MAI 2015 : N°33
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ÉCONOMIE
Espaces économiques, ̏le droit de cité˝ ÉDITO
L’activité économique, dans toute son hétérogénéité, structure l’espace urbain. Son impact
La question du foncier économique s’impose chaque jour davantage comme un déterminant essentiel dans les stratégies de développement. La césure classique entre l’urbain et le périphérique est de moins en moins pertinente même si la généralisation de zones d’activités portée par la logique du desserrement économique des années 70 / 80 continuera à impacter durablement les territoires. Il nous faut aujourd’hui tourner la page et considérer que le cadre urbain devient un creuset naturel pour la plupart des implantations économiques bien au-delà du seul commerce ou du tertiaire. Cette recherche d’implantations économiques dans la ville pour les filières classiques comme pour les nouvelles économies oblige l’ensemble des acteurs à réinterroger leurs pratiques. Notre espace métropolitain est tout à fait représentatif de ces enjeux avec le besoin de nouveaux espaces d’activités extensifs, la requalification nécessaire des anciennes zones et l’affirmation des polarités urbaines intra muros comme lieu important de développement.
sur la ville est considérable, tant en termes de déplacement, de développement, d’attrac-
Laure-Agnès CARADEC Présidente de l’Agam
C’est dans ce dialogue renouvelé entre l’urbanisme et le monde économique que doit
tivité que de nuisances et de conflits d’usage. Sa localisation a souvent évolué, au gré des extensions urbaines, constituant à la périphérie des agglomérations des espaces qui lui sont parfois dédiés (zones commerciales, ZI, ZA, parc tertiaire). Les conséquences urbanistiques de cette périurbanisation économique sont nombreuses et pour partie aujourd’hui critiquées : la monofonctionnalité des sites et le rallongement croissant des distances domicile-travail, réinterrogent de manière globale la place accordée à l’activité économique dans la ville et plus spécifiquement les conséquences des choix des localisations passées. Pour autant, il serait inexact de considérer l’activité économique comme homogène dans ses besoins urbains et dans son impact spatial. De même, toutes les activités n’ont pas accès à la ville ̏dense˝. Si aujourd’hui les urbanistes et les acteurs économiques s’accordent pour promouvoir une mixité fonctionnelle plus grande dans les projets urbains, il s’agit pour l’essentiel des activités de services et de commerce. Le ̏retour à la ville˝ d’activités économiques repoussées par le passé à la périphérie laisse pour l’instant de côté certaines activités, qui répondent à des logiques immobilières et spatiales souvent incompatibles avec les contraintes financières et fonctionnelles du renouvellement urbain. Ce qui est certain c’est que le volet économique de l’urbanisme trouve un écho de plus en plus fort auprès des aménageurs publics ou privés. L’entreprise aussi devient partie prenante de cette réflexion, comprenant à son tour que l’optimisation de son fonctionnement passe aussi par un environnement urbain favorable, capable d’apporter des réponses efficaces en termes de services et de visibilité. s’inscrire aujourd’hui la production d’espaces urbains pour l’accueil d’activités et d’emplois.
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N OFFRE TERTIAIRE DE BUREAUX SUR EUROMÉDITERRANÉE.
La ville dense, un espace économique retrouvé Pendant longtemps la réponse aux besoins spatiaux des entreprises s’est résumée à l’aménagement de zones d’activités, souvent en périphérie des agglomérations. Depuis la fin des années 90 cette tendance semble cependant s’infléchir. Si à court terme la périurbanisation économique était
qualité, une certaine visibilité ainsi que des perspectives
souvent la solution la moins coûteuse et la plus rapide
de valorisation patrimoniale. À noter que du côté des opé-
pour répondre aux besoins du développement écono-
rateurs immobiliers, les centres-villes sont aussi des lieux
mique local, elle a généré des espaces monofonctionnels,
producteurs de valeur ou de valorisation financière.
peu desservis par les transports publics, et toujours plus
Et enfin, la recherche de synergie, d’un écosystème favo-
éloignés des cœurs d’agglomérations. Jusqu’au ̏bureau
rable facilité par la proximité spatiale et les conditions de
parc˝ des années 80 et 90 pour les activités de services,
déplacements, pour des activités innovantes de l’industrie
une grande partie de l’économie semblait devoir quitter
numérique par exemple.
la ville, au gré des dessertes routières nouvelles et des
L’ensemble de ces activités est évidemment en tension sur
ouvertures à l’urbanisation. Depuis la fin des années 90,
un espace limité et très contraint.
certains types d’activités, dont le commerce et une partie
cement visible, connecté et producteur de valeurs pour
Tensions foncières, éviction et opportunités nouvelles
les opérateurs immobiliers.
Financiarisé, l’immobilier de bureau et de commerce re-
des services à haute valeur ajoutée, réinvestissent le cœur des grandes agglomérations, à la recherche d’un empla-
compose, dans la ville dense, des polarités économiques
Proximité, visibilité et synergie
̏primes˝, et de fait réservées aux entreprises à forte valeur
Pour les entreprises, trois raisons principales semblent
et parfois du ̏back office˝ couvrent une grande partie
illustrer cette volonté de localisation au plus près de la
de la typologie des entreprises tertiaires que l’on voit
ville dense. D’une part les raisons fonctionnelles, de proxi-
réinvestir les centres-villes. Si l’on ajoute à cela la pression
mité avec le client, le fournisseur, le tissu dense et donc le
foncière du développement commercial et résidentiel, on
marché de certaines activités de commerce de gros, de
comprend aisément la difficulté pour d’autres activités de
logistique urbaine, d’artisanat… Ces activités participent
proximité ou support, à se localiser ̏par le marché˝ dans
au fonctionnement de la ville et à son développement.
les espaces les plus centraux.
D’autre part, des raisons urbanistiques et patrimoniales,
Les activités support (logistiques urbaines, artisanat ur-
qui poussent certaines activités à forte valeur ajoutée vers
bain, comptoirs professionnels) qui participent directe-
une localisation centrale, offrant des services urbains de
ment au fonctionnement urbain, et souvent aussi à la
ajoutée. Les activités décisionnelles et de commandement
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Espaces économiques, ̏le droit de cité˝
création d’emplois, sont mises en tension dans leur localisation et repoussées vers la périphérie. Pour ces dernières peu de réponses opérationnelles existent, les emplace-
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La ville pour un large panel d’activités : une utopie ?
ments à proximité des centres étant trop chers et leurs
Quelles activités ont droit à la ville ? C’est-à-dire, à occuper
moyens limités.
dans l’espace urbain une localisation centrale ou péricen-
L’autre mouvement, plus récent, qui illustre le retour dans
trale qui soit conforme à leur besoin de développement
les centres-urbains, est celui de l’industrie innovante, por-
et de fonctionnement ? Cette question pour l’urbaniste
tée par exemple par la filière numérique ou la production
pourrait aussi être inversée : quelles activités sont néces-
de contenu ou de logiciel. Ces activités, qui carburent
saires au fonctionnement urbain mais aussi à la proximité
à l’information et à la connaissance, sont en demande
et à la diversité de l’emploi ?
de site favorisant les synergies et l’échange et, pour cer-
À cette question, les réponses sont bien sûr à mettre
taines, cela nécessite des conditions urbaines de desserte
dans le contexte urbain étudié, mais des solutions urba-
en transport en commun efficaces et de mixité des fonc-
nistiques ou immobilières peuvent être imaginées ou sont
tions. Le cas du pôle média de la Belle-de-Mai à Marseille,
parfois déjà éprouvées afin de maintenir un tissu d’activi-
sous initiative publique au départ, illustre cette greffe
tés de petites productions, d’artisanat, de petites logis-
d’activités innovantes autour du numérique, proche du
tiques urbaines… proches des zones denses. La création
centre-ville, et qui a été aussi un vecteur de renouvelle-
de zonage spécifique à ce type d’activité dans les PLU afin
ment urbain important. Ce mouvement peut également s’expliquer par un rééquilibrage des processus d’innovation. À l’origine, fortement
PAROLES D’ACTEUR
liés à l’impulsion, souvent technologique, des acteurs économiques, ils sont aujourd’hui fortement tirés par les besoins des utilisateurs finaux. Quand ils ne s’inspirent pas directement des usages créés par ces mêmes utilisateurs en les réinterprétant. Le milieu urbain offre à cet
Marina RIZZON Chargée de mission implantation des entreprises Communauté d'agglomération Pays d’Aubagne et de l’Étoile
égard aux industries innovantes des territoires d’expérimentation et de développement de nouveaux produits et services, ainsi qu’une proximité forte avec leurs marchés potentiels. Ce créneau des activités innovantes, en particulier pour des entreprises en phase de développement, est sans doute un vecteur d’attractivité économique important pour la ville dense. T FRICHE BELLE-DE-MAI : SITE DE L'INDUSTRIE NUMÉRIQUE ET CULTURELLE.
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Dans les villes moyennes, le développement du bureau est en grande partie porté par une offre en zone d’activité, avec une bonne accessibilité routière et sous une forme de bureau-parc. Les utilisateurs ̏cibles˝ sont évidemment des TPEPME, ou des services de proximité comme les professions libérales, surtout des comptes propres avec très peu de demandes locatives. Pour que l’agglomération d’Aubagne soit visible par les investisseurs et les grands opérateurs tertiaires, son offre en bureaux doit atteindre une certaine taille critique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En termes de localisation de l’offre, des modèles plus ̏urbains˝ de bureau en cœur de ville sont, en l’état du marché et des demandes des entreprises, difficilement envisageables. Même si les pré-requis en termes de services sont présents, comme une gare TER ou un réseau tramway, le centre-ville d’Aubagne n’est pas pour l’instant un espace d’accueil de programmes importants de bureaux, comme on peut par exemple en trouver à Marseille. Cependant, favoriser l'implantation de programmes permettant le report modal et conjuguant à la fois bonne accessibilité routière et proximité d’une zone de bonne desserte par les transports en commun, permettrait peut-être de tester le marché pour une offre plus urbaine, sur notre territoire comme dans d’autres villes moyennes.
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Espaces économiques, ̏le droit de cité˝
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de limiter les effets d’évictions, l’optimisation et le renou-
PAROLES D’ACTEUR
vellement des zones d’activités proches de la ville, ou l’accompagnement en phase opérationnelle d’une offre
François JALINOT Directeur général de l’EPA Euroméditerranée
immobilière mixte et adaptée en prix et en aménagement, peuvent-être avancées. Ce défi du maintien d’activités servantes fait aussi écho aux besoins croissants de plus de rapidité dans les échanges, de réduction des déplacements, de rupture de charge avec des véhicules propres et de manière générale de desservir la ville dans un contexte de développement croissant du e-commerce.
Des évolutions sociétales à prendre en compte Selon une enquête de l’Essec buisness school en 2013 auprès de 2000 étudiants de grandes écoles, une majorité privilégierait pour leur futur emploi une localisation dans un espace urbain central et hyper-connecté. Plus de 55 % se disent favorables au télétravail. Les nouvelles générations entrant sur le marché du travail, tendraient à plébisciter les cœurs d’agglomérations comme lieu préférentiel de travail mais aussi de résidence. Cette tendance remet en avant les aménités urbaines inhérentes à la ville dense pour en faire un mode de vie global : la proximité de services, de loisirs, de commerces, l’opportunité des rencontres et des échanges, des interactions permanentes. C’est aussi peut-être un signe que le lieu du travail, dans un contexte d’évolutions technologiques, ne peut plus être ̏subi˝ par les salariés, mais qu’il fait aussi partie d’une stratégie de vie personnelle, répondant parfois à des aspirations extraprofessionnelles. Dans un monde globalisé ou l’on compte de plus en plus de citadins, l’imaginaire de la ville compacte et des proximités semble redevenir attractif en opposition avec l’étalement urbain économique des années passées. Reste à savoir si les entreprises sauront s’adapter à ces nouvelles aspirations, qui pourraient risquer à terme de leur poser des problèmes de recrutement.
Disponibilité Produits immobiliers
Accessibilité
DEMANDE Localisation
Coût / Prix Services
N LES DÉTERMINANTS DE LA DEMANDE DES ENTREPRISES EN FONCIER ÉCONOMIQUE
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Avant 1995, Marseille n’était pas visible à l’échelle internationale pour l’immobilier de bureau : une offre souvent obsolète et dispersée n’apparaissait pas sur les radars des choix de localisation des grandes entreprises tertiaires. Avec une programmation initiale de 500 000 m², l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée a permis à Marseille de rattraper ce retard. Le quartier central des affaires, qui manquait à la ville, attire aujourd’hui les fonctions d’encadrement, de conseil, d’ingénierie et d’échanges liées au commerce international. On est dans un modèle hyper classique pour les grandes métropoles, de massification de l’offre en accueil d’entreprises avec des commodités et des services urbains importants : accessibilité en transports en commun, proximité de l’aéroport et de la gare TGV, commerces, qualités des espaces publics. L’offre est urbaine, voire hyper-centrale, et constitue aujourd’hui un important pôle de bureaux, connecté et ouvert, visible et lisible. Se pose dès lors l’impact du coût du renouvellement urbain sur le prix de l’offre immobilière. Cette offre est certes plus chère par rapport à l’offre de périphérie mais aujourd’hui il y a une vraie demande des entreprises pour des programmes de bureaux aux standards les plus actuels : en matière de performance énergétique des bâtiments, de réduction des coûts de fonctionnement et de déplacements, mais aussi des surfaces modulables et ergonomiques s’appuyant sur de grands plateaux où l’on peut optimiser et rationaliser les organisations. De plus, on constate une évolution sociétale du modèle, tirée par une nouvelle génération d’entrepreneurs plus jeunes, plus urbains, souvent sans voiture, qui aiment se déplacer en transports en commun ou en vélos, avec des horaires souvent décalés. Ces entrepreneurs et ceux qu’ils recrutent ont besoin d’un environnement urbain adapté, favorisant la proximité et les synergies. Ces sociétés reposent beaucoup sur l’innovation ou la filière numérique. La programmation d’Euromed 2 prévoit aussi de concevoir des formes urbaines qui soient à même d’accueillir cette économie créative ainsi que des activités plus mixtes de support comme pour le e-commerce et la logistique urbaine. Nous travaillons sur des pieds d’immeubles pour créer des modèles urbains, denses, et permettre ainsi de réintégrer à la ville ̏constituée˝ une partie des activités nécessaires à son fonctionnement et à son rayonnement.
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N ZONE D'ACTIVITÉS DES ARNAVANTS.
Diversifier l'offre foncière : de l'extensif au renouvellement urbain des sites Si le retour en centre-ville n’est pas souhaitable ni souhaité par l’ensemble des entreprises, il est évident que la périphérie restera un territoire de localisation majeure pour une grande partie des activités économiques. Se pose alors la question de l’évolution urbaine de ces espaces, et de manière plus générale celle de la production de capacité d’accueil d’entreprises. À cette problématique, la réponse est encore souvent celle de la création de nouvelles zones d’activités, diversifiées ou spécialisées. Progressivement, les acteurs de l’aménagement publics ou privés s’interrogent sur les actions à mener pour optimiser les sites existants en périphérie afin d’y maintenir de l’activité en particulier productive. Pour illustrer les enjeux actuels liés à la capacité d’accueil d’entreprises trois exemples peuvent être donnés, celui des besoins en foncier productif adapté, des contraintes liées au renouvellement des sites existants et enfin de la nécessaire transversalité avec les autres fonctions urbaines, en particulier les déplacements. Bien que les besoins en foncier périphérique concernent de manière générale un large panel d’activités, c’est bien l’économie productive qui, aujourd’hui et sur de nombreux territoires, est la plus contrainte dans ses réserves foncières et dans son intégration urbaine. Industrie, transport-entreposage, construction, activités scientifiques et techniques, autant d’activités consommatrices d’espaces et génératrices de conflits d’usages mais aussi créatrices d’emplois et d’attractivité. Et c’est à ce titre qu’il semble essentiel, selon les contextes locaux, de se saisir de la question du potentiel foncier à moyen et long terme pour permettre le développement et l’accueil de nouvelles entreprises.
Une démarche d’études pour cerner les besoins en foncier productif sur la métropole. Début 2014, la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence (CCIMP), en partenariat avec les agences d’urbanisme Agam et Aupa, ont travaillé au repérage et à l’analyse du foncier dédié aux activités productives sur le territoire métropolitain. Plus de 15 000 ha de foncier d’activité ont ainsi été étudiés et répartis en secteurs d’activités dominants. Sur la base de cette première lecture, la Mission interministérielle de préfiguration de la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé, à l’automne dernier, aux côtés de la Caisse des Dépôts (CDC), de la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence (CCIMP) et de l’Établissement Public Foncier Provence Alpes Côte-d’Azur (EPF PACA), une étude visant à évaluer les besoins en foncier productif sur le territoire. Une nécessité d’autant plus grande que le secteur productif est le socle de l’emploi métropolitain. Les premiers résultats de l’étude réalisée par le groupement CMN Partners, révèlent qu’il représente 42% des effectifs privés, et contribue largement à la prospérité actuelle d’AixMarseille-Provence. À l'horizon 2030, le secteur productif pourrait d’ailleurs créer près de 20 000 emplois si, et seulement si, les contraintes spatiales et foncières auquel il est actuellement soumis sont levées. Les chefs d’entreprise interrogés par le bureau d’étude reconnaissent que ce sont les contraintes foncières et immobilières touchant l’économie productive qui, pour une large part, freinent leur développement et leurs investissements.
www.mouvement-metropole.fr www.ccimp.com
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Espaces économiques, ̏le droit de cité˝
Des besoins en foncier productif Sur la métropole Aix-Marseille Provence, un constat partagé et corroboré par des études en cours montre le ni-
PAROLES D’ACTEUR Émile BAYER Directeur général adjoint de l’EPF PACA
veau d’occupation important des zones d’activités productives existantes ainsi que le peu de réserve foncière aujourd’hui disponible. Et ce dans un contexte de pression foncière effective qui défavorise les opérations productives face à la concurrence d’autres activités plus rentables (logements, bureaux, commerces). Cette concurrence, avec le triptyque des activités les plus valorisables, se retrouve aussi dans les opérations de renouvellement urbain en centre-ville, mais la pression en périphérie pèse fortement sur le développement et l’accueil d’une grande partie d’activités qui n’ont pas d’autres solutions qu’une implantation péricentrale. La recherche de nouveaux sites susceptibles d’accueillir des activités productives est donc une nécessité. Bien que la réponse ̏extensive˝, s’agissant d’aménager de nouveaux sites d’activités, semble la plus évidente à court terme pour répondre aux besoins importants des entreprises, il est important aussi de regarder les solutions d’optimisation apportées par le renouvellement urbain des sites d’activités existants, d’en comprendre les contraintes multiples, financières et fonctionnelles, afin de cerner les possibles.
Les contraintes financières du renouvellement urbain des sites productifs : pourquoi ça bloque ? L’équation financière du renouvellement des sites économiques est souvent défavorable au maintien d’activités productives, du moins à 100 %. Pourtant, dans un contexte de raréfaction foncière et de conflits d’usages croissants sur les sites existants, la question de la production de capacité d’accueil d’entreprise par l’optimisation foncière des sites se pose. Voilà pourquoi, au coté de l’extension urbaine, des solutions opérationnelles au renouvellement urbain sont souhaitées. Dans les faits, on peut constater que ces solutions passent souvent par une introduction de mixité fonctionnelle, en particulier tertiaire ou commerciale, afin d’équilibrer les opérations. Cette mixité fonctionnelle, parfois totalement intégrée avec l’activité dominante du site, peut générer aussi des conflits d’usages avec des activités plus
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La prise de conscience de la nécessité de travailler collectivement sur le foncier économique est assez récente, notamment sur le champ de l’économie productive, avec la préoccupation associée de participer à la reconstitution d’une offre foncière économique adaptée à ce marché. L’EPF PACA l’a intégré dans son programme pluriannuel en 2010 comme un de ses axes stratégiques. À l’origine, c’est principalement dû à la nécessité de trouver des solutions à la réalisation de l’extension d’Euromed. Des études ont démontré par la suite le poids de l’activité productive dans l’économie locale et les problèmes rencontrés en termes de relocalisation d’entreprises eu égard à une offre foncière indigente ou inadaptée. L’étude de la MDER sur les sites industriels enclavés en 2013 a mis également en évidence la fragilité de 10 000 emplois dans les Bouches-du-Rhône pour la décennie à venir, du simple fait de leur enclavement dans l’espace urbain soumis à de fortes concurrences d’usages, ce qui a motivé la mise en place d’une stratégie opérationnelle. Le principal obstacle rencontré dans la réalisation d’opération de renouvellement d’espaces d’activités est d’ordre financier. En effet, le delta entre le coût de l’acquisition foncière et la remise sur le marché est défavorable à l’activité productive. D’où la nécessité de réguler les prix et de prévenir les conflits d’usages qui tirent les prix du foncier à la hausse en générant de fait une éviction de ces activités. Les parades existent, et ne sont pas forcément coûteuses lorsqu’il s’agit déjà de construire un récit partagé sur la nécessité d’intervenir en passant ensuite à une relecture appropriée des outils d’urbanisme règlementaires : PLU, SCoT, avant de mobiliser des outils plus opérationnels comme les ZAD (Zone d’Aménagement Différé), droit de préemption… À plus grande échelle sur la métropole AMP, l’étude engagée en partenariat avec l’INSEE a mis en exergue les zones de concentration d’emplois productifs où des politiques publiques pourraient être profitablement engagées par optimisation de l’usage de l’espace ou par densification. Dans le même esprit, l’EPF a participé activement à l’étude pilotée par la mission interministérielle afin de trouver des réponses aux besoins du monde économique sur la métropole sur l’ensemble des segments, qui sont estimés à environ 1 500 Ha pour les 15 années à venir. Ce qui motive cette démarche, c’est bien évidemment la nécessité de garder ou de reconstituer un socle productif minimum sur la métropole après une période de désintérêt pour l’accueil d’activité industrielle. L’épaisseur de ce socle reste à définir, de même que la part de renouvellement urbain à engager.
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Espaces économiques, ̏le droit de cité˝
̏extensives˝. Les prix du foncier productif, couplé aux coûts
mais aussi d’anticiper celles de demain. Pour cela, il doit
éventuels de démolition et dépollution, rendent difficile la
prévoir la mutabilité des affectations et la modularité des
relocalisation des activités les plus extensives sur sites.
usages.
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Le projet urbain permet également de viser des mesures Faible potentiel de densification, pollution des sites, contraintes immobilières et coûts de réhabilitation importants (environ 1 million d’euros/ha)
Faisabilité soutenue par un équilibre opérationnel favorable. Vecteur de densité et de mixité fonctionnelle.
générant des plus-values à la fois dans le domaine social, environnemental et économique. Dans ce sens, il favorise les approches intersectorielles, s’adresse aux experts des riats entre le public et le privé, entre l‘économique et le
BURE
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différentes disciplines concernées, valorise les partenaspatial. Enfin, un processus concerté permet d’instaurer un dialogue entre deux acteurs du développement des territoires, qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, l’urbaniste et l’entreprise.
N RENOUVELLEMENT URBAIN DES ESPACES D'ACTIVITÉS.
Intégrer les besoins de l’économie dans le projet urbain Au-delà des contraintes financières et des besoins fonciers, la question des espaces économiques devrait de manière automatique passer par une réponse transversale tenant compte des autres fonctions urbaines, l’habitat et les déplacements notamment. Intégrer la production d’espaces économiques dans une démarche globale d’urbanisme de projet nécessite de tenir compte de la complexité des attentes urbaines et fonctionnelles en interaction avec le fonctionnement global de la ville. L’objectif est de passer d’une simple réponse foncière aux besoins des entreprises à une approche plus transversale, intégrant les problématiques de déplacement, de densité, de qualité et d’intégrations urbaines. Il est nécessaire de trouver des solutions immobilières et financièrement viables pour réintégrer une partie de la petite activité et de la logistique, ainsi que l’industrie innovante et numérique au plus près des cœurs d’agglomérations, en tenant compte des évolutions technologiques et sociétales qui réinterrogent aujourd’hui le couple travail-mobilité. Cette approche est aussi source de plus d’efficacité dans la réponse au besoin de l’économie par la concertation qu’elle impose. En s’adressant à un lieu ou un territoire particulier, qui peut être une parcelle, un quartier, ou un territoire économique plus grand et en intégrant aussi le long terme, le projet urbain permet de tenir compte des demandes contemporaines des acteurs économiques,
Vers un outil d’évaluation de la mobilité des espaces économiques De part la diversité de ses compétences, l’Agam valorise pour son expertise les approches transversales. La localisation des entreprises est intimement liée aux conditions de la mobilité et l’impact urbain du développement économique est en premier lieu celui des déplacements. Les conditions d’accessibilité des sites peuvent être un facteur important d’attractivité et d’efficacité économique. Les acteurs économiques comprennent l’enjeu que représente la mobilité pour le fonctionnement des activités mais aussi pour le recrutement de leurs personnels. Pour cela il est nécessaire d’en avoir une lecture objective et partagée, en s’appuyant sur une expertise croisée entre besoins des entreprises, localisation urbaine et qualité de la desserte. Traditionnellement, l’accessibilité d’une entreprise s’analyse par rapport à sa proximité à un grand axe routier, une ligne de métro ou de tramway. Nous avons voulu compléter cette approche par la compréhension de la qualité du service offert et de la cible des utilisateurs. En s’intéressant aux acteurs, il est possible de mieux comprendre l’accessibilité selon les pratiques de déplacement : les salariés à faibles revenus ou sans accès à la voiture, ceux pour qui la performance des TC est une condition de leur usage, l’impact du renchérissement du coût de l’énergie ou de la saturation routière. Ces différents indicateurs s’appuient sur un modèle d’accessibilité multimodal – transports en commun, voiture, parcs relais développé sur le SIG de l’Agam. Quelques enseignements sont à noter après avoir appliqué cette méthodologie aux principaux sites d’activité existants et en projet. Globalement, les sites urbains sont logiquement beaucoup plus accessibles que les sites périurbains, grâce aux transports en communs existants, mais aussi leur plus grande proximité des zones d’habitations, en particulier populaire. Cependant, certaines zones de périphérie sont accessibles grâce à des transports en commun adaptés ou à la présence d’une gare bien desservie à proximité immédiate.
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Animer le dialogue et trouver des compromis
De nouvelles activités productives portées par une nouvelle génération d’entrepreneurs, notamment dans les filières innovantes et numériques, tapent à la porte des
Anticipant les critiques des conséquences sociétales de
centres-villes au côté du tertiaire et du commerce. La péri-
l’urbanisme des années 50 et 60, le sociologue et futuro-
phérie économique monofonctionnelle semble être remise
logue Alvin Toffler faisait le constat en 1971 que ̏l’une
en question dans sa vocation, et, avec elle, l’urbanisme
des choses les plus improductives de notre économie est
fonctionnaliste dans son découplage du couple travail -lo-
de déplacer chaque matin des millions de personnes vers
gement. De même que les modes de productions de capa-
des zones de travail puis chaque soir vers leur domicile˝.
cité d’accueil d’activités productives et logistiques trouvent
Cette remarque sur l’impact de la localisation urbaine du
de plus en plus des alternatives à l’extension urbaine, avec
travail semble trouver aujourd’hui un écho renouvelé. Les
pour l’instant une équation financière complexe.
aspirations d’un nombre toujours plus grand de salariés
La ̏ville durable˝, à l’heure d’internet, doit faire émer-
à de meilleures conditions urbaines de vie, conjuguées
ger dès à présent de nouvelles formes urbaines et im-
aux impératifs environnementaux de limitation de l’em-
mobilières pour l’économie, et s’adapter au double défi
preinte énergétique, ont un impact fort sur les nouvelles
de réponses aux besoins hétérogènes et souvent chan-
politiques urbaines en matière d’offre en espaces écono-
geant des entreprises tout en assurant des localisations
miques. Car, c’est bien la localisation de l’offre et les condi-
optimales pour les salariés. Pour l’urbaniste, c’est tenter
tions de son intégration qui sont ici interpellées.
d’animer le dialogue et de trouver des compromis entre
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le temps long de la ville et le temps court de l’économie, entre le besoin de plus de modularité des entreprises et les mouvements longs du développement urbain.
1. Alvin Toffler ̏le choc du futur˝, Denoël, 1971.
En savoir plus Bibliographie • ̏Work in process˝, nouveaux usages, nouvelles formes, Pavillon de l’Arsenal, 2013 • Sans bureau fixe, transition du travail - transition des mobilités, Bruno Marzloff, FYP, 2013 • Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, Frédéric Mialet, Programme BATEX, PUCA, 2011
Études Agam • • • •
REGARDS de l'Agam N°2 : Nouveau dialogue entre ville et commerce, Agam, janvier 2013 REGARDS de l'Agam N°18 : L'immobilier de bureau, mutations économiques et urbaines, Agam, février 2014 ̏Benchmark des formes urbaines et économiques˝, État des lieux, Agam, 2011 ̏Le foncier productif sur la métropole AMP˝, État des lieux, CCCIMP-Agam, 2014
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Directeur de la publication : Christian Brunner Rédaction : Laurent Couture, Isabelle Collet Conception / Réalisation : Pôle graphique Agam Marseille - Mai 2015 Numéro ISSN : 2266-6257
Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise Louvre & Paix – La Canebière – CS 41858 13221 Marseille cedex 01 Tél : 04 88 91 92 11 - e-mail : agam@agam.org
Toutes nos ressources @ portée de clic sur www.agam.org Pour recevoir nos publications dès leur sortie, inscrivez-vous à notre newsletter