La Revue des Gouverneurs

Page 1

GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

LA REVUE DES

GOUVERNEURS


REMERCIEMENTS La Banque africaine de développement souhaite remercier les gouverneurs, les administrateurs et les conseillers pour leur soutien et leur précieuse contribution, sans lesquels cette publication n’aurait pas été possible. Nous remercions également : Vincent O. Nmehielle Catherine Baumont-Keita Fafa-Christabelle Gnakpa Directeur de la publication :  Victor Oladokun Rédactrice en chef :  Mina Mammeri Coordination :  Chawki Chahed, Andie Davis Contributeurs (par ordre alphabétique) :  Seidik Abba, Cecilia Amaral, Emeka Anuforo, Nancy Birsdall, Andie Davis, Grace Gabala, Deborah Glassman, Kapil Kapoor, Stella Kilonzo, Solange Kamuanga-tossou, Saori Kodama, Mina Mammeri, Liam Neumann, Célestin Monga, Moyela Muyioa, Victor Oladokun, Ngozi Okonjo-Iweala, Jennifer Patterson, Brian Pinto, Rakesh Nangia, Richard Uku, Alphonso Van Marsh, Stephen Yeboah. Photo : Guy Roland-Tayero, Thierry Gohore Version digitale : Simon Adjatan, Christiane Moulo Graphisme : Laetitia Yattien-Amiguet, Selom Ndossou Conception et mise en page : Nadim Guelbi – Créon design DISCLAIMER CONCERNANT LE CARACTÈRE OPPORTUN ET L’EXACTITUDE DES INFORMATIONS Bien que le contenu de cette publication, tel qu’il nous a été fourni, soit considéré comme exact au moment de l’impression, la Banque africaine de développement ne donne aucune garantie quant à l’exactitude du contenu, notamment en ce qui concerne tout changement dans les nominations, données ou circonstances ayant évolué après l’impression de cette publication.

DISCLAIMER CONCERNANT L’ORIGINE ET L’UTILISATION DES IMAGES Chaque image utilisée dans l’édition présente et non attribuée à la Banque africaine de développement a été fournie par le contributeur associé au travail dans lequel l’image apparaît. La Banque africaine de développement n’assume aucune responsabilité quant à l’origine ou à l’utilisation de toute image non attribuée directement à la Banque africaine de développement. © Banque africaine de développement/PCER, Mai 2018


Sommaire 4 6 7 8

Message du Président – Akinwumi A. Adesina Avant-propos – Doyen du conseil d’administration Préface – Secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement Éditorial – Victor Oladokun

9 13

Panel de haut niveau : Le lien de l’Afrique avec son avenir

19 20 22 24 26 28 30 32 34 35 36 38

AFRIQUE DU SUD  Mondli Gungubele

39

L’Afrique et l’avenir du monde du travail

42 44 46 48

RÉPUBLIQUE DU CONGO  Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas

50

L’Afrique de mes rêves – Concours d’écriture

53 54 56 57 58

DJIBOUTI  Ibrahim Hamadou Hassan

59

Busan : Une ville intelligente globale, pressée de changer le monde

61 62 64

GHANA  Kenneth Ofori-Atta

65

Autonomiser les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest pour les aider à prendre en main leur propre destinée

66 68

INDE  Arun Jaitley

Soutenir la résilience des pays en transition

ALGÉRIE  Abderrahmane Raouya ALLEMAGNE  Maria Flachsbarth ANGOLA  Aia-Eza Da Silva ARABIE SAOUDITE  Yousef I. Albassam AUTRICHE  Hartwig Loeger BÉNIN  Abdoulaye Bio Tchane BRÉSIL  Pedro Colnago Junior BURKINA FASO  Hadizatou Rosine Coulibaly Sori BURUNDI  Domitien Ndihokubwayo RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE  Félix Moloua COMORES  Fouady Goulame

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO  Henri Yav Mulang CORÉE  Dong Yeon Kim DANEMARK  Ulla Tørnæs

ÉGYPTE  Tarek Amer ÉTHIOPIE  Admasu Nebebe GABON  Régis Immongault GAMBIE  Amadou Sanneh

GUINÉE  Kanny Diallo GUINÉE-BISSAU  Jean Alage Mamadu Fadia

JAPON  Taro Aso


Aperçu des résultats de

performance du FAD 2015 – 2017 4,3

milliards

Engagement de 5,8 milliards de dollars, dont 40 % consacrés aux pays sortant d’un conflit ou fragiles

6400

Fourniture d’électricité à 1,8 million de personnes grâce à des lignes électriques nouvelles ou améliorées s’étendant sur 10 000 km

5600

Accès amélioré à l’eau et l’assainissement pour 23 millions de personnes

km

km

23

milliards

23

milliards

1,8

million

5,8

milliards

23 millions d’Africains ont bénéficié de 5 000 tonnes d’intrants agricoles avec le soutien du Fonds africain de développement
 5,600 km de routes de desserte construites ou réhabilitées 6400 km de routes de transport et 1 240 km de routes transfrontalières construites ou améliorées 4,3 millions d’emplois directs créés, dont 2,2 millions pour les femmes

En tant qu’institution panafricaine du développement dont les activités portent exclusivement sur les pays à faible revenu, le Fonds africain de développement assume un rôle unique en matière d’appui à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Son avantage comparatif tient à sa capacité à exécuter des activités catalytiques et transformationnelles dans le développement d’infrastructures, l’intégration régionale, le développement humain, le développement du secteur privé et les domaines transversaux que sont la fragilité, le genre, la gouvernance du secteur public et le changement climatique. Par l’apport de financements prévisibles et de conseils politiques, le Fonds africain de développement aide les pays à fournir des services publics essentiels à leurs populations et communautés les plus vulnérables. Il a également considérablement contribué à enrichir les connaissances sur le développement, endossant un rôle incontesté en matière de formulation de politiques en faveur du développement dans les pays les plus pauvres d’Afrique Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie

01

Nourrir l’Afrique

02

Industrialiser l’Afrique

Intégrer l’Afrique

04 05

Améliorer la qualité de vie des populations africaines

03


Sommaire 70

KENYA  Henry Rotich

72

Interview :Stella Kilonzo

75 76 78 80 82 85 86 88 90 92 94 96 98 99 100 101 102

LESOTHO  Moeketsi Majoro

103

Comment les banques de développement peuvent-elles appuyer l’industrialisation de l’Afrique ?

106 108 109 110 111 112 114 116 117

SUISSE  Raymund Furrer

119 121 122 124

Faciliter le développement du secteur privé pour une industrialisation durable

LUXEMBOURG  Pierre Gramegna MADAGASCAR  Vonintsalama Sehenosoa Andriambololona MALI  Boubou Cissé MAROC  Mohammed Boussaid MAURITANIE  Mohamed Ould Kembou MOZAMBIQUE  Domingos Lambo NIGÉRIA  Kemi Adeosun NORVÈGE  Jens Frølich OUGANDA  Matia Kasaija PAYS-BAS  Sigrid Kaag PORTUGAL  Mário Centeno RWANDA  Claver Gatete SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE  Americo D’Oliveira Dos Ramos SÉNÉGAL  Amadou Ba SOMALIE  Abdirahman Beileh SOUDAN  Mohamed Elrekabi

SWAZILAND  Moses Vilakat TANZANIE  Philip Mpango TCHAD  Issa Doubragne TUNISIE  Zied Ladhari TURQUIE  Osman Çelik ROYAUME-UNI  Penny Mordaunt ZAMBIE  Margaret Mwanakatwe ZIMBABWE  Patrick Anthony Chinamasa

Les administrateurs de la Banque 2018 : Réunions régionales des gouverneurs In Memoriam Babacar Ndiaye


4

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Message du Président AKINWUMI A. ADESINA

E

n tant que président de la Banque africaine de développement, j’ai fait l’an dernier la promesse solennelle de favoriser des relations plus étroites et plus dynamiques entre nos gouverneurs et la Banque. J’ai eu le privilège d’organiser une série de nouvelles réunions consultatives régionales entre les cadres dirigeants de la Banque et les gouverneurs de chaque région. Ces cinq premières réunions, qui ont eu lieu durant les trois premiers mois de cette année vous ont tenu informés des progrès réalisés en matière de réformes institutionnelles et d’activités opérationnelles de la Banque, l’occasion de recueillir vos avis, commentaires et conseils sur des questions d’importance fondamentale. J’ai eu le privilège de visiter un certain nombre de pays régionaux et non régionaux pour discuter avec nos gouverneurs, les écouter et obtenir leurs idées et leurs perspectives. J’ai le plaisir de vous confirmer que nous avons reçu une quantité considérable de retours positifs et de conseils utiles dont nous tirons déjà les conséquences. Nous prévoyons d’inscrire ce type de consultations régionales dans le calendrier annuel de la Banque afin d’avoir l’occasion régulière de porter une plus grande attention aux problèmes propres à chaque région. Nous avons également modifié la formule des sessions de partage des connaissances organisées pendant les Assemblées annuelles, et ce dès cette année à Busan, de sorte qu’elles s’appuient

davantage sur vos besoins en information, vous, nos gouverneurs. Nous espérons que ces initiatives, et d’autres, permettront de rapprocher encore plus la Banque de nos gouverneurs et qu’elles lui apporteront les meilleurs conseils possibles. Parce que nous sommes votre banque, nous avons besoin de ces consultations pour définir correctement les orientations et, surtout, le rythme à adopter pour les prochaines années, d’autant que nous avons seulement douze ans pour atteindre les Objectifs de développement durables et seulement sept ans pour réaliser la plus grande partie des propres objectifs stratégiques des High 5 de la Banque, analysés par le PNUD comme couvrant 90 % des Objectifs de développement durable et 90 % de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Les High 5 sont en effet le véritable moyen d’accélérer le développement économique et social de l’Afrique et sont les vecteurs principaux de l’accélération souhaitée. Une approche traditionnelle ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs. Nous devons développer nos opérations à plus grande échelle pour nous adapter aux problèmes. Pour cela, il nous faut sans aucun doute développer une approche hors du commun. Depuis que j’ai été élu président en 2015, la Banque a accéléré la portée de ses prêts et augmenté leur cadence. L’année dernière, nous avons réalisé les plus importants décaissements de l’histoire de la Banque, avec un montant supérieur à


Message du Président – Akinwumi A. Adesina

7,2 milliards de dollars américains. Nous approfondissons et élargissons aussi nos réformes. Ces réformes se poursuivront, car il n’existe pas de clause d’extinction pour la réforme de la Banque africaine de développement. Notre résultat d’exploitation net était de 492 millions de dollars en 2015, il est passé à 556 millions de dollars en 2016 et a atteint le record historique de 783 millions de dollars en 2017. Il s’agit d’une amélioration de 58 % par rapport à 2015. Les effets de la Banque sur le développement se font sentir dans toute l’Afrique à travers les opérations de transformation. Nous vous avons soutenus grâce à un appui budgétaire anticyclique favorable à la stabilisation macroéconomique, grâce à la création de revenus et à la mise en place de réformes budgétaires, et grâce à des investissements en vue d’une transformation structurelle. Nous avons conservé notre note AAA auprès des quatre agences internationales de notation, ce qui nous a permis d’emprunter à des taux plus faibles sur les marchés internationaux et de répercuter ces économies sur nos pays membres. Les défis qui attendent l’Afrique sont immenses. La nécessité d’une croissance plus rapide est plus urgente que jamais. Pour parvenir au rythme nécessaire, la Banque aura besoin de ressources supplémentaires qui peuvent être générées par une augmentation générale du capital, afin de jouer un rôle plus efficace dans l’accélération du développement économique de l’Afrique. Le portefeuille de la Banque africaine de développement a doublé en taille et en valeur depuis la dernière augmentation et les prêts accordés aux pays membres et aux États vulnérables ont été multipliés par dix-sept. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir

pour maximiser les ressources en utilisant les dispositifs disponibles. Mais la réalité révèle que ces derniers ne sont pas suffisants. La possibilité de transformer de façon stratégique le paysage africain en matière d’économie et de développement est déjà là. Les plans sont établis. Nous aurons besoin de ressources financières nouvelles et substantielles pour achever cette noble tâche qu’est la réalisation de nos objectifs. J’apprécie véritablement le privilège et la chance unique que nous avons au sein de la Banque africaine de développement, votre banque, de pouvoir aider l’Afrique à dépasser des conditions limitées, de réaliser l’objectif ultime d’éclairer et d’alimenter en énergie un continent où des millions de personnes sont toujours privées d’électricité, de nourrir l’Afrique et le monde avec des biens alimentaires produits et transformés en Afrique, d’industrialiser l’Afrique afin d’accélérer son développement économique, de mobiliser le potentiel des marchés africains en intégrant l’Afrique et, le plus important, d’aider des millions d’Africains, notamment les femmes et les jeunes, à sortir de la pauvreté pour emprunter la voie du bien-être et de la prospérité. Merci pour la confiance que vous continuez à accorder à la gestion et au personnel de votre Banque. Grâce à un appui constant, nous comptons faire de la transformation de l’Afrique une réalité de notre époque.

AKINWUMI A. ADESINA Président de la Banque africaine de développement

5


6

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Avant-propos Doyen du conseil d’administration La Banque ne peut se soustraire à son mandat pour soutenir l’Afrique

N

ous nous trouvons à une croisée des chemins. Au cours des trois dernières années, la Banque s’est engagée dans un ambitieux programme de manière vraiment intensive. Le Conseil des gouverneurs et les directeurs ont été à la base et au cœur de cette initiative.

Nous avons approuvé et assumé la direction de la mise en œuvre des High 5, qui mettent l’accent sur les secteurs clés qui ouvrent la voie à une convergence de nos pays en faveur d’un développement inclusif et durable, dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, de l’industrialisation, de l’intégration régionale et de l’inclusion sociale. Conscients du fait que la capacité de la Banque à mener à bien les High 5 dépend de ses compétences internes, les conseils ont orienté dans le même temps une décentralisation et des stratégies des ressources humaines destinées à rapprocher l’institution de sa clientèle, grâce à l’utilisation d’un pool amélioré et plus étoffé de personnel, de politiques, d’outils et de produits. Il n’y a pas de doute que les High 5 sont ce dont l’Afrique a besoin : ils s’harmonisent entièrement avec les programmes nationaux de développement des pays africains. Les pays membres régionaux sont conscients de cela, et ils ont accru leurs demandes pour les produits de la Banque. Cependant, nous avons tous été limités par l’énorme déficit de financement provoqué par ses ressources limitées. Ce manque a été aggravé par l’incapacité des pays à revenu intermédiaire, ceux qui génèrent l’essentiel des revenus de la Banque, à augmenter leurs emprunts, à cause des contraintes qui se présentent dans la latitude dont ils disposent. Les pénuries de liquidités ont commencé à se présenter à notre institution. La Banque ne peut se soustraire à son mandat visant à soutenir l’Afrique tout au long de son parcours vers le développement. Elle est, avant tout, la banque de l’Afrique. Pleinement conscients de cette réalité, le Conseil des gouverneurs et les directeurs ont initié des discussions intensives et assez franches portant sur les moyens de résoudre ce casse-tête, notamment par la nécessité de procéder à une augmentation générale de son capital. Le Fonds africain de développement (FAD), l’institution de financement de la Banque pour les pays africains les moins avancés, a été confronté de son côté à un même dilemme. Avec la baisse globale de l’Aide publique au développement (APD) et les doutes qui prévalent sur les perspectives d’avenir, le FAD doit faire face à des incertitudes. Toutes ces contraintes ont poussé les conseils à intensifier leurs discussions à leur égard et à explorer et aborder des solutions novatrices susceptibles de garantir une situation saine et viable au FAD dans l’avenir. Au nom du Conseil d’administration, je tiens à affirmer que nous restons vigilants, mais optimistes. Nous continuerons à ne nous épargner aucune peine pour combler le manque de financement dont a besoin l’Afrique pour son développement et pour pousser la Banque à mener à bien son mandat fondamental, celui de la libération du plein potentiel du continent.

SAMY ZAGHLOUL Doyen du conseil d’administration Groupe de la Banque africaine de développement


Préface – Secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement

Préface Secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement

C

ette première édition de la Revue des Gouverneurs présente des points de vue uniques de plusieurs membres des Conseils des gouverneurs du Groupe de la Banque africaine de développement sur le thème des Assemblées annuelles 2018 – « Accélérer l’industrialisation de l’Afrique » – ainsi que d’autres sujets pertinents au développement économique et social du continent africain. Cette publication, la première en son genre à être publiée avant les Assemblées annuelles, fait partie des innovations visant à souligner le rôle central des Conseils des gouverneurs, en tant que représentants des actionnaires de la Banque et des États participants du Fonds, dans la gouvernance du deux entités. Les Assemblées annuelles (la 53e session du Conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement et la 44e session du Conseil des gouverneurs du Fonds africain de développement), conformément aux articles 31 et 25 des instruments constitutifs respectifs de chaque entité, se déroulent dans la belle ville industrielle de Busan, en République de Corée. Principaux organes de décision et de contrôle de la Banque et du Fonds, les Conseils des gouverneurs examineront le rapport annuel sur les finances, les opérations et les autres activités de la Banque et du Fonds au cours de l’exercice précédent. Ils adopteront également des résolutions sur les décisions clés et les conclusions des Assemblées annuelles. Plus important encore, les gouverneurs discuteront du rôle de la Banque dans la réalisation des Objectifs de développement durable et de la stratégie de financement multiforme qui s’y rattache, axée sur des cofinancements croissants, l’optimisation des opérations de prêt, l’optimisation du bilan et in fine la recapitalisation de la Banque. En tant que Secrétaire des Conseils des gouverneurs de la Banque et du Fonds, en collaboration avec le département de la Communication et des relations extérieures du Groupe de la Banque, j’ai le privilège et l’honneur de vous présenter, Honorables Gouverneurs, cette première édition de la Revue des Gouverneurs qui, pensons-nous, non seulement donnera une plus grande voix aux Conseils des Gouverneurs dans la contribution aux affaires de la Banque et du Fonds, mais qui contribuera également à l’enrichissement des délibérations lors des Assemblées annuelles. J’espère que vous prendrez plaisir à lire cette publication, qui marquera son époque, et que la direction s’est engagée à produire et à publier chaque année avant les Assemblées annuelles.

PROF. VINCENT O. NMEHIELLE Secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement

7


8

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Éditorial VICTOR OLADOKUN Chers Gouverneurs, C’est un honneur pour moi d’écrire l’avant-propos de cette édition inaugurale de La Revue des Gouverneurs. En 2017, outre le dialogue qu’il a engagé et approfondi avec les gouverneurs, le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a pris trois engagements pour initier une série de rencontres qu’il entend inscrire au calendrier annuel de la Banque. Il a organisé, pour commencer, des rencontres à l’échelle régionale – on ne peut plus fructueuses et riches d’enseignements – avec vous, les gouverneurs, entre les mois de janvier et avril, durant lesquelles vous avez prodigué des avis et conseils fort précieux. Le deuxième engagement était de modifier le format et la configuration des activités de partage des connaissances, de sorte que nos gouverneurs puissent pleinement exprimer leurs vues et, partant, davantage « s’approprier » la Banque et ses Assemblées annuelles. La promesse a été tenue, et le sera pour chacune des sessions de partage des connaissances des Assemblées annuelles à Busan – et au-delà. Le troisième engagement était d’offrir une plateforme multimédia qui permette de mieux faire connaître les gouverneurs auprès des membres des délégations et autres participants de nos assemblées, et de créer ainsi un espace d’échanges autour des enjeux et des perspectives majeurs en matière de développement. Cette publication, La Revue des Gouverneurs, en est une. C’est la première fois, dans l’histoire de la Banque, qu’une telle publication voit le jour, à la fois sous forme imprimée et numérique. Nous escomptions davantage de contributions. Mais nous avons bon espoir d’en recevoir davantage en 2019. Permettez-moi de vous remercier pour vos précieuses contributions. Je remercie également nos administrateurs et leurs conseillers pour leur soutien qui nous a été d’une grande aide, le président Akinwumi Adesina pour son appui sans faille à ce projet de création d’une Revue des Gouverneurs annuelle, le bureau du Secrétaire général pour avoir facilité les mises en relation, ainsi que l’équipe de la Communication et des relations extérieures qui a travaillé très dur sur ce projet. Sans le soutien de vous tous, cette édition inaugurale de La Revue des Gouverneurs n’aurait pu voir le jour. Je vous souhaite des Assemblées des plus fructueuses à Busan et un bon retour chez vous. Encore une fois, merci à vous.

DR. VICTOR OLADOKUN Directeur de publication de La Revue des Gouverneurs Directeur de la Communication et des relations extérieures Banque africaine de développement


Panel de haut niveau : Le lien de l’Afrique avec son avenir

De gauche à droite : Ngozi Okonjo-Iweala, Brian Pinto, Nancy Birdsall

Panel de haut niveau : Le lien de l’Afrique avec son avenir

L

’Afrique s’est-elle réellement lancée sur la voie vers sa transformation économique ? Disposera-t-elle un jour de suffisamment de capitaux nationaux et étrangers pour éradiquer la pauvreté, nourrir sa population, éclairer ses villes et ses communautés, relier ses plaques tournantes économiques et bâtir des économies modernes, industrialisées et conformes à la viabilité écologique ? Son secteur privé a-t-il la capacité et la volonté de financer la croissance à l’orée de la quatrième révolution industrielle ? Quelles stratégies – celles liées aux infrastructures et celles relatives aux aspects institutionnels – l’Afrique déploiera-t-elle pour relever les défis majeurs du développement ? Dans son Plan stratégique 2013–2022, la Banque africaine de développement met en avant la redynamisation économique et sociale de l’Afrique et galvanise le développement panafricain à travers ses priorités, les High 5 : Nourrir l’Afrique, Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique. L’exécution efficace de ces plans de réformes panafricaines devrait permettre à l’Afrique d’atteindre plus rapidement les Objectifs de développement durable des Nations Unies et ceux de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Aussi longtemps que l’Afrique continuera d’être largement sous-développée et émergente, les investisseurs, les économistes du développement, les organisations de la société civile, ainsi que les gouverneurs des banques centrales de l’Afrique et les ministres des Finances et de la planification économique continueront tous de débattre et de discuter ces questions. La diversité et la divergence des opinions et des réponses plausibles d’experts refléteront les contraintes qui affectent les marchés financiers internationaux, alors que les pays et entités infranationales dans l’ensemble du continent rivalisent aujourd’hui

9


10 Le Big Bond inaugure une nouvelle ère d’influence pour la Banque La Banque africaine de développement sera l’intermédiaire pour le Big Bond innovant et tiendra à jour ses états financiers sur les livres comptables du Fonds africain de développement. L’économiste Brian Pinto, conseiller auprès du Laboratoire d’innovation stratégique sur le Fonds africain de développement, indique que grâce à son ADN africain et ses racines sur le continent, la Banque bénéficie d’une « crédibilité populaire » et jouit d’une position favorable pour gérer le Big Bond. En tant que première institution multilatérale de financement du développement en Afrique, la Banque peut aisément « faire passer des messages difficiles, que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui sont basés à Washington, seraient peu enclins à diffuser », observe Brian Pinto. « Le Big Bond ne relève pas seulement d’une question d’argent ; il s’agit d’un signal – un signal très puissant – selon lequel l’Afrique est ouverte aux affaires . » Les banques régionales ont habituellement l’avantage comparatif de mener à bien des réformes difficiles et de disposer de la confiance des pays qui bénéficiant de leurs services, comme le précise Nancy Birdsall, membre du Panel de haut niveau du Laboratoire d’innovation stratégique sur le FAD. « Il y a un plus grand sentiment d’appropriation, ce qui est absolument crucial lorsque l’on tente de réaliser des réformes difficiles, ainsi que l’existence d’un sentiment de mouvement dans l’ensemble de la région, et les pays commencent à tirer des enseignements les uns des autres à travers le dialogue promu par la Banque africaine de développement. Le leadership dont la Banque fait preuve au sujet des mesures que nous devons prendre dans différents pays a recueilli l’adhésion de la région dans son ensemble. C’est un rôle clé pour les banques régionales », a-t-elle affirmé.

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

avec le reste du monde pour obtenir des financements de plus en plus limités en faveur du développement. Combien cela coûtera-t-il de répondre aux besoins en financements pour les infrastructures de l’Afrique ? Dans la plus récente édition des Perspectives économiques en Afrique, il est estimé que les besoins en infrastructures représenteront 130 à 170 milliards de dollars américains par an et que le déficit de financements sera de l’ordre de 68 à 108 milliards de dollars américains. « Avec un tel écart et les besoins urgents en matière de santé, d’éducation, de capacités administratives et de sécurité, il appartient à l’Afrique d’attirer des capitaux privés afin d’accélérer la mise en place d’infrastructures indispensables pour libérer son potentiel », a déclaré Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement.

Se libérer du piège de l’endettement pour le développement Pour les économies africaines et celles d’autres pays parmi les moins avancés, c’est le lien entre la croissance et la dette qui est au cœur du problème. Les dirigeants économiques et politiques de l’Afrique sont aux prises avec le dilemme entre, d’un côté, l’exigence du développement, et de l’autre l’endettement découlant des dépenses d’investissement, tout en recherchant des options et des modèles durables de développement économique. Les responsables politiques et les autres parties prenantes du développement conviennent que le profil actuel de la dette publique de l’Afrique n’est pas viable à long terme. À la mi–2015, les ratios de la dette publique par rapport au PIB pour un tiers des pays africains s’élevaient à plus de 40 %. D’après la Banque mondiale, le ratio de la dette publique par rapport au PIB pour l’Afrique avait franchi le seuil de 50 % en 2017. L’Aide publique au développement (APD) pour les pays les moins développés du monde diminue alors même qu’augmentent les besoins en matière de revenus, d’opportunités d’emploi et d’accès aux services. Les changements de priorités et la demande croissante en capitaux dans les pays donateurs réduisent les investissements étrangers directs et les financements concessionnels. Les dirigeants économiques de l’Afrique doivent par conséquent rechercher de nouvelles solutions et de nouveaux moyens pour financer les

besoins croissants du continent en matière de développement.

Examen en détail du problème au Laboratoire Pour s’attaquer au problème de diminution des enveloppes de l’aide et de baisse des financements concessionnels, la Banque a accueilli en 2017 le Laboratoire d’innovation stratégique sur le Fonds africain de développement (le Laboratoire), un groupe de réflexion indépendant. Établi et financé par la fondation Bill et Melinda Gates, le Laboratoire comprend un Panel de haut niveau de cinq femmes éminentes – Nancy Birdsall, Luísa Diogo, Ngozi Okonjo-Iweala, Mary Robinson et Ngaire Woods – et une équipe consultative. Le rapport du Laboratoire, intitulé Redynamiser le financement concessionnel en Afrique : Rapport du Panel de haut niveau sur la transformation de la confiance dans la Banque africaine de développement en influence, a confirmé la « tension permanente entre les besoins d’investissement considérables des pays africains et les difficultés budgétaires que rencontrent les pays donateurs ». Les experts exhortent l’Afrique à mieux utiliser l’aide existante et à exploiter plus judicieusement son potentiel, et soulignent qu’il s’agit moins d’un appel à davantage de financements concessionnels que d’une nouvelle approche innovante en faveur d’une situation transformée et durable. Le Laboratoire constate que la nouvelle réalité du financement du développement comporte moins de concessionnalité : « Le financement extérieur, commercial comme concessionnel, continuera d’être essentiel pour financer le développement. L’investissement direct étranger et les afflux de transferts de fonds devront s’accompagner d’une forte augmentation du financement par emprunt à long terme de sources publiques et de sources privées ». Le rapport arrive à un moment crucial du financement du développement en Afrique, alors que la dégradation des perspectives de croissance présente des risques de recul grave en matière de réduction de la pauvreté et de soutenabilité de la dette. Il indique en effet que « ce ralentissement coïncide avec les difficultés budgétaires des pays donateurs ».

Le Big Bond L’innovation fondamentale recommandée par le Panel de haut niveau consiste en un financement concentré de l’APD en


Éditorial – Victor Oladokun

début de cycle par le biais d’un Big Bond, accompagné d’un dialogue renforcé sur les politiques mené par le Groupe de la Banque. Les taux d’intérêt dans les pays donateurs approchant des planchers historiques (le rendement des obligations du Trésor américain à 30 ans est à présent d’environ 3 %), le Panel voit une occasion pour l’Afrique de lever 100 milliards de dollars en titrisant des flux annuels d’APD de l’ordre de 5 milliards de dollars sur une période de 30 ans. Le Big Bond, selon Nancy Birdsall, membre du Panel, associée de recherche principale et présidente émérite du Center for Global Development de Washington, « est en quelque sorte une innovation financière similaire à l’approche générale adoptée dans les banques multilatérales de développement. Il s’agit d’une approche permettant de démultiplier ce capital qui va s’investir pendant de nombreuses années, car il sera possible d’en disposer dès le départ. L’idée d’en disposer immédiatement repose sur le fait que de nombreux pays africains se trouvent dans une situation telle qu’ils ont besoin d’importants financements pour leurs investissements et, en conséquence, ils sont obligés de se tourner vers les marchés de capitaux et de payer des taux élevés, ce qui risque d’accroître leurs problèmes de dettes ». La concentration de l’APD en début de cycle offre plusieurs avantages : • Elle n’exige pas de ressources additionnelles de la part des donateurs. Elle reconnaît simplement que l’Afrique a besoin d’une forte poussée sur le plan des infrastructures et du capital humain en vue de maintenir la croissance. L’objectif sera mieux atteint si l’on dispose dès le départ de 100 milliards de dollars que par le biais de flux de valeurs actualisées équivalentes de 5 milliards de dollars par an sur les 30 prochaines années. • Les ressources nécessaires pour assurer le service de la dette obligataire représentent

moins de 11 % du montant annuel de 45 milliards de dollars en subventions courantes, et seront inférieures à ce pourcentage si de nouveaux donateurs souverains, des fondations et des entités du secteur privé s’engagent envers l’obligation. L’émission du Big Bond ne se fera pas au détriment de l’APD destinée aux pays les plus pauvres et les plus fragiles. • Le Panel propose que les fonds levés par l’émission du Big Bond soient prêtés aux pays africains éligibles par le biais de prêts modérément concessionnels (MCL en anglais). Les conditions indicatives prévoient un taux d’intérêt de 3 à 4 % sur les prêts en dollars à échéance de 40 ans assortis d’une franchise de remboursement de 10 ans. Les donateurs seraient dans une situation plus favorable sur le plan budgétaire, et les pays africains bénéficieraient de plus faibles frais d’intérêt et de plus longues échéances par rapport aux euro-obligations. L’accession aux MCL nécessiterait à la fois de tenir compte de la soutenabilité de la dette et de démontrer des capacités d’utilisation des fonds de manière transparente et judicieuse. • Une échéance à long terme et une note maximale garantie par la qualité du crédit des donateurs rendraient le Big Bond attractif pour les investisseurs institutionnels, dont les fonds souverains, les fonds de retraite, les compagnies d’assurance et les investisseurs à impact social. Par exemple, les fonds de retraite africains disposant d’importantes ressources disponibles pour l’investissement pourraient montrer leur engagement à l’égard du continent en achetant le Big Bond.

11 africain dans son ensemble », déclare Ngozi Okonjo-Iweala, membre du Panel de haut niveau, conseillère principale au sein de Lazard et présidente du conseil d’administration de Gavi. « Si nous continuons à mener nos activités de manière incrémentale comme nous le faisons maintenant, nous ne serons pas en mesure d’affronter les problèmes lorsque 500 millions de personnes de plus basculeront dans la pauvreté. Le continent doit se développer à un rythme plus rapide afin que la croissance du PIB par habitant soit positive. L’Afrique a besoin de croissance et de développement. Nous devons tout faire pour ne pas avoir 500 millions de personnes dans la pauvreté », a-t-elle affirmé. L’élément le plus important du dispositif serait une clause prévoyant que le prêt initial s’accompagne d’une amélioration du débat sur les politiques, dont les priorités seraient la politique de croissance, la soutenabilité de la dette publique et l’usage prudent de la richesse des ressources naturelles, « un dispositif par lequel les pays et la Banque engageraient un dialogue sur des réformes rigoureuses, à savoir des réformes économiques exigeantes et qui pourraient s’avérer difficiles sur le plan politique. Il y aurait un effet de levier suffisant du fait que les montants seraient plus importants », ajoute Nancy Birdsall. n

our de plus amples informations P concernant le Laboratoire d’innovation stratégique sur le FAD, consultez le site : https://bit.ly/2Keu4mT

Pourquoi les partenaires nationaux et internationaux seraient-ils intéressés par le Big Bond ?

ire le rapport complet du Panel de haut L niveau : https://bit.ly/2IuDfmi

« En effet, nous devons penser hors des sentiers battus pour résoudre les problèmes de l’Afrique subsaharienne et du continent

propos du Big Bond : À https://bit.ly/2KSQVWA


12

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs


Soutenir la résilience des pays en transition

13

Soutenir la résilience des pays en transition « Tant qu’il y aura la lumière de l’autre côté et l’obscurité ici, en Afrique, tout le monde voudra aller vers la lumière », a lancé en boutade Sibry Tapsoba, directeur du Bureau de coordination des pays en transition de la Banque africaine de développement lors du Forum africain pour la résilience organisé à Abidjan du 8 au 9 février 2018. Il est de l’intérêt de tous de donner aux pays africains en transition les moyens de se construire un avenir meilleur. Sur 36 pays classés en transition dans le monde, 20 sont en Afrique. La fragilité et la résilience sont fondamentales dans tout ce que la Banque entreprend. Depuis son existence, la Banque africaine de développement a injecté plus de 200 milliards de dollars pour les pays africains. La fragilité et la résilience sont comme les deux faces d’une pièce de monnaie. Comprendre la fragilité, expliquer ses causes et identifier ses sources sont une première phase. La deuxième consiste à mettre en place des mécanismes pour que les populations puissent en sortir. La résilience est la capacité des populations à s’extraire de cet état de vulnérabilité. « Lors d’une mission au Somaliland relative au programme de développement des infrastructures hydrauliques pour la résilience de la Banque africaine de développement, nous avons décidé d’intégrer l’énergie solaire à cette initiative. En trois mois, il s’est créé une ville autour de cette énergie solaire. Nous avons confié la gestion de cette petite infrastructure à une association de femmes. Aujourd’hui, toute la ville s’est déplacée autour de ce point, car il y a de l’énergie et de l’eau », a rapporté Sibry Tabsoba. Les populations doivent certes faire évoluer leur situation elles-mêmes, la Banque les soutient dans cette démarche. Elle leur donne la possibilité de réaliser cette évolution en développant des politiques et des modalités qui leur permet d’interagir pour une transition vers le meilleur, avec le concours d’acteurs clés : gouvernement, secteur privé, ONG et société civile.


14

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Des financements innovants Définir des financements innovants, les expliquer, les illustrer, témoigner de leur efficacité, s’inspirer d’exemples de partenariats réussis menés, l’enjeu est de taille. Pour les pays en transition, saisir l’occasion de nouvelles formes de partenariat est fondamental. Retour sur la séance tenue en février 2018 consacrée à ce sujet lors du Forum africain pour la résilience. Les technologies de la téléphonie et du numérique ont révolutionné les pratiques dans de nombreux domaines. Paradoxalement, malgré leur coût élevé, elles ont également atteint les populations en situation de fragilité. Bruno Koné, ministre de la communication, de l’économie numérique et de la poste de Côte d’Ivoire, a décrit comment la révolution du mobile a contredit les prévisions des analystes : « Quand la téléphonie s’est lancée en Côte d’Ivoire il y a près de vingt ans, les opérateurs prévoyaient une consommation réservée à une catégorie de personnes aisées, une niche commerciale. Or trois jours après l’ouverture des réseaux, les chiffres atteints avaient dépassé les chiffres attendus pour la première année d’exploitation. Plusieurs millions d’abonnés étaient enregistrés après un an. » Les populations jugées les plus pauvres, contrairement aux estimations prévues, ont perçu dans cet outil un moyen de résister aux difficultés, un instrument de résilience. Face à la faiblesse des infrastructures physiques, sanitaires ou éducatives, cette alternative à l’isolement s’est rapidement intégrée dans le quotidien. La téléphonie mobile est un puissant instrument d’inclusion sociale et économique. « Quand nous n’avons pas les moyens de construire des routes, c’est le bon moment pour construire des autoroutes de l’information et de la communication », a conclu Bruno Koné. Pierre Guislain, vice-président du Secteur privé, des infrastructures et de l’industrialisation de la Banque africaine de développement, a prolongé le débat. La révolution du mobile a eu le plus grand impact sur le plan du développement économique et d’inclusion en Afrique. Comment répliquer cet effet et déclencher le potentiel de la révolution numérique de l’économie digitale ? Et de schématiser les enjeux et les leviers : « Les pôles des télécommunications, de la mobilité et de la finance sont organisés en silos, donc très isolés. Or le numérique est l’intersection entre ces secteurs. Les mécanismes, la réglementation et les institutions mis en place pour les technologies du XXe siècle ne sont

plus adaptées et doivent évoluer. Les pôles doivent être conçus comme un écosystème qui permettrait une extension des services et un développement de l’inclusion. »

Des partenariats pour appuyer efficacement les pays en transition Pour accélérer les réponses aux problèmes de résilience, le vice-président de la Banque africaine de développement souligne le faible impact de petites collaborations dispersées et prône des partenariats à l’échelle , « des partenariats robustes, larges et englobant les problématiques ». De plus, il serait judicieux, toujours selon Pierre Guislain, de relever le niveau des investissements privés dans les pays en transition. « Pour la vingtaine de pays africains en transition, seulement 5 % des investissements de la Banque sont destinés au secteur privé. C’est beaucoup trop peu. Le secteur privé est le moteur du développement économique. Certains mécanismes de de-risking (réduction du risque) sont nécessaires. Les partenariats permettent de réduire le risque inhérent à l’investissement dans les pays les plus fragiles », a-t-il ajouté. L’appréciation du risque intervient pour une grande part dans le taux d’intérêt. Jean-Louis

Ekra, ancien président d’Afreximbank, a insisté sur la synergie entre organismes : « Des organismes de financement de développement ou des organismes étatiques devraient être prêts à absorber une partie de ces risques et baisseraient le coup final du financement, en ouvrant le First Loss par exemple. » Jean-Louis Ekra a également évoqué l’intérêt d’inclure dans les cursus de formation en banque des connaissances en banque commerciale et en banque de développement, en insistant sur la part importante du secteur privé dans cette équation, pour conclure sur l’importance d’un discours pédagogique. « Pour soutenir la lutte contre Ebola, nous avons réalisé une levée de fonds réussie de près de 30 millions de dollars américains. Comment ? Nous avons mis l’accent auprès des contributeurs sur le bienfondé et l’utilisation détaillée de ces fonds. Il faut être clair sur les objectifs à atteindre pour inspirer confiance. » Bobby Pittman, directeur de Kupanda Capital, se veut pragmatique. Si les financements sont vitaux pour le développement, il s’agit avant tout pour lui d’une question d’écosystème et de plateforme. On compte 600 millions de personnes en Afrique qui n’ont pas accès à une énergie fiable. Qui sontelles ? Où sont-elles situées ? Des produits adaptés peuvent-ils être offerts aux personnes en situation de fragilité ? Le défi consiste à savoir quels produits et solutions conviennent à chaque situation, et comment les financer. Une cartographie, en premier lieu, s’impose. Des modèles de financement peuvent ensuite être proposés. Un pragmatisme que partage Alex Mubiru, chef de division Mobilisation des ressources et partenariats de la Banque africaine de développement, en décrivant les clés d’un partenariat réussi : « Être franc dans ses objectifs, collaborer avec des personnes flexibles, prêtes à prendre des risques, et parler le même langage » a-t-il conclu.

Pourquoi certaines communautés sont-elles laissées pour compte ? Certains groupes de la population rencontrent des difficultés à accéder aux services sociaux de base, comme la santé, l’éducation et l’assainissement. Elles vivent dans l’isolement, ressentent un sentiment de rejet et d’exclusion. Pourquoi cette situation s’est-elle produite ? Comment mettre en place une dynamique de transition vers le développement ? Ces questions ont été débattues lors d’un atelier durant le Forum africain pour la résilience.


15

Photo: © AFP

Soutenir la résilience des pays en transition

Pour Mohamed Askia Touré, représentant résident en Côte d’Ivoire de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR, sigle en anglais), la réduction des écarts entre les populations est l’un des axes majeurs de travail des partenaires et agences de développement. « Plus de la moitié des pays du continuent africain, soit 20 pays sur 54, sont dans une situation de fragilité. Evoquer la fragilité au niveau d’un Etat masque cependant la réalité des disparités que peuvent connaître les populations au sein d’un pays », a-t-il rappelé.

Le rôle des Etats dans le renforcement de la résilience Le taux de croissance varie entre 3 et 5 % en Afrique. Six des dix pays à la plus forte croissance au niveau mondial en 2018 sont Africains. Or si sur le continent la pauvreté recule, le nombre effectif de personnes en situation de vulnérabilité augmente en raison d’une forte poussée démographique. Solange Koné, présidente de l’Association de soutien à l’autopromotion sanitaire et urbaine (ASAPSU) a relevé la déconnexion entre les taux de croissance et de développement : « Nous félicitons notre gouvernement pour le taux de croissance élevé en Côte d’Ivoire, mais ce taux croissance ne correspond pas au niveau de développement des communautés. »

Pour Cissé Marcellin, directeur général de la Planification, du développement et de la coordination de l’aide en Côte d’Ivoire, la définition de la pauvreté est large. « Elle comprend, certes, l’accès à la santé et au logement, mais aussi au fait de ne pas pouvoir dignement enterrer ses parents ou organiser un mariage. » Il résume l’évolution de la situation dans le pays : « Nos premières enquêtes, en 1980, révélaient un taux de pauvreté de 10 %. La Côte d’Ivoire a traversé dix années de crise, dix années pendant lesquelles les infrastructures physiques et sociales ont été dégradées ou détruites. En 2008, nous avons enregistré un taux de 48,9 %. A la suite de la crise postélectorale, des enquêtes conduites à Abobo, à Youpougon et à l’ouest du pays ont situé le taux de pauvreté au-dessus de la norme nationale, à 51 %. Notre chiffre le plus récent, 46,3 %, date de 2015. Nous prévoyons de réaliser en 2018 une enquête sur les conditions de vie des ménages. » Le rôle central et la mission de l’État ont été largement évoqués dans le processus de renforcement de la résilience. Des efforts louables sont effectués, mais insuffisants. Ainsi Marie Mboundzi, fonctionnaire au sein de l’Union africaine, a plaidé pour une lutte contre la discrimination, la stigmatisation et le rejet des populations en situation de fragilité. D’autant que certains facteurs aggravants, comme le manque d’éducation, les mariages

précoces, les grossesses non désirées, la non-connaissance des droits, l’absence de perspectives pour les jeunes et les pesanteurs socioculturelles viennent se greffer. « L’Etat a des missions régaliennes, dont la satisfaction des besoins sociaux de base de ses populations. Au travers des politiques et des programmes nationaux de développement, les États sont censés prendre en compte toutes le couches urbaines et rurales. Aucun citoyen ne doit être ignoré. Dans la pratique, de nombreuses populations ne jouissent pas du bien-être social ou de la qualité de vie qu’elles sont en droit d’attendre. Le développement ne les atteint pas. Ces populations sont privées de droits élémentaires, lesquels sont garantis par les textes juridiques de l’Union africaine ou internationaux que nos États ont ratifiés », a-telle argumenté. Cissé Marcellin a dressé le bilan pour la Côte d’Ivoire : « De 2012 à 2016, les dépenses dans le secteur de l’éducation, de la santé, de l’assainissement, de l’électrification et de l’eau potable sont passées de 1 080 milliards à près de 2 291 milliards de FCFA. » Il a toutefois reconnu, prônant un discours objectif, que des défis sont à relever : « Comment se faitil que l’Etat investisse des ressources aussi importantes pour les services sociaux de base et que la demande sociale soit aussi forte, que les impacts restent limités ? »


16

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Qu’est-ce qu’un pays en transition ? La Banque africaine de développement et la Banque mondiale ont mis en place un système d’évaluation des pays, dénommé Évaluation des politiques et des institutions des pays, qui comporte une échelle de notation variant de 1 à 6. La performance de chaque pays est évaluée sur la base d’un questionnaire de 18 critères, groupés en cinq domaines portant sur la cohérence de sa gestion économique, la cohérence de ses politiques structurelles, la capacité de ses politiques à promouvoir l’égalité et l’inclusion sociale, la qualité de sa gouvernance et gestion des institutions du secteur public ainsi que la capacité du cadre réglementaire à favoriser le développement des infrastructures et l’intégration régionale. À l’issue de cette évaluation, un pays qui obtient une note inférieure ou égale à 3,2 est considéré comme un pays de la catégorie État en transition. Outre les critères économiques, la Banque africaine de développement prend en compte des critères sociaux, politiques et climatiques dans l’évaluation de la fragilité. La présence d’une force extérieure de maintien de la paix ou d’interposition, pendant ou à l’issue d’un conflit, est un critère qui contribue aussi à classer un pays dans la catégorie État en transition.

La coordination et le dialogue, des clés pour changer efficacement la donne Parmi toutes les solutions proposées, un argument largement partagé par les intervenants, qu’ils œuvrent du côté associatif ou institutionnel pour la résilience des populations, est de favoriser la coordination et le dialogue. « La scolarité obligatoire et gratuite, par exemple, est une belle avancée du point de vue du développement, mais la répartition des infrastructures d’éducation, parfois situées

à dix kilomètres du lieu de vie de l’enfant, constitue un véritable frein à la réalisation de cette politique », a déploré Solange Koné. L’expression des besoins doit émaner des communautés pour s’assurer de résoudre une problématique dans sa globalité. L’animation de sessions de dialogue avec les populations, les chefs de communauté, les leaders religieux, les leaders d’opinion pour les intégrer davantage dans le processus de développement s’avère incontournable. Pour apporter un réel progrès social, économique et environnemental au sein des

populations en situation de fragilité, selon Niamke N’dri Bertin, conseiller technique et formateur, « il faudrait impliquer les populations dans le processus global et pertinent de diagnostic de leur situation de vie, de recherche de solutions, de prise de décisions et de mise en œuvre avisée des actions de développement. Un nouveau facteur est à prendre en compte : l’activation de processus internes et profonds de personnalisation pour ne plus que ces populations soient en situation d’assistanat, mais qu’elles puissent se transformer en acteurs, qu’elles s’intègrent dans la dynamique du développement ». En apportant un appui technique, en impliquant, en encadrant et en accompagnant les populations, ces actions déclencheront une résilience renforcée qui apportera un changement de paradigme jusqu’à atteindre un fonctionnement normal. Sortir de l’isolement, de cette figure de laissé pour compte, devenir acteur de son développement en étant soutenu : quels sont les moyens d’y parvenir ? Pour Marie Mboundzi, cette démarche passe par l’adaptation des programmes nationaux aux


17

Soutenir la résilience des pays en transition

réalités du terrain, l’utilisation des langues pratiquées localement, des campagnes de sensibilisation pour expliquer le développement grâce à des spots télévisés, des messages diffusés sur des radios de proximité, le théâtre… L’Etat pourrait également améliorer la collecte des données pour l’élaboration des statistiques, les enquêtes sur les ménages, le recensement. Si la mobilisation des ressources revient à l’Etat, le secteur privé intervient dans l’équation et joue un rôle important dans l’économie nationale. Le secteur privé réalise

des dotations d’appoint en services sociaux de base, nouer des partenariats intelligents entre les secteurs privé et public serait donc judicieux pour pérenniser les services.

soins, l’efficacité et la qualité des dépenses publiques, développer les infrastructures et achever le processus de décentralisation sont également des axes forts de développement.

Cissé Marcellin a, quant à lui, rappelé que la Côte d’Ivoire est un pays essentiellement agricole. En plus de revoir le système éducatif pour l’adapter au marché du travail, s’orienter vers la transformation des matières premières grâce à un tissu industriel dense, avec un fort contenu local, semble être une piste prometteuse. Renforcer l’offre de

« L’exclusion de personnes vulnérables apparaît aujourd’hui comme un défi majeur d’équité et d’égalité que l’Afrique se doit de relever pour que l’agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable et l’agenda 2063 de l’Union africaine ne soient pas des vœux pieux », a conclu Marie Mboundzi.

Initiative 10 000 communautés en 1 000 jours Sortir les plus vulnérables de la double peine dans les États en transition Annoncée en janvier 2017 lors de la première édition du Forum africain pour la résilience par le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, l’initiative 10 000 communautés en 1 000 jours vise à sortir les populations au bas de l’échelle de la vulnérabilité à sortir du cercle vicieux vulnérabilité-pauvreté et à enclencher le cycle résilience-développement durable dans les pays en transition. Aux épreuves engendrées par les situations de fragilité ou de conflit s’ajoutent très souvent, pour les populations au bas de l’échelle, la privation d’accès aux services essentiels de base : eau, électricité, soins de santé primaires et scolarisation. La Banque africaine de développement entend, à travers son initiative 10 000 communautés en 1000 jours, mettre un terme à cette double peine imposée aux communautés les plus vulnérables. Pour y arriver, la Banque propose d’apporter l’eau et l’électricité, deux services essentiels, aux populations au bas de l’échelle dans les pays africains et particulièrement les pays africains suivants dits en transition : Burundi, Comores, Djibouti, Érythrée, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Madagascar, Mali, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Togo et Zimbabwe.

Si elle est louable et même noble, l’intention d’apporter de l’eau et de l’électricité dans les pays en transition n’en reste pas moins problématique. En effet dans ces États-là, les épargnes publiques sont généralement peu suffisantes pour permettre au pouvoir central de faire face seul à toutes les charges financières nécessaires à la bonne décharge de toutes ses fonctions régaliennes. Et pour ne rien arranger à la situation, les populations vulnérables dans le besoin n’ont pas non plus le pouvoir d’achat suffisant pour s’offrir des services essentiels au prix coûtant. Que faire alors pour sortir de cet imbroglio ?

Mettre le secteur privé à contribution Pour relever ce défi, la Banque africaine de développement, à travers l’initiative 10 000 communautés en 1000 jours et son Bureau de coordination des pays en transition (RTDS, créé en 2008 sous le nom d’Unité pour les États fragiles), a mis en œuvre une plateforme de partenariat associant l’État, le secteur privé, les bailleurs de fonds ainsi que les communautés au bas de l’échelle. Chaque acteur de la plateforme aura un rôle précis à assumer. La Banque africaine de développement aura ainsi une mission de plaidoyer auprès du secteur privé pour le convaincre d’apporter l’eau et l’électricité aux populations vulnérables. Cette intervention se fera selon le modèle de partenariat public-

privé (PPP) Construire Posséder Exploiter, en anglais Build Own Operate (BOO), qui permet à une entreprise de réaliser une infrastructure d’eau ou d’électricité puis de la gérer moyennant paiement par les bénéficiaires de tarifs pour services rendus, jusqu’à ce que l’investisseur puisse rentrer dans ses fonds. Outre des entreprises nationales ou multinationales, l’initiative 10 000 communautés en 1000 jours encourage des hommes d’affaires à investir leurs ressources financières et techniques pour apporter ces services de base aux populations au bas de l’échelle, moyennant des rémunérations profitables, mais abordables. Même pauvres, ces populations pourraient à travers des paiements modestes rembourser sur la durée les investissements privés réalisés. Pour rendre cette approche réalisable et soutenable à long terme, la Banque apportera une contribution financière pour aider au renforcement des capacités techniques et financières et à la résilience des communautés au bas de l’échelle en matière d’organisation en réseaux, de microcrédits, d’éducation, de négociations financières et de développement d’activités génératrices de revenus. Mais comme il n’est pas sûr que la seule action de plaidoyer suffise à convaincre le secteur privé de s’engager dans des pays en transition, la Banque, à travers son initiative, prévoit d’exhorter les États à prendre des mesures incitatives et réglementaires appropriées pour la création d’un environnement des affaires favorable.


18

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

diaspora) à s’impliquer dans l’initiative 10 000 communautés en 1000 jours.

Renforcer la résilience des communautés vulnérables Pour la Banque, première institution de financement du développement en Afrique, l’un des principaux enjeux de l’initiative 10 000 communautés en 1000 jours, c’est de consolider la résilience des populations pour non seulement améliorer leurs conditions de vie, mais aussi développer une résilience leur permettant de surmonter des chocs et autres fléaux tels que le terrorisme, l’immigration clandestine et les conflits internes.

Au regard de l’immensité des besoins en financements pour apporter l’eau et l’électricité et rendre les coûts d’accès plus abordables aux populations ciblées, estimés à près de 5 millions de personnes, la Banque encourage d’autres partenaires techniques et financiers privés et publics (institutions multilatérales et bilatérales de développement, fondations internationales, investisseurs d’impact,

Derrière l’ambition d’apporter de l’eau et de l’électricité, apparaît aussi le projet d’autonomiser les femmes africaines. Soulagées des corvées d’eau, les femmes en milieu rural pourront ainsi consacrer leur temps à des activités génératrices de revenus, telles que la vente de jus locaux réfrigérés grâce à la production d’électricité, avec des solutions innovantes adaptées aux réalités locales. Après son adoption par le Conseil d’administration du Groupe de la Banque en mai 2018, l’initiative entrera dans sa phase opérationnelle en commençant par les États du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). n


19

Nous reconnaissons qu’il est de notre devoir de veiller à ce que la Banque dispose de la capacité et des ressources nécessaires pour mener à bien son ambitieux programme des High 5. Nous nous félicitons que la Banque continue à tenir son engagement de se rapprocher de ses clients, et constatons l’importance croissante qu’elle prend dans le paysage du développement de l’Afrique australe. Avec le thème de Accélérer l’industrialisation de l’Afrique, j’espère que nous partirons de Busan avec des idées encore plus précises sur la façon dont nous devons accélérer collectivement le développement global de l’Afrique et libérer tout son potentiel.

Mondli Gungubele Vice-ministre des Finances, gouverneur suppléant

E

n tant qu’États membres de la SADC, nous restons engagés envers notre partenariat stratégique avec la Banque africaine de développement. Nous maintenons cet engagement à travers un dialogue régulier et structuré avec le président et la direction de la Banque. Nous travaillons également en partenariat avec la Banque pour promouvoir plus particulièrement le développement des infrastructures, qui est essentiel au développement économique, à l’intégration régionale et à la croissance. L’accent est en particulier mis sur le renforcement de la mise en œuvre de projets de qualité susceptibles d’être financés. Notre relation symbiotique s’articule autour de l’objectif de développement de l’Afrique et d’une passion commune pour les avantages énormes qui découlent de projets réussis.

Nous devons tirer parti des innovations technologiques et dans les infrastructures pour faire un bond en avant. Pour que l’Afrique puisse être compétitive sur la scène internationale, il y a fort à faire à de multiples niveaux. Cela nécessitera une volonté politique aiguë, un leadership, une vision et des compétences ciblées, dont nous constatons avec fierté la présence à la tête et à la direction de notre banque de développement. La Corée constitue un modèle de développement transformationnel et témoigne d’une incroyable capacité à s’adapter aux tendances mondiales. En moins de 45 ans, le pays a développé lui-même des solutions technologiques et d’infrastructures pour répondre aux besoins de sa population. Je félicite la direction de la Banque africaine de développement pour l’excellent travail qu’elle continue d’accomplir en notre nom et pour sa capacité à faire avancer le programme continental. Et ce n’est pas un hasard si la Banque africaine de développement a obtenu et conserve sa note AAA. Notre Banque concerne des personnes, elle a vocation à aider des personnes. Aujourd’hui, comme toujours, l’Afrique du Sud soutient la Banque africaine de développement, et se réjouit de poursuivre sa fructueuse collaboration avec elle. n

AFRIQUE DU SUD

Afrique du Sud – Mondli Gungubele


ALGÉRIE

20

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Abderrahmane Raouya Ministre des Finances

Le défi de l’industrialisation pour l’Afrique et pour l’Algérie

L

’ Afrique, qui a enregistré ces dernières années une forte croissance pour se hisser au rang de deuxième zone en termes de rythme de croissance, a néanmoins besoin de poursuivre cet effort afin d’améliorer le contenu de cette croissance et d’en maintenir le rythme soutenu. Le continent africain a les capacités pour atteindre ces objectifs, il dispose du potentiel nécessaire pour réaliser des avancées significatives en matière de développement économique et social et réduire l’écart par rapport aux économies émergentes. L’Afrique ne doit pas compter seulement sur ses richesses naturelles, mais également sur son capital humain et en premier lieu sur sa jeunesse. Elle doit en faire un atout important au service de son développement. En effet, le continent africain recèle aujourd’hui des potentialités humaines qui constituent à la fois une opportunité, mais aussi un défi. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour satisfaire les besoins d’une population croissante de plus en plus exigeante. Le défi que doit relever notre continent, dans les années à venir, réside dans la réussite de la transformation structurelle de nos économies, condition nécessaire pour un développement durable et inclusif

Bio • Abderrahmane Raouya a débuté sa carrière au ministère des Finances en 1985. En 2006, il est nommé directeur général des Impôts. Il a exercé cette fonction jusqu’à sa nomination à la tête du ministère des Finances. • Diplômé en sciences juridiques de l’Université d’Alger, il est titulaire d’un diplôme de l’Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand en France. • Abderrahmane Raouya possède une expérience au niveau international. Il a en effet collaboré avec le Fonds monétaire international (FMI) qui l’a désigné en qualité d’expert en République démocratique du Congo de 2003 à 2005.


Algérie – Abderrahmane Raouya

Dans ce cadre, l’industrialisation apparaît comme une pièce essentielle dans le processus de développement de l’Afrique. Elle constitue un facteur déterminant qui doit permettre la transition du continent d’une économie basée sur les produits primaires à une économie plus diversifiée et à forte valeur ajoutée. L’industrie est au cœur de la transformation structurelle et de la croissance économique. Outre l’effet d’entraînement qu’elle exerce sur les autres secteurs de l’économie et des économies d’échelle qu’elle permet de réaliser, elle est incontestablement un vecteur des changements technologiques nécessaires pour augmenter la productivité des facteurs de production et renforcer ainsi la compétitivité des économies africaines. L’industrialisation permettra également à l’Afrique d’améliorer sa position en termes d’intégration dans les Chaînes de valeurs mondiales (CVM). À cet effet, l’Afrique doit se positionner sur des créneaux porteurs, comme l’agroalimentaire, le textile, l’automobile, l’aéronautique… À l’instar des pays d’Asie et d’Amérique latine, le continent doit lui aussi tirer profit de cette intégration. Néanmoins celle-ci doit être accompagnée d’une révolution dans le domaine de l’innovation et des nouvelles technologies, une meilleure maîtrise des coûts et de la logistique et un plus grand effort pour améliorer le pouvoir de négociation vis-à-vis des firmes internationales, tout en agissant pour accroître les échanges commerciaux intra- africains, dans le cadre de la zone de libre échange africaine. La relance industrielle émerge, pour les pays africains, comme un pilier fondamental des stratégies économiques nationales. En effet, la grande vulnérabilité de l’Afrique aux chocs exogènes dus à la grande volatilité des matières premières ne peut être atténuée sans diversifier la structure de la production et des exportations des pays africains pour qu’ils puissent mieux absorber ces chocs.

L’Afrique a pris conscience de ce défi et affiche une véritable volonté politique à le relever. En plus des plans d’émergence et des stratégies nationales en la matière, cette volonté politique s’est traduite sur le plan continental, par l’adoption de l’agenda de développement 2063 de l’Union africaine, dans lequel l’industrialisation est considérée comme un levier important pour le développement de l’Afrique. Le commerce intra-africain, qui ne dépasse pas 13 % du volume des échanges, montre que la marge de croissance des échanges commerciaux au sein du continent est appréciable et que le potentiel qu’offre ce marché représente un levier essentiel pour favoriser l’accélération de l’industrialisation du continent. Cette dernière reste cependant tributaire d’une mutualisation des efforts des États pour la réalisation des infrastructures de base dans un contexte d’amélioration des chaînes de valeurs africaines. Concernant l’Algérie, l’industrialisation reste un défi majeur pour son économie qui est caractérisée par sa forte dépendance aux hydrocarbures. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que l’Algérie a lancé depuis le début des années 2000 une série de programmes de développement quinquennaux ambitieux qui ont touché plusieurs domaines de développement. Ces programmes, qui ont eu un impact très positif sur la croissance et la réduction de la pauvreté, ont été financés presque exclusivement par l’épargne publique que les pouvoirs publics ont pu mobiliser au cours de la dernière décennie. Ainsi, au cours de cette décennie, il a été réalisé, à titre indicatif, dans le domaine de l’hydraulique 26 barrages, pendant que les travaux publics enregistraient la réalisation de 1 100 kilomètres d’autoroutes, 1 695 kilomètres de pénétrantes et de voies express, 129 projets d’infrastructure portuaire alors qu’en matière de transport, durant la même période 2 318 kilomètres de voies ferrées étaient achevés. Quant à la production d’électricité, la puissance installée est passée de 8 503 MW en 2008 à 17, 238 MW en 2015. Par ailleurs, l’Algérie a toujours développé une approche qui repose sur une prospérité partagée qui va au-delà de ses frontières, en prenant en considération la question importante de l’intégration régionale dans les projets

21

d’infrastructures, notamment dans le cadre du NEPAD. Aujourd’hui, la contrainte financière engendrée par la chute des prix des hydrocarbures à partir de 2014 pose avec acuité des défis à l’Algérie, en termes de diversification de son économie et d’accélération des réformes structurelles, qui visent à améliorer le cadre institutionnel, à introduire le principe d’une budgétisation fondée sur la performance et à réorienter les ressources disponibles au bénéfice de la croissance économique. Pour l’économie algérienne, la réussite du processus de diversification dépend en grande partie des progrès du secteur industriel. À cet effet, l’Algérie a adopté un nouveau modèle de croissance basé, notamment, sur une politique industrielle soutenue et une plus grande libéralisation des initiatives pour atteindre les taux de croissance sectoriels requis pour une meilleure diversification de son économie. Les politiques industrielles de l’Algérie seront réorganisées en quatre axes stratégiques : un soutien aux secteurs disposant d’avantages comparatifs, un soutien aux secteurs disposant déjà d’avantages comparatifs construits, une stratégie de substitution ciblée et un soutien au développement d’activités industrielles dans des secteurs où l’élasticité-revenu à l’exportation à long terme est importante. Le rôle de la Banque africaine de développement dans l’accompagnement des pays du continent dans leurs efforts d’industrialisation nous paraît primordial. Dans ce cadre, on ne peut que souligner l’effort que déploie cette institution à travers la vision stratégique pertinente, les High 5 qu’elle a développés, où l’industrialisation figure parmi les cinq piliers stratégiques, aux côtés de l’énergie, de l’agriculture, de l’intégration régionale et de l’amélioration de la qualité de vie des populations. La dimension continentale de la Banque africaine de développement lui procure une place de choix pour apporter les réponses appropriées aux défis de développement auxquels fait face l’Afrique. n


22

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

ALLEMAGNE

Maria Flachsbarth Secrétaire d’État parlementaire du ministère de l’Alimentation et de l’agriculture

L’industrialisation pour un développement inclusif et durable Les Assemblées annuelles auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendez-vous de la rencontre de Busan et, de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? L’industrialisation n’est pas une fin en soi. La véritable mesure du progrès et du développement doit être celle de la qualité de vie de la population : son état de santé, son éducation, sa participation politique et les libertés individuelles dont elle jouit, particulièrement en ce qui concerne l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. En tant que membres de la communauté internationale, nous avons souscrit aux nobles aspirations des Objectifs de développement durable. Nos stratégies en matière d’industrialisation devront toujours être guidées par ces objectifs. Nous devons faire en sorte que l’industrialisation soit durable et inclusive, afin que tous les Africains puissent en profiter. Comment l’Afrique en voie d’industrialisation peut-elle éviter un scénario de croissance non inclusive semblable à ce qui a été observé dans certaines économies plus avancées ?

Bio • Secrétaire d’État parlementaire auprès du ministre fédéral de la Coopération et du développement économique depuis mars 2018. • De 2013 à 2018, elle fut secrétaire d’État parlementaire auprès du ministre fédéral de l’Alimentation et de l’agriculture. • Membre du Comité de l’environnement, de la conservation de la nature et de la sécurité nucléaire ; membre du Conseil des Anciens. • Depuis 2006, siège au Comité fédéral du climat et de la nature de l’Union chrétienne-démocrate. • Depuis 2004, préside la commission d’enquête du parlement. • Titulaire d’un PhD en médecine vétérinaire.

Quand des économies subissent de grands changements, les décideurs politiques ont le devoir de ne laisser personne pour compte. Il est inacceptable de voir des populations demeurer dans la pauvreté et la misère alors que le revenu national est en progression. L’Afrique va au-devant d’opportunités formidables si elle utilise les idées d’entreprises innovantes qui sont apparues, souvent par pure nécessité, en vue de conduire le développement des économies nationales. La priorité doit donc être accordée au développement et à la propagation de ces innovations, et ce en mettant en place des systèmes de financement et d’éducation inclusifs. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les investissements directs étrangers ? La corruption publique, combinée à la recherche de profits dans des économies où la motivation première est de demeurer au pouvoir, signifie que les élites du monde politique et du monde des affaires se sont installées dans des positions confortables, extrêmement lucratives pour elles, certes, mais inefficaces sur le plan économique. Le Pacte avec l’Afrique formulé sous la présidence allemande du G20 et le Plan Marshall avec l’Afrique ont attiré l’attention sur les efforts qui visent à rendre l’environnement du continent plus propice aux investissements. La responsabilité d’avancer sur cette voie incombe en premier lieu aux gouvernements eux-mêmes. Et la Banque africaine de développement a un rôle tout spécial à jouer dans ce contexte. Grâce à sa connaissance de la région et


Allemagne – Maria Flachsbarth

23

Photo : © photothek.net

Strathmore University de Nairobi. Un étudiant examine des panneaux solaires sur le toit d’un centre de formation pour techniciens solaires et auditeurs énergétiques.

de la crédibilité dont elle jouit, elle est en mesure d’analyser les causes profondes de la situation et de tracer une trajectoire de réforme viable et véritablement africaine. L’Afrique rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et, pourtant, subit plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? En progressant sur la voie de l’industrialisation, l’Afrique devra, d’une manière ou d’une autre, trouver des réponses à son besoin en énergie. En optant pour des énergies renouvelables plutôt que pour des combustibles fossiles, elle pourra assurer la « propreté » de cette voie dès le départ, et ce notamment en se tournant vers les solutions hors réseau. Les gouvernements africains doivent également se garder d’offrir à des investisseurs, à titre d’argument de vente, un allègement des réglementations environnementales. Même si cette approche peut générer des gains à court terme, le prix à payer sera élevé. En effet, il ne faut pas oublier que la restructuration de la société et de l’économie pour faire face au changement climatique représente un énorme potentiel de développement. Nous aidons nos partenaires à tirer parti de ce potentiel et saluons le fait que la Banque africaine de développement soit également engagée sur cette voie en tant que membre du partenariat mondial pour les Contributions déterminées au niveau national (CDN).

D’après une récente étude commanditée par la Banque, il existe un écart hommesfemmes stupéfiant de 42 milliards de dollars américains en ce qui concerne l’accès au crédit en Afrique. Que peut faire la Banque pour assurer aux femmes une véritable égalité des chances ? Une société qui ne donne pas aux femmes la possibilité de façonner leurs propres vies compromet son propre avenir. Il est vital d’assurer l’égalité d’accès aux services financiers, car cela permettra à des femmes ayant de bonnes idées de bâtir des entreprises couronnées de succès. Lorsque nous assurions la présidence du G20, nous avons lancé l’Initiative de financement des femmes entrepreneures en vue de combler cet écart financier. La Banque africaine de développement a lancé des initiatives semblables. En finançant les banques locales, la Banque doit veiller à ce que leur politique de prêt privilégie les femmes qui sont à la tête de petites et moyennes entreprises. L’Afrique est à l’avant-garde de la révolution numérique, particulièrement en ce qui concerne les transactions bancaires par téléphone portable. Quels seraient les autres moyens par lesquels la révolution numérique pourrait appuyer les progrès pour les High 5 ? Les domaines sont nombreux qui permettent aux programmateurs, chercheurs et personnes évoluant dans le milieu des d’affaires de tirer parti des réseaux grandissants de téléphonie mobile du continent pour surmonter les obstacles au développement et parvenir à une

industrialisation élargie. Nous avons à soutenir ces pionniers et à les aider à constituer une solide classe moyenne numérique. Je suis ravie que la Banque soit déjà en discussion avec notre initiative Make IT, qui soutient des entrepreneurs de la technologie de l’information en Afrique. Toutefois, bien que la numérisation puisse créer de nouveaux emplois, l’industrie numérique 4.0 pourrait faire disparaître d’autres emplois ailleurs. L’Afrique est donc bien avisée qu’elle doit veiller à ce que son processus d’industrialisation s’accompagne d’une diversification dès le départ. Il se peut même que le bas niveau des salaires ne soit plus un argument de vente en faveur de l’Afrique si, d’ici quelques années, les imprimantes tridimensionnelles signifient la fin des usines devenues redondantes dans le monde entier. C’est pourquoi l’Afrique devrait investir tout particulièrement dans l’éducation, particulièrement numérique, pour qu’un nombre suffisant de ses citoyens aient une formation leur permettant de s’engager dans les métiers informatiques de l’avenir. Quelle est votre vision de l’Afrique dans quinze ans, et comment concevez-vous le rôle de la Banque africaine de développement pour réaliser cette vision ? Dans de nombreux endroits, on perçoit déjà, de manière très sensible, qu’un changement se produit et que l’image du continent est déjà en cours de transformation. La Banque africaine de développement doit appuyer les jeunes dans leur volonté de contester ceux qui ne s’intéressent qu’à conserver leur position actuelle de pouvoir, afin qu’ils puissent concrétiser leur vision d’un meilleur avenir. Elle a pris des engagements d’investissement considérables, lesquels devront être liés de plus en plus à la création et à la préservation du patrimoine public à l’échelle mondiale et régionale, et à la réalisation de progrès en matière de gouvernance. En tant que « Banque des Africains », la Banque africaine de développement a un devoir particulier à cet égard, pas envers les gouvernements africains, mais principalement envers les populations du continent. Un secteur privé africain et diversifié, un processus d’industrialisation durable sur les plans écologique et social, la participation politique et économique de groupes actuellement marginalisés, l’accès universel à l’éducation et à la santé, et l’égalité hommes-femmes, tous ces éléments me paraissent constituer les critères essentiels à retenir pour mesurer le succès global de cette vision. n


ANGOLA

24

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Aia-Eza Da Silva Secrétaire d’État au budget et aux investissements publics Pour Archer Mangueira, ministre des Finances

Notre impératif le plus urgent est la mise en œuvre de projets agricoles et infrastructurels Les Assemblées annuelles auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendezvous de la rencontre de Busan et, de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? La Corée a mis sur pied un système économique solide en misant sur son actif le plus précieux : sa population. Le gouvernement coréen et les familles coréennes ont su apprécier la valeur de l’éducation et y ont investi à des niveaux extraordinaires. Ce pari a permis de former les ingénieurs et les travailleurs dont le pays avait besoin pour établir des industries manufacturières devant conduire à une économie prospère. Les grands enseignements de l’expérience coréenne touchent à l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge et à la formation technique avancée. À votre avis, comment l’industrialisation de l’Afrique peut-elle être accélérée pour favoriser la croissance inclusive sur le continent et y créer des emplois ? Nous avons à mieux comprendre et utiliser notre riche diversité ethnique et culturelle, tout autant que les ressources naturelles que l’on trouve presque partout sur le continent. Le développement doit reposer sur des politiques

publiques qui forment des populations éduquées et bien portantes en leur proposant une éducation publique de qualité, la santé et le bien-être, et en lançant les grappes industrielles qui conviendront le mieux pour chaque territoire en fonction de ses avantages comparatifs. En général, la population du continent est très jeune, ce qui rend d’autant plus urgente la nécessité d’activer le développement. Nous avons à offrir des opportunités à nos jeunes avant que ceux-ci ne deviennent notre pire cauchemar démographique et économique. Laquelle des priorités stratégiques de la Banque vous semble la plus importante actuellement ? Sans doute grâce à sa vaste expérience des défis de l’Afrique, la Banque a fort intelligemment simplifié les priorités du continent et les principaux problèmes auxquels ses pays, y compris l’Angola, doivent faire face. En fait, ce processus est de caractère holistique et fait appel à un programme intégré. En Angola, comme le montrent nos plans de développement à moyen et à long termes, ce sont les secteurs de l’énergie et de l’eau qui mobilisent le plus d’investissements publics et privés, aux côtés des infrastructures de transport et de logistique, en vue de rendre notre nation plus attractive aux investissements directs étrangers. Toutefois, lorsque les infrastructures appropriées seront en place, l’objectif qui me paraît crucial pour mon pays

sera un secteur agricole autosuffisant et la possibilité pour nos populations de produire à la fois pour répondre à leurs propres besoins et pour exporter. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les investissements directs étrangers ? Nous avons pris des mesures pour réguler, superviser et gérer le risque afin que notre système financier soit conforme aux meilleures pratiques internationales. Le Groupe d’action financière (GAFI) a relevé la notation de notre pays. Le gouvernement a modernisé la loi relative aux investissements privés afin de faciliter le déploiement de capitaux par des investisseurs internes et externes. Il a également amélioré le dispositif d’accès de ces investissements à des avantages et autres facilités. Ces mesures ont accompagné la promulgation récente d’une loi sur la concurrence favorisant les investisseurs, et une action judiciaire efficace pour lutter contre les malversations et la corruption. Il ne s’agit là que de certaines des mesures que nous avons prises. De plus, le pays s’est engagé dans un processus d’ajustement structurel portant sur les politiques macroéconomiques jugées les plus importantes par la plupart des partenaires internationaux et multilatéraux. Celles-ci sont réalisables et de grande valeur pour notre avenir. L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui pourtant subit plus que tout autre le changement


Angola – Aia-Eza Da Silva

climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire l’Afrique pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? Sur le plan environnemental, nous nous trouvons en effet à une croisée des chemins. Toutefois, nous ne pouvons pas adopter entièrement une attitude consistant à éviter la pollution à tout prix. Pour améliorer sérieusement les conditions de vie des générations actuelles, nous aurons à régler une facture environnementale, mais celleci ne doit pas entraîner la pénalisation irréversible de générations futures. Les décisions à ce sujet doivent être prises dès maintenant au moyen de lois appropriées, orientées par les initiatives mondiales et les bons exemples qui sont déjà en place. Par exemple, nous savons que l’agro-industrie est un secteur appelant à une attention urgente vu ses niveaux élevés de pollution, mais en tant que continent, nous ne pouvons pas compromettre les progrès de cette industrie. Cela est également vrai pour d’autres industries qui produisent des biens commercialisables qui pourraient réduire notre dépendance de l’extérieur. En bref, je ne pense pas que nous pouvons nous laisser paralyser par cette problématique. Nous pouvons nous engager à prendre des mesures structurelles, à instaurer l’état de droit, et à éduquer nos populations en vue d’éviter de nouvelles dégradations de notre planète. Tel est ce patrimoine que nous entendons léguer en commun aux générations futures. D’après une récente étude commanditée par la Banque, il existe un écart hommes-femmes stupéfiant de 42 milliards de dollars en ce qui concerne l’accès au crédit en Afrique. À mesure que votre pays poursuit son industrialisation, que peut faire la Banque pour assurer aux femmes une véritable égalité des chances ? Dans nos programmes et politiques d’emploi, il a été possible d’établir des quotas minimums de participation féminine. Toutefois, je ne suis pas certain qu’il soit économiquement efficace d’établir des quotas identiques pour ce qui est de l’accès au financement. Nous savons que, dans notre réalité sociale, les femmes jouent un rôle décisif en tant qu’entrepreneures à la tête de petites affaires assurant l’existence de leurs familles. Alors que les services bancaires de microfinance paraissent les plus appropriés dans ce contexte, leur efficacité n’est pas encore établie parce qu’il n’existe pas encore de culture financière de base qui permettrait aux femmes de tirer parti de ces possibilités. Je dirais donc que toute éducation visant à instaurer l’inclusion financière devrait tirer parti de la nature

25

entrepreneuriale dont les femmes d’Afrique font preuve tous les jours.

la Banque africaine de développement dans ce contexte ?

L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui pourtant subit plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ?

Il nous reste encore de grands problèmes à résoudre sur le plan social en raison des effets de la démobilisation consécutive à la guerre. Nous vivons en paix depuis 16 ans, mais des milliers d’anciens combattants ont besoin d’un soutien de l’État. Une partie de cette capacité humaine démobilisée peut être aiguillée vers des secteurs productifs capables de rapidement valoriser des compétences professionnelles. Nous devons de toute urgence mettre en œuvre des projets agricoles et infrastructurels susceptibles de profiter de cette force de travail et de nos jeunes. Tous les projets pouvant permettre à des jeunes de devenir des travailleurs qualifiés sont également requis de manière urgente, car nous avons un défi à relever, celui du grand nombre de nos jeunes inactifs. Notre système éducatif doit dispenser une éducation de qualité pour faire face à une croissance démographique représentant près d’un million de personnes par année. Il faudra également améliorer les capacités du secteur de la santé à servir la population et à éradiquer des maladies endémiques qui ont déjà disparu de certains pays d’Afrique. Il existe de nombreux domaines d’aide où la Banque peut intervenir. Et elle le fait déjà dans différents domaines.

Je ne suis pas un expert sur ce sujet, mais il existe des manques aux niveaux de la communication du savoir et du mentorat. Offrir aux communautés les moyens de s’informer, ou une forme d’enseignement à distance susceptible d’appuyer l’agriculture familiale et d’améliorer l’éducation sanitaire serait un moyen de progresser. Par exemple, j’ai entendu dire qu’au Royaume-Uni, des hôpitaux et des patients reçoivent des diagnostics et des ordonnances à partir d’Inde. Il serait donc possible, dans de nombreux cas, d’atténuer la contrainte du manque d’hôpitaux et de spécialistes médicaux dans notre pays par la mise en place de bonnes connexions numériques avec des spécialistes travaillant à partir des principaux centres hospitaliers. La Banque pourrait stimuler l’émergence de projets pour rendre possibles les réalités virtuelles de ce type. Malheureusement, il n’est pas possible de partager de la nourriture, de l’électricité ou de l’eau par voie électronique, mais nous pouvons partager du savoir et de l’expérience par ce moyen. Quelle est votre vision de l’Afrique dans quinze ans, et comment concevez-vous le rôle de la Banque africaine de développement pour réaliser cette vision ? On me reprochera ici de me livrer à des vœux pieux. Néanmoins, j’entrevois un continent où tous les enfants seront scolarisés pendant neuf ans au moins, où plus de la moitié des jeunes seront suffisamment alphabétisés pour apprendre un métier leur permettant de lancer une petite affaire, où des maladies comme le paludisme, la fièvre jaune, le choléra et le sida, autant de fléaux du passé, ne seront plus les causes principales de mortalité, et où les personnes, tout en conservant leurs propres cultures et leurs propres antécédents, pourront vivre plus longtemps et sainement. La poursuite des cinq priorités stratégiques de la Banque pourra contribuer à réaliser cette transformation future. Quels sont, à votre avis, les principaux défis sociaux et économiques auxquels votre pays doit faire face, et quel serait le rôle de

À la lumière de la mission de la Banque d’accélérer le développement de l’Afrique, quelle est votre position actuelle concernant une augmentation générale de son capital afin de lui permettre d’atteindre son objectif d’améliorer la qualité de vie des Africains ? L’augmentation proposée permettra à la Banque de disposer des ressources nécessaires pour assurer le développement durable de ses activités, concernant les High 5 de la gouvernance. Nous sommes d’accord avec les dispositions de la proposition du Conseil d’administration, car elles cadrent avec les statuts de la Banque. Toutefois, toute augmentation devrait satisfaire aux conditions suivantes. Les versements partiels ne doivent pas être doublés parce que de nombreux pays n’ont pas encore acquitté l’augmentation précédente. La Banque doit avoir une présence accrue dans les pays membres régionaux, ce qui signifie qu’elle doit y disposer de bureaux. La Banque devrait accélérer ses projets d’approbation et de lancement de projets dans différents pays. Le processus de décaissement doit être moins bureaucratique et mieux adapté à la dynamique et à la législation de chaque pays. n


ARABIE SAOUDITE

26

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Yousef I. Albassam Yousef I. Albassam, vice-président et directeur général du Saudi Fund for Development

Coopération saoudienne au développement en Afrique

L

e royaume d’Arabie Saoudite est l’un des principaux pays qui offre une aide financière pour stimuler les efforts de développement dans les pays en développement : il a fourni près de 152,3 milliards de dollars américains, soit environ 1,2 % de son PIB au cours des sept dernières années, dépassant de loin l’objectif de 0,7 % fixé par l’Organisation des Nations Unies. L’assistance proposée comprend des subventions pour l’exécution de projets de développement, des aides d’urgence et pour l’atténuation des effets des catastrophes, ainsi que des prêts pour stimuler l’avancée des pays en développement. Grâce à ses efforts incessants de renforcement du développement des pays partenaires, l’Arabie Saoudite arrive au deuxième rang mondial en termes de transfert d’argent des travailleurs étrangers.

Bio • Depuis le 15 août 1995, il est gouverneur pour le royaume d’Arabie Saoudite auprès de la Banque africaine de développement. • Depuis 2009, il représente l’Arabie Saoudite au Comité de coopération, qu’il préside, pour la Re-construction de Gaza. Il est le représentant de l’Arabie Saoudite au Conseil d’administration, qu’il préside également, de la Banque arabe d’investissement. • Depuis mai 2008, il est président du Conseil d’administration de la Banque arabe pour le déve-loppement économique en Afrique. • De juillet 2004 à août 2010, il était président du Conseil d’administration du Fonds saoudien de développement industriel. • Depuis septembre 2002, il siège au Conseil des administrateurs de l’Université ouverte arabe. • Depuis 2001, il est le vice-président et administrateur délégué du Fonds saoudien de dévelop-pement. • Depuis décembre 2000, il représente l’Arabie Saoudite au Comité administratif pour Al-Aqsa et Al-Quds, qu’il préside également. • Depuis octobre 2001, il représente l’Arabie Saoudite au Programme du Golfe arabe pour le dé-veloppement. • De mai 2000 à avril 2008, il a siégé au Conseil d’administration du Fonds arabe de développe-ment économique et social. • De 1994 à 1997, il a siégé au Conseil d’administration de la Banque saoudienne de crédit, et de 1992 à 1994, il a occupé le poste de directeur exécutif adjoint de la Banque africaine de déve-loppement. • Il a obtenu son diplôme de génie civil de l’université du Roi Saoud en 1975 et une maîtrise en génie civil de l’université du Michigan en 1979.


Arabie Saoudite – Yousef I. Albassam

Relations et coopération L’Arabie Saoudite entretient des relations étroites avec l’Afrique depuis des décennies. Historiquement parlant, elle a soutenu l’Afrique sur bien des plans, socialement, économiquement et politiquement, ainsi que sur le plan du développement et de l’aide humanitaire à divers moments de son histoire, pour que le continent atteigne prospérité et essor. À titre d’illustration, le gouvernement saoudien a lancé un programme spécial au début des années 1980 intitulé The Saudi Program for Drilling Wells and Rural Development in Africa (Programme saoudien de forage de puits et de développement rural en Afrique) en réponse à la sécheresse qui s’était alors abattue sur l’Afrique. Le but du programme était d’atténuer les effets de la sécheresse dans les régions rurales africaines en creusant des puits pour accéder à de l’eau potable. Un montant de 100 millions de dollars a été alloué à la première phase de ce programme. Vu le succès de la première phase des projets engagés dans le cadre du programme dans plusieurs pays africains, du fait de la sécheresse persistante au cours des années qui ont suivi dans d’autres régions d’Afrique, et conscients de l’importance de la poursuite du programme dans d’autres pays et régions d’Afrique, 330 millions de dollars ont été alloués sur quatre phases supplémentaires. La cinquième phase impliquant un montant de 100 millions a été exécutée en 2017. L’Arabie Saoudite considère la coopération économique avec l’Afrique ainsi que la stabilité politique comme des axes importants et un vivier de ressources et de richesses dans divers domaines, notamment l’agriculture, l’exploitation minière et la production industrielle, les mouvements commerciaux et les partenariats d’investissement à valeur ajoutée. Selon le rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, le volume des échanges commerciaux entre l’Arabie Saoudite et les pays africains en 2014 s’est élevé à 18,2 milliards de dollars américains, dont 14,9 milliards d’exportations saoudiennes vers l’Afrique et 3,3 milliards d’importations saoudiennes

Coopération en matière d’investissement S’agissant de la coopération dans ce domaine, l’Arabie Saoudite est toute disposée et cherche à stimuler l’investissement en Afrique. À cet égard, le gouvernement saoudien a lancé l’Initiative stratégique à long terme pour soutenir l’investissement à l’étranger pour la production de riz, de blé, d’orge, de maïs, de sucre, de fourrages verts et de ressources animales. Les investisseurs auront le droit d’exporter au moins 50 % de la production agricole vers l’Arabie Saoudite.

Coopération en matière de développement Sur le plan de la coopération au développement avec l’Afrique, l’Arabie Saoudite a fait des apports en capitaux dans diverses institutions arabes, régionales et internationales de développement telles que la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, le Groupe de la Banque islamique de développement, le Fonds de l’OPEP pour le développement international, le Groupe de la Banque africaine de développement, le Fonds monétaire international, le groupe de la Banque mondiale et d’autres. Toutes ces institutions travaillent main dans la main avec les pays africains pour mettre en œuvre des projets et des programmes de développement dans le but de soutenir le développement économique et social du continent. Compte tenu de son rôle de chef de file régional et international d’appui aux efforts des pays les moins développés pour parvenir à un développement économique et social durable, l’Arabie Saoudite a créé le Fonds saoudien pour le développement (SFD) qui sera le principal canal bilatéral de l’assistance au développement du royaume. Sa stratégie se centre sur des secteurs hautement prioritaires comme décrits dans les plans nationaux de développement économique et social des pays bénéficiaires. Au total, 665 accords de prêts ont été signés entre 1975 et 2017 pour financer 635 projets et programmes économiques

27

de développement, pour un montant total dépassant 14,7 milliards de dollars américains. Quatre-vingt-cinq pays en développement du monde entier ont bénéficié de ces projets et programmes, dont 46 en Afrique et 29 en Asie, et le reste dans d’autres parties du monde. Depuis le début de ses activités et jusqu’à la fin de l’année 2017, le SFD a financé 373 projets et programmes économiques en Afrique dans les secteurs du transport, des communications, de l’agriculture, de l’énergie, de l’industrie et des mines, pour un montant total de 7,7 milliards de dollars américains, représentant 52,41 % de l’engagement cumulé total du Fonds. L’Arabie Saoudite, par l’intermédiaire de son principal canal bilatéral, le SFD, fournit son aide au développement aux pays en développement sous forme de prêts bonifiés et d’assistance technique. Elle continuera de travailler et de coopérer avec les pays africains et ses partenaires pour favoriser le développement global du continent. Pour le Fonds, le travail de partenariat avec ces pays traduit le concept de communauté d’intérêts et de solidarité, le but étant d’aider à surmonter la pénurie de ressources et de soutenir les pays en difficulté. Épauler des nations pauvres dans le monde en élargissant son expérience dans le domaine du développement fait partie intégrante de la politique du royaume d’Arabie Saoudite. Le royaume en général, et le Fonds saoudien pour le développement (SFD, sigle en anglais) en particulier, sont bien conscients des difficultés auxquelles se heurtent les gouvernements africains pour subvenir aux besoins fondamentaux de leurs populations et assurer la prospérité de leur pays. n


AUTRICHE

28

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Hartwig Loeger Ministre des Finances

Les Assemblées annuelles auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendez-vous de la rencontre de Busan et, de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? Nous attendons des Assemblées annuelles à Busan qu’elles conduisent à approfondir la stratégie de la Banque en matière d’industrialisation et à mieux définir les mesures à prendre pour la mettre en œuvre. Bien que l’expérience coréenne soit tout à fait particulière, elle peut en partie servir d’exemple pour l’industrialisation des pays africains. À mon avis, les éléments les plus importants de l’industrialisation de la Corée ont été une politique d’industrialisation judicieuse, la volonté de renforcer l’éducation et de la relier aux impératifs du développement économique, la création d’emplois et une gouvernance de qualité. Comment l’Afrique en voie d’industrialisation peut-elle éviter un scénario de croissance non inclusive semblable à ce qui a été observé dans certaines économies plus avancées ? Il est certes important de développer un petit nombre d’industries avancées à haute productivité afin qu’elles puissent participer aux chaînes de valeur internationales et entrer en concurrence sur les marchés mondiaux, mais il est tout aussi important de soutenir les petites entreprises engagées dans la transformation de matières premières locales et qui desservent les marchés intérieurs et régionaux en Afrique. Il convient également d’accorder une grande attention à la formalisation du secteur informel, qui assure une part importante de l’emploi en Afrique. La mise à niveau des petites entreprises des secteurs formel et informel et l’amélioration de leur productivité et de leurs conditions de travail contribueront à renforcer la demande intérieure. Elles permettront aux entreprises de produire plus et d’employer davantage de personnes. Il est probable qu’un secteur des PME diversifié s’avérera le meilleur fournisseur d’emplois. L’intégration économique régionale est indispensable à la création de marchés africains plus importants. Parmi les priorités stratégiques de la Banque, laquelle vous semble la plus importante actuellement ? Les High 5 portent sur cinq actions de développement qui doivent être en interaction et se poursuivre simultanément afin d’aboutir à des progrès dans les pays africains contemporains. La question n’est pas de savoir laquelle de ces priorités doit être privilégiée,

Bio Hartwig Lœger est ministre des Finances de la république fédérale d’Autriche depuis décembre 2017. Il a pendant plusieurs années été le directeur général du groupe d’assurance autrichien Uniqa, le plus important du pays, après avoir occupé plusieurs postes managériaux dans le secteur privé. Hartwig Lœger a étudié les sciences économiques à l’université de Vienne, en Autriche, et à l’université de Saint-Gall, en Suisse.


Autriche – Hartwig Loeger

mais plutôt de savoir à quel rythme il sera possible de progresser de manière équilibrée dans l’ensemble des cinq domaines. Ce rythme dépendra de plusieurs facteurs, à commencer par la gouvernance. À la lumière de la mission de la Banque d’accélérer le développement de l’Afrique, quelle est votre position actuelle concernant une augmentation générale de son capital afin de lui permettre d’atteindre son objectif d’améliorer la qualité de vie des Africains ? La question de l’augmentation du capital de la Banque ne se résume pas à la demande en concours financiers. Il est bien évident que cette demande est énorme. Ce sur quoi il faut se pencher avant tout, c’est la capacité de produire des résultats concrets. Dans le meilleur des cas, les fonds disponibles sont trop rares pour être dépensés de manière non optimale, en raison d’une insuffisance de capacités de mise en œuvre. Ce qui compte pour les personnes en situation de fragilité en Afrique, ce ne sont pas les dépenses en tant que telles, mais les résultats de développement enregistrés sur le terrain. La discussion sur l’augmentation de capital doit se centrer sur les capacités de prestation de la Banque, les progrès sur le terrain, la gestion des ressources humaines au sein de la Banque et la performance des projets. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les investissements directs étrangers ? La paix et la stabilité politiques, associées à une gouvernance efficace et à un véritable État de droit constituent les conditions nécessaires au libre mouvement des investissements directs étrangers. Ensuite seulement, on peut s’attendre à ce que le renforcement des marchés intérieurs et la poursuite de progrès sur l’intégration économique régionale attirent un nombre sensiblement accru d’investissements directs étrangers à long terme vers le secteur réel. L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui subit pourtant plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? La dégradation de l’environnement et le changement climatique font des dégâts

dans tous les endroits où ils se produisent et ne manquent jamais d’affecter les pauvres. Les décisions d’industrialisation et les choix énergétiques d’aujourd’hui génèrent des coûts pour l’avenir. Il importe de les connaître en toute honnêteté. Il n’est peut-être pas possible de les éviter tous, mais il faut les prendre en considération, les minimiser et en tenir compte dans les calculs de faisabilité des projets d’investissement. Les investissements dans des énergies fossiles exposent les pays à des coûts d’énergie élevés et croissants pour de nombreuses décennies. Opter pour des solutions techniques qui protègent l’environnement et réduisent le changement climatique, qui sont abondamment disponibles aujourd’hui, sera payant à moyen et à long termes. D’après une récente étude commanditée par la Banque, il existe un écart hommes-femmes stupéfiant de 42 milliards de dollars en ce qui concerne l’accès au crédit en Afrique. Que peut faire la Banque pour assurer aux femmes une véritable égalité des chances ? Des programmes de prêts dédiés aux femmes pourront alléger cette injustice dans certains cas, mais ne changeront pas le fond de la situation. Seule l’autonomisation générale des femmes au sein des sociétés africaines conduira à une réduction des inégalités de genre, y compris dans le secteur financier. L’autonomisation des femmes conduira non seulement à obtenir davantage d’égalité, mais elle est absolument nécessaire pour activer le développement économique et politique en général. L’Afrique est à l’avant-garde de la révolution numérique, particulièrement en ce qui concerne les transactions bancaires par téléphone portable. Quels seraient les autres moyens par lesquels la révolution numérique pourrait appuyer les progrès pour les High 5 ? La pénétration productive des technologies numériques dans les sociétés s’accompagnera de différents avantages, notamment en ce qui concerne le développement économique et l’industrialisation, les services et l’administration publique. Pour tirer parti de ces avantages, la population en général, et les jeunes en particulier, devront se familiariser avec les technologies numériques à l’école ou en suivant des cours. Il faudra aussi abaisser autant que possible les barrières à l’accès à ces technologies et étendre les services d’internet rapide dans toute la mesure du possible. La Banque peut évidemment jouer un rôle dans ce domaine.

29 Quelle est votre vision de l’Afrique dans quinze ans, et comment concevezvous le rôle de la Banque africaine de développement pour réaliser cette vision ? Dans ma vision pour l’Afrique de 2033, les Objectifs de développement durable seront atteints. L’extrême pauvreté ne sera plus et la sécurité sera instaurée à travers le continent. La gouvernance sera efficace, transparente et redevable, les pays seront politiquement stables. Les économies africaines seront prospères et les marchés seront intégrés. Les activités manufacturières, agricoles et commerciales, ainsi que les services et l’État absorberont l’intégralité de la main-d’œuvre. Le développement sera durable et inclusif. Les priorités stratégiques de la Banque, les High 5, contribuent déjà à la réalisation de cette vision. La Banque a maintenant le devoir de perfectionner ses mécanismes de prestation de manière à cibler les projets les plus transformateurs et à assurer le succès complet de chaque projet. Quels seraient, à votre avis, les principaux défis sociaux et économiques de l’Afrique ? Quel serait le rôle de la Banque africaine de développement dans ce contexte ? Sur le plan économique, le premier défi à relever sera tout à la fois d’établir des industries capables d’entrer en concurrence au niveau international afin de pouvoir exporter, et de renforcer les marchés intérieurs et régionaux pour absorber les produits des PME locales. Il est nécessaire de sensiblement accroître le commerce régional en Afrique, à la faveur d’une intégration économique régionale accrue. Les PME locales produisant pour les marchés intérieurs et régionaux font appel à une main-d’œuvre abondante et créent des emplois. Sur le plan social, le défi à relever par les pays d’Afrique sera de générer davantage de recettes fiscales afin de pouvoir financer les transferts sociaux ainsi que les infrastructures sociales requises pour lutter contre l’extrême pauvreté et prévenir les inégalités sociales excessives. Le rôle de la Banque devrait être d’appuyer les pays d’Afrique dans leur processus d’industrialisation, dans l’établissement de marchés intérieurs et régionaux, dans l’augmentation des recettes fiscales, dans le soutien à la mise en place de systèmes sociaux et dans la réalisation de l’égalité de genre, de la durabilité et de l’inclusion. n


BÉNIN

30

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Abdoulaye Bio Tchane Ministre du Plan et du développement

Le Bénin et les High 5 de la Banque : une relation symbiotique

I

l est notable de constater la bonne dynamique de la croissance économique en Afrique ces dernières années, malgré les chocs qu’ont pu connaître certains des pays du continent. Cette dynamique économique est portée par de nombreux facteurs.

Les réformes produisent toujours des fruits Sur le plan politique, au cours de ces trois dernières années, l’Afrique a enregistré près d’une trentaine d’élections présidentielles, avec autant d’ambitions plébiscitées par les différentes populations. Je voudrais parler de ces ambitions, notamment celles portées par le gouvernement du Bénin depuis près de deux ans. Nos pays ont besoin de plus de réformes, de croissance économique et de résilience, de meilleure redistribution de la croissance et d’une plus grande efficacité de la lutte contre la corruption. Chez nous au Bénin, le gouvernement du président Patrice Talon a mis en place un Programme d’actions (PAG), Le Bénin Révélé, dont l’objectif général est de « transformer de manière durable le développement économique et social du Bénin ». C’est un ensemble de projets prioritaires, de projets phares et de réformes institutionnelles dont le coût de mise en œuvre est d’environ 18 milliards de dollars américains.

Bio M. Bio Tchane est actuellement ministre d’État chargé de la Planification et du Développement de la République du Bénin depuis 2016, à la suite de l’élection de Son Excellence Patrice Talon en tant que président de la République du Bénin. Auparavant, M. Bio Tchane a occupé des fonctions de direction au sein de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et a également occupé les postes de directeur du Département Afrique du Fonds monétaire international et de président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). M. Bio Tchane est apprécié pour ses qualités de dirigeant et les réformes qu’il a instaurées en faveur de la transparence et de la lutte contre la corruption alors qu’il exerçait les fonctions de ministre de l’Économie et des Finances du Bénin.


Bénin – Abdoulaye Bio Tchane

31

Bénin Taxi est un projet qui entend doter le Bénin de moyens de transport modernes, en commençant par la ville de Cotonou et ses alentours, mais surtout à promouvoir l’emploi et l’auto-entrepreneuriat en permettant à de jeunes artisans de bénéficier de ces voitures qui deviendront à terme leur propriété.

Le Bénin Révélé en symbiose avec les High 5 Le PAG béninois révèle la forte conviction du gouvernement qu’il est possible de bâtir au Bénin une économie forte, résiliente, qui créée de l’emploi décent, réduit le chômage, la précarité et les inégalités. Cette vision du gouvernement béninois est en parfaite symbiose avec la stratégie à dix ans de la Banque basée sur les High 5, et plus spécifiquement la priorité de Nourrir l’Afrique. À l’analyse de la charpente du PAG, Eradiquer la faim, mettre fin à la nutrition et accroître la productivité agricole représentent, à eux seuls, près de soixante-dix de ses projets. Eclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie trouve son pendant dans le PAG. Vingtquatre projets du PAG couvrent cet aspect. L’objectif à l’échéance 2021 est d’atteindre l’autosuffisance en matière énergétique, avec une capacité installée totale de 600 MW contre 20 MW en 2016. En avril 2016, notre premier objectif a été d’éliminer le délestage avant décembre 2016. Ce qui fut fait. À travers le développement de ces capacités de génération d’électricité, le Bénin veut se

donner les moyens de devenir une économie compétitive, attractive qui crée les conditions favorables à l’investissement. C’est ainsi que le pays se mettra progressivement sur la voie du développement par l’industrialisation. La promotion de zones économiques spéciales ainsi que la construction d’infrastructures de liaison entre les différents pays limitrophes du Bénin, pour exploiter tout le potentiel de pays de transit que nous sommes, viendront consolider cette stratégie d’industrialisation. Elle est ainsi arrimée à la stratégie Industrialiser l’Afrique et à celle d’Intégrer l’Afrique portées par les High 5 de la Banque.

L’emploi est la solution de lutte contre la pauvreté Enfin, le gouvernement du Bénin est convaincu que l’emploi est le premier canal par lequel les politiques publiques peuvent permettre de réduire la pauvreté. Cependant, nous sommes aussi conscients qu’une politique sociale bien ciblée est nécessaire pour que chaque citoyen participe au partage des fruits de la croissance. La mise en place

de l’Assurance pour le renforcement du capital humain (ARCH) participe de cet effort. Il s’agit d’un projet qui vise à accroître la capacité et l’accès aux services sociaux de base ainsi qu’aux opportunités économiques de façon durable et équitable aux Béninois, notamment les plus démunis. Là encore, le Bénin se trouve parfaitement en symbiose avec la stratégie de la Banque Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique.

Le Bénin de l’Afrique ou Bénin d’une Banque forte Au total, les ambitions du gouvernement béninois se trouvent parfaitement en lien avec celle portée par les High 5 de la Banque. Le Bénin, comme d’autres pays du continent ayant un accès limité aux marchés financiers, a besoin d’une banque forte avec des moyens conséquents. En effet, seule une banque forte avec une bonne base financière et une plus grande marge de manœuvre peut soutenir le Bénin et ces autres pays africains. Nous soutenons donc fortement une augmentation substantielle du capital de la banque. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

BRÉSIL

32

Pedro Colnago Junior Ministre du Plan et du développement

Bio • Esteves Pedro Colnago Junior est devenu le ministre brésilien de la Planification, du développement et de la gestion en avril 2018, après avoir exercé comme ministre adjoint dès d’avril 2017 et, auparavant, comme ministre adjoint suppléant et directeur de programme. • Il préside actuellement au conseil d’administration de la Banque brésilienne de développement et siège au conseil d’administration d’Electrobras. De 2014 à 2016, il a fait partie du conseil d’administration de l’Agence de garantie et du Fonds de caution de son pays. De 2011 à 2015, il a présidé le conseil d’administration de la Casa da Mœda. • De 2011 à 2015, il a travaillé au ministère des Finances comme directeur de programme, après y avoir été coordinateur général de 2005 à 2011 et coordinateur au secrétariat de la politique économique de 2004 à 2005. • Après avoir été analyste à la Banque centrale du Brésil, Esteves Pedro Colnago Junior a été analyste financier et de contrôle au secrétariat du Trésor de 1996 à 1998.


Brésil – Pedro Colnago Junior

L’économie brésilienne et les perspectives d’interactions croissantes avec l’Afrique

D

epuis 2016, le gouvernement brésilien a adopté un programme complet pour rétablir la confiance à court et à moyen termes dans l’économie brésilienne et apporter les bases nécessaires pour accroître son potentiel de croissance à moyen et à long termes. L’éventail des mesures mises en œuvre comprend des réformes structurelles ciblant l’équilibre budgétaire et la croissance durable, des mesures administratives permettant des gains d’efficience et la modernisation de l’État et des politiques publiques, ainsi que des changements aux cadres réglementaires et infrastructurels.

La première étape pertinente a été l’approbation d’un amendement constitutionnel portant création du nouveau régime fiscal, qui établit un plafond de dépenses pour le budget fédéral. Le Congrès a également adopté de nouvelles règles afin de rendre les lois brésiliennes du travail plus simples et plus souples. Des réglementations qui pesaient lourdement sur les entreprises sont en phase d’être levées. Un programme d’investissement en partenariat public-privé vise à accroître la participation du secteur privé – y compris les investissements étrangers – aux projets d’infrastructure. Des modifications législatives pour réduire la complexité du système fiscal brésilien sont envisagées. Le gouvernement a encouragé des changements dans le cadre juridique réglementaire et infrastructurel, tels que la loi sur la régularisation foncière, le groupement des champs pétroliers et la révision des exigences en matière de contenu local, la révision des règles sur les couches pré-salifères, la réduction des investissements requis de la part de Petrobras et l’établissement d’appels d’offres réguliers pour le secteur pétrolier et gazier. De plus, un programme prioritaire qui a été établi est mis en œuvre pour répondre aux contraintes de l’économie. Il comprend,

entre autres, la simplification des cotisations sociales, l’autonomie de la Banque centrale, une nouvelle loi sur les finances publiques, la privatisation d’Eletrobras, le renforcement des agences de réglementation, la réduction des allégements fiscaux sur les salaires, un programme de redressement pour les entreprises d’État, ainsi que la mise à jour de la loi générale sur les télécommunications. Les récents résultats macroéconomiques reflètent la pertinence de l’orientation politique actuelle. Après deux années de déclin économique en 2015–2016, le Brésil a entamé, en 2017, un nouveau cycle de croissance économique. Les signes d’une reprise économique saine sont nombreux. Le produit intérieur brut a affiché une croissance de 1 % : il enregistre des résultats positifs chaque trimestre, portés par l’investissement et la consommation des ménages. Le marché du travail se redresse, le revenu réel total et le revenu réel moyen des ménages sont en hausse. Le cycle actuel a permis des baisses de taux d’intérêt qui ont porté le taux de base de la Banque centrale au plus bas niveau historique du pays, reflétant la baisse des niveaux d’inflation et confirmant le succès du régime de ciblage de l’inflation. L’endettement des ménages a fait l’objet d’un processus d’ajustement, et les conditions de crédit s’améliorent de manière significative. L’économie brésilienne est maintenant beaucoup plus résiliente et capable de résister aux perturbations. Le régime de taux de change flottant assure des ajustements rapides dans les opérations courantes du Brésil. La balance commerciale atteint un niveau record et le déficit courant a été réduit de manière appréciable. Dans le même temps, les investissements directs étrangers dans le pays restent stables, à des niveaux permettant un flux constant de financement vers le compte courant. Enfin, les niveaux élevés de réserves en devises garantissent la viabilité des comptes étrangers. La poursuite de l’avancement du programme de réformes encouragé par le gouvernement brésilien permettra au pays de progresser vers

33 une meilleure exploitation de son potentiel économique et social. À l’origine de ce programme se trouve l’idée selon laquelle une croissance efficace et durable ne peut résulter que d’une série de réformes structurelles renforçant la responsabilité budgétaire, dynamisant l’économie, augmentant la productivité, renforçant la confiance dans le système juridique et réduisant la dépendance aux mesures de relance menées par l’État. Pour que le Brésil puisse renforcer ses perspectives de développement durable à long terme, il est également impératif pour le pays d’approfondir ses relations avec ses partenaires du monde entier. En tant que continent doté d’un développement économique et social très prometteur, et avec lequel le Brésil a des liens historiques et partage des traits culturels qui contribuent à son tissu social dynamique, l’Afrique est un partenaire pertinent évident. Le Brésil et les pays africains peuvent travailler et avancer ensemble pour surmonter des défis persistants et établir une trajectoire de développement qui améliore les conditions de vie de nos populations. Le Brésil a réalisé un niveau élevé de productivité et de rentabilité dans les entreprises agricoles dans les régions du cerrado brésilien, qui ressemble aux savanes africaines, développant des techniques de production, des équipements et des machines qui peuvent certainement contribuer à l’expansion agricole imminente de l’Afrique. L’expérience du Brésil en matière d’agriculture familiale dans divers biomes, qui représentent l’essentiel de la consommation de produits dans le pays, peut également servir à élaborer des politiques et des programmes qui améliorent les conditions dans lesquelles évoluent les petits agriculteurs africains au sein des économies locales et les intègrent durablement. De plus, le développement agricole dans différentes sphères peut soutenir le développement industriel, en créant ou en développant des chaînes de valeur qui créent des emplois, génèrent de la richesse et améliorent la vie des habitants. Qui plus est, il existe beaucoup plus d’opportunités dans un certain nombre de secteurs, tels que l’énergie, en particulier en ce qui concerne l’expertise brésilienne dans les grandes et petites centrales hydroélectriques, l’infrastructure de transport, la gestion budgétaire nationale et le développement urbain. Les opportunités de relations plus intenses et de coopération, d’échanges commerciaux et d’investissements plus importants par-delà l’Atlantique abondent. n


BURKINA FASO

34

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Hadizatou Rosine Coulibaly Sori Ministre de l’Économie, des finances et du développement

Quel regard portez-vous sur le partenariat entre la Banque africaine de développement et le Burkina Faso ? Lorsque j’ai vu les rapports de la Banque africaine de développement, j’ai perçu qu’en réalité, on sous-estimait ses performances. Sur la période 2010–2017, la Banque africaine de développement a multiplié par deux ses financements pour les pays éligibles au guichet Banque africaine de développement. Elle a multiplié par 17 ses interventions au niveau des pays éligibles au guichet Fonds africain de développement. Comparée aux institutions sœurs, sur la base de certains ratios comme les ressources mises à la disposition des pays par rapport aux coûts administratifs et en frais de personnel, les délais de traitement des dossiers, les approbations de financement, la Banque africaine de développement nous rend fiers. Au Burkina Faso, nous sommes très heureux de voir que les priorités que notre gouvernement a retenues au niveau du Plan national de développement économique et social sont accompagnées par la Banque africaine de développement. À l’écoute des pays, la Banque n’impose pas sa vision. Des études indépendantes ont montré que les High 5, les cinq priorités identifiées au niveau de la Banque africaine de développement, représentent 90 % des Objectifs de développement durable. Même impact en ce qui concerne l’agenda 2063 de l’Union africaine. C’est donc une banque orientée vers les priorités de nos pays, vers l’agenda international, mais qui répond aussi aux priorités du continent africain de façon générale. Au Burkina Faso, grâce à la Banque africaine de développement, nous avons donné aux populations les plus pauvres accès à l’énergie, à l’eau et à l’assainissement,

sans négliger bien sûr toutes les questions d’infrastructures dans le domaine de l’intégration régionale, comme les routes régionales entre le Burkina Faso et le Niger, le Burkina Faso et le Togo. Il y a de quoi être fier de la Banque, c’est une banque agile, à l’écoute, très flexible. Quelle est votre vision, dans ce contexte, de l’Afrique ? Quel sera pour vous le rôle de la Banque africaine de développement à moyen terme ? L’Afrique est un continent de potentiel. Le réveil de l’Afrique est une formule que l’on a beaucoup entendue ces dernières années. Le potentiel est là, il nous faut cet accompagnement. Tout simplement. Nous sommes capables, au niveau de notre continent, d’inverser la tendance. Dans ce cadre, l’Union africaine joue un rôle important. Le leadership de nos chefs d’Etat est là. Nous n’allons pas continuer à tendre la main, et il est démontré que l’aide publique au développement se raréfie. En tout état de cause, ce n’est pas avec l’aide publique au développement que nous ferons avancer nos pays. Nous allons mobiliser nos ressources domestiques, et même contribuer. Un adage de chez moi dit que lorsque vous voulez que quelqu’un vous frotte le dos, prenez votre douche, prenez le soin au moins de vous laver le visage. C’est ce que nous sommes en train de faire au niveau de notre continent, avec l’accompagnement de la Banque africaine de développement. n


35

BURUNDI

Burundi – Domitien Ndihokubwayo

de l’Afrique. Quelles sont vos attentes pour Busan ?

Domitien Ndihokubwayo Ministre des Finances, du budget et de la privatisation

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ?

Les attentes sont importantes et nombreuses. Si nous parlons d’accélérer l’industrialisation de l’Afrique, il revient aussi au continent de bien cibler dans quels domaines l’Afrique veut vraiment s’industrialiser, parce qu’il ne s’agit pas seulement de parler d’industrialisation. Il faut parler d’une industrialisation qui deviendra rentable pour l’Afrique ! Par le passé, nous avons vu des projets d’industrialisation qui ont été réalisés, mais qui aujourd’hui n’existent plus. Pourquoi ? Parce que la démarche était mal pensée. Pour ma part, je souhaite une industrialisation qui permette réellement à l’Afrique de se développer, d’être véritablement à la hauteur de ce qu’elle veut faire, qui ne se contente pas d’imiter ce que l’on fait ailleurs, mais qui cible réellement ce qui est nécessaire, ce qui est rentable. Que pouvons-nous apprendre de la Corée ?

Quand nous disons « ce que la Banque fait », c’est en fait ce que « nous faisons », parce que la Banque nous a inclus dans les différents projets de développement de nos pays respectifs. Cela veut aussi dire, bien sûr, qu’il s’agit du développement de l’Afrique. Nous sommes tout à fait satisfaits que la Banque participe à nos côtés à la réalisation des projets au profit de populations vulnérables, mais qui contribuent également à donner l’image d’une Afrique développée, qui ne se situe pas toujours après les autres régions du monde. Le thème des Assemblées annuelles cette année est Accélérer l’industrialisation

Toute l’Afrique ne vit pas au même rythme, nous avons des différences selon les pays. Chaque pays devrait essayer de voir d’abord en quoi il ressemble à la Corée, et en quoi des différences existent. Nous ne pouvons pas seulement dire que comme la Corée a réussi, si l’Afrique applique le même principe ou les mêmes mécanismes, elle réussira aussi. Il s’agit de lire les signes du temps, mais aussi de regarder le contexte dans lequel nous sommes. La Corée peut toutefois être l’exemple qui montre que c’est possible. Oui, c’est possible, la Corée a réussi, nous aussi pouvons réussir, sans tomber dans le piège risqué du copié-collé. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

36

Félix Moloua Ministre de I’Économie, du plan et de la coopération

Sortir de la crise centrafricaine

P

ays post-conflit, la République centrafricaine est située au cœur du continent africain et membre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Elle couvre une superficie de 623 000 km2 avec une population estimée à près de cinq millions d’habitants. Elle est limitée par les Soudan du Nord et du Sud à l’est, le Cameroun à l’ouest, le Tchad au nord, et la République démocratique du Congo (RDC) ainsi que la République du Congo au sud. Les crises militaro-politiques à répétition qu’elle a connues depuis des décennies ont entraîné la dégradation de son tissu économique et ont plongé la Centrafrique dans une extrême pauvreté, et ce malgré ses énormes ressources naturelles et son potentiel économique peu ou non exploités.

Bio • Démographe, diplômé d’Études supérieures spécialisées en démographie à l’Institut de formation et de recherches démographiques (IFORD) de Yaoundé II au Cameroun en 1995. • Félix Moloua exerce une grande partie de sa carrière au sein de la direction technique du Bureau central du recensement. • Il devient administrateur suppléant de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) de 2006 à 2010, puis administrateur de la BEAC de 2010 à 2013. • De 2007 à 2013, il devient directeur de cabinet du ministère de l’Économie, du plan et de la coopération internationale. Depuis le 11 avril 2016 à ce jour, il est ministre de l’Économie, du plan et de la coopération.

Selon plusieurs évaluations et analyses de contexte, les principaux facteurs suivants ont été les causes profondes de ces conflits et fragilité : la déliquescence de l’Etat, particulièrement dans les domaines de la sécurité, de l’État de droit, de l’administration du territoire et de la gestion de l’économie ; la concentration de la politique et de l’économie entre les mains d’une minorité ; le déséquilibre entre le centre (Bangui) et le reste du pays, en particulier le Nord-Est et le Sud-Est où la présence de l’État et les services publics sont pratiquement absents depuis des années ; la fragmentation sociale, l’insécurité humaine, l’exclusion sociale, la marginalisation et les tensions au niveau des communautés autour de l’identité ethnique, religieuse, et les compétitions et conflits pour l’accès aux ressources naturelles entre des groupes ayant des activités économiques d’apparence antagoniques, tels les agriculteurs et les éleveurs ; l’exploitation illicite des ressources naturelles, dont le pays regorge et qui ne profitent pas aux populations ; la prolifération et la circulation illicite des armes et des


37

République Centrafricaine – Félix Moloua

Remise des clés des moyens roulants au Haut Commissariat de la Jeunesse pionnière nationale.

munitions de guerre en raison de l’instabilité dans des pays voisins ; et l’exacerbation des conflits entre éleveurs transhumants et agriculteurs sédentaires due à la raréfaction des ressources en eau et des espaces de pâturage, conséquences directes de la désertification.

Par ailleurs, sur le plan national, plusieurs actions ont été menées pour sortir de cette crise dont :

Après trois années de transition politique, les autorités de la République centrafricaine ont réussi, avec l’appui de la communauté internationale, à réunir les conditions nécessaires pour l’organisation des élections présidentielles et législatives en février 2016. Les Centrafricains se sont mobilisés massivement pour exprimer leur volonté de mettre fin au tumulte des années précédentes en soutenant l’organisation des scrutins dans un contexte apaisé, malgré des tensions encore palpables.

• la mise en place d’un comité de suivi inclusif ;

Le retour à l’ordre constitutionnel, fortement soutenu par la communauté internationale, est appuyé par une opération de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA), à travers différentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les solutions envisagées

• l’organisation du Forum national sur la réconciliation en mai 2015, assorties des recommandations et d’un pacte républicain ;

• l’élaboration et l’adoption par les nouvelles autorités d’un Plan national de relèvement et de consolidation de la paix (RCPCA 2017–2021), prenant en compte les principales recommandations du Forum sur la paix de 2015. Le RCPCA a été massivement adopté à la Table-Ronde des partenaires et investisseurs tenue à Bruxelles le 17 octobre 2016.

Aujourd’hui, la sortie définitive de cette crise passe nécessairement par les éléments suivants. Sur le plan politique : le maintien par le gouvernement centrafricain d’un dialogue inclusif avec tous les acteurs politico-militaires

en prenant en considération l’option de l’Union africaine. Sur le plan économique : la mise en œuvre du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix (RCPCA), cadre de référence, en mettant l’accent sur les actions à impacts rapides et visibles impliquant les nationaux aux fins de réduire l’extrême pauvreté. La mise en œuvre des réformes dans tous les secteurs et plus précisément dans le secteur de la justice en vue d’assainir le climat des affaires et développer le secteur privé. Sur le plan sanitaire : la construction et réhabilitation des infrastructures sanitaires sur tout le territoire en les dotant du personnel qualifié et du matériel adéquat faciliteront l’accessibilité des populations les plus vulnérables. Sur le plan éducatif : la promotion de l’éducation de qualité conformément à l’Agenda 2030 des Nations Unies et celui de 2063 de l’Union africaine. Enfin, sur le plan sécuritaire : la reconstruction des Forces de défense et de sécurité en les dotant des moyens adéquats pour sécuriser les frontières et les populations dans une dynamique de forces de garnison. La République centrafricaine doit pouvoir continuer de compter sur l’appui de la Communauté internationale pour la formation des Forces armées centrafricaines (FACA) dont le déploiement sur le territoire connaît déjà un début d’amorce. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

COMORES

38

innovation en matière d’occupation des jeunes, en matière de mobilisation des compétences, c’est ce modèle qu’il va falloir saisir. Cette école favorise l’utilisation du numérique de manière extraordinaire. Nous envisageons cette piste pour les Comores. Quand on est petit et pauvre, il faut savoir être intelligent ! Avec la conférence ministérielle du KOAFEC et la Banque africaine de développement, nous sommes en train de mettre en place un fab lab à l’université. Nous voudrions évoluer rapidement vers l’École 42, qui n’existe qu’en France et aux États-Unis. Cette école, qui va devoir faire son bout de chemin très rapidement, fera des émules.

Fouady Goulame Ministre de l’Économie, du plan, de l’énergie, de l’industrie, de l’artisanat, du tourisme, des investissements, du secteur privé et des affaires foncières

Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ? Occuper les jeunes est le besoin le plus urgent, car la jeunesse constitue une richesse extraordinaire qui fait la différence, si l’on compare l’Afrique aux autres pays. Nous devons compter avec la jeunesse et répondre à ses besoins. Il ne s’agit pas seulement du besoin de se nourrir, même si cela est incontournable. En effet, il faut aussi savoir répondre à la modernisation, et cette étape ne peut se faire qu’avec les jeunes. Certains exemples, comme celui de l’École 42, sont assez intéressants. C’est une école que nous devrions imiter parce qu’elle ne recrute pas selon le niveau de connaissances, mais selon le niveau de compétences. Et le niveau de compétences, ce ne sont pas des diplômes, ce sont des savoir-faire. Nous savons que les écoles francophones forment beaucoup plus à dire qu’à faire. L’école d’aujourd’hui, ce sont les fab labs. L’École 42 est la dernière

Les priorités que la Banque africaine de développement a définies vous paraissent-elles pertinentes et en quoi pourraient-elles favoriser le développement de votre pays ? La mesure, à mon avis, qui devrait être accélérée et qui commence à prendre tout son sens, c’est l’intégration régionale. Elle suppose la connectivité, suppose le désenclavement, suppose des réalisations qui ne se voient pas au premier regard, mais que nous devrons concevoir. Ce sont, par exemple, les liaisons aériennes. Ethiopian Airlines qui fait tout le tour de l’Afrique et dessert le monde entier constitue un modèle. La Banque africaine de développement a beaucoup contribué au développement de cette liaison. Plusieurs liaisons, régionales et sous-régionales, liant l’Afrique avec les autres pays du monde, sont parmi les mesures à encourager et à soutenir. L’intégration régionale permettra à deux ou trois pays de mener ensemble un projet structurant, un projet viable et fiable. Les autres projets ne sont pas pour autant à négliger. La modernisation de l’agriculture, l’internalisation de l’agriculture sont des mesures essentielles. Un pays comme les Comores produit de la vanille, du girofle, des produits de rente qui sont en mesure de trouver des appellations contrôlées et qui peuvent également, avec une transformation réalisée sur place, nous porter rapidement dans le lot des pays à revenu intermédiaire. Avec la transformation agricole, avec l’industrialisation de l’agriculture, il est possible pour un pays comme les Comores de décoller très rapidement. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


39

L’Afrique et l’avenir du monde du travail

L’Afrique et l’avenir du monde du travail Par Kapil Kapoor, directeur de la Stratégie et des politiques opérationnelles, Banque africaine de développement

Le travail change de nature. Aujourd’hui, ce sont des poids lourds sans conducteur qui transportent les marchandises des usines aux entrepôts. La conduite des véhicules devient autonome. Les imprimantes 3D fabriquent des T-shirts et des chaussures de sport plus vite que leurs homologues humains. Partout, les robots remplacent l’homme sur les chaînes d’assemblage des entreprises de transformation des aliments, les usines de fabrication d’automobile et les complexes aéronautiques. Les fermes sont en train d’être automatisées : des prototypes de robots sophistiqués plantent et récoltent toutes sortes de produits agricoles. Les boutiques sont remplacées par des sites en ligne sur lesquels l’on peut acheter des vêtements, réserver des billets d’avion,

commander des pizzas et régler les achats par voie électronique. Alexa, l’assistant virtuel élaboré par Amazon, est capable d’allumer la télévision sur votre chaîne préférée et de diffuser une musique relaxante pour vous aider à vous endormir. Bien sûr, il sait aussi éteindre la lumière. Tout cela n’est pas le splendide monde du futur, mais celui d’aujourd’hui. Ces changements auront des implications profondes sur nos modes de travail et de vie. Bienvenue dans la quatrième révolution industrielle, à la confluence de l’intelligence artificielle, de la robotique, de l’impression en 3D, de l’Internet des objets, de la biotechnologie, une ère où les technologies de chaînes de blocs modifient des modes de


40

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

pour l’industrie manufacturière. À mesure que le coût du capital baisse, les secteurs industriels concernés trouveront plus efficace le rapatriement d’activités manufacturières de l’Afrique et des autres pays en développement. Des études récemment menées aux États-Unis indiquent que ce phénomène conduit à la perte d’environ 126 emplois en Afrique par entreprise rapatriée ; entre 2010 et 2015, environ 250 000 emplois ont été rapatriés sur le territoire américain. Le transfert attendu de l’industrie manufacturière asiatique en Afrique en raison de la hausse des coûts de la maind’œuvre en Asie ne semble plus désormais constituer une stratégie de création d’emploi à long terme.

travail que nous avons intégrés depuis les précédentes révolutions industrielles. Tout est axé sur les emplois. Chaque année, 10 à 12 millions de jeunes Africains arrivent sur le marché du travail, alors que seuls 3 millions d’emplois formels sont disponibles dans le cadre de ce marché. Les jeunes n’occupent même pas le quart de l’ensemble des postes créés, et le taux de chômage de cette tranche de la population est le double de celui des adultes. Ce taux de chômage élevé des jeunes a été la source de difficultés. 40 % des jeunes qui ont rejoint les rangs des rebelles à la tête des groupes terroristes citent le manque d’opportunités économiques parmi les motivations principales de leur triste choix. De nombreux jeunes migrent également pour rechercher un emploi, notamment en Europe, souvent par des moyens illicites et avec l’aide de réseaux de passeurs illégaux, une démarche particulièrement dangereuse. En 2015, plus de 3 500 personnes, dont de nombreux jeunes, sont mortes en Méditerranée au cours de ce périlleux voyage. Les faiblesses du marché du travail des jeunes en Afrique sont dues à trois principaux facteurs. Tout d’abord, la croissance de l’emploi structuré en Afrique n’a pas suivi l’arrivée de jeunes diplômés de l’enseignement secondaire et tertiaire.

Ensuite, de nombreux jeunes ne sont pas formés correctement pour occuper les postes vacants, n’ayant pas acquis les compétences que demandent les employeurs, l’enseignement qu’ils ont reçu étant soit de qualité insuffisante ou bien axé sur des domaines de spécialisation autres que ceux souhaités par les employeurs. Enfin, les jeunes ne peuvent se prévaloir du capital social, des réseaux et de l’expérience nécessaires pour s’imposer sur le marché du travail.

Quelles seront les implications de la quatrième révolution industrielle sur la situation de l’emploi déjà difficile du continent africain ? Les défis posés.  Il est probable que les emplois seront de plus en plus automatisés dans les pays en développement, car ils ont tendance à être courants dans les secteurs dans lesquels l’intensité de la main-d’œuvre est forte. A l’heure où la robotisation et l’intelligence artificielle changent les données économiques de l’industrie manufacturière, l’automatisation élimine les avantages de la main-d’œuvre bon marché et conduit à la relocalisation des exploitations dans les pays développés. Les coûts en baisse des robots les rendent plus abordables

Les opportunités.  La rapidité des progrès technologiques constitue une opportunité unique pour l’Afrique de se mettre à niveau et d’atteindre rapidement des niveaux plus élevés de productivité. Les innovations technologiques dans le domaine de l’agriculture en particulier sont pertinentes, une fraction importante de l’emploi en Afrique étant axée sur l’agriculture. Les progrès réalisés dans l’agriculture de précision, fondés sur l’automatisation et l’Internet des objets, renferment un immense potentiel en matière de renforcement de la productivité et d’accélération de la transformation structurelle. De plus, l’Afrique représente déjà le deuxième marché de la téléphonie mobile dans le monde, et le pool d’entrepreneurs à succès, jeunes pour la plupart, qui recourt à ces technologies, est en pleine croissance. Dans le même temps, bien que le coût d’exploitation estimé d’un robot, qui se situe actuellement entre 10 et 30 USD par heure selon son niveau de sophistication, reste relativement élevé, celui-ci est en baisse. Eu égard au coût de la main-d’œuvre actuel en Afrique, une panoplie d’opportunités considérable demeure avant que les robots ne deviennent compétitifs. À titre d’exemple, une étude de l’Overseas Development Institute (Institut de développement d’outre-mer) indique que dans le secteur de fabrication de mobilier au Kenya, les robots ne seront compétitifs qu’en 2032. Il existe, par conséquent, des possibilités importantes de formation de travailleurs dans l’avenir. Les politiques comptent.  La création d’emplois d’un niveau décent requiert des politiques capables de renforcer la productivité et de permettre le transfert de la main-d’œuvre des secteurs traditionnels vers les secteurs modernes. Les gouvernements, en partenariat avec le secteur privé et la communauté du développement, doivent


L’Afrique et l’avenir du monde du travail

faire de l’enseignement de qualité et du développement de compétences leur priorité absolue. L’Afrique ne pourra faire face aux défis de la quatrième révolution industrielle si seulement 2 % de ceux en âge de s’engager dans des études universitaires obtiennent un diplôme en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques. Une demande forte existe également pour des compétences en affaires et en création d’entreprise, en gestion de problèmes complexes, en sciences sociales, en traitement de données et en organisation systémique, ainsi qu’en analyse cognitive. Il existe un besoin en pôles spécialisés dans l’emploi capables de sensibiliser la population par rapport aux opportunités d’emploi, d’assister les demandeurs d’emploi dans l’élaboration de CV et la préparation aux entretiens d’embauche et de permettre la rencontre entre les employeurs et les candidats. Les infrastructures sont la clé de voûte de la mise en place de la quatrième révolution industrielle, et le renforcement du taux de pénétration d’Internet peut favoriser la création d’emplois au profit des jeunes et l’accélération de la productivité.

L’emploi, une grande priorité pour la Banque africaine de développement. Le besoin de créer des emplois productifs est largement reconnu, mais les décideurs politiques sont moins conscients de l’importance des technologies de la quatrième révolution industrielle et des défis et opportunités qu’elles présentent. Le rôle de la Banque africaine de développement en tant que prestataire d’assistance technique et de conseils dans le domaine de la connaissance, en tant qu’interface du développement et des investissements du secteur privé et en tant qu’acteur financier dans les investissements stratégiques en faveur de la création d’emploi, est bien évidement incontournable. La stratégie Des emplois pour les jeunes en Afrique (Jobs for Youth in Africa) de la Banque vise ainsi à aider le continent africain à créer 25 millions d’emplois d’ici à 2025. Il s’agit là d’une grande priorité revêtant un caractère urgent. La destinée de la jeunesse africaine ne doit pas être de périr dans les eaux de la mer Méditerranée, mais de transformer leur continent. n

41


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

RÉPUBLIQUE DU CONGO

42

Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas Ministre du Plan, des statistiques et de l’intégration régionale

Bio • Titulaire d’un diplôme d’études approfondies en droit des affaires et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en banque et finances d’universités françaises. • Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas a été successivement cadre dans une banque commerciale à Brazzaville au Congo, cadre supérieur au Secrétariat général de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) à Yaoundé au Cameroun avant d’être directrice générale des institutions financières nationales auprès du ministre en charge des Finances de 2011 à 2016, à Brazzaville au Congo. • Mère de deux enfants, elle est membre d’une association féminine de développement dénommée Femmes de la Cuvette, vision et développement durable et d’une coopérative agricole, Eswengele 5, regroupant cinq femmes congolaises qui ont notamment pour objectif la cacaoculture. • Ayant vécu une dizaine d’années aussi bien en Côte d’Ivoire qu’au Cameroun, elle est une fervente partisane de l’intégration africaine et du brassage des idées et des peuples.

Le Congo, face à la problématique de la diversification de son économie

D

e façon succincte, la diversification de l’économie représente toutes les actions entreprises par le gouvernement en vue de développer, de façon progressive et équilibrée, les performances de tous les secteurs de production susceptibles de contribuer efficacement à la croissance économique. Elle est l’une des clés permettant d’absorber les effets des chocs extérieurs sur l’économie nationale. Ainsi, depuis plusieurs décennies, le Congo tente de consacrer une place importante à la diversification de son économie par trop dépendante du secteur pétrolier (plus de 90 % de ses exportations), notamment à travers l’élaboration puis la mise en œuvre de cadres programmatiques quinquennaux de développement. En effet, bien que le Congo ait réalisé des progrès significatifs au cours des années 2000 et au début des années 2010 avec des taux de croissance économique moyens de l’ordre de 6,5 %, grâce à une politique volontariste d’infrastructures économiques et sociales et l’évolution favorable des prix mondiaux du pétrole brut, cette accélération de la croissance n’a pas été suivie d’une transformation profonde de la structure de la production.


République du Congo – Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas

43

De plus, la baisse du prix du baril de pétrole à partir du deuxième trimestre de l’année 2014 a accentué le déséquilibre macroéconomique et a entraîné une récession de la croissance économique qui amène le Congo à faire face à une crise économique, financière et sociale aiguë. C’est ainsi que dans son actualité, le gouvernement élabore depuis plusieurs mois le Plan national de développement (PND) 2018–2022, plan opérationnel du programme de société du président de la République pour les cinq ans à venir, tourné vers des choix économiques et budgétaires rationnels permettant d’élargir la base productive, créer des emplois décents et préserver la stabilité macroéconomique à moyen et long termes. Ce plan comporte deux axes stratégiques prioritaires, la réforme en profondeur du système éducatif et de la formation qualifiante ainsi que la diversification économique basée sur l’agriculture au sens large, le tourisme et les industries relatives. La mise en œuvre de ces axes est couplée à des mesures fortes d’accompagnement visant la stabilisation de la relance économique, le renforcement de la gouvernance, la mobilisation des ressources, la préservation des infrastructures existantes et leur rentabilisation ainsi que l’amélioration du climat des affaires. Dans ce processus de diversification, il sied d’indiquer que le secteur agricole (agriculture, agroforesterie, élevage, aquaculture, pêche) occupe une place prépondérante, et contribuera sans aucun doute à l’industrialisation du pays de façon significative avec le développement de chaînes de valeur. Les objectifs assignés au secteur agricole et rural ne peuvent être correctement définis et atteints, à travers la mise en œuvre satisfaisante des programmes et projets bien ciblés, que dans la mesure où le gouvernement aura une bonne connaissance,

d’une part, des caractéristiques socioculturelles des principaux acteurs, des défis actuels du secteur et, d’autre part, de leur évolution, à travers un système permanent et cohérent de collecte, d’analyse, de production, de diffusion et d’utilisation efficiente des données statistiques agricoles. Toutefois, l’absence de statistiques fiables, ou du moins, la faiblesse des statistiques constitue un handicap dans le diagnostic de la situation, la conception, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des politiques, programmes et projets de développement visant ce secteur. Il s’agit de la problématique de disposer d’une base informationnelle nécessaire au pilotage de la politique industrielle du pays avec, pour principal levier, la disponibilité des statistiques agricoles et industrielles fiables et à jour. Aussi, parallèlement, il est question du plan pluriannuel de production statistique 20182022 avec la réalisation d’une série d’enquêtes couvrant notamment les secteurs de l’industrie, du tourisme, des mines, des transports terrestres et de la production du bois. Ces statistiques, centralisées par l’Institut national de la statistique, serviront au dispositif de suiviévaluation dans la mise en œuvre du PND 2018-2022. Un plan d’urgence de la statistique a été conçu qui appelle une mobilisation de

financements aussi bien intérieurs qu’extérieurs au plan bilatéral et multilatéral. De façon plus générale, les besoins financiers induits par les politiques ambitieuses et volontaristes nécessitent une forte mobilisation de ressources à la fois publiques et privées. Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de diversification du Congo, une implication totale du secteur privé et des partenaires au développement est escomptée. Il faut donc déjà se féliciter de l’apport de la Banque africaine de développement qui, au Congo, intervient de manière substantielle dans les domaines de la gouvernance institutionnelle, des infrastructures de communication et d’autres secteurs. C’est ainsi qu’afin de mettre en musique ses ambitions de diversification, le Congo compte plus que jamais sur l’appui déterminant de la Banque et se fait fort de prendre part au Forum sur l’investissement en Afrique que la Banque africaine de développement organisera, du 7 au 9 novembre 2018, à Johannesburg, en Afrique du Sud, pour lever des ressources et financer son PND 2018–2022. n


RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

44

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Henri Yav Mulang Ministre des Finances

Hisser le pays à une place de choix

J

e note que les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement prévues pour le mois de mai 2018, à Busan, en Corée, ont retenu comme thème Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Ce thème fait partie du troisième pilier de cinq priorités de la Banque africaine de développement et constitue un axe majeur du programme du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC). En ma qualité de gouverneur pays auprès de la Banque africaine de développement, j’ai de fortes attentes pour la mise en œuvre de la stratégie qui concourt à accélérer l’industrialisation de l’Afrique, gage de


République Démocratique du Congo – Henri Yav Mulang

son décollage économique et social. Je reconnais, à ce sujet, la nécessité de rendre opérationnelles les High 5, les cinq priorités décennales de la Banque, à savoir : Éclairer et électrifier l’Afrique, Nourrir l’Afrique, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité des vies des populations en Afrique. Je dirai que ces priorités exprimées sont indissociables. Quoiqu’interdépendantes, elles ne peuvent pas être réalisées au même moment et partout. Cela implique un choix sélectif et la mise à disposition de capitaux importants pour les réaliser. J’en appelle ainsi à la réflexion sur l’approbation récente de la stratégie du Groupe de la Banque pour le New Deal pour l’Afrique et la stratégie pour l’Emploi des jeunes en Afrique. J’encourage la Banque à intensifier les efforts qui visent à finaliser les autres stratégies en vue de la transformation agricole et de l’industrialisation à long terme de l’Afrique. Je me permets d’inviter la Banque à la mise en œuvre rapide de ces stratégies afin d’accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable, ainsi que l’Agenda 2063 pour l’Afrique. Enfin, j’apporte mon soutien aux concepts de codéveloppement et de cofinancement adoptés par le Groupe de la Banque. Aussi, puis-je rappeler au Groupe de la Banque de se concentrer sur les domaines relevant de son avantage comparatif, tout en tirant parti de l’expertise des autres acteurs au développement pour atteindre d’autres objectifs tout aussi importants. Qu’il me soit permis de souligner le rôle central du secteur privé et d’encourager le Groupe de la Banque à maintenir son soutien à ce secteur par l’augmentation des prêts et l’adoption de réformes politiques et réglementaires, qui offrent un environnement favorable aux entreprises. De ce fait, j’en viens à exhorter le Groupe de la Banque à continuer à mettre l’accent sur les investissements dans le secteur des infrastructures, en particulier l’énergie, les routes, l’eau et, conformément à l’agenda du financement pour le développement, à innover et à mobiliser les financements privés. Dans cette perspective, le Groupe de la Banque devra continuer à intégrer et à élargir les marchés régionaux, à travailler avec les autres acteurs économiques et politiques régionaux pour surmonter les obstacles qui entravent le commerce et les investissements transfrontaliers. En accélérant l’industrialisation de l’Afrique, les pays africains devront fournir un effort réel en vue de diversifier leurs exportations et créer de la valeur ajoutée

aux matières premières, en développant des chaînes de valeurs efficaces et compétitives. Parmi les défis que connaissent la plupart des pays du continent, il y a lieu de citer, en particulier, les faibles revenus et les déficits budgétaires, avec la baisse des cours des matières premières, le ralentissement de la croissance, la contraction de l’aide au développement et le changement climatique. Il est évident qu’en se focalisant sur les cinq grandes priorités sur lesquelles se fonde la vision qu’offre la Banque, l’Afrique pourra devenir une destination de choix. En tout état de cause, je suis favorable à l’augmentation générale du capital de la Banque pour lui donner les moyens d’accélérer le développement de l’Afrique et d’améliorer la vie des Africains. Concernant la RDC, l’ambition d’industrialiser ce pays aux dimensions continentales se concrétise à travers l’exploitation maximale de ses ressources aussi bien hydrographiques et énergétiques que celles du sol et du sous-sol.

Ce qui permettra de renforcer la résilience de son économie et de hisser le pays à une place de choix sur le continent. En effet, la RDC est entourée de neuf pays avec lesquels elle contribuera à l’expansion du commerce grâce à la diversité des produits dont elle regorge pour développer des chaînes de valeur pour la production des produits beaucoup plus élaborés. Les ressources minières seront ainsi transformées et vendues avec une plusvalue en termes de valeurs ajoutées. Les industries locales ainsi créées seront dotées

45 d’une capacité élevée d’accroissement des débouchées et de création de nombreux emplois. Ce géant, situé au cœur du continent, présente beaucoup d’opportunités en ressources naturelles qui sont destinées à être transformées et dont l’accroissement de la demande pourra bénéficier à un grand nombre de pays africains. Pour y parvenir, la RDC plaide pour le développement de ses ressources énergétiques et, en particulier le projet Inga 3. Ainsi, dans la perspective de la diversification de son économie, ce pays mise beaucoup sur le développement du secteur agricole. Dans ce contexte, les atouts sont nombreux et variés : 80 millions d’hectares de terres arables, immense bassin hydrographique, population jeune et à prédominance rurale, transition de saisons entre les climats équatorial et tropical. Je me dois d’encourager et de garantir l’égalité des chances pour les femmes à bénéficier des financements dans le cadre de l’industrialisation. n


CORÉE

46

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Dong Yeon Kim Vice-premier ministre et ministre de la Stratégie et des finances de la République de Corée

Les Assemblées annuelles de la BAD ouvriront de nouveaux horizons pour la coopération économique entre la Corée et l’Afrique

L Bio • Dong Yeon Kim a été nommé Premier ministre adjoint et ministre de la Stratégie et des finances en 2009. Avant cette nomination, il était président de l’université d’Ajout de 2015 à 2017. • De 2013 à 2014, il était également ministre au cabinet du Premier ministre et, de 2012 à 2013, vice-ministre au ministère de la Stratégie et des finances. • Le début de sa carrière politique remonte à 1982, année où il était directeur adjoint du comité spécial du règlement budgétaire à l’Assemblée nationale. • M. Kim est titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise en politique publique de l’université du Michigan, ainsi que d’une maîtrise en administration publique de l’université nationale de Séoul.

es 53e Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) se tiendront en mai 2018, à Busan en Corée. C’est la première fois que la Corée accueille l’événement depuis qu’elle est devenue membre de la BAD en 1982, et la troisième fois pour un pays d’Asie, après la Chine et l’Inde. Environ 4 000 participants représentant 80 pays membres de la BAD, des organisations internationales et des entreprises privées en Corée et en Afrique sont attendus lors des Assemblées. Depuis l’inauguration en 2015 de son président, M. Adesina, la Banque africaine de développement s’est focalisée sur 5 domaines prioritaires en faveur du développement, appelés les « High 5 » (éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique et améliorer la qualité de vie de la population africaine). Conformément à ces objectifs, le thème des Assemblées annuelles de cette année est l’industrialisation de l’Afrique. L’Afrique a accédé au devant de la scène en tant que région qui propulsera l’avenir de l’économie mondiale grâce à sa croissance rapide. Ses vastes ressources naturelles, sa croissance démographique rapide et son marché de consommation étendu seront la force motrice de l’industrialisation du continent. La transformation d’une des nations les plus pauvres à une économie avancée qu’a connue la Corée en parvenant à s’industrialiser offre un cas exemplaire de croissance économique. C’est pour cette raison que la


Corée – Dong Yeon Kim

Corée est le lieu idéal pour les Assemblées annuelles 2018 de la BAD, au cours desquelles nous passons en revue les efforts qui ont été déployés en faveur de l’industrialisation de l’Afrique et examinons les moyens de l’accélérer. Sur la base de l’expérience de développement de la Corée, je souhaite présenter les facteurs qui, selon moi, sont nécessaires pour mener à bien l’industrialisation de l’Afrique. Il s’agit tout d’abord d’améliorer la gouvernance. Pour que les ressources naturelles et d’autres possibilités en matière de croissance débouchent sur une croissance véritable, une structure de gouvernance saine doit reposer sur des lois et des systèmes solides. Il s’agit ensuite de disposer d’un leadership solide. Il est important de créer un environnement où les pays bénéficiaires en Afrique peuvent se développer indépendamment. Cet aspect est essentiel à la promotion de l’industrialisation. Pour aider l’Afrique à jeter les bases d’une croissance maîtrisée, la Corée partagera son expérience probante du développement économique par le biais du Programme de partage des connaissances. Enfin, je souhaite insister sur la nécessité d’investir dans les populations, car ce sont elles qui, au final, sont les agents de l’industrialisation. En effet, pour développer les ressources humaines et les capacités, il est important d’offrir une éducation de

qualité. À l’instar du proverbe africain, selon lequel « il faut tout un village pour élever un enfant », il faut la volonté d’une personne et le soutien de toute une nation pour développer les ressources humaines. Les Assemblées annuelles de cette année se tiendront parallèlement à la Conférence ministérielle sur la Coopération économique entre la Corée et l’Afrique. Cette Conférence, qui est organisée tous les deux ans, offre aux ministres de Corée et des pays membres régionaux de la BAD l’occasion de discuter des possibilités en matière de coopération économique et de présenter un plan d’action pour les deux années suivantes. Par le biais de la Conférence ministérielle sur la Coopération économique entre la Corée et l’Afrique, le gouvernement coréen préparera des projets de développement spécifiques et concrets qui renforceront le partenariat économique entre les deux régions. J’espère que les Assemblées annuelles de cette année à Busan ouvriront de nouveaux horizons pour la coopération économique entre la Corée et l’Afrique. n

47


DANEMARK

48

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Ulla Tørnæs Ministre de la Coopération au développement

Promouvoir l’égalité de genre dans toutes les activités de la Banque est une priorité

Bio Ulla Tørnæs a été nommée ministre de la Coopération au développement en 2016. De février à novembre 2016, elle était ministre de l’Éducation supérieure et des Sciences. En 2014, elle a été élue au Parlement européen, où elle représente le parti libéral. De 2005 à 2010, elle a été ministre de la Coopération au développement, et de 2001 à 2005, ministre de l’Éducation. Élue au parlement danois pour la première fois en 1994, elle a précédemment servi, de 1986 à 1994, au secrétariat du groupe parlementaire du parti libéral. Elle est bachelière ès lettres (anglais et français) de l’École de gestion de Copenhague.


Danemark – Ulla Tørnæs

49

et d’accès au crédit par le biais du Fonds fiduciaire multidonateur de la Banque pour l’entreprenariat des jeunes et l’innovation, dont le pays est l’un des principaux bailleurs. Ce fonds a notamment pour mission d’accélérer la stratégie Emplois pour les jeunes en Afrique, qui vise à la création de 25 millions d’emplois destinés pour moitié à des femmes. Le Danemark observe également la mise en œuvre par la Banque de marqueurs pour l’égalité des genres dans l’ensemble de ses activités.

C

omme l’a dit le président Akinwumi Adesina, les femmes sont les piliers des économies africaines. Ulla Tørnæs, ministre de la Coopération au développement du Danemark et gouverneur de la Banque africaine de développement représentant ce pays, est d’accord pour considérer que l’inclusion des femmes sur le marché du travail doit être une composante clé des activités de la Banque. Pour accélérer l’industrialisation de l’Afrique, il est nécessaire de libérer le potentiel économique des femmes et des hommes. « Pourquoi ériger l’égalité de genre au premier rang des priorités ? Eh bien, parce qu’il est juste de le faire. Qui plus est, il est sage de le faire. Le produit intérieur brut mondial augmenterait de 25 % si l’on donnait aux femmes les mêmes droits et les mêmes chances qu’aux hommes dans le monde du travail. Cela ne peut que profiter à tout le monde », souligne Ulla Tørnæs. L’écart de 42 milliards de dollars américains entre les possibilités d’accès au crédit des hommes et des femmes en Afrique montre qu’il y a un besoin urgent de s’attaquer aux

inégalités hommes-femmes dans le monde des affaires et de la finance. Les femmes et les filles représentent des ressources importantes, fortement capables de stimuler l’économie. Si ce potentiel n’est pas valorisé, la croissance économique et le développement seront les premiers à en pâtir. Donner aux femmes la possibilité de contribuer à la prospérité économique est un thème central de la politique danoise en matière de développement. L’importance ainsi accordée à l’égalité des genres est ancrée dans le mode de vie danois. Ulla Tørnæs s’explique : « Le Danemark a parcouru un long chemin pour parvenir à l’égalité entre les sexes. Les gens prétendent souvent que cela est dû au fait que nous sommes un pays riche. J’arguerai plutôt le contraire. En effet, c’est parce que nous pratiquons l’égalité entre les sexes que nous sommes un pays prospère. Par exemple, la proportion des femmes susceptibles d’entrer sur le marché du travail, qui s’élève à 72 %, est pratiquement égale à la proportion des hommes, à 76 %. Cela est positif pour notre démocratie et positif pour notre économie. » Le Danemark vient en soutien de l’égalité des genres en matière d’entrepreneuriat

Un autre domaine de préoccupation pour le Danemark est celui du changement climatique, qui comporte aussi une dimension liée à la problématique hommes-femmes. En Afrique, les femmes sont particulièrement exposées aux effets du changement climatique en raison de leur rôle au sein de la main-d’œuvre agricole et de l’absence d’autres possibilités de génération de revenus. Bien que l’atténuation face aux changements climatiques joue un rôle central dans la création de nouvelles opportunités et de moyens d’existence pour les générations actuelles, l’atténuation à elle seule ne suffit pas. Le Danemark pense que la Banque devrait assumer une part plus importante des efforts d’adaptation au changement climatique pour le bien des femmes, hommes, filles et garçons en Afrique. De ce fait, la problématique hommesfemmes et la problématique climatique devraient rester en tête des priorités de l’Afrique et du travail de la Banque à mesure que l’industrialisation de l’Afrique s’accélère. « Ma vision est que d’ici à 2030, les femmes et les filles, même dans les régions les plus pauvres du monde, jouissent de leurs droits, réalisent leur potentiel et fassent leurs propres choix de vie », déclare Ulla Tørnæs. n


50

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

L’Afrique de mes rêves – Concours d’écriture

à quoi ressemblera le futur de l’Afrique ? Comment la quatrième révolution industrielle façonnera-t-elle l’économie, l’emploi et les vies demain ? De février à mars 2018, de jeunes Africains ont été conviés par la Banque à un concours d’écriture intitulé L’Afrique de mes rêves pour exprimer leurs espoirs et les rêves qu’ils entretiennent pour le continent. Reconnaissant toute l’énergie, la créativité et la réflexion innovante dont les jeunes sont capables de faire état, cette initiative visait à puiser à l’immense potentiel de la jeunesse pour faire avancer le développement de l’Afrique. Un défi a été posé aux participants, celui d’exprimer leurs aspirations en se laissant guider par le thème « Accélérer l’industrialisation de l’Afrique ». Plus de 2 000 inscriptions ont été reçues de la part d’étudiants, d’architectes,

d’ingénieurs, de designers, d’artistes, d’entrepreneurs, d’agripreneurs, de visionnaires, d’informaticiens, de technologues et de nombreux autres professionnels de toute l’Afrique et de la diaspora. Ils se sont montrés pessimistes, réalistes, optimistes et idéalistes, mais tous éprouvaient en commun un grand amour pour un continent qu’ils cherchaient à servir chaque jour. Après s’être penché sur l’ensemble des compositions, un jury émanant de la Banque en a sélectionné quatre qui étaient exceptionnelles, deux en anglais et deux en français. Les contributions de ces quatre finalistes ont été retenues pour le style, l’originalité et la créativité avec lesquels ils ont présenté leurs idées. L’annonce des deux

gagnants, un anglophone et un francophone, et des deux seconds, un pour chaque langue également, aura lieu lors des Assemblées annuelles de la Banque à Busan, en Corée. Des initiatives comme le concours L’Afrique de mes rêves placent les jeunes au centre du débat sur le développement. Ils mettent l’accent sur la prochaine génération de leaders avec leur créativité, talent et passion, pour créer un meilleur avenir pour le continent.


L’Afrique de mes rêves – Concours d’écriture

CEDRIC AYMAR SOMÉ Nous sommes en l’an 2050. Bientôt dix ans que les conflits armés en Afrique ont pris fin. Les guerres du Soudan, du Congo, Boko Haram, ne sont plus que des fables racontées en cours d’histoire aux élèves en quête du baccalauréat. Plus de terrorisme ni de régimes réputés liberticides ou antidémocratiques. Ce continent, jadis meurtri par les guerres et épidémies n’est plus qu’un havre de paix prospère, dont l’intégration a pansé les blessures. Hier encore, au journal télévisé, on nous annonçait qu’un bateau de migrants avait été intercepté au large de Cotonou. Qui eût cru que la roue aurait tourné en notre faveur ? Même le franc CFA tant critiqué par les Africains et tant protégé par les forces impérialistes a maintenant disparu, laissant place à l’éco, adopté par tous. « La cynique malice métamorphosée en néocolonialisme et ses petits servants locaux », selon les paroles du Ditanyè, l’hymne national burkinabè, ont

AYI RENAUD DOSSAVI ALIPOEH Il y a trente ans, nous irriguions le Sahara « (…) Peuples et Nations de la grande famille africaine mondiale, chers Gouverneurs et Représentants de gouverneurs des cinquantesept États de notre Fédération des États-Unis d’Afrique, chers homologues, Présidents de la république de Haïti, des États-Unis d’Amérique, de la république de Chine, d’Allemagne, de Russie, Représentants des diverses nations venues du monde entier (…), honorables invités, illustres amis, chers compatriotes, chers fils et filles de notre nation africaine bien-aimée, je vous salue chaleureusement (…) Ce jour fera date dans nos annales. En effet, il y a trente ans, jour pour jour, nous irriguions pour la première fois le Sahara [Tonnerre d’applaudissements]. C’est ainsi. En 2O28, l’Afrique aura ainsi inauguré l’âge vert de l’humanité. Comme l’homme posant pour la première fois le pied sur le sol lunaire, le projet Oasiris nous permit de poser un

51

cédé leur place la génération Z, génération consciente et insoumise. Cette même génération qu’on aimait tant critiquer pour ses dépravations supposées et son intérêt avéré pour la technologie avait réussi le pari de redorer le blason de l’Afrique. En moins de vingt ans, l’Afrique avait connu une industrialisation galopante, avec comme corollaires une forte urbanisation et une adhésion totale aux nouvelles technologies. Les beaux immeubles blancs à plusieurs étages, qui côtoyaient les larges voies bitumées de Ouagadougou, contrastaient avec les vieilles bâtisses recouvertes de poussière qu’on lui connaissait. À Bamako, les gratte-ciel de la rive gauche du fleuve semblaient défier du regard leurs jumelles de la rive opposée. Du côté de la Teranga, Diamniadio faisait verdir de jalousie sa grande sœur Dakar.

Lire la suite sur afdb.org/am

pas nouveau sur l’immense désert, qui sera demeuré longtemps un des plus redoutables défis que la nature nous ait posé. (…) Apprécions donc les pas de géants que nous avons réalisés depuis, en moins d’un demi-siècle ! Souvenons-nous de ceux d’avant les deux Transafricaines, nos voies ferrées reliant Dakar à Djibouti et Le Caire au Cap ; d’avant le Bassin industriel du Congo, aujourd’hui deuxième cœur de l’industrie mondiale, alimenté par une énergie propre et abondante. (…) Les immenses champs d’Afrique de l’Ouest étaient encore en friche, notre agriculture, aujourd’hui la plus dynamique au monde, était encore balbutiante. Souvenezvous du temps où nous étions encore divisés, émiettés en petits territoires, sans politique commune. Souvenez-vous des guerres fratricides, du sang versé à profusion, de la jeunesse sacrifiée, de tout ce désespoir (…), mais nous avons survécu ! Par l’audace et la persévérance, nous avons surmonté l’obstacle et marché droit vers notre destin !

Lire la suite sur afdb.org/am



53

DJIBOUTI

Djibouti – Ibrahim Hamadou Hassan

Ibrahim Hamadou Hassan

ou l’industrie légère, au Djibouti, peut être un facteur de création d’emplois. Ce thème est un thème central pour toute l’Afrique. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ?

Conseiller principal du ministre de l’Économie et des finances

Le besoin économique le plus urgent est de répondre favorablement à la demande de création d’emplois pour tous les jeunes. La Banque africaine de développement a un programme qui s’appelle Jobs for Youth in Africa. Il s’agit là, de la part de la Banque, d’un bon début de réponse à la création d’emplois pour les jeunes, cet enjeu majeur pour l’Afrique. Quelles priorités pourraient favoriser le développement de votre pays ?

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour accélérer le développement économique et social de l’Afrique ? À Djibouti, nos impressions sont très bonnes, car la Banque africaine de développement a été un grand partenaire professionnel dans divers secteurs : sur l’interconnexion électrique, sur les routes, sur l’assainissement et l’adduction d’eau. Ce sont des secteurs vitaux pour un pays comme le nôtre. Nous apprécions cet effort à sa juste valeur et nous contribuons très volontairement à l’augmentation du capital. Quelles sont vos attentes pour Busan ?

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

Notre pays n’a pas beaucoup de ressources naturelles et minières, et nous avons un taux de chômage très élevé, comme beaucoup de pays africains. Nous pensons que l’industrialisation

Les High 5 sont toutes des priorités très pertinentes. Pour Djibouti, deux ou trois priorités le sont encore plus. Je placerais, en premier lieu, l’intégration économique régionale, parce que notre pays est un petit pays situé au bord de la mer Rouge et de l’Océan indien. Il se trouve donc à la croisée des chemins, comme un véritable trait d’union entre l’Afrique et l’Asie. Son sort est étroitement lié à l’intégration économique régionale de l’Afrique. En effet, si l’intégration ne fonctionne pas, notre pays ne peut exister. Tous les investissements que nous avons réalisés sont des investissements à dimension d’intégration régionale. C’est donc en cela que ce thème est particulièrement pertinent. Un autre thème pertinent est celui d’éclairer l’Afrique. Nous développons la géothermie, l’éolien, le solaire, mais nous n’avons pas assez investi et tous ces investissements sont coûteux. Grâce à l’interconnexion électrique avec l’Éthiopie, nous tentons de résoudre aujourd’hui le problème. Nous investissons beaucoup, actuellement, pour qu’éclairer l’Afrique prenne également un sens en Éthiopie. n


54

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

ÉGYPTE

Tarek Amer Gouverneur de la Banque centrale d’Égypte

Le succès repose sur l’institutionnalisation des réformes et la volonté politique

E

n 2019, l’Égypte aura achevé un programme triennal d’ajustement structurel conçu de concert avec le Fonds monétaire international. Ce programme, qui a été exécuté en grande partie au début de cette période de trois ans, a commencé par la libération du cours de la livre égyptienne, mesure prise le 3 novembre 2016 et qui a déjà donné des résultats impressionnants. En moins de dix-huit mois, elle a fait disparaître le marché parallèle des devises, amorcé la réduction progressive du double déficit en tant que pourcentage du produit intérieur brut et déclenché une accélération, entraînée par les exportations, du taux de croissance du PIB, le hissant à 5 % en 2017, c’est-à-dire à un niveau proche de celui de 2010. Considération encore plus importante, les répercussions négatives des mesures de réforme, particulièrement l’exacerbation des pressions inflationnistes, ont pu être contenues. Le taux d’inflation global, mesuré par l’Indice des prix à la consommation (IPC), est tombé en février 2018 à son niveau le plus bas en dix-huit mois, après avoir atteint un maximum en juillet 2017. En réponse à cette situation, la Banque centrale égyptienne a réduit son taux directeur de 100 points de base le 15 février 2018, opérant ainsi sa première réduction de taux d’intérêt depuis janvier 2015. Sans même avoir achevé le programme, nous avons constaté une nette amélioration du sentiment des investisseurs. De début 2017 à la fin février 2018, l’Égypte est parvenue à émettre pour 11 milliards de dollars en euro-obligations à des taux favorables après ajustement pour le risque, sur des termes de

Bio Tarek Amer est le gouverneur de la Banque centrale d’Égypte (CBE) depuis novembre 2015. Il a été le principal architecte du programme de réformes nationales de l’Égypte lié au Fonds monétaire international et a assuré la mise en œuvre de la réforme des taux de change du pays. Il a mené avec succès le programme de réformes, ce qui a permis de rétablir la stabilité financière et de reconstituer les réserves internationales. Avant d’assumer ses responsabilités actuelles de gouverneur, M. Amer était le directeur général et le président du Conseil d’administration de la Banque nationale d’Égypte (NBE), qu’il est parvenu à transformer pour en faire le plus important et principal prestataire de services financiers d’Égypte et l’un des plus éminents au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Sur le plan personnel, il vit selon le mantra « Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde sont ceux qui y parviennent » – des mots qui avaient été prononcés par le magnat des affaires, Steve Jobs.


Égypte – Tarek Amer

55

La ville nouvelle d’Alamein sera un projet de grande envergure comportant des équipements touristiques, résidentiels, agricoles et industriels. Il est prévu que cette ville accueille des hôtels, des projets résidentiels, une zone de production agricole et des usines dont la production sera destinée à l’exportation.

5, 10 et 30 ans. L’écart sur les CDS (Credit Default Swap) souverains à cinq ans est tombé à 250 points de base, son niveau le plus bas depuis six ans, et l’indice de référence du marché des actions a continué d’afficher des niveaux record, exprimés en livres égyptiennes. Enfin, circonstance qui n’est pas des moindres, les perspectives de crédit souverain en monnaie locale et devises étrangères sont passées de « stables » à « positives ». S’il est vrai que l’étendue des réformes structurelles et l’ampleur de la réaction des investisseurs paraissent semblables à la période consécutive à la première tentative de libération du cours de la livre égyptienne en janvier 2003, le programme actuel est véritablement unique parce qu’il prévoit la mise en place de stabilisateurs automatiques, et pas seulement le rétablissement des équilibres internes et externes par le biais d’ajustements ponctuels. Dès 2016, la Banque centrale est passée officiellement à un régime de taux de change flexible et a adopté le taux d’inflation global, représenté par l’IPC, à titre de point d’ancrage alternatif. Pour la première fois de son histoire, le mandat consistant à assurer la stabilité qualitative des prix – prévu par la Loi de 2003 relative à la Banque centrale, aux Banques et au Marché des changes – a pris la forme d’une cible numérique facile à suivre. Plus spécifiquement, en mai 2017, le taux d’inflation annuel cible, exprimé par l’indice urbain des prix à la consommation, a été fixé à 13 %, +/-3 % pour le quatrième trimestre de 2018, en prévoyant que ce taux continuera de descendre pour passer sous la barre des 10 % à moyen terme. Dans le même temps, de multiples instruments ont été déployés pour atteindre la cible de désinflation et ancrer fermement les anticipations d’inflation. Le taux directeur a été relevé de 700 points de base pendant la période de novembre 2016 à juillet 2017, et la Banque centrale a poursuivi une politique de grande fermeté jusqu’au 25 février 2018, date à laquelle elle a abaissé le taux de 100 points de base. Le coefficient de réserves obligatoires a été hissé de 400 points de base pour atteindre 14 %, et des opérations de marché ont été effectuées pour éponger plus de 500 mille milliards de livres égyptiennes en liquidités excédentaires.

Le succès passe par l’institutionnalisation des réformes Il est toutefois très important de noter que l’institutionnalisation de stabilisateurs automatiques dans le cadre de la politique monétaire aurait été vaine en l’absence de l’institutionnalisation préalable des réformes de politique fiscale. Le passage à un régime complet de taxe à la valeur ajouté et le plafonnement des augmentations salariales annuelles de la fonction publique durant le second trimestre de 2016 ont joué un rôle indispensable pour enrayer la hausse annuelle des besoins de financement du gouvernement. De la même façon, l’ajustement à la hausse des prix de l’énergie, en progression constante depuis juillet 2014, devrait à terme conduire à l’adoption d’un régime flexible de fixation des prix du pétrole en concordance avec l’évolution internationale des cours du pétrole brut. L’institutionnalisation de ces mesures monétaires et fiscales signifie que l’Égypte a mis en œuvre toute une gamme d’amortisseurs qui étaient auparavant déployés de manière ad hoc et, le plus souvent, dans des situations de crise. Ces stabilisateurs devraient amortir l’amplitude des cycles conjoncturels, contrastant en cela avec un passé caractérisé par des périodes de croissance rapide mais non soutenable, suivies de périodes de correction douloureuse des déséquilibres internes et externes. Dès lors que la volatilité est contenue de manière crédible au niveau macroéconomique, la prime de risque du pays va automatiquement baisser. C’est ce que la forte réduction des écarts entre taux de CDS d’échéances diverses a reflété en 2017, et de manière encore plus prononcée en 2018. En 2018, la Banque centrale prévoit de consolider l’institutionnalisation des réformes

de politique monétaire en déposant un projet de nouvelle Loi relative à la Banque centrale, aux banques et au marché des changes. La philosophie à la base de ce projet de loi sera d’encourager la concurrence entre les banques en tant que moyen le plus efficace pour atteindre un taux d’inclusion financière plus élevé. Dans un pays où seule une petite fraction de la population, composée d’environ 95 millions d’habitants, accède à des services financiers formels, l’inclusion financière joue un rôle indéniable pour alléger la pauvreté, libérer le pouvoir productif de la communauté, et offrir un appui à la fois financier et technique à de jeunes talents. En outre, la future loi établira solidement l’indépendance opérationnelle de la Banque centrale et introduira des normes efficaces de gouvernance institutionnelle, le but étant d’institutionnaliser les règles de la stabilité du secteur bancaire après avoir réussi à institutionnaliser les règles de la stabilité monétaire. Il est indéniable que le succès passe par l’institutionnalisation des réformes. Cependant, l’aptitude à institutionnaliser des réformes repose davantage sur la volonté des décideurs politiques que sur le travail technique et les décisions de politique publique. Les réformes sont rendues possibles par la conviction, la détermination et l’aptitude à obtenir un soutien politique, à parvenir à un consensus public et à infléchir l’attitude de la communauté dans le sens d’une acceptation de mesures non conventionnelles susceptibles de promouvoir le bien-être social et la stabilité économique. En 2016, la Banque centrale est montée au créneau. Elle a décidé d’en assumer la responsabilité et d’agir en conséquence. Les résultats ont dépassé à la fois nos attentes et nos aspirations. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

ÉTHIOPIE

56

Admasu Nebebe Ministre d’État des Finances et de la coopération économique

Pouvez-vous nous parler du développement de l’Éthiopie ? L’Éthiopie a enregistré des progrès indéniables sur la voie d’une accélération et d’une transformation de son économie vers le développement industriel. Nous poursuivons l’exécution d’un plan quinquennal de développement industriel et visons à devenir un pôle manufacturier de l’Afrique au cours des dix prochaines années. Telle est notre vision, et notre mission doit être d’élaborer un plan détaillé. Le développement industriel de l’Éthiopie a déjà commencé. À ce jour, nous avons identifié les domaines clés dans lesquels l’Éthiopie pourra faire jouer un avantage comparatif, comme les textiles utilisant le cuir ou la transformation agroalimentaire, domaines où notre pays jouit d’un avantage certain sur le plan de la fourniture de matières premières industrielles.

C’est là un premier volet. En deuxième lieu, nous avons créé ou identifié des zones économiques spéciales, qui constituent nos parcs industriels. Jusqu’ici, nous avons mis en chantier une dizaine de parcs industriels, dont trois sont achevés. Nos investisseurs s’y sont installés, la production et l’exportation y ont commencé. Il s’agit là d’un premier domaine. Le second domaine est celui des processus agroalimentaires. En tout, nous prévoyons de créer quelque 17 parcs à travers le pays. Nous avons déjà ouvert le chantier de quatre parcs agro-industriels pilotes. Le gouvernement a contribué par des ressources, mais nous avons surtout mobilisé des fonds considérables auprès du secteur privé. Les partenariats publicprivé comptent parmi les moyens que nous utilisons pour étendre le développement industriel de l’Afrique. Nous sommes donc parvenus à attirer des investissements directs considérables de l’étranger pour mettre en œuvre notre développement industriel. Certaines entreprises privées sont propriétaires de parcs industriels qu’elles ont commencé à exploiter. Il y a donc une activité de développement industriel poussée en Éthiopie qui devrait commencer à porter des fruits dans un proche avenir. n


57

GABON

Gabon – Régis Immongault

Régis Immongault Ministre de l’Économie, de la prospective et de la programmation du développement durable

Quel regard portez-vous sur le partenariat entre la Banque africaine de développement et le Gabon ? C’est un partenariat rénové et adapté. Précisons que durant une certaine période, entre 2010 et 2013, il y a eu une forme d’atonie, dans le cadre de ce partenariat. En revanche, depuis 2014, un renforcement se produit. A partir de l’élaboration d’un Document de stratégie pays (DSP) et de sa mise en œuvre en tenant compte des besoins du pays, nous avons défini un axe stratégique des programmes économiques du Gabon. La Banque africaine de développement constitue pour nous aujourd’hui un acteur principal, sinon majeur. Dans le cadre du Programme de réformes économiques et financières appliqué (PAREF) et mis en œuvre par le Gabon depuis le choc pétrolier, la Banque africaine de développement est le principal bailleur à travers des appuis budgétaires et en soutien pour développer les secteurs spécifiques porteurs de croissance. Le Gabon vise une croissance inclusive et durable.

renforcer la croissance inclusive. Depuis 2010, nous mettons l’accent sur cette mutation structurelle de l’économie pour une remontée plus forte dans la chaîne de valeurs, pour une meilleure insertion au niveau du commerce international, avec un effet multiplicateur en matière de création de richesses et de création d’emplois. L’emploi est essentiel. En nourrissant la population gabonaise, en nourrissant l’Afrique, nous offrons des opportunités à la jeunesse. En donnant de l’énergie à l’Afrique, nous permettons que les unités industrielles et unités économiques s’installent au niveau de l’Afrique et développent des programmes de production de biens. Tout ceci a un effet vertueux, met en place un système économique endogène et fort. L’intégration est un élément essentiel, car nous avons malheureusement constaté la faiblesse du commerce Sud-Sud. La population en Afrique croît, nous sommes face à une classe moyenne qui aura des revenus supérieurs dans le futur. Captons cette demande pour mettre en place un système de renforcement de production des biens échangeables.

Parmi les High 5, priorités définies par la Banque africaine de développement, laquelle vous paraît la plus pertinente ? En quoi pourraient-elles favoriser le développement du Gabon ?

Quelle est votre vision, dans ce contexte, de l’Afrique ? Quel sera pour vous le rôle de la Banque africaine de développement à moyen terme ?

Ces priorités rejoignent les préoccupations des différents Etats. Pour le Gabon, les High 5 sont pertinents, car notre pays a fonctionné jusqu’à présent grâce à la valorisation de systèmes de rentes. Le pétrole était le principal moteur de croissance de l’économie gabonaise. Or s’il nous a apporté des revenus, a développé des infrastructures, il n’a pas pu

Jusque-là, l’Afrique des crises a prédominé : la crise de l’endettement, la crise des matières première… Il est temps aujourd’hui de faire une transition. Si on lit et on entend que ce siècle sera celui de l’Afrique, ne nous contentons donc pas de clichés. Mettons en œuvre, en tenant compte des potentialités que nous avons, toutes ces politiques, toutes ces

réformes structurelles pour être au rendezvous de l’histoire, afin que ce siècle puisse réellement être celui de l’Afrique ! Pour cela, nous avons besoin de la Banque africaine de développement, en matière d’expertise, en premier lieu, car la Banque a une vision et une connaissance. Nous avons également besoin de la Banque en matière de financement. Son intervention permet en effet d’avoir un effet levier au niveau des autres partenaires. Ce paramètre est essentiel car la Banque africaine de développement connaît les problèmes de l’Afrique. Au sein de l’Afrique, au sein de la Banque africaine de développement, nous avons des Africains, nous avons d’autres partenaires aussi, mais la conception des stratégies de la Banque est adaptée aux problèmes du continent. C’est pour cette raison que nous considérons que la Banque africaine de développement doit être la rampe de lancement de toute une dynamique en matière de financement des pays africains. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

GAMBIE

58

Amadou Sanneh Ministre des finances et des affaires économiques

La Banque a une relation privilégiée avec la Gambie. Quelle en est la pertinence ? Nous entretenons une relation de longue date. La Banque africaine de développement a financé beaucoup de projets dans le pays. Le dernier en ligne est le pont transgambien, un projet international entre la Gambie et le Sénégal, dont l’aspect régional tient au fait qu’il facilitera l’accès aux autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Jusqu’à présent, cette relation et tous les projets ont beaucoup profité au pays grâce entre autres au soutien apporté aux agriculteurs et au fonctionnement des institutions. Tout cela a été un engagement très positif entre notre pays et la Banque africaine de développement. Les priorités stratégiques de la Banque épousent-elles celles de la Gambie ? Et si oui, comment ? Les priorités du High 5 ressemblent à celles qui se trouvent dans notre propre programme de développement national. L’accès à l’énergie en milieu rural est un défi auquel nous avons été confrontés. Nous avons été pénalisés par l’utilisation de vieux générateurs et un faible réseau de lignes de distribution d’énergie électrique qui nous font perdre environ 26 % de l’énergie produite. Du coup, il nous est difficile de promouvoir le développement des industries légères. C’est un défi majeur. Je suis heureux de pouvoir dire que la Banque africaine de développement nous a offert son partenariat et nous a aidés à l’affronter. Les infrastructures revêtent une importance cruciale. Notre réseau routier est en très mauvais état, et l’assainissement ainsi que les infrastructures d’évacuation sont aussi dans un état lamentable. Les infrastructures institutionnelles sont une priorité. Nous importons pratiquement plus de 80 % de notre

aliment de base – le riz. Nous sommes donc incapables de nous nourrir. C’est là un grand défi. Le paradoxe est que nous disposons de terres et de suffisamment d’eau. Tout ce dont nous avons besoin pour accroître la production et nous nourrir, ce sont les investissements et les nouvelles techniques agricoles. Ceci nous permettra d’économiser les milliards de dollars que nous utilisons à des fins d’importation d’aliments tous les ans. Si nous souhaitons vraiment améliorer les moyens de subsistance et réduire la pauvreté rampante, nous devons convaincre nos populations de s’engager dans des activités économiques, en améliorant la production agricole. Plus de 70 % de notre population se livre à des activités agricoles. Ainsi, en développant la production agricole, on contribue aussi à la génération de revenus pour cette population, surtout lorsque cette production est commercialisée. Et donc, toutes ces questions sont très pertinentes et très importantes pour nous. Pour la Gambie, une augmentation générale de capital est-elle en phase avec certains des besoins que vous venez juste de décrire ? Le défi tient au fait que tout développement et tout investissement demandent des ressources. La Banque a identifié ces priorités, et elles s’harmonisent avec celles des gouvernements africains. Tout le défi consiste à trouver le moyen de les financer. Une façon de procéder serait d’aller de l’avant avec l’augmentation de capital. La Gambie est pleinement favorable à une augmentation de capital de la Banque. Malgré toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, une telle augmentation pourrait nous faire rebondir et résoudre les problèmes auxquels nous nous heurtons actuellement. n


Busan : Une ville intelligente globale, pressée de changer le monde

Busan : Une ville intelligente globale, pressée de changer le monde Victor Oladokun, directeur de la Communication et des relations extérieures, Banque africaine de développement

Le leadership est la capacité d’anticiper l’avenir longtemps avant qu’il ne se produise et la capacité d’ouvrir le présent à l’avenir. La Corée et la ville de Busan sont la preuve qu’un leadership exemplaire et visionnaire change la donne. Il y a 50 ans, consciente du fait que les futurs ne sont nullement prédéterminés mais dépendent simplement d’un choix entre plusieurs scénarios, la Corée s’est lancée dans un ambitieux processus de transformation. Des investissements massifs dans l’éducation et dans les infrastructures sont à l’origine du développement du pays. Pendant un temps, les adversaires de cette politique s’en sont moqués et ont affirmé que les investissements

étaient trop ambitieux, trop chers, et donc insoutenables. En fin de compte, une détermination obstinée, une discipline budgétaire et une concentration extrême sur l’avenir ont contribué à changer la trajectoire du pays de façon irréversible. Aujourd’hui, en 2018, les résultats sont remarquables. Busan, une ville extraordinaire : La métropole urbaine de Busan compte 4 000 kilomètres de routes qui deviendront bientôt interactives, 107 kilomètres de voies ferrées urbaines, 41 quais à conteneurs maritimes, 3 795 zones sans fil qui fournissent un accès internet à tous les habitants de la ville et un écosystème technologique en plein essor qui a réussi à

59


60 réunir les mondes de la finance, de la R&D, des universités et du secteur privé. Le résultat final est un produit intérieur brut régional de 69,56 milliards de dollars ! Busan, comme le reste de la Corée, a rapidement franchi les frontières des première et deuxième révolutions industrielles portées par les machines et l’électricité, comme d’ailleurs celles de la troisième révolution industrielle basée sur l’information. En fait, pour Busan, ce n’est là qu’un échauffement. Non content du statu quo ou des louanges qui lui ont été prodiguées de façon tout à fait méritée, la ville, en tant que première « ville intelligente » du monde, est en train de façonner l’avenir de la Corée. Pressée de réussir, elle accélère sa transition vers la quatrième révolution industrielle ou « révolution mentale ». Busan est intuitivement consciente que les villes et les pays qui dominent la révolution mentale (données mobiles, création de valeur via l’intelligence artificielle, stockage et analyse dans le Cloud, collecte et distribution

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

de données via l’Internet des objets) finiront par conquérir les secteurs connexes, et notamment : • Les systèmes de transport intelligents (STI) – informations sur la circulation et les accidents ainsi que le stationnement intelligent • La réalité virtuelle : jeux, formation, éducation et sports • La robotique • Les systèmes d’urgence et d’intervention rapide assistés par drones, l’agencement des activités portuaires, le contrôle de la qualité de l’air, de la pollution de l’eau ainsi que l’agriculture intelligente par imagerie thermique • Les services mobiles : services bancaires en ligne, services en ligne de billetterie pour le transport par train, services fiscaux en ligne, horaires de bus, taxis et fintech pour accompagner les start-up • Les pôles d’innovation : film et vidéo, services financiers et océans (STEM et technologie des sciences de la mer) • La logistique intelligente • Les soins de santé utilisant les technologies de l’information

• La régénération urbaine • L’énergie/l’environnement (bâtiments intelligents, pulvérisation d’eau, émissions de CO2) L’expérience industrielle de la Corée ne sera pas toujours adaptée ou facilement transférable pour tous les pays d’Afrique, étant donné les niveaux et les particularités de développement de chacun. En effet, les nations se développent et se transforment en fonction de leurs propres particularités. Cependant, ce que l’Afrique et les autres régions du monde devraient reconnaître, c’est que les réalités technologiques, économiques et sociales évoluent rapidement. La quatrième révolution industrielle est déjà là. Elle façonnera les économies, rendra certaines industries réelles, créera de nouvelles opportunités d’emploi, d’entrepreneuriat et conduira à des modifications quantiques dans la créativité et l’innovation. Si vous vous demandez à quoi ressemblera l’avenir, vous l’avez déjà vu. Busan en offre de nombreux indices !. n


Kenneth Ofori-Atta Ministre des Finances

Les High 5 relèvent-ils du cliché ou sont-ils stratégiquement pertinents ? Les High 5 s’harmonisent pour l’essentiel avec les buts de l’Agenda 2063 et des ODD et, si je comprends bien, il a été établi que si nous parvenons à les réaliser ce sera déjà 90 % des ODD d’atteints. Pour nous, c’est le capital humain qui est crucial dans tout cela : il a trait aux hommes. Comment les nourrir, leur donner de l’énergie, intégrer une région ? L’idée de la qualité de vie s’impose. Et c’est ce qui nous concerne en tant que ministres des Finances : comment améliorer la qualité de vie de nos populations. Donc elle est pertinente, et pour moi, c’est un coup de maître de la part de la Banque africaine de développement. Nous devrions commencer à en tenir compte dans la façon dont nous structurons notre budget dans chacun de nos pays, car elle conduira à la transformation de la société. Les avis sont mitigés sur les avantages et inconvénients d’une augmentation générale de capital. En tant que gouverneur et ministre des Finances, quelle est votre opinion ? Je pense que la question fondamentale tient vraiment à la nécessité de trouver des capitaux adéquats pour tous les High 5 que vous avez mentionnés. Et il me semble que la vraie question n’est pas tant de savoir s’il faut prévoir des augmentations, mais plutôt de définir le montant final dont nous aurons besoin. Il faut s’attendre à ce que quelque

170 milliards de dollars soient nécessaires pour le financement annuel des High 5. De toute évidence, nous aurons à faire un effort supplémentaire. Le défi sera de trouver de nouvelles façons de le faire. Le Ghana croit fermement que nous devrions modifier la Charte du FAD afin que nous puissions nous tourner vers le marché. Les fonds des donateurs sont en recul et il existe des fonds énormes dans le secteur privé, au sein duquel environ 40 000 milliards de dollars sont sousperformants ou génèrent des rendements très faibles. Et donc, comment pouvons-nous trouver un moyen d’attirer ce genre de capitaux et apporter un soutien à ce que nous avons à réaliser ? Je pense que nous devrions tous appuyer avec insistance une augmentation de capital. Le président du Ghana a pris une position très marquée sur l’aide. Quelle est sa vision dans ce contexte ? Le président Akufo-Addo a indiqué très clairement que le Ghana doit dépasser sa situation de pays assisté. L’Afrique entière doit le faire. C’est cela qui doit être notre préoccupation, ce qui implique également la transformation de notre société au niveau des structures, que nous mettons tous sur pied, et la création d’une société constituée de personnes ayant confiance en elles-mêmes, possédant la dignité appropriée et sachant tirer parti de nos ressources afin que nous puissions créer de la prospérité pour tous. Le plus urgent est vraiment la question des emplois, ainsi que la génération de revenus suffisants pour financer toutes les politiques que nous souhaitons appliquer. n

GHANA

61

Ghana – Kenneth Ofori-Atta


GUINÉE

62

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Kanny Diallo Ministre du Plan et de la coopération internationale

L’électrification rurale, un moyen d’amélioration des conditions des femmes en Guinée

E

n Guinée, plus de 50 % de la population n’a pas accès aux services énergétiques modernes et cette situation concerne notamment les zones rurales où le taux d’accès à l’électricité figure parmi les plus bas de la sous-région ouest-africaine (environ 3 %). Avec une incidence de 67,4 %, la pauvreté est prédominante en milieu rural et à forte dominance féminine. Dans ce milieu également, les femmes sont les moins dotées en ressources productives, particulièrement en énergie électrique.

Bio • Kanny Diallo s’est engagée dans de profondes réformes du système de gestion du développement de la Guinée dans le but de réhabiliter la chaîne de Planification, programmation, budgétisation, suivi et évaluation (PPBSE), d’améliorer la gouvernance statistique et de renforcer la coopération de la Guinée avec ses partenaires techniques et financiers. • Avant de rejoindre le gouvernement guinéen, Kanny Diallo était en poste à la Banque africaine de développement où elle a effectué l’essentiel de sa carrière professionnelle. Elle a commencé sa carrière au Fonds monétaire international, puis a exercé au département des Projections et des analyses macroéconomiques de la Banque mondiale. • Economiste du développement après des études universitaires en France et aux États-Unis, Kanny Diallo est titulaire d’un Diplôme d’études approfondies spécialisé en Finance et commerce international, de l’American University à Washington DC et d’une maîtrise en Sciences économiques, spécialisation en Relations internationales et développement, de l’Université Paris X-Nanterre.


Guinée – Kanny Diallo

Le déficit énergétique affecte significativement les conditions d’existence des femmes en milieu rural. Il tire vers le bas leur productivité, génère du sous-emploi et empêche l’accroissement de leurs revenus. Dans le secteur agricole, les pertes post-récoltes sont énormes par manque de petites unités de conservation et de transformation des produits alimentaires. Nombreux sont les exemples qui illustrent l’impact négatif du faible accès des femmes rurales à l’électrification. Pour répondre à cette situation, le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016–2020 s’est assigné comme objectif d’œuvrer à l’amélioration de l’accès des populations à des services énergétiques de qualité. Les options stratégiques pour réaliser cet objectif s’articulent autour de deux axes. Le premier axe a trait à l’accès du plus grand nombre à l’énergie moderne. Le deuxième axe concerne la réduction de la dépendance vis-àvis des énergies fossiles. Pour concrétiser ces options, les actions prioritaires suivantes sont envisagées par le gouvernement au cours de la période 2016–2020, couverte par le PNDES :

63

l’intervention du secteur privé dans la fourniture de l’électricité en milieu rural à travers la libéralisation du sous-secteur ; la mise en place d’un cadre légal et réglementaire approprié pour favoriser le développement de l’électrification rurale ; le renforcement des capacités du Bureau d’électrification rurale décentralisée (BERD).

d’Akinwumi Adesina, président de la Banque. L’alignement de ces deux cadres stratégiques est une porte d’entrée pour la Banque africaine de développement pour soutenir, à travers son prochain Document de stratégie-pays, entre autres interventions, des programmes d’accès à l’énergie pour les personnes se trouvant au « bas de la pyramide », surtout les femmes.

Pour les femmes en particulier, les actions prioritaires envisagées sont orientées vers l’élargissement de leur accès aux services énergétiques afin de renforcer leurs activités génératrices de revenus. La vulgarisation en vue d’une utilisation à grande échelle de mécanismes décentralisés tels que la micro-hydroélectricité et les plateformes multifonctionnelles figure parmi ces actions.

Je plaide en conséquence pour une mise en œuvre effective du New Deal de la Banque africaine de développement. La finalité étant de concrétiser, à l’échelle des États, les cinq principes indissociables qui fondent ce pacte, à savoir : « susciter des aspirations pour résoudre les problèmes énergétiques en Afrique ; mettre sur pied un partenariat transformateur pour l’énergie en Afrique ; lever des fonds aux niveaux national et international pour fournir un financement innovant au secteur énergétique africain ; aider les gouvernements africains à renforcer la politique, les règlements et la gouvernance du secteur de l’énergie ; et accroître les investissements de la Banque africaine de développement dans le financement de l’énergie et du climat. » n

Ces options du PNDES sont cohérentes avec l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (IAER) portée par le professeur Alpha Conde, président de la république de Guinée. Par ailleurs, le PNDES s’inscrit parfaitement dans la stratégie décennale 2013–2022 de la Banque africaine de développement, et plus précisément dans la priorité Eclairer l’Afrique, l’une des cinq priorités


GUINÉE-BISSAU

64

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Jean Alage Mamadu Fadia Ministre de l’Économie et des finances

Quel regard portez-vous sur le partenariat entre la Banque africaine de développement et la Guinée-Bissau ? Cette coopération date de 1976. Après l’accès à l’indépendance du pays en 1973, la Guinée-Bissau, une ancienne colonie portugaise, avait de nombreuses insuffisances dans le domaine des infrastructures. Ses besoins étaient notamment au niveau des financements pour le secteur de l’énergie, de l’éducation et de la santé. La Banque africaine de développement est intervenue dans le secteur de l’éducation, avec les plans Education 1, Education 11, ou encore avec d’autres plans dans le domaine de la santé. La Banque a financé des infrastructures portuaires, des routes, ainsi que des projets dans le secteur de l’énergie. Actuellement, nous avons deux projets en cours, l’un au niveau de l’agriculture de production vivrière, et l’autre dans le secteur de l’énergie sur tous les réseaux de distribution. En quoi les interventions de la Banque africaine de développement peuvent-elles avoir une valeur ajoutée par rapport aux autres partenaires au développement ? La Banque africaine de développement, c’est notre banque centrale, les experts qui travaillent à la Banque sont tous familiers des réalités africaines. Notre compréhension lors de l’élaboration de projets, ou des discussions autour des projets est plus naturelle. Nous le savons, l’ambition de la Banque, c’est de permettre aux pays d’être au rendez-vous des Objectifs de développement durable en 2030. Nous recevons donc une flexibilité, une compréhension, une rapidité, et nous entretenons un dialogue renforcé. La Banque africaine de

développement, qui est notre banque, a pris en considération son rôle pour le développement en Afrique. C’est peut-être cela qui distingue la Banque d’autres institutions multilatérales. Quelle est l’urgence pour votre pays aujourd’hui dans le domaine du développement et quels sont les moyens mis en œuvre pour y remédier ? Pour la Guinée-Bissau, nous avons défini trois urgences. La première urgence est le secteur de l’énergie, la deuxième est le secteur de production vivrière, la troisième est le secteur de l’industrialisation, à travers la transformation de l’anacarde que nous produisons et que nous exportons brute. Quelle est votre vision, dans ce contexte, de l’Afrique ? Quel sera pour vous le rôle de la Banque africaine de développement à moyen terme ? Aujourd’hui, le niveau que la Banque a atteint en termes d’organisation, de restructuration, de performances, lui a valu d’être évaluée par les agences de notation en triple A. Cela signifie beaucoup. Je félicite le président pour avoir conduit la Banque à ce niveau. Je suis persuadé que la Banque évoluera encore pour occuper la même place, le même rôle et le même niveau que les autres institutions internationales telles que la Banque mondiale et la Banque de développement de l’Asie.n


Autonomiser les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest pour les aider à prendre en main leur propre destinée

65

Autonomiser les producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest pour les aider à prendre en main leur propre destinée Par Atsuko Toda, directrice de la Finance agricole et du développement rural, Banque africaine de développement

Il y a fort à parier que le dernier produit à base de cacao que vous avez mangé, bu, senti ou dont vous vous êtes enduit ou lavé évoque fortement l’Afrique de l’Ouest. Aucune autre région ne vient plus à l’esprit que l’Afrique de l’Ouest quand on parle de cacao, dont sont dérivés le chocolat, le beurre de cacao, les cosmétiques de cacao, la poudre de cacao, les boissons cacaotées et des dizaines d’autres produits. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont les premiers producteurs mondiaux de cacao, fournissant 65 pour cent du marché mondial du cacao. Le cacao est l’une des cultures commerciales les plus importantes pour la Côte d’Ivoire et le Ghana en termes de contribution au PIB, aux recettes en devises, au revenu rural et aux recettes fiscales. En Côte d’Ivoire, le cacao représente 25 % des exportations et 20 % du PIB. Le cacao est récolté sur environ 2,5 millions d’hectares de terres – ce qui représente plus de la moitié des terres cultivées du pays. Selon le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, le secteur cacaoyer de la Côte d’Ivoire emploie environ 900 000 agriculteurs, sans compter les quatre millions d’Ivoiriens dont les moyens de subsistance dépendent, en partie, de cette culture. Au Ghana, le commerce du cacao fait vivre 3,2 millions de personnes et représente 12 % du PIB.

globale de la Côte d’Ivoire et du Ghana, sur leurs performances macroéconomiques et la réduction de la pauvreté. Mais ce marché africain des produits de base est bien loin de son plein potentiel. Malgré une augmentation du volume de l’offre des deux pays et d’une demande mondiale croissante, la Côte d’Ivoire et le Ghana subissent de plein fouet la chute des prix du cacao et la baisse des recettes d’exportation.

La trajectoire de croissance du secteur du cacao a un impact significatif sur la croissance

La stratégie Nourrir l’Afrique de la Banque considère le cacao comme une denrée

Les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana sont actuellement en train de remettre fondamentalement en cause le statu quo sur les politiques du cacao, la structure du marché et les arrangements institutionnels. Comme les deux pays détiennent une part importante du marché mondial du cacao, ils cherchent à collaborer pour empêcher la détérioration de leurs termes de l’échange et pour exercer leur pouvoir de marché potentiel. Le renforcement du secteur du cacao dans ces deux pays est au cœur du programme de transformation. Le dialogue est plus que jamais essentiel pour avancer vers la mise en œuvre de solutions collaboratives porteuses d’impact réel. À la Banque africaine de développement, nous sommes profondément engagés à assurer le leadership pour favoriser la transformation de ce secteur.

prioritaire et a identifié un certain nombre d’activités pour le développer. S’appuyant sur la part de marché mondiale substantielle de l’Afrique, la Banque africaine de développement se fait fort de fournir le soutien institutionnel nécessaire pour trouver des solutions, de nouveaux marchés, générer de la valeur ajoutée et de rendre disponible les technologies. Elle s’attèle également à susciter un consensus autour des biens publics régionaux et locaux à même de renforcer la compétitivité mondiale de la transformation du cacao. Les enjeux liés à la collaboration régionale sont importants et de nombreux facteurs entrent en jeu, tels que la faculté à faire évoluer la capacité de production actuelle ou potentielle de cacao, la qualité des fèves de cacao et le prix du marché que les fèves de l’Afrique de l’Ouest méritent. L’évolution du commerce du cacao en Afrique dépend de la volonté de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de l’Afrique en général d’harmoniser les politiques qui affectent l’exportation, la transformation locale et la commercialisation. La Banque africaine de développement est prête à aider les pays africains producteurs de cacao à choisir leur propre destinée sur le marché mondial du cacao. n


66

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

INDE

Arun Jaitley Ministre des Finances

Leçons du modèle industriel indien

Bio • Arun Jaitley est le ministre des Finances et des affaires constitutionnelles de la république de l’Inde. Il est le président de la Chambre haute du Parlement indien. En tant que ministre, il a été un moteur du programme de désinvestissement de son pays, contribué à l’introduction d’une nouvelle politique de télécommunications, lancé la plus importante réforme fiscale depuis l’indépendance (taxe sur les biens et services) et amorcé plusieurs réformes législatives et judiciaires. • M. Jaitley a été deux fois ministre de la Défense, de mai à novembre 2014 et de mars à septembre 2017. Comme ministre de la Défense, il a formulé une stratégie de modernisation et d’accroissement du potentiel de combat des forces armées par des mises à niveaux technologiques et de munitions. Il a conduit la stratégie décisive de partenariat en matière de défense et approuvé des mesures visant à renforcer les capacités de combat des forces armées indiennes. Il a dirigé les négociations de son pays auprès de l’OMC au cours d’une période difficile qui a préludé à la Conférence ministérielle cruciale de Cancún en 2003. • M. Jaitley est gouverneur pour l’Inde auprès de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement, de la Nouvelle Banque de développement, de la Banque asiatique d’investissement en infrastructures et de la Banque africaine de développement.

Les Assemblées annuelles auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendezvous de la rencontre de Busan et, de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? Le thème des Assemblées annuelles de cette année est entièrement pertinent, étant donné que le secteur manufacturier ne représente qu’une très petite part du PIB et des exportations dans le cas de plusieurs économies africaines. J’adresse mes compliments au Groupe de la Banque africaine de développement pour avoir choisi ce thème important pour les Assemblées annuelles de cette année. Je voudrais partager certaines idées sur la manière dont le modèle de développement industriel de l’Inde pourrait se prêter à l’industrialisation de l’Afrique. Dans les premières années de son industrialisation, l’Inde a opté pour un modèle de développement planifié. Pendant les trente

premières années de son indépendance, elle n’a guère fait appel à la participation du secteur privé. L’industrialisation a été entreprise en premier lieu par le gouvernement, en particulier dans le secteur des industries lourdes, auxquelles le secteur privé ne s’intéressait pas puisque ces industries exigent des capitaux très importants, qui ne peuvent se rentabiliser que sur le long terme. Les gros investissements consentis par l’État dans les industries lourdes ont facilité la croissance d’industries auxiliaires dans le voisinage des établissements industriels. Le gouvernement a mis en place un cadre de politique approprié dans le but d’encourager les investisseurs privés à se tourner vers d’autres secteurs. Il a entrepris de créer des institutions financières publiques pour financer les investissements à long terme requis afin de répondre à la demande en investissements dans le secteur industriel. Une fois le démarrage de l’industrie manufacturière réalisé, le gouvernement a décidé de libéraliser toute l’industrie, exception faite d’un petit nombre d’industries stratégiques, et a ouvert la voie à des investissements privés à grande échelle dans le secteur industriel. De plus, pour favoriser l’industrialisation de l’Inde, un cadre de politique distinct fut également mis en place pour encourager le développement de micro, petites et moyennes entreprises, particulièrement dans les zones semi-urbaines et rurales. Il est recommandé à la Banque et aux pays d’Afrique d’examiner les modèles de développement industriel adoptés par les pays membres non régionaux afin de reproduire ceux qui leur conviennent le mieux. Cela est d’autant plus vrai que les 54 pays d’Afrique sont à des stades de développement très variables.


Inde – Arun Jaitley

Comment l’Afrique en voie d’industrialisation peut-elle éviter un scénario de croissance non inclusive semblable à ce qui a été observé dans certaines économies plus avancées ? Le développement industriel inclusif et durable est lié à la création d’emplois, à l’offre de moyens d’existence durables, au développement des compétences, à la sécurité alimentaire et à la croissance équitable. Telles sont les exigences clés pour l’élimination de la pauvreté. En se lançant dans un développement industriel inclusif, l’Afrique peut réaliser les Objectifs de développement durable d’ici à 2030, et en particulier l’ODD 9 relatif à l’industrie, l’innovation et l’infrastructure. Pour ne pas tomber dans une croissance non inclusive, telle qu’observée dans certains des pays les plus avancés, l’Afrique devrait concentrer son industrialisation, du moins au départ, sur la mise en valeur des segments inférieurs des chaînes de valeur. Choisir cette voie lui permettra de contribuer à la création de moyens d’existence durables, à la sécurité alimentaire et à la croissance équitable. Dans le même temps, l’Afrique doit privilégier le développement de compétences répondant aux besoins du marché du travail, ce qui contribuera à la génération d’emplois dans les secteurs de moyenne et haute technologies. Par un effort approprié de développement des compétences, l’Afrique pourrait se ranger parmi les pays actifs dans les segments supérieurs des chaînes de valeur, tout en tirant parti de son avantage démographique. Une telle approche contribuerait à instaurer la croissance équitable et à alléger la pauvreté sur la durée. Laquelle, parmi les priorités stratégiques de la Banque, les High 5, vous semble la plus importante actuellement ? À notre avis, chacune des cinq stratégies de développement définies par le Groupe de la Banque africaine de développement est critique. Néanmoins, il sera peut-être nécessaire de séquencer la mise en œuvre des High 5 de manière à répondre aux besoins immédiats de l’Afrique. Par exemple, l’agriculture représente le moyen d’existence de plus de 70 % des Africains, alors que la sécurité alimentaire n’est pas encore entièrement garantie dans plusieurs pays du continent. Il est donc nécessaire de privilégier la stratégie Nourrir l’Afrique dans un premier temps. La priorité suivante devra être celle d’Éclairer l’Afrique. On estime qu’environ 635 millions d’Africains vivent sans disposer du courant électrique. Au-delà de la demande croissante en électricité pour l’éclairage des habitations, l’industrialisation de l’Afrique, qui pourrait être

la troisième priorité stratégique, ne peut se passer d’électricité. Malgré sa richesse en ressources naturelles, l’Afrique n’ajoute que peu de valeur aux produits qui sont extraits de son sol. Une stratégie importante pour la génération d’emplois et l’augmentation du revenu par habitant sera de positionner l’Afrique sur la chaîne de valeur mondiale. La quatrième priorité serait de poursuivre une stratégie d’intégration. L’intégration de l’Afrique est de toute façon indispensable à la poursuite de la stratégie d’industrialisation. La stratégie suivante serait celle d’améliorer la qualité de vie des populations de l’Afrique. À la lumière des High 5 de la Banque et de sa mission d’accélérer le développement de l’Afrique, quelle est votre position actuelle concernant une augmentation générale du capital de la Banque afin de lui permettre d’atteindre son objectif d’améliorer la qualité de vie des Africains ? Sans aucun doute, il faudra réunir des fonds très conséquents pour assurer la réussite de la stratégie des High 5. Ces fonds pourraient être levés par différents moyens, y compris par un appel en capital lancé aux membres de la Banque. Toutefois, d’autres possibilités méritent également d’être explorées. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les investissements directs étrangers ? D’après l’édition 2017 du Rapport sur l’investissement dans le monde de la CNUCED, les flux d’Investissements directs étrangers (IDE) sont répartis de manière très inégale à travers le continent, car un petit nombre de pays (Angola, Égypte, Nigeria, Ghana et Éthiopie) reçoivent 57 % du total des IDE vers l’Afrique. D’après la CNUCED, on peut prévoir que les négociations inter et intrarégionales menées actuellement par des pays d’Afrique (notamment les Accords de partenariat économique avec l’Union européenne, l’Accord tripartite de libre-échange et l’Accord de libreéchange continental) devraient encourager l’influx impartial d’IDE vers tout le continent. Dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine, les aspirations suivantes sont formulées : • Développement inclusif et durable ; • Bonne gouvernance, démocratie, respect des droits de l’homme, justice et état de droit ; • Afrique pacifique et sécurisée ;

67 • Identité culturelle, patrimoine, valeurs et éthique communs ; • Développement axé sur la personne, libération du potentiel des femmes et des jeunes ; • Être un acteur et un partenaire mondial fort, uni et influent. Pour l’essentiel, les investisseurs recherchent une situation politique stable et un environnement réglementaire de nature à protéger leurs investissements et à leur permettre de dégager des retours correspondant à leur mise de fonds. J’ai la certitude que toute mesure prise pour répondre à ces aspirations contribuerait à attirer les IDE vers l’ensemble des pays d’Afrique. L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui pourtant subit plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? Le réchauffement climatique général a dégradé le risque attaché à l’Afrique, bien que celle-ci ne produise que 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Comme presque tous les pays d’Afrique subsaharienne se trouvent entre les deux tropiques, ils possèdent de grandes perspectives de valorisation de l’énergie solaire. Ils devraient adhérer à l’Alliance solaire internationale (ISA), dont le siège est en Inde, afin de collaborer les uns avec les autres et avec d’autres pays membres de l’ISA situés dans d’autres régions, en vue de multiplier les investissements et les transferts de technologie en matière d’énergie solaire. À ce jour, seuls 35 pays africains ont adhéré à l’ISA. D’autres devraient être encouragés à rejoindre l’Alliance. Le gouvernement indien a fait savoir qu’à partir des fonds qu’il a alloués à l’Afrique, jusqu’à 2 milliards de dollars américains pourraient être affectés à des projets solaires sous les auspices de l’ISA. Nous invitons les pays d’Afrique à bénéficier sans tarder de ce montant. n

Lisez la suite sur afdb.org/am


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

JAPON

68

L

e Japon et la Banque africaine de développement entretiennent des liens étroits depuis plus de 45 ans. Le Japon a rallié le Fonds africain de développement, dont il était l’un des membres originaux, en 1973 avant de rejoindre la Banque en 1982. Le Japon est le premier contributeur du Fonds en termes cumulatifs et le deuxième actionnaire de la Banque parmi les pays membres non-régionaux, avec respectivement 5,3 % et 5,5 % des droits de vote. Depuis le commencement, le Japon place sa participation dans la Banque au cœur de son partenariat pour le développement de l’Afrique.

Taro Aso Vice-Premier ministre, ministre des Finances et ministre d’État des Services financiers

Le Japon soutient le programme High 5 du président Adesina, et notamment son premier pilier, Alimenter l’Afrique en énergie. L’Initiative énergétique Japon-Afrique, principal instrument du partenariat du Japon et de la Banque dans ce domaine, a pour ambition d’aider l’Afrique à atteindre son objectif d’accès universel à l’électricité. Lancée en marge du Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba en juillet 2107, cette initiative intervient à la suite des discussions entamées par les dirigeants africains lors de

Le Japon, partenaire de longue date de la Banque africaine de développement : initiatives pour un développement inclusif et durable en Afrique la 6e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD-VI), à Nairobi en août 2016. Le Japon est prêt à octroyer jusqu’à 6 milliards de dollars américains pour des projets de pointe faisant appel à des énergies propres.


Japon – Taro Aso

Il est essentiel d’investir dans les systèmes de santé pour instaurer une croissance inclusive et durable, c’est pourquoi l’adhésion des partenaires au développement à la couverture sanitaire universelle (CSU) revêt une importance cruciale. La Banque et le Japon se sont associés avec le Fonds mondial, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la Santé pour promouvoir la CSU en Afrique. Le rapport phare intitulé CSU en Afrique : un cadre d’action a été lancé lors de la réunion de la TICAD-VI à Nairobi en 2016. Le Japon est prêt à soutenir la Banque dans ses efforts visant à intensifier son aide dans le domaine de la santé publique.

Bio • Taro Aso a exercé comme Premier ministre adjoint, ministre des Finances. Depuis 2012, il est ministre d’État aux Services financiers. • Depuis 1979, il a été élu 13 fois à la Chambre des représentants (Chambre basse) et occupe les fonctions de Premier ministre, de ministre des Affaires étrangères et de ministre des Af-faires intérieures et des communications. Précédemment, il était directeur général de la so-ciété Asoc Cement. • Il a représenté le Japon au tir au pigeon d’argile aux Jeux olympiques de Montréal de 1976. • Il est diplômé de la faculté de sciences politiques et économiques de l’université de Gakus-huine. Il est né en 1940 dans la préfecture de Fukuoka, au Japon.

Le Japon est convaincu de la nécessité du développement du secteur privé pour atteindre une croissance durable et éradiquer la pauvreté, rejoignant en cela le Pacte avec l’Afrique du G20. L’Initiative conjointe d’assistance renforcée au secteur privé en Afrique (EPSA), lancée par le Japon et la Banque lors du Sommet du G8 en 2005, constitue l’une des pierres angulaires de la mobilisation du Japon en faveur du développement de l’Afrique. Le montant de l’aide apportée par le Japon dans le cadre de l’EPSA a dépassé les 3 milliards de dollars américains, ce qui a permis de développer des infrastructures de qualité et de promouvoir l’investissement privé par des prêts concessionnels d’APD à long terme et des dons d’assistance technique. Le Bureau de représentation extérieure pour l’Asie de la Banque (ASRO), basé à Tokyo, encourage activement les investissements asiatiques en Afrique et consolide les liens économiques entre les deux régions. L’ASRO, qui couvre les quatre pays membres asiatiques de la Banque (Chine, Inde, Japon et Corée), organise régulièrement des forums et des séminaires économiques pour promouvoir l’investissement du secteur privé en Afrique. En collaboration avec l’Institut de la Banque asiatique de développement, l’ASRO organisera un événement parallèle lors des

69

assemblées annuelles de Busan pour partager les expériences d’Asie et d’Afrique. La Banque aspire à devenir la première institution financière du développement en Afrique. Pour réaliser cette ambition, il lui faudra impérativement consolider ses capacités internes et renforcer les partenariats de ses membres. L’amélioration de l’éventail de compétences du personnel de la Banque sera d’une importance capitale pour garantir que son action reste pertinente au sein de la communauté du développement, c’est-à-dire qu’elle continue à fournir des conseils politiques appropriés à ses pays membres régionaux tout en répondant à leurs besoins en matière de développement. Il semble également indispensable de porter un intérêt renouvelé à la soutenabilité de la dette pour préserver les acquis des années passées en matière de développement. Pour sa part, le Japon s’engage à participer activement au dialogue stratégique avec la direction de la Banque et ses actionnaires, régionaux et non-régionaux. Le Japon se réjouit à l’idée d’approfondir son partenariat historique avec la Banque. 2019 sera l’année où le Japon prendra la présidence du G20 et accueillera la 7e réunion de la TICAD, dont la première édition s’est tenue en 1993. La TICAD est un forum international majeur ouvert à un large éventail de partenaires, y compris des pays régionaux et non-régionaux, des organisations internationales et des acteurs du secteur privé et de la société civile, qui encourage l’Afrique à prendre les rênes de son développement. Je profite de cette occasion pour vous inviter chaleureusement à la réunion TICAD-VII, qui se déroulera à Yokohama, et j’attends avec intérêt la contribution de la Banque africaine de développement. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

KENYA

70

Henry Rotich Secrétaire au Trésor national et ministre des Finances

Le thème des Assemblées annuelles cette année est Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Quelles sont vos attentes pour Busan ? Pour nous, ce thème est entièrement approprié et vient à point nommé. Nous avons déjà commencé à réfléchir sur les moyens de faire progresser notre programme d’industrialisation. Notre contribution aux activités manufacturières stagne depuis une dizaine d’années. Cela explique pourquoi des emplois n’ont pas été créés. Nous pensons donc qu’en donnant un coup de fouet au secteur manufacturier, nous pourrons mieux contribuer à l’emploi. Nous prévoyons que le secteur manufacturier enregistrera une croissance annuelle de 15 % et qu’il contribuera dans une proportion de 18 % à 20 % au produit intérieur brut. Il en découlera de grandes répercussions sur la création d’emplois. Sous cet angle également, je pense donc que l’intérêt qui sera porté par les prochaines Assemblées annuelles sur l’industrialisation est entièrement opportun, et que c’est le thème qu’il convient d’aborder en ce moment particulier de l’histoire. Nos attentes à ce sujet sont des plus élevées. La Corée est un pays qui a su s’industrialiser en très peu d’années. En 1963, nous étions tous au même niveau que la Corée. Aujourd’hui, la Corée est un pays industrialisé, et il y a beaucoup à apprendre de cette expérience dans nos efforts à industrialiser l’Afrique. Il n’y a pas de meilleur moment qu’aujourd’hui pour discuter de ces questions. Nous nous attendons à prendre connaissance des interventions pratiques que nous devrions appliquer à l’Afrique pour faire progresser notre agenda. C’est passionnant et nous nous réjouissons de participer aux Assemblées annuelles. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ?

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

Le grand défi qui nous attend désormais est de créer des emplois. Aucun pays en Afrique ne peut dire aujourd’hui que la création d’emplois ne constitue pas un enjeu national. L’œuvre actuelle de la Banque africaine de développement, avec les High 5, avec son impulsion pour industrialiser l’Afrique et en transformer l’agriculture, répond entièrement à nos besoins. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème maintenant, nous nous exposerons à une catastrophe. Les jeunes africains représentent une ressource immense pour le continent, et nous pourrions devenir plus productifs en donnant à ces jeunes la possibilité de produire. Il nous incombe d’utiliser cette précieuse ressource d’une manière plus efficace. Affronter le chômage de manière résolue ne peut conduire qu’à des avantages pour toutes les parties. Vaincre le chômage permettra à nos jeunes de travailler et de devenir productifs, et nous impliquerons ainsi davantage de personnes dans la transformation de nos économies et réduirons la pauvreté. n


LE MARCHÉ DE L’INVESTISSEMENT EN AFRIQUE

Une plateforme collaborative et multipartite dédiée aux transactions, pour mobiliser des investissements strategiques en Afrique.

7-9 novembre 2018

Johannesburg, Afrique du Sud #AfricaInvestmentForum

AFRICAN DEVELOPMENT BANK GROUP GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

© African Development Bank Group 2018 www.afdb.org / www.africainvestmentforum.com


72

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Interview :

Stella Kilonzo A travers l’Africa Investment Forum (AIF), la Banque africaine de développement adopte une nouvelle approche en proposant une plateforme multi-acteurs et pluridisciplinaire qui encourage le leadership collaboratif en faveur du développement social et économique de l’Afrique. Stella Kilonzo, directrice du Forum, explique son caractère novateur, ses enjeux pour le développement du continent et annonce une participation exceptionnelle à la rencontre.

continent en faisant en sorte que les capitaux disponibles financent les projets bénéficiant de concours bancaires, tout en tirant parti des alliances stratégiques et des partenariats. L’initiative contribuera à briser les obstacles courants qui entravent les financements, notamment ceux créés par l’idée fausse selon laquelle les investissements en Afrique sont, pour une raison ou pour une autre, plus risqués qu’ailleurs.

Quel est l’objectif d’Africa Investment Forum ?

L’Africa Investment Forum est le lieu de prédilection pour ceux qui veulent investir en Afrique. Grâce à ce forum, la Banque et ses partenaires sont en mesure d’identifier des marchés, de les sélectionner et d’en améliorer les termes de crédit, pour attirer davantage de co-investisseurs et faciliter les transactions, le but ultime étant de combler le gap d’investissements en Afrique.

L’Africa Investment Forum est une plateforme multi-acteurs et multidisciplinaire dont la mission est à la fois de promouvoir des projets pour qu’ils bénéficient de concours bancaires, de réunir des capitaux et d’accélérer la conclusion financière des accords. L’objectif consiste à donner l’occasion aux économies africaines d’exploiter au mieux les possibilités qu’offre la croissance économique sur le

Cette place d’investissement permettra de réduire les coûts d’intermédiation, de mettre à disposition des informations et de la documentation de meilleure qualité sur les projets et d’intensifier les engagements dynamiques et productifs entre les gouvernements et le secteur privé. Pour l’essentiel, l’AIF propose aux investisseurs, dans un environnement propice, un accès


Interview : Stella Kilonzo

à une plateforme structurée disposant de projets négociables avec les banques et dont les risques ont été atténués.

Quels en sont les principaux partenaires ? Nos partenaires sont des institutions de financement du développement, des banques de développement régionales, des banques commerciales, des investisseurs institutionnels, des parrains de projets, des intermédiaires financiers tels que des gestionnaires de fonds, des banques d’investissement, des fondations, des gestionnaires de grandes fortunes ainsi que des gouvernements, tous souhaitant la prospérité de l’Afrique. Des institutions de financement du développement basées en Afrique comme Africa Finance Corporation, la Banque africaine d’import-export, la Development Bank of Southern Africa, la Banque de développement et de commerce (Trade and Development Bank) et Africa50 soutiennent cette initiative. Par ailleurs, nous sommes en pourparlers avancés avec la Société financière internationale, la Banque européenne pour

la reconstruction et le développement, la Banque interaméricaine de développement, la Banque européenne d’investissement, le Sustainable Development Investment Partnership du Forum économique mondial et le East Africa Trade and Investment Hub afin d’établir des partenariats avec ces organismes dans le cadre de l’identification de nouveaux projets, de la préparation des projets retenus et de la création d’une plateforme numérique informant les investisseurs de projets qui se présentent. De grands investisseurs privilégiés du secteur privé sur le continent et dans le reste du monde apportent un soutien sans faille à cette initiative phare. Nous travaillons en étroite collaboration avec des associations commerciales, comme l’Initiative for Global Development et le Corporate Council for Africa, qui promeuvent le FIA au sein de leurs réseaux.

En quoi ce Forum est-il unique ? Le Forum fournit une opportunité unique à ce jour de bouleverser les règles du jeu et d’accélérer la transformation économique

73

en Afrique. Les « jours de marché » de l’AIF permettront d’en finir avec les longs discours inutiles puisqu’il s’agira essentiellement de discussions dans des salles de conférence axées sur des transactions spécifiques. L’AIF a pour principal but d’impliquer activement le secteur privé et de stimuler les investissements dans des projets transformateurs dans des secteurs clés d’intérêt stratégique en Afrique. L’AIF est essentiellement conçu pour faciliter les transactions et les rapprocher de leur mise en œuvre financière. Un aspect important de l’AIF consistera en un mécanisme de suivi mis en place par l’équipe du forum et l’instauration d’un outil de suivi des investissements pour tous les accords qui paraîtront sur la plateforme. Pour développer cette plateforme numérique, l’AIF a établi un partenariat avec d’autres institutions afin que les investisseurs prennent connaissance des offres qui se présentent sur le continent. La principale caractéristique de cette plateforme africaine sera sa capacité à mobiliser le secteur privé et les intérêts stratégiques pour attirer, en Afrique et vers l’Afrique, des investissements spécifiques déjà examinés. Cette initiative renforcera


74

la confiance des investisseurs africains et internationaux en dressant un profil des projets structurants dans les secteurs stratégiques de plusieurs pays d’Afrique et en permettant de les conclure.

Quel est le montant des investissements que la Banque souhaite attirer vers l’Afrique à travers le Forum ? Pour estimer de façon exacte ce montant, il est nécessaire d’estimer les capitaux disponibles dans des domaines de surplus et d’évaluer les contraintes liées aux mouvements de ces capitaux vers des

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

domaines où ils sont nécessaires et pourront avoir un réel impact en Afrique. Le but de l’AIF est de changer la donne en attirant les capitaux mondialement disponibles vers des secteurs cruciaux de l’Afrique. L’AIF souhaite ainsi attirer une partie des 500 milliards de dollars d’actifs nets provenant des investisseurs institutionnels africains et les 84 900 milliards de dollars d’actifs mondiaux. n

Pour en savoir plus : www.africainvestmentforum.com aif@afdb.org #AfricaInvestmentForum


Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres ?

Moeketsi Majoro Ministre des Finances

La Banque doit conserver son importance auprès de ses membres. Pour ce faire, elle doit être visible et présente dans ses États membres. En tant que gouverneur et ministre des Finances, je devrais pouvoir appeler le bureau de la Banque dans ma capitale. Je ne devrais pas avoir à appeler Abidjan ni Pretoria, parce que cela prend beaucoup plus longtemps. Sa présence sur le terrain à Maseru, au Lesotho, lui permet de commencer à comprendre les singularités de nos pays. Dans la région australe d’où je viens, la quinzaine de pays membres de la SADC ont chacun des économies très différentes. On ne peut pas faire une moyenne, et aucune politique moyenne ne saurait être pertinente sans la présence sur le terrain de la Banque, qui comprend chaque État membre de façon différente. Même les économies des pays à revenu intermédiaire de l’Afrique australe sont très différentes les unes des autres. La Banque travaille d’arrache-pied, et je constate qu’elle s’efforce de mieux comprendre ses membres. Mais elle va devoir faire beaucoup plus et investir beaucoup plus de ressources pour se rapprocher de ses membres. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique ? L’emploi est en tête des priorités de l’Afrique, selon moi. Notre continent est le plus jeune, une très grande partie de nos populations est jeune, mais ce sont des jeunes sans emploi, des jeunes qui tentent de fuir le continent, le continent le plus prospère, mais en proie aux doutes alors qu’il est gratifié de multitudes d’atouts naturels. Nous devons mener les politiques nécessaires pour que nos populations créent des emplois pour elles-mêmes. Cela requiert d’encourager la paix et la stabilité, une stabilité politique ; nous devons avoir des économies

75

macroéconomiques efficaces et stabiliser la situation macroéconomique. Et ce ne sont là que les conditions préalables. Nous devons être des gouvernements crédibles. Le moteur des gouvernements est la crédibilité. Si l’on n’est plus crédible, on ne peut pas avancer, quoi que l’on fasse. On peut annoncer les meilleures politiques qui soient, une fois que l’on perd sa crédibilité, on n’est plus en mesure de diriger. Notre crédibilité ne relève pas seulement de l’honnêteté politique et intellectuelle, elle relève aussi des compétences qu’il faut avoir. Aujourd’hui, en 2018, nous avons l’avantage de pouvoir nous tourner vers le passé et de réaliser que les politiques antérieures n’ont pas toujours fonctionné ; nous nous sommes trop attachés aux théories non éprouvées, mais qui, franchement, étaient vouées à l’échec. Pour certaines, nous ne les avons pas testées ni éprouvées dans la pratique. Vous êtes un pays africain qui souhaite accélérer les investissements et vous pouvez, au sens conventionnel, vous y atteler en appliquant les réformes économiques lancées par la Société financière internationale et la Banque mondiale, et avoir la stabilité politique – parfois problématique pour l’Afrique. Vous avez la stabilité macroéconomique et, une fois que vous avez terminé, vous vous attendez à des investissements. Mais quand vous faites le bilan, vous constatez que ce n’est pas le cas. Alors, vous refaites le bilan et vous vous dites : « Oh, je dois faire une réforme du climat des investissements ». Vous le faites mais rien ne se passe, et vous réalisez : « Je n’ai pas d’entrepreneurs avec les “muscles financiers” pour investir ! » Vous devez avoir tous les pions en place pour que les investissements aient lieu. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

LESOTHO

Lesotho – Moeketsi Majoro


LUXEMBOURG

76

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Bio Pierre Gramegna a été nommé au poste de ministre des Finances le 4 décembre 2013. À cette fonction, il a lancé d’importantes réformes pour équilibrer le budget et aligner la réglementation fiscale luxembourgeoise sur les normes de transparence internationales. En 2015, il est devenu président du Conseil Ecofin de l’Union européenne, fonction qu’il a conservée pendant la présidence luxembourgeoise. En 2003, il était directeur général de la Chambre de commerce. En 1983, il entrait au service du ministère des Affaires étrangères. De 1996 à 2002, il fut ambassadeur du Luxembourg au Japon et en Corée, puis chargé de la direction des Relations économiques internationales au ministère des Affaires étrangères. Avant de faire partie du gouvernement, il siégeait au conseil d’administration de plusieurs entreprises, dont Cargolux Airlines International SA et la Bourse du Luxembourg. Pierre Gramegna a fait des études de droit et de sciences économiques à l’université Panthéon-Assas de Paris et a obtenu un diplôme de troisième cycle en études de droit européen.

Pierre Gramegna Ministre des Finances

P

rès de trois ans après l’adoption du Programme d’action d’Addis-Abeba appelant à un engagement financier accru afin de lutter contre l’extrême pauvreté et d’atténuer les effets du changement climatique, l’investissement global ne croît pas assez vite pour mettre les pays en développement sur la voie de la réalisation des Objectifs de développement durable et des objectifs de l’Accord de Paris. Cela est particulièrement le cas en Afrique où, en dépit de l’amélioration des facteurs économiques fondamentaux et de la résilience remarquable dont elle a fait preuve en 2017, il existe encore un déficit important de financement des infrastructures et une croissance insuffisante de l’emploi.

Dans le même temps, l’épargne excédentaire de nombreux pays avancés pourrait être canalisée vers le financement de projets en Afrique offrant un taux de rendement honorable, au lieu de s’en tenir à une rentabilité modeste dans les pays industrialisés où la tendance est aux faibles taux d’intérêt. C’est là que la Banque africaine de développement peut jouer pleinement son rôle, non seulement sur la base du mandat qui lui est donné d’initier et de structurer des projets rémunérateurs en Afrique, mais également en apportant un « confort » politique et financier aux investisseurs internationaux intéressés par le cofinancement dans un environnement souvent perçu comme excessivement risqué et volatile.


Luxembourg – Pierre Gramegna

Lorsqu’il s’agit de lutter contre le changement climatique, par exemple, l’un des moyens les plus efficaces de mobiliser des fonds est de faire appel aux marchés internationaux de capitaux, avec des titres de créance émis par les gouvernements et les entités privées pour financer leurs projets.

Photo aérienne de Luxembourg-Kirchberg

Le Luxembourg a été un pays pionnier dans l’introduction en bourse de ces obligations vertes : en 2007, lorsque la Banque européenne d’investissement (BEI) a émis la première obligation verte au monde, elle l’a fait dans le pays où elle a son siège. De nombreux

Le Luxembourg, par ailleurs, énorme place financière et de fonds d’investissement, la deuxième au monde après les ÉtatsUnis en termes d’actifs gérés, et offrant la cotation en bourse de plus de la moitié des obligations vertes mondiales, pourrait jouer un rôle significatif dans la mobilisation de ces financements du secteur privé en faveur du développement en Afrique.

gouvernements, banques multilatérales de développement et entités privées lui ont emboîté le pas depuis, de sorte qu’aujourd’hui, plus de 50 % environ de ces titres sont cotés à la Bourse verte du Luxembourg (LGX), la première plate-forme cotant exclusivement des obligations vertes. Celle-ci s’est depuis étendue et cote également des titres socialement responsables et durables.

À cet égard, nous nous félicitons de la bonne nouvelle concernant les progrès réalisés à la Banque en matière de domiciliation, question qui, jusqu’à présent, a été un frein à la coopération de la Banque avec les structures juridiques constituées en dehors du continent africain. Dans un monde où les investisseurs institutionnels s’appuient avant tout sur les pays stables et à forte réglementation pour mettre en place des véhicules d’investissement mondiaux, nous pensons que la Banque a raison de maximiser le vaste potentiel des investisseurs internationaux pour aider à combler le déficit de financement en Afrique.

Les titres affichés sur LGX doivent respecter des critères d’éligibilité stricts, y compris en matière de labellisation, d’utilisation du produit et surtout d’évaluation ex ante et de rapports ex post. La décision d’introduire les rapports ex post en tant que condition d’admission, qui va au-delà des normes actuellement en vigueur sur les marchés, garantit la véritable durabilité des valeurs cotées sur LGX d’un point de vue social et environnemental. Cette plate-forme de « trading » innovante a récemment conduit la Société financière internationale (IFC) et Amundi, le plus grand

77 gestionnaire d’actifs en Europe, à coter sur LGX un fonds d’obligations vertes de 2 milliards de dollars américains destiné aux institutions financières locales dans les marchés émergents pour qu’elles émettent leurs propres valeurs vertes. Rejointe par la BEI et la BERD, l’initiative de l’IFC est renforcée par un programme d’assistance technique cofinancé par le Luxembourg qui se centre sur la formation des banquiers locaux et facilite l’adoption de pratiques internationales exemplaires. Outre son offre d’instruments à revenu fixe, le Luxembourg est aussi une place financière de choix pour les fonds d’investissement durables, avec une part de marché de plus de 60 % des fonds d’impact européens et des actifs mondiaux de microfinance. Un écosystème de collecte de fonds pour le développement durable a été créé grâce à une étroite collaboration entre les secteurs public, privé, et la société civile. En plus de la création d’une agence indépendante de labellisation des fonds (LuxFlag), des partenariats stratégiques conclus avec des institutions comparables telles que l’IFC et la BEI ont permis de déboucher sur des structures de financement à plusieurs niveaux, avec des garanties contre les premières pertes visant à atténuer le risque d’investissement pour le secteur privé. Un mécanisme d’accélération du financement climatique a également été mis en place par le gouvernement et des partenaires du secteur privé pour soutenir les gestionnaires de fonds innovants dans la levée de fonds auprès des investisseurs institutionnels et publics. La Banque africaine de développement ayant adapté ses règles pour tirer pleinement parti des possibilités offertes par les marchés internationaux de capitaux, le Luxembourg serait heureux de s’engager à ses côtés dans des projets de collaboration du même ordre. Nous comprenons bien la raison pour laquelle la Banque augmentera son capital de base au cours des deux prochaines années afin de devenir un plus gros catalyseur du développement en Afrique, mais il n’en demeure pas moins que le fait de faire équipe avec des investisseurs institutionnels et des fonds de pension aura un impact bien plus grand encore sur le terrain. À cet égard, j’approuve pleinement le fait que la Banque soutienne le Forum de l’investissement en Afrique afin d’accroître la coopération avec le secteur privé et de stimuler l’investissement dans des domaines d’intérêt stratégique. Le Luxembourg se réjouit d’accompagner la Banque dans ce grand projet. n


MADAGASCAR

78

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Vonintsalama Sehenosoa Andriambololona Ministre des Finances et du budget

Horizon 2030 : Industrialisation, moteur de la croissance économique malgache

Bio • Vonintsalama Sehenosoa Andriambololona est la première femme ministre des Finances et du budget à Madagascar. • Economiste de formation et inspecteur du Trésor, diplômée de l’École nationale des services du Trésor de Marne-la-Vallée, en France, elle compte quarante-et-un ans d’ancienneté au service du ministère des Finances. Elle a en occupé le poste de directeur général du Trésor malgache de 1996 à 2003, puis de secrétaire générale du ministère des Finances et du budget entre 2009 et 2015. • Elle a renforcé les projets de réformes au sein de son département ministériel afin de parvenir à une gestion performante et efficiente des finances publiques. On citera les réformes engagées au niveau des services des Impôts et des Douanes pour l’augmentation des ressources publiques ainsi que les réformes entreprises pour l’amélioration de la qualité des dépenses publiques, la gouvernance et la transparence en matière d’exécution budgétaire.


Madagascar – Vonintsalama Sehenosoa Andriambololona

M

adagascar a manqué les opportunités offertes par les deux premières révolutions industrielles. Elle est restée à un modèle hérité de la colonisation caractérisé par l’exportation des produits de rente à faible niveau d’industrialisation et à une économie à vocation agricole. Le secteur industriel ne contribue qu’à hauteur de 13 % du produit intérieur brut, représente 45 % des exportations1 et sa performance compétitive est de 0,01, ce qui correspond au 124e rang mondial. Au vu du potentiel des ressources dont regorge la Grande Île, l’industrialisation constitue le moteur du développement à Madagascar. Elle devra particulièrement se focaliser sur les filières agricole, énergétique, forestière, textile et agroalimentaire2, minière3, piscicole et aquacole qui sont susceptibles d’offrir des avantages comparatifs au pays et constitueront, par ailleurs, la base d’une croissance future forte, soutenue et partagée, à travers la participation à des chaînes de valeur nationales et mondiales. L’instauration d’un tissu industriel diversifié, dynamique et compétitif, moteur du développement inclusif et durable à Madagascar a conduit le gouvernement, en 2014, à engager des réformes structurelles cadrées par un Document de politique industrielle. En 2025, l’objectif est d’augmenter à plus de 25 % la contribution du secteur industriel au produit intérieur brut, à travers la mise en place de mesures incitatives d’ordre normatif, financier et fiscal pour les entreprises industrielles ainsi que pour celles désirant s’installer au sein d’une Zone d’investissement industriel (ZII).

Mesures incitatives En 2017, pour donner une force de droit à la politique industrielle malgache, la Loi sur le développement de l’industrie a fixé la création, l’aménagement, le fonctionnement, la gestion intégrée de Zones d’investissement industriel ainsi que le renforcement du cadre législatif et réglementaire dans le but de favoriser le développement économique. Elle fixe également la mise en place d’un Fonds national de développement industriel (FNDI), entité compétente chargée d’appuyer financièrement toute Entreprise industrielle agréée (EIA)

1 2. 3. 4.

ONUDI (2015) Dont la transformation des produits de rente Mines industrielles et hydrocarbures Lettre de Politique de l’Energie de Madagascar 2015–2030

à travers l’apport en fonds propres, la constitution de garantie dans le cadre de financement bancaire, de prise de participation directe et de financement de la recherche et développement, dans le but de soutenir les capacités innovative et résiliente des industries locales. La politique de formation et la Loi sur le financement de la formation professionnelle renforceront le capital humain à travers l’amélioration de la qualité de la main-d’œuvre locale, lui permettant de participer à la création de richesses, face aux exigences d’une industrialisation rapide et durable du pays. En matière fiscale, les mesures incitatives vont dans le sens de la réduction d’Impôts sur le revenu (IR), l’abattement de l’Impôt foncier (IFPB) pour les biens immobiliers à usage industriel et la garantie d’une stabilité fiscale et douanière pendant une durée de huit ans. Des régimes modérés, à travers l’harmonisation à 5 % des droits des douanes pour les industries locales, sont mis en place pour la promotion d’un tissu industriel solide et la diffusion de technologies porteuses de gain de productivité. Madagascar s’est doté d’une politique favorisant la transition énergétique destinée à fournir au secteur industriel de l’énergie en

79

quantité et en qualité, à prix abordables4 pour améliorer leur productivité et compétitivité. Les mesures d’incitation des industries agréées par le biais de la promotion de services énergétiques fiables, durables et modernes telles que l’exonération de la TVA en aval pour leurs productions locales permettront à Madagascar d’instaurer un modèle de développement industriel respectueux de l’environnement.

Perspectives horizon 2030 Pour l’optimisation et la pérennisation des résultats attendus, les mesures incitatives propices au développement industriel susévoqué doivent être accompagnées par une politique budgétaire appropriée. Ainsi, la conjugaison des efforts des secteurs dans le renforcement des infrastructures de base, l’amélioration du capital humain, la gestion durable des ressources naturelles, l’instauration de la sécurité et l’accès à l’énergie renouvelable est nécessaire pour garantir l’essor de l’industrialisation. Madagascar sera un bassin industriel dynamique, un « Shenzhen » de l’Afrique. La Grande Île est un des pays qui dispose des meilleurs atouts pour développer une industrie légère à forte intensité de maind’œuvre : des matières premières abondantes pour approvisionner l’industrie, l’accès à un vaste marché de consommation régional et international et une main-d’œuvre importante, avec comme objectif la création d’un million d’emplois d’ici à 2030. Dans ce sens, le développement de parcs industriels intégrés, adossés à des ports compétitifs et dédiés à l’agro-industrie, à l’industrie textile, le cuir et les industries d’assemblage, sera un levier décisif. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

MALI

80

Quel regard portez-vous sur le partenariat entre la Banque africaine de développement et le Mali ? Sur le partenariat entre le Mali et la Banque africaine de développement, je porte tout d’abord un regard très positif. Positif par rapport aux résultats que nous avons enregistrés grâce à ce partenariat sur quasiment les quarante dernières années. Plus important encore, c’est un regard à mon avis de plus en plus optimiste. Notre partenariat avec la Banque africaine de développement date de 1970. Depuis cette date, c’est une institution qui est intervenue dans des domaines et des secteurs clés pour notre économie. Grâce à cette aide, nous avons réalisé des progrès importants en matière de développement. Les résultats positifs sont là aujourd’hui. Quand nous nous projetons, quand je vois les réformes en cours au sein de cette institution, qu’elles soient structurelles et institutionnelles, seul le positif ressort, car la performance, les résultats seront certainement au rendez-vous avec ces réformes.

Boubou Cissé Ministre de l’Économie et des finances

Au vu de ces priorités et de la mission de la Banque africaine de développement au service du continent, vous paraît-il justifié que la Banque procède à une augmentation générale de son capital pour se donner les moyens de ses ambitions ? Cet appel à l’augmentation de capital est important. Tous les pays africains devraient l’accepter, l’encourager et l’accompagner. Quand on prend le contexte dans lequel le monde évolue, l’Afrique ne doit compter que sur elle-même. Aujourd’hui, l’aide publique au développement fait face à des difficultés. Les pays traditionnellement donateurs connaissent eux-mêmes des crises ou des difficultés. Cette aide est donc naturellement en train de diminuer. Il est important pour la Banque africaine de développement de pouvoir compter sur ses propres ressources, qui sont d’abord les ressources que les Etats membres pourraient fournir. J’encourage fortement cet appel, et j’invite l’ensemble des pays à suivre cet appel qui nous est lancé. La question serait de savoir ce que l’on fera par la suite de ces ressources. Il faudra les utiliser afin qu’elles servent comme levier pour aller chercher d’autres financements sur le marché des capitaux. Quelle est l’urgence pour votre pays aujourd’hui dans le domaine du développement et quels sont les moyens mis en œuvre pour y remédier ? L’urgence au Mali, ce sont les défis sécuritaires. Et la meilleure façon d’y faire face serait de réaliser encore plus de développement. On ne répond pas nécessairement au défi sécuritaire par les armes, on y répond en apportant une alternative à cette jeunesse qui a soif, qui demande à être éduquée, à être en bonne santé, à être employée. La priorité, au moment où nous sommes confrontés à ce défi sécuritaire, est de trouver des solutions pour aller vers un plus important développement qui offre des opportunités économiques à cette jeunesse en attente. n


Le programme des High 5 pour le développement de l’Afrique La Banque africaine de développement concentre ses efforts sur cinq priorités, cruciales pour accélérer la transformation économique de l’Afrique.

Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie

Nourrir l’Afrique

Industrialiser l’Afrique Intégrer l’Afrique

La demande en énergie va croissant, alors que quelque 635 millions d’Africains vivent encore sans électricité. Avec son New Deal pour l’énergie en Afrique, la Banque africaine de développement fédère les efforts pour un accès universel à l’énergie.

Plus de 70 % des Africains dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. Pour libérer le plein potentiel du secteur et améliorer sensiblement la vie de millions de personnes, la Banque travaille avec les secteurs public et privé afin d’offrir des opportunités à la jeune main-d’œuvre en Afrique.

La Banque aide les entreprises africaines à développer des marchés viables au-delà de leurs frontières nationales, en mettant l’accent sur l’ajout de valeur à l’échelle régionale, en tirant parti des ressources naturelles africaines et en élargissant les marchés de consommation régionaux.

AFRICAN DEVELOPMENT BANK GROUP GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

À travers sa Politique et stratégie d’intégration régionale, la Banque continue d’appuyer les accords commerciaux régionaux/continentaux, la connectivité régionale (transports et TIC) et les marchés financiers.

Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique La Banque est déterminée à intensifier et à élargir les compétences techniques, les économies puissent réaliser plein potentiel dans les secteurs du savoir et de haute technologie.

© African Development Bank Group 2018 www.afdb.org / www.africainvestmentforum.com


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

MAROC

82

Mohammed Boussaid Ministre de l’Économie et des finances

Les High 5 au Maroc

L

a publication de cette première édition de La Revue des Gouverneurs, sous le thème Accélérer l’industrialisation de l’Afrique, qui sera publiée lors des prochaines Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, qui se tiendront en mai 2018 à Busan, constitue pour nous l’occasion de mettre l’accent sur l’appui constant et régulier que ne cesse d’apporter la Banque aux initiatives de développement économique et social engagées par notre pays. C’est l’occasion, également, pour nous de partager avec les lecteurs de cette première édition, l’expérience marocaine en relation avec les cinq grandes priorités de la Banque africaine de développement dont, notamment, Industrialiser l’Afrique et Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie, qui ont été identifiées par cette institution dans le cadre de la mise en œuvre de sa Stratégie décennale au titre de la période 2013–2022.

Industrialiser l’Afrique : l’expérience marocaine

Bio • Mohamed Boussaid holds an engineering degree, industrial engineering option, from the Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC) in Paris, and a Master of Business Administration from the ENPC International School of Business. • At the beginning of his career, he worked as an engineering consultant at the Commercial Bank of Morocco, then served as executive vice-president of a chemical production and trading company. • A member of the National Rally of Independents (RNI), Mohamed Boussaid worked in various ministries – Public Works, Agriculture, Equipment and Environment and Tourism and Handicrafts – before being appointed Minister of Economy and Finance in 2013.


Maroc – Mohammed Boussaid

Le Maroc a mis en place, en 2014, le Plan d’accélération industrielle (PAI) qui a pour ambition d’imprimer un rythme plus soutenu à l’évolution du secteur industriel pour conforter sa place parmi les nations émergentes. Il s’agit d’une feuille de route claire et ciblée qui assigne au secteur industriel marocain les objectifs généraux suivants à l’horizon 2020 : • la création d’un demi-million d’emplois, pour moitié provenant des investissements directs étrangers, et pour moitié provenant du tissu industriel national rénové ; • l’accroissement de la part industrielle dans le PIB de 9 points, passant de 14 % à 23 % en 2020 ; • et l’équilibre de la balance commerciale. Le Plan d’accélération industrielle s’articule autour de trois axes majeurs, à savoir le développement des écosystèmes, la mise en place des outils de soutien et le renforcement du rayonnement à l’international. Pour la concrétisation de sa vision, définie au niveau du Plan d’accélération industrielle, le Maroc a fait appel à l’appui de la Banque, cette institution qui a toujours accompagné les efforts de réformes engagés par notre pays visant à poursuivre son processus d’édification d’une économie nationale forte, inclusive, compétitive et génératrice d’emplois.. Ainsi, la Banque africaine de développement, qui accompagne notre pays dans ses efforts visant à accélérer son industrialisation a financé, par un prêt programmatique d’un montant de 200 millions de dollars, la première phase du programme d’appui à l’accélération de l’industrialisation au Maroc. Ce programme s’inscrit au niveau du premier pilier du Document de stratégie pays du Maroc pour la période 2017–2021, à savoir « l’appui à

l’industrialisation verte par les PME et le secteur exportateur », qui cadre parfaitement avec les priorités du gouvernement marocain. Ce programme contribue directement à deux des High 5, les cinq priorités de la Banque, qui sont Industrialiser l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des populations, et poursuit les objectifs de croissance verte et inclusive de la Stratégie décennale de la BAD pour la période 2013–2022. Le programme financé par la Banque a été structuré autour des deux principaux axes suivants : l’appui à la compétitivité du tissu industriel qui vise à soutenir la promotion des investissements industriels ainsi que l’exportation des produits industriels et l’appui au financement des activités industrielles à travers le financement du développement des PME/PMI et la facilitation du financement de l’amorçage des entreprises et du financement vert.

Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie : l’expérience marocaine Le Maroc a revu en 2015, conformément aux Hautes orientations royales, sa stratégie du secteur énergétique adoptée en 2009 en vue de renforcer l’autonomie du pays en portant le taux de dépendance énergétique à 82 % en 2030. Cette stratégie a fixé un objectif de 42 % pour la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2020, soit une capacité de 6 000 MW, dont 2 000 MW pour le solaire, 2 000 MW pour l’éolien et 2 000 MW pour l’hydraulique. De même, un objectif de 52 % pour la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030, soit une

1 Ce prêt est couplé à un prêt de 25 millions de dollars sur les ressources du Fonds pour les technologies propres.

83

capacité de 10 000 MW répartie entre le solaire 4 500 MW, l’éolien 4 200 MW et 1 300 MW pour l’hydraulique, a été établi, et ce par la mise en œuvre du Programme marocain solaire et du Programme marocain intégré de l’énergie éolienne. En effet, la Banque, à l’instar des autres bailleurs de fonds, a accompagné le Maroc dans la mise en œuvre du Programme marocain solaire, lancé par Sa Majesté le Roi en novembre 2009, pour un coût estimatif de 9 milliards de dollars et piloté par la société anonyme Moroccan Agency For Sustainable Energy (MASEN) à travers, notamment, la contribution au financement des centrales NOOR I, NOOR II et NOOR III du complexe solaire NOOR à Ouarzazate. En outre, la Banque a accordé au Maroc un prêt de 240 millions de dollars1 pour financer le projet innovant du Complexe solaire Noor Midelt qui devrait contribuer à l’objectif de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national à 42 % à l’horizon 2020 puis à 52 % en 2030. Ce projet, qui s’inscrit dans premier pilier du Document de stratégie-pays 2017–2021 axé sur l’industrialisation verte, est aligné sur la priorité stratégique de la BAD Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie et il facilitera l’atteinte des deux autres priorités : Industrialiser l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des populations. Globalement, ce projet concourt à la réalisation du New Deal pour l’énergie en Afrique qui couvre la période 2016–2025, dont l’un des programmes phares consiste à installer, à l’horizon 2025, une capacité de production totale de 10 GW de sources d’énergies renouvelables.n


Bâtir aujourd’hui, une meilleure Afrique demain


85

MAURITANIE

Mauritanie – Mohamed Ould Kembou

Mohamed Ould Kembou Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du budget

Au regard des priorités retenues et de sa mission au service de développement de l’Afrique, vous paraît-il aujourd’hui justifié que l’on procède à une augmentation substantielle du capital de la Banque pour lui donner les moyens de son ambition ? En examinant aujourd’hui les ratios de la Banque africaine de développement, son portefeuille et, surtout, la déclinaison de sa nouvelle stratégie appelée High 5, en termes de demandes de projets, de sollicitations des différents pays, on observe qu’avec la surface financière actuelle de la Banque, l’institution risque de se retrouver devant un choix très difficile à faire. Elle peut soit casser ses ratios et la solidité financière dont elle dispose, et par là perdre sa notation de triple A sur la scène internationale qui lui permet pourtant de lever facilement des fonds. L’autre possibilité est que la Banque renonce à cet élan, cette dynamique qui a été engagée avec la mise en œuvre des High 5. Et là, je pense que nous n’avons pas le droit d’envisager cette deuxième hypothèse. L’idéal serait d’envisager cette augmentation générale du capital et de disposer de l’effet de levier important qui sera généré pour augmenter les possibilités de levées de financement de la Banque. Comme la précédente augmentation de capital, la sixième, a permis de multiplier considérablement la capacité de la Banque en termes de mobilisation de fonds, je pense que celle-ci vient à point nommé pour donner une impulsion à l’action de la Banque dans le domaine du financement pour l’Afrique.

Que pouvons-nous apprendre de la Corée ? La Corée est un exemple, un modèle économique bâti sur des conditions économiques qui, au départ, étaient comparables à celles des pays africains. Aujourd’hui, c’est un pays qui est à la pointe de la technologie. Nous pouvons donc apprendre de ce parcours. Pourquoi ne pas avoir notre Samsung, notre Hyundai, notre Kia quelque part dans un pays africain ? C’est certainement cet exemple-là que nous devons suivre. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ? S’il s’agit de choisir une urgence économique pour le continent, nous avons l’embarras du choix… Les High 5 couvrent l’essentiel des besoins pressants et urgents de l’Afrique. En premier lieu, à mon sens, il faudrait nourrir l’Afrique pour qu’il n’y ait plus de famine, pour qu’il n’y ait plus de bouches à nourrir qui ne puissent être satisfaites. Le deuxième besoin est d’investir, notamment en infrastructures, plus particulièrement dans l’énergie et les transports. Le troisième est de diversifier l’économie pour asseoir les bases d’un développement durable. Le tout doit être réalisé sans négliger les secteurs sociaux qui sont à la base de toute pérennité. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

MOZAMBIQUE

86

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ? La Banque a déjà beaucoup fait ; elle a financé des infrastructures, elle a financé le développement de l’agriculture, sur lequel elle s’est aussi beaucoup mobilisée ; elle a financé plusieurs projets. Selon moi, il y a un seul aspect dans lequel la Banque devrait investir plus, c’est la formation de la population. Et je crois que la Banque investit actuellement dans ce sens. Dans certains de nos projets, la Banque a déjà changé sa stratégie en commençant à former les agriculteurs et les producteurs en parallèle de l’élaboration des projets de prestation de services. L’association de ces deux facteurs donne une certaine pérennité aux projets que nous élaborons ensemble. C’est donc un changement important et nous souhaitons que la Banque continue dans ce sens. Par ailleurs, sur la question des objectifs et des priorités, la Banque a toujours eu une bonne vision, que ce soit pour les infrastructures d’irrigation, de drainage ou d’autres solutions mises en place. Toutefois, à chaque fois, et comme il s’agit de projets complexes, cela a pris beaucoup de temps et l’investissement est devenu très coûteux en raison du temps nécessaire. Lorsqu’elle a réalisé cela, la Banque a mis au point des procédures qui visent à faciliter l’élaboration et la mise en œuvre des projets. Et nous apprécions sa position à cet égard

Domingos Lambo Secrétaire permanent du ministère de l’Économie et des finances Secretário-permanente do Ministério da Economia e Finanças

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


Mozambique – Domingos Lambo

Les priorités définies par la Banque africaine de développement, les High 5, vous paraissent-elles pertinentes. En quoi pourraient-elles favoriser le développement de votre pays ? Eh bien, la première priorité entre toutes est celle qui consiste à nourrir l’Afrique. Nous devons trouver des solutions pour nourrir les populations. La deuxième priorité serait sans doute, compte tenu des caractéristiques de mon pays, la question énergétique, qui est extrêmement importante. Toutefois, il est vrai que toutes les priorités auxquelles vous faites référence, toutes ces priorités sont très importantes. Et comme je le dis toujours, l’éducation des populations est un facteur essentiel de développement. Cela étant, si vous me demandiez ce que je choisirais, si je devais choisir, je choisirais la priorité Nourrir l’Afrique et l’augmentation de la production d’énergie. Car l’énergie nous permettra d’industrialiser le pays, d’accroître la productivité et tout le reste. Mais comme je l’ai dit, le problème majeur pour les agriculteurs tient au fait que même s’ils obtiennent un bon rendement et parviennent à tout vendre une année, l’année suivante, la production peut échouer et ils n’auront rien à manger. Nous devons trouver des solutions pour conserver ce qui est produit. Or la conservation de la production et la création d’une industrie de transformation de la production sont ce que l’on appelle l’agro-industrie. Donc, pour créer cette industrie, nous avons besoin du secteur privé, et c’est ici que la Banque intervient. Quand nous examinons les méthodes de financement, les économies et le mécanisme de transformation de l’économie elle-même, nous observons un changement radical, car les projets qui étaient autrefois menés directement par le gouvernement ont laissé la place à une situation où de nombreux projets – y compris dans des secteurs qui étaient traditionnellement publics, étatiques –, désormais ces nombreux projets sont mis en œuvre en collaboration avec le secteur privé.n

87

E qual é a opinião do Senhor sobre o que o Banco vem fazendo em parceria com os países-membros para acelerar o desenvolvimento socioeconómico da África?

O Banco Africano de Desenvolvimento identificou cinco prioridades estratégicas, os “High 5”. Essas prioridades parecem relevantes? E em que maneiras poderiam promover o desenvolvimento de seu país?

O Banco já fez muito, financiou infraestruturas, financiou e engajou-se muito na questão do desenvolvimento da agricultura, financiou vários projetos. Há apenas um aspeto que acho que o Banco deveria investir mais, que é capacitar as pessoas. E penso que está fazendo esse investimento. Nós temos alguns projetos em que o Banco fez já a mudança da abordagem e passou a incluir os camponeses, os produtores em processos de capacitação ao mesmo tempo que desenvolvia os projetos de provisão de serviços. Essa combinação desses dois fatores permite dar sustentabilidade aos projetos que temos estado a desenvolver conjuntamente. É, portanto, uma mudança importante e gostaríamos que o Banco continuasse nessa linha. O outro aspeto, do ponto de vista de focalização, de priorização e focalização, o Banco teve sempre uma boa visão: infraestruturas de irrigação, infraestruturas de escoamento e várias outras ações que desenvolveu. Mas, nisso tudo, e por serem projetos complexos, levava-se muito tempo e acabava tornando o investimento feito em um investimento muito dispendioso por causa do tempo. E o banco, percebendo isso, tem estado a desenvolver formas processuais que vêm a facilitar a concepção e a implementação dos projetos. E nós apreciamos essa posição do Banco.

A primeira e mais importante é Alimentar África. Precisamos de encontrar soluções de como é que alimentamos as pessoas. A segunda, talvez, por causa das características do meu país, a questão energética é importantíssima. Mas é verdade que todas essas que se referiu aí, essas prioridades são importantíssimas. Disse, desde sempre, a educação de um povo é fator base para o desenvolvimento. Mas se me disserem o que é que eu escolheria, se for uma questão de escolha, escolho Alimentar África e incrementar a produção de energia. Com a energia a gente vai conseguir industrializar o país, a gente consegue aumentar a produtividade. A produção de alimentação dos camponeses, como eu disse, o grande problema é que em uns anos eles produzem bem, e depois vendem tudo. Outros anos produzem mal e não têm o que comer. Precisamos de encontrar formas de conservar a produção. E a conservação da produção é instalando a indústria que transforma aquela produção, é aquilo que chamam agroprocessamento. Então, a indústria, quem pode instalar é o sector privado, e aí entra o Banco. Quando olhamos para as modalidades de financiamento, as economias e aquilo que é a transformação da própria economia, nós vemos que há uma mudança muito grande de projetos que outrora eram projetos iminentemente do governo para uma situação em que muitos projetos, até em sectores que tradicionalmente eram públicos, estatais, muitos projetos passaram a ser implementados com a colaboração do sector privado. n


NIGÉRIA

88

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Kemi Adeosun Ministre des Finances

Que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? Au début des années 1960, le PIB de la Corée était inférieur de moitié à celui de la plupart des pays d’Afrique alors qu’aujourd’hui, elle fait partie des pays développés. La Corée y est parvenue en menant une politique d’industrialisation sous la conduite de l’État. Elle a sélectionné des secteurs spécifiques puis y a consacré le soutien public nécessaire en réalisant des réformes exigeantes. Grâce à cette politique, des géants comme Samsung, Hyundai et LG comptent aujourd’hui parmi les principaux innovateurs du monde. Je me réjouis de pouvoir tirer les enseignements de ce succès remarquable pendant mon séjour à Busan. Parmi les High 5, les priorités stratégiques de la Banque, laquelle d’entre elles vous semble la plus importante actuellement ? Chacune des priorités des High 5 est cruciale pour l’Afrique, et toutes ces priorités agissent en synergie. Je dis cela parce grâce au courant électrique, nous allons fournir l’énergie nécessaire aux établissements de transformation et de stockage alimentaire qui permettront de nourrir l’Afrique. Avec du courant électrique, nous pourrons industrialiser l’Afrique et exporter des produits fabriqués en Afrique vers d’autres pays africains, cela permettra d’intégrer le continent. Au moyen d’investissements cruciaux dans le domaine éducatif, nous saurons mieux gérer des industries, et construire et entretenir nos infrastructures, améliorant ainsi notre qualité de vie. Pris ensemble, les High 5 nous permettront de créer des emplois et de réduire la pauvreté.

Bio • Mme Adeosun a été nommée ministre des Finances du Nigéria en novembre 2015. Avant sa nomination, elle a occupé des postes de direction dans diverses institutions, notamment British Telecom Plc et PricewaterhouseCoopers au Royaume-Uni. • Au Nigéria, elle a été directrice générale du Chapel Hill Denham Group jusqu’en 2010, date à laquelle elle a lancé sa propre société de conseil, The Quo Vadis Partnership. Mme Adeosun est comptable agréée et membre de l’Institute of Chartered Accountants Nigeria. • Mme Adeosun a obtenu une maîtrise en gestion financière du secteur public de l’École d’études orientales et africaines de l’université de Londres.


Nigéria – Kemi Adeosun

Au regard des priorités retenues et de sa mission au service de développement de l’Afrique, vous paraît-il aujourd’hui justifié que l’on procède à une augmentation substantielle du capital de la Banque pour lui donner les moyens de son ambition ? Le Nigeria est un ferme partisan de l’augmentation générale du capital en raison du grand appui que cette mesure apportera au développement de l’Afrique. Grâce à une augmentation générale de son capital, la Banque maintiendra sa notation AAA et continuera de prêter à des pays d’Afrique à des taux d’intérêt avantageux, leur permettant ainsi de réaliser d’importantes économies en coûts d’intérêts. Certains pays d’Afrique courent déjà un risque de surendettement. Une augmentation générale du capital leur permettra d’emprunter à des taux moins onéreux que ceux de leurs emprunts auprès de partenaires commerciaux, et elle préviendra ainsi une nouvelle crise de la dette. Grâce à une augmentation générale du capital, nous pourrons appuyer le secteur privé africain et faire en sorte que des pays à faible revenu puissent bénéficier de la Banque, comme le font déjà des pays plus riches. Nous appuyons l’augmentation générale de capital parce qu’elle aidera la Banque à assumer son rôle de leadership dans le projet continental de réalisation des Objectifs de développement durable et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Les High 5, que tous les pays soutiennent, comptent parmi les meilleurs moyens de réaliser ces ambitions. Une augmentation générale du capital de la Banque contribuera à assurer un financement adéquat pour les High 5. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les Investissements directs étrangers ? En 2016, le Nigeria se classait 169e sur 190 pays à l’indice Ease of Doing Business (Facilité à faire des affaires) de la Banque mondiale. Dans le but de faire du Nigeria un pays plus propice pour y lancer une entreprise et la faire prospérer, l’administration du président Buhari a établi, en 2016, le Conseil

présidentiel pour un environnement favorable aux affaires, une initiative interministérielle présidée par le vice-président Yemi Osinbajo. Les réformes entreprises sous l’impulsion de ce Conseil ont déjà produit des résultats impressionnants. Par exemple, il est désormais possible d’entrer en ligne pour enregistrer une entreprise, régler ses impôts et accomplir les formalités d’un permis de construire. Tout homme d’affaires qui se rend au Nigeria peut obtenir un visa à son arrivée. En l’espace d’un an seulement, le Nigeria a fait un bond en avant de 24 places, accédant au 145e rang sur 190 à l’indice Ease of Doing Business. Il figure parmi les dix pays dont l’amélioration est la plus forte. Et nous venons de commencer ! L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui pourtant subit plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? Le Nigeria préconise énergiquement une industrialisation tirant ses besoins en énergie de sources plus propres. C’est pourquoi il s’est fixé un ensemble ambitieux de contributions prévues déterminées au niveau national sous la COP 21 dans lequel les technologies renouvelables figurent en bonne place au bouquet énergétique. Dans l’esprit de la COP 21, le Nigeria a également insisté pour que les pays puissent recourir à toutes leurs ressources en énergie en vue de répondre à leurs besoins énergétiques industriels. Ainsi, les pays africains qui possèdent des ressources importantes en charbon doivent pouvoir les utiliser avec, bien entendu, le soutien technologique nécessaire (technologie du charbon propre) pour assurer la capture et le stockage de carbone afin de minimiser les émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur l’environnement. Les pays africains qui possèdent des ressources importantes en gaz, ce qui est le cas du Nigeria, devraient recourir au gaz pour alimenter leurs industries en énergie. Les pays africains qui possèdent d’importantes ressources éoliennes, ce qui est le cas du Maroc, devraient utiliser cette alternative renouvelable. Notre argument ici est que l’Afrique, responsable de moins de 3 % des émissions de gaz à effet de serre, ne devrait pas être pénalisée et privée de la possibilité

89

de se développer sous le prétexte de prévenir le changement climatique. Le Nigeria croit fermement à la justice climatique. Le fait que l’Afrique contribue le moins au changement climatique et souffre le plus de ses impacts doit servir d’impératif à tous les pays d’honorer les engagements qu’ils ont pris dans le cadre de la COP 21, y compris celui d’apporter une aide financière de jusqu’à 100 milliards de dollars américains au monde en développement pour financer ses besoins en adaptation, atténuation et technologie climatiques. Nous n’avons rien vu de cet argent jusqu’ici. Les promesses faites doivent être tenues. Quelle est votre vision de l’Afrique dans quinze ans, et comment concevezvous le rôle de la Banque africaine de développement pour réaliser cette vision ? J’entrevois un continent africain en paix avec lui-même et économiquement intégré par le libre-échange, un continent dont les citoyens peuvent se déplacer sans entrave avec un passeport africain, où chaque pays a réalisé les Objectifs de développement durable, où aucun enfant n’est pas scolarisé et où la mortalité maternelle et infantile appartient au passé. Je m’attends à voir un continent capable de se nourrir, dont les industries prospèrent, et dont tous les villages sont éclairés. Tout cela peut-il se faire en quinze ans ? Avec de la détermination, nous serons en bonne voie d’y parvenir. Quels sont, à votre avis, les principaux défis sociaux et économiques auxquels est confronté le Nigeria, et quel pourrait être le rôle de la Banque africaine de développement dans ce contexte ? Nous avons beaucoup à faire au Nigeria concernant l’électricité, les routes, l’éducation, l’essor du secteur privé, la protection de l’environnement, l’agriculture et la santé. Ces impératifs de développement coûteront plus que ce que nous-mêmes, et aussi toutes les institutions de financement du développement, telles que la Banque, seront en mesure de financer. Donc au-delà de capitaux, ce que la Banque pourra apporter au Nigeria, ce seront ses connaissances et son savoir-faire. Nous attendons de la Banque qu’elle soit à la hauteur de nos besoins en produits du savoir, et qu’elle ne se laisse pas devancer par d’autres intervenants sur ce plan. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

NORVÈGE

90

Jens Frølich Secrétaire d’État, ministère des Affaires étrangères

Vers un modèle de développement inclusif : l’importance de l’espace politique et fiscal Les Assemblées annuelles de la Banque auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendez-vous de la rencontre de Busan, et de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? En 1960, le PIB par habitant en Corée était au même niveau que celui de l’Afrique subsaharienne. Depuis lors, la Corée a connu une croissance économique rapide. À l’heure actuelle, son PIB par habitant est équivalent à celui de l’Espagne. L’accent mis sur les exportations industrielles à forte main-d’œuvre a été l’une des caractéristiques les plus importantes du développement de la Corée. La transformation économique rapide a été rendue possible en déplaçant la main-d’œuvre vers des secteurs à plus forte productivité que le secteur agricole. Les changements structurels ont été bien accueillis et la croissance des exportations a permis d’augmenter rapidement les importations d’équipements et de technologies diverses.

Bio • Jens Frølich Holte est secrétaire d’État auprès du ministre norvégien des Affaires étrangères depuis 2017. Auparavant, également en 2017, il était secrétaire d’État au ministère des Transports et des communications. • De 2013 à 2017, il était conseiller politique au ministère du Climat et de l’environnement. De 2011 à 2013, il assurait des fonctions similaires auprès du groupe parlementaire du Parti conservateur. • Frølich Holte détient une maîtrise en histoire économique de la London School of Economics (LSE) et une maîtrise en sciences économiques et de gestion de la Norwegian School of Economics (NHH).

Un certain nombre de politiques ont également contribué à la croissance économique rapide de la Corée. Plusieurs obstacles à l’exportation ont été éliminés. Les efforts ont aussi été fortement centrés sur la nécessité d’assurer des conditions stables et prévisibles pour les investissements et les projets d’industrialisation. La Corée a surtout misé sur l’établissement de fondations solides pour le secteur manufacturier. Néanmoins, il appartient à chaque pays d’asseoir son parcours de croissance sur ses avantages comparatifs. Un programme intégral de planification familiale a été mis en place et a contribué à la chute rapide du taux de fécondité qui était de six enfants par femme au début des années 1960. Cela a entraîné un dividende démographique substantiel, grâce à une amélioration rapide du taux de dépendance, ce qui s’est traduit par une amélioration de la scolarisation et une augmentation de l’épargne nationale. La tenue des Assemblées annuelles de la Banque à Busan offre une bonne occasion de réfléchir sur ce que l’Afrique peut apprendre de l’expérience coréenne..


Norvège – Jens Frølich

Jens Frølich Holte, visitant une sousstation à Matola, au Mozambique, en février 2018. La Norvège et le Mozambique ont souscrit un accord de partenariat à long terme dans le domaine de la production et de la transmission d’énergies renouvelables..

Comment l’Afrique en voie d’industrialisation peut-elle éviter un scénario de croissance non inclusive semblable à celui qui a été observé dans certaines économies plus avancées ? La croissance non inclusive est un défi que toute économie peut avoir à affronter. L’Afrique a besoin d’un modèle de croissance équilibré, basant la croissance économique sur l’exploitation des avantages comparatifs et l’égalité des chances pour tous les citoyens, qu’ils vivent en zones rurales ou en zones urbaines. Dans le secteur manufacturier, l’accent devrait être mis sur la création d’un environnement stable pour les investissements à long terme et la mise à disposition d’une main-d’œuvre qualifiée. Pour que ce secteur fonctionne bien, il faut une éducation adaptée dispensée dans les établissements du secondaire et de meilleures formations professionnelles et techniques, structurées en collaboration avec les employeurs. Un approvisionnement continu et suffisant en électricité est également essentiel. Dans le domaine de l’agriculture, une croissance généralisée peut être facilitée en ciblant les maillons faibles de la chaîne de valeur et en améliorant les conditions-cadres propres à chaque secteur, permettant d’augmenter la compétitivité de l’ensemble de la chaîne de valeur ainsi que celle des entreprises et des agriculteurs individuels. La numérisation accrue dans le domaine de la production agricole et de la commercialisation, par exemple en mettant l’information sur les prix

à la disposition de tous les agriculteurs et en signant des contrats, peut également aider à élargir la croissance du secteur. Enfin et surtout, il est vital que les femmes soient pleinement intégrées dans l’économie formelle et puissent y participer sur un pied d’égalité. Laquelle des priorités stratégiques de la Banque, les High 5, vous semble la plus importante actuellement ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Je dirais que nourrir l’Afrique et créer suffisamment d’emplois pour les masses de chômeurs, les personnes en situation de sous-emploi et les jeunes entrant sur le marché du travail sont les deux défis les plus importants. La création d’un nombre suffisant d’emplois améliorera également la qualité de vie de la plupart des gens. Les deux principaux moteurs de la création d’emplois sont la fiabilité de l’approvisionnement en électricité et l’industrialisation. À la lumière des High 5 de la Banque et de sa mission d’accélérer le développement de l’Afrique, quelle est votre position actuelle concernant une augmentation générale du capital de la Banque afin de lui permettre d’atteindre son objectif d’améliorer la vie des Africains ? La Norvège estime que la Banque a un rôle clair à jouer dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063, les Objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le climat. Nous

91 appelons de nos vœux un débat ouvert sur la manière de financer ces efforts dans les années à venir. Bien que nos réflexions à ce stade soient préliminaires, la Norvège est favorable à une septième augmentation générale de capital et nous espérons vivement participer aux discussions à Busan. L’objectif principal doit être d’aider les pays africains à atteindre leurs objectifs en matière de développement et de climat. En même temps, la Banque doit explorer toutes les options pour maintenir sa solidité financière et améliorer le rapport coût-efficacité. La capacité de la Banque de mettre en place un continuum d’actions solide est essentielle. Il s’agit en effet pour elle d’obtenir des retombées claires en matière de développement et de fournir des financements bancaires adéquats, sans cesser de se concentrer sur sa réforme institutionnelle. Les gouvernements de la région devraient également prendre des mesures pour accroître la mobilisation des ressources nationales, améliorer la transparence financière et lutter contre les flux financiers illicites. Le rôle de la Banque est crucial en ce qui concerne la promotion des conditions-cadres, l’appel à la transparence et la lutte contre la corruption. La Norvège encourage le suivi actif du cadre stratégique d’action de la Banque sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, qui a été approuvé en 2017. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que doit faire l’Afrique pour devenir une destination plus attractive pour les investissements directs étrangers ? Le plus important est de réduire le risque réel et perçu lié à l’investissement. Les facteurs clés sont les suivants : un régime de politiques stables et prévisibles ; des conditions macroéconomiques stables et saines ; le transfert facilité des bénéfices et des dividendes ; un environnement favorable pour les affaires, avec notamment une fourniture d’énergie fiable, et des contrats publics transparents, par exemple pour les industries extractives. Il faut également en finir avec la corruption et les marchés truqués qui découragent les groupes d’investisseurs plus larges. n

Lisez la suite sur afdb.org/am


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

OUGANDA

92

Matia Kasaija Ministre des Finances, du plan et du développement économique

Les efforts ougandais pour l’industrialisation : des systèmes de gouvernance économique transparents et solides Bio • M. Matia Kasaija est le ministre des Finances, de la planification et du développement économique de l’Ouganda. Auparavant, il était ministre d’État aux Finances, responsable de la Planification. • De 2006 à 2010, il était ministre d’État aux Affaires intérieures. Sa carrière politique commença en 1981 lorsqu’il est devenu député. Depuis, il a occupé les fonctions successives de directeur adjoint pour la Mobilisation de masse au secrétariat du Mouvement national de résistance, de directeur exécutif du Conseil de tutelle des biens des Asiatiques ayant quitté le pays et de mobilisateur politique au secrétariat du Mouvement national de résistance. Il a également travaillé chez Shell et chez BP (U) ltd comme chef de la distribution. • M. Matia a assuré des fonctions de gouverneur auprès du Groupe de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, de la Banque africaine de développement et de la Trade Development Bank, anciennement PTA Bank.

Les Assemblées annuelles de la Banque auront pour thème cette année Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Qu’attendezvous de la rencontre de Busan et, de manière plus générale, que pouvons-nous apprendre de l’expérience coréenne en matière de développement ? Les économies africaines ont fait d’importants progrès dans le sens de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté. Toutefois, cette croissance ne s’est pas du tout appuyée sur l’industrialisation, mais plutôt sur l’exportation de produits de base. En conséquence, les économies africaines n’ont pas pu faire face aux chocs, tels que la chute récente des prix des matières premières. Les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement à Busan nous offrent donc l’occasion de revoir nos politiques, nos actions, et de tracer de nouvelles routes qui permettront à l’Afrique de se positionner sur la voie d’une croissance plus durable fondée sur l’industrialisation. Il n’y a pas de meilleur endroit pour apprendre de l’expérience coréenne. J’aimerais donc en savoir plus sur la façon dont la Corée a pu s’industrialiser si rapidement, sur ce qui l’a aidée à atteindre ce point de décollage plus vite que d’autres pays asiatiques. Selon vous, comment accélérer l’industrialisation de l’Afrique pour amorcer une croissance inclusive sur le continent et créer des emplois ? Pour élaborer ses politiques et stratégies d’industrialisation, l’Afrique doit considérer ses avantages comparatifs et compétitifs. Le continent, qui dispose d’un énorme potentiel de production agricole et minière, a récemment découvert d’importants gisements de pétrole et de gaz. Au lieu d’exporter des matières premières, l’Afrique doit ajouter de la valeur à ses produits de base. La création d’industries venant compléter et prolonger la chaîne de valeur des produits de base est la clé pour augmenter les revenus, créer des emplois et soutenir de


Ouganda – Matia Kasaija

manière inclusive les moyens de subsistance des 70 % de la population africaine dépendant de l’agriculture. Parmi les priorités stratégiques High 5 de la Banque, laquelle d’entre elles vous semble la plus importante pour votre pays ? Toutes les priorités de la Banque sont essentielles pour la croissance économique et le développement social de l’Ouganda. Elles sont éminemment interdépendantes et doivent être déployées d’une manière intégrée et holistique pour un niveau maximum d’impact et de transformation. Par exemple, pour une industrialisation qui accompagne les chaînes de valeur agricoles, il faudra prévoir une augmentation de la production et de la productivité dans ce secteur, des investissements dans l’accès à l’énergie et le transport routier, ainsi que la création de marchés régionaux. À la lumière des High 5 de la Banque et de sa mission d’accélérer le développement de l’Afrique, quelle est votre position actuelle concernant une augmentation générale du capital de la Banque afin de lui permettre d’atteindre son objectif d’améliorer la qualité de vie des Africains ? L’Ouganda appuie la recapitalisation de la Banque dans le double but d’augmenter la capacité de prêt afin de répondre aux besoins croissants des pays africains, et de lui permettre de maintenir une position financière solide pour conserver sa notation AAA. La Banque africaine de développement comprend mieux nos besoins et elle est toujours disponible quand on fait appel à elle. Néanmoins, nos besoins sont énormes et croissants et ne peuvent être satisfaits que par une augmentation générale de capital. La Banque africaine de développement joue un rôle de premier plan pour encourager une transparence accrue et une bonne gouvernance. À cet égard, que fait votre pays pour attirer davantage les Investissements directs étrangers ? Au cours des deux dernières années, le gouvernement ougandais a préparé des politiques, des lois et des règlements visant à créer un environnement propice aux investissements directs étrangers et aux affaires. L’économie est entièrement libéralisée et le gouvernement s’est engagé à mettre en place des systèmes de gouvernance économique solides et transparents. Il a créé l’Autorité ougandaise d’investissement (Uganda Investment Authority) pour attirer et soutenir les investissements, renforcer la transparence dans

les marchés publics et lutter contre la corruption. Il investit dans les infrastructures, l’accès à l’énergie, et maintient une politique monétaire prudente et un système bancaire solide. On peut citer d’autres exemples d’actions pratiques : la création d’un guichet unique pour l’établissement et l’inscription des entreprises, l’offre de mesures d’incitation à l’investissement telles qu’un régime fiscal attractif, le soutien à l’acquisition de terres destinées à l’investissement et la création de parcs industriels. L’Afrique est le continent qui rejette le moins de carbone dans l’atmosphère et qui pourtant subit plus que tout autre le changement climatique et ses effets sur l’environnement. Que doit faire le continent pour éviter la dégradation de son environnement tout en poursuivant son industrialisation ? L’Afrique continuera d’être le continent qui émet le moins d’émissions de carbone étant donné son potentiel inégalé en matière d’énergies renouvelables et son vaste couvert forestier servant à absorber le carbone rejeté par les autres pays du monde. Même si l’Afrique accélère son industrialisation, le risque d’augmentation des émissions de carbone reste faible en raison du recours plus important à l’hydroélectricité, une source d’énergie renouvelable. Ce continent doit continuer à exploiter ses sources d’énergie renouvelable, notamment l’énergie solaire qui présente un immense potentiel, et privilégier une agriculture permettant de préserver l’environnement. D’après une récente étude commanditée par la Banque, il existe un écart hommesfemmes stupéfiant de 42 milliards de dollars américains en ce qui concerne l’accès au crédit en Afrique. Que peut faire la Banque pour assurer aux femmes une véritable égalité des chances ? L’Ouganda reconnaît que les femmes et les jeunes sont des groupes démographiques indispensables à la croissance économique. Il faut pour cela qu’ils soient bien ciblés et favorisés. La plupart des femmes sont employées dans le secteur de l’agriculture et n’ont qu’un accès limité aux crédits d’investissement s’y rapportant. L’appui de la Banque à l’agriculture et à l’agroindustrie amènera sans aucun doute plus de femmes à trouver un emploi rémunérateur. En outre, il est nécessaire d’élargir et d’approfondir l’inclusion financière ciblant les PME de femmes. L’adoption de mesures réglementaires et incitatives est indispensable pour encourager le secteur privé, et notamment le secteur bancaire formel et les fournisseurs de technologie appropriée, afin d’offrir des services, des produits et une éducation adaptés aux femmes, et lier

93 les activités informelles des femmes au secteur formel. L’Afrique est à l’avant-garde de la révolution numérique, particulièrement en ce qui concerne les transactions bancaires par téléphonie mobile. Quels seraient les autres moyens par lesquels la révolution numérique pourrait appuyer les priorités High 5 ? Les plateformes numériques, en particulier l’Internet et la téléphonie mobile, représentent une chance unique d’accélérer la croissance économique de l’Afrique. Par exemple, la Banque africaine de développement a soutenu le système de paiement de l’Afrique de l’Est qui facilite les règlements transfrontaliers en temps réel et a grandement encouragé le commerce intrarégional et l’intégration de cette région de l’Afrique. Les plateformes de monnaie mobile ont favorisé l’inclusion financière et contribué à l’essor des petites entreprises. L’argent mobile peut améliorer l’accès au crédit destiné à la production tout en assurant des moyens de paiement efficaces pour les biens et les services. J’invite donc vivement la Banque à relever ce défi en continuant à investir dans les plateformes numériques, car elles sont un instrument essentiel à la croissance économique, et à soutenir les partenariats intelligents entre les gouvernements et le secteur privé afin d’étendre la portée des infrastructures numériques. Quelle est votre vision de l’Afrique dans quinze ans, et comment concevezvous le rôle de la Banque africaine de développement pour réaliser cette vision ? Une Afrique libérée de la faim, où il existe des opportunités de travail pour tous, où la pauvreté n’est plus une menace pour la survie des gens, où la croissance est inclusive, et qui est bien intégrée en termes de marchés et d’infrastructures. Quels sont, à votre avis, les principaux défis sociaux et économiques auxquels votre pays est confronté et quel serait le rôle de la Banque africaine de développement dans ce contexte ? Chômage, pauvreté, faim, infrastructures non développées, notamment le système de transport ferroviaire, conditions commerciales défavorables, inégalité des revenus. La Banque pourrait aider à financer la création de PME qui sont un moteur de création d’emplois, aider à financer le secteur de l’agriculture qui emploie plus de 70 % des Ougandais et consacrer davantage de ressources au financement du développement des infrastructures, par exemple le transport fluvial et les chemins de fer. n


94

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

PAYS-BAS

Sigrid Kaag Ministre du Commerce extérieur et de la coopération pour le développement

Une occasion pour l’Afrique d’emprunter la voie d’une industrialisation sans carbone et solidaire

A

Bio • Sigrid Kaag a commencé sa carrière chez Shell International à Londres, puis est entrée à la section des affaires politiques relatives à l’ONU au ministère des Affaires étrangères. Elle a par la suite occupé une série de postes à l’international, dont responsable de programme et chef des relations avec les bailleurs à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient à Jérusalem et à l’Organisation internationale pour les migrations à Genève. • Sigrid Kaag a servi comme conseillère principale de l’ONU à Khartoum et à Nairobi. Elle a ensuite poursuivi sa carrière à l’UNICEF où elle a occupé divers postes à New York et à Amman. Elle a été secrétaire-générale assistante au Programme des Nations Unies pour le développement à New York. • En tant que sous-secrétaire-générale des Nations Unies, elle a conduit une mission d’élimination des armes chimiques en Syrie. Elle est alors devenue sous-secrétaire-générale au Liban, responsable de toutes les activités onusiennes dans ce pays, et plus particulièrement de la mise en œuvre de la Résolution 1701 du Conseil de sécurité. • En 2015, elle a reçu le titre de docteur honoris causa de l’université d’Exeter. En 2016, elle a reçu le prix de la paix Carnegie Wateler en reconnaissance de ses efforts et des résultats de son travail au Moyen-Orient.

u cours des dernières décennies, l’Afrique a connu des améliorations importantes en matière de bienêtre de la population. L’espérance de vie a progressé en passant de 53 ans en 1960 à 72 ans aujourd’hui, et cela grâce à une meilleure nutrition, à de meilleurs soins de santé et à l’accès à l’eau potable. Le taux de scolarisation dans les établissements d’enseignement primaire a augmenté, il est passé de 52 % en 1990 à 80 % aujourd’hui. 95 % des Africains possèdent aujourd’hui un téléphone mobile et les start-up technologiques sont de plus en plus répandues dans les villes africaines. Ces chiffres encourageants sont le résultat de nombreuses années d’efforts communs. Mais le continent reste confronté à de nombreux problèmes dont la croissance élevée de la population, l’endettement des États et l’instabilité sociale, économique et politique. Parmi les autres problèmes figurent les besoins non satisfaits et les préoccupations en matière de droits humains, la situation vulnérable et inégale des femmes, les conflits en cours dans certaines régions et l’absence de perspectives économiques pour les jeunes. Tout cela met en péril les moyens de subsistance et les chances de millions de jeunes en les acculant à la pauvreté et en provoquant des déplacements massifs forcés et une migration clandestine. Un problème supplémentaire, dont nous commençons déjà à voir les effets, est celui du changement climatique qui aura un impact considérable sur les Africains. Le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà reconnu la rareté des ressources en eau, un des effets du changement climatique, comme cause principale de conflits.

Occasions à saisir Ces problèmes sont tous liés au thème central des Assemblées annuelles de cette année : Industrialiser l’Afrique. Je pense que ce thème devrait être divisé en deux sous-thèmes : l’industrialisation sans carbone et l’industrialisation solidaire.


Pays-Bas – Sigrid Kaag

95

Le chantier de Maasvlakte II, achevé en 2013, portant sur de grands travaux d’expansion du port de Rotterdam par la récupération de terres.

Travaux d’aménagement du delta aux Pays-Bas, visant à protéger cette zone contre les marées hautes.

Dans un passé très récent, l’Afrique a sauté la phase du développement des lignes téléphoniques en passant directement à la connectivité mobile, accusant d’abord un retard, puis effectuant un bond en avant. Aujourd’hui, elle a la chance exceptionnelle d’être la première région de la planète à s’industrialiser avec un minimum d’effets négatifs sur le climat et sur son environnement économiquement riche et unique. Le continent africain a le plus fort potentiel en matière d’énergie solaire. Sa longue bande côtière offre d’excellentes possibilités pour l’énergie éolienne et marémotrice. Les perspectives sont multiples pour l’énergie géothermique et celle issue de la biomasse. En outre, les récents progrès technologiques rapides ont fait des énergies renouvelables un investissement davantage réalisable sur le plan économique que les combustibles fossiles. Ces avancées offrent également de nouvelles solutions aux défis posés par le développement industriel et à ceux auxquels sont confrontés les individus, car elles permettent d’atteindre les populations des régions éloignées et sans connexion au réseau électrique. L’Afrique comptera bientôt deux milliards d’habitants dont l’âge médian sera de dixhuit ans. Elle devra fournir 20 millions de nouveaux emplois par an. L’industrialisation a la possibilité de jouer un rôle majeur en créant ces emplois et en offrant des

moyens de subsistance décents. S’attacher à une industrialisation solidaire garantira une répartition équitable de ces nouvelles possibilités de croissance.

Tendances positives En adoptant les ODD, les dirigeants de la planète ont entériné le fait que l’élimination de la pauvreté va de pair avec la croissance économique. Tous les pays ont participé à l’élaboration de ces objectifs et ils s’appliquent à chaque pays. De toute évidence, les gouvernements ne peuvent pas, seuls, faire face à ce défi. La contribution du secteur privé est nécessaire, car celui-ci fournit 90 % des emplois dans les pays en développement. En tant que banque de développement de l’Afrique, la Banque africaine de développement se trouve dans une situation unique pour proposer des solutions locales tirant parti de l’énorme potentiel de main-d’œuvre du continent et de l’évolution technologique mondiale. L’année dernière, la Banque a réalisé un niveau record d’investissements dans les énergies renouvelables et s’est fixé pour objectif d’investir 40 % de son volume annuel dans des projets en rapport avec le changement climatique. Il est encourageant de voir la Banque endosser ce rôle. Je me réjouis également de son regain d’attention pour inclure les femmes et les jeunes dans ses

investissements dans le secteur privé. L’intérêt accru porté aux pays fragiles et touchés par des conflits est également précieux. J’invite la Banque, en tant qu’institution majeure ayant une incidence significative et d’importantes responsabilités économiques et sociales, à promouvoir ces tendances positives et à donner l’exemple. Compte tenu des récentes allégations d’intimidation sexuelle et de comportement sexuels abusifs au sein d’organisations internationales pour le développement, je souhaiterais souligner l’importance du Comité de l’éthique de la Banque. Je salue l’attention récemment portée à une meilleure sensibilisation à ces questions au sein de la Banque. J’aimerais également faire remarquer la priorité élevée qui doit être accordée aux dispositifs de protection de la Banque destinés à assurer la prévention, l’identification et la réduction du harcèlement, de l’exploitation et de l’intimidation, particulièrement à l’encontre des femmes. J’espère que les récentes améliorations du bien-être de la population en Afrique n’en sont qu’à leurs débuts. Avec l’aide de la Banque, le continent est capable de jouer un rôle de leader pour apporter au monde entier la preuve qu’une industrialisation sans carbone et solidaire est possible. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

PORTUGAL

96

Mário Centeno Ministre des Finances

Libérer le potentiel d’investissement dans l’innovation et l’industrie

L

e Portugal entretient avec l’Afrique une relation historique qui a évolué. Il est un partenaire de longue date du Groupe de la Banque africaine de développement. Je suis gouverneur représentant du Portugal au sein du Groupe de la Banque depuis deux ans et demi. Quand j’ai fait connaissance avec le Groupe pour la première fois, j’ai constaté qu’il s’agissait d’une institution cruciale pour le développement du continent africain, une institution qui joue un rôle charnière dans l’amélioration des conditions de vie du peuple africain. Je suis extrêmement fier de pouvoir contribuer à cet objectif au nom de mon pays. Nous soutenons pleinement les High 5, les cinq grandes ambitions de la Banque, en tant que cadre stratégique d’orientation de ses travaux pour l’accélération de la transformation économique de l’Afrique au cours des prochaines années, ainsi que leur alignement sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les Objectifs de développement durable. À cet égard, nous nous félicitons de l’accent mis sur Industrialiser l’Afrique lors des assemblées annuelles à Busan. En effet, les pays africains ont un


Portugal – Mário Centeno

Bio • Mario Centeno occupe la présidence de l’Eurogroupe, à laquelle il a été élu par les ministres des Finances de la zone euro, le 4 décembre 2017. Depuis le 21 décembre 2017, il préside égale-ment le Conseil d’administration du Mécanisme de stabilité européen. En novembre 2015, Ma-rio Centeno prête serment comme ministre des Finances du 21e gouvernement constitutionnel de la République portugaise. Auparavant, il a occupé plusieurs postes à la Banque centrale du Portugal, où il a commencé sa carrière en 2000 comme économiste. • Mario Centeno est un économiste de grande expérience et un professeur universitaire. Il dispose de solides acquis universitaires : deux maîtrises, l’une en mathématiques appliquées, obtenue en 1993 à l’ISEG-UTL, et l’autre en sciences économiques, obtenue à l’université de Harvard, en 1993, ainsi qu’un doctorat en sciences économiques, dont il a soutenu la thèse à l’université de Harvard en 2000. Il est l’auteur et le coauteur de plusieurs publications scientifiques, livres et chapitres de livres touchant à ses domaines d’intérêt, notamment l’économie du travail, l’économétrie, la microéconomie et la théorie des contrats.

potentiel inexploité qui doit servir à développer leurs industries, stimuler l’économie, le commerce, et créer des emplois.. En fait, tous les pays sont conscients du rôle qu’un secteur industriel fort peut jouer dans la construction de la prospérité et la croissance économiques, ce qui est non seulement vrai pour les pays africains mais aussi pour les autres régions du monde. Le paradigme économique qui a prévalu pendant trop longtemps, axé presque exclusivement sur la production de marchandises, doit être rapidement dépassé pour permettre aux pays africains de grimper plusieurs échelons dans la chaîne de valeur ajoutée, en promouvant un processus de diversification dans lequel le secteur industriel jouera un rôle primordial. En tant que président de l’Eurogroupe 1, j’ai également été témoin de l’importance de la promotion de la croissance et de l’emploi pour les pays membres de la zone euro. De retour en Europe, nous avons travaillé à la mise en œuvre de réformes visant à accroître la résilience de notre marché unique, notamment l’élimination de ce qui fait obstacle à l’accès aux moyens financiers. Des défis similaires se posent également de façon très réelle aux pays membres régionaux de la Banque qui comptent sur des partenaires tels que la Banque pour les relever. La voie pour surmonter ces problèmes réside dans l’adoption de réformes structurelles, la disponibilité des informations, la clarté de la législation, la création d’un environnement

favorable aux entreprises basé sur la formation de marchés équitables, accessibles et transparents de taille régionale, et surtout la volonté politique de mettre en œuvre des politiques d’appui. Les pays africains doivent évaluer leurs avantages comparatifs et encourager la création d’industries nationales capables de substituer les importations et même de devenir exportatrices. Un petit pas décisif pour changer la donne. Le Portugal félicite la Banque d’avoir fait du secteur privé un acteur clé de la réalisation de ses objectifs et de sa vision. Il est essentiel d’encourager de nouveaux investissements privés dans les pays africains pour donner un coup de pouce à la diversification et accroître la résilience face aux chocs extérieurs et ceux affectant le prix des produits de base.

97 dans les volets technologie, migration et environnement. L’innovation technologique est un domaine source de nombreux bénéfices pour les PME et les jeunes pousses (startup) en termes d’accès rapide et efficace aux services financiers, de réduction des coûts, d’affaiblissement des barrières et de promotion de l’intégration régionale. Elle peut également aider à renforcer la concurrence et l’inclusion financière, par exemple à travers la facilitation des moyens de paiements mobiles et une meilleure pénétration de l’Internet. La Banque a un rôle majeur à jouer dans l’émergence de ces conditions favorables, particulièrement dans le domaine financier et la fourniture d’une assistance technique et de services consultatifs en matière de politiques pour accélérer l’industrialisation dans les pays membres de la région. Afin d’être un partenaire d’excellence et d’accroître sa capacité à produire des résultats, la Banque devra intervenir intelligemment en s’appuyant sur ses avantages concurrentiels et en s’associant à d’autres acteurs clés. Au cours de la dernière décennie, le Portugal s’est engagé dans des activités d’assistance technique bilatérales avec ses partenaires africains, visant à améliorer la capacité institutionnelle en matière de gestion des finances publiques, ce qui a eu un impact positif sur le déblocage des investissements dans les secteurs de l’innovation et des industries. L’union de nos forces et de nos avantages concurrentiels pourrait réellement apporter une valeur ajoutée accrue à l’aide canalisée vers ces pays dans un large éventail de domaines, contribuant ainsi de manière significative à leur progrès social et économique. n

L’investissement dans la capacité de production des pays est également intrinsèquement lié à l’accès à des financements durables, sans perdre de vue la nécessaire évaluation de la viabilité de la dette des pays, à l’investissement dans l’éducation (capital humain) et dans les moyens de production. L’innovation est également une pièce maîtresse de ce puzzle. Le Portugal est une référence en matière de promotion de l’innovation et de la technologie, étant sixième du classement de l’indice mondial de l’engagement pour le développement en 2017 2, avec une performance particulièrement solide

1 L’Eurogroupe est un organe informel où les ministres des Finances des États membres de la zone euro discutent des questions relatives à leurs responsabilités partagées concernant l’euro et la croissance économique. 2 https://www.cgdev.org/commitment-development-index-2017 (en anglais)


98

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

RWANDA

Le thème des Assemblées annuelles cette année est Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Quelles sont vos attentes pour Busan ? L’année dernière aux Assemblées annuelles, nous avons surtout exploré le volet agricole. Cette année, nous allons nous concentrer sur le secteur industriel et sur les moyens de développer de nouvelles industries. Ces industries nous permettront d’activer notre commerce et notre production intérieure. Elles généreront les emplois dont nous avons besoin, particulièrement pour nos jeunes. Nous avons donc bon espoir que nos parcs industriels, ainsi que la manière dont ceux-ci sont structurés avec leurs zones économiques spéciales, contribuent à stimuler la croissance. L’industrialisation créera des emplois sur le continent. Il est donc vital d’y concentrer nos efforts. Car c’est au niveau de l’industrie que s’ajoute de la valeur, et c’est pourquoi nous saluons le fait que la Banque ait choisi ce thème pour nos discussions à Busan. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ?

Claver Gatete Ancien ministre des Finances et de la planification économique, aujourd’hui ministre de l’Infrastructure

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

Eh bien, ces besoins sont ceux que nous avons tous ! Chaque pays a des besoins distincts, certes, mais certains besoins nous sont communs à tous. Ces besoins peuvent différer parce que nous ne formons pas un seul pays, mais les domaines que la Banque a retenus à titre prioritaire, comme l’agriculture, relier l’Afrique, connecter les pays africains par l’intégration, l’éclairage du continent grâce à l’énergie… Toutes ces questions relèvent de priorités de grande importance. Ce que nous avons admis lors de nos réunions est que, dans la réalisation des ODD suivant l’Agenda 2063, le programme de la Banque va apporter une grande contribution à la réussite de nos efforts pour réaliser les objectifs auxquels nous avons souscrit. La contribution de la Banque est donc très importante. Elle répond aux besoins des pays d’Afrique. Et ses priorités sont également celles que nous avons entérinées en tant que gouverneurs de la Banque. Nous nous employons maintenant à trouver les moyens de concrétiser ces objectifs en mobilisant davantage de ressources. Au regard des priorités retenues et de sa mission au service de développement de l’Afrique, vous parait-il aujourd’hui justifié que l’on procède à une augmentation substantielle du capital de la Banque pour lui donner les moyens de son ambition ? Nous apprécions vivement ce que la Banque africaine de développement a fait sur le continent africain. Son action s’est considérablement améliorée. La Banque a achevé un processus de réforme approfondi. Elle s’est restructurée, et la décentralisation qu’elle a opérée a permis de rapprocher son personnel des lieux de mise en œuvre des projets. Cette mesure a eu des effets positifs. Nous avons également observé une nette amélioration de l’efficacité de la Banque. L’augmentation de capital intervient au bon moment parce que ce moment est celui où l’Afrique a entrepris de se transformer, celui où le continent aura besoin de ressources plus importantes que celles qu’il a reçues par le passé. C’est également le moment où nous avons besoin d’un nombre toujours croissant de partenariats avec le secteur privé, ainsi qu’avec les autres partenaires au développement. Entamer ces conversations sur une augmentation de capital, comme nous le faisons depuis peu, est donc une démarche opportune. Ce qui nous intéresse, c’est de voir à quel point cette augmentation pourra se traduire par une augmentation des ressources en provenance du secteur privé ainsi que des différents marchés. n


São Tomé et Príncipe – Americo D’Oliveira Dos Ramos

99

Ministre des Finances et de l’administration publique Ministro das Finanças e Administração Pública

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ? Jusqu’à présent, la Banque a joué un rôle assez important grâce aux politiques menées dans divers domaines, comme l’agriculture, l’électrification de l’Afrique, le renforcement des capacités en matière de bonne gouvernance, etc. Je pense toutefois que la Banque peut faire bien plus, elle peut faire bien plus… La Banque pourrait catalyser d’autres investissements en Afrique en

orientant les autres partenaires multilatéraux et bilatéraux vers les besoins actuels du continent. La Banque africaine de développement a défini cinq priorités stratégiques dites High 5. Ces priorités vous paraissent-elles pertinentes et en quoi pourraient-elles favoriser le développement de votre pays ? Je pense que pour déterminer ces cinq priorités, la Banque a réalisé une étude approfondie sur les pays d’Afrique. C’est pourquoi ces priorités sont pertinentes, elles correspondent à ce dont l’Afrique a besoin maintenant. Ce sont les priorités qui pourraient élever l’Afrique à un autre niveau. Mon pays, en tant que pays africain, a aussi ces besoins, ces priorités sont aussi nos priorités et nous considérons que la Banque

E qual é a opinião do Senhor sobre o que o Banco vem fazendo em parceria com os países-membros para acelerar o desenvolvimento socioeconómico da África? Até então, o Banco tem tido um papel bastante importante com a sua política em vários domínios, portanto, a nível de agricultura, a nível de electrificação da África, a nível do reforço da capacidade de boa governação. Mas acho que o Banco pode fazer muito mais. O Banco pode ser um catalisador de outros investimentos para África orientando um pouco os outros parceiros multilaterais e bilaterais, visà-vis às necessidades que África tem nesse momento. O Banco Africano de Desenvolvimento identificou cinco prioridades estratégicas, os “High 5”. Essas prioridades parecem relevantes? E em que maneiras poderiam promover o desenvolvimento de seu país? Ao escolher essas cinco prioridades o Banco estudou detalhadamente os países de África.

peut donc jouer un rôle assez important en la matière. Il faut ici souligner que mon pays est un petit pays d’environ 200 000 habitants, mais que, comme c’est une île, nous souffrons des problèmes propres à l’insularité. C’est pourquoi j’ai saisi l’occasion de demander au président de la Banque de considérer São Tomé-et-Principe sous un angle différent et de créer un programme particulier pour les pays insulaires, les petits pays insulaires qui sont très fragiles et qui rencontrent de nombreux problèmes, qui diffèrent souvent de ceux qui touchent les grands pays du continent. Nous parlons ici de la nécessité de créer des infrastructures élémentaires, dans le domaine de l’énergie, de l’eau, de la santé, voire de l’accès au pays, avec des ports, des aéroports. Ce sont des conditions de base nécessaires pour que le pays puisse se développer.. n

Daí que elas são relevantes: elas são aquilo que África precisa neste momento. Elas são as prioridades que poderão levar África para outro patamar. O meu país, como um país africano também, tem essas necessidades, essas prioridades também são as nossas prioridades e pensamos que o Banco poderá jogar um papel bastante importante nessa matéria. Destacar que o meu país é um país pequeno, com cerca de 200 mil habitantes, mas por ser uma ilha, ela sofre de problemas de insularidade. Eu fiz questão de pedir ao presidente que olhe para São Tomé e Príncipe de forma diferente e que haja um programa muito específico para países pequenos insulares que tenham muita fragilidade e tenham muitos problemas, que muitas vezes não são os mesmos que os países grandes do continente. Nós estamos a falar da necessidade de criar as infraestruturas de base, a energia, água, sector da saúde, mesmo a nível da porta de entrada para o país - estamos a falar de portos, aeroportos - que são as condições básicas para que o país se desenvolva. n

SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE

Americo D’Oliveira Dos Ramos


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

SÉNÉGAL

100

En quoi les interventions de la Banque africaine de développement peuvent-elles avoir une valeur ajoutée par rapport aux autres partenaires au développement ? Tout d’abord, c’est notre Banque. C’est extrêmement important de le souligner, il s’agit de la Banque africaine. Nos pays ont besoin de tous les partenaires. Le monde aujourd’hui est globalisé. Avec la Banque, nous avons surtout perçu la rapidité dans l’exécution des projets et l’efficacité au niveau des décaissements. Le fait d’avoir une Banque dont le siège est à l’intérieur du continent africain, une Banque qui vit les réalités des populations africaines est un élément additionnel. Les responsables aujourd’hui au niveau de la Banque l’ont été à des niveaux importants dans leur pays. C’est aussi un atout pour comprendre les préoccupations des populations africaines. Au vu de ces priorités et de la mission de la Banque africaine de développement au service du continent, vous paraît-il justifié que la Banque procède à une augmentation générale de son capital pour se donner les moyens de ses ambitions ?

Amadou Ba Ministre de l’Économie, des finances et du plan

Quel regard portez-vous sur le partenariat entre la Banque africaine de développement et le Sénégal ? Je me réjouis de ce partenariat avec la Banque. A ce jour, les efforts de la Banque à l’endroit du Sénégal ont été multipliés par trois environ. Cela concerne des projets très structurants, comme le projet de Train express régional, qui va relier Dakar à sa banlieue, à la nouvelle ville de Diamnadio tout comme à l’aéroport international Blaise Diagne. Je peux citer d’autres projets tels que le projet d’amélioration de la qualité de vie au niveau des populations urbaines, ou encore des projets agricoles. Nous avons avec la Banque un excellent partenariat, et je m’en réjouis. L’intervention de la Banque a permis de finaliser l’aéroport international Blaise Diagne de Dakar, qui a été inauguré en décembre 2017.

La Banque doit être soutenue. Bien notée par les agences de notation, la Banque africaine de développement est triple A. C’est extrêmement important. Nos pays ont d’énormes besoins de mobilisation de ressources. Il nous paraît donc nécessaire de soutenir la Banque et d’augmenter ses capacités en financement. Cela ne peut passer que par l’augmentation de notre participation. En plus d’être classée triple A, insistons sur le fait qu’investir dans la Banque africaine de développement est tout à fait rentable. La Banque a la capacité de vous prêter quatre, cinq ou six fois plus que ce que vous investissez. Il me paraît encore extrêmement important de le souligner. De ce point de vue, nous soutenons la volonté de la Banque d’augmenter ses capacités à travers l’augmentation du capital. Quelle est l’urgence pour votre pays aujourd’hui dans le domaine du développement et quels sont les moyens mis en œuvre pour y remédier ? L’urgence pour le Sénégal se retrouve à travers les cinq priorités de la Banque. Cela correspond aux trois axes stratégiques du plan de développement du Sénégal appelé Plan Sénégal émergent. L’urgence du Sénégal est de transformer son économie, l’urgence du Sénégal est aussi de réaliser une forte croissance, mais une croissance inclusive, une croissance qui crée de l’emploi, une croissance qui permet de redistribuer des revenus, une croissance qui donne de la place à l’homme, notamment aux jeunes. Enfin, l’urgence du Sénégal est d’être un pays de paix, de sécurité, avec une gouvernance sobre, mais vertueuse. n


101

SOMALIE

Somalie – Abdirahman Beileh

Abdirahman Beileh Ministre des Finances

Que peut-on apprendre de la Corée ? Il y trente-cinq ans, j’étais à l’université et la plupart des étudiants de ma faculté provenaient de Corée. Ils étudiaient tous le génie dans une grande université américaine. On ne songeait pas à parler de la Corée à cette époque. Elle était alors un pays marqué par le sousdéveloppement. J’ignore le classement qu’on lui accordait alors à l’indice du développement, mais aujourd’hui elle est devenue l’un des pays industrialisés les plus avancés au monde. Je pense que nous avons de nombreuses leçons à tirer de la trajectoire de ce pays et des méthodes distinctes qu’il a adoptées. Nous devons apprendre à la fois de la Corée et de la Chine. Nous, Africains, sommes mieux à même de bénéficier des leçons de l’Orient plutôt que de l’Occident. Je pense que c’est sur l’Orient, plutôt que sur le reste du monde, que nous devrions aligner nos activités. L’industrialisation de l’Occident s’est déroulée dans les années 1800, tandis que celle de l’Orient ne remonte qu’à un petit nombre d’années. On y trouve encore des personnes qui ont grandi dans la pauvreté et qui aujourd’hui dirigent de entreprises de très grande taille. Ils existent en Corée ainsi qu’en Chine. Ce sont eux, en quelque sorte, que nous devrions retenir comme sources d’information et d’inspiration.

Nous attendons donc cette occasion de nous rendre à Busan afin d’y rencontrer des interlocuteurs du reste du monde intéressés à travailler avec nous. L’Afrique est le continent dont le développement est toujours en souffrance. C’est pourquoi ces interlocuteurs espèrent aussi y trouver des endroits où ils pourront investir leurs ressources financières. Il s’agit donc de repérer à la fois les ressources et les compétences, puis de les assembler. L’Afrique et l’Asie offrent les meilleures chances d’un appariement approprié, si bien que nous nous réjouissons d’avance de ces assemblées. La Banque africaine de développement a défini cinq priorités stratégiques dites High 5. Ces priorités vous paraissent-elles pertinentes et en quoi pourraient- elles favoriser le développement de votre pays ? Je dirais que certaines de ces priorités sont plus importantes pour certains pays que pour d’autres, qui ont décidé de mettre l’accent sur des domaines différents. Dans un pays très fragile comme le mien, la Somalie, le domaine sur lequel nous mettons l’accent est celui de la priorité Nourrir l’Afrique. Vous le savez sûrement, nous sommes frappés par de nombreuses sécheresses, nous connaissons donc la famine. Je crois que la plus récente

famine à toucher l’Afrique a eu lieu en Somalie. Elle ne date pas d’hier, mais remonte à un passé récent. Il s’agit d’un domaine auquel nous pensons que la Banque accorde une grande importance, que nous avons nousmêmes à privilégier. Nourrir l’Afrique signifie, bien sûr, le fait de disposer de nourriture en quantités suffisantes pour nourrir la population. Mais en y regardant de plus près, on constate que cette priorité porte également sur la nécessité de bien gérer ses propres ressources. Paradoxalement, la Somalie est un pays qui ne cesse d’être menacé par la sécheresse mais qui, d’autre part, dispose de ressources excédentaires en eau. Ses ressources en eau sont donc plus importantes qu’ailleurs, mais les sécheresses y sont plus fréquentes. Il s’agit d’une malheureuse dichotomie que l’on observe en Somalie, et peut-être aussi dans quelques autres pays. La Somalie souffre de sécheresse quand les pluies se font rares, et cette rareté entraîne des pénuries alimentaires. Devant ce constat, il n’existe qu’une seule issue. Je pense qu’à partir du moment où un territoire est habité, il devrait posséder une « capacité de charge » suffisante pour sa population. Compte tenu de notre réalité nationale, la priorité Nourrir l’Afrique est celle qui, à mon avis, est la plus pertinente pour nous. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


102

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

SOUDAN

davantage d’emplois. Nous devons d’abord penser à produire nos propres équipements agricoles, puis envisager d’autres domaines. Nous devons apprécier toute l’importance de la technologie. Les technologies de l’information sont cruciales. N’oublions pas que les technologies de l’information et la technologie en général comptent parmi les facteurs les plus importants du développement de l’économie coréenne et d’autres. Il nous faut donc accorder une attention toute particulière aux technologies de l’information et au développement de nos industries dans ce domaine. Il faut désormais aller vers l’Internet des objets. Nous devons songer à offrir plus de formations en informatique à nos professionnels, à entreprendre plus de recherche et à favoriser les innovateurs. Car ce sont les personnes qui ont les compétences qui nous sont particulièrement utiles pour mettre la technologie au service de nos intérêts. Nous sommes en train de perdre quantité de personnes qui ont un savoir-faire technologique. Ils sont nombreux à quitter l’Afrique pour l’Occident et des pays plus développés. Ils émigrent parce que nous ne leur prêtons pas assez d’attention et ils emportent avec eux des capacités de recherche pour aller développer des projets dans d’autres pays.

Mohamed Elrekabi

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ?

Ministre des Finances et de l’économie nationale

Le thème des Assemblées annuelles cette année est Accélérer l’industrialisation de l’Afrique. Quelles sont vos attentes pour Busan ? Il y a de nombreux enseignements à tirer de l’expérience sud-coréenne. Se focaliser sur l’agriculture uniquement ne suffit pas. Nous avons un rôle à jouer et il faut nous assurer que d’importantes ressources soient allouées à l’industrie. La Corée a beau ne pas être aussi riche que l’Afrique en ressources naturelles, elle a su se développer en développant ses ressources humaines et ses différentes industries. Nous devons retenir les leçons de cette expérience. Il ne faut pas nous arrêter à l’agriculture. Incontestablement, l’agriculture est importante pour que l’Afrique puisse nourrir ses populations et pour améliorer notre niveau de vie. Mais il nous faut aussi songer à ajouter de la valeur à nos produits en transformant nos matières premières en produits finis. Agir ainsi, c’est envisager l’industrialisation de l’Afrique. Et c’est là, dans l’industrialisation de l’Afrique, que se situent certains des piliers et des priorités de la Banque africaine de développement. Comme point de départ, il y a l’énergie, car sans énergie, l’on ne peut pas instaurer d’industrie. Puis, il faudra passer aux autres secteurs liés à l’industrialisation de l’Afrique. Nous pourrions apporter beaucoup de valeur ajoutée au profit des populations de l’Afrique et du développement en créant

Si nous pouvons suivre les plans que la Banque africaine de développement a conçus et coopérer ensemble pour développer nos échanges intraafricains, je pense que nous atteindrons le but désiré. Nous devons développer nos propres marchés pour commercer davantage les uns avec les autres. Il faut donc plus d’intégration, plus de complémentarité entre nous, pour que les avantages qui en découlent ne quittent pas l’Afrique, mais restent sur le continent. Cela nous aidera beaucoup. Nous devons nous aider mutuellement pour développer des marchés et ainsi offrir des débouchés aux produits africains d’abord, avant de permettre à d’autres de venir sur ces marchés. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


Comment les banques de développement peuvent-elles appuyer l’industrialisation de l’Afrique ?

103

Comment les banques de développement peuvent-elles appuyer l’industrialisation de l’Afrique ? Extrait de l’essai intitulé « Industrialization: A Primer », par Célestin Monga, dans le rapport « Industrialize Africa: Strategies, Policies, Institutions, and Financing » (Groupe de la Banque africaine de développement, 2017)

I

l n’est pas de pays qui se soit transformé sans s’industrialiser. Les financements ont fait partie intégrante de ce processus. Pour s’industrialiser, les pays d’Afrique ont également besoin de financements. Les banques de développement ont un rôle à jouer pour réunir les financements nécessaires à la réalisation du potentiel d’industrialisation du continent. Comment les pays à revenu faible et intermédiaire qui, par définition, ne disposent pas de recettes fiscales majeures et de grandes capacités de mobilisation de

ressources intérieures, peuvent-ils financer leur processus d’industrialisation ? Tous les responsables politiques de l’Afrique sont confrontés à cette question. Lorsqu’ils cherchent à y répondre, ils partent le plus souvent du constat que les taux d’investissement à travers le continent sont généralement faibles et qu’il s’agira de les augmenter pour développer leurs économies nationales, créer des perspectives d’emploi et combattre la pauvreté. Certaines banques centrales africaines ont tenté de stimuler l’économie nationale par des politiques monétaires – particulièrement


104

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

principalement codifiée dans les programmes macroéconomiques pluriannuels négociés avec le Fonds monétaire international (FMI), consiste à privilégier « la contraction fiscale expansionniste ». De ce fait, de nombreuses économies africaines se trouvent face à un dilemme : leur demande globale est toujours trop faible et l’on ne peut pas prévoir, dans une perspective réaliste, qu’elle augmentera suffisamment et au rythme voulu pour créer les perspectives d’emploi qui permettraient de réduire la pauvreté. Cela dit, d’un point de vue financier et économique, voire politique, il n’est pas possible d’accroître les déficits publics – ne serait-ce qu’en raison des contraintes des programmes du FMI – et, même si les banques centrales étaient prêtes à appliquer des politiques monétaires laxistes extraordinaires et en avaient les capacités, cela n’agirait pas vraiment dans le sens d’une croissance élevée et soutenue. Par conséquent, il est nécessaire d’établir une stratégie de financement du développement qui puisse favoriser la demande sans créer de déficits budgétaires insoutenables.

en périodes de marasme économique – en réduisant les taux d’intérêt et les besoins en réserves ou en achetant des obligations d’État détenues par des institutions financières afin d’accroître les ressources à la disposition de leur système bancaire (assouplissement quantitatif). Cependant, la plupart des banques centrales africaines estiment que leur rôle consiste à assurer la stabilité des prix, ce qu’elles considèrent comme le meilleur moyen de contribuer à la croissance économique. De plus, en dépit de récents progrès, les circonstances économiques qui prévalent dans de nombreux pays d’Afrique se caractérisent toujours par une stagnation substantielle, par un taux élevé de chômage et de sousemploi et par la nécessité d’entreprendre des réformes majeures pour améliorer le climat des affaires. L’ampleur des défis économiques à relever sur le continent et les incertitudes qui ont marqué la période de faible croissance suite à la baisse des cours des matières premières se reflètent dans les niveaux systématiquement élevés de fuites de capitaux, un phénomène auquel s’ajoute

également un nouveau cumul de la dette extérieure1. La stratégie keynésienne traditionnelle pour faire face à des situations de crise marquées par un faible niveau de confiance du secteur privé et de volonté de la part des investisseurs à prendre des risques consiste à assortir la politique monétaire souple d’une hausse des dépenses publiques ou d’une réduction des impôts. La relance de la demande globale par le biais de mesures gouvernementales est dont perçue comme le moyen le plus efficace pour remplacer des dépenses du secteur privé qui n’ont pas été engagées. C’est précisément la méthode que la plupart des pays à revenu élevé ont appliquée pour combattre la récession mondiale. Toutefois, bien que cette stratégie puisse fonctionner pour les cycles économiques, elle échoue quand il s’agit de faire face à des problèmes structurels de croissance et de développement tels que ceux auxquels les pays africains sont confrontés. De plus, la sagesse conventionnelle qui prévaut actuellement,

Une solution simple serait de soutenir le renforcement financier des banques africaines de développement – par exemple, en procédant à une augmentation générale du capital de la Banque africaine de développement et en opérationnalisant la Banque africaine d’investissement (BAI)2. Un renforcement des capacités financières de la Banque africaine de développement et le lancement d’une BAI au fonctionnement efficace aideraient effectivement l’Afrique à atteindre deux objectifs en même temps : cela apporterait les financements à long terme très nécessaires aux économies du continent, permettant ainsi d’étendre et de moderniser leurs infrastructures (énergie, transport, télécommunications, approvisionnement en eau) tout en préservant un équilibre budgétaire durable. L’augmentation du capital de la Banque africaine de développement et l’opérationnalisation de la BAI ne nécessiteraient pas que les gouvernements africains augmentent leurs emprunts de manière significative. Ces banques de développement stimuleraient la confiance en appuyant des projets et programmes d’investissement régionaux à grande

1 Certains pays africains ayant bénéficié d’une réduction de leur endettement grâce à l’Initiative en faveur des PPTE (pays pauvres très endettés) se voient actuellement offrir la possibilité de contracter de nouveaux emprunts, souvent soumis à des conditions non préférentielles, par des prêteurs extérieurs au Club de Paris. 2 En février 2009, l’Union africaine a décidé d’établir une Banque africaine d’investissement « pour encourager l’intégration et le développement économiques au moyen d’investissements dans des projets de développement correspondant aux objectifs de l’Union ». L’Article 5 du Protocole signé à Addis Abeba (Éthiopie) précisait que « le Siège de la Banque sera à Tripoli, en Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste », ce qui a peut-être freiné les progrès de l’Union africaine dans le cadre de ce projet.


Comment les banques de développement peuvent-elles appuyer l’industrialisation de l’Afrique ?

échelle destinés à créer des opportunités d’emploi. Cependant, ces investissements seraient effectués par le secteur privé ou par certaines administrations locales, et les fonds nécessaires seraient empruntés ou réunis par la Banque africaine de développement ou la BAI, et non par les gouvernements centraux. Par exemple, bien qu’une dotation initiale en capital, de l’ordre de 50 milliards de dollars, serait nécessaire pour assurer la crédibilité de la BAI, cette dernière serait en mesure de lever des fonds représentant plusieurs fois ce montant pour assurer ses opérations3. Si elles bénéficiaient d’une assise financière renforcée, les banques de développement pourraient grandement contribuer à compenser les défaillances des marchés des capitaux privés à court terme qui sont actuellement en place et qui empêchent les économies africaines de réunir des fonds pour leurs projets de développement. La nécessité de financer des projets d’infrastructures est particulièrement importante, car les avantages de ces projets pour la société sont généralement fortement supérieurs aux retours financiers que leurs propriétaires privés peuvent en attendre. Cependant, à fortiori, les investisseurs privés ne financeraient pas nécessairement ces projets d’infrastructures. En outre, du fait du processus actuel de sélection des projets d’infrastructures publics et de l’affectation des financements pratiquement n’importe où, principalement dans les pays d’Afrique, ces projets sont soumis à des pressions politiques et à l’accaparement des bénéfices par les élites. Dans ces pays souvent autoritaires et instables, la faiblesse du cadre institutionnel, le manque de clarté des règles budgétaires, l’absence de mécanismes de transparence et de redevabilité et la

nécessité de satisfaire aux exigences des clientèles politiques à tous les niveaux de l’administration et au-delà donnent souvent lieu à un processus de décision à la fois aléatoire et onéreux. Les banques de développement pourraient également soutenir les stratégies d’identification et de facilitation de la croissance pour industrialiser les économies africaines. Les pays d’Afrique sont généralement de petites économies ouvertes qui dépendent largement du commerce, mais ces dernières années, nombre d’entre eux se sont principalement appuyés sur la construction et l’immobilier pour maintenir leur croissance, alors que leurs industries manufacturières et exportatrices restaient à la traîne, voire enregistraient un déclin. En proposant des financements à long terme pour des projets d’investissement solides, les banques de développement pourraient soutenir de nouvelles industries exportatrices capables de réduire la dépendance de l’Afrique à l’égard d’emprunts extérieurs pour payer des produits étrangers. Leur contribution aux projets et aux programmes devra être viable dans les domaines stratégiques qui auront été identifiés et soumis à une évaluation rigoureuse dans le cadre des activités d’identification et de facilitation de la croissance. Une constatation surprenante qui se dégage des travaux de recherche économique est que ce n’est pas le faible taux d’investissement qui a représenté l’obstacle principal au développement de l’Afrique. Bien que le taux d’investissement total de la région ait été en deçà de celui de pays en développement dans d’autres régions, les taux d’investissement publics, souvent,

105 ne sont pas trop inférieurs. « Ainsi, pour se prononcer sur la question de savoir si les investissements en Afrique peuvent expliquer une médiocre performance, il sera nécessaire d’analyser la composition de ces investissements et de déterminer si des investissements publics accrus – un instrument sous le contrôle des gouvernements – auraient profité au continent ». Étant donné les résultats médiocres des investissements publics et la longue succession d’échecs des banques de développement dans l’ensemble du monde en développement par le passé, il serait nécessaire que les banques de développement mettent en place un cadre opérationnel à la fois rigoureux, professionnel et transparent. S’appuyant sur les expériences probantes d’institutions similaires, la BAI ne viserait pas à maximiser ses bénéfices et emprunterait sur les marchés des capitaux afin de financer ses projets. Elle offrirait des garanties complètes ou partielles de remboursement des obligations émises par les projets d’investissement et, en assumant le risque, elle réduirait sensiblement les coûts de financement. Les banques de développement émettraient également leurs propres obligations à long terme, à des rendements légèrement supérieurs aux bons du Trésor américain, pour lever des fonds et financer directement des projets à grande échelle. De nombreux exemples illustrent les configurations institutionnelles et de gouvernance qui permettraient à la BAI de financer de grands projets d’infrastructures tout en parvenant systématiquement à éviter les pertes et à minimiser considérablement le taux de situations d’impayés4. n

3 Les pays de l’Union européenne (UE) ont initialement apporté 50 milliards de dollars au capital de la Banque européenne d’investissement, qui emprunte actuellement 420 milliards de dollars de fonds supplémentaires. Elle est donc capable de financer des investissements de plus de 470 milliards de dollars. Bien que la taille de l’économie de l’Union européenne (16 000 milliards de dollars en 2010) représente près de dix fois celle des économies combinées de l’Afrique, le même principe pourrait fonctionner pour la BAI si elle était établie et gérée de manière crédible. 4 Outre la Banque européenne d’investissement, la liste d’exemples bien connus comprend la banque allemande Kreditanstalt für Wiederaufbau, la Banque coréenne de développement et la Banque japonaise de développement.


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

SUISSE

106

Raymund Furrer Chef du centre de prestations Coopération et développement économiques du secrétariat aux Affaires économiques (SECO), département fédéral de l’Économie, de la formation et de la recherche (DEFR)

Transformer le potentiel en réalité

L

a situation économique et sociale en Afrique laisse transparaître plusieurs tendances se présentant à la fois comme des opportunités et des défis interdépendants. En tant qu’acteur multilatéral de premier plan dans le paysage du développement, la Banque africaine de développement se doit de jouer un rôle lui permettant de saisir les premières et de minimiser les seconds. Tout d’abord, un phénomène important, parfois qualifié d’opportunité, mais le plus souvent de défi, renvoie à la courbe démographique de l’Afrique. La population du continent est jeune, la main-d’œuvre est croissante, ce qui est un atout, mais également une source possible d’instabilité. Les jeunes doivent être éduqués et formés, faute de quoi ils resteront socialement vulnérables et dépourvus de perspectives économiques, et là est la cause première de la migration forcée et de l’extrémisme. Le défi consiste donc à faire du possible une réalité. En ce sens, la Suisse propose les axes prioritaires suivants. Il faut créer des emplois décents et accroître l’employabilité des jeunes. Nous encourageons fortement les gouvernements à s’allier au secteur privé pour cerner les besoins et les opportunités qui peuvent stimuler le développement de l’Afrique. Le nombre croissant de pays africains qui s’engagent dans des réformes économiques orientées vers le secteur privé est encourageant. Une bonne gouvernance et un environnement d’affaires sain, associés à une main-d’œuvre qualifiée offrent les meilleures incitations pour attirer les investisseurs, nationaux et étrangers, ce qui est porteur d’innovation et de création d’emplois.

Une population grandissante signifie des besoins croissants en infrastructures et davantage de pression sur les structures déjà faibles au départ. La rapide urbanisation de l’Afrique pose en particulier de

Bio • Depuis octobre 2015, Raymund Furrer est responsable de la Division de coopération et de développement économiques et délégué de la Suisse aux accords de commerce. • Il dirige le Centre suisse des affaires dans les pays du Golfe. • Depuis avril 2014, il est le consul général de la Suisse à Dubaï. • En avril 2008 et en août 2012, il est responsable de la coopération multilatérale au secréta-riat d’État à l’Économie (SECO). • Il a occupé des postes de conseiller principal et de directeur exécutif à la Banque mondiale • Chef des relations économiques bilatérales avec l’Asie au sein du SECO et chef de la section OMC à l’Office fédéral des Affaires économiques étrangères. • Premier secrétaire de la délégation suisse à l’OCDE.


Suisse – Raymund Furrer

107

Assemblées annuelles 2017 de la Banque africaine de développement 2017

vrais problèmes. Les efforts de planification urbaine fonctionnelle en faveur des pauvres doivent être intensifiés afin d’améliorer la compétitivité des villes africaines sur la scène mondiale. Il est également primordial de mettre davantage l’accent sur l’amélioration de l’approvisionnement en électricité issue de sources énergétiques renouvelables. Enfin, des efforts particuliers sont nécessaires pour approfondir l’intégration et la connectivité régionales : l’Afrique doit construire des infrastructures physiques et numériques pour libérer tout son potentiel commercial.

selon une orientation fortement axée sur les résultats. C’est une condition si l’on souhaite un impact maximum sur le développement.

jouer la carte de la réalisation des Objectifs de développement durable et des engagements de Paris sur le climat.

La stabilité politique, la sécurité ainsi qu’un cadre institutionnel solide sont des prérequis tout aussi essentiels dans tous les pays africains pour parvenir à une croissance durable et inclusive. S’atteler aux problèmes de fragilité doit rester une priorité. Les pays doivent mieux résister aux chocs économiques et financiers, ainsi qu’à l’impact du changement climatique et des catastrophes naturelles.

La transformation technologique doit être une composante de la solution. Étant donné qu’elle influe sur la structure des compétences dont la main-d’œuvre a besoin, des actions politiques judicieuses en matière d’éducation, de réglementation du travail, de protection sociale et de répartition des revenus permettront de mieux relever ce défi. Les nouvelles technologies activeront alors la productivité et favoriseront l’émergence de nouveaux emplois. Les gens en profitent déjà, comme en témoigne la technologie mobile. Dans l’éventail des revenus, tous les groupes de population ont maintenant accès à une vaste gamme de services qui n’étaient pas à leur portée auparavant. Les technologies mobiles hors réseau et qui offrent des services financiers de base en sont d’excellents exemples.

Enfin, la hausse du niveau de la dette dans toute l’Afrique est très préoccupante. La viabilité de la dette publique est spécialement une source d’inquiétude, car l’augmentation des taux d’intérêt va limiter les emprunts futurs et ne fera qu’aggraver le risque de défaut de paiement. Nous appelons les gouvernements africains, les investisseurs et les bailleurs de fonds à être responsables et à se montrer vigilants face aux problèmes d’endettement, dix ans après l’annulation de la dette des PPTE et l’IADM.

La Banque doit continuer à se concentrer sur ses priorités stratégiques et atteindre ses objectifs institutionnels. Elle doit également gérer prudemment ses ressources financières et déployer plus efficacement ses moyens actuels. Au cours des dernières années, la Banque a connu un changement structurel important suite au processus de réforme et de décentralisation engagé ; la Suisse encourage la direction à consacrer la plus grande attention à sa mise en œuvre pour assurer sa réussite en temps voulu. Parallèlement au processus de décentralisation, nous entrevoyons également pour la Banque la possibilité d’accroître sa visibilité et d’user de son pouvoir de rassemblement pour renforcer la coordination entre les acteurs du développement.

Ensuite, les principaux défis sociaux et économiques ont trait à la mobilisation des ressources intérieures, à la gestion des finances publiques et à la bonne gouvernance. L’entrée de recettes fiscales et autres dans les caisses du Trésor public est un élément fondamental pour un État qui se veut prospère et florissant. Les dépenses publiques doivent être classées par ordre de priorité

Réponse multilatérale Les banques multilatérales de développement sont devenues un pilier de la coopération au développement international, si l’on en juge par le bilan réussi de leurs actions. La Suisse attache une grande importance au système multilatéral et à ses organisations constitutives, et elle est un partenaire de confiance de la Banque africaine de développement. Grâce à ses riches connaissances du contexte africain, la Banque est très bien placée pour contribuer au développement de chaque pays tout comme de l’ensemble du continent. Elle doit

L’objectif global est de promouvoir une croissance durable et inclusive. C’est pourquoi la Suisse demandera toujours à la Banque de se concentrer sur les résultats en matière de développement en veillant aux aspects liés à l’efficacité et à la qualité, plutôt que de chercher à maximiser les volumes de prêts. Les programmes de la Banque doivent tenir compte de la capacité d’absorption et de la fragilité des pays bénéficiaires. L’Afrique a de nombreux obstacles à surmonter et de nombreuses opportunités à saisir. La Suisse reconnaît les progrès notables accomplis par l’Afrique, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes décidés à contribuer à ce processus et convaincus que la Banque peut et doit faire la différence s’agissant de la marche à suivre. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

SWAZILAND

108

Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ?

Moses Vilakat Ministre de l’Agriculture Représentant Martin G. Dlamini

Au regard des priorités retenues et de sa mission au service de développement de l’Afrique, vous paraît-il aujourd’hui justifié que l’on procède à une augmentation substantielle du capital de la Banque pour lui donner les moyens de son ambition ?

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

L’augmentation générale du capital est une initiative très importante pour la Banque, et nous pensons qu’elle est en bonne voie d’assurer son développement et de soutenir celui de l’ensemble de l’Afrique. Nous y avons donc pleinement souscrit en tant que pays. Le seul défi actuel consiste à étudier les détails pratiques, à étudier les différentes options. La question est de savoir combien d’options il existe et, s’il en existe, ce que nous pouvons envisager pour s’assurer que nous aurons le capital requis pour redynamiser nos projets, notamment les priorités High 5.

Le besoin urgent auquel il faut répondre aujourd’hui est celui de la collecte d’eau en raison du changement climatique. Sans eau, vous ne pouvez pas vous industrialiser. Sans eau, vous ne pouvez pas nourrir l’Afrique. Sans eau, vous n’aurez pas de systèmes d’eau et d’assainissement. L’eau est au cœur de tout ce qu’on fait, suivie de l’énergie, car l’eau et l’énergie vont de pair. Les batailles dans l’avenir seront centrées sur l’eau. On peut probablement tenir une semaine sans nourriture, mais pas plus de deux jours sans eau. Selon moi, la Banque fait tout ce qu’elle peut. Prenons le cas du Swaziland : des projets de collecte d’eau y ont été financés par la Banque et j’y vois plusieurs projets intéressants. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’étudier l’eau d’un barrage, il faut aussi en voir les retombées. Vous pouvez alors cultiver les produits que vous voulez, à votre rythme, plutôt que de vous en remettre à la Terre-Mère : « Est-ce qu’il va pleuvoir aujourd’hui ? » Parce qu’il n’y a quasi pas de pluie dans certains de nos pays ; il peut pleuvoir pendant trois mois de l’année seulement, et le reste du temps c’est sec. Alors que si l’on collecte l’eau, on peut l’acheminer vers les régions les plus arides, ce qui transforme le paysage, et les populations peuvent commencer à être productives. Alors, on nourrit l’Afrique. Les gens auront enfin une eau salubre et potable, et vous aurez amélioré les moyens de subsistance des communautés. Je continue donc de penser que l’eau est, en fin de compte, la clé de la réussite de l’Afrique. Et la Banque africaine de développement a soutenu les pays chaque fois qu’ils lui ont soumis des projets de récupération des eaux. D’ailleurs, le Swaziland va soumettre également deux projets majeurs liés à la collecte d’eau, et c’est pourquoi que je suis convaincu que ce secteur est très important. n


109

TANZANIE

Tanzanie – Philip Mpango

Philip Mpango Ministre des Finances et de la planification

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ? Je dirais, en toute vérité, que la Banque est en train d’accomplir un travail formidable. L’institution nous a aidés à construire des routes pour stimuler le développement de la Tanzanie. Nous avons une route qui part de la ville d’Eringa, laquelle fait partie de ce que nous appelons le grand axe du Nord, permettant de relier Le Cap au Caire. Cette route part d’Eringa pour atteindre la nouvelle capitale de Domoma, et ensuite rejoindre Arusha. En l’empruntant, vous pouvez conduire facilement de Dar-es-Salaam à Arusha en moins de quatre heures. Un trajet qui prenait deux fois plus de temps autrefois. Et il ne s’agit là que d’un seul projet ! La Banque africaine de développement nous a également aidés à lancer un certain nombre de projets de production d’électricité. Dans le cadre de notre deuxième plan quinquennal, nous avons consciemment pris la décision d’industrialiser la Tanzanie comme le prévoit l’une des priorités des High 5 de la Banque. On ne peut s’industrialiser sans électricité. Nous sommes sur le point de lancer la construction d’une nouvelle voie ferrée à écartement standard qui traversera la Tanzanie du grand port de Dar-esSalaam de manière à assurer la connexion avec l’Ouganda par le lac Victoria, et qui se poursuivra ensuite jusqu’au Rwanda et en République démocratique du Congo. Mais comment peut-on construire une voie ferrée à écartement normal sans disposer d’électricité ? C’est dire que, vraiment, les High 5 de la Banque sont parfaitement alignés sur les priorités de la Tanzanie.

Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ? Les besoins les plus pressants ? Eh bien, il y en a plusieurs. Dans le contexte africain, je ne pense pas qu’il y ait un seul défi et que, le jour où nous l’aurons relevé, tout ira bien pour nous. Non. Le premier défi à relever serait celui des infrastructures, comprises dans leur sens le plus large. Cela comprend bien sûr des infrastructures d’alimentation en électricité et des infrastructures de transport. J’en donne un exemple. Pour venir ici, à Abidjan, j’ai dû voyager de Dar-es-Salaam à Dubaï, puis de Dubaï, traverser toute l’Afrique, d’est en ouest, pour gagner Accra. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas intégrés. Si nous étions intégrés, nous pourrions même commencer à exploiter le marché africain. Mais nous ne pouvons le faire, et cela s’explique par notre manque d’infrastructures. Nous avons affaire à un immense déficit infrastructurel que nous continuons de supporter. En deuxième lieu, je pense au profil des compétences sur le continent africain. Notre expérience en Tanzanie nous a montré que nous sommes en présence d’un grand déficit sur le plan des compétences, et nous aurons à travailler dur pour que nos jeunes, qui constituent notre meilleur actif, possèdent les compétences requises. Nous parlons ici de l’industrialisation de l’Afrique. Qui va-t-on déployer dans ces industries ? Nous avons donc à développer les compétences et les aptitudes requises pour nous permettre d’utiliser nos jeunes au profit du développement industriel. Je pense que nous aurons à livrer plusieurs combats, mais que ces deux défis, c’est-à-dire le déficit infrastructurel et le déficit en compétences, sont fondamentaux. n

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

TCHAD

110

capital pour se donner les moyens de ses ambitions ?

Issa Doubragne Ministre de l’Économie, de la planification et du développement

En quoi les interventions de la Banque africaine de développement peuvent-elles avoir une valeur ajoutée par rapport aux autres partenaires au développement ? L’expertise, l’expertise et l’expertise. J’aurais voulu vous répondre par trois termes, mais c’est ce seul mot qui devait revenir trois fois. Pourquoi insister sur l’expertise ? L’expertise doit être à la fois technique, juridique et financière. L’expertise technique, car la Banque a des capacités de mobilisation, des capacités de ciblage de fonds existants dont on ne connaît pas l’existence et qui sont des opportunités de développement. L’expertise juridique, car nos pays traitent avec d’autres partenaires qui disposent de plus de capacités et qui se projettent, alors que nous traitons selon nos capacités, si bien que nous prenons parfois des engagements toxiques pour notre économie. L’expertise juridique de la Banque peut nous éviter ces goulets d’étranglement et ces difficultés. L’expertise financière, en dernier lieu, car la Banque a des capacités de contractualiser, de mobiliser des financements qui répondent aux besoins de développement de pays comme le Tchad. C’est là une valeur ajoutée de qualité que possède la Banque africaine de développement. Au vu de la mission de la Banque africaine de développement au service du continent, vous paraît-il justifié que la Banque procède à une augmentation générale de son

Vous demandez à un malade à l’hôpital s’il a besoin d’un médicament… Nous avons besoin de ressources. Le Tchad est allé à Paris en septembre 2017, pour collecter au titre du Programme national de développement (PND) des ressources à travers des partenaires, des investisseurs internationaux. Si la Banque africaine de développement, grâce à son outil et à son expertise, veut mobiliser des ressources pour élargir son portefeuille afin qu’il réponde à nos besoins de développement, nous sommes son premier soutien. Il s’agit simplement de négocier la faisabilité pour que cela soit géré au mieux, que cela puisse être utilisé rationnellement. Nous souscrivons totalement à cette démarche, nous en attendons les retombées pour augmenter sensiblement la capacité de la Banque d’accorder des dons et prêts, de continuer à soutenir le développement de notre pays. Quelle est l’urgence pour votre pays aujourd’hui dans le domaine du développement et quels sont les moyens mis en œuvre pour y remédier ? L’urgence de développement au Tchad, c’est que les gens puissent se remettre au travail. Avancer cela signifie que nous avons déjà des possibilités, des opportunités qui existent. Si nous nous dictons des objectifs précis, alors les ressources sont là; et nous nous pouvons nous nourrir, nous pouvons vendre le surplus et nous présenter aux autres dignement, sans attendre d’aide. Seul le travail paie. Quelle est votre vision, dans ce contexte, de l’Afrique ? Quel sera pour vous le rôle de la Banque africaine de développement à moyen terme ? Ma vision de l’Afrique ne peut être qu’optimiste, parce que j’aime l’Afrique, comme le président Adesina et comme tous les patriotes africains. Je ne vous parle pas ici en visionnaire, je vous confie ce que je ressens, ce que nous, Africains, ressentons. Mon pays me donne espoir. En tant que ministre de l’Economie, je dois répondre. Dans le cas contraire, je ferme la porte derrière moi aux jeunes qui arrivent aux responsabilités. Et ça, c’est grâce à l’Afrique. L’Afrique a cela de magique n


111

TUNISIE

Tunisie – Zied Ladhari

Zied Ladhari Ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale

Quelles sont vos impressions sur ce que la Banque fait en travaillant avec les pays membres pour aider à accélérer le développement économique et social de l’Afrique ? La Banque est au cœur de cette grande dynamique en faveur du développement du continent. Elle s’est dotée de compétences, elle a acquis l’expertise nécessaire. Aujourd’hui, elle est inégalée en matière de soutien au développement des gouvernements et au secteur privé. La Banque joue un rôle très important. On compte près de 120 projets de la Banque en Tunisie dans tous les secteurs, des projets qui ont un impact réel sur la vie des populations, de nos régions, de notre jeunesse, avec environ 9 milliards de dollars américains mobilisés depuis quatre décennies en Tunisie : je constate que l’institution réalise un excellent travail. Sa performance est attestée par ses résultats, par son profil financier très fort qui nous rassure sur sa capacité à mener à bien ses missions à l’avenir. Pour cela, nous considérons que l’Afrique a besoin aujourd’hui d’un fort dynamisme sur le développement et la Banque sera certainement au cœur de cet élan. Que considérez-vous comme le besoin économique le plus urgent de l’Afrique et, selon vous, que fait la Banque pour apporter des solutions ?

Vidéo complète disponible sur www.afdb.org/am

Les besoins économiques du continent sont certes très nombreux, mais le continent a besoin de développer un certain nombre de secteurs qui sont prioritaires. Les priorités de la Banque vont dans le bon sens, que ce soit au niveau de l’agriculture, de la nourriture, de l’énergie, de l’eau… L’eau, par exemple, est un grand défi pour un certain nombre de pays, dont la Tunisie, où les ressources hydriques sont des ressources qui deviennent très rares dans certains endroits, abondantes dans d’autres. Il faudrait donc créer des complémentarités, des synergies. Au niveau économique, il paraît fondamental de développer les investissements, surtout les investissements privés qui restent à des niveaux très faibles, pour pouvoir stimuler une croissance durable, inclusive et soutenue. Pour cela, le travail que la Banque fait serait d’une grande utilité pour les paiements.

La Banque africaine de développement a défini cinq priorités stratégiques dites High 5. Ces priorités vous paraissent-elles pertinentes et en quoi pourraient-elles favoriser le développement de votre pays ? La discussion n’est plus vraiment sur la pertinence des High 5, ces priorités sont bien évidemment pertinentes. La question à présent est de savoir comment les réaliser, à quel rythme et avec quels moyens. La réflexion que nous menons ensemble sur l’augmentation du capital est dans cette même logique : comment se doter des moyens financiers nécessaires pour pouvoir réaliser ces objectifs ? Le chiffrage global des High 5 reste très élevé, en tout cas très au-dessus des moyens de la Banque et des moyens propres de l’ensemble des pays. La mobilisation internationale en faveur de l’Afrique est certes très importante, mais elle n’est pas uniquement adressée à la réussite du continent ou aux besoins des pays africains. Elle revêt une dimension planétaire, car l’Afrique est un enjeu planétaire. La stabilité du continent, la réussite des pays africains, la prospérité des populations africaines sont des conditions importantes pour une réussite plus globale au niveau mondial. D’où l’intérêt de regarder vers l’Afrique, d’appuyer les efforts de développement, et de soutenir également les actions menées par la Banque africaine de développement. Il y va de la sécurité, de la paix et de la stabilité au niveau mondial. Avec le travail que fait la Banque actuellement, avec l’ensemble des pays africains engagés dans un dialogue avec nos homologues dans le monde, une prise de conscience importante s’opère autour de cet enjeu africain perçu comme global et porteur d’opportunités pour les populations africaines et pour l’ensemble de l’humanité. n


112

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

TURQUIE

Osman Çelik Sous-secrétaire du Trésor public

Perspective de la Turquie pour l’Afrique

P

lusieurs économies africaines sont aux portes d’un décollage économique. Elles ont besoin d’un nouveau modèle de croissance dans lequel la performance économique n’est pas attelée aux prix des produits de base. Ceci exige une transformation structurelle renforcée qui a certainement montré ses effets positifs en Turquie. En effet, la réussite de la Turquie lui a permis de devenir un pays à revenu intermédiaire supérieur au cours des vingt dernières années. La transformation structurelle de la Turquie est attribuée à la diversification de ses ressources, qui sont passées de l’agriculture à l’industrie manufacturière et au secteur des services, ce qui a favorisé des niveaux de productivité et de croissance plus élevés. Conjugués à une urbanisation rapide, les progrès en matière de développement ont entraîné une réduction des disparités régionales et une amélioration sensible de la cohésion sociale. Tout au long de ce cheminement, la Turquie a également accordé la plus grande importance à la discipline fiscale. Les réformes du secteur public ont conduit à une baisse appréciable du ratio dette publique/PIB, à une plus grande résilience face aux chocs ; elles ont contribué à l’affectation des ressources publiques au profit des citoyens. Les ressources qui n’ont plus été affectées au paiement de la dette ont été utilisées pour combler les brèches dans les domaines de la santé, de l’éducation et des infrastructures. Une attention particulière a dû également être accordée aux investissements dans les infrastructures. Le secteur privé dynamique de la Turquie a joué un rôle déterminant, car il a bénéficié d’un environnement favorable au développement des affaires et il a contribué à la progression sociale et économique du pays.

Bio Osman Çelik est sous-secrétaire au Trésor turc et gouverneur de la Banque africaine de développement représentant la Turquie. De 1986 à 1987, il a été économiste à l’Institut statistique d’État (devenu l’Institut statistique turc). De 1988 à 1995, il était spécialiste, puis spécialiste en chef, au service d’évaluation et de préparation chez Faisal Finans. De 1995 à 1999, il a été chef de projet et responsable marketing au sein de cette même institution financière. De 2000 à 2005, il a été vice-président exécutif d’Anadolu Finans. En 2006, suite à la fusion d’Anadolu Finans et de Family Finans, il poursuit sa carrière chez Türkiye Finans Katılım Bankası comme vice-président exécutif responsable des prêts, puis en octobre 2013 il y est nommé vice-président exécutif chargé des opérations de banque commerciale. En juin 2015, il devient directeur général de Türkiye Finans. M. Çelik est sous-secrétaire au Trésor depuis le 29 juin 2016. Il est diplômé du département d’économie politique de la faculté des sciences économiques et administratives de l’Université technique du Moyen-Orient.


Turquie – Osman Çelik

La 22e Opération santé Niger, janvier 2018 : une infirmière au travail aide une mère subissant une opération en portant son bébé sur le dos. (Photo credit : Mulkiye Okyay)

La route suivie par la Turquie vers une économie à revenu intermédiaire supérieur est une source d’inspiration pour les réformes à venir dans les pays africains. La Turquie a toujours été et reste prête à prendre part au processus de transformation des économies africaines. Nous entretenons depuis des siècles des relations historiques et culturelles avec l’Afrique. Notre Politique d’ouverture à l’Afrique qui remonte à 1998 n’est que l’expression de ce soubassement historique solide. Ayant déclaré l’année 2005 comme l’Année de l’Afrique, la Turquie s’est montrée résolument décidée à renforcer son engagement vis-à-vis du continent.

L’adhésion à la Banque africaine de développement en 2013 fut un autre jalon important dans les relations Turquie-Afrique. Nous sommes heureux d’observer les réformes institutionnelles engagées par la Banque pour devenir une entité plus souple et réactive, s’assurer une assise financière saine et capable d’accompagner la transformation de l’Afrique, et promouvoir une croissance inclusive apte à générer d’importantes opportunités en matière d’emploi sur tout le continent. En outre, la Banque offre une plateforme privilégiée pour les discussions multilatérales qui sont un complément aux rapports bilatéraux établis avec les pays africains.

Le nombre des ambassades turques en Afrique a presque quadruplé, passant de 12 au début des années 2000 à 41en 2018. Devenue une compagnie aérienne de premier plan en Afrique, Turkish Airlines dessert aujourd’hui 51 destinations sur ce continent. Cette évolution se reflète aussi dans le volume actuel des échanges commerciaux avec le continent africain, qui s’élèvent à 19 milliards contre 7,5 milliards de dollars américains en 2005.

Il est indéniable que les relations bilatérales de la Turquie sur le continent se sont renforcées dans le droit fil des besoins soulignés auparavant. Comme le dit si bien le proverbe africain : Pour aller loin, il faut marcher ensemble. Au cours de la période 2010–2016, la Turquie a apporté une aide officielle au développement de 21 milliards de dollars américains à 170 pays, dont 10 % ont été canalisés vers l’Afrique. En 2017, la Turquie s’est classée au deuxième rang des plus gros donateurs humanitaires du monde et au premier rang des pays donateurs proportionnellement à leur revenu national brut1.

Notre pays est ferme partisan des efforts internationaux entrepris pour assouvir la quête des nations africaines et aider à leur développement. En ce sens, la Turquie participe activement aux travaux menés dans le cadre du Pacte avec l’Afrique, initiative récente du G20, visant à améliorer le climat d’investissement et à assurer une croissance économique durable pour l’Afrique. La Turquie perçoit ces efforts comme un scénario gagnant-gagnant et apprécie l’intérêt que le G20 accorde à l’encouragement de l’investissement du secteur privé en Afrique.

1 Rapport mondial sur l’aide humanitaire.

L’agence de développement bilatéral de la Turquie, l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA), gère 21 bureaux de coordination de programmes en Afrique. Je souhaite mentionner certains de ses importants projets en Afrique. Au Niger, TIKA a construit un centre de santé maternelle et de rééducation offrant des

113

Centre de conférence de Dakar, Sénégal (Photo credit : Turk Eximbank)

services de soins aux femmes très jeunes accouchant dans des milieux insalubres. En coopération avec TIKA, plusieurs volontaires de la santé ont participé à la 22e Opération santé Niger début 2018. Cette activité a donné lieu à la prised’une photo assez fascinante : une infirmière participant à l’initiative, présente dans une salle d’opération pour aider une femme africaine, a effectué son travail en portant le bébé de dix mois d’une patiente sur le dos (Voir ci-contre). Outre le travail de TIKA en Afrique, la TurkEximBank est également active sur le continent et a fourni plus d’un milliard de dollars américains pour financer divers projets de développement. Les plus remarquables sont : 48,5 millions de dollars américains pour le Centre de congrès international de Dakar, qui a été désigné comme le meilleur projet culturel mondial par Engineering News Record (Voir ci-dessous) ; 300 millions de dollars américains pour le projet ferroviaire Awash-Woldia ; et 133,4 millions de dollars américains pour un projet de traitement d’eau potable au Ghana qui bénéficiera à plus de 300 000 habitants. Le chemin que nous avons parcouru aux côtés de l’Afrique est long et nous ne devons laisser personne de côté. Nous pensons que des infrastructures améliorées et durables, ainsi que l’accélération de l’industrialisation sont essentielles à la poursuite de la croissance et de la prospérité du continent. n

Source : http://africanism.net/international-conference-centre-in-dakarsenegal/


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

ROYAUME-UNI

114

Penny Mordaunt Secrétaire d’État au développement international

Mini-réseaux verts : le Royaume-Uni et la Banque africaine de développement travaillent ensemble pour favoriser l’accès à l’énergie en Afrique

P

lus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité. La moitié de ces personnes vivent en Afrique. Le manque d’énergie fiable et abordable limite à la fois la croissance économique et le développement humain. Sans électricité, les enfants ne peuvent pas faire leurs devoirs, les femmes ont du mal à accéder à un nouvel emploi, et les établissements de santé ne peuvent pas fournir des soins adéquats. 60 % des entreprises africaines affirment que le fait de ne pas avoir accès à des sources sûres de courant limite leur croissance et les pannes d’électricité coûtent aux pays jusqu’à 2 % de leur PIB annuel.

Nous savons qu’un accès élargi aux sources d’énergie en Afrique est particulièrement important, à la fois pour améliorer la vie des gens et pour stimuler la croissance économique qui est vitale. Cela dit, la croissance du marché de l’énergie n’est pas sans poser de risques pour la préservation de l’environnement et des ressources : 94 % de l’augmentation des émissions de


Royaume-Uni – Penny Mordaunt

dioxyde de carbone à l’horizon 2040 devraient provenir de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, et les préoccupations concernant la pollution locale ne cessent de croître. En d’autres termes, il est essentiel que les pays africains trouvent des sources énergétiques plus abordables, propres et accessibles pour que tous y aient accès, ce qui leur permettra d’améliorer leurs revenus et leur niveau de vie tout en réduisant la pollution locale et mondiale.

Bio • Penny Mordaunt est députée conservatrice de Portsmouth North depuis 2010. Auparavant, elle a travaillé pour le bureau central des Conservateurs, devenant chef de la radiotélévision sous William Hague. • Directeur des communications du district de Kensington & Chelsea et de l’Association du transport par fret (Freight Transport Association) et administrateur de Diabetes UK, de Community Fund et de Big Lottery Fund. • Mai 2015–juillet 2016 - Ministre d’État (ministère de la Défense), (ministre des Forces armées) - Ministre d’État pour les Personnes handicapées, la santé et le travail (ministère du Travail et des pensions). • Juillet 2014–mai 2015, sous-secrétaire parlementaire (ministère des Collectivités et du gouvernement local). • En 2014, nommée à son premier poste ministériel. • 2013–2014, secrétaire parlementaire privée du secrétaire d’État pour la Défense, Philip Hammond MP. • En 2000, cheffe du bureau de la presse étrangère pour la campagne électorale de George W. Bush. • En tant que députée, elle a siégé aux comités sur le contrôle des exportations d’armements et au comité d’examen européen (juillet 2010–juillet 2013) ; au Comité spécial de la défense (novembre 2010–novembre 2013) et au Comité conjoint sur la vie privée et les injonctions (juillet 2011–mars 2012).

Il ne sera pas facile d’élargir l’accès à l’énergie en Afrique. L’Agence internationale de l’énergie a calculé que pour atteindre un niveau d’accès universel à l’électricité d’ici à 2030, il faudra une combinaison d’éléments : extension des réseaux, mini-réseaux et systèmes domestiques individuels. La solution apportée par les mini-réseaux s’est avérée la meilleure pour atteindre environ 60 % de ceux qui actuellement n’ont pas accès à l’électricité. Il s’agit de petits réseaux pouvant apporter de l’électricité en continu aux populations qui ne sont pas desservies par le principal réseau national. Les mini-réseaux verts (en anglais GMG) sont alimentés par des sources soit totalement renouvelables soit hybrides, ceci permettant aux populations rurales de disposer d’une électricité durable et respectueuse de l’environnement. Le Royaume-Uni, dont l’aide est canalisée par le biais du Department for International Development (DFID), s’est penché sur les obstacles qui limitent les investissements indispensables dans les GMG. Souvent, les entreprises n’ont pas accès aux prêts à long terme dont elles ont besoin pour développer leurs activités, ont des doutes sur la politique gouvernementale et se débattent faute de modèles commerciaux avérés. Le RoyaumeUni s’attaque à ces obstacles au travers du Programme régional africain de mini-réseaux verts qui vise, à partir d’une série de projets pilotes, à transformer, en Afrique, ce secteur afin d’en faire une industrie florissante. Pour accompagner cet effort, le DFID fournit une aide de 14 millions de livres par l’intermédiaire de GMG Afrique Regional Facility, servant à améliorer la recherche et les données probantes sur les GMG, ainsi que les conditions de marché et de réglementation pour encourager l’investissement dans ce nouveau domaine porteur. Une grande partie de l’aide est apportée par le biais du Fonds

115

pour l’énergie durable en Afrique (SEFA pour son sigle en anglais) à la Banque africaine de développement. Grâce à ce partenariat, des blocs de politiques mini-réseau et de mesures de soutien au développement du marché ont été apportés à six pays : le Niger, le Burkina Faso, la RDC, le Mozambique, le Rwanda et la Gambie. Au cours de la première phase, le DFID a également appuyé la mise sur pied de la stratégie GMG Afrique, qui a été approuvée par l’Union africaine, et a créé le service d’assistance GMG (le GMG Helpdesk), lequel à ce jour a aidé 49 développeurs de GMG dans 21 pays africains. Par ailleurs, une deuxième phase du Programme de développement de marché régional a maintenant démarré. Ce partenariat innovant avec la Banque est un excellent exemple de l’impact positif que la Banque africaine de développement et nos autres partenaires de mise en œuvre peuvent avoir, et il rehausse avec succès l’image des GMG sur tout le continent africain. Par exemple, au cours de l’année dernière seulement, l’approbation par l’UA de la stratégie GMG Afrique a incité le Rwanda, le Nigeria, la RDC et la Côte d’Ivoire à adopter leurs propres nouvelles politiques en matière de mini-réseaux. Grâce aux progrès encourageants de la GMG Facility, l’équipe du SEFA à la Banque est considérée comme l’équipe à laquelle il faut s’adresser en matière de GMG en Afrique. Elle continuera à jouer un rôle vital dans le renforcement des performances avec les parties prenantes et les partenaires pour développer le marché des mini-réseaux sur l’ensemble du continent. En mettant à profit et en partageant l’expertise avec les organisations partenaires, la Banque et le Royaume-Uni sont à l’avant-garde des méthodes durables qui transforment la vie des personnes, même les plus difficiles à atteindre. Nous aidons les enfants à bénéficier d’une meilleure éducation, nous œuvrons pour offrir plus d’opportunités aux femmes et aux personnes exclues, nous améliorons la fourniture de services essentiels, par exemple de santé, et nous permettons aux entreprises de vendre et de croître. Il s’agit donc de fournir bien plus que de l’électricité. Ensemble, nous assurons une croissance économique vitale capable de donner un coup de fouet à la prospérité dans la région, et nous le faisons en étant soucieux de protéger la planète pour les générations à venir. n


Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

ZAMBIE

116

Margaret Mwanakatwe Ministre des Finances

Au regard des priorités retenues et de sa mission au service de développement de l’Afrique, vous paraît-il aujourd’hui justifié que l’on procède à une augmentation substantielle du capital de la Banque pour lui donner les moyens de son ambition ? Nous avons eu, lors des consultations régionales lancées par la Banque africaine de développement, des discussions très fructueuses avec, pour la première fois, l’ensemble des différents gouverneurs et leurs représentants, sur l’augmentation générale de capital en tant que telle. C’est la première fois que nous avons eu une séance d’information complète à ce sujet. Je pense qu’elle a suscité un engagement et qu’il y a consensus sur la nécessité d’intensifier notre travail dans plusieurs domaines, si l’on veut être les témoins d’une véritable accélération du développement de l’Afrique. Nous avons une équipe, à commencer par le président, le vice-président et la haute direction, dont l’appartenance et le degré de passion impressionnent et laissent espérer que nous allons voir cette accélération dont je viens de parler. Deuxièmement, le programme est ambitieux. Cette ambition est liée au fait que, pour pouvoir se développer dans les dix années à venir, les capitaux dont l’Afrique a besoin pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés sont énormes. Et nous avons tous des requêtes. Moi-même, j’ai des requêtes pour mon pays – comme tous les autres pays – qui touchent principalement aux secteurs des infrastructures, de l’énergie et de l’agriculture. Mais nous tous, tous les pays membres de cette Banque ainsi que nos soutiens non régionaux, devons reconnaître et comprendre que l’Afrique

est véritablement l’ultime frontière et que nous devons tirer parti des ressources du continent pour être sûr d’enclencher cette croissance accélérée. La Banque africaine de développement a défini cinq priorités stratégiques dites High 5. Vous paraissent-elles pertinentes et en quoi pourraient-elles favoriser le développement de votre pays ? High 5 Q : Les High 5 sont effectivement des plus pertinents, comme je l’ai dit plus tôt. Prenons l’exemple du programme « Nourrir l’Afrique » : il dépend véritablement de l’expansion de l’agriculture et des entreprises agro-industrielles, ce qui signifie que nous pouvons instaurer les chaînes de valeur que nous voulons, dans la production de maïs par exemple. Pourquoi ne pourrait-on pas passer de la production de maïs à la production de corn flakes ? Pourquoi amener dans mon pays quelqu’un d’autre qui produit déjà des corn flakes ? Alors que, si l’on décide de passer de la production de maïs à la production de corn flakes, on peut le faire. Voilà ce que sont l’agriculture et l’agro-industrie. Au vu de la superficie de l’Afrique et de la taille de sa population, nous devrions être capables de nous nourrir. Autrement, nous importons de partout, ce qui revient à exporter des emplois. Si nous produisons nous-mêmes sur place et que nous commençons à nous nourrir, je pense que même au niveau macro, l’économie sera bien plus gérable. L’inflation a surtout un impact sur le secteur alimentaire. Si je nourris l’Afrique et que je produis en Afrique, je suis en mesure de maîtriser au moins une partie des pressions inflationnistes qui entravent régulièrement nos économies. Ces High 5 sont donc très importants pris dans leur globalité. n


117

Patrick Anthony Chinamasa Ministre des Finances et du développement économique

Les priorités de développement du Zimbabwe et la contribution de la Banque

L Bio • M. P. A. Chinamasa est ministre des Finances et du développement économique, etgouverneur de la Banque africaine de développement pour le Zimbabwe. Depuis 2013, il est également député pour la circonscription de Makoni Central, membre du comité central du ZANU (PF) et secrétaire financier de ce même parti. • Avant de détenir son portefeuille actuel, M. P. A. Chinamasa était ministre de la Justice et des affaires juridiques de 2009 à 2013, après avoir été ministre de la Justice et des affaires juridiques et parlementaires et avoir fait partie du cabinet de 2000 à 2008. Parmi les missions qu’il a assurées de 1990 à 2000 figurent : la présidence du comité des ministres de la Justice/des procureurs généraux du COMESA (Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe) chargé de la création de la Cour de justice du COMESA, impliquant la rédaction du règlement de la cour, le recrutement de personnels et la nomination de juges ; ainsi que la direction de l’équipe de négociation avec la Zambie et la distribution des actifs CAPCO. • M. P. A. Chinamasa contribue également à la rédaction du projet de constitution de 2000 en tant que président du comité de rédaction de la commission constitutionnelle (1999–2000).

e gouvernement du Zimbabwe a mis en place des programmes qui s’inscrivent parfaitement dans les High 5, les priorités stratégiques de la Banque africaine développement. Celles du pays portent sur l’autosuffisance alimentaire, l’industrialisation, le développement inclusif, l’investissement en infrastructures et l’accès à des services sociaux de qualité et abordables.

Autosuffisance alimentaire L’agriculture est le piler de l’économie du Zimbabwe. Elle reste la seule à pouvoir assurer une croissance inclusive et la sécurité alimentaire au niveau des ménages, étant donné que le secteur contribue à la subsistance d’au moins 70 % de la population. Nous disposons de divers programmes, notamment le Presidential Input Support Scheme, ciblant 1,8 million de foyers vulnérables, et Command Agriculture, qui ont fortement amélioré l’accès au crédit et aux intrants pour les agriculteurs du pays. En conséquence, le Zimbabwe a fait de grands pas vers la sécurité alimentaire.

Industrialisation Des stratégies visant à promouvoir la réindustrialisation du Zimbabwe sont aujourd’hui en place. Il convient de noter que ce pays privilégie en particulier une stratégie de développement s’appuyant sur le secteur privé. Le gouvernement a facilité la réactivation de notre industrie grâce à des politiques fiscales et monétaires avantageuses, comprenant

ZIMBABWE

Zimbabwe – Patrick Anthony Chinamasa


118 des exonérations d’impôts à l’importation de machinerie et de matières premières. Parmi les autres mesures adoptées pour stimuler la relance de l’industrie manufacturière, on peut citer les suivantes : • réformes en vue de faciliter et de réduire le coût des activités commerciales ; • ouverture de zones économiques spéciales ; • promulgation de la loi sur la gouvernance d’entreprise, en vue de faciliter le renforcement des institutions, d’améliorer la prestation des services et d’éliminer la corruption ; • rationalisation des politiques et réglementations touchant aux processus d’exportation et de fabrication en général ; • mise en œuvre de la politique dite de « contenu local » ; • soutien aux activités des PME en renforçant les liens avec le reste de l’économie. Le Zimbabwe se fixe également comme priorité la mise en œuvre de la stratégie d’industrialisation de la Southern African Development Community (SADC) visant à opérer une transformation structurelle de cette communauté régionale en encourageant, entre autres, le développement d’une chaîne de valeur de l’agro-industrie et l’enrichissement des minerais.

Investissements en infrastructures Le gouvernement du Zimbabwe a soutenu l’investissement relatif à de très gros projets d’infrastructure, notamment : • production d’électricité par le biais d’organismes publics et aussi de producteurs indépendants ; • infrastructures d’irrigation ; • barrages (le gouvernement a terminé la construction du plus grand barrage du pays en 2016) ; • aéroports, y compris le nouvel aéroport de Victoria Falls afin de promouvoir le tourisme ; • programmes d’eau et d’assainissement dans tout le pays.

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Il est néanmoins nécessaire d’investir davantage dans les infrastructures. Nos efforts en matière d’investissement sont freinés par un accès limité au financement durable de projets à long terme.

Défis affectant négativement le Zimbabwe Le processus de redressement du Zimbabwe est entravé par les facteurs suivants : • surplus de la dette extérieure ; • contraintes liées aux infrastructures ; • effets néfastes du dérèglement climatique, en particulier sur les activités agricoles à petite échelle.

Rôle que la Banque africaine de développement peut jouer au Zimbabwe J’attends donc de la Banque africaine de développement qu’elle vienne en aide au Zimbabwe dans les domaines suivants : Règlement de la dette extérieure La Banque devrait aider le Zimbabwe à régler ses arriérés de dette extérieure. Dans le cadre de nos efforts de réengagement, la dissociation du paiement de la dette aux institutions financières multilatérales contribuerait grandement à résoudre le problème de la dette du pays. Contraintes liées aux infrastructures Les infrastructures jouent un rôle essentiel en faveur du développement économique. Le Zimbabwe a besoin d’investissements dans les domaines de l’énergie, des chemins de fer, des routes, et des technologies de l’information et de la communication. Nous attendons avec impatience le soutien de la Banque dans le domaine du développement des infrastructures. Dans les zones urbaines, nos infrastructures routières, en eau et assainissement, sont

soumises à la pression liée à la croissance de la population dans les villes. Pour autant, le soutien à l’investissement dans ces domaines aura des retombées très bénéfiques sur la vie des Zimbabwéens. En outre, le Zimbabwe promeut le développement du pays comme un moyen de gérer les défis de la migration ruraleurbaine et de favoriser l’inclusion. À cette fin, le gouvernement du Zimbabwe est en train de redéfinir les centres de services ruraux et les points de croissance en pôles industriels. Cette politique requiert de gros investissements en infrastructures. C’est pourquoi il serait bon que la Banque fournisse des aides financières et techniques au Zimbabwe, pour lui permettre de réaliser ses ambitions. Cet accompagnement permettra surtout aux membres les plus défavorisés de notre société, en particulier les femmes et les jeunes, de développer leurs activités. Effets néfastes du dérèglement climatique La productivité agricole est entravée par le problème de sécheresse. De plus, nos barrages sont envasés. La Banque peut donc aider à financer les infrastructures d’irrigation des petits exploitants et le désenvasement de nos barrages. Le président de la république du Zimbabwe, Cde. E. D. Mnangagwa, a donné le ton de l’orientation politique générale du Zimbabwe dans son discours d’investiture du 24 novembre 2017. Des réformes, qui sont reflétées dans notre budget national pour 2018, ont suivi. Cette impulsion politique a ensuite été renforcée par Son Excellence, le président, quand il a prononcé son discours sur l’état de la nation. Le Zimbabwe cherche à : • restaurer la confiance des marchés ; • se réengager dans la communauté internationale ; • être discipliné dans la gestion de ses finances publiques et de l’économie en général ; • assurer la cohérence, la clarté, la crédibilité et la prévisibilité de ses politiques. n


Faciliter le développement du secteur privé pour une industrialisation durable

119

Faciliter le développement du secteur privé pour une industrialisation durable RAKESH NANGIA

Evénement du savoir et d’apprentissage d’IDEV sur le développement du secteur privé, Pretoria, Afrique du Sud.

I

ndustrialiser l’Afrique est l’ambitieuse stratégie de la Banque africaine de développement destinée à transformer le continent grâce à des économies passant de secteurs à faible productivité à des secteurs hautement productifs, de l’agriculture aux industries agroalimentaires, de l’extraction de ressources minérales aux exportations de produits semitransformés et/ou transformés à haute valeur ajoutée. La Banque prévoit de contribuer à multiplier par deux le PIB industriel du continent d’ici à 2025 en investissant 3,5 milliards de dollars américains par an durant les dix prochaines années grâce à six programmes phares d’industrialisation : 1) le renforcement des politiques industrielles ayant fait leurs preuves ; 2) la mobilisation de financements pour les projets liés aux infrastructures et aux industries ; 3) le soutien de la croissance des marchés de capitaux liquides et efficaces ; 4) la promotion du développement des entreprises ; 5) la promotion des partenariats stratégiques ; et 6) le développement de groupements industriels efficaces. Consciente du rôle stratégique de la Banque

dans la promotion de la croissance du secteur privé en Afrique, l’Évaluation indépendante du développement (IDEV) a, au cours des deux dernières années, investi en temps et en moyens pour tirer des enseignements et mettre en place des recommandations favorables au développement du secteur privé en Afrique. En collaboration avec le service d’évaluation de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement, l’IDEV a organisé une série d’activités de partage des connaissances. La première s’est déroulée à Oslo, en Norvège, le 24 octobre 2016, la seconde à Nairobi, au Kenya, du 3 au 4 avril 2017, et la troisième à Pretoria, en Afrique du Sud, du 30 au 31 octobre 2017. Les activités de partage des connaissances de pair

à pair se sont appuyées sur les conclusions de notre rapport conjoint intitulé Vers une croissance tirée par le secteur privé : leçons de l’expérience. Il s’agit d’une synthèse des observations et des enseignements tirés de 33 évaluations récentes par des institutions bilatérales et multilatérales évaluant les divers segments du soutien au secteur public en vue du développement du secteur privé : microfinance, capital privé, partenariats entre secteur public et secteur privé, petites et moyennes entreprises 1 Avec pour thème général Le Développement du secteur privé en Afrique : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et pourquoi, ces séries d’activités de partage de connaissances et d’enseignements nous ont permis de tirer parti des connaissances et des compétences d’un vaste groupe de parties prenantes (ministères, responsables gouvernementaux, dirigeants du secteur privé, représentants de la société civile, représentants d’agences de

1 L’Évaluation indépendante du développement (IDEV) de la Banque Africaine de Développement effectue des évaluations indépendantes des opérations, des politiques et des stratégies de la Banque, en travaillant sur différents projets, secteurs, thèmes, régions et pays. En menant des évaluations indépendantes et en partageant des meilleures pratiques de manière proactive, l'IDEV assure que la Banque et ses parties prenantes apprennent des expériences passées et qu’elles planifient et offrent des activités de développement aux normes les plus élevées possibles.


120 développement bilatérales et multilatérales, universitaires, groupes de réflexion et médias) d’Afrique et d’ailleurs. De ces échanges, l’IDEV a pu recueillir les solutions pratiques et reproductibles suivantes pour surmonter les obstacles politiques et institutionnels auxquels est confrontée la croissance du secteur privé, financer le développement du secteur privé, soutenir les petites et moyennes entreprises comme nœuds de croissance et mettre en place des recommandations sur la façon dont les gouvernements, les partenaires au développement et les acteurs du secteur privé peuvent intervenir pour créer des valeurs communes en Afrique.

Sur les moyens de surmonter les obstacles politiques et institutionnels auxquels est confrontée la croissance du secteur privé en Afrique • Le secteur privé a besoin d’un cadre juridique et réglementaire clair pour prospérer. Parmi les questions Importantes à régler figurent celles de la garantie des droits de propriété, de l’accès au crédit, des politiques ou des contraintes des quotas d’exportation, des barrières tarifaires et non tarifaires, des régimes fiscaux et des conditions relatives aux licences, permis, autorisations et inspections. • Des mécanismes destinés à encourager un dialogue structuré et le partage des connaissances entre les organismes gouvernementaux et le secteur privé doivent être institutionnalisés. La participation du secteur privé durant les phases initiales de la conception d’un projet et la recherche de partenariats public-privé représentent des pistes prometteuses en vue de l’amélioration de la collaboration stratégique.

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Sur le financement du développement du secteur privé • L’une des difficultés importantes auxquelles est confronté le développement du secteur privé en Afrique est l’accès au financement à moyen et à long termes de façon abordable. Cet obstacle peut être surmonté grâce à l’investissement direct étranger, un meilleur accès aux marchés financiers et de capitaux locaux et régionaux et à l’amélioration des infrastructures. Pour améliorer les opérations de mobilisation des ressources nationales, l’Afrique doit créer des institutions financières plus solides, améliorer ses cadres réglementaires et renforcer les systèmes de transparence et de responsabilisation dans les secteurs financiers et bancaires.

Sur le soutien aux petites et moyennes entreprises comme nœuds de croissance • Pour exploiter le potentiel des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) en tant qu’importantes sources d’innovation et de création d’emplois, les gouvernements doivent faire davantage d’efforts pour créer un environnement favorable capable de s’attaquer aux contraintes pesant sur les MPME. Parmi celles-ci figure le manque d’accès aux marchés et au financement. • Les lignes de crédit octroyées aux banques commerciales pour le consentement de prêts aux MPME n’ont pas atteint leurs objectifs. Par conséquent, d’autres moyens destinés à inciter le secteur bancaire à apporter un financement adéquat doivent être examinés. Afin d’accroître le soutien aux MPME, des outils et des dispositifs innovants, le transfert systématique des connaissances et la mise en place de régimes fiscaux souples pourraient être utilement pris en considération.

Sur la façon dont les gouvernements, les partenaires au développement et les acteurs du secteur privé peuvent collaborer pour créer des valeurs communes • Des capacités de direction (volonté politique), des capacités d’exécution et des cadres institutionnels sont indispensables pour créer et faire évoluer des valeurs communes constructives. Mais la confiance réciproque entre le secteur public et le secteur privé est d’une importance primordiale. Cette confiance peut être instaurée grâce à une communication structurée et ouverte, au dialogue inclusif, à la participation et à la responsabilisation ainsi que grâce à des efforts provenant des deux côtés en vue d’une bonne compréhension mutuelle. • Les partenaires de développement peuvent jouer un rôle de conciliateur entre le secteur public et le secteur privé en agissant comme un médiateur ou un animateur capable de comprendre de façon raisonnable les deux parties et de les aider à parvenir à une compréhension mutuelle. Ces enseignements montrent que, lorsqu’il est question de développement du secteur privé, l’Afrique a besoin d’une stratégie d’ensemble et ne peut pas seulement se contenter de combler des lacunes. Les réformes des réglementations sont un bon début, mais ne sont pas suffisantes. Les effets catalyseurs doivent être au centre de la conception de nos projets et une attention particulière doit être portée à la durabilité de ces opérations. Et en tant que première institution financière du continent, la Banque se trouve en bonne position pour améliorer de façon considérable le développement du secteur privé par le biais d’opérations et de programmes axés sur la création d’environnements favorables aux entreprises en vue d’une croissance partagée et d’une industrie durable dans nos pays membres régionaux. n

Rakesh Nangia Évaluateur général Banque africaine de développement


Les administrateurs de la Banque

121

De gauche à droite Debout : René Obam-Nlong, Dominique Lebastard, Hiromi Ozawa, Heinrich Gaomab II, Domenico Fanizza, Calleb Weggoro, Mmakgoshi Lekhethe, David Stevenson, Karin Isaksson, Moussa Dosso, Steven Dowd, Tarik Al Tushani Assis : Bright Okogu, Abdelmajid Mellouki, Catherine Cudré-Mauroux, Samy Zaghloul, Président Akinwumi Adesina, Soraya Mellali, Kwabena Oku-Afari, Martine Mabiala, Patrick Zimpita

Les administrateurs de la Banque Les administrateurs résidents du Groupe de la Banque africaine de développement jouent un rôle particulièrement important en orientant les décisions stratégiques, l’élaboration des politiques et la supervision des opérations. Leur rôle de premier plan dans la transformation de l’Afrique et dans la réalisation de l’ambitieux programme des High 5 de la Banque est inestimable.


122

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

2018 : Réunions régionales des gouverneurs

AFRIQUE CENTRALE

AFRIQUE DE L’EST

2018 11 12 JANVIER

JANVIER

AFRIQUE DE L’OUEST

MARS

5


2018 : Réunions régionales des gouverneurs

Le Groupe de la Banque africaine de développement et nos partenaires reconnaissent l’urgence d’accélérer le développement sur le continent. Pour atteindre cet objectif ambitieux, la Banque a identifié cinq priorités stratégiques de développement connues sous le nom de High 5 : « Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie », « Nourrir l’Afrique », « Industrialiser l’Afrique », « Intégrer l’Afrique » et « Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique ». Afin de mettre en œuvre les High 5, la Banque a besoin d’un plus grand engagement et de relations plus solides avec ses gouverneurs. Soucieux de pallier cette situation, le président Adesina a officiellement formulé une requête pour tenir des consultations annuelles entre la Banque et ses gouverneurs. Le président Adesina reconnaît que les gouverneurs sont dévoués à la cause de la Banque. « Ils sont passionnés par ce que fait la Banque », apprécie-t-il. Le premier dialogue de ce genre dans l’histoire de la Banque, mettant ainsi les gouverneurs de toute la région au centre du débat sur le développement de l’Afrique, s’est tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 11 janvier 2018. Quatre autres conversations similaires s’ensuivirent, couvrant toutes les régions du continent.

AFRIQUE AUSTRALE

MARS

6

AFRIQUE DU NORD

AVRIL

9

123


124

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

In Memoriam

Babacar Ndiaye Cinquième président de la Banque africaine de développement


In Memoriam Babacar Ndiaye

« Au revoir papa, au revoir l’ambassadeur du développement de l’Afrique, repose en paix ». C’est par ces mots que le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a rendu hommage, jeudi 21 septembre 2017, au siège de l’organisation à Abidjan, en Côte d’Ivoire, à son prédécesseur Babacar Ndiaye. Décédé le 13 juillet 2017 à Dakar, au Sénégal, Babacar Ndiaye avait été élu cinquième président du Groupe de la Banque en 1985, puis reconduit dans ses fonctions en 1990 pour un second mandat de cinq ans. Alors que Marlyne Ndiaye, épouse du défunt président, assistait à cette première cérémonie d’hommage, Akinwumi Adesina a annoncé que l’amphithéâtre du siège de la Banque porterait dorénavant le nom de Babacar Ndiaye. Akinwumi Adesina rendra à nouveau hommage à son prédécesseur, jeudi 24 mai 2018, lors des 53e assemblées du Groupe de la Banque à Busan. Cet hommage à feu Babacar Ndiaye devrait être le temps fort de la troisième édition du Africa Road Builders Trophée Babacar Ndiaye. Lancé en 2016 par Acturoutes, une plateforme ivoirienne d’information sur les transports et les routes, le Trophée Babacar Ndiaye entend récompenser les meilleures initiatives en matière d’infrastructures routières et de transport en Afrique. La distinction honorifique avait été co-attribuée pour sa première édition au roi Mohamed VI, à l’ancien Premier ministre éthiopien Haïlé Mariam Desalegn, au président gabonais Omar Bongo, au président zambien Edgar Lungu ainsi qu’au président ivoirien Alassane Ouattara.

125

Une icône, un mentor, un père Les présidents rwandais Paul Kagamé et sénégalais Mack Sall ont été les colauréats de l’édition 2017. « Cette année 2018, la remise du trophée prend un cachet tout particulier : c’est la toute première édition qui suit la disparition de Babacar Ndiaye. Nous remercions son successeur, le président Adesina, d’avoir accepté de parrainer cette édition et de venir rendre hommage au regretté Babacar Ndiaye », a expliqué Barthélemy Kouamé, commissaire général d’Africa Road Builders. « Babacar Ndiaye était une icône de la Banque. Il était le père, le mentor de chacun d’entre nous, a lancé avec emphase le président actuel du Groupe de la Banque. Il nous a inspirés. Avec lui, l’Afrique a perdu un de ses meilleurs fils. » Arrivé dans l’institution parmi les tout premiers cadres africains, il en a ensuite gravi les échelons pour devenir chef de division, directeur, vice-président chargé des Finances, puis président en 1985. C’est également sous son magistère, en tant que vice-président chargé des Finances, que l’institution financière panafricaine a obtenu, en 1984, sa première note triple A. L’ancien président avait aussi été l’artisan de l’augmentation du capital de la Banque en 1987, lequel a bondi de près de 8,7 à environ 32 milliards de dollars américains, soit une hausse de 200 %. À cet effet, il avait engagé la même année le processus d’ouverture du capital de la Banque à des États non africains, puis réussi son entrée sur les marchés financiers internationaux.


126

Groupe de la Banque africaine de développement – La Revue des Gouverneurs

Cinq dates clés Juin 1930 :

Naissance à Kaolack au Sénégal

Mai 1985 :

Élection comme cinquième président de la Banque

Mai 2016 :

Lancement de la première édition du Trophée Babacar Ndiaye

Juillet 2017 :

Décès de Babacar Ndiaye

Septembre 2017 : L’auditorium du siège de la Banque devient l’auditorium Babacar Ndiaye

Un bâtisseur d’institutions Au-delà de son investissement total pour le rayonnement de la Banque et pour la doter de fondations solides, Babacar Ndiaye aura œuvré à la mise en place de grandes institutions panafricaines, telles que la Banque africaine d’import-export Afreximbank, Shelter Afrique, ou encore la Table ronde des hommes d’affaires d’Afrique. Alors même que le logement et l’habitat n’étaient pas encore au cœur des enjeux urbains et de développement en Afrique, il avait encouragé la création de Shelter Afrique, institution dédiée au financement du logement abordable sur le continent. S’il a consacré toute sa vie au service de l’Afrique, Babacar Ndiaye n’a pas pour autant oublié le Sénégal, son pays d’origine. De 1972 à ce jour, la Banque a ainsi investi près de 1 400 milliards de FCFA au Sénégal. « Le Sénégal est fier de vous comme fils. Babacar Ndiaye n’est pas parti, mais il est présent dans les profondeurs de l’Afrique. On entend son souffle dans l’Afrique qui bouge », a souligné, en paraphrasant le poète Birago Diop, le ministre sénégalais du Budget Birima Mangara, alors gouverneur de la Banque pour le Sénégal.

Signe de bonnes relations qu’il a su tisser entre la Banque et la Côte d’Ivoire, pays siège de l’institution, trois ministres ivoiriens étaient présents en septembre à l’hommage au cinquième président de la Banque. « C’était un ami de la Côte d’Ivoire. Babacar Ndiaye nous manquera à tous ; il manquera au président Alassane Ouattara, qui le connaît bien et qui l’appréciait beaucoup. Il était un vagabond du développement de l’Afrique », avait à cette occasion affirmé François Albert Amichia, ministre des Sports et des loisirs qui conduisait la délégation gouvernementale ivoirienne. En juillet 2017, une délégation de haut niveau de la Banque, conduite par Charles Boamah, vice-président principal de la Banque et comprenant le vice-président Amadou Hott et la vice-présidente intérimaire Hassatou N’Sele, avait assisté aux obsèques de Babacar Ndiaye à Dakar. n

Une vidéo retraçant la vie du défunt et son ascension dans la hiérarchie de la Banque, réalisée par le département de la communication et des relations extérieures de la Banque (PCER), sera projetée lors de la cérémonie de remise du Trophée Babacar Ndiaye 2018. Les photos ont été fournies par la famille, les amis et les collègues lors de l’hommage à Babacar Ndiaye.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.