ALAIN ZIRAH
EPATEZ LA GALERIE ROCK FICTIONS
1976 - 2016
ORANGE MECANIQUE !
Alex est de la race des Eros. Le grimage attirant, Alex, c’est, bien sûr, Malcolm Mac Dowell, l’adolescent ultra violent d’Orange Mécanique, le chef d’œuvre de Stanley Kubrick. Dès les premières images, la violence gratuite nous submerge dans des décors futuristes d’une grande beauté esthétique; en 1971, Kubrick imagine les années 1980. Sur bande originale de la 9ème symphonie de Beethoven, l’ultra violence à coups de chaînes, de barres de fer et au couteau finit à grands coups de pieds dans les « cravouilles ». Alex ponctue ses phrases par l’emploi de formules soigneusement choisies dans un langage de 1980 proche de la préciosité du XVIII° siècle. L’univers du film est enrichi de nombreux gadgets colorés en plastique blanc. On appréciera particulièrement la statuette phallus de porcelaine blanc et les tables en forme de femmes en plastique blanc. Peut-on soigner l’homme, le guérir de cette maladie qu’est la bestialité violente ? Ce film essaye de le démontrer dans un climat de violence autant morale que physique. Des images d’une puissance considérable montrent le symbole de la femme comme une représentation de la tentation. Le film met en exergue des paysages fantastiques et des couleurs bien différentes de la technologie présente dans 2001, l’Odyssée de l’Espace. A l’aide de procédés originaux, le réalisateur de génie nous fait ressentir les souffrances de ce nouveau messie qui accepte de souffrir pour sauver l’humanité. La police et les médecins le feront autant souffrir que les coups de barrière dans le sexe. Car la violence appelle la violence. La société y est caricaturée par le Kubrick contestataire anticonformiste qui refuse ce futur où il faudra porter des perruques
bleues, vertes, violettes ou jaunes. On espère que ce sont des perruques et pas des teintures pour les cheveux des parents.
Une satire des vices et perversions dans les prisons étend la caricature aux scènes de tabassage nocturne de clochards dans les rues désertes. Hélas, il y en avait avant Kubrick et ça continue après. La musique tient une place importante dans les films de Kubrick. Il associe en fond sonore les musiques de Beethoven ou de Rossini – dont l’ouverture de Guillaume Tell sert à raconter en images accélérées une démonstration de triolisme. Déjà dans 2001, les valses tourbillonnantes de Strauss illustraient le ballet des astronefs. On notera la couleur de l’eau proche du mercure pendant la rébellion des acolytes et leur punition et l’utilisation du grand angle pendant la scène de viol. Et tous les détails qui constituent un grand film (la chanson dans la baignoire, la scène chez le disquaire, le distributeur de boisson en forme de sein, etc…) « Orange mécanique » restera le chef d’œuvre absolu sur la violence avec des paysages naturels aux couleurs somptueuses. Kubrick nous interroge sur le besoin naturel de violence dans une société qui en fait une nécessité pour survivre. Un film à voir et à revoir.
2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE !
L’aube de l’humanité. Dans un monde aux horizons fantastiques, Stanley Kubrick nous montre des créatures simiesques recevant les premières émanations de l’intelligence. Dans un raccourci de plusieurs milliers d’années, on se retrouve dans l’atmosphère métallique des cabines du vaisseau spatial de 2001 tel qu’imaginé en 1968 par ce visionnaire de génie. On découvre toute la problématique des cosmonautes dans des décors de pure science fiction au son de Richard Strauss. L’objectif de ce film semble être une méfiance envers l’informatique. Le monolithe, symbole quasi divin de l’intelligence venue d’ailleurs nous montre un aperçu de la quatrième dimension dans une débauche d’effets visuels en technicolor. Les paysages montrés dans cette course folle sont littéralement fantas-tiques. Des décors extraordinaires aux couleurs changeantes défilent sous nos yeux éblouis par la splendeur de ces images étonnantes. Un monde jamais vu, pour l’époque, avec des verts craquelés, des jaunes étincelants vus par des yeux violets puis jaunes, verts, rouges, bleus… Alors Kubrick nous assène une fin étrangement incompréhensible. 2001, c’est le chef d’œuvre absolu du cinéma de Science Fiction d’avant Star Wars, tant il est riche en contenu et en images puissantes. On déplorera quelques longueurs vers le milieu du film, mais on voudrait rester assis pour assister à une deuxième séance tant les idées sont denses et nombreuses. Un monde original, jamais vu à l’aube des années 70, à voir et à revoir absolument, comme la plupart des films de Kubrick. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, incontestablement, c’était le meilleur film que je n’avais jamais eu l’occasion de voir. Qu’en serat-il dans trente ans ?
L'AGE DE CRISTAL !
Bienvenue en l’an 2774 ! Vous entrez dans « L’âge de cristal ». Dans la cité du futur, tout contribue à la jouissance de l’individu. Plus aucun problème matériel, l’amour libre, la beauté pour tous… Le peuple est uniquement constitué de jeunes gens de moins de trente ans. Tous sont surveillés par des limiers, eux-mêmes contrôlés par la machine cristal. Les fugitifs sont éliminés ou plutôt détruits. Car détruire, ce n’est pas tuer ; c’est comme débrancher des machines. Car détruire les vieux de trente ans, c’est leur offrir la renaissance. Logan reçoit la mission de sortir de la cité. De limier, il devient fugitif. Sera-til le grain de sable qui bloquera la machine ? Le thème majeur ce cette cité futuriste rappelle étrangement la légende du Paradis. Tout va pour le mieux dans le meilleur du monde à condition de ne pas goûter au fruit défendu. La pomme, c’est la liberté, mais la liberté, c’est la mort. Au cours de ses aventures, Logan, accompagné de Jessicaa, affrontera les louveteaux (les jeunes fugitifs) et les fugitifs eux-mêmes, les lasers, la chirurgie esthétique et son propre ami, un limier convaincu. Un androïde est chargé de stocker les provisions dans la glace et d’aider les fugitifs. Puis viendra la rencontre du couple avec la vieillesse et le peuple découvrira l’Atlantide du futur. Les couleurs sont chamarrées et le film, tout entier, est placé sous le symbole de la pureté. Le passage dans le tunnel de l’amour n’est pas sans rappeler 2001, l’Odyssée de l’espace. Les paysages sont merveilleux et les décors typiques des films de science fiction des années 70, avant Star Wars. Nous découvrirons New York en ville abandonnée sans qu’aucune explication plausible ne soit proposée. Les jeunes filles portent toutes des petites robes courtes aux couleurs fraîches comme des bonbons, pour le régal de nos yeux. Elles sont toutes belles et les garçons ont tous séduisants. Des ordinateurs intelligents dotés de parole, des androïdes, des véhicules ultra rapides, une cité de métal et de verre, tout contribue à l’évasion dans ce film involontairement kitch. Un film à ne pas manquer pour les amateurs de science fiction. Le dernier film marquant d’avant Star Wars.
HELMUT NEWTON !
- « Toutes mes photos racontent une histoire. Souvent, la femme est le sujet principal et l’homme est un faire-valoir. » C’est dans les rues de Cannes, sur le Croisette, en plein festival que je rencontre le maître de la photographie de mode. Ce soir là, j’avoue au grand Helmut toute l’influence qu’ont eue ses photos sur ma construction photographique. Il est touché et me consacre de son temps pour m’apporter les conseils qui marqueront ma façon de photographier. - « Lorsque je photographie une femme, je la choisis pour ce qu’elle est. Par contre, dès que je la photographie, son âme ne m’intéresse plus. Je ne me concentre que sur le grain de sa peau. C’est la texture de sa peau qui reflètera son âme. En photo, l’appareil ne compte que très peu. Ce qui compte c’est le regard du photographe. Parfois, il suffit de trouver un angle différent pour sublimer une photo que tout le monde aurait pu faire. » Lorsque j’évoque la série des nus grandeur nature en noir et blanc que j’ai adorée à Paris, le maître de la photo donne quelques précisions. - « Pour ce photos, j’ai choisi de ne montrer que des femmes entièrement nues, mais avec des chaussures à talons hauts. Leur personnalité est suggérée par un unique accessoire, souvent en rapport avec leur profession. Les chaussures sont essentielles pour les nus féminins. Juchées sur des talons hauts, les femmes ne se sentent plus nues. Elles sont sur un piédestal et ça leur dessine de plus jolies jambes. » - « Bien sûr, souvent mes photos sont provocantes, mais je ne suis pas un provocateur. C’est les situations qui sont provocantes. Quand je photographie des femmes bardées de bijoux dans des robes luxueuses dans des pays pauvres, ça fait réagir, forcément. »
-« La lumière est essentielle. Mais il faut que les photos racontent une histoire, qu’elles fassent réagir.
-Si vous regardez attentivement mes photos, vous allez découvrir énormément de choses qui vous aideront et vous feront progresser. » - « Bien sûr, j’aime les femmes fortes, les femmes à forte personnalité. Mais quand elles entrent dans mon studio, elles deviennent mes jouets, mes marionnettes. Je passe beaucoup de temps à régler tous les détails. Je shoote peu. Parfois pour une ou deux heures de préparation, je ne fais qu’une douzaine de poses. Tout doit être anticipé avant d’appuyer sur le déclencheur.» Après avoir accepté de poser « pour mon album de famille », Helmut Newton m’invitera à assister à un shooting prévu le lendemain après midi. Inutile de préciser mon excitation ; je vais assister à un shooting d’Helmut Newton avec une dizaine de mannequins somptueux sur le ponton du Carlton. Le maître de la photo de mode n’utilisera qu’un simple boîtier Nikon FE2 (de mémoire) avec un 50mm. Par contre, les mannequins immenses seront juchées sur leurs talons hauts et, par dessus leurs bikinis bleus, elles porteront de lourds manteaux en fourrure. Quoi d’exceptionnel, alors ? Helmut Newton prendra les photos en plongée, juché au sommet d’un escabeau. En prime inattendue, je serai invité également à assister à une émission de télévision présentée par Frédéric Mitterand et Arielle Dombasle. La plupart des acteurs français seront présents, ce qui me donnera l’occasion de mettre en pratique les conseils du maître. C’est ainsi que je me retrouverai, par hasard, un genou à terre devant le sosie de la reine d’Angleterre. Aurai-je fait la même photo avec la vraie reine ? Peut être que l’avenir me le dira. Merci Monsieur Newton pour ces leçons essentielles et les informations que je continue à découvrir, au fil du temps, dans vos photos. Pour clore cet entretien, je dois aussi noter la leçon ultime du maître. Il est mort à Los Angeles, en sortant du Château Marmont au volant de sa Cadillac, terrassé par une crise cardiaque ; la classe, quoi !
PHILIPPE DRUILLET !
"
pour « Sauver la Nuit »
Aujourd’hui, 12 décembre 1998 – Le lieu : « Sauvez la nuit ! », une petite galerie de la rue de Lodi, à Marseille, tenue par deux compères. L’occasion : le vernissage de l’expo-signature de Philippe Druillet. Presque une rétrospective. Interrogeons l’artiste : -« J’ai aujourd’hui 54 ans et plusieurs projets sont sur le point d’aboutir. D’abord « Excalibur », une série de dessins animés en 3D pour la télé. Il y aura 26 épisodes de 26 minutes entièrement réalisés en images de synthèse à partir de mes ébauches et de mes croquis. Le coût global est de 16 MF, c’est le prix d’un long métrage traditionnel. Vous y apprécierez la fluidité des mouvements, la finesse des détails des armures et des personnages. J’ai beau m’appeler Philippe Druillet, il m’a fallu deux ans pour monter le projet. Le vidéo-clip « Excalibur » avec William Sheller date de mars/ avril 1996. Il a représenté six mois de travail pour six minutes, soit deux mois de fabrication pour seulement quatre jours de tournage. William est un mec super, complètement allumé ! Tiens, je le connais la gars qui passe à la télé, dit-il en regardant son image à l’écran. C’est le type qui finit le dernier verre de whisky de la soirée… « Ring », c’est un double CD-Rom prévu pour tourner sur PC (Il n’y a pas encore de version pour Mac !). La musique est de Richard Wagner. On a prévu un gros tirage à 170.000 exemplaires.
Après mon dernier album qui date déjà d’il y a six ans, un nouvel album de BD va sortir dans les mois à venir (Il s’agit de Chaos, une nouvelle aventure de Lone Sloane, NDLA). Métal Hurlant, j’y ai consacré cinq années de ma vie et ça c’est arrêté brusquement. Il y avait des conflits internes, mais le lecteur n’est pas concerné. Il n’a jamais compris pourquoi ça s’est arrêté d’un coup, du jour au lendemain. Métal, c’est surtout le fruit de la volonté et du travail de Jean-Pierre Dionnet. Ça continue encore aux Etats-Unis et dans quelques pays (Heavy Metal) avec un superbe agenda illustré par Simon Bisley et Luis Royo, mais je dois dire que je ne connais pas trop les dessinateurs américains. Du clip de William Sheller, je n’ai pu récupérer que mes dessins et quelques petites statuettes en plâtre. Je n’ai même pas pu obtenir la caméra oculaire qu’il utilisait. Quand aux vingt pages du Nécronomicon, je les ai faites lorsque j’avais 24 ans. J’étais alors passionné par Lovecraft. Lorsque j’évoque la possibilité d’un projet commun avec les autres grands dessinateurs des années Métal Hurlant (Moebius, Caza, Bilal, Mezières…) Druillet est, hélas, catégorique. Non, aucune possibilité… sauf si un producteur nous proposait à chacun un travail commun… et une très bonne rémunération.
Oublions l’œuvre, oublions le travail colossal entrepris par ce prince des pinceaux depuis plus de trente ans. Oublions même l’homme et il reste une influence considérable de celui qui a marqué plusieurs générations d’adolescents de la génération Pilote et qui sont aujourd’hui des adultes. Druillet est et restera l’homme de la démesure. Combien d’artistes ont été marqués, influencés, fascinés par l’œuvre de Philippe Druillet ?
ALBERT KONAN KOFFI !
Quand je suis entré dans la galerie Wandenberg, en mai 1977, c’était surtout par curiosité. J’étais, sans doute, attiré par le nom du peintre : Albert Konan-Koffi. A la vue de la première de ses peintures, je me suis précipité à l’intérieur, irrésistiblement attiré par ce dôme ensoleillé de la Vieille Charité. Autour de ce Dôme, quatre autres dessins de chapelles étendaient de longs corridors aux colonnades mystérieuses. Les jeux de couleurs (jaune, puis blanc, puis jaune et rouge sur bristol noir) ainsi que la discontinuité des formes arrondies contribuait à donner une impression de vision à la fois figée dans l’intemporel et tellement réelle. Ensuite, des personnages africains enfermés dans de longues draperies viennent succéder à des portraits d’enfants négroïdes. Enfin, l’autre clou du maître ivoirien : des paysages oniriques aux eaux argentées sous un ciel vert. Dans un autre, le soleil essaye d’éclairer le faible oiseau blanc écrasé sous un ciel verdâtre aux lourds nuages. Une toile appelée « raz-de-marée » montre une volute aquatique s’élevant au dessus du sol. « Shui » présente trois éléphants très agréables à regarder. Les deux plus belles toiles, à mon goût, sont, sans doute, Akua-Tika (la tortue). L’animal isolé sur un rocher plat dans un décor vert lumière étincelant prend le soleil. L’autre montre des rochers dégoulinants de vert - jaune et orangé sous une lune rouge dont l’éclat est étiolé par la pâleur d’un ciel vert pomme. Albert Konan Koffi fait alterner deux styles presque parfaits : le premier présente des peintures géométriques avec des chapelles monochromatiques découpées sous le soleil. L’autre fait découvrir des compositions dans lesquelles s’affrontent les couleurs fluides et légères des paysages avec les formes pâteuses, pleines et régulières. Des progrès évidents ont été accomplis entre les premières vues présentées datant de 1968 et les plus récentes de 1975 à 1977. Il faut persévérer dans cette peinture onirique.
ALAIN HONTANX !
Je suis allé voir l’exposition d’Alain Hontanx en 1977 à l’atelier 347 rue Paradis. Il est difficile de faire la critique de quelqu’un qui a été, pendant une année, mon prof de dessin au Lycée Périer. Je n’ai pas du tout aimé ses voiliers, sorte de tableaux en relief, bien qu’ayant apprécié l’idée de transformer ses peintures en clichés photographiques. Je n’ai pas, non plus, aimé ses autres toiles dont les rochers découpés dans du papier semblaient vouloir sortir du cadre. Peutêtre parce qu’ai trouvé ça trop scolaire. Par contre, j’ai trouvé les aquarelles remarquables pour la fraîcheur et la spontanéité qu’elles dégagent. Ces deux cités péninsulaires semblent nous appeler : - « Viens hanter nos murs déserts…. » L’utilisation de morceaux de papier déchirés pour former plusieurs plans est très intéressantes quoique mal exploitée. Peut-être verra t’on de belles choses d’ici deux ou trois ans… Aujourd’hui en 2007, ce qui m’amuse beaucoup, avec le recul, c’est que je n’ai jamais revu celui qui était mon professeur. J’ai complètement oublié à quoi pouvaient ressembler les remarquables aquarelles. Par contre, lorsque je pense à cette exposition, j’ai le souvenir d’une marine avec des rochers découpés dans du papier à dessin et un os à moelle retenu par une ficelle. Il fallait regarder à travers l’os pour s’imaginer dans une caverne. Comme quoi la pensée évolue avec le temps et on ne retient pas forcément les souvenirs des dessins bien traités mais les idées originales.
GEORGES DELBAYS !
- « Je ne suis pas un coloriste ! » c’est ce qu’affirmait Georges Delbays qui exposait à l’atelier Cezanne. En effet, si ses toiles sont parfois attrayantes, elles manquent de style alors que le maître dessine des nus remarquables au crayon, au fusain ou à la sanguine. On appréciera tout particulièrement ses nus dessinés en pleins et déliés à la plume, avec une dextérité incroyable. Mais les modèles choisis y sont certainement pour quelque chose en l’inspirant à ce point. C’est ça la vie d’artiste…
LA GALERIE DU PRADO "
Une nouvelle galerie en 1977, vient d’ouvrir à deux pas de chez moi. CASANOVA en assure l’inauguration avec ses femmes en relief, aux seins lourds et au ventre gonflé de vie. L’appel de la vie semble omniprésent chez cet artiste qui travaille sur bois et sur carton, seulement sur des matériaux basiques. HEBEN y expose ensuite ses merveilleux couchers de soleil dont un très bel « Envol » et une autre huile jaunie par les reflets d’or d’ « Hélios ». J’ai beaucoup apprécié, mais, hélas, ces trois là étaient perdues au milieu d’autres toiles plutôt moins intéressantes à mes yeux. PRIET, spécialiste de la gravure à l’ancienne nous dépeint Marseille avec ses craquelures et ses navires à voiles poussiéreuses. Là aussi, seules trois gouaches ont vraiment attiré mon attention dont un pont merveilleux et les chevaux de Camargue surpris sous un ciel bleu pâle et les couleurs rosées du couchant.
HUBERT AICARDI !
C’est à la galerie Jouvène qu’expose, en mai 1977, Hubert Aicardi, un peintre de miniatures qui ont, paraît-il, surpris les japonais, pourtant passés, eux-mêmes, maîtres en la matière. Hubert Aicardi représente des paysages méditerranéens dans un style original. Les calanques, les montagnes, les arbres plus ou moins touffus surmontent toujours un horizon plat et lointain écrasé sous un ciel lisse. Les nuages, étendues céruléennes presque vivantes, ressemblent à des collages fignolés qui n’en sont pas. Les deux sujets présentés par ce peintre marseillais sont, d’une part, la mer au dessus de laquelle semble flotter une île blanche lointaine et, d’autre part, les arbres aux branches mortes, tordues et tortueuses. Des feuillages épars cachent les branches des arbres dans un parc fleuri (La pivoine) derrière une grille de fer forgé. Le chef d’œuvre, la merveille d’Aicardi, c’est un arbre exposant ses branches de bois blanc au dessus des eaux bleutées d’un lac infini. Le style d’Hubert Aicardi est très original. Dommage qu’il se laisse parfois aller à la facilité sur certaines toiles seulement déchirées par le seul horizon.
HUBERT AICARDI !
C’est à la galerie Jouvène qu’expose, en mai 1977, Hubert Aicardi, un peintre de miniatures qui ont, paraît-il, surpris les japonais, pourtant passés, eux-mêmes, maîtres en la matière. Hubert Aicardi représente des paysages méditerranéens dans un style original. Les calanques, les montagnes, les arbres plus ou moins touffus surmontent toujours un horizon plat et lointain écrasé sous un ciel lisse. Les nuages, étendues céruléennes presque vivantes, ressemblent à des collages fignolés qui n’en sont pas. Les deux sujets présentés par ce peintre marseillais sont, d’une part, la mer au dessus de laquelle semble flotter une île blanche lointaine et, d’autre part, les arbres aux branches mortes, tordues et tortueuses. Des feuillages épars cachent les branches des arbres dans un parc fleuri (La pivoine) derrière une grille de fer forgé. Le chef d’œuvre, la merveille d’Aicardi, c’est un arbre exposant ses branches de bois blanc au dessus des eaux bleutées d’un lac infini. Le style d’Hubert Aicardi est très original. Dommage qu’il se laisse parfois aller à la facilité sur certaines toiles seulement déchirées par le seul horizon.
LA SALLE !
Entrez, entrez, beau monde, dans l’univers tourmenté du peintre La Salle. Vous gravirez, une à une, les marches de pierre aux sommets drapés puis vous planerez dans l’azur. Icare vous précèdera dans votre rêve de grand Mogol, mais tel un ange déchu, ses ailes se dénouent en bandelettes bleutées. L’homme libre finira écrasé, cloué au sol dans les infules plissées. Un visage cloué sur du métal vous observera et vous y reconnaîtrez l’artiste que vous avez déjà aperçu dans sa représentation des sept péchés capitaux. Vous fuirez le visage inquiétant de la vielle femme ainsi que ceux des écorchés –les muscles remplacés par des bandelettes de tissus- et vous rencontrerez l’anthropopoule. Vous observerez l’écume au dessus de laquelle plane un étrange oiseau blanc. Puis vous vous perdrez dans la fascinante vague de satin aux couleurs ondoyantes. Là bas, tout au fond de la salle, une toile surmontée de draperies déployées ça et là, laissant à peine filtrer la clarté solaire. Vous approcherez et contemplerez les replis de satin du tableau dans lequel vous reconnaîtrez Icare. Ce dernier vous vous précèdera dans un azur verdâtre, jauni par le temps passé. Enfin vous vous mettrez à voler. Le plus étonnant, chez La Salle, c’est cette originalité dans un style pictural imitable mais jamais égalé. Que les personnages restent figés dans leur moule ou que le soleil se couche dans un ciel dense au dessus d’océans aux eaux colorées, toutes les toiles ont été repensées et recréées dans des tissus soyeux aux couleurs plus ou moins vives. Chronologiquement, les toiles plutôt impersonnelles de 1958 aboutissent à plus d’originalité dès 1963. Ces années sont particulièrement consacrées à la machine (et la très expressive machine infernale).
On retrouve des autoportraits de l’artiste dont un réalisé au lanceflammes sur une plaque de tôle. Icare est toujours présent dans ces toiles. De même les hybrides au long bec sont très représentatifs de cette période. Les femmes se perdent dans leurs draperies médiévales et les musculatures masculines se transforment, peu à peu, en tissus satinés. Puis, en 1969, c’est l’explosion. L’artiste ne peint plus que des paysages ou des oiseaux. Les hommes au corps transfiguré en bandelettes ne montrent plus leur tête, la cachant parfois sous leurs vêtements d’arrache corps. Les paysages sont fabuleux, d’inspirations fantastiques, et si le ciel existe bel et bien, la mer n’en est que le reflet. On retrouve également dans la galerie plusieurs triptyques. J’ai apprécié l’un d’eux particulièrement pour son atmosphère lourde et irréelle. « A tire d’aile » dégage une ambiance épaisse car presque trop réelle. Il montre une grande salle vide éclairée par la seule clarté d’un tunnel interminable. Problème épineux que celui du Saint Jacques s’il ne veut pas perdre sa bandelette. Mais que fait cet Icare solitaire planant dans des éléments aquatiques ; et ces deux êtres réjouis d’avoir découvert le secret de la mousson. L’orage s’annonce dans un ciel lourd aux couleurs fantasmatiques et la toile céleste se dénoue au fil du temps, libérant, peu à peu, l’univers jusqu’alors emprisonné dans des étoffes étoilées. Pénétrant ensuite dans l’autre salle, nous découvrons un quadriptyque en l’honneur de Venus ou la toupie assoupie. Puis, nous entrons dans la fameuse salle des machines. Les longs tuyaux d’acier bleuté s’enroulent autour de deux hybrides inhumaines. Vous observez les images diaboliques comme on feuillette un grand livre. On n’imagine pas le travail grandiose du maître face à ces cent toiles qui nous emmènent dans un grand voyage.
Enfin, vous pénétrez dans un couloir blafard, gravissez les quelques marches irrégulières et vous apercevez la sinistre clarté qui émane de la sortie du tunnel. Vous pouvez, désormais, entrer dans une nouvelle salle, le labyrinthe de La Salle. Alors le grand livre se referme sur vous et vous vous figez, paralysé par les visions d’animalcules aux ailes de soie. Vous découvrez alors des visages gigantesques qui vous regardent et vous comprenez, soudain, que vous faites maintenant partie du tableau.
YANN MARTIN !
- « J’ai toujours l’œil vagabond. » Dans cette exposition de peinture et de sculptures vue le 19 juin 1998 dans la galerie Axa du boulevard de Louvain, je rencontre Yann Martin qui me donne quelques clefs pour décrypter son processus de création. - « Si je dis toujours que je suis extrémiste dans mon art, c’est parce que je sais, au fond de moi, qu’en fait je ne le suis pas. Je fais mon cinéma. Je fais de la peinture parce que j’ai toujours rêvé de faire de la mise en scène. » - « Les artistes peuvent faire de très grandes choses dans le malheur, mais on peut aussi faire de très grandes choses dans le bonheur. » Comme je lui précise qu’on reconnaît une femme amoureuse parce qu’elle resplendit, Yann Martin complète mon idée. - « On a la femme que l’on mérite, et c’est tant mieux. Imaginez si l’on était tous amoureux de la même femme… » Surtout si ce n’est pas Sharon Stone ! Je le taquine et il ajoute : - «Il y a toujours quelque chose d’extraordinaire, de passionnant dans les rencontres imprévues. » Avec délectation, j’emmène l’artiste plasticien sur le terrain de la photographie. Son avis clos notre entretien : - « Un photographe n’est pas un artiste s’il ne passe pas à la mise en scène. » Par ces mots, c’est le fameux débat qui distingue le photo-reporter du photographe de studio. Mais c’est une autre histoire.
!
ALICE COOPER !
Le zoo humain Avoir vu Alice Cooper en concert, c’est assez exceptionnel pour le marseillais que je suis. C’était le 2 février 1982 ; Avant le concert, la salle se remplit lentement, déversant ses fourmis humaines de la « génération landslide » (a song about you !). Tous les gars ont des gueules pas possibles. Je cherche une place d’où je pourrai prendre des photos du cher Alice. Au passage, je remarque une punkette maquillée façon Nina Hagen et près d’elle une bande de cinq ou six voyous très très laids –pire que dans les BD de Loustal : cheveux décolorés au dessus d’un « Lust for Life » sur cuir noir, sosie de Sid Vicious à la limite du pastiche, en pantalon façon léopard qui se veut sexy (c’est que du toc !). Un grand brun efféminé aux yeux maquillés affiche une allure de prince décadent, entre Rocky (Horror Picture Show, pas Stallone !), Kiss et Dieu seul sait qui… De mon côté, j’ai les cheveux rouge, du noir autour des yeux, mais j’ai gardé une cravate bordeau très fine, façon bcbg. Ça doit être pour ça qu’ils n’arrêtent pas de me regarder ; aurais-je trouvé plus choquant que le cuir noir invisible dans la foule extrême rock ? A peine le temps de tirer quelques portraits d’une domina aux lèvres dorées sur un pantalon en peau de zèbre…et le concert commence dans la plus stricte iniquité.
Alice, grand sorcier du grand guignol, le schizophrène barjo distribue des « Certificate of Insanity ». Le prince ténébreux, roi de l’outrage, se fait annoncer par Machiavel. Empereur de la démence, le Billion Dollar Man plonge avec obscénité dans la décadence du mauvais goût…juste pour exceller dans la provocation. Le public est déjà conquis dès le premier morceau. Il ne porte pas le maquillage que l’on connaît mais ça n’a aucune importance ; il est désormais encore plus laid en rocker geisha jouant du fleuret comme une cravache sur ses « special forces »…et, à la fois, tellement plus beau. L’intro au son des mitraillettes permet de planter un décor à la façon du film « Apocalypse now » avec des guitaristes bidasses et leur pseudo lieutenant. Le blouson militaire marqué U.S.A. laisse apparaître un costume de cuir noir rapiécé, déchiré, en lanières éparses, nouées entre elles. Bientôt, l’inévitable boa vient lover ses anneaux autour du cou d’Alice, juste le temps d’un baiser. Une femme apparaît, tirée d’un placard. Après un moment, elle s’avère être un mannequin grotesque sur lequel le chanteur déposera un baiser. Tout le contraire d’un chaste baiser. Alice Cooper est-il le rejeton de Dracula ? Et le show continue, zappaïen et délirant. Alice est vraiment un phénomène. Un seul absent pour ce show : l’ancien boa constrictor qui s’est noyé dans la cuvette du WC d’un hôtel new-yorkais.
"
LEDA ATOMICA Etranges personnages que Leda Atomica : Chanteuse résille en noir, oiseau de mauvais augure, Phil Spectrum, géant farfadet, sorte de savant fou épris de bruits synthétiques, Nicolas Zaroff, personnage sexe, la mèche blanche lui barrant le front. Nous sommes trois, nous sommes beaux, nous sommes sexe. Le bassiste cadavérique figé, tel un zombie imperturbable au rictus grinçant Accompagne les guitaristes, trois iguanes au visage bleu, l’œil rouge, Qui rampent de tout leur long, la langue frétillante, Sous la baguette de la brune sorcière. Bizarre, dites-vous ? Mais encore ? Des torches tungstène d’un rouge sang aveuglent le public Déstabilisé par des textes en français, en allemand, dans une langue inversée… « Marseille, bouche de vieille », le Dr Jeckyll, des putes, des sorcières… Et un texte spécial pour - je veux dire contre - Jean-Marie.