équipe de recherche explore actuellement des méthodes de reproduction artificielle des fibres et utilise déjà un processus breveté pour produire des fils semblables à de la soie à partir des fibres naturelles. L’équipe espère parvenir à mettre au point une méthode de production à grande échelle; il lui faudra d’abord surmonter des obstacles tels que le problème de l’enroulage des fibres protéiques.
Les collaborateurs de recherche de l’Université de Guelph sont Todd Gillis, professeur, et Atsuko Negishi, boursière de recherches postdoctorales au département de biologie intégrative, LoongTak Lim, professeur au département de science alimentaire, ainsi que Timothy Vinegard et Julia Herr, étudiants de troisième cycle. L’équipe compte également deux chercheurs de l’Université Dalhousie : Laurent Kreplak et Andrew Gilyan, professeurs au département de sciences physiques et atmosphériques. Ce projet est financé par l’AFMNet et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. l
Selon le professeur Doug Fudge (à droite), Timothy Vinegard, étudiant de troisième cycle (au centre), et Atsuko Negishi, boursière de recherches postdoctorales, le mucus de myxine pourrait produire une fibre renouvelable aux propriétés excellentes.
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Destruction des phycotoxines avant qu’elles pénètrent dans la chaîne alimentaire Carol Moore
Les mollusques sont certes nutritifs, mais ils peuvent avoir des effets potentiellement nocifs. Dans certains cas rares mais graves, l’ingestion d’une puissante neurotoxine produite par une diatomée marine, l’acide domoïque ou phycotoxine amnestique, a provoqué la perte permanente de la mémoire et même la mort. Un groupe de chercheurs de l’AFMNet de l’Université Dalhousie étudient maintenant une bactérie capable de détruire la phycotoxine qui se retrouve dans le tube digestif des mollusques. Tom Gill, professeur au département des sciences appliquées et de génie des procédés, travaille avec son équipe à isoler la bactérie de mollusques qui contiennent de l’acide domoïque, comme les moules bleues et la mye à carapace molle. Ils examinent les bactéries à la recherche de celle qui sera apte à décomposer l’acide domoïque; il s’agira ensuite d’encapsuler les souches bactériennes pour en nourrir les mollusques contenant de l’acide domoïque et vérifier si l’on peut ainsi parvenir à dégrader la toxine nocive. Dans le cadre d’une recherche menée sur la phycotoxine paralysante, un autre groupe de biotoxines marines, M. Gill avait déjà identifié des bactéries issues de la moule bleue et de la mye à carapace molle capables de décomposer les puissantes neurotoxines en l’espace de un à trois jours. L’idée d’appliquer cette découverte à l’acide domoïque vient d’une recherche
menée en 1998 par Jim Stewart, du ministère des Pêches et des Océans. La phycotoxine amnestique se lie et s’accumule dans les tissus des mollusques. Quand elle est ingérée par l’être humain, elle se lie aux récepteurs du glutamate, des cellules neuronales qui, en temps normal, lient le glutamate et servent d’importants neurotransmetteurs qui induisent la décharge des neurones, mécanisme essentiel au fonctionnement cellulaire et nerveux. Quand la phycotoxine amnestique se lie aux récepteurs du glutamate plutôt qu’au glutamate, les neurones ont une réaction excitatrice qui déclenche un afflux de calcium dans la cellule neuronale. Ces fortes doses de calcium peuvent nuire à l’homéostasie cellulaire, provoquant la mort de certains neurones et, par conséquent, annihilant leur capacité de décharge. Si les neurones ne sont pas capables de décharger, il peut s’ensuivre une perte de mémoire permanente ou la mort. Actuellement, il n’existe pas d’antidote à la phycotoxine amnestique, mais les résultats des essais en cours laissent croire que l’équipe de l’Université Dalhousie est sur une piste. M. Gill emploie la chromatographie liquide à haute performance pour faire le suivi de la dégradation de l’acide domoïque provoquée par la bactérie dans des éprouvettes et dans les tissus de mollusques. Il cherche à créer un
mode pratique et commercialisable d’encapsulation de la puissante bactérie. Il serait ensuite possible d’en nourrir les mollusques contaminés par la phycotoxine amnestique afin de les rendre sûrs pour la consommation humaine. « Nous cherchons la formule magique qui permettra de protéger la population de la toxine », explique Carrie Donovan, associée de recherche et ancienne étudiante de M. Gill au deuxième cycle. « Nous voulons cibler des souches bactériennes capables de détruire les toxines en l’espace de un à trois jours après l’ingestion par le mollusque contaminé. » Rafael Garduno, enquêteur de réseau, Carrie Donovan et Elizabeth Garduno, membres de l’équipe de recherche hautement spécialisée, et John Batt, directeur d’Aquatron comptent au nombre des chercheurs et collaborateurs mis à contribution dans le projet de l’Université Dalhousie. Ils travaillent avec Susan Shaw, directrice à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Doug Bertram, présidentdirecteur général de Innovative Fisheries Products inc., et Bruce Hancock, directeur de Country Harbour Sea Farms. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
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Et le résultat du sondage est... AFMNet Consumer Monitor permet de mieux cerner les comportements des consommateurs et de dégager des tendances Joey Sabljic Dean Palmer
Les professeurs John Cranfield (à gauche) et Spencer Henson étudient ce que les consommateurs pensent de certains produits alimentaires afin de dégager les tendances du marché.
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Les fabricants de nouveaux aliments fonctionnels ont besoin de connaître la réaction des consommateurs à leurs produits. Pour leur venir en aide, les chercheurs de l’Université de Guelph mettent sur pied un groupe témoin de consommateurs afin de faire un suivi de la perception et du degré d’acceptation de ces produits et d’aider les fabricants à prendre des décisions d’affaires éclairées. Les professeurs John Cranfield et Spencer Henson du département d’économie de l’alimentation, de l’agriculture et des ressources ont recruté 5 000 personnes en Ontario pour faire partie du groupe témoin de consommateurs, appelé AFMNet Consumer Monitor. Au total, 20 000 personnes participent à ce projet à l’échelle du pays. Les chercheurs veulent cerner les comportements et les perceptions des consommateurs en matière d’alimentation, de régimes et de santé. Ils cherchent également à savoir comment sont perçues les dernières innovations alimentaires et dans quelle mesure les consommateurs peuvent changer leurs habitudes alimentaires. « Nous voulons savoir ce qui influe sur les attitudes afin d’analyser les tendances et de transmettre ce savoir aux parties intéressées », explique John Cranfield. L’AFMNet Consumer Monitor consiste en un groupe témoin longitudinal, ce qui permet aux deux professeurs de mesurer l’évolution de la réponse des gens au même sondage pendant une période donnée. Ils peuvent ainsi établir des liens entre les tendances socio-économiques et les données recueillies sur l’attitude des consommateurs envers les dépenses en alimentation, leur confiance dans les fournisseurs de produits alimentaires locaux et la modification de leur régime alimentaire. John Cranfield ajoute que Spencer Henson et lui arrivent à mieux connaître les préférences des consommateurs au moyen de questions spécifiques sur ces préférences et de questions hypothétiques. Dans le cas des questions spécifiques, les répondants doivent choisir parmi diverses options. Les questions hypothétiques, pour leur part, exigent des répondants qu’ils prennent une décision selon le scénario présenté. On demande par exemple aux participants s’ils choisiraient d’emblée d’acheter des aliments et des boissons enrichis d’omega-3 plutôt que des compléments d’omega-3. Vingt-cinq pour cent plus de répondants ont répondu par l’affirmative. Dans un sondage sur l’aptitude des gens à changer leur régime alimentaire, les chercheurs ont découvert que les hommes étaient beaucoup moins disposés à le faire que les femmes. En effet, selon l’étude, les femmes de plus de 35 ans étaient beaucoup mieux renseignées sur les régimes alimentaires sains que les hommes de leur âge. En outre, les hommes de plus de 35 ans étaient beaucoup moins renseignés que les femmes du même groupe d’âge sur les questions de santé personnelle. « Grâce à cette information, nous pouvons conclure qu’informer les hommes représente un des points à privilégier, déclare M. Cranfield. Les entreprises pourraient alors cibler les hommes dans le cadre de leur campagne de marketing d’aliments sains et fonctionnels. » Les professeurs prévoient explorer les occasions commerciales et de collaboration que représente l’AFMNet Consumer Monitor et ce que signifie pour les intéressés chaque tendance décelée dans l’attitude des consommateurs envers les innovations alimentaires. Forts de ces connaissances, les intervenants pourront prendre des décisions d’affaires mieux informées et modifier leurs politiques selon les plus récentes tendances observées chez les consommateurs. Cette recherche est financée par l’AFMNet. l
De l’aide pour contrer l’inflammation du côlon Des chercheurs ont isolé un peptide qui peut atténuer les effets des maladies intestinales chroniques Katelyn Peer l’inflammation en l’espace de cinq jours. Bien que ces peptides constituent un moyen sûr et complet de réduire l’inflammation du côlon, ils doivent être isolés des protéines d’œufs, car il nous est impossible de les assimiler dans le cadre d’un régime alimentaire normal. C’est à ce chapitre que Santé Bioactives ltée peut jouer un rôle de premier plan. Cette initiative englobe de nombreuses disciplines. À l’Université de Guelph, M. Ming Fan du département des sciences animales et aviaires, et ses étudiants au doctorat Chengbo Yang, Dale Lackeyram et Tania Archbold participent également à cette recherche. Également de Guelph, l’associée de recherche de M. Mine, Jennifer Kovacs-Nolan, les étudiantes au doctorat Denise Young et Hua Zang et la boursière postdoctorale Suzanne Feng du département des sciences de l’alimentation prennent également part au projet. Parmi les autres collaborateurs, citons notamment : Max Hincke de l’Université d’Ottawa, Edwin Wang du Conseil national de recherche à Montréal, Rotimi Aluko de l’Université du Manitoba, Bertrand Chay Pak Ting et Yves Pouliot de l’Université Laval, Robert Hancock de l’Université de la Colombie Britannique, Toshiro Matsui de l’Université Kyushu (Japon), Françoise Nau de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) en France et Rong Cao, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
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Egg Farmers of Ontario
L’inflammation chronique des intestins, affection plus fréquente au Canada que dans le reste du monde, peut évoluer en maladie intestinale inflammatoire (MII), en colite ou en maladie de Crohn. Actuellement, 1 Canadien sur 200 souffre d’une MII et 10 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. La MII expose également ceux qui en sont atteints à des risques de cancer et d’hypertension artérielle, au diabète, à des problèmes cardiovasculaires et à des allergies. Mais la médecine n’a pas dit son dernier mot. Des chercheurs de l’Université de Guelph ont été les premiers à détecter des acides aminés et des peptides dans les œufs susceptibles d’atténuer considérablement l’inflammation du côlon. Ils élaborent actuellement des produits à base de ces peptides et de ces acides aminés à l’intention du grand public. Une équipe dirigée par M. Yoshinori Mine, professeur au département des sciences de l’alimentation, affirme que cette percée a entraîné la collaboration de plusieurs autres universités canadiennes et la création de la société Santé Bioactives ltée, encadrée par l’AFMNet, afin de soulager les personnes atteintes de la MII. « Notre objectif est de réunir tous les grands esprits du domaine sous un même toit, affirme M. Mine. Nous franchissons les barrières du laboratoire pour faire travailler tout le monde ensemble. » L’équipe de M. Mine a d’abord testé les acides aminés (cystéine et tryptophane) et les peptides provenant des œufs sur des cellules intestinales cultivées en laboratoire. Après avoir isolé les propriétés antiinflammatoires, les chercheurs ont mené des tests sur des porcs, car leur tractus gastro-intestinal est presque identique à celui de l’être humain. Ils ont découvert que les porcs atteints d’une légère inflammation temporaire du côlon qui avaient ingéré de la cystéine, du tryptophane ou des peptides avaient réussi à éliminer
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La lutte contre les biofilms bactériens s’intensifie Natalie Osborne Les colonies bactériennes qui se forment à la surface du matériel de transformation des aliments présentent de graves risques pour la santé des consommateurs, comme l’a montré la crise de la listériose qui a emporté 21 Canadiens l’an dernier. Ces ensembles complexes, appelés biofilms, sont difficiles à détecter et leur formation difficile à prévenir. Une fois qu’ils sont bien installés, il est quasi impossible de les déloger. Une équipe multidisciplinaire de chercheurs de partout au Canada, dirigée par John Dutcher, professeur au département de physique de l’Université de Guelph, a décidé de s’attaquer au problème des biofilms dans l’industrie alimentaire. L’équipe utilise de l’équipement faisant appel aux nanotechnologies pour étudier la survie des cellules bactériennes sur les surfaces et pour mettre à l’essai d’éventuelles méthodes
Les chercheurs mettent au point un moyen de défense plus efficace contre les biofilms bactériens qui peuvent se former à la surface du matériel de transformation des aliments.
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d’enlèvement et de prévention. « Par notre façon d’aborder ces problèmes, nous nous écartons de l’approche traditionnelle en microbiologie, explique M. Dutcher. Un physicien, un chimiste et un mathématicien envisagent tous la question d’un point de vue différent, et notre travail consiste à réunir ces différentes façons de voir les choses afin de nous attaquer collectivement au problème des bactéries. » Les cellules bactériennes colonisent presque toute surface en contact avec des nutriments et de l’eau. Elles fabriquent des biofilms visqueux qui protègent les cellules de l’action des agents antimicrobiens comme l’eau de Javel. Les méthodes conventionnelles de stérilisation du matériel de transformation des aliments ne sont donc pas efficaces contre les biofilms.
Pour comprendre la structure des biofilms à l’échelle moléculaire, l’équipe de M. Dutcher a recours à un large éventail de techniques expérimentales et informatiques, dont un microscope à force atomique doté d’un mécanisme similaire à celui d’un tourne-disque. Un bras microscopique à l’extrémité relativement pointue se promène à la surface d’un échantillon. La pointe s’abaisse ou se soulève en réaction aux forces attractives ou répulsives à la surface. Le microscope peut ainsi « cartographier » les caractéristiques du biofilm. M. Dutcher expérimente également une version à l’échelle nano d’une technique appelée « fluage relaxation », généralement utilisée par les ingénieurs pour mesurer la réaction de matériaux de construction à un stress prolongé. Les chercheurs à l’œuvre dans le laboratoire de
M. Dutcher peuvent mesurer la résistance de la paroi cellulaire en enfonçant avec une force déterminée l’extrémité du bras microscopique dans une cellule pendant quelques secondes et en mesurant la profondeur à laquelle la pointe s’enfonce. L’essai de fluage-relaxation à l’échelle nano fournit des renseignements utiles sur la façon de s’attaquer à la structure et à la résistance des biofilms. De plus, les chercheurs fabriquent et testent des peptides antimicrobiens cationiques (PAC), composés qui pénètrent la barrière de protection moléculaire entourant les cellules bactériennes des microfilms. Les CAP seraient l’un des meilleurs traitements contre les colonies établies en raison de leur capacité à pénétrer dans les cellules bactériennes protégées par microfilm et à porter atteinte à leur intégrité. Une des prochaines étapes des travaux des chercheurs consistera à tester l’efficacité des CAP sur des colonies établies. Idéalement, il vaudrait beaucoup mieux empêcher la formation de biofilms que d’avoir recours à de coûteux processus de nettoyage. À cette fin, les travaux de l’équipe portent notamment sur les façons de décourager les colonies de proliférer sur des surfaces telles que l’acier inoxydable en identifiant et en testant des composés antibiofilms comme les CAP. Les chercheurs se pencheront
également sur les effets de la modification des paramètres environnementaux du biofilm – température, pH, taux d’humidité relative et quantité de nutriments – sur la survie des cellules bactériennes. « Il s’agit réellement d’une approche moléculaire visant à mieux comprendre les biofilms. Que nous étudiions la réaction des molécules à l’aide de techniques évoluées, simulions leur comportement par ordinateur ou testions des produits visant à empêcher la formation de biofilms, tout ce que nous faisons se déroule à l’échelle nano. » Hermann Eberl, professeur au département de mathématique et de statistique, Chris Gray, professeur au département de physique, et Cezar Khursigara, professeur au département de biologie cellulaire et moléculaire, tous trois de
l’Université de Guelph, participent également au projet. Y collaborent également les professeurs : Lori Burrows, département de pathologie et de médecine moléculaire de l’Université McMaster, Bob Hancock, département de microbiologie et d’immunologie de l’Université de la ColombieBritannique, David Pink, département de physique de l’Université St. Francis Xavier, Bruno Tomberli, département de physique et d’astronomie de l’Université de Brandon, Lisbeth Truelstrup Hansen, département des sciences et des technologies alimentaires de l’Université Dalhousie, et Gideon Wolfaardt, département de chimie et de biologie de l’Université Ryerson. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
De nouveaux progrès dans le domaine des peptides Les essais sur le traitement naturel de la tension artérielle passent des animaux aux humains
Les Aliments Maple Leaf
Joey Sabljic L’hypertension et les maladies du rein sont intimement liées, et pourtant les médicaments prescrits pour traiter l’hypertension ont souvent des effets indésirables sur la santé rénale. Or, on a démontré qu’une solution de rechange naturelle peut réduire de manière considérable l’hypertension et ralentir les maladies du rein. Cette solution pourrait bientôt atterrir sur les tablettes des pharmacies. Rotimi Aluko, professeur au département des sciences de la nutrition de l’Université du Manitoba, s’est penché sur la mise au point et l’essai de peptides de pois, soit des protéines hydrolysées, c’est-à-dire décomposées en petits fragments. Ces peptides réduisent l’hypertension en ciblant la rénine, enzyme jouant un rôle clé dans le maintien de la tension artérielle. « Nous tentons de déterminer si les peptides peuvent aider les gens aux prises avec des maladies rénales en retardant les effets et en aidant les malades à abaisser leur tension artérielle », explique le professeur Aluko. Dans le cadre de sa recherche, il est passé de l’éprouvette aux tissus vivants. Les résultats des essais effectués chez les animaux sont très prometteurs
au chapitre de la lutte contre les maladies rénales et l’hypertension. Les essais ont démontré que les peptides de pois ont permis une réduction importante de la pression artérielle. Rotimi Aluko a également observé que les animaux produisaient davantage d’urines, ce qui suggère une augmentation de la fonction rénale. Le professeur Aluko a entrepris les premiers essais sur des sujets humains volontaires souffrant de problèmes d’hypertension légers et non traités. On attend toujours les résultats. M. Aluko espère pousser plus loin sa recherche en sollicitant la participation de volontaires atteints d’une maladie rénale. Cette portion servira notamment à identifier et à purifier les peptides individuels qui permettent de lutter contre la maladie, de même qu’à les développer sous forme d’additif alimentaire ou de comprimé. Il s’attend à ce que ces efforts augmentent la viabilité commerciale du projet. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Fonds pour les Centres d’excellence du Manitoba. l
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Ne suivez pas le mouvement Le nouveau gras ne doit pas laisser fuir l’huile
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Carol Moore
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Un projet de recherche coopérative est en cours au pays pour trouver une solution de rechange plus saine et plus fonctionnelle aux gras trans, malsains, qui sont utilisés dans la transformation des aliments. Les professeurs Alejandro Marangoni de l’Université de Guelph et Gianfranco Mazzanti de l’Université Dalhousie – tous deux des scientifiques des produits alimentaires – collaborent avec le professeur David Pink, physicien de l’Université St. Francis Xavier, et le professeur Ben Newling, physicien de l’Université du Nouveau-Brunswick, pour analyser la structure cristalline des gras dérivés du colza et du soya. Ils cherchent à savoir comment l’huile circule dans la structure du réseau cristallin formé par les gras riches en acide stéarique et s’y lie. Ils cherchent également à déterminer les modifications physiques à apporter à ces gras plus sains afin d’obtenir les meilleurs produits possible lorsqu’ils sont utilisés comme éléments de stratification dans les pâtes feuilletées, comme les croissants et les pâtisseries danoises. « Les gras saturés entièrement hydrogénés ont la consistance de la cire solide, explique M. Marangoni. Notre objectif est de trouver une façon de fonctionnaliser ces gras pour en faire une substance capable de supporter le plissement et le mélange des gras durant la fabrication des aliments. Mais nous devons aussi empêcher l’huile de s’écouler du mélange de gras. » Alejandro Marangoni réalisera l’analyse des procédés de fabrication de ces matériaux au moyen d’un cristallisoir industriel au Centre de technologie alimentaire de Guelph. Il étudiera comment la taille des cristaux, la puissance des forces intermoléculaires (qui unissent les molécules) et la quantité de solides influent sur les caractéristiques des corps gras. Les chercheurs espèrent découvrir la meilleure façon d’utiliser la température et le mélange pour obtenir des propriétés optimales au moyen de ces matériaux bruts. Ils prévoient recouvrir les cristaux d’un surfactant, agent humidifiant qui réduit les tensions à la surface et modifie à la fois la taille des cristaux et leur interaction. « Mélanger le gras et l’huile transformerait un corps ayant la texture de la cire en une substance plus proche de la margarine ou d’une matière grasse, poursuit M. Marangoni. Mais il doit quand même demeurer solide. C’est là le hic. » L’huile de palme, importée de Malaisie, est couramment utilisée dans la transformation des aliments en raison de son bas prix, mais, selon Alejandro Marangoni, ce n’est pas le gras le plus sain ni le plus écologique qui soit, étant donné les distances parcourues pour sa commercialisation et la destruction de forêts tropicales pour la culture des palmiers. Trouver un gras de remplacement qui soit plus « vert » compte parmi les grands objectifs du projet. L’acide stéarique répond à toutes ces exigences. En plus d’être bon marché, il contient des gras dérivés du colza et du soya, ce qui permet d’utiliser des produits cultivés localement et d’ainsi réduire l’empreinte carbone de l’industrie alimentaire. Entièrement hydrogénés et sans acides gras trans, les gras riches en acide stéarique fonctionnalisés représentent également une solution de rechange plus saine pour les consommateurs. Ce projet est financé par l’AFMNet, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, le Conseil national de recherches en sciences naturelles et en génie et le programme des Chaires de recherche du Canada. l
La libération contrôlée permet de conserver un goût salé tout en réduisant le sodium Johnny Roberts Les Canadiens consomment deux fois plus de sel qu’ils ne le devraient, ce qui augmente le risque de problèmes de santé graves comme les maladies cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux. Le sel se cache dans les aliments préparés et transformés. En fait, près de 80 % du sel consommé par les Canadiens est contenu dans les aliments et les repas qu’ils achètent à l’épicerie et au restaurant. Donc, même lorsqu’on évite d’utiliser la salière, on peut très bien consommer beaucoup trop de sel. Dérick Rousseau, professeur au département de chimie et de biologie de l’Université Ryerson, a décidé de changer la situation. Il dirige un groupe de chercheurs canadiens financés par l’AFMNet qui élabore des stratégies visant à réduire la quantité de sel contenue dans les aliments transformés. Le chlorure de sodium (sel de table) est un produit peu coûteux et facilement accessible. Des quantités modérées de sodium contribuent à régulariser les fonctions vitales comme la régulation des fluides et de la tension artérielle. « Le sel est un minéral essentiel à notre santé, mais lorsqu’on le consomme en trop grande quantité, il peut avoir des effets très néfastes, affirme M. Rousseau. Nos travaux actuels visent à trouver une façon de conserver le goût de sel recherché dans les aliments transformés en utilisant de 25 à 30 % moins de sodium. » Le sel est également prisé par les fabricants de produits alimentaires. Il favorise l’appréciation sensorielle des aliments, puisqu’il agit sur la saveur et constitue un agent de conservation antimicrobien efficace. Il joue également un rôle important dans le processus de transformation de nombreux aliments comme le pain et le fromage. Néanmoins, l’hypertension est devenue un problème de santé majeur au Canada, notamment
en raison d’une consommation excessive de sel. L’hypertension peut augmenter le risque de nombreuses maladies, à savoir les accidents vasculaires cérébraux et les maladies cardiaques. Actuellement, plus de cinq millions de Canadiens souffrent d’hypertension à un degré plus ou moins élevé, principalement en raison d’une consommation excessive de sodium. Dans le système de soins de santé canadien, on dépense des milliards de dollars par année pour le traitement de l’hypertension et de ses conséquences sur la santé. M. Rousseau croit qu’une stratégie concertée de réduction du sel (apporter des changements volontaires à la teneur en sel des aliments transformés et informer les consommateurs, modifier les lois fédérales et utiliser de nouvelles technologies comme celles que conçoit actuellement son équipe) réduira la consommation moyenne de sodium et permettra au système de soins de santé canadien de réaliser des économies considérables. Au cours des dernières années, on a essayé par divers moyens de remplacer le sel ou d’en réduire la consommation. Ainsi, l’utilisation de substituts comme le chlorure de potassium et le chlorure de magnésium est relativement courante. Cependant, ces composés
présentent un problème sur le plan de la saveur, car ils confèrent également aux aliments un arrière-goût quelque peu amer. Au lieu de remplacer le chlorure de sodium dans les aliments, M. Rousseau et son équipe se serviront donc d’une méthode utilisée couramment dans l’industrie pharmaceutique, la « libération contrôlée ». Ce procédé devrait permettre aux papilles de percevoir un goût suffisamment salé dans les aliments, même si on en réduit la teneur en sodium. « Pour que notre recherche soit une réussite, nous avions besoin du soutien de l’industrie alimentaire, et nous l’avons eu jusqu’à maintenant, déclare-t-il. Nous produirons de réels avantages pour l’industrie des aliments transformés. » Cette recherche est financée en majeure partie par l’AFMNet, ainsi que par le Réseau canadien contre les accidents vasculaires cérébraux et deux partenaires de l’industrie. l
Le professeur Dérick Rousseau et Natasha Berry cherchent des moyens de réduire la teneur en sel des aliments transformés.
Ernesto DiStefano
Réduire le sel
Article-couverture
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À l’intérieur de la boîte noire humaine De nouvelles recherches pourraient nous aider à comprendre les bactéries intestinales afin d’améliorer santé et bien-être Carol Moore Les troubles chroniques comme la maladie intestinale inflammatoire ou la maladie cœliaque sont de plus en plus courants, et ce, probablement en raison d’un changement des habitudes alimentaires ou de l’augmentation du stress. Une équipe de chercheurs de partout au Canada s’est donc fixé comme principal objectif d’améliorer la qualité de vie des patients atteints de ces maladies chroniques tout en allégeant le fardeau économique qu’impose l’intensification des problèmes de santé. En effet, des scientifiques de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario mènent actuellement des recherches sur l’influence des interactions microbiennes et de la diète sur la santé intestinale et sur notre bien-être général. Ils s’inspirent des résultats et des renseignements tirés de recherches antérieures afin de mieux comprendre la relation entre notre alimentation et son incidence sur la santé de notre appareil digestif. Le professeur Brent Selinger, du département de sciences biologiques de l’Université de Lethbridge, travaille avec Doug Inglis et John Kastelic du Centre de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à Lethbridge, et avec Richard Uwiera, doctorant en médecine vétérinaire de l’Université de l’Alberta. Ils développent actuellement un nouveau modèle de porc afin d’étudier l’interaction des agents pathogènes et des probiotiques avec l’hôte et ses populations microbiennes intestinales. « L’intestin est comme une boîte noire, affirme le professeur Selinger. Nous travaillons sur la conception de nouvelles technologies et de nouveaux outils afin de décoder cette boîte noire et de mieux comprendre son fonctionnement. » Le modèle conçu par l’équipe albertaine reproduira l’intestin humain. Des techniques chirurgicales qui permettent de diviser des portions d’intestin fourniront aux chercheurs un modèle réaliste pour procéder à l’analyse des interactions
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est une technologie relativement nouvelle qui permet d’augmenter la vitesse de réaction des échantillons pouvant être analysés ainsi que leur nombre. L’équipe a également recours à des méthodes d’analyse métagénomique afin de mieux comprendre ce qui se passe dans cet appareil complexe et agité qu’est le tube intestinal. « En plus de notre objectif, qui est d’approfondir notre compréhension des populations microbiennes, nous accordons une grande importance à l’élaboration de traitements novateurs et efficaces pour les problèmes intestinaux aigus et chroniques comme la maladie intestinale inflammatoire et le syndrome du côlon irritable », soutient le professeur Selinger. Martin Kalmokoff, chercheur d’AAC, étudie quant à lui la façon dont les substrats Rod Leland
entre l’hôte, la flore intestinale, les agents pathogènes et les probiotiques. Elles permettront également de réduire la variabilité entre espèces, un problème majeur de ce type de recherche. De plus, les effets de divers traitements à des endroits très précis dans le tube intestinal peuvent ainsi être étudiés de façon particulièrement rigoureuse. C’est un fait bien connu que certains agents pathogènes colonisent un endroit en particulier dans le tube intestinal, et les chercheurs doivent être en mesure d’étudier les interactions entre l’hôte et la flore à cet endroit. L’équipe de l’Alberta fait également appel à des banques de gènes et à des polymorphismes des longueurs des fragments de restriction terminaux (T-RFLP), en plus de dénaturer l’électrophorèse sur gradient de gel, afin d’analyser les populations microbiennes dans le tube intestinal. Le T-RFLP
alimentaires modifient la composition de la population microbienne colique chez les espèces monogastriques afin d’évaluer leur incidence sur la santé et le bien-être globaux d’une personne. M. Kalmokoff et son équipe à la station de recherche d’AAC de Kentville, en NouvelleÉcosse, procèdent à l’analyse de populations bactériennes gastro-intestinales afin de comprendre comment certaines fibres alimentaires peuvent affecter les populations bactériennes coliques chez les rongeurs. En plus de ces recherches, l’équipe observe la corrélation entre les changements dans la diversité de ces populations et les indicateurs immunologiques qui témoignent d’une bonne santé. Pour sa part, Lisa Waddington, une étudiante aux cycles supérieurs de l’Université Dalhousie qui travaille avec M. Kalmokoff, a découvert que les fructosanes (les fructooligosaccharides et l’inuline) peuvent modifier la composition de la population bactérienne colique chez l’humain, mais que ces modifications ne sont pas les mêmes d’une personne à une autre. Néanmoins, il semblerait que les fructosanes peuvent stimuler la croissance sélective de certaines bactéries intestinales bénéfiques et favoriser la santé de l’hôte. La troisième et dernière partie de ce projet relève des professeurs Elena Verdú, Stephen Collins et Premysl Bercik, du département de médecine de l’Université McMaster. Ceux-ci étudient l’influence des changements dans la flore intestinale sur le fonctionnement du système nerveux central et la façon dont les probiotiques peuvent annuler les effets néfastes de l’inflammation intestinale, laquelle peut entraîner des maladies chroniques comme le syndrome du côlon irritable. « Des problèmes de santé chroniques ainsi que des répercussions de nature économique pourraient frapper notre société si la santé intestinale des gens ne s’améliore pas, soutient la professeure Verdú. Nous cherchons donc à améliorer le bien-être à long terme des individus touchés et à alléger certaines pressions économiques. » Les Drs Steven Brooks et Kylie Scoggan, du Bureau de recherche sur la nutrition de Santé Canada, ainsi que Hermann Eberl, du département de mathématiques de l’Université de Guelph, et Tom Boileau, de General Mills inc. au Minnesota, contribuent également au projet. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Santé Canada, General Mills inc., l’Alberta Life Science Institute, l’Université de l’Alberta et l’Université de Lethbridge. l
Le professeur Brent Selinger étudie de près la relation entre notre alimentation et son incidence sur la santé de notre appareil digestif. AFMNet – ADVANCE 2010
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Vers des suppléments plus sûrs Natalie Osborne Il importe d’atteindre la dose quotidienne recommandée de folate, une forme de vitamine B, afin de demeurer en bonne santé. Cependant, l’acide folique, une forme de folate synthétique, peut masquer des lésions neurologiques causées par une carence en vitamine B-12. Les chercheurs de l’AFMNet visent donc la mise au point d’un supplément de folate plus sécuritaire qui respecte les exigences alimentaires sans camoufler les symptômes de carence. À l’heure actuelle, les réglementations canadiennes exigent que les produits céréaliers soient enrichis d’acide folique afin que les gens consomment la dose nécessaire de cette vitamine. Les Drs David Kitts, Tim Green, Zhoaming Xu, Angela Devlin et Jerzy Zawistowski du programme d’alimentation, nutrition et santé de l’Université de la ColombieBritannique se sont associés au Dr Laurent Bazinet de l’Université Laval pour créer un supplément de folate à l’aide de la technologie de microencapsulation.
Martin Dee
David Kitts, en compagnie de l’étudiante au doctorat Ingrid Elisia sur la photo, utilise la technologie de microencapsulation pour élaborer un supplément de folate plus sécuritaire.
Cette technologie est une version plus modeste des technologies de superposition employées dans les domaines de l’électronique et de l’optique dans laquelle le processus de microencapsulation recouvre un composé d’une couche protectrice de polymère. « Nous travaillons avec des formes réduites de folate que notre corps absorbe et qui sont présentes naturellement dans certains aliments. Malheureusement, ces formes sont moins stables chimiquement que l’acide folique synthétique, et elles peuvent se perdre durant la transformation et la préparation des aliments, affirme le Dr Kitts. La solution à ce problème pourrait donc être de les encapsuler dans un dispositif protecteur microscopique. » Le folate est nécessaire à de nombreuses fonctions vitales dans le corps, notamment la production du matériel génétique (l’ADN) et la croissance des cellules. Une carence en acide folique peut donc
compromettre le bon développement d’un fœtus en causant notamment des malformations du tube médullaire comme le spina-bifida. Par conséquent, les suppléments en acide folique sont particulièrement essentiels chez les femmes enceintes. Les chercheurs espèrent ainsi faire de ces formes réduites de folate un supplément stable et viable qu’on peut utiliser pour enrichir les aliments de base comme le pain et les pâtes. Des couches protectrices microscopiques appliquées au folate réduit pourraient lui permettre de survivre aux conditions difficiles d’une usine de transformation des aliments. Lorsqu’il sera établi que les formes réduites de folate peuvent ou non résister à des procédés comme la fermentation et la cuisson, les chercheurs voudront aussi s’assurer que le folate encapsulé est biodisponible, c’est-à-dire qu’il peut circuler aisément dans le corps et qu’il peut atteindre les cibles voulues. Ces scientifiques seront d’ailleurs les premiers à mesurer cette propriété pour les formes réduites de folate. Des études complémentaires permettront en premier lieu de tester la microencapsulation du folate chez les souris, et cette technologie pourrait ensuite être appliquée chez les humains lors d’essais cliniques. Un échantillon de participants qui souffrent d’une carence légère en acide folique sera nécessaire pour ces essais, ce qui signifie qu’ils auront probablement lieu en Asie du Sud-Est où la supplémentation de folate n’est pas encore obligatoire. L’équipe est entrée en communication avec des universités malaisiennes et vietnamiennes pour discuter d’un éventuel partenariat. Les équipes du Dr Kitts feront également usage de nutrigénomiques afin de mieux comprendre l’interaction du folate et des gènes, particulièrement lors des premières phases de développement. L’équipe du laboratoire de la Dre Devlin étudiera l’influence des nutrigémoniques de folate sur l’expression génétique et, par extension, sur la production de protéines nécessaires à la structure et au fonctionnement des cellules. « Plus nous comprendrons le folate, plus nous nous approcherons de la création d’un supplément sûr et efficace, résume le Dr Kitts. Les formes réduites de folate nous offrent le meilleur des deux mondes, soit la stabilité et la biodisponibilité, sans les effets secondaires néfastes. » Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
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Sauver des vies et des membres La consommation quotidienne de graines de lin pourrait prévenir le décès causé par une maladie vasculaire périphérique Anupriya Dewan et Vanessa Perkins
Brandon Denard
Les artères rétrécissent, ce qui entraîne une diminution du flux sanguin
Les maladies vasculaires périphériques (MVP), causées par des caillots dans les artères, sont parfois appelées « les tueurs silencieux ». Elles peuvent réduire ou bloquer complètement la circulation sanguine dans les membres périphériques, ce qui peut entraîner l’obligation d’amputer un membre ou même le décès. Les recherches ont prouvé que la consommation régulière de graines de lin pourrait en réduire le risque. Le Dr Randy Guzman, chirurgien vasculaire et chercheur à l’Hôpital général Saint-Boniface de Winnipeg, réalise actuellement avec son équipe de recherche des essais cliniques afin de déterminer si la consommation quotidienne modérée de graines de lin moulues peut prévenir ou traiter les maladies vasculaires périphériques. Les recherches ont révélé que la consommation de lin pourrait réduire les athéroscléroses et l’irrégularité du rythme cardiaque. L’étude clinique réalisée auprès de patients vise à déterminer si la consommation d’aussi peu que 30 grammes par jour de graines de lin moulues peut réduire la progression des maladies vasculaires périphériques ou d’autres maladies cardiovasculaires, notamment les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques. « Nous essayons de trouver des changements d’habitudes alimentaires à la portée de tout le monde qui augmenteraient directement le taux de survie », affirme le Dr Guzman. Bien que le risque de maladie vasculaire périphérique augmente en vieillissant, de nombreux patients ne présentent aucun symptôme jusqu’à ce que la maladie s’aggrave et cause des problèmes liés aux membres ou au cœur. Le Dr Guzman est également préoccupé par le vieillissement de la population au Canada, puisque les maladies vasculaires périphériques pourraient surcharger le système de soins de santé. Les essais réalisés auprès de patients plus âgés dans le cadre de la recherche ont prouvé que les acides gras oméga 3 contenus dans la graine de lin réduisaient le cholestérol et la probabilité d’agrégation plaquettaire. En ajoutant une quantité modérée de graines de lin à leur alimentation, les personnes âgées pourraient, selon le Dr Guzman, éviter certaines conséquences de ces maladies dévastatrices. Chantal Dupasquier, du département de physiologie de l’Université du Manitoba, ainsi que les Drs Grant Pierce, Bram Ramjiawan, Delfin Rodriguez-Leyva et Peter Zahradka, du Centre canadien de recherches agroalimentaires en santé et médecine, participent également au projet de recherche. Ce projet est financé par l’AFMNet, les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation des maladies du cœur du Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que la province du Manitoba. l
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Des outils adaptés, gages Une approche systémique novatrice en matière de réparation et de régénération des tissus Anupriya Dewan
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La régénération des tissus est un processus complexe. Pour se dérouler de manière efficace, certains types de cellules, des composés biochimiques de signalisation et les matériaux d’échafaudage appropriés doivent être disponibles. Des chercheurs travaillent à l’élaboration d’un nouveau système de libération consistant en un gel dégradable contenant des nanofibres biodégradables permettant de libérer des cellules souches neurales, ce qui pourrait accélérer le processus de guérison après une lésion de la moelle épinière. Le professeur Wankei Wan, du département de génie chimique et biomédical de l’Université Western Ontario, collabore avec plusieurs chercheurs, dont les professeurs Molly Schoichet du département de génie chimique et de chimie appliquée de l’Université de Toronto, Brian Amsden du département de génie chimique de l’Université Queen’s et Phillip Choi du département de génie chimique et de génie des matériaux de l’Université de l’Alberta. Tous s’intéressent de près au recours à cette approche ainsi qu’à des approches connexes dans l’étude des processus d’ingénierie tissulaire et de régénération des tissus entrant en jeu dans la réparation des tissus et des organes.
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« Il s’agit d’une collaboration toute naturelle, car nous apportons des compétences et une expertise complémentaires essentielles à la réussite du projet », indique M. Wan. Grâce aux efforts de MM. Wan et Amsden, des nanofibres biodégradables et biocompatibles ont été produites à partir de poly(3-caprolactone-co-D, L-lactide) (PCL-DLLA) et de collagène au moyen d’un processus appelé électrofilage. M. Wan tente d’incorporer aux nanofibres des composés biochimiques de signalisation. Ces composés, qui peuvent être libérés à un rythme contrôlé, contribueraient à stimuler la différenciation et la prolifération cellulaires menant à une guérison et à une régénération des tissus efficaces. Les fibres bioactives peuvent être acheminées vers une région atteinte si elles sont incorporées à des gels biodégradables injectables à base d’hyaluronane/méthylcellulose et de glycol-chitosane, auxquels s’intéressent actuellement Mme Schoichet et M. Amsden. « Même si nous mettons l’accent sur les applications biomédicales, le système de nanolibération que nous concevons pourrait servir à bien d’autres fins. Il pourrait en effet être utilisé dans la libération de nutraceutiques, 3
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d’efficacité
Une bonne bactérie combat les mauvais champignons Katelyn Peer
tels que les acides gras polyinsaturés, ainsi que pour prolonger l’efficacité des médicaments », soutient M. Wan. L’équipe de recherche prépare maintenant des nanofibres à structure cœur-écorce en incorporant des composés bioactifs et en étudiant le processus de libération. Expert en modélisation et en simulation, M. Choi aidera l’équipe à mieux comprendre le processus de libération. Ensemble, l’équipe espère créer des systèmes personnalisés à l’aide d’une combinaison de gels, de fibres et de cellules efficaces dans des processus de régénération des tissus précis qui peuvent être appliqués aux lésions de la moelle épinière, aux réparations de ligaments et de tendons, à l’ingénierie tissulaire axée sur les valves cardiaques et à d’autres processus de guérison et de réparation. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
La pourriture des fruits à pépins en entreposage frigorifique, comme les pommes et les poires, se propage rapidement, et ce, même si un seul fruit est contaminé. Ce phénomène peut réduire de 10 à 20 % les profits des producteurs et des stations fruitières. Une chercheuse du campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique a conçu deux méthodes écologiques pour détecter et combattre le phénomène de détérioration. « Partout dans le monde, la tendance actuelle est de concevoir des moyens écologiques pour traiter les maladies qui s’attaquent aux fruits », affirme Louise Nelson, professeure au département de biologie et de géographie physique. « Si nous réussissons à utiliser ces méthodes, nous serons les premiers à le faire au Canada. » Actuellement, la détection d’agents de contamination fongique sur les fruits prend plusieurs semaines. Il faut envoyer des échantillons à un laboratoire provincial où l’on fait croître les champignons pour les analyser avant de communiquer les résultats. Mme Nelson a pour sa part conçu une nouvelle méthode faisant appel à l’ADN et qui ne prend en tout que 24 heures. On dispose de courtes séquences d’ADN sur une membrane de nylon ou une puce à ADN capable de déterminer la présence et la quantité d’agents pathogènes des fruits. S’il y a des séquences correspondantes, un point noir apparaît sur la membrane et la densité de cette tache indique la quantité d’agents pathogènes détectés. Mme Nelson examine également cinq souches différentes de bactéries des sols qui pourraient être utilisées afin d’arrêter la croissance des agents pathogènes fongiques courants. On a appliqué ces bactéries écologiques anodines directement sur les fruits et elles se sont révélées au moins aussi efficaces que les fongicides chimiques actuellement sur le marché. Cette recherche se déroule dans les laboratoires et sur les parcelles d’expérimentation du campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique ainsi que dans les vergers commerciaux de Kelowna. Mme Nelson collabore avec Peter Sholberg, chercheur au Centre de recherches agroalimentaires du Pacifique, Danielle Hirkala, chercheuse à l’Okanagan Tree Fruit Cooperative ayant effectué des études postdoctorales sur le sujet à l’Université de la Colombie-Britannique, Daylin Mantyka, étudiante à la maîtrise au département de biologie et de géographie physique du campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique, de même qu’avec des étudiants de premier cycle participant à un programme d’enseignement coopératif. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l
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Inutile de blâmer vos gènes Anupriya Dewan Les gènes peuvent jouer un rôle important dans la régulation du taux de vitamine C dans le sang si votre apport alimentaire est insuffisant. Mais, selon des chercheurs de l’Université de Toronto, miser sur le respect de l’apport alimentaire recommandé est la meilleure façon d’être en santé. Le professeur Ahmed El-Sohemy, également diététiste, et la doctorante Leah Cahill, tous deux attachés au département de sciences naturelles de l’Université de Toronto, cherchent à déterminer le rôle joué par les gènes dans la carence en vitamine C. « Même si le scorbut est aujourd’hui très rare au Canada, explique Leah Cahill, un bas taux de vitamine C est un indicateur d’un état de santé qui risque de se détériorer avec le temps. » Le scorbut, maladie due à une carence en vitamine C, était autrefois répandu chez les marins qui passaient des mois en mer sans manger de fruits ou de légumes. Le rôle des gènes dans cette carence était apparent même à cette époque. Si les marins avaient le même régime alimentaire,
James Brylowski
La carence en vitamine C est un sujet d’étude de la doctorante Leah Cahill (à gauche) et du professeur Ahmed El-Sohemy.
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Des variantes génétiques peuvent contribuer à retarder la carence en vitamine C, mais rien ne vaut un régime alimentaire équilibré pourquoi ne contractaient-ils pas tous la maladie au même moment? La réponse à cette question se trouve peutêtre dans la glutathion transférase (GST), enzyme qui recycle la vitamine C, qui doit comme antioxydant se lier à des molécules dangereuses, tels les radicaux libres, pour empêcher ces composés imprévisibles de causer des dégâts. Si la GST ne peut réutiliser la molécule de vitamine C, celle-ci est éliminée, et on doit alors en consommer une plus grande quantité pour maintenir le taux requis. La capacité de recyclage de la GST et son efficacité sont tributaires de gènes de trois génotypes communs : GSTM1, GSTT1 et GSTP1. Des études antérieures ont montré que les personnes possédant des formes inactives de GSTT1 et de GSTM1 ne peuvent régénérer la vitamine C aussi bien que les autres, ce qui entraîne rapidement chez elles une déficience si elles ne consomment pas assez de vitamine C. Selon M. El-Sohemy et Mme Cahill, au moins un participant à leur étude sur trois possédait l’un de ces génotypes. L’équipe a examiné des étudiants âgés de 20 à 29 ans, certains en sciences nutritionnelles à l’Université de Toronto. Les résultats sont éloquents : un participant sur sept affichait une carence en vitamine C telle qu’on peut presque parler de scorbut, et un sur trois affichait un taux
sous-optimal de cette vitamine essentielle. « Ce ne sont pas tous les participants à notre étude qui consomment assez de fruits et de légumes, explique Mme Cahill. Les chiffres sont préoccupants. » Un apport adéquat en vitamine C est essentiel. Cette vitamine remplit différentes fonctions, mais le taux de vitamine C dans le sang agit comme indicateur d’autres complications éventuelles, comme le syndrome métabolique. Ce syndrome se caractérise par un indice de masse corporelle ainsi qu’un tour de taille élevés et peut mener plus tard au diabète ou à une maladie cardiovasculaire. Les chercheurs précisent toutefois que la consommation de compléments ou d’une plus grande quantité de fruits et de légumes ne réduit pas nécessairement le risque de développer le syndrome métabolique, mais c’est un pas dans la bonne direction. L’équipe prévoit concentrer sa recherche sur d’autres gènes qui pourraient jouer un rôle dans l’absorption et le recyclage de la vitamine C. Le professeur Paul Corey de la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto a aussi participé à cette étude. Ce projet de recherche est financé par l’AFMNet. l