Créativité et innovation - synthèse de l'étude d'impact

Page 1

Etude d’impact sur le développement des compétences liées à la créativité des personnes dans les programmes européens EFTLV 2007-2013 (Comenius, Erasmus, Leonardo da Vinci, Grundtvig)

Synthèse Séverine Rouillan Frédéric Lagarrigue

Créativité et innovation Année européenne 2009


L' in té g r alité d e l' é tu d e est di sponi ble en v ersi on bi li ngue s u r le site d e l' ag e n ce Europe-Educ a ti on-F orm a ti on F ra nc e : w w w . 2 e 2 f. fr /c rea ti v i te-i nnov a ti on.php

I llu s t r a t io n : danse de s b âto ns - J o u r n é e s " C o mp é t e n c e s c r é a t iv e s " 2 - 3 j u ille t 2 0 0 9 , Pa r is


Séverine Rouillan et Frédéric Lagarrigue Professeurs agrégés en Arts appliqués, responsables du dispositif « design en réseau » Université de Toulouse – Le Mirail

Etude d’impact sur le développement des compétences liées à la créativité des personnes dans le programme européen EFTLV 2007-2013 (Comenius, Erasmus, Leonardo da Vinci, Grundtvig)

Synthèse Octobre 2009

Etude commanditée par l’agence Europe-Education-Formation France 25, quai des Chartrons – 33080 Bordeaux Cedex – France


INTRODUCTION

Cette étude est née de la volonté de l’agence Europe-Education-Formation France (agence 2e2f) de convoquer un regard extérieur sur la plus-value apportée par les projets européens d’éducation et de formation au développement des compétences liées à la créativité des personnes. En réponse aux ambitions du Parlement européen et du Conseil et en accord avec l’objectif global de l’Année européenne de la créativité et de l’innovation1, elle participe d’une réflexion et d’un état des lieux sur les mécanismes créatifs à l’œuvre dans le programme éducation et formation tout au long de la vie (EFTLV) 2007-2013. S’inscrivant dans une démarche plus vaste d’accompagnement et de valorisation commanditée par l’Agence Europe-Education-Formation France auprès et avec les porteurs de projets européens autour des compétences créatives2, la présente étude s’appuie sur une méthodologie et une posture expérimentées dans le cadre d’ateliers de travail3 conduits avec le personnel de l’agence 2e2f et 41 porteurs de projets des différents programmes Grundtvig, Leonardo da Vinci, Comenius, Erasmus, Tempus et Erasmus Mundus. Certains éléments et concepts élaborés pour la mise en œuvre de ces deux journées de travail ont été réinvestis dans la méthodologie déployée pour la réalisation de cette étude d’impact. De même, les résultats et contenus qui ont émergé de ce travail collaboratif ont été exploités et intégrés à notre dispositif d’analyse. Ainsi, la structure de l’étude témoigne déjà, en soi, du contexte élargi dans lequel elle a été réalisée : les chapitres qui la composent permettent de confronter les conclusions d’un premier état des lieux - effectué en collaboration avec 41 porteurs de projet sur la question des compétences créatives - à une analyse plus fine, de statistiques recueillies par un questionnaire en ligne. Plus précisément, la première partie de ce travail s’attache à répondre aux questions soulevées par le contexte de l’étude et ce, à un double niveau : à l’échelle des enjeux européens liés à l’année de la créativité, et à l’échelle des projets sélectionnés par l’agence Europe- Education-Formation France.

1

L'objectif global de l'Année européenne est de promouvoir la créativité pour tous en tant que moteur de l'innovation et facteur essentiel du développement de compétences personnelles, professionnelles, entrepreneuriales et sociales grâce à l'éducation et la formation tout au long de la vie, in Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant l’Année européenne de la créativité et de l’innovation (2009), Bruxelles, le 28. 3. 2008. COM (2008) 159 final. 2008/0064 (COD) / Résumé des objectifs de l’action et proposition des actions envisagées, page 5.

2

L’accompagnement scientifique à l’organisation et à la valorisation des actions de l’Agence Europe Education Formation France dans le domaine de la créativité et de l’innovation comporte les prestations suivantes : un évènement visant à accompagner les porteurs de projet sur l’identification et le développement des compétences créatives, un évènement consistant à démontrer, auprès d’un large public, la plusvalue apportée par les projets européens dans le développement de compétences liées à la créativité des personnes, la réalisation d’une étude de projets afin de mesurer cette plus-value.

3

Ces séminaires de réflexion se sont déroulés lors des Journées de suivi thématique « Compétences Créatives » des 2&3 juillet 2009 organisée en préfiguration de la conférence européenne de valorisation sur la thématique du développement des compétences créatives des 19 et 20 novembre 2009. Ils avaient pour objectifs d’amener les participants à prendre du recul sur leur projet européen et à identifier sa contribution au développement de compétences créatives chez les équipes et les bénéficiaires.

2


Dans un deuxième temps, nous définirons les concepts centraux de notre problématique : quelle définition de la créativité opérationnelle pour l’identification des compétences créatives ? Quelles interactions entre les différents temps du cycle de vie des projets européens- temps d’élaboration, temps de réalisation, temps d’exploitation des résultats du projet- les différents acteurs concernés porteurs de projet, groupes cibles, bénéficiaires indirects- et le potentiel de développement de la créativité ? Le troisième chapitre consiste à présenter plus précisément la méthodologie déployée afin de réaliser cette étude. Elle décrit comment les concepts définis au chapitre précédent, articulés à une réflexion collaborative autour des compétences créatives, constituent le socle à partir duquel nous avons élaboré un questionnaire à destination des porteurs de projets. Les deux dernières parties visent respectivement à analyser les résultats du questionnaire et à dresser une liste de recommandations pour l’avenir.

CONTEXTE DE L’ETUDE L’Année européenne de la créativité et de l’innovation La créativité comme un outil majeur pour les grands enjeux européens Pour la commission européenne, le développement de compétences créatives et de la capacité d’innovation chez les personnes constitue un défi majeur pour participer de façon active à la société de la connaissance. L’Union européenne espère ainsi répondre aux enjeux du 21éme siècle et se positionner mondialement en s’appuyant sur les diversités culturelles de la société européenne. Cette diversité constitue un atout favorable au développement de la créativité. Par ailleurs, la crise économique de l’automne 2008 a potentialisé les ambitions du processus de Lisbonne visant à favoriser la mutation de notre société vers une société de la connaissance et à faire évoluer, d’une manière globale, le niveau de qualification des personnes, plus particulièrement dans les domaines liées à l’innovation et à la créativité. La créativité dans le programme éducation et formation tout au long de la vie Dans ce contexte, le programme éducation et formation tout au long de la vie (EFTLV) apparait comme l’un des meilleurs vecteurs d’acquisition des compétences créatives par tous. Si ces compétences créatives croisent peu ou prou les huit compétences clés définies dans le cadre européen en 2006 et réintégrées dans les programmes nationaux, il n’en demeure pas moins que les particularités inhérentes aux quatre programmes sectoriels (Leonardo da Vinci, Grundtvig, Erasmus, Comenius) et à leur valeur ajoutée européenne peuvent être considérées comme des facteurs favorables à l’émergence de compétences spécifiques à la créativité. Les différents mécanismes à l’œuvre dans ces programmes, notamment ceux liés à la coopération, constituent en effet un élément structurant pour l’apprentissage de ces dernières. La créativité comme compétence transversale aux compétences clés

3


Il apparait important de noter que du point de vue de la commission européenne, les compétences permettant l’innovation ne peuvent être considérées comme un système stable. En effet, le concept même d’innovation appelle sans cesse à l’émergence de nouvelles compétences. Compétences créatives et innovation s’influencent ainsi réciproquement pour constituer un système en mouvement perpétuel. En d’autres termes, l’apprenant, parce qu’il doit s’adapter à un contexte changeant, est dans l’obligation de développer sans cesse les compétences appropriées, compétences qui à leur tour vont influer sur l’évolution de ce contexte. Au regard de cette remarque, on mesure mieux l’importance de la compétence clé N°5 Apprendre à apprendre, qui à elle seule garantit l’ «upgraduate» de la personne dans un environnement mouvant. Elle souligne l’ambition du programme EFTLV 2007-2013 de contribuer à la mise à jour des connaissances et compétences et de donner à chacun les moyens de faire face au changement. En outre, toujours selon la Commission européenne, la capacité d’un individu à s’inscrire, d’une part, dans une vie civique, et d’autre part, dans une société diversifiée culturellement, constitue elle aussi un fondement de la créativité. Objectifs et cahier des charges de l’étude d’impact Cette étude poursuit deux objectifs : - elle vise à déterminer en quoi, comment et pourquoi les projets européens d’éducation et de formation favorisent l’émergence et le développement des compétences créatives chez les personnes. - elle ambitionne de mesurer l’impact de cette valeur ajoutée créative et d’en dresser un constat qualitatif et quantitatif afin d’aboutir à des recommandations et des propositions pour l’avenir. Ces objectifs, clairement nommés, sont à moduler et nuancer au regard des deux paramètres suivants : - la demande formulée par l’agence Europe-Education-Formation France d’opérer une étude transversale aux quatre sous-programmes sectoriels du programme EFTLV 2007-2013. - le fait que nous ne disposons pas d’étude préliminaire antérieure aux différents projets sur le degré de développement des compétences créatives chez les personnes. Quelle transversalité possible pour l’étude, au regard de la singularité des projets par secteur ? Il existe, entre les quatre programmes sectoriels, une grande disparité en termes de publics visés, et plus particulièrement en matière de tranches d’âges. La difficulté consiste, dès lors, à trouver le moyen de comparer l’impact d’un projet européen Comenius et celui d’un projet Grundtvig, sur le développement des mêmes compétences, à savoir les compétences créatives, mais sur deux groupes cibles totalement différents. On comprend en effet qu’en raison de l’extrême hétérogénéité des bénéficiaires directs des différents programmes, nous ne pouvons pas envisager de mettre en œuvre un test unique qui permettrait d’évaluer avec pertinence la plus-value créative de manière transversale.

4


Il nous est donc apparu pertinent pour cette étude, de chercher à mesurer l’impact des projets européens sur le développement de la créativité des personnes en se focalisant plus particulièrement sur les porteurs de projets, selon les modalités suivantes : - En nous basant sur les déclarations des porteurs de projets sélectionnés, pour mesurer quels dispositifs et quelles pratiques sont, selon eux, directement ou indirectement favorables au développement des compétences créatives chez les bénéficiaires, afin d’identifier « les bonnes pratiques potentielles »4. - En s’appuyant sur les informations livrées par ces mêmes porteurs de projet, et sur l’analyse de ce recueil de données, pour évaluer l’impact des projets sur le développement des compétences liées à la créativité du groupe cible. - Mais aussi en interrogeant l’impact des programmes européens sur les porteurs de projets euxmêmes, tant il est vrai que les compétences développées par les porteurs de projets européens participent principalement d’une dynamique créative. La créativité : un objectif du programme EFTLV 2007-2013 absent des programmes antérieurs ? Bien que l’on trouve déjà par exemple, dans les objectifs spécifiques du programme Socrates 20002006, la volonté d’encourager auprès des porteurs de projets les pratiques innovantes reposant sur l’utilisation des nouvelles technologies5, la créativité en tant que telle n’est explicitement nommée qu’en 2007 avec l’avènement du programme EFTLV 2007/2013 dans les termes suivants : « aider à promouvoir la créativité, la capacité d’insertion professionnelle et le renforcement d’esprit d’initiative et d’entreprise ».6 Ainsi, dans la mesure ou la créativité n’était pas, dans les programmes antérieurs à 2007, affichée comme une priorité à proprement parler, elle n’a pas pu faire l’objet d’étude ou de rapport qui nous permettrait aujourd’hui de comparer l’impact des différentes générations de programmes européens d’éducation et de formation sur le développement de la créativité des personnes. De plus, en raison de l’extrême hétérogénéité des bénéficiaires du programme EFTLV mentionnée plus haut, nous ne possédons pas de données sur les compétences créatives des personnes avant leur implication dans les projets : ceci reviendrait à porter un regard sur l’état des compétences créatives au sein de la société européenne, toutes tranches d’âges et toutes catégories socioprofessionnelles confondues, ce qui paraît inenvisageable. Afin de dépasser ces problèmes posés par la nécessité de réaliser une étude transversale, et par l’absence de données statistiques auxquelles nous pourrions nous référer, nous proposons de nous 4

Se référer au chapitre Méthodologie de mise en œuvre / Identification « des bonnes pratiques » à l’œuvre dans les programmes européens favorisant le développement des compétences liées à la créativité des personnes.

5

Comme nous l’avons souligné précédemment, cet objectif est systématiquement repris dans chacun des quatre sous programmes sectoriels du programme EFTLV 2007-2013. Il apparaissait déjà comme objectif du programme d’action communautaire en matière d’éducation Socrates de la manière suivante : « d’encourager les innovations dans l’élaboration de pratiques et de matériel pédagogiques, notamment, quand les circonstances s’y prêtent, l’utilisation de nouvelles technologies, et d’explorer des questions d’intérêt commun dans la politique de l’éducation.» Cf Décision n° 253/2000//CE du Parlement européen et du Conseil. 6

Op. cit : Décision n° 1720/2006/CE du Parlement Européen et du Conseil.

5


appuyer sur l’élaboration d’un questionnaire à destination des porteurs de projets qui interroge a posteriori le développement des compétences créatives des différents bénéficiaires directs et indirects des programmes. Projets concernés par l’étude d’impact Présentation des projets L’ensemble des projets concernés par cette étude d’impact nous a été communiqué par les différents responsables de services des sous-programmes sectoriels du programme EFTLV de l’agence 2e2f (Voir annexe 1). Au nombre de vingt-cinq, on peut présenter ces projets de la manière suivante : L’étude s’appuie sur l’examen de cinq projets Comenius, l’un coordonné par une école maternelle, un autre par une école primaire, un par un collège et deux par des lycées. Pour tous ces projets, nous possédons le dossier de demande de financement, et pour deux d’entre eux également les rapports de visite de suivi effectués par l’agence 2e2f en mars 2009. A l’exception d’un seul, les projets Comenius présentent la particularité d’être encore en phase de réalisation, ce qui nous amènera à analyser avec réserve et prudence les données qui concernent la phase d’exploitation des résultats récoltés par le questionnaire. L’étude intègre aussi deux programmes Erasmus conduits l’un et l’autre par des universités et se matérialisant tous deux sous la forme de programmes intensifs (IP).7 Pour chacun des projets, nous avons accès au formulaire de candidature, au rapport final et à la demande de renouvellement de financement. Le programme Leonardo da Vinci est représenté par dix projets, dont deux sont portés par le même établissement. Il est à noter qu’en raison de la spécificité de ce programme (qui vise à développer à la fois les compétences des personnes sur le marché du travail et celles des personnes suivant un apprentissage hors troisième cycle), les porteurs de projets concernés par cette étude, s’ils sont tous concernés par la formation professionnelle, représentent des structures disparates : le MEDEF Franche-Comté, le Centre national de promotion horticole, une université, trois lycées dont un lycée agricole, et trois associations. Six d’entre eux sont des projets de mobilité (trois concernent la mobilité des lycéens, un la mobilité enseignante et deux la mobilité des demandeurs d’emploi), les quatre autres étant des projets pilotes relatifs à l’ingénierie de formation. A ce jour, les projets qui nous sont soumis sont achevés ou en passe de l’être. Enfin, huit projets Grundtvig sont intégrés à cette étude. Des structures associatives aux objectifs différents sont à l’origine de projets singuliers qui, à ce jour, sont tous achevés. Pour chacun d’entre eux, nous ont été fournis les candidatures, les demandes de renouvellement de financement et les rapports finaux. Projets poursuivant un objectif créatif / Projets mettant en œuvre des méthodologies liées à la créativité Il convient d’opérer une distinction parmi les projets sélectionnés. En effet, certains d’entre eux visent comme objectif spécifique le développement de la créativité. Dans d’autres cas, la créativité Un IP est un programme d'études court qui rassemble des étudiants et des enseignants d’établissements d’enseignement supérieur d’au moins trois pays dont au moins un de l’UE. La durée d’un IP est au minimum de 10 jours de travail en lien avec l’IP, consécutifs et à temps plein. 7

6


apparaît dans le projet comme un effet induit du programme : ce qui implique de relier l’analyse des résultats du projet aux objectifs principaux des programmes communautaires et dispositifs gérés par l’agence 2e2f. Toutefois, l’enjeu de notre travail étant de mesurer l’impact des projets et non leurs résultats euxmêmes, nous pouvons, sans que cela nuise à la méthodologie, englober dans la même étude les projets pour lesquels la créativité était expressément un objectif et ceux pour laquelle elle constitue un effet induit.

Sources d’information disponibles pour l’étude Notre travail s’est appuyé essentiellement sur la lecture de l’ensemble des pièces descriptives des projets fournies par l’agence 2e2f et déclinées ci-dessus par programme sectoriel. Cette exploration nous a permis de repérer un échantillon d’actions et de méthodologies favorables au développement de la créativité à partir duquel nous avons proposé une typologie « des bonnes pratiques ». La typologie a servi ensuite de cadre à l’identification des compétences créatives. Afin de mener à bien l’analyse des demandes de subventions, rapports d’étape et bilans finaux mis à notre disposition, nous avons été amenés, dans un premier temps, à proposer une définition de la créativité. Cette définition a servi de filtre de lecture à l’ensemble des projets sélectionnés.

7


CONCEPT DE L’ETUDE A .P. A. A : une définition de la créativité opérationnelle pour identifier et analyser les compétences liées à la créativité des personnes dans les programmes européens Réaliser une étude sur les compétences liées à la créativité des personnes dans les programmes européens implique deux pré-requis incontournables : -identifier et nommer clairement ces compétences afin d’être en capacité de mesurer l’impact des programmes européens sur leur développement et de pouvoir en dresser un constat qualitatif et quantitatif. -S’appuyer sur une définition de la créativité qui nous permette de circonscrire le concept à notre champ d’étude, à savoir les programmes européens de formation, et qui soit opérationnelle dans le cadre transdisciplinaire, intergénérationnel et interculturel inhérent à ce contexte. Si le mot créativité est un calque de l'américain creativity auquel n’était pas associé, à l’origine, de connotation artistique, la tradition française a pour sa part longtemps considéré l’acte de créer comme résultant du génie personnel de l’artiste. Le mouvement romantique qui fait suite à la chute de l’Empire napoléonien et que les acteurs intellectuels des domaines littéraires et artistiques revendiquent, en opposition aux règles classiques de composition, la libération de l’imagination et de la rêverie et des passions individuelles, participe grandement à cet état de fait. Bien sûr, ce mythe de l’artiste créateur, isolé dans son génie est aujourd’hui fortement remis en cause par nombre de théoriciens des sciences humaines, psychologues, philosophes, sociologues, anthropologues, mais aussi des sciences exactes, mathématiciens, chimistes, généticiens, biologistes… Plusieurs modèles de pensée n’assujettissent plus la créativité au double isolement disciplinaire et individuel auquel elle fut longtemps assignée, mais revendiquent, à l’inverse, sa dynamique transdisciplinaire et collective. Todd Lubart, dans son ouvrage Psychologie de la créativité8, fait ainsi état de la transversalité de la créativité et de son intérêt tant pour l’individu que pour la société. Il y affirme qu’il est primordial de confronter les différents modèles et de décloisonner les frontières entre les sous-disciplines psychologiques (clinique, expérimentale…) afin de pouvoir cerner au mieux la complexité du phénomène créatif. Pour autant, si la créativité ne semble plus prisonnière du domaine artistique à proprement parler, elle n’est que très rarement perçue, dans l’opinion française, comme une attitude susceptible d’apporter les réponses aux impératifs posés par le XXIème siècle. Et pourtant, comme le souligne Albert Jacquard, « Nous vivons une période où les bouleversements sont inévitables ; demain ne peut être semblable à hier. Comprenons que si les hommes savent tenir compte les uns des autres en un ensemble interactif, ils peuvent explorer les voies nouvelles et construire une humanité capable de réaliser ce qui apparait aujourd’hui comme utopique. »9

8

Todd Lubart, Psychologie de la créativité. Editions Armand Colin 2005.

9

Albert Jacquard, De l’angoisse à l’espoir, leçons d’écologie humaine. Paris, édition Calmann-Levy, 2002, page 132.

8


Cette citation met en exergue quatre clefs de lecture possibles du concept de créativité. Elle interroge tout d’abord l’objectif poursuivi en mettant l’accent sur la construction d’ « une humanité capable de réaliser… ». Elle pointe la question de l’inscription temporelle de l’action créative sachant que « demain ne peut être semblable à hier » et que l’enjeu consiste à « réaliser ce qui apparait aujourd’hui comme utopique. » Elle informe aussi sur la nécessité d’intégrer des points de vue divergents dans le processus créatif : « Comprenons que si les hommes savent tenir compte les uns des autres en un ensemble interactif, ils peuvent… ». Enfin, elle insiste sur la manière et/ou le processus inédit sur lequel s’appuie la créativité en proposant « d’explorer des voies nouvelles ». La définition ainsi circonscrite aux quatre items nommés plus haut, l’objectif, l’inscription temporelle, le point de vue, la manière ou procès, parce qu’elle intègre les dimensions interculturelles et collaboratives, est à nos yeux transférable au contexte des programmes européens d’éducation et de formation. Nous proposons de la décliner de la manière suivante : Question de l’objectif / Autre chose : La créativité vise la recherche d'un objet particulier, une nouvelle idée réalisable, une solution apportée en réponse à un problème posé. Question de l’indexation temporelle / Plus tard : La créativité est indexée temporellement. L’émergence d’une idée ou d’un process s’appuie sur le questionnement d’un problème qui n’est pas encore résolu. Les résultats de la créativité sont exploitables dans un processus d’innovation. Question du point de vue / Ailleurs : La créativité vise la résolution d’un problème a priori insoluble. Pour sortir de l'impasse, il faut reconsidérer la question selon un nouveau point de vue. Il faut chercher ailleurs, l'idée créative émergeant souvent d’un autre champ de la connaissance. Question de la manière ou du processus / Autrement : La créativité s'appuie sur une manière ou un processus de mise en œuvre inédit, original. Ce filtre de lecture de la créativité que nous intitulons « A.P.A.A » : Autre chose, Plus tard, Ailleurs, Autrement constitue le socle conceptuel de l’étude. Il s’agira d’expliquer dans la partie Méthodologie de mise en œuvre, comment il a interagi avec les outils imaginés pour identifier les pratiques favorisant le développement de la créativité des personnes et les compétences associées ainsi qu’avec les choix méthodologiques qui ont conduit à la définition des indicateurs et à la l’élaboration du questionnaire destiné aux porteurs de projet. La plus-value créative dans les différents temps du cycle de vie des projets européens Un autre paramètre très important pour la construction des outils de mesure de cette étude est le séquençage du projet en différents temps, et l’interaction de ces temps avec les typologies de bénéficiaires et les dynamiques créatives qui en résultent. Le schéma qui suit (tableau 1) montre comment la mise en relation des trois phases du projet et des différents acteurs des programmes de formation tout au long de la vie, à savoir, les porteurs de projets, le groupe cible et les bénéficiaires indirects, informe sur la multiplicité des contextes favorables aux développement des compétences liées à la créativité des personnes dans le cadre des projets européens. 9


METHODOLOGIE DE MISE EN OEUVRE Identification « des bonnes pratiques » à l’œuvre dans les programmes européens favorisant le développement des compétences liées à la créativité des personnes Cette étape du travail a consisté à repérer dans différents documents rédigés par les porteurs de projets concernés par cette étude, les contextes, actions, méthodologies, outils favorisant l’émergence de la créativité. En nous appuyant sur la définition proposée « A.P.A.A », nous nous sommes attachés à identifier dans les projets la diversité des propositions en lien avec : - des objectifs singuliers et novateurs (Autre chose) ; - des pratiques revendiquant une influence sur le contexte présent et à venir (Plus tard) ; - des pratiques visant à atteindre l’objectif selon un point de vue inhabituel (Ailleurs) ; - des pratiques mettant en œuvre des manières de faire inédites et originales (Autrement). Ainsi, l’intégralité des projets concernés par cette étude ont fait l’objet d’une lecture systématique à travers du filtre A.P.A.A. C’est à partir des conclusions issues de l’ensemble de la réflexion que nous avons réalisé une proposition de typologie des bonnes pratiques, favorables au développement de la créativité dans les programmes européens. Typologie « des bonnes pratiques » A.P.A .A. L’enjeu a donc été de reformuler de manière générique l’intégralité des pratiques repérées lors de l’analyse et de structurer les différents items obtenus dans une carte heuristique afin de proposer une première typologie « des bonnes pratiques créatives » potentiellement exploitable par les futurs porteurs de projets européens. La carte 2, visible ci-après, est le résultat de cet effort de synthèse. Cette proposition fait émerger deux concepts essentiels que l’on retrouve de manière transversale dans les différents items Autre Chose, Plus tard, Ailleurs, Autrement et qu’il nous parait d’ores et déjà important de noter : On remarque tout d’abord la présence très marquée de la dimension collaborative qui se manifeste de manière directe dans l’item Autrement. Qu’il s’agisse de développer l’approche pluridisciplinaire (avec une prépondérance pour l’importation de méthodes issues des champs et activités artistiques), de favoriser le dialogue interculturel ou de promouvoir la dimension partenariale entre les différents acteurs de notre société. L’enjeu semble-t-il, est toujours de confronter, de mettre en relation la diversité pour permettre et/ ou provoquer l’émergence de la créativité. Cet aspect nous semble important à signaler car la dynamique de coopération et de collaboration comme le dialogue interculturel étant deux piliers fondateurs du programme EFTLV 2007-2013 (objectif

10


général pour la première / objectif spécifique pour le second)10, les considérer comme leviers potentiels du développement de la créativité des personnes revient à positionner les projets européens d’éducation et de formation comme des pépinières de créativité. L’autre point que l’on peut souligner concerne la variété et la richesse des démarches inventées afin d’atteindre les objectifs du projet. L’item Autre chose, illustre cette nécessité de se détacher des modèles préexistants (remettre en question les idées établies / favoriser la prise de risque / rompre avec les mécanismes de reproduction) afin de proposer des dispositifs innovants à priori inhabituels dans des contextes traditionnels d’apprentissage. On peut noter, par ailleurs, la place tout à fait singulière réservée dans ces dispositifs aux technologies numériques, qui, utilisées lors des différentes phases du projet, (élaboration, réalisation et exploitation des résultats) participent indirectement à l’enrichissement du potentiel des TIC via la création de sites internet interactifs et collaboratifs, le dépôt d’information sur la toile, etc. Des usages multiples qui permettent la régénérescence de l’outil en quelque sorte. L’hétérogénéité des manières de faire listées dans l’onglet Autrement témoigne ainsi de la diversité des choix méthodologiques effectués en fonction de la nature du projet. Typologie « des bonnes pratiques » réalisée en collaboration avec 41 porteurs de projets Conformément à la demande de l’agence Europe-Education-Formation France, nous nous sommes attachés à imaginer un dispositif susceptible d’amener 41 porteurs de projets européens (ComeniusLeonardo Da Vinci-Erasmus-Grundtvig-Erasmus Mundus-Tempus-Visites d’Etudes) à échanger autour de leur expérience et de sa contribution au développement des compétences créatives chez les équipes et les bénéficiaires. La journée de suivi thématique des 2 et 3 juillet, à Paris, a pour nous été l’occasion d’affiner et d’enrichir notre perception des pratiques favorables au développement de la créativité et des compétences associées. Le programme de ces deux journées a alterné entre temps de travail en atelier et temps de restitution (synthèse) avec l’intégralité du groupe au sein desquels se sont intercalés des « temps forts créatifs », qui ont fortement contribué à la réussite de cette rencontre. L’idée était de faire des ateliers de réflexion, des laboratoires de créativité en capacité d’enrichir et de nourrir un questionnement autour de la créativité. Afin d’obtenir un éventail le plus exhaustif possible des propositions, nous avons choisi d’organiser les groupes de travail autour des quatre entrées proposées par la définition A.P.A.A. En nous appuyant sur des outils créatifs développés dans notre pratique d’enseignants en design et en les adaptant à la singularité du contexte, nous avons ainsi inventé pour chacun des filtres de lecture Autre Chose, Ailleurs, Plus tard, Autrement, une succession d’exercices collaboratifs singuliers et construit les supports nécessaires à l’émergence et au repérage des bonnes pratiques. Atelier Autrement Dans l’atelier Autrement, la réflexion est centrée sur la diversité des pratiques possibles à mettre en œuvre pour atteindre un même objectif. Par groupe de 3, les participants sont ainsi invités à choisir un de leur projet et à reporter dans les cases pré-imprimées d’une carte de format A0, son contexte, ses objectifs et ses bonnes pratiques. Les cartes circulent ensuite entre différents groupes et sont complétées afin d’imaginer des 10

Op. cit : Décision n° 1720/2006/CE du Parlement Européen et du Conseil.

11


alternatives aux pratiques mises en œuvre par les porteurs de projet. Chacun intervient sur le projet des autres et propose d’en développer Autrement, la créativité. Atelier Plus tard Dans l’atelier Plus tard, la réflexion porte sur la phase d’exploitation des résultats qui devient « l’objectif créatif » pour un nouveau projet : un projet dans le projet. Toujours par groupe de trois, les participants sélectionnent un projet et reportent ses objectifs et son contexte sur une carte pré-imprimée. Dans un second temps, ils imaginent un nouvel objectif visant à exploiter les résultats du projet, ils définissent un nouveau contexte (porteurs de projets, groupe cible, planning et circulations) et ils reportent ces données sur leur carte dans les cases correspondantes. L’enjeu consiste ensuite à proposer des bonnes pratiques possibles pour ce nouveau projet ainsi défini et à faire circuler les cartes afin que chaque groupe puisse enrichir les idées des autres. Atelier Autre chose L’Atelier Autre chose interroge la diversification et la coloration des objectifs suscitées par le regard croisé des différents bénéficiaires. Comme dans les autres ateliers, les participants choisissent un projet et notent son objectif et son contexte, sur la carte prévue à cet effet. Il s’agit alors de définir quatre nouveaux objectifs plus spécifiques qui correspondent plus précisément aux attentes des différents bénéficiaires (porteurs de projet, groupe cible, structure, partenaires du projet), et un nouveau contexte pour la mise en œuvre de ces quatre objectifs. La dernière étape consiste, comme dans les autres ateliers, à inventer de nouvelles bonnes pratiques adéquates. Atelier Ailleurs Enfin, pour l’atelier Ailleurs, l’idée est de perturber le contexte du projet afin de modifier les contraintes à partir desquelles on travaille à la réalisation de l’objectif. La perturbation est organisée de la manière suivante : dans chaque groupe de 3, un objectif issu d’un des projets est choisi de manière collégiale. Chaque participant reporte alors sur des stickers le contexte du projet. Les cartes-contextes sont ensuite échangées entre les groupes, collées sur la carte A0 et deviennent les contraintes inhérentes au projet à partir desquelles il faudra imaginer des pratiques pour atteindre l’objectif. Si besoin, le groupe peut moduler et reformuler l’objectif préétabli afin d’assurer le caractère plausible du projet. La suite de la procédure se déroule comme dans les autres ateliers. Par atelier, les propositions sont ensuite synthétisées sur une carte Freemind11 en vue d’une présentation à l’ensemble des participants. Synthèse des résultats Le résultat de ce travail de groupe a servi de socle à la réalisation d’une carte synthétique (carte 3), qui reflète la richesse des bonnes pratiques identifiées par les porteurs de projets lors des Journées de suivi thématique Compétences Créatives, des 2 et 3 juillet 2009. L’analyse conjointe de cette production collaborative et de la première carte des pratiques favorables à l’émergence de la créativité dans les programmes européens élaborée par nos soins (carte 2), permet d’affiner et de renforcer les deux hypothèses formulées précédemment à savoir la présence très marquée de la

11

Freemind est un logiciel libre qui permet de générer des cartes heuristiques numériques exportables dans différents formats de fichiers.

12


dimension collaborative et la variété des démarches et des richesses inventées pour mener à bien les projets européens. Ces deux constats transparaissent en effet aussi dans la carte 3, à travers la volonté d‘ouverture qui s’exprime dans les différentes entrées proposées par les participants. L’attitude peut, cette fois, être déclinée selon les axes suivants : -Les items découvrir, se confronter à l’altérité, collaborer, communiquer renvoient à des pratiques collaboratives qui articulent les actions de formation à un contexte périscolaire via la découverte et l’analyse des besoins, la recherche de la différence et de la nouveauté, la mise en place de partenariats professionnels, institutionnels, artistiques et la valorisation vers des publics étrangers au projet. -Les concepts être flexible, exploiter, diversifier concernent davantage le caractère innovant et l’adaptabilité des dispositifs inventés au service de nouvelles formes d’apprentissage, en témoignent la nécessité de faire un atout d’une contrainte ou d’un imprévu, d’intégrer l’art dans la méthodologie, de s’appuyer sur la diversité des modes d’expression, de créer des outils de communication spécifiques au projet et de multiplier les outils coopératifs comme les groupes de paroles, les temps informels… Ainsi, à la lumière de ce double regard, il apparait que les pratiques développées dans le cadre des programmes européens d’éducation et de formation génèrent de nouvelles manières de faire et d’apprendre, tissent des liens avec des partenaires qui n’appartiennent pas nécessairement au monde de l’éducation et favorisent le déploiement des disciplines artistiques, soit comme finalité, soit comme outil pour la mise en œuvre du projet. Identification des compétences liées à la créativité des personnes Typologie « des compétences créatives » Dans un deuxième temps, à partir de la typologie des bonnes pratiques, la collaboration avec les porteurs de projet, les 2 et 3 juillet, s’est centrée sur les compétences liées au développement de la créativité et a permis d’identifier les quatre compétences suivantes : -Compétences liées à l’imagination -Compétences collaboratives -Compétences de distanciation et d’adaptabilité -Compétences de communication Nous avons ensuite décliné ces compétences afin de définir une typologie opérationnelle et exploitable pour l’élaboration de notre questionnaire à destination des porteurs de projet et la définition des indicateurs utilisés. Le détail de cette synthèse est visible sur la carte 4.

13


Déclinaison des quatre compétences clefs pour le développement de la créativité des personnes, en savoirs, attitudes et aptitudes

Compétences liées à l'imagination Définition : La compétence d’imagination est la faculté d’inventer de nouvelles solutions à un problème, d’impulser de nouveaux scénarii de fonctionnement, de fabriquer des dispositifs innovants et de nouvelles formes de créations dans et à partir de contextes donnés. Elle implique d’avoir une bonne connaissance de son environnement social et culturel afin d’être en capacité d’interagir avec lui pour en proposer une nouvelle lecture. Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant à cette compétence : Les compétences liées à l’imagination ont pour fondement la conscience et la connaissance du patrimoine individuel et collectif (local, national, européen) culturel, scientifique, artistique, social… comme source possible d’inspiration pour inventer du nouveau. Les aptitudes relèvent des deux capacités suivantes : la faculté à « absorber et à digérer » le monde dans sa complexité afin de produire des idées et la disposition à exploiter la spontanéité et à mobiliser ses sens et ses émotions, pour en faciliter l’émergence. L’élément essentiel d’une attitude positive est le désir d’influer positivement sur le déroulement des évènements futurs. Il suppose faire preuve de curiosité, d’empathie, implique de faire confiance à son intuition, d’avoir les sens en éveil et surtout d’accepter de remettre en question les idées établies et de se distancier de son cadre de référence habituel. Compétences collaboratives Définition : Les compétences collaboratives sont les facultés qui permettent à l’individu d’interagir dans un contexte pluridisciplinaire et interculturel. Elles couvrent tous les types de comportements devant être acquis pour co-construire une tâche, un objectif ou un projet de manière efficace. Elles impliquent la compréhension des autres cultures ainsi qu’une écoute attentive des besoins et des intérêts de chacun. Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant à cette compétence : Les compétences collaboratives exigent que l’individu connaisse les codes de conduites et les usages généralement acceptés dans les environnements culturels, sociaux, disciplinaires, professionnels, au sein desquels se déploie le projet. Les aptitudes à la base de ces compétences comprennent l’aptitude à créer des relations sociales construites sur l’équité et le respect mutuel, et l’aptitude à échanger et à partager en développant la capacité à l’empathie pour intégrer le point de vue des autres, ce qui suppose de savoir s’affranchir de son propre projet, d’argumenter son propos et de rebondir sur des idées qui ne sont pas les siennes. Les compétences sont fondées sur une attitude qui repose à la fois sur la confiance en soi et sur une prédisposition à la communication assertive. Elles impliquent patience, humilité et générosité.

14


Compétences de distanciation et d'adaptabilité Définition : Les compétences de distanciation et d’adaptabilité mobilisent les facultés permettant à l’individu de résoudre une situation problème, d’évoluer positivement dans un environnement changeant et de s’adapter à une difficulté. Articulées aux compétences collaboratives, elles permettent à une équipe de faire fonctionner un projet et de le conduire à bien tout en surmontant les difficultés. Leurs fondements sont les aptitudes mobilisées dans les mécanismes de résolution de problème. Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant à cette compétence : Les connaissances nécessaires comprennent la capacité à intégrer les spécificités de l’environnement politique et social au sein duquel se déploient les compétences. Les individus devraient être sensibilisés à la multiplicité des cultures, en termes d’usage et coutumes ainsi qu’aux diverses spécificités et méthodologies disciplinaires. Les aptitudes relèvent de la capacité à prendre du recul, ce qui implique de déconstruire les clichés afin de développer une vision globale du problème traité qui dépasse le cadre initial de la question et ouvre de nouvelles perspectives. Elles supposent aussi d’être en mesure de «se décentrer » et d’adopter un point de vue différent pour contourner un obstacle potentiel et transformer les contraintes et difficultés en atout. Elles impliquent ainsi de savoir gérer, analyser et exploiter les résultats de l’imprévu pour rebondir face à une impasse ou après un échec. La persévérance, la remise en cause, l’esprit critique, l’acceptation du risque et la confiance en soi dans l’adversité peuvent constituer la base d’une attitude propice à la mise en œuvre des compétences de distanciation et d’adaptabilité. L’ouverture à des secteurs d’activités inhabituels ainsi que la volonté de dialoguer avec d’autres disciplines sont aussi à considérer comme des attitudes positives. Compétences liées à la communication Définition : Les compétences de communication sont avant tout nécessaires pour maintenir une cohésion de groupe. Elles permettent aux individus de transmettre un message, d’interagir et de coopérer plus facilement et, dans un second temps, de diffuser et de valoriser le résultat de leur travail. Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant à cette compétence : Les connaissances liées à la communication recoupent celles exigées par la communication dans la langue maternelle et en langue étrangère à savoir d’intégrer les principales modalités d’interaction verbale et les différentes formes de langage et des codes de communication adaptés à la diversité des situations de la vie sociale et professionnelle. De même, elles croisent la compétence numérique et exigent de porter un regard critique sur les possibilités offertes par les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) afin de les exploiter à bon escient pour transmettre et transférer du savoir et valoriser le projet de manière efficace. Afin d’être en capacité d’échanger dans un contexte de dialogue interculturel, il importe aussi que l’individu soit sensibilisé aux différents environnements auxquels appartiennent les acteurs de la communication. Communiquer exige, pour commencer, de maîtriser le contenu de ce que l’on a transmettre, d’être en capacité d’adapter son propos au public concerné et de le synthétiser si nécessaire afin de le rendre compréhensible. Sur la base de ces aptitudes, il s’agit ensuite de rendre son propos attractif en s’appuyant sur des moyens d’expression divers et variés favorisant d’autres formes que l’écrit et pouvant relever d’activités artistiques. Cette capacité à utiliser différents vecteurs de communication facilite l’échange entre les secteurs d’activités et le public et participe ainsi d’une autre aptitude positive qui vise à transférer le savoir acquis vers d’autres champs d’application potentiels. 15


Prolonger cette faculté consiste à articuler son propos au contexte socio-économique dans une dynamique de valorisation. La maîtrise des technologies de la communication est un pré-requis incontournable aux compétences de communication. Une attitude positive en termes de communication consiste à s’exprimer en public avec aisance, à s’ouvrir à des formes variées d’expression et à développer sa capacité d’écoute et d’empathie afin d’être en capacité de moduler son propos et les moyens de communication utilisés pour être compris de tous.

Définition des indicateurs d’impact et outils d’analyse associés L’enjeu était de définir un certain nombre d’indicateurs permettant de mesurer de manière transversale, l’impact de ces programmes sur le développement de la créativité des personnes. Pour chacune des quatre compétences clés liée au développement de la créativité des personnes, nous avons identifié une série d’indicateurs qui sont repris sous forme de questions spécifiques en lien avec les dynamiques créatives qui caractérisent chaque temps du projet12.

Modalités de diffusion du questionnaire Le questionnaire a été posté sur le logiciel Lime Survey en juillet 2009. Dans un premier temps, les porteurs de projet ont, par mail, été invités à y répondre. Certains se sont connectés immédiatement, d’autres contributions ont nécessité une deuxième prise de contact et parfois un entretien téléphonique afin d’éclairer les personnes interrogées sur les enjeux et les objectifs de l’étude.

12

Voir tableau 1 Cycle de vie des projets européens et plus value créative en œuvre dans les différents temps de ces projets en annexes

16


CONCLUSIONS, RECOMMANDATIONS ET PROPOSITIONS D’ACTIONS POUR L’AVENIR Conclusions Lorsque l’on met en œuvre un programme européen, on rencontre l’Autre. Cet autre est porteur de la différence qui féconde la créativité. La perception de l’autre est fondamentale dans la dynamique qui nous préoccupe car c’est la brèche par laquelle s’engouffrent les pratiques susceptibles de développer les compétences créatives. Il s’agit bien plus que d’un simple partenariat, cela constitue un véritable changement de paradigme. Car avec cet autre, arrivent, en tout premier lieu, les dynamiques liées au dialogue interculturel. A savoir : accepter l’autre en situant la relation sur la base de valeurs partagées et communes tout en comprenant que ces valeurs se manifestent dans des formes différentes. Se confronter à l’altérité mobilise ainsi des compétences de distanciation et d’adaptabilité. Il s’agit de savoir se décentrer pour comprendre le point de vue de l’autre et d’avoir le recul nécessaire pour mesurer les incidences de l’environnement politique et social du partenaire. L’altérité implique aussi de mobiliser des compétences collaboratives qui permettent de créer des relations sociales, d’interagir dans un cadre commun, d’échanger et de partager. Un autre point, mais non des moindres : l’altérité mobilise des compétences de communication, notamment celles liées à l’usage d’une autre langue que sa langue maternelle, et plus encore la capacité de s’imprégner des cultures. En second lieu, la différence s’appuie sur les interactions liées au secteur professionnel. Là aussi, la richesse de la relation est basée sur des enjeux communs et partagés, qu’il s’agisse d’objectifs ou bien de la formation et de l’éducation des mêmes bénéficiaires. Les partenaires œuvrent habituellement à travers des pratiques différentes. Le mécanisme du projet les amène à coconstruire de nouvelles méthodes et constitue donc un contexte favorable à l’innovation. Les compétences créatives mobilisées sont ici basées sur la capacité à communiquer et à collaborer. Pour finir, travailler à une échelle européenne renvoie à des confrontations plus simples : celle des disciplines. On rencontre ainsi des pratiques transdisciplinaires basées sur un socle commun, ou des pratiques à proprement parler, interdisciplinaires. Cette deuxième modalité de confrontation à l’autre est de notre point de vue plus riche, car elle permet aux disciplines de s’enrichir de leurs différences. L’interdisciplinarité propose ainsi un type de relations qui renvoie au paradigme de la diversité culturelle. Les disciplines doivent à ce titre être considérées comme des entités à partir desquelles il convient de dialoguer. Un autre aspect important qui ressort de cette étude concerne les méthodes à mettre en place pour concourir au développement de la créativité et de la capacité d’innovation chez les apprenants : (élèves, étudiants, apprentis, adultes). Il est aisé de penser que les disciplines artistiques sont le lieu privilégié de l’apprentissage de la créativité. Cela s’explique par leur nature même et les méthodes d’enseignement qui les développent. Mais cette étude a montré que ce n’est pas tant la nature de la discipline qui compte mais la manière de l’aborder. Ainsi le contexte d’un projet européen avec ses contraintes impose de formuler des types d’activités qui peuvent de par leurs spécificités conduire au développement de la créativité.

17


Si nous devions créer une typologie de ces activités, nous pourrions dire qu’elles se classent en 4 catégories que nous avons baptisées (A.P.A. A.). Ainsi, les actions qui visent des objectifs singuliers et novateurs, les pratiques qui revendiquent une influence sur le contexte présent et à venir, les pratiques visant à atteindre l’objectif selon un point de vue inhabituel, et celles qui mettent en œuvre des manières de faire inédites et originales, concourent au développement de la créativité chez les personnes. Les actions créatives renvoient donc plutôt à la manière de faire qu’à un domaine disciplinaire. Moyennant quoi, les méthodes développées dans le cadre de projets européens peuvent, si elles sont réinvesties, potentialiser la créativité des personnes durant leur formation ou apprentissage courant. De ce fait, la nécessité n’est pas tant de renforcer l’apprentissage des disciplines créatives, mais plutôt d’imaginer de nouvelles formes d’apprentissage. Et pour ce faire, de se poser la question de la reconnaissance institutionnelle des compétences acquises par les porteurs de projet. Car l’enjeu se situe là : il faut considérer les porteurs de projet comme le vecteur de l’apprentissage, de la diffusion et de l’essaimage des compétences créatives. Ce sont eux qui sont porteurs de changements dans les structures. L’approche que nous avons mise en œuvre pour cette étude, tant de notre côté, qu’avec les porteurs de projet et l’agence 2e2f, nous a conduits à formuler des bonnes pratiques et des compétences transversales aux différents programmes sectoriels. Pour autant, on imagine aisément qu’elles ont un écho différent en fonction du type de bénéficiaire. Cette nuance dont nous laisserons les porteurs de projet dépositaires, contribue à mettre en mouvement ce système et loin de le figer, le rend vivant et évolutif. Nous espérons ainsi qu’il servira de socle à partir duquel créer, imaginer, inventer, innover. Recommandations et propositions pour l’avenir 1/

Cette étude a démontré que le programme EFTLV 2007-2013 constitue un socle favorable au développement des compétences créatives, notamment parce qu’il renvoie, à travers la mise en œuvre de dynamiques interdisciplinaires, interculturelles et inter-partenariales entre les différentes sphères de la société, au concept d’Altérité. Comme nous l’avons vu, pour que l’altérité soit féconde et puisse être à l’origine de l’émergence de la créativité, il est nécessaire que préexiste de la diversité. Ainsi, on ne peut envisager de dialogue interculturel sans que soit reconnue et, dans une certaine mesure, maintenue la multiplicité des identités. De même, l’interdisciplinarité, n’a de sens que s’il existe des secteurs disciplinaires identifiés comme tels. Il est donc primordial que les systèmes éducatifs des états membres, tout en favorisant très tôt le transfert et les passerelles vers d’autres champs de connaissances, maintiennent l’apprentissage des fondamentaux et des savoirs propres aux disciplines. Pour cette raison, il paraît opportun de veiller de manière précoce au développement de la compétence d’adaptabilité et de distanciation, tout en assurant un apprentissage disciplinaire en simultané.

18


2/

La phase d’élaboration du projet constitue à elle seule un laboratoire d’innovation. C’est précisément durant ce temps-là que les mécanismes de créativité sont les plus remarquables et que les porteurs de projet travaillent à la constitution du socle de la collaboration effective. A ce titre, et pour garantir le succès de l’intégralité de l’action, il paraîtrait judicieux de mettre en place des moyens supplémentaires pour faciliter ce temps de travail initial, comme par exemple, le financement de la mise en place et de la constitution d’un réseau indépendamment de la dynamique de projet.

3/

Afin d’exploiter les résultats des projets, il semble important d’aider à la dissémination des compétences créatives à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des structures concernées par les programmes européens. Il s’agit en fait de favoriser davantage la communication et la diffusion des compétences acquises par les porteurs de projet. Pour ce faire, on peut envisager d’institutionnaliser le statut des personnes ressources, en mettant en place un programme spécifique qui permette de financer la diffusion du savoir et des savoir-faire des porteurs de projet. Ceci permettrait, sur la base de l’expérience vécue, d’accompagner efficacement de nouveaux porteurs de projet potentiels. Les modalités de financement envisageables sont multiples et à définir : système de parrainage, prime à la structure porteuse…

4/

Afin de valoriser les compétences créatives acquises par les différents bénéficiaires, il est nécessaire d’imaginer des dispositifs qui soient reconnus à différents niveaux institutionnels, en interne dans les structures, mais aussi à l’échelle de l’Etat, via les différents ministères de rattachement, et à l’échelle de la Communauté européenne. Concernant les compétences acquises par les porteurs de projet : Il importe de prendre en compte la valeur ajoutée que constitue les compétences acquises. La mise en œuvre et la réalisation de ces programmes doivent, pour ce faire, être considérées comme des éléments qualifiants reconnus par les institutions, devenant ainsi un atout mesurable dans la carrière professionnelle des porteurs de projet. La forme que peut prendre cette reconnaissance est à considérer en fonction de la multiplicité des contextes liés aux projets. On peut toutefois avancer ces hypothèses : avancement de carrière, changement d’échelon pour les enseignants / document officiel à joindre au CV sur le modèle des crédits ECTS / financement ou prime versée à un niveau national par les différents ministères concernés, ces dernières étant à harmoniser à l’échelle européenne. Concernant les compétences acquises par le groupe cible : Il apparait que si les projets européens permettent au groupe cible d’acquérir, dans les grandes lignes, les attitudes liées aux compétences clés de la créativité, ils ne font que développer les savoir-faire de ces mêmes compétences sans en assurer une maîtrise parfaite. Sans doute cela renvoie-t-il au fait que le temps d’apprentissage nécessaire aux aptitudes dépasse le temps imparti à la réalisation du projet. On ne peut donc que recommander que les mécanismes de formation imaginés dans le cadre du projet soient intégrés au sein du fonctionnement normal des structures porteuses. Ceci permettrait, en effet, d’offrir au groupe cible une continuité dans le processus d’apprentissage et potentialiserait le travail de développement de la créativité impulsé lors des programmes européens. 19


Etude d’impact sur le développement des compétences liées à la créativité des personnes dans le programme européen EFTLV 2007-2013 (Comenius, Erasmus, Leonardo da Vinci, Grundtvig) Annexes Octobre 2009

20


Tableau 1 : Cycle de vie des projets européens et plus-value créative en œuvre dans les différents temps des projets

21


Carte 2 : Contextes et pratiques favorables à l’émergence de la créativité dans le programme EFTLV 2007-2013

22


Carte 3 : Typologie des bonnes pratiques dans les programmes européens de formation

Carte 4 : Compétences liées à la créativité des personnes

23


24


Octobre 2009

http://www.2e2f.fr/creativite-innovation.php

Ed it é av e c le so ut ie n fi n a n ci e r d e l a C o m m i s si o n e u r o p é e n n e . L e c o n t e n u d e c e t t e p u b l i c a t i o n e t l ’ u s a g e q u i p o u r r a i t en êt r e f a i t n ’en g a g en t p a s l a res p o n s a b i l i t é d e l a Co m m i s s i o n eu r o p éen n e. No v em b r e 2 0 0 9 .


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.