Dark net - extrait « “Alors ?” demande le médecin. “Hannah ? demande sa mère. Ça a marché ? Ça marche ?” Il y a un jeu auquel Hannah joue parfois. Le jeu des souhaits. Elle se dit, par exemple : “J’ai hâte que nous partions en voyage au Costa Rica”, ou “Je fais du cheval dans les Highlands en Écosse”, et alors, comme par magie, se cristallise une image. Elle est sur une plage de sable blanc, sur laquelle tombent doucement des noix de coco, et des dauphins font des arcs de cercle en sautant dans le lagon. Elle traverse une tourbière, au milieu de volutes de brume, tandis que son cheval fait jaillir des mottes de terre et que les cornemuses cornent et sifflent. Qu’importe que le rêve soit coûteux, lointain ou inaccessible, avec le jeu des souhaits, tout devient possible. “Je vois”, dit-elle. Elle l’a déjà dit bien des fois auparavant, l’a murmuré dans son oreiller, dans le col de son manteau ou dans sa penderie, testant ces mots dans des endroits secrets
pour voir s’ils se gâtaient une fois à l’air libre. Mais cette fois-ci c’est vrai. Elle voit. Elle a du mal à appréhender les images, son cadre de référence ayant été jusqu’alors limité à ses autres sens. Ce qu’elle voit est comme un écho. Et, dans cet écho, il y a une autre voix. Il y a un blanc étincelant au premier plan, et un blanc voilé tout autour, à l’intérieur desquels des choses – des gens ? – bougent. Sa mère lui demande : “Tu peux me voir, Hannah ?” Elle voit quelque chose mais est-ce sa mère ? Sûrement. Mais tout se confond. Elle ne peut pas fabriquer des couleurs à partir de formes, ou des formes à partir de distances, ou des distances à partir de textures, parce que chaque donnée fait crépiter un moment son cerveau, ce qui lui donne envie de hurler : “Ça ne marche pas, ça ne marche pas !” C’est comme si quelqu’un lui brandissait une banane sous le nez et un requin devant la figure, lui mettait du jazz dans les oreilles et un balai dans la main, et lui disait : “Quel beau coucher de soleil !” “Je ne sais pas, dit-elle. Je ne sais pas ce qu’est la réalité.” »
Fermez toutes vos fenêtres ! à propos de sous la bannière étoilée
(Albin Michel, 2009)
« Benjamin Percy est certainement le meilleur jeune écrivain sur la scène littéraire américaine de ces dernières années. » Brady Udall « Un conteur remarquable qui fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle pour évoquer les dangers et les peurs qui se sont récemment emparés de l’Amérique à l’aube de ce nouveau siècle. » Los Angeles Times
À l’heure des fake news, des théories conspirationnistes et des innombrables fantasmes entourant le Dark Net, rien de tel qu’un techno-thriller survolté, dopé à l’adrénaline et aux apparitions horrifiques.
Dark Net, le dernier roman de Benjamin Percy, part d’un postulat assez simple : les profondeurs du Web abritent vraiment des entités démoniaques. Aujourd’hui, elles sont prêtes à déferler sur notre monde. Qui les en empêchera ? Fabrice Colin
Le Canyon (Albin Michel, 2012) a été élu meilleur livre de l’année 2010 par les libraires indépendants américains.