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GONTCHAROW Audrey Etudiante infirmière Promotion 2012-2015

INSTITUT DE FORMATION EN SOIN INFIRMIER AEHP CASTELNAU-LE-LEZ TRAVAIL DE FIN D’ETUDE UE 5.6. S6 - analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles DIPLÔME D’ETAT D’INFIRMIER SOUTENANCE JUIN 2015

REMERCIEMENTS La réalisation de ce travail vient fermer la page de trois années de formation. Trois années faites de souvenirs incroyables, de rencontres, professionnelles et personnelles. Trois années pendant lesquelles j'ai connu le doute, la remise en question, l'engouement, la passion pour ce nouveau métier. Trois années que je n'ai pas eu à affronter seule, c'est pourquoi je tiens à remercier certaines personnes qui m'ont portée jusqu'ici. _ Un grand merci tout d'abord à Madame Catherine Faure, Cadre Infirmière et formatrice à l'IFAS Hélène Boucher à Toulouse, qui m'a poussée à reprendre mes études et qui s'est montrée présente lorsque j'ai passé le concours. _ Merci à Dominique Fontenier et à Pascale Marchal qui ont été mes référentes pédagogiques dans cette formation, merci pour leur disponibilité, leurs conseils et leur authenticité. _ Merci à Régine Georget, ma guidante, qui a su trouver les mots lorsque je perdais confiance en moi, en mon travail. _ Merci à tous les professionnels qui m'ont encadrée dans mes stages, particulièrement les cinq infirmiers, pour leurs conseils, leur réflexion et leur enthousiasme lors de mes enquêtes de terrain. Et merci à tous les intervenants et formateurs de l'IFSI. _ Je remercie également ma famille, mes beaux-parents, pour leurs encouragements et leur aide qui m'ont permis de mener à bien ce travail. _ Merci à tous mes amis, Aurélie, ma confidente, ceux du DONEZAN, en Ariège, qui ont été pour moi une vraie source d'énergie. _ Un remerciement tout particulier à ma Maman qui a été d'un grand soutien dans ce projet et durant ces trois années. _ Enfin mille mercis à mon conjoint, Mathieu, pour son amour et son appui. Il a du supporter mes sautes d'humeur durant toute la formation, il a été une épaule pour moi et s'est montré particulièrement présent.

Je dédie ce Travail de Fin d'Etude à mon père et à ma grand-mère.

INTRODUCTION A l'issue de la formation infirmière, un travail de recherche doit être réalisé par chaque étudiant, basé sur une situation rencontrée en stage, et qui touche notre future profession.

J'ai rencontré de nombreuses situations qui auraient pu faire l'objet de recherches approfondies, mais en allant puiser dans ma mémoire, je me suis rendue compte que des expériences de terrain s'étaient répétées pour moi. Non seulement lors des trois années qui viennent de s'écouler, mais également par mon passé professionnel, puisque j'ai été baignée très jeune dans le milieu paramédical (agent de service lors des périodes de vacances scolaires étant lycéenne, puis aide-soignante, deux années durant, en région toulousaine). J'ai pu ainsi relever des similitudes sur des situations de soins quotidiennes. En effet, alors que mes fonctions exercées étaient différentes, j'ai vu la place que prenait l'imprévu dans le quotidien du travail au contact de l'humain. Si cela m'interrogeait déjà dans mes précédents postes, j'ai pris conscience, en tant qu'étudiante, de l'importance de la "banalité" de l'imprévu dans le travail infirmier, et surtout des émotions qu'il génère auprès des professionnels.

J'ai donc observé les stratégies de chacun, la gestion du stress, tout service confondu. Peu importe la structure, l'âge de l'acteur de santé, son expérience, l'inattendu en service hospitalier touche tous les infirmiers ; et si certains le banalisent, d'autres ont des difficultés à le surmonter. Rougir, bégayer, trembler, faire tomber du matériel, courir, pleurer, déléguer, s'échapper, respirer, devenir grave, rire, distraire, se redresser, parler, appeler de l'aide, faire participer le patient... autant d'attitudes que j'ai pu constater de la part de mes tuteurs. J'ai également fait le constat d'un discours commun à chacun de mes stages, dans des services et des structures différents, sur la pénibilité du travail infirmier en général, et la difficulté de remise en question et d'adaptabilité dans l'imprévu. Malgré ma quête active d'articles, d'études ou de statistiques concernant "l'imprévu" dans le quotidien infirmier, toutes mes recherches ont été peu fructueuses ; pourtant, il est omniprésent, puisqu'il est mentionné dans les premières pages des livres de préparation au concours d'entrée en IFSI :

" Les imprévus, les défis ne vous font pas peur ?", "Avez-vous le sens de l'initiative et le goût de l'imprévu ?"

C'est donc naturellement que j'ai souhaité prendre du temps sur ce sujet, effectuer un travail plus approfondi, plutôt que de me contenter de dialogues entre apprenti et apprenant, de conseils donnés au fond d'une infirmerie afin de comprendre vraiment quelle place tenait l'imprévu dans la profession d'infirmier(e) et comment travailler avec.

Nous, futurs IDE, avons suivi les mêmes cours théoriques, bénéficions d'un enseignement commun, bâti sur les fondements indispensables à la compréhension et à l'exercice de notre profession. Il n'empêche que nous restons profondément différents les uns des autres par notre singularité due à notre histoire de vie, notre éducation, nos rencontres, nos valeurs, nos traumatismes du passé, nos émotions divergentes, nos expériences... tout ce qui fait de nous ce que nous sommes, un être unique dans le commun des soignants. En tant que futur(e)s infirmier(e)s, nous souhaitons tous exercer notre profession dans un secteur ou une unité qui correspondra au mieux à nos désidératas, là même où nous espérons nous épanouir. Je n'échappe pas à cet état de fait, et me remets quelques fois en question sur mes choix, sur mes projets.

A travers chaque stage de la formation, j'ai rencontré ces imprévus en service de soin. Toutes ces situations auraient pu être présentées pour amorcer le travail d'un mémoire de fin d'étude, mais j'ai du faire des choix et j'ai pris le parti d'exposer une situation dans toute sa banalité, que tous les professionnels ou futurs professionnels seraient à même de rencontrer.

En service de médecine générale, un patient porteur d'une sonde à demeure se plaignait de "sensation d'envie d'uriner" et de douleurs depuis le matin.

Je suis accompagnée de mon tuteur de stage, qui décide dans un premier temps de lui faire un lavage de vessie. C'est moi qui me charge du soin, et alors que j'avais administré 20 cc d'eau stérile par sa sonde, le patient pousse un cri de douleur, mais il m'est impossible de récupérer l'eau injectée. L'infirmier prend ma place mais ne parvient pas à récupérer le liquide non plus.

Il décide donc : " tu vas le dé-sonder et le re-sonder, ce n'est rien, la sonde a peut-être bougé".

Je m'exécute, et lorsque j'enlève la sonde au patient, je vois son visage s'apaiser, il ferme les yeux, soulagé "enfin je peux pisser tranquille !". Mais ce ne sont pas des urines qui s'échappent, plutôt du sang rouge vif dans un jet continu malgré les secondes qui passent. L'infirmier me tend des pansements américains afin que je fasse barrage à cette hémorragie de la meilleure façon qu'il soit. Le patient ne semble pas algique, mais son visage est pâle. Je suis perdue, ne sachant comment réagir, je regarde l'infirmier qui téléphone au médecin, prend mon relais et réalise un point de compression afin de stopper l'hémorragie. Le médecin arrive et s'adresse à moi "posez lui une deuxième voie, piquez groupe/RAI + NFS, mettez 1L de ringer, commandez un culot et appelez l'uro". Je quitte la chambre paniquée en téléphonant à l'urologue, file dans l'infirmerie et demande à la première infirmière que je croise "J'AI BESOIN D'AIDE S'IL TE PLAÎT !". Lorsque je retourne dans la chambre, soignants et soigné sont en pleine conversation, toujours en comprimant l'hémorragie, ils parlent de l'ancienne profession du patient, de fromages et du marché. Moi, novice, je peine à trouver une veine à mon patient, ce qui me fait d'autant plus monter le stress, alors l'IDE reprend ma place, pose un kathéter au patient et nous continuons à discuter cuisine, en attendant l'urologue, et le coursier pour le sang.

Dans un service hospitalier, comme lors de soins à domicile, l'infirmier(e) peut se trouver confronté(e) à ce genre de situation. Comme dit précédemment, ma petite expérience m'a fait observer ces journées de travail, apriori ordinaires, perturbées quasi quotidiennement par des évènements imprévisibles. Sans pour autant engager le pronostic vital du patient, sans réelle urgence, l'imprévu tient une place importante dans l'exercice de la profession, il est source de stress, et chacun gère ce stress de façons différentes.

Confronter l'exercice infirmier et la banalité de l'imprévu au quotidien, source de stress dans un travail de fin d'étude s'est donc imposé à moi. J'ai trouvé des travaux réalisés autour de ce thème, mais plus particulièrement dans des contextes d'urgences vitales, ou encore dans l'exercice libéral. Au fur-et-à-mesure de mes recherches, j'ai été interpelée par l'exposé d'un entretien de Michel Nadot, infirmier franco-suisse et professeur d'histoire et d'épistémologie en science infirmière. Il aborde, dans son ouvrage le mythe infirmier ou le pavé dans la marre ! paru en 2012, qui décrit le travail de l'infirmier(e) dans toute sa polyvalence et sur la pauvre valorisation de quelques aspects seulement qu'elle fait de son métier. Forte du témoignage de cet auteur, j'ai poursuivi mes recherches et ai trouvé une publication du syndicat infirmier, de mai 2010, dans l'Ordre National des Infirmiers sur les savoirs et savoir-faire infirmiers. Ces études ont été comme fil conducteur dans mon travail, désireuse de mettre en lumière un aspect du métier souvent imperceptible, anodin, qui est la gestion des imprévus, pouvant être pourtant une source de stress intense pour les professionnels.

J'ai choisi d'exposer cette situation, presque banale, afin d'explorer les méthodes de gestion du stress, et ce qui fait que l'infirmier(e) va se trouver plus ou moins déstabilisé(e) devant l'inattendu. Ainsi, j'ai abordé la situation sous des angles et des questionnements différents : Y a-t-il un lien entre l'expérience infirmière et la gestion du stress dans une situation imprévue ?

L'expérience de la gestion de stress lors de situations déstabilisantes sur le lieu du travail peut elle être transmise d'expert à novice ? Y a-t-il une différence entre expérience et expertise dans la gestion du stress ? Un(e) infirmier(e) novice gère-t-il (elle) nécessairement moins bien l'imprévu ? La connaissance du service est-elle une ressource incontournable face à un contexte déstabilisant ? Si l'accident avait eu lieu avec un(e) infirmier(e) remplaçant(e), un(e) intérimaire, un(e) nouvel(le) embauché(e), celui-ci (celle) aurait-il eu la même réaction ?

Quelle est la place de l'équipe lorsque l'infirmier(e) se trouve en difficulté ? La cohésion de groupe est-elle une ressource dans la gestion du stress ? Quelles stratégies peut-on mettre en place pour pouvoir favoriser la gestion du stress lors de situations imprévues ? En quoi gérer au mieux ses émotions peut permettre le bon déroulement du soin et influer sur sa qualité ?

Ces questionnements m'ont permis d'orienter mon travail de recherche selon le fil conducteur suivant : En quoi la mise en place de stratégies d'adaptation et l'expérience contribue-t-elle à la gestion du stress lors d'une situation imprévue dans l'exercice quotidien infirmier ?

Pour tenter d'y répondre, j'ai d'abord orienté mon travail sur la recherche de concepts, leurs définitions et leurs origines ; j'ai suivi des conférences d'Yves Clot et j'ai lu de nombreux ouvrages sur des auteurs tels qu'Evelyne Jouy-Guez ou Hans Selye. J'ai également réalisé des enquêtes auprès de professionnels d'âges et d'expériences variables. Les entretiens ont été réalisés sur le terrain, dans des services volontairement différents. J'espérais ainsi comprendre les pratiques, les stratégies mises en place autour de l'imprévu, qu'il concerne des professionnels de soins en psychiatrie, maison de retraite, services d'urgence etc. Le but étant de connaître les points de vue des acteurs de santé, pour les mettre en lien, les rassembler, peu importe le secteur d'activité.

Mon travail de recherche s'est appuyé sur les concepts de représentation, d'émotion, d'imprévu, de stress et de responsabilité, concepts développés ci-dessous dans un cadre théorique.

I.

CADRE CONCEPTUEL

Infirmier(e), des représentations psychosociales du métier évoluant au fil du temps Selon l'origine du concept, le terme de représentation est utilisé dès l'antiquité avant tout dans le domaine de l'esthétique, apparaît dans les textes de Platon et est utilisé par le philosophe Kant dans son cours de pensée. Plus récemment, ce concept sera repris par de nombreux auteurs (Wallon, Piaget, Foucault...), et deviendra une notion fondatrice de la psychologie sociale et sera utilisé largement aussi dans le champ de la santé. En France, ce sont les travaux de Serge Moscovici, à partir des années 60, qui posent les dimensions du concept : fonction sociocognitive, orientation de la communication et des conduites... Les auteurs ayant travaillé sur les représentations sociales cherchent, à travers leur objet d'étude, "à mieux comprendre la façon dont l'individu construit sa réalité sociale et s'y oriente". Les représentations sociales sont des phénomènes à la fois individuels et collectifs, prenant en compte des groupes plus ou moins élargis. Elles influencent les manières de faire et le champ des connaissances. Selon Denise Jodelet , la représentation "désigne plus largement, une forme de pensée sociale". Pour Abric , "la représentation sociale est le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe constitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique".

La profession d'infirmière a évolué dans l'histoire : en effet, jusqu'à la fin du 19ème siècle, ce sont des religieuses qui exerçaient une souveraineté sur toute espèce de soins. Suprématie qui sera remise en question au fil du temps, par les progrès de la médecine d'abord, de nouveaux gestes d'hygiène et de stérilisation obligeant à la formation de soignantes. Les religieuses se montrant réfractaires à ces nouvelles méthodes, les médecins avaient été amenés à rechercher des auxiliaires plus "dociles"... A ce moment là, l’image de l’infirmière a été ainsi marquée par les traits de la femme au foyer de l’époque (soumission, compétence ménagère et dévouement). Le début de la laïcisation du métier a entraîné petit à petit l'évolution sociale du métier d'infirmière avec en 1972 une réforme qui permit l’émergence des soins infirmiers comme discipline à part entière, avec une pratique et un savoir spécifiques.

Le métier d'infirmière (majoritairement féminin) fait aujourd'hui l'objet de nombreuses représentations : le fantasme, le dévouement, le sacrifice, mais aussi l'absence de peur face à des soins difficiles, des actes interprétés comme courageux. L'infirmière est confrontée à un stress qui n'est pas toujours perçu par les regards extérieurs, les étudiants, les novices. L'investissement personnel du soignant a pour récompense la reconnaissance du malade, dans l'imaginaire infirmier. Cette vision "romantique" du métier est souvent reprochée aux étudiants ou aux tous(es) jeunes diplômé(e)s qui associent souvent les "bonnes relations avec les malades" et la seule "vraie" récompense à leur travail. Selon Marc Loriol ,

entre cet idéal et la réalité, "les écarts sont parfois cruels" et "cette déception à l'égard des malades et le repli sur les procédures réglementaires constituent des manifestations typiques de ce que les infirmières qualifient « d'usure professionnelle »" (...) "Les difficultés relationnelles sont d'autant plus des sources d'insatisfaction pour l'infirmière que celle-ci conçoit son rôle comme un rôle d'aide et de protection pour une personne en situation de faiblesse". "L'agressivité du malade doit être acceptée et il ne reste à l'infirmier(e) qu'à « prendre sur soi »". Heureusement, les patients ne sont pas nécessairement "agressifs" ! Mais, même si s'instaurent de bonnes relations entre le soignant et le soigné, la reconnaissance de l'infirmier(e) reste problématique, puisque, même si le malade est capable de reconnaître la "gentillesse" du soignant, celle-ci ne constitue en rien une compétence professionnelle et on ne valorise pas assez le "soin médical" qui reprend toute la dimension relationnelle des soins, dans la pratique infirmière.

"La prescription est hiérarchique, plus valorisée que sa bonne exécution" : dans cette phrase, Marc Loriol témoigne du fait que pour les familles, malgré le travail physique, psychologique et affectif que l'infirmière va réaliser lors de soins tels que persuader un malade de faire sa toilette, de respecter les règles dans son intérêt (ne pas se lever du lit dans le cadre d'une chirurgie lourde, ou faire absorber un médicament...). La plupart du temps c'est l'action du médecin qui est reconnue, elle seule.

L'infirmière idéale ? Des représentations bouleversées par le concept d'émotion.

Le mot émotion a été construit au XIIIè siècle à partir du mot motion (mouvement) d'après l'ancien français. Au XVè siècle, le mot est utilisé au sens de "trouble moral" et au XVIè comme dérivé d'émouvoir.

Selon le Petit Robert il s'agit d'un trouble intense de l'affectivité, réaction immédiate, incontrôlée ou inadaptée à certaines impressions ou à certaines représentations. L'émotion se traduit organiquement par des réactions neuro-végétatives ou motrices (rougeur, transpiration, tremblements etc...) c'est une réaction affective (agréable ou désagréable) éprouvée comme un trouble. Selon le grand dictionnaire de la psychologie : "l'émotion est un état particulier survenant dans des conditions indéfinie accompagnée d'une expérience subjective et de manifestations somatiques et viscérales." / "les émotions sont des constellations de réponse de forte intensité qui comportent des manifestations expressives physiologiques et subjectives typiques qui s'accompagnent généralement de tendance d'action caractéristiques et s'inscrivent en rupture de continuité par rapport au processus qui était en cours chez le sujet au moment de leur apparition".

Les émotions possèdent de véritables fonctions, dans la vie de tous les jours, et dans notre métier particulièrement. "Face à une difficulté, nous avons tendance à réagir par des émotions désagréables, une pensée négative", explique Thierry Janssen , "c'est un premier réflexe de survie". De surcroit, les émotions vont avoir des effets sur l'organisme, par exemple, lors d'une situation de stress ou de peur, la fréquence cardiaque, le tonus musculaire vont augmenter, ayant pour but de préparer le corps au combat, ou au contraire, de le pousser à éviter la situation, dans un but de préservation, d'adaptation. Les émotions vont ainsi nous guider vers des stratégies de coping, concept que je développerai plus loin.

De par les avancées de la médecine, la technicisation des soins et les règles sociales laissent de moins en moins de place aux émotions, et les soignants n'échappent pas au système. D'après Catherine Mercadier , il règnerait une sorte de "norme implicite" qui impliquerait que les "soignants parviennent à MAÎTRISER leurs affects", un "savoir-taire" selon Christian Richard (infirmier en psychiatrie), lié aux émotions.

Ainsi, un aspect normatif et restrictif est mis en lumière par ces chercheurs en sciences infirmières. Cette neutralité émotionnelle est toutefois contrebalancée par la persistance de l'image de la soignante naturellement dévouée, disposant de qualités indispensables "traditionnelles" : la bienveillance, la disponibilité, la compassion, l'empathie...

Gérer ses émotions peut donc être perçu comme un enjeu pour être un bon soignant.

L'imprévu, générateur d'émotions, quotidien du travail infirmier Dans tous les domaines professionnels et personnels, l'imprévu tient une place importante dans la vie de l'être humain, il sollicite de nombreuses compétences du sujet qui le vit. Philippe Perrenoud parle de "compétences de haut niveau" à déployer face à cet imprévu qu'il faut "maîtriser", puisqu'il met en place des processus cognitifs dans un contexte où il faut agir, tenant compte d'un cadre matériel et psychologique, des rapports sociaux dans les limites des informations, des savoirs et savoir-faire de celui qui le vit. Selon lui, il s'agit " d'improviser une réponse adéquate, sachant que l’improvisation ne naît pas de rien, qu’elle s’appuie sur un habitus, une formation, des ressources et les capacités qui en permettent la mobilisation judicieuse et rapide" de la personne.

Nous demeurons tous différents face à l'imprévu : certains le vivent douloureusement, déclenchant des émotions vives, du stress, la fuite, les mettant en échec, alors que d'autres, au contraire, prennent ces imprévus comme des défis à relever, des challenges, jugeant ces situations plus excitantes, et s'ils ont pu y répondre, plus gratifiantes.

Dans un cas comme dans l'autre, il existe des situations où l'on ne peut guerre échapper à l'imprévu : c'est lorsqu'il se trouve lié au contexte professionnel. Quelques soient les précautions prévues en amont, la situation se produit, et les tâches assignées au sujet ne peuvent en éviter la confrontation.

C'est ce qui se passe dans le quotidien des métiers de l'humain. L'infirmier(e) n'en n'est pas moins concernée, devant agir face à des critères qui vont venir influencer son quotidien et sa prise en charge : - Ses représentations : concernant son métier, son rôle, sur ses pairs, ses collègues, mais aussi les représentations des patients qu'elle soigne, de leurs pathologies, leurs antécédents...

Sur l'organisation du service, sa fiche de poste, et la réalité du terrain, Ses connaissances théoriques et son savoir-faire, son expérience professionnelle, Ses conditions matérielles, Mais aussi sur des critères liés au patient lui-même, sa compréhension, ses représentations, ses objectifs, son vécu de l'hospitalisation etc...

C'est ainsi que l'inattendu va pousser le professionnel de soin à manœuvrer selon "trois étapes : la reconnaissance, l'action et l'analyse" . La reconnaissance étant une étape subjective, elle consiste en le repérage de signes avant-coureurs, l'observation, l'écoute d'éléments qui doivent être fiables et pertinents. Il s'agit en réalité d'une interprétation d'indices qui ne sont pas le reflet de la réalité mais qui peuvent aiguiller le soignant dans sa démarche et lui donner l'alerte. Elle se fait grâce aux connaissances de l'infirmier(e), théoriques, mais également de terrain, son expérience, et influencée par tous les critères présentés ci-dessus. Le passage à l'action est, lui aussi, basé sur les connaissances et les savoir-faire infirmiers qui lui permettent de s'adapter, puisant sur ses expériences, ses réflexions, les protocoles existant déjà, mais aussi sur ses innovations et sur son improvisation... tout ce qui va permettre à l'infirmier(e) de trouver une solution qui viendra pallier ou atténuer l'imprévu. Enfin l'analyse est un retour sur l'expérience. Elle permet à l'acteur de revenir sur la situation pour le faire progresser, d'apprendre sur lui-même, sur ses gestes, ses comportements, en vue d'une meilleure compréhension des causes et des conséquences de l'imprévu.

L'imprévu au travail et le risque sont étroitement liés. En effet, anticipé ou non, l'imprévu arrive, par définition, dans un moment où l'on ne l'attend pas. Il conduit vers l'incertitude, l'inconnu, et l'acteur, en agissant, va prendre un risque, puisqu'il n'a aucune garantie concernant le résultat de son action. De plus, le risque est lié au fait que selon l'imprévu, et selon le sujet, son ampleur et la façon dont il va être vécu ne va pas être la même. On l'a vu précédemment, si certains se plaisent dans le nouveau, la surprise, la "mise en danger", d'autres peuvent se trouver paralysés dans leur prise de décision, cherchant LA bonne réponse, dans l'intérêt du patient.

Quoi qu'il en soit l'imprévu et le risque font partie intégrante de notre univers professionnel. Ils questionnent, obligent à faire des choix à adopter et adapter des stratégies. Si certains soignants les recherchent pour évoluer, faire évoluer leurs compétences en éprouvant la sensation de s'être dépassés, d'autres à l'inverse, ressentent du stress, de la peur face aux responsabilités qu'ils engagent et à la peur de l'erreur.

Le stress, émotion dominante dans la gestion de l'imprévu Le mot stress trouve ses origines dans l'ancien français "estrece" ou "estresse" du verbe "estrecier". Le stress est lié à un processus d'envahissement émotionnel, conséquence d'une pression externe ou interne, ressentie comme une tension à réduire. Ce mot appartient au vocabulaire de la psychologie de la santé.

Cette notion de resserrement, de striction est retrouvée dans les racines latines dans le terme de "stringere" (strictus au participe passé). Au 18eme siècle, le terme de stress en Angleterre était synonyme de souffrance, d'adversité, de difficulté.

Une multitude de définitions du stress peuvent se lire, dans les livres et sur internet. Selon le dictionnaire Le Robert, le stress est l'ensemble des perturbations physiologiques et métaboliques provoquées dans l'organisme par des agents agresseurs variés (choc traumatique, chirurgical, émotion etc...) ; c'est l'action brutale produite par l'un de ces agents sur l'organisme.

Dans son ouvrage Soigner sans se nier , l'auteure Evelyne Jouy-Guez nous donne une approche neuro-anatomique des raisons du stress. "Nos structures cérébrales sont très complexes. Notre cortex préfrontal (...) donne la prévalence aux capacités d'analyse et de réflexion, et nous place de ce fait au sommet de la pyramide de l'évolution des espèces. Notre système limbique, beaucoup plus archaïque, nous permet de conserver des capacités de relation émotionnelle et de vécu subjectif. Les connexions neurologiques qui existent entre ces deux structures permettent au cerveau humain de transformer les perceptions-sensations en émotions et de développer une sensibilité morale (...). Nous baignons tous dans une chimie hormonale (...), les sécrétions chimiques à l'origine de ces répercussions s'avèrent liées plus à la perception que nous avons des choses qu'à ce qu'elles sont en réalité. Selon la façon que nous avons de percevoir nos évènements de vie, et selon notre capacité à gérer le stress, nous pouvons influencer notre résistance à l'abattement (...) et orienter nos pensées vers une perception plus positive de la vie."

Le stress a une explication physiologique. Hans Selye, fondateur et directeur de l'Institut de médecine et chirurgie expérimentale de l'Université de Montréal est un pionnier des études sur le stress. Il décrit trois systèmes impliqués dans la gestion du stress : le système hypothalamosympathico-adrénergique, le système hypothalamohypophyso-surrénal, et le système nerveux central. Après une agression, l'organisme est mis en alerte par le système nerveux sympathique qui reçoit le signal de la situation stressante. Ce signal est envoyé à l'hypothalamus par l'intermédiaire du système limbique, qui sécrète la noradrénaline, une hormone jouant le rôle de neuro-transmetteur. Une fois stimulé, l'hypothalamus réagit en sécrétant la CRH (corticolibérine), une hormone envoyée à l'hypophyse, puis, elle même sécrètera d'autres hormones telles que l'hGH (hormone de croissance) et la TSH (régule la thyroïde) qui vont permettre de fournir à l'organisme l'énergie dont il a besoin pour lutter contre le stress. L'hypophyse va également produire l'ACTH, qui permet la régulation du métabolisme et de la résistance au stress, ayant ainsi une influence sur l'aldostérone (intervient dans la régulation de la pression artérielle), le cortisol (qui contrôle la glycémie, augmentant le taux de sucre dans le sang pour faire face au stress), et l'adrénaline, qui va augmenter le rythme cardiaque. On peut donc considérer que le stress a besoin de plusieurs facteurs pour se développer : en effet, la tension ne dépend pas que d'une situation jugée stressante, mais il dépend aussi des capacités de l'organisme de chaque individu à se réguler. Ce qui explique pourquoi certains individus soumis à la même pression ne ressentent pas les mêmes difficultés. Cette théorie a été mise en évidence également par Lazarus (en 1984), Bruchon-Scheitzer et Al (en 1994) et Pronost (en 1997) Il existe d'autres approches que l'approche neurophysiologique que je viens de développer, concernant l'aspect psychologique uniquement, mais qui sortent de mon cadre de travail de recherche, j'ai donc fait le choix de ne pas les exploiter.

En conclusion, nous pouvons dire que, selon l'approche actuelle, le stress se définit par un processus incluant à la fois, la personne, l'environnement, leurs transactions. La prise en compte des prédicateurs dans l'environnement (les stresseurs, le soutien social), et du côté de la personne (traits immunogènes comme la hardiesse, l'estime de soi, le contrôle internes, et traits pathogènes comme l'anxiété trait, la dépression, le névrosisme) est essentielle à la compréhension de la gestion du stress.

DU SAVOIR S'ADAPTER AU COPING

Coping : vient de "to cope", faire face. Il se traduit par un mode d'adaptation, ou encore un mode d'ajustement. Il renvoie à un véritable processus dynamique de la personne, un mode de faire face à une situation stressante, variable selon la situation globale, selon l'état du sujet et selon le stade d'interaction entre le sujet et la situation.

C'est un facteur stabilisateur permettant à l'individu de maintenir une adaptation psychosociale pendant les périodes de stress. C'est un mot qui appartient au vocabulaire de la psychologie de la santé. Le coping est un processus naturellement développé chez l'être vivant, y compris chez l'animal. Il s'agit d'un ensemble de comportements permettant à celui qui vit une situation de stress de la contrôler, d'en diminuer l'état d'excitation psychique et organique. Il est identifié comme "Défense du Moi", engendrant, comme l'écrit Dantzer en 1989, des réponses comportementales telles que l'attaque, ou au contraire la fuite, l'évitement. Selon les auteurs psychologues Lazarus et Folkman, le concept de coping intervient comme une transaction entre l'individu et l'environnement dans une perspective cognitive qui lie l'évaluation de la situation au processus de coping : le coping n'étant donc pas une réaction émotionnelle, mais bien une composante intégrale et fonctionnelle de cette réponse.

Dans la plupart des métiers, mais particulièrement dans les métiers de l'humain, "le travail est émaillé d'incidents, d'anomalies, d'évènements inattendus, d'aléas vis-à-vis desquels il n'existe pas de procédure connue et qui impliquent la capacité d'inventer une solution pour rattraper le coup (...) l'inattendu est ce que l'on définit comme le réel du travail. Le réel est ce qui résiste à la maîtrise par des moyens conventionnels. (...) Le réel se fait connaître au sujet par un effet de surprise désagréable, c'est-à-dire sur un mode affectif. C'est toujours affectivement que le réel du monde se manifeste au sujet. Mais dans le même temps où le sujet éprouve affectivement la résistance du monde, c'est l'affectivité qui se manifeste en soi. Ainsi est-ce dans un rapport primordial de souffrance dans le travail que le corps fait simultanément l'expérience du monde et de soi-même."

Ce paragraphe du livre de Pascale Molinier , me semble illustrer parfaitement cette transaction entre émotion liée à l'individu lui-même et l'environnement, la situation perçue comme stressante, menaçante. En effet, l'infirmier(e) va, au cours de ses soins, utiliser les compétences qu'il aura apprises, tant sur le terrain, que lors des cours théoriques. Un évènement stressant peut survenir et amener le soignant au delà du seuil de compétences qu'il aura acquises, touchant son affect, puisqu'il ne sera plus seulement en relation avec le patient, mais également en relation avec lui même. Lazarus nous dit que l'infirmier(e) va réaliser des "efforts cognitifs et comportementaux, mettre en place des stratégies qui vont lui permettre de raisonner, afin de mieux gérer et maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes et externes qui menacent ou dépassent ses ressources" .

Si au début de son utilisation, par Lazarus, le concept de coping, qui apparaissait comme un mécanisme de défense réduisant les tensions, avait une connotation rigide, il est aujourd'hui enrichi dans de nombreuses thérapies cognitives et comportementales, par une notion de dynamique variable selon la situation globale, le stade d'interaction entre le sujet et la situation, et l'état émotionnel du sujet lui-même. Dans la maîtrise d'une situation, interviennent de nombreux facteurs : facteurs contextuels, facteurs de personnalité, et à moindre degré, des facteurs socio-économiques.

Ainsi, les stratégies de coping vont être remises en question par l'individu et évoluer. Le soignant va établir un processus selon deux angles : ses stratégies seront mises en place soit sur l'émotion, soit sur le problème. Si les stratégies du soignant se basent sur l'émotion, alors il va tenter de trouver les ressources nécessaires à la diminution du stress, et de l'importance affective qu'il associe à sa situation, par des exercices variés. Il peut pratiquer un sport ou une activité qui l'aidera à évacuer les émotions négatives, la relaxation, il peut également chercher un soutien social, par des témoignages de situation similaires, ou encore la consommation de substances (café, tabac...), comme une échappatoire. Si ses stratégies reposent sur le problème lui même, le soignant va chercher à augmenter ses ressources afin d'atténuer son stress, de mieux maîtriser la situation si elle devait se reproduire.

Pour cela, il peut s'appuyer sur la connaissance, s'informer, dans les livres, internet, auprès de ses pairs, des médecins. Il pourra élaborer un plan d'action afin de supprimer le problème. C'est un coping dit "vigilant".

Un troisième angle peut être choisi par l'infirmier(e), il s'agit de stratégies d'ajustement agissant sur le comportement, c'est "l'évitement". Si l'individu choisi l'évitement comme réponse à l'imprévu, il adoptera un comportement passif, de fuite, ou même de déni, allant peut-être jusqu'à l'agressivité, la résignation ou le fatalisme ("je n'ai pas su réagir à cette situation parce que je ne suis pas fait pour travailler dans ce genre de service, je préfère laisser mon collègue plus compétent").

L'imprévu peut représenter le danger. Ainsi, pour les infirmiers qui doivent agir dans l'intérêt du patient, il peut être perçu comme engageant la responsabilité du professionnel. C'est aussi en cela que la charge émotionnelle va s'en trouver décuplée, ou non, en fonction du soignant.

LA RESPONSABILITÉ INFIRMIÈRE DANS TOUT ÇA ?

Etymologiquement dérivé du latin "responsum" qui signifie "se porter garant, répondre de", ce mot renvoie dans le langage courant à l'obligation pour un individu d'assumer et de supporter les conséquences de ses actes.

La responsabilité se définit en droit comme l'obligation faite à une personne de répondre de ses actes, du fait du rôle et des charges qu'elle doit assumer, et d'en supporter toutes les conséquences.

La notion de responsabilité est associée dans notre culture occidentale à celle de faute, sanction et réparation. Elle résulte pourtant, d'une liberté d'action et intègre la notion de temporalité. En effet, la responsabilité s'assume au long court, dans l'éducation des enfants par exemple.

L'éthique de la responsabilité s'intéresse aux conséquences à plus ou moins long terme de ses actes. La responsabilité, nous rappelle le philosophe allemand Hans Jonas, est "le souci reconnu et accepté comme devoir, de l'être autre que soit, souci qui se transforme en préoccupation lorsque la vulnérabilité de cet être est menacée".

La profession infirmière est régie par le Code de la Santé Publique (art R4312-1 à R4312-24).

L'infirmière doit assurer consciencieusement les soins, agir dans l'intérêt du patient, déterminer les besoins du patient, informer et mettre en œuvre les actions correspondantes (rôle propre et rôle prescrit). Vous trouverez en annexe les articles de loi qui régissent la profession d'infirmière en lien avec mes travaux de recherche.

La création d'un Ordre Infirmier introduit les fondements d'une responsabilité disciplinaire, à laquelle s'ajoute la récente autorisation de prescription de dispositifs médicaux par les professionnels infirmiers. De nouveaux champs de responsabilité professionnelle apparaissent.

La notion de responsabilité nous est inculquée dès notre entrée en formation ; nous, étudiants, nous imprégnons de ce concept lors des premiers jours en stage, lors des cours, des témoignages de professionnels. Elle peut être une source de motivation ou à l'inverse source de stress à l'approche du diplôme et de l'exercice professionnel. Afin qu'elle ne devienne pas envahissante, il faudra trouver des stratégies de gestion de stress ; développer les Ressources Psychologiques et Sociales pour faire face aux situations réelles, et rester épanoui dans un métier passionnant.

Concernant la législation infirmière, j'ai relevé les articles de loi du livret professionnel de l'infirmier(e).

Deux articles introduisent les généralités sur les droits et devoirs des infirmier(e)s diplômés d'Etat. Le premier concerne l'appartenance à l'Ordre Infirmier, conseil national régissant un code de déontologie, énonçant les devoirs des infirmier(e)s français(es), et ce dès l'obtention de leur diplôme. Le second aborde les missions et les activités de l'infirmier(e), les soins, les actions, de dépistage, de prévention et également leur contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques. Il s'agit des articles L.4312-1 et R.4311-1 du code de la santé publique.

J'ai recensé également des articles de lois relevant du rôle propre infirmier, des initiatives qu'il peut ainsi entreprendre et sa responsabilité dans le cadre de prescription et/ou protocoles écrits.

Les articles de lois concernés sont les suivants : Art. R.4311-3, Art. R.4311-4, Art. R.4311-8, Art. R.4311-9.

Vous trouverez le détail de ces articles en annexe 2 du travail de recherche.

II.

ANALYSE INTERPRETATIVE

METHODOLOGIE Afin de confronter le cadre conceptuel de mon travail de fin d'études à la réalité du terrain des professionnels de soin, j'ai réalisé, grâce à un guide d'entretien consigné et validé au préalable, des enquêtes auprès de cinq infirmiers différents. J'ai volontairement choisi d'interroger des soignants travaillant dans des domaines divers : vous trouverez les entretiens classés dans l'ordre dans lequel mes enquêtes ont eu lieu. IDE 1 travaille en service de soins continus, diplômée depuis 2012, elle est la collègue d'IDE 3, elle, diplômée en 2007, c'est elle qui a le plus d'ancienneté de façon générale, mais aussi dans son secteur d'activité, puisqu'elle exerce dans le même service depuis bientôt sept ans. IDE 2 et IDE 4 sont les deux hommes de mon enquête de terrain. Le premier est un jeune intérimaire, diplômé depuis moins d'un an, il va de structures en structures, ne connaît son emploi du temps que quelques jours voire quelques semaines en avance. Une entrevue avec ce garçon m'a paru être une opportunité, son choix d'exercice professionnel ne permettant guerre de routine. IDE 4 travaille depuis cinq ans en réanimation polyvalente dans un établissement public. Enfin, IDE 5 est, elle aussi, une jeune infirmière, diplômée en 2010, elle exerce depuis 2 ans dans une maison de retraite.

Des secteurs de soins apriori bien différents qui me permettraient un recueil de données que j'espérais riche tant qualitativement que quantitativement.

Mes enquêtes se sont déroulées sur les lieux de travail des interviewés. Elles ont consisté en un entretien semi-directif, lors duquel j'ai pu poser des questions précises et objectivées, tout en mettant en application les techniques apprises en formation d'écoute active, de reformulation.

C'est ce qui explique que vous retrouverez des questions posées dans certains de mes entretiens qui n'apparaissent pas dans mon guide d'entretien initial situé en annexe 3.

Après avoir retranscrit l'ensemble des interviews, j'ai procédé à une analyse de chacune des réponses des professionnels à mes questions, mettant en relief des éléments de réponses communs ou d'autres opposés. J'ai noté ces éléments sur un cahier tentant de les regrouper efficacement. Ce chapitre me permettra de donner un sens à ce recueil de données.

ENTRETIENS

1.

REPRÉSENTATIONS PERSONNELLES

En leur posant la question de ce que représentait pour eux la notion d'imprévu dans leur quotidien professionnel, mon objectif était de connaître le degré d'importance que le soignant interrogé accordait à cette notion.

Deux des infirmiers s'entendent dans un premier temps sur le fait que l'imprévu est une situation à laquelle on ne s'attend pas, par définition du mot lui-même !

Même si IDE 3 en a parlé comme quelque chose de vaste et de très varié au fur-et-à-mesure de l'entretien, elle a, dans un tout premier temps, associé l'imprévu à la notion d'urgence, tout comme l'ont fait IDE 1, 2 et 4. Pour eux, il peut s'agir d'une évolution inattendue de l'état de santé du malade, d'une complication pathologique.

Dans un second temps, certains interviewés ont abordé d'autres aspects que l'évolution physiologique ou anatomique de leurs patients : IDE 1, après quelques instants de réflexion, aborde le matériel en service qui peut manquer pour ses soins, et donc s'inscrire dans sa représentation de l'imprévu. Plus tard, dans sa réponse à ma deuxième question, elle y reviendra, le qualifiant davantage comme d'une erreur, ajoutant à sa définition une tournure non maîtrisée, puisqu'elle affirme que, selon elle, l'imprévu est une chose "que l'on subit". IDE 3, elle aussi, sort du cadre du soin lui même, évoquant des aléas tels que des visites de médecin dont les horaires varient, ou encore des sorties non programmées de patients. Elle englobe dans sa représentation tout ce qui n'est pas ou n'a pas été planifié dans une journée de travail en service. IDE 5, elle aussi, après m'avoir répondu sur le caractère physique, physio-pathologique de sa vision de l'imprévu, parle, d'un fait non planifié, telle qu'une entrée, ici, non programmée.

On remarque alors qu'IDE 1, IDE 3 et IDE 5, qui sont des femmes, se rejoignent sur les aspects inorganiques que peut englober l'imprévu. Alors qu'IDE 2 et IDE 4, qui sont des hommes, sont restés sur la totalité des entretiens sur le versant somatique de leur propre représentation.

Pour autant, les cinq professionnels partagent le même point de vue : cet imprévisible n'a rien d'effrayant. Si IDE 5 l'évoque tout de suite en réponse à ma première question comme étant source de stress, de "panique" même, elle ne le décrit pas pour autant comme générateur de peur, puisqu'il la "change, dit-elle, de sa routine". De plus, on remarque un second contraste entre les réponses des femmes qui, même si elles disent ne pas avoir peur de l'imprévu, se trouvent devant un stress, une crainte de l'organisation ou de la désorganisation devant une charge de travail alourdie par un imprévu. Les réponses masculines se rejoignent également autour de l'idée commune d'un certain enthousiasme face à l'inattendu. IDE 2 emploie le mot "luxe" lorsqu'il décrit cet imprévu "casseur de routine", ajoutant que c'est le surprenant lui-même qui le motive à exercer ce métier : "aller travailler sans savoir vraiment ce qui m'attend". IDE 4, dit attendre l'imprévu, le décrivant comme étant "les meilleurs moments du travail".

On l'a vu dans la première partie de mon travail de recherche, le métier d'infirmier(e) est essentiellement féminin. Cependant il a considérablement évolué au cours du XXème siècle et tend de plus en plus à se masculiniser. A travers les enquêtes de terrain, on voit d'ailleurs ces hommes chercheurs, demandeurs d'imprévus. Les femmes, elles, prennent plus de distances, accentuant sur l'organisationnel, le planifiable qui peut être perturbé, mais n'en restent pas autant apeurées par ces incontournables du métier.

2.

PERCEPTION DE L'IMPRÉVU DANS LA PRATIQUE INFIRMIÈRE

Ici, mon objectif était d'apprécier l'attachement alloué à l'inattendu : le professionnel le liait-il ou non à son exercice infirmier ?

A travers leurs réponses, j'ai senti que cette question était quelque peu déroutante. Chacun des interviewés a marqué quelques secondes de silence, s'est reformulé lui-même l'interrogation, ou m'a demandé de répéter la question.

IDE 3 a paru plus déstabilisée que les autres, comme cherchant mon approbation : "ça dépend, toi, de ce que tu entends par imprévu ?", "ça fait partie des imprévus ça d'après toi ?" ou encore "elle est vaste cette question des imprévus !". Dans mon entretien avec elle, des silences m'ont poussée à davantage reformuler, à être plus précise dans mes relances. J'ai également du la recentrer sur la dimension professionnelle et non personnelle quand celle-ci déviait. Finalement, elle a admis que dans son service, elle ne se considérait pas comme étant confrontée souvent à l'imprévu contrairement à d'autres unités de soins.

IDE 1 et IDE 5 s'accordent, elles, affirmant que les surprises sont rares dans leur service respectif. L'une se trouvant en unité de soins continus, l'autre en Ehpad. Des secteurs bien différents, mais elles ne s'attardent pas sur leur attachement à l'imprévu.

Sur cette question aussi, les hommes partagent le même point de vue : le plus jeune diplômé parle de l'impact que représente l'imprévu, pas seulement de l'inattendu lui-même. Il explique voir cet impact comme étant plus grand dans ce métier que dans n'importe quel autre, du fait du travail avec des humains, ajoutant même la notion de "pathologie" associée à cet humain avec qui il travaille. L'autre le décrit comme étant "habituel", "quasi-quotidien" dans sa réponse à la première question. Puis lorsque je lui pose la deuxième question, il affirme, comme son collègue intérimaire, que "l'imprévu tient une grande place dans notre métier".

3.

IMPRÉVU ET ÉMOTIONS

L'objectif des séries de questions que j'ai posé dans la troisième partie de mon enquête était de comprendre comment l'interviewé se sentait dans l'inattendu, s'il s'y plaisait ou non. Pour cela j'ai d'abord demandé à chacun d'entre eux quelles étaient leurs réactions émotionnelles face à l'impondérable, et si leurs ressentis étaient ou non transférables à leurs collègues mais aussi leurs patients.

En décortiquant les réponses de mes cinq interviewés, j'ai constaté une nouvelle similitude dans les réponses d'IDE 1 et IDE 2. De nouveau, ils ont employé le terme "forcément" ; au même titre que l'imprévu était pour eux une chose qui arrive lorsqu'on ne l'attend pas, "par définition !", quand je leur ai demandé s'ils associaient imprévu et stress, tous deux m'ont rétorqué "oui, forcément !". IDE 5 s'associe également à cette réponse, appuyant même une notion de panique qui vient appuyer sa dimension du stress devant l'imprévu. IDE 3 et IDE 4 sont les infirmiers qui ont le plus d'ancienneté dans leur service respectif, par rapport aux autres que j'ai questionnés : l'une travaille en soins continus depuis sept ans, l'autre entre dans sa sixième année en service de réanimation. Ces deux soignants ont un discours commun : ils ne se trouvent pas stressés, du moins ils ne se trouvent plus stressés ! La notion d'expérience et/ou d'expertise est clairement identifiée dans leur réponse. IDE 4 développe davantage ses émotions des débuts que sa collègue du service de soins continus : il se décrit comme s'étant trouvé "impuissant" du fait du stress de ses prémices dans la profession, affirmant que ses émotions "venaient troubler son organisation, sa réflexion, son analyse", le rendant "complètement inefficace". A travers sa réponse, IDE 4 témoigne d'une "submersion des émotions" dans les débuts du métier, de variations de sentiments de "peur et d'excitation" qui finit par s'estomper avec le temps, avec "l'expérience". De plus, tous deux se rejoignent sur une neutralité des émotions : IDE 3 l'exprime de cette façon, ne ressentant ni stress, ni enthousiasme face à l'imprévu, affirme se mettre dans l'action, agir plus vite, puisque sa charge de travail a augmenté du fait du "non planifié" mais ne s'en trouve ni affectée, ni enjouée. IDE 4 parle "d'enfermement des émotions", comme pour ne laisser place qu'à la concentration : pour lui c'est "créer une bulle, s'y enfermer pour ne privilégier que l'efficacité du soin". Pour autant, IDE 4 semble se complaire dans cette prise en charge de l'imprévu, se contredisant en quelque sorte, affirmant d'abord se couper de ses émotions, avouant par la suite un certain plaisir à ces prises en soins qui lui donnent un certains statut puisqu'il confie "lorsque tu as réussi à surmonter tes émotions (...) les gens te font confiance, (...) tu sens que tu es important, que t'es efficace, que t'es doué..."

Si IDE 3 paraît indifférente à la gestion d'une situation imprévue, IDE 4, lui, prononce le mot "moteur" pour qualifier cette "chose" qu'il dit aimer dans ce métier. Tous les deux s'accordent à nouveau sur leur statut de référent dans le service, assurant pour autant que ce ne sont pas forcément leur capacité à gérer leur stress ou non, mais plutôt leur ancienneté dans le service.

"On fait toujours appel aux anciens, affirme IDE 3, (...) c'est mon expérience qui fera qu'on m'appelle et pas ma capacité à gérer mon stress".

Si pour IDE 2 l'imprévu est "forcément" associé au stress, il n'en reste pas moins un stress moteur également : il dit en effet, que c'est un stress qui va venir le "booster" et "l'amener à agir". Sans pour autant représenter un réel enthousiasme ou un goût du challenge, ce jeune diplômé se dit "curieux" et c'est le fait qu'il ait "envie de comprendre" qui le fait apprécier ces situations inattendues qu'il qualifie de "stimulation intellectuelle plutôt qu'autre chose". Ainsi, lorsque je le pousse à développer cet aspect de sa réponse, il insiste sur cette intellectualisation qui le pousse à se concentrer davantage, à mieux analyser, à prioriser pour échapper, en quelque sorte, à "un travail parfois mécanisé". Dans sa réponse encore, apparaît le concept d'expérience, puisqu'IDE 2 ne se retrouve pas dans une situation de référent, soutenant son in-expertise, avouant lui-même que s'il se retrouvait en difficulté il tenterait de gérer seul ou ferait appel à quelqu'un qui a plus de connaissances, de compétences, d'expériences ! IDE 5 avait d'emblée prononcé le mot "panique", mais lorsque je lui ai demandé comment ce stress se traduisait-il dans son travail, celle-ci m'a affirmé dans un premier temps, comme tous les autres interrogés, qu'elle travaillait plus rapidement, mais que ce stress, cette panique, n'en étaient pas moins "moteur" pour elle, et a confié regretter de ne pas avoir de situations inattendues plus souvent, dans une structure qu'elle qualifiait elle-même de "très routinière".

Philippe Perrenoud parle de "compétences de haut niveau" face à un imprévu qu'il faut "maîtriser". IDE 2 l'a bien formulé lorsqu'il a parlé "d'intellectualisation" : on voit dans le cadre conceptuel l'importance de la mise en place des processus cognitifs dans un contexte d'action.

Selon le sociologue suisse, agir dans l'imprévu, c'est manœuvrer conformément à trois étapes : la reconnaissance, l'action et l'analyse.

La reconnaissance c'est l'observation, "l'écoute d'éléments qui doivent être fiables et pertinents" . C'est, pour ainsi dire, l'interprétation de signes avant-coureurs, d'indices qui ne sont pas pour autant le reflet de la réalité, mais qui vont aiguiller le soignant par expérience/expertise. Dans sa réponse à ma première question, IDE 4 avait amorcé cette notion d'anticipation, affirmant que "l'imprévu on le prévoit, on l'attend". C'est un paradoxe qui représente une certaine réalité pour Perrenoud pour qui agir dans l'imprévu c'est aussi "improviser" et pour qui surtout l'improvisation ne naît pas de rien, mais d'une certaine expérience professionnelle.

L'action est basée sur les connaissances et les savoir-faire infirmiers qui permettent au soignant de s'adapter. La pratique professionnelle, les protocoles déjà établis qui peuvent devenir des ressources, mais aussi l'innovation. Tout ce qui va permettre au soignant d'atténuer ou de pallier à l'imprévu. Dans son entretien, IDE 5 aborde parfaitement cette notion d'innovation lorsqu'elle avance qu'un infirmier(e) doit faire preuve de créativité, ajoutant même en plaisantant "une infirmière est un peu bricoleuse (...) on devient vite des Mac Giver par la force des choses !".

L'analyse, c'est revenir sur l'expérience, sur la situation qui s'est produite. Elle permet d'apprendre de la situation, de faire progresser le soignant en vue d'une meilleure compréhension de sa prise en charge. IDE 1 le fait plus loin dans son entretien, se repasse mentalement la journée de travail, se corrige dans des "j'aurais du faire plutôt ça, agir comme cela..."

Montaigne concevait l’imprévu comme une stimulation, jusque dans sa pratique de l’écriture.

Si pour certains l’imprévu permet de surmonter l’inertie, de rompre avec les habitudes, de sortir des barrières de l’esprit, pour d'autres, nous l'avons présenté dans le cadre conceptuel, l'imprévu peut représenter un risque réel. En effet il peut être apparenté à une mise en danger du fait de son caractère nouveau, de surprise. Le soignant se trouvent en recherche de LA bonne réponse dans l'intérêt du patient. Et c'est en cela que je confronte cette réalité à la réponse d'IDE 4 qui affirme "s'enfermer dans cette bulle" imperméable aux émotions en vue de ne faire qu'un avec le corps médical, pendant le soin, pour la personne soignée.

On l'a vu, travailler avec l'humain nous confronte obligatoirement à de l'imprévu. IDE 2 le souligne également dans la première question "rien que d'un point de vue humain ils peuvent réagir d'une manière à laquelle tu t'attends pas".

De façon générale, il en ressort de mes entretiens que le stress est l'émotion dominante dans la gestion de l'imprévu. Tous les soignants que j'ai interrogés l'évoquent, mais à des degrés différents.

Nous avons vu dans le cadre conceptuel qu'Hans Selye et Richard S. Lazarus partagent le même point de vue concernant les mécanismes du stress. Nous rappelons qu'il trouve ses origines dans la physiologie de l'individu, mais il dépend aussi des capacités de chacun à réguler ses effets sur l'organisme. Certains facteurs très personnels entrent en jeu, incluant à la fois la personne, ses caractéristiques qui lui sont propres, tels que son estime de soi, son contrôle interne, son anxiété, sa hardiesse. L'environnement dans lequel elle évolue y contribue également, son ou ses stresseurs, son entourage, son soutien, comme l'équipe (IDE 4 aborde d'ailleurs la communication inter-équipe qui semble représenter pour lui un point essentiel à sa prise en charge de l'imprévu), ou encore la hiérarchie par exemple. Tous ces critères jouent un rôle et sont essentiels dans la compréhension et la gestion du stress. C'est pourquoi, en fonction du soignant, le stress va devenir plutôt moteur, ou peut être paralysant. A pression identique, chaque infirmier réagira différemment : IDE 3 se dit "neutre" face au stress dans l'imprévu, IDE 4 se place "dans une bulle hermétique aux émotions", IDE 5 accentue sur la "panique".

Quatre des cinq soignants interrogés attestent du sens "moteur" qu'ils accordent à ce stress dans leur pratique professionnelle.

4.

LES QUALITÉS D'UNE INFIRMIÈRE SELON LES REPRÉSENTATIONS DE CHACUN

Dans ma question "quelles sont les principales qualités que l'infirmière doit avoir dans son travail dans l'imprévu ?", mon objectif était de connaître les représentations des interviewés de leur "idéal professionnel", connaître leur vision personnelle des compétences indispensables à la gestion de l'imprévu dans l'exercice infirmier.

Dans leur réponse, les cinq infirmiers se révèlent unanimes sur une qualité : la gestion de ses émotions. Pour eux, prendre en charge un imprévu va de pair avec le contrôle interne, le calme ; et ainsi, tous répondent qu'au contraire, la non gestion du stress représenterait un frein à un travail efficace dans l'imprévu.

Catherine Mercadier, citée dans la partie concernant les émotions du cadre conceptuel, a réalisé des travaux concernant le stress des professionnels de santé, des articles de presse, son livre le travail émotionnel des soignants à l'hôpital. Cette infirmière sociologue, devenue d'abord formatrice, puis Directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers de Montauban, suggère que, de part la société dans laquelle nous vivons, les codes, les représentations, la hiérarchie également... gérer ses émotions devient un réel enjeu pour être un bon soignant. Elle évoque une "norme implicite" qui s'imposerait aux soignants et impliquerait qu'ils fassent en sorte de "maîtriser leurs affects". Sa théorie est, nous l'avons vu, soutenue par l'idée de Christian Richard, infirmier qui, lui aussi, je le rappelle, a écrit sur les émotions du soignant, pour qui le professionnel de santé développe un "savoir-taire" qui fait de lui un bon soignant.

Les réponses de mes enquêtés confirment ces hypothèses : quatre des infirmiers emploient l'expression "gestion du stress" et certains développent, abordant l'organisation, l'adaptation, la priorisation qui revient beaucoup dans mes entretiens, en lien avec cette gestion émotionnelle.

IDE 1 dit "savoir s'organiser différemment (...) ça en découle.", IDE 2, qui est le seul à ne pas avoir utilisé le mot "gérer", évoque la priorisation des tâches dans l'imprévu puisqu'il affirme "il faut être conscient de la gravité de l'imprévu (...) savoir l'échelonner" ajoutant même que le stress entraînait une désorganisation dans le travail de la personne, la rendant ainsi "brouillon dans sa tête (...) et dans sa méthode". IDE 3 associe également la gestion du stress comme qualité indispensable au travail dans l'imprévu, l'organisation, l'adaptation, et même la réactivité. IDE 4 est encore plus incisif dans sa réponse, affirmant qu'il ne faut "jamais s'énerver, s'exciter dans ce métier", insiste sur le fait qu'il faut, selon lui, "garder la tête froide". Enfin, IDE 5, elle aussi, soutien ce principe puisque pour elle, deux qualités se distinguent : l'organisation et la gestion des émotions, illustrées également par "réussir à prendre du recul (...) à avoir le sens des priorités".

Encore, dans quatre des entretiens, apparaît la place de l'équipe qui peut devenir ressource en cas de difficulté : "l'équipe est là pour t'aider" (IDE 1), "il faut savoir faire appel à d'autres personnes si tu en as besoin (...) quand j'arrive dans un service, (...) 90 % des gens qui sont là en savent plus que moi (...) qui me disent comment faire" (IDE 2), "chaque IDE (...) trouvera une collègue à qui se confier ou appeler en cas de situation qu'elle ne maîtrise pas" (IDE 3), "on travaille en équipe (...) on est un maillon de cette chaîne" (IDE 4).

Et puis, d'autres trouvent de nouvelles qualités nécessaires à une infirmière dans son travail dans l'imprévu : pour IDE 2, de bonnes connaissances théoriques sont indispensables à la gestion de ce genre de situation. Pour lui, il ne suffit pas de seulement de garder son calme mais de prendre également les bonnes décisions. Il avance ainsi que l'on ne peut bien agir qu'en connaissance de cause et que se sont les connaissances théoriques sûres qui pourront donner au soignant de l'assurance. Ce même infirmier parle aussi d'humilité. Il est le seul à citer cette qualité, à ce moment là de l'entretien. Il appuie son idée sur le fait qu'en manquant de connaissances théoriques, en étant "novice" dit-il, il faut "faire appel à d'autres personnes (...) c'est les aides-soignantes qui me disent", "il faut être humble (...) carrément humble !", argumentant son point de vue sur le fait que seul le patient compte, et peu importe la façon dont le soignant trouve la solution finalement. Quelque peu en contradiction avec les connaissances théoriques, IDE 5 propose la créativité comme étant une qualité infirmière. Elle ne s'étend pas sur ce sujet mais déclare que le métier pousse à "devenir bricoleur (...) par la force des choses", c'est un aspect du métier qui semble flirter avec les qualités d'adaptation. Et puis, au cours de l'entretien, j'ai demandé à chacun des infirmiers comment, selon eux, le soignant pouvait acquérir ces qualités là. La notion d'expérience, bien que nuancée selon les individus, une fois de plus, se trouve au cœur de la plupart des enregistrements. La première nuance se trouve dans le premier entretien : IDE 1 précise "l'expérience en général et l'expérience DANS le service". Elle sousentend ainsi que les années de diplômes offrent une certaine expertise dans un domaine, un service que l'on apprend à connaître selon les types de patients que l'on y soigne, leur pathologie, les médecins, leurs habitudes. Etre une infirmière anciennement diplômée ne donne pas pour autant la garantie de l'expertise dans d'autres domaines, si elle doit changer de service, ou si elle doit se confronter à l'inhabituel. Pour IDE 2, lui, "le calme ne s'apprend pas", et même s'il admet que "peut-être gérer mieux peut s'acquérir avec l'expérience", il confie volontiers que certaines personnes ont ça en elle, "le calme", et qu'elles peuvent, de ce fait, "mieux gérer ou non certaines situations".

l termine sa réponse "je pense qu'il y en a qui l'acquerront jamais !". Pour IDE 3 c'est à la fois l'expérience et la conscience professionnelle qui vont permettre à l'infirmière de faire face à l'imprévu. Elle explique "qu'une infirmière qui ne s'implique pas, (...) qui a beau avoir dix ans d'ancienneté, (...) qui n'a pas envie, (...) ne va pas forcément voir l'imprévu ou le gérer comme il faut". IDE 4 est complètement dans la notion d'expérience, comparant son parcours professionnel à "un jeune chien (...) qui va courir partout, aboyer (...) et qui va se poser avec le temps" : pour lui "le temps fait son œuvre", fait perdre de sa "fougue", il prétend ainsi que c'est en "vieillissant" que l'on "s'assagit" et donc que l'on demeure plus efficace dans l'imprévu. Cependant, son discours semble plus en accord avec une expérience de vie, de façon générale, qu'une réelle expérience professionnelle ! Enfin, IDE 5 a abordé des moyens d'acquisitions de ces qualités professionnelles jusque là inexprimées par les autres interviewés : des outils ! Je me suis permise, durant l'entretien, de reformuler sa réponse afin qu'elle développe davantage, ainsi, elle a évoqué les formations, prenant pour exemple la formation "gestion du stress" ou encore des protocoles mis en place avec le médecin et la cadre du service pour pallier à des imprévus déjà rencontrés ou qui peuvent potentiellement se produire. Pour elle, ce sont des ressources qui permettent à l'infirmière d'acquérir des qualités dans la gestion de l'inattendu.

A la question "que pourrait, selon vous, représenter un frein à une prise en charge efficace de l'imprévu", quasiment tous les interviewés ont exprimé la non-gestion des émotions, le manque de self-control et de calme. IDE 5 a été la seule à aborder l'impact de sa vie personnelle sur sa qualité de travail dans l'imprévu : "j'ai une fille qui fait pas très bien ses nuits (...) je vais peutêtre moins bien les gérer que si tout va bien dans ma tête...".

5.

DES STRATÉGIES ?

Pour terminer mon entretien, j'ai souhaité connaître la façon dont les soignants s'adaptaient dans leur quotidien rythmé par les imprévus. Pour cela, je leur ai posé la question des stratégies qu'ils mettaient en place pour y faire face.

J'ai senti la plupart des infirmiers quelque peu troublés par cette dernière question. Leurs réponses ont été souvent ponctuées de silences ou d'onomatopées d'hésitation. La plupart des interviewés ont comme cherché mon approbation ou mes encouragements dans des "c'est-àdire (...) c'est ça que tu veux dire ?" ou encore "je sais pas ce que tu attends de moi (...) j'étais pas sûr de m'engager là dedans". J'ai donc dû reposer la question, la reformuler, la recentrer afin de les éclairer, espérant d'eux le plus grand naturel possible. C'est IDE 5 qui a été la plus spontanée sur cette partie. Comme lors de tout l'entretien d'ailleurs, elle répondait assez directement, avec une certaine détermination. Ainsi, elle m'a dit prendre une minute pour souffler, canaliser son stress, analyser la situation et agir, simplement. Elle ajoute à cela "j'agis sur le moment parce que je sais ce que je fais, j'ai pas besoin de plus !". Je lui ai posé la question de la place d'un cheminement personnel après une situation imprévue pour elle, celle-ci m'a répondu regretter ne pas le faire en collégiale afin d'apprécier la prise en charge dans sa globalité, les points positifs, comme ceux à ne pas réitérer, mais le manque de temps et le travail reprenant son cours, elle a confié les difficultés à mettre ces temps de parole en place. Elle dit toutefois faire cette auto-analyse personnelle de la situation passée, mais, dynamique, clôt rapidement notre entrevue par "ça me prend pas non plus toute la journée !". Les quatre autres personnes interrogées ont mis plus de temps à répondre, ont parfois contourné quelque peu la question. IDE 4, lui, a parlé de généralités qui permettaient aux

soignants, il le savait, "d'évacuer la pression", mais restait évasif sur ce qui le concernait lui.

J'ai donc dû le repositionner au centre de la question, il a affirmé croire en "toutes ces méthodes anti-stress" sans en être client pour autant. Il dit pratiquer du sport, mais cela semble être pour lui plus un hobbie qu'une réelle stratégie, confiant "je ne suis pas sûr d'en avoir". En même temps, le deuxième homme de mon enquête de terrain ne semble pas adopter de stratégie à proprement dite non plus. Il conseille plutôt de regarder, d'analyser, et de prioriser. Il ajoute à cela que sa stratégie personnelle est de garder son calme, c'est ce qui lui permet d'analyser et d'agir ensuite. Plus tard il conviendra tout de même "ne pas avoir franchement de stratégie", persuadé que ce métier est, selon ses dires, "logique", et par la force des choses, indique "essayer d'être le plus logique" puisqu'en son sens "il faut analyser pour agir et non le contraire (...) sinon ça ne marche pas !". A ma question "fais-tu un cheminement d'analyse personnelle ?", ce dernier me confie que cela lui est déjà arrivé, il pense qu'analyser permet de s'améliorer "ça sert de leçon", ajoute-t-il, et cela lui permet de mieux se concentrer, dans l'intérêt du patient. Pour IDE 1 et IDE 3, j'ai perçu que la question les déstabilisait davantage. Elles ont mis plus de temps à me répondre, ont ponctué leurs phrases de plus de silence. Finalement IDE 1 a parlé de sport comme "d'une obligation" pour évacuer le stress, qualifiant cette activité, qui pour elle représente une vraie stratégie, de "très, très efficace" dans son travail en lien avec l'imprévu. Elle reconnaît refaire sa journée dans sa tête, le soir en rentrant chez elle, ou avant de se coucher, mais elle confesse "ce n'est pas forcément une très bonne idée (...), ça aide pas trop (...), mais ça faut vraiment pas le faire (...) c'est encore plus une mauvaise idée !". Elle s'accuse elle-même de faire ces choses qu'elle ne devrait pas, admettant se remettre ainsi en question, se rendre compte d'avoir oublié une chose lors de son action et entraîner chez elle un nouveau stress se transformant en "culpabilité". C'est IDE 3 qui a eu le plus de difficultés à mettre des mots sur ce qu'elle concevait comme stratégie d'adaptation. Si au début de sa réponse elle disait relativiser sur les imprévus du quotidien dans l'exercice infirmier par rapport à d'autres choses plus graves, en étant plutôt dans l'action que dans la réflexion et dans l'analyse de la situation, elle a affirmé être dans la verbalisation rapide de ce qu'elle ressentait pendant la situation, qu'elle soit positive ou négative. En revenant au début de son entretien, IDE 3 se disait peu communicante sur ses émotions, faisant en sorte de ne pas transmettre à ses collègues ses ressentis, et prenant le parti, au contraire, de prendre la situation telle quelle, en toute "neutralité". En cette fin d'enquête, l'infirmière va à l'encontre de ses premiers éléments de réponses : "quelque soit le problème ou l'imprévu, j'arrive à extérioriser et à pas garder le positif ou le négatif en moi ! (...) c'est peut-être une stratégie du coup (...) je vais lâcher ce qui m'a pas plu (...) pour me dire (...) je pars l'esprit tranquille !". Un silence vient ponctuer de nouveau sa réponse, se rendant elle-même compte de cette contradiction, et puis lance "je sais pas si je vais vraiment faire ça ! (...) ça dépend vraiment de beaucoup de choses !". J'ai compris qu'IDE 3 se trouvait en difficulté. Elle a fini par illustrer sa réponse par des exemples concrets, mettant en parallèle le service dans lequel elle travaille depuis sept années et le service ambulatoire, dans lequel, elle avoue, ne se sentirait pas à l'aise puisqu'elle aurait à gérer des choses qui ne sont pas planifiées, qui sont plus imprévues, selon elle.

On l'a vu dans le cadre théorique, s'adapter, développer des stratégies, se rejoignent dans un concept : le coping. En analysant les entretiens de nos interviewés, on remarque que leurs discours se rassemblent autour de ce que l'on appelle le "coping vigilant", qui consiste à trouver les ressources nécessaires à la diminution du stress. Le concept est peu connu, du moins, il est peu utilisé dans le langage commun ! Ainsi, les soignants le pratiquent de façon inconsciente, quotidiennement. IDE 1 aborde le sport comme activité "obligatoire pour évacuer la pression", IDE 3 "verbalise" lorsqu'elle se sent en difficulté, IDE 4 aborde des techniques qu'il sait être pratiquées, telles que la relaxation, la consommation de substances.

Selon Pascale Molinier, on l'a vu précédemment, le réel du monde se manifeste toujours affectivement au sujet dans un rapport entre l'expérience du monde et l'expérience de soi-même lors d'une situation vécue. Ce sont donc des processus cognitifs et des efforts comportementaux qui vont permettre au sujet de raisonner afin de réduire ou tolérer les exigences internes et externes qui menaces ou dépassent les ressources dans des situations de stress. Ainsi, même s'il ne l'a pas mentionné dans cette question précise des stratégies d'adaptation, c'est ce que fait IDE 2 lorsqu'il explique se plaire dans "l'intellectualisation" des actes de soin et de la gestion de l'imprévu. Avouant même que c'est ce qui représente pour lui sa principale motivation, "le luxe de travailler dans un environnement dans lequel on ne sait pas ce qui va se passer", il décrit là une méthode d'adaptation naturelle, qui lui permet de se maintenir dans cet environnement qui multiplie les imprévus.

Dans les premières phrases de son entretien, IDE 1 a touché du doigt le "coping d'évitement" dans un moyen de pallier au stress et de gérer la situation imprévue en déléguant. Déléguer certaines tâches aux aides-soignants, quand cela est possible et qu'elles entrent dans leur champ de compétences, ou déléguer à une personne de l'équipe, plus compétente dans ce domaine, de part ses connaissances, son ancienneté, sa gestion des émotions... C'est aussi ça le coping ! IDE 2 et IDE 3 l'affichent aussi, appeler de l'aide, chercher des personnes ressources, représente aussi une stratégie d'adaptation, dont ils n'ont pourtant pas l'air d'avoir conscience, puisqu'ils n'intègrent pas cette notion dans leur réponse sur leurs stratégies.

A travers tout mon travail de fin d'étude, nous pouvons faire le constat de l'importante place des émotions dans le travail dans l'imprévu. Le stress est l'émotion dominante, nous l'avons vu, tant dans mes recherches théoriques en amont, que dans les discours des infirmiers que j'ai interviewés. A plusieurs reprises, on note ce stress, générateur de panique, de culpabilité, de remise en question parfois. Selon les professionnels, il peut être instigateur de curiosité, source de motivation, prévention contre la routine. Peu importe le sens et le degré qu'on lui accorde, il est là, quelque part en service. Et ceci, malgré la formation adaptée, malgré l'expérience, il existe, et reste parfois difficile à maîtriser. Lors de mes enquêtes, j'ai entendu les infirmiers dénoncer la non gestion des émotions comme représentant un véritable obstacle à l'efficacité dans une prise en charge d'un imprévu, ainsi qu'une réelle rapidité d'action induite par le stress que provoque la situation inattendue. Une sorte de "garder la tête froide" afin de mieux analyser, et de mieux gérer, plus rapidement.

Je m'interroge alors sur les solutions à apporter aux soignants qui évoquent l'expérience en réponse et comme élément incontournable et presque unique dans leur efficacité dans la gestion des aléas de leur métier. Ainsi, ce travail m'amène à poser cette nouvelle question de recherche : en quoi les représentations personnelles de l'infirmier modifient-elles sa pratique dans un quotidien fait d'imprévus ?

Afin d'approfondir cet axe de recherche, il me paraît intéressant de pouvoir comprendre les conceptions du soignant concernant la hardiesse, l'expertise professionnelle qu'il veut bien lui accorder, en observant et en analysant ses actes quotidiens, planifiés et surtout ceux non planifiés. Marc Loriol pointe le manque de reconnaissance du soin infirmier en rapport au soin médical. Les représentations de l'imprévu et de sa gestion seraient-elles différentes si tous les actes paramédicaux étaient plus reconnus ?

III.

CONCLUSION

Tout au long de ce travail de fin d'étude, j'ai beaucoup entendu parler de la notion d'expérience et du rôle que le soignant voulait bien lui accorder dans la prise en charge de l'imprévu. Malgré l'unanimité de mes enquêtés concernant l'enjeu qu'elle représentait dans la qualité des actes en service de soins, je crois qu'elle est un élément difficilement évaluable. En effet, l'expérience est propre à chacun, et ne peut se quantifier. Quand bien même, elle n'est pas pour autant garante d'efficacité en tout instant. Bien entendu, elle permet d'apporter des paramètres appréciables dans des actions qui nécessitent des connaissances, de l'assurance. A condition d'avoir déjà vécu ce genre de situation au préalable, et de se servir cette première expérimentation à bon escient. Je suggère ainsi que le soignant ne peut pas tout maîtriser du simple fait de son expérience. L'expérience peut être un outil considérable, et non négligeable dans l'action dans un contexte fait de circonstances imprévisibles, mais elle n'est pas le seul moyen. Les relations avec soi-même, sa capacité à se remettre en question, à savoir rester humble tout au long de sa carrière pour éviter de se croire seul détenteur de savoirs et savoir-faire peuvent être un outil également. Dans ses relations avec soi-même, j'entends également sa juste estime de soi. Le soignant a en lui des moyens, conscientisés ou non, dont il peut et doit se servir dans son quotidien professionnel. Il est fréquent que le statut de novice stigmatise le soignant, non seulement par son entourage, mais par lui-même également. De plus, la place de l'équipe, la communication, la confiance réciproque peut aussi être un outil permettant de réagir dans l'imprévu. La capacité à gérer son stress, ses émotions de façon générale, est un élément soulevé à maintes reprises au cours de tout mon travail de recherche. Le coping vient naturellement aider le soignant dans ses actions lors des situations inattendues. A lui d'écouter attentivement ce que lui dicte son corps, sa raison, de trouver en lui les ressources nécessaires qui lui permettront d'agir, ou de s'orienter vers des textes, des principes, des personnes qui pourront lui apprendre de ces circonstances de travail. Peut importe la stratégie pour laquelle il optera, l'important est d'en comprendre le but, l'enjeu.

Quel est l'intérêt d'avoir de l'expérience si l'on ne sait pas s'en servir, finalement ? Elle demeure un outil comme un autre, en fonction de la place qu'on lui accorde.

Ce travail de fin d'étude m'a beaucoup appris sur moi-même. Si, à son commencement, j'avais pointé quelques évènements inattendus survenus lors me mes expériences en stage, notamment, je n'avais pas encore conscience de cette banalité réelle que constitue l'imprévu.

Aujourd'hui, je le vois partout, tous les jours. Je l'ai compris, le métier d'infirmière ne sera pas un long fleuve tranquille, peu importe la structure, le secteur de soins que je choisirai, mes journées seront rythmées par des surprises ; quelles soient bonnes ou mauvaises, je devrais me servir de mes propres outils afin de m'y adapter. <<L'expérience>> de ce travail de recherche aura servi à me constituer une base solide pour la construction de mes propres outils ! Et si j'ai bien compris que l'imprévu deviendra ma routine, je sais désormais l'importance de bien s'équiper avant de démarrer une action et j'ai dors-et-déjà travaillé sur des stratégies qui me permettront, je l'espère de gagner en confiance et en sérénité lors de mes confrontations à des situations inconnues.

L'imprévu est vague, imprécis, impalpable... L'imprévu est un concept. Lorsqu'on en parle et qu'on le lie au contexte de soin, on peut visualiser d'abord l'urgence, le vital, le grave. On lui octroie volontiers une connotation dangereuse. Pourtant, lorsqu'on prend de la hauteur et qu'on le replace dans le quotidien infirmier, on s'accorde à dire qu'il touche toute la profession, et pas seulement les services de réanimation ou d'urgences. Quelque soit l'âge, l'expérience, l'unité de soins, chaque soignant est régulièrement confronté(e) à l'inattendu et devra s'adapter. C'est par le constat d'une multitude d'imprévus, générateur de stress, dans tous les services que j'ai fréquenté durant mes stages, que le travail de fin d'étude s'est imposé à moi autour d'une problématique : En quoi la mise en place de stratégies d'adaptation et l'expérience contribuentelles à la gestion du stress lors d'une situation imprévue dans l'exercice quotidien infirmier ?

Pour tenter d'y répondre, j'ai orienté mon travail de recherche selon trois parties : le cadre théorique, l'analyse des cinq enquêtes que j'ai effectué sur le terrain et enfin, la conclusion qui démontrera cette banalité du quotidien infirmier rythmé par ses imprévus routiniers. Bonne lecture Mots-clés : représentation ; imprévu ; stress ; émotions ; adaptation ; anticipation.

The unforeseen is unclear, imprecise, intangible… the unforeseen is a concept. Linked to a situation of aid, we can see the emergency, what is vital, what is serious. We give to it a dangerous connotation. Yet, when rising above it and replacing it in the daily life context of a nurse, we can say it reaches the entire profession, not only intensive care or A&E. Whatever the age, experience or care unit, every nurse is regularly confronted with unexpected situations with which he or she has to adapt. It is after noticing many unforeseen, stressful, situations in all the units I have worked during my work placements, that the subject of my graduation work materialized itself: To what extent does the realization of strategies of adaptation and the experiences contribute to the management of stress in an unforeseen situation during the daily work of a nurse? To try to answer to this question, I have built my research paper in three parts: the theoretical framework, the analyze of five surveys I have carried out during my studies, and finally, the conclusion which will underline the ordinariness of a nurse life punctuated by its ordinary unforeseen situations.Pleasant reading.

Key Words: depiction; unforeseen; stress; emotion; adaptation; anticipation.