C o n c o r d i a ’ s
U n d e r g r a d u a t e
F i l m
M a g a z i n e t a k e 4
AFTERIMAGES s p i r i t u a l i t y
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AFTER images Cover photo by Amelia Moses Graphic Designer: Hannah Materne Copy Editor: Ellen Belshaw Co-Editor: Julien Bouthillier Co-Editor: Nina Patterson
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6 : Editor’s note 8 : illustration Catherine Slilaty
12 : 1960s Dancing Sophie Morro
16 : Photography Stéphanie Grenier
20 : Un lien au passé : entrevue avec Bernard Émond Julien Bouthillier
30 : Ed Ruscha: Religious Undertones in The Long Wait Ellen Belshaw
34 : Indelible Bonds: The (Homo)sexuality-Religion Continuum of C.R.A.Z.Y. Miia Piironen
38 : T,O,U,C,H,I,N,G, de Paul Sharits (1968) ou la violence optique d’une époque et d’un art Catherine Bergeron
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Editor’s NOte
And on the third day god created the mise-en-scene…… Welcome to the church of Cinema where the sermon will take approx. 90mins to 3 hours. It will be delivered in the dark with nothing but a glowing screen in front of you. Surrounded by fellow devoted followers you know that this won’t be your last visit. Cinema is a religion. The correlations and metaphors are endless. Waxed lyrical with a cinephile lately and you’ll see that they’re part of a special network, a cult, a cult of distraction? If cinema is a religion then who is the high priest? Who are the holy men? Why is there still an underrepresentation of women? There is no doubt that there are a vast array of films with an otherworldliness spirituality, a certain mysticism or a cult-like fan base akin to any spiritual following. We have attempted to present a diverse range of writing on this theme within cinema. So open the good book and read on. Do spread the gospel!
- Nina Patterson
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De la lumière et du mouvement. On dit que c’est ce qui fait le cinéma; le mouvement rapide de la pellicule devant une source de lumière... Mais, entre vous et moi, il y a un petit quelque chose de plus, non? Sinon, que ferions-nous ici, devant cette 4ème édition d’Afterimages? Qu’on se le dise : cette lumière, sortie du fond de la salle, est pour nous un rayon divin ; l’image défilant à l’écran, 24 petits miracles par seconde. Pour cette édition d’Afterimages, nous avons rassemblé pour vous des auteurs et créateurs de talent, pour qui le cinéma n’est pas un bien de consommation ou un simple gadget, mais bien un art important, essentiel… sacré? Quelque chose pouvant transporter, illuminer et émouvoir. Que vous soyez un cinéphile occasionnel ou un grand apôtre du cinéma, nous espérons que la lecture du présent numéro d’Afterimages vous apportera autant de plaisir (ou d’extase mystique, à vous de voir!) qu’à nous. Bon cinéma!
Julien Bouthillier
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catherine slilaty Catherine Slilaty’s main interest lies in exploring internal psychological struggles and processes through the physicality of the body. These include feelings of anxiety, the search for identity, the discovery of the self as a whole, and coming to terms with the dark, uncontrolled impulses of the mind. To portray these concepts of human fragility, she often opt for the use of grotesque, at times gruesome imagery paired with more delicate and beautiful motifs. She is also highly inspired by nature - plant life, fungi, microorganisms and deep sea creatures in particular- and often integrate organic elements into my work. Catherine is a Canadian-Lebanese multidisciplinary artist working to complete her BFA in Film Animation at Concordia. Her main interests are illustration, character design, and general concept art work. She likes to experiment with 2D animation techniques as well integrate atmospheric sound design into her short films. In her free time, she enjoys playing video-games, reading philosophy, exploring Montreal art galleries and attending music shows.
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neoplasm fairy
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This page: Of The Ward right: Whence
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sophie morro 1960s dancing
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1960s dancing detail
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Sophie Morro’s large scale wall drawing is inspired by 1960s dancing and music videos, notably Nancy Sinatra’s These Boots Are Made For Walking. Layering found footage from a range of 60s video sources with her own dance imagery, Sophie creates a new take on the music and culture that often influences her work. Her use of charcoal lends a graphic, cinematic quality to the drawing through its high contrast application while the zig-zag of dancing figures evokes stills from an animation. The superimposed figures suggest movement and duration, further recalling the artist’s inspiration from the film medium. Sophie Morro was born in Sydney, Australia and grew up in Southern California. She has studied art and illustration in Nice, France, New York City and is currently completing her BFA in Studio Arts at Concordia. She loves film, vegan cooking and analogue photography. Website: www.sophiemorro.com Blog: www.blogdesophie.tumblr.com
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sylvain
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StĂŠphanie Grenier
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Stéphanie Grenier est actuellement étudiante dans la majeure en Intermedia/Cyberarts à l’Université de Concordia. L’artiste s’intéresse aux technologies désuètes et à la façon de les réinventer dans une pratique artistique contemporaine. Certaines de ses œuvres utilisent par exemple la technique de l’anaglyphe rouge et cyan, d’autres s’immiscent sur le terrain du jeu vidéo et du 8 bits. Dans cette installation de trois vidéos anaglyphe, très près de l’univers de la photographie, ses portraits en noir et blanc semblent presque figés dans le temps. Dans un ralenti extrême, les ombres des personnages, leurs expressions et leurs vêtements semblent animés par une valse lente, presque inexistante. Inspirée par ses voyages en Orient et sa passion pour le yoga, les vidéos entrent dans ce mode où la respiration guide les mouvements et où une minute semble s’allonger à l’infini. En contraire à l’univers du spectacle et d’artifice avec lequel les technologies sont souvent associées, l’esthétisme se veut minimaliste et poétique.
top: steph left: audrey
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Un lien au passĂŠ :
entre vue avec Ber nard Émond 20
« Ça a commencé tard! » : si Bernard Émond a en effet commencé sa carrière de cinéaste professionnel à l’âge « tardif » de 40 ans, il a néanmoins produit, en un peu plus d’une vingtaine d’années, une œuvre riche et d’une très grande beauté, qui lui a valu une sélection à la semaine internationale de la critique du Festival de Cannes pour 20h17, rue Darling, ainsi que plusieurs nominations aux prix Jutras. Son cinéma, cri du cœur pour la survie d’une certaine culture Québécoise, est aussi porté par un humanisme très fort et un attachement pour la culture spirituelle catholique, faisant de lui un invité de choix pour cette édition sur le thème de la spiritualité au cinéma. Une discussion sur ce qui importe. 21
La perte est vraiment au travail: ce que nous perd historiquement A : Pour commencer, nous allons retourner au tout début. Vous avez d’abord une formation d’anthropologue; qu’est-ce qui vous a mené vers le cinéma? B : J’ai eu la chance de grandir à la grande époque de la cinéphilie. Quand j’étais jeune, dans les années 60, il y avait toujours un Fellini, un Antonioni, un Bergman, en salle, tout frais sorti. Il y avait une grande diversité d’offres. J’ai grandi là-dedans. Au collège où j’allais quand j’étais jeune, il y avait un excellent ciné-club. C’était les ciné-clubs animés par le frère Bonneville, qui a parti la revue Séquence il y a très longtemps. Je me souviens y avoir vu La Grande Illusion de Renoir, entre autres films. J’avais peut-être 15 ans. C’était un moment où le cinéma n’était pas qu’une marchandise de divertissement. Il y avait véritablement une culture de la cinéphilie. Pour mes professeurs, c’était important que nous connaissions ce que le cinéma avait de meilleur à offrir. C’est comme ça que j’ai découvert très jeune les grands du cinéma européen : Bergman, Antonioni, Fellini, Buñuel… C’était aussi la grande époque du documentaire québécois. C’était l’époque des Perrault, Brault, Groulx. Cette époque où l’Office National du Film (ONF) était encore une grande maison de production et de découvertes. On suivait les films quand ils sortaient. Très tôt dans ma formation le cinéma a eu de l’importance. Comme vous l’avez dit, j’ai eu une formation d’anthropologue. En fait, je n’ai aucune formation de cinéaste, la seule formation de cinéma que j’ai reçue, c’est en tant que spectateur. Quand j’étais au département d’anthropologie de l’université de Montréal, il y avait un des premiers Portapak Sony et comme je m’intéressais au cinéma ethnographique, on a emprunté la machine et on a commencé à faire… J’ose pas dire des documentaires, mais enfin, des documents! Je ne montre pas ces films là parce qu’ils sont épouvantables, mais
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c’est à ce moment là que j’ai pu commencer à utiliser une caméra et à faire du montage. C’était le début du Vidéographe, alors avec l’équipement du département d’anthropologie et les salles de montage du Vidéographe, j’ai fait mes premiers essais en vidéo. J’ai fait une maîtrise sur le cinéma ethnographique. Par la suite, j’ai commencé une thèse de doctorat sur un sujet qui n’avait rien à voir avec le cinéma ethnographique, mais à un moment j’ai vu dans un journal qu’un organisme inuit cherchait un formateur en vidéo. Alors je suis allé dans le Nord parce que je savais me servir des outils. Le fait que je me suis toujours intéressé aux Inuits a sûrement aidé. Pendant une période de 5 ans, j’ai eu des contrats dans le Nord. J’ai passé presque 1 an à Salluit et avec l’Inuit Broadcasting Corporation, je suis retourné plusieurs fois dans le Nord pour faire de la formation et encadrer des réalisateurs Inuit. Alors ça, c’était le début de l’affaire. J’ai dû faire mon premier film professionnel vers 39 ans. C’est un courtmétrage de fiction, que je ne montre pas non plus, qui faisait partie d’un concours de Télé-Québec. J’ai travaillé avec des acteurs et une équipe professionnels. Peu après, j’ai fait mon premier documentaire professionnel, Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de trace et ça je peux dire que c’est vraiment mon premier film. Avant j’ai fait soit du travail d’amateur, soit aidé des artisans. Mais pour ce documentaire, que j’ai fait à 40 ans, pour la première fois, j’avais quelque chose de personnel à dire. J’ai fait 4 autres documentaires après celui-là. J’ai été très chanceux. Jusqu’à 40 ans, j’ai fait tous les métiers : la vidéo dans le Nord, chargé de cours en anthropologie… Mais à partir de l’âge de 40 ans, et j’en ai maintenant 63, je n’ai fait que du cinéma. Je n’ai fait aucun compromis, je n’ai pas fait de pubs, je n’ai pas fait de télévision… Mais ça a commencé tard!
centre de mon dons culturellement, A : Vous parliez de votre premier documentaire, Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de traces, qui traite de l’histoire d’Henri Turcotte, un homme d’apparence simple et ordinaire. Comment êtes-vous venu à le connaître? L’avez-vous connu de son vivant?
dans des situations précaires ou humbles et le malheur de personnages comme Pierre dans Tout ce que tu possèdes, qui, même s’il semble provenir d’un milieu autrement plus privilégié que celui d’Henri Turcotte, n’en est pas moins profondément malheureux.
B : Nous habitions le même quartier, mais je ne l’ai pas connu. En fait, nous avions le même barbier, qui est dans le film. Un jour, je rentre à son salon, et lui, qui est d’habitude de bonne humeur, avait l’air très sombre. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas, et il a commencé à me raconter cette histoire là, qu’Henri Turcotte, qui venait presque tout les jours à son salon, avait disparu depuis plusieurs jours et avait finalement été retrouvé mort et avait été enterré, anonymement. C’est une histoire qui m’a bouleversé. Cette histoire avait pour moi une signification sociale et humaine importante. Parce qu’en fait, la morale du film est que si vous mourrez dans la rue, essayez de mourir avec un costume-cravate : on va essayer de trouver votre famille. Si vous avez l’air de quelqu’un qui n’a pas d’argent, il y a bien des chances pour que vous soyez enterré anonymement. Ça me semblait emblématique de notre société et de son manque d’humanité. J’avais envie de raconter l’histoire de cet homme-là, d’autant plus que c’était presque mon voisin, qui habitait à 5-6 rues de chez moi, dans un quartier où j’avais vécu 10 ans et dont je connaissais toutes les rues. Je me rappelle, quand j’ai écrit le synopsis du film, que j’avais l’impression que toute ma vie j’avais fait autre chose que ce qui était important et que soudain, tout ce que j’avais lu et tout ce que j’avais vu faisaient en sorte que j’étais capable de faire quelque chose de significatif. Et c’est à ce moment là que je suis devenu cinéaste.
B : Il y a deux choses là-dedans. La première, c’est que je me rends compte que depuis que je fais des films personnels, je ne parle que de la perte. La perte est vraiment au centre de mon travail : ce que nous perdons culturellement, historiquement. Individuellement on perd : on perd les gens qu’on aime, nos parents meurent, nos enfants nous quittent et au bout de l’histoire, on meurt! Mais au Québec, et c’est quelque chose d’assez répandu dans le monde occidental, on est en train de perdre un lien avec la culture traditionnelle, avec le passé, et ça informe tout mon cinéma. Je me rappelle le choc que j’ai eu quand j’ai lu les Écrits Corsaire de Pasolini, où il parlait de la disparition de la culture paysanne en Italie sous le choc de la culture de masse et de la télévision. Je me rappelle que j’ai trouvé beaucoup de vérités là-dedans et que ça s’appliquait tellement au Québec. Il y a tout un passé, toute une diversité culturelle qui sont en train de disparaître sous les assauts de la culture de masse, de la télévision, du consumérisme. Je sens douloureusement cette perte-là. La famille de ma mère a habité le quartier Hochelaga-Maisonneuve depuis la crise, depuis que mon grand-père a perdu sa ferme. Et dans cette famille le passé paysan n’était pas loin. Ils étaient tous à peu près des ouvriers. Mais dans les cuisines, dans les maisons, on sent le vieux fond paysan. On le sent dans Henri Turcotte, aussi. Quand Pasolini parle de sa douleur parce qu’il voit la culture paysanne disparaître, parce que la culture ouvrière disparaît, parce que le dialecte romain n’est plus ce qu’il
A : Avec des personnages comme Henri Turcotte, vous faites un contraste entre le bonheur de gens vivant
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était … ; je ressens la même douleur. Ces gens qui parlent dans le film, cette façon de parler, cet accent là, c’est en train de disparaître. Et aussi, tout ce qui va avec la langue. On parle un français qui est encore très Québécois, mais qui perd ses racines paysannes, qui perd le lien avec le passé. On dit souvent au Québec que le passé nous écrase et qu’on doit rejeter le passé catholique et Duplessiste. Moi je pense au contraire que c’est le passé qui est à notre merci. Que dans cette liberté extrême dont nous jouissons – et qui n’est pas une mauvaise chose – on peut faire ce qu’on veut, y compris couper les liens avec le passé. C’est un thème constant dans mon travail, ainsi qu’un certain amour de la culture traditionnelle et paysanne, qui se manifeste ici et là dans mon travail. Dans Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de trace, mais aussi dans le personnage de François dans la Neuvaine ou dans Tout ce que tu possèdes et 20h17 rue Darling. A : Dans ll y a trop d’images , vous mentionnez que la liberté est associée à un devoir, une responsabilité. Comme voyez-vous cette responsabilité face à l’immense liberté dont nous jouissons? B : Je pense qu’on n’a pas le sentiment de notre responsabilité. J’ai vu une publicité d’un collège privé qui disait : « Nous allons développer l’autonomie de vos enfants ». On n’a que ce mot là à la bouche, mais il faut réfléchir à ce que ça veut dire autonomie. Auto-norme : se normer par soi-même, s’auto-déterminer. C’est une absurdité! On est des êtres hétéro-normes, des héritiers. La culture nous est donnée. La langue nous est donnée. Ce sont des choses que l’ont reçoit et dont on est responsable. Le discours contemporain a tendance à nier ça et mettre l’accent sur une liberté sans contrainte, qui est à mon avis avilissante. Ce n’est pas que je suis contre la liberté, ce qui serait une absurdité. Je pense que la nécessaire tension entre la liberté et le devoir a tendance à disparaître et c’est cette tension qui m’intéresse. Parce que la liberté sans le devoir c’est absurde. Et le devoir sans liberté, bien on voit l’effet que ça a.
n’ont jamais réussi à obtenir. A : Quand vous parlez du passé, vous faites souvent référence à la nostalgie du sublime perdu. On peut évidemment penser à la religion, mais vous vous décrivez surtout comme un agnostique. Comment décririez-vous votre rapport à la religion? B : C’est un rapport complexe. D’abord, il y a une nostalgie de la transcendance disparue, ça c’est clair. J’ai le sentiment qu’avec la disparition de toutes attaches religieuses, on a perdu quelque chose. On a gagné une nécessaire liberté, mais on a perdu ce sentiment qu’il y avait quelque chose de plus important que notre petite personne. J’ai souvent dit que j’avais une affection pour le catholicisme de mon enfance – ce qui ne fait pas de moi un croyant. Par rapport à la question de Dieu, je peux seulement vous dire ce que Pierre Vadeboncoeur a dit dans la dernière entrevue qu’il a donné à la radio. J’étais à côté de lui et l’animatrice disait : « Monsieur Vadeboncoeur, vous tournez beaucoup autour de l’idée de la Foi dans vos derniers livres. Est-ce que vous croyez qu’il y a quelque chose après la mort? » Et Pierre Vadeboncoeur a fait le plus beau silence que j’ai jamais entendu à la radio. Il est resté silencieux pendant au moins 20 secondes, et l’animatrice, qui était tout respect, n’est pas intervenue. Puis il s’est penché vers elle et a dit : « Franchement je ne sais pas, mais je suis curieux ». C’est l’attitude que j’ai. Je ne sais pas. Je suis curieux. Ce que je sais, c’est qu’à travers les religions il s’exprime quelque chose d’essentiel, cette idée qu’il y a quelque chose de plus grand que nous. En disant cela, je dois aussi dire qu’il s’exprime quelque chose d’extrêmement dangereux. J’avoue franchement que je préfère de loin le questionnement à la Foi. Il faut faire attention : évacuer complètement le religieux, c’est une absurdité. S’y soumettre complètement, non seulement c’est une absurdité, c’est une monstruosité. Ça donne lieu à tous les excès que l’on connaît maintenant. Il y a une nécessaire tension.
A : Pour revenir à Pasolini, il mentionne dans les Écrits Corsaires que le fascisme est revenu à travers la société de consommation, croyez-vous que cette prophétie se soit réalisée au Québec?
A : Tout ce que tu possèdes est porté par la poésie d’Edward Stachura, poète plutôt inconnu au Québec. Comment êtes-vous venu à le connaître? Croyez-vous que sa poésie, assez pessimiste, rejoint votre pensée, ou, au contraire, en diverge?
B : Je crois qu’on vit par certains côtés dans quelque chose qui se rapproche du fascisme! Je pense qu’il y a une unanimité culturelle dont ne pouvaient que rêver les fascistes italiens. La société de consommation a atteint une unanimité affolante. La grande messe du dimanche soir, Tout le Monde en Parle… Ce que Pasolini disait aussi, dans les écrits Corsaires, c’est que la société de consommation a réussi à installer un contrôle des esprits que les fascistes
B : Ce qui est dommage, c’est que le film ne donne pas une idée plus précise de ce qu’était Stachura, car il y a de tout dans Stachura. C’était une sorte de Bob Dylan polonais. Il était poète, chansonnier… Une sorte de figure culte pour la jeunesse polonaise des années 60. Je ne le connaissais pas, et dans l’écriture de mon scénario, j’étais rendu à me demander ce que le personnage principal allait faire. Au début, Pierre, je le voyais comme « le dépositaire
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d’un savoir rare et précieux ». Je le voyais comme médiéviste ou professeur de latin ; toute cette idée de lien au passé. Mais ce que ça ouvrait comme possibilités cinématographiques était assez limité. Je me suis alors dit qu’il allait être traducteur de poésie, ce qui allait amener un autre matériau pour le film. Je ne voulais pas qu’il traduise quelque chose de l’anglais, c’était trop facile, et beaucoup de spectateurs auraient eu un accès immédiat à ce qu’il traduisait. Alors un de mes amis m’a dit de lire Me résigner au monde de Stachura. Et plus je le lisais, plus je me rendais compte qu’il y avait un lien avec le désarroi que j’imaginais à mon personnage. En fait, le seul de ses textes qui a été traduit en français est le journal de sa convalescence, après qu’il se soit jeté devant un train. Après avoir lu ça, je suis allé sur internet voir ce que je pouvais trouver de sa poésie traduit en anglais ou en français et plus je trouvais de poèmes, plus je trouvais qu’il y avait une adéquation avec mon personnage. Mais il y a aussi dans les poèmes lus à l’écran des poèmes plus optimistes. A : Est-ce que vous vous identifiez au personnage de Pierre? Partagez-vous son désarroi? B : Non, je ne suis pas dans le désarroi comme il peut l’être. J’ai des amis médecins qui m’ont dit « Pauvre homme, il doit être en dépression nerveuse, faut qu’il fasse de quoi! » Et de fait, tous les symptômes sont là... Je suis très pessimiste à court terme. Je vois l’évolution de la société québécoise, l’évolution des sociétés occidentales, l’absurdité de l’économie contemporaine… On s’en va dans le mur, c’est clair. Économiquement, culturellement, écologiquement, socialement… On s’en va dans le mur très, très vite. Mais il y aura un après. Du chaos de la 2ème guerre sont sorties des sociétés où la vie, pendant 50 ans, a été meilleure qu’elle n’a jamais été dans toute l’histoire de l’humanité. Ce qu’il faut dire aussi, c’est que je parle de l’État-Providence, mais ce qui est caractéristique, c’est que cette société d’abondance et de redistribution, c’est cette même société qui a créé l’individualisme qui nous met autant dans la merde. Je suis optimiste, mais je sais que toutes sortes de causes sont à l’œuvre… Elles ne tirent pas toutes dans le même sens. Je sais aussi qu’il y a, quelque part, dans beaucoup d’entre nous, un fond d’altruisme qui est indestructible. Il n’est pas souvent utilisé, mais il est là. George Orwell revenait souvent avec cette idée de la common decency. Pour moi, c’est une idée formidable. Moi qui prends le métro tous les jours : si on était tous foncièrement individualistes, ça finirait dans le sang tous les jours dans le métro. Or, il y a une espèce de savoir vivre relatif qui s’exprime, des jeunes gens cèdent leur place… Il y a encore dans cet espace restreint une sorte de socialité qui dans l’ensemble est positive. Il y a un fond humain, il reste quelque chose sur lequel bâtir. Et ça c’est mon espoir.
-Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de trace (1992) -L’instant et la patience (1994) -L’épreuve du feu (1997)
-La femme qui boit (2001) -20h17, rue Darling (2003) Trilogie des trois vertus théologales : -La Neuvaine (2005) -Contre toute espérance (2007) -La Donation (2009) -Tout ce que tu possèdes (2012)
-Ce qu’il faut pour vivre (2008), réalisé et co-scénarisé par Benoît Pilon.
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A : Dans Tout ce que tu possèdes, la rectitude des personnages est floue. Le père de Pierre va se défendre d’être un voleur et dire qu’il n’avait que les meilleures intentions. B : Et Pierre, lui, est vertueux, ne fait que le bien, refuse l’argent… A : Et il a abandonné sa fille. B : Il fait exactement ce que son père a fait! Et en fait, le plus humain des deux, c’est probablement le père. Jusqu’à ce que Pierre accepte sa paternité. Cette complexité là m’intéresse. Une idée à l’œuvre dans le film, c’est la différence entre la vertu et la bonté. On peut être vertueux, payer ses impôts, pas traverser sur la lumière rouge, conduire civilement, donner des sous… Mais ne pas être bon. Être une personne à l’âme sèche, qui ne vient pas en aide. Ça m’intéresse, parce que dans le monde contemporain, il y a comme une façade de vertu. C’est un des effets de la rectitude politique. J’ai des amis qui professent être socialistes mais qui vivent dans des cabanes sans bon sens, qui ont des fonds de pension à n’en plus finir. Tu votes Québec Solidaire, alors tu es vertueux? Mais tes investissements en Thaïlande, ton voilier? La façade de rectitude, la façade de vertu m’énerve. A : Nous avons beaucoup parlé de la perte, mais à l’inverse, il y a aussi dans vos films l’idée de la passation. Du vieux médecin à Jeanne dans La Donation, de Pierre à sa fille dans Tout ce que tu possèdes. Et d’ailleurs, dans Tout ce que tu possèdes, on voit pour la première fois peutêtre dans votre œuvre un personnage appartenant à la nouvelle génération, celle des années 2000. Voyez-vous là un certain espoir?
Tout ce que tu possèdes (2012)
B : Je pense qu’il n’y a pas de job plus importante en ce moment que celle d’enseignant. Il n’y en a pas. Il est temps que les enseignants redécouvrent l’exigence. Oui, c’est tough d’enseigner au secondaire en ce moment. Il y a une attitude qu’on doit prendre, et ce n’est pas « Il faut se mettre au niveau des jeunes ». « Il faut leur donner ce qui les intéresse, des références aux jeux vidéo… » ; ce n’est pas un problème. Ils baignent là-dedans. La job d’enseignant, c’est d’offrir autre chose. Non seulement l’offrir, mais l’exiger. Je connais quelques enseignants au collège et à l’université qui sont de vrais passeurs. J’ai un respect infini pour eux. Je sais combien, pour moi, certains professeurs ont compté. Le prof de littérature qui m’a dit, à 16 ans : « Tiens, mon pitt, lis Guerre et Paix ». C’était pas « Lis Guerre et Paix, si ça te tente. » Non : « Lis Guerre et Paix! » Pis au bout, tu viens à bout et tu te dis « I did dit! ». Alors j’ai espoir. Et ce qu’il y a d’encore plus troublant et formidable, c’est qu’il y a certains enfants qui n’ont aucune chance sur le plan de l’éducation, et c’est juste la curiosité qui va les
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Il faut faire attention : évacuer complètement le religieux, c’est une absurdité. S’y soumettre complètement, non seulement c’est une absurdité, c’est une monstruosité. Ça donne lieu à tous les excès que l’on connaît maintenant. Il y a une nécessaire tension
faire arriver à des choses extraordinaires. Pour moi, c’est un vrai miracle. A : Question peut-être cruelle, mais avez-vous une attente par rapport à vos films? Espérez-vous quelque chose, une réaction? B : J’espère que certains de mes films vont toucher des gens comme j’ai été touché par certains films. Le cinéma m’a ouvert beaucoup de portes, peut-être pas autant que la littérature en ce qui me concerne, mais tout de même. Un questionnement, une façon de voir. Alors tout ce que j’espère de mes films, c’est que ça rencontre quelques spectateurs pour qui ça va faire ça. Quand vous m’avez
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contacté, vous m’avez parlé de carrière. Je ne vois pas la chose comme ça. Je n’ai jamais voulu faire une carrière. J’ai voulu faire certains films. Une carrière de cinéaste, c’est sans intérêt pour moi. Depuis 20 ans… - Je n’ai pas seulement fait des bons films, ce n’est pas du tout ce que je suis en train de dire – je n’ai pas fait un film dont j’ai à rougir. A : Considéreriez-vous que ce que vous faites, à l’instar du médecin dans La Donation, c’est « servir »? B : Absolument, je veux faire ça. Mais ce qu’il faut dire aussi, c’est que j’ai gagné ma vie en faisant ça. Ce n’est pas un pur acte altruiste. J’ai la chance de faire des films dans
un contexte qui m’a permis de gagner ma vie. Est-ce que mes mobiles sont si purs? Je ne sais pas… A : Remettez-vous en question le fait d’être cinéaste? B : Une des choses qui me préoccupe, c’est que le cinéma, tel que je l’ai pratiqué, est quelque chose d’extrêmement coûteux. Et les quelques millions que mes films ont coûtés auraient peut-être été mieux dépensés dans la société québécoise [Rires]. Ça m’arrive de penser ça. Je ne sais plus comment répondre à ça. Est-ce que j’aurais dû faire un St-François d’Assise de moi-même et faire des films avec mon téléphone? [Rires] Peut-être que je vais y être obligé : les conditions dans lesquelles je travaillais disparaissent très vite. A : Est-ce que vous sentez enfermé dans cette industrie? B : Je suis à la fois prisonnier et bénéficiaire. Je peux faire mes films dans le confort : je suis payé, mes acteurs sont payés, mes techniciens sont payés. C’est quand même formidable. Pour moi ce n’est pas un droit : c’est un privilège. Mais d’un autre côté… Calvaire! Il y a eu le choix au Québec de se donner une industrie du cinéma et de la télévision. Le modèle Hollywoodien en plus petit. On est loin de la liberté des films de Gilles Groulx. On est loin de la liberté des premiers films de Claude Jutras. A : Comment arrivez-vous à maintenir un climat de cohésion sur vos plateaux, où tout le monde semble être sur la même longueur d’onde? B : Souvent en travaillant avec les même personnes. J’ai le même preneur de son depuis 25 ans, la même monteuse depuis 25 ans, la même productrice depuis 25 ans… Pour les directeurs photos, j’en ai 3 : Jean-Claude Labrecque, Jean-Pierre St-Louis et Sara Mishara. Il y a des gens qui reviennent de films en films. Le noyau autour de la réalisation ne change pas beaucoup et ils savent tous ce qu’on va faire. Ils ont tendance à engager des gens de leur équipe, des gens avec qui ils savent que ça va marcher. Ceci dit, c’est vrai que mes plateaux sont très tranquilles, les techniciens sont très respectueux, mais il y a quand même un entraînement de la machine. À un moment donné, autour de la machine à café, il y en a du monde. Mais les comédiens me disent tous que c’est le fun de venir sur ces plateaux là, parce qu’il y a du respect, qu’ils sont bien traités. J’ai aussi des techniciens qui m’empêchent de trop me planter, parce qu’ils connaissent bien mon travail… Pendant un tournage Jean-Pierre m’appelle et me dit « Regarde ce plan là, je trouve ça beau, mais je pense que c’est pas pour toi ». Effectivement, c’était pas pour moi. Et parfois je voudrais mettre la caméra là et quelqu’un va me dire « C’est un plan de téléroman ça, Bernard… » Ils me
protègent contre moi-même, et ça s’est bien. L’équipe est importante. Et encore là, c’est l’idée de la tension. Oui, ça prend un boss sur le plateau, ça prend une vision. Mais un réalisateur qui n’aurait pas les oreilles ouvertes serait un mauvais réalisateur. A : Comment travaillez-vous avec les acteurs? Comme pour les techniciens, il y a beaucoup de visages qui reviennent : Patrick Drolet, Élise Guilbeault… Est-ce que, comme les techniciens, vous restez à l’écoute de leur interprétation sur les personnages? B : Oui… Mais je suis aussi là pour dire non. Mais aussi, quand un comédien me dit qu’un geste ne marche pas, qu’une parole ne convient pas, je suis à l’écoute, et on essaie de trouver un moyen ensemble. Pas sur le plateau. Le tournage c’est une campagne militaire. En répétition. Mais sur le plateau, on trouve des fois des choses qui ne vont pas, et ça m’arrive de dire « Bon, mesdames et messieurs, prenez un break, je dois regarder quelque chose avec les acteurs… » Pas trop souvent parce que ça coûte cher. Mais c’est souvent en répétition que ce genre de problèmes est réglé. Alors pour moi le travail de répétition est très important. C’est un processus intéressant faire un film… A : Est-ce que vous pouvez me parler de votre prochain film? B : C’est un film inspiré d’un long récit de Tchekhov appelé Une banale histoire. L’histoire d’un vieux médecin atteint d’une maladie mortelle. Il sait qu’il va mourir. Et la seule chose qui le rattache à a la vie, c’est l’amour de sa fille adoptive (dans le récit de Tchekhov, sa pupille). Cette jeune femme, dans la trentaine, est déçue de la vie, dépressive. Le vieux médecin, qui va mourir, est impuissant devant la douleur de sa fille. Encore là, c’est l’idée des générations, de la transmission, du vieillissement, de la perte. Ce qu’il y a de nouveau là-dedans, c’est la beauté extraordinaire du texte de Tchekhov. Adapter Tchekhov, ça a longtemps été mon rêve et j’ai réussi à le faire. C’est un film très littéraire, encore plus que le dernier. Il y a 20 minutes de narration, Tchekhov parle pendant 20 minutes. C’est un film radical, comme je le disais, pour la musique (les quatuors de Chostakovitch). Il y a une volonté bien arrêtée : « On peut pas faire ça? On va le faire! ». Je pense que je suis content du film… Dans la mesure où je peux être content d’un de mes films. Disons que je suis pas trop déprimé!
L’entrevue intégrale sera disponible dans la version électronique d’Afterimages.
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Ed Ruscha: Religious Undertones in The Long Wait Ellen Belshaw
Edward Ruscha, The Final End, 1992. Acrylic paint on canvas, 178 x 350.7 cm. Courtesy of the Tate Modern, London and National Galleries of Scotland. Edward Ruscha, affiliated with the American contemporary and Pop Art movements, is known for his work in the mediums of photography, printmaking, painting and film. Incorporating popular imagery with etymology, his design background is apparent in the approach he brings to his work. The mundane nature of much of his subject matter, like the Standard gas station chains that he has reproduced continually throughout his career, allow him to critique the state of American urban life. Ruscha was raised a strict catholic in Oklahama City, with a mother who was open to his visual interests and encouraged his interest in art from an early age. In line with the main elements that define American Pop Art, such as using imagery of mass produced symbols, brand names and food products, Ruscha differs from other leading Pop artists of his generation in his expression of the religious side of American life. His painting The Long Wait (1995) depicts a dark space with a bright light coming in from the left of the
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canvas, landing on what seems to be a movie screen with the gothic typeface words ‘The End.’ The work references the vanishing medium of cinematic film both through the imagery depicted and through reference to the 1954 film noir with the same name, portraying a simple image easily identifiable by the masses, while also including traces of religious themes. By questioning existence, referencing the iconographical use of light and alluding to Genesis, Ed Ruscha’s The Long Wait represents Christian undertones typically excluded from contemporary and Pop Art. Ruscha’s philosophy of the “Huh?” response to a work of art resembles Harry Philbrick’s explanation of the human desire to ask why, a question that we have tried to answer through both art and religion throughout history, yet that has been largely avoided by major contemporary artists and curators. In The Long Wait Ruscha references directly the Christian symbolism of light as divinity, similar to
Caravaggio’s technique in the Calling of Saint Matthew (1597-1601). Ruscha also references the idea of ‘the end’ of existence, understood as death, and perhaps plays against the first line of Genesis 1:1 “In the beginning…” Ruscha cleverly integrates these auratic elements of early cinematic film, illustrating a deeper theological awareness than most typical works of the Pop Art movement. Although Harry Philbrick refers to contemporary curators and critics in his essay opening the catalogue for the Faith: The Impact of Judeo-Christian Religion on Art at the Millennium exhibition, many of his statements are equally as valid in regards to an analysis of Pop Art. He explains how curators have a need to be a part of the newest trend, analogous to Pop Art, consequently excluding religious art from shows and publications. It is not that artists have not been making religious art or more broadly art with religious undertones in the post-Second World War era but that this was not the facet of their work that interested critics,
curators and the public. Instead it is often the sexual, social, political, formal or aesthetic elements of the works that gain notoriety and praise. Thomas McEvilley understood the same concept in the context of the 100 Artists See God exhibit: “In the last couple of centuries, much of Western art has supposedly been secular, but the religious aura still clung to it.” He discusses which modern movements were closer or farther removed from religion, with science at the opposing end of the spectrum to artistic practice. McEvilley noted that when artists have openly referenced religious themes in their art, it has been “almost always either an ancient pre-Christian or a non-Western one.” He attributes this “distrust of Christianity” to overfamiliarity; yet it is precisely this sense of overfamiliarity of visual signs that Ed Ruscha applied to the bulk of his oeuvres that established his individual style alongside his West Coast contemporaries. Through repetition of the shape and sign of the Standard gas station across countless works (such as
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Edward Ruscha, Standard Station, 1966. Oil on canvas, 20.5 x 39 cm.Private Collection. Standard Station,1966) executed almost as obsessively as an Andy Warhol print, Ruscha familiarizes and desensitizes the image, while separating the image from its reverent through his various graphic interpretations. Ed Ruscha often refers to the idea of “Huh?” when discussing the questioning or response he hopes his works induce. In regards to his iconic photo books he stated, “I realized for the first time this book has an inexplicable thing I was looking for, and that was a kind of a ‘Huh?’ That’s what I’ve always worked around.” This indicates the artist’s use of art in the place of religion, a phenomenon explained by Harry Philbrick. This replacement of religion for art indicates a necessity to fill this space of questions and answers of existence that traverse cultural differences. With the simply asked yet unanswerable question ‘why?’ we have sought the answers through the arts, sciences and religion consistently throughout history, and today is no exception. Having renounced from a young age the institution of Catholicism for its hypocrisy and distorted morals, there were still elements of the church-going experience that appealed to Ruscha; “I liked the ritual, I liked the incense, I liked the priest’s vestments, all the vestments.” These fascinations reflect Ruscha’s continual interest in the sound, feeling and smell of an experience. Ruscha did not renounce the Catholic Church as a conflict of belief, but rather as a conflict of the moral structure. Because of this, the influence of spirituality still bore on his life and work, yet not with direct iconography. On the subject the artist stated “… there is a connection between my work and my experience with religious icons, and the stations of the cross and the Church generally, but it’s one of method, you know.” Religion underlies his process, and although it is not always at the forefront of his subject matter, the connotations are often apparent. The projected light in The Long Wait, although initially suggesting the well-known imagery of the cinema, also alludes to a much older use as representing visions or the
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appearance of heavenly bodies upon a scene. The light in The Long Wait is comparable to that found in Caravaggio’s Calling of Saint Matthew. In this scene painted nearly 400 years before Ruscha’s, Jesus emerges from the darkness in the right of the canvas, under the indeterminate light source. He calls on the tax collector Levi, who later becomes Matthew, to bring him salvation through a higher calling. In this painting, as in countless others throughout history; Correggio’s Assumption of the Virgin, Bernini’s Ecstasy of Saint Teresa and La Tour’s Adoration of the Shepherds come to mind; light itself has been used as a bearer of a spiritual message. The Long Wait was not the first time Ruscha utilized the imagery of transcendental light in his works. His Miracle series which began in 1975 shows early signs of this interest in dramatic and theatrical use of light. Miracle #67 (1975) which was featured in the 100 Artists See God exhibit, also follows this meditation on light versus darkness; David Morgan describes it as “us[ing] light as a signal to imagine God and to stage a theatrical display of epiphany that seems very literal-minded.” This historical use of light in art as a representation of divine visitation is why its use in post-modern works can be interpreted as literal-minded. The element of theatricality that Morgan explains in regards to Miracle #67 is noteworthy in concurrence with The Long Wait because of its obvious references to cinematic theatre in the later work. Ruscha’s move away from images and icons of popular culture towards a less graphic, more meditative body of work with the Miracle series may be purely an exploration of mediums by the artist, an attempt to capture the radiating rays of light within a black space set on paper. It could also reflect a return to spirituality in the artist’s personal psyche, where he aimed to depict this innate human need for spirituality without using imagery that would directly tie him to the church he had abandoned. This may also be a conscious attempt to allow contemplation on the part of the viewer, who could contemplate the works and impose their own spiritual or religious beliefs while viewing. Twenty years later when Ruscha completed The Long Wait he had a resurgence of this interest for translucent colour as light, this time paired with an interest for cinematography. Around the same time, Ruscha also created Picture Without Words (1997) as a commission for the Getty Museum. This collection of works all utilize the traditional chiaroscuro effect, a dramatic juxtaposition of light and dark that was prominently used in Carravaggio’s body of work, yet with Ruscha’s aesthetic interpretation. The Long Wait seems thus as almost a fusion of the styles found in Miracle as well as another extensive series, The End. Beginning in the early 1980s and continuing into the 1990s, The End uses the same gothic text found in The
Long Wait within different compositions; The End #1 (1993) represents a still from a slowed down movie real where the words roll down the canvas, and The Final End (1992) depicts the same words hidden behind wild grasses. “For all the literal substance and straightforward ‘manual’ style of the words themselves, their ventriloquistic broadcasts fill the air with unstable half-lives and detached meanings.” Thus, Ruscha’s use of the simple yet heavy words ‘The End’ in his work allow for an equally open interpretation to various meanings and beliefs as does the beam of light streaming across the canvas. ‘The End’ to contemporary Western people accustomed to the routine of an old narrative Hollywood film may simply indicate that the story is over, yet given the religious undertone of the transcendental light, a biblical reading can be made in regards to The Long Wait. Represented as the message brought through the divine light, ‘The End’ suggests ‘The End of Days,’ a common moniker for the Christian interpretation of Judgment Day, Christ’s second coming. These simple words seem to respond to, or conclude the words that began the first book of the First Testament illustrating the creation of the universe, “In the beginning…”(Genesis, 1:1). As the Bible is interpreted by Christians as the words of God, and the accepted representation of the imagery of light as a sign of the arrival of a divine message or vision, then a religious reading is surely possible in regards to The Long Wait. The title of this piece (appropriated from a film noir) might be Ruscha’s indication of the time spent between the beginning and the end. Whether this refers to the lifespan of humanity or the life of an individual is left open to interpretation by the viewer. Ruscha’s openness in his work, which allows for various interpretations, is in line with American culture following the Second World War. “Some of those changes [instilled following the war] include a wider mainstream acceptance of non-Christian, or even non-Western, religious traditions, as well as the increasing frequency of a lack of religious affiliation.” Living and working in a country no longer predominantly Protestant but becoming increasingly multicultural, particularly a metropolis such as Los Angeles where in the late 1950s when Ruscha arrived “there were something like a thousand people a day [arriving], net gain, bringing in 750 cars every day.” A complete juxtaposition to his “‘primitive’ Bible Belt hometown,” it is logical that Ruscha would be conscious of the different cultures and beliefs that surround him and allow for an element of accessibility on the occasions where he has made visual references to religious themes. Over the span of more than 50 years as a key contributor to the Los Angeles artistic scene, Ed Ruscha has dabbled in a plethora of mediums and styles, yet his
deadpan aesthetic and emphasis on words are almost always present. Although having renounced the institution of the church, his continued religious spirit underlays the popular imagery in many of his works. His large acrylic painting The Long Wait, references the dying medium of cinematic film on the surface, yet with further scrutiny the Christian undertones appear. These spiritual aspects of the work are typically not apparent in other major contemporary or Pop Art works as it is not a trendy subject, but rather something that has been done continually throughout history. By including themes of a religious nature in The Long Wait, Ruscha ponders the idea of ‘Huh?’ or more widespread ‘why?’ a question humanity has been searching for answers to through art, religion, science, etc. since the beginning of existence. The beam of light alluding to the procurement of a divine vision or message, and the etymological allusion to Genesis through the words ‘The End’ allow for a religious reading of the painting. Having admitted that he “felt closer to [Christianity]’s forms than to its tenets,” Ruscha omits figurative religious icons in the place of the popular imagery of early cinematic film, revealing a deep theological awareness. Within the context of a movement of mass reproduction, Ruscha is able to retain the iconicity and aura of his work. Gagosian Gallery, “Ed Ruscha: Biography,” accessed November 25, 2013. http://www. edruscha.com/site/biography.cfm. Mary Richards, Ed Ruscha. (London: Tate Publishing, 2008), 9. Ibid., 121. Harry Philbrick, “Faith: The Impact of Judeo-Christian Religion on Art at the Millennium [Exhibition]: January 23 – May 29, 2000,” (Ridgefield, Connecticut: The Aldrich Museum of Contemporary Art, 2000), 15. Thomas McEvilley, “Ways of Seeing God,” in Catalogue: 100 Artists See God, curated by John Baldessari and Meg Cranston. (New York: Independent Curators International, 2004), 10. Ibid., 11. Ibid. Richards, Ed Ruscha, 31. Philbrick, “Faith: The Impact of Judeo-Christian Religion on Art at the Millennium,” 17. Dave Hickey, “Available Light,” in The Works of Edward Ruscha. (San Francisco: San Francisco Museum of Modern Art, 1982), 19. Ibid. Richards, Ed Ruscha, 121. Fred S. Kleiner, Gardner’s Art Through the Ages: The Western Perspective (Thirteenth Edition). (Boston: Wadsworth, Cengage Learning, 2010), 538. David Morgan, “Visuality and the Question of God in Contemporary Art,” Review of 100 Artists See God, curated by John Baldessari and Meg Cranston. Material Religion, volume 3 issue 1 (2007): 137. Richards, Ed Ruscha, 120-121. Luke Healey, “The Final End: Summary.” Tate Modern, accessed November 25, 2013. https://www.tate.org.uk/art/artworks/ruscha-the-final-end-ar00596/text-summary. Dave Hickey, “Ed Ruscha: Material Fictions and Highway Codes,” in Ed Ruscha: New Paintings and a retrospective of works on paper. (London: Anthony d’Offay Gallery, 1998), 29. Eric Michael Mazur and Kate McCarthy, ed. God in the Details: American Religion in Popular Culture (Second Edition), (New York: Routledge, 2011), 9. Richards, Ed Ruscha, 10. Ibid. Lynne Cooke, “Washington and Chicago: Ed Ruscha,” The Burlington Magazine 142, No. 1172, (2000): 723, accessed October 26, 2013. http://0-www.jstor.org.mercury.concordia.ca/ stable/889030.
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Indelible Bonds: The (Homo) sexuality-Religion Continuum of C.R.A.Z.Y. Miia Piironen
Religion and sexuality must co-exist. For some, this does not represent a problem. For others, however, it is the defining struggle of their lives. It seems as though once introduced, these two things are as inseparable as smoke and fire. Mentally and physically, the parallels are boundless – by their very nature, both sexuality and religion insist on being the ultimate in longing and fulfillment. They are, often unconsciously, pit in unwilling competition, which typically leads to the repression of one. The paradox of this, as has been observed in the transgressions of countless religious and political figures, is that neither can thrive while the other is oppressed. Sadly, even realizing this is not enough to help some people. They will live their lives in pursuit of false justification, a ceaseless inquisition for a balance that does not exist. Naturally, this is all according to the heterosexual paradigm. What then of homosexuality? Before I elaborate, I must establish a setting: Quebec, circa 1960. This is a unique place, and an even more unique time. In his book The Not-so-quiet Revolution, Thomas Sloan describes Quebec’s personal relationship with the sexuality-religion fetter as “an extremely high degree of interpenetration between the Roman Catholic Church and the French-Canadian society, which has been dictated by history and also helped direct the evolution of French Canada” (25). He also notes that few other communities over the course of history have shared such a close interrelationship. Quebec is a place where Church and nationality were fused together for mutual protection – even today the Church remains a key purveyor of culture in Quebec. The Quiet Revolution, for all intents and purposes, changed everything. Due in parts to economic growth, the redesigning of education, and the gross development of urban centers, Quebec began on a rapid (although placid) path to secularization. These collective forces challenged all dominant modes of thinking: The massive restructuring of Quebec did not stop at religion. Feminism and the gay rights movement also found their paths eased by the changing political climate. The Quiet Revolution had signaled the transition to a significantly more progressive, and pluralistic, society. Jean-Marc Vallée’s C.R.A.Z.Y. (2005) tells the tale of Zachary Beaulieu, a young Montreal man coming into his own at this time, and learning to accept his nascent homosexuality. Zachary, or “Zac” as he is known, is born on Christmas Day, 1960. Because his is a hopeful story, Vallée casts his life against the backdrop of the Quiet Revolution, which also develops over the course of the decade. Zac is the fourth of five sons to parents Gervais and Laurianne. They represent a typical Quebec family – larkish and deeply Catholic. Zac feels forever at odds with them, and by proxy with himself as well. His story makes clear that from
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early life on, religion and sexuality form an intimate nexus, which develops on an entirely different circuit than either faith or sexuality by themselves. C.R.A.Z.Y. explores this in the various manifestations of Zac, who simultaneously attempts to deny both. Zac is immediately revealed to be different from the others. For starters, he is equated with Jesus from the film’s opening frames. Because the two share a birthday, he is treated differently by his voraciously adherent mother from the time that he is born. Laurianne further believes that he has a gift to stanch bleeding and heal peoples’ wounds, and she holds him to a more puritan standard than his jerryrigged brothers. She is also impressed with Zac’s calming effect on younger brother Yvan. Incidentally, these are the same traits that his unwittingly heterosexist father treats punitively. Gervais does not want a son who imitates his wife. Being gay is seen as something of a gender identity crisis among the Beaulieu men. He is not seen as a man (or boy, more accurately), and therefore neither as a brother, or a son. From a tender age, Zac recognizes his difference. Not gay necessarily, but different somehow from his brothers. The film is full of devices symbolizing this difference – his asthma (Zac frequently calls on his inhaler to cope with queer thoughts) and a peculiar little patch of blonde hair on the back of his head (Cant, 22). As he grows older, he fails to share in his brothers’ interests, and devotes much of his recreational time to lip-syncing David Bowie songs alone in his bedroom. He also carries on paying lip service to the Church, even though he finds himself growing increasingly despondent to its ideologies. Zac does not so much attempt to reconcile his faith with his religion, as he does divide the two. Writes Toby Johnson, “Perhaps since as gay and lesbian people we don’t fit in, we’ve been forced out of the assumptions about what’s normal … We don’t have such automatic answers about how things are supposed to be, because we’re not the way we are supposed to be” (84). He knows that he is his mother’s Baby Jesus and he resents it. Also during this time, Zac begins a relationship with the rather androgynous Michelle, but he is neither fooling the audience nor himself. He feverishly consults his inhaler after having sex with her and a poster of David Bowie hangs over the bed they share. So Zac moves away from Catholicism as a teenager, but remnants of his religious upbringing continue to resurface, seemingly against his will. He repeatedly asks God for help, though he can never be honest with himself why. When he is fifteen, he dares himself to run an intersection on the singular rationale that: “If I can get through this, my asthma will be cured.”
Of course, he fails, and nearly gets himself killed. The privileged shot that follows is a cross hanging above his hospital bed, which seems to suggest to the viewer that his life has been spared. After a lengthy recovery, Zac tempts fate again by choosing to walk home amid a cataclysmic winter storm. Hymns ring out loftily over the elements. When Zac finally gets home, blue-lipped and covered in frost, he collapses in a fit of tears. He is not cured. It is this scene that most closely resembles the moment where Zac finally accepts himself as a gay man, despite the fact he has far from finished mourning his now forever lost “normalcy.” C.R.A.Z.Y. revels in these moments, especially in its unusual (and expensive) sequence in Israel. When a twenty-year old Zac is accidentally outed to his father at his brother’s wedding, tensions with his family reach fever pitch. He flees to Israel to try and reinvent himself once more but cannot stop thinking about his father, or the Father. It is inescapable in Jerusalem. Why would one flee to the Holy Land in order to escape judgment? Here, for the third time, Zac displays a fatalistic attempt to cure himself of his homosexuality by walking waywardly into the dessert, without water or plans to return. The scene parallels a story Zac is told by a friend of his mother’s as a child. In what is clearly his final attempt to change, Zac confrontationally dares God to forsake him. Once more, he is saved. The film’s climax is not a sexual revelation, but a spiritual one, and it reaffirms Zac’s Catholic faith. It is interesting to note that C.R.A.Z.Y. was not conceived by a gay man. Jean-Marc Vallée has many things in common with Zac, but homosexuality is not among them. Something rare then happens in viewing this particular film from an auteurist perspective – it opens up. Surprisingly, or perhaps predictably, Vallée does not regard C.R.A.Z.Y. as a mere coming-out film. “It’s really about anyone who’s different,” he says (Hays). For what they do have in common, Vallée also grew up in a religious Montreal household during the Quiet Revolution, and asserts that he too felt alienated from his siblings and peers. The film is nonetheless heavy with his personal experiences, favourite songs, and reflections on spirituality. Vital to this is his focus on Laurianne, whom Vallée cites his own mother for as inspiration. In an interview he went as far as saying, “We built the film from his story, but the film was also my story. The spiritual aspect of the film, the faith, was mine and some of the characters were based on my family. The mother’s character in the film was similar to mine: my mother taught me to believe in what I do and to have faith” (Cant, 21). By “his story” Vallée is referring to co-writer François Boulay, who provides the film its queer authenticities. The marriage of faith and sexuality is Vallée’s own. While C.R.A.Z.Y. begins as an ostensive critique of
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Catholicism, this is not how it ends. Truly a product of the Quiet Revolution, Vallée strives to portray faith in a way that is flexible. Admittedly, the film is not exactly brazen in its queer content – many of Zac’s pivotal developments (his first bona fide gay experience with classmate Toto being an example) are never shown. Does this have anything to do with the film’s straight-identified director? Probably. At times, the film suffers for this, but it does retain the value of a fairly open text. While there is obvious wide appeal, C.R.A.Z.Y. is very much a nationally specific film. Vallée has expressed his earlier intentions of filming it outside of Quebec though acknowledges now that this would have hurt the film’s religious subtext incalculably (Hays). Zac is the new Quebec, but Gervais is tradition. Laurianne, however, is the warmth behind this tradition; she is grace incarnate, the (almost) perfect Mary. Gervais struggles far more with accepting his son than does his wife. Just as Zac himself proclaims at age six, he and his father are at war. Theirs is the essential male relationship of the film, privileged beyond boyfriends and beyond brothers. The model is not a new one. Robert Schwartzwald decrees: The implication would be that the oedipal road (toward domination) is less accessible to the Québécois, at least according to the “normal” rules of the game. [Gilles] Thérien seems to believe that the Québécois will be too reticent to embark upon the path of revolt, at least partly because the possibility already exists of fixating upon an absent father whose domination is even more effective because of his extraterritorial – that is, colonial or imperialist – character. In other words, the absence of a “national” father causes a revolt to be deferred that an oedipal process would otherwise authorize by symbolically confusing father with the Father, a “luxury” not available to the nationally oppressed Québécois (279).
Gervais wants desperately to see himself in his son, but cannot, at least at first. The same is true the other way around. Zac, especially as a boy, wishes to be like his father, and never stops admiring him, even in anger. Before the Quiet Revolution, there may not have been much of a story to tell. As fledgling Quebec grew as a colony, the will of the clergy won by default. Even after the legal separation of church and state in 1759, Quebec remained a veritable theocracy. Prior to the Quiet Revolution (and even in many years that followed it), the clergy was so embedded in Quebec’s society that thinking about the Roman Catholic
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by their very nature, both sexuality and religion insist on being the ultimate in longing and fulfillment.
Church impersonally was a frank impossibility. For virtually every Quebecker, the clergy was family – both literally and figuratively. Nothing was carried out without their approval, for the clergy still lingered at the helm of every important provincial law. This was true regardless of which political party was currently in power (Sloan, 26). Post-1960, members of the clergy slowly began to speak out. Brother Pierre-Jérôme Desbiens was a leading voice for change during the Sixties, describing the unique and powerful Catholicism of Quebec as “reactionary, fearful, and ignorant.” He also argued that it was based on a negative sexual morality (Desbiens, 67). In a strange twist of irony, the most religious province in Canada became the country’s first to add sexual orientation to its provincial Charter of Human Rights. In 1978, it was also the first jurisdiction in the continent to establish such a bill (Rayside, 109).
Although Zac’s persecution is intensified due to the religious tension of the period, C.R.A.Z.Y. demonizes no one (Davies, 60).
No one can deny the importance of family in Quebec culture. Gervais’ incapacity to accept his son’s homosexuality is more than a knee-jerk machismo. In fact it stems from his own feelings of doubt and inadequacy as a father. “There’s no way I sired a fairy,” he tells himself assuredly. Later, when Zac returns from Israel, the audience is given a second glimpse. “I know that I’m not a perfect father,” he says, “You certainly wouldn’t have the problems you do otherwise.” The year being 1980, he also expresses his concern for Zac never being able to have children of his own, an experience he calls “the greatest joy in life.” His acceptance of Zac eventually comes when he realizes he has exerted his life-changing efforts on the wrong son. After Zac’s older brother Raymond dies of an overdose, Gervais finally decides that he does not want to lose another child. Slowly but surely, he begins to adapt. To us, Zac’s coming out is apparently imminent. His family is not blindsided by the revelation, but this does not make it any less momentous, or important. As Johnson writes, “Our virtues tend to be those needed for the modern, secular, non-patriarchal society” (84). Today it is clear that the impacts of the Quiet Revolution were far from fleeting. Canadian society took a relatively liberal approach to moral questions in the 1960s and 70s in general; however, the striking difference between Quebec and the rest of Canada is Quebec’s persistence of this relatively progressive and flexible approach to social issues (Lefebvre and Breton, 219). Without ever losing sight of the indelible bonds between sexuality and religion, Quebec has found a way to step beyond them.
Davies, Christie. “Religious Boundaries and Sexual Morality” in Que(e)rying Religion: A Critical Anthology. New York: Continuum, 1997. 39-60.
Perhaps the larger message of the film is not to judge one’s self so harshly, for this is the place where all other judgment stems. That, and knowing when to forfeit control. Sexuality and faith are beasts in their own, but still we try to cull them because it gives us a sense of identity. Zac wants desperately to be rid of his homosexuality so that he can join a society of conformity that is itself disappearing. Gervais and Laurianne dwell in the growing realization that the influence of their Church is declining, and they cling desperately to what they know. Everyone adapts, but not everything evolves. Bibliography Cant, Ian. “Foot Prints: Independent Filmmaker Jean-Marc Vallée Has a Positive Take On The Future Of Film, Faith & Even Hollywood.” Ascent Magazine Fall 2005: 20-23.
Desbiens, Jean-Paul. The Impertinences of Brother Anonymous. Montreal: Harvest House, 1962. Hays, Matthew. “Going C.R.A.Z.Y.: The Story Behind Quebec’s Current Box-Office Triumph.” Canadian Broadcasting Corporation, 15 Oct. 2005. <www.cbc.ca/arts/film/crazy.html>. Johnson, Toby. “Beyond the Sexual Revolution: A Spiritual View of Gay Identity and Planetary Transformation” in Recreations: Religion and Spirituality in the Lives of Queer People. Toronto: Queer Press, 1999. 83-86. Lefebvre, Solange, and Jean-François Breton. “Roman Catholics and Same-Sex Marriage in Quebec” in Faith, Politics, and Sexual Diversity in Canada and the United States. Vancouver: UBC Press, 2011. 219-233. Muggeridge, Malcolm. “Down with Sex!” Esquire 63 February 1965: 72-74. Rayside, David. On The Fringe: Gays and Lesbians in Politics. Ithaca: Cornell University Press, 1998. Schwartzwald, Robert. “Symbolic Homosexuality, False Feminine, and the Problematics of Identity in Quebec” in Fear of Queer Planet: Queer Politics and Social Theory. Minneapolis: University of Minnesota Press, 1993. 264-291. Sloan, Thomas. “Religion.” Quebec: The Not-so-quiet Revolution. Toronto: Ryerson Press, 1965. 25-47.
C.R.A.Z.Y. is disarming. There is nothing “in your face” about it. The whole Beaulieu family is likeable, and despite their personal shortcomings and failures to communicate, everyone is treated with a considered measure of empathy.
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T,O,U,C,H,I,N,G, de Paul Sharits (1968) ou la violence optique d’une époque et d’un art Catherine Bergeron
le projecteur est un pistolet audio-visuel, l’écran et la rétine est une cible. Le but: l’assassinat temporaire de la conscience normative du spectateur. -Paul sharits Et si l’image n’était qu’une image, sans plus? La photographie, cet art de la captation du réel sur surface immobile, s’impose comme beaucoup plus qu’une simple image. Un temps, un instant, un moment, la photographie est un questionnement continuel sur ce qui la constitue. Travaillé à même cet art, le cinéma se place avec des spécificités propres et une essence maintes fois questionnée, analysée, déplacée, maintes fois recherchée. Le terme « image optique animée », définissant clairement la nature physique du médium, pose ainsi les bases pour une réflexion ontologique majeure : le rapport entre fixité et mouvement dans l’image cinématographique. Qu’est-ce que le cinéma : une suite d’images fixes, un mouvement apparent, un mouvement réel…? En 1968, Paul Sharits, cinéaste expérimental, dresse sa propre ontologie de l’image optique en questionnant le rapport à l’image normativement mouvante du cinéma. T,O,U,C,H,I,N,G, se place comme la violence de la photographie déniée se déployant dans le
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clignotement optique. De ce fait, par une approche structuraliste du médium cinématographique, par un travail formel de l’effet flicker et par une thématique représentationnelle et métaphorique agressive, T,O,U,C,H,I,N,G, impose une angoisse physique au spectateur en adéquation avec la réelle essence du cinéma et avec le sentiment profond du cinéaste face à lui-même et face à sa société. En 1969, un cinéma insistant « davantage sur la forme que sur le contenu, minimal et accessoire », un cinéma caractérisé par « [le] plan fixe (image fixe du point de vue du spectateur), [l’] effet de clignotement, [le] tirage en boucle et [le] refilmage d’écran » ([1969] 2002, p. 329) s’institue d’après la terminologie vite établie de P. Adams Sitney de « cinéma structurel ». Condensant son heure de gloire dans la décennie de 1960 à 1970, le cinéma structurel se place comme un mouvement important du cinéma expérimental. Cette nouvelle approche, intrinsèquement liée à l’impact d’une société en révolution interne, cherchant à définir le monde autrement, et d’un milieu télévisuel choc, scrutant maintenant le réel par l’œil/canon de son fusil, participe au véritable mouvement de remise en cause de la représentation artistique de l’époque. Questionnant la vérité profonde de l’art, le cinéma structurel ne veut plus faire semblant de réel; il ne veut plus faire illusion; il veut être tel qu’il doit être; il veut être vrai. Ainsi, une ontologie du cinéma se dessine autour des cinéastes structurels, ontologie, par la suite, plus spécifique à chacun. S’opposant fondamentalement à la théorie d’image-mouvement de Deleuze, Hollis Frampton, cinéaste expérimental en adéquation directe avec Paul Sharits, explique : Cinéma est un mot grec qui signifie “mouvement” (movie). L’illusion du mouvement est certainement le complément ordinaire de l’image filmique, mais cette illusion repose sur la certitude que la vitesse à laquelle se succèdent les photogrammes n’admet que des variations très limitées. Rien dans l’agencement structural du ruban filmique ne peut justifier une telle certitude. C’est pourquoi nous [cinéastes structurels] la rejetons. Désormais, nous appellerons notre art simplement : le film (Michaud 2005-2006, p. 89)
Pris dans sa matérialité pure, l’art filmique structuraliste est donc conscient que le film est d’abord un ruban composé de photogrammes indépendants et à tout le moins divisibles. Le mouvement cinématographique constitue ainsi une pure et simple illusion fonctionnant grâce à la faiblesse rétinienne humaine permettant l’effet phi. Comme l’explique Philippe-Alain Michaud, « libéré de l’illusion de mouvement, le film laisse apparaître sa nature essentiellement discontinue […] C’est ainsi que Paul Sharits parle du
film comme d’un “ ruban physique” (physical strip) » (ibid., p. 89). La pellicule-matériau (ou ce que Thierry Kuntzel appelle le film-pellicule) constitue le noyau d’une remise en cause du dispositif cinématographique. En tant qu’acte théorique, éthique et politique, le travail d’un cinéaste structurel comme Paul Sharits s’interroge donc l’essence même du médium pour mieux la mettre à nu. Dans cette visée analytique de l’art filmique, l’idée de la « magie » du cinéma se brise à un effet exploré par les cinéastes de ce temps : l’effet flicker. En opposition directe à l’illusion de mouvement cinématographique créée par la succession rapide de 24 images/seconde, le flicker travaille en dessous, ou plutôt en deçà, du seuil de possibilité de l’œil humain. La construction d’une bande filmique ayant moins de 24 images/seconde a pour résultat de produire un effet de scintillement, de battement, dans l’image optique projetée. De ce fait, la pellicule semble imploser et sursauter, annulant toute fluidité normative. Le travail du flicker, fréquemment exploré et travaillé par Sharits, fonctionne, comme le pointe William C. Wees, par un processus de transfert entre les trois branches du dispositif filmique : les photogrammes dispersés de la bande filmique, la projection lumineuse transformant la pellicule en images discontinues et la faiblesse rétinienne ne percevant de tout cela qu’un effet de pulsation rythmique (1992, p. 152). Réfléchissant au transfert de la pellicule à la projection et à l’esprit humain, une concrétude de l’essence même de la structure fonctionnelle de l’art cinématographique est donc mise en place dans ce travail matériel, image par image et sans caméra. Le flicker film se pose comme une expérimentation sur la vision humaine, imposant de ce fait une expérience corporelle au spectateur.
tionnement rythmique musical et temporel. La bandeson, entièrement composée de la voix du poète disant le mot « Destroy » de cinq manières différentes, joue sur le même principe de variation rythmique. Créant un rapport intime d’accord et d’opposition entre la bande image et la bande-son, le travail photogrammatique de Sharits sur la pellicule crée, lors de la projection, ce qui est appelé « effet flicker ». L’absence de fluidité 24 images/seconde produit une pulsation visuelle forte et vive, délivrant de son illusion l’essence du film habituellement invisible. En ce sens, le film devient et revêt le corps même de sa matérialité. La succession rapide de photogrammes plus ou moins en lien les uns avec les autres impose une fusion et un mélange créant à la fois une perte de point de repère visuel et une nouvelle vérité, une nouvelle lucidité dans le choc. Les différents plans de couleur, succédant par exemple orange et jaune, construisent des teintes amalgamées (rouge), créant du même coup de nouvelles réalités possibles. D’une même manière, en accélérant ou en ralentissant, la bande-son vient à produire différentes sonorités dans l’esprit du spectateur, créant des syntagmes tels que « This girl is drunk », « This God » ou « Scared of it », amenant le spectateur à se questionner sur le ou les véritable(s) mot(s) entendu(s). T,O,U,C,H,I,N,G, devient ainsi, en rapport direct avec l’approche structuraliste, une véritable expérimentation/expérience; T,O,U,C,H,I,N,G, devient la concrétisation même de l’expérience humaine de la vision rétinienne face au cinéma. Car qu’est-ce que l’œil humain sans l’effet phi sinon le choc d’images fixes se succédant dans une pulsation violente? L’œil, ne pouvant plus faire le pont entre les fixités inhérentes à l’image optique animée, voit sa faiblesse profonde se heurter violemment à une expérience physique. Le film devient la trace de lui-même.
Au cœur du cinéma structurel et du flicker film, l’approche de Paul Sharits, en 1968, avec le film T,O,U,C,H,I,N,G, s’institue comme une expérience filmique du film même. « Self-referential cinema » (Smith 2009, p. 281), autoréférence, métafilm ou mise en abyme, l’œuvre se pose comme la théorisation sensible de l’ontologie du cinéma de Sharits et du structuralisme. T,O,U,C,H,I,N,G, se construit autour de la répétition et de la variation de quatre groupes d’images : le poète David Franks, un ciseau levé, s’apprêtant à se couper la langue, une main féminine griffant le visage de Franks jusqu’au sang, un œil en pleine opération chirurgicale et des organes génitaux pendant le coït. Travaillées en positif et négatif et entrecoupées de plans chromatiques saturés, les images sont apposées sur la bande de celluloïd, image par image, en détournant volontairement la norme du 24 images/seconde. Sharits travaille ainsi le matériau filmique à partir d’un ques-
« WARNING. […] Since this film may induce epileptic seizures or produce mild symptoms of shock treatment in certain persons, you are cautioned to remain in the theater only at your own risk. A physician should be in attendance » (« Attention […] Puisque ce film peut causer des crises d’épilepsie ou produire des symptômes légers de traitement par électrochocs chez certaines personnes, vous êtes avertis de rester dans le cinéma à vos propres risques. Un médecin devrait être présent sur les lieux ») (The Flicker cité dans Wees 1992, p. 147, ma traduction). En 1965, les producteurs de Conrad avait vu juste : l’effet flicker fait violence. T,O,U,C,H,I,N,G, de Sharits s’impose ainsi dans une violence du film et par le film. Produisant un effet physique intense à mi-chemin entre l’électrochoc et la relaxation méditative liée au Mandala (figure d’inspiration formelle de Sharits), l’œuvre se construit autour de cette thématique de l’intensité. Le système de représentation contre-
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Le film devient et revêt le corps même de sa matérialité.
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narratif mis en place scrute l’idée de violence à l’intérieur du thème propre à Sharits de destruction/autodestruction. Images d’une sexualité frontale, d’une tendance vers l’automutilation ou d’une agression physique, les formes réalistes de représentation visuelle se placent comme un double choc violent pour l’esprit du spectateur. Une angoisse réelle parcourant la bande et frappant de plein fouet la rétine impuissante; une angoisse d’un temps, d’une époque, d’un homme, mais aussi l’angoisse d’un art qui se bat pour s’autonomiser dans son essence. Car oui, les images et la forme d’une telle approche sont le symptôme d’une vision, d’une visée. Au centre d’une période politique et sociale marquée par la guerre du Viêt Nam, la montée d’une culture hippie, les manifestations universitaires et le démantèlement du Black Panther Party, le T,O,U,C,H,I,N,G, de Sharits et l’approche structuraliste se positionnent dans une attitude encline à refléter la mouvance sociale angoissante. De plus, le nouveau rapport télévisuel beaucoup plus cru devant la transmission de l’information laisse sa trace. En ce sens, comme pointe Paul S. Arthur en définissant l’époque de 1967-1970, une telle approche filmique n’aurait pu être du moins pensable au début du siècle (1976, p. 133). Or, proche d’un intimisme autobiographique, Sharits estime que cette angoisse est aussi la traduction de son propre sentiment face au monde : « I think that the flicker films are partly about anxiety, about my own anxiety. Aside from being interested in perceptual realities, perceptual thresholds and the possibility of creating temporal chords of color, a lot of it has to do with the projection of internal feelings » (« Je pense que le flicker film est en partie à propos de l’angoisse, à propos de ma propre angoisse. En plus de s’intéresser aux réalités perceptibles, aux seuils de perception et à la possibilité de créer des fils temporels de couleur, le flicker tient beaucoup à la projection d’émotions internes ») (cité dans Beauvais 2008, p.18, ma traduction). En adéquation avec la pulsation tout aussi angoissante de l’œuvre, pulsation accentuée par l’imposition d’un sentiment d’attente/anticipation dû aux lettres du titre divisant le film en chapitres, les images violentes deviennent les métaphores du dispositif filmique. Les ciseaux pouvant découper la pellicule, les égratignures pouvant lacérer le matériau, l’œil disséqué pour mieux permettre la compréhension de son rapport interne au cinéma et la pénétration autant artistique que spectatorielle comme fusion pulsionnelle de l’être à l’œuvre sont autant d’aspects profondément ancrés dans le rapport de l’artiste au « ruban physique » (Sharits cité dans Michaud 2005-2006, p. 89) et du spectateur à la création. Le film, ce matériau concret dans sa malléabilité, est là, scintillant, prêt à être découpé, lacéré, modifié; il est là, prêt à devenir visible. Et c’est ce que Sharits accomplit; il rend visible sa matérialité même.
Hollis Frampton définissait le cinéma comme un art du mouvement illusoire. T,O,U,C,H,I,N,G, met à nu cette illusion. Le travail de l’effet flicker, accentué par la violence physique et métaphorique de l’œuvre, impose un choc à la pellicule et à la rétine humaine, actualisant durement la fixité cachée derrière le mouvement apparent. Le mouvement ne va plus de soi. Or il demeure que le cinéma est mouvement. Le cinéma, que Sharits définit officiellement comme une « “image en mouvement” et une pellicule “fixe “ » (2002, p.70), amène ainsi à poser le problème autrement. Étant à la fois fixité et mouvement, pour Sharits, l’essence se trouve alors dans la vérité profonde de la mise en forme et dans le rapport que les deux natures entretiennent entre elles. De cette manière, Sharits affirme : « l’équivocité problématique de l’”être” du film est peut-être la question ontologique la plus élémentaire du cinéma » (ibid., p. 72). La fixité, contenu essentiel, primaire et véridique de l’art filmique, se place comme la réalité première dont T,O,U,C,H,I,N,G, cherche définitivement à faire imploser. Le mouvement, nécessaire composante de cet art, se caractérise donc par son caractère profondément illusoire. Le mouvement cinématographique de Sharits est bel et bien apparent. La succession un peu plus normée de certains photogrammes dans le dernier tiers de T,O,U,C,H,I,N,G, vise ainsi à reproduire un mouvement venant faire défaillance. En effet, Sharits travaille, à quelques reprises, une répétition davantage fluide donnant l’impression que la main féminine s’éloigne du visage de Franks et que le poète fait avancer et reculer le ciseau vers sa langue. La mise en place d’un mouvement relatif faisant suite à une réelle mise à nu du photogramme vise à illustrer la fausseté de ce mouvement plutôt qu’à recréer la « magie » du médium. Donc en opposition à ce prétendu mouvement, le dispositif flicker de Sharits permet la création d’un mouvement réel plutôt que de simplement l’illustrer (« create actual motion (rather than illustrate it) ») (Sharits 1976, p. 90). Le film s’impose comme une réflexion directe sur le corps du film, sa matière même, son essence; le film s’impose comme l’ontologie de l’image pour le cinéaste. Comme l’explique Rosalind Krauss : « l’usage qu’il fait de l’effet de clignotement donne au spectateur l’impression de pouvoir saisir chaque photogramme à mesure qu’il est projeté sur l’écran, de pouvoir effectivement voir chaque moment distinct dont se compose le mouvement lui-même » (1999, p. 91); « the flicker film was invented to stop time » (« le flicker film a été inventé pour arrêter le temps ») (cité dans Smith 2009, p. 281, ma traduction). Entrecoupant le déroulement du temps, faisant rebondir l’instant sur lui-même, arrêtant le moment pour mieux l’ingérer, l’effet flicker construit un « C’est »
de présentisme violent plutôt qu’un « Ça a été » propre à la photographie ou qu’un « Ça s’est passé » propre au cinéma. Le temps, le photogramme, la matière filmique, implosant dans leur substance interne, deviennent donc véritablement « touchables » (touching). En définitive, T,O,U,C,H,I,N,G, met à nu le médium cinématographique de manière à révéler sa vraie nature. S’inscrivant dans une approche expérimentale structuraliste et explorant la méthode établie du flicker, l’œuvre se construit dans sa substance matérielle de manière à découvrir le dispositif pellicule/lumière/rétine. Sharits, totalement lucide face à l’art qu’il développe, puise dans la vérité plutôt que dans l’illusion pour mettre en place une ontologie de l’image qui lui est propre. L’image est outil; l’image est lumière; elle est violence et destruction. L’acte filmique est donc une angoisse de la matière et du corps. Proche de l’inspiration psychédélique des drogues hallucinogènes, le film devient expérience de la forme et de la vision. Le présentisme violent de cette multiplication de moments devant les yeux du spectateur abat le mur du mouvement illusoire pour faire place à une œuvre image par image purement constituée de fixités. L’art cinématographique, tout comme la photographie, s’impose avec son lot de questionnements par rapport à son authenticité profonde, sa spécificité artistique. Une réelle image optique animée se battant intrinsèquement entre son essence fixe et son mouvement appliqué, une réelle image optique prête à faire face à toute modification assumée par l’artiste, le cinéma n’est finalement, peut-être, que ce que Rodin estime essentiel : un art, une vision et donc une sincérité. « Comme partout dans le domaine de l’art, la sincérité est la seule règle » ([1911] 2005, p. 53). BIBLIOGRAPHIE Arthur, Paul S. 1976. « Chapitre 6 : T,O,U,C,H,I,N,G, (Paul Sharits), Runaway (Standish D. Lawder), 69 (Robert Breer), Diploteratology or Bardo Folly (George Landow), Our Lady of the Sphere (Larry Jordan), Bleu Shut (Robert Nelson) ». Dans The American Federation of Arts (dir.), A History of avant-garde cinema, p. 133-145. New York : American Federation of Arts. Beauvais, Yann. 2008. « Figment » Dans Yann Beauvais (dir.), Paul Sharits, p. 7-30. Dijon : Les presses du réel. Krauss, Rosalind. 1999. « Paul Sharits ». Dans Trafic, n° 29 (printemps), p. 84-95. Lebensztejn, Jean-Claude. 2008. « Interview with Paul Sharits ». Dans Yann Beauvais (dir.), Paul Sharits, p. 77-102. Dijon : Les presses du réel. Michaud, Philippe-Alain. 2005-2006. « Flicker, le ruban instable ». Dans Cahiers du musée national d’art moderne, n° 94 (hiver), p. 88-95. Rodin, Auguste. [1911] 2005. « Chapitre IV : le mouvement dans l’art » Dans L’Art : entretiens réunis par Paul Gsell, p. 45-60. Paris : Grasset. Sharits, Paul. 1976. « Notes on Films ». Dans Peter Gidal (dir.), Structural Film Anthology, p. 90- 93. Londres : British Film Institute. ———. 2002. « Entendre : voir ». Dans Entendre : voir/Mots par page/Filmographie/Paul Sharits, p. 3-8. Paris : Paris expérimental. ———. 2002. « Mots par page ». Dans Entendre : voir/Mots par page/Filmographie/Paul Sharits, p. 70-83. Paris : Paris expérimental. Sitney, P. Adams. [1969] 2002. « Chapitre 12 : le cinéma structurel ». Dans Le cinéma visionnaire : l’avant-garde américaine 1943-2000, p. 329-350. Paris : Paris expérimental. Smith, William S. 2009. « A concrete experience of nothing : Paul Sharits’s flicker films ». Dans Res, n° 55-56, p. 279-293. Wees, William C. 1992. « Chapter 6 : Making Films for the Inner Eye : Jordan Belson, James Whitney, Paul Sharits ». Dans Light moving in Time : Studies in the visual aesthetics of avant-garde film, p. 123-152. Berkeley : University of California Press.
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44 All images credits are availble upon inquiry.