Arboriculture
Les phéromones sexuelles, au cœur de la lutte contre certains insectes ravageurs des fruitiers André Sansdrap, Le Sillon Belge
La découverte et la caractérisation des phéromones ont permis le développement de nouvelles méthodes de lutte contre les insectes, en alternative aux moyens de lutte chimique. À l’heure actuelle, plusieurs techniques reposent sur ces composés, du piégeage à la confusion, et sont disponibles pour les professionnels.
D
ans la lutte contre les insectes ravageurs des cultures, l’usage d’insecticides s’est développé fortement après la deuxième guerre mondiale. Mais à côté de son efficacité, cette stratégie a rapidement montré des limites et des inconvénients : persistance dans l’environnement, apparition de résistance, spectre d’action trop large par exemple. La nécessité est apparue de développer d’autres stratégies de lutte, notamment en intervenant dans les systèmes de communication entre insectes. La plus étudiée est le message chimique par lequel les femelles attirent les mâles en vue de s’accoupler. D’autres stratégies visant à interrompre le cycle de reproduction d’un insecte, comme le piégeage lumineux, le piégeage alimentaire ou le lâcher de mâles stériles, ont également été étudiées.
Que sont les phéromones ?
Les messages chimiques envoyés par des insectes à leurs congénères ont été appelés « phéromones », du grec : « porter une excitation ». Ils sont de plusieurs ordres : – où trouver de la nourriture : phéro-
48
Agriculture du Maghreb N° 129 - Juillet / Août 2020
mone de piste, ou d’itinéraire ; – rester en groupe : phéromone d’agrégation ; – ce territoire est le mien : phéromone d’évitement ; – je suis agressé : phéromone d’alarme ; – je suis un mâle – je suis une femelle, et je cherche une/un partenaire : phéromone sexuelle. La première phéromone sexuelle a été identifiée en 1958 par l’équipe de Butenandt chez le ver à soie (Bombyx mori). Avec les techniques d’analyse de l’époque, ils durent utiliser près de 500.000 femelles pour identifier la molécule en cause. En 1971, une équipe américaine identifia la phéromone sexuelle du carpocapse des pommes et des poires (Cydia pomonella). Depuis lors plusieurs centaines de phéromones différentes ont été identifiées, puis produites par synthèse. On en compte plus de 250 distribuées dans les milieux professionnels concernés.
Leurs caractères généraux
Les phéromones comptent plusieurs caractères généraux : - la spécificité : le message envoyé
par un individu n’est compris que par d’autres individus de la même espèce. Lorsque le message est compris par plusieurs espèces, on parle alors de « kairomone » ; c’est par exemple le cas des substances attractives ou répulsives émises par des plantes et reçues par des insectes. - une très grande sensibilité : quelques molécules reçues par les antennes de l’insecte suffisent à donner le message. À l’inverse, il existe aussi des substances appelées « bio-olfacticides » ; leurs molécules se fixent sur les récepteurs olfactifs des antennes qu’elles saturent et rendent insensibles aux odeurs. - une très faible persistance : dans le milieu naturel, les molécules de phéromones se dégradent rapidement, en quelques jours, sous l’effet de la chaleur et du rayonnement. Ce point est important à prendre en compte dans les stratégies d’utilisation : des dispositifs de diffusion lente ont été mis au point afin d’allonger la durée d’action des phéromones. - une composition chimique très complexe : une phéromone se compose généralement de plusieurs substances chimiques, le plus souvent deux
www.agri-mag.com