Pertuis en heritage N°29

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Pertuis

En Héritage

L’ÉDITO

Chargée de mission

Chers amis lecteurs de Pertuis en héritage,

ce numéro est essentiellement consacré à l’histoire de la vigne cultivée depuis presque trois millénaires en Luberon, et au vin -bien sûr- qui est le but ultime de cette culture.

Il est complété par un petit rappel concernant les papes venus s’installer en Avignon au XIV ème siècle, puisque ce sont eux qui ont donné à notre terroir viticole ses lettres de noblesse.

Il y a tant de choses à dire sur cette période si riche!

Les papes en Avignon, ce n’est pas seulement la chrétienté en marche. C’es aussi un apport très important et irrationnel de richesse et de progrés dans la région :. Le palais des papes d’Avignon est la plus grand construction gothique du moyen-âge en Provence par exemple!

Les papes ont joué un rôle particulièrement décisif dans l’émergence d’une viticulture de qualité, contrepoint des vignobles fournisseurs du royaume de France tels que la Bourgogne ou la Champagne. Chateauneuf du Pape demeure un des fleurons des vins français, mais c’est toute la région vauclusienne qui a bénéficiée de cette renommée.

Notre vignoble pertuisien progresse en qualité en ce XXI ème siècle, et l’on ne peut que s’en réjouir !

Bonne lecture !

Fresque peinte par Lénia PLATEL et des petits pertuisiens

NEUF PAPES OCCITANS ONT RÉSIDÉ EN AVIGNON

Avignon au XIVème siècle est une possession du Comte de Provence, roi de Naples (vassal du Saint-Siège). Avignon possède un pont (le pont Bénézet) sur le Rhône qui lui permet d’être en relation permanente avec les autres pays d’Europe au nord comme au sud, et qui permet aussi à la ville d’être proche des foires de Champagne et de celle de Beaucaire, lieux d’échanges commerciaux essentiels.

Pendant ce temps, Rome a perdu de sa splendeur. La ville excentrée de l’Europe du nord ne compte plus que 50.000 habitants et la guerre des Guelfes (pro-pape) contre les Gibelins (pro-empereur d’Allemagne) fait tant rage que déjà à six reprises les locataires du Vatican n’y ont pas déposé leurs valises.

C’est ainsi qu’Avignon apparaît comme un substitut à Rome, en qualité de capitale de la chrétienté.

En 1309 Bertrand de Grot devient Clément V à quarante ans et est sacré Pape à Lyon. Le Pape, qui parle la langue d’oc, accepte de ne plus soutenir l’influent et riche ordre des moines chevaliers des Templiers (Concile de Vienne)  pour attirer les grâces du puissant roi de France Philippe le Bel.

Ce Pape résida très peu en Avignon, préférant Malaucène, Carpentras ou Monteux. Il s’occupa, entre autres, de donner une place essentielle à la vigne dans notre région.

Il était déjà propriétaire de vignes à Pessac en Gironde, qui porte aujourd’hui le nom de « Château Pape Clément». Il participera ainsi à la première appellation viticole de France.

Pour l’anecdote, Yves Renouard nous précise qu’à cette époque, la consommation était de 2 litres et demi de vin par jour et par personne, et que le premier vignoble planté le fut à Malaucène au pied du Ventoux.

Mai 2024 N°29
Directeur publication : Roger PELLENC Responsable rédaction : Michèle GAMET Service COMMUNICATION
Michèle GAMET
tourisme

NEUF PAPES OCCITANS ONT RÉSIDÉ EN AVIGNON (SUITE)

C’est en 1310 que la seigneurie de Pertuis, déjà détachée du Comté de Provence, fut aliénée par Bernard de Sabran à Bertrand de Grot devenu le pape Clément V.

Le second Pape d’Avignon fut  Jacques Duèze, élu en 1316 au conclave de Lyon sous le nom de Jean XXII à l’âge de 72 ans. Ancien évêque d’Avignon, il continua d’habiter dans cette ville. Son histoire sera reprise par Maurice Druon dans les rois maudits. C’est lui, qui, pour agrandir ses possessions, acheta les baronnies de Valréas puis de Visan, que nous nommons toujours « Enclave des Papes ». Il passa son temps à résoudre des frondes, mais sut réorganiser durablement les finances de l’église. Malheureusement il expulsa et spolia les juifs et rasa leurs synagogues. Il mourut à 90 ans. Son architecte était Guillaume de Cucuron, qui entreprit l’agrandissement du Palais Papal.

La querelle entre les franciscains qui soutenaient la pauvreté dans l’église, contre l’opinion du Pape et des cardinaux, sera reprise par Umberto Eco dans le fameux roman «Le nom de la rose». Jacques Fournier fut nommé pape à sa suite, sous le nom de Benoit XII en 1335 par le cardinal Napoléon Orsini (cela ne s’invente pas). Il a été grand inquisiteur, mais il s’occupa essentiellement de la fortification du site devant les démarches belliqueuse de l’empereur Louis de Bavière, allié de l’Angleterre, qui avait fait nommer un anti-pape. Il faudra attendre Violet le Duc pour voir de vrais remparts à Avignon au XIX siècle.

Pendant ce temps la guerre de cent ans commençait.

En1342, Pierre Roger arrive, sous le nom de Clément VI, après avoir été le conseiller du roi de France, Philippe VI. Surnommé “le magnifique” pour les travaux d’embellissement de la ville papale qu’il fit réaliser par Jean de la Loubières, son architecte, il mena ses finances à la ruine. En 1343, il acheta Avignon à la reine Jeanne pour devenir indépendant de la Provence et uniquement terre Papale.

Il était à la fois pape et népote. Pour s’en convaincre, un exemple : son filleul et neveu devint cardinal à 11 ans !

Pendant ce temps, la peste noire faisait d’immenses ravages.

Etienne Aubert, né dans le Limousin, devient Innocent VI de 1352 à 1362. Réformateur brutal il essaya en vain de retourner à Rome. Il est pour beaucoup dans les accords de Brétigny entre Edouard III d’Angleterre et Jean le Bon qui offrent une trêve de 9 ans dans la guerre de cent ans.

Urbain V de 1362 à 1370, était né Guillaume de Grimard, abbé de saint Victor à Marseille où se trouvent ses cendres. Il essaya de retourner à Rome mais ne supporta pas la vie que lui firent vivre les Italiens. Il retourna mourir en Avignon. Son règne eut à résoudre des multitudes de problèmes internes, une croisade, et la Provence mise à sac. C’est le 200ème pape après Saint Pierre et le seul pape d’Avignon à avoir été béatifié.

Grégoire XI pape de 1371 à 1378, était né Pierre Roger dit de Beaufort. C‘est le neveu de Clément VI, jeune garçon qui pour ses 11 ans avait reçu, nous l’avons vu, le chapeau de cardinal. Vite on l’ordonne prêtre puis évêque et en 1371 il est Pape. Il rentrera à Rome en 1376 pour vivre une sanglante comédie à l’italienne qui donnera, à son décès, naissance au grand schisme d’Occident. Plusieurs fois il essaya de quitter Avignon et quand il réussit l’aventure il mit près de quatre mois de navigation. Trois jours d’escale à Port-Miou, puis Cassis, puis le Lavandou, puis saint Tropez… (il ne paraissait pas pressé).

Les papes schismatiques d’Avignon sont au nombre de deux. Clément VII, né Clément de Genève était déjà évêque à 19 ans. Couronné en 1378, il agran dit l’enclave des Papes. Je pense que c’est de lui dont Daudet parle dans la légende de “la mule du Pape” (recueil de lettres de mon moulin écrites avec Paul Arène.)

Benoit XIII 1394 à 1418. Il finit sa vie en Espagne où il s’était réfugié. C’est l’époque du grand n’importe quoi, puisque l’église se retrouve même avec trois papes !

Il semble qu’aucun de ces neufs papes n’ait pris le plaisir de séjourner à Pertuis.

Michèle GAMET

G.J.C. Sources: Dominique Palandilhe, jean Favier, Vincent Flacherie, Yves Renouard.

VIGNES ET VINS EN LUBERON : UNE TRES LONGUE HISTOIRE

Le vin à l’époque gréco et gallo-romaine

Il semble que la vigne, «vitis vinifera», ancêtre de tous les cépages mondiaux, ait poussé naturellement et spontanément chez nous depuis toujours sous forme de liane mais… les autochtones de l’époque auraient eu besoin d’envahisseurs plus ou moins pacifiques pour imaginer vinifier le raisin !

Il est vrai que le Caucase et la Mésopotamie sont les premiers pays à avoir cultivé la vigne et «inventé» le vin. Rien d’étonnant donc à ce que «la formule magique» nous soit arrivée du Moyen-Orient grâce aux grands voyageurs qu’étaient les Grecs ou les Etrusques.

C’est ainsi qu’il existe plusieurs hypothèses sur l’origine du vin en Luberon.

Ce dont on est sûr, c’est qu’il est apparu aux alentours du septième où sixième siècle avant J.-C. avec des aventuriers venant de la mer méditerranée.

Est-ce les habitants de l’ile de Rhodes débarquant près du Delta du Rhône?

Est-ce les Etrusques…

Est-ce les Phocéens arrivés à Marseille en l’an 600 avant J.-C.?

Les historiens évoquent toutes ces possibilités. Toujours est-il que les nouveaux colons ont cherché à agrandir leur fief dans l’arrière-pays méditerranéen, et que Massalia devint au cours des siècles suivants la principale puissance économique des côtes gauloises.

Les mêmes historiens sont unanimes pour dire que la culture de la vigne connaît une expansion systématique en Provence avec l’arrivée des romains entre 100 ans avant et 100 ans après J.-C.

Quelques objets retrouvés en Luberon témoignent effectivement de la présence de la vigne et du vin à l’époque gréco-romaine.

Par exemple les œnochoé et coupe retrouvées à l’est de Pertuis sur la colline des trois frères et conservées au musée d’archéologie de Marseille.

Mais ont-elles été amenées par les Etrusques ou les Grecs?

On retrouve à Ménerbes, le même type de récipient. En Apt, une série de bronzes vinaires de la même époque, tandis que, plus tardive, une baignoire romaine sert de fonds baptismaux à l’église de Cadenet.

On peut citer également le fameux bas-relief trouvé à Cabrières d’Aigues, représentant une barque tirée depuis la rive et qui transporte tonneaux et amphores, daté de l‘époque romaine (2ème siècle), conservé au musée Calvet en Avignon.

Ce transport du vin sur la Durance ou sur le Rhône, est un témoignage de l’utilité de la voie fluviale pour commercer dans la région. C’était un levier fort de l’économie.

Le domaine Val Joannis à Pertuis a des origines gallo-romaines, ainsi que d’autres villae répertoriées à Villelaure, Ménerbes, Cucuron, mais aussi dans le Luberon nord. La villa découverte à Pertuis lors des fouilles rue Léon Arnoux, il y a quelques années, a été datée du troisième siècle, et les analyses des amphores retrouvées sur les lieux font apparaître qu’elles avaient contenu non pas du vin mais du jus d’argousier, très riche en vitamine C.

Le vin et l’église catholique.

C’est avec le développement du catholicisme que la vigne et le vin se sont largement développés en Provence. Dès le troisième siècle, le vin, symbole du sang du Christ, a été utilisé pendant les messes, de même que le pain, symbole du corps du Christ.

Ce sont les ordres religieux, propriétaires de terres cultivables, qui ont commencé à planter de façon régulière et en abondance des pieds de vigne.

On retrouve quelques dates dans les archives des églises, comme celle de juillet 852 où il est écrit que l’évêque de Sisteron fait don à l’évêque d’Apt, Paulus, de parcelles de vigne situées à Saignon.

De même au Xème siècle, l’abbaye de Montmajour à Pertuis reçoit des terrains pour planter des vignes, proches de la Durance.

Au XIIIème siècle, le Château de Mille, entre Apt et Bonnieux, est le premier domaine viticole en Luberon. Il est attesté de son existence en 1238 dans les archives papales d’Avignon.

Il est vrai que l’on y a découvert une cuve de foulage taillée dans la roche datée d’avant J.-C.

Mais c’est surtout avec les papes Urbain V et Grégoire XI, comme il a été dit dans le précédent article, que le vignoble prospère.

VIGNES ET VINS EN LUBERON : UNE TRES LONGUE HISTOIRE

(SUITE)

L’évolution du vignoble à travers les siècles suivants

Au XIVème siècle Louis II comte de Provence, roi de Naples et de Sicile et également duc d’Anjou, vend aux Boulier Cental, barons de la Tour d’Aigues de nombreuses terres à Mérindol, Vaugines, Lourmarin, Cabrières d’Aigues et d’autres encore dans tous les villages proches.

Dès 1399; celui-ci fait venir du piémont italien des paysans de religion vaudoise pour cultiver les terres, et donc la vigne. Les abbayes prospèrent et les nobles gèrent de nombreux domaines.

Enfin le Roy René au XVème siècle, grand amateur de vin, fait progresser la culture de la vigne dans tout le pays d’Aix et notamment à Pertuis.

Période difficile au XVIème avec le massacre des Vaudois, les guerres de religion, et la fin d’une époque heureuse. Il faut attendre le XVIIème et XVIIIème pour que la vie reprenne ses droits.

Les exploitations viticoles ne sont plus désormais le seul apanage des religieux et les propriétés commencent à s’agrandir.

On laboure, on plante, on taille, on classifie les cépages, on vendange, on vinifie ! On approfondit les connaissances et l’état royal encourage les améliorations dans les méthodes de culture : un édit de Turgot, ministre de Louis XVI exempte d’impôts pendant 15 ans les terres nouvellement défrichées pour la vigne (1770). Il établit un cadastre. Et la cartographie de la France entière, créée de 1756 jusqu’en 1815 par la famille Cassini, permet de visualiser le vignoble partout, y compris dans le Luberon.

Au XIXème la monoculture de la vigne commence à s’imposer : on produit plus, et grâce au chemin de fer, on exporte. Mais voilà le phylloxera (puceron très nuisible) parasite la vigne et la détruit rapidement !

Le vignoble disparaît et engendre une pénurie de vin, non seulement en France mais partout en Europe. Une véritable catastrophe pour les vignerons ! Mais « cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage». Grâce à l’importation de greffon américain très résistant. on replante, la vigne repousse. À ce propos, il faut signaler que c’est Henri de Savournin, Lourmarinois, qui a inventé la greffe elle-même des portes greffe américains. Il a aussi initié dans tout le Luberon la taille courte sur charpente longue, dite «cordon de Royat» développée en Ariège au XIXème siècle.

Il est bien légitime que sa statue figure dans son village. Au début du XXème siècle, la culture de la vigne devient «industrielle » : plantation en ligne, palissage, traitements, tailles spécifiques.

Mais alors, surproduction ! L’idée de la coopération germe à ce moment-là, pour aider les producteurs qui sont au bord de la ruine ! C‘est ainsi que naissent les premières caves coopératives et notamment la première en Luberon, celle de Bonnieux en 1920. Celle de Pertuis arrivera en 1922.

En 1988 l’A.O.C «Côtes du Luberon» est attribuée à 36 communes, la plupart dans le Parc Naturel Régional, et on nous rattache aux Côtes du Rhône. Puis ce sera l’appellation d’origine protégée Luberon, tout simplement. Au XXème siècle naît l’œnologie, et plus récemment l’œnotourisme. Les vins du Luberon ont acquis une certaine notoriété et le territoire est devenu un haut lieu du tourisme tant régional que mondial ! Aujourd’hui, il existe 64 domaines particuliers dans l’appellation, dont 5 à Pertuis : Val Joannis, Le Grand Callamand, Le Collet Vert, La Petite Sable et le tout nouveau domaine Saint Jean. 10 caves coopératives et l’Union des caves Cellier de Marrenon cohabitent sur l’ensemble du territoire.

Cependant une législation restrictive et le goût des nouvelles générations, qui préfèrent la bière et les alcools forts, pèsent sur les producteurs. Il va falloir innover et faire preuve d’une imagination fertile pour perdurer... Mais la vigne continue de pousser et les vignerons sont tenaces… Avec derrière eux plus de deux millénaires d’ancienneté, gageons qu’ils n’ont pas dit leur dernier mot !

Michèle GAMET et Roger RAVOIRE pour Patrimoine à Venir

Magazine gratuit (Hôtel de ville rue Voltaire CS 737 84120 Pertuis) Dépôt légal : Janvier 2015, ISSN 1776-9671

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