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Carpocapse du pommier

Ravageur redoutable des pommiers, le carpocapse est le ravageur ennemi numéro 1 des arboriculteurs. Il est parfois accompagné d’autres tordeuses qui rendent les fruits impropres à la consommation et compliquent la lutte insecticide. C’est pour cette raison que les arboriculteurs la combinent avec des méthodes prophylactiques et des solutions de biocontrôle, notamment par confusion sexuelle, adaptées aux nouvelles exigences de production et de compétitivité.

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Types de dégâts

Sa simple présence au niveau d’un verger se traduit par un déclassement des lots de fruits, voire une impossibilité de mise sur le marché.

- Attaques actives : Entrées des larves avec défécations visibles de l’extérieur causant souvent la chute des fruits. Galeries en spirales sous l’épiderme évoluant profondément jusqu’aux pépins. - Attaques tardives : pénétrations avec auréoles rouges, pas de sciure externe (fin août - septembre); - Attaques stoppées : taches brunâtres de 2 à 3 mm recouvrant une zone subérisée, pas de galerie interne; - Attaques cicatrisées : formation d’un tissu cicatriciel quelquefois proéminent à l’endroit d’une ancienne attaque arrêtée. A noter que les points d’entrée de la larve s’établissent fréquemment au contact de deux fruits ou d’un

fruit et d’une feuille. Sur poire, il est fréquent que ce point de pénétration soit dans la cavité de l’œil. En matière de sensibilité aux agressions, le pommier est vulnérable durant toute la période d’activité de l’insecte.

Stratégie de lutte intégrée

La lutte contre le carpocapse rentre dans une stratégie globale de gestion du verger et de ses abords. Pour maintenir les dégâts du carpocapse à un niveau économique tolérable, le raisonnement de la lutte doit s’articuler principalement autour de :

- la bonne connaissance de sa biologie - la surveillance de l’activité des ravageurs afin d’assurer la planification adéquate de l’application des pesticides ; - la combinaison de mesures biologiques, culturales, mécaniques… - la lutte chimique faisant appel à

un choix d’insecticides sélectifs et de traitements localisés ;

La prophylaxie :

- L’utilisation de l’huile blanche, durant l’hiver, permet de réduire la population d’adultes durant la saison. Ce traitement vise à réduire fortement les chrysalides de carpocapse, hivernant au niveau des fissures de l’écorce. - Elimination des fruits touchés pour réduire la population des nouvelles générations. - Un des objectifs des méthodes prophylactiques est d’empêcher la larve d’hiverner. Mieux vaut alors utiliser des palox en plastique car les palox en bois constituent des foyers où la larve se conserve. Evitez ainsi de stocker des palox en bois à proximité des arbres. - Surveillez les zones voisines des vergers, notamment les endroits éclairés qui attirent ces petits insectes. D’ailleurs, si vous vous situez dans une zone à forte pression en carpocapse, attention aux plan

Diffuseur de phéromone de confusion sexuelle

tations près des routes éclairées.

Le piégeage sexuel pour l’estimation du risque

Simple à installer en verger, ce procédé d’avertissement est une des techniques à mettre nécessairement en œuvre afin de mieux diriger la lutte anti-carpocapse. Pour cela, il est recommandé dès fin mars et jusqu’à la récolte, de placer des pièges selon une méthode bien précise. Bien exécuté, le piégeage sexuel précède le risque encouru par la parcelle et permet de prendre en compte les déplacements des papillons. Les contrôles visuels, outils supplémentaires d’estimation du risque, doivent être effectués tous les 10- 15 jours sur 1.000 fruits pris sur 50 arbres dont 20 situés en bordures. Lors de ces comptages, il est recommandé d’examiner particulièrement les fruits groupés.

La décision du traitement

Sous le régime de la lutte intégrée et de la gestion raisonnée d’un verger, l’agriculteur est amené à prendre des décisions de nature stratégique pour intervenir dans la conduite phytosanitaire. Il doit à priori tenir compte des niveaux des populations de ravageurs effectivement présents pour décider de l’opportunité d’un traitement à faible répercussion écologique, de manière à sauvegarder autant que possible, les organismes auxiliaires. On voit ainsi apparaître les notions de seuil de tolérance et de nuisibilité, c’est-à-dire des insecticides épandus à bon escient et lorsque les populations de ravageurs dépassent le seuil d’intervention.

Choix et positionnement des produits

La qualité de la lutte contre la première génération est décisive pour la sauvegarde de la récolte car les dégâts peuvent être décuplés entre le premier et le deuxième vol. Pour s’en prémunir, la couverture insecticide doit être permanente durant la période de risque précisée par le piège sexuel. En matière de lutte, deux possibilités s’offrent au producteur : - lorsqu’il opte pour un traitement ovicide, la durée probable de ponte des femelles est d’une semaine. En conséquence, il faut intervenir dès que le seuil est atteint en cas de population faible ou dès les premières captures quand les populations sont abondantes ; - lorsqu’il penche pour un insecticide à effet larvicide, il faut attendre 5 à 7 jours après le dépassement du seuil de manière à réprimer les jeunes larves issues des premiers et derniers œufs pondus.

Principes de raisonnement

- bien estimer à la parcelle le niveau de populations par piégeage, par notation sur fruits en fin de G1, à la récolte et par bandes pièges - sur des populations fortes, privilégier les organo-phosphorés ‘’durs’’ au moins durant les périodes à haut risque et surtout sur le 1 er vol et ne faire revenir une famille d’insecti cides qu’après 3 voire 4 générations - utiliser les produits ‘’doux’’ uniquement sur les populations faibles à moyennes - rechercher s’il y a des trous de couverture en comparant la période de protection au risque global et aux données de piégeage des parcelles ; - maintenir une cadence d’interventions de 10-15 jours pour la majorité des produits. En août, par fort ensoleillement, cette cadence peut être baissée à une semaine en cas de risque (forte pression du ravageur). - il est important de bien traiter la première génération pour limiter la nuisibilité des autres généralement plus difficiles à contrôler en raison du stade baladeur très court. - envisager des tests de résistance. La gestion des résistances aux produits phytosanitaires est importante pour lutter contre le carpocapse. Les arboriculteurs ne doivent pas utiliser les mêmes familles chimiques en G1 et en G2. Le choix d’une famille se fera en fonction des autres ravageurs, des effets sur les auxiliaires, du délai avant récolte des produits.

La confusion sexuelle

La confusion sexuelle fait partie des techniques de protection intégrée pratiquée contre les bioagresseurs. Contrairement à la lutte chimique classique, elle perturbe le comportement sexuel des ravageurs et limite leurs accouplements. Pour ce faire, des diffuseurs (en capsules/ languettes ou en aérosol) posés en divers endroits dans la culture

émettent une substance (phéromones) qui perturbe la reconnaissance des femelles par les mâles, troublant ainsi leur réunion. Les phéromones ciblent l’insecte à son stade reproducteur (le papillon adulte) pour l’empêcher de donner naissance à la forme destructrice. Les phéromones utilisées pour dé router les mâles sont spécifiques des espèces et donc extrêmement sélectives. Elles ne sont généra lement pas toxiques et n’ont pas d’effet sur les autres insectes. Il est important de comprendre parfai tement cette différence fondamentale avant d’entreprendre un programme de confusion des mâles. L’introduction, dans l’atmosphère de la culture, de quantités de phéromones sexuelles synthétiques suffisamment importantes empêche les mâles de localiser les femelles : · En masquant les traînées de phéromones naturelles émises par les femelles ; · En altérant la capacité des mâles à répondre aux femelles appelantes ; · En faisant suivre aux mâles des « fausses pistes de phéromones » qui les empêchent de rejoindre les femelles. Dans le cas du Carpocapse, par exemple, les accouplements sont moins nombreux et les chenilles responsables des dégâts le sont aussi. Un des gros avantages de cette pratique est la réduction d’une manière subtile de l’intensité de la lutte chimique, voire la proscription totale de l’usage des insecticides contre le ravageur soumis à ce traitement de désunion sexuelle. La confusion sexuelle est une alternative intéressante à la lutte chimique dans un programme de production intégrée. Son adoption devrait constituer une étape importante dans l’amélioration des pratiques agricoles conciliant productivité et respect de l’environnement, tout en maintenant la confiance des consommateurs des fruits. La mise en œuvre de la confusion sexuelle obéit à des modalités précises concernant à la fois les niveaux de population des ravageurs, l’organisation de l’opération, la préparation de la parcelle, la fixation des diffuseurs sur les arbres et le contrôle de la pression pendant la saison dans le verger «confusé». Si l’une de ces obligations n’est pas respectée, les conséquences peuvent être désastreuses ou tout simplement aller à l’encontre de l’objectif souhaité. A l’intérieur d’un écosystème où de très nombreuses sources de phéromones sexuelles ont été introduites, la probabilité que les mâles rejoignent les femelles est réduite, de même que la probabilité que les accouplements soient productifs. De deux choses l’une, soit les accouplements ont lieu plus tard (ce qui diminue la fécondité globale de l’insecte), soit ils n’ont pas lieu du tout. Les noctuelles femelles qui n’ont pas été fécondées pondent des œufs stériles et celles qui ont été fécondées tardivement n’auront plus le temps de pondre autant d’œufs avant de mourir. Il s’ensuit une diminution des effectifs de la génération suivante et du nombre des larves qui sont susceptibles de ravager la culture.

Une des limites de la confusion sexuelle reste les vergers isolés, inférieurs à 3 ha, ou trop proches des lumières des villes avec des populations importantes de papillons. La réduction des insecticides a aussi renforcé la présence d’autres papillons nuisibles, comme les tordeuses, d’où le développement de la double confusion carpo-tordeuses, même si des essais doivent être encore faits.

Biocontrole

A travers le monde, il existe diverses solutions de biocontrôle contre le carpocapse, parmi lesquelles : - les diffuseurs de phéromones pour perturber l’accouplement - l’utilisation du virus de la granulose (mais des populations de carpocapses sont devenues résistantes) ou de Bacillus thuringiensis. - Il existe également une méthode de protection alternative basée sur l’utilisation de filets pour établir une barrière physique autour des arbres. La technique peut se décliner en deux configurations mono-rang chaque rangée d’arbres est enveloppée et mono-parcelle, le verger est englobé dans son intégralité.

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