LE LLOBREGAT DANS LA METROPOLE BARCELONAISE

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PAYSAGES MODERNES ET CONTEMPORAINS Georges FARHAT, Stéphanie DE COURTOIS, Jörn GARLEFF

LE LLOBREGAT DANS LA METROPOLE BARCELONAISE tronçon 2

Batlle i Roig

renaturation d’un fleuve Agathe.MONNET

2012-2013



Je remercie pour leur aide précieuse Mario Suner de l’agence Batlle i Roig, Pepa Moran et Victor Tenez, pour leur encadrement Georges Farhat, Stéphanie de Courtois et Jörn Garleff, pour leur soutien Erlend et la grande famille Monnet.


INTRODUCTION

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I // DEUX ACTIONS COMPLÉMENTAIRES OU INCOMPATIBLES?

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A/ le fleuve comme espace naturel vivant et dynamique

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B/ Le fleuve comme espace vert de loisirs citadin dans le respect du milieu naturel

A1. La renaturation, ébauche de définition A1.1.Théories générales A1.2.La renaturation selon l’Aire Métropolitaine de Barcelone (AMB) A1.3.Le projet de l’AMB

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B1. Un nouveau parc métropolitain B1.1.Une position-clé dans l’anneau vert de Barcelone B1.2.Le projet de Batlle i Roig, entre connectivité et accessibilité

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A2. Le projet de Batlle i Roig A2.1.Analyse de site avant projet A2.2.Action globale: un réseau d’actions ponctuelles A2.3.Action locale: le déflecteur, action polyvalente

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B2. Un parc en système dans un système de parcs B2.1.Le parc linéaire, manifeste de Enric Batlle B2.2.Du terrain vague au jardin de la métropole

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A3. Les limites du projet A3.1.Une multiplicité d’approches A3.2.La reconnaissance d’une nature changeant et active A3.3.La renaturation, jusqu’à quel point?

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B3. le projet de Batlle i Roig et sa perception B3.1.Des vues sur la métropole B3.2.Un parc en demi-teinte

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II // LA VILLE SUR LA CAMPAGNE : VERS QUEL DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ?

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A/ Un delta au bord de l’asphyxie

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B/ Le développement régional par le bas : la campagne se relève

A1. La ville sur la campagne A1.1.Le delta, réserve en eau et sol de Barcelone A1.2.Le projet d’Eurovegas ou la folie spéculative A1.3.Les quartiers Nord et Sud d’El Prat

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B1. L’essor des parcs comme symbiose entre paysage naturel et culturel B1.1.La constitution progressive des parcs B1.2.Faire parc, ou le paysage par la gestion

A2. Le plan delta, quand le destin bascule A2.1.Objectifs et compensations A2.2.L’extension de l’aéroport d’El Prat-Barcelone A2.3.L’extension du port de Barcelone

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B2. Quel modèle pour cette mosaïque d’espaces complexes? B2.1.Géo-morphologie du Llobregat B2.2.David contre Goliath ou les deux échelles du delta B2.3.Vers une écologie sociale et paysagère

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B3. Redéfinir le paysage aujourd’hui B3.1.La nouvelle culture de l’eau B3.2.Ville-campagne, le pas-de-deux B3.3.Le paysage, mémoire dynamique et intégrante

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CONCLUSION

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ANNEXES

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A3.La cristallisation d’un vieux conflit 57 A3.1.Trente ans de lutte contre la déviation du Llobregat A3.2.Llobregat et Garraf, symbôles de la naissance du mouvement écologique en Catalogne A3.3.La perception du Llobregat par les habitants d’El Prat au début des années 1990

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LA SEVA AIGUA BRUTA In Com s’estima un poble, de Agusti Vilar i Martinez, 1979 Photographie extraite de: l’Abans: Recull Gràfic de Sant Boi de llobregat(1892-1965). Editions de la Mairie de Sant Boi.

Vull respirar amb avidesa l’aire d’un mon més feliç . Vaig Baixar al riu i la seva aigua bruta damunt una migranya ferestega, lluny de les senyeres i arran dels records, que trencaven la pols dels camins i davallaven sobre les lloses de la veu d’un amic. Jo et sentia amic terriblement sol perqué una dona no volgué anar al cinema... i llepaves, al costat de l’arbreda i els 127 que cercaven la neteja dels seus esclaus, un odi fet d’antiguitats remotissimes. Amic, només, vaig baixar al riu i la seva aigua bruta damunt d’una migranya feréstega...


INTRODUCTION

La zone métropolitaine de Barcelone couvre la ville de Barcelone et les 36 villes environnantes, soit une superficie de 635,84 km2 où vivent 3 161 081 personnes. Elle forme ainsi l’une des plus denses agglomérations urbaines de l’Union Européenne avec 4 972 habitants/km2. Son principal réseau hydrographique est celui du Llobregat (le deuxième fleuve de Catalogne après l’Ebre), avec une longueur de 175 kms et un bassin de 4 948km2. C’est un fleuve de type méditerranéen, avec un débit moyen de 19m3/s, et un dénivelé total de 1259m1. C’est surtout un des atouts naturels majeurs dans le développement de la cité comtale, au même titre que son littoral ou ses montagnes. Son aquifère lui fournit sa première ressource en eau potable ainsi qu’un axe historique de développement de l’agriculture et de l’industrie, grâce tout d’abord à l’irrigation agricole, puis à la production d’énergie et au transport de marchandises. Mais les villes riveraines qui craignaient ses brutales inondations lui tournèrent le dos définitivement avec l’essor de l’industrie au XIXe siècle. Puis le XXe siècle le pollua, l’assécha, et déplaça son cours à maintes reprises pour installer les infrastructures nécessaires à une ville-monde. A l’aube du XXIe siècle, les villes de loisirs et d’écologie rêvent de joyeuses retrouvailles avec leurs espaces naturels. C’est ainsi qu’au nord de Barcelone, le Besos fut l’objet d’une opération de renaturation à la fin des années 1990 pour offrir ses pelouses proprettes aux habitants des quartiers riverains en cours de gentrification2. Des projets 1 Wikipedia. Llobregat [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) . http://ca.wikipedia.org/wiki/Llobregat 2 Dumay D. (2011), La renaturation d’un fleuve méditerranéen, le rio Besos, ou la transformation du paysage, mémoire master architecture, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de

sont alors prévus dès 2007 pour réhabiliter le Llobregat et contribuer à ce qu’il redonne du lien et de la cohésion territoriale entre les villes qu’il relie. Ce lifting écologique, qui permet de retrouver des espaces publics au bord du fleuve, ne se fera pas de n’importe quelles mains... Au moment de l’intervention sur le Llobregat, Enric Batlle et Joan Roig sont en effet les stars de l’architecture paysagère en Espagne. Leur production est extrêmement variée, allant du Parc de la Trinitat situé dans un rond-point auto-routier, à la renaturation d’une décharge dans le massif du Garraf au sud du delta du Llobregat, en passant par un système de parcs urbains à San Cugat. Ils sont également architectes et urbanistes, maîtrisent toutes les échelles de l’aménagement et leur agence créée en 1981 est prolifique. Enric Batlle est de plus professeur à l’université de Barcelone, et sa thèse publiée en 2002 sous le titre El jardin de la métropoli. Del paisage romantico al espacio libre para une ciudad sostenible3 a reçu le prix Lluís Domènech i Muntaner de Théorie et Critique d’Architecture. Le projet que nous étudierons ici est loin d’être leur projet le plus connu, bien qu’il s’inscrive dans l’une des grandes réflexions urbaines de la Barcelone actuelle et future à savoir, la ré-organisation de tout le sud de la métropole. Il redessine les berges du fleuve sur 6 kilomètres, quand le projet de renaturation global lancé par l’Aire Métropolitaine de Barcelone (AMB) s’attache aux 30 kilomètres que parcourt le Llobregat sur le territoire Versailles, 70p. 3 BATTLE E. (2012), El jardin de la metropoli: Del paisaje romantico al espacio libre para una ciudad sostenible, Barcelona: Editions G.Gili, 191p.

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métropolitain avant de se jeter dans la mer Méditerranée. Pour autant, il synthétise sur ces quelques 154 hectares de nombreuses questions essentielles dans la maîtrise du paysage aujourd’hui : la renaturation d’un fleuve pollué et fortement urbanisé, la réappropriation et le développement des loisirs citadins dans un contexte de fragile biodiversité, la difficulté de gestion des ressources naturelles et agricoles pour une métropole rapide croissance, et la démocratisation via concertation de l’aménagement des espaces périurbains. Malgré des faiblesses et des compromis, il est ainsi l’esquisse d’un nouveau rapport à la nature : une nature rangée dans des parcs identitaires et protecteurs, accessible depuis l’intérieur des villes via un cheminement qui structure l’immensité péri-urbaine. Comment les architectes-paysagistes articulent-ils leur action de renaturation dans un contexte hyper-urbanisé ? Concrètement, comment envisager la présence de l’homme dans un espace naturel riche, mais aussi fragile et dangereux ? Nous nous demanderons alors si les deux actions phare du projet de Battle i Roig, à savoir la renaturation du fleuve et la création d’un parc urbain, sont compatibles ou contradictoires dans un même espace. Que révèle alors ce projet sur les relations entre ville et campagne dans la métropole barcelonaise ? Quel modèle établir aujourd’hui pour équilibrer leurs rapports de force ? Quelle vision du paysage devons-nous imaginer à nouveau ? Le delta du Llobregat, d’une grande richesse biologique, a vu en effet disparaître plus de 90% de ses espaces naturels d’origine, sous la pression d’une Barcelone coincée entre mer et montagne. Et la cité comtale 8

devrait lui faire les yeux doux pour de nombreuses années encore, quand on sait qu’il s’agit en fait de sa dernière réserve de terrain plat ! Mais ce territoire au bord de l’asphyxie, qui jusqu’à présent à plutôt subit les différents plan d’aménagement de la ville, se relève et tente à présent de s’organiser via la gouvernance de différents parcs...


LA CATALOGNE en espagne

LE BASSIN DU L L O B R E G AT en catalogne BARCELONE et sa métropole

LE LLOBREGAT, PLUS GRAND BASSIN FLUVIAL DE LA RÉGION MÉTROPOLITAINE DE BARCELONE.

source: documents personnels élaborés à partir de vues GoogleMap 2012.


I/ DEUX ACTIONS COMPLEMENTAIRES OU INCOMPATIBLES ?

« Le fleuve a sa propre capacité de régénération, et dans ce projet, on la reconnaît et on la valorise. Ensuite, un autre point intéressant que développe ce projet est de reconnaître les besoins sociaux du fleuve. Et l’on peut en parler longtemps, en bien et en mal. »

Pepa Moran, le 16.12.2012


A/ le fleuve comme espace naturel vivant et dynamique

A1. La renaturation, ébauche de définition -THEORIES GENERALES « Les valeurs doivent être alors protégées et les fonctions développées. » 4 La notion de naturalité n’est pas absolue mais relative, car elle repose sur une distinction « homme nature » qui est philosophique et pour partie subjective, et donc non totalement mesurable par les sciences dites « dures ».5 Néanmoins, elle fait aussi appel à certains critères mesurables (distance à parcourir à partir des limites d’une zone jusqu’à la première maison, infrastructure ou construction humaine par exemple, le degré de fragmentation/ artificialisation par les infrastructures et constructions, présence/absence de cultures, forêts, zones d’activité, de mines, carrières, décharges, covisibilité, densité ou fréquence de présence humaine, etc.). La renaturation désigne donc des opérations d’aménagement restauratoire ou conservatoire consistant à restaurer le « bon » état écologique et paysager de sites que l’on estime dégradés par les activités humaines ou par l’absence de certains animaux (grands ou petits herbivores, fouisseurs, etc.). C’est ainsi que Victor Tenez, directeur technique du projet à l’AMB parle de « machine écologique »: on s’intéresse ici non pas à la forme mais à la dynamique, avec des techniques toujours plus ou moins expérimentales et facilitées par une gestion globale. 4

Enfin, il ne faut pas confondre renaturation avec retour à « l’état de nature », qui serait tout à fait impossible et utopique pour un fleuve métropolitain coincé entre un port et un aéroport de grande envergure. Paradoxe, s’il en est un, que l’on renature un espace naturel car il a un intérêt économique et urbain.

Consortium du Parc Agraire du Bas-Llobregat (2002), Plan

de gestion et développement, Barcelone: Editions La Terra, 77p. 5 WIKIPEDIA. Naturalité (environnement) [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) . http://fr.wikipedia.org/wiki/Naturalité_(environnement)

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- La renaturation selon l’Aire Métropolitaine de Barcelone (AMB) « Conserver les valeurs naturelles qui ont perduré et les développer. »6 Cette notion pouvant prêter à confusion, il est essentielle de définir préalablement des objectifs clairs et précis. Selon l’AMB, la renaturation est une intervention multi-factorielle pour récupérer le fonctionnement intégral du fleuve comme écosystème en équilibre dynamique avec son bassin, et non sectoriellement. « Processus de renaturation : La renaturation est un processus de longue durée et dont l’objectif final est d’obtenir la restauration des processus naturels du fleuve, c’est-à-dire de passer d’un fleuve dégradé à un fleuve renaturé, dans un état proche du naturel ou antérieur à la détérioration. Système soutenable : système naturel ouvert et dynamique avec un espace suffisant pour développer sa morphologie en équilibre, et avec la quantité et la qualité d’eau, en magnitude et à l’époque/cycle, pour permettre la structure et le fonctionnement de l’écosystème. »7 L’AMB y distingue alors 4 étapes, à savoir l’amélioration, le conditionnement, la réhabilitation et renaturation. Cette dernière phase correspond à la recréation d’un système soutenable et autonome qui nécessite donc moins d’entretien et inclut, 6 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). Projecte-Marc de Recuperacio Medio-ambiental de l’Espai Fluvial del Llobregat a la Comarca del Baix Llobregat. Mancomunitat de Municipis de l’Àrea metropolitana de Barcelona. Document PDF. p33. 7 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). op.cit. p32.

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outre les chantiers, un travail de sensibilisation sociale et politique. L’idée de fond est que plus on « renature » et moins l’on devra entretenir par la suite. « Amélioration : Intervention sur un ou plusieurs facteurs environnementaux, mais pas tous, avec des objectifs concrets et sectoriels. Amélioration esthétique, de l’accessibilité, de l’usage ludique, de la protection civile. Parc fluvial du Besos Conditionnement : Intervention sur plusieurs facteurs environnementaux pour améliorer les conditions du milieu naturel, mais sans les corrections préliminaires du fonctionnement hydrologique du milieu physique. Plantation de végétation sur les rives.. Marécages de Molins Réhabilitation : Intervention pour améliorer le système fluvial et le développement d’habitats qui lui sont propres, en respectant les usages existants. Disparition des canalisations, création de terrasses fluviales inondables, recharge de l’aquifère, régulation du débit. Renaturation : Intervention multifactorielle pour récupérer le fonctionnement intégral du fleuve comme un écosystème en équilibre dynamique avec son bassin, et non sectoriellement. Interventions conjointes pour récupérer la liberté du fleuve: acquisition publique de sol privé, disparition d’infrastructures et services politiques d’amélioration de la qualité de l’eau... »8 8 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). op.cit. p32.

Ainsi, la complexité du processus de récupération de l’Espace fluvial implique nécessairement une approche interdisciplinaire et une importante conscientisation sociale et politique. L’AMB précise bien ne pas prétendre à un milieu naturel qui s’est évanouit, car ni le fleuve et la végétation du XIXe siècle n’existent actuellement. Ce qui est nécessaire, c’est de conserver les valeurs naturelles qui ont perduré et les développer. Il s’agit de faire des propositions pour sauvegarder des milieux naturels potentiellement intéressants, et dans le meilleur des cas en créer de nouveaux. Ces propositions agiront sur trois milieux différents : le milieu physique, le milieu naturel et le milieu humain. Le milieu physique correspond au socle de toute vie (géographie, géologie, hydrologie), le milieu naturel à l’ensemble de la vie animale et végétale, et le milieu humain à l’espace définit par l’homme. L’AMB analyse les relations entre ces trois milieux et établit les bases du projet ainsi : le milieu naturel dépend normalement de la qualité du milieu physique, mais aussi désormais de l’action du milieu humain sur les milieux physiques et naturels. Alors, n’importe quelle intervention dans le territoire de l’Espace fluvial qui souhaite rétablir un l’équilibre environnemental se produit par une action soit dans le milieu physique, soit dans le milieu humain, et provoquera des effets directs dans le milieu naturel. Le bon état du milieu naturel est donc l’objectif de la renaturation de l’Espace fluvial. Ce sont ces trois milieux qui organiserons les différentes actions de la renaturation selon l’AMB.


LA RENATURATION SELON L’AMB

milieu naturel renaturation

“Conserver les valeurs naturelles qui ont perduré et les développer.” in: plan de gestion du parc agraire Intervention multifactorielle pour récupérer le fonctionnement intégral du fleuve comme un écosystème en équilibre dynamique avec son bassin, et non sectoriellement.

réhabilitation

diagramme élaboré à partir des théories de l’AMB, 2012

conditionnement

amélioration

milieu humain

milieu physique

amélioration: le Besos 1995-2004

renaturation: le Llobregat 1994-2009


LE PROJET DE L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE BARCELONE “ S’il n’y a pas de minéralisation de l’espace, érosion sévère ou disparition de l’information génétique, tout système naturel dégradé est récupérable à court ou moyen terme.” source: - brochure du Parc du Fleuve Llobregat, 2012 - document personnel élaboré à partir d’un plan des architectes concepteurs Batlle i Roig

PHASE 1

PHASE INTERMEDIAIRE

PHASE 2 PHASE DELTA

0

1km


- le Projet de l’AMB : diagnostic et objectifs de la renaturation La convention pour la renaturation du Llobregat dans son cours métropolitain fut signée en septembre 2001 par le Conseil Comarcal du BasLlobregat, la Députation de Barcelone et la Communauté de Communes de l’Aire métropolitaine de Barcelone. Elle chargea cette dernière institution de disposer et diriger l’équipe technique désignée pour rédiger le travail. Selon la Convention : « Ce projet directeur prétend recueillir les interventions nécessaires pour effectuer dans l’ensemble des rives et du système fluvial du fleuve Llobregat pour le restaurer comme espace naturel et le récupérer comme lieu de loisir pour les habitants. » Cet objectif ce concrétise à travers : - la délimitation de l’espace fluvial - la proposition d’un cadre de projets dans l’Espace fluvial, à l’échelle et au caractère varié : local, supra-municipal, provincial, etc... 12 actions furent listées9 : 1. Créer une politique conjointe pour la renaturation de l’espace fluvial 2. Maintenir ou augmenter l’espace de liberté du cours ordinaire du fleuve 3. Bloquer la progression indéfinie de la superficie urbaine et des usages non conformes à l’espace fluvial 4. Établir les conditions du passage des infrastruc9 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). Projecte-Marc de Recuperacio Medio-ambiental de l’Espai Fluvial del Llobregat a la Comarca del Baix Llobregat. Mancomunitat de Municipis de l’Àrea metropolitana de Barcelona. Document PDF. p34.

tures dans l’espace fluvial 5. Améliorer le fonctionnement hydrologique du système fluvial 6. Préserver l’interaction entre les eaux superficielles et souterraines 7. Améliorer la qualité de l’eau 8. Améliorer la structure et la qualité de la végétation dans l’espace fluvial 9. Potentialiser la diversité des habitats naturels 10. Intégrer le patrimoine culturel à la renaturation de l’espace fluvial 11. Conditionner et rendre compatibles l’accessibilité à l’espace fluvial 12. faire des actions concrètes, valoriser les résultats et programmer l’entretien Les actions 2, 5, 6 et 7 concernent le milieu physique ; les actions 1, 3, 4, 10, 11 et 12 s’attaquent au milieu humain, tandis que les 8 et 9 représentent les objectifs finaux à observer dans le milieu naturel. Bien que ces actions peuvent être gérées de façon indépendante, c’est bien l’ensemble qu’il faut considérer pour aboutir à une véritable renaturation du fleuve. Le coût estimé fut de 168.791.181 euros, sur une surface de 1.193 hectares, avec une module d’entretien de l’espace fluvial de 0.6 euros/m2. La proposition de renaturation de l’espace fluvial s’articula selon trois axes de travail : lit du fleuve, unités d’intérêts, accessibilité. La récupération du lit fluvial est la première condition pour engager les étapes suivantes du processus de récupération. Il s’agit donc d’un espace longitudinal, géré par l’Agence catalane de l’eau, dont les actions phare sont l’amélioration de la qualité

hydrologique et la gestion des usages du sol et des service dans le milieu humain. La récupération via les unités d’intérêts s’attache aux zones entre l’espace péri-urbain et le lit du fleuve, en valorisant l’Espace fluvial comme nécessaire et avec des usages socio- environnementaux propre. L’agent administratif est ici l’administration locale ou l’association de plusieurs d’entre-elles. Enfin, la récupération de l’accessibilité, liée à l’usage du sol et au patrimoine, met en relation les éléments d’intérêts analysés, les communes et le réseau de mobilité présent dans le territoire. Agissant sur un réseau existant et neuf, la récupération se divise en deux parties : les chemins longitudinaux et les chemins transversaux, toutes deux ayant comme but de « rapprocher » le fleuve de ses habitants.

QUELQUES DONNÉES 50 kms de fleuve traités 20 communes concernées 1.601,20 ha total d’espace fluvial délimité 284,05 ha appartiennent au Plan Delta, 1.317,15 ha sont considérées dans le projet directeur, à savoir : 1.193,11 ha traités d’Espace fluvial, dont : -848,90 ha dans le lit du fleuve -344,21 ha de berges, divisées en 15 unités d’intérêts 124,04 ha d’espace agraire, hors unités d’intérêts 117,26 km de chemins traités pour la récupération de l’accessibilité, dont : 89,05 km de chemins longitudinaux 28,21 km de chemins transversaux

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A2. Le projet de Batlle i Roig -ANALYSE DE SITE AVANT PROJET « Le tronçon du fleuve en question se caractérise comme étant le résidu de l’espace que la ville et les usages adjacents ont laissé à la marge ». 10 Le projet ici étudié ne représente qu’une portion de 6 kilomètres d’un travail plus global sur les 30 derniers kilomètres du Llobregat, à savoir son parcours dans la région métropolitaine. Il s’étend sur 154 ha (avec une largeur moyenne de 280m) appartenant à six communes différentes : Sant Boi del Llobregat, Sant Joan Despi, Cornella del Llobregat, El Prat del Llobregat, L’Hospitalet del Llobregat, et Barcelone. 11 A l’endroit du projet, le fleuve n’est plus qu’un ruissellement d’eau, faible et rectiligne : 72% de sa flore est considérée altérée et de mauvaise qualité12 (hors il y a de nombreux habitats pour les oiseaux et les petits mammifères), les différents travaux d’infrastructures ont terminé leurs chantiers en laissant de grandes plaques de terre durcie et asséchée, et ses berges furent envahies par les jardins ouvriers dans le méandre de Sant Boi del Llobregat. Enfin, de nombreux sols furent altérés par l’extraction à ciel ouvert. C’est le tronçon le plus abîmé du Llobregat, ses 10 Agence Batlle i Roig (2010). Proyecto de recuperacion medio-ambiental del espacio fluvial del rio Llobregat en la Comarca del Baix-Llobregat, Tramo 2. Archives Batlle i Roig, Document pdf. p4. 11 ibid. 12 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). Projecte-Marc de Recuperacio Medio-ambiental de l’Espai Fluvial del Llobregat a la Comarca del Baix Llobregat. Mancomunitat de Municipis de l’Àrea metropolitana de Barcelona. Document PDF. p14.

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champs cultivés ayant progressivement laissé place aux zones industrielles et aux infrastructures routières. Le Llobregat, espace non-constructible par définition, est devenu l’endroit idéal pour y installer ce que les villes rejettent : les routes et voies ferrées, les réseaux de grande échelle (il y a ainsi deux gazoducs qui relient le port de Barcelone à celui de Tarragone, ainsi que plusieurs réseaux électriques) et les industries. Il fut d’abord canalisé, puis dévié en 1992 pour la construction du périphérique sud de Barcelone (la Ronda de Dalt). Ces infrastructures morcellent le territoire, séparent les villages anciens, les zones industrielles et les espaces naturels ou agricoles, et encadrent le fleuve, privant les habitants riverains de ce grand espace naturel. Sant Boi en est l’exemple ultime, où son église se trouvait à moins de 200m du fleuve mais sans aucun accès! Il est traversé par 5 ponts pour voitures ou train, mais un seul pont piéton au niveau du centre commercial de Cornellà del Llobregat. Les architectes Batlle i Roig héritent donc d’un paysage où se juxtaposent 2 échelles : l’échelle locale et ancienne du delta agricole, et l’échelle plus récente de la banlieue métropolitaine avec ses zones industrielles et ses grandes infrastructures. Enfin, ce fleuve est depuis toujours un espace de danger pour l’homme, du fait de ses inondations aussi violentes que soudaines. Les différents plans d’urbanisme se sont attachés à la protection des villes via des buttes protectrices et des infrastructures routières dans l’espace fluvial, mais l’on remarque que El Prat serait fortement touchée en cas de très grande crue (période de retour 500 ans).13 13 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). op.cit. p8

-ACTION GLOBALE/ un réseau d’actions localisées : Le projet avait comme objectif de convertir le Llobregat en « un espace naturel de qualité, accessible, connecté avec son environnement et intégré au paysage »14 dans la métropole. Concrètement, il s’agit de lui garantir une nouvelle accessibilité piétonne et de régler les espaces adjacents en les dotant de zone de parking ponctuels et de zones de repos, tout en lui conférant un critère paysager propre qui le convertisse en véritable espace naturel accessible et visible . Les architectes-paysagistes souhaitèrent ainsi donner au fleuve une image d’ensemble, parce que ce critère de traitement unitaire permet de faciliter son entretien en plus de lui redonner une présence. Le développement de leur proposition s’enracina dans deux paradigmes selon eux complémentaires : - le fleuve comme espace naturel vivant et dynamique, en constante évolution - le fleuve comme espace vert de loisir citadin dans le respect du milieu naturel Le projet s’établissant sur un vaste territoire, l’agence proposa non pas des interventions extensives et dans toute la surface du projet, mais à l’inverse un réseau d’actions concentrées car moins coûteuses et plus faciles à contrôler. Elle s’articule en une restauration d’un état biologique autonome, via une amélioration de la qualité et de la quantité de l’eau, la re-méandrification du cours du fleuve, l’éradication mécanique de plantes invasives et la plantation cohérente d’espèces autochtones. Renaturer le Llobregat, c’est aussi résoudre la rela14

Agence Batlle i Roig (2010). op.cit. p6.


UN FLEUVE HABITÉ source: - photographies personnelles, 2012 - document personnel élaboré à partir d’un plan des architectes concepteurs Batlle i Roig

Le Llobregat est un espace naturel riche, abritant de nombreuses espèces d’oiseaux Le parc agraire du delta du Llobregat est une des terres les plus fertiles de Catalogne. protégées dans son delta.

1km

Le Llobregat traverse la métropole de barcelone pendant ses 30 derniers kilomètres.

Le fleuve fut un axe structurant pour le développement de l’industrie catalane.

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Le Llobregat est le lieu de passage idéal pour les infrastructures linéaires hors la ville.

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TGV ROUTES RENFE POTAGERS ZONES DÉSERTIFIÉES OU AFFECTÉES PAR LES INFRASTRUCTURES BRAS DE LIT SEC BRAS DE LIT ISOLÉ CHEMINS FLUVIAUX PASSERELLE PIÉTONNE

UN FLEUVE FORTEMENT ENDOMMAGÉ PAR LES DIFFÉRENTS TRAVAUX L’état du fleuve avant projet source: document personnel élaboré à partir d’un plan des architectesconcepteurs Batlle i Roig

BATLLE I ROIG, DES PAYSAGISTES EMBLÉMATIQUES EN CATALOGNE:

Renaturation de la décharge du Garraf, gavà / Parc de la Trinitat, Barcelone source: Batlle i Roig


tion des villes avec les bords de fleuve, permettre la connexion entre les deux rives fluviales, coudre les réseaux de chemins déjà existants, et faire une proposition de végétation cohérente avec les ressources hydriques disponibles. L’action se veut donc ponctuelle, économique et non invasive, dans le but de redonner une image unitaire à ce lieu pour qu’il devienne un espace naturel et social à la fois. Récapitulatif 15: + qualité hydrologique : - amélioration de la quantité et la qualité de l’eau, plan géré par l’Agence Catalane de l’Eau (ACA) : * à cause des multiples captations et dérivations d’eau en amont de Sant Joan Despi, le débit dans le tronçon du projet est souvent en dessous des limites établies par le Plan Sectoriel de Débit de Maintenance (Agence Catalane de l’Eau, 2006). La station d’épuration Depurbaix reverse donc une partie de cette eau propre dans le fleuve (2 m3/s), ce qui permet en outre de diluer la pollution de l’eau. *installation de filtres verts au niveau des sorties d’eaux usées des municipalités de Sant Boi, Cornellà et l’Hospitalet. On utilise ainsi les nouvelles plantes de rive pour fixer le terrain et éviter l’érosion. De plus, ces espèces très résistantes aux variations du niveau de l’eau, utilisent le phosphore et l’azote pour croître et retenir les substances polluantes. - élaboration d’une nouvelle gestion des inondations : redonner son espace au fleuve, en déga15 Agence Batlle i Roig (2010). Proyecto de recuperacion medio-ambiental del espacio fluvial del rio Llobregat en la Comarca del Baix-Llobregat, Tramo 2. Archives Batlle i Roig, Document pdf. p7-14.

geant l’espace fluvial près de Sant Boi dans le grand méandre, jusqu’alors occupé par des jardins ouvriers. Mesures complémentaires de nettoyage des déchets étant restés suite aux différents chantiers (TGV, etc...), ainsi que des sols altérés ou asséchés. + qualité biologique : - éradication des espèces allochtones invasives (principalement l’Arundo Donax ou Canne de Provence), aux abords de Sant Boi, en amont de la passerelle piétonne de Cornellà, et en aval du pont de la C-31 - stimulation des espèces autochtones de rive. Les plantations d’arbres et de fourrés se structurent en bande selon les besoins phréatiques de chacun, en suivant les lignes typiques de la végétation riveraine : pré fluvial (jonc, osier), strate arbustive (saule pourpre, saule blanc, cornouiller sanguin) et strate arborée (peuplier blanc, orme champêtre, frêne, aulne glutineux). Plantation ponctuelle là aussi, à partir des déflecteurs (cf. partie A.3.) et de zones d’intégration supplémentaires. - traitement des cours d’eau qui se jettent dans cette partie du Llobregat, avec toujours l’éradication des espèces allochtones invasives (Canne de Provence) et la plantation d’espèces locales (lierre grimpant, chèvrefeuille des Baléares, joncs, saule roux). - pour améliorer leur intégration, végétalisation le long des chemins et des aires de repos avec de la flore typiquement méditerranéenne, sans être forcément liées au milieu fluvial. La zone de repos de Sant Boi, proche du centre-ville, assume plus clairement un usage ornemental des plantations.

-faune : les îles localisées comme refuge pour de nombreuses espèces d’oiseaux, reptiles et amphibiens ne subiront aucune action d’extraction ou de plantation. + qualité morpho-dynamique : - déflecteurs : favoriser la formation du lit méandriforme en eaux basses, avec une largeur de 40 mètres et une longitude de courbe d’environ 500m, grâce à la construction de mottes de pierres remplies de terre et plantées par la suite d’espèces autochtones. (cf paragraphe suivant) - les différentes parties du lit ont été creusées ou surélevées dans le but de définir un bras principal en eaux basses qui concentre la capacité et la connectivité fluviale, et un bras secondaire au cas où le débit viendrait à augmenter.

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-ACTION LOCALE/ Le déflecteur comme action localisée et polyvalente Un déflecteur est un dispositif qui permet de modifier la direction d’un écoulement16. C’est une action ponctuelle et limitée qui se concentre sur la dynamique du fleuve, pour reconstituer la biodiversité de façon autonome. Comme le disent les architectes, « l’intention est que le nouveau lit se forme via des actions « passives », laissant le fleuve modeler lui-même ses méandres »17. C’est un outil de plus en plus utilisé non seulement pour reméandrifier un cours d’eau, mais plus généralement pour toute réorientation et diversification du courant, dés-envasement du centre du lit, accumulation de sédiments en bordure du lit en aval de la structure ou bien lutte contre l’érosion des berges. Les déflecteurs sont des amas de pierre ou de bois situés de façon stratégique pour que le chenal en eaux basses suive la proposition projetée. Généralement, les tronçons longs, droits et paresseux d’un cours d’eau sont les endroits qui se prêtent le mieux à la construction de déflecteurs. Pour accentuer et guider -mais non endiguer- le régime d’écoulement normal, et former ainsi un méandre, il faut disposer les déflecteurs en chicane et à une distance l’un de l’autre de cinq à sept fois la largeur du cours d’eau.18 16 LAROUSSE. Dictionnaire de français/ déflecteur [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) . http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9flecteur/22715 17 Agence Batlle i Roig (2010). Proyecto de recuperacion medio-ambiental del espacio fluvial del rio Llobregat en la Comarca del Baix-Llobregat, Tramo 2. Archives Batlle i Roig, Document pdf. p13. 18 PECHES ET OCEANS CANADA. Déflecteur [en ligne]

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Ces nouveaux méandres permettent ainsi de diversifier le débit : une accélération sur le rebord amont du déflecteur y augmentera la profondeur de la lame d’eau, tandis qu’un ralentissement en partie avale crée une fosse plus calme idéale pour la faune aquatique et où les alluvions se déposent de façon ordonnée (les particules lourdes d’abord, puis les plus légères). Ce nouvel amas d’alluvions permettra à la flore de réapparaître, et donc à la faune de se développer à nouveau. Enfin, une accélération du courant permet d’oxygéner l’eau et de redonner sa capacité auto-épuratrice au fleuve.19 Dans ce projet, le déflecteur est une structure en pierre amoncelées dans la rive du fleuve pour le forcer à se dévier de son lit. Les déflecteurs furent construits avec des blocs de rochers (de 400 à 800 kgs) encastrés dans les berges et pénétrant dans le cours d’eaux basses avec une longitude minimale de 10m. Les rochers sont enterrés de 0.5m dans le lit du fleuve, et leur hauteur au-dessus du niveau d’eau moyen diminue progressivement de la berge vers le lit, où la maximale est de 1 mètre. Enfin, l’angle formé par la face amont du déflecteur (celle qui brise le courant) avec la berge est d’environ 35°.20 Quelques mouvements de terrain ont dû être ajoutés de façon ponctuelle, en surélévation ou (page consultée le 19/09/2013 ). http://www.nfl.dfo-mpo.gc.ca/ f0005388 19 PIERRON F., MONNIER D.(2005), La restauration physique des cours d’eau dans le nord de la France, Conseil Supérieur de la Pêche, Document PDF p10. Disponible sur: http://www.riviere-languedocroussillon.fr/telechargement/ autres/RestaurationPhysiqueRiviere.pdf (page consultée le 19/09/2013 20 Agence Batlle i Roig (2010). op.cit. p14.

en abaissement, pour que l’eau prenne la bonne direction. En cas d’inondation, le fleuve sortira de son lit pour occuper les bras « morts » ou « secondaires » indiqués dans les plans. De cette façon est maintenu en temps normal un débit suffisant à la connectivité fluviale, sans perte de capacité hydraulique. Ces déflecteurs furent enfin l’occasion de créer les premières « unités d’implantation » de la flore autochtone. L’amas de pierre fut rempli de terreau et nivelé avec le terrain supérieur, puis planté avec des bandes de différentes espèces caractéristiques des communautés de berges, elles-mêmes distribuées en bandes en fonction de la distance du cours d’eau et de la profondeur du niveau phréatique.21 Ainsi s’organisa la distribution dans ces unités : - dans les premiers 5m du déflecteur, à proximité du cours d’eau : il s’agit du pré fluvial, avec des joncs (Scirpus holoschoemus) et de l’osier (Salix Eleagnos) - des 5m jusqu’à la zone occupée par la berge, se trouve la bande de végétation arbustive. Les espèces plantées sont le Saule pourpre (Salix Rubion), le Saule blanc (Salix alba), et le cornouiller sanguin (Cornus sanguínea). - de la berge jusqu’à une frange variable en fonction de la largeur et des conditions d’inondation, fut implantée la strate arborée, formée de peupliers blanc (Populus alba), ormes champêtres (Ulmus minor), frênes (Fraxinus angustifolia), aulnes glutineux (Alnus glutinosa).

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Agence Batlle i Roig (2010). op.cit. p7.


lit de fleuve canalisé.

installation de déflecteurs. les nouveaux méandres créent une variété de courants.

LE DÉFLECTEUR PERMET DE RECRÉER UNE MORHO-DYNAMIQUE FLUVIALE QUI S’AUTO-RÉGÉNÈRE.

source: documents personnels élaborés à partir de photographies des architectes concepteurs Batlle i Roig

dépôt des alluvions en aval du déflecteur.

développement de la flore et de la faune, encouragées par la plantation d’espèces locales sur le déflecteur.


Le parc Emscher dans la vallée de la Ruhr. Photographie de 2009 par W. MENZIES, sur wsmenzies_blogspot.com. Le parc de la rivière Guadalupe à San José en Californie. Photographie de 2011 par J.LAMBERT, sur kudzucocktail_blogspot.com.

Parc de la Feyssine à Lyon. Photographie de 2007 par Fred BANCHET, sur www.panoramio. com/photo/3779433 Parc du fleuve Besos à Barcelone. Photographie de 2012 par JA. TORRON CASTRO sur http:// veoveo3.blogspot.fr/2012/10/riu-besos-032-045.html.


A3. Les limites du projet - Une multiplicité d’approches Emscher Park (Ruhr, Allemagne, 1989) Ce parc est composé de friches industrielles, de forêts revalorisées et d’aires récréatives qui ensemble offrent une véritable infrastructure verte pour toute la région. A l’époque une des zones les plus polluées du monde, la Ruhr a désormais retrouvé une nouvelle jeunesse. Avec l’« International Building Exhibition (IBA) at Emscher Park », initiée en 1989, les symboles de l’industrie abandonnée furent transformés pour servir de nouveaux usages de loisirs, tout en préservant la riche histoire de la région. Le redéveloppement a donné au territoire une image plus écologique, créé une communauté plus soudée, et maintenu l’identité régionale. C’est l’ancêtre, la référence première, l’avantgarde. Le projet est d’une toute autre ampleur, et intègre plus de bâti au projet de renaturation. Véritable projet économique, c’est paradoxalement là qu’il puise sa force et la source du succès. Le paysage est fiancé par l’économie, elle-même relancée par le projet paysager. Équivalent de l’effet Bilbao pour le paysage, ou quand un grand projet permet de redorer l’image régionale et d’attirer le tourisme. Mais le contexte était différent du cas barcelonais, puisqu’il s’agissait d’une région en déréliction plutôt que sous grande pression urbaine, d’où une plus grande amélioration possible. Ce type de projet serait tout à fait possible avec le patrimoine exceptionnel du Llobregat, mais il y a un clair manque d’ambition et de moyens de la part des autorités quand à la valorisation du patrimoine naturel et architectural. Ainsi, les nom-

breuses colonies textiles ne sont pas vraiment réutilisées : Barcelone possède-t-elle suffisamment d’attraits touristiques pour ne pas avoir eu le besoin de ce parc industriel jusqu’à présent ?22 Guadalupe River Park (San José, USA, 1996) : Il s’agit d’un projet de renaturation et de parc urbain à San José en Californie, réalisé par l’agence Hargreaves. C’est un projet à l’américaine, avec beaucoup de moyens et très dessiné. Il s’agit en fait d’un parc linéaire de 5 kilomètres incluant une succession d’activités pour le public. « Le Parc de la rivière Guadalupe est le paradigme du projet contemporain intégrant le contrôle des inondations avec un parc majeur de récréation et un lieu d’habitat naturel, exprimé comme produit culturel »23 Une brève visite sur le site internet du parc 24montre combien celui-ci est extrêmement dynamique, et beaucoup plus en contact avec les riverains du fait de sa situation au cœur de la ville de San José. Ainsi, des ateliers sont organisés régulièrement pour faire participer les habitants aux actions d’entretien et de protection de l’environnement. De plus, le parc est beaucoup plus aménagé, avec de nombreuses aires de jeux et de repos. Enfin, le fleuve est plus visible que le Llobregat, et les chemins 22 DAC & CITIES. Emscher Park: From dereliction to scenic landscapes [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.dac.dk/en/dac-cities/sustainable-cities-2/allcases/green-city/emscher-park-from-dereliction-to-sceniclandscapes/?bbredirect=true 23 HARGREAVES. Guadalupe River Park San Jose, California [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) http://www.hargreaves.com/projects/PublicParks/GuadalupeRiverPark/ 24 GUADALUPE RIVER PARK CONSERVANCY. [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.grpg.org/

s’en approchent, le frôlent à maintes reprises. Le but est de « placer la nature » au cœur de San José, pour faire un « parc central dynamique, iconique et de réputation mondiale ». Voici quelques exemples d’événements participatifs : « Celebrate the harvest at San Jose’s premier autumn extravaganza, Pumpkins in the Park. It’s spooky to see how much your family will learn about conservation, the environment, and their park while they think they are just having a blast carving pumpkins, building scarecrows and sipping cider. This is a FREE event. » « Have you ever wondered what lives in the Guadalupe River? Bring your family and come learn about the Guadalupe watershed and the federally endangered salmon and trout that call it home. Participating families will help us collect aquatic insects and do water quality testing to help us make sure the river is healthy. It’ll be a great day to have fun as a family and learn about your river!»25 Parc de la Feyssine (Le Rhône, Lyon, 2002) C’est récemment un des meilleurs exemples en Europe, avec une action phare dans la ville de Lyon où tous les quais ont été complétement réaménagés. Le Rhône possède un débit beaucoup plus élevé que le Llobregat, avec un volume moyen de 1700 m3/s qui peut atteindre 13000 m3/s lors de crues comme celle de 2003 dans le sud de la France.26 En outre, son climat est plus tempéré. 25

GUADALUPE RIVER PARK CONSERVANCY. Events [en

ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.grpg.org/ourevents 26 LA FEYSSINE PARC NATUREL URBAIN. Patrimoine naturel, le Rhône [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) http://parc-feyssine.villeurbanne.fr/patrimoine_naturel_rhone. blog

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Mais l’on y trouve toujours cette même volonté de créer un « corridor écologique», avec ici le rôle de lien entre le parc de la tête d’Or au nord de Lyon et le parc Miribel Jonage de Villeurbanne. « Un corridor écologique désigne une liaison aquatique ou terrestre utilisée par des espaces sauvages (principalement faune mais aussi flore pour les flux de graines) pour accomplir leurs déplacements. Chaque corridor fait l’objet d’une utilisation spécifique ou certains servent d’axe de déplacement pour la grande faune alors que d’autres sont utilisés quotidiennement par les mêmes individus effectuant une sorte de ronde pour rechercher de la nourriture. Les corridors écologiques sont assemblés au sein d’un réseau global (la trame verte et bleue) pour lequel le Grenelle de l’Environnement a pris certains engagements de préservation. » Ce parc promeut la gestion différenciée : elle fait évoluer le modèle horticole standard en intégrant à la gestion des espaces verts un souci écologique, à savoir un souci constant de la préservation des ressources naturelles. Il s’agit d’appliquer à chaque type d’espace naturel une intensité et une nature de traitement adapté. Un exemple classique est de ne pas tondre systématiquement et souvent toutes les surfaces enherbées, car cela conduit à n’obtenir qu’un même milieu (pelouse rase), presque monospécifique, c’est-à-dire banal et très appauvri en biodiversité, ne développant que peu de services écologiques, peu utile pour la faune hormis pour quelques espèces invasives ou ubiquistes. Elle repose également sur la mise en place d’objectifs précis tenant compte des moyens humains mis à disposition. Ainsi la direction définit-elle son action : « La Direction paysages et nature de la Ville de Vil24

leurbanne, en charge notamment de la création et de l’aménagement des parcs et jardins, privilégie de nouvelles méthodes de gestion des espaces verts : la « gestion différenciée ». Mieux prendre en compte les fonctionnements naturels, faire avec et non contre la nature, respecter les équilibres naturels en préservant la faune et la flore locales et les ressources naturelles (l’eau, l’air et les sols) en sont les principaux enjeux. »27 Parc du Besos (Barcelone, renaturation des années 90 jusqu’en 2004, date de l’inauguration du dernier tronçon) Cf Mémoire Damien Dumay C’est le projet le plus proche du Llobregat, du moins d’un point de vue physique et climatique. Ainsi, malgré un passé similaire au Llobregat, de rejet d’une nature dangereuse et sale, le projet d’ « amélioration » ne rechercha pas du tout à valoriser une nature sauvage : il y a peu ou pas d’animaux dans les lieux réservés au public, à part peut-être quelques canards... C’est que le projet évite toute confrontation directe entre le public et la vie fluviale. Ce qui est très intéressant de noter, c’est en effet que les différents usages liés au public ou à la reproduction de la biodiversité sont séparés et placés dans des tronçons différents du fleuve. De plus, le Besos dispose d’un espace fluvial nettement plus réduit, et bénéficia donc d’une action plus minime. Pas de reméandrification mais un travail sur la qualité de l’eau et le système d’inondation. Le projet organise principalement des bassins de rétention adaptables ainsi qu’une grande

pelouse pour les jeux et pique-niques des riverains. Je citerai un extrait du mémoire de Damien Dumay pour décrire les bases de ce projet : « La renaturation du fleuve se caractérise par la mise aux normes européennes des stations d’épuration du Besós et de Montcada i Reixac et la création d’un Parc Fluvial de plus de 9 km de long, qui s’étend de Montcada i Reixac jusqu’à l’embouchure. Le Parc se divise en trois zones bien distinctes, et chacune d’entre elles a un rôle important dans la renaturation du fleuve. La première est située dans un environnement peu urbanisé et se compose de zones humides qui, en association avec les stations d’épuration permettent le traitement des eaux résiduaires et donc l’amélioration de la qualité de l’eau. La seconde partie, la plus urbanisée, se compose d’un lit central et de berges. Le lit central est équipé de barrages gonflables qui contrôlent le niveau de l’eau. Sur les berges nous trouvons des pelouses et des pistes cyclables dédiées aux loisirs urbains. Enfin, le dernier tronçon est l’embouchure du rio Besós. Le lieu est transformé en un parc ornithologique et une réserve écologique pour retrouver sa faune et sa flore. »28 Enfin, c’est un lieu beaucoup plus urbain que le Llobregat, avec tout un système d’alerte aux inondations, de vidéo-surveillance et d’accompagnateurs de l’espace public : on se sentirait plus en sécurité sur les berges du Besos que dans les rues de Barcelone ! C’est également un fleuve plus facile à traverser puisque situé en pleine ville, avec

27 LA FEYSSINE PARC NATUREL URBAIN. La gestion du parc de la Feyssine [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) http://parc-feyssine.villeurbanne.fr/feyssine_villeurbanne_gestion-parc.html#/home

28 Dumay D. (2011), La renaturation d’un fleuve méditerranéen, le rio Besos, ou la transformation du paysage, mémoire master architecture, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, p6-7.


au cours des cinq derniers kilomètres six ponts accessibles aux piétons, dont deux passerelles piétonnes...

-LA RECONNAISSANCE D’UNE NATURE CHANGEANTE et ACTIVE D’emblée, l’AMB met l’accent sur le fait de valoriser la capacité de régénération d’un espace naturel via la renaturation : « S’il n’y a pas de minéralisation de l’espace, érosion sévère ou disparition de l’information génétique, tout système naturel dégradé est récupérable à court ou moyen terme.”29 Et l’agence Batlle I Roig d’embrayer : « Nous proposons donc une stratégie qui consiste à analyser les facteurs les plus néfastes à la santé du fleuve, avec l’objectif d’optimiser des processus et dynamiques d’auto-régénération au lieu de le traiter comme un sujet passif d’actions d’amélioration, qui requièrent chaque fois plus d’investissements et d’entretien. »30 On peut donc observer une évolution récente dans la pensée écologique. Si la vision traditionnelle de la gestion fluviale pensait la sédimentation, l’érosion ponctuelle des berges et le déplacement du lit fluvial comme des anomalies à contrôler via une série d’ouvrages civils (canalisation, enfouissement, buttes de protection, etc...), aujourd’hui se forge l’idée qu’un fleuve suit des phases et des processus morpho-dynamiques naturels que les stratégies urbaines doivent savoir prendre en compte, notamment dans les plans d’inondation. 29 Direcció de serveis de l’Espai Públic, Fidel Vázquez Alarcón, Ramón Vázquez López (2005). Projecte-Marc de Recuperacio Medio-ambiental de l’Espai Fluvial del Llobregat a la Comarca del Baix Llobregat. Mancomunitat de Municipis de l’Àrea metropolitana de Barcelona. Document PDF. p33. 30 Agence Batlle i Roig (2010). Proyecto de recuperacion medio-ambiental del espacio fluvial del rio Llobregat en la Comarca del Baix-Llobregat, Tramo 2. Archives Batlle i Roig, Document pdf. p7.

Cf. Etude Géomorphologique et morphodynamique du Plan des Espaces Fluviaux (PEF) du BasLlobregat : « Nous attirons l’attention sur l’erreur de considérer les fleuves uniquement en fonction de leur capacité hydraulique de « desague ». […] Les études fluviales pour les nouvelles voies (ou pour n’importe quelle action qui concerne le fleuve) devraient toujours inclure une analyse de la dynamique fluviale, dans le sens que les changements morphologiques sont aussi liés au débit solide. »31 Ainsi, l’écologie reconnaît désormais que c’est l’interaction entre le débit liquide (eau) et physique (sédiment) qui détermine les changements morphologiques d’un lit fluvial, et par extension l’évolution du substrat physique des habitats fluviaux. Il s’agit donc de cohabiter avec des systèmes naturels dynamiques et complexes, et dont l’ajustement permanent entre les deux types de débits produit du mouvement latéral et longitudinal. L’Agence Catalane de l’Eau (ACA) prône alors une gestion qui respecte ces processus morphodynamiques pour retrouver des fleuves vivants et créateurs de paysages en mouvement. Elle affirme également que s’ils ont parfois des réactions violentes, c’est souvent à cause d’une altération anthropique ou l’occupation trop proche du lit fluvial.32 Le déflecteur est donc une pensée à contre-courant. Si conserver la nature c’est trop souvent empêcher l’érosion et la « destruction des berges », c’est ici l’intention inverse que de relancer ce processus naturel dans le fleuve pour encoura31 Agence Batlle i Roig (2010). op.cit. p13. 32 AGENCIA CATALANA DEL AGUA. Morfodinámica y sedimento fluvial [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) http://acaweb.gencat.cat/aca/appmanager/aca/aca?_nfpb=true&_pageLab el=P1203454461208200461555&profileLocale=es

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ger une plus grande biodiversité. On parle ainsi fréquemment de l’échec des processus de lutte contre l’érosion, mais c’est justement parce qu’ils luttent contre l’érosion plutôt que de respecter ce processus « naturel ». Ce projet de renaturation tente donc de travailler avec un cercle vertueux : la résilience écologique entraîne une plus grande biodiversité, et donc une plus grande résilience, et ainsi de suite... La rectification d’un fleuve est toujours une opération délicate, surtout sur ses berges qui sont un écotone33 particulièrement riche et fragile à la fois. La reméandrification apparaît aujourd’hui comme la solution la plus ambitieuse, que ce soit avec des pelleteuses ou des déflecteurs. Différents rapports sur des projets équivalents affirment que malgré son coût élevé, l’avantage de ce dernier est qu’il utilise l’énergie du fleuve : il y a donc une efficacité maximale du projet en ce point. Durant mon entrevue avec elle, Pepa Moran souligna à plusieurs reprises ce potentiel de régénération. « Le projet explique beaucoup du fleuve à lui seul. Il explique – et pour moi c’est très intéressant par exemple - la façon de voir le fleuve comme un potentiel, même s’il est actuellement à un niveau environnemental très bas. C’est très important, car le projet active le fleuve. Ceci est très positif, et avec très peu d’énergie ! Ce qui est intéressant, c’est que le fleuve, bien qu’il ait moins de section, 33 “Zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins, telle que la lisière d’une forêt, une roselière, etc. (Les écotones ont une faune et une flore plus riches que chacun des deux écosystèmes qu’ils séparent, et ils repeuplent parfois ceux-ci.)” In: LAROUSSE. Dictionnaire de français [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/%C3%A9cotone/27689

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moins d’espace, a la même puissance et force qu’il a toujours eu ! Et la même capacité de régénération qu’avant. A lui tout seul, il a une capacité de régénération ! » [...] « Ce qu’on a observé avec mes collaborateurs, c’est que le fleuve changement extrêmement vite ! Les dynamiques du fleuve, malgré tous les mauvais traitements qu’il a subi, sont super puissantes.. » [...] « Par exemple, tu fais une plage en béton et en un an, elle est déjà sédimentée ! » [...] « Tout dépend de quel cycle tu parles. Si tu parles de la végétation ou bien d’un arbre, alors tu a un cycle annuel, mais l’inondation d’un fleuve peut changer en un jour une plage, avec la sédimentation, la section... Tu te rends compte de tous les problèmes possibles, mais aussi de tout ce qu’il peut donner de lui-même.[...]Enfin, tu ne sais jamais à quelle origine tu peux revenir car la situation a changé. Mais il faut réfléchir, avec ces conditions actuelles et grâce à l’aide des politiques et des techniciens, où peut-on arriver ? C’est le pari, donc, c’est comme ça, -et en plus cela surprend, non, le contraste entre la quantité d’infrastructures et malgré tout le pouvoir du fleuve ? Ceci est la situation, la reconnaître et à partir de là : que voulons-nous ? »34

34 Extraits d’un entretien avec Pepa Moran réalisé le 16/12/2012 à Barcelone.

- LA RENATURATION, JUSQU’A QUEL POINT ? « Agathe Monnet : J’ai trouvé une citation de Mireia Vila-Escalé i Narcis Prat, du département d’Écologie de l’Université de Barcelone qui date de 2005 : « Beaucoup de nous craignons que, au minimum depuis Sant Andreu de la Barca jusque à la mer, le fleuve soit déclaré zone fortement endommagée et que pour cela les actions se limitent à transformer le fleuve en une promenade d’infrastructures avec un petit peu de de vert... »35 Pepa Moran : Il est clair que comme il est actuellement, y faire une renaturation significative, arrivant à des taux écologiques de qualité est très difficile du fait de l’état de l’eau, des sols, des résidus, des infrastructures. La qualité écologique actuelle est très basse, c’est sûr. Mais il faut se demander également : nous voulons récupérer le fleuve original ? C’est possible ? Et sinon, que voulons-nous ? Quel niveau d’exigence avons-nous sur les aspects écologiques, sociaux.. ? [...] Il faut rentabiliser un effort, être très efficace, et donc savoir ce que l’on veut réussir dans cet espace. Les arbres, c’est super cher par exemple ! Si tu veux planter ou bien si tu veux « récupérer » socialement, bref, tout le concept du fleuve doit se définir. » Que voulons-nous, et surtout, avec quels moyens ? Renaturer, est-ce avant tout effacer l’empreinte de l’homme ou améliorer l’espace de vie de l’homme dans la nature ? Certes, les architectes visent une action ponctuelle et limitée, mais ils installent tout de même de gros talus de pierre en plein milieu du fleuve, ne réduisant donc pas 35 Prat N., Tello E., (2005). El Baix Llobregat,Història i actualitat ambiental d’un riu. Sant Feliu de Llobregat: Centre d’Estudis Comarcals del Baix Llobregat/Fundació AGBAR, p157.


ici la trace de l’homme : il y a une anthropisation supplémentaire pour recréer une « machine écologique » indépendante. Il est important de noter que le paysagiste espagnol doit avoir le diplôme d’architecte avant de s’inscrire en master de paysage. C’est donc un paysagiste « constructeur », ce d’autant plus que la formation d’architecte est beaucoup plus technique qu’en France, avec une étude poussée des structures. Le travail sur la flore fut moins efficient que la morpho-dynamique : l’éradication de l’invasive Canne de Provence fut un échec (elle cache encore trop souvent le cours du fleuve), et les plantations sur les déflecteurs ne se sont pas beaucoup développé non plus. Par contre, de nombreux promeneurs m’ont parlé d’un retour récent des oiseaux, notamment au niveau de la passerelle piétonne. Qu’en est-il alors du milieu naturel (faune et flore), quand on sait que sa qualité est le critère d’évaluation du succès d’une renaturation selon l’AMB ?

liorée bien en amont, ce qui n’est pas explicité dans le projet. Toutefois, deux nouvelles stations d’épuration viennent d’ouvrir au printemps 2013 dans deux affluents du Llobregat... La renaturation est un projet de longue haleine, toujours en évolution. C’est aussi un projet ingrat pour les collectivités qui le gèrent, car c’est un lourd investissement dans des actions dont les résultats ne deviennent visibles qu’avec le temps. Au final, très peu du projet de renaturation est effectivement visible. Les déflecteurs dessinés de façon courbe, qui disparaissent souvent sous la végétation, ainsi que les arbres plantées en ligne, sont le peu d’éléments qui offrent des repères visuels rythmant la balade.

De plus , c’est une action localisée sur six kilomètres uniquement tandis qu’un fleuve est une entité globale, ce que citent les paysagistes euxmêmes : « Il est important de souligner que toute intervention dans un système fluvial requière toujours une vision globale, vision d’ensemble ou vision holistique qui tienne en compte le fleuve comme une identité indivisible, où les parties interagissent entre elles. Toute action dans une zone du fleuve peut se répercuter en amont ou en aval, tant localement sur une petite partie que globalement sur le fleuve, comme cela fut vérifié dans les conclusions de l’analyse morpho-dynamique du point II2.5.9. »36 La qualité de l’eau doit être amé-

L’action humaine est-elle obligatoirement négative sur le milieu naturel, ou peut-elle contribuer à l’enrichissement de la biodiversité ? La nature se porte-t-elle mieux sans nous – laissez-faire le temps sans appliquer de renaturation-, ou avec nous -projet de renaturation et d’entretien- ? Telle est la question que pose la gestion différenciée, sensée s’adapter à chaque milieu pour préserver les ressources naturelles... A en lire certaines définitions (Wikipédia), il s’agirait presque d’un entretien nécessaire. Cela ressemble au travail du trappeur canadien, auquel l’Etat attribue un territoire qu’il doit « maintenir en bonne santé ». Il va donc chasser plus ou moins certaines espèces pour veiller à maintenir l’équilibre entre les différentes populations animales. Il préfère par exemple avoir une population de dix castors en bonne santé, plutôt qu’une vingtaine faibles et mal-nourris qui développeront des maladies contagieuses pour

36 Agence Batlle i Roig (2010). Proyecto de recuperacion medio-ambiental del espacio fluvial del rio Llobregat en la Comarca

del Baix-Llobregat, Tramo 2. Archives Batlle i Roig, Document pdf. p13

les autres espèces. La nature aurait-elle besoin de nous ? C’est l’idée du jardin à cultiver, maintenir, et enrichir pour harmoniser les besoins naturels et humains...

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B/ Le fleuve comme espace vert de loisirs citadin dans le respect (et la découverte?) du milieu naturel

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B1. Un nouveau parc métropolitain - UNE POSITION CLEF DANS L’ANNEAU VERT DE BARCELONE Le parc du Fleuve Llobregat est le fruit d’un projet de transformation territoriale qui débute au niveau du Pont du Diable à Martorell et longe le Llobregat jusqu’aux plages métropolitaines du delta. Il inclut, outre l’espace principal du fleuve les connections avec les rivières qui lui sont tributaires et les accès aux principaux centres urbains situés dans l’environnement immédiat du fleuve. Il s’agit d’un vaste complexe de plus de 1000 ha de superficie, profondément altéré, avec de graves déséquilibres écologiques (tant fonctionnels que structurels). Le Llobregat fut ainsi un fleuve exclu pendant longtemps de l’imaginaire social des citoyens, à cause de la rupture des processus environnementaux et de la dégradation du paysage. Marginalisé, le fleuve était donc devenu la porte arrière des villes et des industries, avec une grande concentration d’infrastructures et d’égouts sur ses rives. Au final, il n’en restait qu’un espace sans attraits pour les habitants, confus et difficile d’accès. Les nouveaux projets pour le fleuve ne pouvaient pas mettre de côté les usages actuels liés à la forte densité urbaine. Il s’agissait surtout de trouver un nouveau pacte entre la réalité territoriale et l’ensemble de l’écosystème fluvial, pour arriver à un compromis de futur durable, selon un projet long et en constante évolution. D’un point de vue social, il ne s’agit pas d’imaginer une utopie de retour à l’époque purement agricole où il y avait une véritable symbiose entre les habitants et leur fleuve, ni de cantonner l’espace fluvial à l’iconographie des parcs urbains puisque il offre tout un panel

d’activités très varié. Le Parc du Llobregat s’affirme comme une infrastructure écologique qui dispose d’un chemin continu (piéton et vélos) de trente kilomètres le long des deux rives du fleuve. C’est un parcours composé de plusieurs itinéraires à travers un paysage naturel et culturel varié, qui inclut des passages transversaux et de nombreux accès à toutes les villes riveraines ainsi qu’au réseau de transport public métropolitain. Il représente surtout un nouveau modèle de lieu public généré par ce grand espace ouvert qu’est le fleuve, « un paysage singulier et sans précédents dans la métropole barcelonaise par sa capacité à accueillir des usages sociaux en rapport avec l’environnement [...] qui donnent une position centrale dans le système d’espaces verts métropolitains »37 Une solution que toutes les métropoles occidentales avec un espace fluvial commencent à valoriser, tant pour les multiples usages que pour accroitre la mobilité durable et la qualité des activités de loisirs et santé, dans un cadre qui facilite la pratique du sport et le contact avec la nature. « Il faut reprendre cet espace comme une structure verte, pour elle-même, pas simplement comme une infrastructure » : dit Gilles Vexlard dans une interview de la Biennale du Paysage de Barcelone.38 C’est l’affirmation d’une complémentarité des approches sociales et environnementales qui correspond à la volonté de penser le paysage de la métropole à partir de ce nouvel axe structurant : ce sera le corridor vert de Barcelone, lieu de vie 37 PARC DEL RIU LLOBREGAT. El Consorci [en ligne] (page consultée le 19/09/2013. http://www.parcriullobregat.cat/consorci.php 38 PARC DEL RIU LLOBREGAT. Experts paisatgistes sobre el Parc Riu Llobregat [en ligne] (page consultée le 19/09/2013. http:// www.parcriullobregat.cat/veurefitxanoticia.php?id=41


LE PLAN TERRITORIAL MÉTROPOLITAIN DE BARCELONE, 2010:

le llobregat à la fois couloir urbain (résidentiel et viaire) et corridor écologique 1. Evolution de l’usage des sols de la région métropolitaine de Barcelone, 19872002. In: Plan Territorial Métropolitain de Barcelone 2010, réalisé par la Generalitat- Secrétariat pour la planification. Disponible sur www20.gencat.cat/portal/ site/territori. 2. Système d’Espaces ouverts, proposition. In: Plan Territorial Métropolitain de Barcelone 2010, réalisé par la Generalitat- Secrétariat pour la planification. Disponible sur www20.gencat.cat/portal/site/territori. 3. Infrastructures viaires, réseau proposé. In: Plan Territorial Métropolitain de Barcelone 2010, réalisé par la Generalitat- Secrétariat pour la planification. Disponible sur www20.gencat.cat/portal/site/territori.

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2 ACTIONS SÉPARÉES PHYSIQUEMENT: LE PARC SUR LES BUTTES PROTECTRICES

source: documents personnels élaborés à partir d’un plan des architectes concepteurs Batlle i Roig

source: document des architectes concepteurs Batlle i Roig


profitant à plus de 3 millions de personnes après tant d’années comme cours arrière des communes riveraines. Ce corridor s’intègre avec le parc agraire dans l’anneau vert de la cité comtale, projet d’aménagement lancé dès les années 1990 par la Députation de Barcelone. La forme finale du projet de l’Anneau Vert impliqua la protection d’un ensemble de plus de 15 000 hectares autour de l’aire métropolitaine, avec les parcs naturels -ou d’autres espaces analogues- tels que des noyaux ou des nodules de la Xarxa de Parcs de la Diputació de Barcelona, complétés et réunis par des espaces de connexion et de transition qui donne un sens à l’ensemble du système.

- LE PROJET DE BATLLE I ROIG, connectivité et accessibilité Suite à la première partie du projet qui se concentrait uniquement sur les qualités écologiques du fleuve, les architectes-paysagistes Batlle i Roig eurent comme second objectif de résoudre la relation des villes avec le Llobregat : en permettant la connexion entre les deux rives fluviales (connectivité transversale) et en cousant les réseaux de chemins déjà existants (connectivité longitudinale). « Tout au long du fleuve furent développés surtout des projets d’accessibilité et de « Portes du fleuve », qui est le nom de beaucoup d’entre eux. Il y a une autre caractéristique importante des projets du fleuve, qui est que l’échelle est tellement grande que pour qu’un projet soit efficace, il ne peut pas travailler avec la même intensité toute l’étendue du parcours mais doit repérer les endroits clés où intensifier l’activité ou bien au contraire la réduire pour ne pas dépenser inutilement le budget et l’énergie. Cette reconnaissance de lieux d’intensité et de lieux dont la seule accessibilité garantit le fonctionnement du projet est très importante à détecter sur site. »39 « Un des objectifs est de rapprocher le fleuve à ses citoyens, d’un point de vue identitaire en reconnaissant que le fleuve est une partie du territoire, puis bien sûr d’un point du vue d’accessibilité qui est le point clé et le travail de projet le plus important en cours de réalisation. Voici les lignes principales : la plupart des projets ne sont au final que des chemins, des accès, puis des aires de détente/ 39 Extraits d’un entretien avec Pepa Moran réalisé le 16/12/2012 à Barcelone.

repos. » cf. Pepa Moran - CONNECTIVITE Là encore, il s’agit d’un réseau, d’une accumulation d’action ponctuelles et facile à entretenir. En ce qui concerne la connectivité longitudinale : - recréer les cheminements de chaque côté du fleuve. Coupe en deux niveaux : chemins dans le lit fluvial et chemin sur la motte de protection - sur la rive droite,fortement pratiquée, il y a un chemin supplémentaire à l’extérieur de l’espace fluvial, côté parc agraire. Il offre de très jolies vues sur le parc agraire avec les agriculteurs à l’œuvre... - la rive gauche est nettement plus calme, mais aussi plus proche des différentes voies de trains et de voitures... En ce qui concerne la connectivité transversale, elles se limitent à : - la passerelle piétonne déjà existante au niveau de Cornellà, qui permet non seulement de traverser le fleuve mais également d’accéder au centreville de Cornellà - le nouveau gué, situé au niveau de la C-245 près de Sant Boi. Il s’agit d’un plan de béton supporté par des piliers, posé au niveau de l’eau mais sans gêne pour le bon fonctionnement hydraulique et qui dispose en outre d’une échelle à poissons. « Dans le tram métropolitain et à l’exception de quelques segments, l’accessibilité longitudinale est pratiquement garantie dans sa totalité. Mais pas la transversale, qui est travaillée actuellement, comme à Sant Boi où l’on est en plein dedans et à l’Hospitalet (de Llobregat) où l’on utilise les infrastructures existantes des routes pour servir l’accessibilité transversale... Mais c’est le plus dur, car cela suppose de traverser le fleuve. » cf. 31


Pepa Moran - ACCESSIBILITE - Aménagement de l’entrée depuis El Prat, avec un parking pour bus et voitures - A Cornellà, un parking était déjà présent avec un accès depuis la passerelle. Là encore il faut passer par dessus le périphérique et la voie ferrée... - Aménagement de l’entrée du parc depuis Sant Boi : nouveau trottoir pour accéder directement au parc depuis la gare ferroviaire sans avoir à traverser la route. Puis une passerelle au plancher en forme de feuille cueille piétons et cyclistes pour voler au dessus des voies routières. C’est une belle entrée dans le parc, avec vue panoramique sur le Llobregat et son grand méandre. C’est prendre de la hauteur, observer, choisir, contempler cette ville-campagne avant de s’immerger dans la végétation. - Création d’une place au niveau de l’entrée de Sant Boi, une place végétale avec les seuls bancs présents sur six kilomètres de promenade. L’espace est un peu en retrait, presque en impasse... Mais il semble pourtant que les habitants abondent au printemps.

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B2. Le Manifeste de Enric Batlle : le parc linéaire : un parc en système dans un système de parcs -LE PARC LINEAIRE COMME MANIFESTE : « Un espace de circulation, néanmoins, dans lequel le mouvement est aussi important que la communication symbolique, visuell, qui exprime l’échelle supérieure du territoire ». 40 Si la connectivité semble être un état passif ou un objectif né de la vague verte, la mobilité est au contraire l’action maitresse qui organise le territoire. Phénomène inéluctable dans nos vies, et par conséquent dans la formalisation de nos villes, ses tracés se caractérisent comme l’une des agressions les plus intenses de la géographie, et par là-même la transformation qui génère le plus d’espérances de développement. C’est aussi l’action qui forge notre vision du territoire quand nous pratiquons les différents modes de transport. Tel leur précédent Parc du Nœud de la Trinité à Barcelone où un jardin est dessiné au cœur d’un rond-point autoroutier, les architectes-paysagistes Batlle i Roig défendent ici l’idée d’une infrastructure verte, une « liaison verte » qui allie des usages concrets aux nouveaux espaces de loisirs dans le respect de la géographie existante.41 L’idée qu’un réseau automobile doive être complet est communément acceptée, mais c’est souvent moins le cas pour un réseau piéton. C’est ce 40 SOLA-MORALES M., Un nuevo paseo de Gràcia, El Pais (Babelia, 19), 20.06.1996 41 BATTLE E. (2012), El jardin de la metropoli: Del paisaje romantico al espacio libre para una ciudad sostenible, Barcelona: Editions G.Gili, p 139-140.

que défendent les architectes Batlle i Roig dans ce projet, en récupérant non seulement l’accessibilité à l’espace fluvial, mais en promouvant par ailleurs la connectivité via ce parc naturel et urbain. Ces unions vertes, nouvelle version des parkways de Frederick Law Olmsted, promeuvent la promenade et “présentent un intérêt métropolitain élevé parce qu’elles permettent la communication des citadins entre les espaces libres disponibles. Elles établissent un réseau qui ouvre la possibilité de choisir et allonger les parcours développés.”42 Il ne s’agit plus seulement de se promener dans un espace naturel, mais de passer d’une ville à une autre à travers cet espace. Le territoire redevient le lieu du déplacement piéton, et réapprivoiser cette nouvelle vitesse, celle de son corps, est un projet digne des sentiers de Richard Long... Il s’agit donc d’allier continuité écologique (eau et biodiversité) et citadine, selon l’exemple de Henri II qui fut le premier à ordonner en 1552 la plantation systématique d’arbres le long des routes françaises avec un triple objectif : une production de bois sur un terrain publique et facilement accessible, l’embellissement des œuvres publiques, et l’affirmation politique du pouvoir du roi sur un territoire uni43. Les États-Unis la nomment « greenway », et elle permet aux citadins de sortir de la ville à pied, à cheval ou en bicyclette, c’està-dire sans besoin de recourir à l’automobile. De même aux alentours de Paris s’est ainsi consolidé un important réseau de liaisons vertes, que l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la

Région Ile-de-France définit comme « des espaces linéaires structurants ayant une vocation première de promenade et largement utilisés pour des déplacements fréquents entre différents quartiers et équipements, ou encore en direction d’espaces naturels. »44 Ce sont des espaces linéaires qui peuvent avoir une largeur de seulement cinq mètres sur quelques mètres de longueur, ou bien beaucoup plus, trente mètres offrant généralement une bonne largeur de départ. Batlle, qui a réalisé avec son agence le système de parc de San Cugat ainsi que le corridor urbain de la rivière de Sant Climent à Viladecans, les définit ainsi : “Les unions vertes sont surtout des espaces arborés, qui peuvent en outre avoir des fonctions de drainage des eaux dans la ville. La continuité des parcours piétons et vélos sera essentielle, de telle façon qu’il faudra bien résoudre tous les carrefours qui se produisent avec les autres infrastructures. Les liaisons vertes pourront être de simples promenades urbaines ou se rapprocher du concept de corridor écologique garantissant les continuités naturelles. La reconversion de ces espaces en drainage visible par la ville permet de profiter de l’eau de pluie pour créer des espaces humides qui convertiront alors les liaisons vertes en une partie du système de parc et en système naturel pour soi. Les liaisons vertes sont une pièce en plus du système de parcours urbains qui peut s’établir dans nos villes.”45

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BATTLE E. (2012), op.cit., p 105.

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BATTLE E. (2012), op.cit., p 169.

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BATTLE E. (2012), op.cit., p 149.

45

BATTLE E. (2012), op.cit., p 170.

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- DU TERRAIN VAGUE AU JARDIN DE LA METROPOLE, ou comment le vide péri-urbain prend forme... « La nouvelle réalité métropolitaine se définit à partir des paysages « vagues » produits par la crise des limites entre la ville et son territoire. »46 Le parc est généralement définit comme étant un morceau de nature introduit en ville. Il s’agit d’une nature modifiée par le déplacement, le changement d’échelle ou l’abstraction nécessaire au cours de son élaboration. Cette introduction de la nature en ville conduit à une dichotomie entre deux types de relation entre ville et nature : la nature en ville avec les parcs comme moyen de résoudre une croissance urbaine trop grande, et d’autre part le besoin des citadins d’utiliser les paysages péri-urbains pour leurs loisirs. Dans son manifeste, Enric Batlle cherche à dépasser cette dichotomie pour permettre de mieux relier les parcs citadins aux paysages naturels extérieurs à la ville. Il propose de repenser la matrice écologique chère à l’écologie paysagère pour créer une nouvelle strate qui intègrerait tous les espaces libres de la métropole : les espaces naturels protégés, mais aussi les corridors biologiques renaturés, les parcs urbains connectés, les espaces verts des infrastructures publiques (le parc d’un aéroport, le bois d’une autoroute, etc..47) et tous les interstices que la ville a laissé de côté (bord de routes, vides et espaces à géographie accidentée). Dans une 46

BATTLE E. (2012), op.cit., p 164.

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BATTLE E. (2012), op.cit., p 138.

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société qui magnifie deux situations opposées, à savoir la ville compacte bien urbanisée ou les espaces naturels protégés, cette nouvelle strate s’attache au contraire aux limites complexes. En effet, la ville compacte n’a surement jamais existé que dans les représentation symboliques des peintres du Moyen-Age, quand les périphéries de l’époque n’étaient pas dessinées car elles n’avaient pas le droit de cité48. Or ce fantasme nous empêche aujourd’hui de développer une véritable pensée de la transition de la ville dense à la nature protégée. En effet, c’est par une pensée unitaire des espaces naturels, qu’ils soient urbains ou non, que nous pourrons rétablir un équilibre entre une nature respectée et une ville contrôlée. Dans une ville de plus en plus grande, il est impossible de penser la continuité écologique comme auparavant : nous devons accepter à l’inverse que la nature traverse l’espace urbain pour trouver l’espace nécessaire et être connectée.

cessité de construire un système vaste et général articulé par des aires, par des corridors biologiques et culturels, par des échanges continus avec les aires adjacentes de manière à finaliser la connaissance des définitions d’actions sur des territoires rendus fragiles par l’histoire humaine.

Enric Batlle propose alors deux critères directeurs pour promouvoir le développement durable dans les zones naturelles protégées : le parc comme système et le système de parcs. Le parc comme système retracerait tous les confins d’un territoire qui est garantit dans l’échange interne, dans le rapport correct entre culture et nature, dans l’organisation temporelle. C’est cette garantie qui peut permettre la reproduction des ressources naturelles et humaines que représente l’identité, le rôle et la capacité de responsabilité. Le deuxième met en évidence au contraire la né-

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48 SCHUBARTH C., Côté urbain: l’urbain de tous les côtés? p11. In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M.(2008), Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

Dans cette idée de système continu, plus qu’un espace différentié le parc est désormais l’espace de l’expérimentation pour le reste du territoire ou ce qui ne fait pas encore parc. L’architecte-urbaniste italien Manlio Vendittelli parle ainsi d’une juxtaposition au modèle de parc traditionnel, qui s’étend normalement comme une île de félicité au milieu d’une mer d’insoutenabilité : “ Le parc ne peut toutefois s’auto-représenter comme une île bienheureuse au sein d’un océan d’insoutenabilité. Ceci ne doit pas être compris comme un renversement mais comme un exemple possible, une aire sur laquelle sont expérimentées des solutions également applicables aux territoires non protégés. » Cet espace d’expérimentation est donc comme un jardin cultivé, entretenu avec temps et patience. En sortant du fantasme de la terre vierge qui par ailleurs n’existe plus sur notre planète, nous reconnaissons que la main de l’homme qui s’applique partout doit être en tout point responsable et bénéfique car s’adaptant à la variété d’un territoire unifié. Un jardin est ainsi un espace en système qui réuni en son sein toutes les activités de son propriétaire, que ce soit la culture, le bricolage ou les loisirs. Les légumes cultivés à l’avant seront dégustés sur la terrasse près de la maison, les déchets 49

BATTLE E. (2012), op.cit., p 169.


ENRIC BATLLE DÉFEND L’IDÉE D’UN SYSTÈME DE PARCS QUI CONNECTERAIT L’INTÉRIEUR DES VILLES AUX ESPACES NATURELS.

Sources: El jardin de la metropoli, de Enric Batlle, Edition Gustavo Gili, 2011 / La renaturation de la riera Sant Climent à Viladecans / La Vanguardia, Septembre 2012


du repas seront transformés en fumier au fond du jardin, pas très loin du beau noisetier qui offre son ombrage à la table de bricolage, tandis que le bassin de récupération des eaux de pluies rafraichit l’air en été. A l’échelle du territoire, la continuité de l’eau à travers son système de drainage offre un point de départ idéal pour recouvrer la continuité écologique et piétonne, puisque par définition elle fonctionne en réseau : l’eau est la ressource essentielle qui a creusé toutes les vallées. Et sa meilleure gestion permettrait d’accroitre la masse forestière, de maximiser l’irrigation, d’améliorer la qualité des nappes phréatiques, de diminuer l’érosion des sols, de créer de nouvelles zones humides riches de leurs écosystèmes, et de voir réapparaître de nouveaux paysages aux abords des fleuves et rivières.50

50 BATTLE E. (2012), El jardin de la metropoli: Del paisaje romantico al espacio libre para una ciudad sostenible, Barcelona: Editions G.Gili, p 144-146.

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B3. le projet de Batlle i Roig et sa perception - DES VUES SUR LA METROPOLE « On peut y reconnaître de nombreux problèmes, qu’il est coincé entre les infrastructures, etc, mais cela semble un mensonge la variété qu’il offre au sein de son uniformité. C’est-à-dire que sa section est constante mais que quand tu le visites, tu peux reconnaître de multiples particularités à chaque endroit. »51 Le parc fluvial du Llobregat est vraiment une belle possibilité de voyage à travers un paysage varié et fragmenté. Dans cet espace très ouvert, on y voit les centres commerciaux, les zones industrielles, les champs du parc agraire, les villages qui se perchent peu à peu sur les collines, et bien sûr ce beau relief du Garraf et de Collserola. Le chemin est purement linéaire et les distances sont relativement grandes. Il est donc difficile de se perdre ou de déambuler, mais il y a par conséquent une réelle évolution entre la sortie des villes, toujours bruyantes du fait de la proximité des zones routières et industrielles, et le centre de la promenade près de la passerelle piétonne, beaucoup plus calme et bercé par le chant des oiseaux et insectes en pleine verdure. Après réflexion, il y a un contraste désarmant entre la simplicité de ce parc et la complexité environnante, et c’est justement cette simplicité qui lui donne ce pouvoir structurant pour le territoire. De fait, si c’est un espace oublié aujourd’hui, c’est tout simplement parce qu’on ne le voit plus physiquement, tant le relief et les routes en obstruent 51 Extraits d’un entretien avec Pepa Moran réalisé le 16/12/2012 à Barcelone.

la vue. Après m’être souvent promenée à plusieurs endroits dans la vallée, j’ai remarquée que si la partie haute est relativement ouverte, l’espace du fleuve est plus encaissé et disparaît sous la végétation, les champs et les différentes infrastructures. L’anecdote de l’architecte-paysagiste Pepa Moran est exemplaire quand elle convoque la spontanéité de son fils : il a surnommé le fleuve « Las carreteras », ce qui signifie les routes, tant ces dernières se confondent avec le Llobregat. Or la comarca52 du Bas-Llobregat doit son nom, son organisation spatiale, sa vie économique et son histoire à ce fleuve ! C’est réellement la colonne vertébrale du sud de Barcelone... Comment alors redonner son identité à un lieu en le rendant navigable, clair d’accès, visible de loin? Et comment valoriser la structure transversale et interpréter le paysage comme un système de paysages différents et de ressources caractéristiques tout en conservant ce parcours continu ? Kévin Lynch analyse dans son livre L’image de la ville53 de quelle façon les individus perçoivent et naviguent dans le paysage urbain grâce à des cartes mentales. À partir de trois exemples de villes américaines (Boston, Jersey City, et Los Angeles), il examine « la qualité visuelle de la ville américaine en étudiant la représentation mentale de cette ville chez ses habitants », c’est-à-dire à la lisibilité du paysage urbain, comprise comme la capacité d’en reconnaître les éléments et de les organiser en un schéma cohérent. Les éléments de l’image de la cité se répartissent selon les types formels d’éléments suivants : 52 Equivalent du département en Espagne. 53 Lynch K.(1960), The Image of the City, Cambridge MA: MIT Press, 194p


-les voies (paths) : rues, canaux, chemins de fer, etc. le long desquels les utilisateurs se déplacent ; -les limites (edges) : éléments linéaires le long desquels les utilisateurs ne se déplacent pas, comme un rivage, une tranchée de chemin de fer, un mur, etc. ; -les quartiers (districts) : parties de villes identifiables par leurs caractère général et utilisées comme repère ; -les nœuds (nodes) : points stratégiques dans lesquels on peut pénétrer, divisés en points de jonction (lieu où l’on change de système de transport, carrefour, etc.) et points de concentration (place fermée, point de rencontre, voire centre), les nœuds participent souvent des deux catégories ; -les points de repère (landmarks) : points stratégiques dans lesquels on peut pénétrer, qui servent de repère externe. Ils peuvent être lointains et vus de multiples endroits (tours isolées, dômes, collines, etc.), ou être plus locaux (boutique, enseigne, arbre, poignée de porte, etc.).54 Ces éléments pourraient parfaitement être adaptés à l’analyse paysagère. On remarque dans les dessins/photos la structuration des différents « quartiers » ou « zones homogènes » par les voies, ainsi que les « nœuds » stratégiques où se rencontrent voitures, trains et piétons. Des repères urbains (le grand centre commercial de Cornellà, l’observatoire et l’antenne du Tibidabo) ou naturels (les massifs du Garraf, Collserola ou Montjuic par exemple) ponctuent et orientent le promeneur dans le territoire. A plus petite échelle, et au sein du projet, c’est la définition de ces catégories qui permet d’agir 54 WIKIPEDIA. Kevin A.Lynch [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://en.wikipedia.org/wiki/Kevin_A._Lynch

avec elles pour «architecturer de manière subtile le territoire. Renforcer alors le caractère de chaque lieu à travers des solutions minimales qui signalent, ponctuent, et qui par répétition rendent reconnaissables, compréhensibles, interprétables différentes situations territoriales.»55 C’est par exemple le rythme premier des sept ponts, puis celui plus régulier des pylônes électriques, et enfin celui des arbres qui longent le chemin sur la butte de protection. « Il y a autre chose que je trouve intéressant dans ce projet, c’est son pari formel, d’un patron, d’une forme déterminée, de cette coquille qui se répète et qui est une abstraction dans un fleuve.[...] Enfin, je pense qu’il serait intéressant de parler de l’image du fleuve, est-ce que l’on attend une image de contraste, de camouflage ? Le tronçon 2 n’est en rien du camouflage.. »56 Batlle i Roig introduisent ainsi outre les éléments naturels un patron, une forme de coquillage inspirée de la forme des déflecteurs cachés mais montrée ici par de gros pois noirs, qui se répète et devient une abstraction dans le fleuve. Dessin « naturel » mais pas camouflé pour autant, cela montre l’envie des dessinateurs d’adoucir et de révéler une nature qui a été trop étouffée par le béton, d’apporter un peu de rêve dans cet espace vague, abandonné. Du rêve, mais sans tomber dans le faux-semblant. Cet acte montre les chemins mais pas le travail de renaturation qui représente pourtant un effort bien plus

considérable!

55 CARRACEDO O. Una lectura transversal, de la Sèquia al territorio. p181-192 In: Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. 56 Extraits d’un entretien avec Pepa Moran réalisé le 16/12/2012 à Barcelone.

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UNE PROMENADE EN 12 SÉQUENCES

1. ENTRÉE DEPUIS EL PRAT DE LLOBREGAT

Bruit permanent: des voitures, à gauche; des camions qui déchargent ponctuellement dans l’usine voisine; d’un train de banlieue qui traverse le Llobregat. Des joggeurs me doublent fréquemment, ainsi que de nombreux cyclistes. Un grand-père et sa petite fille s’assied sur un banc. L’on aperçoit au loin Collserola et l’église du Tibidabo qui surplombe Barcelone.

3. EL PRAT, +1KM

2. EL PRAT +200M

Descente au niveau du fleuve, soit 4m plus bas. La promenade est séparée de la route par un talus de 8m environ, ce qui protège nettement mieux du bruit qui ne devient plus qu’un fond sonore peu gênant. Un talus à gauche, à droite l’étendue du Llobregat, et en face l’enchaînement des ponts routiers qui efface les montagnes.

4. PONT POTA SUD

Début du parc, pour de vrai. Le lit est caché par la Cana americana, mais l’on voit les trois sentiers parallèles et une belle végétation. Peu d’ombre, et le bruit moyennement présent des voitures. Au loin, Barcelone : Montjuic, la tour de Calatrava. Et toujours le millefeuille routier et électrique.

Construit en 1999 et d’une longueur de 400 mètres. Bruit et tapements permanent des voitures. Espace de grande hauteur, sans aucune végétation. L’ombre du béton m’incite à m’y reposer quelques instants et fait de jolis cadrages sur le paysage environnant. Présence d’un petit parking, et possibilité de construire sous le pont. A gauche, Cornella et Montserrat, à droite Barcelone et l’Hospitalet.

5. PONT POTA SUD + 150M

6. AVANT LE CENTRE COMMERCIAL DE CORNELLA

Le paysage devient vraiment joli et ce malgré le bruit fort des voitures. Lit envahi par la cana americana, mais qui apparaît régulièrement. La voir haute et plane étant occupée par les cyclistes, il est définitivement plus agréable de marcher sur la voie intermédiaire qui offre plus d’ombre et moins de bruit.

La belle campagne urbaine. Nous avons une vue lointaine sur les villes (Cornella, Sant Boi), et le bourdonnement des voitures est presque couvert par les oiseaux et insectes. La végétation est dense, il y a même des arbres pour abriter des rayons du soleil. Mais toujours pas un seul banc ?


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7. FACE AU CENTRE COMMERCIAL DE CORNELLA

Calme. Jolie vue. Nous remarqu un déflecteur, bel ouvrage en pierre, ainsi qu’une plantation récente d’arbres. Nous sommes aussi pour la première fois face à Collserola.

8. DE L’AUTRE CÔTÉ DU CHEMIN, LE PARC AGRICOLE ET SON PATRIMOINE

Can Comes, ancienne Masia reconvertie en centre d’information et de gestion du Parc Agraire...

9. DEPUIS L’UNIQUE PASSERELLE PIÉTONNE

9B. DEPUIS L’UNIQUE PASSERELLE PIÉTONNE

10. ENTRÉE DE SANT BOI

11. PARC DE SANT BOI

Après une longue période sans autre bruit (enfin presque) que le pépiement des oiseaux, cette passerelle permet l’accès aux berges de Cornella. Elle permet une vue sur le lit et ses multiples bras, sa faune (oiseaux, tortues, canards) et l’omniprésente Cana americana. Très belle vue sur l’église. Bruit des voitures à nouveau, et une Cana americana très haute en été. Nombreux oiseaux.

L’on inspire les parfums de l’agriculture : feux et fumier. De nombreuses personnes traversent le fleuve, à pied ou à vélo : c’est une véritable communication et promenade entre les communes !

Inoccupé, et avec peu de bancs. Espace désert juste avant, entre l’entrée : drôle d’aménagement, pas très réussi. Joli ruisseau et enchaînement des ponts.


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“Il y a actuellement une contradiction à propos du Llobregat, du fait que la normative de protection de l’Agencia Catalana del Agua (ACA) dans son Plan des Espaces Fluviaux (PEF) énonce cette zone de protection et d’usages. Cela vient de la typologie des fleuves méditerranéens que nous avons ici, qui ont soudainement des pluies torrentielles et des débits de 4000 mètres cubes par seconde, et qui fait qu’en très peu de temps, cet endroit devient dangereux. Pour ce motif de sécurité, les usages du fleuve sont fortement réduits dans son lit [...]. par exemple On ne peut y installer de bancs, qui pourraient être emportés en cas de forte inondations et créer des dégâts en aval...” Entretien avec Pepa Moran - extrait, Décembre 2012

LE PARC URBAIN DU FLEUVE LLOBREGAT, UNE VOLONTÉ CONTRADICTOIRE, UN AMÉNAGEMENT SANS MOBILIER.


- UN PARC EN DEMI-TEINTE, les difficultés d’un espace public dans un lieu dangereux ? Le parc a beaucoup de succès en ce qui concerne l’aspect « promenades ». Le soir ou le week-ends, de nombreux coureurs, cyclistes ou marcheurs arpentent les rives du fleuve. Il y a même quelques tables de pique-niques près de Sant-Boi en dehors du lit fluvial, et dans une des rares pelouses des berges un minigolf fut installé provisoirement par quelque amateur local. Toutefois ce parc manque encore de lisibilité et il n’est pas très connu, fait peu surprenant quand les accès sont pour la plupart difficiles à trouver et éloignés des centres-villes, à l’exception de Sant Boi. Éloigné, caché, le fleuve n’est vraiment pas à portée de pied ! Le travail en réseau d’action ponctuelle pose bien sûr la question de la taille et le nombre de ces installations localisées. « Ce dernier [i.e. le besoin d’élargir les chemins] est très intéressant en effet, parce que les chemins sont faits à une échelle, mais quand ils arrivent à un noyau urbain tel que Sant Boi, la fréquentation est telle (et en plus elle augmente sans cesse) qu’ils sont insuffisants pour cette quantité de personnes.. Et donc ces chemins de 3 m de large deviennent trop petits. La solution est-elle faire des chemins plus grands, ou bien faire plus de lieux comme celui-ci ? C’est ce que nous avons pensé... Sant Boi voulait un espace plus grand, mais peut-être que la solution est à une autre échelle et que le fleuve nécessite plus d’endroits comme celui-ci plutôt que de faire ce premier plus grand et plus bétonné. »57 Faut-il peu de 57 Extraits d’un entretien avec Pepa Moran réalisé le 16/12/2012 à Barcelone.

grands espaces ou de nombreux plus petits ? Entre El Prat et Sant Boi, le chemin peut parfois paraître long, et Cornellà ne dispose d’aucun espace vivant sur le fleuve. Son entrée est vraiment sèche alors qu’elle possède la seule passerelle piétonne du parc : il aurait été intéressant de mieux aménager cette connectivité transversale piétonne. Les six kilomètres entre Sant Boi et El Prat sont donc un espace de pure mobilité, avec un mobilier urbain quasi inexistant : ni banc ni poubelle, et encore moins de table ! C’est un parc sportif, où l’on invite les gens à passer mais pas à rester, ce dont se plaignirent plusieurs usagers au cours de mes entrevues. En effet, proposer des espaces de repos permet paradoxalement d’encourager à pratiquer cet espace pour des catégories de personnes plus fragiles comme les personnes âgées, et même d’allonger la petite marche en une véritable promenade. De plus, le plaisir d’un fleuve c’est aussi le plaisir de l’eau, l’approcher, contempler ses reflets mouvants, voire la frôler, la toucher, la humer. Ce plaisir est peut-être encore trop rare au cours du chemin, quand plus de la moitié de la promenade se déroule à une quarantaine de mètres de distance. Cf berges et chemins : variété du paysage dans le pdf internet ? Pepa Moran explique: « Oui, il y a actuellement une contradiction à propos du Llobregat, du fait que la normative de protection de l’Agencia Catalana del Agua (ACA) dans son Plan des Espaces Fluviaux (PEF) énonce cette zone de protection et d’usages. Cela vient aussi de la typologie des fleuves méditerranéens que nous avons ici, qui ont soudainement des pluies torrentielles et des débits

de 4000 mètres cubes par seconde, qui fait qu’en très peu de temps, cet endroit devient dangereux. Et donc, pour ce motif de sécurité et pour s’assurer sur le plan juridique, les mairies et l’ACA ont élaboré une séries de normatives comme par exemple la protection des mottes, qui ont aussi été influencées par les infrastructures qui réduisent l’espace propre au fleuve. Et par ailleurs, pour une raison de protection des périodes de retour du fleuve. Ceci influence également les usages du fleuve, qui sont fortement réduit dans son lit, y compris les plantations sont limitées. On ne peut y installer de bancs, qui pourraient être emportés en cas de forte inondations et créer des dégâts en aval... » Ce parc pose donc la question de la cohabitation entre vie urbaine et espace naturel. En effet, le lit d’un fleuve est un écosystème fragile mais aussi depuis toujours un espace de danger, avec des crues parfois aussi soudaines que destructrices ! L’eau du Llobregat peut déborder en moins d’une heure, d’où l’interdiction dans le Plan des Espaces Fluviaux d’installer tout mobilier urbain dans son lit. Par peur des inondations, aucun bâti n’est donc en relation directe avec l’espace fluvial... Pourtant, le même dessin spartiate dirige les espaces extérieurs au lit fluvial, comme les buttes de protection ou les rares points d’observation. Pepa Moran continue : « C’est qu’il n’y a pas d’argent pour faire plus. Mais si tu parles avec Batlle i Roig, c’est clairement un pari formel. Il y a aussi l’intention de dire : « Commençons avec ces points choisis, on reconnaît certains endroits, et c’est quelque chose qui se fait dans le temps »... ». Rationaliser l’action, choisir quelques endroits que l’on va rendre très expressifs et visibles de loin. 43


cf Pepa Moran : « Je pense qu’il y a deux situations en parallèle : il y a la situation économique qui fait qu’il y a très peu d’argent et que celui-ci doit être rentable et visible par les citoyens, et d’un autre côté cette conscience environnementale croissante dans la société. De nombreux collectifs émergent par exemple. Je suppose que c’est dans la tension de ces deux aspects que le projet peut répondre à beaucoup de choses... » C’est un projet tiraillé entre la volonté de lancer un retour au fleuve, et la réalité du peu de moyens financiers dans un espace naturel dangereux ! Il est intéressant de voir comment la sécurité dans le parc urbain du Besos est organisée via une vidéo-surveillance (caméras + écrans informant en direct de l’état du fleuve), et l’aspect repos urbain (banc, poubelle) grâce à la rue qui le surplombe.

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II/ LA VILLE SUR LA CAMPAGNE : VERS QUEL DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ?

« If white and black blend, soften, and unite A thousand way, is there no black or white?»

Alexander Pope Essai sur l’homme, 1733


A/ Un delta au bord de l’asphyxie

A1. La ville sur la campagne

- EUROVEGAS

- SITUATION METROPOLITAINE : la réserve en eau et sol de Barcelone Par le passé, le Llobregat fut un axe majeur de développement industriel pour la cité comtale. Son eau fournit l’énergie et le transport pour la production textile, et aujourd’hui encore le relief qui enserre Barcelone la pousse constamment vers le delta, qui représente en surface presque la moitié de la plaine métropolitaine. Une étude des vues aériennes montre ainsi l’invasion progressive de la ville sur la campagne. Aujourd’hui, le delta du Llobregat est au bord de l’asphyxie. Son aquifère est fortement salinisé depuis l’extension du port et la forte demande en eau de la métropole, et les projets d’extension de deux lignes de métro jusqu’à El Prat seront des agressions supplémentaires. Dans un pays méditerranéen, le problème de l’eau en période de sécheresse est crucial, et la métropole a donc construit un centre de dessalinisation à l’embouchure du Llobregat suite à la canicule de 2003. On parle de temps en temps d’une quatrième piste de décollage de l’aéroport d’El Prat étendue sur la mer, et de nombreux projets d’urbanisme montrent que la survie du delta reste fragile.

La tentative de ce Las Vegas en Europe est un exemple parfait de la spéculation immobilière qui menace le delta, même après la crise, ou peutêtre plus encore avec celle-ci. Le milliardaire américain Sheldon Adelson, magnat des casinos, souhaite en effet investir en Espagne un complexe de 16 milliards d’euros58, et attirer ainsi un milliard de personnes venant de 50 pays à moins de 5h d’avions de l’Espagne. L’Espagne est le pays idéal, puisque elle posséde déjà une bonne base touristique, des prestations à bas prix et un taux de chômage de 23% qui lui donne la bienveillance du gouvernement central. Ce complexe aurait soi-disant permis la création de 260 000 emplois directs et indirects, avec une augmentation de 11 millions de visiteurs chaque année (en plus des 57 millions actuellement pour tout le pays), soit 15.5 milliards d’euros supplémentaires dans la première décennie.59 Le milliardaire avait repéré deux localités possibles en Espagne : soit Alcorcon près de Madrid, soit El Prat del Llobregat/Viladecans près de Barcelone, qui est la ville la plus touristique du pays. Mais dans les deux cas, les institutions métropolitaines ont travaillé sans consulter les maires des localités, et ont provoqué une grande vague de contestation de la part des habitants qui refusaient ce qui allait terminer comme une enclave financière. A Barcelone, l’espace choisi était de 800 à 900 hectares en bande de la mer jusqu’à Cornellà del Llobregat, soit la destruction quasi totale du parc 58 THE ECONOMIST. Place your bets on Euro Vegas (17.03.2012). http://www.economist.com/node/21550284 59 ibid.

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agraire pour un complexe fort consommateur en eau, la disparition d’espaces d’une riche biodiversité, et les dégâts de pollution dégâts sur l’aquifère principal de la métropole...60 Le milliardaire a finalement annoncé en février 2013 qu’il choisissait la région de Madrid pour son projet. Depuis, plus de nouvelles, et les rumeurs courent que par manque de financement en Espagne, la compagnie Las Vegas Sands d’Adelson se redirige vers le Vietnam. Dans tous les cas, cet exemple montre l’omnipotence de la ville sur la campagne, avec le développement de projets typiquement « top-down » : un travail sans consultation, opposant des populations locales avec un milliardaire fantasque qui exige la destruction d’un stade (stade de l’Espanyol à Cornellà) et le déplacement l’aéroport pour son projet.61

60 CORDERO D., NOGUER M., Adelson aplaza la decisión sobre Eurovegas para lograr más ayudas. El Pais 26.06.2012. Disponible sur: http://ccaa.elpais.com/ccaa/2012/06/25/catalunya/1340619473_495904.html 61 20MINUTOS. Adelson pidió que trasladaran El Prat o tiraran el estadio del Espanyol para hacer Eurovegas (10.09.2012). Disponible sur: http://www.20minutos.es/noticia/1583520/0/ sheldon-adelson/eurovegas-barcelona/aeropuerto-prat-estadioespanyol/

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- LES QUARTIERS NORD ET SUD D’EL PRAT Le secteur connu comme « Eixample Nord » d’El Prat de Llobregat s’étend sur 164 hectares. Cette zone se trouve dans un des pôles dynamiques de la métropole, et sa réorganisation se pense avec l’enterrement de l’extrémité sud de la Gran Via (une des deux grandes avenues de Barcelone avec la Diagonale, qui traverse toute la ville en parallèle à la mer). Il s’agit d’une aire qualifiée de « Centre directionnel » par le Plan Général Métropolitain en vigueur, et se trouve au carrefour d’importantes infrastructures comme l’autoroute C-31 en direction de Castelldefels, la ligne ferroviaire TGV, la nouvelle station multimodale, la sortie Pota Sud du grand périphérique de Barcelone qui est connectée à l’aéroport, la future ligne 9 de métro ainsi que la prolongation de la ligne 1.62 Quartier mixant activités tertiaires et résidences, il comportera au maximum 8 000 logements (soit 19000 nouveaux habitants), ainsi que 20 000 à 30 000 lieux de travail. Ce quartier possède des objectifs de développement durable, comme l’économie et la production d’énergies renouvelables (solaire, photovoltaïque, géothermique, éolien..), l’équilibre hydraulique et la prise en compte des périodes de retour d’inondation de 500ans (sols perméables, respect et économie de l’aquifère... »

du Parc Agraire et le complexe aéroportuaire. On y prévoit la construction de près de 2 666 logements et l’implantation de près de 30 000 m2 de plancher destinés aux activités qui pourraient générer 748 lieux de travail. Plus concrètement, les critères d’urbanisation incorporent des objectifs tels que la diversité fonctionnelle, la compacité urbaine, l’équilibre environnemental et l’intégration paysagère.63

Le nouveau quartier du nom d’« Eixample Sud » est une autre extension de la ville d’El Prat d’une superficie d’environ 38 hectares. C’est une frange de 1700 mètres de large qui est bordée au nord par l’Avenue du 11 septembre au sud par les champs 62

CONSORCI PRAT NORD. L’eixample nord d’El prat [en

ligne] (page consultée le 19/09/2013).http://www.consorcipratnord.cat/

63 CONSORCI PRAT NORD. ARE eixample Sud [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.consorcipratnord. cat/15417/detall


Les projets Eurovegas (A) et El Prat Nord et Sud (B) menacent d’ensevelir définitivement Première ressource en eau douce pour la métropole barcelonaise, L’aquifère du delta le delta du Llobregat fut fortement salinisé par l’extension du port de barcelone. Il est désormais menacé par les nouvelles lignes de métro l9 et L10. source: - plan personnel élaboré à partir de vues satellites de l’Institut Cartographique de Catalogne - image de synthèse des architectes-urbanistes Claus en Kaan sur le projet El Prat Nord

source: - plan personnel élaboré à partir de vues satellites de l’Institut Cartographique de Catalogne - manifestation contre l’augmentation du prix de l’eau dans le Baix-Llobregat. In: Archives Comarcales du Bas-Llobregat, 1995


Le Llobregat passant par le Bages, 1904-1913. au fond, une petite centrale hydroélectrique et un pont. Source: Archives Comarcales du Bas-Llobregat

Groupe de pêcheurs au bord du llobregat en 1895. Source: Archives Comarcales du Bas-Llobregat

Champs de rose dans le delta en 1932

Source: Archives Comarcales du Bas-Llobregat

LE DELTA DU LLOBREGAT, SEUL ESPACE DISPONIBLE POUR LA CROISSANCE D’UNE BARCELONE COINCÉE ENTRE MER ET MONTAGNES

Source: Document personnel élaboré à partir d’un plan de l’ AMB

Centrale thermique San Corneli en 1970 Source: Archives Comarcales du Bas-Llobregat


UN DELTA AU BORD DE L’ASPHYXIE, 1956

source: document personnel élaboré à partir de vues satellites de l’Institut Cartographique de Catalogne.

2km


UN DELTA AU BORD DE L’ASPHYXIE, 1996

source: document personnel élaboré à partir de vues satellites de l’Institut Cartographique de Catalogne.

2km


8 575000 9700 923

municipalités habitants hectares au total hectares protégés

Aujourd’hui, le delta a perdu plus de 90% de ses espaces naturels d’origine.

UN DELTA AU BORD DE L’ASPHYXIE, 2012

source: document personnel élaboré à partir de vues satellites de l’Institut Cartographique de Catalogne.

2km


1km

LE DELTA DU LLOBREGAT, UN ESPACE NATUREL SACRIFIÉ POUR LES INFRASTRUCTURES DE LA MÉTROPOLE?

Source: -Document personnel élaboré à partir d’un plan de l’ AMB - Photographies du chantier de déviation du Llobregat en 2003, Archives de la Porta del Delta


A2. Le plan delta, quand le destin bascule -Objectifs et compensations64 Le projet de parc fluvial trouve sa source dans un projet plus global d’aménagement du delta du Llobregat. En effet, Barcelone voulant dans les années 1990 se transformer en la principale plateforme logistique du sud européen, et son port étant désormais trop petit pour l’activité envisagée, il sembla nécessaire d’étendre ses grandes infrastructures. Toutes les administrations publiques en relation avec le territoire du delta, à savoir le ministère des Chantiers Publics, des Transports et Communications du Gouvernement Central, la Generalitat de Catalogne, les mairies d’El Prat del Llobregat et de Barcelone, la Generalitat, le Conseil Comarcal du Bas-Llobregat et la Communauté de Communes de l’Aire Métropolitaine de Barcelone, signèrent alors en avril 1994 la Convention de Coopération en Infrastructures et Environnement pour le delta du Llobregat, surnommé plus communément Plan Delta. Il comprenait notamment : -L’extension de l’aéroport de El Prat: une 3e piste de décollage, un nouveau terminal, l’accès des différents modes de transport. -L’extension du port de Barcelone vers le sud: une nouvelle zone d’activités logistiques (ZAL2), de nouveaux quais et digues, dont une grande au sud -La déviation de l’autoroute de Castelldefels, la C-31, et la construction de la cité aéroportuaire 64 SANS I MARGENET J.(2009), Aproximacio a l’impacte ambiental del Pla delta vers el delta del Llobregat, p31-38 in MATERIALES n°15: Els moviments ecologistes del Baix Llobregat i altres escrits Ed. Centre d’Estudis Comarcals del Baix Llobregat

-La construction d’un nouvel accès au nouveau terminal sud depuis la C-31 -L’ampliation de l’autoroute C-32 -L’extension de la ceinture littorale -La construction d’une voie directe et de capacité entre l’aéroport et le port -L’entrée en service de l’autoroute (européenne) du Bas-Llobregat nommée A-2 -L’entrée en service de la “Pota Sud” (branche sud) parmi le périphérique de Barcelone -L’arrivée des lignes de métro L1 et L9 en plein delta -La déviation de l’embouchure du Llobregat, avec des actions compensatoires -La construction de la station d’épuration du BasLlobregat -La consolidation de la plage d’El Prat comme nouvel espace de détente citadine Le projet devait aboutir en 2012 initialement, avec la mise en service de la L9 du métro à El Prat, mais son inauguration est maintenant retardée par la crise économique. Il induisit un impact économique de premier ordre, avec un investissement de milliers de millions d’euros (1 773 millions d’euros prévus au départ), mais il eu également de très grandes répercutions sur le territoire, en augmentant de façon considérable la pression humaine sur le delta. - L’extension de l’aéroport d’El Prat-Barcelone : Avec un budget de plus de 5000 millions d’euros, l’occupation au sol de l’infrastructure aéroportuaire est énorme. Un total de plus de 1533 hectares dans le delta, dont 81 hectares de plateforme d’avions, 580 000 m2 d’édifices terminaux,

50 hectares pour le centre de charges, 50 hectares de parc aéronautique, 150 hectares de ville aéroportuaire. L’objectif est ici de placer l’aéroport de Barcelone dans les 10 premiers d’Europe avec plus de 40 millions de passagers annuels via la construction d’une troisième piste d’atterrissage, d’une nouvelle tour de contrôle, d’un nouveau terminal de passagers (le T1 ou T-sud dessiné par Ricardo Bofill), d’une ville aéroportuaire, le tout connecté par l’arrivée du métro et de l’autoroute européenne. Cela induisit une perte de terres agricoles de première qualité, la disparition de plusieurs espaces humides à l’endroit du nouveau Terminal 1, à savoir la zone humide protégée du Remolar Filipines, nommé El Pas de les Vaques, la réduction à moitié de la pinède littorale avec la destruction de 30 000 arbres, la destruction des marais de Can Sabadell à Viladecans, et les mas/fermes de Cal Roc de les Marines et Cal Carboner, la pollution sonore produite par le bruit continu des avions, ceci accru par la troisième piste. Enfin, quand en 2005 le Département de l’Environnement et de l’Habitat proposa d’inclure la façade maritime du massif du Garraf jusqu’à l’embouchure du Llobregat dans le réseau Natura 2000 (espaces européens d’intérêt pour les oiseaux et leurs habitats, qui sont protégés), plusieurs institutions telles que le Département de la politique territoriale et des chantiers publics de la Generalitat et la chambre de Commerce de Barcelone se sont immédiatement opposées car ceci bloquerait toute hypothèse d’extension de l’aéroport de Barcelone avec une quatrième piste d’atterrissage sur la mer. Le Plan Delta inclut alors des mesures compensatoires, à savoir la création de deux parcs littoraux pour la conservation des espaces naturels 55


existants : un à El Prat (les étangs de La Ricarda et d’El Remolar) et l’autre à Viladecans. La Pinède Can Camis est cédée à la mairie d’El Prat pour la création d’itinéraires de promenade, et l’on crée l’étang de l’Illa sur la berge sud du Llobregat. A Viladecans, on crée le Chemin de la Mer et négocie l’accès à une pinède proche du Remolar pour la visite publique de Ca la Pilar, œuvre de l’architecte moderniste Puig i Cadalfalch. - L’extension du port de Barcelone C’était la deuxième grande infrastructure nécessaire à la croissance de Barcelone, et son ampliation passait forcément par la déviation du Llobregat trois kilomètres plus au sud. Sa croissance fut continue des années 1960 jusqu’à la moitié des années 1990, où il occupe alors tout l’espace qui lui est réservé. L’impact sur l’environnement est sérieux, avec la disparition des plages Nord du Delta et de la zone agricole de l’ancienne Marina de Sants et l’Hospitalet, ainsi que la salinisation de l’aquifère du fait de la construction de bassins dans les terres du delta. Cette intervention fut la plus agressive pour le territoire. Cet espace est désormais devenu méconnaissable, avec toute une série d’effets négatifs liés à la déviation : -l’excavation de millions de mètres cubiques de terres agricoles, graviers, etc.., et donc la disparition de champs de haute productivité, d’anciennes fermes et d’un patrimoine lié à la disparition d’un paysage quadrillé de parcelles, de réseaux d’irrigation et de cheminements -la salinisation de l’aquifère, qui est déjà inutilisable à certains endroits du fait d’un lit plus large et du faible débit du fleuve, ceux-ci permettant alors la remontée des eaux marines. 56

-les boues du vieux lit, contaminées et polluées par des années d’industries sur le Llobregat, sont désormais à découvert. Les mesures compensatoires prévoyaient de traiter ces déchets, or l’entité écologique DEPANA assure que rien n’a été exécuté. -les dommages sur la faune et la flore, de par la disparition de nombreux champs cultivés et de l’ancien lit comme zone marécageuse. Les mesures compensatoires pour l’extension du port et la déviation du Llobregat consistèrent en la construction ambitieuse d’une nouvelle zone marécageuse de 90H, à côté du nouveau lit du fleuve, nommé Marais de Cal Tet - Ca l’Arana. Cet étang, qui sert également de zone inondable en cas de montée des eaux, fut une opération à succès avec la colonisation spontanée de la flore et de l’avifaune, mais représente aussi une perte supplémentaire de champs cultivés. Enfin, l’accès au sémaphore fut un compromis avec l’Agence de l’Eau Catalane (ACA) pour la construction de la station de dessalinisation métropolitaine d’El Prat.


A3.La cristallisation d’un vieux conflit -Trente ans de lutte contre la déviation du Llobregat 65 Cette lutte au sein du delta entre ville et campagne remonte en fait à plus loin que le plan Delta de 1994. L’histoire de la déviation du Llobregat est ainsi exemplaire où, après des siècles pendant lesquels les habitants tentent de canaliser ou de dévier l’impétueux Llobregat source de destruction (inondations) ou de maladies (paludisme, choléra), les administrations extérieures qui s’étaient jusqu’alors refusées à faire quoi que ce soit se décident finalement à agir pour des intérêts économiques extérieurs à la vie locale... Ainsi, la déviation du Llobregat est une idée qui est sur la table catalane depuis la fin du XIXe siècle, quand l’ingénieur Pedro Garcia Faria propose en 1898 un projet de rectification du Llobregat pour y améliorer la salubrité (les habitants souffraient alors fortement du paludisme et du choléra). Mais c’est surtout suite aux inondations catastrophiques du Llobregat et du Besos en 1962 qu’un grand débat est lancé : le Bulletin officiel de l’État du 16 octobre de 1962 déclare l’urgence du projet de canalisation du Llobregat depuis Martorell jusqu’à la mer, avec des mesures exceptionnelles d’aide et de prévention à cause des inondations. En 1965 à Madrid, le Ministère des Chantiers Publics souhaite célébrer le futur de l’Aire Métropolitaine de Barcelone et fait le lien pour la première fois entre la canalisation du fleuve et une possible 65 VILA J.A. (2009), Trenta anys de lluita contra el desviament del riu Llobregat (1971-2001). p405-455 in: PRAT E., RENOM I PULIT M., RETUERTA JIMENEZ L., HACHUEL E., Constructors de consciència i de canvi : una aproximació als moviments socials des del Baix Llobregat, Sant Feliu de Llobregat, Arxiu Comarcal del Baix Llobregat, Edicions del Llobregat

ampliation du port. La première version du projet de canalisation du fleuve Llobregat , élaborée en 1967, a pour objectif d’éviter la répétition des inondations de 1962, mais paradoxalement il définit la déviation en aval de la commune d’El Prat quand le fleuve avait débordé bien en amont, entre Molins de Rei et Cornella. De plus, il intègre à la canalisation du fleuve la construction de nouveaux accès routiers à Barcelone, à une époque où l’on commence à construire les premières autoroutes catalanes. Le projet est immédiatement rejeté par les locaux, qui voient pour beaucoup disparaître leur gagne-pain en faveur de la bourgeoisie barcelonaise dirigeant le port. La Direction Générale des œuvres Hydrauliques capitule en mars 1968 pour une canalisation qui suit le cours naturel du fleuve. On évite la déviation, mais la population est désormais sensibilisée. Mais quand le projet semble oublié, une commission Interministérielle pour l’étude des environs portuaires de Barcelone est lancée dès juillet 1969, à laquelle participent la Mairie de Barcelone, la Députation, le Gouvernement Civil, les ministères et autres organismes de l’administration impliqués (la Mairie d’El Prat n’intègre les discussions que plus tard). L’accord signé en décembre 1970 associe encore une fois canalisation et déviation, avec une embouchure 3 kilomètres au sud pour permettre l’extension du port de Barcelone. De fortes inondations dans la nuit du 20 au 21 septembre 1971 accélèrent le processus : le concours est lancé avec comme énoncé : « Réformer le projet de 1968 pour adopter une solution urbaine beaucoup plus ample et importante pour le développement urbain, industriel et portuaire de Barcelone, selon les directives de la Commission Interministérielle

pour l’étude du port de Barcelone. » Le projet est ensuite rendu public en janvier 1973, avec seulement vingt jours d’exposition. Les habitants d’El Prat se rassemblent, l’historien local Jaume Codina entame des conférences dans les villages du coin, et les pressions politiques de la population sont telles que le maire d’El Prat, Josep Lloret, doit démissionner en 1974, démission qui finit alors d’unifier l’opposition d’El Prat contre la déviation. Les années 1970 en Espagne, c’est aussi la mort de Franco et l’arrivée de la démocratisation, avec un rétablissement des institutions catalanes. Ces événements, auxquels s’ajoutent la crise économique et le retard de l’expansion portuaire, provoquent le blocage du troisième et dernier tronçon de canalisation, à savoir la partie entre El Prat et la mer -la partie entre Molins de Rei jusqu’à el Prat étant déjà canalisée. Les manifestations des habitants s’accumulent et culminent le 17 septembre 1976 avec près de 25 000 personnes dans les rues de El Prat : c’est la plus grande réunion de son histoire pour des questions locales ! Avec la transition démocratique, la décision est laissée à la naissante Generalitat. Le conseiller des Chantiers Publics de la Generalitat, Josep Maria Cullell, décide en mars 1982 de reporter à 15 ans la déviation, et de se « contenter » d’une canalisation provisoire. La déviation est finalement acceptée avec le Plan Delta en 1994 malgré les fortes oppositions écologiques et agricoles. Le chantier débute en juillet 2001, et l’eau circule dans le nouveau lit le 15 septembre 2004. Le fleuve débouche désormais 2.5 kilomètres plus au sud, dans un lit de 3.5 kilomètres de long et de 250m de large (l’ancien était de 70m). 57


- Le Llobregat et le Garraf symbôle de la naissance du mouvement écologique en Catalogne La lutte contre la création d’une décharge à ciel ouvert dans le massif du Garraf, au-dessus du village de Gavà, est l’autre grande polémique villecampagne qui a perturbé la vie politique du delta dans la deuxième moitié du XXes. Elle commence et aboutit au même moment que le projet de déviation du Llobregat : projet initié en 1971, la décharge est inaugurée après moult opposition le 15 février 1974 et sera opérative jusqu’au 31 décembre 2006. Depuis, elle fut transformée en parc après avoir fait l’objet d’une renaturation par les architectes-paysagistes... Batlle i Roig! La décharge de Gava et la déviation du Llobregat sont ainsi les deux luttes qui ont lancé le mouvement écologique catalan, quand la fin du franquisme vit coïncider un groupement politique uni et une presse locale engagée : se battre pour son environnement, c’était se battre pour la démocratie et refuser ce pouvoir extérieur hégémonique. « Le mouvement écologique catalan n’est pas né, il a tout simplement débuté »66. Dans son discours du 5 février 1973 à l’Artesa, devant 2 000 personnes, l’historien catalan Jaume Codina introduisit ainsi pour la première fois dans l’argumentation antidéviation une forte sensibilité environnementale. Il y parle avec clairvoyance de la destruction des plages, de l’équilibre de l’aquifères deltaïque, de la salinisation qu’engendrerait la déviation, et termine en disant que « nous sommes devant un at66 CAMPMANY J.(2009), L’abocador del Garraf i el desviament del Llobregat, dos projectes clau en el naixement de la consciencia ecologista, p19-31 in MATERIALES n°15: Els moviments ecologistes del Baix Llobregat i altres escrits Ed. Centre d’Estudis Comarcals del Baix Llobregat

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tentat contre l’équilibre et l’écologie de la Comarca », tandis qu’il qualifie d’opération spéculative le projet de déviation du fleuve. Garraf-Llobregat, les slogans se superposent avec une ressemblance troublante dans une opposition entre ville et campagne : « Gavà : Nous ne voulons pas être la porcherie de Barcelone », « El Prat, le peuple le plus pénalisé d’Espagne ». De plus, il faut noter que c’est au cours de ces luttes que la conscience écologiste va se lier à la conscience comarcale grâce au fleuve. C’est en effet en s’opposant à la déviation du fleuve du Llobregat que se forge une certaine manière de comprendre la comarca, très liée à la terre et à l’environnement, et qui va imprégner tout le nouveau mouvement régionaliste catalan.

- Analyse psychologique et sociale de la perception du Llobregat par les habitants d’El Prat au début des années 1990 En 1989, le Département des Services Hydrauliques et des Traitements des déchets de l’Aire Métropolitaine de Barcelone lance une Étude d’Impact Environnemental du projet de DéviationCanalisation du Llobregat. Le département de psychologie sociale de l’université de Barcelone prend donc en charge l’étude de l’impact psychologique sur les habitants d’El Prat, analyse sur site qui durera de février à juillet 1990.67 La demande se concentrait sur les effets prévisibles de la déviation-canalisation du fleuve sur la population d’El Prat, et non sur les effets sociaux globaux de tout le chantier qui est d’une envergure géographique, économique et sociale autrement plus étendue. Cette synthèse mit donc l’accent sur les aspects reliés à l’identité sociale, l’identité du lieu, le rôle psychologique que la symbolique des espaces peut jouer dans l’explication du comportement, des attitudes et valeurs que les personnes donnent aux lieux et projets, en plus de recueillir les expectatives de futur et la valeur que la population donne aux moyens de participation qui lui sont proposés. Le questionnaire fut organisé en deux parties. La première partie posait des questions générales et ouvertes sur la ville d’El Prat et son environnement, sans alternatives de réponses pré-établies, pour observer si le fleuve apparaissait spontanément comme un élément significatif structurant 67 VALERA S., BERNAUS J., FLORES A., SANCHEZ M., OLMO A. (1995), Impacte ambiental del desviament del riu Llobregat en el municipi de El Prat: Aspectes socials, Monografies psico-socio ambientals, Ed. Universitat de Barcelona, 50p.


UNE POLÉMIQUE AU LONG COURS

Source: Document personnel

Livraison du tronçon 2 du Parc du Llobregat

2e déviation du llobregat au niveau des 5 derniers kms

25000 personnes manifestent contre le projet de déviation du LLobregat dans EL Prat

Création du Consortium pour la renaturation et la conservation du Llobregat

Plan des infrastructures et de l’environnement (Plan Delta)

Crue catastrophique causant 600 morts et 300 disparus en Catalogne

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Ouverture de la station d’épuration EDAR à proximité de El Prat del Llobregat

1ère déviation du Llobregat au niveau de Cornellà pour la construction du périphérique Sud de Barcelone

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30 ANS DE LUTTE CONTRE LA DÉVIATION DU FLEUVE

Plan Général Métropolitain de Barcelone

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Début des études pour le tronçon 2 du Parc du Llobregat 20

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LE PLAN DELTA

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LE PARC FLUVIAL

Directive Européenne sur l’Eau

Plan Territorial Métropolitain de Barcelone


LE PROJET AFFECTE DIRECTEMENT

Le fleuve comme frontière appropriation/territorialité

valeur symbolique positive

dissonance cognitive valeur réelle négative Le fleuve comme source de moustique, de pollution et de puanteur

attitude d’opposition à la déviation dans la première partie du questionnaire

élément symbolique non verbalisé dans la deuxième partie du questionnaire

l’imposition du projet de la part d’instances extérieures à la ville le manque d’information la participation zéro de la part de la population

ANALYSE PSYCHO-SOCIOLOGIQUE DE LA DÉVIATION DU LLOBREGAT SUR LES HABITANTS D’EL PRAT

Source: Document personnel traduit d’un diagramme de l’étude : Impacte ambiental del desviament del riu Llobregat en el municipi de El Prat: Aspectes socials, VALERA S., BERNAUS J., FLORES A., SANCHEZ M., OLMO A. (1995), Monografies psico-socio ambientals, Ed. Universitat de Barcelona, 50p.


dans le tissu social de la ville ou comme un indicateur de la qualité de vie de sa population. La deuxième partie était clairement orientée sur le fleuve et son projet de déviation, pour observer l’image du fleuve qu’a la population d’El Prat, l’attitude qu’elle manifeste face au projet, les motivations et alternatives à mettre en place ainsi que le degré d’affectation et de possibles compensations dérivées de cette intervention. Voici les principales conclusions : « 1. Dans la première partie, le fleuve n’apparaît pas spontanément comme élément significatif de l’image d’El Prat pour ses habitants. En échange, quand on les questionne directement sur le fleuve, un fort sentiment d’appropriation apparaît, le fleuve se révélant comme un élément qui définit le territoire et marque la frontière entre El Prat et la ville de Barcelone. 2. Les enquêtés ont l’image d’un fleuve dégradé, sale et pollué, image qui correspond fidèlement avec la dégradation environnementale réelle. Cet aspect est un de ceux qui préoccupent le plus : le citadin veut un fleuve propre, valorisé comme espace ludique et comme réserve naturelle à préserver. 3. Il existe un positionnement clairement opposé à la déviation du fleuve : l’alternative la mieux acceptée est sa canalisation dans le lit actuel. 4. Cette opposition au projet contraste avec une faible participation active de la population aux actions contre la déviation. Il semble qu’un sentiment diffus de conformisme et d’impuissance dans la gestion politique puisse expliquer ce résultat. 5. Relié aux points 3 et 4, la population se plaint plus particulièrement du faible niveau d’information émis sur le projet de déviation, tant en quantité qu’en qualité.

6. En général, les gens ne se trouvent pas concernés directement par la réalisation du projet. Dans tous les cas, l’affectation se réfère surtout aux terres cultivées, et les compensations doivent être orientées aux affectés, principalement en terme économique. » Il est intéressant de remarquer dans le premier point la contradiction entre le fait que le fleuve n’apparaisse pas spontanément dans la première partie du questionnaire et la forte valeur symbolique positive qu’à le fleuve comme source d’une identité territoriale et cognitive. Cela montre que les habitants, bien que fortement opposés à la déviation d’un élément naturel qui définit de façon essentielle leur territoire, se sentent impuissants par le manque d’informations, l’imposition du projet par des institutions extérieures à la commune et leur absence de pouvoir décisionnel. En outre, il y a une dissonance cognitive entre la valeur symbolique positive de frontière et la valeur réelle actuelle d’un espace « source de moustiques, de pollution et de puanteur », qui expliquerait pourquoi le fleuve n’apparaît pas spontanément comme élément significatif pour les habitants. Par ailleurs, le modèle d’appropriation spatiale établit par Enric Pol définit deux sources nécessaires à l’appropriation : la composante symbolique d’identification et la composante d’action-transformation. Le fleuve étant à l’époque difficilement pratiqué et utilisé par les habitants, le processus d’appropriation reste incomplet et les habitants ne se sentent pas concernés directement par la déviation. Enfin, les habitants émettent l’envie d’un mode de vie différent de l’évolution en cours dirigée

principalement vers l’industrie en faveur d’une revitalisation du secteur agraire et des ressources naturelles et écologiques d’une part, ou bien d’un système basé sur l’activité touristique et commerciale propres à une ville côtière d’autre part. Les attentes des citadins vont donc en contradiction avec le futur que suppose cette étude d’impact environnemental, qui parle lui de la perte de terrains agricoles, de l’assèchement des étangs et de la disparition progressive des plages. Le Plan Delta, en s’opposant à ces désirs des habitants locaux, se montre donc psycho-socialement négatif.

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B/ Le développement régional par le bas : la campagne se relève

B1. L’essor des parcs comme symbiose entre paysage naturel et culturel -LA CONSTITUTION PROGRESSIVE DES PARCS (présentation par ordre chronologique) Le plan delta a transformé drastiquement le paysage du delta, comme ne l’avait même pas fait l’expansion urbaine et industrielle dans les années 1960 et 1970. Le paysage fut complètement bouleversé par les différentes infrastructures, voire rendu méconnaissable à certains endroits, à tel point qu’il est au bord du gouffre, avec en plus une mosaïque d’activités très complexe à gérer. En contrepartie, de grands investissements furent réalisés en faveur de la préservation, de l’amélioration et de l’adéquation à la visite du public des espaces marécageux et naturels du delta. De fait, le rôle de ces espaces naturels n’est pas seulement de préserver la biodiversité, mais de mettre en relation les habitants de la métropole barcelonaise avec la nature. Pour cela furent constitués plusieurs Consortiums tout au long du fleuve : le consortium du Parc Agraire, le consortium des Colonies Ouvrières du Llobregat, celui pour la Protection et la gestion des Espaces naturels du delta du Llobregat, et enfin le Consortium pour la renaturation du Llobregat. LE PARC AGRAIRE DU BAS-LLOBREGAT 68 L’agriculture dans le Llobregat est une histoire ancienne. Les fouilles archéologiques situent des traces d’habitats humains dès le paléolithique, 68

PARC AGRARI DEL BAIX-LLOBREGAT, Historia de la ocupa-

cio humana [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www. diba.es/parcsn/parcs/plana.asp?parc=9&m=92&s=568

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mais la culture reste difficile du fait des inondations intempestives, ainsi que de l’humidité et des marais (et donc des problèmes de salubrité comme le paludisme ou le choléra). C’est au XVIes que l’homme commence à assécher les marais, puis à maitriser les processus d’irrigation. Il crée des canaux dans tout le delta et construit des mottes de protection pour endiguer autant que possible les crues dangereuses. Au milieu du XIXes, près des trois quarts de la superficie deltaïque est cultivée, soit pas moins de 7.500 hectares ! Le début du XXes voit alors se constituer une agriculture de primeur (horticole, tubercules et fruits), avec la constitution d’un marché non seulement d’échelle régionale, mais aussi européenne et mondiale. Ceci est possible grâce à la qualité du sol et le réseau de canaux d’irrigation, et produit les primeurs les mieux rémunérés sur le marché. Dès 1819 débute ainsi l’exportation de l’artichaut du delta, avec un pic d’exportation dans les années 1930 : la France achète des pêches jaunes et l’Angleterre des prunes. En 1962 sont irrigués presque 10 000 hectares dans la Comarca, en particulier dans les communes qui bénéficient à la fois de canaux d’irrigation et de puits. Mais la guerre puis le franquisme freineront les exportations de fruits et légumes, qui ne dépasseront jamais le maximum historique de 1936. Suite à la deuxième guerre mondiale, la réactivation de l’économie régionale dans les années 1960 passe par une grande expansion industrielle, qui devient pour le delta le premier secteur d’activité dans les années 1950 : métallurgie, puis textile, et enfin chimie et construction. L’espace agricole sera dès lors de plus en plus


LE PLAN DELTA IMPOSÉ PROVOQUA PARADOXALEMENT TOUTE UNE SÉRIE DE PARCS CONCERTÉS

Source: Document personnel élaboré à partir des différents websites des consortiums présentés

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Zone d’activités logistiques du port de barcelone

plan delta

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1ère proposition d’un parc agraire dans l’hypothèse du plan delta

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projet life pour la préservation des espaces agricoles, subventionné par l’UE

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consortium du parc agraire du baix-llobregat

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plan de gestion et de développement

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plan spécial de protection et d’amélioration

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nouveau terminal 1 de l’aéroport dessalinisatrice de El Prat

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Plan territorial métropolitain de Barcelone

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20 05 20

la generalitat integre le consortium

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Remolar-Filipines, Ca Ricarda-L’Arana et la Murtra sont intégrés au plan des espaces naturels d’interêt de catalogne (PEIN). 518 Ha l’ue déclare ZEPA (zones de protection spéciale des oiseaux) les zones protégées du delta, y ajoutant les Reguerons et une partie du littoral. 574 Ha

19

92 19

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1 ere déviation du Llobregat au sud de Cornellà pour la ronda de dalt et la ronda del litoral Plan des Infrastructures et de L’environnement du Delta du Llobregat, appelé plus génériquement Plan Delta

la quasi-totalité des espaces humides du delta sont incorporés à l’inventaire des zones humides de catalogne. 493 Ha

consortium pour la protection des espaces naturels du delta du Llobregat

ampliation de la zepa de 348 Ha. integration dans le réseau Natura 2000, avec la proposition de nouveaux Lieux d’Importance Comunautaires (LIC). 923 Ha

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20 06

deuxième déviation du Llobregat à son embouchure, pour l’extension du port ouverture de l’Edar d’El Prat del llobregat, la plus grande de l’aire métropolitaine

consortium pour la renaturation et la conservation du Llobregat


réduit, grignoté et pressurisé de toutes parts, avec une croissance industrielle et urbaine qui se déploie sans fin. L’espace agricole est désormais soumis aux besoins de l’industrie et d’équipements des autres secteurs de l’économie. En 1973 débute la crise du pétrole, puis en 1976 est approuvé le Plan Général Métropolitain qui malgré les prévisions de forte expansion industrielle et urbaine prévoit 2700 hectares de sol agricole à préserver et à intégrer aux zones urbanisées. En 1977 naissent les premières réflexions et la demande d’un espace agraire protégé avec la campagne « Sauvons la Plaine » promue par l’Union Paysanne qui avait déjà situé le problème péri-urbain au centre de son action syndicale. Les demandes iront croissantes au fur et à mesure que se constitue le Plan delta... C’est ainsi qu’en 1994, le Patronat de Promotion Agricole du Conseil Comarcal du Bas- Llobregat élabora le document “ Le futur de l’agriculture du delta et de la basse vallée du Llobregat dans le cadre du Plan d’infrastructures et de l’environnement. Proposition du Llobregat ” où l’on considérait le besoin de trouver un nouvel instrument qui permette de trouver une solution aux problèmes de l’espace agricole que le cadre actuel était incapable de résoudre. Le Plan Stratégique du BasLlobregat, lors de sa deuxième phase d’élaboration en 1995 proposait également de “ garantir la stabilité des zones agricoles ainsi que leurs conditions de viabilité ,” en présentant les parcs agricoles « comme un cadre pour le développement de cette politique ». Avec tous ces antécédents, la Députation de Barcelone chargea au début de l’année 1996 l’Union Paysanne de la rédaction d’une étude sur l’ « Im64

plantation d’un Parc Agrari dans la région du Baix Llobregat», afin d’établir un cadre conceptuel qui définisse le but et les caractéristiques générales d’un parc agraire pour la basse vallée et le delta du Llobregat. Pendant le printemps 1996, coïncidant avec l’ouverture des projets pour le programme LIFE de l’Union Européenne qui avait comme projet prioritaire la rédaction de ceux qui amélioreraient les conditions d’environnement des territoires côtiers, on assiste alors à la réunion des volontés de la Députation de Barcelone, du Conseil Comarcal du Bas-Llobregat et de l’Union Paysanne pour trouver une nouvelle formule servant à la promotion de l’espace agraire du delta et de la basse vallée du Llobregat. Le projet présenté au programme LIFE s’intitule : “ Élaboration de propositions techniques et normatives et réalisation des actions pilotes pour la conservation, l’amélioration et la promotion économique de la zone agricole périurbaine de la région métropolitaine de Barcelone. Projet du Parc Agraire du Bas-Llobregat ”. En décembre 1996, l’Union Européenne communiqua officiellement l’acceptation du projet qui consistait principalement à la rédaction du projet du Parc Agraire du Bas-Llobregat et l’exécution des actions pilotes dans certains endroits du territoire qui devaient avoir un caractère exemplaire pour d’autres zones de l’Union Européenne ayant des problèmes similaires. Les différentes phases de l’élaboration mirent tout particulièrement en relief le fait que le Parc Agrari del Baix Llobregat devait être caractérisé par la gestion, cherchant à obtenir des exploitations viables dans le cadre d’une agriculture qui reste intégrée dans le territoire et dans l’environnement naturel, ainsi qu’à

favoriser un usage social soumis aux espaces agraires et naturels. C’est en juin 1998 que se constitua le Consortium du Parc Agraire du Bas-Llobregat, constitué au départ par la Députation de Barcelone, le Conseil Comarcal du Bas-Llobregat et l’Union Paysanne, auxquels se joindront ensuite les mairies de Castelldefels, Gavà, Viladecans, el Prat del Llobregat, Santa Coloma de Cervelló, Sant Joan Despí, Sant Feliu de Llobregat, Molins de Rei, Sant Vicenç dels Horts, Pallejà et el Papiol. Ce parc a pour objectif général de consolider et développer la base territoriale ainsi que de faciliter la continuité de l’activité agraire en encourageant des programmes spécifiques qui permettent de préserver les valeurs et de développer les fonctions de l’espace agraire, dans le cadre d’une agriculture rentable et en harmonie avec l’environnement naturel. Cet objectif général se manifeste par cinq lignes stratégiques : 1. Obtenir l’efficacité des infrastructures et des services généraux du territoire agraire. 2. Promouvoir des systèmes de production et de commercialisation qui favorisent l’accroissement des rentes des exploitations agraires. 3. Favoriser l’implantation de services et la modernisation des exploitations agraires afin d’améliorer leur viabilité. 4. Obtenir un espace de qualité intégré dans le territoire et en harmonie avec l’environnement naturel. 5. Consolider et faire connaître le patrimoine naturel et culturel du Parc Agraire sans interférences avec l’activité agraire. Ces cinq lignes stratégiques se développent en 15


objectifs spécifiques et en 49 mesures d’actions concrètes qui rassemblent dans un certain ordre les différentes propositions présentées lors des études générales et sectorielles réalisées préalablement. Et l’action est organisée grâce à trois instruments : 1. L’entité de gestion qui, dotée d’initiative, de ressources humaines et économiques ainsi que de compétences, permet le développement économique des exploitations agraires et de leur entretien, sans oublier l’amélioration de la qualité de l’environnement du Parc Agraire. En partant ainsi de la gestion intégrale de l’espace agraire, elle se concrétise dans l’étude d’exécution par quatre domaines généraux : la production, la commercialisation, les ressources et le milieu. 2. Le plan spécial qui, en tant que figure urbanistique, délimite le territoire du Parc Agraire, règle son utilisation et définit ses infrastructures générales. Le Plan Spécial possède des objectifs urbanistiques et territoriaux, et ses propositions sont “indicatives” mais deviennent “des normatives ” exclusivement dans le cadre de ce qui aura été décidé par les membres. 3. Le plan de gestion et de développement qui établit les lignes stratégiques, les buts spécifiques et les mesures d’action pour les différents domaines de gestion de l’entité, se basant sur l’objectif général du parc et l’accord entre les membres de l’entité. « Le Plan de Gestion et Développement (PGD), élaboré au départ dans le cadre du programme LIFE, est un accord institutionnel entre les agents impliqués dans le Consortium du Parc et veut définir le cadre général d’action d’où il s’agira de déterminer des mesures concrètes. »

Cette action doit être menée à bien grâce à trois perspectives : - en harmonie avec le milieu naturel et ouverte à la connaissance de ce dernier. - sous le critère de “ partenariat ”, c’est à dire que le Consortium du Parc Agraire agit dans le cadre de la dynamisation économique grâce à des accords spécifiques avec des entité et des entreprises du secteur agraire pour développer des initiatives qui impliquent un progrès dans des objectifs qui coïncident. - en collaboration avec les Mairies membres du Consortium, surtout en ce qui concerne les compétences dont elles sont titulaires, comme par exemple de nombreuses infrastructures et services généraux, une discipline urbanistique, etc. L’harmonie avec l’environnement se concrétise par la volonté de développer une agriculture qui puisse durer, c’est à dire qu’elle maintienne et améliore le niveau de productivité et garantisse la persistance du système de l’environnement, social et économique. Ce maintien sera possible s’il est associé à la capacité du système agraire (agrosystème) de surmonter les perturbations produites par les changements dans l’environnement, de plus ou moins grande intensité et de plus ou moins longue durée (qualité des eaux, sécheresses, fléaux, qualité du terrain, inondations, etc.). Suivant les principes de l’éco-logique, il s’agit que le développement actuel ne mette pas en danger les futures générations.

-CONSORTIUM DU PARC FLUVIAL DES CITES TEXTILES 69 Les cités industrielles furent dans plusieurs pays d’Europe occidentale un modèle d’urbanisme typique du processus industriel. Elles se caractérisent par une structure à double espace : l’espace de production, où se trouvait l’usine et les éléments nécessaires à transformer la puissance de l’eau en énergie, et d’un autre côté l’espace où les familles travailleuses dormaient et passaient leurs quelques heures de liberté. Dans ce dernier espace se trouvaient donc les logements, l’école, le café, les commerces, l’église, le lavoir et tout autre service ou équipement. En Catalogne, les cités ouvrières ont donc commencé à apparaître à partir de la deuxième moitié du XIXes, et restèrent pleines de vie sociale et productive jusqu’à la fin du XXes. C’est donc une centaine de cités qui furent construites sur le territoire catalan : la plupart produisant du textile, mais aussi nombreuses furent les cités minières, agricoles ou métallurgiques. Plus de la moitié de ces cités furent construites à l’intérieur des terres, le long de cours d’eau comme le Llobregat, le Ter, le Cardener ou le Freser. Le Parc Fluvial du Llobregat est un consortium qui travaille au développement économique et touristique du territoire des cités industrielles textiles du Haut-Llobregat tout en préservant le patrimoine naturel, culturel, architectural et historique, ce qui développe une identité propre à cet espace struc69

EL CONSORCI DEL PARC FLUVIAL DEL LLOBREGAT. Qui

Som? [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.parcfluvial.cat/plantilla1.php?nId=1068350033&nIdn2=1068350033& nIdn1=1180706014&cTitolNivell=Consorci+Parc+Fluvial

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turé par le Llobregat. Les initiateurs du projet partirent d’une inquiétude commune : travailler pour ces territoires où durant plus de cent ans les cités ouvrières textiles ont été le centre de la vie sociale et économique. Avec la crise du secteur textile et la fermeture de la plupart des usines et cités de la zone dans les années 1980-90, ces territoires souffrirent d’un gros choc, et c’est pour les aider à dépasser cette situation de crise qu’émergea le Parc Fluvial. Le Consortium du Parc Fluvial des Cités du Llobregat fut donc créé le 11 juin 2003, mais c’est un projet qui s’était déjà développé sous la forme du Patronat du Parc fluvial Navàs-Berga dès 1998. Il est formé actuellement par : le Conseil Comarcal de Berguedà, la Generalitat de Catalogne (Présidence et politique territoriale et Œuvres publiques), la Députation de Barcelone (Promotion de l’Économie et du tourisme), L’Oeuvre Sociale de la Caixa de Manresa, l’Association d’Hotellerie et de Tourisme de Berguedà, la Chambre de Commerce – Délégation Berga, l’Association de Producteurs et Usagers d’énergie électrique, la Fédération Catalane de Pêche et la Fédération d’Association de voisins du Bas-Berguedà, ainsi que les municipalités de Berga, Avià, Olvan, Vila de Gironella, Casserres, Puig-reig, Gaià, Navàs, Balsareny. Le territoire d’intervention est constitué de 278 km2, où vivent 34 000 personnes, et inclut les communes du territoire du Parc ainsi que les habitants des 18 cités textiles situées à proximité du Llobregat, entre Berga i Balsareny. Ces dernières accueillent près de 2500 habitants et plus d’une soixantaine d’entreprises de tout type : alimentation, menuiseries, indépendants, petites entreprises textiles, etc. 66

Deux typologies de projet ont guidé son élaboration. Le couloir fluvial a souvent comme objectif de revitaliser les fronts urbains des fleuves et de mieux connecter les villes riveraines, avec la régénération du bâti traditionnel et la création de grandes zones de loisirs sur les berges. Le patrimoine industriel est quant à lui le moyen de redynamiser des régions en attirant de nouveaux usages dans les vieilles usines comme les loisirs et le tourisme. Ces deux projets sont donc parfaitement compatibles puisque qu’ils développent des objectifs identiques de redynamisation dans des espaces complémentaires.70 Les objectifs généraux du Consortium du parc Fluvial se traduisent par quatre lignes d’action : 1) Consolider la promotion conjointe du parc Fluvial du Llobregat 2) Promouvoir plus d’occupation et de qualité dans le secteur productif, notamment dans les nouvelles technologies et le tourisme 3) Structurer et gérer l’offre touristique pour réactiver socialement et économiquement les communes et colonies du Parc, en valorisant les éléments de patrimoine industriel, culturel et fluvial 4)Préserver et diffuser le patrimoine naturel et culturel, pour dessiner et gérer des projets qui promeuvent un territoire où l’on jouit d’une identité forte.

70 SCHUSTER M. Ocho lecciones, cuatro etapas, una conclusion. p63-74 In: Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. p63.

-CONSORTIUM DES ESPACES NATURELS DU DELTA DU LLOBREGAT71 Le delta du Llobregat, qui occupe 98 kilomètres carrés entre le massif du Garraf et Montjuic est le deuxième plus grand delta de Catalogne après celui de l’Ebre. Le lit du fleuve s’est déplacé à multiples reprises formant ainsi les lagunes littorales. Son grand aquifère est une réserve d’eau potable souterraine qui a permis un usage agricole intensif : c’est de fait l’une des régions les plus fertiles de la Méditerranée. Sa création débute il y a 18 000 ans, mais c’est seulement depuis 2 300 ans (sous l’époque romaine), c’est-à-dire depuis la stabilisation du niveau de la mer, qu’il a pris sa « forme actuelle ». C’est un espace de perpétuelle négociation entre le fleuve et la mer, terre que l’eau abondante rend aussi fertile qu’hostile, et que les hommes n’occupent de façon sédentaire qu’à partir du XVe siècle quand ils assèchent progressivement les marais et y développent des techniques d’irrigation encore présentes aujourd’hui. Actuellement, la diversité des paysages est la caractéristique la plus remarquable de ce territoire. Au milieu de cette mosaïque d’usages se détachent par leur valeur les espaces naturels : le delta compte ainsi 20 habitats naturels d’intérêts européens, dont 3 sont d’intérêt prioritaire. Dans les prés humides et les pinèdes furent détectées 22 espèces d’orchidées différentes, ainsi qu’une riche population d’invertébrés, d’amphibiens et de reptiles. Près de 350 espèces d’oiseaux y vivent, et le delta constitue l’une des étapes fondamentales 71 LA PORTA DEL DELTA. Tot sobre el delta [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.portadeldelta.cat/el_delta. php


pour les oiseaux migrateurs. Pour tout cela, le Conseil des Communautés Européennes a déclaré ZPSO (Zone de Protection Spéciale pour les Oiseaux) plus de 900 hectares qui sont aussi protégés comme Réseau Natura 2000, et dont 500 hectares sont classés « Réserve Naturelle ». Les espaces naturels du delta du Llobregat sont donc en équilibre permanent et dynamique. Leur valeur intrinsèque leur confère une importance mondiale ainsi qu’un rôle essentiel pour l’usage public et l’éducation environnementale de la région. Le Consortium fut donc créé en mai 2005 pour garantir la gestion et la protection des espaces naturels dans le delta du Llobregat. Il est constitué par le Département de l’Environnement (chasse, pêche, alimentation) de la Generalitat de Catalogne et les municipalités d’El Prat del Llobregat, Viladecans, Gava, Sant Boi del Llobregat. Il intervient dans les espaces de protection spéciale du Delta du Llobregat et agit comme entité autonome par délégation des administrations qui le forment. Il est également relié à des associations et entités diverses qui peuvent contribuer à l’exécution de ses objectifs ou au financement de ses activités. Son objectif général est d’être le référent dans la gestion publique concertée du territoire, dans la préservation, l’étude et la divulgation des valeurs naturelles et du paysage du delta du Llobregat, et dans l’amélioration continue de l’offre d’usage ludique et éducatif dans l’environnement naturel. Son travail s’articule alors en trois missions : - Élargir et améliorer l’offre d’usage publique et de service des espaces naturels, ainsi que de fidéliser et accroître les visiteurs pour contribuer à aug-

menter le degré de connaissances que le public métropolitain possède de ces espaces et élever la valeur comme espaces naturels ludiques et éducatifs de qualité. - Consolider les espaces naturels comme espace de référence dans le soutien de la biodiversité et de l’ensemble de projets, études, investigations qui permettent la gestion des valeurs naturelles et paysagères, ainsi que de valoriser la consolidation et la récupération d’habitats, et la protection de la flore et la faune caractéristiques du delta. - Relier les institutions, entités et entreprises du delta du Llobregat, qui malgré leur intérêts divergents se rassemblent autour de la défense et la promotion de cet espace si riche et fragile du fait de sa situation urbaine.

-CONSORTIUM DU FLEUVE LLOBREGAT Les descriptions précédentes n’ont cessé de le montrer : le Llobregat fut un moteur du développement de Barcelone grâce à son eau source de vie et d’économie. L’eau d’abord pour l’agriculture : le delta est à la fin du XIXe siècle le principal fournisseur de fruits et légumes de Barcelone, quand se développe alors l’industrie. L’eau toujours, ainsi que la proximité de Barcelone et son grand port sont en effet des atouts majeurs pour la région, qui voit sa population grandir en conséquence. La création de la firme SEAT à l’Hospitalet del Llobregat (rive nord) est un des exemples les plus connus et porteurs d’identité dans la région. Mais ce second changement ouvre aussi la période la plus destructrice pour l’environnement du fleuve: il est navigable et déchargeable à merci... Et l’urbanisation nécessite de grands travaux d’infrastructures qui s’élaborent sans aucun souci de ce qui est considéré uniquement comme l’arrière-cours des usines, espace non constructible pour faire passer tout ce que rejettent les noyaux urbains. Le Consortium pour la Renaturation et Conservation du Llobregat fut créé en 2006 comme entité publique qui coordonne l’intervention de tous les niveaux d’administration sur l’ensemble de l’espace fluvial du Llobregat dans la région métropolitaine de Barcelone, tout en améliorant la qualité et la fonctionnalité environnementale des écosystèmes associés.72 Il a donc pour mission la gestion du tronçon métropolitain du Llobregat, à savoir 30 kms de Martorell jusqu’à la mer, pour le convertir en un espace 72 PARC RIU LLOBREGAT. El Consorci [en ligne] (page consultée le 19/09/2013).http://www.parcriullobregat.cat/consorci.php

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naturel et de loisirs pour tous les habitants de la métropole. Corridor vert, chemin d’eau, infrastructure de loisirs, c’est un espace complexe où cohabitent protection environnementale et infrastructures urbaines. Il est composé du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement, la Generalitat de Catalogne, la Députation de Barcelone, le Conseil Comarcal du Bas-Llobregat et l’Aire Métropolitaine de Barcelone. Durant ces quatre dernières années, les administrations qui participent au Consortium pour la Renaturation et la Conservation du Llobregat ont investit conjointement plus de 24,5 millions d’euros, incluant l’Union Européenne qui via le fond FEDER et le programme Freemed ont participé avec plus de 500 000 euros. Toutes ces interventions avaient un double objectif social et environnemental. Initialement, le Consortium disposait d’un budget de 12 millions d’euros financé par le Ministère de l’Environnement, mais une fois cela investit c’est l’AMB qui réalisa les plus gros investissements à travers son Plan d’Investissement ou en captant les différentes subventions des Autonomies et de l’Europe. 73 En outre, la construction de la ligne de train à grand vitesse Barcelone-Madrid exécutée par l’ADI réservait une partie du budget aux mesures correctives. Les aides du Plan Unique des Ouvrages et Services de Catalogne (Pla Únic d’Obres i Serveis de Catalunya – PUOSC) que la Generalitat a octroyé à l’AMB dans le programme spécifique de dynamisation et équilibre territorial furent particulièrement signifi73 PARC RIU LLOBREGAT. El Financement [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.parcriullobregat.cat/finansament.php

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catives pour les opération de 2009 à 2011, avec un total de 1.088 millions d’euros. L’AMB a également reçu 543.514,56 € pour le financement du Tronçon 1-Phase2 via le fond FEDER (Fond Européen de Développement Régional). Les autres formules de financement « testées et approuvées » par l’AMB sont la collaboration public/ privé et l’établissement de partenaires européens. La collaboration public/privé, avec l’exemple de la convention avec la Fondation des amis de l’UPC (Université Polytechnique de Catalogne) qui ont financé la plantation du Bois des Amis de la UPC au niveau de Cornellà del Llobregat, pour un montant de 60 000 euros. D’autres collaborations ont été établies avec des entités reliées plus ou moins directement au fleuve comme CaixaBanc, Aigües de Barcelona, Abertis, Roca, CLH, AENA... Enfin, l’AMB a obtenu d’autres fonds via l’Union Européenne. En 2008 tout d’abord, grâce à la collaboration entre plusieurs institutions pour présenter un projet dans le cadre du programme INTEREG MED : le projet FREEMED (Fleuves et Rivières Espaces d’Équilibre pour la Méditerranée) l’a dotée de 186.731,83 € pour la réalisation d’actions liées à la communication et à la signalisation du fleuve dans la métropole. 75% de ce budget fut financé par les fonds européens, et les 25% restant avec les ressources de l’AMB. Enfin en 2010, le Consortium, l’AMB, le Centre Technologique Forestier de Catalogne, le Hanselstadt Hamburg et le Keren Kayemeth Leisrael ont présenté un autre projet au programme LIFE de l’Union Européenne d’une valeur de 3.021.607 € : 50% de financement européen, le reste à 93,5% par l’AMB et à 6,5% par le Consortium (soit 60 000 euros sur 3 ans). L’objectif serait de réaliser une

autre série de mesures d’amélioration sociale et environnementale du corridor fluvial. D’après le site internet, la réponse est toujours en attente...


A.

B.

LES GRANDS PARCS COMME MOYEN DE DÉVELOPPER LA RÉGION EN CONCERTATION

Source: - Document personnel élaboré à partir d’un plan de l’ AMB - Brochures du Parc du Fleuve Llobregat et du Parc Agraire, 2012

A.

B.


LE CONSORTIUM, UN LIEU DE RENCONTRE PRIVILÉGIÉ POUR TOUS LES ACTEURS DU FLEUVE LLOBREGAT.

Source: Document personnel élaboré à partir du statut du Consortium, publié sur le site www.parcriullobregat.cat

DÉLÈGUE L’EXÉCUTION

CONSTITUENT

CONSORTIUM POUR LA RENATURATION ET LA CONSERVATION DU FLEUVE LLOBREGAT

CONSEIL DE COOPÉRATION

les organismes ou entreprises, privées ou publiques, ayant des intérêts reliés aux espaces naturels du Llobregat

les associations civiques, culturelles, sportives, ou écologiques ayant des intérêts reliés aux espaces naturels du Llobregat

PRÉSIDENT

universités ou centre de recherches personnalité spécialiste

GÉRANT

EMBAUCHE

CONSEIL ADMINISTRATIF

BATLLE I ROIG ARQUITECTES


- Faire parc, ou le paysage par la gestion « Le concept de “parc” est chaque fois plus employé pour identifier un espace de qualité ayant une gestion spécifique. C’est ainsi que l’on peut trouver des zones industrielles appelées “parc technologique”, “parc d’activités économiques” ou “parc d’activités d’entreprises”. Il existe également de grandes surfaces commerciales appelées “parc commercial”, un exemple parmi d’autres, tous bien loin de l’image du jardin public que pourrait évoquer initialement le mot “parc”. » 74 Le parc est un terme qui revient très souvent dans des recherches paysagères, et ce pour désigner des échelles et des enjeux différents. Le parc signifie communément un espace vert de loisirs, mais il peut aussi recouvrir le sens plus large d’espace auquel l’homme a donné une unité, une identité. C’est donc un espace purement social, une entité, et dans cette partie nous verrons comment les acteurs en ont fait un projet collaboratif. « Le Parc Agraire du Bas-Llobregat devait être caractérisé par la gestion, cherchant à obtenir des exploitations viables dans le cadre d’une agriculture qui reste intégrée dans le territoire et dans l’environnement naturel ainsi qu’à favoriser un usage social soumis aux espaces agraires et naturels. »75 Ainsi, le parc est un espace que l’on veut identifier par une gestion uniforme. « La Gestion signifie 74

Consortium du Parc Agraire du Bas-Llobregat (2002), Plan

prendre une décision et vouloir la réalisation de certains objectifs. La gestion suppose de prendre des mesures pour développer, établir des responsabilités et des procédés et également de compter sur des ressources. » La gestion se traduit en plans. Le plan est un document qui établit un lieu d’action et les déterminations nécessaires pour assurer la réalisation, dans le cadre établi, des objectifs qu’il a prédéterminés. Développer signifie activer les qualités latentes pour favoriser la naissance ou la croissance de quelque chose. « La gestion du parc doit tendre à conserver certaines de ces valeurs, par une attitude positive, imaginative et créatrice et par conséquent activer les fonctions du parc agraire. Les valeurs doivent être alors protégées et les fonctions développées. »76 Car ce sont les fonctions économiques qui s’y développent qui ont une importance fondamentale dans un parc agraire, sans oublier d’améliorer dans la mesure du possible leurs valeurs productives, écologiques et culturelles. Par exemple, l’espace agraire mène à bien des fonctions positives en ce qui concerne l’environnement (poumon vert, équilibre territorial, générateur de paysage, etc.), l’économie (il est occupé par des exploitations agricoles qui développent une activité économique) et le social (tel que des postes de travail pour beaucoup de paysans, des espaces culturels et de loisirs des habitants dans les zones naturalisées). La conservation de l’espace agraire ne peut donc se réaliser sans une agriculture économiquement viable, et celle-ci

de gestion et développement, Barcelone: Editions La Terra, p54. 75

Consortium du Parc Agraire du Bas-Llobregat (2002), Plan

de gestion et développement, Barcelone: Editions La Terra, p55.

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Consortium du Parc Agraire du Bas-Llobregat (2002), Plan

de gestion et développement, Barcelone: Editions La Terra, p57.

n’est possible que grâce à l’activité des paysans qui, soit à plein temps, soit à temps partiel, dans des conditions stables et avec des perspectives de futur, obtiennent des revenus adéquats. Un projet de développement territorial ne peut fonctionner non plus sans l’appui des entités locales. C’est une opportunité d’avoir une complexité d’acteurs, d’administrations à différentes échelles à l’œuvre. Plusieurs sources de financement, d’appui et d’influences peuvent travailler en faveur du projet. Un niveau de gouvernement peut souhaiter soutenir une composante de l’initiative, tandis qu’un autre niveau s’ajustera mieux à un autre élément. Le consortium est une des multiples traductions juridiques possibles d’un parc. Elle valorise la concertation et la démocratisation du processus, où les « petits locaux » ont le même pouvoir que les « grands régionaux ». Dans le milieu des années quatre-vingt-dix, la Députation de Barcelone entamait un programme de gestion des espaces protégés, favorisant ainsi l’aspect novateur de la gestion via le Consortium, par l’importance qu’il donne au monde local et aux entités socioéconomiques en ce qui concerne la protection et la gestion de ces espaces. Dans ce sens, il existe un autre élément important, le besoin de “ partenariat ”, en tant que forme de rapport de préférence avec le secteur agraire pour favoriser ensemble collectivement les projets. Cette volonté de concertation au moment de développer des projets est un facteur très important dans le Consortium du Parc Agraire, puisque celuici a comme objectif principal d’ “ établir des accords de collaboration avec d’autres entités, sans 71


intention de profit, coïncidant essentiellement avec les objectifs du Consortium ” (art.5.6), de “ collaborer avec les autorités compétentes dans le cadre de l’espace agraire ” (art.5.7) et de favoriser la captation, la coordination et la gestion des aides et des fonds communautaires et d’autres administrations et entités qui puissent en fournir ” (art.4.8). Le consortium est donc non seulement un organe exécuteur d’actions, mais c’est aussi un coordinateur et un moteur qui prend des initiatives que différents agents devront réaliser. Au-delà de la gestion d’un parc, il y a surtout l’identité développée autour des activités économiques. Il faut hiérarchiser nos ressources parce que ce sont elles qui sont à l’origine du territoire et lui donnent une identité économique, sociale, et environnementale. De fait, l’identité territoriale se constitue autour des activités économiques, elles-mêmes créées en fonction des ressources naturelles ! Ainsi, la priorité des ressources a deux composantes : l’importance d’une ressource en soi, et son importance pour expliquer l’histoire que l’on veut raconter. Expliquer une histoire est essentiel s’il l’on veut dépasser une stratégie territoriale uniquement « ingénieriste » et valoriser les particularités locales pour lutter contre une homogénéisation du paysage urbain mondial. L’histoire du Llobregat, c’est l’histoire de l’eau, c’est elle qui unit toutes les ressources. La réflexion territoriale est différente de celle patrimoniale, car elle valorise l’expérience du lieu en plus des qualités intrinsèques de l’objet. «Quand on pense globalement, l’ensemble est définitivement supérieur à l’accumulation de ces éléments.»77 77

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SCHUSTER M. Ocho lecciones, cuatro etapas, una con-

Il faut savoir que la région industrielle du Llobregat est en déclin depuis les années 1980, d’où émerge cette collection de bâti témoignant d’une lente construction d’une économie sur l’eau. Il s’incorpore à un paysage naturel d’une beauté aussi belle que variée et forme un paysage culturel d’une rare intégrité. Aujourd’hui à l’abandon ou en sur-utilisation, la région souffre d’un développement contemporain agressif. Les infrastructures routières qui envahissent les perspectives les plus spectaculaires coupent les réseaux anciens, et plus gravement séparent les habitants de leur fleuve, les éloignent de la perception du cours d’eau, de ses besoins et ses richesses. Or le Llobregat fut la ressource en approvisionnement, en transport, en énergie, en piété : c’est véritablement la colonne vertébrale de la Comarca. « Quand nous défendons que le Llobregat est le fleuve le plus travailleur d’Espagne, ou que c’est la plus grande collection d’éléments de la Révolution Industrielle en Europe, les résidents eux-mêmes ou bien les extérieurs reconnaissent ces faits pour la première fois . » 78 Un parc est, plus qu’un milieu naturel, une entité juridique fruit des luttes sociales pour l’espace. Ainsi, la figure juridique du Consortium illustre ce rapport démocratique où sont inclues toutes les échelles, y compris locales. La superposition clusion. p63-74 In: Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. p63. 78 SCHUSTER M. Ocho lecciones, cuatro etapas, una conclusion. p63-74 In: Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. p63.

de ces « parcs », c’est-à-dire des plans et cartes dessinés par les différentes autorités révèlent ainsi les nœuds et les marges, bases pour les projets à venir. La multiplication des parcs est-elle un avantage pour une démocratie participative, ou un inconvénient pour une démocratie illisibilité et fragmentée ? Nous l’avons vu dans la première partie, la notion de parc touche alors à la problématique actuelle de la ville-diffuse, ou la ville à la campagne. Ainsi, Slimane Tir concluait-il le congrès organisé par FEDENATUR à Séville en 201079: « Une fois ce forum en fonctionnement, nous avons réalisé que dans l’avenir, il ne serait pas possible de garantir la protection de la biodiversité d’espaces naturels et ruraux isolés, situés dans des zones aussi conflictuelles que les zones métropolitaines soumises à une forte pression, si ces espaces que nous appelons périurbains, ne faisaient pas partie intégrante d’un ensemble, d’un système. [...] C’est une nécessité d’autant plus importante lorsque l’on constate que des grandes zones de territoire se métropolisent (une occupation prédatrice des sols, l’implantation d’infrastructures, des activités logistiques n’ayant pas de relation directe avec la ville). » C’est ainsi que le Bas-Llobregat s’inscrit prioritairement dans le programme régional de développement économique de la cité comtale, car c’est un espace encore trop fragmenté, où domine un « faux-vide » et où manque la clarté des usages, y compris maintenant après l’aboutissement des travaux. 79 TIR S., Introduction. Forum sur Le Rôle des Aires Naturelles Périurbaines dans les Modèles d’Aménagement du Territoire et Urbain, Fédération Européenne des Espaces Naturels et Ruraux Métropolitains et Périurbains, Séville le 10/05/2010, p3 Disponible sur: http://www.fedenatur.org/docs/docs/607.pdf


B2. QUEL MODELE POUR CETTE MOSAIQUE D’ESPACES COMPLEXES -GEO-MORPHOLOGIE DU LLOBREGAT Comment fonctionne ce delta ? Quel modèle de développement pourrait s’y appliquer à l’avenir ? Comment unifier ou du moins faire cohabiter avec plus de fluidité les usages si différents qui se côtoient ? « Un bassin hydrographique est un territoire drainé par des eaux souterraines ou superficielles qui se déversent dans un collecteur principal (cours d’eau, lac) et délimité par une ligne de partage des eaux. »80

Le Llobregat est une succession de vallées, un ensemble d’espaces très différents qui sont reliés les uns aux autres uniquement par le fleuve. Autant les parties en amont du fleuve sont-elles caractérisées par une urbanisation parallèle au fleuve (cfp24), autant le Bas-Llobregat se définit surtout par une disposition transversale, qui se fait de plus en plus intense au fur et à mesure que le fleuve pénètre dans la région métropolitaine. Les voies d’accès et les noyaux, de plus en plus proches, se dédoublent de chaque côté du fleuve pour former un continuum urbain. De même, dans le haut de la vallée prédomine l’industrie et dans la partie basse l’agriculture : en effet, l’eau source d’énergie dans la vallée ralentit ensuite dans la plaine en permettant la sédimentation du delta. Du massif du Garraf jusqu’à la mer, le delta est un espace qui existe et fut créé par l’eau. Sa coupe, 80 ACTU-ENVIRONNEMENT. Dictionnaire environnement, le bassin hrydrographique [en ligne] (page consultée le 19/09/2013) .http://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/bassin_hydrographique.php4

dans les hauteurs de Cornellà comme dans dans la plaine d’El Prat, ainsi que la façon dont il fut urbanisé, font que désormais il est quasimment invisible et difficile d’accès. C’est de fait un territoire agricole d’une très haute rentabilité et d’une grande superficie (4000Ha, presque 1500 exploitations) au milieu d’un espace urbain qui concentre presque 3000 millions d’habitants. Un peu plus de 2000 travailleurs atteignent une productivité de 3% du PIB agricole catalan. C’est une plaine où les réseaux d’eau et les routes articulent et ordonnent les différentes zones homogènes dans une équation : « Delta= eau+chemins+zones homogènes » A l’origine, c’est l’eau qui structurait le territoire. Le fleuve Llobregat en est l’axe principal bien sûr, avec en outre deux réseaux qui se complètent : le réseau d’irrigation et le réseau d’évacuation. Mais il y a de nombreux problèmes quand à la quantité, la qualité et la vitesse de l’eau qui traverse le delta, dont voici les principales conséquences : - la diminution de la source d’eau potable pour les zones urbaines de l’aire métropolitaine : le niveau de l’aquifère a baissé et sa salinité a augmenté - la canalisation des rivières et du fleuve provoque le recul de la ligne côtière, car les sédiments se dispersent dans la mer sans avoir le temps de se déposer dans le delta - la discontinuité du système local, interrompu par des élément de plus grande échelle, rompt la mobilité de la faune et la flore de la montagne à la mer Les chemins se dessinent dans le delta en suivant deux grands axes : dans l’horizontalité se tracent, en général avec une altitude fixe, les chemins de passage.

dans la verticalité (dans le sens mer-montagne) se construisent les chemins de colonisation, avec l’habitat en haut et les activités de production dans le bas. Ces deux axes constituent la grille de base qui forme le delta comme espace agricole. Toutefois, la superposition du réseau métropolitain ne suit pas cette logique et crée de nombreuses tensions. Il y a une rupture entre accessibilité interne et externe au delta, la dernière gênant la première... Le réseau externe n’est plus en contact avec le territoire sur lequel il s’appuie, et crée alors une série d’espaces interstitiels déconnectés de leur fonction originelle. Les zones homogènes contiennent là-aussi différentes échelles d’analyse : -la macro-échelle, avec la mer, la montagne et le delta, -la moyenne échelle avec des zones naturelles, agricoles, industrielles ou résidentielles, -la micro échelle, où chaque champs et chaque bâtiment est son propre monde. Ces observations montrent alors que les zones homogènes peuvent constituer une structure bien définie, capable de restituer l’identité culturelle, sociale, et économique du territoire. Le modèle aurait ici comme objectifs principaux 81: -le travail sur les franges de perméabilité et interstitielles -la mise en évidence du dialogue mer/montagne82 81 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. p149 82 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea

73


-le rééquilibre hydrique (eaux douces et salées), avec la recharge de l’aquifère superficiel et profond et le maintien de la ligne de côte. Faut-il accepter que le delta soit inondé à nouveau ? Au moins dans les zones de marécages, pour recharger l’aquifère. C’est l’inconvénient d’habiter dans le delta : en supprimant les inondations, l’homme a supprimé ce qui a donné naissance et richesse au delta (les limons fertilisent les sols pour l’agriculture), et mène à terme à sa disparition...

-2 ECHELLES QUI SE CONFRONTENT DANS LE DELTA : DAVID CONTRE GOLIATH Ce projet de renaturation et de mise en parc correspond à la fin d’une époque de croissance rapide et désordonnée, où l’espace fluvial et naturel en général ne présentait pas vraiment d’intérêt économique. Le XXIes a changé la donne : nouvelle ère des loisirs et de l ‘écologie, Barcelone s’est également rendu compte qu’il y a un intérêt économique à posséder des ressources naturelles en bon état... Mais c’est aussi que par essence, un espace péri-urbain est fragile parce que soumis à de fortes tensions. Le delta fut grandement endommagé depuis plusieurs décennies car certaines administrations l’ont considéré comme un terrain vague en attente de la prochaine transformation, avec la considération générique d’un chenal potentiel pour le passage des nouvelles infrastructures au service de la métropole. Souffrant d’un trop plein d’identités, ce milieu fut par conséquent condamné à une transformation souvent éloignée du souhait de ses riverains.83 Ainsi, le delta du Llobregat a vu au cours de son histoire se confronter deux autorités politiques, deux échelles de pouvoir décisionnel : l’autorité interne de ses habitants, et les autorités externes de Barcelone, du Gouvernement central espagnol, voire même de l’Union Européenne. Une observation approfondie ne cesse de révéler ce conflit d’autorité dans l’espace du delta. La plaine alluviale est marquée par la cohabitation de deux échelles :

d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , op.cit., p160

74

83 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , op.cit., p48

l’échelle locale des éléments intérieurs au delta, et l’échelle régionale/nationale/continentale des éléments extérieurs. A l’inverse, les éléments du delta, la mosaïque de potagers, de parcelles agricoles, le réseau de chemins et de canaux, ne sont pas capables de défendre tous seuls leur richesse interne. Dans le parc agraire, les chemins de terre et d’eau sont les traces d’une colonisation qui structure le territoire de la basse vallée et du delta, qui se disposa en cohérence avec ses caractéristiques morphologiques et pendant des années l’articula. Ses logiques, riches et diverses, résultent d’une lecture attentive de chaque fragment du territoire et contribuent à le construire lentement.84 C’est pourquoi certains croient en cette image de parc pour retrouver la valeur interne au delta... Les éléments de grande échelle sont bien définis, forts, mais coupent le territoire. La vallée du Llobregat se voit ainsi surchargée par les routes et infrastructures (électricité, gaz) qui semblent interpréter le territoire comme à peine plus qu’un obstacle à vaincre, et le cours fluvial comme un couloir de passage entre la métropole barcelonaise et les stations pyrénéennes.85 Plusieurs parcs se superposent dans les vallées du Bas-LLobregat, mais aussi plusieurs plans urbains de grande échelle, qui se sont développés sans volonté d’organiser le territoire pour lui donner une fluidité, une perméabilité entre les différentes échelles. 84 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , op.cit., p56 85 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , op.cit., p121


Ainsi dans le plan général métropolitain de 1976, le delta n’est qu’un espace « barbouillé en jaune » que l’on encadre en permanence par les différentes voies pour marquer la limite entre ville et campagne. Dans le Plan directeur de l’aéroport, approuvé en 1999, qui s’attache à l’infrastructure la plus imposante de delta, il y a certes une tentative de résoudre des problèmes d’urbanisme et de planification avec une architecture camouflée d’infrastructures, mais c’est tout de même de la matière construite ! Par exemple, la voie ferrée qui s’enterre en traversant El Prat ne doit pas être du meilleur effet pour l’aquifère. Ne pourrait-on en profiter pour réorganiser complètement le delta ? Cette extension justifie ensuite le plan d’infrastructures routières nécessaires au fonctionnement d’un pôle multimodal qui se respecte. Les routes sont plus fines et couvrent une surface moindre dans le delta, mais ce sont elles qui séparent les habitants des espaces agricoles et naturels. De plus, ce sont elles qui structurent le territoire et la façon dont chaque usager pourra ou non le traverser. Mais là encore, ce ne sont que des lignes tracées d’un point à un autre sans prêter attention aux relations pré-existant sur le territoire. Il n’y a que deux axes dans tout le delta, mais l’on dédouble en permanence les différentes voies plutôt que de les regrouper. Par exemple, la ligne de TGV qui se dédouble pour desservir indépendamment le port et l’aéroport est très peu économe et coupe par deux fois la plaine. De même, il est difficile de comprendre pourquoi la C-31 et la C-32 courent dans la plaine en parallèle et avec une taille équivalente, plutôt que d’avoir une route principale et une branche plus petite et plus perméable...

Le delta est désormais un patchwork d’activités qui utilisent le territoire de façon antagonique. La plupart du temps, il n’est plus qu’un endroit de passage, de transit : transit, du port, de l’aéroport, des autoroutes, peuplé de panneaux publicitaires aussi grands qu’ils doivent être vus de loin et vite. « Il est comme un projet humain où chacun parle une langue différente ! »86 Mais ce qui est un problème pourrait devenir une richesse s’il était mieux géré, si tous ces projets autistes commençaient à dialoguer... Il s’agit en effet d’une logique d’accumulation plutôt que de transformation. On ajoute, superpose et juxtapose en permanence, plutôt que de recréer un modèle qui obligerait à comprendre celui déjà présent. Avec le temps, si certaines routes deviennent indispensables, d’autres routes deviennent obsolètes. Si l’on densifie plus à un endroit, ne faudrait-il pas accepter de libérer de l’espace ailleurs pour garder un coefficient d’occupation du sol équivalent ? Identifier puis clarifier les zones homogènes, rationaliser les réseaux de chemins en distinguant les chemins généraux, agricoles et ludiques.87

86 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona. p134 87 Sabater, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004) , op.cit., p56

- Vers une écologie sociale et paysagère Quelle ébauche de modèle pour le parc du bassin du fleuve Llobregat ? Quelle place pour la ville, l’agriculture ? Comment penser la relation entre les différents parcs, les interstices ? La multiplication des parcs est positive car elle offre un lieu de rencontre pour tous les intervenants qui partagent un espace intercommunautaire. Son aspect décentralisé offre de plus un surcroit de démocratie, puisque le maire d’une petite ville a le même pouvoir que celui de Barcelone. D’aucuns considèrent cette complexité administrative comme une “vraie opportunité que certains arrivent où d’autres ne seraient pas allés, et de tirer profit d’une nouvelle culture participative”.88 Mais n’est-ce pas aussi une nouvelle mode qui tend à accroitre l’administration tout en brouillant la vision globale du projet? Il me fut très difficile de comprendre le millefeuille des différents consortiums et de différencier leur champs d’action et participants, à croire parfois que les autorités ont divisé cet espace pour mieux y régner. De plus, il semble y avoir peu ou prou de participation des habitants aux projets sur le fleuve, ou bien peutêtre une mauvaise communication de la part des autorités : le fleuve n’est toujours pas une histoire commune! Est-il possible de penser le parc agraire ou les étangs du delta sans penser le Llobregat, son eau, ses alluvions ? Et de fait, est-il possible de penser 88 SABATE J.(2006), De la preservacion del patrimonio a la ordenacion del paisaje, p329-344. In MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona.

75


l’embouchure du fleuve sans regarder les 170 kilomètres qui s’écoulent en amont ? La qualité de la végétation diminue drastiquement dès que les routes longent le fleuve en amont de Martorell. La pollution commence donc en amont du delta, et de même le Llobregat vit bien d’autres aventures (5 barrages et diverses industries notamment) avant Martorell. Remonter à la source du fleuve montrerait son envergure de cet espace naturel, et permettrait de relier toutes les populations qui vivent ou ont vécu grâce à ce cours d’eau, ou plutôt cet ensemble de cours d’eau (combien d’affluents au juste?). Ces populations regroupées et sûres d’elles auraient bien plus de force pour lutter contre une Barcelone quelques fois bien envahissante, et faire des belles vallées du Llobregat un véritable cheminement. Le delta, c’est l’embouchure, l’extrémité, la conclusion de 170 kilomètres d’un milieu naturel riche, puissant, dangereux et maltraité. Ainsi, le problème du delta n’est pas le delta lui-même, mais ce qu’il y a en amont, physiquement (les barrages qui retiennent les alluvions et réduisent son débit, la pollution des usines et égouts, les différentes captations pour l’irrigation) et socialement (une gestion fragmentée des différents espaces, une méconnaissance et un manque de visibilité citoyenne). L’écologie sociale est un mouvement d’écologie radicale théorisé par Murray Bookchin dès les années 60. Consciente que les problèmes écologiques découlent de problèmes sociaux, elle cherche à résoudre conjointement ces deux questions, notamment par la promotion de citoyens acteurs et gestionnaires de leur communauté. Elle redéfinit ainsi le lien entre l’être humain et 76

la nature par la mise en place d’une société écologique et décentralisée sous la forme politique d’une confédération démocratique de communes indépendantes et reliées par des activités sociales et commerciales. Cette théorie est surtout très intéressante quand elle valorise le principe d’interdépendance pour illustrer « l’unité dans la diversité ». L’écologie sociale cherche à s’opposer à l’uniformisation des êtres et des pensées provoquée par le capitalisme brutal comme en témoigne l’agriculture industrielle qui a réduit drastiquement le nombre d’espèces cultivables pour produire en grande masse. Elle veut promouvoir l’apport de la diversité, de l’union organique des différentes parts de la société car c’est cette variété de talents, de points de vue, de styles qui fait évoluer la société tout en la rendant plus stable, à l’image d’un écosystème qui est d’autant plus résilient que sa biodiversité est élevée.89

89

ECOLOGIE SOCIALE. Les principes [en ligne] (page consul-

tée le 19/09/2013). http://www.ecologiesociale.ch/


1.

2.

ÉTUDE GÉO-MORPHOLOGIQUE DU DELTA DU LLOBREGAT.

1. eau 2. chemins 3.zones homogènes Source: Travaux étudiants du Master Paysage à l’Ecole Technique Supérieure d’Architecture de Barcelone, sous la direction de J. Galindo. In: SABATER, J. [coo.], Diputació de Barcelona. Àrea d’Infraestructures, Urbanisme i Habitatge. Oficina Tècnica de Cartografia i SIG Local, Cuéllar, Á. [coo.] (2004), ESPAI BLAU: Patrimoni i projecte territorial: Colònies, Sèquia de Manresa i Delta del Llobregat, Barcelona, Editions de la Diputació de Barcelona, 276p.

3.


Consommation d’eau par an

hm3/an

Urbaine (domestique, commerciale et municipale)

518,8

43,7

Industrielle

251,5

21,2

Agricole

417,2

35,1

1187,5

100,0

Total

The Environmental Space (ES) concept source: Spangenberg JH (1995), In: Environmental space and the prism of sustainability: frameworks for indicators measuring sustainable development, Document Pdf, 15p.

%

Consommation d’eau dans les bassins catalans (1999) source: ACA, Estudi de caracterizacio i prospectiva de les demandes d’aigua a les conques internes de Catalunya, Departament de Medi Ambient, Generalitat de Catalunya, 2000.

amerique caraibes

latine

& 137

afrique subsaharienne afrique du nord régions développées eurasie océanie

437 40 20 50 3

asie occidentale asie du sud-est

38 208

asie du sud asie de l’est

938 749

Nombre de personnes ne disposant pas d’infrastrcutures d’assainissement de l’eau amélioré en 2002 (oms) source: http://www.statistiques-mondiales. com/eau_potable.htm


B3. Redéfinir le paysage aujourd’hui

gradin).91

«La culture du projet ne se nourrit pas tant d’esthétique que de linguistique: il ne s’agit pas de faire des lieux beaux, mais de faire des lieux qui résultent intelligibles.» Anne Whinston

A ce propos, la Directive Cadre sur l’Eau signée en 2000 introduit trois nouvelles exigences dans les réglementations européennes : après l’affirmation du bon état écologique des ressources hydriques, l’Union Européenne établit comme second objectif de garantir à tous « un approvisionnement suffisant pour un usage de l’eau soutenable, équilibré et quantitatif ». Enfin, l’article 9 de cette même directive établit le principe de « récupération intègre de tous les coûts » y compris ceux environnementaux, grâce à des tarifs réalistes et non subventionnés. Puis en 2002, le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies reconnaît l’accès à l’eau comme un « droit humain de base», tous comme les multiples mouvements citoyens dans le monde (forums sociaux mondiaux de Johannesburg, Porto Alegre, Mumbai) qui réclamèrent la concrétisation pour tous d’un droit à un minimum vital d’eau. Avec sa raréfaction, certains économistes affirment en outre que l’eau devient un bien économique, qui doit avoir un prix adéquat pour la répartir de façon efficace entre les différents usages. Enfin, différents organismes internationaux tels que l’OCDE demandent eux aussi que les entreprises fournisseuses, qu’elles soient publiques ou privées, récupèrent entièrement les coûts de service.

- UNE NOUVELLE CULTURE DE L’EAU : Remonter à la source du Llobregat nous mènera comme pour tout fleuve à son eau : c’est elle qui a permis le développement de l’agriculture, de l’industrie, et des villes à ses abords. Changer notre regard sur le Llobregat, c’est donc changer notre regard sur son eau, et la considérer comme un bien public, à la fois droit humain de base et bien économique précieux. Depuis une décennie se développe en Catalogne une Nouvelle Culture de l’Eau90, en lien avec l’évolution des normes mondiales et européennes. Mieux gérer l’eau d’un fleuve, c’est d’abord récupérer son bon état écologique en la dépolluant. C’est aussi apprendre à la répartir de façon plus équitable et économe : il y a une façon de la vivre en communauté puisqu’il s’agit d’une ressource qui nous est donnée en quantité limitée. Or beaucoup de gens pensent que la consommation d’eau domestique est un petit chiffre comparé à la consommation industrielle et agricole : ceci est vrai dans l’ensemble de l’Espagne, mais pas du tout dans les bassins internes de Catalogne où la consommation urbaine -domestique, commerciale et municipale- représente la majeure partie, soit 519 hm3/an (sachant qu’un hm3 remplirait un stade tel que le Camp Nou jusqu’au dernier 90 TELLO E. (coord) (2005), La gestion integrada del agua. Revue Medi-ambient, tecnologia i cultura n°36, Barcelona: Editions Generalitat de Catalunya, 47p.

L’eau comme un droit humain de base et l’eau comme un bien économique rare qu’il faut encais-

ser à des prix qui permettent de récupérer tous les coûts : serait-ce deux principes antagonistes ? Tandis que le libéralisme doctrinaire considère l’eau comme une marchandise de plus dont le prix devrait être fixé par la main invisible des marchés, la nouvelle culture de l’eau basée dans le développement durable propose que ce soit la société qui décide démocratiquement du prix avec des tarifs progressifs qui traduisent dans le langage des prix et des incitations les principes d’équité, d’efficience et de suffisance. En combinant éco-efficience et justice environnementale, il s’agit alors, via la planification hydrologique et l’établissement de tarifs de veiller à ce chacun occupe un « espace environnemental soutenable ». Ceci garantirait un minimum vital accessible à tous, établirait un plafond maximal qui dissuade le gâchis et délimiterait un espace intermédiaire où chacun choisisse sa marge de consommation en suivant la règle de « qui consomme et pollue plus, paie plus ». Si l’on définit l’eau comme droit public à la même enseigne que l’école par exemple, on pourrait se demander si son usage ne devrait pas lui aussi être gratuit. Mais si l’éducation gratuite et obligatoire donne des citoyens plus responsables, l’eau comme l’énergie fournies gratuitement ou à des prix fortement subventionnés induisent à l’inverse gâchis et vente à perte. Comme le dit Pedro Arrojo, il faut séparer clairement l’eau comme droit de l’eau comme bien économique, en distinguant quatre situations d’utilisation par l’homme92 : 1) une fonction basique de la vie, reliée aux droits

91 TELLO E. (2005), L’aigua, un dret o un serveis? p4-13 In: La gestion integrada del agua. In: Revue Medi-ambient, tecnologia i cultura n°36, Barcelona: Editions Generalitat de Catalunya, p10

92 TELLO E. (2005), L’aigua, un dret o un serveis? p4-13 In: La gestion integrada del agua. In: Revue Medi-ambient, tecnologia i cultura n°36, Barcelona: Editions Generalitat de Catalunya, p14.

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de l’homme 2) un service public d’intérêt général, qui intègre les droits sociaux 3) un facteur de différents négoces légitimes, qui implique des droits et devoirs privés des agents économiques sur les marchés 4) un objet de spéculation dans des négoces illégitimes que la loi doit interdire et pénaliser La nouvelle culture de l’eau réclame ainsi « la reconnaissance du droit des communautés à ses territoires et ses écosystèmes, desquels dépendent leur existence. […] La durabilité des écosystèmes hydriques et le droit des communautés à leur territoire doivent être considérées comme des droits humains collectifs, et être reconnus patrimoine de l’humanité ». Enfin, Pedro Arrojo exprime ainsi la nouvelle politique de l’eau, réintroduisant le liquide dans son écosystème naturel et humain : “On peut dire qu’il s’agit d’appliquer a l’eau moins de béton et plus d’intelligence, et de voir les fleuves comme plus qu’un simple courant d’H2O. […] De la même façon que maintenant nous regardons une forêt et savons que c’est beaucoup plus qu’un simple réservoir à bois, la nouvelle culture de l’eau invite à regarder les fleuves et à comprendre qu’ils sont plus que des canaux d’H2O. […] Un écosystème, en plus de l’eau utile à la production, c’est un paysage, une identité territoriale, une identité des collectivités et communautés sociales, des valeurs ludiques et culturelles, des valeurs de vie... Et à travers ces fleuves s’articule la vie dans les continents et les océans. Les fleuves ne se perdent pas dans la mer, ils fertilisent les plaines du littorales, et beaucoup de poissons maritimes dépendent des fleuves. Et s’il y a des plages, c’est grâce à l’érosion 80

des fleuves, ce qui fait que l’industrie touristique dépend également des fleuves. La culture de l’eau, c’est comprendre la complexité des écosystèmes. »

- VILLE-CAMPAGNE, LE PAS-DE-DEUX Repenser le Llobregat, c’est aussi réussir à conjuguer de façon plus équilibrée ville et campagne en définissant clairement chaque espace. Selon la définition de Perriet-Cornet, il existe trois types de campagne93 : -la campagne ressource, qui recouvre les usages productifs de l’espace rural, vu comme support d’activités économiques, celles qui utilisent le sol, les ressources naturelles et d’autres ressources spécifiques propres aux espaces ruraux. -la campagne comme cadre de vie ou paysage, qui recouvre le rural comme espace résidentiel et récréatif, comme espace consommé par l’habitat et le loisir ; elle inclut l’ensemble du secteur de l’économie résidentielle dans les espaces ruraux. -la campagne nature enfin, qui est celle d’une nature objective qui a ses fonctionnements propres qui ne sont pas nécessairement en correspondance avec les préférences environnementales des individus (les aménités, les agréments du milieu environnant sont une composante de la campagne comme cadre de vie. Elle inclut des ressources -l’eau, le sol, la diversité biologique-, des cycles, des régulations climatiques ou écosystémiques. La « campagne nature » concerne principalement la conservation de la diversité biologique, la préservation de la qualité des constituants des ressources naturelles vitales, la prévention des risques naturels globaux comme le changement climatique. 93 PERRIER-CORNET P. (2008), Dynamiques et perspectives des espaces ruraux et de la relation ville-campagne. Quatre scenarii de prospective appliqués au cas français. p19-26 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.


Antoni Martínez i Domingo, maire de Barcelone, touche avec sa canne les eaux du Llobregat comme symbôle de prise de possession de ces terrains par le terme municipal (1921). Source: Archives comarcales du Bas-Llobregat

“save the countryside: saint georges for rural england”: carte postale issue du Council for the preservation of rural england, 1928. Source: Matless D 1998, Landscape and Englishness, Reaktion Books LTD, London.


La difficulté, mais aussi la force de cette campagne est justement qu’elles les inclut toutes, et pourrait donc constituer un territoire d’une très grande force, et une ressource énorme pour la ville. Quel équilibre souhaite-on alors entre la métropole de Barcelone et sa campagne ? Faut-il tendre vers une centralisation des activités avec en contrepartie une campagne-nature, ou bien une répartition plus équilibrée de la production dans des « campagnes concurrentielles », avec de véritables « territoires-pays » foyer des initiatives locales et entrepreneuriales ? Il ne s’agit plus de penser séparément ville ou campagne, mais de les penser ensemble, la campagne étant l’unique force pouvant juguler l’emprise tentaculaire de la ville. Il s’agit d’établir une limite qui dessine l’équilibre dynamique entre les projets qui s’y trouvent de part et d’autre. La campagne avait déjà été pensée auparavant comme frein à l’expansion urbaine, en Suisse par exemple94. Ceci avait bien marché jusqu’à ce que la réglementation autorise dans les années 1980, l’agriculture à introduire dans son activité de la production secondaire (transformation de denrées alimentaires sur l’exploitation, réalisation d’une agriculture semi-industrielle dans des zones agricoles spécialisées) voire tertiaire (promotion de la vente directe et tourisme rural..). L’agriculture qui jusqu’à présent protégeait les grandes surfaces nécessaires à la production, vit apparaître dans ces champs une nouvelle complexité de bâti. La ville était entrée dans la campagne comme 94 LONGET R. (2008), Quels territoires pour une agriculture durable au 21e siècle? p125-134 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

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un cheval de Troie. Mais loin d’être nostalgique, d’autres initiatives se développèrent... Des initiatives innovantes se développèrent ainsi en Grande-Bretagne et en France. En 1926 fut créée la Campaign to Protect Rural England, avec dans les pères fondateurs l’un des grands aménageurs britanniques, Patrick Abercrombie. Quand une ancienne publication comparait son action à celle de Saint-Georges Patron de la nation défendant la campagne anglaise contre le dragon de l’urbanisation qui ne laisse sur son passage que laideur et pollution, la nouvelle vision de la ville est celle qui doit sauver la campagne en attirant la population à elle. Pour sensibiliser l’opinion publique à l’empreinte écologique de la ville, cette organisation de protection de l’Angleterre rurale a donc inversé l’image de la ville. Pour protéger la campagne, il s’agit maintenant de rendre la ville plus attractive, avec un centre dynamique, des espaces de repos à partager, et un jardin métropolitain à portée de main. Dans le contexte français, « l’agriculture tend aussi à apparaître comme un instrument incontournable, à moyen et long terme, d’un aménagement maîtrisé ».95 Ainsi, l’association « Terres en Villes », espace de concertation et de gouvernance entre les élus politiques des agglomérations urbaines et des élus socio-professionnels des chambres d’agriculture, s’est développée autour de trois grands axes : 95 RUEGG J. SALOMON CALVIN J. (2008), Maîtriser l’étalement urbain: de la stratégie agricole au pas de deux villecampagne. p147-156 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

-la constitution d’une banque d’expériences rassemblant les bonnes pratiques en matières de gestion de territoires non-bâtis sis en zones périurbaines. -l’identification d’actions incitatives en faveur de l’approvisionnement alimentaire des agglomérations et le développement de circuits courts de distribution -la participation à différentes actions, à l’échelle des schémas de cohérence territoriale (SCOT) essentiellement, favorisant la prise en compte de l’agriculture dans la planification urbaine. Pour les représentants agricoles, l’enjeu est de sortir d’une pensée sectorielle sans vision territoriale et d’intégrer la demande urbaine dans l’élaboration de son projet économique. Pour les acteurs urbains, il s’agit d’acquérir de réelles compétences en matière agricole et proposer des solutions viables pour tous.96 Près de Massy-Palaiseau sur le plateau de Saclay, six communes et leurs exploitants se sont réunis pour former le Triangle Vert. Grâce à cette association, les urbanistes en charge du projet montrent des connaissances généralement réservées au domaine de l’agronomie pour concevoir la planification régionale. Pour la ville, les surfaces agricoles limitent l’étalement parisien, mettent en réseau les espaces naturels et entretiennent le patrimoine paysager du Bassin parisien. Du côté de la campagne, la proximité de la ville est devenue une source d’amélioration des conditions du travail agricole et la création de débouchés. De la campagne pourrait naître donc la force de la ville, avec l’agriculture comme rôle clé d’intermédiaire qui protège les espaces naturels, conserve les ressources, entretien le paysage et guide le 96

RUEGG J. SALOMON CALVIN J. (2008), op.cit., p154


citadin proche ou lointain dans la découverte du « jardin métropolitain ».97

- Le paysage comme mémoire dynamique et integrante «Réduit à la réalité objectivable et neutralement quantifiable, le paysage perdrait son sens premier de processus interactif, d’observation croisée entre idées et matérialité.» (Georges Bertrand, 1998)

97 LONGET R. (2008), Quels territoires pour une agriculture durable au 21e siècle? p130 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

La Convention de Florence définit en l’an 2000 le paysage comme “toute partie du territoire, telle et comme elle est perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action des facteurs naturels et humains et de ses interactions.” Elle ajoute ensuite que “le paysage est un élément important de la qualité de vie des populations, tant dans les milieux urbains que ruraux, dans les territoires dégradés comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces singuliers comme dans les quotidiens. […] Chaque paysage constitue un élément essentiel du bien-être individuel et social”.98 Cette définition n’évoque ni le beau ni le moche, et n’associe donc pas le paysage à une expérience esthétique. A la grande différence des différentes normes qui concernent soit les espaces naturels protégés, soit à l’inverse les espaces urbains patrimoniaux, cette définition permet d’agir enfin sur ce qu’on appelle les territoires “intermédiaires”. En effet, ces vastes étendues de sol comprises entre la ville et la nature protégée sont aujourd’hui l’enjeu des plus grands changements territoriaux et l’expérience paysagère quotidienne d’un bonne partie de la population. Le paysage ne s’attache pas seulement à ces « grands espaces sauvages ou antiques » qui nous font tant fantasmer depuis 98 CONSEIL DE L’EUROPE. Bureau des traités, Convention Européenne du paysage [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/176.htm

que la Renaissance les mit en tableau. Il concerne aussi ces images de banlieues, de zones commerciales, de carrefours et de rues pavillonnaires que montre Raymond Depardon dans son portrait de la France99 : des paysages « atypiques » que nous côtoyons tous les jours sans le savoir. Cette nouvelle définition permet enfin un diagnostique sur ces sols convoités et en mouvement, pour une gestion durable de tout le territoire. Les paysages contemporains provoquent souvent la sensation qu’il n’y a pas d’harmonie, de ruptures, de contrastes. Il semblerait aujourd’hui que beaucoup de territoires aient perdu un peu de leur identité, et par la même occasion le lien avec leurs habitants. Ainsi Joan Nogué décrit-t-il le phénomène par une «homogénéisation des paysages, dû à un manque de structure notamment dans les espaces périurbains, de transition, d’entrées de villages. C’est dans ces paysages hybrides que l’on ressent le plus ce chaos déconcertant.»100 Ce sont pourtant des paysages avec le germe d’une esthétique nouvelle bien que dérangeante: celle des terrains vagues, des espaces interstitiels ou périphériques, des bords d’autoroutes. En Catalogne, l’accumulation des zones urbaines consolidées et les espaces naturels protégés dépassent ensemble tout juste 30% du territoire. Les grandes transformations territoriales des dernières années ne se sont donc pas produites dans ces domaines mais dans les 70% restant: aires 99 DEPARDON R.(2010), La France de Raymond Depardon, Paris, Editions du Seuil, 320p. 100 NOGUE J.(2006), La produccion social y cultural del paisaje, p135-142. In: MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona.

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de logistiques et de distribution, construction de nouvelles infrastructures - transport, énergie, résidus - nouveaux espaces industriels, centres commerciaux, résidences de faible densité, aires touristiques, installation de soutien aux activités agro-industrielles...101 Comment alors conserver l’authenticité d’un paysage, quel qu’il soit, sans le convertir en musée sans vie? Que faire pour que dans les nouveaux paysages quotidiens, journaliers, prime la création, l’imagination, la beauté ? Comme la renaturation, l’objectif essentiel de la protection du paysage n’est pas sa congélation et encore moins de le ramener à un état originel (ces deux opérations étant impossibles à mener à bout), sinon de guider sa transformation inévitable en maintenant à la fois et dans la mesure du possible la richesse des marques, empreintes et signifiés qui à la fin sont la valeur primaire que notre culture lui attribue.102 « Il ne s’agit pas juste (d’une question) du seul maintien d’un héritage patrimonial. Aujourd’hui plus que jamais face à l’extension des “non lieux”, face à la globalisation et à la banalisation de tant de paysages, nous devons miser sur une intervention qui conserve leur identité, et valorise son code génétique, sa mémoire. Parce que dans l’identité du territoire se trouve son alternative.»103 101 HERRERO M.(2006), Paisaje y conflictos territoriales en Catalunya, p165-179. In: MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona. 102 SCAZZOSI L. (2006), “Valorar” los paisajes, p276-301. In: MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona. 103 SABATE J. (2006), Paisajes culturales en Catalunya: el eje

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Ainsi, il faut essayer pour chaque territoire de développer une logique en accord avec son patrimoine sans pour autant nier les nouveaux paysages. Le patrimoine ne doit pas seulement être conservé parce que c’est « une relique du passé ». C’est un ensemble de témoins d’un jeu qui a déjà commencé, et que nous devrons chaque jour réinventer pour donner sa place à chacun des participants. La participation sociale est donc essentielle dans le concept d’un paysage actif, évolutif, à contre-courant d’une politique paysagère à tendance plutôt protectionniste. « C’est, selon moi, la potentialité majeur pour une gestion soutenable du territoire d’un concept de paysage territorial, intégrateur, dynamique, et participatif (car perçu): la mise en manifeste que tout le territoire doit être gouverné, en dépassant la séparation sacralisée entre le protégé (naturel ou urbain) et le reste, le fourre-tout. »104 L’attribution de valeurs ne devrait pas se comprendre comme unique base pour différencier les niveaux de restriction d’usage (haut, moyen et bas, comme c’est habituel), sinon pour signaler des formes d’intervention paysagère distinctes, ce qui peut rappeler le jardin de la métropole. Si le parc donne l’image d’un espace délimité avec une gestion « à part », le jardin met plus l’accent sur l’activité qui le transforme : le jardinage. Le parc patrimonial del rio Llobregat. p531-548. In: MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona. 104 MATA R. (2006), Un concepto de paisaje para la gestion sostenible del territorio. p17-40 In: MATA Rafael et TARROJA Alex (coord), El paisaje y la gestion del territorio: criterios paisajisticos en la ordenacion del territorio y el urbanismo, Barcelone, Ed. Diputacio de Barcelona.

est un espace sacralisé, entretenu par des professionnels, quand le jardin est l’attribut intime et indispensable à toute maison. Finie alors l’opposition entre le parc naturel protégé de la spéculation qui sévit sur le reste du territoire. Désormais tout est jardin, avec un traitement adapté à chaque espace. On passe de l’opposition manichéenne entre nature et culture à une graduation d’espaces plus ou moins urbains, plus ou moins naturels, mais tous artificiels.



LA PRÉSENCE DE PROJETS TERRITORIAUX DE PART ET D’AUTRE D’UNE LIMITE EST NÉCESSAIRE À LA PÉRENNITÉ DE CETTE DERNIÈRE.

Source: RUEG J., SALOMON CAVIN J., Maîtriser l’étalement urbain. In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M.(dir.) (2008), Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romande, 340p. “urbaniser la campagne, ruraliser la ville”. Source: Ildefons cerdà, plan pour Barcelone, 1859. http://22speranza.wordpress.com/info/ “I am proposing a way in which any general construction of the idea of the city is conceived by starting from the limits of architectural form itself.” Source: Pier Vittorio Aureli, Stop the city, 2007. www.dogma.name/slideshow.html

ville

campagne


CONCLUSION « Il faut tuer l’idée de base du paysage, et être capable de recréer une idée de cosmos que nous avons perdu. »105

105 BERQUE A. (2008), Ce qui est en jeu dans la ville-campagne. p199-209 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

Il est intéressant de mettre en relation les notions de parc et de renaturation, car on déconstruit d’emblée tout fantasme d’une renaturation comme retour à l’état sauvage. Le parc, terme polysémique, nomme à la fois l’espace physique et l’espace administratif : il n’est donc pas forcément public et accessible. C’est avant tout une démarche, une action, celle de faire parc, et dans ce cas le parc est une étape indispensable à la renaturation : il faut définir avec clarté une aire et ses gestionnaires pour la mettre en valeur de façon efficace. La renaturation et le parc sont deux approches sur des espaces qui se côtoient mais qui ne se mélangent pas. Ce sont des actions à mener en parallèle, mais qui sous-tendent un projet commun de se réapproprier le fleuve ou tout autre espace naturel : on le nettoie, puis on l’aménage ! Ainsi , à remonter de fil en aiguille le cours des politiques Llobregatiennes, on se rend compte que les enjeux et difficultés actuels trouvent leur source bien en amont du delta, dans les relations entre ville et campagne, et au final dans notre définition du « paysage ». En effet, dans un contexte territorial où les limites sont plus administratives que physiques, c’est l’entité juridique du parc qui offre un nouveau cadre de discussion et de gestion, efficace car ciblé sur un espace ré-uni. La création des parcs est donc une réaction à la multiplication des « non-lieux », ces espaces interchangeables où l’être humain reste anonyme, et dont le terme fait également écho à un vide juridique...106 Selon Heidegger, le plus grand changement de l’aménagement du territoire du siècle 106 AUGE M.(1992), Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Editions du Seuil, 149p.

dernier est d’avoir substitué à la place, l’endroit, la notion d’emplacement, produisant alors des objets sans relation avec leur site. Dans ce sens, le courant Corbuséen fut l’âge d’or de cette nouvelle relation à la ville-campagne, et l’étalement urbain généralisé nous permet désormais de mener en parallèle une vie de type urbain dans un milieu qui a conservé une apparence rurale. La ville-campagne d’aujourd’hui, c’est la formation d’une « communauté sans assise territoriale » qui déploie le délitement social, la décomposition du paysage des villes et le mitage des campagnes, tout en détruisant les fondations écologiques de l’existence humaine. Mais quel est-donc ce paradigme à l’origine de la sérialisation planétaire du lieu et de l’invasion tentaculaire des campagnes ? C’est depuis plusieurs siècles que s’est construite notre pensée de l’urbain, notre vision de la nature, celle qui est aujourd’hui au cœur du problème. A la base du « paysage » contemporain se trouvent ainsi trois mythologies essentielles.107 Tout d’abord, le mythe Arcadien nous conta des villes lieux de débauche en opposition avec une campagne comme généreuse mère nourricière. Cette vision fut amplifiée ensuite par les classes aisées qui voyaient la campagne comme le lieu de l’otium, de la détente. Elles effacèrent donc l’idée du travail de la terre, d’où vient l’étymologie du verbe travailler (en latin laborare, labourer, labeur). Le deuxième mythe est celui du pavillon chinois. Né avec la tradition de l’ermitage en Chine du IIIes au VIes à l’époque où les poètes y inventèrent également la notion de paysage, ces formes isolées dans la campagne devinrent en Occident le sym107

BERQUE A. (2008), ibid.

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bole de l’individualisme, avec un sujet dégagé de la gangue communautaire. Enfin, l’ «American way of life» enclenché par le fordisme en 1908 acheva de détruire l’idée d’une ville avec l’expansion automobile et pavillonnaire qu’il permettait à moindre coût. Ce système révolutionna nos vies comme une « véritable machine à décomposer la ville »... Dans son livre Théorie générale de l’urbanisation publié en 1867108, Ildefons Cerdà théorisa la fin de la ville en lui remplaçant le terme d’ « urbanisation ». Pour les Romains, l’ urbs indique un groupement de maison, c’est-à-dire les infrastructures physiques nécessaires à l’établissement de l’habitat, tandis que civis nomme les objets, événements et qualités reliés à ses habitants. Par conséquent, Ildefons Cerdà affirma que le centre de la nouvelle forme d’habitat humain n’était pas le centre-ville avec ses monuments, mais ce qui s’étendait audelà : la banlieue, en anglais suburbs, sub-urbs. Il représentait le meilleur habitat, le confort nécessaire à cette nouvelle classe qu’était la bourgeoisie, et nécessitait donc le développement des infrastructures au-delà de la ville pour réaliser le double-agenda d’urbanisation de Cerdà : «Ruraliser la ville et urbaniser la campagne». Avec succès : depuis 2006, plus de 50% de la population mondiale vit en milieu urbain, avec un taux en pleine croissance.109 Avec la révolution copernicienne, la ville cessa 108 CERDA I.(1867), Teoria general de la urbanizacion y aplicacion de sus principios, Editions Centro de Estudios Constitucionales. 109 STATISTIQUES MONDIALES. [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.statistiques-mondiales.com/population_urbaine.htm

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donc d’être un système autocentré pour devenir un espace potentiellement infini qui s’étend audelà de ses limites selon ses capacités productives, avec comme figure la grille qui répond à une force centrifuge, égalitaire et fragmentaire. L’espace capitaliste, c’est l’espace machine, hyper-rationnel, qui aboutira au zonage des différentes activités de la vie humaine. Cerdà légitimait son invention d’« urbanisation » comme l’élucidation des caractères émergeant d’un paradigme, à savoir l’intégration totale et infinie du mouvement et de la communication enclenchée par le capitalisme110. Le delta en porte les stigmates, avec l’invasion de non-lieux comme les autoroutes ou les aéroports qui contrastent avec la lenteur absolue de l’agriculture. Retrouver des chemins piétons de qualités entre les différentes villes, où l’on peut en plus faire du sport, flâner et regarder le territoire, observer la vie d’un espace naturel, voire même jouer au golf sur un terrain improvisé: voici de quoi sortir de l’enclave, figure dominante d’un territoire que l’on parcourt en voiture. La conséquence d’une ville dominante, c’est que peu à peu l’homme vit dans un environnement artificiel qu’il peut parfaitement maîtriser. Il est en effet plus facile de vivre à l’abri d’un espace fortifié plutôt que de subir les intempéries climatiques. Dans sa trilogie Sphères111, le philosophe allemand Peter Sloterdijk retrace l’histoire de la maitrise atmosphérique via l’explicitation progressive de l’air, et donc la compréhension que l’homme 110 AURELI P.V. (2011), The Possibility of an Absolute Architecture, Cambridge (MA): MIT Press, p9. 111 SLOTERDIJK P. (20), Sphères (Tome I-III), Paris: Editions Hachette, 2500p approx.

est dirigé par son l’environnement (biologique, politique, culturel). Cette autre interprétation des milieux montre que l’homme devient créateur de sa propre atmosphère pour être indépendant. L’homme contemporain, plutôt que d’intégrer ses îles à l’environnement, fait entrer l’environnement dans son île, dans son édifice, et crée à l’image du Palais de Cristal une serre climatisée nouveau temple du léger, dont l’objectif politique est la démocratisation relative du luxe. Dans ce renversement environnemental, « ce n’est plus la terre qui est le référent du milieu de vie, mais la mer ». L’écume est en effet l’image qu’emploie finalement le philosophe pour décrire notre société, dont les villes nouvelles marquent le passage des conteneurs communs aux appartements, des cellules individualisées (égosphères) voués aux plaisirs solitaires, à la légèreté et à l’isolement. L’étude des conteneurs modernes témoigne d’une tendance à l’aérien, d’un combat contre l’inertie et d’une poussée verticale : c’est une écume. Si la maison est l’habitation de celui qui habite sur la terre - elle implique le temps des récoltes, le grenier et la famille -, alors le logement renvoie au partage des parois et à la coïsolation.112 L’homme moderne n’est plus la créature du lourd ou du manque, mais celle de la fuite dans le confort : « Il faut admettre à présent que le concept de civilisation a pour prémisse celui de l’antigravitation ; il implique l’immunisation contre le lourd et le sur-lourd qui, depuis toujours, paralyse l’initiative 112 DESROCHES D. L’homme comme designer d’atmosphères, Sloterdijk et la critique des milieux métaphysiques [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://www.academia. edu/410075/2011_-Lhomme_comme_designer_datmosphere._ Sloterdijk_et_la_critique_des_milieux_metaphysiques)


humaine »113. L’explicitation des techniques immunitaires rend explicite le tournant vers le soulagement et la conséquente recherche frénétique du divertissement. « La forme architecturale n’est plus vue comme une représentation mais comme un processus »114. L’aboutissement du capitalisme, auquel Cerdà et Le Corbusier ont donné forme, c’est un urbanisme purement technologique qui exige une maitrise technique de l’ambiance et un remplacement de la politique par l’économie. « Bien sûr qu’une économie agit politiquement, mais ses politiques ont comme objectif final d’établir un critère économique comme organisation primaire de l’environnement humain »115. Alexis de Tocqueville démontra très clairement les risques de la démocratie qui, en privilégiant l’égalité et le bien-être au détriment de la liberté, fait régner le conformisme et abandonne à l’État les pleins pouvoirs. Les citoyens, s’étant dépossédés de leur volonté, s’oublient dans une recherche sans fin du plaisir.116 Les stades ont acquis un potentiel psychopolitique et médiatique exceptionnel parce qu’ils renvoient l’illusion de l’unité : ce sont des collecteurs collectifs, qui visent à contenir une foule en phase comme des « metteurs en scène du consensus ». Toute réflexion sur la société -que ce soit sur la défense de la culture, l’avenir de l’éducation et du système de santé- devra 113 ibid. 114 AURELI P.V. (2011), The Possibility of an Absolute Architecture, Cambridge (MA): MIT Press, p14. 115 AURELI P.V. (2011), op.cit., p13. 116 WIKIPEDIA. Alexis de Tocqueville [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_ de_Tocqueville#Les_risques_de_la_soci.C3.A9t.C3.A9_d. C3.A9mocratique

donc désormais répondre aux défis que lui pose la pensée atmosphérique pour laquelle l’homme est un être d’ambiance qui cherche la gâterie et le luxe, capable de modifier les conditions qu’exige sa respiration. En passant de la communauté à la société, nous avons vu se décomposer notre capacité à intégrer la réalité en un kosmos , un ordre général avec une correspondance entre les mondes intérieurs et extérieurs de l’objet. Ainsi selon Augustin Bercque, le cartésianisme, en ôtant aux objets leurs prédicats, marquait ainsi la fin de l’intégration des formes individuelles en une forme commune pour la remplacer par une collection d’objets forts mais singuliers. Désormais, l’objet existe en tant que tel plutôt que pour l’usage qui lui a donné naissance, ce qui nous ôte toute emprise sur-lui. Il passe du statut d’objet en interdépendance à celui d’objet indépendant, avec un renversement de valeur entre celui-ci et son environnement. Ainsi parlait Georges Pompidou en 1971 : « Il faut adapter Paris à l’automobile ». Ce qui est en jeu n’est pas que la survie biologique de notre espèce avec les autres, mais bien notre capacité à déployer un monde humain, à faire des prédicats, à assumer une politique en-dehors de l’économie pour dessiner le monde comme on le souhaite plutôt que comme nous l’impose par exemple le système routier. « Ce monde où les systèmes d’objets dictent mécaniquement leur loi, c’est le monde de Cyborg : un être mécanisé par son monde mécanique ».117 Notre environnement 117 BERQUE A. (2008), Ce qui est en jeu dans la ville-campagne. p199-209 In: MONTEVENTI WEBER L., DESCHENAUX C., TRANDA-PITTION M., Campagne-Ville, le pas de deux: Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Lausanne, Ed. Presses polytechniques et universitaire romandes.

nous semble abstrait et déshumanisé car nous avons cessé de l’interpréter autrement que par l’obsession d’une croissance économique illimitée, d’où l’insoutenabilité de la ville-campagne. La renaturation du Llobregat pose au fond la question sous-jacente de l’homme aux prises avec le climat : impétueux, dangereux, fertile, fragile, il est notre conditionnant premier bien que nos palais de cristal tendent à nous le faire oublier. Le Llobregat, pressé de toute part, pourrait bien dans un futur proche ressurgir comme un vieux cauchemar que l’on s’efforce d’oublier. Son débit est réduit, mais sa force est restée intacte et il est dangereux de créer un parc dans une décharge meurtrie... La renaturation doit être impeccable s’il l’on souhaite un parc public de valeur. Le paysage aujourd’hui, c’est avant tout prendre acte de l’interdépendance de chaque chose pour créer non pas un projet comme compromis d’une accumulation de volontés individuelles, mais bien savoir former une volonté collective issue d’une véritable démocratie délibérative118. Si l’architecture à venir cherchera à encadrer et limiter l’espace de nos cités119, le paysage recréera les chemins qui nous guident dans l’immensité du territoire, et par là-même, nous confrontent à l’infini plutôt que de le morcele

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REFLEXIONS OBJECTIVES CITOYENNES. Démocratie: 3

modèles [en ligne] (page consultée le 19/09/2013). http://reflexions-objectives-citoyennes.fr/doctrines-politiques/democratie3-modeles/ 119 La théorie du socle selon Pier Vittorio Aureli, In: AURELI P.V. (2011), The Possibility of an Absolute Architecture, Cambridge (MA): MIT Press, 272p.

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ANNEXES


ENTRETIEN AVEC PEPA MORAN datant du 16 dĂŠcembre 2012 (notre traduction)

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Agathe Monnet : Nous parlions de la différence entre le Llobregat et le Besos, et du fait que le premier possède un débit beaucoup plus dangereux et que donc les gens peuvent passer mais pas s’arrêter, rester sur les berges parce qu’en cas de soudaine inondation, la mairie aurait la responsabilité de tout accident... Pepa Moran : Oui, il y a actuellement une contradiction à propos du Llobregat, du fait que la normative de protection de l’Agencia Catalana del Agua (ACA) dans son Plan des Espaces Fluviaux (PEF) énonce cette zone de protection et d’usages. Cela vient aussi de la typologie des fleuves méditerranéens que nous avons ici, qui ont soudainement des pluies torrentielles et des débits de 4000 mètres cubes par seconde, qui fait qu’en très peu de temps, cet endroit devient dangereux. Et donc, pour ce motif de sécurité et pour s’assurer au niveau juridique, les mairies et l’ACA ont élaboré une séries de normatives, comme par exemple la protection des mottes, qui ont aussi été influencées par les infrastructures qui réduisent l’espace propre au fleuve. Et par ailleurs, pour une raison de protection des périodes de retour du fleuve. Ceci influence également les usages du fleuve, qui sont fortement réduit dans son lit, y compris les plantations sont limitées. On ne peut y installer de bancs, qui pourraient être emportés en cas de forte inondations et créer des dégâts en aval... AM : Mais l’on disait à l’époque que les routes permettaient au contraire de protéger des inondations, alors que tu dis qu’elles les empirent en réduisant l’espace fluvial.. ? PeM : Oui, l’écrivain Patrick Gueddes parle de la section d’un fleuve avec sa vallée, et de son impor-

tance dans l’évolution d’un espace. Pour le Llobregat, c’est comme ça, ce sont les endroits les plus faciles d’accès, d’alimentation, ce sont les endroits où l’on construisit y compris les communes/mairies. Tout en se protégeant de l’eau, dans le point d’inflexion de la montagne, ce sont les lieux de circulation, où arrivèrent Hannibal et ses éléphants.. AM : Et le commerce... PeM : Exact, ce fut la voie principale de commerce, et donc, c’est ce qui a fait que la position des infrastructures coïncide également avec cet endroit. Ce qui constitue l’espace propre au fleuve fut réduit avec la nécessité de nouvelles infrastructures. AM : Oui, parce qu’il n’y a pas besoin de traverser des villes ni d’exproprier des habitants. Je me demandais aussi, à propos de l’histoire du Llobregat, quelle était l’image des habitants avant, et quels aspects le projet de renaturation voulait changer. En suivant la discussion à une échelle globale du projet, quelles étaient les intentions des responsables politiques et de l’Aire Métropolitaine quand à cette image, que voulaient-ils qu’il se passe... PeM : Une des caractéristiques les plus importantes du fleuve Llobregat dans la région métropolitaine est qu’il s’agit de l’élément connecteur le plus grand à l’exception du parc de Collserola. De plus, c’est un élément très proche des villes et de Barcelone, et qui pourrait servir de connecteur entre ces différentes villes. Actuellement, la connexion longitudinale est relativement bien développée mais pas la connexion transversale, à savoir entre les villes de chaque rive. Celle-ci possède un grand potentiel, quand on sait que les communes ne sont séparées que par 1 ou 2 kms maximum !

AM : Maintenant c’est une limite/frontière, et eux voulaient faire un espace commun. PeM : Exact, ce qui maintenant est une barrière peut se convertir en élément connecteur. Et donc, en soi le fleuve possède un intérêt supramunicipal, qui pourrait améliorer la vie de tous les habitants de la région métropolitaine de Barcelone. AM : Et tu penses qu’après... parce qu’au final les Barcelonais connaissent très peu le Llobregat, les habitants voisins au fleuve commencent à le fréquenter, mais les gens de Barcelone ne le connaissent pas du tout ! PeM : Oui, et il y a une autre chose, qui est que la ville de Barcelone ainsi que de nombreuses villes voisines, ont grandit dos au fleuve quand il n’y avait pas d’usage purement agricole. Les communes ont beaucoup de connexions à l’ère agricole jusqu’au développement industriel, mais suite à ce développement le fleuve est plus l’endroit pour faire passer les services et d’y rejeter les eaux usées. Et donc à partir de ce moment ces mêmes infrastructures vont fermer la relation des communes à leur fleuve d’un aspect visuel, d’accessibilité, y compris de reconnaissance de ce lieu comme quelque chose proche de toi. AM : Mais donc tu penses qu’il y a ici une possibilité de retour en arrière ? PeM : C’est ce qu’on est en train d’essayer. Un des objectifs et de rapprocher le fleuve à ses citoyens, d’un point de vue identitaire en reconnaissant que le fleuve est une partie du territoire, d’un point du vue bien sûr d’accessibilité qui est le point clé et le travail de projet le plus important qui est en train de se réaliser, se sont les lignes principales : la plu93


part des projets ne sont au final que des chemins, des accès, puis des lieux « de estar ». AM : Parce que ce que l’on pourrait faire serait outre au développement de ces chemins, ce serait de créer une place de temps en temps pour que les promeneurs puissent se pauser, ce qui actuellement est pratiquement inexistant, non ? PeM : Bon, tout dépend des projets... AM : Oui, il y a le projet que tu avais fait à El Prat del Llobregat.. PeM : Oui, et tout au long du fleuve sont développés surtout des projets d’accessibilité et de « Portes du fleuve », qui est le nom pour beaucoup d’entre eux. Il y a une autre caractéristique importante des projets du fleuve que l’échelle est tellement grande que pour qu’un projet soit efficace, il ne peut pas travailler avec la même intensité toute la longueur/l’étendue du parcours mais doit repérer les endroits clés où intensifier l’activité, et où au contraire la réduire pour ne pas dépenser inutilement le budget et l’énergie. Et donc, cette reconnaissance de lieux d’intensité, et de lieux que la seule accessibilité garantit le fonctionnement du projet, ceci est très important, de le détecter sur site. AM : Quels sont les intérêts économiques qu’il y a dans ces projets ? A qui servent ces projets ? Parce qu’il y a l’amélioration de la qualité de vie bien sûr, mais normalement il faut associer de nombreux intérêts économiques pour que tous soient d’accord... PeM : Je crois que le fait que le fleuve soit en élément supra-municipal et structurant l’aire métropolitaine de Barcelone, à part le fait qu’il soit un 94

connecteur écologique très important selon plusieurs études, et surtout les torrents/ruisseaux, qui connectent le fleuve avec les différents systèmes naturels, Collserola, le Garraf, etc. Ceci, sa renaturation est intéressante donc au niveau écologique, au niveau social, au niveau des infrastructures aussi, parce que des fois il y a des problèmes qui se résolvent grâce à ces travaux... Ce sont plusieurs niveaux... AM : J’ai trouvé une citation de Mireia Vila-Escalé i Narcis Prat, du département d’Écologie de l’Université de Barcelone : « Beaucoup de nous craignons que, au minimum depuis Sant Andreu de la Barca jusque à la mer, le fleuve soit déclaré zone fortement endommagée et que pour cela les actions se limitent à transformer le fleuve en une promenade d’infrastructures avec un petit peu de de vert... »1 PeM : Je crois que le caractère de ce lieu - comme il est maintenant que converge complètement, mais à propos de son devenir, il y a beaucoup à dire, ça dépend vraiment des actions qu’on y développe. Il est clair que comme il est actuellement, y faire une renaturation significative, arrivant à des taux écologiques de qualité est très difficile du fait de l’état de l’eau, des sols, des résidus, des infrastructures. La qualité écologique actuelle est très basse, c’est clair. Mais il faut se demander également : nous voulons récupérer le fleuve original ? C’est possible ? Et sinon, que voulons-nous ? Quel niveau d’exigence avons-nous sur les aspects écologiques, sociaux.. ? C’est ce qu’il nous faut savoir, décider ce que nous voulons obtenir, parce 1 Prat N., Tello E., (2005). El Baix Llobregat,Història i actualitat ambiental d’un riu. Sant Feliu de Llobregat: Centre d’Estudis Comarcals del Baix Llobregat/Fundació AGBAR, p157.

que des fois planter ne suffit pas à la renaturation. Mais bon, réduire une espèce invasive ou créer des dispositifs qui se régénèrent par eux-mêmes comme la position des déflecteurs qui a été un dispositif très efficace. Il faut rentabiliser un effort, être très efficace, et donc il faut savoir ce que l’on veut réussir dans cet espace. Les arbres, c’est super cher par exemple ! Si tu veux planter ou bien si tu veux « récupérer » socialement, bref, tout le concept du fleuve doit se définir. AM : Et toi, si tu devais définir trois actions fondamentales pour la renaturation du fleuve ? Où concentrerais-tu ton action ? PeM : Actuellement avec la situation de crise que nous vivons, l’argent est très réduit pour faire des choses qui ne se voient pas. Et c’est un problème dans la société, que l’argent investit par les politiques doit avoir une rentabilité de votes et de reconnaissance sociale. Et plus fort est ce phénomène, plus réduit sera l’argent pour des choses qui sont invisibles de la société, par exemple la renaturation dans tous ses aspects : le sol, la végétation, de tous les aspects. Et donc, c’est encore plus difficile de générer un projet qui n’ait pas une implication directement visuelle/visible par les citoyens. D’un autre côté, il y a de plus en plus de conscience de la nécessite que les espaces soient de meilleure qualité d’un point de vue environnemental. Donc je pense qu’il y a deux situations en parallèle : il y a la situation économique qui fait qu’il y a très peu d’argent et que celui-ci doit être rentable et visible par les citoyens, et d’un autre côté cette conscience environnementale croissant dans la société. De nombreux collectifs émergent par exemple. Je suppose que c’est dans la tension de ces deux aspects que le projet


peut répondre à beaucoup de choses... AM : A propos de la conscience des gens/habitants, j’ai vu un article à propos d’un mouvement social qui lutta pendant trente ans contre la déviation du Llobregat. De même, j’ai lu un autre article très récemment sur le projet d’organiser une promenade de 170kms le long du Llobregat. Comme tu disais, les gens sont chaque jour plus conscients, mais c’est un travail en parallèle donc : de communication et d’accessibilité (travail pas forcément très cher, comme par exemple la promenade donc l’essentiel existe déjà) sur un premier plan, et sur un autre plan d’actions plus discrètes mais qui vont en profondeur.. PeM : Oui de toute façon, l’accessibilité est quasiment complétement aboutie/obtenue. Dans le tram métropolitain et à l’exception de quelques segments, l’accessibilité longitudinale est pratiquement garantie dans sa totalité. Mais pas la transversale, qui est travaillée actuellement, comme à Sant Boi où l’on est en plein dedans, en l’Hospitalet (de Llobregat) on utilise les infrastructures existantes des routes pour servir l’accessibilité transversale... Mais c’est le plus dur, car cela suppose traverser le fleuve. Si tu utilises une infrastructure existante, c’est plus facile car tu te positionnes parallèle ou même intégrée à la structure ou le pont qui traverse le fleuve. Tout d’abord, l’ACA doit approuver entièrement ton projet, ce qui suppose compléter des normes de sécurité très hautes, et donc un prix lui aussi très grand. C’est donc très efficace, car tu connectes des communes très proches en réalité, mais c’est également très cher. AM : En parlant des ponts piétons, il n’y en a qu’un,

non ? Celui entre Sant Boi et Cornellà ? PeM : Oui, il est temporaire. Il fut installé pendant un chantier et on l’a laissé... AM : Parce qu’ensuite, au-dessus de Sant Boi, il y en a d’autres ? PeM : Il y a des ponts mais pas de gués... AM : Nous parlions tout à l’heure de l’ACA, et en plus tu as travaillé dans l’AMB.. Comment fonctionnent les relations entre les politiques, l’ACA ou l’Area Metropolitana ? Cela inclut beaucoup de personnes, est-ce que c’était efficace ? PeM : C’est un travail très complexe. Il y a beaucoup d’institutions, et chacune d’entre elles travaille sur un aspect particulier, et donc les coordonner c’est difficile. Mais je crois que cette complexité existe dans n’importe quel espace de cette dimension, il faut savoir vraiment le structurer. AM : C’est aussi nécessaire si l’on veut que ce soit démocratique, non ? PeM : Exact, pour cela existe la figure du Consortium du Llobregat, à laquelle participe l’ACA, l’AMB, la Diputacio, et celui-ci tente de générer des critères communs. De toute façon, s’il l’on commençait à parler de ça, on s’y perdrait. Il y a énormément d’information... Moi quasiment je crois qu’il serait intéressant que tu prennes le projet – je te le dis comme si je parlais à un de mes élèves.. Le projet explique beaucoup du fleuve à lui seul. Il explique - pour moi c’est très intéressant par exemple - la façon de voir le fleuve comme un potentiel, même s’il est actuellement à un niveau environnemental très bas. C’est très important, car le projet active le fleuve. Ceci est très positif, et avec très peu d’énergie ! Ce qui est intéressant,

c’est que le fleuve, bien qu’il ait moins de section, moins d’espace, a la même puissance et force qu’il a toujours eu ! Et la même capacité de régénération qu’avant. A lui tout seul, il a une capacité de régénération ! AM : Oui, tu dis que le fleuve n’est jamais mort pour toujours... PeM : Oui, par exemple, tu fais une plage en béton, et en un an, elle est déjà sédimentée ! Le fleuve a sa propre capacité de régénération, et dans ce projet, on la reconnaît et on la valorise. Ensuite, un autre point intéressant que développe ce projet est de reconnaître les besoins sociaux du fleuve. Et l’on peut parler longtemps, en bien et en mal. En gros, « le projet répond correctement à l’accessibilité, mais partiellement à... », eh bien, ça, ton regard, je crois que c’est important que tu parles de ta relation au projet, car c’est ça qui donnera quelque chose de spécial à ton mémoire. Des informations sur l’ACA, il y en a des milliers, de ces publications. En revanche, que ton regard particulier, et si tu vas voir le projet, ce sera unique et ce sera l’intéressant de ton document. Enfin, il y a une autre chose que je trouve intéressante dans ce projet, c’est son pari formel, d’un patron, d’une forme déterminée, de cette coquille qui se répète et qui est une abstraction dans un fleuve. Il y a un thème de projet qu’il serait très intéressant d’évoquer. Ensuite il y le thème de l’image des topos (taupes), enfin, je pense qu’il serait intéressant de parler de l’image du fleuve, est-ce qu’on attend une image de contraste, de camouflage ? Le tronçon 2 n’est en rien du camouflage.. Bref, je pense qu’avec ton regard, c’est important que tout cela, tu le questionnes.. Ces points qui 95


caractérisent le projet, expliquent par opposition le lieu, ce qu’ils voulaient et ce qu’ils ont obtenu. Ta vision critique est ce qui a le plus de valeur : par exemple « le béton est quelque chose qui s’adapte normalement, et ici on le contraste », bon, que penses-tu toi de cela, c’est ce qui importe ici. AM : Bon, parce que j’allais justement te demander si durant le processus, vous rencontriez souvent les habitants, si ceux-ci pouvaient dire « moi je le veux comme ça, ou comme ça ». L’agence où je travaille actuellement construit une mairie en Norvège, et les exigences individuelles sont très écoutées, ce qui fait que entre le début et la fin, le projet à beaucoup changé, voire s’est un peu effrité... Le côté positif est que c’est très démocratique, mais c’est aussi un peu dommage quand à l’unité du projet... PeM : Ici nous n’avons pas fonctionné comme ça. Pour le fleuve, c’est la mairie qui définit les besoins et les transmet aux techniciens de l’AMB et aux architectes (proyectistas), et donc il y a un certain filtre préalable aux dessinateurs. Il est vrai par contre que au cours du projet, ce sont ajoutées de nouvelles nécessités/contraintes, comme la signalisation, le mobilier, ou le besoin d’élargir les chemins... Ce dernier est très intéressant en effet, parce que les chemins sont faits à une échelle, mais quand ils arrivent à un noyau urbain tel que Sant Boi, la fréquentation est telle (et en plus elle augmente sans cesse) qu’ils sont insuffisants pour cette quantité de personnes.. Et donc ces chemins de 3 m de large deviennent trop petits. La solution est-elle faire des chemins plus grands, ou bien faire plus de lieux comme celui-ci ? C’est ce que nous avons pensé... Sant Boi voulait en espace plus grand, mais peut-être que la solution est à 96

une autre échelle et que le fleuve nécessite plus d’endroits comme celui-ci plutôt que de faire ce premier plus grand et plus bétonné. AM : Et les projeteurs/architectes/paysagistes furent choisis par concours ? PeM : Je crois que non mais je n’étais pas encore dans le projet à ce moment. Je pense que ce fut par commande directe. AM : Et le rôle de l’Europe dans le projet, au niveau des subventions et des normatives ? PeM : Oui, là encore je ne suis pas très informée, mais je crois que l’Europe était partie prenante du projet. AM : Et quelles références de renaturation d’un fleuve aviez-vous ? PeM : Il y avait l’Emscher Park, le Guadalupe River, le fleuve Anacostia également aux USA. Ensuite Batlle i Roig font le parallèle avec un projet des années 70, le XXX , c’est un projet à l’échelle beaucoup plus petite, mais ils interviennent de façon ponctuelle, reconnaissant la puissance du fleuve en relation avec les actions, et en misant sur une solution formelle. AM : C’est formel et pourtant sur 6 kms, il n’y a que trois endroits travaillés, c’est juste quand il y a un point du vue ou... PeM : Bien sûr, mais c’est qu’il n’y a pas d’argent pour faire plus. Mais si tu parles avec Batlle i Roig, c’est clairement un pari formel. Il y a aussi l’intention de dire : « Commençons avec ces points choisis, on reconnaît certains endroits, et c’est quelque chose qui se fait dans le temps »... Il y a eu une première phase, puis une seconde

phase au même endroit par Batlle i Roig et avec un critère superposé. On a travaillé des plantations d’un autre point de vue, à un autre endroit, sur les talus ou la motte, avec moins de communautés d’expansion qui correspondait plus à la phase initiale... AM : Aurais-tu des références sur le Llobregat comme un film, une poésie célèbre sur le lieu ? PeM : Je ne sais pas, mais le lieu en lui-même, on peut y reconnaître de nombreux problèmes, qu’il est coincé entre les infrastructures, etc, mais ça paraît un mensonge le varié qu’il est au sein de son uniformité. C’est-à-dire que la section est constante mais quand tu le visites, tu peux reconnaître de multiples particularités à chaque endroit. C’est donc intéressant de savoir reconnaître les particularités de chaque lieu, puis les développer. Et de plus, travailler sur quelque chose si proche nous aide énormément : sur le tronçon de Martorell, il y a des Populus Salvaje qui vivent très bien, à deux mètres de - et hop tu vas les mesurer... C’est donc fabuleux au moment de faire le projet et de contrôler son évolution. Ce qu’on a observé avec mes collaborateurs, c’est que le fleuve changement extrêmement vite ! Les dynamiques du fleuve, à malgré tous les mauvais traitements qu’il a subi, sont super puissantes.. AM : Oui, l’on dit que en paysage il faut attendre longtemps pour savoir si ton projet fonctionne vraiment... le temps que la végétation pousse, etc... PeM : Tout dépend de quel cycle tu parles. Si tu parles de la végétation ou bien d’un arbre, alors tu a un cycle annuel, mais l’inondation d’un fleuve peut changer en un jour une plage, avec la sédi-


mentation, la section... Tu te rends compte de tous les problèmes possibles, mais aussi de tout ce qu’il peut donner de lui-même. Ceci te faire croire que c’est réellement un endroit...Enfin, tu ne sais jamais à quelle origine tu peux revenir car la situation a changé, mais il faut réfléchir, avec ces conditions actuelles et grâce à l’aide des politiques et des techniciens, où peut-on arriver. C’est le pari, donc : c’est comme ça - et en plus cela surprend, non, le contraste entre la quantité d’infrastructures et malgré tout le pouvoir du fleuve -, donc ceci est la situation, la reconnaître et à partir de là, que voulons-nous ? AM : Et toi qui habite à côté, comment le vis-tu ? Tu y vas souvent ? PeM : J’y vais, mais peu, une fois tous les deux mois. Premièrement parce que depuis Molins de Rei [son village, un peu en amont], le fleuve est difficilement accessible, et je ne veux pas prendre la voiture or Collserola et beaucoup plus facile d’accès. En plus le tronçon est très monotone, ce qui est une des caractéristiques de nombreuses parties du Llobregat : c’est donc très bien pour les sportifs, et c’est pourquoi il y a plein de cyclistes le week-end par exemple, mais pour marcher c’est ennuyant. Et il y a des endroits qui sentent mauvais... AM : C’est vrai que sur le tronçon 2, toute la partie de El Prat n’est pas très intéressante, mais à partir des pont pota Sur, puis au niveau de la passerelle piétonne, c’est très joli par exemple... PeM : Oui, c’est un très bel endroit..

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MICRO-PAYSAGE Quelques plantes cueillies sur le site. Elles nous parlent du sol, du climat, de l’esthétique et de l’anthropisation du Llobregat...

ANETH (ANETHUM GRAVEOLENS)

Famille : Apiacées Type : Plante aromatique, annuelle Hauteur : 50 à 60 cm Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire, plutôt léger Floraison : Juillet à septembre Récolte : Juin à septembre

Famille : Cornacées Type : Arbre Hauteur : 5 à 12 m Exposition : Ensoleillée ou mi-ombre Sol : Ordinaire Feuillage : Caduc Floraison : Avril à juin

L’aneth ne craint pas le soleil et la chaleur. Elle peut donc s’installer dans Le cornouiller sanguin est des endroits bien exposés à la lumière, un très bel arbuste qui offre mais abritée du vent. Sa culture est facl’avantage d’offrir une écorce ile et l’entretien limité pour une récolte rouge vif, une jolie floraison et durant tout l’été un beau feuillage rouge proC’est une plante annuelle à tige lisse, de fond en automne. 80 à 150 cm avec un étalement d’une Résistant jusqu’à -20°, il est trentaine de centimètres[réf. néceségalement très résistant à la saire]. Les feuilles sont très découpées, plupart des climats et donc fines, filiformes, de couleur vert bleuté. d’entretien très facile. La floraison produit des ombelles termiLes cornouillers se plaisent nales à fleurs jaune verdâtre parfumébeaucoup au bord de l’eau, es. Chaque fleur a 5 pétales jaunes et 5 même si celle-ci les submerge étamines. Les graines sont petites (2,5 parfois. mm[réf. nécessaire]), ovales, aplaties à côtes proéminentes, de couleur brune, se scindent en deux au séchage, et sont matures en août-septembre. CORNOUILLER SANGUIN (CORNUS SANGUINEA)

Famille : Verbenaceae Type : arbuste Hauteur: 1,5-10m Climat : Plutôt chaud Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire, maigre et calcaire Floraison : août-septembre

Famille : Salicacées Type : arbre Hauteur: jusqu’à 25m Climat : tempéré Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire, maigre et calcaire Floraison : août-septembre

C’est un arbuste buissonnant à feuilles composées-palmées et à inflorescences en épi de petites fleurs violacées. Vigoureux et rustique, il trouve son origine en Asie, mais c’est une variété très fréquente dans la région méditerranéenne. A l’inflorescence, ses fleurs violacées et bleues laissent place à des baies rouge/brun foncé de la taille d’un grain de poivre. Appelé « chaste tree » en anglais, « arbre chaste » en français, il est réputé calmer les ardeurs sexuelles et était notamment utilisé dans les matelas des lits médiévaux.

GATTILIER OU POIVRE DES MOINES (VITEX AGNUS CASTUS)

SAULE (SALIX ALBA)

C’est une espèce pionnière, pouvant vivre une centaine d’années1. Le tronc est droit et le houppier dressé, sauf quand l’arbre est étêté et taillé en têtard. Il préfère les sols frais et humides, notamment les zones alluvionnaires dans les basses vallées. Les feuilles caduques, de 5 à 12 cm de long, sont entières, lancéolées, étroites, très finement dentées. La teinte argentée présente sur les deux faces de la feuille est due à de fines soies courtes, surtout présentes sur la face inférieure. Cet arbre est souvent cultivé en forme de « têtard » pour la production d’osier.


Famille : Fabaceae Type : arbuste Hauteur: 1-2m Climat : tempéré Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire, maigre et calcaire Floraison : août-septembre Cet arbuste pionnier colonise les friches et les espaces ouverts, en particulier le long des routes et autoroutes, et supporte autant les grandes sécheresses que les grands froids. On le trouve le plus souvent en plaine et dans les maquis. Les feuilles oblongues-lancéolées de 3 à 7cm de long et 3mm de large tombent tôt mais elles ont peu d’importance pour cette plante car une grande partie de la photosynthèse se produit dans les jeunes pousses vertes qui conservent l’eau. À la fin du printemps, les rameaux sont couverts de nombreuses fleurs jaune SPARTIER OU GENÊT vif de 1 à 2cm de diamètre. En fin D’ESPAGNE (SPAR- d’été, les graines noires des gousses atteignant jusqu’à 10cm de long arrivent TIUM JUNCEUM) à maturité.

Famille : Tamaricacées Type : Arbuste Hauteur: 2 à 5 m Climat : Plutôt chaud Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire Floraison : Avril-mai et août-septembre Feuillage : Caduc

TAMARIS (TAMARIX)

Le tamaris est un arbuste à floraison printanière ou estivale bien connu pour ses fleurs rose pâle et idéal en bord de mer, pour sa grande résistance au vent. Il pousse souvent de manière naturelle mais on peut aussi le planter dans son jardin. Le tamaris a besoin de soleil pour fleurir, et il aime les sols bien drainés voir sableux. Ses feuilles sont petites, alternes et écailleuses, semblables à celles de certains conifères.

Famille : Boraginacées Type : plante bisannuelle Hauteur: 30-90cm Climat : Plutôt chaud Exposition : Ensoleillée Sol : Ordinaire, maigre et calcaire Floraison : avril à août C’est une plante érigée, poilue, aux feuilles à une seule nervure saillante, les basales étant pétiolées ovales lancéolées, les supérieures sessiles étroites. La couleur de ses fleurs varie selon l’âge de roses en boutons à bleu vif à maturité. Elles ont une forme en épis de cymes scorpioïdes aux 5 étamines inégales très saillantes (à filets rouges et anthères jaunes). . Elle donne de toutes petites graines (400 graines pèsent 1 g). C’est une plante mellifère. Elle fournit aux abeilles, bourdons et papillons un abondant pendant plusieurs seVIPÉRINE (ECHIUM VULGARE) nectar maines consécutives.

source: www.botanic.com www.jardiner-malin.fr www.wikipedia.fr


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MACRO-PAYSAGE L’unité du fleuve dans la diversité des situations de ville-campagne.

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1. Sant Boi del llobregat



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El Prat del llobregat

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LE DESSIN DU PAYSAGE Comment les architectes paysagistes Batlle I Roig ontils imaginé ce morceau de Llobregat?

Le fleuve renaturé 1. Plans conceptuels: les déflecteurs, la connectivité, l’accessibilité. échelle: 1/50 000e 2. Coupe et plan type du parc linéaire, montrant le rapport au fleuve: pré fluvial, cheminement éloigné, buttes protectrices, infrastructures viaires. échelle: 1/ 1 000e

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3. Coupe de détail montrant la berge droite: les trois niveaux de cheminement, le principe de construction d’un déflecteur et les plantations conséquentes. échelle: 1/500e


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Le fleuve social 4. Plan de l’entrée au parc fluvial depuis Sant Boi del Llobregat, avec les trois ponts en forme de coquille, le parc rive droite, et rive gauche l’aménagement de petites retenues d’eau à la sortie de la station d’épuration. échelle: 1/ 5 000e 5. Coupe montrant le rapport entre le fleuve et le centre-ville de Sant Boi del Llobregat. échelle: 1/2 000e 6. Coupe et plan de détail montrant la construction des différents ponts à Sant Boi del Llobregat. échelle: 1/1 000e


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