Africiné Magazine, No.1 - Lundi 25 février 2019 / Monday 25 February 2019, Fespaco

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FESPACO 2019 26 eme Edition

Le Magazine de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique FACC-www.africine.org

EDITORIAL

Africiné, 15 ans après ! En 2003, le premier atelier de la critique cinématographique a eu lieu au Fespaco et balisait le chemin pour la mise en place de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC). Avant le Fespaco 2005, les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) à Tunis ont permis la création effective de la FACC en octobre 2004. De 2003 à 2013, grâce au soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), d’Africalia Belgium, de la direction du Fespaco et d’Africultures, la fédération a réalisé des activités significatives en faveur du développement des Cinémas d’Afrique. Aujourd’hui, la FACC est présente dans 40 pays en Afrique. Elle compte plus de 350 journalistes qui ont produit plus de 4 000 articles, sur les cinémas d'Afrique et gratuitement disponibles sur le site www.africine.org. Ce site est le leader mondial en termes de contenus sur les cinémas d'Afrique et de sa diaspora, avec une base de données de près de 18 000 films référencés. Les éditions 2015 et 2017 du Fespaco n’ont pas bénéficié d’atelier de critique, mais ont permis aux membres de la fédération de se réorganiser et de diversifier leurs programmes afin de contribuer de façon efficiente au développement des cinémas d’Afrique. Nous n’avons peut-être pas encore atteint la maturité voulue mais la critique africaine se repositionne. Cette dynamique a lieu à travers son extension effective et une plus grande implication des pays anglophones. Le prix de la critique africaine – Paulin Soumanou Vieyra – et la mise en place de programmes de rencontres professionnelles et thématiques par nos membres sont des exemples de la diversification en cours de nos projets et programmes. Nos partenaires techniques et financiers qui n’ont pas pu nous accompagner entre 2013 et 2017 ont compris cette détermination de la critique africaine et redonnent une autre chance à la dynamique de la fédération. L’OIF, Africalia Belgium, le Goethe-Institut, le Fespaco et les associations nationales ont rendu possible ce grand retour de l’atelier de la critique. Au total, 42 critiques venus de 23 pays dont 9 pays anglophones sont mobilisés pour un atelier intense de formation et de production d’articles de qualité sur le cinéma africain et pour le magazine quotidien Africiné lors de l’édition cinquantenaire du Fespaco. Oui nous aimons le cinéma ; le cinéma qui unit les peuples, qui documente, peint, questionne et remet en cause notre passé, notre quotidien et nos habitudes. Nous aimons aussi particulièrement le cinéma qui ne fait pas la discrimination du genre et contribue au développement socio-humain et économique. Nous aimons le cinéma africain dans sa sophistication naturelle et humaine, avec son esthétique et sa sensibilité pures. C’est pour cela que la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique se positionne comme un allié de toutes les plateformes et projets autour du cinéma africain dont l’ultime but est le développement. Le Fespaco et d’autres festivals, événements ou projets cinématographiques en Afrique et ailleurs, resteront nos partenaires stratégiques. Nos articles et magazines quotidiens distribués gratuitement à Ouagadougou, entre le 24 février et le 2 mars 2019, et en ligne sur notre site et nos sites partenaires, représentent notre apport à la vie et au développement des cinémas d’Afrique. Heureux jubilé d’or au Fespaco et bonne fête à tous !

N o.1 Lundi 25 février 2019

Communing with the ‘gods’ of African film.

The story tellers of Africa and her forever unrolling story, its tapestry and beauty, the modern day griots and storytellers, the filmmakers may have a vision for the future as they continue to etch Africa’s story in history through film.They may be the living gods of telling and preserving the story of Africa, but they know they are by far not the ultimate supreme masters of that story. After all, in every African tongue ever spoken, the celebration of the future is guaranteed by honouring, and appreciating the past. “You can never shape your future without knowing your past’ it is often harped.

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Joël Karekezi : « Je ne voulais pas m’attaquer au volet politique» Le cinéaste rwandais Joël Karekezi est pour la première fois en compétition au Fespaco avec son deuxième long métrage de fiction, The Mercy of the Jungle (La Miséricorde de la Jungle). Il suit les pérégrinations de deux soldats rwandais perdus dans un pays en guerre et dans un environnement hostile. Suite page 3


AfriCiné A witty foray into Congo’s complicated wars

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The Mercy of the Jungle by Joel Karekezi, Rwanda

fter losing their way following their regiment’s leaving without them in the deep of the night, an army Sergeant, Xavier, and a greenhorn private simply named Faustin land into unfamiliar territory in the thickets where they also encounter rivals ready for a tackle. But they won’t just give up. Instead, they switch into survival mode to keep alive and do everything to find their way back to the troops from which they have been cut off. In some needy instance, they feed on wild delicacies they would ordinarily disregard on good days and also turn to ingenious tactics like wearing rival uniforms. When the determined sergeant takes a sip of piss, it’s a relief to the audience. But on the other hand, it paints a picture of desperation with very few choices the duo have when they are at the mercy of the elements. It is that love hate relationship with the jungle that underpins where they find themselves. As they run from Congolese rebels, it is the thick jungle that embraces and hides them. Yet it is the same jungle that chokes the life out of them as they struggle to survive. Facing malaria, the elements, silver backed mountain gorillas, will they make it back to the team and live another day? After the dark hour, comes some short lived relief when the pair finally lands into familiar territory. Even then, they still face a dilemma on how to re-enter camp without provoking friendly fire. Served with a pinch of comical relief, the story easily transports the viewer into the groves of the never ending Congo wars, painting the

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deep suffering thousands face in the resource rich country. In this case, the rebels seem to control a patch of the area featured, a commonplace occurrence in the Congo where they are several militia controlled areas. Exploitation of resources and use of child labour in these areas are part of the rebel survival tactic, which complicates the issue even further. These are explored in the movie in subtle storytelling nuances. The presence of foreign troops in the Congo is also alluded to but not thoroughly explored as the director seems preoccupied with a peaceful co-existence in an environment poisoned by rivalry. The struggles of the army men mostly sweating it out in the forest show the challenge of having to navigate through the labyrinth of the crisis and also bring out complexity of multiple Congo wars. In the movie shot entirely in Uganda, terror is palpable as portrayed by the tormenting sounds of the thickets. The blood stains and bouts of fever also add to the bigger picture, building tension that holds the viewer’s attention to the end. The mental health dilemma of post-

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traumatic stress disorder and the loss of war are also adequately addressed. Faustin yearns for a reunion with his pregnant wife and healing after the massacre of his family at the hands of the rebels. On the other hand, Xavier has witnessed horrors of war and more poignantly been responsible for atrocities himself. He is thus haunted by death at the peak of his malaria related fever. At the end, the aura of a strong chemistry between the two is difficult to ignore and can almost be smelled permeating from the big screen! Cleverly weaved together, Mercy of the Jungle doesn’t scream its intention. Instead, it leaves the imagination to piece things together in order to fully comprehend the filmmaker’s intention, hence making it an adventure through a complicated affair. The movie easily fits in the new Rwandan wave that seems to attempt to stretch the post genocide narrative that has dominated the country’s screen attempts due to its historical significance.

Micheni Mwenda ( Kenya)


AfriCiné Suite de la page 1 La thématique de la guerre s’apparente presque à une obsession chez vous parce qu’elle traverse votre œuvre, de votre premier court à The Mercy of The Jungle qui a toutefois la particularité de nous en éloigner. Vous racontez des histoires d’êtres humains qui veulent justement échapper à ces conflits. Comment vous est venue l’idée de ce film ? La guerre englobe beaucoup de sujets. C’est un avantage d’essayer d’en voir tous les aspects, notamment la psychologie qui gouverne les relations entre humains. J’essaie aussi de questionner l’espoir et l’amour. Quand je travaillais sur mon premier long métrage (Imbabazi : The Pardon présenté dans la section « Panorama » du Fespaco en 2013, NDLR), j’ai rencontré beaucoup de gens. C’était juste après la guerre en République Démocratique du Congo (RDC). On m’a raconté de nombreuses anecdotes sur ce qui s’est passé là-bas. Je me suis inspiré de l’histoire de mon cousin qui m’a raconté comment ils s’étaient perdus. Nous avons étoffé son récit pour que ce film soit humain et beau à voir. Vos personnages sont dans un entre-deux : dans la guerre mais pas tout à fait. Ils

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Je ne voulais pas m’attaquer au volet politique de cette histoire, à savoir un pays combattant un autre. Je souhaitais plutôt aller au fond des personnages qui sont confrontés à un environnement hostile, à savoir la jungle, aux populations (qui subissent la guerre), à eux-mêmes, de grandir psychologiquement et arriver à faire des choix de vie ou de mort. Vous êtes pour la première fois en compétition l’année où le Rwanda est pays invité. Que ressentez-vous ? C’est une immense opportunité pour le

Vous avez appris le cinéma à distance et votre parcours est déjà exceptionnel. Quels conseils donneriez-vous aux aspirants cinéastes qui ont envie de faire du cinéma et qui estiment qu’ils n’en ont pas toujours les moyens ? Nous avons beaucoup de chance de pouvoir apprendre en dehors des bancs d’une école. On peut devenir autodidacte. Il y a des outils sur Internet, on peut faire des recherches, s’enseigner soi-même et nous avons des aînés avec qui nous pouvons discuter. Je dis tout simplement aux jeunes de se lancer. Falila Gbadamassi (France

Bénin)

Communing with the ‘gods’ of African film.

And so it was yet again this year that the doyen of filmmaking in Africa convened at the Filmmaker’s Monument in Ouagadougou for the libation ceremony; a thanksgiving and memorial ceremony to the ‘ancestors’ of African film which is one of the most notable traditions at the Festival Panafricain du Cinema et de la Television de Ouagadougou (Fespaco) now in its 26th edition. The biennial event held since the festival’s launch half a century ago at what has now been renamed the Ousmane Sembene Street at the 40th anniversary, sees filmmakers and delegates speaking in memory of the filmmakers gone by as well as paying homage to those recently departed. They also ask that they bless the year’s ceremony as well as speak to their dreams, hopes and aspirations going forward. Senegalese Ousmane Sembene himself is credited with the celestial title of the being the ‘Father of African film. Holding hands in a chain around the Filmmaker’s Monument, the Place De Cineastes, they walk around the monument in sweet ceremony as they are united again by the cause of telling the

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vont d’ailleurs en subir les conséquences. Votre film est politique parce qu’il fait allusion au ballet des armées et des groupes rebelles qui sévissent dans l’Est de la RDC…

film et pour la cinématographie rwandaise. Pour moi, c’est un grand honneur. Et même ouvrir le Fespaco avec mon film, c’est quelque chose d’inimaginable. Votre film a pourtant déjà un joli parcours : une première mondiale à Toronto (TIFF), vous étiez en compétition au Festival du film francophone de Namur (FIFF)… Nous avons également gagné un prix à Chicago. Cependant, ça fait du bien quand nous-mêmes, Africains, avons la possibilité de regarder et de discuter de nos histoires.

African story through African eyes. This year, after the ceremony, an unveiling of the statue of Dikongue Pipa who took pride of place amongst several others statues of previous Etalon De Yennenga winners (winners of the ultimate film contest at Fespaco award) posthumously with his friends and family around. And it is here that the importance of the event and ceremony was almost palpable. His family and close associates openly wept when the ribbon was cut and his giant life-sized monument revealed to the world.

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There in the flutter of the early morning breeze and the quiet weeping, the streams of tears warming the faces of those who beheld his works spoke of how important it is for Africa to honour her heroes in the grand art of cinematographic storytelling. “It is a great event for our friend that we should honour him as such. He was a great name in the film sector and should never be forgotten,” said fellow filmmaker and Etalon De Yennenga winner Souleymane Cisse, who spoke standing under the shadow of his own statue which honours his 1979 win for the film Baara. It is this symbolic union between the living and the ancestors of African film that spiritually marks the commencement of the festival and is an important tradition that speaks to the sentimental values of the filmmakers and the magnanimity of the work they do.After, and only after the communing with the ‘gods’ in this special ritual can one truly say, Fespaco, the grand affair in African filmmaking and its celebration, has begun in earnest. Robert Mukondiwa (Zimbabwe)


AfriCiné Jusqu’à la fin des temps de Yasmine Chouikh Frontière entre la vie et la mort

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a perception que l’on a de la mort change au regard du film Jusqu’à la fin des temps de l’Algérienne Yasmine Chouikh. Le rite funéraire, la peur de la mort, etc., tout devient ‘’banal’’ à nos yeux avec la trame de cette fiction qui remet au goût du jour cette réflexion sur la frontière entre la vie et la mort. Ce premier long métrage de Yasmine Chouikh en compétition officielle au Festival panafricain de Ouagadougou (FESPACO) au Burkina Faso raconte le rapport entre la vie à travers l’amour et la mort dans une aventure amoureuse née dans un cimetière entre deux sexagénaires. Dans cette comédie dramatique de 90 minutes la réalisatrice offre presque un huis-clos, car tout le film se déroule autour de ce cimetière et des maisons aux alentours où Ali est fossoyeur et gardien du cimetière et Joher, une veuve vient pour la première fois se recueillir sur la tombe de

sa sœur qui a fui la violence conjugale. A Sidi Boulekbour, niché dans les montagnes d’Algérie où des familles viennent en ziara (pèlerinage) pour se recueillir sur la tombes de leurs défunts, l’amour n’a pas d’âge, ni de lieu spécifique où il peut triompher de la mort devenu ‘’un business’’. Le jeune Nabil, représentant une certaine frange de la population, ne veut pas se contenter comme ses aînés Ali et Djeloul de laver et d’enterrer les morts seulement. Il veut faire des pompes funèbres un business : un camion, des chaises plastiques en couleur, des pleureuses ‘’professionnelles’’ recrutées, un contrat d’aide à la préparation des funérailles est proposé aux gens comme pour se débattre d’un destin tracé. Un bon investissement que Nabil compte rentabiliser. Ce qui accroche dans le film Jusqu’à la fin des temps est à côté de la grande histoire

entre Ali et Joher d’autres petites histoires viennent s’y greffer. Il y a aussi ses belles images filmées dans un décor noir qui émerveillent. Le film véhicule aussi une bonne image de l’Islam ‘’tolérant’’ dans un contexte actuel ambiant où «l’islamophobie» prend de plus en plus d’ampleur. Ici l’Imam de Sidi Boulekbour, représentatif de la religion est soucieux du bonheur de ses fidèles et de l’Algérie qui vit malgré ses nombreux morts et son passé historique. Le film donne une photographie de l’Algérie d’aujourd’hui qui veut vivre malgré ses nombreux morts au quotidien et cette élite ‘’opportuniste’’, clin d’œil à l’actualité. Yasmine Chouikh parle plus de vie que de mort même si visuellement par rapport à l’image, on parle de la mort dans ce film. Elle fait aussi une critique politique par rapport à l’histoire de son pays dénonçant ces gens qui se sont approprié toute la glorieuse histoire de l’Algérie Jusqu’à la fin des temps, sorti en 2017, renvoie sans doute dans cette dualité de vie et de mort où l’être humain combattant est au centre de la réflexion au film Tey (Aujourd’hui) du Franco-sénégalais Alain Gomis qui à travers la mort célèbre la vie. Yasmine Chouikh, fille des cinéastes Mohamed et Yamina Bachir Chouikh, a déjà sorti deux courts métrages ‘’El Bab’’ en 2006 et ‘’El Djinn’’ en 2010 et une série télévisuelle pour la télévision, studio 27, en 2015. Fatou Kiné SENE (Sénégal)

Oumou, un destin arraché de Gaoussou Tangara

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Rêve brisé

e film s'ouvre sur un beau paysage du village de Chimandougou au Mali. Mais il retrace les souffrances et le tragique destin de milliers de fillettes livrées trop tôt au mariage forcé. Un mariage arrangé, qui assombrit le destin radieux auquel était promise la petite Oumou Coulibaly interprétée par l’actrice Awa Siami Koné. Car elle a eu un cursus scolaire brillant mais freiné par le chômage de son père dépourvu de moyens financiers pour lui payer des études aux lycées. Chargé d'émotions et pleins de suspens, car l’actrice principale s’est opposée à ce forfait, Gaoussou Tangara relate le sort de jeunes maliennes, voire africaines qui sont données en mariage précoce et qui voient leurs rêves brisés. Le réalisateur rassemble dans son film tous les maux dont est victime la jeune fille en Afrique : mariage forcé, viol, etc., un sujet pas nouveau dans le cinéma africain pour preuve Muna Moto du doyen camerounais Jean Pierre Dikongué-Pipa est campé sur cette thématique. Ce court métrage de 30 minutes sensibilise sur le fléau du mariage précoce et qui fait la promotion et la défense des droits de l'enfant. Le mariage précoce est un phénomène récurent dans les pays en développement et touche près de 41.000 filles de moins de 18 ans mariées chaque jour sur le Continent, soit une

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fille toutes les 2 secondes, selon une enquête menée par, le Comité de Représentants des Enfants et Cœur et Conscience à Madagascar avec le soutien de l'Union Européenne. La sexualité précoce des jeunes filles constitue un problème de santé publique dans les pays africains qui ne disposent pas de matériels sanitaires adéquats par rapport aux conséquences qui y découlent. Ces conséquences qui sont souvent dramatiques, comme c'est le cas de l’héroïne ici qui en voulant donner la vie perd la sienne. La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie dit l’adage et ce film de Gaoussou Tangara, qui remplit toutes les conditions exigées au 7ème art, mérite d’être vu afin de prendre conscience et définitivement une résolution contre ce fléau. Oumou, un destin arraché, choque les sensibilités qu'on soit pour ou contre le mariage précoce et nous pousse à prendre un ferme engagement contre cette pratique qui perdure en Afrique. Patrick Hervé YOBODE (Bénin)


AfriCiné Fespaco, Regard au féminin

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mmitouflée de pellicules, qui donne l’impression qu’elle suffoque, l’affiche officielle de la 26ème édition du Fespaco, Festival Panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, met en vedette l’actrice Sénégalo-Burkinabais Mouna Ndiaye… Avec un regard assuré et tourné vers l’avenir du cinéma africain, l’affiche fait un clin d’œil aux salles obscures de cinéma tout comme le noir sur le visuel. Par ailleurs la couleur or renvoie non seulement à la plus grande distinction du Fespaco le Yennenga ; mais également au jubilé d’or du Festival. Mais en 50 ans d’existence et après 25 éditions passées, la question qui taraude l’esprit de beaucoup de cinéphiles reste pourquoi aucune femme n’a encore remporté le plus prestigieux prix de ce Fespaco ? Quelle est réellement la place qu’occupe la femme dans ce festival ? Sur une sélection de 124 films au total en compétition et 79 hors compétition, les femmes réalisatrices sélectionnées représentent une petite portion. Seulement 30 films en compétition répartis ainsi : 4 longs métrages fictions, 6 en documentaire longs, 7 courts fictions, 6 courts documentaires, 2 films d’animation, 3 films d’école. Et 09 en hors compétition (1 en Découvertes, 5 en Panorama et 3 en Séances spéciales). En outre, dans la composition des jurys on

n’observe que 2 présidentes femmes - section documentaire et section série télévisuelles et de cinéma d’animation. Des recherches révèlent que les hommes reçoivent plus de subventions et ont plus accès au marché de cinéma que les femmes en Afrique et par ailleurs dans le monde. Une situation qui inquiète et interpelle. Ceci justifie certainement l’initiative des productrices et réalisatrices dans le cadre du Fespaco des activités et rencontres professionnelles qui portent sur cette question. L’Assemblée des Yennenga ; Où sont les femmes ? tenue le 24 février 2019 a permis à la réalisatrice sénégalaise Fatou Kandé Senghor de plaider la cause des femmes. « Elles ne sont pas présentes parce qu’il y a des blocages ; des goulots d’étranglement. Et si elles ne sont pas présentes dans les instances de prise de décision, en ce moment qu’elles aient produit ou non on se retrouve à la case de départ ». Une table ronde sur la place de la femme dans l’industrie du cinéma africain et de la diaspora est également prévue ce 27 février. Initiée par le collectif « Cinéastes non-alignées », cette table va réunir des actrices, des productrices, des réalisatrices, journalistes et des institutions officielles. Par ailleurs, le concours Opération « 7 jours pour un film », orientée exclusivement aux femmes scénaristes, auteures et cinéastes originaires du Burkina Faso sans restriction d’âge, ou d’expériences professionnelles fait partie des réponses éventuelles à la problématique. 13 projets de femmes ont été sélectionnés, une formation de développement de scénarios a eu lieu du 15 au 21 Février, une seule gagnante va pouvoir réaliser son film et le produire lors du Festival. Faut-il réfléchir peut être a une nouvelle politique culturelle des films de femmes et de cinéma du genre, dans le monde et spécialement en Afrique ? Une question cruciale et d’actualité dont on ne peut pas y échapper. Sahar El Echi (Tunisie) Aïssatou LY (Sénégal)

Seven (7) Female Film Directors to Watch at FESPACO 2019

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f there's anything that female filmmakers should take away from the 2019 edition of the Pan African Film and Television of Ouagadogou (Fespaco) running from the 23rd of February to 2nd of March, it is that women are ably represented - right from the jury, two of which are headed by women down to the female film makers who are telling very important stories. Following the talk of inclusion of women and taking from Regina King's speech at the 2019 Golden Globes, people in position of power need to ensure that there is an active representation of women in everything they do. In a world as patriarchal as ours today, women are showing that they can do more, keying into the popular quote "what a man can do, a woman can do better". With the likes of Safi Faye, Kemi Adetiba, Wanjiru Kinyanjui and Sarah Maldoror directing popular films, breaking records and gaining recognition at it, it is only fair that more light is thrown on the women who are pursuing a career in a field that is dominated by men.

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This year, Fespaco, arguably Africa’s biggest film festival showcases the works of female filmmakers. A look at films featuring in this year's festival shows that no fewer than 30 films by women are featured in this edition. Below is a list of movies by female film makers you should watch at Fespaco 2019

Kenya. Charity looks forward to the day she will be circumcised, making her a woman like her elders. But one day, she sees a video on the dangers and consequences of the practice. She suddenly changes her mind. Her mother supports her, while the father is afraid of the village’s reaction.

1. Desrances (Apoline Traore) Following his parents’ death, assassinated by soldiers of the dictatorial regime in place, Francis left Haiti to settle in Abidjan, with his Ivorian wife, Aïssey, and his 12-yeras old daughter Haïla. Francis is looking forward to the birth of an heir. As Aïssey is about to deliver, Abidjan is caught up in a civil war. Francis will discover the unsuspected courage of his daughter and gets to know that she the worthy heir to his illustrious ancestor.

3. Black Mamba (Amel Guellaty) For Sarra, a young Tunisian middle class girl, everything on the surface, is going as her mother planned: she attends sewing classes and is about to get married to a good man. But Sarra has a hidden agenda through which she wishes to escape her current life scenario.

2. Contre Toute Attente/ Against All Odds (Charity Resian Nampaso and Andrea Ianetta) The film tells the true story of Charity, a young girl from the Masai Mara region,

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4. Etiquette/Icyasha (Marie Clémentine Dusabejambo) ”Icyasha” follows a twelve-year-old boy and football lover who tries desperately to join a neighbourhood boys’ team. His effeminate character disqualifies him. He gets denigrated and bullied several times. He finds himself confronted to a world where he

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AfriCiné continue from P.5

Seven (7) Female Film Directors to Watch at FESPACO 2019

has to prove and claim his masculinity. It is a story that simultaneously discusses the pain and beauty of childhood. 5. Un Air De Kora (Angèle Diabang) Salma, a veiled Muslim woman, dreams of becoming a kora player. But in her tradition, women do not play this instrument. One day, as she goes to the Monastery for her father’s kora, she is given the opportunity of secret kora classes with Brother Manuel. This encounter turns out into an idyll. In a joyous melancholy, the musical notes become an oasis for this forbidden passion. 6. My Mother's Stew (Adeniran Sade) A visit home and the smell of her mother’s stew evokes a powerful memory which takes a young woman back to her happy childhood. A feeling of alienation and not belonging besets her when she also

recalls the fact that she has recently found out that she was adopted as a baby. Unable to deal with the emotional turmoil, she leaves without announcing her presence. 7. The Woman Lioness (Lobé Ndiaye) Andrée Marie Diagne Bonané, teacher and writer, nicknamed the woman-lioness, counts among the African elite of intellectual women for whom teaching is a calling. She advocates for retaining girls in school. She is a brave woman who makes it up to the hierarchy of higher education. A highly respected woman, she lives in Senegal with her Senegalese husband, philosophy lecturer at the Cheikh Anta Diop University in Dakar. Chinyere Okoroafor ( Nigeria) Franklin Ugobude ( Nigeria)

Black Mamba de Amel Guellaty : Rêve et conformisme social Black Mamba est court métrage de la réalisatrice Amel Guellaty. La fiction de la Tunisienne explore l’univers de la jeune Sarra qui caresse le rêve de devenir boxeuse professionnelle. Mais la décision de la famille et le choix de la jeune fille peuvent être parfois source de tension au sein d’une même famille.

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es premières images du film plonge le cinéphile dans le quotidien d’une femme violentée par son conjoint. L’insert montre le visage d’un personnage principal entaché par les ecchymoses. L’expression, «violences faites aux femmes» n’a pas sa place dans ce film. Il s’agit plutôt d’une «violence positive» étant donné que la jeune Sarra a choisi la boxe, une discipline sportive traditionnellement pratiquée par les hommes. Elle pratique la boxe pour exister et faire reconnaitre que la femme a le droit de rêver. Une jeune fille peut elle faire comprendre à la famille et la société que la boxe est sa passion ? A travers la narration, Amel Guellaty a su trouver cette force pour faire avancer Sarra malgré les préjugés et l’adversité de la vie. Elle fixe sa caméra sur la jeune fille sur un ring démontrant son courage et sa fougue. Les mouvements et les gestes de boxeuse sont l’expression de sa renonciation au mariage voulu par sa mère. La camera qui suit les traces de cette «rebelle» sur le ring sont les marques qui créent davantage l’émoi et le suspens. La qualité des images et le jeu des acteurs permettent aux spectateurs la

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création de la cinéaste tunisienne. Dans un monde, où le conformisme social empêche certaines femmes d’aller jusqu’au bout de leurs projets, la réalisatrice tunisienne appelle à travers «Black Mamba» la femme à rester débout malgré les oppositions. Le film de Amel Guellaty est aussi une invite à l’autre moitié du ciel afin qu’elle soit plus tenace dans leur combat contre les préjugés. Le court-métrage Black Mamba a obtenu certains prix dont celui du meilleur film de fiction aux rencontres internationales du film de Madagascar et le prix du public au Films de Femmes Méditerranée à Marseille en 2018. Bengnime Rachelle SOME (Burkina Faso)


AfriCiné African film critics body makes strides despite poor funding

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t was started in 2004 with the vision of bringing together and empowering film critics across the continent.

Fifteen years down the road, however, the African Federation of Film Critics (AFFC) has struggled to find its footing thanks to a pile of challenges. Speaking to this website today at the ongoing Pan-African Film and Television Festival of Ouagadougou (FESPACO) in Burkina Faso, the federation’s General Secretary, Espéra Donouvossi, decried lack of funds and limited training for its members as AFFC’s biggest shortcomings. “We need more capacities to run all our activities throughout the year, and yet most of our members haven’t been compliant in paying their subscription fees,” he noted, adding that lack of basic training has hindered most of the film critics working across the continent from achieving their full potential. According to the federation’s rules, each national film critics body is expected to pay an annual membership fee of approximately $100. As of today, only 19 African countries have registered national film critics associations, and most of them have defaulted their AFFC subscription for years. Despite the financial challenges, however, Donouvossi says AFFC still remains committed to fulfilling its agenda of nurturing film criticism and supporting the development of African cinema. Besides holding regular trainings for its members, the continental film critics’ body whose total membership currently stands at over 350 also runs the prestigious African Critics Jury Award which is given out at several international film festivals in Africa every year. The Dakar-based federation also oversees the Africiné Magazine, an acclaimed online film publication that has since its inception 15 years ago become seminal for shaping African cinema through its powerful articles.

This year, AFFC is hosting a week-long training and networking workshop at the ongoing FESPACO aimed at improving the capacity of African film critics as well as the production of quality coverage for the Africiné magazine. The annual workshop, which has previously been dominated by film critics from Francophone countries, has this year brought together a total of 42 participants, nine of which are Anglophone. The rather impressive figure of participants this year has been credited to increased support from the federation’s partners including the Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), Africalia Belgium, Goethe-Institut, Fespaco and the federation national associations. The workshop, along with the 26th edition of FESPACO, culminates this Saturday with the election of a new AFFC Executive Committee to replace the current one headed by acclaimed Moroccan film critic Khalil Demmoun. Polly Kamukama ( Uganda)

Michel KUATE lève un coin de voile sur Idrissa OUEDRAOGO. parle. Les émotions et les sentiments proviennent de mon fort intérieur, de mon moi. C’est un premier film sur Idrissa reprenant tout son chemin culturel. Après cette sortie, il y aura plusieurs autres films qui porteront l’homme à l’écran. Chaque cinéaste aura bien sûr sa particularité, car le réalisateur est avant tout un artiste, qui à partir d’un fait peut mettre sur un support ses idées.

A L’occasion du cinquantenaire du FESPACO nous avons rencontré le réalisateur Michel KUATE. Le cinéaste camerounais est l’auteur du documentaire « le père de Tilaï », un portait du cinéaste Idrissa OUEDRAOGO. Dans cette interview il dévoile ses inspirations sur le Maestro. Africiné : pourquoi avoir fait un film sur Idrissa OUEDRAOGO Michel KUATE (MK) : Le père de Tilaï est un parcours artistique du cinéaste Idrissa Ouédraogo. Le film dresse un portrait du cinéaste burkinabè. « Le père de Tilai » c’est en réalité mon histoire, l’histoire de ma rencontre avec Idrissa Ouedraogo. Ce documentaire fait partie de mon enfance, de mon histoire avec les œuvres d’Idrissa au moment où j’avais une quinzaine d’année. Ma rencontre

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Africiné : y’a-t-il une autre interprétation que l’on peut faire du titre du film?

physique avec ce grand personnage interviendra que vingt ans après. Africiné : ce qui veut dire qu’il y a une partie de vous dans le film ? M K : Dans ce film c’est mon cœur qui

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M K : le titre va au-delà de la signification classique, le titre peut avoir mille interprétations. Pour moi c’est une métaphore. Tilaï est le portrait du créateur de Tilaï, et c’est moi le réalisateur du film. Renate Lemba MUKOKO (RD Congo)


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« Le père de Tilaï » de Michel Kuaté Entre révélation et rêve

e court métrage de Michel Kuaté se révèle être un hommage à un personnage qu’il nomme : « Le Père de Tilaï ». Un parcours du réalisateur burkinabè Idrissa Ouedraogo consacré à plusieurs reprises sur les scènes du monde. Le film redonne à voir à l’écran les sacres du Grand prix du jury de Cannes 1990 et celui de l’étalon d’or de Yennenga au FESPACO 1991. Outre cette séquence, le documentaire met sous les projecteurs le parcours d’un homme engagé pour les libertés. Une action pour la liberté qui commence avec un syndicalisme à l’université. Mais aussi une aspiration qu’il traduit dans ces créations audiovisuelles déjà avec son long métrage « Le choix » en 1986. L’histoire porte sur le refus de l’assistance alimentaire perpétuelle. Une liberté

dit-il qui prend également forme dans sa manière de filmer les espaces. « J’aime les plans d’ensemble et générale », affirme Idrissa. Si ce documentaire de 24 minutes est une revue sur la biographie et la filmographie du « Maestro Idrissa », le film laisse voir un gout d’inachevé sur le réalisateur Michel Kuaté . Il a bien voulu être un assistant sur une intention de film du « Père de Tilaï ». Comme quoi les derniers moments du réalisateur burkinabè ont été marqués par la renaissance d’une autre Afrique avec des films en projets dont les titres sont : «Le noyau de la mangue» et «Les Graines de l’espoir». Hector Victor KABRE (Burkina Faso)

Directeur de Publication Khalil Demmoun

Ce magazine est publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC). La publication a été rendue possible grâce au soutien de l’OIF, Africalia Belgium, le Goethe-Institut et l’Ascric-B. Il est réalisé par un collectif de 42 journalistes provenant de 23 pays.

Lundi 25 février 2019

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