N°4
© Aaron Amat
NO PAIN NO GAIN N°4
LE SPORT, DE ZÉRO À L’INFINI
NO PAIN NO GAIN
JUSQU’OÙ SONT-ILS CAPABLES D’ALLER ? 5MAGAZINESEN1 | 252 PAGES 108
LES MONDES ENGLOUTIS
ultra
154
ENTRAÎNEMENTS EXTRÊMES
ultra
198
LE MENTALISTE
ET AUSSI : JO SOTCHI 22p | ETIENNE KLEIN | AROMATHÉRAPIE | ALLURE SPÉCIFIQUE
L 17574 - 4 - F: 12,00 € - RD - Belgique : 12,90 €
LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
ultra
ABSOLU
62
TOP-CHRONO
EXPLORATIONS SAHARIENNES
ultra
GLOBE-TROTTER
20
ÉQUILIBRE
UNDERGROUND
ultra
MARS - AVRIL 2014
Par Philippe Billard
SVODOBA
vez-vous pleuré lorsque Mel Gibson a hurlé « Libeeeeeeertéééééé » pendant au moins 3 mn 24 s à la fin de Braveheart, juste après s’être fait écarteler et avant de se faire couper la tête ? Les frissons dansent certainement le long de votre échine lorsque vous entendez Aretha hurler « Freeeeeeedooooom » : « Réfléchis, laisse ton esprit s’évader, reprends ta liberté… » Et que pensez-vous de ce mot étrange placé sournoisement juste avant « égalité » et « fraternité » ? C’est quand même bien trouvé, non ? Dans toutes les langues, ce mot est beau. Dans toutes les langues il sonne bien : libertad, freiheit, libertà, libertas, erkh chölöö, svatantratā, wolność… écoutez ces douces sonorités qui sentent bon. On pourrait presque les toucher. N’est-il pas soyeux, ce inkululeko1 des Zoulous ? En Russe aussi il existe : svoboda. Et le plus drôle, c’est que ça se dit pareil qu’en Ukrainien. Non, je ne vais pas casser l’ambiance post- Sotchi2, qui n’est déjà pas terrible. En Kenyan, « freedom » et « uhuru » résonnent sans doute en continu dans la tête d’Edward Kimosop3, réfugié en France depuis quelques mois. Sans vraiment l’avoir cherché, « svodoba » et « uhuru » traversent les pages de cet épisode IV d’Ultra Magazine. La physique généreuse d’Etienne Klein, les Minimiams, les doigts de fée de Roselyne Lombardi, les mondes engloutis de Pierre-Éric Deseigne, le droit de s’entraîner dur, de jouer avec son cerveau, le confort d’une pensée généreuse qu’on peut traduire par des actes, le choix de partir, ou de rester… On est bien quand même. En tout cas, on n’est pas trop mal. Évidemment, on ne peut pas grand-chose, si ce n’est nous-même nous comporter en modestes véhicules d’une pensée saine et sereine. Quand nous bougeons, quand nous oublions nos croyances limitantes4, nous mon- (1) Ok j’avoue : http://translate.google.com trons l’exemple de la liberté. Pour (2) Allez quand même voir en page 10 Suite du jeu de piste : page 28 ne pas oublier le reste du monde, (3) (4) Allez une p’tite dernière : page 172 appelons-la svodoba, rappelons-la uhuru. Et véhiculons.
© eugenesergeev - Fotolia.com
# 4 • MARS-AVRIL 2014
2
3
ULTRA MAG : MODE D’EMPLOI
CURIOSITÉ CULTURE, SOCIÉTÉ, MONDE, ART, ÉCONOMIE
ÉQUILIBRE
RESPECT SANTÉ, FORME, BIEN-ÊTRE, VIGUEUR
102
UNDERGROUND
ZÉRO
L’objet que vous tenez entre les mains va vous surprendre. Pour en tirer la quintessence, lisez cette page qui vous permettra de comprendre en un coup d’œil comment s’articule le « MOOK ».
TOP-CHRONO
EXCELLENCE PERFORMANCE, AMÉLIORATION, PRÉPARATION, ACCOMPLISSEMENT
ABSOLU
AU-DELÀ ULTRA, EXTRÊME, RECORD, FRISSON, OBSESSION
SOMMAIRE TEMPS FORTS ET SOMMAIRE D’UNIVERS
108
# 4 • MARS-AVRIL 2014
PLAISIR VOYAGE, ÉVASION, AILLEURS, PARTAGE
INFINI
GLOBE-TROTTER
104
4
Ultra Mag est un MAG Ultra Mag est aussi un BOOK Ultra Mag est un MOOK !
5 MAGAZINES EN 1 Parce que quand on est ultra, un magazine c’est trop peu, nous avons décidé de vous proposer 5 mags en 1 .
EN COUVERTURE
LES GRANDS RÊVES NÉCESSITENT DE GRANDES BATAILLES © Aaron Amat - Fotolia.com
CONTRIBUTEURS : Alexis Berg, Christophe Le Saux, Eric Legat, Marion Lorblanchet, Stéphane Misfud, Françoise Rapp, Samuel Rauline, Stéphane Ricard, Jacques Sirat, Romain Valentin, Jean-Marie Maillet, 2013 Metropolitan Filmexport, Raidlight, Nicolas Raymond, snd, www.media.universalpictures.fr, Erica Guilane-Nachez, Gajus, Catthesun, Snowwhiteimages, Maridav, Iko, Dmytro Tolokonov, Paipai, Pixel & Création, Lijuan Guo, Yvann K, ARochau, Nicolai Korzhov, Camellia Menard, Prod. Numérik, Graphies.tèque, Pierre-Éric Deseigne, Vasily Merkushev, Dmitry Saparov, Minicel73, ARochau, Erica Guilane-Nachez, adisa, Sebastian Duda, Igor Kovalchuk, Cor Vos Photo, DPPI ASO, Albert Schleich, JM Gueye, Romuald Payraudeau, Stefan Schurr, Jurgen Falchle, Barbara Pheby- Fotolia.com, Ekler, Girodjl, Sochi 2014, Thierry Hoarau, Deymos, Maceo, Odina, jovannig, Ben Keith, Maridav, sborisov, Pictorius, starmaro, fovivafoto, Brian Jackson, Lao Yao, skyfotostock, WavebreakMediaMicro, tovovan, Fotolia.com. Impression : Rotimpress S.A. – Plat de l’Estany S/N – 17181 Aiguaviva (GIRONA).
Dépôt légal : 3e trimestre 2013. Commission paritaire : 1118 K 92061. ISSN : 2268-9869. Licence : Ultramag est sous licence Creative Commons : vous êtes libre de reproduire, distribuer et communiquer cette création au public à condition de 1/ citer la source 2/ pas d’utilisation commerciale 3/ pas de modification. Les documents reçus par la rédaction ne sont pas rendus et leur envoi implique l’accord de leur auteur pour leur libre publication sous licence CC.
LE SPORT DE ZÉRO À L’INFINI
Internet : Ultramag, c’est aussi le site internet dédié à l’ultra sous toutes ses formes. Infos au quotidien, articles de fond, utilitaires pour le sportif, plate-forme communautaire : inscrivez-vous et partagez sur internet votre expérience avec une communauté qui comprend vos préoccupations.
INDEX DES COURSES Retrouvez en page 240 le listing de toutes les épreuves dont nous parlons dans le mag, un moyen simple de retrouver la course que vous avez faite.
L’ARTICLE « GRAND ANGLE »
GLOSSAIRE
Une thématique traitée transversalement dans tout le magazine, selon l’angle approprié à chaque univers ; ce mois-ci, le Kilomètre lancé.
Une astérisque (*) dans un article ? Filez en page 244 pour retrouver l’explication du mot ou de l’acronyme.
LECTURE AUGMENTÉE
COLLABORATEURS : Aïcha Bahcelioglu, Christophe Berg, Anthony Berthou, Frédéric Brigaud, Cyril Bussat, Jean-Luc Cadenel, Pierre-Éric Deseigne, Fabrice Ferra, Joe Gaulbaire, Antoine Guillon, Sophie Macheteau, Guillaume Millet, Hélène Morisseau, Gildas Penverne, Mélanie Piau, Camille Jacob.
LE « MOOK »
Un sommaire des temps forts du mag en page 6 + un sommaire détaillé pour chacun des univers.
Téléchargez l’appli Ultramag sur l’Appstore. Lancez. Cadrez. Appréciez.
Édité par la société Ultramag au capital de 5 000 € - 4 rue de Berri, 75008 Paris. Directeur de publication Philippe Billard (p.billard@ultramag.fr) | Rédacteur en chef Emmanuel Lamarle (e.lamarle@ultramag.fr) | Secrétaire de rédaction Jean-Marie Gueye (jm.gueye@ultramag.fr) | Directrice artistique Anne-Emmanuelle Fizel (ae.fizel@ultramag.fr) | Dessinateur Régis Coquemont | Relecture Jean-Marie Gueye | Référent Underground Jean-Philippe Lefief Référent Équilibre Laurent Vercueil Référent Globe-trotter Nathalie Lamoureux Référent Top chrono Vincent Delebarre Référent Absolu François Castell | Contact redaction@ultramag.fr.
BONNE LECTURE !
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BULLETIN PAGE 213 OU PAR INTERNET
6666 Occitane 179 Amphora 159 Andorra Ultra-Trail 215 Cave Xplorer 115 Eco-Trail de Paris 245
FHM 251 Holiste 73 Ultra Mag 213 Vibram Five Finger 252 WAA 27, 203, 241
5
SOMMAIRE
TEMPS FORTS
CULTURE
SANTÉ
ÉVASION
PERFORMANCE
ULTRA
underground
équilibre
globe-trotter
top-chrono
absolu
8
50
92
138
184
10 |
52 |
94 |
140 |
186 |
JO DE SOTCHI : QUE PEUT-ON SAUVER ?
JO DE SOTCHI : LA RANÇON DE LA GLOIRE
JO DE SOTCHI : LA CITÉ DÉGLUTIE
JO DE SOTCHI : LA VICTOIRE EST EN LUI
JO DE SOTCHI : UN SHERPA AUX JO
20
62
104
152
196
L’EXPLORATION DU SAHARA
LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
LES MONDES ENGLOUTIS
ENTRAÎNEMENT EXTRÊME
MENTALISME
32 LA PAROLE À ETIENNE KLEIN
74 SE RESPECTER L’EFFET PAPILLON
116 LE BAROUDEUR JACQUES SIRAT
172 TOUT DANS LA TETE LES CROYANCES
204 DÉFI 6 JOURS À VÉLO
44 PORTFOLIO MINIMIAM
88 PORTFOLIO DOIGTS DE FÉE
122 OFFCOURSE PARIS BY NIGHT
180 PORTFOLIO SOIS AGILE DANS L’ARGILE
216 PORTFOLIO ICE-TRAIL TARENTAISE
5 MAGAZINES EN 1
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SOMMAIRE
20
2000 ANS D’EXPLORATION
9
10
10 Grand Angle JO de Sotchi : que peut-on sauver ?
20 Dossier : L’exploration du Sahara
14 Courrier des lecteurs
28 La tête et les jambes : Edward Kimosop
16 Actus
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INSPIRATIONS PASSAGÈRES
28
32 La Parole à… Etienne Klein
32
38 Inspiration : Invictus 40 Thema Cinéma : Le Loup de Wall Street 44 Portfolio : Minimiam
UNDERGROUND
UNDERGROUND
ÉLARGIR SON HORIZON
« Ce que je préfère, c’est aller où je ne suis jamais allée. » Le credo d’Ultra Mag n’a jamais été aussi bien incarné que par Diane Arbus, la « photographe des freaks ». Comme elle, nous cherchons l’extraordinaire dans la banalité du quotidien et comme elle, nous essayons de déceler l’humanité dans l’anormalité apparente. L’exemple qu’elle a donné, son intrépidité, son absence totale de crainte lorsqu’elle immortalisait tout ce que la société essayait d’oublier, c’est nous ! Non, ce n’est pas nous, pas encore, mais nous avons cet élan irrésistible de parvenir à capter la vie brute comme l’ont fait les grands reporters de rue. La folle empathie de Diane, l’humour animal d’Elliott Erwitt, l’œil multicolore et ravageur de Martin Parr, la maîtrise de l’instant décisif façon Cartier-Bresson, le refus du consensus de William Klein. Voilà vers quoi nous voulons vous mener, vers quoi nous voulons aller avec vous. Nos armes sont les mots et les images. Mais les mots sont des images, et vice-versa. Nos champs d’investigation sont illimités, puisque nous cherchons absolument partout la source d’inspiration qui nous donnera envie de marcher un pas de plus, ou même un premier pas, mais certainement pas un dernier. Avant de vous jeter à corps perdu dans l’Underground Mag de ce mois-ci, commencez par les « Minimiams » de Pierre Javelle et Akiko Ida. Un voyage surprenant qui bouscule la conscience du grand, du petit, du loin et du proche. Un défi sportivo-culinaire improbable dans lequel se mélangent mouvement et fixations. Si vous n’y êtes jamais allé, allez-y donc maintenant.
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
# 4 • MARS-AVRIL 2014
10
Peut-on sauver le soldat Sotchi ?
Sochi 2014
Par Philippe Billard
Démesuré, impressionnant, luxueux… La Russie a voulu faire des JO de Sotchi une arme promotionnelle nationale et internationale. Mais les superlatifs ont explosé comme une bombe, et la plupart des observateurs fustigent une catastrophe politique, économique, et environnementale.
L
es premiers athlètes arrivés sur place ont été bluffés. Chambres ultra luxueuses, installations flambant neuves et… portiques de sécurité omniprésents, avec les forces de l’ordre qui vont avec. Si les spécialistes1 s’accordent à dire que les problèmes internes des pays organisateurs disparaissent de la scène médiatique lors de manifestations telles que les Jeux Olympiques, difficile à Sotchi de faire semblant de ne pas « voir ».
RECORD OLYMPIQUE DES DÉPENSES Ce qui frappe en premier, c’est ce chiffre : 37 milliards d’euros investis dans les installations et la sécurité. C’est plus que tous les JO d’hiver réunis, depuis leur création, et c’est encore plus de 10 milliards au-dessus des JO de Pékin en 2008, jusqu’alors les plus chers de l’histoire. Une somme monstrueuse destinée aux équipements sportifs, certes, mais également aux accès routiers, et à la sécurité. Pour Sotchi, la Russie a mobilisé l’armée, et 37 000 policiers. L’accès routier aux deux ensembles comprenant onze sites olympiques est limité pour les véhicules, toutes les communications internet et téléphoniques sont surveillées, et de vastes zones de la région sont purement et simplement interdites. Côté mer, la navigation est limitée et un système radar a été déployé pour détecter d’éventuels sous-marins2. De nombreuses voix se sont élevées contre l’organisation des Jeux à Sotchi. La station balnéaire est en effet nichée entre la mer Noire et la chaîne de montagnes du Caucase. Cette dernière est l’espace de repli de nombreux groupuscules armés, dont certains ont menacé de commettre un attentat pendant les festivités olympiques. Nikolaï Petrov, professeur à l’école supérieure d’économie de Moscou se fend, sur le site du Monde3, d’une analyse brûlante : « Les Jeux Olympiques d’hiver ont été programmés pour mettre en évidence les réussites de Vladimir Poutine à l’échelle nationale, d’une façon générale, et comme un moyen de résoudre les problèmes du Caucase, en particulier. » Ainsi, il note que Saint-Pétersbourg a été l’objet de rénovations à l’occasion du G8 en 2003, puis ont suivi, de la même manière, Vladivostok en 2012, Kazan en 2013, et la coupe du monde de Football viendra quant à elle en 2018. Redorer son blason en communiquant sur des rénovations spectaculaires, voilà la stratégie déployée. Sochi 2014
Underground : Peut-on sauver le soldat Sotchi | 10 Equilibre : La rançon de la gloire | 52 Globe-Trotter : Sotchi, la cité déglutie | 94 Top Chrono : La victoire est en lui | 140 Absolu : Un sherpa aux JO | 186
37
MILLIARDS D’EUROS INVESTIS
Sochi 2014
# 4 • MARS-AVRIL 2014
12
De fait, les travaux pharaoniques répartis sur les onze sites olympiques ont nécessité, pour se dérouler correctement, d’amender la loi russe sur la protection des espaces naturels4. Une autoroute de 48 km et une voie de chemin de fer ont été construites, qui n’auront plus aucune utilité après les JO. Le déversement de déchets dans la rivière ainsi que le déplacement de son lit à certains endroits a eu pour conséquence directe la disparation du saumon de la mer Noire. Les organisateurs des jeux auraient réintroduit trois millions de larves de poissons, mais les observateurs locaux, eux, constatent que toute faune a disparu de la rivière. Point positif lié à l’environnement : le système d’égouts de Sotchi a été rénové, ce qui a permis de mettre fin au rejet des eaux usées directement dans la mer. Malheureusement la plupart des maisons de la ville ne seraient pas reliées au nouveau système de traitement des eaux.
ÉVOLUTION DES MOEURS
UN DEMI-TREMPLIN POUR LES FEMMES Comme pour toutes les injustices, aucune raison ne permet de comprendre l’incompréhensible : pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas participer aux épreuves de saut à ski ? Cette question, on peut désormais la conjuguer à l’imparfait. Interrogée par le Point, une ancienne sauteuse, Virginie Reynaud, se rappelle : « On nous disait parfois qu'on ne pouvait pas nous emmener en compétition, parce qu'on coûtait plus cher que les garçons, que notre masse grasse était trop importante pour sauter... » La discipline était considérée comme dangereuse pour les femmes, certains expliquant même qu’elle pouvait endommager leurs organes génitaux et les rendre stérile. Pour la première fois dans l’histoire des Jeux Olympiques, les dames ont pu sauter du tremplin. Le combat n’est pas gagné, loin de là, puisqu’elles n’ont eu droit qu’au petit tremplin, et que seules les 30 premières de la coupe du monde de la discipline ont pu s’aligner. Les hommes, eux, ont droit au grand tremplin également et peuvent concourir par équipes. Si vous comprenez quelque chose…
© Vasily Merkushev - Fotolia.com
Lieu et période sont donc, selon Nikolaï Petrov, mal choisis. Le lieu à cause de l’instabilité de la région, la période à cause de la crise qui frappe actuellement la Russie, qui voit les inégalités entre riches et pauvres se creuser chaque jour davantage. « La plupart des constructions ne sont d’aucune utilité pour la région. Il va falloir les entretenir, ou même les démonter, après la fin des JO. » © Catthesun - Fotolia.com
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
LA FIN DU SAUMON
LES VILLAGES POTEMKINE Alors, est-ce que la Russie a tout faux avec les JO de Sotchi ? L’événement devra se suffire à lui-même pour porter sa légende dans l’histoire. Se souviendra-t-on davantage des menaces terroristes ou de l’autorisation enfin donnée aux femmes de participer aux épreuves de saut à ski ? Parlera-t-on plus de la pollution ou de l’entrée dans l’histoire du Norvégien Ole Einar Bjoerndalen avec sa 13e médaille olympique, L’UKRAINE ET LES JO record absolu ? Nul ne peut le prédire, même si au lendemain des JO la plupart des commentaires critiquaient leur peu d’intérêt.
LES JEUX RENVERSÉS
Les 18 et 19 février, les manifestants ukrainiens subissent une répression sanglante à Kiev. Bilan 25 et 82 morts. Le 22 février, le gouvernement est renversé. Nous sommes en pleins JO, auxquels une quarantaine d’athlètes ukrainiens participent. A priori, un olympien s’attend à être soutenu par son pays, ici, ce sont les athlètes qui soutiennent les héros de la place Maïdan. Ils sont nombreux à avoir sacrifié leur course en signe de protestation. D’autres sont restés, à l’instar de Vita Semerenko, Juliya Dzhyma, Olena Pidhrushna, Valj Semerenko (relais biathlon), et ont remporté la seconde médaille d’or de l’histoire de l’Ukraine. Serguei Bubka, président du comité olympique ukrainien, s’en est félicité : « C’était pour nous la meilleure façon de soutenir notre peuple et notre nation. De montrer que l’Ukraine pouvait se construire un futur fleurissant ». Par Jean-Marie Gueye
Peut-être que la meilleure conclusion revient à Nikolaï Petrov, qui raconte dans sa chronique l’histoire des villages Potemkine, vers la fin du 18e siècle. Construits par le Prince du même nom, ces villages avaient été posés le long du parcours emprunté par l’impératrice Catherine pour l’impressionner par la réussite et la prospérité de son pays. Cette anecdote se passait dans la région de Novorossia… tout près de Sotchi. 1. Christopher Hautbois, spécialiste du marketing sportif, interviewé par l’Observatoire du sport business le 7 février 2014. 2. LeMonde.fr du 4 février : Comprendre la situation du Caucase en 3 minutes. 3. LeMonde.fr du 22 février : Le triste record olympique de Poutine 4. Voir le site de l’International Union for Conservation of Nature : www.iucn.org
ULTRA DÉBUTANTE MAIS ULTRA FUTÉE ! Étant ultra-débutante en tout, ma « charge d’entraînement » me laisse ééééénooooormément de temps libre (il s’agirait pas de se blesser non plus, hein) et le loisir de réfléchir à tout plein de choses, et notamment à la fameuse énigme du dos [du magazine, Ndlr)… Allez, je me lance : ça pourrait-y être quelque chose comme « bla bla bla, bla bla bla, bla bla bla1 » ? GÉRALDINE A. (BAS-RHIN)
# 4 • MARS-AVRIL 2014
14
Un tout grand bravo à Géraldine, qui est la première à découvrir ce qui se cache derrière ces lettres et signes de ponctuation mystérieux que vous avez pu lire sur le dos des trois premiers numéros d’Ultra Mag, et du quatrième en votre possession actuellement ! Géraldine gagne un sac Ultrabag Mds d’une valeur de 189 € et offert par notre partenaire WAA Ultra Equipment. Nous avons été tout particulièrement étonnés de déjà recevoir une bonne réponse au bout de seulement trois numéros publiés : nous ne pensions pas récompenser de gagnant avant le n°4 pour tout vous dire. N’hésitez pas à continuer à vous creuser les méninges, mais cette fois-ci dépêchez-vous, vous risquez d’être plus nombreux sur le coup… Débattez de la question sur le forum http://ultraforum.ultrafondus.net (section « Le contenu ») et envoyez-nous vos suggestions à redaction@ultramag.fr ; les deux prochaines personnes détentrices de la réponse exacte gagneront respectivement un sac Ultrabag 10 l et un Ultra Carrier Shirt, deux lots d’une valeur de 89 € chacun également offerts par notre partenaire WAA Ultra Equipment.
Entre vous et nous...
ON EST QUAND MÊME BIEN, LÀ Je voulais vous dire merci, car grâce à l’article sur les films de sport dans votre numéro précédent (p. 22 à 33 d’Ultra Mag n°3, Ndlr), j’ai eu la curiosité de regarder le film T’es pas bien là de Sébastien Montaz (à télécharger pour $9 sur www.sebmontaz.com, Ndlr), et j’ai trouvé que ce qu’il disait en conclusion de votre article était très vrai, et que ça s’appliquait très bien aussi à votre magazine : « Je ne veux pas que ce soit meilleur que les autres films de ski, je veux que ce soit différent. » FRANÇOIS, PARIS
LECTURE AUGMENTÉE J’ai vu en page 4 du n°3 d’Ultra Mag et un peu partout dans le magazine que vous parliez de lecture augmentée, mais je ne sais pas comment ça fonctionne. Pouvez-vous m’éclairer ? ANNABELLE, GRENOBLE
Ce courrier reflète de nombreuses interrogations concernant ce que nous appelons la lecture augmentée, et qui est en fait une passerelle entre votre magazine papier et des contenus numériques, des Juste merci à vous aussi. vidéos notamment. Il vous suffit de posséder un appareil compatible (smartphone ou tablette Apple pour le moment) sur lequel vous aurez au préalable téléchargé l’appli Ultramag (sur l’AppStore donc), de lancer l’appli, puis de survoler les pages du magazine sur lesquelles le logo « lecture augmentée » apparaît, et miracle, la vidéo correspondante se lance sur votre appareil. Reste à double-taper pour la visionner en plein écran.
Cette application sera enrichie d’autres fonctionnalités au fil des mois : téléchargez les mises à jour pour rester à la page.
1 : la bonne locution a mystérieusement été remplacée par un bla-bla incompréhensible, à vous de jouer.
C’EST PAS LA TAILLE QUI COMPTE (OU BIEN ?)
Vous êtes une bonne douzaine sur le forum de l’ultrafond francophone (ultraforum.ultrafondus.net) à nous faire part de problèmes de lisibilité sur certains articles à cause d’une taille de caractères trop petite. Nous avons bien noté cette remarque, et ferons notre possible pour la prendre en considération. D’ailleurs à partir du n°5, ce sera une lettre par page. On est ultra ou on ne l’est pas !
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15 UNDERGROUND
Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr
HOLISTE VOUS FAIT GAGNER DES ABONNEMENTS ULTRA MAG VOIR EN PAGE 73
ULTRA RICHE
TRICOTAGE
BRAQUAGE
UN TUNNEL POUR
70 000 €
# 4 • MARS-AVRIL 2014
16 Quel est le rêve absolu d’un cycliste citadin ? Ne pas se faire écraser par une voiture qui décide de changer de direction au dernier moment, ne pas mourir à cause de l’angle mort d’un poids lourd, ne pas se retrouver sur une piste cyclable coincée entre la voie des bus et celle des voitures… Londres, en dévoilant son projet de pistes cyclables aériennes, pourrait d’un coup réduire le stress et le taux de mortalité chez les cyclistes, mais également la pollution. L’architecte Norman Foster, en proposant son projet SkyCycle pourrait profiter du réseau ferroviaire existant pour dresser un réseau secondaire de 220 km de pistes, avec 200 points d’accès, capable d’accueillir 12000 cyclistes par heure. S’il était validé, ce chantier pourrait couter 365 millions d’euros et s’étendre sur une vingtaine d’années.
SÉCURITÉ
220 km de pistes cyclables à Londres ?
L’exemple qui suit n’est certainement pas à suivre. Néanmoins les esprits les plus curieux noteront l’ingéniosité et la patience de ces deux braqueurs italiens. Après avoir creusé un tunnel pour accéder à l’intérieur d’une banque florentine, ils ont attendu les employés et les ont forcés à ouvrir le coffre, les menaçant avec des armes factices. Cagoulés et vêtus de noir, ils ont pu récupérer 70 000 euros de butin, puis ont enfermé le personnel dans le coffre. Les deux voleurs courent toujours, mais l’histoire ne précise pas avec quelle marque de chaussures.
35 %
DES FRANÇAIS LISENT
11 LIVRES PAPIER ET PLUS PAR AN
11 %
DES FRANÇAIS LISENT
11 LIVRES NUMÉRIQUES ET PLUS PAR AN
Sondage réalisé par Youboox, première plateforme de lecture numérique illimitée en streaming.
Je fais ce que je veux, avec mes cheveux
Avec cette news, vous ne pourrez pas dire qu’on ne va pas chercher loin pour vous l’inspiration, l’ultra inspiration ! Lisez bien ça : une sexagénaire chinoise s’est tricoté un pull et un chapeau avec ses cheveux.
110000 cheveux longueur 70 cm
Il lui aura fallu onze ans de patience pour récupérer un à un tous ses cheveux morts, 110000 au total, d’une longueur d’environ 70 cm. « La clé est la patience et la persévérance », aurait-elle indiqué au Chongqiong Economic Times. Si après ça vous n’êtes pas convaincu que tout dans la vie peut se transformer en défi…
67% des Républicains n’y croient pas L’homme qui descend du singe, néanderthal, cromagnon, ce genre de choses, vous y croyez ? Là où la science nous apprend chaque jour sur nousmême, grâce à une inspection minutieuse de notre passé lointain, une étude très intéressante du Pew Research Center montre que 67% des sympathisants républicains (États-Unis) ne croient pas à la théorie de l’évolution. Selon un article paru dans Courrier International, les plus sceptiques restent les évangélistes protestants blancs, dont près des deux-tiers estiment que « les hommes et les autres êtres vivants ont existé de tout temps sous leur forme actuelle ». Il n’est jamais trop tard pour remettre en cause ses certitudes.
17 UNDERGROUND
Même les millionnaires peuvent se montrer ultra. Ultra dépensiers, peut-être, mais ultra quand même. Cecil Chao Sze-tsung, un homme d’affaires chinois, a offert 97 millions d’euros à l’homme qui réussira à séduire sa fille, Gigi Chao. Seul petit souci, cette dernière est homosexuelle, et n’avait déjà pas succombé au charme des 20 000 prétendants s’étant manifesté lors de l’offre précédente, qui se montait déjà à 50 000 euros. Gigi Chao a déjà trouvé la femme de sa vie et se révèle une ardente militante des droits gays.
THÉORIE DE L’ÉVOLUTION
97 MILLIONS POUR MA FILLE
MATHÉMATIQUES EXTRÊMES ÉCHECS
SURVIE DES SOCIÉTÉS : ON A VÉCU LE PIRE !
PLUS VITE QUE TA PENSÉE
Après la blague des drones censés vous livrer à domicile, Amazon a trouvé un nouveau délire : votre colis sera envoyé avant que votre commande ne soit validée. Comment ? Grâce aux algorithmes, une fois de plus. En étudiant de près vos habitudes sur son site, vos commandes précédentes, votre liste de souhaits, ou les déplacements de votre souris, l’entreprise sera capable d’acheminer un colis sur une plate-forme de stockage, pour qu’ils soient acheminés chez vous le plus rapidement possible.
MUSIQUE HI-TECH
Un algorithme pour votre chanson préférée
On ne choisira bientôt plus la musique en fonction de ses goûts, mais en fonction de son rythme de vie. Spotify, le service de musique en streaming souhaite donner à ses abonnés la possibilité de synchroniser automatiquement et instantanément la musique avec le rythme cardiaque. L’idée, toujours la même, consiste à en savoir le plus possible sur vous, afin de vous proposer le morceau le plus adapté. La question : est-ce que la chanson idéale peut se trouver grâce à un algorithme ?
19
EUTHANASIE
EMIEL PAUWELS : LE GRAND DÉPART À 95 ans, le doyen des athlètes belges a décidé de mettre fin à ses jours par euthanasie. Emiel Pauwels a fêté son « départ » mardi 7 janvier avec une centaine de proches, dont les membres de son club d’athlétisme. Né à Bruges en 1918, il remporte l’or aux 60 m au championnat d’Europe d’athlétisme vétéran à San Sebastian, à l’âge de 94 ans. L’histoire ne raconte pas pourquoi Emiel Pauwels a pris cette décision.
INVENTION
UN CASQUE CONTRE LA
RAGE
Samuel Matson a créé le casque antirage destiné aux passionnés de jeux vidéo un peu… hargneux. Le casque mesure le rythme cardiaque du joueur et adapte la difficulté en fonction de celui-ci : l’Immersion rend le jeu plus facile lorsque les battements de cœur sont bas, et augmente le nombre d’ennemis et leur force lorsque le rythme cardiaque s’accélère. En sport, on a déjà inventé le cardio-fréquencemètre. On pourrait très bien imaginer un tapis de course ou un vélo d’appartement régulant automatiquement sa vitesse pour rester dans une certaine zone cardiaque…
SURVIE
Un enfant perdu pendant 30 heures Un petit Bolivien de 4 ans s’est perdu pendant 30 heures dans la montagne, fin janvier. Parti avec son chien, il a survécu sans boire ni manger, vêtu d’un bermuda et d’un tee-shirt, dans une zone où la température nocturne descend à cette époque sous les 10°C. Lorsque les pompiers l’ont découvert, le gamin était apeuré et en état de choc.
JUSTICE
Des organisateurs condamnés Le 20 juin 2009, trois trailers décèdent dans le cadre du Grand Raid du Mercantour, un ultra-trail montagnard se déroulant dans les AlpesMaritimes. La météo s’était révélée désastreuse pour une fin juin (grêle et neige), contraignant les organisateurs à interrompre la course au cœur de la nuit. Le lendemain, trois trailers manquant toujours à l’appel étaient retrouvés morts. La responsabilité des organisateurs de l’épreuve, attaqués en justice pour négligence, n’avait pas été retenue au pénal, mais au civil, la justice les a contraints à indemniser les familles des victimes.
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VENTE PAR CORRESPONDANCE
Pour une fois, Bill Gates a joué, et a perdu. En 9 coups et 79 secondes, le milliardaire s’est incliné aux échecs devant le champion du monde de la discipline, le Norvégien de 23 ans Magnus Carlsen. Après s’être exclamé « Wow, c’était rapide ! », l’ancien patron de Microsoft a estimé que jouer aux échecs avec un tel adversaire était « le seul moment où il se sentait insuffisant intellectuellement. »
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Bill Gates perd en 9 coups
Deux chercheurs de l’université libre de Belgique (ULB) ont démontré mathématiquement qu’aucune forme de société ne peut être plus extrême que celles que l’humanité a déjà connues par le passé. En prenant comme limites le communisme et le capitalisme extrêmes, ils retiennent deux hypothèses : les individus veulent survivre et voir survivre leurs descendants, les individus préfèrent en général un meilleur niveau de vie. Si les deux hypothèses entrent en conflit, Bruss et Duerinckx (les chercheurs) supposent que la première hypothèse prend le pas sur la seconde. Deux sociétés ont émergé : weakest first (wf, forme extrême de communisme, donne la priorité aux plus petites demandes de ressources) et strongest first (sf, forme extrême de capitalisme qui donne la priorité aux plus grandes demandes de ressources). La démonstration a été faite qu’une fois la population suffisamment importante, la forme « wf » possède la plus grande probabilité de survie, et la forme « sf » la plus petite. La bonne surprise, c’est que l’humanité est déjà passée par les extrêmes, donc…
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Par Emmanuel Lamarle, avec Jean-Philippe Lefief
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LE SAHARA NE S’EST PAS DÉCOUVERT EN UN JOUR
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Le Sahara fait rêver, mais il fait peur aussi. Voyager dans ce désert de 9 millions de kilomètres carrés est risqué aujourd’hui encore. Il y a 200 ans, c’était la mort assurée. Pourtant, de nombreux explorateurs s’y sont lancés… et certains en sont revenus.
L
e Sahara. Quel intérêt ? Du sable, des pierres, de la roche… Hérodote1 parlait il y a 25 siècles du Sahara comme d’un « affreux désert ». Puis peu à peu, il attire, il devient une zone stratégique. Au 1er siècle avant Jésus-Christ, les Romains érigent des fortins en Afrique du Nord, pour se défendre des pillards en provenance du sud. Et le Sahara trouve dès lors tout son intérêt : il faut l’explorer, le maîtriser, pour établir des routes de commerce ou de conquête.
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HISTOIRE
Nous sommes au VIIe siècle, le prophète Mahomet vient de mourir, et l’Islam commence à se répandre en Afrique, aidé par de puissantes armées. Le pèlerinage vers la Mecque (Arabie Saoudite, à 80 km de la Mer Rouge), le cinquième pilier2 de l’Islam, s’organise.
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En parallèle, les échanges commerciaux à travers le Sahara initiés vers le IXe siècle av. J.-C. – Grecs et Phéniciens, puis Carthaginois et Romains commerçaient avec l’Afrique centrale pour obtenir ivoire, plumes d’autruche et esclaves – se renforcent : des caravanes pouvant compter plusieurs milliers de dromadaires transitent sur les routes commerciales selon un axe sud-nord. De l’or, de l’ivoire, du sel, des esclaves s’échangent via ces routes – la plus célèbre étant l’Azalaï, au Mali, de Tombouctou à Taoudeni. Tombouctou devient un carrefour économique, mais aussi une capitale religieuse et intellectuelle qui excite la curiosité des pays européens. La traite des esclaves provenant d’Afrique Centrale au travers du Sahara prend de l’ampleur sous l’influence de l’Islam : la religion interdit de réduire au statut d’esclave un autre Musulman, par contre elle ne s’oppose pas à l’esclavage des infidèles, tels les Africains vivant au sud du Sahara. Ainsi entre le VIIe et le XIXe siècle, d’après l’historien Ralph Austen3, 17 millions d’Africains auraient été réduits en esclavage par des négriers musulmans. Au milieu du XIVe siècle, le voyageur arabe Ibn Batouta effectue un périple à travers le désert, dont il ramènera un récit à la fois drôle et très instructif, qui reste aujourd’hui
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Argent : l’économie des caravanes Compétition : les primes des Sociétés de Géographie Colonisation : le partage d’un territoire par les puissants Science et exploitation : la soif de découvrir et de rentabiliser Aventure : se confronter à un territoire hostile
l’une des principales sources d’information sur cette époque. Si les étendues de sable et de rocaille ont paru bien inconfortable au citadin qu’était Ibn Batouta, il n’est tout de même pas resté insensible aux charmes du désert : « Lumineux et éclatant, le cœur s’y dilate et l’âme y prend ses aises4. »
LA COMPÉTITION DES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE À la fin du XVIIIe siècle, les Sociétés de Géographie de Londres, Paris, Berlin et Rome encouragent les initiatives individuelles, en offrant des primes et en facilitant les expéditions. À cette époque, Tombouctou hante les rêves de tous les explorateurs. Ainsi l’Écossais Mungo Park part reconnaître à deux reprises les bords du fleuve Niger jusqu’à Tombouctou en 1796 puis en 1806, mais il ne trouve pas la ville. Il meurt noyé dans les rapides du Niger.
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LE MAJOR LAING ENTRE DANS TOMBOUCTOU. IL SERA ASSASSINÉ QUELQUES JOURS APRÈS
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L’ÉCONOMIE DES CARAVANES
L’EXPLORATION SAHARIENNE EN 5 VOLETS
MA R O C 200m
A LGÉ R I E
L I BYE
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LA PLUVIOMÉTRIE Le Sahara PRÉCIPITATIONS Entre 0 et 200m ANNUELLES Le Sahel Entre 200 et 600m ERG Désert de sable REG Désert de pierre RELIEF Plus de 1000 m
MAUR I TA N I E 200m 600m
En 1823, un autre Écossais, Clapperton, atteint le lac Tchad (frontière entre Tchad, Niger, Nigéria, Cameroun), dans le Sahel5. Trois ans plus tard, son assistant, le major Alexander Laing, entre dans Tombouctou. Il sera assassiné quelques jours après.
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MA L I
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DES PRIMES POUR MOTIVER La Société de Géographie de Paris a été une instigatrice de l’exploration saharienne en proposant aux explorateurs des primes alléchantes. Créée en 1821, elle est la première Société de Géographie au monde, et l’une des plus anciennes sociétés savantes françaises. Ses membres se consacrent à la réalisation de cartes, d’atlas et de dictionnaires géographiques, et recueillent manuscrits, archives et photographies. De nos jours, elle rassemble un bon millier de membres répartis sur tous les continents, et édite une revue qui en est à son 1551e numéro ! www.socgeo.org
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Le premier Européen à atteindre Tombouctou, et surtout à en revenir vivant, est un Français : René Caillié. Fils de galérien, passionné par les livres de géographie, le jeune homme fait une fixation sur l’Afrique. Après avoir tâté le terrain sénégalais à 16 ans, il revient en Afrique à 24 ans et gagne suffisamment d’argent pour monter une expédition. Il apprend l’arabe et les cultes des Maures, puis part en 1827 pour Tombouctou. Seul, sans armes, sans vivres, en jouant de ruse et en bénéficiant d’une certaine bonhomie, le jeune homme parvient à rejoindre Tombouctou en 1828 via le Sénégal et le Mali. Pour lui, c’était « l’atteindre ou périr ». Ce sera la première option. Ce qui ne l’empêchera pas de mourir à 38 ans. L’espérance de vie d’un explorateur, à cette époque, n’est pas bien élevée.
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AU SERVICE DE LA COLONISATION Jusqu’au premier tiers du XIXe siècle, la situation dans la zone saharienne est figée : les Maures sont à l’ouest, les Arabes au nord et à l’est, les Touaregs au centre et au sud. Le Sahara reste un obstacle naturel très difficile à franchir. Sécuriser les villes où arrivent les caravanes constitue l’essentiel des efforts.
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À partir de 1830, le Sahara devient l’enjeu de toutes les convoitises. Les Français s’installent à Alger, le commerce britannique se développe au Maghreb, et les deux puissances coloniales se frictionnent. L’exploration est à cette époque au service de la colonisation. En 1850, l’Allemand Heinrich Barth, soutenu par les Anglais, part de Tripoli (Libye) et rejoint le Tchad, puis Tombouctou en 1853 via le désert du Ténéré. La publication de ses récits à son retour en Europe permet à ses commanditaires de récolter de précieux renseignements sur la région. En quelques années, Tombouctou devient une destination presque accessible, par l’ouest, via les fleuves Sénégal et Niger, depuis la côte septentrionale, au départ de Saint-Louis (Sénégal). Cependant, rallier Tombouctou
par le nord au travers du désert reste une aventure périlleuse. Vers 1870, des Français lancent l’idée de la création d’une ligne de chemin de fer transsaharienne, reliant Alger à Tombouctou. En 1881, la mission Flatters, du nom du lieutenant-colonel qui en prit la tête, part d’Algérie avec 100 hommes, 280 chevaux, chameaux et ânes, et 4 mois de vivres. Après une quinzaine de jours, l’expédition tombe dans une embuscade de Touaregs, et est décimée. Ce désastre marque l’opinion, le projet de chemin de fer est abandonné, et la réputation du désert gagne encore en noirceur.
En 1926, Georges Estienne, que l’on surnomme « Le seigneur des pistes » et qui a déjà participé à la Croisière des sables, trace une piste dans le Tanezrouft, un désert de pierres et de cailloux, qui se révèle particulièrement favorable à la circulation automobile. Il la balise de bidons numérotés, déposés tous les 50 km. Ainsi nait Bidon V, le carrefour des routes sahariennes. L’année suivante, le premier service régulier automobile transsaharien est mis en place sur cette route, entre Colomb-Béchar (Algérie) et Gao (Mali).
SCIENCE ET EXPLOITATION La Première Guerre Mondiale passe, le Sahara devient terre de science et d’aventure. Les explorateurs prennent des notes, observent, récoltent de l’information, ou recherchent des émotions fortes. Parfois, désirs de savoir et d’action se rejoignent. Théodore Monod (1902-2000), naturaliste et explorateur français, est reconnu comme l’un des grands spécialistes du Sahara au XXe siècle. Enfant, il se passionne pour la nature et rêve de découvertes. Il entre à 20 ans au Museum d’Histoire Naturelle et part en Mauritanie, où il ressent l’appel du désert. Par la suite, il n’aura de cesse d’explorer le désert, dans des conditions souvent très éprouvantes. Théodore Monod est prêt à donner de lui-même pour faire avancer ses observations, comme à se faire mordre volontairement par une araignée pour observer les effets de son venin… L’imagination humaine étant sans limite, le désert attire soudainement les promoteurs sportifs et touristiques. Dans les années 20 naissent les premiers raids : en 1923 la « Croisière des sables » est la première expédition automobile à traverser le Sahara, en autochenilles Citroën. L’année suivante, la « Croisière noire », toujours à l’initiative d’André Citroën, traverse l’Algérie, le Niger, le Tchad , l’Oubangui-Chari5 et le Congo belge6. Cette expédition est un succès pour les huit autochenilles, et contribue à la réputation de la marque aux deux chevrons.
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RÉGIS BELLEVILLE
LE CHAMELIER BLANC Régis Belleville découvre le Sahara en 1974, à 8 ans, alors que son père travaille en Algérie. Vingt ans plus tard, il entreprend ses premiers voyages à travers toute l’Afrique de l’ouest. En 1998, il effectue son premier gros périple, seul, sur les traces d’une ancienne piste de commerce. En 2002, après une longue préparation, il réussit avec son ami N’Taha une traversée de 1150 km entre Chinguetti et Tombouctou en traversant la Majâbat al-Koubrâ, la plus vaste région hyperaride du Sahara. En 2005, il tente une traversée complète ouest-est au plus près du 20e parallèle, soit 6000 km. Après 5 mois dans des conditions extrêmes, Régis Belleville cède face au désert, mais ce n’est que partie remise…
L’AVENTURE À partir de 1930, ça devient plus sportif. Des rallyes-raid sont lancés dans le Sahara, comme par exemple le rallye MéditerranéeNiger, sur 6 000 km, puis en 1951 le premier rallye Alger-Le Cap (15 000 km). Ce premier rallye d’une série de cinq, sera un franc succès : 32 voitures au départ, 31 à l’arrivée, et une participation sans faille de tous les pays traversés. Alors que les premières éditions faisaient la part belle à la sécurité et au confort, la performance prend de plus en
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SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
DOSSIER | L’HISTOIRE DE L’EXPLORATION SAHARIENNE
Des aventuriers solitaires souvent pris pour des illuminés se lancent à leur tour dans des expéditions pédestres ou à vélo à travers les étendues désertiques. On retiendra évidemment Régis Belleville (lire l’encadré), mais aussi Philippe Frey, qui a traversé le Sahara dans tous les sens, à pied, à dos de chameau ou de cheval, ou encore Patrick Bauer, dont les exploits donneront naissance au mythique Marathon des Sables. Serge Girard, le coureur transcontinental, a lui aussi accroché l’Afrique à son palmarès.
Aujourd’hui, malgré ces siècles d’exploration, de pacification, de domestication, le Sahara reste pour l’Européen « moyen » une contrée sauvage, hostile, mais qui fait rêver. Et pour les chanceux ayant vécu « l’expérience du désert », une seule idée leur trotte dans la tête, tout comme elle a trotté dans celle des Caillié, Barth et autre Monod : y retourner. 1 Hérodote est un historien grec qui a vécu de 484 av. J.-C. à 420 av. J.-C. 2 Les 5 piliers de l’Islam sont les devoirs incontournables que les Musulmans sunnites doivent appliquer. 3 Ralph Austen est professeur d’histoire africaine à l’Université de Chicago. 4 Pour tout apprendre d’Ibn Batouta, lire la revue L’Histoire, n°62. 5 Territoire français devenu en 1958 République Centrafricaine. 6 Le Congo belge devient indépendant en 1960, sous le nom de République démocratique du Congo.
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BIBLIOGRAPHIE
CINQ LIVRES POUR UN DÉSERT L’EXPLORATION DU SAHARA JM Duroux (L’Harmattan) : l’histoire de l’exploration saharienne racontée de manière vivante et très documentée. VOYAGE DANS L’INTÉRIEUR DE L’AFRIQUE Mungo Park (La découverte) : le récit de voyage de l’Écossais Mungo Park à la fin du XVIIe siècle, dans une Afrique telle qu’aucun homme ne la verra jamais plus. SMARA Michel Vieuchange (Petite bibliothèque Payot) : le compte-rendu clinique d’un jeune homme avalé par le désert. MÉHARÉES Théodore Monod (Babel) : le plus célèbre des récits de Théodore Monod, spécialiste incontesté du désert. VOYAGE AU BOUT DE LA SOIF Régis Belleville (Transboréal) : installé pendant un mois dans une cuvette de sable, Régis Belleville s’est volontairement soumis à la triple épreuve de la chaleur, de la solitude et de la soif.
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plus de place. Deux décennies plus tard, ce sera au tour du rallye Paris-Dakar de s’élancer plein sud, sous la conduite de Thierry Sabine, lui-même pilote de rallye et déjà organisateur de l’Enduro du Touquet.
LA TÊTE ET LES JAMBES | EDWARD KIPROTICH KIMOSOP
EDWARD KIPROTICH KIMOSOP
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UN KENYAN DANS UN JEU DE QUILLES PROFIL ULTRA Né au Kenya, dans la Vallée du Rift 34 ans Coureur à pied Vit actuellement dans le sud de la France
LA TÊTE ET LES JAMBES Ils ne sont pas forcément sportifs, mais leur quotidien est « ultra ». Dans cette rubrique « La tête et les jambes » nous vous faisons découvrir des personnalités qui poussent tous les curseurs à fond, et nous tentons de décrypter un parcours de vie. Ils ont la tête, ou ils ont les jambes, et parfois les deux, mais quand ils l’ont, ils l’ont beaucoup. Par Jean-Marie Gueye
Le Kenyan Edward Kiprotich Kimosop s’est expatrié en France l’année dernière, sa vie étant menacée dans son pays. Coureur à pied de très bon niveau, il pourrait endosser le rôle du chien dans un jeu de quilles dans le paysage du trail français dans les prochaines années.
LA TÊTE ET LES JAMBES | EDWARD KIPROTICH KIMOSOP
UN AVENIR DE COUREUR
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C’est à Calas, petit village des Bouches-du-Rhône, que nous avons rencontré Edward un vendredi soir, fin novembre. De taille moyenne, très sec, il n’y a aucune difficulté à l’imaginer en tenue de coureur. Ça tombe bien, c’est une activité qu’il apprécie depuis tout petit : « J’ai débuté la course à pied au sein de l’école primaire par le 100 m, 200 m, 5000 m et 10000 m. » Déjà à l’époque, Edward songeait à un avenir où la course à pied tiendrait un rôle important : « À l’époque, j’ai entendu parler des Jeux Olympiques de Barcelone (en 1992, Edward était âgé de 12 ans, Ndlr). Je ne savais pas si Barcelone était une ville ou un pays, tout ce que j’avais retenu c’est que le Kenya allait envoyer une équipe nationale de coureurs. À partir de cette date, j’ai vraiment commencé à suivre les champions de notre nation. J’ai su que je voulais être comme eux, et représenter mon pays. » Mais Edward est noyé dans la masse : les autres enfants sont comme lui, parcourent 20 km par jour à pied, tout en manquant de nourriture, d’équipement. La région est particulièrement vallonnée (comté de Baringo, au centre de la Vallée du Rift), entraînant naturellement un développement important de la musculature et de l’aptitude à la course des écoliers. Puis finalement Edward est sélectionné pour représenter son école en course à pied : « J’aimais courir, mes camarades avaient, eux, plus tendance à s’amuser au football ».
PAS DE CHAUSSURES AVANT 14 ANS Malgré cette mise en avant en primaire, les conditions ne s’améliorent guère : « Même si j’avais un bon niveau, je ne pouvais prétendre à des chaussures ou à tout autre matériel. Les professeurs voulaient
m’aider, mais il y avait tant d’enfants qui étaient dans le besoin… » Sa première paire de chaussures, Edward la chausse à la « High School », c’est-à-dire l’enseignement secondaire, de 14 à 18 ans. Edward fait alors partie de l’équipe de cross-country. Il se met à courir énormément, devient champion de son district (départemental, Barigon), puis monte au niveau provincial (Vallée du Rift, l’une des 7 provinces composant le Kenya), et enfin au niveau national. « Je représentais un grand espoir pour ma famille qui avait du mal à payer notre éducation. Du fait de mon succès, l’école me récompensait en me donnant des rations alimentaires supplémentaires et en me dispensant de payer pour étudier. » À l’école, Edward se sent bien, ce qui l’incite à y creuser son nid pour s’améliorer dans cette voie qu’il s’est choisie. Il représente désormais sa province, la Vallée du Rift : « Le mot ‘rift’ signifie fossé, il y a des montagnes, des vallées, beaucoup de terrains d’entraînement qui sont favorables aux coureurs pour progresser. Il suffit presque de vivre ici pour devenir un coureur. »
EXPATRIÉ POUR SA PROPRE SÉCURITÉ Si c’est en France que nous avons rencontré Edward, c’est parce qu’il a quitté le Kenya dans l’urgence, pour des raisons de sécurité. Edward a en effet reçu des menaces de mort et s’est résolu à tenter sa chance en France : « J’ai été très affecté par ces évènements, et courir est un moyen de rester positif, de ne pas trop penser à ma situation précaire. » Les services sociaux et associations humanitaires ont pris en charge le Kenyan, avant qu’il ne soit quasi adopté par les habitants des villages de Calas et Cabriès : « J’ai été accueilli par plusieurs familles et j’ai le sentiment d’avoir de nouveaux parents. D’une façon similaire, j’ai été intégré au club d’athlétisme de Cabriès. C’est un groupe avec un fort esprit sportif, les entraîneurs m’ont pris sous leurs ailes. » Si bien que sous les couleurs de son nouveau club d’adoption, Edward remporte le semi-marathon de Cabriès : « Ça a été un accomplissement et un symbole pour moi. Je voulais battre le record de l’épreuve et en même temps courir avec toute la population locale : les jeunes, les enfants, les seniors. Il y a avait tant de personnes du coin qui m’encourageaient ! » L’avenir sportif français semble sourire à Edward : « Au Kenya, la densité de talents est très forte, mais pour des raisons d’instabilité, il est très dur de s’entraîner sans risquer sa vie. Ici les conditions sont bien meilleures. »
CELA ME FERAIT PLAISIR DE COURIR DE NOUVEAU CONTRE MES CAMARADES KENYANS INTÉGRATION RECORD La générosité des locaux donne des ailes à Edward : il bat le record de plusieurs épreuves, et termine 15e du Marseille-Cassis* en 1 h 07 (vainqueur : Wasihum Mulle, Éthiopie, en 1 h). Son tout nouvel équipement le motive d’autant plus : « C’est très important pour un athlète de pouvoir s’entraîner avec du bon matériel, ça fortifie la motivation, et c’est la base du succès. » Depuis notre interview, il a d’ailleurs intégré le programme « ambassadeur » de la marque WAA Ultra Equipment. Lorsqu’on évoque avec lui le sujet du trail, là encore Edward répond présent : « J’ai couru tous mes entraînements à Baringo dans un environnement ‘trail’. Plus récemment, lors de mon séjour à Nairobi, je me suis entraîné dans un endroit où se rend toute l’élite kenyane : Ngong Hills (des scènes de Out of Africa furent tournées à cet endroit, Ndlr). Et ici, je m’entraîne spécifiquement dans ce sport avec trois bons trailers régionaux une fois par semaine. » Mais en attendant de briller sur des trails nationaux, voire internationaux, Edward doit faire face aujourd’hui à un autre combat, plus complexe : obtenir un visa français avec un statut de réfugié. « Je ne pourrai plus jamais retourner au Kenya, le pays est devenu trop dangereux pour moi. Je considère la France comme mon nouveau pays. J’ambitionne dans le futur de courir pour la France dans des compétitions internationales. » Une fois ce gros écueil passé, il espère pouvoir de nouveau se concentrer sur la course à pied, et relever de grands challenges : « Je pense pouvoir m’entraîner ici à la kenyane, basée sur un gros travail et beaucoup de discipline. On dit ‘s’entraîner dur et gagner facile’. Cela me ferait plaisir de courir de nouveau contre mes camarades kenyans, mais cette fois avec la nationalité française, et leur prouver qu’en France on peut s’entraîner aussi bien. »
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C
’est un véritable cliché que vous allez découvrir maintenant. Et pourtant Edward Kiprotich Kimosop est un homme en chair et en os, pas juste un fantasme hollywoodien. Edward est né dans la Vallée du Rift, au Kenya, il y a 34 ans. Issu d’une famille nombreuse – ses parents ont eu 11 enfants – peinant à pourvoir aux besoins élémentaires de tous, il a vécu son enfance exactement comme on se l’imagine : « En primaire (de 6 à 14 ans au Kenya, Ndlr), j’allais à l’école située à 10 km de mon village. Cet aller-retour journalier se faisait pieds nus. Il n’y avait pas de véhicules, ni de bus scolaire. Et même si nous avions le ventre vide, nous allions à l’école. »
LA PAROLE À… ETIENNE KLEIN – PHYSICIEN, PHILOSOPHE, ÉCRIVAIN
LA PAROLE À… ETIENNE KLEIN PHYSICIEN, PHILOSOPHE, ÉCRIVAIN
Par Philippe Billard
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L’ULTRA-TRAIL C’EST UNE FORME DE RETOUR À L’AUTORITÉ DU CORPS
CE QUE PEUT TON CORPS, CE N’EST PAS CE QU’IL PEUT EN TANT QUE CORPS, C’EST CE QUE TU PEUX TOI.
LA PAROLE À… ETIENNE KLEIN – PHYSICIEN, PHILOSOPHE, ÉCRIVAIN
À 55 ans, ce passionné de montagne est également alpiniste et ultra-trailer. De Spinoza à Deleuze, de Néanderthal à la physique quantique, entretien avec un « finisher ».
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Vous avez découvert la montagne assez tard. Comment s’est passé cette découverte ? ETIENNE KLEIN J’ai commencé par la randonnée à partir de 20 ans. Je n’avais en effet jamais mis les pieds en montagne avant. J’ai eu un coup de foudre. Je venais de la région parisienne. Nous étions trop nombreux dans ma famille pour que mes parents nous emmènent à la montagne. Je me suis senti tout de suite bien, dès que j’ai fait le Tour du Mont-Blanc avec l’UCPA1 à l’époque. L’alpinisme me semblait inaccessible. J’étais tenté, mais je me suis dit que ce n’était pas pour moi. Quand on n’a pas de filiation dans ce genre de pratique, on se dit que ce sont des extra-terrestres, des post-humains. Vous utilisez la physique pour proposer une autre lecture de la philosophie. Qu’estce que la philosophie peut nous apprendre ? Je ne sais pas ce que ça vaut mais il y a une classification des paysages en fonction des systèmes philosophiques auxquels on adhère. Les Nietzschéens aiment bien les alpages, les Kantiens aiment bien les arêtes, quand il n’y a plus de végétation parce que là au moins on est débarrassé de tous les oripeaux faciles lorsqu’on traite les
concepts de « basse altitude ». On a directement accès à ce qui est fondamental dans ce qui est élevé. J’aimerais que vous me parliez de votre métier… J’ai passé pas mal d’années à faire de la physique. Et les années où je faisais de la physique c’était aussi les années où je faisais de l’alpinisme. En 2000 j’ai passé une thèse de philo sur la physique. J’ai commencé à m’intéresser non pas tellement à la physique en tant que domaine de recherche, mais, finalement, à ce que la physique nous apprend sur des notions que les philosophes traitent par ailleurs. Par exemple le temps ou autre chose… est-ce que la physique produit des résultats qui peuvent percuter la pensée philosophique ? Quitte éventuellement à la modifier. Donc ce n’est plus tout à fait le même métier. C’est plus « Je veux trouver des choses », qu’est-ce que les équations de la physique diraient en langage commun si elles pouvaient parler du temps… C’est un problème de décryptage et ensuite un problème de traduction parce qu’il faut ramener la physique dans un langage que les philosophes peuvent comprendre. Et en fait le moment où j’ai commencé à faire ça correspond au moment où j’ai commencé
l’ultra-trail. L’ultratrail est à l’alpinisme ce que la philosophie de la physique est à la physique. C’est le même truc mais vécu autrement. L’ultra-trail, ce n’est pas de l’alpinisme mais ça se passe au même endroit. C’est une autre façon d’être en montagne. De la même façon que de faire de la philosophie physique c’est une autre façon d’être dans la physique. C’est plus doux. L’ultratrail, c’est une autre façon de lire la montagne.
REPÈRES Actuellement directeur de recherches au CEA, responsable du laboratoire des Recherches sur les Sciences de la Matière. | Docteur en philosophie des sciences. | Chevalier de la Légion d’Honneur | Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont « En cherchant Majorana, le physicien absolu » (2013) | Chroniqueur sur France Culture : « Le monde selon Klein » | Six participations à la CCC* et une à la TDS*
La recherche est cérébrale, la montagne est liée à l’effort physique. Qu’est-ce qui vous attire dans celui-ci ? Je connais beaucoup de physiciens qui détestent l’effort physique, et j’en connais au contraire qui aiment. Je pourrais inventer des liens mais ce serait artificiel. Moi j’aime bien l’endurance, j’aime bien les sports d’agonie, j’aime bien l’épuisement, j’aime bien avoir le sentiment, après une belle balade en montagne, de se retrouver dans un refuge. Une belle sortie à vélo, se retrouver complètement rincé avec un appétit tel qu’on a envie de manger la table. Est-ce que l’effort du montagnard inspire celui de l’écrivain ? Après une course en montagne on est vachement bien pour écrire. Il y a une espèce de remise à zéro du corps, une sorte de reset intellectuel qui permet de reprendre les sujets à neuf, d’avoir une forme de créativité dans l’écriture. Une revitalisation
TOUS LES VISAGES SONT BEAUX, ET LES REGARDS AUSSI, ILS EXPRIMENT UNE ÉMOTION, UNE HISTOIRE
intellectuelle. Je pense qu’on est fait pour être épuisé de temps en temps. Nos fatigues sont souvent psychologiques. Ce qu’on apprend avec l’ultra-trail c’est que pour être fatigué physiquement, et seulement physiquement, il faut vraiment donner. Nos fatigues, surtout à Paris, sont des fatigues psychiques. L’ultra-trail, c’est la version ludique de ce que faisait Néanderthal quand il allait chasser. Il partait trois jours, il n’avait pas grand chose dans le ventre, il cavalait un peu… il y a des sports qui sont plus pratiqués que l’ultra-trail, comme le tennis ou le foot, qui sont des sports que Néanderthal ne pratiquait pas. Mais moi j’ai l’idée naïve selon laquelle il faut pratiquer des sports que Néanderthal pratiquait. Parce que le corps est fait pour. Comment la liberté s’exprime dans l’ultra-trail ? La sensation de liberté n’est pas inconsciente. Je sens que je suis libre, je m’éprouve libre. Ça vient tout de suite, je sais que je
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Centralien, physicien, docteur en philosophie des sciences, chroniqueur sur France Culture, on pourrait qualifier Etienne Klein de pur esprit.
LA PAROLE À… ETIENNE KLEIN – PHYSICIEN, PHILOSOPHE, ÉCRIVAIN
L’ULTRA-TRAIL, C’EST LA VERSION LUDIQUE DE CE QUE FAISAIT NÉANDERTHAL QUAND IL ALLAIT CHASSER Est-ce que décider l’abandon est un choix qui participe de cette liberté là ? Ce que j’ai appris dans le trail, c’est qu’on peut aller mal… et puis ne plus aller mal. J’ai découvert la réversibilité du mal. La première fois que j’ai couru un ultra-trail, j’avais très mal à un genou, et pour moi il était évident que si je continuais la course j’allais me péter le genou. J’ai abandonné avec la conviction que j’allais me péter quelque chose. En fait, dès le lendemain, j’allais très bien, je n’avais plus mal… Les années suivantes, j’ai éprouvé le fait qu’on peut par effet tunnel passer de l’épuisement absolu à une forme de renaissance qui peut même être euphorique. C’est une très belle expérience, c’est l’expérience de la résurrection, à un petit niveau. Je ne fais pas de correspondance avec la passion christique
Comment est-ce que cela s’est traduit pendant vos expériences d’ultra-trailer ? Durant la première partie de la course, on est spinoziste : l’âme et le corps font un tout. L’âme et le corps sont solidaires du même désir. Puis il y a un moment où la fatigue arrive, et là je pense que l’on devient cartésien. L’esprit s’adresse au corps. J’ai déjà eu une expérience de dédoublement comme ça, en alpinisme. On avait été pris dans une tempête, on risquait notre peau, je n’étais pas sûr de rentrer vivant. Je me souviens que je parlais à mon corps : « Tu déconnes pas ! » Il y avait vraiment un dédoublement. Dans le trail, avec moins d’intensité et moins de gravité, j’ai eu la même expérience quand j’étais au pied de la Tête aux vents. Pour un débutant, quand on a près de cent bornes dans les pattes, c’est difficile. J’ai dit à mon corps : « Si tu m’aimes, suis-moi. » Est-ce que vous vous étonnez aujourd’hui de ce que vous parvenez à réaliser ? Quand j’ai vu Marco Olmo en 2007 arriver, vainqueur de l’UTMB*, je me suis demandé qui c’était. On m’a expliqué qu’il avait fait 166 km en 21 h. Il avait 58 ans. Plus vieux que moi ! J’ai ressenti en tant que spectateur une émotion incroyable. Le jour même je décidais de m’inscrire. Je savais que je ne pouvais pas le faire mais je voulais le faire. J’ai vu des gens pleurer dans la foule, certains qui pleurent lors du départ. Ce truc là m’intéresse. Les visages des gens qui arrivent sont très beaux, quelles que soient les marques de fatigue. Tous les visages
sont beaux, et les regards aussi, ils expriment une émotion, une histoire. Et quand on est spectateur on regarde ces gens et on sait qu’ils ont vécu une histoire. Les premiers comme les derniers. Ça les rend pathétiques, au sens noble du terme. Avez-vous couru d’autres trails ? Non. Pour moi le trail est attaché à l’église de Chamonix, c’est un rituel, une sorte de prière cosmique. C’est ma prière annuelle au cosmos. Et en même temps l’expression d’une reconnaissance pour ce massif dans lequel j’ai vraiment vécu des choses incroyables. Vous avez fait des marathons avant d’aller dans la montagne. En referez-vous ? Plus jamais ça ! Je ne veux plus courir sur route. Et je ne veux plus courir sur le plat. Je ne peux plus. J’aime bien les pentes. J’aime plutôt les montées, je n’aime pas les descentes. D’ailleurs, si on pouvait faire un jour un ultra-trail sans les descentes, je pense que pour moi ce serait beaucoup mieux, et que je terminerais en bonne place.
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L’ULTRA-TRAIL C’EST UNE FORME DE RETOUR À L’AUTORITÉ DU CORPS
Autant on vous sent très réfléchi dans votre métier autant on vous sent très intuitif dans votre pratique sportive… j’aurais pensé que vous auriez repris les mêmes mécanismes cérébraux mais en fait c’est quasiment le contraire… est-ce que le sport est une soupape ? Oui, il est une forme de sauvagerie. Les physiciens sont souvent des gens qui oublient qu’ils ont un corps. L’ultra-trail c’est une forme de retour à l’autorité du corps. Pour moi c’est une expérience qui relève d’une complémentarité indispensable. Si par exemple on me disait que pendant un été je ne peux pas mettre les pieds en montagne, j’en serais vraiment malade, j’aurais un problème psychique. Alors, objectif UTMB bientôt ? Si la TDS se passe bien, je ferai l’UTMB l’année prochaine.
(1) UCPA : Union nationale des Centres sportifs de Plein Air
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mais c’est quand même l’expérience de la résurrection du corps par l’âme. J’avais écrit un article dans Philosophie Magazine en expliquant que dans L’Éthique de Spinoza il y a un texte magnifique qui s’intitule « Que peut le corps ? » Il répond qu’il ne sait pas, parce qu’on ne connaît pas bien le couplage entre le mental, qu’il appelle, lui, l’esprit ou l’âme, et le corps. Donc on ne peut pas savoir ce que le corps peut faire, puisque l’âme contribue à son action. Deleuze a commenté ce texte en disant : « Ce que peut ton corps, ce n’est pas ce qu’il peut en tant que corps, c’est ce que tu peux toi. » C’est la phrase clé. Moi par exemple, je n’ai pas un corps pour faire ça. Ça ne dépend pas de mon corps, ça dépend de moi.
© Joe Gaulbaire
ne vais pas être dérangé, il n’y aura pas de coup de téléphone… ça ne veut pas dire que je suis tranquille et rassuré. La première moitié de la TDS*, j’étais malade, pas hyper à l’aise, mais il y avait cette sensation de liberté. On est libre d’aller à telle ou telle vitesse, de regarder telle ou telle chose. On est en train de vivre quelque chose qui ne correspond pas aux expériences qu’on peut avoir dans la vie quotidienne, par exemple au travail. Il y a quelque chose qui procède de l’affirmation libre de soi. On n’est pas en train d’essayer de faire plaisir à quelqu’un d’autre, on n’est pas en train d’exécuter un ordre ou un programme. On est juste là pour faire ce qu’on a décidé de faire. Pour moi l’ultra-trail c’est un désir décidé. Ce n’est pas un caprice, c’est un truc que j’ai décidé de faire, et l’ayant décidé, je sais que sauf grave accident j’irai jusqu’au bout, que je n’abandonnerai pas.
INSPIRATION | INVICTUS
Où puisez-vous votre inspiration dans le cadre de votre pratique sportive ? Et dans votre vie de tous les jours ? Dans votre rôle de mère, d’employé, de chef d’entreprise ? Qu’est-ce qui vous donne envie d’aller voir plus loin, d’explorer vos limites, de vous accomplir ? Quels sont les mantras qui résonnent dans votre tête lors des moments difficiles ? Romans, films, chansons, poèmes, célébrités : tout devient prétexte à s’émanciper du possible.
Dans les ténèbres qui m’enserrent, noires comme un puits où l’on se noie, je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient, pour mon âme invincible et fière. Dans de cruelles circonstances, je n’ai ni gémi ni pleuré. Meurtri par cette existence, je suis debout bien que blessé. En ce lieu de colère et de pleurs, se profile l’ombre de la mort, et je ne sais ce que me réserve le sort, mais je suis et je resterai sans peur. Aussi étroit soit le chemin, nombreux les châtiments infâmes, je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme.
INVI CTUS INSPIRATION
MAIS QUEL RAPPORT AVEC L’ULTRA ME DIREZ-VOUS ?
Invictus…
ce mot sonne à la perfection. Il est fort, limpide, pénétrant, percutant même. Il ne laisse pas indifférent tellement il est empreint de puissance et de mystère. Invictus… ce mot est obligatoirement et à jamais associé à Nelson Mandela, président d’Afrique du Sud, héros de toute une nation qui a mis fin à l’apartheid dans son pays. Clint Eastwood, le réalisateur américain, a immortalisé le mot « invictus » en le choisissant comme titre pour son film, un film qui illustre l’histoire du combat de Mandela pour réunifier l’Afrique du Sud en créant un sentiment d’union nationale derrière l’équipe de rugby des Springboks (pourtant symbole de la domination blanche) avec pour devise « One team, one country » - une équipe, un pays.
Le mot « invictus » est d’origine latine ; il signifie littéralement « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible ».
Invictus est, en fait, un court poème de l’écrivain britannique William Ernest Henley. C’est ce poème qui a soutenu et inspiré Nelson Mandela pendant ses 27 années de captivité.
Quand on lit le poème de William Ernest Henley avec attention, en s’attardant sur chaque phrase, on pourrait facilement imaginer qu’il a été écrit par Yiannis Kouros, Scott Jurek, Steve Harvey, Kilian Jornet ou par un circadien* approchant la vingtième heure, par un ultra-trailer errant quelque part dans le Beaufortain ou dans les Pyrénées, par un ultra-triathlète lorsqu’il parque son vélo, par un centbornard qui désespère voir la ville de Millau approcher… Il y a des mots qui ont été écrits pour d’autres mais que l’on jurerait avoir été écrits pour soi.
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Rappelez-vous ces dernières phrases, notez les dans un coin de votre mémoire et, tel un mantra, récitez les-vous lors de vos prochains moments de doute, d’intense fatigue, de découragement. Quand il vous faudra vous remobiliser, quand le moral devra prendre le dessus sur le physique, quand il vous faudra vaincre vos démons, quand vous devrez vous rappeler pourquoi vous êtes là, pourquoi vous courez, pourquoi vous vous êtes inscrit sur cette course sans fin… ou même pourquoi vous vous trouvez dans ce métro bondé, respirant les effluves corporelles de vos voisins, impatient d’être à ce soir alors qu’il n’est que sept heures du matin. « Aussi étroit soit le chemin, nombreux les châtiments infâmes, je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme. Invictus ! Je suis invincible ; j’ai choisi d’être ici et j’irai jusqu’au bout au-delà des obstacles, au-delà des difficultés, au-delà des souffrances, audelà de la raison… au-delà du possible. »
Par Jean-Luc Cadenel
THEMA | CINÉMA | LE LOUP DE WALL STREET
LE LOUP DE WALL STREET Film sorti en France le 25 décembre 2013 Réalisation : Martin Scorsese Genre : Biopic, Drame, Policier Avec Leonardo di Caprio, Jonah Hill, Margot Robbie Synopsis : Jordan Belfort a trouvé, du moins il le croit, la botte secrète pour gagner de l’argent, beaucoup d’argent, en bourse. Nous sommes au début des années 90 et le trader de Wall Street s’enrichit rapidement. La porte est ouverte pour tous les excès.
e Loup en question c’est Jordan Belfort, fondateur de Stratton Oakmont, société de courtage en bourse avec laquelle il a connu une ascension fulgurante au début des années 90. Une décennie de réussite insolente et démesurée, une vie de tous les excès : des millions gagnés par la fraude, alcool, prostitués, orgies sexuelles, et beaucoup, beaucoup de drogues, jusqu’à ce que l’intervention du FBI transforme définitivement l’euphorie en bad trip.
L
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Par Aïcha Bahcelioglu. © 2013 Metropolitan Filmexport
FICHE TECHNIQUE
Excès, réussite, pouvoir, plaisir, drogue, débauche, adrénaline, rien n’arrête Jordan Belfort. Surnommé le « Loup de Wall Street », le trader new yorkais a défrayé la chronique par son manque de scrupules et sa vertigineuse ascension. Un psycho-sociopathe, qui a chuté tout aussi rapidement.
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VERY BAD TRIP
LE ∞E ART, DU CINÉMA À L’ULTRA Le cinéma, et l’art en général, nourrissent notre créativité de sportifs, d’êtres humains avides de sensations nouvelles, et parlent du réel mieux que le réel lui-même, rendent possible l’impossible. L’ultra, ce n’est pas le 8e art, c’est le ∞e. Ce mois-ci, nous décortiquons Le Loup de Wall Street pour vous. Vous êtes-vous déjà imaginé « très très » excessif ?
Bien sûr, la leçon n’a pas porté, Belfort, archétype vivant, personnifie un mensonge fait pour durer, il y aura toujours des gens prêts à tout pour vivre le grand frisson que procurent l’argent et le pouvoir. Dans la dernière séquence, le film offre un excellent moment de mise en abyme4 et une fois de plus de dissociation : lors d’un séminaire, Belfort le personnage est introduit sur scène par Belfort himself dans la peau d’un personnage. Devant un public d’anonymes déjà conquis, il continue d’enseigner les règles de la vente avec le simple exemple d’un stylo, et signe le final très ironique du film : même s’il n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été, il pourra continuer à écrire sa légende, qui deviendra par la suite un livre, dont s’est directement inspiré le film. Show must go on.
« La finance, c’est du vent, du bluff (…) On ne crée rien. On ne construit rien. », dixit Hannah. Scorsese choisit précisément de débuter le film par un énorme mensonge : une publicité de l’époque vantant les valeurs morales et les performances financières de Stratton Oakmont. La séquence suivante montre les employés dans leurs locaux parier de grosses sommes d’argent et lancer des nains sur une cible. Cette séquence qui défait en tout point la précédente, c’est probablement le projet du film : l’Amérique conquérante, riche et saine que l’on nous a vendue dans les années 80 était de la poudre aux yeux, et ironiquement, du cinoche. L’envers du décor, c’est plutôt ça. La démonstration, parfois brillante, est amusante parce que toute la réussite de Jordan Belfort, ses performances exceptionnelles, reposant sur la fraude, le mensonge, l’absence totale de scrupules et d’une certaine façon le dopage (les drogues), cela rappelle forcément d’autres ascensions et chutes toutes aussi vertigineuses…
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1. Séquence-programme : séquence placée en début de film, dans laquelle le réalisateur donne des indices annonçant la suite et le propos du film. 2. Faux-raccord : anomalie dans la continuité d’une séquence (un verre vide dans un plan et plein dans le plan suivant) ou discontinuité entre deux plans successifs censés être contigus dans le temps ou dans l’espace. 3. Regard-caméra : l’un des personnages du film regarde l’objectif de la caméra ; c’est très rare au cinéma et en principe proscrit. 4. Mise en abyme : procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre du même type ou ici l’œuvre du Belfort réel, dans la présentation de son œuvre fictionnelle.
BELFORT VS BELFORT
Cette scène, dans un restaurant chic de Manhattan, montre Hannah sniffer de la cocaïne au vu de tous, puis psalmodier une sorte de chant animal en se frappant la poitrine. Elle n’est que la première d’une longue série de scènes surréalistes, grotesques et parfois très drôles, la plus démente étant certainement celle où Belfort, sous l’effet des drogues, s’écroule, ne peut plus marcher et se traine à terre misérablement jusqu’à sa Ferrari dernier cri. Scorsese reste un des plus grands spécialistes formel des comportements excessifs (Taxi Driver, Raging Bull, Casino, etc., tout un joli bouquet de psychotiques), et n’en est pas à son premier film sexe/drogues/rock’n’roll. De plus le traitement du film, surtout le montage, s’accorde parfaitement avec ses symptômes émotionnels et psychologiques, en particulier ceux du mensonge et des illusions : hallucinations, bluffs, une séquence et son anti-séquence, ce qu’il fallait vraiment voir, faisant de l’ensemble de la séquence précédente une sorte de fauxraccord2 mental. Si on y ajoute le mode narratif de la voix-off, et plus étonnant, du regard-caméra3 qui en temps normal devrait être proscrit, cela donne le rythme et l’aspect dissocié, erratique et quasi-psychotique du récit. Comme l’American psycho Patrick Bateman, Jordan Belfort démontre largement qu’appât du gain et sociopathie font bon ménage.
L’avidité matérielle n’est qu’un des nombreux symptômes du sujet qui est au cœur du film : les personnages sont accros à l’adrénaline. Une fois qu’ils ont gouté à cette ‘substance’ aux sources multiples (argent, pouvoir, sexe, drogues), ils ne peuvent plus s’en passer ; une fois arrivé au sommet de la montagne, même artificielle, ils sont quasiment prêts à tout pour rester au plus haut. L’ambition, le besoin de réussite est traité comme une pathologie par le film, une maladie psychique des personnages, mais aussi d’une époque et d’une civilisation. La performance doit rester au plus haut niveau, constamment. Jordan utilise les drogues dans ce but, comme un dopant, pour la performance. C’est le schéma qui tourne en boucle durant tout le film, explicité très clairement par Mark Hannah, mentor de Jordan Belfort : argent-drogue/performance-adrénaline. Comme souvent, dans les premières séquences, on trouve la séquence-programme1, celle qui annonce ce que le film va s’employer à démontrer. C’est celle du restaurant où Mark Hannah, tel Faust, explique à son disciple qu’il doit abandonner tout scrupule pour obtenir la réussite, le pouvoir, et les plaisirs sans fin. « Le but du jeu : prendre l’argent dans la poche de ton client pour la mettre dans la tienne ». Tous les préceptes de prédateur financier listés dans la séquence, Jordan va les appliquer tout au long du film, mais avec beaucoup plus d’avidité et de férocité encore.
L’AMÉRIQUE CONQUÉRANTE
SOCIOPATHES EN SÉRIE
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DOPAGE À HAUTE DOSE
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LES MOTS CLÉS LE LOUP DE WALL STREET
Ascension Excès Adrénaline Montagne Ambition Réussite Pouvoir Plaisir Performance Dopage Avidité Férocité Émotion Hallucination Valeurs Vertigineux Frisson
Minimiam : votre dîner se transforme en terrain de sport « NE JOUE PAS AVEC TA NOURRITURE ! » SI VOUS AUSSI VOS PARENTS VOUS ONT RÉPÉTÉ CETTE PHRASE À TABLE ÉTANT PETIT, VOUS ADMIREREZ LE TRAVAIL DE PIERRE JAVELLE ET AKIKO IDA AVEC DES YEUX RONDS COMME DES SOUCOUPES (FORCÉMENT). CETTE SÉRIE DE PLUSIEURS DIZAINES DE SAYNÈTES DÉBUTÉE EN 2002 FIGE DES PERSONNAGES AU 1/87E FABRIQUÉS PUIS PHOTOGRAPHIÉS PAR LES DEUX ARTISTES, DANS DES POSITIONS ISSUES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS. POUR TOUT CONNAÎTRE DE CET UNIVERS : WWW.MINIMIAM.COM.
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MINIMIAM © Minimiam
Mont Blanc : c’est vraiment un régal, ce rocher.
BIENTÔT LE SOMMET !
ON N’EST PAS DÉJÀ PASSÉ ICI ?
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MINIMIAM © Minimiam
Paris Brest : pour une fois qu’on ne pédale pas dans la semoule
JEU, SET ET MATCH !
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MINIMIAM © Minimiam
Slice : scotchée au sol, elle ne pourra récupérer cette balle gagnante
PAR LAURENT VERCUEIL
SOMMAIRE
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LISEZ VOS ÉTIQUETTES
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52 Grand Angle JO de Sotchi : La rançon de la gloire
62 Dossier : Le respect de l’étiquette
56 Courrier des lecteurs
74 Se respecter : L’effet papillon
58 Actus
www.media.universalpictures.fr
ETIAM SI OMNES, EGO NON
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78 Au naturel : Les super-pouvoirs des plantes
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82 D+, Ultrat de labo 84 Nutrition : Secrets d’endurance 88 Portfolio : Doigts de fée
ÉQUILIBRE
ÉQUILIBRE
PRENDRE SOIN DE SOI
Bien sûr, nous sommes nombreux. Et oui, nous sommes (à peu près) tous faits pareils, et, grosso modo, du même bois. Après tout, ce qui est bon pour toi est probablement bon pour moi. Ce qui va bien pour elle, fera l’affaire pour elle, itou. Et les mêmes recettes, les mêmes principes, les mêmes préceptes sont appliqués à tous, tout vaut bien pour tout le monde, va ! Nous avons tous deux bras, deux jambes, un ventre, une tête, pour les mieux pourvus. Alors, qu’est-ce qui va changer d’un bonhomme à un autre, en dehors de son numéro de sécurité sociale ? Ce qui marche chez toi marchera chez moi, non ? Non. Aussi sûr que un et un font deux. Chacun sa route, chacun son chemin, comme chantait l’autre. Et pour le mieux de tous. Celui qui tenta de tuer Hitler et Himmler, au cœur de l’Allemagne nazie, avait pour devise la locution latine « Etiam si omnes, ego non », lumière vacillante dans des temps sombres : « Et même si tous, moi pas ». À l’échelle plus modeste de nos activités quotidiennes (manger, courir, se reposer…), il nous appartient de déterminer ce qui est bon pour nous. En s’aidant des autres, des expériences, des conseils et recommandations, bien sûr, sinon à quoi bon cette rubrique, mais aussi en gardant le pouvoir, ô combien précieux, de la décision ultime, réservée à notre for intérieur. Ce « for » intérieur qui n’est pas une fortification, mais, par définition, une autorité juridique : en somme, une instance qui dit ce qui est juste. Juste, pour mon corps, pour mon équilibre.
Underground : Peut-on sauver le soldat Sotchi | 10 Equilibre : La rançon de la gloire | 52 Globe-Trotter : Sotchi, la cité déglutie | 94 Top Chrono : La victoire est en lui | 140 Absolu : Un sherpa aux JO | 186
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JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
RANÇON
DE LA GLOIRE Par Emmanuel Lamarle
Le risque fait partie de la vie des athlètes de haut niveau, surtout dans les disciplines olympiques hivernales. Blessures à répétition, parfois irréversibles, plus rarement fatales, heureusement, font partie du jeu. Serait-ce la rançon de la gloire ?
P
ierre Vaultier, snowboarder français originaire de Briançon, est un jeune homme heureux. Le 18 février dernier, il remporte la compétition de boardercross1 aux Jeux Olympiques de Sotchi (lire notre article en page 140). Pourtant, un mois plus tôt, il n’était guère question de JO : le 21 décembre 2013, soit moins de deux mois avant l’échéance olympique, il est victime d’une déchirure du ligament antérieur du genou droit lors d’une manche de coupe du monde à Lake Louise. Conseillé par son entourage médical, il décide de ne pas se faire opérer, mais suit une rééducation intensive. Il part contre toute attente à Sotchi, remporte tous ses runs qualificatifs et décroche son premier titre olympique.
CONCOURIR AVEC LE RISQUE Un athlète de top niveau flirte avec les limites de son corps (et de son esprit), quelle que soit la discipline dans laquelle il s’engage : 100 m, saut à la perche, triathlon, rugby… Lorsque la limite est franchie, l’athlète perd ou se blesse. Mais parfois les conséquences sont plus graves – on peut penser à la Formule 1 où la frontière entre la vie et la mort se joue au dixième de seconde. Dans les compétitions de sports d’hiver, l’erreur se paie cash aussi. Les chutes sont fréquentes, et les conséquences fâcheuses en regard de la vitesse et parfois de l’altitude atteintes par les compétiteurs. Par exemple, la Streif de Kitzbühel en Autriche, est la piste de descente2, slalom géant3 et Super-G4 considérée par les skieurs comme la plus dangereuse au monde. Son dénivelé de plus de 800 m sur 3 km de distance permet d’atteindre la vitesse époustouflante de 140 km/h, et impose de réaliser des sauts de plus de 60 m pour franchir les « cassures ». Dans ces conditions, on imagine parfaitement les conséquences d’un raté.
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
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Même des sports en apparence moins dangereux peuvent conduire à des drames – la luge par exemple. Preuve en est, le décès du Géorgien Nodar Kumaritashvili en 2010, quelques heures avant l’ouverture des JO de Vancouver. Le jeune homme a perdu le contrôle de sa luge en sortie de virage sur cette piste réputée la plus rapide du monde, et a percuté un poteau métallique à près de 140 km/h. Tous les athlètes le savent : en sports d’hiver, tu concours non seulement avec (contre) les autres athlètes, mais aussi avec le risque. Comme pour toute activité de montagne, le risque fait partie du sport. Cette notion est malheureusement absente de l’esprit de la plupart des vacanciers de sports d’hiver. On se rend ainsi compte qu’une proportion non négligeable d’entre eux s’élancent pour « bouffer de la piste » une semaine par an, dans l’intention d’en profiter au maximum, sans guère de condition physique. Résultat : entorses de genoux et fractures de poignets à la pelle (lire l’encadré « Blessures chez le vulgus pecum »).
CHEZ LE SPORTIF DE HAUT NIVEAU, LE RISQUE EST ADMIS, INTÉGRÉ, ON EN JOUE MÊME. MAIS IL FAIT SOUVENT BEAUCOUP PLUS MAL.
LA SURENCHÈRE TUE L’accident de Caleb Moore a toutefois interpellé le monde du sport extrême, notamment le Dr. Bruce Brookens, ancien sportif et médecin de Denver : « Le sport a été conçu pour améliorer la santé du corps et la qualité de vie. Mais tel qu’il est aujourd’hui pratiqué aux X-Games, le sport semble maximiser les risques et les blessures. Les athlètes pourraient certainement développer les mêmes aptitudes et continuer à étonner les spectateurs, avec moins de risques de blessure, y compris irréversibles. En réalité, aujourd’hui on mise tout sur le risque, pas sur la performance6. » Malgré l’orientation particulière de cet article, la blessure n’est jamais une fatalité. On peut ainsi se remémorer quelques carrières exemplaires, mais sans blessure grave. Rappelez vous de Jean-Claude Killy, le skieur le plus titré et le plus doué de son époque (descente, slalom, slalom géant), ou encore Edgard Grospiron, dont on ne peut pas nier le degré d’engagement et de prise de risque en ski acrobatique version bosses. Passer au travers, c’est possible ! 1 Boardercross : discipline de snowboard pratiquée à 4 ou 6 simultanément sur un parcours comportant des bosses et des virages. 2 Descente : la plus ancienne des disciplines de ski alpin, il s’agit de descendre une piste à fort dénivelé, large, à très haute vitesse. 3 Slalom géant : discipline technique plus longue que le slalom, mais avec des portes plus espacées. 4 Super-G : discipline de vitesse à mi-chemin entre descente et slalom géant. 5 Backflip : salto arrière dans le cadre d’une discipline de glisse. 6 Propos recueillis par le Denver Post.
LE PRIX À PAYER Les accidents mortels en compétition de sports d’hiver surviennent épisodiquement : leur nombre est peu élevé par rapport à la masse des pratiquants, mais à chaque évènement funèbre la couverture médiatique est forte. En France, on pense à Régine Cavagnoud, décédée en 2001 à Innsbruck, Autriche, lors d’une descente d’entraînement où elle percute un entraîneur allemand qui n’était pas censé être sur la piste. Régine n’avait pas été épargnée durant ses 26 années de carrière : ruptures des ligaments, fractures, déchirures, douleurs aux cervicales – elle s’était même entraînée à une époque avec une minerve. Le prix de la gloire ? Sans doute, car au bout du compte elle a totalisé huit victoires en coupe du monde (descente et Super-G) et une médaille d’or aux championnats du monde (Sankt Anton, 2001). L’on peut penser également à Karine Ruby, décédée en 2009 dans le cadre de son métier de guide, hors compétition donc, mais toujours dans cet environnement montagnard. Carole Montillet (championne olympique de descente en 2002 à Salt Lake City) met quant à elle fin à sa carrière en 2006, après une chute grave à l’entraînement aux JO de Turin. Luc Alphand n’a pas été en reste lors de sa carrière en terme de blessures, d’abord durant son illustre carrière de skieur, puis par la suite lorsqu’il s’est mis au rallye-raid. Plus récemment, en 2012, le Canadien Nick Zoricic, 29 ans, s’est tué lors des finales de coupe du monde de skicross à Grindelwald, en Suisse. Il a quitté la piste à la suite d’un saut et est retombé dans les filets de sécurité. Ou encore plus récemment, début 2013, le décès de Caleb Moore, 25 ans, après avoir tenté un backflip5 en motoneige ! Ceci dans le cadre des X-Games à Aspen, Colorado. Le jeune homme est tombé tête la première, et la motoneige lui est retombée dessus. Son frère Colten a déclaré peu après l’accident (et après s’être lui aussi gravement blessé sur ce même tremplin 30 minutes plus tard) : « Caleb a vécu sa vie à fond. Il était une source d’inspiration ».
SPORTS D’HIVER
BLESSURES CHEZ LE VULGUS PECUM Miniski 1% Snowboard 16%
Les sports pratiqués en station
Autre 0,5%
Ski alpin 83%
L’association des Médecins de montagne a réalisé une étude sur l’hiver 20112012 dans les stations de sports d’hiver françaises. Ils ont analysé la pratique de 7 millions de personnes, s’adonnant très majoritairement au ski alpin. Parmi ces 7 millions de touristes sportifs, 140 000 se sont blessés, soit 2% tout de même. Ceci représente 2,44 blessés pour 1000 journées de ski, avec un écart assez important entre ski alpin (2,38) et snowboard (2,78). Du côté des blessures, les membres inférieurs sont les plus touchés, suivis des membres supérieurs, du tronc et enfin de la tête. Là encore le ski et le snowboard différent : les membres inférieurs sont touchés dans 51% des cas en ski alpin (18,5% en snowboard), et à l’inverse les membres supérieurs sont touchés dans 61% des cas en snowboard (30% en ski). En conclusion : gare à vos genoux en ski, et à vos poignets en snow !
Membre supérieur 37%
3% 11% Entorses Autres du pouce
8% Fractures du poignet
14% Lésions de l’épaule
3% 10% Entorses Autres de la cheville
Membre inférieur 43%
Tronc 13%
13% Lésions du genou
13% Lésions du rachis, thorax, bassin
23% Entorses du genou
Tête 7%
1% 3% Autres Plaies 3% Traumatisme cranien
QUESTION D’ÉQUILIBRE
POURQUOI TU COURS ?
ERRATUM
flexionextension Une erreur s’est glissée dans l’article sur la fluidité de mouvement dans le n°3 d’Ultra Mag : en p. 84, sur le schéma de gauche, il fallait lire « contrainte de flexion », et pas d’extension.
RÉGIME PALÉOBASIQUE #ONMELANGETOUT Suite au dossier dans Ultra Mag n°3, « Équilibre acido-basique : Cro-magnon avait raison », un lecteur nous reproche quelques oublis dans la description du régime paléolithique. La voici résumée : « (…) [Dans votre article, vous parlez de la consommation] de pain, de légumineuses et de céréales, mais pas des oléagineux et très peu des graines comme source de protéines. » PHILIPPE C. SUR FACEBOOK Vous avez raison mais attention, le sujet de ce dossier était l’équilibre acido-basique, pas le régime paléolithique. Nous avons cherché à mettre en évidence la non adaptation de notre alimentation moderne à notre organisme, qui se trouve anormalement acidifié, avec tous les désagréments que cela peut supposer. Certaines maladies dites « de civilisation » sont directement induites par ce déséquilibre. Nous nous sommes donc essentiellement focalisés sur les aliments permettant de rétablir cet équilibre. Nous vous proposons ainsi des pistes, résumées en page 71.
AUGMENTEZ
votre consommation de fruits et légumes, riches en potassium
Le travail du quadriceps est accru
ABSENCE DE SYNERGIE MUSCULAIRE
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Je viens tout juste de terminer la lecture du texte de Laurent Vercueil sur le cerveau (Ultra Mag n°3, p. 78) et franchement, c'est génial ! J'ai enfin compris pourquoi je courais et surtout je serai désormais capable de l'expliquer à ceux qui me demandent sans
cesse : « Mais pourquoi tu fais ça ? » Une question : est-ce que ces propos se basent sur de véritables recherches scientifiques (j'ai cru comprendre que oui) ? ERIC B., FORUM DE L’ULTRA FRANCOPHONE Oui, en effet Eric, les recherches dont il est question sont robustes, et déjà reproduites - notamment le fameux papier de McClure et Montague, qui avait fait pas mal parler de lui. Laurent Vercueil
Le pied maintenu par le muscle jambier antérieur produit une contrainte d’inclinaison du tibia et par conséquence, de flexion du genou
Appui talon
Contrainte de flexion
ONGLÉE SANS ÉCHALOTES Je participe chaque hiver à un ou deux trails hivernaux, et j’ai un problème avec mes doigts : j’ai l’impression qu’ils gèlent quand les conditions sont vraiment froides et humides, ils deviennent gourds, j’ai du mal à saisir des choses, à ouvrir une fermeture-éclair… Est-ce qu’il y a un risque ? VALÉRIE, 95
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Vous expérimentez sans doute ce qu’on appelle l’onglée, c’est-à-dire une sensation d’engourdissement des doigts sous l’action du froid. Ce n’est pas grave en soi, par contre ça peut effectivement vous poser des soucis : ouvrir l’emballage d’une barre, saisir un bidon pour boire, réajuster votre veste peuvent devenir compliqué, et du coup vous pouvez aggraver votre situation d’une hypoglycémie ou d’une hypothermie. Pour vous en prémunir, tâchez de porter des gants adaptés aux conditions et de ne pas conserver des gants trempés. Si vous êtes atteinte, essayez de vous réchauffer les mains, en les mettant par exemple sous votre veste. Attention, le réchauffage est très douloureux : vos doigts vont passer par le bleu puis le rouge avant de retourner vers une teinte normale, et vous pouvez être atteint de nausées. Par la suite, vos mains semblent étrangement immunisées au froid. N’en abusez pas…
RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :
ÉQUILIBRE
MAIS
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Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr
IDÉES REÇUES ACCIDENT
, S E G N MA VIS U T E U U Q T E Ù C O I I DIS-MOJE TE DIRA
DÉCÈS DE KRISTOF GODDAERT
Le JDN a publié début février une étude étonnante sur les habitudes de consommation de produits alimentaires des Français. On y découvre les aliments surconsommés ou au contraires sous-consommés par région. Extrait : les habitants de la Sarthe (Le Mans) achètent cinq fois plus de rillettes que la moyenne des Français ; de Charente-Maritime 18 fois plus de pineau ; de Franche-Comté 4 fois plus de fromage fondu ; les Alsaciens 3 fois plus de pain d’épices ; d’Ardèche 5 fois plus de crème de marrons… Mais aussi les Bretons qui consomment beaucoup plus de cidre que les autres Français, les Champenois le champagne, les Normands le calvados… Ou comment confirmer par des chiffres des idées reçues. Carte interactive sur http://tinyurl.com/ultra04-alim.
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DÉTOXICATION PRINTANIÈRE
MÉDECINE
LA SÈVE DE BOULEAU, C’EST EN MARS
L’arrivée
du printemps, comme tout changement de saison, est une épreuve pour l’organisme. C’est aussi l’occasion de passer de l’état de larve à celle de sportif de haut niveau (chacun à sa mesure). Si vous lisez régulièrement des magazines de santé, vous verrez émerger à cette période de nombreux articles sur la sève de bouleau. Courant mars, un peu avant ou un peu après, ces arbres ont une montée de sève, qui devient très liquide. Il est ainsi possible de la récolter, puis de la consommer. Ses propriétés curatives sont connues depuis l’antiquité, et dans le monde entier. La sève fraîche, non traitée et non pasteurisée, contient des oligo-éléments, des acides aminés, des sucres, des vitamines (A, E, D3, C, B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9, B12, K1). Elle est anti-inflammatoire, analgésique, diurétique, et également riche en anti-oxydants. La récolte dure trois à quatre semaines, et la consommation de ce liquide au goût d’eau légèrement sucrée n’a lieu que pendant cette période. Infos et commande avec le code « promo-UM-10 » (sans les guillemets) sur www.sevedebouleaufraiche.com (10% de réduction pour les lecteurs d’Ultra Mag)
SAUVÉ PAR DR HOUSE
Le cas médical d’un Allemand de 55 ans restait une énigme pour les médecins, jusqu’à ce que le professeur Juergen R. Schafer se souvienne d’un épisode de la série Dr House dans lequel était évoqué un cas d’empoisonnement au cobalt. Il s’est avéré que les prothèses de hanches de l’homme laissaient échapper du métal (chrome et cobalt) dans le corps de l’homme. Après remplacement desdites prothèses, son état s’est amélioré. Merci qui ? www.media.universalpictures.fr
Le cycliste professionnel belge Kristof Goddaert est décédé à l’entraînement le 18 février près d’Anvers. Il aurait perdu l’équilibre à cause d’une voie de chemin de fer longeant la route, et aurait été percuté par un bus à la suite de sa chute. Kristof Goddaert avait roulé pour AG2R-La Mondiale et IAM.
Et si on arrêtait de se mentir
Erwann Menthéour, l’ancien coureur cycliste, a sorti en janvier Et si on arrêtait de se mentir, un livre remettant en cause 17 idées reçues telles « Les produits laitiers sont vos amis pour la vie » ou « Mieux vaut remplacer le sucre par l’aspartame ». Ce spécialiste en nutrition et préparation physique ne prend pas de gants pour dénoncer la mainmise des lobbies agro-alimentaires. Solar Editions, 14,90 €
ALCOOL
Pour limiter les effets néfastes Un nouveau produit distribué en pharmacie et parapharmacie vous promet de limiter les effets néfastes de l’alcool, notamment la prise de poids induite par les calories présentes en grand nombre dans un liquide alcoolisé : le sel volcanique contenu dans la solution buvable de Zeocal absorbe jusqu’à 41% des molécules d’éthanol ingérées avant qu’elles ne soient diffusées dans l’organisme. La solution doit s’avaler quelques minutes avant la consommation – modérée bien sûr – d’alcool.
ALIMENTATION
ÊTRE VÉGÉTARIEN – tout savoir sur le mode de vie Alexandra de Lassus, enseignante de yoga, et Simon Sek, illustrateur, tous deux végétariens confirmés, se proposent de nous expliquer - sur un ton enjoué et positif et surtout sans se poser comme des donneurs de leçons - les principes du végétarisme. Éditions Chêne, 144 p, 16,95 €
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N TATIO
N ALIME
LA MÉDITATION ANTI-STRESS
20%
(1) Johns Hopkins, Journal of the American Medical Association (JAMA) (2) Recherches conjointes menées par des chercheurs des universités du Wisconsin, de Barcelone et de Lyon à paraître dans The Official Journal of the International Society of Psychoneuro-endocrinology © Gajus Fotolia.com
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Se sentir mieux en cas de dépression, se sentir bien mieux si tout va bien… Trente minutes de méditation « pleine conscience » quotidienne contribuerait, selon une analyse des résultats de près de 50 essais cliniques1, à soulager les symptômes d’anxiété et de dépression. L’étude révèle une efficacité comparable à celle des antidépresseurs, sans les effets secondaires, pour des populations ne souffrant pas de pathologies sévères. Les sujets observés (3515 personnes au total) ont pu observer des signes d’amélioration de leur état après avoir entrepris un programme de huit semaines de méditation. Une autre étude va plus loin2 et montre que la méditation pourrait avoir des répercussions au niveau moléculaire. Elle aurait mis en évidence des modifications rapides de l’expression de gènes directement impliqués dans les processus inflammatoires. D’autres modifications sont observées concernant le maintien des concentrations sanguines en cortisol. Ces modifications n’ont pas été observées sur un groupe témoin pratiquant de simples exercices de relaxation.
LE CERVEAU EN PILOTAGE AUTOMATIQUE SCIENCE
Un groupe de chercheurs allemands du Max Planck Institute (Berlin) a analysé quelque 1,6 milliards de connexions neuronales, grâce à un procédé d’Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Le but était de mieux cerner la structure anatomique des réseaux fonctionnels du cerveau. Ils ont ainsi pu identifier un « mode par défaut », sorte de réseau de repli, impliqué dans l’introspection et la rêverie. Hors exécution de tâches précises, le cerveau zappe et passe sur une sorte de pilotage automatique. Source : Institut Max-Planck Brain on autopilot et NeuroImage 4 octobre 2013. The structural-functional connectome and the default mode network of the human brain.
SANTÉ
DU SOLEIL POUR LE COEUR Vous avez du cœur ? Vous tenez à en garder ? Prenez des bains de soleil ! Plusieurs études récentes confirment en effet qu’il pourrait y avoir un lien entre l’exposition au soleil et les maladies cardiovasculaires. Ainsi une étude danoise a noté l’an dernier une diminution de 20% du risque d’infarctus chez les gens qui prennent beaucoup le soleil. Plus récemment, un chercheur de l’université de Warwick en Angleterre a montré que la pression sanguine chez des sujets recevant 10% de la dose d’UVA normale (en Angleterre) diminuait de 7%. Il est temps pour le printemps de montrer le bout de son nez.
© Nicolas Raymond
ANTI-INFLAMMATOIRE
Si le cerveau représente à peu près 2% du poids total d’un être humain, il consomme 20% de son énergie totale. Évitez donc de réfléchir si vous voulez aller loin.
COMPLÉMENTS
NÉANDERTHAL
ATTENTION AUX VITAMINES ANTI-OXYDANTES
Le diabète, héritage préhistorique
Stress oxydatif… Une expression qu’on a tous entendue, en particulier dans le monde du sport, pour désigner l’invasion des radicaux libres, véritables ciseaux chimiques détruisant les cellules et accélérant leur vieillissement. En nombre raisonnable, les mêmes radicaux libres assurent le nettoyage de l’organisme en supprimant les cellules anciennes ou défectueuses. Une étude publiée le 29 janvier 2014 dans la revue Science Translation Medicine montre que les compléments de vitamines anti-oxydantes accélèrent le développement de lésions précancéreuses ou de cancers précoces du poumon chez les souris et les cellules humaines en laboratoire.
RÉGIME MIRACLE
L’histoire peut parfois nous plonger dans des abîmes de perplexité. Et cette fois, c’est même de la préhistoire que nous vient cette découverte incroyable :
Un gène hérité de Néanderthal serait un nouveau facteur de risque de diabète de type 2. Des conclusions publiées dans la revue Nature suggèrent en effet qu’une fréquence élevée de ce gène pourrait augmenter de 20% la prévalence du diabète de type 2.
DOCUMENTAIRE
DUKAN RADIÉ DE L’ORDRE DES MÉDECINS
PRENEZ SOIN DE VOTRE
Le docteur Dukan, qui a donné son nom au régime hyperprotéiné bien connu, a été radié de l’ordre des médecins. La décision a été rendu publique le 24 janvier par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre. Parmi les charges retenues contre Pierre Dukan, l’utilisation de son nom à des fins publicitaires ou encore un « manque de prudence » dans sa proposition d’instaurer une option « anti-obésité » au bac. Des points auraient alors été attribués aux candidats situés dans une fourchette de poids considérée comme « normale ». La méthode Dukan se serait déjà vendue à 13 millions d’exemplaires.
Le ventre ne sert pas seulement à digérer. Le tube digestif en particulier jouerait un rôle clé dans de nombreuses pathologies chroniques telles que l’obésité, la dépression, l’anxiété, le vieillissement, et certaines pathologies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson. Un documentaire programmé le 31 janvier sur Arte a permis de dévoiler le « microbiote intestinal », un « organe » constitué par dix fois plus de cellules que l’ensemble de notre organisme, et abrité par notre tube digestif. Son rôle clé sur la santé et les maladies chroniques commence seulement à être connu.
RÉGIME MIRACLE
TUBE
DIGE STIF
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LE CHIFFRE
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ÉTUDES SCIENTIFIQUES
DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
LE RESPECT
DE L’ÉTIQUETTE VALEURS NUTRITIONNELLES MOYENNES
ÉNERGIE PROTÉINES GLUCIDES
LIPIDES FIBRES ALIMENTAIRES SODIUM
COMMENT DÉCRYPTER UNE
ÉTIQUETTE DE PRODUIT ÉNERGÉTIQUE ?
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Par Anthony Berthou
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DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
Qu’il s’agisse de barres ou de poudres à diluer dans l’eau, comprendre le réel intérêt nutritionnel d’un produit relève parfois du parcours du combattant. Nous vous proposons ici de vous apprendre à mieux distinguer l’argumentation technique des promesses marketing.
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Au cours d’un effort, les glucides représentent la forme d’énergie la plus rapidement et facilement disponible, elle est donc la principale à considérer. Au sein de ces glucides, on distingue plusieurs catégories. Les glucides à assimilation rapide : mono ou disaccharides (un ou deux sucres simples). Il s’agit de glucose, dextrose (deux molécules de glucose), saccharose (association de glucose et dextrose), etc. Ces glucides ont la propriété d’être rapidement disponibles au niveau sanguin (index glycémique élevé) : ainsi, plus l’effort est court et intense, plus la proportion de ces glucides doit être importante. Les glucides à assimilation lente. Là, c’est un peu plus diversifié. Nous avons tout d’abord l’amidon. Véritable réserve d’éner-
V
ous êtes ce que vous mangez. » L’alimentation joue un rôle essentiel dans la vie de tous les jours. En effet, au-delà de ses rôles affectifs et socio-culturels, elle apporte les nutriments dont nos 10 000 milliards de cellules ont besoin pour assurer leurs fonctions et elle nous permet d’optimiser notre santé, donc d’être plus performant. Un type d’aliment pénètre de plus en plus nos vies suractivées : les produits énergétiques. Les sportifs sont concernés, certes, mais ces produits se démocratisent et sont de plus en plus utilisés comme des produits de consommation courante. Loin de l’idée selon laquelle il faudrait juste un peu de sucre pour recharger les réserves en énergie, la composition des barres et autres boissons énergétiques peut se révéler très complexe. Un monde unique et passionnant s’ouvre à vous. Nous allons vous aider à lire et comprendre les étiquettes de ces produits. Si l’on parle d’optimisation des performances ou tout simplement de plaisir
à terminer une épreuve, il est essentiel de maîtriser cet exercice de décryptage. Disons-le d’emblée, une calorie déclarée sur une étiquette n’est pas une calorie que vous dépenserez à l’effort. Bien sûr, la valeur énergétique d’un produit… énergétique, vous oriente et vous renseigne sur le pouvoir calorique du produit en question. Mais d’un point de vue nutritionnel, l’intérêt de l’information divulguée demeure limité (voir encadré « Le mystère de la kcal enfin résolu »). Le glucose et ses dérivés ne sont pas les seuls responsables de l’efficacité d’un produit. Acides gras, acides aminés ramifiés, oligo-éléments, vitamines, minéraux, rentrent dans ce processus merveilleux qui au final nous permet d’accomplir des exploits : tenir toute une journée éveillé et actif, aller marcher, piquer une tête à la piscine, supporter les séances d’entraînement, tenir un marathon, traverser l’Atlantique à la nage… des trucs comme ça.
gie végétale, l’amidon est essentiellement apporté par les produits céréaliers et les légumineuses : blé, riz, pomme de terre, quinoa, millet, maïs… L’amidon est la forme de glucides la plus lentement assimilée et donc idéal pour des efforts de longue durée. Attention toutefois, le terme « amidon » reste générique, il existe plusieurs formes d’amidon possédant des vitesses d’assimilation différentes. Attention bis : certains produits mentionnent dans la liste des ingrédients le terme « amidon » ; celui-ci est généralement ajouté dans un but technologique, par exemple comme épaississant, gélifiant ou stabilisant. Troisième type de glucides importants : les maltodextrines. Historiquement connu sous le terme de « nouilles liquides », il s’agit de glucides issus de l’hydrolyse de l’amidon (fractionnement de la molécule). En fonction du degré d’hydrolyse, la vitesse d’assimilation diffère : plus le taux d’hydrolyse (voir encadré « Le dextrose équivalent ») est faible, plus la maltodextrine sera assimilée
COMPOSITION
L’ESSENCE DE L’ÉTIQUETTE Une composition énergétique est généralement présentée de la façon suivante sur une étiquette : Valeur nutritionnelle pour 100 g et par barre (x g) Valeur énergétique Protéines Glucides Dont sucres Lipides Dont acides gras saturés Fibres alimentaires Sodium
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GLUCIDES OU SUCRES : DE L’AMIDON AU GLUCOSE
DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
PRATIQUE : MISEZ SUR LES MÉLANGES Sur votre étiquette, la mention « dont sucres » sous « glucides » désigne la quantité de sucres simples. Vous trouverez régulièrement l’indication « dont fructose ». Une simple soustraction suffit ensuite pour trouver la quantité de maltodextrines. Pour les efforts longs, privilégier les boissons ayant le plus fort taux de maltodextrines, et si vous y trouvez l’indication, privilégiez les maltodextrines à faible DE : l’intérêt est
LA PRÉSENCE DE FRUCTOSE EST INTÉRESSANTE, MAIS EN QUANTITÉ MODÉRÉE
DÉCRYPTAGE
LE MYSTÈRE DE LA « KCAL » ENFIN RÉSOLU GLUCIDES ASSIMILABLES 1g = 4 KCAL LIPIDES 1g = 9 KCAL
PROTÉINES 1g = 4 KCAL
La valeur énergétique d’un produit ne mérite bien souvent pas la valeur que vous lui attribuez. Bien sûr, elle vous oriente sur le pouvoir calorique du produit en question, mais reste une donnée incomplète. Pourquoi ? C’est très simple. Elle est calculée en additionnant le nombre de calories issues des glucides assimilables (1g = 4 kcal), des lipides (1g = 9 kcal) et des protéines (1g = 4 kcal). Or les fonctions de ces nutriments sont totalement différentes. Ainsi, les protéines possèdent des propriétés structurelles et fonctionnelles, tandis que les glucides et les lipides possèdent des rôles essentiellement énergétiques. Ce n’est pas tout ! Les lipides sont constitués d’acides gras dont les propriétés sont essentielles au bon fonctionnement de l’organisme. De même, les glucides sécrètent de l’insuline, ce qui favorise le stockage des nutriments par
l’organisme… Ces quelques explications permettent de comprendre pourquoi les x kcal consommées auront des devenirs métaboliques bien différents selon la nature des nutriments les constituant. Positionner tous les nutriments au même niveau, et leur attribuer à tous un niveau de rendement énergétique égal, ce serait un peu comme espérer pouvoir commencer un voyage en voiture avec du sans plomb, puis le finir avec du diesel.
de limiter les variations fortes de la glycémie, provoquant des risques d’hypoglycémies, donc de « panne sèche » au cours de l’effort. Par ailleurs, les maltodextrines présentent l’intérêt de limiter l’augmentation de l’osmolarité du produit, à quantité égale, par rapport à des glucides simples. Idéalement, le choix de votre produit énergétique devra prendre en compte un apport complémentaire en glucides variés à assimilation rapide : dextrose, glucose et/ ou saccharose. Et un apport de fructose en faible quantité. La synergie de ces différents glucides permet d’optimiser la stabilité de la glycémie au cours de l’effort, le rôle de chacun d’entre eux étant complémentaire de celui des autres. Pour les produits solides, privilégier les produits à forte dominante de maltodextrines à faible DE ou d’amidon issu des céréales en cas d’efforts de longue durée à faible intensité. Attention toutefois au temps de diges-
tion, alors plus long : il est donc important de les consommer de manière espacée et par petites quantités (maxi 20/25 g). En cas d’efforts intenses, préférer les barres à forte dominante de glucides simples telles que les pâtes de fruits. Vous les consommerez en plusieurs fois, par petites bouchées et en mâchant bien, afin de faciliter leur bonne digestion au cours de l’effort.
ACIDES GRAS « ESSENTIELS » AU COURS DE L’EFFORT ? Tantôt fustigés parce qu’ils feraient prendre du poids, tantôt plébiscités parce qu’ils représentent une quantité d’énergie quasi inépuisable, les lipides, et en particulier leur apport au cours de l’effort méritent d’être abordés avec nuance. Bien que leur valeur calorique soit supérieure à celui des glucides, ils s’assimilent lentement, sont plus longs à digérer, et réduisent la vidange gas-
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Vous connaissez sans doute également le fructose, un sucre présent à l’état naturel dans les fruits et le miel. Bien qu’il appartienne à la famille des glucides simples (c’est un monosaccharide), il est souvent qualifié de glucide non « insulino-sécréteur ». En clair, le fructose perturbe peu la glycémie de l’organisme. Une assimilation non violente, peu de risque d’hypoglycémie réactionnelle, l’idéal, me direz-vous ! Oui… Sauf que la capacité d’assimilation de ce glucide demeure limitée. On l’estime à une valeur théorique maximale de 30 g/ heure, ce qui est peu. La présence de fructose est donc intéressante dans un produit de l’effort, mais en quantité modérée pour éviter tout désordre digestif (lire encadré « Miel et sirop d’agave »).
Une dernière catégorie est importante à citer, celle des édulcorants. Ils s’appellent xylitol, aspartame, acesulfame de potassium, sucralose… Ils ne présentent aucun intérêt nutritionnel dans les produits de l’effort, sauf peut-être celui très relatif de renforcer le goût sucré et/ou rafraichissant.
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lentement. Et inversement. Il n’existe donc pas « un » type de maltodextrine, sa mention sur une étiquette mérite d’être nuancée.
DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
L’indice donné à des produits issus de l’hydrolyse de l’amidon s’appelle le Dextrose Equivalent (DE). Cette hydrolyse a pour but de décomposer l’amidon et d’obtenir ainsi des glucides de plus petite taille, donc plus rapidement assimilables. Un DE élevé est synonyme de sucres simples dits « à chaîne courte ». Le DE s’échelonne de 0 à 100 : • Amidon non transformé : 0 • Maltodextrines : 6 à 19 • Sirop de glucose : 20 à 100 • Glucose pur (dextrose) : 100
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LES PRODUITS GRAS SONT À RÉSERVER À DES EFFORTS DE FAIBLE INTENSITÉ
trique. Pour les efforts moyens et élevés, ou en cas d’insensibilité digestive, limitez-en la consommation. Ainsi, les produits gras tels que la pâte d’amande ou barres riches en lipides (teneur supérieure à 30%) sont à réserver à des efforts de faible intensité et des sportifs ne présentant pas de troubles intestinaux chroniques au cours de l’effort.
Dans ce cadre, l’apport de lipides possède un intérêt significatif. Une attention particulière a été portée sur les triglycérides à chaîne moyenne (TCM) il y a quelques années : en effet, du fait de leur structure biochimique relativement simple, donc de leur digestibilité accrue, et de leur disponibilité rapide pour apporter de l’énergie au cours de l’effort, l’ajout de TCM dans les produits énergétiques peut présenter un réel intérêt sur le papier. Malheureusement, les risques digestifs d’une consommation trop importante au cours de l’effort sont également majeurs : leur présence peut donc s’avérer intéressante dans un produit énergétique, mais en faible quantité afin de préserver le confort digestif.
Les composants unitaires des lipides sont les acides gras. En fonction de leur structure biochimique, on distingue les acides gras saturés, monoinsaturés et polyinsaturés de type oméga 3 et oméga 6. Ils sont apportés par de l’huile, du beurre ou par des aliments naturellement riches en lipides (ex : graines, amandes, noix, etc.). En cas d’efforts réalisés en autonomie, l’apport de lipides permet de contribuer aux besoins en acides gras, d’augmenter la densité énergétique de l’aliment (la valeur calorique d’un gramme de lipides étant de 9 kcal, contre 4 kcal pour les glucides), d’apporter de l’onctuosité et du plaisir gustatif. La composition en acides gras des lipides présents dans les produits de l’effort – ce qu’on appelle « le profil lipidique » – n’est donc pas le facteur essentiel à considérer. Vous pourrez également parfois lire les termes « matières grasses » dans la liste des ingrédients, et non pas « huile » ou « beurre » : il s’agit généralement d’huiles rendues solides par un procédé d’hydrogénation partielle et permettant d’obtenir la texture recherchée.
Un apport de BCAA, et en particulier de leucine, permet donc d’optimiser la récupération musculaire et le maintien de l’intégrité musculaire sur les efforts de très longue durée. Leur présence dans les produits de l’effort a donc pour objectif de compenser l’utilisation par l’organisme des BCAA à des fins énergétiques. Un autre intérêt, que nous ne développerons pas ici dans un souci de simplicité, est de limiter l’apparition de la fatigue dite « centrale » au cours des efforts de très longue durée.
PRATIQUE : AVEC MODÉRATION Dans la liste des ingrédients, les BCAA peuvent être apportés sous forme d’acides aminés libres (leucine, valine, isoleucine) ou d’isolats de protéines de lactosérum (présents par exemple dans les compléments alimentaires pour utilisés par les culturistes). Un apport d’un gramme par
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MIEL ET SIROP D’AGAVE On retrouve le sirop d’agave, naturellement riche en fructose, dans la liste des ingrédients de plus en plus de produits de l’effort. Autre produit couramment cité : le miel. Savez-vous pour l’anecdote que le miel contient un mélange de glucose et de fructose en proportion variable selon l’origine ? Plus la concentration en fructose est importante, plus le miel restera liquide longtemps. La présence de sirop d’agave ou de miel dans un produit énergétique peut être intéressante, tout est question de quantité : en concentration trop forte, vous encourez des troubles digestifs.
ÉQUILIBRE
LE DEXTROSE ÉQUIVALENT
Les produits de l’effort intègrent de plus en plus souvent des protéines, et en particulier certains de leurs composants, les acides aminés ramifiés ou « BCAA » (BranchedChain Amino Acid). Il s’agit de trois acides aminés ayant la spécificité de posséder une structure biochimique « ramifiée », d’où leur appellation : la leucine, la valine et l’isoleucine. Présents en forte quantité dans le muscle, ils sont préférentiellement utilisés au cours de l’effort en tant que substrat énergétique - il s’agit d’acides aminés dits « glucoformateurs ». Les sources énergétiques physiologiques au cours de l’effort étant principalement les glucides et les lipides, l’utilisation accrue des acides aminés présents dans le tissu musculaire dans un but énergétique est donc synonyme d’altération des qualités fonctionnelles du muscle. Les risques ? Blessures, récupération musculaire diminuée, etc. Les risques de destruction des fibres musculaires augmentent par ailleurs au cours des efforts de longue durée, les efforts intenses et les mouvements excentriques.
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LES PROTÉINES POUR COMPENSER
DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
Attention toutefois à éviter de trop fortes quantités de protéines qui auraient pour conséquence d’augmenter le temps de digestion et la production de déchets azotés : vde manière simple, privilégier des produits avec une proportion maximale d’environ 15% de protéines pour les aliments solides et environ 10% pour les boissons, avec une proportion en acides aminés fonctionnels (BCAA) la plus importante possible. Nous parlons bien ici de la proportion de protéines via la consommation de produits énergétiques, et non pas de la couverture des besoins protéiques globaux au cours de l’effort de longue durée. La consommation des aliments riches en protéines revêt en effet d’autres rôles, autant physiologiques que psychologiques.
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L’INTOXICATION PAR L’EAU PEUT SE TRADUIRE PAR UNE PERTE DE CONNAISSANCE
UN P’TIT PEU DE SODIUM L’apport du sodium est essentiel : en effet, lorsque vous transpirez vous perdez de l’eau, mais également des minéraux et oligo-éléments, ou des électrolytes. Or ces derniers sont indispensables aux bons échanges cellulaires pour assurer la bonne hydratation des compartiments intra et extra-cellulaires. Un déficit important en minéraux, en particulier en sodium, peut être à l’origine d’une baisse de performances. De ce fait, les concentrations en minéraux au niveau des liquides de l’organisme se retrouvent modifiées : c’est ce que l’on appelle communément « l’intoxication par l’eau » ou « l’hyponatrémie symptomatique », pouvant se traduire dans les cas extrêmes et lors d’efforts de longue durée par des pertes de connaissance. Le choix de votre boisson de l’effort est donc essentiel car c’est elle qui doit vous assurer la plupart des apports en minéraux : sodium en quantité suffisante (minimum 600 mg d’élément sodium par litre, soit l’équivalent de 1,5 g de sel) et potassium, notamment pour les efforts de longue durée.
MAIS PAS TROP DE SEL La nature des sels – au sens biochimique du terme – vecteurs des minéraux dans l’aliment, est essentielle : en effet, ces sels (et non pas le « sel » comme on l’entend au sens classique du terme, le chlorure de sodium) possèdent des propriétés spécifiques. En particulier, certains d’entre eux – les citrates et les bicarbonates – ont la capacité d’exercer un effet « tampon » sur l’acidité tissulaire, donc de limiter les risques de perturbation de la contractibilité du muscle au cours de l’effort, pouvant être à l’origine de crampes ou de difficultés de récupération musculaire. À la différence de sels dits « acidifiants » comme peut l’être le chlorure lorsqu’il est consommé en forte quantité, il est donc intéressant de considérer la nature des sels
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heure de BCAA représente généralement une stratégie adaptée aux contraintes d’apport et de digestibilité : attention donc aux gélules de BCAA dont la teneur réelle est généralement insuffisante pour couvrir les besoins au cours des efforts de longue durée. Il est important de bien lire les étiquettes : ce qui compte, c’est la quantité de BCAA pour 100 g de produit fini et non pas pour 100 g de protéines… L’apport de BCAA sous forme liquide dans la boisson – ou solide dans une barre – représentera une stratégie plus adaptée pour répondre de manière significative aux besoins physiologiques que la consommation unique de gélules, qui augmente par ailleurs le risque d’inconfort digestif. À vos calculatrices !
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concours
minéraux présents dans les produits de l’effort, en particulier pour les personnes sensibles aux crampes ou aux courbatures. Attention donc aux fameuses « pastilles de sel », véritables concentrés de chlorure de sodium, augmentant par ailleurs les risques de troubles intestinaux du fait de leur osmolarité trop importante, au même titre que les gels énergétiques classiquement proposés.
LE PLEIN DE VITAMINES Les nutriments antioxydants (zinc, manganèse, cuivre, sélénium, vitamines C et E) représentent une puissante défense contre le stress oxydant. Ce dernier est accru par l’effort et peut être responsable d’une accélération du vieillissement cellulaire. La satisfaction des besoins physiologiques, en particulier chez le sportif, est donc un point essentiel en matière de nutrition : la couverture des apports en antioxydants se réalise toutefois avant tout au quotidien, davantage par la consommation de végétaux frais, de thé vert et d’épices que par un produit énergétique. Les cofacteurs vitaminiques du groupe B, notamment la vitamine B1, participent au
métabolisme énergétique et optimisent donc la bonne utilisation des glucides au cours de l’effort. Un aliment X ne vaut pas un aliment Y. La première étape pour juger de leur qualité, et de leur adéquation à vos besoins, c’est l’étiquette. Ensuite, testez en situation réelle, testez votre tolérance personnelle, testez à l’effort, lors de séances d’entraînement intenses, ou longues. Plus que tout, ce décryptage que nous vous avons proposé vise à éveiller votre sens critique. Car derrière la douceur sucrée d’une barre ou d’une poudre à mélanger se cache parfois un marketing qui peut devenir agressif… pour votre système digestif. Derrière toutes ces notions parfois techniques, gardez bien à l’esprit que le meilleur des produits sera toujours celui que vous tolérez, vous, à titre personnel : un produit a beau être considéré comme le meilleur sur le papier, si vous ne le supportez pas au cours de l’effort, son intérêt demeurera purement théorique ! Par contre, la tolérance de liquides à l’effort est une notion souvent adaptative pour la plupart des personnes : boire pendant l’effort, ça s’apprend.
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L’AUTEUR
ANTHONY BERTHOU Nutritionniste spécialiste de micronutrition et de nutrition sportive, Anthony Berthou considère la nutrition sous l’angle de la santé. Parfois critique vis-àvis de certaines idées reçues sur la nutrition, il met en évidence les liens entre l’alimentation, les maladies dites « de société » et les altérations de la qualité de vie. Ancien membre de l’équipe de France junior de triathlon, il intervient dans le suivi nutritionnel de nombreuses équipes de France. Retrouvez-le sur son blog, extrêmement riche d’informations : www.sante-et-nutrition.com.
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ÉQUILIBRE
DOSSIER | LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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EFFET PAPILLON : LES PETITS RIENS QUI VOUS METTENT EN TRAVERS Par Frédéric Brigaud
L’effet papillon invoque la conséquence d’un infime battement d’aile de papillon sur la météorologie à l’autre bout de la planète. Dans le corps humain c’est pareil : écouter de la musique peut vous filer des tendinites !
P
«
as de bras, pas de chocolat » : l’expression a été remise au goût du jour grâce au film Intouchables. On peut la transposer à la course à pied puisque les bras, en plus d’une action stabilisatrice et équilibrante, participent activement à la propulsion… s’ils sont correctement employés. Ce qui n’est pas toujours le cas.
VOTRE MP3 NE VOUS VEUT PAS QUE DU BIEN Pour commencer je vous suggère de devenir observateur pendant quelque temps. Posezvous sur un banc le long d’un parcours habituellement arpenté par de nombreux coureurs et observez, si possible de face, leur gestuelle, et plus particulièrement la gestuelle de ceux qui écoutent de la musique. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en fonction de l’endroit où ils fixent leur smartphone ou leur baladeur sur le bras, le balancement de celui-ci change plus ou moins. Certains tiennent leur appareil dans la main tandis que d’autres le portent au bras à l’aide d’un brassard. Dans l’un ou l’autre des cas le balancement du bras du côté du téléphone diminue, pas en fréquence
mais en amplitude. L’impact, sur l’amplitude du mouvement, augmente avec le poids du téléphone et la distance qui le sépare du centre du mouvement. Dès lors, un coureur ayant pris l’habitude de courir en musique et portant son téléphone ou baladeur toujours au même bras reproduit à chaque sortie la même mécanique, la même gestuelle, jusqu’à l’automatiser. Processus totalement inconscient.
Demandez à un coureur musical de retirer son brassard sans lui dire pourquoi et vous pourrez observer que le balancement de son bras n’en reste pas moins altéré comparativement à l’autre côté.
POURQUOI TU COURS DE TRAVERS ? Ce balancement limité du bras sera compensé soit par un balancement accru de l’autre bras, soit par une rotation du buste plus importante, car le mouvement des jambes doit nécessairement être contrebalancé. Il apparaît alors une asymétrie dans la gestuelle alors que l’efficience du geste dans la course à pied tend vers un mouvement symétrique. Cela lui donne un style, une démarche, une façon de courir qui, associée à son gabarit, vous permet de le ou la reconnaître de loin. Ce coureur aura ainsi automatisé cette gestuelle compensatoire, sans prise de conscience d’une quelconque asymétrie et donc sans prise de conscience de l’impact de son smartphone sur sa gestuelle. La conséquence de cette asymétrie se situe généralement à distance du bras concerné, par exemple au niveau des cervicales ou au niveau de l’épaule opposée. Gardez en
© Maridav - Fotolia.com
FRÉDÉRIC BRIGAUD, CONSULTANT EN BIOMÉCANIQUE Frédéric Brigaud est consultant en biomécanique et ostéopathe auprès de sportifs de haut niveau depuis 1994. Il est le concepteur et développeur des principes biomécaniques posturo-dynamiques EAD (Empilement Articulaire Dynamique) enseignés en kinésithérapie du sport et auprès des BE Sport (ski alpin, tennis, golf, surf…). Il a notamment mis en évidence la fonction d’interface neutralisatrice de l’avant-pied et est l’auteur de La course à pied – Posture, biomécanique performance. www.eadconcept.com
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SE RESPECTER
SE RESPECTER | L’ASYMÉTRIE DU COUREUR À PIED
SE RESPECTER | L’ASYMÉTRIE DU COUREUR À PIED
N’avez-vous pas remarqué ces sportifs qui pendant des années semblent ne jamais être blessés et qui subitement enchaînent les blessures, sans notion de choc ou traumatisme direct ? Tout simplement parce que leur organisme n’est plus à même de compenser. Il leur faut alors prendre le temps de se reconstruire lorsque c’est encore possible.
LE NATUREL, C’EST VICIEUX
C’est là, me semble-t-il, que la sémantique est essentielle, et pourtant je peux être le premier à me prendre les pieds dedans. Le geste naturel, dans ce cadre, n’existe pas, il n’est que l’expression de vos automatismes et ceux-ci peuvent générer une gestuelle plus ou moins physiologique, plus ou moins symétrique, plus ou moins efficiente... ainsi de suite.
LE DIABLE SE CACHE DANS LES DÉTAILS Cependant il n’est pas nécessaire de porter son téléphone au bras pour développer une gestuelle asymétrique. En fonction de votre passé sportif et traumatique vous présentez
La façon dont vous courez façonne votre corps, dit autrement la morphologie de votre corps est la conséquence de votre gestuelle. Si la gestuelle est asymétrique, votre corps le sera également et vous ne ferez, sans action consciente et volontaire, qu’entretenir cette asymétrie, pouvant laisser croire à une gestuelle naturelle, en ce sens qu’elle vient spontanément, sans effort conscient, sans réflexion. C’est assez vicieux car votre mètre étalon est biaisé. Ainsi les coureurs ne souhaitent pas se départir de ce « naturel » (ainsi défini) car dès qu’ils en changent cela crée des tensions au niveau de leur corps, tensions qu’ils n’ont pas l’habitude de ressentir. Demandez au joggeur habitué à courir avec son téléphone collé au bras de le retirer et
LA MORPHOLOGIE DE VOTRE CORPS EST LA CONSÉQUENCE DE VOTRE GESTUELLE
spontanément une certaine gestuelle qui est susceptible d’évoluer à tout instant, ne serait-ce, comme nous venons de l’expliquer, qu’en prenant un téléphone dans la main. Si vous avez du mal à concevoir qu’un balancement asymétrique des bras puisse altérer l’efficience de votre gestuelle et impacter votre organisme, qu’en est-il alors d’une reprise précoce après une blessure mal soignée ? Vous vous êtes fait une entorse de la cheville, elle est encore douloureuse lorsque vous reprenez, vous obligeant consciemment à adapter votre gestuelle en allégeant le poids exercé sur cette jambe pour éviter de ressentir la douleur… jusqu’au moment où cette adaptation s’automatise et fait partie intégrante de votre gestuelle. Notre corps peut rapidement devenir un champ de compensations. Si cette possibilité de mettre en place des mécanismes compensatoires est une « force », en ce sens qu’elle nous donne une certaine marge de manœuvre nous permettant de toujours avancer, le fait de ne pas en avoir conscience et de ne pas mettre en œuvre ce qu’il faut pour rectifier cela est une faiblesse puisque chaque compensation représente un coût énergétique supplémentaire et favorise une répartition non homogène de la pression/ tension au sein du corps. Le corps est un tout indissociable, le positionnement d’une partie influence toutes les autres. Mobilisez une pièce et c’est l’ensemble qui s’adapte à ce nouveau positionnement, encore mieux et plus excitant qu’un Rubik’s cube. C’est l’effet papillon !
VOULEZ-VOUS SAVOIR CE QU’IL Y A SOUS LE CAPOT ? © Iko - Fotolia.com
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Revenons-en à nos bras : vous effectuez autant de balancements des bras que de pas. Si vous courez à 180 pas par minute, soit 10 800 pas à l’heure alors vous effectuez 10 800 balancements des bras. 10 800 ! De quoi solliciter le système musculaire et induire un développement particulier de celui-ci, correspondant au mouvement qui est mis en œuvre.
de produire un balancement similaire des deux bras, il vous dira probablement que cela lui demande un effort, de la concentration, que ce n’est pas « naturel ». Le fait de corriger le geste n’est pas naturel ? Mais cela provient de son téléphone ! Où est le naturel dans ce cas ?
D’où l’intérêt de prendre le temps d’observer sa gestuelle, son évolution dans le temps et de savoir vers quoi il est possible de tendre. Filmez de face le balancement de vos bras, est-il symétrique ? Non, alors pourquoi ne pas essayer de le rendre symétrique en travaillant devant un miroir par exemple ? Un très bon ami m’a dit un jour que pour vendre une voiture aujourd’hui on ne soulève plus le capot pour montrer le moteur car peu
de personnes sont en mesure de comprendre le fonctionnement du moteur et l’absence de maîtrise de ses mécanismes par l’acheteur peut faire capoter la vente. Ici le moteur c’est votre corps, alors voici la question qui se pose : souhaitez-vous mieux appréhender le fonctionnement de votre « moteur » ou seulement vous en servir ? Être passif face à un problème technique ou être conscient du jeu des possibles ? Avoir une opinion lorsque vous passez chez le garagiste ou laisser le hasard et la nécessité vous guider ? Notre organisme nous permet de fonctionner de façon très approximative pendant de longues périodes grâce aux multiples compensations. Ce laps de temps, à une époque reculée où l’espérance de vie ne dépassait guère 30 ans, était largement suffisant pour assurer la descendance et la survie de l’espèce. Mais aujourd’hui, ces longues périodes se raccourcissent comme peau de chagrin avec une pratique intense, longue, et régulière de la course. Le grain de sable qui mettait une vie pour enrayer la machine agit plus rapidement avec la pratique du sport de manière intensive. Ce n’est pas la survie de l’espèce qui est en jeu mais la survivance de votre architecture.
QUE NOUS APPREND CET ARTICLE ? • Le corps n’a pas de conscience, il faut penser pour lui.
Notre corps permet une gestuelle approximative pouvant nous éloigner d’un rendement optimal. L’analyse de la gestuelle et de son évolution est utile. Accrocher le baladeur à son short/pantalon/collant ! La compréhension du fonctionnement du corps est la base de toute activité. DANS NOTRE PROCHAIN NUMÉRO Marche ou trail ? Comment pour marcher, il faut apprendre à courir…
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tête que votre gestuelle comporte probablement une multitude de compensations qui s’ajoutent, se combinent les unes aux autres, sans vous empêcher d’avancer pour autant. Mais pour combien de temps et jusqu’à quel point ?
AU NATUREL | LES HUILES ESSENTIELLES
LE SAVIEZ-VOUS ?
LES
SUPERS-POUVOIRS
DES PLANTES
Les huiles essentielles sont les véritables gardes du corps des plantes. Leurs nombreuses propriétés et les combinaisons infinies de mélanges les rendent efficaces pour la plupart des maux saisonniers. Apprendre à les utiliser, c’est aussi faire un pas vers une meilleure connaissance de soi-même.
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© Dmytro Tolokonov - Paipai - Fotolia.com
Par Sophie Macheteau et Françoise Rapp
A
u cœur d’une époque stressée qui cherche dans la nature un peu de tranquillité, les huiles essentielles résonnent comme une promesse. On ne sait pas bien ce qu’elles sont, d’où elles viennent, et on imagine vaguement ce qu’elles peuvent nous apporter. Justement, elles peuvent nous apporter quelque chose d’essentiel, une part de nous qui se serait échappée, une force vitale disparue. Par-delà l’insaisissable diversité des huiles essentielles se cache un miracle de la nature, et de quoi vous remettre d’aplomb dans bien des situations. Bienvenue dans le monde végétal de l’aromathérapie, un monde où… tout sent bon.
QUATRE SAISONS AU TOP Le principe de base de l’aromathérapie, c’est la prise en compte des saisons. La vie moderne nous pousse à perdre, voire à nier, notre lien avec la nature. Malgré tout, les changements saisonniers conditionnent notre vie et se répercutent sur les rythmes de notre horloge biologique. Ainsi, le printemps constitue le début d’un nouveau cycle : c’est le moment de l’expansion, l’entrée dans une nouvelle dynamique. L’été, ensuite, permet de mettre en musique les lignes directrices définies au printemps, de se montrer enthousiaste et actif, sans négliger de se reposer. L’automne, saison de transition douce, s’avère propice au nettoyage et à la préparation de la saison suivante. L’hiver, enfin, achève le cycle par une sorte de mise en veille et de bilan. Le rapport avec les huiles essentielles ? Il est immédiat. Nous privilégions par exemple les
Les huiles essentielles sont des concentrations extrêmes de la plante. Par exemple, l’huile essentielle de camomille romaine est 250 fois supérieure en concentration d’actifs que la tisane de plante sèche.
HUILES VÉGÉTALES Les huiles végétales sont des substances grasses qui proviennent de la noix, de la pulpe ou de la graine des fruits oléagineux. Elles sont riches en acides gras essentiels (90%) et vitamines. Elles peuvent servir de support aux huiles essentielles, notamment pour les applications cutanées.
huiles aux vertus anti-infectieuses durant l’automne et l’hiver. Le reste de l’année, on se dirige plutôt vers des huiles ayant des actions décongestionnantes sur la circulation sanguine ou, pourquoi pas, celles qui s’intègrent aux soins minceur. La complexité et la variété des huiles essentielles rendent leur utilisation très large dans notre quotidien : santé, bien-être, cuisine et même beauté.
STRESS ET NIVEAU D’HUILE Les plantes ont un secret. Elles ont même des super pouvoirs, une force vitale produite à l’intérieur de glandes microscopiques, elles-mêmes situées dans les tissus végétaux ou à la surface, au niveau de la fleur, de la graine, de l’enveloppe du fruit, de l’écorce, du bois, de la racine ou de la feuille. Cette force vitale, c’est la quintessence des plantes, et certains disent même que c’est leur âme. La photosynthèse et l’énergie solaire déclenchent un processus
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AU NATUREL
ULTRA CONCENTRÉ
AU NATUREL | LES HUILES ESSENTIELLES
LE SAVIEZ-VOUS ?
AU NATUREL
COMPLEXITÉ
SOPHIE MACHETEAU, GREEN POUR TOUJOURS
de transformation dont l’aboutissement est la création de multiples lignées de molécules, qui composent elles-mêmes l’essence de la plante. Seules les plantes aromatiques (qui produisent des composés parfumés) contiennent des huiles essentielles. Avant même d’être utiles à l’homme, elles agissent au sein de la plante comme des hormones. Il semblerait d’ailleurs qu’elles soient les agents responsables de l’adaptation de la plante à son environnement. On constate en effet que la production d’huile essentielle augmente lorsque la plante est en situation de stress. Ce « garde du corps » agit à tous les niveaux pour protéger son hôte.
SELF DÉFENSE Pour la défense de la plante, certains composés aromatiques comme les terpènes, ont la capacité de rendre les feuilles peu appétissantes, voire écœurantes pour les animaux en quête de nourriture. Un excellent moyen pour éviter de se faire manger tout cru ! Pour la protection de la plante, par un processus de convection ou d’évaporation, les huiles essentielles lui évitent des maladies, des champignons et des parasites. Elles la protègent également du froid et de la chaleur.
RECETTE
L’ARRIVÉE DU PRINTEMPS Le 20 mars, c’est le printemps (à mettre au temps qui convient selon le jour de lecture de cet article). Le corps se réveille, se régénère, et a de nouveau besoin de dynamisme, de légèreté. Voici un cocktail de fruits pour avoir la pêche toute la journée. Une cure de 15 jours est idéale. Mixez une orange, une banane, du citron, une carotte, du gingembre frais, 1 cuillère à soupe d’hydrolat de carotte, 2 à 3 gouttes d’huile essentielle de citron jaune. L’hydrolat de carotte purifie le foie et la vésicule biliaire. L’huile essentielle de citron jaune facilite la circulation sanguine, déstocke les graisses et draine les toxines.
Ainsi, les buissons de myrrhe, par exemple, sont entourés d’une très fine brumisation qui filtre les rayons du soleil et rafraichit l’air qui les entoure. Certaines huiles essentielles peuvent également servir de désherbant naturel, protégeant les racines de la plante et empêchant certains autres végétaux de se développer. De cette façon, certains terpènes sont censés entraver la croissance de plantes voisines et des graines entraînées dans le sol par les gouttes d’eau. Pour la reproduction de la plante, les huiles essentielles attirent les insectes nécessaires au processus de fécondation. En effet, la libération d’huiles essentielles fait venir à la
plante des insectes spécifiques dont la morphologie permet de transporter le précieux pollen jusqu’à leur partenaire. Pour la survie de la plante, les huiles essentielles constituent une réserve naturelle indispensable pour subvenir aux besoins nutritifs. Le manque de soleil créant une carence dans le processus de photosynthèse, les plantes ne peuvent plus produire leur propre nourriture, c’est-à-dire les sucres, par les feuilles. Il leur est donc nécessaire d’utiliser l’essence déjà existante pour subsister. Pour la prévention d’éventuelles attaques : véritable moyen de communication et d’alerte inédit entre même espèce, certaines huiles essentielles repoussent les herbivores qui attaquent l’armoise, grâce à la production d’une essence volatile, diffusée ou non par les plantes mitoyennes.
capital : savoir doser. Aussi étonnant et paradoxal que cela puisse paraître, sur-doser une huile ne renforce pas son action, et la sous-doser ne l’affaiblit pas forcément non plus. L’alchimie végétale défie les lois mathématiques, rendant possible l’improbable : 1+1=3. Le dosage à la goutte et le mélange d’huiles essentielles distinctes créent des entités aromatiques et thérapeutiques avec des propriétés propres. Il n’est pas non plus nécessaire de mélanger de nombreuses huiles pour en multiplier l’efficacité : certaines s’annulent, voire se contrent. Ne jouez pas aux apprentis sorciers.
POUR EN SAVOIR PLUS
QUAND 1 ET 1 FONT 3
MES HUILES ESSENTIELLES
Les huiles essentielles telles qu’on les trouve dans le commerce ont subi un processus de distillation. Elles se distinguent totalement des huiles grasses par leur rôle et leur localisation au sein de la plante, leur composition biochimique complexe, leurs applications et vertus, leurs précautions d’emploi et leur extrême volatilité. Ces substances ayant besoin pour se développer de beaucoup de lumière et de chaleur, l’énergie solaire est leur meilleure alliée.
312 pages, plus de 200 recettes à base d’huiles essentielles, le livre de Sophie Macheteau et Françoise Rapp est un must have non seulement si vous souhaitez tout comprendre sur le sujet, mais aussi passer à la pratique. Pour chaque saison vous découvrirez les 5 huiles à utiliser impérativement, dans une optique de santé ou de bien-être.
Une fois les grands principes connus, vous pouvez passer à la pratique. Premier point
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Formatrice en cosmétique bio à l’Institut supérieur international de la parfumerie, de la cosmétique et des arômes alimentaires (ISIPCA), Sophie Macheteau est une véritable experte du (savoir) vivre au naturel. Auteure d’une dizaine de livres dans le domaine du bio, pigiste pour l’Ecolomag, rédactrice en chef du webzine Forevergreen, elle révèle pour Ultra Mag les secrets les mieux gardés de la nature, dans ce qu’elle a de plus extraordinaire, mais aussi de plus simple et pur.
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Une même huile essentielle peut regrouper jusqu’à 150 molécules différentes. Bercés par plus d’un siècle d’une chimie compulsive, où l’égalité stricte « 1 molécule = 1 seul effet » a régné en maître, nous avons perdu au passage un peu de « hauteur » d’âme, oubliant que les lois de la nature sont bien plus complexes, bien plus subtiles que notre chimie des temps modernes. Ainsi, « une » huile essentielle = une myriade de molécules qui interagissent entre elles, donnant naissance à une alchimie unique, une quintessence aromatique qui n’égale aucune autre.
D+ | UNE VIE D’ULTRAT DE LABO
SONDAGE
ULTRAT DE LABO
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Le sport, en particulier dans sa forme « ultra », représente un formidable terrain d’expérimentation pour les chercheurs qui n’hésitent pas à transformer de placides sportifs en ultra-rats de laboratoire. Grandes évidences ou découvertes pointues émaillent ces pages.
RELATIVITÉ
LE SENS DE LA MESURE
L
a perception des nombres varie selon que l’on est enfant ou adulte. Pour les premiers, 1 et 2 sont plus espacés que 101 et 102 car 2 est deux fois plus grand que 1. Les adultes instruits, eux, ordonnent les chiffres en fonction de leurs valeurs absolues, selon une approche linéaire. Une étude de l’université de Tel Aviv (Israël) montre que le sens inné des mesures demeure toute la vie et peut entraîner des troubles de dyscalculie. La morale ? L’ultra est un sport d’enfant : passer de une à deux heures d’effort est plus difficile que de passer de vingt-et-une à vingt-deux.
SPORT ET POIDS MENTAL
LES TRIATHLÈTES SONT DURS AU MAL
L
es triathlètes ressentent moins la douleur que la moyenne de la population. Il s’agit de l’une des conclusions d’une étude menée par des chercheurs de l’université de Tel-Aviv (Israël). Ces sportifs participent en effet à des sports d’endurance épuisants tels que la nata-
tion, le cyclisme et la course à pied, sur de longues distances et sans temps de repos. La question : qu’est-ce qui leur donne de telles capacités ? Le professeur Ruth Defrin et son équipe ont publié dans le journal Pain une ébauche d’explication : « Les triathlètes tolèrent plus longtemps la douleur et l’inhibent mieux (…). Nous pensons que des facteurs à la fois psychologiques et physiologiques sont à la base des différences [avec le commun des mortels]. » La question sous-jacente qui se pose désormais aux chercheurs : est-ce que les triathlètes pratiquent ce sport parce qu’ils ressentent moins de douleur, ou ressentent-ils moins la douleur parce qu’ils pratiquent le triathlon ?
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE NE SUFFIT PAS TOUJOURS
U
ne étude étonnante du Registre National du Contrôle du Poids (États-Unis) révèle que ce ne sont pas forcément les sportifs qui conservent le plus longtemps les bénéfices d’une perte de poids, et que ce ne sont pas eux non plus qui développent les meilleurs stratégies alimentaires. Créé en 1994, le Registre suit les personnes qui perdent beaucoup de poids. Une récente étude publiée dans le Journal of Physical Activity and Health montre que ceux qui témtoignent des niveaux d’activité physique les plus importants avaient le plus de mal à conserver leur poids. Quant à ceux qui ont réussi à perdre beaucoup de poids sans activité physique, on aurait pu croire que c’était grâce à des stratégies alimentaires plus fines, mais il n’en est rien. Malgré tout, le docteur Victoria Catenacci, auteure principale de l’étude, précise que « ceux qui avaient le mieux réussi à conserver leur poids après avoir maigri suivaient des stratégies à la fois alimentaires et d’activité physique (…). Certaines personnes pourraient avoir besoin de plus de stratégies que d’autres. » Source : www.bodyscience.fr
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D+
S
elon une étude menée par Tom Tom, 26% des Français incluent dans leursbonnes résolutions 2014 de faire du sport. Les Français sont plus nombreux que leurs voisins européens à pratiquer le sport (48% de la population totale) et plus assidus (pratique de 116 jours en moyenne par an).
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LES FRANÇAIS SONT VOLONTAIRES
NUTRITION MAISON | SECRETS D’ENDURANCE
Par Christophe Berg
SECRETS D’ENDURANCE
ur magiques po s e in ra g s t De kilomètres e endurer des n ,u s de sentiers des kilomètre e végétal et un % 0 10 is a fr lait rets voilà trois sec : e lé a s e rr a b de qu’entre gens à ne partager mme vous. confiance. Co
L
’endurance des indiens Tarahumaras, à (re)découvrir dans le livre Born to run de Christopher McDougall1, ne peut qu’impressionner le parfait sédentaire comme le coureur chevronné. En effet, ces coureurs naturels parcourent des kilomètres en petites sandalettes sur des sentiers rocailleux, au cœur des canyons mexicains, sans montrer de signe de fatigue. Je pense que les graines de chia, un élément de l’alimentation des Tarahumaras, constituent une sorte de clé presque magique de l’alimentation de ce peuple. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces mystérieuses petites graines ? Quels sont leurs bienfaits et comment les préparer ? Pour accompagner ce pudding aux graines de chia, on verra aussi comment se préparer un lait frais 100% végétal et une barre énergétique aux saveurs salées, comme alternative au tout sucré dont il arrive que l’on sature pendant les épreuves longues.
C’EST QUOI CES GRAINES ? Les graines de chia proviennent d’une plante (Salvia hispanica) de la famille des sauges, originaire du Mexique. Cultivées dès l’ère précolombienne, les graines de
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NUTRITION MAISON | SECRETS D’ENDURANCE
Mais le plus intéressant avec ces graines, c’est qu’elles sont… magiques ! En effet, elles disposent d’une étonnante capacité de mucilage2 : les minuscules graines de chia gonflent au contact de l’eau en prenant une consistance visqueuse, semblable à un gel. Elles peuvent ainsi gélifier un liquide d’un volume jusqu’à neuf fois leur volume initial.
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Les graines de chia se trouvent en boutique bio ou dans les épiceries spécialisées en vrac. Les graines blanches sont plus adaptées pour les préparations sucrées. Elles se conservent dans un bocal en verre à température ambiante, de préférence à l’abri de la lumière. Ne pas les conserver moulues car les acides gras s’éventent et perdent leur intérêt nutritionnel.
LES GRAINES DE CHIA GONFLENT EN PRENANT UNE CONSISTANCE VISQUEUSE
CHIAPUDDING AU LAIT D’AMANDES : UN PETIT-DÉJEUNER DE CHAMPION !
BARRE ROUGE TOMATE, SAVEURS SALÉES
LAIT D’AMANDES OU DE CAJOU FRAIS, FAIT MAISON
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INGRÉDIENTS
• • • •
L
révoir comme pour un muesli, une préparation la veille pour le lendemain.
INGRÉDIENTS
• 2 c. à s. de graines de chia • 1 tasse de lait d’amande frais • 2 c. à s. de granola maison (cf Ultra Mag n°2 p. 84)
PRÉPARATION
• Verser le lait dans un bol. Ajouter les graines de chia. Bien mélanger en évitant que les graines forment des grumeaux en restant agglomérées. Couvrir et laisser tremper au frais. • Au moment de servir, mélanger le pudding de façon à en homogénéiser la consistance. Placer dans un verre ou un bol. Disposer une portion de granola sur le pudding. Le chia pudding s’apprécie au petit-déjeuner, mélangé avec le granola (ou muesli) et accompagné d’une salade de fruits frais.
6 tomates séchées 4 ou 5 olives noires dénoyautées ½ cup3 de graines de lin ½ cup de noix de macadamia (ou amandes, noix de Grenoble, voire noisettes) • ½ cup de graines de tournesol • 1 cup de graines de sarrasin (kasha : les grains torréfiés, ou en graines germées pour les raw-foodistes hardcore) ou des flocons d’avoine.
PRÉPARATION
• Tremper les tomates séchées en les recouvrant d’eau pendant 20 minutes. • Placer les tomates et leur eau de trempage avec les olives au robot. Y ajouter les graines de lin. Mixer. Verser dans un saladier. • Couper les noix de macadamia en éclats. Les ajouter avec les graines de tournesol. Bien mélanger. Ajouter les graines de sarrasin. Mélanger. • Tasser la barre dans un moule. Laisser reposer au frais. La barre va se raffermir et ses saveurs vont se révéler. Si vous disposez d’un déshydrateur (ou séchoir), vous pouvez sécher les barres (une nuit à 45°C) afin de pouvoir les transporter plus facilement et les conserver plus longtemps. Vous pouvez également les passer une vingtaine de minutes au four à 160°C.
CONSERVATION
La barre se conserve 3-4 jours au réfrigérateur dans un récipient hermétique.
TRANSPORT
La barre séchée se découpe en carrés ou barrettes, qui se transportent alors dans une boite ou un sachet zippé.
1 - Born to run a été traduit en français (Jean-Philippe Lefief, éditions Guérin) 2 - Substance qui gonfle au contact de l’eau pour former une solution visqueuse, parfois collante. 3 - Un cup est une unité de volume correspondant à une tasse de 240 ml environ.
Cuillère à café = c. à c. | Cuillère à soupe : c. à s.
es laits végétaux préparés à base de noix sont une excellente alternative aux laits traditionnels, sans lactose et à forte densité nutritionnelle. Pour ne rien gâcher, ils sont simples à préparer. Le lait de noix de cajou a l’avantage d’être naturellement très onctueux et de ne pas nécessiter de filtrage. Il faut utiliser un blender, de type Vitamix, puissant et rapide pour un résultat parfait. Si vous utilisez un robot, mixer pendant plus longtemps et filtrer le lait.
INGRÉDIENTS
• 1 volume de noix d’amandes ou noix de cajou, crues et natures
PRÉPARATION
• Rincer les noix. Verser dans le bol du blender trois volumes d’eau. Ajouter les noix. Blender pendant 30 secondes minimum, jusqu’à l’obtention d’un résultat homogène et bien lisse. • Filtrer le lait en le passant dans une passoire fine (chinois) ou un filtre à jus. Le lait de cajou ne nécessite pas de filtrage. Le lait se conserve dans un bocal hermétique au réfrigérateur pendant quelques jours. Pour un lait gourmand proche d’une crème légère, utiliser 2 volumes d’eau pour 1 volume de noix. Pour un lait plus léger, employer 4 volumes d’eau pour 1 volume de noix. Vous pouvez également tremper les noix au préalable.
La Palma est le port d’attache hivernal où je m’entraîne et rédige mon prochain livre de cuisine : LE GRAND
LIVRE DE LA CUISINE CRUE (SORTIE EN MAI AUX ÉDITIONS LA PLAGE). Les photos
qui illustrent cet article sont prises sur les sentiers volcaniques du GR 131 qui traverse l’île de La Palma (Canaries) du sud au nord. C’est ce même parcours au dénivelé vertigineux qu’emprunte la Transvulcania (83 km, dénivelé cumulé de 8 525 m), dont la prochaine édition sera organisée le 10 mai.
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chia étaient l’une des bases de l’alimentation d’anciens peuples du Mexique dont les indiens Tarahumara. Les Aztèques, déjà, trempaient les graines de chia dans de l’eau pour préparer une boisson rafraîchissante. Ces graines ont comme principale particularité nutritionnelle leur forte teneur en oméga-3 (acide alpha-linolénique). Mais elles sont également riches en protéines, en fibres et en polyphénols (activité antioxydante). Elles sont une source de calcium, phosphore et manganèse.
Doigts de fée ROSELYNE LOMBARDI A DÉVELOPPÉ UNE PASSION POUR LE CORPS HUMAIN, VOIRE MÊME POUR L’HUMAIN, QU’ELLE SOIGNE SELON LA MÉTHODE POYET DANS LE CADRE DE SON MÉTIER D’OSTÉOPATHE, ET QU’ELLE SCULPTE À PARTIR DE TERRE LORSQU’ELLE SE REND DANS SON ATELIER D’ARTISTE À LA TERRASSE, EN ISÈRE. ROSELYNE CRÉE CE QU’ELLE RESSENT, ET SOIGNE SELON CE QU’ELLE ENTEND DES CORPS DÉSÉQUILIBRÉS. DANS SES DEUX ACTIVITÉS, SES MAINS S’ANIMENT D’UNE VOLONTÉ PROPRE POUR DONNER ET CRÉER DU BIEN-ÊTRE. ROSELYNELOMBARDI.WORDPRESS.COM
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ROSELYNE LOMBARDI, OSTÉO-SCULPTEUSE © Akunamatata
UM : Qu’est-ce que la santé ? RL : C’est l’harmonie entre l’âme et le corps.
ROSELYNE LOMBARDI, OSTÉO-SCULPTEUSE © Akunamatata
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UM : Qu’est-ce qu’un thérapeute ? RL : Le seul à pouvoir se guérir est le malade lui-même. Le thérapeute doit être un guide se servant de son expérience pour donner le bon coup de pouce au bon endroit et au bon moment en accord avec lui-même et son patient.
© Pictorius - Fotolia.com
L’ART DE SE BARRER
SOMMAIRE
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PLONGÉE DANS LES GROTTES
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94
94 Grand Angle JO de Sotchi : La cité déglutie
122
128
104 126 Dossier : La gribouille Les mondes engloutis de Redge
98 Courrier des lecteurs
116 Le baroudeur : Jacques Sirat
128 Autour du spot : New York
100 Actus
122 Off Course : Paris by night
134 Portfolio : Au milieu des gratte-ciel
GLOBE-TROTTER
GLOBE-TROTTER
S’ÉVADER
Parfois, faut se barrer. Juste se barrer, marre, pour se marrer, prendre la barre, ses barres énergétiques, ses panards, un peu de pinard, peut-être, au risque de se faire traiter de barré. Se barrer, mais pas juste en esprit, non : sebar-rer ! Se barrer, larguer les amarres, se barrer même si ça fait bizarre, se barrer comme si c’était un art. Alors que tu démarres, au quart d’écart, sous le blizzard, tu penses chamarré, bigarré, égaré. Déjà tu te narres la belle histoire, celle du retour, celle du retard, celle qui sans fard t’aura mené, sur le tard, à te voir en zonard international, en effaré de l’immobilité, en déclaré de l’exploration. Car quand tu pars, tu allumes le pétard, tu lances la foire, tu deviens le fêtard. Quand tu pars, tu commences dans le Var, puis tu deviens Bulgare, ou Kosovar, pour t’émouvoir au Myanmar, en passant par Dakar, et Madagascar. Pas besoin de dollars, pas besoin de dinars, les bons routards sont pour la plupart, les rois des bavards. Quelques bobards, une partie de billard, et de clochard, tu passeras richard. Richard de regards, de rancards, et de jolis hasards. Et si te barrer tu ne peux, ne crains pas d’être cossard, ne crains pas d’être couard, ne crains pas d’être faiblard. Car si te barrer tu ne peux, il n’y a pas de standard, et grâce à nous y’a pas d’lézard, tu deviendras montagnard, tu deviendras motard, tu deviendras un veinard. Dès la prochaine page, tu portes l’étendard, tu pars à Sotchi. Puis celle d’après, jamais ne te sépare, du fil d’Ariane. Et un peu plus loin, parie sur Paris ou si tu préfères, mets tout sur Times Square, ou Central Park. Après tout ça, redémarre, et repense, mais pas trop tard, qu’il faut que tu te barres.
Underground : Peut-on sauver le soldat Sotchi | 10 Equilibre : La rançon de la gloire | 52 Globe-Trotter : Sotchi, la cité déglutie | 94 Top Chrono : La victoire est en lui | 140 Absolu : Un sherpa aux JO | 186 Le Palais des glaces Bolchoï : 12000 places pour les hockeyeurs.
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
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SOTCHI LA CITÉ DÉGLUTIE
12000 places également pour assister au patinage artistique à l’Iceberg skating palace.
Par Philippe Billard
Plus haut, plus vite, plus fort. Jamais la devise olympique n’avait aussi bien été appliquée au bâtiment ! Pour faire sortir de terre l’ensemble des sites olympiques des Jeux Olympiques de Sotchi (du 6 au 23 février 2014), la Russie aurait déboursé 17 milliards d’euros pour les sites et les infrastructures. Les images que nous vous montrons ici vont virer au sépia, et il y a malheureusement de gros risques que la plupart de ces installations partent à l’abandon. Très bas, très vite et très fort. À 20 km au sud-est de Sotchi, à Adler, le parc olympique a accueilli tous les sports d’intérieur des JO de Sotchi. Le stade olympique Fisht, d’une capacité de plus de 40 000 spectateurs, n’a servi qu’aux cérémonies d’ouverture et de clôture.
Le village olympique réservé aux athlètes comptait 2600 lits.
Quand l’herbe n’est plus verte à Sotchi, on la repeint. Interdiction de pêcher dans les toilettes. Celui qui comprend la dernière consigne devient l’Ultra du mois !
S TCHI
Les canons à neige ont été massivement utilisés pendant la quinzaine de Sotchi.
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
Les tremplins (capacité 7500 places), avant l’arrivée de la neige. Regardez-les bien, celui de droite, le plus petit, est le premier tremplin olympique à avoir accueilli des femmes.
# 4 • MARS-AVRIL 2014
96 Krasnaïa Poliana, à 40 km de Sotchi était le lieu des JO version outdoor. Ski Alpin, ski de fond, ski extrême, luge, saut à ski… toutes les épreuves de ces disciplines se sont déroulées dans la montagne, pour de vrai.
Le centre des sports de glisse « Sanki » est prévu pour 11000 spectateurs. C’est l’un des sites dont l’avenir post olympiades est le plus incertain.
Les biathlètes de l’équipe de France ont cherché longtemps ces toilettes, les premières au monde où l’on peut aller en couple. Y a-t-il un message que voudrait nous faire passer la Russie avec ses toilettes ?
GLOBE-TROTTER | XX
Allons voir ailleurs si nous y sommes
Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr
TRENTE MÈTRES DE NEIGE !
DISPARITION Avez-vous des nouvelles de Benoît Lagrée disparu en Martinique ? MARIE-HÉLÈNE, BRETAGNE
Le trailer Benoît Lagrée, disparu le 30 novembre 2013 alors qu’il reconnaissait le parcours de la Transmartinique qui s’est déroulée quelques jours plus tard, n’a pas été retrouvé. Les recherches sur place, à pied, en désescalade, y compris avec des brigades de recherche cynophiles de la gendarmerie, ont été infructueuses. Le climat particulièrement humide et le terrain chaotique n’ont certes pas aidé les choses. Toujours est-il que les recherches, débutées le 2 décembre 2013, se sont officiellement arrêtées le 11 février 2014. Les proches de Benoît se sont déclarés touchés par l’élan de solidarité qui a suivi ce drame.
Si le GR5 est le tracé évident qui permet de traverser les Alpes dans le sens longitudinal, côté Pyrénées plusieurs choix s’offrent à vous : le GR10 (France), le GR11 (Espagne et Andorre, comprenant des parties réputées plus jolies que côté français) ou la HRP (pour Haute Route Pyrénéenne, qui passe au plus près des crêtes). Les deux GR se rapprochent de ce que vous avez trouvé dans les Alpes, alors que la HRP flirte beaucoup plus avec la haute montagne. Le tracé n’est en outre pas balisé (mais il y a des cairns). Par contre la HRP présente moins de dénivelé que les deux GR qui imposent souvent de passer des cols puis de descendre en fond de vallée, avant de remonter de l’autre côté : 40 000 m D+ environ contre 50 000 pour les deux GR. La distance à parcourir sur la HRP est nettement inférieure : 650 à 700 km selon les variantes, contre 850 à 900 km pour les GR. En comparaison, la Grande Traversée des Alpes, c’est environ 620 km et 32 000 m D+ (bravo pour vos 21 jours !). Donc selon votre choix d’itinéraire, il vous faut compter dans les mêmes conditions de voyage un minimum d’un mois, et jusqu’à une quarantaine de jours.
RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :
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1,93 M DE NEIGE EN 24 HEURES
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© Yvann K - Fotolia.com
Vous avez raison : début février 2013, la station pyrénéenne de Cauterets était la station la plus enneigée au monde, avec une couche de 5,50 mètres. Ceci dit, le record absolu de neige tombée dans une année est détenu par les États-Unis : 28,96 m pour le Mont Baker (hiver 1998-99) et 31,10 m pour le Mont Rainier (hiver 1971-72), tous deux situés dans l’état de Washington. En 24 heures, le record de chute de neige est également américain, mais plutôt de l’autre côté du continent : 1,93 mètre à Silver Lake, Colorado (avril 1921).
En 2009 j’ai réalisé la traversée des Alpes sur le GR5 du lac Léman à la Méditerranée. Nous étions deux, mon frère et moi, et nous avons mis 21 jours. Nous avions notre matériel de camping et de quoi manger pour 2 ou 3 jours. Nous aimerions faire la même chose cet été dans les Pyrénées, de l’Atlantique à la Méditerranée. Combien de temps pensez-vous que nous devons prévoir avec le même mode de progression ? CHRISTOPHE ET FRANCK © Lijuan Guo - Fotolia.com
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Vous dites dans le n°3 d’Ultra Mag que le Japon bat des records de cumul de neige avec régulièrement plus de 5 m (Grand Angle sur le Kilomètre Lancé, p107, Ndlr), mais l’année dernière j’ai entendu dire qu’une station des Pyrénées avait battu le record d’enneigement. Alors ? FRANCK B.
Des Alpes aux Pyrénées
HOLISTE VOUS FAIT GAGNER DES STAGES UTMB VOIR EN PAGE 73
CYCLOTOURISME MEILLEUR JOB DU MONDE
L’ODYSSÉE SAUVAGE
Souvenez-vous d’Elisa Detrez, cette française de 29 ans qui avait été sélectionnée par Tourism Australia dans le cadre de la campagne « Meilleurs Jobs du Monde ». Son aventure de Guide Ranger dans l’état du Queensland touche à sa fin : pendant six mois, elle aura fait rêver 40 000 internautes au travers de ses expériences incroyables : plongée sur la Grand Barrière de Corail, observation des baleines, junglesurf… Bon retour au pays Elisa !
Nicolas Vanier s’est lancé le 21 décembre dernier, accompagné de ses 10 chiens de traineau, dans l’expédition l’« Odyssée Sauvage » à travers le Grand Nord. Au programme, 6000 km des rives de l’océan Pacifique en Russie jusqu’au lac Baïkal. Parti de Vanino, il a longé les frontières chinoises et mongoles, où il se situe à l’heure où nous écrivons ces lignes, et il arrivera à destination sur l’île d’Olkhone, au cœur du lac Baïkal, vers la mimars 2014. Dans la steppe, Nicolas Vanier a subi un hiver pluvieux rendant sa progression difficile, mais au contact de la montagne la neige est de nouveau présente et lui permet de glisser. Le gros risque, lorsqu’on glisse sur des étendues d’eau gelées, dit-il, « c’est la glace ! Le froid est souvent mortel si l’on passe au travers. Si par chance, on parvient à s’extirper du bain glacé, on gèle instantanément à moins de se déshabiller et de parvenir à démarrer un feu très vite. » Souhaitons-lui donc une bonne fin d’expédition, au sec. À suivre sur www.odysseesauvage.com
Parce que les vacances riment trop souvent avec conciliation et course contre la montre, Elise Bras a eu envie en 2011 de visiter la Bretagne en vélo. Cette amoureuse des activités de plein air, de voyage et de développement durable était déjà tombée sous le charme des voyages à vélo en Allemagne et espérait bien réitérer en France. Seulement, Elise n’a trouvé aucune agence de voyages proposant de tels séjours ; elle a alors eu l’idée de créer la sienne : ainsi est née Une balade à vélo. Son agence propose des itinéraires, des vélos équipés en mode « baroudeur », des road-book, les hébergements, le transport des bagages, une assistance téléphonique… Bref tout le nécessaire de voyage cycliste, excepté… votre sueur ! www.unebaladeavelo.com
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CLAP DE FIN
UNE AGENCE POUR PÉDALER
Un pas de côté
Les aventuriers modernes partent à l’autre bout du monde vivre des expériences toutes plus incroyables les unes que les autres… Damien Artero, qui vit près de Grenoble, adore ça lui aussi, mais il s’est dit que pour une fois, il suffirait de juste faire un pas de côté pour aller au-devant de l’aventure. Avec deux camarades, Damien a entrepris la traversée du massif de la Chartreuse du nord au sud, en autonomie, en occultant toute route, piste, et même tout sentier balisé. Une aventure à la portée de tous à découvrir dans un film de 26 mn téléchargeable sur www.planeted.eu.
CONCOURS
MA GRANDE AVENTURE
Allibert Trekking, en partenariat avec Nokia, le routard et Millet, lance la 5e édition de son jeuconcours « Ma grande aventure ». Les internautes globetrotteurs sont invités à partager leurs émotions de voyages en vidéo sur la nouvelle web-TV d'Allibert, Trek'in TV, afin de tenter de gagner l'un des lots mis en jeu : voyages Allibert, smartphones Nokia Lumia 1020, sacs à dos Millet. Dépêchez-vous, vous avez jusqu’au 17 mars pour participer.
CHINE
© uqpu.net
AVENTURE
LE SENTIER LE PLUS DANGEREUX DU MONDE
Des dizaines d’itinéraires engagés se disputent le titre de sentier le plus dangereux au monde ; nous n’allons pas les départager, mais en tous cas nous nous permettons de vous signaler celuici comme accessit au top 10. Situé en Chine, il permet d’accéder au mont Huashan. Cette montagne sacrée culmine à 2200 m d’altitude, et son accès est composé de falaises à pic sur lesquelles viennent s’appuyer des planches de bois maintenues par des chaînes. Le tout donne une formidable impression de bricolage. Cet itinéraire aurait été construit il y a plus de 700 ans et aurait nécessité 40 ans de travaux, et sans aucun doute quelques chutes fatales. Si vous y allez, envoyez-nous des photos !
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EXPÉDITION
SKI DE RANDO
VALLÉE DU MONT-BLANC
PATRICK CHAPPERON DES « NEZ NOIRS » CONTRE LA POLLUTION C’est l’une des plus belles vallées de France, donc du monde, et tout citadin a rêvé un jour d’y habiter. L’air pur de la montagne, rien de tel pour vous requinquer un col gris-blanc stressé par les pots d’échappement et les open-space à l’atmosphère viciée. Et pourtant, la vallée du Mont-Blanc (vallée de l’Arve), avec son trafic de poids lourds incessant, qui cheminent de et vers l’Italie, est l’un des lieux les plus pollués de France. Depuis des années ses habitants demandent que des dispositions soient prises afin de limiter cette pollution, mais rien ne change assez vite, en tout cas à leur goût. Fin 2013, une circulaire demandant aux familles de la vallée de limiter l’utilisation des bois de chauffage met le feu aux poudres. Une lettre est envoyée au préfet de Haute-Savoie demandant la mise en place de certaines mesures (déviation d’une partie du trafic grâce au projet d’autoroute ferroviaire alpine, contrôle plus strict des dépassements de vitesse des poids lourds, etc.). Devant l’inertie des pouvoirs publics, une communauté se crée sur le réseau social Facebook : « Les Nez Noirs du Mont-Blanc ». En deux mois à peine, elle rassemble près de 2300 fans, dont de nombreux sportifs outdoor tels que Kilian Jornet ou Sébastien Talotti. Le mouvement n’est pas prêt de dégonfler.
VERTIGES
Un pas dans le vide à l’Aiguille du Midi Vous voulez les sensations sans le danger ? Chamonix a inauguré le 17 décembre 2013 une cage de verre suspendue à 1000 m au-dessus du vide, à l’Aiguille du Midi. Inspirée du Skywalk (passerelle en verre dominant le Grand Canyon dans le Colorado (États-Unis), le Step into the void (pas dans le vide) est fortement déconseillé aux personnes sujettes au vertige. Si vous avez envie mais pas confiance, sachez que cette boîte transparente a été conçue en verre ultra résistant, pouvant supporter des vents allant jusqu’à 220 km/h, et une température maximale de 60°C.
VOYAGEUR MALGRÉ LUI
VIDÉO
Un Mexicain dérive 16 mois dans le Pacifique
VOYAGE DANS LA STRATOSPHÈRE
Voilà un voyageur involontaire. Il nous viendrait du Mexique et aurait dérivé dans le Pacifique pendant 16 mois, avant d’être récupéré dans un atoll non loin des îles Marshall. Cheveux longs, barbe fournie, vêtu de sous-vêtements usés, trouvé sur un bateau à moteur sans hélice, José Ivan aurait ainsi couvert la bagatelle de 12000 km depuis septembre 2012. Il aurait survécu en mangeant des tortues, des oiseaux, du poisson, et de l’eau de pluie. Un compagnon n’aurait pas survécu à l’escapade.
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Maxime Dehaye voulait envoyer une caméra dans la stratosphère, il y est parvenu en décembre dernier, pour un résultat époustouflant. Deux vidéos sont disponibles en ligne. Tout d’abord le montage en 5 mn du décollage à l’atterrissage : http://vimeo.com/82244164. Ensuite, la vidéo complète de près de deux heures montrant les vues des trois caméras et les données télémétriques : http://youtu.be/ERMQh1mY27c.
TOUR DU MONDE EN CATAMARAN
L’OCÉAN PACIFIQUE POUR YVAN BOURGNON C’est une histoire à rebondissements dont on n’imaginerait pas écrire le scénario nous-mêmes. Après la séparation fracassante des deux coéquipiers du tour du monde en catamaran sans habitacle, Yvan Bourgnon et Vincent Beauvarlet, l’aventure continue. Une longue escale en Martinique aura permis au premier de se refaire la cerise, d’optimiser encore le bateau, et surtout de mobiliser des sponsors. Il s’est engagé le 3 janvier dans la traversée de la mer des Caraïbes, jusqu’à Panama atteint le 9 février, et ensuite le « gros morceau », avec l’océan Pacifique. Vincent Beauvarlet, de son côté, a repris plein pot son activité de véliplanchiste.
GLOBE-TROTTER
Skier toute l’année, est-ce possible ? Pour 2013, Patrick Chapperon avait fait ce pari de réaliser l’ascension en version « ski de rando » d’au moins un sommet par mois en Savoie, Haute-Savoie et Isère. Contraintes : au moins 1000 m de dénivelé positif en montant et au moins 600 m à la descente. En 2004, l’enneigement propice lui avait permis de réaliser ce défi. Dès avril, les choses auraient pu commencer à se compliquer mais cité par le Dauphiné Libéré, ce père de famille résidant à la Motte-Servolex expliquait : « En avril, les sommets de basse altitude du bassin chambérien proposaient encore de belles descentes à ski. » Puis l’enchaînement estival : juin en Chartreuse, juillet avec la Belle Etoile, septembre et octobre, Val Thorens et le glacier de Chavière, entre autres.
nvie de visiter le monde à la force des mollets ? Le Petit Futé propose de nombreux guides thématisés, dont un consacré au marathon, un autre à la randonnée et d’autres encore au cyclotourisme. À deux pas de chez vous, ou loin, très très loin, vous avez toujours une belle balade à faire, qu’elle soit courte, longue, ou très très longue.
© Camellia Menard
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LE PETIT FUTÉ VERSION SPORT
E © Nicolai Korzhov - Fotolia.com
EN VERSION NON-STOP
GUIDES
DOSSIER | L’EXPLORATION SOUTERRAINE ENGLOUTIE
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MONDES MONDES MONDES MONDES MONDES
ENGLOUTIS ENGLOUTIS ENGLOUTIS ENGLOUTIS ENGLOUTIS Grottes, rivières souterraines, siphons : bienvenue dans le monde des profondeurs, de l’humidité et du noir éternel. Bienvenue dans le monde de l’exploration souterraine.
© Prod. Numérik - Fotolia.com
Par Emmanuel Lamarle, avec Pierre-Éric Deseigne
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LES LES LES LES LES
DOSSIER | L’EXPLORATION SOUTERRAINE ENGLOUTIE
UNE JUBILATION EXTRÊME
QUESTIONS/RÉPONSES EN PROFONDEUR De quelle manière les sens sont-ils altérés sous terre et dans l’eau ? En circuit ouvert, le bruit des bulles expirées est assourdissant. Avec les recycleurs, on ne rejette plus de gaz, donc les plongées sont enfin devenues silencieuses. Ensuite, il y a le froid, le grand ennemi du plongeur. Le temps aussi, on perd nos repères habituels et il y a comme une distorsion du temps.
La plongée souterraine est une discipline très technique consistant à visiter des galeries noyées et obscures. Bien plus que le simple plaisir de la découverte et de la pratique d’une activité sportive, ces explorations revêtent une utilité : les cavités sont cartographiées, permettant parfois le captage de sources, afin d’alimenter les foyers en eau douce. L’exploration permet aussi aux scientifiques de mieux comprendre le fonctionnement des réseaux d’eau souterrains, et enfin elle permet de se rendre compte de la portée de nos actions : « Ce qui ne se voit pas n’existe pas, mais l’explorateur souterrain se trouve au cœur du problème de la pollution et de la raréfaction et dégradation des eaux douces. Nous sommes des témoins, mais aussi des acteurs de l’étude de ce milieu », souligne Pierre-Éric.
Aujourd’hui, le plongeur spéléo peut être à peu près n’importe qui ; la plupart du temps, il se met à la plongée spéléo après avoir plongé en mer, c’est une évolution de l’activité. « Avant, les plongeurs spéléo étaient des spéléologues qui butaient sur un siphon et se mettaient à la plongée pour le franchir », précise Pierre-Éric.
UN PEU DE VOCABULAIRE AVEN Gouffre creusé par des eaux d’infiltration CÔNE D’ÉBOULIS Accumulation de fragments de roche détachés d’un mur, d’un plafond DOLINE Dépression circulaire en surface typique d’un massif calcaire ÉTROITURE Fort resserrement du passage qu’il est possible de franchir FISSURES Petite fente dans la roche GALERIE Passage souterrain GORGE Vallée étroite et encaissée GOUFFRE Cavité s’ouvrant dans le sol GOUR Mare formée par un barrage fait de concrétion rocheuse RÉSURGENCE Source dont l’eau provient d’un réseau souterrain RIVIÈRE SOUTERRAINE Une cavité est dite active lorsqu’une rivière s’y écoule SALLE Cavité de taille importante SIPHON Conduit souterrain entièrement noyé SOURCE C’est l’origine d’un cours d’eau, l’endroit où l’eau sort de terre STALACTITES, STALAGMITES ET PILIERS voir p. 111
TOUT VIENT À POINT À QUI SAIT ATTENDRE Le milieu de l’exploration souterraine est réputé assez fermé, ce que dément notre explorateur : « Introverti mais pas fermé. » Lui a débuté en 1996, en tant qu’aide dans des projets d’exploration en France. Le principe était d’apprendre sur le terrain au cœur des grosses équipes montées à l’époque, en réalisant de petites tâches, en portant le matériel nécessaire aux « vrais » explorateurs. Trois ans plus tard, Pierre-Éric a découvert une source presque vierge qu’il a commencé à explorer ; depuis, l’homme a vécu plus de mille plongées sous terre, et sans doute plus de deux mille heures passées dans l’eau…
LA PLONGÉE SOUTERRAINE EST TRÈS TECHNIQUE
GÉOLOGIE
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« Il m’est arrivé de ressentir une sensation très étrange d’infiniment petit et d’infiniment grand. On se sent tout petit, on a bien la perception de notre échelle minuscule. On n’est rien. Et puis d’autres fois, j’ai perçu l’infiniment grand : l’immensité de l’Univers résumée dans ce milieu confiné. » Pierre-Éric Deseigne est un mordu de plongée souterraine, si bien qu’aujourd’hui il en a fait son métier. Pierre-Éric plonge sous terre comme d’autres courent autour du Mont-Blanc, traversent un pays en pédalant, un océan en ramant. C’est sa came, celle qui fait briller ses yeux quand il en parle.
Ce sport peut être très exigeant physiquement parlant, mais aussi très abordable, selon l’endroit où l’on plonge. Sur de simples explorations, il faut certes être en bonne santé, mais nul besoin d’être un athlète. Pour une exploration multi-siphons, mieux vaut être en très bonne forme pour ne pas trop souffrir. Pratiquer un sport d’endurance peut être un plus non négligeable.
107 GLOBE-TROTTER
L
’homme est un explorateur. Où qu’il se trouve, il a toujours envie d’aller voir plus loin. Le « plus loin », cette fois, ne se trouve pas au-delà des forêts, ni des montagnes, et encore moins des océans. Non, il se trouve sous nos pieds. Laissez de côté votre achluophobie1 et votre claustrophobie2, et suivez-vous nous dans les grottes, les sources, les résurgences et les siphons. Attention, ne perdez pas le fil ou vous risqueriez de ne plus jamais remonter.
DOSSIER | L’EXPLORATION SOUTERRAINE ENGLOUTIE
Les galeries peuvent-elles évoluer d’une fois sur l’autre ? L’érosion du calcaire et la naissance du milieu souterrain se fait sur des millions d’années. Nous évoluons dans un milieu très ancien, souvent fragile et surtout actif, mais cette activité dépasse notre échelle de temps. Hormis les variations de débit, les changements et l’évolution des galeries, sont le plus souvent imperceptibles - il arrive parfois, d’une plongée à l’autre, que nous observions des éboulis de roches.
MATÉRIEL
En règle générale, les rivières souterraines se situent dans un milieu calcaire : l’eau s’infiltre dans la roche, effectue un trajet souterrain, et finit par ressortir. Il existe trois possibilités d’entrer dans un réseau souterrain : par une sortie d’eau (source, exurgence, résurgence), par une entrée (gouffre, aven…), et par un regard (trou donnant accès à une galerie). Il arrive que les eaux se jettent en mer (France, Croatie, Grèce, Mexique) : l’eau douce se mélange alors à l’eau salée, formant ce qu’on appelle l’halocine. Mais la plupart du temps, les phénomènes karstiques (en rapport avec des formations calcaires) se situent loin de la mer. Pour la France, il faut aller voir du côté du Jura, du Lot, de la Dordogne, de l’Ardèche, du Vercors ou des Alpes.
UNE PROFUSION INDISPENSABLE
Pour nous, habitants du plein air, il est important de se rendre compte que plongée souterraine n’est pas forcément synonyme de grande profondeur. Des cavités peu profondes s’avèrent parfois magnifiques. Nul besoin, donc, d’être plongeur de niveau V pour vivre de grands moments d’immersion. Malgré tout, il est aussi possible de descendre très loin sous la surface, puisque le record est à près de 300 m. Mais n’imaginez pas descendre à la verticale. S’il est une caractéristique propres aux plongées souterraines, c’est leur profil en dents de scie : les galeries montent et descendent, et l’explorateur en fait de même, sans compter qu’il faut effectuer le retour. L’impact physiologique est conséquent et les règles de la plongée classique interdisent de tels écarts de profondeur. Le danger d’un accident de décompression est en effet bien réel. Le plongeur souterrain a remisé ces interdits aux oubliettes et c’est même la condition sine qua non pour continuer à explorer cet univers. Il a aussi appris à mettre en œuvre des techniques, notamment au niveau des gaz qu’il respire, pour optimiser ses temps de décompression.
DÉTENDEUR fixés pour éviter qu’ils se baladent
Un plongeur souterrain emporte avec lui un matériel qui semble énorme au plongeur sous-marin : c’est que l’exploration s’exécute dans des conditions complexes, qui nécessitent des éléments de sécurité importants. MASQUE parfois emmené en double PALMES plutôt réglables que chaussantes COMBINAISON pratiquement toujours étanche, l’eau est la plupart du temps trop froide pour porter une combinaison humide
RECYCLEUR ils sont devenus légion et quasi majoritaires aujourd’hui MANOMÈTRES équipent systématiquement les détendeurs FLEXIBLES renforcés à une époque pour résister aux frottements, normaux maintenant CASQUE protège des chocs et supporter l’éclairage ÉCLAIRAGE frontale, un phare principal tenu à la main, et 2 lampes de secours
CONFIANCE = DANGER Nous l’avons écrit allègrement, ce mot que l’on s’attend forcément à lire dans un article sur la plongée spéléo : « Accident ». C’est en effet sous ce seul angle que les médias traditionnels, faute de connaissances suffisantes, abordent cette activité. Ils commentent abondamment le dernier accident spectaculaire, et ça a le don d’énerver Pierre-Éric : « Je me suis toujours insurgé contre cette forme d’injustice. Plus qu’une injustice, il est mensonger de réduire notre pratique à des événements mineurs et anecdotiques. On ne parle jamais des découvertes majeures, des grandes aventures humaines et des grands explorateurs. Il existe des Everest souterrains, des légendes et des explorateurs qui mériteraient d’être connus et reconnus au même titre que les grands alpinistes et les grands marins. »
BLOCS soit 2 bouteilles indépendantes, soit deux bouteilles reliées, mais isolables avec un robinet central ÉQUILIBRAGE bouées dorsales, le gilet mer est prohibé et inadapté CEINTURE la ceinture de lest est peu employée, le plongeur souterrain est déjà très lourd
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ORDINATEUR DE PLONGÉE idéalement deux ordinateurs TABLES DE PLONGÉE de moins en moins utilisées car les plongées se font de plus en plus avec des mélanges COMPAS pour s’orienter dans une galerie COUPE-FIL ou pince, pour couper tout fil, corde ou câble gênant ARDOISE pour communiquer avec ses camarades, ou plus souvent maintenant des carnets de notes waterproof
MOUSQUETONS indispensable pour accrocher les ustensiles DÉVIDOIR pour mettre en place le « fil d’Ariane » mais aussi déséquiper une galerie, plus dévidoir de secours, plus du matériel pour rafistoler ou fixer le fil FIL de nylon, 2 ou 3 mm de diamètre, blanc
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Le fil d’Ariane : légende ou réalité ? Le fil d'Ariane est posé par le premier qui découvre la galerie. Selon la qualité du fil employé, sa durée de vie sera variable. Elle dépendra aussi de la force du courant et de la violence des crues. Certaines cavités doivent être rééquipées tous les ans, tant la violence des crues arrache les fils. Ce fil est la responsabilité de chaque plongeur. Posé par d'autres, il devient notre fil à partir du moment où nous entrons dans la galerie. Il est notre assurance vie, notre lien infaillible vers la sortie. Nous devons nous assurer de sa bonne qualité et de sa solidité lors de nos plongées.
LES INTERDITS AUX OUBLIETTES
© Pierre-Éric Deseigne
Quelles peuvent être les dimensions des plus grandes galeries ? Ah, les fameux tunnels de métros ! Il est possible d’avoir des galeries de 15x15 m et en Chine sans doute de 50x50 m. Des salles démesurées, comme la Verna où l’on a fait voler une montgolfière, ou d’autres en Papouasie où il serait possible de rentrer une Tour Eiffel. En plongée, il est possible de trouver des salles noyées de 40 mètres de haut.
DOSSIER | L’EXPLORATION SOUTERRAINE ENGLOUTIE
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Comment fonctionne la plongée aux mélanges ? La plongée aux mélanges gazeux est issue de la plongée professionnelle et commerciale, elle permet d’optimiser les gaz pour plonger d’une manière plus sûre. Hier confidentielle, aujourd’hui beaucoup plus accessible, elle permet d’adapter parfaitement ses mélanges aux profondeurs d’évolution. C’est à la fois un confort (garder les idées claires, même en profondeur) et une grande sécurité.
FORMATION
STALACTITES, STALAGMITES ET PILIERS Stalactites et stalagmites proviennent du grec stalaktos - qui coule goutte à goutte. Les stalactites (qui tombent du plafond), les stalagmites (qui montent vers le plafond) et les colonnes (lorsqu’une stalactite et une stalagmite se rejoignent) se forment par cristallisation du calcaire que récolte l’eau en passant dans la roche dans laquelle elle s’infiltre. Elles se forment à une vitesse allant de quelques centimètres par an à un millimètre par millénaire selon le débit de l’eau, sa teneur en sels minéraux, la vitesse d’évaporation et la présence ou non de bactéries. © Minicel73 - Fotolia.com
FÉÉRIE D’UNE SALLE RICHEMENT ILLUMINÉE
© Dmitry Saparov - Fotolia.com
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L’explorateur se permet-il parfois d’élargir des passages pour poursuivre sa progression ? D’une manière générale, nous sommes très respectueux du milieu, aussi bien dehors, autour des grottes, que dedans. Mais lorsqu’un rétrécissement arrête ou ralenti fortement le plongeur, il est possible d’agrandir le passage. D’ailleurs certaines découvertes, comme la grotte Chauvet, ont été réalisées après agrandissement d’un passage à travers une coulée de calcite qui avait fermé le trou. On peut le faire soit directement dans la roche mère, soit en poussant ou cassant des rochers effondrés du plafond qui bouchent la galerie. On appelle ça de la désobstruction. Le plus souvent manuelle, on utilise parfois des moyens mécaniques, marteaux et burins, parfois pneumatiques. Et d’une manière exceptionnelle, des explosifs.
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Dans quel cas utilise-t-on des propulseurs ? Les propulseurs, c’est pour aller soit plus vite, soit plus loin. Ils sont intéressants pour les zones profondes, par exemple afin d’y rester moins longtemps. Lors des explorations, ils permettent de gagner un temps précieux et donc d’atteindre son objectif, le dernier point connu de la galerie, plus rapidement. La vitesse de progression d’un plongeur à la palme est en moyenne de 15 mètres/minutes. Avec un propulseur, elle est en moyenne de 40/50 m/mn et elle peut atteindre 60/70 m/mn !
CHAQUE PLONGÉE PEUT ÊTRE UN RECORD
TOPOGRAPHIE
RENDRE COMPTE DE L’INVISIBLE L’essence de l’exploration, c’est de repousser la limite du connu : d’abord avec ce fil d’Ariane qui servira de guide aux prochains, et puis aussi avec ces plans et coupes des boyaux livrés aux suivants. Cette trace écrite concrétise sur le papier l’invisible qui se cache sous nos pieds. Le point d’interrogation symbolise la limite actuelle de l’exploration : qui sera le prochain à le gommer et à ajouter quelques traits de crayon ?
La France est bien lotie en matière de réseaux souterrains, le plus grand étant celui de l’Alpe, en Chartreuse, qui se développe sur 67 km. Le plus grand réseau européen se trouve en Angleterre : 100 km pour le système des 3 comtés. Mais c’est en Amérique que l’on trouve réseaux les plus monstrueux : plus de 500 km de galeries noyées pour les fameux cénotes au Mexique (gouffres totalement ou partiellement remplis d’une couche d’eau douce) et près de 600 km de galeries pour Mammoth Cave aux USA.
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N’est-il pas difficile de plonger contre le courant ? Le courant peut aller de zéro à monstrueux. En général, nous plongeons face au courant. Bien évidemment lorsqu’il est trop fort, nous ne pouvons pas rentrer dans les cavités.
Si l’on s’y intéresse de près, on remarque que les accidents sont effectivement peu nombreux en regard du nombre de pratiquants (un ou deux accidents par an en France). Ils sont même de moins en moins fréquents. Pour Pierre-Éric, « le profil de l’accidenté aujourd’hui, c’est le jeune expérimenté qui a la sensation d’en connaître pas mal et qui dans le fond n’en connait pas assez. Il va aller trop vite, trop loin, dépasser ses limites et se casser la figure. C’est un peu comme en moto quand tu commences. C’est quand tu te sens à l’aise que tu es le plus en danger. »
La fuite en avant vers des chiffres tous plus impressionnants les uns que les autres ne rend pas bien compte de la réalité. Comme l’évoque en guise de conclusion Pierre-Éric : « Il est certain que le Ressel, avec son terminus à plus de 5 km de l’entrée reste une sorte de must, tout comme Pozo Azul avec ses 9 km est un Everest de la plongée souterraine. Mais les plongées au fond du Berger ou au bout des Eaux chaudes restent des explorations hallucinantes. Bien souvent on focalise sur la profondeur et la distance. On pense en termes de records. Mais ça n’est pas un but, juste une conséquence. Le but c’est l’exploration, pas les chiffres. Chaque plongée peut être un record. Car à chaque exploration, on bat un record, on va plus loin que la fois précédente. »
LE BUT C’EST L’EXPLORATION, PAS LES CHIFFRES
1 Achluophobie : peur du noir 2 Claustrophobie : peur des espaces confinés, des lieux clos
© Pierre-Éric Deseigne
Quelles températures trouve-t-on ? En France les températures varient de 2 à 14°C. Elles sont assez constantes, sauf en montagne où elles baissent nettement lors de la fonte des neiges. On peut dire que la température moyenne est de 9/11°C. C’est pour cela que dans de nombreux cas, nous plongeons en combinaison étanche. Nous plongeons en combinaison humide lors de certaines plongées multi-siphons avec des phases de marche et de progression sous terre.
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PORTRAIT EXPRESS Est-ce que ça arrive de trouver des vestiges de civilisations passées ? Oui, mais peu en France. Il y a eu des fouilles à la Fontaine de Vaucluse, à la Fontaine de Nîmes, à la Fosse Dionne à Tonnerre. Mais cela reste exceptionnel. On a trouvé des ossements à Champdamoy aussi. Certaines régions comme le Mexique sont beaucoup plus riches pour cela.
Pierre-Éric Deseigne est un homme curieux. C’est avant tout l’envie de savoir ce qui se cache au plus profond des galeries vierges qui le pousse à explorer, encore et encore. Depuis plus de 17 ans, il écume les grottes du monde entier pour savoir. Une salle immense ? Un nouveau siphon infranchissable ? Une étroiture à élargir ? Les déceptions succèdent aux ravissements, mais toujours il remet ça. Aujourd’hui, à 49 ans, il est instructeur de plongée technique et souterraine, mettant ainsi à profit son expérience pour aider les autres à progresser. Il est également conférencier et contributeur dans les magazines de plongée et spéléologie, et il a écrit deux livres : Souvenirs de Plongées, un roman au sujet d'un plongeur pieds lourds, et La Plongée Souterraine, le premier manuel français sur la plongée souterraine. En parallèle, Pierre-Éric développe une autre marotte : le dessin, forcément humide, à retrouver sur wetpainting (peinture humide) : http://wetpainting.drupalgardens.com.
Quels sont les grands noms de l’exploration souterraine ? Il y en a des centaines ! Les Anglais comme Rick Stanton, John Volhanten et Jason Mallison battent le haut du pavé. Ils vont là où personne ne va. Il y a eu les Suisses à une époque, comme Cyril Brandt et Olivier Isler, mais ils n’explorent plus. Il y a en France Xavier Meniscus, Franck Vasseur et son équipe, mais aussi, Tessane, Bianzani, Poggia pour le fond de trou. Il y a eu Eric Establie, Bertrand Léger et les frères Le Guen en d’autres temps. On peut aussi citer Hasenmayer, l’Allemand, Sheck Excley, Jim Bowden qui ne plongent plus mais qui restent des géants. Aux USA, il y a des plongeurs comme Curt Bowen, Jarod Jablonsky et Casey Mac Kinley. Enfin en Australie, il y a Richard Harris et Creg Challen.
INITIATION
YES, YOU CAN
Il est tout à fait possible de s’initier à la plongée souterraine, mais il faut déjà connaître les bases de la plongée et être à l’aise dans l’eau, ce qui requiert le Niveau 2 CMAS. Quelques écoles de plongée souterraine initient les neoexplorateurs en France, comme dans le Lot (http://cavexplorer. drupalgardens.com/). Sensations extraordinaires au programme et peut-être naissance d’une nouvelle vocation au retour.
© Pierre-Éric Deseigne
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LA CURIOSITÉ COMME MOTEUR
LE BAROUDEUR | JACQUES SIRAT
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PLUS J’AVANCE, PLUS JE M’ENTHOUSIASME
Par Emmanuel Lamarle
117 Jacques, voici bientôt 20 ans que vous avez pris la route. Avez-vous ressenti une certaine évolution dans les pays que vous avez visités ?
Le baroudeur Ils sont passionnés de randonnée, savent allumer un feu sous une pluie battante avec 80 km/h de vent en rafales, ont fait du nomadisme leur mode de vie : place aux baroudeurs.
Jacques Sirat Passion : le cyclonomadisme
Et vous, personnellement, avez-vous évolué dans votre manière de voyager ? Depuis vingt ans je voyage sans téléphone portable, par choix. Je dispose néanmoins d’un ordinateur portable pour y stocker images et textes, mais ne l’utilise que lorsque je dispose d’une chambre car je ne tiens pas à m’en servir tous les jours.
• Né en décembre 1963 à Valence d’Agen (82) • Quitte Jacques Sirat : En juilson emploi de fonctionnaire en 1994 • Tour du monde let je vais en effet passer pédestre en 94-95 • De 1997 à 2004, tour du monde à vélo le cap de mes vingt ans • 6 autres grands voyages pédestres ou cyclistes de route. Au cours de • Actuellement, se trouve en Nouvelle-Zélande, à vélo cette période, il m’est • A écrit un livre : Cyclo-nomade – Sept ans autour arrivé de retourner à du monde • www.jacques-sirat.com plusieurs reprises dans des pays déjà traversés quelques années auparavant. Parfois les les plus reculés. Dans ce cas je changements sont tels que je ne regrette la tranquillité et l’évasion reconnais plus certains atouts qui Internet vous relie au monde passée. Je pense d’ailleurs que je m’avaient séduit. Dans le sud-est quand vous êtes à l’étranger ? ne reviendrai plus à l’avenir dans asiatique par exemple, en quinze cette région… J’aspire à plus d’évaans le tourisme s’est développé au Il est une évidence qu’internet sion, plus de déconnection, mais il point de transformer totalement facilite les formalités et le parcours, est clair qu’à présent il est de plus en certains villages. Des activités mais en même temps il éloigne les plus difficile de trouver des endroits traditionnelles ont fait place aux gens du moment présent. Combien sur terre épargnés par le tourisme. guesthouse, restaurants, boutiques de fois je reste stupéfait d’observer Dans quelques semaines, sur le sol souvenirs, agences de voyage… Il des touristes qui ont rêvé de leur africain, j’espère néanmoins retrouy est également impossible de ne voyage et lorsqu’ils sont à l’autre ver cette possibilité d’immersion pas y croiser d’Occidentaux, qui bout du monde, ne cessent de se totale dans la culture locale… sont partout, même dans les coins
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JACQUES SIRAT
Depuis près de 20 ans, Jacques Sirat chemine à pied ou à vélo dans le monde entier : il a fait le choix de quitter sa vie très normée de fonctionnaire, à la recherche du bonheur. Il est aujourd’hui engagé dans un tour du monde à vélo, et se trouve actuellement en Nouvelle-Zélande.
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Quelle a été votre plus grosse galère ? Les plus grosses galères sont très anciennes et ont eu lieu lors de ma première année de vélo. L’une en Bosnie, qui à l’époque sortait de la guerre. Là, à un passage de checkpoint, quelques soldats serbes imbibés d’alcool m’ont passé à tabac pour se défouler et se venger de la surveillance de militaires français des Nations-Unies. Quelques mois plus tard j’étais pris dans une fusillade au Yémen où j’étais témoin de l’exécution d’un bédouin par un policier. Suite à cela j’ai été emprisonné trois jours, le temps qu’un interprète vienne m’aider à expliquer la suite de mon parcours.
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Bivouac entre Zhangye et Xining, dans le centre de la Chine.
En Australie, au Devils Marble : d’énormes rochers de granit arrondis éparpillés dans une vaste vallée.
Y a-t-il un endroit qui vous a profondément déçu par rapport aux attentes que vous en aviez ? Jusqu’à présent je n’ai pas été vraiment déçu, probablement parce que j’évite de trop penser à ce que peuvent offrir les pays qui viennent, et je reste convaincu qu’on trouve sur la route ce que l’on va y chercher. On trouve face à soi comme un miroir, et lorsqu’on se présente avec un sourire il est rare qu’on nous réponde de manière agressive. La paix appelle la paix, de nombreux gouvernements devraient s’inspirer de cela. Il est évident qu’ensuite certains pays m’accrochent plus que d’autres mais cela dépend aussi de l’état d’esprit qui était le mien lors de mon passage.
Avez-vous rencontré des peuples nomades, vous êtes-vous immergé dans leur culture ? S’immerger dans la culture de peuples nomades demande du temps, beaucoup de temps. Ma limitation vient des visas qui m’obligent à avancer en permanence. Il m’est arrivé de rester quelques jours avec des bédouins en Syrie ou au Yémen, mais peuton parler de réelle immersion alors que cela ne durait que quelques jours ? Cependant je vis chaque échange de manière très forte car parviens à vivre à fond le moment présent. J’adore observer les gens, les regards, la gestuelle, qui m’en disent long sur les populations que je croise. Tout au long de ces années de route je pense que cette capacité d’observation s’est développée en moi et j’y prends un plaisir permanent.
Suivez-vous l’actualité française et internationale, ou est-ce quelque chose dont vous êtes complètement déconnecté ? Au cours de mes premières années de route je n’avais pas de nouvelles de la France et étais totalement déconnecté. Parfois je prenais connaissance d’informations importantes des semaines ou des mois après en consultant un journal dans une alliance française. Depuis l’apparition d’internet il m’est impossible de retrouver cette déconnection et je tente alors d’en retirer le positif. Il m’arrive néanmoins de ne pas suivre l’actualité de trop près afin de m’immerger un peu plus dans le pays où je me trouve. Entre mes premières années et aujourd’hui
ce sont tout de même deux façons de voyager très différentes… seule reste une identique volonté de simplicité et de quête du bonheur.
Comment vivez-vous le regard des autres ? Le fait de ne rien posséder de matériel, de ne pas voir de lieu fixe d’habitation, de ne pas travailler ? Il y a longtemps que le regard des autres ne m’importe guère dans la mesure où je ne fais rien qui puisse les déranger et que je respecte leur propres choix. Mon voyage est devenu un réel choix de vie dans lequel le côté matériel est totalement secondaire. J’ai néanmoins organisé certaines choses avant de poursuivre cette vie « cyclonomade », en réformant ma maison et en la louant. À partir de ce moment-là le fait de ne pas travailler est possible à condition bien sûr de limiter ses besoins, ce qui pour moi n’est pas une contrainte, loin de là. J’estime que manquer temporairement de certaines choses permet de plus les apprécier lorsque je les trouve à nouveau. J’ai appris à me satisfaire de peu et me sens parfaitement bien dans ce choix. Limiter sa consommation fait à mon avis partie des solutions vers une vie plus apaisée. Parfois je souris à l’idée que je parviens depuis vingt ans à vivre avec mon seul vélo harnaché… j’use mes vêtements, mon matériel… je ne les change pas juste pour le plaisir de consommer. Une société dans laquelle les gens consomment pour se divertir est une société malade qui ne génère que des frustrations.
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connecter avec leur amis ou leur famille. C’est « l’art » de ne jamais pleinement profiter du moment présent… dommage !
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On verra de quoi mon avenir sera fait. Je ne sais absolument pas quand je stopperai ma vie nomade. Je crois que la seule manière d’être heureux est de parvenir à écouter son cœur et ne pas faire des choses par obligation. La liberté à laquelle je suis profondément attaché est d’avoir le choix, toujours le choix. Donc le jour où une lassitude s’installera, le moment sera venu de mettre le mot fin à cette itinérance. Quand ? Je n’en ai aucune idée, peut-être dans dix mois, peut-être dans dix ans… À ce moment il est fort possible que je m’établisse en Amérique latine, région que j’adore. J’y aime les gens et leur culture, j’y adore les paysages, et comme je parle espagnol et portugais, mes échanges y sont facilités. Certes rien n’est vraiment figé, on verra le moment venu où le vent me poussera et où le cœur me guidera.
Vous avez sorti un livre, vous communiquez régulièrement sur votre site, vous répondez volontiers aux interviews, et tout ceci avec un style très agréable… Vous sentezvous l’héritier d’écrivains-voyageurs tels Bruce Chatwin, Bouvier, Le Clézio, etc. ? Aucune comparaison ou esquisse de comparaison n’est possible entre ces écrivains reconnus et talentueux, au passé riche, devenus références de générations de baroudeurs, et le simple cycliste que je suis, qui relate juste ses expérience
J’aime cette vie, qui peut sembler sans but ou égoïste, mais qui pour moi est tout le contraire
j’avance et plus cette capacité à m’enthousiasmer se développe. Je ne me lasse pas le moins du monde de cette itinérance qui me permet chaque jour d’avoir devant mes yeux un paysage nouveau, de rencontrer de nouvelles personnes et de me sentir régulièrement envahi par des émotions fortes. Ma capacité à m’émerveiller est intacte sinon plus affûtée. Si à une ou deux reprises j’ai pensé arrêter ma route, chaque kilomètre réalisé depuis me rassure dans mon choix de poursuite. J’aime cette vie, qui peut sembler sans but ou égoïste à certains, mais qui pour moi est tout le contraire. Quel plus bel objectif que la quête du bonheur ? Est-ce égoïste que de chercher un équilibre qui permet ensuite de donner aux gens la meilleure image de soi-même ? Préférez-vous croiser des gens aigris, frustrés, ou des gens souriants, passionnés ? La recherche de son propre bonheur n’a pour moi rien d’égoïste car celui-ci peut être contagieux…
Et vous, avez-vous croisé des personnes l’ayant trouvé, ce bonheur propre à chacun ?
Parvenez-vous aujourd’hui à vous enthousiasmer comme il y a 20 ans, lorsque vous preniez la route pour la première fois ? Votre capacité d’émerveillement devant le monde et ses habitants est-elle intacte ? C’est sans aucun doute une chose qui ne cesse de m’étonner. Plus
Je croise parfois des gens lumineux, en paix avec eux-mêmes et avec le monde qui les entoure. Je suis à chaque reprise enchanté de ces rencontres qui sont un vrai plaisir et me font du bien. Leur bonheur me touche, m’irradie et m’apaise à mon tour… En conclusion je dirai juste qu’être heureux dépend beaucoup de soi-même. Tout au long de la vie il y a des choix à faire, et parfois celui de la raison ne doit pas passer avant celui du cœur… mais à chacun sa vie !
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Nouvelle-Zélande : un banc propice au rêve dans les Catlins
Entre Te Anau et Mount Nicholas, une piste avec des airs de Patagonie (Nouvelle-Zélande).
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Y a-t-il un endroit où vous vous êtes dit « lorsque j’en aurai marre de voyager, c’est ici que je me poserai » ?
à travers quelques petites chroniques, dans le seul but de ne pas se couper totalement du monde et de maintenir un échange avec des gens qui apprécient son choix de vie. J’écris de manière très simple et sans aucune prétention, juste parce que cela me procure également du plaisir. Le plaisir conditionne tout ce que je fais, mais je ne suis ni ne serai jamais un écrivain-voyageur, je suis uniquement un « bonhomme » qui mène une vie simple en quête du bonheur.
OFF COURSE | PARIS BY NIGHT
Quand on parle de sortir à Paris, on pense théâtre, musées, resto. Mais non, là, il s’agit de course à pied. D’ouest en est, de Garigliano à Tolbiac, au cœur de la nuit hivernale parisienne, entre potes. Pour rien. Ou si : pour être ensemble. Par Jean-Marie Gueye. Crédit Photo : Akunamatata
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EN RIVES
LA VILLE, C’EST UTILE La nature, c’est simple : rivières, forêts, montagnes, animaux. C’est là, et ça sera là bien après notre ère. En tant que sportif nous passons au travers et en de rares occasions, dans un état de grâce intemporel, il nous arrive d’être en communion avec elle. La ville c’est différent. À la fois lieu de perpétuelle mutation et combinaison de maté-
riaux de construction transformés - béton, pierre, bois. Derrière le moindre petit pavé, le moindre lampadaire, se trouve la main de l’homme. Toute chose a son utilité à défaut de sens profond. Et toute chose a sa beauté, même si elle n’a rien à voir avec celle d’un renard au petit jour. L’eau c’est la vie. La Seine a fait de Paris ce Paris que l’on connait aujourd’hui. La Seine, cette colonne vertébrale, nous allons la suivre cette nuit. Jongler avec son cours, passer d’une rive à l’autre, emprunter les ponts. Rive droite, rive gauche, imaginer la cité comme un être vivant. Et remonter vers l’est, depuis le pont de Garigliano, jusqu’au pont de Tolbiac, sans bus, ni métro, ni même un Vélib’. Ma nature cette nuit est urbaine, et je jure que c’est une aubaine.
OUTIL D’INTELLIGENCE COLLECTIVE Le Off des Ponts de Paris, c’est l’héritier d’une longue série de sorties course à pied officieuses, entre potes, sur Paris. Il suffit qu’un forum s’échauffe un peu – Kikouroù,
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DÉRIVE OFF COURSE
M
algré mon accoutrement de trailer, me voilà bien loin de mes habituelles sorties dans les calanques vertigineuses, de ma Méditerranée au bleu azur, en ce glacial soir d’hiver. Des couleurs, issues de reflets mouvants de milliers de diodes, zèbrent le noir profond d’une Seine endormie. L’architecture des bâtiments historiques fait singulièrement écho à mes escapades provençales. Trente-quatre, c’est le chiffre que j’ai en tête, ce ne sont pas des kilomètres, ce n’est pas du dénivelé, c’est le nombre de fois que nous emprunterons les ponts de Paris. De rive droite à rive gauche nous changerons de bord tels d’opportunistes politiciens.
OFF COURSE | PARIS BY NIGHT
LE PARCOURS LE DÉPART Pont de Garigliano
EN LIGNE : c’est une sortie qui ne revient pas à son point de départ
OÙ SE GARER ? parking de la BNF et prendre le RER C descendre station Pont du Garigliano
L’ARRIVÉE Pont de Tolbiac
QUAND ? en hiver de nuit, faire coïncider l’heure de passage à la tour Eiffel à 21 h précise (illumination des diodes), en été admirer l’architecture des ponts magnifiée par le soleil couchant et profiter de la générosité des parisiens en mode pique-nique romantique pour jouer les pique-assiettes.
KILOMÉTRAGE : 20-21 km – et vous savez quoi ? Si vous faite le retour en inversant les rives, vous doublez la mise !
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DÉNIVELÉ : 150m
NOMBRE DE PONTS : 34
Offez donc à Paris, vous ne le regretterez pas : vous visiterez la ville comme nulle agence de voyage ne le propose (pour le moment), et vous gagnerez des compagnons de course aussi timbrés que vous. Le Off à Paris, c’est finalement un formidable outil d’intelligence collective, qui m’a permis de découvrir Paris et une part de moi sous un angle insolite.
CHRISTIAN, L’INSTIGATEUR QUELLE FUT TON INSPIRATION POUR CONCEVOIR CE TRACÉ ? Je n’ai fait que suivre un Off qui a été initié par d’autres. Le concept est simple : partir d’un bout de Paris, traverser chaque pont, arriver à l’autre bout de Paris. 34 PONTS ! EST-CE UN RECORD ? Théoriquement 35, c’est le nombre de ponts dans Paris. Le principe de base c’est de tous les passer, mais le tout dernier n’est ni beau, ni intéressant, alors on reste à 34 ponts. Il y en a parmi eux des drôles, des touristiques, des jolis… QUELLE EST LA MEILLEURE PÉRIODE POUR CE OFF ? Je l’ai fait à différentes saisons, j’ai un souvenir absolument génial d’un 18 juin, un des jours les plus longs de l’année, il faisait un temps superbe. On aurait dit que tout Paris était dehors pour pique-niquer sur les quais. Se frayer son chemin n’était pas facile en courant, mais les gens nous offraient volontiers à boire, à manger. Au coucher de soleil, ce Off est génial. Mais même en hiver, avec les monuments illuminés, c’est très beau. Il y a toujours quelque chose de différent en fonction des périodes. UNE ANECDOTE INSOLITE ? J’ai organisé un ravitaillement en eau en plein milieu de la cité sous les regards étonnés des badauds. Imagine le contraste des touristes avec une vingtaine de Schtroumpfs avec sac à dos. J’avais auparavant repéré un site qui recensait les fontaines publiques de Paris. Une autre fois sur les quais, les touristes avant la balade en bateau mouche nous faisait la hola quand nous passions dans leur rang.
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TON PONT PRÉFÉRÉ ? Je ne fais pas dans l’original, j’aime le pont des arts car c’est une passerelle qui ne nécessite pas de traversée de rue. Les touristes, le cadre en été, tout concourt à une ambiance spéciale sur ce pont-là.
LA TRACE : http://connect.garmin.com/activity/330046149
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GÉOGRAPHIE
Ultrafondus, mais aussi d’autres – et qu’un coureur plus organisé que les autres lance un appel pour que un ou deux à quelques dizaines de gusses se rassemblent et terrorisent les honnêtes marcheurs de la capitale. Combien de noceurs, combien de « petites vieilles », combien de mecs complètement bourrés ont été surpris par une bande de joyeux lurons équipés de lampe frontales (ou pas, on peut aussi Offer de jour) et déboulant à au moins… 7 km/h sur un trottoir en essayant d’éviter les crottes de chien ?
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AUTOUR DU SPOT | NEW YORK
AUTOUR DU SPOT
LA LIBERTÉ DE COURIR
SURNOM
POURQUOI THE BIG APPLE ? En anglais, The big apple signifie La grande pomme, mais c’est curieusement sans rapport avec l’origine du surnom de New York City, qui provient… des champs de course. Un journaliste de courses hippiques reprit dans une de ses chroniques le surnom donné aux champs de course new yorkais par les valets d’écurie, Big Apple, dans le sens le grand pari. L’expression plut, et fut reprise plus tard par des musiciens de jazz disant que quand vous jouiez à New-York, vous touchiez à la grosse pomme (le grand jeu). En 1971 une campagne publicitaire fut lancée sur le thème de la grande pomme… Le tour était joué.
Ex-capitale des États-Unis, New York City n’est « plus que » la plus grande ville du pays : plus de 8 millions d’habitants, et 22 millions si l’on considère l’aire urbaine dans sa totalité. La ville n’est que superlatifs : Times Square est le carrefour commercial du monde, Broadway la scène internationale du spectacle, Wall Street est la capitale financière planétaire, le Metropolitan Museum (Met) est le musée qu’il faut avoir visité, Columbia est l’université où il faut avoir étudié, l’ONU siège dans la ville, et la skyline (l’horizon formé des gratte-ciel illuminés qui se découpe à la nuit tombée) est inoubliable. Nul étonnement à avoir donc lorsque, quand vous êtes coureur, on vous demande « au fait, t’as fait le marathon de New York ? »
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Par Emmanuel Lamarle
S
’il est une ville qui aime le sport et le montre de manière évidente, c’est bien New York : celle que l’on surnomme Big Apple est connue dans le monde entier à la fois pour son tournoi international de tennis, ses équipes de football (américain bien sûr) et de baseball, ses courses hippiques, et ses rencontres de boxe se déroulant dans des lieux prestigieux. Et bien sûr, New York c’est aussi la ville de tous les sportifs : le marathon de New York attire chaque année plus de 50 000 coureurs, et une large majorité de la population s’adonne régulièrement à une activité sportive.
NEW YORK CITY EN 2 CARTES • État : New York • Habitants : 8,3 millions • Naissance : 1664 • Surnom : The Big Apple
BRONX NEW YORK RICHMOND KINGS
QUEENS
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Faire du sport dans une ville telle que New York ? Vous n’y pensez pas ? Mais si : la plus grande ville des États-Unis pourrait même revendiquer le rôle de capitale internationale du sport.
AUTOUR DU SPOT | NEW YORK
1 NEW YORK TRIATHLON Natation dans l’Hudson (1500 m), vélo dans Manhattan (40 km), puis course à pied dans Central Park (10 km). Début août. www.nyctri.com
COURSE À PIED 2 EMPIRE STATE BUILDING
RUN UP La 37e édition de cette course d’escaliers dans l’Empire State Building a eu lieu début février. Plus de 400 coureurs ont élégamment gravi les 1576 marches pour parvenir au 86e étage. Pour les meilleurs, il ne faut pas plus de 10 minutes pour atteindre la ligne d’arrivée. www.nyrr.org
3 LINCOLN TUNNEL
CHALLENGE 5K Après la cage d’escaliers de l’Empire State Building, filez vous enfermer dans le tunnel Lincoln pour cette course de 5 km se déroulant… sous l’eau. Quand on vous dit qu’ils ne font pas les choses à moitié à New York (27 avril). www.ltc5k.org 4 SELF-TRANSCENDENCE
3100 MILE RACE La course la plus longue au monde au monde, 3100 miles soit 4988 km et 5649 tours d’un circuit de 883 mètres de long, le tour d’un pâté de maison dans le quartier du Queens. Délai : 52 jours (15 juin au 6 août). http://3100.srichinmoyraces.org 5 NYRR NYC 60K
Le seul ultramarathon au calendrier new yorkais : un 60 km en 9 boucles autour de Central Park (mi-novembre). www.nyrr.org/
4
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6 MARATHON DE NEW YORK La course qu’il faut avoir faite une fois dans sa vie quand on est un vrai coureur, non mais des fois ! Ah, vous non plus vous ne l’avez pas faite ? Zut (2 novembre). www.tcsnycmarathon.org
IMPRESSIONS
LE MARATHON DE NEW YORK
le départ est donné, la foule des coureurs s'allonge sur le Verrazano 9h30 bridge. À gauche la Statue de la Liberté, à droite Brooklyn. Le tracé nous y mène, quartier artistique voire bohème. Le long de Bedsford Avenue les
maisons, un peu décrépies, sont peinturlurées d'art déco. Les nombreux New Yorkais présents sont d'origines très variées, et les groupes musicaux répartis sur le parcours expriment bien cette mosaïque de cultures. L'ambiance du Queens est tout autre, les rues sont larges, quartiers résidentiels et industries se côtoient, mais la foule est toujours aussi passionnée. La palme du succès revient au porteur du drapeau américain dont le passage provoque le reflexe quasi pavlovien des New Yorkais : God bless America. À mi-parcours, nous enjambons le Queensboro bridge vers l'ile de Manhattan. Sur la first avenue (direction nord vers le Bronx) les jambes se font lourdes. Le Bronx est avalé en un clin d'oeil, puis de retour à Manhattan il faut serrer les dents. Enfin Central Park, juste le temps de sourire et c’est la ligne d'arrivée. Je prends brutalement conscience de la foule, des autres coureurs, ma fatigue s'est envolée ! Par Jean-Marie Gueye
© Ben Keith - Fotolia.com
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131 GLOBE-TROTTER
TRIATHLON
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www. nyrr.org
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Jowan / http://3100.srichinmoyraces.org
www.nyctri.com
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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www.commercialappeal.com
© Maridav - Fotolia.com
LES COMPÉT ITIONS
AUTOUR DU SPOT | NEW YORK
7 L’immanquable Central Park attirera
forcément le jogger débutant ou confirmé de passage à New York. Au menu : le tour du réservoir, 2,54 km, à parcourir 40 fois bien sûr.
VOILE 8 La Manhattan Sailing School vous
emmène naviguer au large du port de New York, l’occasion de découvrir la ville depuis l’océan. Accessible au plus parfait des débutants comme aux voileux déjà expérimentés. http://sailmanhattan.com
PATIN À GLACE 9 Vous avez forcément vu la patinoire
du Rockfeller Center dans un film. Ouverte de mi-octobre à avril. www.newyorkcity.fr/patinoiresnew-york
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KICK-BOXING
CYCLISME
GOLF
10 Les salles d’enseignement de sports de
13 Deux possibilités s’offrent à vous :
15 Sport plus accessible aux États-Unis
combat sont légion dans NYC. Le kick boxing est en vogue, sport de combat pieds-poings il permet de garder la forme et perdre du poids de manière ludique.
TAÏ CHI 11 À partir de mai, cours de Taï Chi gratuits
près de Times Square, à Bryant Park, le mardi (10-11 h) et le jeudi (18-19 h).
SKI DE FOND 12 Ne riez pas : c’est tout à fait possible
de skier à New York… en hiver bien sûr. À Central Park lorsque les chutes (de neige) sont importantes (ce qui arrive régulièrement, souvenez-vous notamment de début janvier) les skis sont de sortie. Enjoy !
l’équivalent du Velib’ parisien s’appelle le CityBike (6000 vélos dans 600 stations), sinon il est possible de se rendre chez des loueurs, notamment autour de Central Park. www.centralparkbiketour.com
ROLLER 14 Le
Sunday Morning Skate, c’est l’équivalent de la rando du vendredi soir à Paris : un rassemblement informel de skaters qui déambulent dans la ville sans autre but que de partager un bon moment. Au départ de Columbus Circle le dimanche à 11 h. www.empireskate.org/group/ sms.html
qu’en France, tout le monde peut jouer dans les golfs publics. Il y en a une dizaine dans l’état parmi lesquels le Chelsea Piers. www.chelseapiers.com
ÉQUITATION 16 Pas bien loin de Central Park et de ses
calèches tirées par des chevaux à bout de souffle, vous pouvez trouver de véritables centres équestres proposant toutes les activités possibles et imaginables, par exemple dans le Bronx. www.bronxequestriancenter.com
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www.bronxequestriancenter.com
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www.chelseapiers.com/gc/
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http://centralparkbiketours.com
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© Bred&Co - Fotolia.com
www.newyorkcity.fr
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COURSE À PIED
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www.voyageplus.fr
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www.newyorkcity.fr/patinoires-new-york
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http://sailmanhattan.com
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© starmaro - Fotolia.comv
LES SPORTS DÉCOUVERTE
NEW YORK Au milieu des gratte-ciel à 2 h du mat’ POUR UNE FOIS, TOURNONS LE DOS AUX GRANDS ESPACES NATURELS, ET PÉNÉTRONS AU CŒUR DE NEW YORK, LA VILLE OÙ VOUS APPRENDREZ CE QUE LE MOT « VERTICAL » VEUT DIRE. PROPRE ET POLICÉE, BIG APPLE INCITE À LA BALADE À TOUTE HEURE : LE JOGGER DE DEUX PLOMBES DU MAT’ NE CHOQUE PERSONNE.
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NEW YORK, UN JOGGING DE NUIT © Akunamatata, Emmanuel Lamarle
L’empire State Building domine le sujet.
RÊVE ÉVEILLÉ
COMME EN PLEIN JOUR
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NEW YORK, UN JOGGING DE NUIT © Akunamatata, Emmanuel Lamarle
King Kong est descendu de son gratte-ciel pour s’emparer d’un Ultra Mag.
PAR VINCENT DELEBARRE
COUSU DE FIL BLANC
SOMMAIRE
152
ILS POUSSENT À FOND
139
140
140 Grand Angle JO de Sotchi : La victoire est en lui 146 Courrier des lecteurs 148 Actus
164
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152 Dossier : Entraînement extrême
172 Tout dans la tête : Les croyances
164 Performer : Libre comme l’air
180 Portfolio : Sois agile dans l’argile
176 160 Sur le bout Au cœur du système : des doigts : L’allure spécifique en trail 6666
168 De zéro à l’infini : 24 heures dans votre peau
TOP CHRONO
TOP CHRONO
S’AMÉLIORER
C’est tout blanc ! C’est l’époque qui veut ça : blanc comme la neige le bel élément, blanc comme le ciel souvent couvert, ou blanc comme l’écume des rivages bousculés. Mais blanc aussi comme une page de sa saison qu’il faut construire pour être performant. Au pays de l’or blanc les Olympiens se démènent pour avoir l’or tout court. Ils sont déjà performants ces athlètes-là ! Mais nous, le sommes-nous déjà ? La performance, la sienne propre, pas celle absolue qui vous consacre aux yeux du monde telle un « Fourcade », est le fruit de la pleine expression de son potentiel génétique sur un événement donné. On parle souvent d’objectif réussi. Cette performance part de rien, elle part d’un blanc total ! Et si la performance n’était pas aussi celle de la manière ? Se motiver, s’entraîner, faire des sacrifices, faire le don de soi, être intelligent, se surpasser tous les jours… ne sont pas une mince affaire. On en reviendrait à l’adage du bonheur qui dit que l’important n’est pas le but mais le chemin. Bon d’accord, sauf qu’en sport le but est quand même difficile à occulter ; il est l’essence même : pas de ligne de départ sans arrivée, pas de chrono sans top chrono, pas de points sans un bon « run », pas de classement sans personne à l’arrivée… Non ce n’est pas blanc bonnet et bonnet blanc ! Il faut bien considérer qu’il y a deux performances : celle qui prouve à tous sa réalisation, et celle de l’ombre, peut-être plus difficile encore, qui la permet. Pour être performant le jour J il faut performer tous les jours : on ne peut de but en blanc dire je vaincrai. Alors, même si ces jours d’hiver sont encore loin de l’objectif, il faut chaque jour persévérer et même, comme dit si bien Boileau, vingt fois sur le métier remettre son ouvrage. Et même au moins 24 fois pour les circadiens ! Alors allons-y gaiement et rentrons du boulot, qu’il neige qu’il vente qu’il pleuve, qu’on soit lassé, blasé, fatigué… oui tout cela est cousu de fil blanc, ce ne sera pas facile ! Allons nous en remettre une « couche », qu’on soit contrarié ou manipulé, quinze minutes ou trois heures, à ski, à vélo, à voile ou même sous la voile tiens, avec Domitille ! Je suis performer, je vais m’entraîner comme jamais et cette année, dès les beaux jours, je serai performant, je ne ferai pas chou blanc !
Underground : Peut-on sauver le soldat Sotchi | 10 Equilibre : La rançon de la gloire | 52 Globe-Trotter : Sotchi, la cité déglutie | 94 Top Chrono : La victoire est en lui | 140 Absolu : Un sherpa aux JO | 186
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
LA VICTOIRE
EST EN LUI
Par Emmanuel Lamarle
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Si pour certains athlètes, l’important n’est pas le but, mais le chemin parcouru pour l’atteindre, pour Pierre Vaultier, médaillé d’or en boardercross le 18 février aux Jeux Olympiques de Sotchi, c’est bien le but qui importe. Et ce but, c’est la victoire. QUELQUES DATES
PIERRE VAULTIER, MÉDAILLÉ D’OR
© Akunamatata
Né le 24 juin 1987 à Briançon (05) / Sport : snowboard / Spécialité : boardercross Première compétition : à 9 ans / Intègre l’équipe de France Jeunes à 17 ans / Équipe de France à 18 ans
Participe aux JO de Turin
Participe aux X-Games
2006
2007
Remporte le Globe de Cristal 2008
Blessé suite à une chute fin 2008 2009
Remporte le Globe de Cristal 2010
9e aux JO de Vancouver 2010
Remporte le Globe de Cristal 2012
Remporte l’or olympique 18 Février 2014
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Quand as-tu débuté le snowboard ? J’ai fait ma toute première glisse - en travers - à 4 ans. La saison d’après j’ai fait du snowboard un peu plus sérieusement… Ça ne ressemblait probablement pas trop à du snowboard, mais c’était dans l’esprit !
SOTCHI 2014
À cette époque, le snow, c’est du sport ou un jeu ? C’est un jeu. On y va comme un petit qui va faire du vélo. Pour des parents c’est aussi une source d’épanouissement de voir leur progéniture progresser, être assidue.
sports (patinage, ski…)
À 9 ans tu participes à ta première compétition, qu’est-ce qui a changé dans l’intervalle ? Je suis entré en club, où j’ai tout de suite été confronté à la compétition. C’était une très bonne chose d’ailleurs. On oppose souvent les piquets et le freeride1, toi tu as commencé entre les piquets… J’ai fait des piquets jusqu’à l’âge de quinze ans, et vers 15-16 ans j’ai glissé vers le snowboardcross. C’était une très bonne école que je ne renie pas du tout. Est-ce que petit, tu rêvais de médailles, de coupes ? Je rêvais forcément de médailles et de coupes, d’accomplissement et de succès, mais ce sont des choses quand on est gamin qui nous parlent beaucoup moins qu’à la personne qui les obtient. J’étais complètement fan de Luc Alphand, mais pour moi son Globe de Cristal ne représentait pas grand-chose. Qu’est-ce que tu aimais en lui ? C’était un champion parce que mes parents m’avaient dit « lui c’est un champion ». C’est ça qui m’a fait avancer à cette époque-là. Et puis après, quand on réalise la portée d’une médaille, le succès, la reconnaissance du public, tout à coup on veut – moi en tout cas – aller aux Jeux. Ton entourage a vite pris conscience de ton appétit ? Ils ont vu que j’étais très engagé dans la compétition, dans la confrontation, donc forcément ils ont poussé. Et puis c’est une jeunesse très formatrice : ça forge l’esprit, ça donne une expérience indéniable, des leçons de vie.
QUAND ON RÉALISE LA PORTÉE D’UNE MÉDAILLE, ON VEUT ALLER AUX JEUX
LES JO EN CHIFFRES 7
2871
athlètes au total
294
médailles distribuées (or, argent, bronze)
15 disciplines (patinage artistique, patinage de vitesse…) 230
athlètes : plus grosse délégation (USA)
4
médailles d’or françaises
98
épreuves (couples : programme court, couples : programme libre…)
88
délégations
50000, 20000, 13000 € 182402 € prime en France pour une médaille d’or, argent, bronze
4
médailles d’argent françaises
7
médailles de bronze françaises
La victoire et c’est tout ? C’est surtout ça, c’est la victoire ouais. Après il y a plein d’autres choses qui me font triper. Déjà on est plus une bande de copains qu’une bande de rivaux. C’est un aspect qui est bien préservé dans le snowboard, et heureusement. Ensuite, tout le côté stratégique de ce sport, les risques, l’adrénaline, tout cela me fait vibrer. Comme si j’étais plus en l’air que sur Terre. Quand je vais arrêter ma carrière tout ça me manquera. Tu glisseras peut-être vers autre chose ? J’aime bien la moto, je fais un peu de cross, c’est beaucoup plus accessible, car pour trouver un gros boardercross2 en France, c’est compliqué. Une piste comme celle des JO de Sotchi, ça ne se trouve pas ailleurs. En effet, les pistes de Sotchi sont réputées être très engagées ! Ah oui, elles sont costaudes, nous c’était de loin la plus musclée qu’on ait eue, à part les X-Games mais c’est encore autre chose. Aux X-Games il y a beaucoup de blessures, il y a beaucoup plus de risques, on s’en sort souvent blessé malheureusement (voir notre article sur les blessures p. 98).
Est-ce que tu t’estimes doué naturellement, ou est-ce le travail qui t’a mené où tu en es aujourd’hui ? Difficile à dire… Je faisais d’autres sports, beaucoup de VTT, du cross-country, du trampoline, du tir à l’arc, et c’est en snowboard que j’ai le plus réussi. J’imagine que ça traduit un certain talent, une certaine facilité. En vélo, pfff, j’étais pas mauvais, mais j’étais derrière. Donc forcément je me suis dirigé vers la discipline où j’avais le plus de succès.
Justement, ta carrière est marquée par plusieurs blessures… Comment vis-tu ces moments ? Oui, une carrière ponctuée par de gros accrocs, comme ma cheville qui est de loin le plus gros, une fracture lombaire qui aurait pu mal tourner mais qui s’est finalement très bien passée, et puis ce genou (rupture du ligament antérieur droit le 21 décembre dernier, Ndlr), une fracture du péroné, une fracture de l’humérus, des entorses à la pelle… Ça fait partie intégrante de notre sport, c’est quelque chose qu’il faut accepter. Une saison sur trois, au moins, on est blessé. Mais ce n’est pas forcément restrictif : si à un moment il faut faire une croix sur une saison, on met à profit ce temps hors course pour faire d’autres choses, et on revient souvent plus fort.
Que retires-tu de ton sport, outre la confrontation ? La réussite ? Je suis animé par le goût de la victoire…
Un lâcher-prise nécessaire ? Complètement, une prise de recul, un lâcher de pression.
la plus forte prime pour l’or (Kazakhstan)
9e
la place qu’occupe la France au tableau des médailles
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Les JO, pour toi, qu’est-ce que ça représentait ? Y a-t-il un avant et un après médaille ? Ta vision a-t-elle changé ? Tout ce que ça change, c’est qu’avant je voyais les champions olympiques comme inaccessibles, même ceux de ma discipline, et maintenant que je le suis, je me dis « c’est possible, en fait ». Finalement, c’est une course comme les autres, mais l’issue a tellement de conséquences qu’on s’en fait une montagne. Et puis en fait tu rencontres les mêmes adversaires que d’habitude ? Dans d’autres disciplines, par exemple en freestyle, le circuit FIS3 est très délaissé, notamment en pipe, pour les circuits plus pros comme les X-Games. C’est vrai qu’aux Jeux du coup tous ces gens se retrouvent. Mais chez nous en snowboardcross, c’est du copier-coller des compètes habituelles. En terme de préparation, tu as eu deux mois compliqués après ta rupture totale du ligament antérieur du genou droit, rupture qui a commencé à se cicatriser d’elle-même, et pour laquelle tu as choisi, avec ton staff médical, de ne pas te faire opérer. Comment as-tu géré cette période pré-compétition ? C’est un équilibre : à Vancouver j’avais une grande forme et un état mental désastreux… Là j’avais une petite forme mais un état mental très avantageux, puisque je me suis présenté sans pression. Le seul objectif sur cette olympiade, c’était d’exploiter mon potentiel à 100% ; ce n’était pas du tout d’arriver premier en bas, ni d’être champion olympique. Le 18 février j’avais une forme mentale probablement beaucoup plus élevée que ma forme physique, mais ça a suffi pour puiser mes ressources et m’exprimer à 100%, et ce 100% a suffi pour être premier en bas. La décision d’aller aux Jeux a eu lieu quand ? Je suis parti à Sotchi le 10 février, et la décision s’est prise le 7, à l’issue des test neige qui ont été réussis : j’avais le feu vert du côté médical et du côté technique, et mon feu vert interne. Tes adversaires au départ des runs savaient comment tu étais ? Mon coach m’a dit après les premiers entraînements sur place que certaines personnes étaient venues en disant que c’était juste incroyable ce que j’étais en train de faire. C’est vrai qu’au niveau des entraînements, on a déjà une sérieuse idée de ce qui va se passer en course. Il y a même une personne qui a dit « c’est du bluff il n’a pas le genou en vrac ». Mes adversaires ont eu un petit déclic à ce moment, ils se sont dit « bon il va quand même falloir compter sur lui », mais j’étais loin des favoris. J’ai entendu ma cote, j’étais à 33 contre 1 sur les sites de pari, Paulo4 était à 72 contre 1, ça veut dire que celui qui prenait 100 euros en pariant moi premier et Paulo deuxième, il prenait 22000 euros ! C’est la magie des Jeux, et encore plus la magie du snowboardcross, où il y a des aléas. Et ça fait d’autant plus plaisir ? Mais complètement ! Ça donne un tout autre goût à la médaille, et encore plus après mon échec à Vancouver5. Pendant le run de la finale, tu es complètement focalisé sur ta course, tu fais abstraction des autres ? Oui, et c’est là je pense une des clés de mon succès : c’est très rare que je me sente complètement isolé des autres, même en coupe du monde, je crois que j’ai aucun souvenir comme ça. J’ai revu la finale, et honnêtement, je ne savais pas que le Russe m’avait autant titillé ! J’ai un seul souvenir où on passe la bosse ensemble en milieu de parcours, il vient un peu sur moi, j’me dis « ouh là il va me serrer » et puis non en fait il part à l’extérieur du virage, je fais l’intérieur et je repasse premier, tout va bien… Mais cette
TOUT LE MONDE AVEC LE BONHEUR DANS LES YEUX compétition avec le Russe, elle m’est complètement étrangère ! Le run que j’ai ressenti et le run que j’ai vu à la télé, c’était deux runs différents. Le passage sur la ligne… Là, je lâche tout ! À 40 mètres avant la ligne, je me retourne, je vois le Russe qui est dans mon dos et qui va pas plus vite que moi, donc probablement que 40 mètres après je serai champion olympique… enfin champion olympique, non : je gagnerai la course. Et c’est pour cet instant que tu fais tout ça ? Complètement, c’est ça qu’on veut forcément goûter de nouveau. Tu es monté sur la plus haute marche, comment se sent-on là-haut ? Sans commune mesure avec le passage de la ligne d’arrivée où je lève les mains, où j’ai les larmes qui me tombent, où je vois des gens, mon coach qui est un peu sur la droite, qui est pareil, comme un fou, mes techniciens qui ont été affectés par mes échecs de début de saison, le président de la fédé et le directeur technique, mon équipe, tout le monde avec vraiment le bonheur dans les yeux… À côté la montée sur la boite c’était rien du tout, c’était juste une formalité. Cette médaille, elle va changer quelque chose dans ta vie ? J’étais déjà un sportif accompli, j’ai gagné 15 fois en coupe du monde, je n’avais plus grand chose à me prouver. Mais cette médaille manquait vraiment à mon palmarès, et c’est un tremplin. Et il y a l’aspect financier aussi. Maintenant, je pense que sur les Mondiaux6 il y a quelque chose à jouer : ça va être mon objectif, le dernier pour dire que j’ai vraiment tout gagné. 1 Piquets = piste, freeride = pans vierges. 2 Départ groupé, piste comportant des virages et des bosses. 3 Fédération Internationale de Ski. 4 Paul-Henri De Le Rue, le frère de Xavier interviewé dans le n°2 d’Ultra Mag, termine 4e. 5 Favori à Vancouver, termine 9e. 6 Prochains Mondiaux à Kreischbeg (Autriche) en 2015.
Questions pour des champions
QUESTIONS / RÉPONSES PAR VINCENT DELEBARRE, MONITEUR DE SPORT, GUIDE DE HAUTE MONTAGNE, VAINQUEUR DES TEMPLIERS, DE LA DIAGONALE DES FOUS ET DE L’UTMB®
Savoir que c’est possible (grâce à Ultra Mag !) c’est déjà beaucoup pour la réussite de ce projet, comme pour tout projet d’ailleurs.
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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J’ai aujourd’hui 38 ans, et j’aimerais courir mon premier marathon pour mes 40 ans, dans 2 ans donc. Je ne suis pas trop sportif, juste un peu de marche et un jogging de temps en temps le dimanche en forêt. J’ai couru un 10 km l’année dernière, en 55 mn. Cette idée de marathon m’obnubile, car je me dis que ça me permettra en même temps de retrouver une meilleure hygiène de vie à l’approche de la quarantaine. Comment m’y prendre, pour finir par exemple aux alentours de 4 heures (10 km/h) ? MATHIEU, SEINE-ET-MARNE Dans la vie sportive, Mathieu, c’est un peu comme dans la vie en général : il faut aller vers ses pulsions tant qu’elles sont raisonnables et respectables ! Comment raisonner ici pour atteindre cet objectif tout en respectant son corps et sa santé ? Effectivement le sport peut être en soi un style de vie, mais aussi un très bon prétexte pour mieux vivre, avec une bonne santé en particulier. Sans oublier le plaisir procuré par les sensations et les rencontres. Quarante ans est souvent une seconde jeunesse, et je sais de quoi je parle… Bravo pour cette remise en question !
© DPPI -ASO
À LONG TERME
Il faut ensuite considérer ces deux années de préparation et de mois en mois, de semaine en semaine, augmenter les charges. Une charge est un stress ou une sollicitation physique dont il faudra récupérer pour pouvoir supporter des charges plus importantes. Ces sollicitations sont de deux ordres généraux que sont le temps de « travail », et l’intensité de ce travail. Dans un premier temps, on peut concevoir deux mois de séances sans intensité où l’on peut même marcher par intermittence. La motivation doit être continue, et c’est une condition sine qua non. Si un relâchement, ou pire plusieurs relâchements, ont lieu, alors il ne faut pas hésiter à repartir de zéro. Attention, des semaines de « relâche » sont nécessaires et ne s’opposent pas au principe de continuité. Il faut comprendre ici qu’un arrêt de trois semaines, ou plus, forcément, serait préjudiciable (sauf blessure bien sûr). Adapter l’entraînement c’est prendre en compte son niveau de performance (ses capacités potentielles) et son niveau d’entraînement (ce qu’on peut supporter). On ne peut faire les mêmes séances qu’une personne qui n’a pas les mêmes données physiologiques ni le même passé sportif. Il n’est pas le lieu ici pour donner le suivi ou le plan d’entraînement, surtout sur une échéance de deux ans. Mais se rapprocher d’un club ou d’un entraîneur est une solution intéressante. D’ores et déjà connaître ces principes ici évoqués est un très bon début.
CONCRÈTEMENT, IL FAUT RETENIR QUATRE POINTS ESSENTIELS : C’EST POSSIBLE | PROGRESSIVITÉ | CONTINUITÉ | ADAPTABILITÉ
PLUS DE POIDS Est-il intéressant de se charger en poids lors d’entraînements en côte pour le trail ? JEAN-PAUL, PARIS
Oui et non ! © Igor Kovalchuk - Fotolia.com
>>
OUI Pour la préparation d’épreuves où l’on porte un sac sur tout le parcours, il apparaît comme évident de s’entraîner avec le sac envisagé et donc le poids correspondant. Les entraînements sont alors ceux des séances continues et spécifiques. Se lester encore davantage n’est pas inintéressant. Mais alors il faut faire attention à ne pas mettre d’intensité et donc mettre l’accent sur le volume. Par deux fois j’ai eu l’occasion de croiser sur les sentiers de La Réunion une semaine avant la célèbre épreuve qui traverse l’île le champion Pascal Parny (2 fois vainqueur) se promenant dans Mafate avec un sac avoisinant visiblement les 30 kilos ! Surprenant, mais a priori efficace. Attention il allait très
doucement. Ne pas chercher à forcer, simplement avancer. Cette technique d’entraînement fort particulière n’est pas obligatoire et est plus adaptée aux ultra-distances de montagne. NON Ne pas se lester, surtout pas, lors d’entraînements intenses ou même moyennement intense, de type accélération en côte ou intervalles. En effet ici la sollicitation est déjà très forte et finalement un frein existe déjà par nature, la gravité. En parlant de « charge » on pensera uniquement à la charge de l’intensité voulue qui sera obtenue par sa vitesse ascensionnelle et l’on connait tous cette sensation si perceptible de peser un âne mort alors même que le sommet n’est encore pas visible. Gare au surentraînement (à la surcharge) en commettant cette erreur.
RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :
147 TOP CHRONO
Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr
HOLISTE VOUS FAIT GAGNER DES ÉQUIPEMENTS WAA VOIR EN PAGE 73
JEUX OLYMPIQUES
CHAMPIONNATS DU MONDE
ANNULATIONS EN CHAÎNE
UN TREMPLIN POUR LES FEMMES
STÉPHANE RICARD JOUE DES RAQUETTES
Les années se suivent et se ressemblent, malheureusement, pour le 100 km international : les Mondiaux 2014 qui devaient se dérouler à Daugavpils, en Lettonie, le 31 août, sont annulés. L’International Association of Ultrarunning (IAU) semble chercher une solution de repli, plus tard dans l’année. En 2013, une situation similaire s’était produite, avec une annulation des Mondiaux en Corée, puis deux remplacements potentiels (Afrique du Sud, Dubaï) qui ne s’étaient finalement pas concrétisés.
Quel est le rapport entre l’égalité hommes-femmes et la performance ? Celui-ci : dans certaines disciplines sportives, les femmes n’ont tout simplement pas le droit de concourir (lire à ce sujet notre « Pur moment » p. 214). C’était encore le cas pour le saut à ski jusqu’à il y a peu, puisque pour la première fois les femmes ont eu le droit de se présenter en haut du tremplin aux Jeux Olympiques. Progression du nombre de pratiquantes, participation aux Mondiaux, coupe du monde dédiée, ont fait pencher la balance dans la bonne direction.
La discipline n’est guère connue, et pourtant : lorsque l’on décide de presser l’allure, la traditionnelle balade en raquettes de Papy et Mamy devient une véritable discipline sportive. Le Français Stéphane Ricard est l’un des tout meilleurs au monde, et même désormais « le » meilleur : il est devenu champion du monde en Suède le 1er février, après avoir été troisième en 2012 et deuxième en 2013. Ne pensez pas que s’imposer dans un telle discipline soit facile : l’homme est tout de même vainqueur de la 6000D* en 2013, ce qui donne une idée de son niveau athlétique.
idéal ?
Ueli Steck est Speed # 4 • MARS-AVRIL 2014
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À 38 ans, le Suisse Ueli Steck est l’un des plus grands alpinistes actuels ; il est notamment spécialisé dans l’ascension ultra rapide de sommets difficiles. Le 10 octobre 2013, il a une nouvelle fois marqué l'histoire de sa discipline avec la réalisation en solitaire de la face sud de l'Annapurna en un temps record de 28 heures. Ueli Steck livre dans Speed les récits de ses exploits, un moyen d’approcher ce personnage autrement insaisissable. Sa devise : « Tout ce que je peux imaginer peut devenir possible. » Éditions Guerin, 14 €, sortie début mars
INSCRIPTIONS
Le Français Renaud Lavillenie a battu samedi 15 février le record du monde du saut à la perche en salle avec un saut à 6,16 m, à Donetsk, en Ukraine, devant la légende Sergueï Bubka qui avait franchi une barre à 6,15 m en 1993. Un article de Pierre-Jean Vazel, entraîneur, a réalisé une analyse, sur son blog, des performances de Lavillenie et il conclut : « Si Renaud Lavillenie n’est ni le plus grand, ni le plus fort, ni le plus rapide, il présente un compromis efficace de toutes ces qualités, couplées à d’autres moins facilement quantifiables : une agilité et une confiance en soi hors-normes. » Bubka s’est quant à lui déclaré « heureux et fier » pour Lavillenie, alors que ce dernier avouait qu’il allait lui « falloir du temps pour redescendre ».
© Aleksey Stemmer - Fotolia.com
ALPINISME
© fovivafoto - Fotolia.com
T’as une place à Cham ?
On mesure la performance en règle générale pendant un évènement sportif, mais parfois… c’est de réussir à s’inscrire au dit évènement qui relève de la performance ! Ainsi les épreuves du The North Face® Ultra-Trail du Mont-Blanc® ont-elles encore une fois défrayé la chronique : l’UTMB* a reçu 6020 demandes d’inscription pour 2300 places. Il en est de même pour les autres épreuves, y compris la toute nouvelle OCC*, à l’exception de la TDS* qui comme les autres années convainc moins de monde. Voir le tableau ci-dessous pour les détails.
COURSE
UTMB
CCC
TDS
OCC
PTL
Demandes d’inscription Places dispos Primo accédants Femmes Français
6020 2300 50% 8,14% 37,54%
3996 1900 79% 13,80% 49,3%
1388 1600 44% 11% 56,67%
2443 1200 83% 25,25% 54,37%
273 26% 10,62% 38,46%
© Girodjl - Fotolia.com
Lavillenie : le perchiste
© Aleksey Stemmer - Fotolia.com
MONDIAUX DE 100 KM
TOUR DE FRANCE
ARRIVÉE FÉMININE
CHAMPSÉLYSÉES
AUX
À l’occasion de l’arrivée du Tour de France 2014, l’élite du cyclisme féminin sera réunie le 27 juillet pour la première édition de « La Course » by © Cor Vos Photo Le Tour de France. Quelques heures avant les coureurs du Tour, un peloton composé de l’élite du cyclisme féminin prendra possession du circuit final tracé dans le cœur historique de Paris, pour se livrer à une explication jugée sur la ligne d’arrivée des Champs-Elysées. Mariane Vos, championne olympique et triple championne du monde de cyclisme sur route, se réjouit : « Je suis particulièrement excitée d’y participer, surtout dans la perspective d’une arrivée qui sera majestueuse sur les Champs-Elysées. La naissance de cette course, c’est quelque chose de révolutionnaire pour notre sport. Le Tour se trouve au sommet du cyclisme professionnel, et je sens que « La Course » by Le Tour pourra ouvrir une nouvelle période pour le cyclisme féminin. »
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PERCHE
TRAIL
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On savait les organisateurs de la Maxi Race du Lac d’Annecy très excités à l’idée d’organiser les championnats du monde 2015. Ils ont réussi ! L’International Association of Ultrarunning (IAU) a en effet confirmé le 29 janvier dernier que cette course serait le théâtre de la cinquième édition de ces championnats, qui se dérouleront probablement les 30 et 31 mai 2015. Le parcours prévu mesurera environ 85 km pour un dénivelé positif d’un peu plus de 5000 m.
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LIVRE
DEUX TITRES FRANÇAIS Les Championnats d’Europe de ski-alpinisme se sont déroulés du 14 au 16 février dans les stations andorannes d’Arinsal et Arcalis, sous un format allégé inédit : une Vertical Race plus une course individuelle. La Française Laeticia Roux s’impose sur les deux formats. Elle ne sentait pourtant pas trop la Vertical Race : « C’est une course que j’appréhendais : la pente est très, trop régulière. C’est une belle revanche sur la saison passée. » Chez les hommes, un Français s’impose également sur la course individuelle, qui plus est pour la troisième année consécutive. Il s’agit de William Bon Mardion : « Je me sentais très bien dans cette course, et j’étais déterminé dès le départ à conserver mon titre de Champion d’Europe. C’est une première chez les hommes, qu’un athlète décroche les titres de champion sur trois années consécutives ! » À 29 ans, William Bon Mardion cumule les titres (champion d’Europe, du monde) et les victoires (Mezzalama, Patrouille des glaciers).
12 HEURES SUR TAPIS
UN RECORD CONVOITÉ
C OURIR AU BON RYTHME, LE RETOUR
JEUX OLYMPIQUES
PARI RÉUSSI
POUR LA RUSSIE Certes, le bilan des Jeux Olympiques de Sotchi n’est pas excellent, et la Russie ressort en demiteinte des Jeux (voir en p. 10). Cependant, du strict point de vue sportif, la Russie s’en sort avec les honneurs, puisqu’elle termine première de l’Olympiade au classement des médailles : 33 au total, dont 13 d’or (2e : Norvège avec 11 médailles d’or, 3e : Canada avec 10). Pour Alexandre Joukov, chef du Comité Olympique russe, ses athlètes ont récolté les fruits d’une bonne préparation : « Nous nous préparions et nous faisions tout le possible pour que les spor-
tifs russes aient du succès ». Reste la déception des hockeyeurs, battus en quart de finale contre la Finlande, alors qu’ils visaient l’or. Mais c’est presque anecdotique en regard de l’élan collectif dont se félicite Joukov : « Nos supporters se sont montrés formidables à cette Olympiade. Ils soutenaient le moral de mos sportifs, mais ils étaient bienveillants à l’égard des sportifs étrangers. Une telle union des supporters et de l’équipe a aidé nos sportifs à surmonter les difficultés. » On verserait bien une petite larme, non ?
Le titre est évocateur et à sa lecture, il paraît presque évident qu’en course à pied, comme dans la plupart des sports d’endurance, le rythme est la clé. Il y a deux ans, les Québécois Jean-Yves Cloutier et Michel Gauthier présentaient « Courir au bon rythme ». La deuxième édition est désormais disponible, davantage destinée aux coureurs un peu plus aguerris. Vous y trouverez donc des propositions d’entraînement avec plus de volume et plus d’intensité, ainsi qu’un nouveau rythme, le « R5 ». C’est une approche particulière autant qu’une philosophie qui est proposée ici, avec des outils de planification et des programmes d’entraînement pour les coureurs de tous les niveaux. À vous procurer, donc, si vous êtes curieux.
Dans le numéro précédent d’Ultra Mag (n°3), nous vous annoncions le record du monde « Guinness » des 12 heures sur tapis de course. Le Suisse Eusébio Bochons l’avait battu le 7 décembre dernier avec 123,4 km. Cette fois, c’est Chris Solarz, un Américain de 35 ans, qui a couru 124 km, près de New York, le 18 janvier. Si cette distance est « bonne », elle est loin de celle de Robert Wimmer, établie à 145,55 km en mars 2009. Il n’y avait pas d’officiel du Guinness Book ce jour-là, mais la performance, elle, était bien réelle aussi.
DOPAGE
6 MOIS POUR NÉGLIGENCE Six mois de suspension ont été déclarés à l’encontre d’une traileuse française fin 2013, dans le cadre du Grand Raid des Pyrénées, course qu’elle avait terminée en 2e position (80 km). L’AFLD a en effet détecté de la Prednisone et de la Prednisolone dans ses urines, substances présentes sur la liste des produits interdits. La coureuse a invoqué la négligence : souffrant de la hanche, elle a utilisé du Solupred avant la course, médicament qui lui avait été prescrit en début d’année. Automédication plus absence de contrôle de la noninterdiction du produit, cas classique : l’AFLD a reconnu la négligence, la peine est donc légère (suspension 6 mois, annulation de la performance, remise des gains).
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La Maxi Race sélectionnée pour les mondiaux 2015
SKI-ALPINISME
DOSSIER | ENTRAINEMENT EXTREME
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DOSSIER
LA LIMITE SERA TON SEUL REFUGE
Faut-il se faire mal pour progresser ? Au-delà du risque physique, les athlètes de haut niveau puisent dans les entraînements difficiles leur force fondamentale. La difficulté, c’est surtout de savoir évaluer ses propres extrêmes, et ce quel que soit son niveau. Par Philippe Billard
DIFFICULTÉS PASSAGÈRES Voilà une façon de démythifier des exploits qu’on qualifierait facilement de « hors du commun », « inaccessibles », « complètement dingues ». Chacun peut trouver dans les situations les plus simples de la vie de quoi s’entraîner à aller plus loin. De l’énervement d’une attente à La Poste (ou ailleurs) qui dure décidément trop, à celui d’une voiture
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es entraînements les plus durs, c’est quand je n’ai pas envie. » Malgré le côté laconique de cette profession de foi, Pierre-Michael Micaletti, spécialiste du 6 jours non-stop en vélo et en course à pied (voir p204), ne fait pas dans la demi-mesure. Capable de ne dormir que quelques heures sur ses efforts qui en durent 144, il ne va que très rarement explorer ses zones rouges, celles dans lesquelles le physique hurle de tout arrêter, que c’est trop, que la gorge brûle, que les jambes sont à la limite de la rupture. Pour lui, comme pour de nombreux adeptes des efforts ultra longs, la limite est une question de mental, et même plutôt de mentalité.
DOSSIER | ENTRAINEMENT EXTREME
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Certains sports possèdent cette culture de l’entraînement difficile. « Train hard, win easy » qu’ils disaient. Pousse fort à l’entraînement et la victoire ne sera qu’une formalité. Les sports de très longue haleine ne possèdent pas cette culture-là. Christophe Le Saux, troisième au Tor des Géants* 2012, premier Français au Marathon des Sables 2013, et on en passe, « ne se fouette pas » pour aller s’entraîner. A l’instar de nombreux coureurs au long cours, partir des heures, et même des journées, entières, n’a rien de difficile, au contraire. Aux antipodes du « no pain no gain », ils seraient davantage dans une forme de visualisation totale du plaisir qu’ils doivent trouver absolument pour tenir aussi longtemps. Lorsqu’ils courent avec un dossard, leur cerveau leur envoie ce message simple : pense aux centaines de kilomètres que tu as courus si facilement à l’entraînement. Donc la difficulté ne peut qu’être temporaire.
prend du recul : « Je ne fais jamais d’entraînement dur, du moins pas au point d’en souffrir. Mais me serais-je habitué à la douleur au point d’ignorer la côtoyer au quotidien ? » Une phrase clé ! Une première victoire dans notre quête de l’entraînement de cinglé. Une étude récente portant sur des triathlètes montre en effet que les sportifs relèvent leur seuil de douleur à force de pratique. Ce que d’autres considèreraient comme une torture moyenâgeuse, eux l’identifient comme une étape nécessaire à la progression. « Parler des limites à l’entraînement ne peut se faire qu’en rapport avec les risques de blessures », explique Eric Legat, ancien international de 100 km et entraîneur. « L’athlète de haut-niveau est toujours sur le fil du rasoir. Il doit s’astreindre à des séances qui, pour le faire encore progresser, doivent forcément se rapprocher de certaines limites, qui se situent dans sa zone ‘adaptative’. » Cette zone, large et confortable pour la plupart des sportifs, se réduit comme peau de chagrin à mesure qu’on
ZONE ADAPTATIVE Antoine Guillon, sept fois dans les quatre premiers de la Diagonale des Fous en sept participations,
STÉPHANE MIFSUD, RECORMAN DU MONDE D’APNÉE STATIQUE
« SUPER VIOLENT » Une idée reçue voudrait laisser croire que pour tenir longtemps sans respirer, il faudrait juste rester relâché, rentrer en méditation, et attendre que le temps passe. Si les apnéistes modernes ont réussi à doubler voire tripler tous les records du temps de Jacques Mayol, c’est en grande partie parce qu’ils sont devenus de véritables athlètes de haut niveau. Pour développer une cage thoracique ultra souple, atteindre une capacité pulmonaire de 11 litres, et tenir au final 11 mn 35 s sous l’eau, Stéphane Mifsud doit constamment se pousser dans ses retranchements à l’entraînement. Séances de vingt fois cinq minutes d’apnée, avec une récupération qui passe de deux minutes à trois inspirations, ou encore trois fois huit minutes sans respirer, « c’est super violent », déclare-t-il lui-même. Son entourage, coach et scientifiques, lui confirme par exemple que la machine tourne bien jusqu’à 9 mn… Et ensuite ? Ensuite il est seul. « À partir de trois minutes on rentre en détresse respiratoire, au-delà Tout le monde de dix minutes, on éprouve la sensation de passer près n’a pas forcément de la mort, comme lorsqu’on évite un accident de les mêmes priorités. justesse. » Sauf que là, ça dure encore pendant d’interminables poignées de secondes. Le réflexe naturel de panique doit se remplaAller plus loin, plus vite, cer par une décontraction totale. Alors plus fort, à l’entraînement, ne forcément, on comprend mieux Stéserait donc pas une affaire de masophane quand il affirme : « La douchistes. Ça rassure ! Anthony Berthou, leur de l’entraînement est une chance. L’acide lactique, nutritionniste et ancien triathlète de haut c’est un plaisir. Avoir niveau, se souvient : « Les entraînements mal aux jambes, ça les plus durs pour moi ont toujours été les veut dire qu’on a enchaînements des trois disciplines, avec des jambes. »
se rapproche de ses limites physiologiques. « Plus on s’approche du haut niveau, poursuit Eric Legat, plus la limite entre entraînement optimal et surentraînement est mince, et la blessure proche… »
NO MASO
LES SPORTIFS RELÈVENT LEUR SEUIL DE DOULEUR À FORCE DE PRATIQUE
Trouver le bon dosage dans une pratique déjà extrême n’a rien de simple. Cyril Cointre, lui aussi trailer de haut niveau, et lui aussi clairement dans une démarche de « sport plaisir », voire tranquille, préfère rester au contact du groupe de tête dès le début de ses ultras. Adepte des shoots de 30 mn à 1 h, à l’occasion par exemple de mini-trails ou de kilomètres verticaux, il estime qu’ils sont nécessaires pour « habituer l’organisme à évoluer en survitesse pour accrocher le bon wagon au début d’un ultra ».
des intensités assez élevées et 30 mn de récupération entre chaque sport. » Pour lui, l’intérêt physiologique est clair : « Ce type d’enchaînement permet de solliciter les différentes filières et favoriser ainsi l’adaptation cellulaire. La durée des efforts cumulés, associée à une intensité relativement élevée engendre une forte fatigue musculaire associée à une déplétion glycogénique. »
TOUS TARÉS ? Quand on touche aux extrêmes, la rationalité rassurante se fait parfois la malle pour laisser la place à l’instinct. « Physiologiquement il y a parfois des choses hard sur le papier qui passent ‘easy’, et inversement. » Marion Lorblanchet, toute jeune retraitée du haut niveau en triathlon ne cherche pas à expliquer. « Aller chercher ses limites ? C’est un jeu que l’athlète de haut niveau aime ! Chercher une satisfaction personnelle à chaque sortie est grisant. Une façon ou une autre d’évoluer personnellement, d’aller rechercher une progres-
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qui vous coupe la priorité, chaque jour porte son cortège de nouvelles occasions de pousser plus loin les manettes. « C’est là qu’on travaille le mieux ces moments qui arrivent en course. Quand on est cuit, c’est une contrariété aussi, et il faut la traiter comme telle. » La situation présente un nouveau profil, une nouvelle dynamique, et il faut s’y adapter.
DOSSIER | ENTRAINEMENT EXTREME
S’ENTRAÎNER À L’INCONFORT
sion générale. Alors oui, bien sûr, il faut savoir aller au bout du bout, vers cette sensation du cœur qui fait boum boum dans la poitrine et cet acide lactique qui brûle les jambes. Est-ce dur ou plaisant ? Le sportif est taré dans tous les cas ! » Ça, c’est dit. « Taré », dit comme ça, c’est un véritable compliment. Et quand le sportif sort du consensus, de cette crainte latente de choquer son interlocuteur, un monde nouveau, un champ des possibles incroyable s’ouvre tout à coup. Des doux violons du philarmonique de Vienne on passe, sans transition, au rock métal de Rammstein. C’est gras, ça fait un peu peur, mais ça décoince.
© Lao Yao
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Q IS 2 LA UI OL IN ER ER S I P F ER FL CE TI NE RT FO UE LL EN O FO RMNT ES ID ES ZON ANSU S NC I CE R D’
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S’entraîner « extrême » n’est pas juste une affaire d’intensité. C’est aussi une question d’imagination. Partir du constat de ses propres zones d’inconfort personnelles et creuser ce sillon. Trouvez ce qui est difficile pour vous et imaginez l’entraînement qui va avec. Si votre limite, c’est le sommeil, prenez un somnifère et luttez. Si vous redoutez la fatigue musculaire, enchaînez plusieurs journées très chargées en kilomètres. Vous redoutez la lassitude ? Regardez la chaîne parlementaire pendant tout un après-midi. Vous craignez la faim : essayez le jeûne. Vous n’avez pas fait de sport ces quarante dernières années et n’arrivez pas à courir plus de vingt mètres ? Trottinez-en cinquante à une allure inférieure à celle de la marche. Les exemples présentés ici sont bien entendus soumis à votre bon sens. N’allez pas vous faire mal. Mais prenez conscience de vos capacités, apprenez en avançant. Creuser ce tunnel qui vous mènera à la lumière, c’est bien mieux que de creuser sa tombe en ne faisant rien.
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ALLER UN PEU AU-DELÀ
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AUX FRONTIÈRES DE LA MORT « C’est surtout le cumul de séances et notamment en fin de cycle de préparation que c’est exigeant et qu’il faut aller chercher ses derniers retranchements, estime Marion Lorblanchet. Fatigue physique, psychique s’accumulent, généralement à l’approche d’un objectif qui ajoute du stress, donc c’est à ce moment-là qu’il faut être fort au sens large du terme. » Stéphane Ricard, vainqueur de la 6000D et champion du monde en titre de course de raquettes, juge nécessaire de faire au moins une séance dure, voire très dure, par semaine, « sinon ce
IL FAUT SAVOIR ALLER AU BOUT DU BOUT
TOP CHRONO
UNE AFFAIRE D’IMAGINATION (ENCORE)
T LA ROUV PAS LIMIT ER S L’IN AGE E DE VER (ME CONFO S PHYNTAL O RT SIQ UE)U
ENTRAÎNEMENT EXTRÊME
DOSSIER | ENTRAINEMENT EXTREME
ERIC LEGAT, ENTRAÎNEUR ET EX-INTERNATIONAL DE 100 KM
« COLLER À SA RÉALITÉ, PRIVILÉGIER SON PLAISIR »
n’est pas assez par rapport au type d’effort à fournir au final. » Le menu, pour lui, passe par des fractionnés sur piste à haute vitesse de 15 fois 400 m, ou « mieux », d’entraînements en côte. Les spécialistes apprécieront par exemple la pyramide suivante : 1 mn, 2 mn, 3 mn, 4 mn, 3 mn, 2 mn, 1 mn, en montée, à fond bien sûr, avec une récupération de la moitié du temps de la fraction précédente. Séance classique, mais qui ramone bien quand même. Faut-il forcément aller très loin dans la douleur, la souffrance, l’inconnu, l’incon-
verte, un instinct primal qui pousserait certaines personnes à s’approcher le plus possible du précipice. L’un des spécialistes de la question se nomme Stéphane Mifsud. Recordman du monde d’apnée statique avec un temps surhumain de 11 mn 35 s établi en 2009, sa discipline le mène aux frontières de la vie et de la mort (voir encadré). Les entraînements difficiles font partie du jeu et du chemin. Éxécuter une succession de vingt apnées de cinq minutes chacune, avec un temps de récupération qui passe de deux minutes à trois respirations, c’est d’une violence extrême, même pour lui. « L’entraînement me permet de trouver des parades aux alertes qui surgissent lors d’un record. » Et quand on l’interroge sur la difficulté, il relativise : « Le meilleur entraîneur, c’est soi-même. Il faut avant tout bien se connaître. »
SA DISCIPLINE LE MÈNE AUX FRONTIÈRES DE LA VIE ET DE LA MORT 159 TOP CHRONO
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Si vous avez peur (ce qui serait la moindre des choses), de vous lancer vous-même dans des entraînements déverrouillés, rationalisez. À ce petit jeu, Eric Legat est très fort. Véritable stakhanoviste de l’entraînement quand il le faut, l’ancien international de 100 km, mais aussi l’entraîneur, sait exactement où il va. Avec l’expérience, certains diraient « avec l’âge », il a su regarder dans le rétroviseur. Il y voit son passé de steepleur, de crossman, ou de marathonien : « Les entraînements auxquels s’astreignent les demi-fondeurs sont extrêmement durs. Aller sur la piste et tenir des allures de fous, avoir des courbatures et recommencer. Attaquer un footing en étant déjà explosé et le finir à 18-19 à l’heure. Y ajouter de la muscu et le tout dans les mêmes volumes que lorsque je me suis entraîné pour mon record sur 100 bornes… » Tout cela porte ses fruits, mais se révèle – peut-être – inutile sur des distances très longues. Pour lui, aller chercher la difficulté à l’entraînement, c’est aller explorer la fatigue, par exemple en effectuant un entraînement long en étant déjà épuisé. « Sans que ce soit facile, je ne peux pas dire que je cherche à aller dans le dur. Peut-être est-ce une erreur. Peut-être aussi que je ne vise pas assez haut en m’imposant un entraînement plus ‘typé’ haut niveau. Peut-être fortable, pour progresser ? oui, mais à un moment donné il faut coller Et d’ailleurs, parle-t-on de proà sa réalité et savoir trouver, écouter, et privilégier son plaisir. Et quel plaisir gression, ou d’autre chose ? Autre que l’aisance, les sensations et les chose qui aurait à voir avec une quête enchaînements… quand tout d’absolu, un désir puissant de découroule ! »
AU CŒUR DU SYSTÈME | L’ALLURE SPÉCIFIQUE EN TRAIL
ENTRAÎNE-TOI COMME SI C’ÉTAIT LE JOUR J
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Dans « au cœur du système » nous entrons dans les détails du fonctionnement de notre corps lors de la pratique sportive.
La notion d’allure spécifique, c’est-à-dire l’allure de course, est très difficile à cerner en trail. Il est indispensable de s’entraîner dans les conditions les plus proches possibles du jour J. Voici quelques recettes. © JM Gueye
Par Gildas Penverne
C
«
omment contrôler l’intensité de course lors des séances d’entraînement spécifiques trail ? », m’a demandé un lecteur à la suite de l’article sur le seuil anaérobie (« Le bon, la brute et le truand », Ultra Mag n°1, p. 174), dans lequel je parlais brièvement de l’allure spécifique. Voici donc, en réponse, un article sur l’allure spécifique en général, avec bien sûr un zoom sur la spécificité du trail.
QUI PEUT LE PLUS… PEUT LE PLUS L’allure spécifique, c’est tout simplement l’allure (ou l’intensité) à laquelle vous souhaitez courir le jour de votre objectif. Exemple : mon objectif est de courir un 100 km en 8 h 20 mn, mon allure spécifique sera donc 12 km/h soit 5 minutes au kilomètre. Ces séances à allure spécifique poursuivent deux buts : 1- parfaitement maîtriser son allure de course pour éviter les erreurs d’allure, par exemple en partant trop vite ; 2- améliorer le rendement à cette intensité de course et faire en sorte que les dépenses énergétiques à cette allure soient moindres. Cette amélioration se fera au niveau du métabolisme des lipides et des glucides, au niveau du souffle et des qualités cardio-pulmonaires en général, ainsi que des contraintes biomécaniques, les trois étant en interaction les unes avec les autres (voir schéma). Je tiens à insister sur deux points : on est bon aux allures auxquelles on s’entraîne, et dans les conditions dans lesquelles on s’entraîne. Si vous vous entraînez à 15 km/h, vous serez bon à 15 km/h, si vous vous entraînez sur terrain plat, vous serez bon sur terrain plat. On entend en effet dire que le travail à allure spécifique doit se faire un peu plus vite que l’allure visée, persuadé que « qui peut le plus peut le moins » : c’est faux. Il n’y a aucun transfert de vitesse. De même que j’ai déjà vu des trailers faire du spécifique trail sur terrain plat, en courant à 75-80% de leur VMA*, en justifiant que c’est leur intensité de course sur un trail de 40 km… Mais comment peuton considérer faire du spécifique alors que les contraintes biomécaniques qu’ils vont rencontrer le jour de leur course seront complètement différentes ?
JETTE TON CARDIO Il n’y a donc qu’un seul moyen de travailler l’allure spécifique : c’est de courir à allure spécifique dans des conditions se rapprochant le plus de la compétition préparée. Exemple : Pour revenir à notre coureur de 100 km, si celui-ci souhaite être bon à 12 km/h, il lui suffira de courir ses footings et ses sorties longues à 12 km/h, sur un terrain ressemblant à celui de son 100 km (plat, vallonné… selon la course ciblée).
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AU CŒUR DU SYSTÈME
AU CŒUR DU SYSTÈME | L’ALLURE SPÉCIFIQUE EN TRAIL
Beaucoup de coureurs utilisent le cardio-fréquencemètre pour déterminer leurs plages de travail, et utilisent des moyennes et des approximations. Personnellement je Améliorer Diminuer la ne suis pas de cette école, pour la simple et le rendement dépense énergétique bonne raison que votre fréquence cardiaque ne dépend pas que de votre allure, mais de Métabolisme Souffle et plusieurs paramètres, Contraintes des lipides et qualités cardioet notamment le temps biomécaniques des glucides pulmonaires couru à cette allure. Exemple : sur un simple footing à 13 km/h sur terrain plat, au bout de 15 mn vous pouvez très bien être à 120 pulsations minute, au bout de 30 mn à 135, et au bout d’une heure à 150, et tout ça sans modifier votre allure. Donc quand on invite un athlète à courir à 70% de sa fréquence cardiaque maximale, je veux bien, mais… à quel moment ?
Entraînement à ALLURE SPÉCIFIQUE
Je pense que dans ce cas les sensations sont souvent meilleures conseillères qu’un appareil, et qu’on apprendra beaucoup plus de choses en surveillant les signes de son corps qu’en courant au cardio - même en cas d’échec… surtout en cas d’échec. Néanmoins le travail spécifique devra suivre quelques règles.
L’ÉCHAPPÉE BELLE La première édition de cet ultra-trail pas comme les autres a eu lieu fin août 2013, la seconde aura lieu fin août 2014. La course propose de traverser en 145 km le massif de Belledonne dans le sens sudouest nord-est (parcours en ligne, pas en boucle). Le dénivelé positif de plus de 8000 m donne juste une petite idée de la difficulté de l’épreuve : 8 cols à plus de 2000 m d’altitude, 40 km d’affilée sans redescendre sous les 2000 m, des sentiers très souvent techniques, cassants, des passages hors sentiers dans des éboulis, des passages où il faut contourner ou franchir des blocs. L’allure de progression sur une telle épreuve est par moment ridicule : certaines portions de moins de 2 km peuvent nécessiter plus d’une heure pour être franchies. Il faut s’être préparé, physiquement et mentalement, à ceci : franchir des rochers en étant fatigué, lever la jambe très haut malgré les courbatures, « désescalader » des blocs, et surtout accepter de ne pas avancer… C’est sur une telle épreuve que le travail de l’allure spécifique prend tout son sens : tenir un 12 km/h sur une pente à 8% ne vous aidera pas lorsque vous serez au cœur d’une zone d’éboulis en pleine nuit.
DES FRACTIONNÉS DE 50 KM Le plus important dans le cadre du travail spécifique pour le trail, c’est de s’entraîner sur des parcours présentant un profil le plus proche possible de votre course objectif. Par exemple, si vous vous préparez pour l’Échappée Belle (lire l’encadré), vous devez impérativement tenir compte du fait que la première partie du parcours présente des pentes au fort dénivelé et très caillouteuses. Si vous ne vous appropriez pas ce genre de terrain, le jour de la course vos genoux et vos chevilles risquent de crier « stop » très rapidement. Je pense également à ce Savoyard expérimenté et bien entraîné parti courir un trail en Bretagne. Il fut obligé à mi-parcours de mettre le clignotant après avoir pris conscience que courir sur de la tôle ondulée ne s’improvise pas. Le deuxième point important concerne l’allure : lors de vos sorties longues, il faudra s’appliquer à se mettre en conditions de compétition, et ainsi ne pas chercher à courir certaines portions – un faux-plat montant par exemple – alors que le jour de la course vous marcheriez sur ce passage. Encore une fois, écoutez votre corps, vos sensations. Il est certain que ce genre d’exercice est beaucoup plus facile pour un athlète se connaissant bien, et ayant déjà une expérience de la distance préparée. Pour les néophytes (premier trail de 25 km, de 50 km, de 100 km, premier 100 miles…), il est possible, lors de vos entraînements, de programmer un ensemble de séances où vous allez parcourir sur plusieurs jours
© JM Gueye
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CAS D’ÉCOLE
la distance et le dénivelé envisagés, mais de manière fractionnée. Par exemple pour votre premier trail de 25 km, n’hésitez pas à faire une randonnée de cette distance juste pour vous imprégner de la distance. Pour votre premier 50 km, programmez sur deux jours une rando et une sortie longue. Si en plus vous pouvez faire cette suite de sorties sur le parcours de la course, ça vous servira de reconnaissance et ce sera encore mieux. Je me remémore cet athlète qui, quelques mois avant son premier 100 miles trail, était venu me voir, plein d’inquiétude, me posant des questions sur la manière de régler son cardio pour éviter les erreurs d’allure. Je l’avais invité à poser son cardio, à se modeler un parcours de 55 km sur le plateau de la Leysse, et à le parcourir trois jours d’affilée, histoire de bien s’imprégner de la distance de 100 miles. Je lui avais demandé de rééditer trois fois l’expérience, avec un minimum de 6 semaines d’écart entre chaque, et de faire le dernier bloc 6 semaines avant son objectif. « Et dire qu’il faudra que je fasse tout ça en une seule fois » fut sa réaction à la fin de son premier bloc de travail. Mais cet exercice lui avait, à lui et à son corps, permis de bien prendre conscience de ce que représentait la distance de 100 miles, et d’adapter son allure à l’entraînement. Résultat : il est sorti de l’inconnu face à cette distance qui lui causait ses inquiétudes, ça l’a mis en confiance, et surtout… il a réussi son premier 100 miles.
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Néanmoins, sur un trail, l’allure de course ne peut pas être aussi régulière sur un 100 km route ou un marathon. Pourtant, il va bien falloir faire du spécifique si on veut être performant le jour de la course.
PERFORMER | DOMITILLE KIGER, FREEFLYEUSE
LIBRE
DOMITILLE KIGER EST UNE SPORTIVE FRANÇAISE INCONNUE DU GRAND PUBLIC, MAIS C’EST UNE POINTURE DANS SON MILIEU DE PRÉDILECTION : LE PARA CHUTISME, ET PLUS PRÉCISÉMENT LE FREEFLY.
L’AIR
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acrée en 2012 à Dubaï Championne du Monde de freefly avec son équipe Kristal (lire l’encadré), Domitille Kiger, une jeune Française de 28 ans, vit depuis 2012 de sa passion, le parachutisme. Elle parcourt le monde de compétition en animation, et transmet son savoir aux débutants. À Dubaï, c’était « un titre inespéré » avouet-elle. Mais qu’est ce qui fait basculer la vie d’une sportive amatrice dans le haut niveau ? Adolescente, Domitille a commencé par la plongée et l’équitation. À quinze ans, elle fait son premier saut en tandem. Elle a un véritable coup de cœur pour ce sport et pour son environnement. Un an après, elle signe pour une Progression Accompagnée en Chute (PAC, lire l’encadré), premier pas
vers la chute libre en solo. En 2007, elle cumule 700 sauts ce qui est peu pour six années de pratique. Et pour cause : elle ne saute que l’été à Soulac sur Mer (33). Entre ses années d’études, elle voyage aux ÉtatsUnis, en Afrique, en Inde. Elle sort diplômée en histoire de la Sorbonne et en audiovisuel de l’École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle. Son avenir professionnel n’est pas vraiment déterminé. Son destin va se jouer loin de la France.
ARIZONA DREAM Il y a des lieux qui changent votre destinée. Pour Domitille, découvrir Eloy, petite ville de l’Arizona, en 2008, a été une révélation. Ce lieu perdu au milieu du désert devient son « Arizona Dream ». Skydive Arizona,
DISCIPLINE
DOMITILLE
LE FREEFLY : L’ART DE CHUTER
PERFORMER
Le freefly, c'est la discipline la plus artistique du parachutisme. C'est un vol en trois dimensions qui consiste à faire des figures, tête en haut, tête en bas, dans l’angle, sur le dos... En compétition, le vol s'effectue à trois athlètes : deux performers et un videoman qui doit filmer la chorégraphie tout en y participant lui-même. Il y a plusieurs manches avec des sauts imposés et des sauts libres. Ce sport se pratique dans les airs mais aussi en « tunnel », un simulateur de chute libre sous la forme d’une salle fermée, dont le sol pulse un énorme flux d’air vers le haut. Le freefly peut aussi se pratiquer en grande formation.
KIGER
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COMME
PERFORMER | DOMITILLE KIGER, FREEFLYEUSE
DÉBUTER
VOUS ÊTES PLUTÔT SOA OU PAC ? Deux méthodes permettent de s’initier aux joies de la chute libre : la SOA, pour Sangle à Ouverture Automatique, et la PAC, pour Progression Accompagnée en Chute. Dans le premier cas, après une demi-journée de cours théoriques, d’apprentissage de pliage de parachute et de simulation de conduite sous voile, vous vous retrouvez à 1200 m d’altitude, assis sur le plancher de votre coucou, les pieds dans le vide, les dents serrées. Une sangle de trois mètres vous relie à l’appareil. Lorsque vous sautez, celle-ci se tend jusqu’à déclencher automatiquement l’ouverture de votre parachute. Ainsi vous n’avez pour ainsi dire rien à faire, même si on vous demande de tenir une bonne position et d’exécuter le geste d’ouverture du parachute, afin de prouver que vous êtes capable d’aller plus loin. Il faut en général une dizaine de sauts en SOA avant de passer à la suite. Avec une PAC, après une formation initiale proche de la SOA, vous vous retrouvez directement à 4000 m d’altitude, entouré de deux instructeurs qui vont prendre soin de vous pendant la chute. Cette méthode est plus onéreuse, mais vous donne directement accès à la chute libre, alors qu’en SOA vous êtes sous votre voile quasi immédiatement après le saut.
Son succès à Dubaï a attiré les sponsors notamment américains, ce qui lui permet aujourd’hui de vivre de sa passion. Elle a conscience d’avoir une chance inouïe de mener cette vie. Promouvoir son sport dans le monde entier devient son quotidien. Et puis Domitille s’est fixé un autre challenge : développer le parachutisme au féminin. L’année 2013 va lui donner de belles occasions d’y parvenir.
L’ANNÉE DES FILLES Domitille est à l’initiative de l’organisation du premier record de France féminin de freefly en août. Record validé avec 16 filles ! Fin novembre, en Arizona, elle participe et co-organise le record du monde féminin qui est battu avec 63 filles (le précédent record datait de 2011 avec 41 filles). C’est elle qui dirige les stages d’entraînement organisés en France et en Europe avant ces tentatives. À travers ces réussites, ces filles montrent qu’elles ont toute leur place dans le monde du parachutisme où elles sont largement minoritaires. Et puis Domitille intègre un collectif 100% féminin : The Joy Riders. C’est un groupe de
huit sportives accomplies, de nationalités différentes, qui se retrouvent pour s’adonner aux différentes disciplines du parachutisme. Leur devise est « Join us for the ride » qu’on peut traduire par « Rejoignez-nous dans l’aventure ». Cela donne une idée de leur état d’esprit, même si elles ne veulent malgré tout pas laisser de côté la compétition. Elles forment la seule équipe féminine qui concourt en soufflerie. Dans cette équipe de Dynamic 4 way (freefly à 4 en soufflerie), Domitille retrouve l’Américaine Amy, un des coachs de ses débuts et son modèle sportif, l’Anglaise Anna son amie de toujours, et l’Israélienne Sharon, l’une de ses anciennes adversaires en freefly. Que ce soit avec ses copines françaises ou étrangères, en compétition ou pour le fun, l’objectif est identique : se faire plaisir. Cette proche trentenaire dégage un concentré d’énergie et de bonne humeur. Elle a tellement de choses à relater sur sa discipline, ses projets sportifs, ses rencontres… Vivre de sa passion c’est génial mais elle reconnaît que son rythme de vie comporte des travers. Propriétaire d’un appartement sur Paris, elle n’y vit que quelques semaines par an. Construire une relation sentimentale stable devient compliqué. Si cette vie de nomade lui convient aujourd’hui, d’ici quelques années elle sait que sa vie sera différente, moins agitée . Elle commence à s’y projeter sans appréhension. Reprendre des études en sciences humaines ou en journalisme, elle y pense. Elle se donne encore trois-quatre années à ce rythme effréné. Cette fille renvoie une image très positive d’une sportive de haut niveau, bien dans sa peau, qui s’est autorisée à vivre ses rêves.
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c’est le paradis des parachutistes avec la plus grande zone de largage du monde et des installations ultra-modernes. Au-delà du lieu, il y a eu des rencontres déterminantes. Ses coachs américains lui ont donné l’envie d’aller plus loin. Tout s’est enchaîné très vite. « Je suis passée du parachutisme de loisir à une machine de compétition » confie-t-elle. Aujourd’hui, elle cumule plus de 4800 sauts et 200 heures en soufflerie. Elle alterne entre le coaching en freefly, les animations et les compétitions.
JE SUIS PASSÉE DU PARACHUTISME DE LOISIR À UNE MACHINE DE COMPÉTITION – DOMITILLE KIGER
DE ZÉRO À L’INFINI | VOTRE PREMIER 24 HEURES
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24 heures dans votre propre peau
© Albert Schleich - Fotolia.com
Par Philippe Billard
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DE ZÉRO À L’INFINI
sique quelconque (aller faire gez sur un effort de 24 heures, vez-vous déjà les courses, danser, faire la vous allez vivre quelque chose passé une nuit fête, randonner). Ensuite : je de différent. Une expérience blanche ? Est-ce peux donner une rationalité physique, certes, mais aussi et que vous vous sportive à ces 24 heures et surtout un voyage à l’intérieur sentez capable de commencer à réfléchir à la de vous-même. passer 24 heures sans dormir distance que je pourrais cou? Si la réponse est oui à l’une vrir en m’aménageant des Comment faire ? Nombreux de ces deux questions, vous plages de repos. En avant-dersont les moyens de courir un êtes capable de participer à un nier : j’essaie de trottiner et de 24 heures. Vous pouvez parti24 heures « un peu » sportif. limiter les plages de sommeil. Nous allons vous parler de Enfin : 24 heures non-stop en course à pied, parce qu’il faut marchant, puis en courant. bien un support pour vous convaincre, mais c’est pareil dans n’imRELÂporte quel sport : CHEZnatation, trail, Vous imaginez vélo, roller, VOUS badminton, peut-être que courir, lancer de Vous voyez ou pratiquer un sport quel cacahuètes, que c’est tout ce que très simple ! qu’il soit, pendant 24 heures, vous vouNon, en fait ce n’est pas pour vous. Et si drez ! Nous ce n’est pas allons vous si simple et vous essayiez ? Juste pour expliquer avant d’arriêtre dans la peau de celui, comment ver à courir partir de zéro un 24 heures ou celle, qui « fait ». et finir un 24 non-stop, il y a heures. Et nous des caps à franallons également chir. Le premier, c’est vous faire toucher par d’acquérir le sens de la pensée ce que les chamla répartition de l’effort. pions ont dans la tête. Même des coureurs d’ultra aguerris peuvent avoir tenMÉTAPHYSIQUE ciper à l’une des nombreuses dance à partir trop vite, puis épreuves organisées un peu à abandonner en cours de partout en France et à l’étranroute. Mais vous, non, parce « Le 100 km est physique, le ger. Vous pouvez également que vous êtes prévenu. Partir 24 heures est métaphysique. » faire ça tout seul, chez vous si lentement, toujours mettre le Yiannis Kouros, recordman du vous avez un tapis, ou autour pied sur le frein, redouter de monde de la spécialité avec de chez vous si vous pouvez ne pouvoir passer la barre des 303 km courus à Adelaïde, courir de nuit sans danger. 12 heures, avancer confortaAustralie, en 1997, n’a jamais blement. Peut-être que cette été avare de bonnes formules, Procédons étape par étape. notion de confort va vous expliquant très sérieusement D’abord la prise de conscience paraître étrange, et vous aurez d’ailleurs que « son record initiale : je peux rester éveillé raison, parce que 24 heures resterait invaincu pendant des 24 heures. Puis l’étape suidans le confort total, c’est siècles ». Mais avant d’avoir vante : je peux « en plus » très rare, et pas très humain. les moyens de vous la péter, soutenir une activité phyPar contre, vous pouvez tenter retenez que si vous vous enga-
DE ZÉRO À L’INFINI | VOTRE PREMIER 24 HEURES
MIDI
14h30 État d’éveil maximum Meilleure coordination Niveau de testostérone le plus haut 15h30 Meilleure vitesse Selles probables de coordination (intestin réactivé)
6h45
06H
Arrêt de la sécrétion de la mélatonine
ET SI VOTRE VIE EN DÉPENDAIT ? Pour gérer correctement un 24 heures, il faut avant tout être pragmatique. Avant donc de demander conseil aux anciens, demandez-vous comment vous feriez si votre vie en dépendait. Si votre vie dépendait du seul fait de courir 24 heures, vous porteriez la plus grande attention, avant tout, à ne jamais vous arrêter. Donc partir lentement, très lentement, et même encore plus lentement que ça. Et toujours vous imaginer non pas le temps écoulé, mais le temps qu’il reste. L’idée qu’il reste 24 heures à courir vous incitera à la plus grande prudence. Et lorsque vous arriverez aux dernières heures, vous aurez éventuellement suffisamment de jus pour accélérer un peu. Le 24 heures est avant tout une histoire de patience. Les impatients… crèvent au bord de la route !
Meilleure efficacité cardiovasculaire et force musculaire
Plus forte hausse de la pression sanguine Température corporelle la plus basse Sommeil le plus profond
ir. dorm
8h30
17h
Pression sanguine la plus élevée
18H
Température corporelle la plus élevée Début de Suppression la sécrétion de vasopressine de mélatonine au cours de la nuit jusqu’au matin (supprime Interruption des la sensation mouvements de soif) de l’intestin 21h
18h30
2h
u érer o du corps pour récup
9h
7h30
D
repos naturel
10h
4h30
GESTION
CA
19h
22h30 atu MINUIT s rel plu le le de r not nce re o ava rgan our p e isme ysiqu . Utili ser les mom de ph ents de plénitu
APPRENTISSAGE CALENDRIER
(PRESQUE) TOUS LES 24 HEURES DE FRANCE Le règlement de base d’une course de 24 heures est simple : allure libre, en marche ou en course à pied, sans obligation d’être présent sur le circuit pendant toute la durée de l’épreuve. Comprenez : soyez là au moins au début et à la fin. Voici de quoi vous amuser… 24 heures du Confluent, Portet sur Garonne, Haute-Garonne, 5 avril 24 heures de Rennes, Rennes, Ille-et-Vilaine, 12 avril 24 heures de Saint-Fons, Saint-Fons, Rhône, 19 avril
24 heures d’Eppeville, Eppeville, Somme, 3 mai 24 heures de Peynier, Peynier, Bouches-du-Rhône, 24 mai 24 heures de Brive, Brive-la-Gaillarde, Corrèze, 29 mai 24 heures de Roche la Molière, Roche la Molière, Loire, 31 mai 24 heures des Yvelines, Feucherolles, Yvelines, le 31 mai 24 heures d’Albi, Albi, Tarn, 7 juin 24 heures non-stop de la voie romaine, Lillebonne, Seine-Maritime, 14 juin 24 heures de Léognan, Léognan, Gironde, 21 juin 24 heures de l’Echo du Pas-de-Calais, Olhain, Pas-de-Calais, 21 juin 24 heures de Puttelange, Puttelange aux Lacs, Moselle, 28 juin 24 heures de Plouvorn, Plouvorn, Finistère, 24 août 24 heures de Saint-Laurent du Pont, Isère, 13 septembre 24 heures de Saint-Maixent, Saint-Maixent-l’Ecole, Deux-Sèvres, 13 septembre 24 heures de Villenave d’Ornon, Villenave d’Ornon, Gironde, 13 septembre 24 heures du quai du Cher, Vierzon, Cher, 4 octobre 24 heures défi non-stop, Le Pontet, Vaucluse, 5 décembre 24 heures de Ploeren, Ploeren, Morbihan, 6 décembre
COURIR 24 HEURES EN 5 ÉTAPES
Pour arriver un jour à courir ou marcher un 24 heures, vous allez devoir, ou pouvoir, franchir un certain nombre de caps. Ces caps sont physiques et psychologiques. Ces conseils valent un plan d’entraînement : à vous de trouver comment vous adapter pour atteindre votre objectif. Chaque étape, bien sûr, inclut la précédente. 1
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RESTER ÉVEILLÉ pendant 24 heures. Tout le monde sait faire ça non ?
RÉUSSIR À SOUTENIR UNE ACTIVITÉ physique quelconque. N’importe laquelle, pourvu qu’il y ait mouvement et dépense d’énergie.
DONNER UNE RATIONALITÉ SPORTIVE à ces 24 heures. Réfléchissez à l’alimentation, aux meilleurs moments pour vous reposer ou dormir.
ESSAYER DE TROTTINER et de marcher tout en limitant les plages de sommeil. On s’étalonne sur 24 heures en allant le plus lentement possible au début.
24 HEURES NON-STOP, en marchant ou en courant. Allez sonder vos limites.
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CIR
po ssi ble ,e t le sm om ents de
prendre la lecture… [ ] Vos sensations en marchant,
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Votre instinct de survie vous aidera à aller sonder vos limites sans vous mettre dans le rouge
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Pour y parvenir, apprenez à connaître et à utiliser votre rythme circadien
puis en courant, doivent le plus possible ressembler à celle-là. Savoir avancer lentement, qu’il s’agisse de course ou de marche, est beaucoup plus difficile que courir rapidement. Dites-vous que ça ne fait pas mal, dites-vous que ça vous fait consommer des graisses, et dites-vous enfin qu’au bout du compte, vous allez enchaîner un nombre de kilomètres qui vous impressionnera vous-même.
n ue giq iolo eb log Co hor m p rend re l’ re le 2 rend 4 heures, c’est avant tout comp
Personne ne dispose de recette toute faite assurant à quiconque la certitude que les 24 heures ne seront jamais pénibles. Essayez quelque chose maintenant : stoppez la lecture de votre article, respirez, sentez votre corps entier se décontracter, détendez-vous des pieds à la tête, muscle par muscle. [ ] Ça y est ? Vous pouvez re-
Si vous êtes capables de tenir une nuit blanche, vous savez marcher ou courir 24 heures
UT
de conserver le confort le plus longtemps possible.
IL
PHYSIOLOGIE
TOUT DANS LA TÊTE | LES CROYANCES
LIBÉREZ-VOUS DE VOS
t ’es n n sible e i R pos im
Les pr hom les éfère mes blo nt nde s
Sortir avec les cheveux mouillés te fera attraper un rhume
J’ai des facilités dans les descentes
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To arr ut ce ive qu est i ok
e sn s gen t pa Les imen e suis j m’amme co
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La vie est dure
La course à pied déglingue les articulations
Le e cyc le p st le s lisme l u s in port gra t
L’AUTEUR
as ut p de e fa lus ns Il n urir p ratho co x ma an r deu pa
très uis n Je s oué e es d gu lan
com Il f b au p att t (le ar le re le m d’u lende mal al n m de e gue ain boi ule s)
MÉLANIE PIAU POSITIVE ATTITUDE INSIDE Forte de son expérience dans le monde du secours d’urgence et passionnée par l’être humain, Mélanie s’est formée à l’Institut International de Coaching pour accompagner chaque personne, sportive ou non, vers l’atteinte de son objectif. De nature très optimiste, elle a pour habitude de s’appuyer sur ce qui va plutôt que de souligner ce qui ne va pas… Dans le domaine du sport, Mélanie accompagne des coureurs de tous niveaux en recherche de performance pure ou d’une meilleure approche de leur activité. http://alabonheur.wordpress.com/
L
’histoire est pleine d’hommes et de femmes qui ont déjoué tous les pronostics : ils ont surmonté des obstacles apparemment insurmontables et atteint leur objectif. On pense ici à des sportifs – comme Michael Chang (lire l’encadré) – mais aussi à des gens « normaux » qui réalisent de véritables exploits, mus par un fantastique ressort. Le cinéma, notamment américain, est friand de ces « héros » (Clint Eastwood dans Gran Torino par exemple).
ÊTRE LA PERSONNE QU’IL FAUT Ces personnes ont une chose en commun : elles sont absolument persuadées d’être la personne qu’il faut, et de se trouver au bon endroit et au bon moment afin de réussir ce qu’elles ont décidé d’entreprendre, qu’il s’agisse de grimper une montagne, de remporter un marathon ou de sauver son fils. Pour ceci, elles doivent surtout faire une chose : oublier toute croyance limitante (lire l’encadré). Certaines de nos croyances limitantes viennent de notre enfance, de nos parents : qui n’a jamais entendu « arrête de courir tu vas t’abimer les articulations » ? Les croyances peuvent aussi venir d’expériences mal vécues – « j’étais mauvais en sport à l’école, ce n’est pas à quarante ans que je vais m’y mettre ! »
Ainsi, nombreuses sont les sources qui construisent notre vision du monde. Ensuite, à nous de choisir s’il faut continuer à y croire… ou pas. Roger Bannister, lui, a choisi de ne pas y croire : en 1954 il a couru le mile (1,609 km) en moins de 4 minutes alors que les experts en médecine soutenaient qu’aucun corps humain n’en était capable. À partir du moment où votre croyance s’est cristallisée dans votre cerveau, elle devient comme une évidence que vous ne remettez pas en question, même si elle n’est pas raisonnable.
QUI ÊTES-VOUS VRAIMENT ? Je vous propose de faire un tour de vos convictions en commençant par le domaine sportif : qu’êtes-vous persuadé croire sur
DÉFINITION
QU’ESTCE QU’UNE CROYANCE ? Une croyance est un postulat auquel l’on croit naturellement, profondément. Elle se forme généralement au cours de notre enfance et de notre adolescence. Cette croyance peut être positive ou négative (ou même indifférente), et influencera forcément nos actes, puisque nous agissons en nous positionnant par rapport à elle : oui je peux le faire, non ce n’est pas possible.
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CROYANCES
Des idées en apparence anodines sont profondément ancrées en nous, comme « il ne faut pas courir plus de deux marathons par an ». Ces croyances nous limitent fortement : sachez les identifier et vous en libérer.
TOUT DANS LA TÊTE | LES CROYANCES
LES DIFFÉRENTES
CROYANCES Il existe trois types de croyances AIDANTES Elles permettent l’optimisme et la construction de soi « On peut apprendre à tout âge » NEUTRES Interprétables selon le contexte, le ton utilisé et le sens que la personne y met à l’instant t « Il ne faut pas finir dernier » LIMITANTES Elles vont devenir source de déperdition d’énergie et de ressources « Je ne suis pas fait pour faire de la course à pied»
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vous-même, vos partenaires ou concurrents, votre alimentation, votre santé, vos objectifs sportifs ? Vous pensez-vous incapable de juste marcher deux kilomètres ? De courir un marathon ? De nager une heure ? De participer à une cyclosportive ? Ensuite sortez du cadre sportif et posez-vous la même question avec votre emploi, votre famille, vos revenus, vos enfants, etc. Il ne s’agit pas forcément de tout remettre en cause (quoique), mais bien de faire la part de la réalité et
des croyances. Comme l’a dit Olivier Bernhard, huit fois champion du monde de duathlon, « Les rêves les plus fous peuvent se réaliser, il suffit de les réduire en autant de petits objectifs qui mènent à leur réalisation. » Regardez le schéma « Comment une croyance influe sur la réalité ? », et posezvous cette question : qu’est-ce qu’aujourd’hui je suis sûr de ne pas être capable de faire, alors qu’en réalité, en y allant petit à petit, comme Olivier Bernhard précédemment, peut-être que je pourrais sinon l’atteindre, mais au moins m’en approcher ?
Toutefois, « Rome ne s’est pas faite en un jour » (encore une croyance ?) : pour assimiler une nouvelle habitude, il faut du temps et de l’entraînement. Cela dépend aussi de l’habitude en question et du degré d’ancrage de la croyance. En résumé donc : sachez repérer vos croyances limitantes, soyez sûr qu’elles ne constituent pas la réalité mais juste une vision biaisée vous empêchant de vous réaliser pleinement, et exercez-vous pour vous en défaire.
COMMENT UNE CROYANCE INFLUE SUR LA RÉALITÉ ?
LIBÉREZ-VOUS ! Prenez une feuille de papier, et listez vos croyances dans une première colonne, puis le résultat de cette croyance dans une seconde colonne. Au final, elle vous apporte quoi cette croyance ? Exemple : « je ne suis pas fort dans les montées » vous limite dans votre performance en montée, voire rend impossible toute progression. Par contre « l’entraînement paie toujours » vous montre que justement, si vous vous entraînez en montée, peut-être que vous parviendrez à gommer ce point faible.
VOUS PENSEZ ÊTRE INCAPABLE DE NAGER UNE HEURE ?
Vos croyances vous aident ou vous limitent ? Est-ce qu’elles vous apportent suffisamment pour justifier votre tendance à la préserver ? Si oui… c’est parfait, si non… l’exercice « Le changement, c’est maintenant ! » est pour vous.
TENNIS
LE COUP DE LA CUILLÈRE Nous sommes en 1989, lors des 8e de finale de Rolland Garros, le jeune Américain de 17 ans Michael Chang sert à 4-3 dans le 5e set face au Tchécoslovaque Ivan Lendl, triple détenteur du trophée. Le match dure depuis 4 heures, Chang est perclus de crampes, son sort ne semble pas des plus enviables. Pourtant, il ne se démonte pas, et choisit ce moment pour servir « à la cuillère », comme les gamins. Lendl, déstabilisé, monte au filet pour retourner l’étrange service, offrant à Chang l’opportunité d’aligner un passing que Lendl remettra dans le filet. Le poing levé de Chang fera le tour du monde. Plus tard, Lendl perdra une balle de match, de nouveau déstabilisé par Chang qui s’avance dans le carré de service. Victoire dans ce 8e de finale pour l’Américain, qui, après une finale victorieuse contre Edberg, soulèvera le trophée, contre toute attente.
EXERCICE
LE CHANGEMENT, C’EST MAINTENANT ! 1. Prenez votre liste de croyances limitantes et choisissez celles que vous souhaitez faire disparaître. 2. Mettez à nouveau par écrit vos croyances négatives sur la partie gauche d’une feuille A4. Ces phrases simples, écrites noir sur blanc, paraissent de suite un peu moins réalistes. 3. Inscrivez sur la partie droite de votre feuille la déclaration contraire à chaque croyance négative. Utilisez la première personne (je), inscrivez la déclaration positive en plus gros que la négative… et mettez de la couleur si vous souhaitez ! 4. Revenez aux déclarations négatives, rayez tous les mots négatifs un par un avec un feutre noir et obtenez ainsi des phrases incomplètes. Cela va aider votre cerveau à démanteler l’association négative. 5. Regardez vos déclarations positives, puis lisez-les à voix haute au moins 10 fois, voire même en chantant pour ceux qui veulent s’en amuser. 6. Petite ordonnance du coach : consultez votre liste une à deux fois par jour pendant 15 jours.
Source de l’exercice : Le coaching pour les nuls
1- Vous croyez fermement « Je suis incapable de courir un marathon »
5- Vous vous sédentarisez de plus en plus, prenez du poids, vous vous isolez.
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CROYANCE
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RÉALITÉ
2
PENSÉES
4
COMPORTEMENT
3
ÉMOTION
4- Vous évitez les discussions sportives, voire carrément vos collègues.
2- À chaque fois que vos collègues vous proposent d’aller faire un jogging le dimanche matin, vous pensez à votre incapacité et vous refusez, bien évidemment.
3- Vous êtes frustré de cette situation.
VOTRE CROYANCE « JE SUIS INCAPABLE DE COURIR UN MARATHON » SE RENFORCE, ELLE S’AUTO-ALIMENTE
TOP CHRONO
ANALYSE
SUR LE BOUT DES DOIGTS | LA 6666 OCCITANE
SUR LE BOUT DES DOIGTS
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6666
JOUJOUX, CAILLOUX, CAROUX Il ne vous reste que quelques mois avant la 6666 Occitane* : comment les mettre à profit pour traverser le massif du Caroux plus rapidement qu’une limace sur un tas de sable ? PAR ANTOINE GUILLON
DES CAILLOUX VOUS MANGEREZ
LES OBSTACLES VOUS ENCHAÎNEREZ Vous avez près de chez vous un sentier pentu avec des trous, des racines, des troncs d’arbres couchés en travers, quelques cailloux bien placés, des petits sauts à exécuter ? Si vous l’évitiez jusqu’à présent, c’est dorénavant votre nouveau copain de sortie, et s’il est trop propre, ajoutez-y des branchages pour vous obliger à négocier des passages où l’agilité sera de mise. Bref, vous l’avez compris, fini les lignes droites où vous oubliez que vous êtes en train de courir, vous devez rester sur le qui-vive.
Trouvez des sentiers recouverts de cailloux, et même s’ils sont très courts, répétez-les pour affûter votre œil, améliorer votre proprioception et habituer vos pieds à cette surface dure. Quand on n’en a pas près de chez soi, ça vaut le coup de se faire quelques week-ends en milieu rocailleux, c’est l’occasion de réaliser un bloc, de préférence avec du dénivelé.
Quand il n’y a guère moyen de trouver de tels chemins, développez alors des séances de PPG*. Ceux qui ont la chance de se trouver en milieu montagneux n’hésiteront pas à se frotter aux sections techniques.
Quand il n’y pas de possibilité, enchaînez route et sentier. En hiver, imaginez une séance du type 30 mn route suivies de 30 mn de chemin boueux et encore un quart d’heure de route. Ça donne un double travail.
L’AILE ET LA CUISSE VOUS CHÉRIREZ
Enfin, équipez-vous d’une planche de kiné pour améliorer votre réactivité et renforcer chevilles et muscles périphériques.
Avoir de la cuisse et être gouleyant, c’est bon pour le vin, mais c’est bon pour vous
DÉTAIL
LA 6666 OCCITANE • Type : Trail et ultra-trail • Édition : 5e édition • Date : 30 mai au 1e juin • Lieu : Vailhan (Hérault) • Grand Raid Occitan : 165 km, 9800 m D+ • 6666 Occitane : 105 km, 5930 m D+ • Saute-Mouflons : 11,5 km, 520 m D+ • Roquebrune : 45 km, 2500 m D+ • Fréquentation : environ 1000 personnes attendues sur les 4 épreuves
Mende
Nimes Montpellier
ROQUEBRUN
Carcassonne
Béziers
Perpignan
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L
a 6666 Occitane, le Grand Raid Occitan, la Roquebrune et la Saute Mouflon se déroulent dans un milieu très minéral, souvent à la chaleur, et dans des pentes au pourcentage… surprenant. Ça y fleure bon le thym, le romarin et la lavande sauvage, mais ces plantes méditerranéennes ont la racine agile, le cuir épais, le gosier sec comme nerf de chameau et ne sont pas sujettes au vertige. Si ce n’est pas votre cas, il va falloir bosser !
SUR LE BOUT DES DOIGTS | LA 6666 OCCITANE
PROFIL 1100
1100
Faugères
900
Colombières sur Orb
Saint Gervais sur Mare
Col de l’Ourtigas
Montahurl
Pic de Naudech
900
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700
500
500
19 km
100
0
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aussi : dans une descente, cherchez à avoir de la cuisse, et des ailes ! Pour y parvenir, rien de plus simple, allez où c’est dur. Blague à part, je vois deux solutions : Vous êtes en secteur vallonné et vous vous en donnez à cœur joie en répétant les ascensions et les descentes, en variant les exercices d’intensité, seuil en côte, VMA en côte, alternance de marche et de course. Les parties techniques développeront vos aptitudes d’équilibriste ; servez-vous de vos bras, ils sont vos ailes pour négocier les passages compliqués, vous devez faire corps avec le sentier, sans vous y étaler bien sûr. Tout est bon, pourvu de cumuler du D+ et du D-. Pour limiter le risque de blessure, alterner avec du vélo ou du home-trainer sera excellent. Vous êtes en plat pays, alors vous pouvez renforcer vos cuisses par un habile mixage de vélo, d’exercices en escalier, de musculation et pourquoi pas d’électro-stimulateur.
VOTRE FONCIER VOUS DÉVELOPPEREZ L’endurance requise pour les ultras occitans nécessitera de votre part d’avoir réalisé un ou plusieurs blocs d’entraînement conséquents, le dernier devant avoir lieu au plus près à 3 semaines de la course.
LECTURE
SOYONS FOUS ! Pour tout savoir sur les méthodes d’entraînement spécifique au Caroux, mais aussi sur le monument que représente la Diagonale des Fous, lisez « Soyons Fous ! » écrit par Antoine Guillon. À se procurer sur www.6666occitane.fr.
90
116 km 100
110
300
140 km 120
130
140
100
150
160 KM
Exemple : une sortie trail de 2 h le vendredi soir avec un poil de seuil et du dénivelé ; sortie longue le samedi, 6 h à allure très tranquille, marche et course (ou un mix de vélo et trail sous forme de 3 h + 3 h) ; idem le dimanche, avec une portion de 20 mn au seuil pour débrider la machine. De préférence en milieu montagneux. Ce type de bloc peut se programmer une fois par mois, en prenant soin de se reposer totalement deux jours avant et deux ou trois jours après.
LA CHALEUR VOUS APPRIVOISEREZ SS’acclimater sera compliqué, mis à part pour ceux qui ont la chance de bénéficier d’un temps vraiment ensoleillé. Ceux-là pourront effectuer des sorties à la chaleur, mais sans intensité, juste pour prendre l’habitude de côtoyer les heures chaudes. Pour tous les autres, il faudra penser à se protéger (casquette, crème solaire) et à s’asperger (ruisseaux). Prenez l’habitude de bien remplir votre poche à eau et vos bidons. Sur certaines parties, il n’est pas rare d’évoluer à 1,5 km/h, et ça dure…
AU GRR* VOUS SONGEREZ Ceux qui connaissent le Grand Raid de La Réunion trouveront une certaine similitude de terrain et de conditions. Ce n’est pas un hasard si je suis assez à l’aise sur l’île Bourbon… Les ultras occitans sont finalement une bonne occasion de « réviser », mais surtout un bon moyen de prendre votre pied !
179 TOP CHRONO
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Sois agile dans l’argile DANS L’ARGILE SE TAPIT LE CREUSET DU CROSS. GARE À CELUI OU CELLE QUI OUBLIE DE SERRER SES POINTES. LA SENTENCE TOMBERA ET VA-NU-PIEDS TU DEVIENDRAS. QU’À CELA NE TIENNE, LES TRACES DES PREMIERS OLYMPIENS TU HONORERAS. À CE JEU DU PUNI COLLÉ, LES CHAUSSURES ABANDONNÉES FONT LE BONHEUR DES SPECTATEURS. ET LES PÊCHEURS VONT REMONTER DE DRÔLES DE GROLLES.
CROSS INTER RÉGIONAL DU PONTET | HIPPODROME ROBERTY © Akunamatata
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Dans un cross, pas le temps de fouiller la boue à la recherche de sa chaussure perdue.
CROSS INTER RÉGIONAL DU PONTET | HIPPODROME ROBERTY © Akunamatata
# 4 • MARS-AVRIL 2014
M… MES SHOES TOUTES NEUVES !
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Voilà une terre amoureuse dans toute sa splendeur…
PAR FRANÇOIS CASTELL
© Akunamatata
GULLIVER À SOTCHI
SOMMAIRE
196
LISEZ VOTRE INCONSCIENT
185
186
186 Grand Angle JO de Sotchi : Un Sherpa aux JO 190 Courrier des lecteurs 192 Actus
214
216
196 Dossier : Mentalisme
214 Pur moment : Roberta Gibb
204 Défi : 6 jours à vélo
216 Portfolio : Ice-Trail Tarentaise
208 Portrait On/Off : Jacky Deconihout
ABSOLU
ABSOLU
DÉPASSER LES BORNES
Dans l’esprit zen, Shoshin est quelque chose comme l’esprit du débutant. Une attitude de première fois. Un sentiment profond où se mêlent l’humilité et l’enthousiasme. La modestie et le désir débordant d’aller voir. De vivre l’expérience sans trop d’idées préconçues. Ce concept, que l’on retrouve également dans le bouddhisme, fait dire au maître Shunryu Suzuki « Dans l’esprit du débutant il y a beaucoup de possibilités, dans l’esprit de l’expert, il n’y en a que quelques-unes. » Dans « l’absolu » de ce numéro vous allez (re)découvrir un shoshinman (normalement ça ne se dit pas). Un vrai, un qui revient de Sotchi. C’est un Gulliver, grand et petit à la fois. Comme chacun de nous lorsque nous abordons un défi. Grand dans l’envie d’aller s’y frotter, petit devant l’immensité de la tâche, à notre propre mesure. Dawa n’est plus vraiment un débutant, et ce ne sont pas ses premiers Jeux. Mais il y va comme si c’était la première fois, avec un cœur fondamental, des yeux qui pétillent et une nouvelle ceinture blanche. Tous les jours dans toutes nos activités, nous pouvons nous inspirer de Shoshin, et dans chaque engagement, garder cet esprit d’ouverture. C’est un soutien inconditionnel à réaliser nos « absolus ». Et même si nous ne pratiquons pas Shoshin à Sotchi (à répéter très très vite plusieurs fois de suite), nous pouvons garder cette histoire de flamme.
Underground : Peut-on sauver le soldat Sotchi | 10 Equilibre : La rançon de la gloire | 52 Globe-Trotter : Sotchi, la cité déglutie | 94 Top Chrono : La victoire est en lui | 140 Absolu : Un sherpa aux JO | 186
JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
UN
SHERPA
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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AUX JO
Par Emmanuel Lamarle
« Le bonheur n’est pas au bout du chemin, le bonheur est le chemin » est la philosophie de vie de Dawa Sherpa, trailer de haut niveau et unique représentant du Népal aux Jeux Olympiques de Sotchi. Dawa n’avait aucune chance de ramener une médaille, mais toutes les chances de vivre des instants exceptionnels.
D
awa Sherpa est une icône du trail. Non seulement le coureur népalais dispose d’un physique hors norme qui le porte aux avant-postes des épreuves d’ultra-trail, mais il possède en plus une réputation qu’envierait Monsieur Propre : gentillesse, sincérité, honnêteté, camaraderie, sportivité, modestie... Si les valeurs positives du sport devaient être rassemblées en un seul être, ce serait Dawa.
DU MONASTÈRE AUX PODIUMS Pourtant rien ne prédisposait cet homme, né le 3 novembre 1969, à cette carrière sportive. Dawa est né à Taksindu, un village niché au cœur de l’Everest, dans la région du Solokhumbu, au Népal, à 2 700 m d’altitude. À 6 ans, il entre dans un monastère bouddhiste dans lequel il reste 7 ans. À 13 ans, il reçoit la charge de ses frères et sœurs après le décès de son père. Le jeune homme travaille alors comme cuisinier pour une agence de trekking pour faire vivre le foyer. C’est à 25 ans que Dawa met son premier pied dans le monde du sport : il participe à une course à étapes organisée par des Suisses au Népal, épreuve que son frère gagne, mais dans laquelle Dawa s’illustre en remportant deux étapes. L’année suivante, il rencontre lors de cette même épreuve Annie, qui deviendra sa femme. Elle vient de Suisse, le pays dans lequel il s’installera avec elle en 1998. Dawa y travaille comme maçon, et se lance en parallèle dans le trail : il s’y taille rapidement une réputation, remportant en une quinzaine d’années plus de 100 épreuves, dont la première édition du The North Face® Ultra-Trail du Mont-Blanc® en 2003.
© Emmanuel Lamarle
UNE PROPOSITION QUI TOMBE DU CIEL En 2002, Dawa Sherpa reçoit un coup de fil qui va – une nouvelle fois – changer sa vie : le Comité Olympique Népalais lui propose de participer aux prochains Jeux Asiatiques sous les couleurs du Népal. Dans quelle discipline ? Le ski de fond. Problème : Dawa ne sait pas skier… Bah, il apprendra !
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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JEUX OLYMPIQUES D’HIVER
Ainsi le Népalo-Suisse se met au ski de fond : « Je n’en avais jamais fait à part avec des amis. » Avant les Jeux Asiatiques, Dawa totalise 6 cours de 2 heures… Il termine à plus d’une heure des premiers, mais il termine. Puis c’est aux Jeux Olympiques de Turin, en 2006, que souhaite l’envoyer le Népal. « Ma plus grosse sortie avant les Jeux c’est 2 h, 30 km de skating1. Je préfère le skating, c’est un peu moins compliqué que le classique2, j’ai plus investi de ce côté. » Mais c’est bien en classique que Dawa participera aux JO de Turin : il finit 94e sur 99 sur l’épreuve de 15 km classique. Dawa était également porte-drapeau de la délégation népalaise, forcément, puisqu’il était le seul représentant ! En 2010, c’est aux JO de Vancouver qu’on le retrouve ; il a entretemps pris quelques cours et a participé une deuxième fois aux Jeux Asiatiques (2007). « Nous, les petits pays, nous n’avons pas de stress, nous faisons notre course, et le résultat, on le connaît à l’avance. Le défilé avec le drapeau c’est magique, et après la course on suit toutes les autres compétitions, c’est la fête. »
L’OBJECTIF, C’EST DE PARTICIPER
SANS LES PREMIERS ET SANS LES DERNIERS, IL N’Y AURAIT PAS DE COURSE
À 44 ans, Dawa remet le couvert sur les Jeux Olympiques, à Sotchi (Russie) cette fois. Le vendredi 14 février 2014, il s’est aligné sur l’épreuve de 15 km classique. Il a terminé 86e sur 87 arrivants, 17 minutes après le vainqueur suisse Dario Cologna. Ce résultat, pour lui, n’est absolument pas un problème : « Ma fédération me demande juste de participer, on ne m’impose aucun objectif. » Une fédération composée de 11 officiels qui profitent des Jeux pour sortir de leur pays, voyager, et mettre un peu de beurre dans les épinards. Car il ne faut pas se faire trop d’illusions : avoir un représentant de son pays aux JO ne change pas le quotidien d’un Népalais. Pour les trois-quarts de la population, les JO sont une compétition comme une autre : « Ils ne font pas la différence entre les JO et une course dans la région. » Malgré tout, ce coup de projecteur permet à Dawa de se montrer, de communiquer, et offre des retombées directes au peuple népalais, via les épreuves qu’organise le champion. En effet, outre son métier de maçon, sa carrière de trailer de haut niveau, ses épisodes Jeux Asiatiques et Olympiques, Dawa est organisateur d’évènements sportifs au Népal3 : Trail des 3 Vallées, Solokhumbu Trail. Tout l’argent récolté lors de ces épreuves est directement injecté dans des projets visant à améliorer la qualité de vie des habitants de la vallée du Solokhumbu. Un cercle vertueux initié dans cette même vallée 38 ans plus tôt.
SOTCHI 2014
LES PETITES DÉLÉGATIONS Pour ces JO 2014, 18 délégations, parmi lesquelles le Népal, comportaient un seul athlète. Le continent le moins représenté, c’est sans grosse surprise l’Afrique : seuls trois pays – Maroc, Togo, Zimbabwe – ont envoyé des athlètes en Russie – 5 au total. Ces athlètes sont pour quatre d’entre deux des résidents à l’étranger ayant un lien familial direct avec l’Afrique ; la cinquième, l’Italienne Alessia Afi Dipol, a obtenu la nationalité togolaise via les relations de son homme d’affaires de père : tout est bon pour aller slalomer aux JO.
RIEN N’ÉTAIT GAGNÉ D’AVANCE Mais ce n’est pas parce qu’on s’appelle Dawa Sherpa qu’on est invité aux Jeux Olympiques : il a fallu se qualifier avant d’aller « jouer » à Sotchi. Il a donc dû participer aux Championnats du Monde de ski de fond4 à Val di Fiemme (Italie), puis marquer des points sur cinq courses5 FIS (Fédération International de Ski). Une qualification qui était loin d’être gagnée d’avance, d’autant plus qu’en 2013 Dawa s’est blessé au genou, rendant sa préparation difficile, comme il nous le confiait à 15 jours des JO : « Je ne cours plus du tout, et si je fais du skating, ensuite pendant un jour ou deux j’ai mal en classique. » Pour le soutenir dans ces épreuves qualificatives et aux JO, Dawa a pu cette fois compter sur un préparateur, Daniel Dupart, que lui a conseillé son équipementier Fischer. Contrairement aux deux Olympiades précédentes, Dawa a ainsi pu bénéficier d’un soutien logistique de taille, et de conseils de préparation : « Je pense que sans lui, je ne me serais pas qualifié. » Dawa s’est finalement qualifié, il a couru, a terminé, et a accueilli sur la ligne d’arrivée le dernier, le Péruvien Roberto Carcelen, qui en termine plus de dix minutes après lui : « Sans les premiers et sans les derniers, il n’y aurait pas de course. » 1 Le skating est une technique de ski de fond dont le mouvement est proche des rollers ou du patin à glace. 2 Le classique, ou alternatif, consiste à avancer avec les skis parallèles, la plupart du temps dans des traces pratiquées dans la neige. 3 www.dawasherpa-races.com. 4 Du 20 février au 3 mars 2013. 5 Val di Fiemme, Toblach (2 courses), Bessans (2 courses).
Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr
TRAVERSÉE À GUÉ
SUR S O ON URA KOA H T R M
BIENVENUE DANS LA 4e DIMENSION Notre article évoquant l’ultra-triathlon (Ultra Mag n°2, p. 184) a fait réagir quelques personnes sur Facebook, on vous retranscrit un petit passage, c’est rigolo : Christophe A. Merci Ultra Mag, je ne savais pas qu’il existait des gens aussi malades ! Corentin P. C’est quand qu’on s’inscrit pour un double-déca ? Mickael G. Faut avoir une folle envie ! Corentin P. Je parlais d’un café naturellement… Lauriane DF. Mais les 76 km à la nage c’est en un coup ?! Christophe A. J’imagine oui, mort de rire ! Baptiste L Putain mais c’est des machines les types ! © Romuald Payraudeau
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Samuel M. À mon avis en 473 heures j’ai pas fini les 76 km à la nage… J’aime - Commenter - Partager - il y a 5 minutes Allez courage tout le monde, on y croit très fort.
RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :
191 GLOBE-TROTTER
Nous avons prévu d’aller randonner en Islande et nous nous sommes aperçu que nous devrons traverser des rivières, mais sans pont… Quel est le moyen le plus sûr de ne pas finir trempé ? ÉLODIE, ISÈRE
Les traversées à gué sont une particularité des randonnées en Islande. Attention, les conséquences d’une chute peuvent être dramatiques. Étudiez bien la carte pour être sûr qu’il n’y a pas de pont en amont ou en aval. Vérifiez aussi que la route n’est pas passante : des 4x4 peuvent vous dépanner pour traverser. Si vous n’avez pas le choix, essayez de retenir le lieu le plus approprié selon ces critères : • Profondeur de l’eau : choisissez l’endroit le moins profond. Attention aux endroits où la rivière est moins large, il y a souvent plus d’eau. Si la rivière se divise en plusieurs bras, c’est souvent moins profond et le courant est moins fort. • Nature du fond : essayez de repérer les fonds sablonneux ou de cendre, plus propices que les fonds rocailleux. • Zone d’entrée et de sortie : privilégiez une pente douce, une petite plage. Avant de vous lancer, il faut que vous sachiez précisément ce que vous allez faire, quel chemin vous allez emprunter : le froid de la rivière va très vite altérer vos capacités physiques et cognitives. Pour traverser, enlevez votre pantalon, vos chaussures, conservez vos chaussettes pour moins glisser ou enfilez des chaussons de néoprène de plongée. Empaquetez toutes vos affaires dans un sac étanche bien fermé. Si vous chutez, vos affaires ne seront pas trempées, et en plus le sac vous aidera à flotter. Si vous utilisez des bâtons de marche, servez-vous en pour vous stabiliser, sinon essayez de récupérer un bâton avant de traverser. Passez le moins de temps possible dans l’eau, les crampes surviennent vite. Une fois de l’autre côté, la priorité est au réchauffement : séchez-vous puis rhabillez-vous sans tarder.
Parlez-nous d’infini !
CRUES
DUATHLON IMPROVISÉ
ENVOYEZ-VOUS
PARTERRE
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Le frisson de la chute libre en toute sécurité, c’est ce qu’offre comme de nombreux autres le centre de parachutisme Espace chute libre à La Réole, près de Bordeaux. Le saut en tandem vous permet après une formation d’une dizaine de minutes de profiter de 50 secondes de chute libre, avec un moniteur bien sûr, puis de 5 à 7 minutes de descente sous voile. Il vous en coûtera un peu plus de 200 euros tout de même. www.parachutegironde.fr
PARAPENTE
COMME UN OISEAU AU NÉPAL Le Népal est plus connu pour l’alpinisme ou la randonnée que pour le parapente, et pourtant quelques oiseaux s’envolent chaque année à des altitudes « déraisonnables ». Les difficultés : arriver à bien prendre le vent au décollage, et une vitesse à l’atterrissage accrue à cause du manque de portance. Nicolas a vécu tout ça à l’automne dernier, en s’envolant du Shishapangma, à 7500 m, pour atterrir quelques minutes plus tard à 5800 m, sur la moraine d’un glacier. D’après la vidéo que Nicolas a ramenée de ce saut, il a vécu des sensations à couper le souffle – à moins que ce ne soit le manque d’oxygène ? http://tagnepal.ch/videos-gallery
L
a Bretagne a essuyé de nombreuses tempêtes en janvier et février, et le niveau des rivières a partout monté, ce qui, allié à un coefficient de marée important et à un vent venant du large, a compliqué la vie des organisateurs du trail de l’Aber-Benoît (12 et 22 km, début février). L’épreuve est en effet connue pour ses superbes passages, sa difficulté, et sa traversée d’un petit bras de mer, les pieds dans l’eau. Sauf que cette année, seuls les premiers coureurs ont pu traverser en se mouillant seulement les pieds ; les suivants ont eu de l’eau à mi-torse, sortant transis de froid. Lorsque les bénévoles ont vu que l’eau continuait à monter et que les coureurs se transformaient en nageurs, ils ont interdit le passage aux suivants, préférant éviter des accidents.
ÉVÈNEMENT LE GRAND PALAIS À L’HEURE DU FITNESS La nef du Grand Palais à Paris est plus habituée aux expositions et aux tenues de soirée qu’aux steppers et aux brassières. Pourtant elle s’est transformée le 1e février en une véritable salle de fitness, réunissant 5000 adeptes de sport. Pendant quatre heures les exercices se sont enchaînés devant un parterre de spectateurs-acteurs vêtus de rouge et noir, s’activant et transpirant sous la mesure de coachs tous plus prestigieux les uns que les autres. Un évènement de masse dynamisant de manière ultra un bâtiment de plus de 110 ans.
BIOGRAPHIE
ALPINISME
TOUR DE FRANCE
GÉRARD CAIN, ULTRA PASSIONNÉ
ASCENSION HIVERNALE DU NANGA PARBAT
VOYAGE À LA FRONTIÈRE
Un jour, à 40 ans, Gérard Cain se rend compte que quelque chose ne colle pas dans sa vie. Il pèse 115 kg, ne se préoccupe pas le moins du monde de sa santé. Après un séjour intense en salle de sport, il perd 55 kg et se met à courir, beaucoup. Il enfile les épreuves d’ultra-endurance comme les perles sur un collier, et se constitue un joli palmarès, des sables du Niger jusqu’à la Vallée de la Mort aux États-Unis. On connait mieux Gérard aujourd’hui sous sa casquette d’organisateur des ex 6 jours d’Antibes, qui sont passés par Le Luc, et déménagent cette année à Villefranche-surMer. « Passionnément Ultra », Éditions Jacques Flament, sortie courant mars
Le Nanga Parbat est un sommet pakistanais s’élevant à 8126 mètres d’altitude. C’est l’un des deux 8000 m (sur 14) à n’avoir jamais été atteint en hiver : sur 29 tentatives d’expéditions pour atteindre le sommet, aucune n’est allée au bout. Une trentième expédition est en cours à l’heure où nous écrivons ces lignes : les deux athlètes The North Face Simone Moro et David Göttler tentent depuis début février de trouver une fenêtre météo favorable. Mais le vent et le froid ne leur laissent aucune chance pour le moment. À suivre sur le Twitter d’Emilio Previtali, en contact permanent avec les deux athlètes : @emilioprevitali
Voilà plus d’un an que Lionel Daudet a bouclé son tour de France en suivant au plus près les frontières du pays. Il raconte dans son livre Le tour de la France, exactement, son aventure de quinze mois mêlant alpinisme, randonnée, vélo, kayak, voile, escalade, ou même spéléologie. Lionel a ainsi parcouru plus de 5000 km et est passé par un bon millier de sommets. L’homme étant aussi bon avec un stylo qu’avec un piolet, vous devriez passer un bon moment à lire ses aventures. Éditions Stock, 19,50 €
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PARACHUTISME
BASE JUMP
STAGE DIVING
N’ESSAYEZ JAMAIS ÇA
64 À LA FILE DANS LA PISCINE
ENTRAÎNEMENT
LE CHIFFRE # 4 • MARS-AVRIL 2014
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DE L’EXCELLENCE
10 000 H
La route est longue vers la maîtrise et le succès. On sait maintenant à quel point : 10 000 heures ! John Hayes, professeur de psychologie cognitive à la Carnegie Mellon University, a entamé une recherche et a étudié les génies les plus talentueux et les plus créatifs de l’histoire : compositeurs, joueurs de basket, auteurs, joueurs d’échecs ou encore faussaires… « et chaque fois ce chiffre réapparaît, affirme le chercheur. 10 000 heures est l’équivalent de 3 heures par jour pendant 10 ans. Personne n’a jamais pu trouver l’exemple d’une personne ayant atteint un sommet mondial en moins de temps. » Comment adapter cette découverte à soi-même ? Impliquez-vous fermement dans un projet d’amélioration personnelle, ne vous en écartez pas pendant les dix années à venir, et travaillez à l’amélioration de compétences précises.
UN GLACIER FLASHÉ À 46 M PAR JOUR
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NATURE
Le Jakobshavn Isbræ (Groenland) est le glacier le plus rapide au monde (triste record). Sa vitesse de glissement vers la mer s’est accélérée depuis les années 90, jusqu’à atteindre 17 km par an durant l’été 2012, soit 46 m par jour. D’énormes quantités de glace se déversent dans l’océan, faisant monter son niveau - ce glacier serait à lui seul responsable d’une hausse d’1 mm du niveau des océans sur la période 2000-2010, et produirait 10% des icebergs dérivant depuis les eaux groenlandaises. D’ailleurs, l’iceberg qu’a heurté le Titanic en 1912 serait originaire de ce glacier… Sa vitesse de glissement spectaculaire s’accompagne d’une diminution de son épaisseur importante : 15 m par an.
COURSE À PIED
500 KM SANS DORMIR
La coureuse néo-zélandaise Kim Allan a couru 500 km sans dormir, battant l’ancien record (486 km). À 47 ans, la spécialiste de l’ultra a tenu 86 h 11 mn et 9 s sans fermer une paupière pour atteindre les 500 km.
Vous aimez sauter ? Vous aimerez peut-être le base jump alors. Un record du monde very impressionnant a été battu début décembre 2013 dans le cadre de l’Indoor Base World Cup dans… une piscine allemande. Quelque 64 parachutistes se sont élancés d’une hauteur de 107 m et ont mis 13 minutes et 50 secondes pour sauter à la suite. C’est la fine fleur de la discipline qui s’est adonnée à ce défi, avec 18 nations représentées et 8 femmes.
CERVEAU
Croyez-vous en Dieu ?
NAUTISME
24 heures à la voile, record battu 1258,3 km. Nouveau record de la plus grande distance parcourue en 24 heures, à la voile et en solitaire. Cet exploit revient à Armel Le Cléac’h, 36 ans. Il l’a établi dimanche 26 janvier à la barre de son maxi-trimaran de 31,5 m de long, lors de sa tentative de record de vitesse sur la Route de la Découverte, qui retrace le parcours qu’aurait emprunté Christophe Colomb du 3 août au 2 octobre 1492 entre l’Espagne et San Salvador.
L
es cerveaux des athées et ceux des religieux ne fonctionneraient pas de la même façon. Les chercheurs de l’université d’Auburn, Alabama (ÉtatsUnis) ont mis en évidence, dans une étude publiée dans le journal Brain Connectivity à la mi-janvier quelles zones du cerveau étaient activées chez les deux types de population. Trois critères ont été étudiés, correspondant à l’activation de trois zones différentes du cerveau : la perception du niveau d’implication de Dieu dans la vie du sujet, la perception des émotions de Dieu par le sujet, la doctrine personnelle du sujet et sa connaissance de la religion. L’étude conclut que les athées ont une plus grande capacité d’imagination et de visualisation d’images, tandis que les croyants sont le plus à même de nommer leurs états mentaux et de percevoir ceux des autres. À vous de choisir donc si vous croyez au Dieu de l’Ultra ou non.
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Si vous aimez sauter, mais de moins haut, méfiez-vous quand même. Un fan suisse venu voir le groupe de hard rock Witness a Rebirth a tenté un stage-diving et s’est retrouvé au sol. Cette pratique apparue lors d’un concert des Rolling Stones en 1964 consiste à sauter de la scène en espérant que les spectateurs vous rattrapent. Le fan, monté sur scène, a espéré, mais son vœu n’a pas été exaucé et personne n’a voulu le rattraper. Il est décédé le lendemain à l’hôpital de Berne.
DOSSIER | MENTALISME
DOSSIER
EN ROUTE VERS
Par Philippe Billard, avec Fabrice Ferra
PERCEPTION
C
ertains le nomment « gouverneur central ». D’autres, plus prosaïquement, disent juste « cerveau ». Cette masse molle et grisâtre qui comble le vide entre nos deux oreilles fait concurrence, dans sa complexité, à l’univers lui-même1. Et il est probable que l’on connaisse aujourd’hui bien mieux les étoiles que les mystères qui se trouvent dans notre propre crâne. Dans l’infiniment petit de nos connexions neuronales se trouve, sans qu’on sache vraiment où, le secret de l’Ultra. Car votre cerveau est capable de prouesses extraordinaires. Qui de mieux qu’un mentaliste, un vrai, pouvait nous ouvrir une porte sur ce monde à la fois intime et inconnu ?
BIENVENUE DANS LA ZONE Fabrice Ferra est donc mentaliste. C’est un show man autant qu’une intelligence vive et débridée. Parler avec lui, c’est un peu comme se trouver face à une armoire
aux mille tiroirs. On ouvre, mais on ne sait jamais ce qu’on va trouver. Et la plupart du temps, on ne tombe pas vraiment sur ce qu’on voulait. À peine la conversation commencée, vous rentrez dans le vif du sujet : tout n’est qu’illusion. Et d’ailleurs, il n’y a que ça qui l’intéresse : « Le plus important pour moi, ce sont les choses invisibles. L’air, tu ne le sens pas, et pourtant il est vital. Les pensées, les émotions, les sentiments, les idées… le sang ! Tu ne les vois pas non plus. Ce qui est essentiel, c’est ce qui est invisible aux yeux. » Chaque jour vous jouez au jeu des mille tiroirs avec votre cerveau. Décisions à prendre, négociations, choix, projets, et jusqu’aux moindres gestes de la vie quotidienne, vous avancez sans savoir. Et le pire, c’est que vous êtes persuadé du contraire. « Je sais que je ne sais pas », disait Socrate. Cette forme de lâcher-prise est sans doute la première étape vers une maîtrise plus grande de ce que nous appellerions l’intelligence.
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En version spectacle ou pour mieux se connaître, le mentalisme fascine. Au carrefour de multiples disciplines, il vous apprend à maîtriser l’observation, l’influence, la suggestion et la psychologie, qui viennent renforcer et soutenir votre intuition. Devenir mentaliste, c’est s’engager dans un travail de recherche de perception fine des plus petits détails.
DOSSIER | MENTALISME
CAMBRIOLEURS DE L’ESPRIT Ce que le mentalisme nous apprend, on pourrait également le comprendre en étudiant une pléthore de techniques mentales plus ou moins en vogue : programmation neuro-linguistique, hypnose, suggestion, communication non verbale, techniques de manipulation, et même la bonne vieille psychologie. Transformer son mental, c’est un boulot à plein temps.
uniquement de l’intuition, même si ce serait l’idéal. En spectacle, on doit avoir 100% de réussite, l’échec n’est pas possible. Pour y parvenir, on mixe intuition avec psychologie, observation, déduction, suggestion et influence. » Cette perfection incontournable, sous peine de se rendre ridicule devant plusieurs centaines de personnes, donne au mentaliste une capacité à s’adapter à de multiples situations. Les plus doués sont de véritables spécialistes de la gestion du mental humain sous toutes ses formes.
VERS LA MAÎTRISE TOTALE Si le mentaliste était un sportif, il serait rapide dans sa prise de décision, rapide et concentré en même temps. Dans les sports de combat ou l’opposant à des adversaires, il peut jouer de son influence, miser sur le conflit entre sa volonté et celle de l’adversaire, déstabiliser, conserver une intensité mentale du début à la fin de la partie. Dans les sports longs et éprouvants, il peut lâcher prise, et ainsi économiser son énergie au maximum. Il peut aussi se connecter à son ressenti, ce qui lui permet de doser finement son effort, d’avoir toujours de l’avance sur sa déchéance annoncée.
LES MENTALISTES SONT DES ILLUSIONNISTES DU CERVEAU Les mentalistes sont des illusionnistes du cerveau. Ils donnent l’impression de disposer de facultés paranormales, on les croit doués de télépathie, de talents de psychokinésie, d’hypermnésie, ou de clairvoyance. Ils sont capables de vous manipuler, d’influencer vos décisions au point de vous faire croire que ce sont les vôtres, de trouver le nombre que vous croyiez cadenassé dans votre tête… Bien sûr, il y a des trucs. Mais il y a surtout un formidable entraînement. « On ne peut pas faire du mentalisme avec
Au quotidien, ses capacités lui permettent de contrôler ses émotions. Il a l’intelligence émotionnelle, qui lui permet d’éviter les conflits, d’éviter aussi de verser dans la culpabilité, celle qui trouve des excuses en cercle vicieux, et qui empêche d’entreprendre et de s’épanouir. Sa connaissance de lui-même lui ouvre la voie de la connaissance des autres, et la qualité de ses relations sociales s’en trouve améliorée. Le papa mentaliste négocie avec ses enfants et leur fait manger des légumes !
EFFET BARNUM
CET ARTICLE PARLE DE VOUS « Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n’avez pas tourné à votre avantage… » Ce que vous lisez-là, c’est vous. Nous avons imprimé un magazine pour chacun de nos lecteurs… Vous nous croyez ? Non ? Vous avez raison. Mais n’est-ce pas troublant ? Cette évaluation de personnalité a été remise (en version complète) par le psychologue Bertram Forer à ses étudiants, à qui il a demandé de noter la pertinence sur une échelle de 0 à 5. Résultat : 4,26 ! Construit à partir d’un recueil d’horoscopes, ce texte utilise l’effet Barnum, du nom de Phineas Barnum, un homme de cirque du 19e siècle spécialisé dans la manipulation. L’effet Barnum est utilisé par les astrologues, graphologues, hommes politiques, séducteurs et autres voyants. Le principe : faire valider à une personne une description vague comme s’appliquant spécifiquement à ellemême. Les manipulateurs les plus doués utilisent l’observation pour s’adapter à leur « cible », ainsi que les statistiques sur les majorités. Ils déterminent le sexe (normalement, c’est le plus facile), l’âge, la catégorie socio-professionnelle de la personne, et mobilisent les statistiques correspondantes. Savez-vous par exemple que la musique est le deuxième loisir préféré des français, que le cancer est la première cause de mortalité en France ou encore que plus de 20% des mariages célébrés après 2000 ne passeront pas la barre des 10 ans ? Voilà une illustration d’un mode de fonctionnement crédule du cerveau que vous pouvez tout aussi bien utiliser sur vous-même en préparation mentale.
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À quoi ça sert, d’être intelligent ? À quoi ça sert de maîtriser son mental ? À quoi ça sert de voir l’invisible ? Les sportifs ultra affirment souvent qu’ils ont besoin de « déconnecter leur cerveau », mais cette expression, loin de décrire un état apathique et sans intérêt, dénote bien souvent, et au contraire, de fortes capacités de relâchement et de concentration. On ne déconnecte pas son cerveau, on se met en prise directe avec une zone mal connue, l’inconscient, et c’est plus ou moins efficace. C’est dans cette zone que les sportifs se situent lorsque tout leur réussit facilement. C’est aussi dans cette zone que vous vous trouvez lorsque vous avez l’impression de vous réveiller après avoir conduit 300 km sur l’autoroute, sans avoir vu le temps passer. On peut multiplier les exemples.
DOSSIER | MENTALISME
LA COMMUNICATION NON VERBALE
LECTURE DU CORPS La personne que vous avez en face de vous parle. Le sens de ses mots fournirait à peine 7% d’information, sa voix en donnerait quant à elle 38%, et son corps 55%. Posture, gestuelle, expression des yeux, voix, mouvement, contact, apparence physique, sont autant d’éléments à utiliser pour comprendre le langage du corps, c’est-à-dire la communication non verbale. Si la lecture et la connaissance de l’autre est intéressante, vous pouvez utiliser ce savoir sur vous-même. Vous voulez renforcer votre confiance en vous ? Tenez-vous droit, la tête haute, souriez, sentez la légèreté de vos jambes. Analysez vos comportements non verbaux dans telle ou telle type de situation positive et apprenez à les reproduire quand vous en avez besoin.
CONVAINCRE QUELQU’UN, C’EST JOUER AVEC SES ÉMOTIONS
Dans sa vie professionnelle, le mentaliste serait un manager intuitif2, qui doit savoir prendre des décisions rapides, avec toujours un temps d’avance sur les autres. Il capable de mener son entreprise dans une nouvelle voie stratégique et boucler le tout en quelques mois, là où plusieurs années auraient été nécessaires autrefois. Le mentaliste, dans un contexte professionnel, sait éviter à ses collègues les émotions négatives telles que la peur, la colère, les jalousies, et les transcender grâce aux émotions fortes, de celles qui créent du lien, débrident, rendent euphoriques. Ce sont des manipulateurs positifs, qui ont – normalement – une éthique à toute épreuve.
SUPER-HÉROS DE LA SYNAPSE Comment fait-on pour se transformer en super héros de la synapse ? « Il faut s’entraîner comme un champion ! », affirme Fabrice Ferra. La communication non verbale est essentielle dans la formation du mentaliste. « Pour l’apprendre, j’ai par exemple regardé
beaucoup de films sans le son, avec de bons interprètes, pour essayer de comprendre ce qui se passait. Et ensuite je repassais les scènes avec le son pour voir si j’avais vu juste. » L’observation dans ce cas va s’attarder sur les gestes, les attitudes, les postures. Dans le cas de la détection du mensonge, il faut être attentif à la tendance à « s’auto-caresser » le nez, la bouche, les oreilles, la gorge, à se masser le cou, et plus globalement, tous les gestes qui pourraient trahir une gêne, un désir de fuite ou de dissimulation. Au cran du dessus, le mentaliste va chercher à identifier les émotions. Convaincre quelqu’un, ou le confondre, c’est jouer avec ses émotions, positives et négatives, tout en étant capable soi-même de lâcher prise pour conserver son sang-froid. Essayez, cela n’a rien d’évident. « Notre vie est entièrement conditionnée par nos pensées et nos actions. Au final, tout est question de douleur et de plaisir. Si tu associes le fait de fumer à du plaisir, tu ne pourras jamais t’arrêter. Si tu te visualises en haut de l’Everest dans le bonheur le plus total, tu vas y arriver ! »
SUR LE WEB
APPRENDRE LA POSSIBILITÉ DE L’IMPOSSIBLE De nombreux sites de qualité et en langue française vous en apprendront plus sur le mentalisme. N’oubliez pas d’être attentif à ce que ces techniques peuvent vous apprendre sur vous-même et votre propre fonctionnement. Le mentalisme est certes très ludique dans sa version spectacle, mais il représente surtout une jolie porte vers l’acceptation de l’impossible. WWW.NEVER-BE-LIED.COM Peut-être le site le plus complet sur le sujet, avec des articles très didactiques et des grands thèmes traités à 360°. Lire notamment la section sur le mensonge. APPRENDRELEMENTALISME.COM Approche du mentalisme tournée vers le développement personnel et la psychologie. WWW.APPRENDRE-A-MANIPULER.COM Une approche ludique et complète de la manipulation. À lire absolument : « 3 exercices de manipulation », où vous apprendrez à énerver quelqu’un sans que cela se retourne contre vous ou à faire boire (de l’eau) à une personne sans qu’elle ait soif. MENTALISMEBLOG.WORDPRESS.COM Trouvez l’article « Comment avoir toujours raison ? », où sont résumées les 38 techniques d’Arthur Schopenhauer dans son livre sur l’art d’avoir toujours raison. À utiliser quand vous voulez démontrer qu’il est tout à fait normal d’aller courir dès 4 heures du matin.
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DOSSIER | MENTALISME
FABRICE FERRA : SECRET STORY
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Tout le monde lui demande comment il fait. « Après m’être assuré que tout le monde savait garder un secret, j’ai chuchoté que moi aussi je savais garder un secret. » Pour Fabrice Ferra comme pour tous les magiciens, « le mystère est plus fascinant que toute explication ». Le mentaliste, enfant hyperactif, promis à une carrière de footballeur de haut niveau stoppée nette par une blessure, se passionne très tôt pour l’esprit, le potentiel humain, et le rôle des émotions dans notre quotidien. Comédien, il donne des spectacles, bien sûr, mais intervient aussi auprès de managers et de sportifs pour leur apprendre deux ou trois trucs… Plus d’infos sur www.fabriceferra.com
DE L’ENJEU AU JEU Et au bout du chemin, l’intuition. Un chemin pavé de bonnes perceptions. « Le mentalisme, selon Fabrice Ferra, c’est de la perception optimisée des cinq sens. » Devenir un expert dans l’utilisation de la vision, de l’audition, du toucher, du goût et de l’odorat, mène au 6e sens, celui qu’il appelle l’intuition, et l’intuition, il la considère comme la compétence qui est en prise directe avec l’extraordinaire potentiel de notre inconscient. L’intuition se travaille, s’entretient, se développe, comme n’importe quelle autre compétence. Et en parallèle, à mesure qu’on la développe, qu’on croit la saisir et l’utiliser, tous les rêves, tous les fantasmes, tous les espoirs sont permis.
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TOUS LES RÊVES, TOUS LES FANTASMES, TOUS LES ESPOIRS SONT PERMIS Le résultat de ce travail, c’est une perception de plus en plus fine, une « hyper perception », de son corps et de son esprit. Cette connaissance poussée à l’extrême permet d’aller plus loin, tout en restant sur la voie du plaisir. Comme une sorte de retour à l’enfance : « Quand tu es un enfant, tu n’as besoin que d’un arbre et d’un bout de bois pour devenir un mousquetaire. Ce retour, c’est un passage de l’enjeu au jeu. » Sources et références 1. Le cerveau compte entre 86 et 100 milliards de neurones, 1015 connexions potentielles, contre 3x1022 étoiles dans l’univers visible. Imaginez ce que donnerait un cerveau de la taille de l’univers… 2. Le management intuitif est basé sur l’utilisation de l’instinct, par opposition au raisonnement. Les conséquences immédiates sont une plus grande maîtrise de soi, une plus grande rapidité de décision, une meilleure efficacité.
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LE SPÉCIALISTE
DÉFIS | 6 JOURS SUR VÉLO À PIGNON FIXE
défis
» Par Emmanuel Lamarle
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D’accord, mais le pignon fixe, quand même ? Le pignon fixe, c’est le mouvement incessant : on ne peut jamais s’arrêter de pédaler, c’est le mouvement perpétuel. Ce que je recherche avec le pignon fixe, c’est la « pédalée » parfaite, un peu comme en course à pied on peut rechercher la foulée parfaite. Certes, et les rouleaux ? La route, c’est le voyage et l’aventure extérieurs. La piste, les rouleaux, le tapis, c’est le voyage et l’aventure intérieurs.
Pierre-Michaël Micaletti a roulé sur son vélo quelque 2738 km en 6 jours du 21 au 27 janvier 2014. Particularités : le vélo était sur rouleaux, et doté d’un pignon fixe empêchant tout arrêt du pédalage. Un effort ultra fatigant pour un défi ultra intéressant.
Même si ça se passe en grande partie à l’intérieur, tu avais un objectif, d’atteindre les 3000 km il me semble ? Pas tout à fait, on avait défini avec mon ami Philippe Dieumegard (détenteur du record 6 jours de vélo sur home-trainer, avec 2702 km) une fourchette : 2400 à 3000 km. À 2400, j’étais à 400 par jour, ça semblait jouable. À 3000, j’atteignais le Graal. L’idée surtout avec ce défi, c’était de récolter de l’information, de construire une base. Personne n’avait jamais fait ça en pignon fixe. Finalement, tu as réalisé 2738 km, pile dans la fourchette ? J’ai fait 2738 km, relativement à l’aise. Je pense que j’avais 2850 dans les quilles, mais il aurait fallu que je me déchire la couenne. Un peu avant la fin des 6 jours, je me suis mis en mode récup. L’important, c’est de
préserver l’envie de recommencer. C’est pour ça que je dure aussi, c’est un peu comme en alpinisme : la course ne s’arrête pas au sommet, il faut gérer la descente aussi. Raconte-nous un peu comment tu as préparé ce défi… Toutes mes sorties se font avec un pignon fixe depuis un an. Ma prépa a été axée puissance : des séances assez courtes, mais en intensité, souvent même à haute intensité. J’ai participé à des criteriums, genre 20 km, où on roule à 40 km/h. Et puis durant le dernier mois avant le défi, j’ai fait 20 séances de prépa au long, exactement à l’allure cible du 6 jours, à une cadence de pédalage de 73-74 tours minute. C’est assez bas comme cadence, non ? C’est bas oui, mais sur si long, inexorablement ta cadence va baisser, et si tu n’es pas capable de fournir de la puissance à faible cadence, tu ne vas pas avancer. Il te faut allier puissance et souplesse pour pouvoir tenir un 30 km/h à 60-65 trs/mn. Ça s’apparente à la foulée rasante en course à pied, mais en y intégrant de la puissance.
ADAPTATION
UN AIR D’OISEAU MIGRATEUR Au milieu de toutes ses capacités d’adaptation étonnantes, on retrouve des mécanismes archaïques que l’on a conservés au cours de l’évolution des espèces (Théorie de Darwin). Par exemple, Michaël a été capable de sélectionner dès le départ le niveau de puissance à exercer sur les pédales qui lui aura permis d’aller au bout du défi sans épuisement précoce. Il y a donc un mécanisme d’anticipation au niveau du cerveau qui est capable d’adapter l’intensité de l’exercice en fonction de la durée d’effort restant. On retrouve ces mêmes capacités chez les oiseaux migrateurs qui eux aussi doivent anticiper la durée de leur voyage pour stocker l’énergie nécessaire afin de ne pas tomber « en panne de carburant » en plein milieu de la méditerranée par exemple ! (Par Alexandre Abel)
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L’EFFORT EST
»
Ultra Mag : Michaël, tu as roulé pendant 6 jours sur un vélo à pignon fixe posé sur des rouleaux. Qu’est-ce qui a bien pu te coller l’idée d’un pareil défi en tête ? Pierre-Michaël Micaletti : Ce défi était dans la continuité des précédents : les 6 jours course à pied sur tapis roulant, les 48 heures de vélo sur piste. Le 6 jours, c’est mon format, celui où je suis heureux, efficient, en tant qu’individu et en tant qu’athlète.
DÉFIS | 6 JOURS SUR VÉLO À PIGNON FIXE
CHIFFRES
TABLEAU DE MARCHE
RECORD DE L’HEURE
UN CHAMPION DE 102 ANS Vieillir, ça fait mal, c’est pénible, et ça rend parfois même franchement triste. Et pourtant, on aimerait tous ressembler à Robert Marchand qui, à 102 ans, a battu le 31 janvier 2014 le record du monde de l’heure en vélo avec 26,927 km parcourus. L’exploit s’est déroulé à Saint-Quentin-enYvelines, en région parisienne. Pour lui, l’Union Cycliste Internationale (UCI) a créé une catégorie (plus de 100 ans) dans laquelle il est le seul. Il a donc battu son propre record, établi le 17 février 2012 en Suisse avec 24,251 km. Robert Marchand se trouve également être le centenaire le plus rapide sur 100 km avec un temps de 4 heures 17 minutes et 27 secondes (Lyon, septembre 2012). Conclusion : vieillir en forme, c’est plutôt chouette.
JOUR 2
JOUR 3
JOUR 4
JOUR 5
JOUR 6
3H
100
611
1118
1580
1978
2390
6H
167
674
1175
1639
2030
2445
9H
253
753
1216
1686
2082
2491
12 H
315
803
1273
1726
2123
2544
15 H
380
866
1333
1777
2180
2600
18 H
432
925
1387
1824
2235
2646
21 H
504
990
1441
1883
2300
2683
24 H
547
1054
1520
1920
2339
TOTAL JOURNÉE
547
507
466
400
419
2738 km
Pour avancer à 30 km/h à une cadence si basse, quel braquet tirais-tu ? J’avais un 46x14, ça fait presque 7 mètres par tour de pédale, ce qui est déjà pas mal. Au bout de 12 heures, tu as l’impression d’avancer sur un faux-plat permanent. Et parfois, tu as l’impression de te faire l’Alpe d’Huez !
cée. J’ai démarré à 68 kilos et quelques, j’ai terminé à 64 et demi, avec 4% de masse grasse. Par contre j’ai eu peu de fonte musculaire au niveau des cuisses, contrairement à un 6 jours sur tapis roulant où je finis détruit. Je me suis même musclé : triceps (mais j’ai fondu des biceps), dos, ceinture costale.
Question idiote : as-tu souffert pendant ce défi ? J’ai subi les douleurs normales du cycliste ultra : fessiers, périnée. En plus de ça, j’ai connu un syndrome inflammatoire, dû au pignon fixe. L’effort physique n’est pas violent, mais il est continu : sur 20 heures de selle, tu pédales 20 heures, il y a zéro temps de repos. C’est épuisant neuromusculairement parlant, le pignon fixe te pompe de l’intérieur.
J’imagine que tu as entendu parler du record de l’heure de Robert Marchand (lire l’encadré) ? Qu’en penses-tu ? Ce gars m’a envoyé une décharge de Botox mental. On n’imagine pas, 100 ans ? C’est monstrueux. En plus, pour moi, le record de l’heure, c’est le Graal du cyclisme. Je suis un frustré du record de l’heure, j’imagine essayer de le battre…
Et côté mental, ce fut dur ? L’effort est absolu, mais c’est celui qui m’a le plus plu de toute ma vie d’athlète. C’est aussi celui que j’ai le plus maîtrisé. J’étais dans un état de sérénité totale, en pilotage automatique, connecté aux autres, aux malades aussi (le défi se passait dans l’enceinte d’un centre hospitalier, Ndlr), nourri de ce partage. Conserves-tu des séquelles du défi ? L’effort sur place sur une si longue durée te mène à des états de déshydratation avan-
Motivé ? Oui, on en reparle dans une soixantaine d’années ! En attendant, qu’envisages-tu à plus court terme ? Un 6 jours pignon fixe, mais sur piste, d’ici à la fin de l’année. Puis j’aimerais aller me frotter aux cyclistes ultra, j’aimerais devenir un des meilleurs au monde dans ce domaine. Ça pourrait commencer par le Tour d’Irlande* en 2015, et la Race Across America* en 2016…
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JOUR 1
PORTRAIT ON/OFF | JACKY DECONIHOUT
PORTRAIT ON/OFF
LES QUESTIONS « ON »
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1- TON PREMIER ULTRA
JACKY DECONIHOUT 61 ans | 1,81 m, | 68 kg Vit à Saint-Pierre-de-laFage (Hérault) | Quelques ultras, en 2013 : UTMB®, Montagn’Hard, Diagonale des Fous
Propos recueillis par Jean-Marie Gueye FONDU(E)S D’ULTRA : Chaque mois, à travers ce questionnaire de Proust revisité, nous vous présentons des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, des coureurs, des cyclistes, des montagnards, des marins, des débutants, des confirmés, des poireaux, des élites… Tout le peloton des amateurs d’effort de longue durée y passe et vous éclaire sur des questions régulièrement posées : « Qui se cache derrière les coureurs de longue distance ? Comment vivent-ils leur passion ? Quelles sont leurs motivations ? » Retrouvez 23 questions « on » qui définissent la pratique de l’ultra, et 17 questions « off » évoquant davantage la vie de tous les jours.
J’ai commencé par un 24 heures de vélo, au Ventoux en 2005. Il fallait tenter l’ascension le plus grand nombre de fois. J’ai réalisé la meilleure performance avec le plus grand nombre de montées sur cette épreuve en 2007, c’est-à-dire neuf ascensions en 24 h, soit à peu près 13 000 m D+. Il fallait bien gérer son effort avec la température qui culminait à 27°C à l’ombre cette année-là. On a le choix entre les trois montées : Bédouin, Malaucène, Sault, chacune ayant un avantage ou non en fonction de l’orientation du vent ou du pourcentage de la pente. Une année c’était impossible de grimper et descendre par Bédouin à cause du vent qui nous éjectait de la route. 2- TON PASSÉ SPORTIF
Mon 1er dossard, je l’ai mis à l’âge de 11 ans au cross de Gonfreville l’Orcher en Seine-Maritime, et je n’ai connu aucune pause jusqu’à l’armée où j’ai fait partie de l’équipe de cross. Puis j’ai repris la compétition à 100% en 2003 par le marathon et près de 25 marathons ensuite. Puis je me suis mis au duathlon avec succès (succession de course à pied et vélo, Ndlr). J’ai ensuite pratiqué exclusivement du vélo avec notamment une quinzaine de participations à la Marmotte (174 km, 5000 m D+, franchissement des cols Croix de Fer, Télégraphe, Galibier, Alpe d’huez, Ndlr). Après je me suis mis au trail, à l’ultra.
3- POURQUOI L’ULTRA ?
Au début je ne savais pas que je faisais de l’ultra : j’étais au club cycliste AC Clapiers, près de Montpellier, qui préparait aux brevets de 300, 400 km pour faire Paris Brest Paris, soit 1260 km non-stop. Je me suis découvert des capacités en endurance, j’ai eu des résultats et ça m’attirait. L’ultra si c’est mal géré, tu peux facilement être dégoûté au bout de deux ou trois ans. Moi, j’essaie de tout étudier pour m’améliorer. C’est le cas même à 61 ans, j’estime avoir des choses à apprendre, d’ailleurs mes performances continuent à s’améliorer. Je pense que ma condition physique régresse, mais la performance dépend de tellement de paramètres, que ce soit l’alimentation, l’équipement, ou la qualité de l’entraînement, qu’il est possible de compenser l’âge par l’expérience. 4- PLUTÔT TRAIL OU ROUTE ?
Complètement trail pour mon attirance vers la nature. 5- TA SEMAINE TYPE
Six séances par semaine avec soit du trail plat, soit très pentu, du VTT et vélo de route. Pour être un bon trailer, j’estime qu’il faut faire impérativement un tiers du volume horaire à vélo. Je varie les intensités bien entendu. Je m’entraîne très souvent seul, mon conseiller est mon médecin du sport qui me suit depuis 30 ans. Je picore des renseignements à droite à gauche et j’essaie de les adapter à mon fonctionnement personnel. 6- LES COURSES QUI T’ONT MARQUÉ
La plus belle c’est l’UTMB®. Parce que c’est une vraie fête du sport, une vraie ambiance qui dure plusieurs jours. Un site fantastique, des prestations à la hauteur qui méritent amplement les 200 € investis. On en a pour son argent. Au niveau compétition il n’y a rien à dire ni à redire. C’est bien organisé, tout y est. Les organisateurs sont à l’écoute et font évoluer leur course. Mon premier podium, 3e V2 à ma première participation, la place de l’Amitié reste un moment fort… puis mes deux premières places en V3 en 2012 et 2013, c’est magique ! 7- TA PLUS GROSSE DÉCEPTION DE COUREUR
En janvier 1984, avant le marathon de Paris, à 32 ans, j’ai dû subir une interven-
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L’heure de la retraite n’a pas sonné pour Jacky Deconihout. À 61 ans, il est plus que jamais actif, preuve en est sa participation annuelle à une dizaine d’épreuves de cyclisme et course à pied, lors desquelles on le trouve plutôt aux avant-postes.
PORTRAIT ON/OFF | JACKY DECONIHOUT
tion chirurgicale pour une hernie discale. Contre l’avis du médecin, j’ai tout de même couru et fini ce marathon cinq mois après en 3 h 32. Donc une déception mais qui se finit plutôt bien. 8- TON PARCOURS D’ENTRAÎNEMENT PRÉFÉRÉ
J’en ai deux, un par sport ! En trail, c’est Saint-Guilhem-le-Désert dans les gorges de l’Hérault, un site majestueux qui accueille notamment la Sauta Roc. C’est d’ailleurs mon premier trail. Et en vélo c’est l’ascension des cols du mont Ventoux.
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9- COMBIEN DE COURSES PAR AN ?
Pas beaucoup, une moyenne de 7 ou 8 courses dont 3 ultras environ, soit 4 ou 5 courses de préparation. 10- TES CHAUSSURES
Je fais comme Michel Jazy (athlète médaillé olympique à Rome en demi-fond, Ndlr), j’utilise en permanence 3 ou 4 paires de chaussures pour varier mes appuis : Adidas Supernova, Brooks Cascadia et Asics Trabuco. 11- BOISSON ET NOURRITURE EN COURSE
C’est un cas particulier, je ne mange strictement rien ! Sur les 30 h qu’ont duré l’UTMB, je n’ai pas pris une demi barre de céréales, aucun gel. J’ai tourné avec ma boisson Overstim, je fais mes dosages personnalisés. Je surdose énormément par rapport aux préconisations 180 à 240 g/l (80 g/l conseillé, Ndlr). Je fais confiance à l’Hydrixir et la 640 (salée et sucrée). Sur les courses, mon assistance (ma femme le plus souvent), me prépare mes bidons, sinon je transporte la poudre avec moi dans des sachets. Mon nutritionniste me dit de continuer avec ces concentrations si ça marche. Mais c’est vrai que tout le monde ne pourrait pas supporter cela. Je dis ce que je fais mais je ne le conseille pas. Cette concentration vient d’un calcul sur mon besoin personnel en calories lors d’une épreuve validé sur le terrain.
12- PLUTÔT BIDON OU POCHE À EAU ?
Je suis complètement bidon car on peut gérer des concentrations et produits différents, et surtout on voit ce qu’il reste en liquide. Je vois plein de coureurs repartir du ravitaillement avec la poche à eau pleine alors qu’il faudrait remplir en fonction du trajet qu’il reste avant le prochain ravitaillement. Avec les bidons tu prends juste le nécessaire. 13- CHRONO ? CARDIO ? ALTIMÈTRE? GPS ?
J’utilise le cardio depuis son existence en 1986, donc oui, je m’entraine avec cardio, GPS, etc. C’est une manie. 14- TU AS DES MODÈLES EN COURSE À PIED ?
Le « grand » Marco Olmo ! 15- UN POINT FORT
Avoir deux points forts : le mental, les montées, et la régularité. Ça fait trois… 16- UN POINT FAIBLE
Les descentes, je n’arrive pas à descendre vite sans avoir les pulsations qui grimpent. Mais je pense que descendre lentement, en me reposant, me permet de monter vite ensuite. Peut-être qu’améliorer ma technique de descente serait un axe à développer. La gourmandise aussi. 17- TES PROJETS EN COURSE À PIED POUR LES MOIS À VENIR
Je me demande quand je vais devoir arrêter donc j’ai tendance à vouloir en faire un peu plus. Je prévois en 2014 le Festa trail Pic St loup*, l’ultra du Beaufortain*, l’UTMB, le nouvel ultra dans les Pyrénées Font Romeu Argelès* (100 miles), puis enfin la Transmartinique*. 18- UNE COURSE QUI TE FAIT RÊVER
Elle n’existe pas (encore). S’il y a un double UTMB… car je ne peux pas faire le Tor des géants, trop proche de la date de Chamonix.
Je suis assez solitaire dans l’effort, je ne ferai jamais une course par équipe sauf peut-être avec ma fille ou mon fils, ou plus tard… petite-fille ou petit-fils ! 20- UN TRUC QUE TU EMMÈNES TOUJOURS AVEC TOI EN COURSE
Ma femme… dans ma tête ! Elle est très présente pour moi, dans la vie et sur les courses. C’est très emmerdant et usant de faire l’assistance. C’est une course d’équipe ! 21- TU PENSES À QUOI QUAND TU SOUFFRES SUR UNE COURSE ?
Mon père. Il était un très bon coureur cycliste. Il est décédé assez jeune, j’avais 20 ans. C’est de lui que vient ma passion du sport. On allait sur les courses en vélo le dimanche. Mon grand oncle était entraîneur d’Anquetil à ses tout débuts à Rouen, et mon père roulait avec les vieux boyaux récupérés du vélo d’Anquetil. Enfant, j’ai baigné là-dedans. 22- T’ES-TU FIXÉ DES LIMITES DANS L’ULTRA? UN ÂGE? UNE DISTANCE ?
Aucune limite, ni en distance, ni en âge. 23- SI TU DEVAIS ORGANISER UNE ÉPREUVE QUI TE RESSEMBLE ?
Une épreuve de 300 km en France, en montagne, type double UTMB, un aller-retour… Soyons fous.
LES QUESTIONS « OFF » 24- OÙ VIS-TU ? (MAISON ? APPARTEMENT ? VILLE ? CAMPAGNE ? ...)
À la campagne, maison, le GR7 et GR71 passent juste derrière chez moi. 25- UN RÉGIME ALIMENTAIRE PARTICULIER À LA MAISON ?
Oui, nous sommes très branchés bio (agriculture raisonnée). Les grandes lignes actuellement sont que je ne mange plus ce qui est à base de blé car ce dernier n’est plus de bonne qualité. Donc j’ai remplacé les pâtes par des pommes de terre et du riz. Je ne prends aucun produit laitier issu du lait de vache, plutôt de brebis ou de chèvre.
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JE SURDOSE ÉNORMÉMENT PAR RAPPORT AUX PRÉCONISATIONS
19- UNE COURSE QUE TU NE FERAS JAMAIS
PORTRAIT ON/OFF | JACKY DECONIHOUT
26- UN DISQUE
Nantes de Barbara ou Sex Machine de James Brown.
35- UNE CITATION OU UNE DEVISE QUE TU AIMES BIEN
Germinal de Zola, ça me rappelle un peu la vie de mon père dans l’industrie, les aciéries. 28- UN FILM
36- 5 TRUCS QUE TU AIMES
Bullitt, avec Steve Mac Queen et aussi pour la V8 Mustang. Je suis passionné de moto. Ma vie professionnelle c’est 40 ans dans la moto.
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Les neufs montées enchainées du Ventoux en 24 h, oui c’était bien dingue.
C’est plutôt la fable de la Fontaine du lièvre et de la tortue et j’aime beaucoup aussi : « Seigneur, envoie-nous des fous qui s’engagent à fond et se donnent jusqu’au bout ! »
27- UN LIVRE
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34- UN TRUC DINGUE QUE TU AS FAIT
C’EST PRESQUE FACILE DE FINIR UN ULTRA SI VOUS ÉTUDIEZ BIEN LE TRUC 29- TU PRATIQUES D’AUTRES SPORTS ?
Non et oui : préparation physique, abdos, gainage, étirements… je commence à vieillir. 30- COMMENT TA FAMILLE VIT-ELLE AVEC TA PASSION ?
J’ai beaucoup de chance avec ma femme car elle est passionnée aussi, elle est modiste. Elle est aussi kinésiologue (technique de mieux-être, Ndlr). Il lui arrive de se lever à 3 h du matin pour créer de nouveaux chapeaux. Donc la passion elle connait bien. 31- D’AUTRES LOISIRS/PASSIONS DANS LA FAMILLE ?
La moto comme mon père encore. 32- TU AS DES HÉROS RÉELS OU IMAGINAIRES ?
Non.
33- UN ENDROIT OÙ TU VOUDRAIS VIVRE
Honnêtement, j’y suis. Je ne vois pas où je serais mieux.
La liberté, les abeilles, la nature, la moto pendant les années 70. 37- 5 TRUCS QUE TU N’AIMES PAS
La moto maintenant (maintenant, on ne s’éclate plus), le dopage, les tricheurs, les sportifs qui ne sont pas des sportifs, que les femmes ne puissent pas, comme nous, courir seules, en sécurité ! 38- UNE QUESTION À LAQUELLE TU N’AURAIS PAS RÉPONDU
Je n’en ai pas, non.
39- UNE QUESTION QUE TU AURAIS VOULU QUE JE TE POSE ? LA RÉPONSE ?
Qui t’a donné le conseil le plus judicieux ? Jeannie Longo. C’est elle qui m’a orienté vers un mode d’entraînement particulier. Au lieu de faire les week-ends chocs, deux sorties longues sur un week-end (2 x 8 h par exemple), je fais des cycles de 1 h 30 de sport et 1 h 30 de repos sur une période de 24 h. J’alterne plusieurs sports dans cette journée pour soulager les articulations. Le travail et surtout la récupération sont de bien meilleure qualité. 40- POUR FINIR, UN TRUC QUE TU AS ENVIE DE DIRE ?
Je voudrais que les personnes qui n’osent pas faire un ultra essaient d’appréhender les choses d’une manière différente : il est presque facile de finir un ultra si vous étudiez bien le truc. Ne pas faire que courir à l’entrainement : sur les 30 h de l’UTMB j’ai dû courir 15 h environ donc il faut s’entraîner à faire des pauses actives en marchant vite sans s’arrêter ou le moins possible. J’aborde de plus en plus l’ultra d’une façon « multisports ».
6 NUMÉROS 1AN
59€
au lieu de 72€
Prix au numéro : 12 €
213 ABSOLU
Je lis beaucoup de livres à ce sujet, je suis en recherche permanente.
PUR MOMENT | LE SOURIRE DE BOBBI
PUR MOMENT
AUTHENTIQUE | ULTRA par Laurent Vercueil
MARATHON DE BOSTON 1966, ROBERTA GIBB PARTICIPE MALGRÉ L’INTERDICTION DE COURIR DES FEMMES
LE SOURIRE DE BOBBI
Le
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hall d’un hôtel, de classe moyenne. Le mobilier froid, aux angles droits, et la rondeur boursouflée d’une lampe surmontée d’un abat-jour cylindrique et blanc, sommaire. Posées sur la table, quelques revues rapidement empilées, jamais ouvertes. Enveloppée d’une couverture dont les plis ne couvrent pas ses jambes fuselées, une jeune femme regarde l’objectif en souriant. Elle se tient droite, un peu au bord du fauteuil, sans prendre appui contre le dossier. La fatigue qui tire ses traits ne l’empêche pas d’irradier une grande fraîcheur. Une mèche rebelle lui traverse le visage, suivant un ovale parfait frôlant l’œil droit, clair et franc. Elle respire la sérénité, et on se demande ce qu’on ferait, hein, à la place du photographe. Est-ce qu’on n’irait pas l’embrasser ? Il n’est pas forcément nécessaire de dépasser la distance du marathon pour courir un ultra. Roberta « Bobbi » Gibb en est la preuve. 24 ans, un beau sourire, et un marathon juste fini. À une époque où une femme ne dépassait pas la distance d’un mile et demi en compétition (2400 m) sans que l’on craigne pour sa vie… C’est ce que lui avait répondu le directeur du marathon de Boston lorsqu’elle avait fait acte de candidature, avec la naïveté confondante de sa jeunesse. Nous sommes en 1966. Un marathon pour une femme ? Vous êtes inconsciente. Autant vouloir se suicider tout de suite. Ou devenir stérile, ou quelque autre grave consé-
FAITS MARQUANTS DE PURS MOMENTS D’ULTRAFOND Retrouvez dans nos pages ces moments qui ont marqué l’histoire du sport : retranscrits par des spectateurs, des officiels, des compétiteurs ou de simples passants, ils provoquent des résonnances encore aujourd’hui dans notre manière de vivre l’ultra.
quence. Que les femmes se contentent de courir des distances déjà bien assez longues pour elles ! Un mile, c’est déjà ça ! C’est mal connaître Bobbi. Recouverte d’un sweat informe piqué à son frère et qui est censé masquer sa féminité aux yeux des participants, elle s’élance au milieu du peloton masculin, ce mardi 19 avril 1966. Elle a bien préparé sa course, couvrant à l’entraînement des distances quotidiennes dépassant les 50 kilomètres. Aussi ne craint-elle qu’une chose : être découverte.
215 ABSOLU
HISTOIRE | LÉGENDE
Découverte, elle le sera. Et assez vite. Comment ne pas deviner, sous les oripeaux, la présence d’une vraie princesse? Alors, lorsqu’elle comprend que des coureurs placés derrière elle commencent à douter de son identité, elle se retourne vers eux, et, simplement, leur sourit. Il faut croire que ce sourire eut le même effet que sur notre photographe : la foule d’hommes se tut, et personne ne l’empêcha de courir jusqu’au bout. Parmi les spectateurs, la rumeur de la présence d’une femme dans le peloton se répandit comme une traînée de poudre, si bien que tous scrutaient les visages dans l’attente de voir arriver la fraudeuse. Bobbi boucla le marathon en 3 h 21 mn. Largement dans la première moitié du peloton, laissant plus d’hommes derrière elle qu’il n’y en avait devant. Il fallut attendre six ans encore pour que le marathon de Boston ouvre définitivement ses portes à la participation féminine. En 1972, Elles furent 8 à se présenter au départ. Bobbi avait déjà participé aux éditions de 66, 67 et 68. Une authentique pionnière. Et ce sourire, on le reconnaît. C’est celui des pionniers. De ceux qui ouvrent une brèche.
Banzaï ! QUAND UN NÉVÉ VERSION XXL S’INVITE SUR UN PARCOURS DE TRAIL, IL N’Y A QU’UNE CHOSE À FAIRE : CRIER « BANZAÏ ! » ET FONCER. ÇA GLISSE, ÇA MOUILLE, ÇA FAIT FROID DANS LE DOS, MAIS AU FINAL C’EST L’ÉCLATE. EN PLUS VOUS BATTREZ VOTRE RECORD DE VITESSE EN DESCENTE, ET VOUS VOUS ENTRAÎNEREZ POUR LES PROCHAINS JO, OPTION LUGE OU SLALOM GÉANT.
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ICE TRAIL TARENTAISE 2013 © Akunamatata - Photossports
L’enneigement important de l’hiver 2012-2013 a marqué de nombreuses épreuves en 2013
PRÊTS POUR LA LUGE AUX JO !
ICE TRAIL TARENTAISE 2013 © Akunamatata - Photossports
# 4 • MARS-AVRIL 2014
RECORD DE VITESSE DESCENTIONNELLE BATTU !
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OBJET ROULANT NON IDENTIFIÉ
RYNO LA MOTO MONO-ROUE
ZONE
4.EVER PININFARINA CAMBIANO STYLO Quand Pininfarina s’inspire de la Ferrari Cambiano pour créer un stylo éternel, cela donne le 4.EVER (littéralement : pour toujours). Un stylo racé, alliage de bois précieux et de métal. Hybride entre crayon et stylo, le 4.EVER a le don d’être inusable avec sa pointe en alliage« ethergraf ». La pointe du crayon Pininfarina laisse une empreinte telle une mine graphite, mais indélébile. Le prix n’est pas encore connu, mais grâce à l’économie des cartouches d’encre, peut être rentrerez-vous dans vos frais au bout d’une centaine d’années. Prix non communiqué pour votre santé financière.
POUR BRANCHÉS
QUI VEULENT AVOIR DU STYLE
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Chris Hoffman, le concepteur de ce petit joujou tout droit sorti d’un manga, compte commercialiser la moto mono roue pour le second semestre de l’année 2014. Le Ryno, c’est son nom, tient en équilibre grâce à des systèmes gyroscopiques et accéléromètres. Il est propulsé par des moteurs électriques d’une autonomie de 16 km et se meut à la vitesse d’un (bon) coureur à pied : 16 km/h. Il suffit de s’incliner de gauche à droite pour changer de direction et d’avant en arrière pour gérer la vitesse. La technologie mono-roue a un prix : 3870 €. http://tinyurl.com/ultra04-ryno
GARMIN VIRB ELITE # 4 • MARS-AVRIL 2014
STYLO STYLÉ
TESTEZ LA CAMÉRA DE VOS RÊVES Vous voulez tester la toute nouvelle VIRB Elite, la caméra d’action lancée par Garmin ? Profitez de l’opération de recrutement de la marque, qui cherche 100 testeurs issus de toutes origines sportives, mais aussi de la vie de tous les jours. La VIRB Elite s’annonce comme une rupture technologique dans le secteur des caméras d’action : GPS intégré, boîtier rigide et étanche qui ne nécessite pas de caisson additionnel, autonomie de plus de 3 heures d’enregistrement en qualité HD, écran intégré, données physiologiques pouvant être incrustées dans la vidéo… Rendez-vous jusqu’au 31 mars sur www.jetestelavirb.com pour participer à l’opération.
MINIMALISTES
LES VFF S’ADOUCISSENT Les concepteurs des Vibram Five Fingers (VFF) rendent le modèle Bikila plus abordable en insérant une couche intermédiaire de polyuréthane de 2 mm entre votre pied et la semelle. Cette chaussure s’adresse aux coureurs n’ayant pas encore assimilé la technique de prise d’appui avant-pied. Souplesse et flexibilité ne sont en rien sacrifiées, le confort gagné sera très utile quand la fatigue commencera à dégrader la foulée. Prix 129 €
221 ACCESSOIRE SMARTPHONE
LA SONNERIE OLFACTIVE Voilà un objet connecté qui vous fera sentir de suite la différence. Scentee, a contrario d’autres gadgets envahisseurs de notification sonores ou visuelles, mettra à contribution votre odorat. Scentee est un diffuseur d’odeur : 5 parfums sont disponibles en fonction de la cartouche choisie - rose, fraise, café, lavande et romarin. Ainsi vos notifications se transforment en odeur. À quand le parfum des alpages fraichement coupés lorsque votre collègue sportif vous téléphone pour aller courir ?
OBJET CONNECTÉ
LE PYJAMA QUI SURVEILLE BÉBÉ Pour les parents geeks ou stressés (voire les deux), l’arrivée du phénomène « quantified self » fait irruption dans la santé des tout petits sous la forme d’un vêtement de nuit en coton, body Mimo, intégrant une puce bluetooth connectée en forme de tortue. Avoir sur son smartphone les constantes vitales de son nourrisson (cycle de respiration, température corporelle) est certes utile, mais un poil anxiogène quand l’alarme de l’application Mimo vient à sonner. Pas de panique, il s’agira sans doute d’une alerte de changement de position ou du niveau d’activité de bébé. Au-delà d’un simple lanceur d’alerte, le body Mimo collecte les statistiques liées au bien-être du petit : temps de sommeil cumulé, période d’agitation, etc. Trois tailles de pyjamas sont disponibles entre 0 et 1 an. Lancement prévu aux états unis fin février 2014 au prix de 199$.
CASQUE AUDIO
ET GLYPH AJOUTA L’IMAGE AU SON Ed Tang, Directeur Général d’Avegant, a mêlé habilement le monde de l’audio à celui de la vidéo. Avec Glyph, le casque haut de gamme équipé de la technologie Noise Cancelling atténuant le bruit environnant, la projection d’images est intégrée. Un arceau projette directement les images sur vos rétines à l’aide d’un réseau de miroirs et de diodes. Glyph a fait appel à la plateforme de financement participative kickstarter. Lancée le 22 janvier, la campagne a récolté 250 000 $ en moins de 4 heures !
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LUNETTES
VTT
PASSEZ VOTRE MOUNTAIN BIKE À L’HEURE D’HIVER
UN SIXIÈME SENS POUR LES CYCLISTES Le modèle 6th Sense de Bollé apporte son lot d’innovations pensées par et pour des cyclistes : élargissement du champ de vision vertical, si important notamment quand le cycliste se trouve en position de contre la montre ; flux d’air pour la buée entièrement repensé avec l’agrandissement latéral du masque ; branches et plaquettes de nez en thermogrip assurant un maintien maximal ; verres interchangeables oléophobes, hydrophobes, et d’une clarté similaire au verre minéral.
Peut-être n’avez-vous pas envie d’investir dans un « fat bike », la nouvelle mode de VTT aux roues survitaminées faites pour rouler sur la neige ? Le Ktrak Snowmobile kit est fait pour vous. Compatible avec la majorité des VTT, il transforme votre roue avant en ski et votre roue arrière en chenillette. Voilà un scooter des neiges qui roule (glisse ?) à l’huile de coude. Prix : 612 $. http://tinyurl.com/ultra04-ktrak
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Prix 169,99 €
SURVEILLANCE
UN JEU POUR SURVEILLER UNE FRONTIÈRE
CHAUSSURES
VIVOBAREFOOT LA MINIMALISTE FURTIVE Le concepteur de la marque Vivobarefoot, Galahad Clark, est issu de l’illustre famille de fabricants de chaussures Clark’s. Un déterminisme familial qui incite à laisser une empreinte, certes minimaliste, mais porteuse d’un grand développement à venir tant le concept de Galahad Clark est limpide. Le modèle Stealth (furtif) destiné à la course sur route possède les attributs de la marque, à savoir : une semelle ultra fine et ultra flexible de 3 mm, résistante à la perforation. Construite pour favoriser la proprioception, la Stealth a été conçue pour offrir un retour sensoriel optimal et un chaussant parfait, une flexibilité et un ressenti très proches de la perception piednus. Bref la construction zérop-drop et le chaussant anatomique collent à la philosophie de l’entreprise : mener une vie saine en étant pieds nus et se déplacer naturellement toute la journée. Ultra simple ! Poids 200g. Prix 145 € sur www. commepiedsnus.com
GANTS
ENIGMA LA SOLUTION POUR TAPOTER AU CHAUD La technologie On®Tip sur le bout des doigts va être bénie par vos extrémités. Plus besoin de se séparer de cette paire de gants imperméables en cuir de chèvre pour répondre au téléphone. L’énigma bénéficie en plus des couches Helly Hansen éprouvées comme l’isolation primaloft®One, Helly Tech®Protection. Les portraits selfie en position d’extrêmes températures vont pouvoir fleurir sur les réseaux sociaux ! Prix : 119,95€
Jan Kwan Ko n’aurait jamais pensé un jour que sa console Kinect (Microsoft) servirait pour le très sérieux programme de surveillance de frontière entre les deux Corées. La zone démilitarisée entre les deux pays sera systématiquement scannée par le détecteur de mouvement issu de la console. La version suivante sera dotée de la détection de chaleur et de fréquence cardiaque. En résumé, Jan Kwan Ko va hacker la Xbox One de Microsoft. Quand vous jouerez à Call of Duty sur votre console, d’autres joueront un autre jeu bien réel.
OREILLETTE BLUETOOTH
REVIGOREZ-VOUS AVEC VIGO « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux. » Citation célèbre qui trône au seuil du temple de Delphes, mais qu’en est-il de « éveille-toi toi-même » ? Vigo, oreillette bluetooth 4.0, pourrait-elle apporter la réponse ? Car plus qu’un outil de communication, c’est un détecteur de vigilance qui scrute vos yeux et les mouvements de votre corps. L’utilisateur paramètre l’alerte selon ses goûts : une led clignotante, vibreur ou musique vous ramènera à un niveau de vigilance normal. Plus grande qu’une oreillette standard afin de pouvoir analyser le mouvement des yeux, Vigo doit être portée tout au long de la journée pour analyser ensuite les données sur l’application smartphone (Android, iOS). Des suggestions de routines sont alors proposées à l’utilisateur. Un intérêt qui peut être primordial lors de longues périodes d’activités réduites comme lors de trajets en voiture. Le projet a levé 57 000$ sur kickstarter, amplement suffisant pour une commercialisation aux États-Unis à partir de juin 2014. Prix : 119$. http://tinyurl.com/ultra04-vigo
LUNETTES
CAMÉRAS EMBARQUÉES
GUIDEZ VOTRE VUE
SHIMANO ENTRE DANS LA DANSE
Expertise, c’est le mot qui vient à l’esprit quand on évalue les dernières lunettes de montagne Proguide de Cébé. Conçue en collaboration avec le Syndicat National des Guides de Haute Montagne (SNGM), la Proguide saura répondre aux exigences des alpinistes avec des branches bi-injectées flexibles pour passer sous le casque sans casse, amovibles pour être remplacées par la version bandeau en cas de situations engagées. La ventilation située en bas des verres autorise une circulation d’air sans laisser passer la lumière, et les protections latérales en gomme bloquent la luminosité latérale, réduisant la fatigue oculaire. Prix entre 89 et 119 € selon coloris
La firme du soleil levant n’en finit plus d’étendre sa gamme de produits : Shimano entre de plain-pied dans le lucratif marché des caméras embarquées. Avec des arguments plus qu’honorables, la CM-1000 espère convaincre les sportifs baroudeurs avec son étanchéité à 10 m (sans caisson) et sa luminosité deux fois plus grande que la référence du marché, la Gopro Hero 3. Grand angle (180°) et compatible ANT+, Wifi, 1080 HD, pilotable par iOS et Android, il ne manque pas grand-chose pour en faire une prétendante au podium. Prix 299 $, disponible en mai 2014. http://tinyurl.com/ultra04-cm1000
TEXTILE
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EYELOCK CULTIVE LES IRIS # 4 • MARS-AVRIL 2014
OBJET CONNECTÉ
Qui n’a jamais pesté contre le couple infernal login/ mot de passe oublié ? La société new yorkaise EyeLock propose au grand public une technologie de reconnaissance de l’iris autrefois réservée aux entreprises. Pas plus grand qu’une souris, l’objet connecté par USB pourra servir évidemment à se connecter sur son ordinateur mais aussi à accéder à différents services en ligne comme les banques, les services de santé, etc. Cette technologie d’identification d’iris apporte une fiabilité remarquable avec ses 240 points de reconnaissance. Le risque d’erreur est de 1 sur 2250 milliards contre 1 sur 10 000 pour l’empreinte digitale. Seule l’empreinte ADN peut se targuer de faire mieux. Et pour les esprits tordus qui veulent emprunter l’iris de quelqu’un d’autre, Myris sait faire la différence entre un iris vivant ou mort. Prix sous les 299 $. http://tinyurl.com/ultra04-myris
AQUALIGHT NE SE MOUILLE PAS La marque Aquasphère dévoile sa nouvelle collection de maillot de bain homme et femme dotée de la technologie AquaLight® en collaboration avec Nanotex le spécialiste des tissus hydrofuges. L’AquaLight® est une barrière qui repousse l’eau de l’intérieur vers l’extérieur. Le maillot est respirant, permet une meilleure flottabilité et pénétration dans l’eau. Le confort dans et hors de l'eau ! Prix 36,99 € le maillot de bain tiki de la collection femme. http://tinyurl.com/ ultra04-aqualight
UN ANNEAU POUR LES CONTRÔLER TOUS Fin est une bague au design branché que l’on met au pouce. Objet connecté bluetooth 4.0, il est destiné à prendre le contrôle de tout objet télécommandé : TV, voiture, tablette, maison… le choix est vaste. Fin est étanche, dispose d’une autonomie d’un mois, se recharge par USB. La bague analyse tous les mouvements du pouce sur la paume de la main, la transformant en une interface d’analyse de geste. Augmenter le son de l’autoradio, baisser les radiateurs, écrire des SMS : les choix sont infinis. Prix : 120$, disponible à partir de septembre 2014
VÊTEMENT INTELLIGENT
DIGITAL SHIRT PREND DES MESURES VITALES L’entreprise lyonnaise Cityzen Sciences porte en elle de nombreux espoirs. Ce n’est pas moins que le renouveau de la filière textile que visent les concepteurs. Le programme industriel « smart sensing » avait été sélectionné par Ubifrance pour représenter la France au CES de Las Vegas 2014. Le maillot D-shirt analyse de nombreux paramètres vitaux du sportif tels les battements cardiaques, les accélérations, position, vitesse et altimètre. Les capteurs minuscules sont tissés dans la fibre même du maillot en des points précis. Une puce amovible située dans le dos centralise les données et les transmet au smartphone (Android, iOS) en temps réel. Cette puce constitue un véritable écosystème d’algorithmes déterminant des applications telles que l’analyse de la fatigue, et dans le futur une prévention de l’hypertension artérielle ou de l’arythmie cardiaque. Des applications qui montrent une stratégie allant bien au-delà du monde sportif. Le maillot D-Shirt sera disponible à partir du second semestre 2014 à un prix non communiqué pour le moment. http://tinyurl.com/ultra04-dshirt
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TRAUMATOLOGIE
TEXTILE
GEL ANTI INFLAMMATOIRE NON STÉROÏDIEN
EFFICACE ET STYLÉE
Ibufetum® 5% gel a pour principe actif l’ibuprofène. Son efficacité anti-inflammatoire locale et antalgique est comparable à celle de la voie orale, permettant une récupération fonctionnelle rapide tout en diminuant le risque d’effets indésirables (gastrites, ulcères etc.), particulièrement chez le sujet fragile. L’ibuprofène a une absence d’effet photo-sensibilisant. Cette balance bénéfice risque favorable a conduit à l’inscription d’Ibufetum® 5% gel sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux avec un remboursement à 30%.
PATCH BIEN-ÊTRE
DES MICRO-COURANTS SINON RIEN Painmaster MCT se compose de 2 patchs-électrodes auto-adhérents, reliés par un câble incluant une batterie d’une autonomie de 300 heures, et produisant un courant imperceptible de 50 µA (micro-ampères). Les électrodes sont à placer de part et d’autre de la zone douloureuse. Painmaster est recommandé pour les douleurs dorsales, articulaires et musculaires, qu’elles soient chroniques ou liées à une activité sportive. De par sa taille réduite, le Painmaster peut facilement s’utiliser sous des habits de façon quotidienne. Prix 29,90 € - www.AtlantisMedicalSystems.fr
BRACELET CONNECTÉ
POLAR NE SE LOUPE PAS Capuche avec ouverture pour laisser place à la queue de cheval, ouverture dans les manches pour y glisser ses pouces et ainsi protéger ses paumes, une poche zippée invisible pour y glisser sa clé ou des affaires sensibles, tout est pensé pour la praticité sans concéder à un design soigné. Bandes réfléchissantes pour la sécurité sont présentes et la Lightning Dry® technologie de New Balance offre une respirabilité et un séchage adéquat. A partir de 60 €
Polar, inventeur du cardiofréquencemètre et du coaching électronique des sportifs, lance un bracelet d’activité à destination de tous. Waterproof (20 m) et d’un prix accessible, il est doté du protocole bluetooth smart compatible avec les émetteurs de fréquence cardiaque H6 et H7 Polar. La fonction smart coaching vous dispense des conseils personnalisés. La plateforme web polar flow et l’application smartphone vous aide à rester connecté en permanence et à partager vos nombres de pas et calories dépensées. Prix 89,90 €
ÉCOUTEURS
ISPORT RÉSOLUMENT BRANCHÉ SPORT Les écouteurs Isport monster intensity s’insèrent confortablement en toute sécurité, sont résistants à la sueur, et produisent une très bonne qualité d’écoute dans leur gamme. Le design ouvert laisse passer les bruits de circulations pour ceux qui courent en environnement urbain. Compatible avec l’Iphone (télécommande et micro), il autorise une conversation téléphonique. Prix : 99 €. Contact: France@monsterproducts.com
SKI DE FOND
TRANSPORT FACILITÉ Récompensé par l’ISPO award 2014, le Thule SkiClick a été développé pour emmener vos skis de fond au pied des pistes de manière simple et intelligente. Le SkiClick peut être fixé au mur pour ranger vos skis lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Il se transforme aussi en sangle pour transporter aisément vos skis, et surtout il est capable de servir de porteskis de toit pour un transport en voiture. Thule SkiClick sera disponible à partir de mars 2014 au prix conseillé de 45 €.
VESTE
IMPERMALITE LA VESTE TOUS TERRAINS DE MIZUNO La veste de pluie Impermalite est faite pour la pratique du running par temps de pluie ou de vent. Respirante et déperlante, elle intègre aussi les technologies NightLite™ - logos réfléchissants - et DynaMotion Fit™ Patterning - conception spécifique qui permet un meilleur ajustement du vêtement, pour suivre au plus près les mouvements du corps, offrant une totale liberté de mouvement pendant l’effort. Prix : 80 €
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CAMÉRA EMBARQUÉE
LE GRAND JEU Derrière l’acronyme AEE SD23 se cache un concentré de technologie : large choix de résolutions vidéo jusqu’à 1080p, grand angle de vue de 175°, capteur permettant de faire des photos jusqu’à 16 méga pixels, ouverture focale de 2.6 pour des vidéos en faible luminosité. La caméra possède une visée laser pour cadrer les vidéos et une télécommande HF waterproof. La PNJ CAM AEE SD23 est disponible dans un pack complet incluant écran LCD détachable, batterie supplémentaire doublant l’autonomie de 2 à 4 heures, télécommande, caisson antichoc et étanche jusqu’à 60 m, et kit antibuée. Prix 249 €. http://tinyurl. com/ultra04-SD23
ULTRA-TRAIL WORLD TOUR
LE CIRCUIT INTERNATIONAL DE TRAIL
VIBRAM® TARAWERA ULTRAMARATHON
L’Ultra-Trail World Tour (UTWT) rassemble à ce jour 10 épreuves très différentes les unes des autres. On y trouve des ultra-trails de 100 km à 100 miles dans des environnements très diversifiés. On y trouve également une course à étapes, le Marathon des Sables. L’objectif annoncé de l’UTWT est d’inviter les coureurs à sortir de leur pays, de leur continent, à découvrir d’autres cultures, mais aussi à se confronter à de nouvelles expériences. www.ultratrailworldtour.com
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L’ÉPREUVE DU MOIS
CALENDRIER
Ultra-Trail World Tour 2014
1 | 18 ET 19 JANVIER | 2 | 1 ET 2 MARS | 3 | 15 MARS | 4 | 4 AU 14 AVRIL | 5 | 24 AU 27 AVRIL | 6 | 17 ET 18 MAI | 7 | 27 ET 28 JUIN | 8 | 28 ET 29 JUIN | 9 | 25 AU 31 AOÛT | 10 | 23 AU 26 OCTOBRE |
Vibram® Hong Kong 100 - Hong Kong, Chine The North Face® Transgrancanaria - Espagne Vibram® Tarawera Ultramarathon - Nouvelle-Zélande Marathon des Sables - Maroc Ultra-Trail Mt.Fuji® - Japon The North Face® 100 Australia - Australie The North Face® Lavaredo Ultra Trail - Italie The Western States 100 Mile Endurance Run - Etats-Unis The North Face® Ultra-Trail du Mont-Blanc® - France, Italie, Suisse La Diagonale des Fous - Ile de La Réunion, France
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Type : Ultra-trail non-stop Lieu : Bay of Plenty, North Island (Nouvelle Zélande) Date : 15 mars Environnement : forêts exotiques, brousse Première édition : 2009 Distance : 100 km Dénivelé : 2776 m D+ Temps limite : 11 h au km 69 Résultats 2013 : 100 finishers sur le 100km, 78 sur le 85 km, 130 sur le 60 km, plus 25 équipes de 2 ou 4 Vainqueurs 2013 : Sage Canaday (États-Unis - 8:53:34) et Ruby Muir (Nouvelle-Zélande - 10:30:11) Site web : www.taraweraultra.co.nz
LORSQUE VOUS LIREZ CE NUMÉRO, LA TRANSGRANCANARIA 2014 SERA TERMINÉE
Qui de Fernanda Maciel, Nerea Martinez, Francesca Canepa, Nathalie Mauclair, Nuria Picas, ou de Scott Jurek, Sébastien Chaigneau, Julien Chorier, Antoine Guillon, Cyril Cointre, Christophe Le Saux, Timothy Olson, Miguel Heras, Zigor Iturrieta, Mike Wolfe, Jez Bragg, sera parvenu le premier au bout des 126 km ? Et encore, cette quinzaine de noms ne représente qu’un extrait de la starting-list élite… Le plateau cette année sera (était) tout simplement fantastique… Effet UTWT ?
WHAT AN ADVENTURE | SUR LES TRACES DU TEAM WAA
TEAM WAA
Agents Secrets
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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Vous les avez peut-être déjà vus. Vous allez les voir plus souvent. Quatre hommes dans le vent, regroupés sous la bannière WAA, dont l’objectif est de vous faire vibrer, et vous raconter de jolies histoires. Nous avons découvert leurs secrets.
A
ntoine, Christophe, Vincent, Cyril. À peine arrivés sur Terre, les quatre sportifs ont déclaré leur allégeance au roi Liberté et à dame Nature. Inutile de vouloir les faire rentrer dans des cases, ils sont insaisissables. Le tout nouvel équipementier WAA (What An Adventure) a réussi à les regrouper, pour les aider à rêver encore plus. Et pour nous faire partager quelques histoires peu banales.
ANTOINE, ROI DE L’APNÉE Antoine Guillon, tout comme Alain Prost, c’est « le Professeur ». Antoine, c’est le gars qui apprend sa course par cœur avant d’y participer. Et il pousse la logique à bout, jusqu’à emporter des antisèches avec lui partout où il va, des semaines avant l’épreuve. Mais son secret est ailleurs… En 1988, Antoine Guillon organise un jeu avec ses copains de classe. Il faut tenir le plus longtemps possible la tête sous l’eau. Il tient 5 mn 25 s. L’année d’après, c’est 6 mn 16 s qu’il tient. Les records enregistrés par l’Association Internationale pour le Développement de l’Apnée (AIDA) commencent en 1994 avec 6 mn 48 s pour Andy Le Sauce. Antoine était-il au courant ?
CHRISTOPHE, TIREUR D’ÉLITE À l’inverse, Christophe Le Saux est un « total improvisateur ». Christophe court, tout le temps, partout, comme il le sent. Surnommé « Le jaguar » à cause de son allure féline, il a lui aussi quelques petits secrets… Christophe Le Saux, après ses études, s’engage dans l’armée pendant 16 ans. Infirmier d’unité, il est également transmetteur, tireur d’élite, chef de groupe, etc. Il passe 7 ans à l’étranger, à la fois sur les théâtres d’opération (Afrique, Ex-Yougoslavie, Amérique du Sud) et en stages commando. Il touche à tout et collectionne les licences dans des sports aussi divers que la boxe, le tennis, le ping-pong, le cyclisme, le parachutisme, ou la plongée.
TEAM WAA ET ULTRA MAG L’équipe WAA est née en janvier 2014. L’aubaine était trop belle pour Ultra Mag pour ne pas saisir la balle au bond et vous faire suivre les coulisses d’une histoire qu’on sait déjà jolie. Est-ce qu’on a reçu des pots de vins ? Non. Des pots de bière, plutôt, et de la bonne. Des sous ? Non. Mais on a failli tous finir saouls la dernière fois qu’on s’est vus. En revanche, nous connaissions déjà ces quatre énergumènes et les retrouver tous ensemble, ça nous est apparu
comme un truc super chouette. Vous les retrouverez donc régulièrement à travers nos pages, et vous allez voir, vous aussi allez être conquis.
VINCENT, L’INVENTEUR DU TRAIL Vincent Delebarre semble plus mesuré. Normal, direz-vous, il est plus âgé de quelques années que ses compères. Certes, mais Vincent a presque inventé le trail à lui seul, qu’il pratique depuis 19 ans. Vincent a quasiment tout gagné, des Templiers à l’UTMB, mais il a d’autres secrets… Vincent a été moniteur et formateur montagne chez les chasseurs alpins pendant 24 ans. Voilà qui positionne le bonhomme. Guide de haute montagne, il maîtrise parfaitement les sommets, qu’ils soient enneigés ou pas. Pas mal pour un gars né à Lille, non ?
CYRIL, SUR TOUS LES TOITS DU MONDE Cyril Cointre, moins connu, mais aussi plus jeune, et pas moins dynamique. Toujours partant pour filer à l’anglaise, il aime à se décrire comme un vagabond. Le feeling est son credo, l’envie son moteur, le plaisir son objectif, ce qui ne l’empêche pas de régulièrement monter sur un podium. Facétieux, amoureux des grands espaces, il cherche avant tout à s’éloigner des sentiers battus, y compris dans la vie de tous les jours. Et devinez quoi ? Il a lui aussi un sacré secret. Un jour, Cyril part faire un tour en vélo. Heu… un tour… du monde. Au programme, deux ans de roulage avec pour objectif d’aller voir et de grimper les toits de chaque continent. Kilimandjaro, Aconcagua, Everest, seront sur son chemin. Il arrive au bas du toit du monde avec un ami, et ils achètent une toile de parapente avec pour objectif de s’envoler d’en haut. L’aventure finira à environ 8000 m, sans l’envol, mais quand même… PROCHAIN NUMÉRO
LA TEAM AUX CANARIES
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PLEIN CADRE
TRAIL DE LA SAINTE VICTOIRE 233
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À L’ASSAUT DU PRIEURÉ, NOUS PARTÎMES GUILLERETS NOUS SURGÎMES DES BRUMES DE ROUSSET CRIANT, VOCIFÉRANT, PRIANT LES ARMOIRIES DE NOS ANCÊTRES AU PLUS DRU ! MONTJOIE ! SAINT-DENIS ! AU NOM DE NOTRE MAÎTRE !
TRAIL SAINTE VICTOIRE (6 AVRIL) 12e édition, 58 km et 2900 m D+. Parcours Cézanne : 37 km et 1300 m D+.
Pour la 3e année, PhotosSports sera sur cette magnifique épreuve du Challenge des Trails de Provence. Crédit photo : Cyril Bussat - Pierre Alessandri. www.trailsaintevictoire.fr
CAHIER COURSES Toute l’actualité des ultra-épreuves, passées et à venir
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# 4 • MARS-AVRIL 2014
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TRANSOMANIA RAID DÉSERTIQUE
© PhotosSports – Cyril Bussat
Un raid non-stop de 300 km, 100 heures maximum, de la montagne, des canyons et des dunes, 12 check-points, 45 coureurs au départ, 29 à l’arrivée, une victoire main dans la main… Que rêver de mieux pour une première édition sous ce format, au Sultanat d’Oman ? www.raidsahara.net
CAHIER COURSES
ÉVÈNEMENTS À VENIR
LE GRO PASSE À 100 MILES ULTRA-TRAIL Le Grand Raid Occitan (GRO) étend son format pour passer à 165 km et 9 800 m D+. Au programme 8 ascensions majeures, des gorges, un formidable enchaînement qui vous fera traverser des paysages ultra sauvages. 50 heures de délai, attention, ce n’est pas une mince affaire… Hérault, 30 mai, www.6666occitane.fr
# 4 • MARS-AVRIL 2014
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LA BADWATER FAIT DES PETITS ÉTATS-UNIS Vous connaissiez bien évidemment la Badwater : 135 miles de course sur route dans la Vallée de la Mort aux Etats-Unis, une température à faire cuire un œuf dur en mois d’une minute, et des coureurs qui luttent contre l’hyperthermie avec leur équipe d’assistance de choc. En 2014, deux autres « Badwater » verront le jour, formant un challenge qui consiste à terminer les trois épreuves dans l’année civile… Dans l’ordre : Badwater Cape Fear (54,4 miles, Caroline du Nord, 22 mars), Badwater Salton Sea (135 miles, Californie, 5 mai), Badwater World’s Toughest (135 miles, Californie, 21 juillet). www.badwater.com
6 JOURS DE FRANCE ULTRAMARATHON Les 6 jours d’Antibes ont vécu, les 6 jours du Luc ont vécu, bienvenue aux 6 jours de France, tout simplement ! En 2014, ils éliront domicile à Villefranchesur-Mer, du 28 septembre au 4 octobre. 144 heures de course à pied non-stop, en individuel ou par équipe de trois, ce sera la 9e édition de ces 6 jours nés sous l’impulsion de Gérard Cain, coureur d’ultra… ultra passionné. Circuit d’un kilomètre annoncé comme très performant, un cadre grandiose, une organisation éprouvée… Tout pour passer un superbe (long) moment. www.6jours-de-france.fr
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CAHIER COURSES
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Le trail le plus barge de Normandie, c’est la BARJO : le 15 juin 2014, mais à notre avis, c’est surtout le Raid de l’Archange, 270 km en semiautonomie, soit le plus long trail français. Il fallait être Normand pour l’inventer. www.labarjo.fr
MARATHON DE BORDEAUX L’agglomération bordelaise devrait avoir son marathon « sérieux » (par rapport à celui du Médoc) en novembre 2014 avec le marathon des ponts. L’ambition est de recruter 10 000 coureurs dès la première édition.
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DES ROCS PARTOUT VTT Le Roc d’Azur, l’épreuve de VTT emblématique, fait des petits : les Rocs d’Ardenne (1e édition, en Belgique), des Alpes (2e à La Clusaz), de Paris (1e), des Andes (1e en 2013, en Argentine). Le concept de salon du VTT allié à une véritable fête et à des épreuves calibrées pour tous les niveaux plait et s’exporte. www.rocazur.com
© Alexander Demyanenko - Fotolia.com
RAID PÉDESTRE
OBJECTIF 10 000 COUREURS
© Stefan Schurr - Fotolia.com
LA BARJO AU RENDEZVOUS
© A. Chaumontel
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MAXI RACE Ultra-trail 150 NEW YORK TRIATHLON Triathlon 129 NYRR NYC 60K Ultramarathon 129 RACE ACROSS AMERICA Ultra-cyclisme 207 RAID DE L’ARCHANGE Raid pédestre 238 RALLYE MÉDITERRANÉE-NIGER Raid motorisé 25 RALLYE PARIS-DAKAR Raid motorisé 26 ROC D’AZUR VTT 238 SELF-TRANSCENDENCE 3100 MILE RACE Ultramarathon 129 SEMI-MARATHON DE CABRIÈS Course à pied 30 SUR LA TRACE DES DUCS DE SAVOIE Ultra-trail 37 TARAWERA ULTRAMARATHON Ultra-trail 229 THE NORTH FACE® ULTRA-TRAIL DU MONT-BLANC® Ultra-trail 36, 187, 208 TOUR DE FRANCE Cyclisme 149 TOUR D’IRLANDE Ultra-cyclisme 207 TRAIL DE LA SAINTE VICTOIRE Ultra-trail 232 TRANSOMANIA Raid désertique 234 ULTRA DU BEAUFORTAIN Ultra-trail 210
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24 HEURES DU VENTOUX Ultra-cyclisme 209 6 JOURS DE FRANCE Course horaire 236 6000D Ultra-trail 149 6666 OCCITANE Ultra-trail 176 BADWATER Ultramarathon 236 CROSS DU PONTET Cross-country 180 EMPIRE STATE BUILDING TUN UP Course d’escaliers 129 FESTA TRAIL PIC ST-LOUP Ultra-trail 210 GRAND RAID OCCITAN Ultra-trail 236 ICE TRAIL TARENTAISE Ultra-trail 216 LA MARMOTTE Cyclisme 209 L’ÉCHAPPÉE BELLE Ultra-trail 163 LINCOLN TUNNEL CHALLENGE 5K Course à pied 129 MARATHON DE BORDEAUX Course à pied 238 MARATHON DE BOSTON Course à pied 214 MARATHON DE NEW YORK Course à pied 128, 130 MARATHON DES SABLES Raid désertique 26 MARSEILLE-CASSIS Course à pied 31
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RETROUVEZ EN UN COUP D’ŒIL LA PAGE OÙ NOUS PARLONS DE LA COURSE QUI VOUS FAIT ENVIE, OU DONT VOUS AVEZ DISPUTÉ LA DERNIÈRE ÉDITION.
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23 MARS Tous devant votre télé pour le MILANSAN REMO, grande classique cycliste italienne de 298 km que disputeront 25 équipes de 8 coureurs.
29 MARS L’ECOTRAIL DE PARIS IDF vous donne rendez-vous pour sa 7e édition, 3 distances jusqu’à 80 km plus trail en duo, randos et marches nordiques.
20 MARS Pour trouver vacances à votre pied, filez au SALON MONDIAL DE LA RANDONNÉE, à Paris porte de Versailles.
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26 MARS Julien et son père veulent participer à l’Ironman de Nice ensemble, alors que Julien vit dans un fauteuil roulant. L’occasion pour une famille de se reconstruire autour d’un exploit : DE TOUTES NOS FORCES..
AGE 20 23 26 NDA 13 19 23 MARS
AVRIL
13 AVRIL CHAMPIONNATS D’EUROPE DE DUATHLON POWERMAN à Horst (Pays-Bas). Au programme 15 km de course, 60 de vélo, puis 7,5 de course.
19 AVRIL Trois jours de VTT et 200 km pour réaliser la GRANDE TRAVERSÉE DU LIMOUSIN.
MARS
AVRIL
MARS
MARS
AVRIL
6 AVRIL Courez dans les rues de la capitale dédiée au 38e MARATHON DE PARIS.
5 AVRIL Un jour avant les pros, affrontez le TOUR DES FLANDRES et ses 259 km.
29 24 AVRIL
23 AVRIL Début des CHAMPIONNATS D’EUROPE DE BADMINTON à Kazan (Russie). 24 AVRIL Direction le Japon pour l’ULTRA-TRAIL DU MONT-FUJI (161 km, 9600 m D+, 1200 coureurs).
9 AVRIL Vous n’avez pas froid aux yeux ? Le MARATHON DU PÔLE NORD est fait pour vous.
4 AVRIL La grande aventure marocaine débute : LE MARATHON DES SABLES, 29e édition.
4
AVRIL
26 AVRIL
5
AVRIL
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MAI
1 MAI Départ des FOULÉES DE LA SOIE, au Laos (épreuve sportivo-touristique sur 10 jours).
12 AVRIL Nouveau parcours pour les 24 HEURES DE RENNES 2014 : c’est l’occasion de l’essayer !
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AVRIL
AVRIL
7 14
MAI
MAI
14 MAI N°5 ULTRAMAG
7 MAI Dans SARAH PRÉFÈRE LA COURSE, une jeune athlète de demi-fond québécoise se confronte aux dures réalités de la vie, et fait le choix de la course. 26 AVRIL Attention, Belgik’ Attitude inside au BABA RAID : trois versions dont le « Baba-Hard » et ses 24 heures de raid multisports par équipe de deux, course aux points en boucles et en autonomie.
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AVRIL
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Un peu perdu dans les acronymes ? Un terme difficile à appréhender ? Pas de souci, notre traducteur ultra > langage courant est là pour ça !
7ème édition
24 heures
épreuve de course à pied sur circuit d’une durée de 24 heures, le but étant de parcourir la plus grande distance possible pendant cette durée.
6 jours
épreuve de course à pied sur circuit durant 6 jours (144 heures) pendant lesquels il faut faire le plus de kilomètres possible.
6666 Occitane
ultra-trail se déroulant dans le massif du Caroux (Hérault).
GRP
Grand raid des Pyrénées, l’ultra-trail de fin août se déroulant dans les Pyrénées, plus de 160 km et 10 000 m de dénivelé positif. 6e édition en 2013. ultra-trail sauvage de 100 miles se déroulant dans les Rocheuses au États-Unis.
Ironman
TTN
Kilian Jornet
Course horaire
épreuve de course à pied sur route d’une distance de 42,195 km.
course à pied dont le but est de parcourir le plus de kilomètres possibles sur un circuit à répéter inlassablement.
D+
dénivelé positif, voir dénivelé.
D-
dénivelé négatif, voir dénivelé.
Dénivelé
différence d’altitude entre un point haut et un point bas. Dans une épreuve, le dénivelé représente le cumul de toutes ces différences d’altitude. On différencie le dénivelé positif (que l’on doit monter) du dénivelé négatif (que l’on doit descendre).
Diagonale des Fous
l’un des tous meilleurs ultra-trailers à l’heure actuelle.
Marathon
Marathon des Sables
raid pédestre d’environ 225 km en 6 étapes se courant dans le désert marocain. L’épreuve se déroule en auto-suffisance alimentaire. Elle a inspiré de nombreuses autres épreuves qui ont porté ce format dans d’autres régions du globe.
Marseille-Cassis
épreuve emblématique de la cité phocéenne, 20 km et une très belle côte, la Gineste.
OCC
Orcières-Champex-Chamonix, la toute nouvelle épreuve qui se déroule dans le cadre de l’UTMB.
Petite Trotte à Léon
l’épreuve-reine de l’île de La Réunion, dans l’Océan Indien, qui a lieu en octobre de chaque année, sur plus de 160 km et 10 000 mètres de dénivelé positif.
raid pédestre par équipe de 2 ou 3 se déroulant sur plus de 250 km dans le massif du Mont-Blanc.
FFA
épreuve cycliste consistant à traverser les Etats-Unis d’ouest en est (4800 km).
Fédération française d’athlétisme.
Finisher
athlète ayant terminé une épreuve en particulier.
Grand Raid de La Réunion voir Diagonale des Fous.
Tor des Géants l’ultra-trail le plus costaud à l’heure actuelle : 330 km et 23000 m de dénivelé positif pour faire le tour du Val d’Aoste, en Italie, en septembre.
Courmayeur Champex Chamonix (CCC)
ultra-trail au départ de Courmayeur et ralliant Chamonix sur 101 km et 6100 m D+.
épreuve cycliste non-stop consistant à faire le tour de l’île (2209 km).
Hardrock
un Ironman est un triathlon labellisé (circuit mondial officiel) qui offre d’enchaîner 3,8 km de natation, 180 km de vélo, et un marathon à pied.
Race Across America Scott Jurek
excellent trailer américain, également recordman américain des 24 heures.
Scratch
classement mêlant toutes les catégories et les deux sexes.
29-30 Mars 2014
Tour d’Irlande
Trail tour national, le challenge annuel de trail organisé par la FFA.
Ultra-Marathon toute épreuve de course à pied d’une distance supérieure à celle du marathon.
A PARIS
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LE TRAIL C EST CAPITAL TRAIL IS ESSENTIAL IN PARIS
80KM / 50KM / 30KM / 18KM
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Ultra-Trail épreuve de course à pied de longue distance (généralement plus de 80 km) se déroulant principalement sur des sentiers, avec une notion de semi-autonomie (alimentation, équipement), se déroulant souvent en montagne, mais aussi en campagne, forêt, sur le littoral, dans le désert…
UTMB® Ultra-Trail du Mont-Blanc. L’épreuve emblématique de l’ultra-trail, se déroulant chaque année fin août au départ de Chamonix, et traversant France, Italie et Suisse, dans un tour du MontBlanc de plus de 160 km et 8 000 mètres de dénivelé positif.
Trail course à pied sur sentiers.
VMA Vitesse maximale aérobie.
VMAa Vitesse maximale aérobie ascensionnelle.
VO2Max
consommation maximale d’oxygène pour un individu, exprimé en ml/min/kg. Ce débit est l’indicateur de la « cylindrée » d’un sportif.
Yiannis Kouros
ET AUSSI !
Le 14 septembre 2013 de Bruxelles /van Brussel
la légende de l’ultra-marathon, détenteur de quasi tous les records de 24 heures à 6 jours. Yiannis est né Grec et s’est fait naturaliser Australien. Devenez Fan/Follower
| NOUVELLE |
Cinq trajectoires de vie se recoupent pour le bonheur des uns et le malheur des autres.
Avant l’âge de 6 ans,
Paul n’avait jamais couru. Aussi sa mère l’avait-elle conduit chez un spécialiste, médecin obèse dont le cou débordait outrageusement du col, comme une guimauve grise et humide de sueur. Paul avait retenu sa respiration alors qu’il se laissait examiner par l’homme, afin d’éviter de renifler l’odeur âcre de son haleine. Il s’était tenu coi, avait vaguement opiné aux questions du médecin, puis regagné le fauteuil à côté de sa mère soucieuse. Le docteur avait brassé des papiers devant lui, puis avait tourné une grosse tête de batracien vers sa mère, ignorant l’enfant bravement assis, le dos bien droit, devant lui : « Madame, cet enfant est parfaitement normal ». Il reprit, en appuyant chaque syllabe : « parfaitement normal ». C’est dans le plissement silencieux des coins de la bouche de sa mère, qui semblait exprimer une forme subtile de déception, que Paul se forgea, immédiatement et avec la force d’une révélation, une conviction qui le poursuivit toute sa vie : jamais plus, il ne serait normal, parfaitement normal. Le lendemain, Paul courait. Il ne s’arrêta plus.
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LES COUREURS
HEUREUX SE RESSEMBLENT TOUS CHAQUE COUREUR
MALHEUREUX EST MALHEUREUX © Stefan Schurr - Jurgen Falchle - Fotolia.com
À SA MANIÈRE Par Laurent Vercueil
Le miroir ne trahit pas.
« Bande d’imbéciles »,
Mélina le savait, qui s’y reflétait dans toute sa vérité nue. Nue, dans le miroir. C’était l’un de ces meubles qu’on appelait, autrefois, une « psyché », long miroir mobile, articulé sur un châssis de bois, de hauteur d’homme. Étonnant qu’un miroir, dont la fonction est de réfléchir, se nomme « psyché », s’amusa Mélina. Le sourire ne dura pas. Elle avait noté un léger renflement de ses cuisses, son ventre lui sembla arrondi, elle trouva ses seins lourds. Rien de tout cela ne serait acceptable. Elle devait encore maigrir. Encore se priver. Elle aimait sentir la légèreté de son estomac, lorsqu’elle sautait un repas, un point à la limite de la douleur, qui creusait un vide en elle, quelque chose qui la ramenait à sa surface, la réduisait à l’existence d’une frontière, entre son monde intérieur évanescent, et le grand dehors, si menaçant, et où, au sortir de l’enfance, elle ne trouvait pas sa place.
maugréa Serge en se déportant négligemment sur la gauche, frôlant à toute allure les coureurs qui se succédaient le long de la chaussée. Il y avait ceux qui soufflaient, qui grimaçaient, les faces cramoisies témoignant de l’effort. Il haussa les épaules, ramena son véhicule sur la droite, et se pencha en tripotant la commande du poste radio. La cigarette qu’il tenait entre l’index et le majeur roula contre le volant et vint lui brûler l’intérieur des cuisses. Il se dressa en jurant, jetant ses mains vers le mégot incandescent, écartant les jambes pour l’évacuer devant lui. L’écart du véhicule fut minime, quelques dizaines de centimètres, pas plus. Pas de quoi partir dans le décor. Mais suffisant pour que le choc soit d’une violence terrible.
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| NOUVELLE |
Le sport la dégoûtait.
Dès les vestiaires, elle trouvait envahissante la promiscuité entre filles, et l’exubérance de ses camarades l’exaspérait. Elle n’aimait pas la gouaille moqueuse avec laquelle les exclamations fusaient, l’espèce d’excitation qui s’emparait de sa classe, comme si toute la retenue habituelle s’évaporait pendant les changes. Lily tachait de faire vite, discrètement, pour que personne ne remarque sa gêne, et filait sur le terrain, le plus loin possible de la balle, fixant sa montre et priant pour que l’heure s’écoule rapidement.
Paul n’a mis son premier dossard que trente ans après avoir commencé à courir. Il n’y avait simplement pas pensé. Il courait matin et soir, souvent entre midi et deux, sans jamais songer que cela pouvait l’amener quelque part, et encore moins au départ d’une compétition. Courir suffisait. Il admettait que la course à pied avait empiété, par force, sur le développement d’une socialisation plus accomplie, la réalisation d’études, l’accès à une profession qualifiée, l’entretien de relations amoureuses, la fondation d’un foyer familial, mais cela ne lui pesait pas. Il vivait avec sa mère, courait et travaillait, et les choses étaient bien comme ça. À quoi bon un dossard ?
réserve naturelle. On savait qu’il ne se payait pas de mots. Il venait, il courait, il gagnait. Un point, c’est tout. Pas la peine d’en parler ensuite. Et pour dire quoi ? Paul gagnait, puis il rentrait chez sa mère. Il n’aimait pas forcément cette vie-là, mais il ne se posait pas la question de savoir si elle lui convenait ou pas. Il n’imaginait même pas que cela puisse constituer un problème. Lorsque le dimanche, il gagnait une course le matin, l’après-midi et le soir encore il courait. Et pourquoi pas ? La lassitude qui guettait ses adversaires, il n’en éprouvait aucun effluve.
Serge observa le jeune médecin qui venait de lui parler. S’il avait encore ce vocabulaire-là, il lui aurait donné de l’imbécile, ou du connard. Mais voilà, dix ans. Dix ans d’alcoolisme profond, dévastateur. L’alcool qui sauve par l’oubli, mais qui noie dans la boue opaque qui infiltre les organes, se glisse sous la peau, dans la graisse accumulée, et irradie jusque dans le cerveau, creusant un vide de mots, réduisant la pensée en miettes. Serge était une loque. Dix ans depuis la prison. Pas longtemps le mitard, il avait payé sa dette à la société, comme on dit. Dix ans depuis l’accident. Dix ans depuis la morte. Et l’autre benêt qui ose lui dire que pratiquer un sport lui ferait du bien. Ce jeune toubib, à l’air incapable, qui lui conseille de courir. « Courez, ça vous changera les idées ». Comme si je pouvais courir à présent, détritus que je suis.
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249 C’était un garçon qui lui en avait parlé. Dans les centres où Mélina atterrissait régulièrement, et où on lui faisait signer des contrats stipulant le poids corporel qu’elle devait atteindre pour quitter les lieux, elle rencontrait uniquement des filles. Un garçon était une rareté. Celui-là promenait un air triste sur l’endroit, mais semblait détaché de toute contingence. Même lorsqu’on s’adressait à lui, ce qui n’arrivait pas souvent, il conservait une distance qui lui conférait un air absent. Le matin, il disparaissait plusieurs heures, et nul ne pouvait dire où il passait ces longs moments de solitude. Mélina le surprit un jour, se glissant furtivement par une porte escamotée, et elle l’aborda directement : « Que fais-tu ? » Un ton de reproche affleurait. Il était vêtu d’un short démodé, et un vieux pull tombait sur ses cuisses grêles. Pourquoi Mélina avait-elle eu ce sentiment de trahison ? Il leva les yeux vers elle : « Tu vois : je courais », « Tu courais ? Mais où ? » La question le désarçonna un instant, puis il fit de la main un geste qui embrassa la vaste forêt derrière lui : « Par-là ». Il trouvait certainement que la conversation s’éternisait. Il tournait déjà la poignée pour s’esquiver. Sans savoir pourquoi elle prononçait ces mots, elle dit : « Demain, je viens avec toi ».
Pierre raccourcit sa foulée, pencha le buste de quelques degrés vers l’avant, et modifia subtilement son rythme respiratoire. Il était à l’attaque de l’ultime ascension. Le chemin allait s’élever en plusieurs lacets serrés, avant de filer plus droit dans un pierrier. Ensuite, il suivra une montée raide en sous-bois puis sortira sur les alpages et l’air se fera plus léger. Il passera sous la barre rocheuse, et s’engagera dans le couloir où de puissants blocs font des marches géantes. Il devra compter sur ses cuisses. À la débouchée sur le col, il pourra souffler, cassé en deux, les mains en appui sur ses genoux, et embrasser le paysage du regard. Il savait tout ça. Tant de fois, déjà.
Paul gagnait. Sobrement, avec toute la simplicité d’une course mesurée, efficace, régulière. Lorsqu’il se présentait au départ, personne ne venait le voir pour lui parler. On connaissait sa
Pourquoi était-elle tombée amoureuse d’un sportif ? Elle. Probablement parce qu’elle ne s’était pas posé la question. Parce qu’elle l’avait aimé. Parce que c’était lui, parce que c’était elle, comme Montaigne et La Boétie. Ce qui s’appelle une rencontre, avec la miraculeuse évidence de l’adéquation totale de l’un à l’autre. Des lèvres, des corps et des esprits. Elle l’aimait lorsqu’il courait et lorsqu’il ne courait plus. Elle le suivait sur les courses, l’attendait sans impatience à l’arrivée. L’accueillait sur la ligne dans ses bras. Il ne gagnait jamais, mais toujours lui souriait. Elle le serrait alors contre elle, sans égard pour sa fatigue, car elle sentait qu’ils étaient à nouveau deux et que c’était comme si elle pouvait serrer tout leur amour en une fois. Lily était amoureuse.
Des années plus tard, Mélina courait toujours. Elle courait avec appétit, elle dévorait les kilomètres. Elle savait ce qu’elle devait à la course à pied, pour elle, pour sa santé. Elle se souvenait combien il lui avait été nécessaire de manger, simplement manger, pour aller plus loin, pour courir plus loin. Alors, petit à petit, elle s’était éloignée du gouffre au-dessus duquel elle s’était dangereusement penchée. Elle avait repris vie. Ses muscles étaient réapparus, son souffle s’était développé, son cœur battait avec la régularité d’une horloge, alors elle courait, et elle se sentait libérée d’un corps qui l’avait martyrisé. Elle repensait souvent au garçon qui l’avait emmené, un matin, à la dérobée, sur son insistante demande. Elle ne l’avait plus revu. Elle aurait aimé se souvenir de son prénom.
Chausser des baskets et partir. Serge l’avait fait. Finalement. Une nuit de plus, où le sommeil l’avait évité avec acharnement. De lassitude, et parce qu’il n’y avait rien à faire, il s’était habillé d’un vieux short, d’une polaire déchirée ramassée dans un fond d’armoire pour supporter la température fraîche. Et il était sorti, en trottinant devant lui. Il avait gouté le plaisir hypnotique d’une foulée rasante, silencieuse. Un déplacement furtif dans l’opacité. La sensation de se glisser dans la peau d’une ombre.
| NOUVELLE |
Les victoires de Paul ne le changeaient pas. Il conservait cette distance qui éloignait de lui les journalistes, les importuns, les curieux. Lorsqu’il retrouvait sa mère, il lui prodiguait les soins dont elle était dépendante, à présent, avec la même attention précise. Elle s’endormait vite, et il occupait les heures de la soirée à ranger une collection de timbres, à nettoyer son intérieur, ou à s’arrêter devant l’échiquier devant lequel, longtemps, il hésitait à déplacer une pièce sur le jeu. Quand il se déshabillait pour se mettre au lit, il passait sa main sur ses jambes et la tension égale des milliers de fibres musculaires qu’il percevait sous la pulpe de ses doigts le rassurait. Le temps où il n’avait que la peau sur les os était derrière lui. Loin.
Pierre était parvenu à l’endroit où la forêt cède le pas sur les alpages. Les prairies couraient, presque à la verticale au-devant lui. Il marchait à présent en frappant du plat de la main ses genoux pour y trouver un élan à chaque pas. Ses poumons expulsaient vigoureusement l’air consumé, comme la machine à vapeur d’un paquebot lancé à toute allure. Il serrait les dents. Il était sans pitié.
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Un jour Lily lui proposa, sur un ton de plaisanterie, de courir avec lui. Il dit oui, bien sûr. Ils coururent ensemble, et ils aimèrent ça. Ils partageaient encore quelque chose de plus. Et elle avait eu la surprise de découvrir qu’elle pouvait prendre du plaisir à sentir son corps lui obéir dans l’effort. Ils coururent avec plaisir. Il lui proposa de l’inscrire à une course. Elle accepta.
Du jour où la mère de Paul mourut, il s’arrêta de courir. Il rentra chez lui, la maison était vide. Il jeta sa dernière paire de basket, et s’enfonça dans un fauteuil.
Mélina traversait un ruisseau à gué, lorsqu’elle se souvint du prénom du garçon qui l’avait emmené un matin. Il s’appelait Paul. Elle s’était toujours demandé ce qui se serait produit s’ils ne s’étaient pas perdus de vue, un peu par timidité, un peu par fatalisme.
Serge sentit la vibration remonter depuis le goudron le long de ses jambes. La nuit, la route serpente dans la campagne en silence. Puis, lorsque le sol se mit à trembler, le son du moteur émergea derrière lui. Il déporta lentement sa course vers le milieu de la chaussée.
Parvenu au sommet, Pierre contempla l’immensité qui se déployait sous lui. Il songea que Lily aurait pu être à ses côtés, si elle n’avait pas été fauchée par un chauffard, le jour de sa première course. À ce moment, sans savoir pourquoi, ce fut la première phrase du roman de Tolstoï qui lui revint en mémoire : « Les familles heureuses se ressemblent toutes. Chaque famille malheureuse est malheureuse à sa manière ».
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N°4
© Aaron Amat
NO PAIN NO GAIN N°4
LE SPORT, DE ZÉRO À L’INFINI
NO PAIN NO GAIN
JUSQU’OÙ SONT-ILS CAPABLES D’ALLER ? 5MAGAZINESEN1 | 252 PAGES 108
LES MONDES ENGLOUTIS
ultra
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ENTRAÎNEMENTS EXTRÊMES
ultra
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LE MENTALISTE
ET AUSSI : JO SOTCHI 22p | ETIENNE KLEIN | AROMATHÉRAPIE | ALLURE SPÉCIFIQUE
L 17574 - 4 - F: 12,00 € - RD - Belgique : 12,90 €
LE RESPECT DE L’ÉTIQUETTE
ultra
ABSOLU
62
TOP-CHRONO
EXPLORATIONS SAHARIENNES
ultra
GLOBE-TROTTER
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ÉQUILIBRE
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MARS - AVRIL 2014