La vague grondante marie brennan

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La Vague Grondante Par Marie Brennan Au même moment, dans les montagnes les plus au nord de Rokugan… Un homme plus prudent, ou moins engagé, n’aurait pas tenté de quitter Shiro Mirumoto si tôt dans la saison. Même selon les critères du Clan du Dragon, l’hiver avait été rude. Le froid desserrait peu à peu son étreinte, mais il n’avait pas encore lâché prise. La neige s’élevait toujours en tas là où les laboureurs heimin l’avaient chassée des rues à l’aide de leurs pelles. Ainsi dégagée, à la faveur de la nuit, la terre se changeait en réplique miniature des montagnes. La boue, figée dans la glace, dessinait alors des vallées et des pics durs comme la pierre. Mirumoto Masashige aurait préféré attendre encore une semaine, ou même deux, avant d’entreprendre ce voyage. Bien qu’avec les années ses articulations fussent de plus en plus sensibles au froid, il ne craignait pas pour sa propre santé, mais pour celle de ses compagnons. Il leur faisait prendre des risques en partant si peu de temps après l’équinoxe, et il le savait. Mais en retardant leur départ, il aurait fait courir un risque encore plus grand à l’ensemble du clan. Et Masashige était certain que s’il devait interroger les hommes et les femmes de sa suite, ils insisteraient pour se mettre en route dès qu’il le demanderait. Même si cela devait les plonger au cœur d’une tempête de neige. Leur poser la question reviendrait à insulter leur honneur. Il ne se le permettrait jamais. Ils montèrent donc en selle dans la cour du château avant de pénétrer au cœur de l’activité grouillante de la ville. Ils traversèrent la rue principale pour rejoindre le portail. Une vague de citadins se dispersa sur le passage des sept bushi et de leurs ashigaru. Ce nombre suffirait, espérait Masashige, pour leur assurer un voyage serein vers l’ouest et le nord. Même aux meilleures époques, les montagnes du Dragon n’étaient pas les paisibles champs de la Grue. Et après un hiver aussi rude, il lui fallait prendre des précautions. Ses pensées étaient si profondément occupées par les dangers du périple qui l’attendaient qu’il n’aperçut pas la menace qui se présentait devant lui avant qu’il ne soit presque trop tard. Masashige tira désespérément sur ses rênes. Son hongre se cabra dans un hennissement aigu et alors qu’un de ses sabots s’enfonçait dans la boue, il dérapa sur son flanc. Masashige se jeta sur le côté et roula au sol. Il savait très bien que, s’il ne le faisait pas, le cheval lui tomberait sur la jambe et la briserait. Les hurlements de l’équidé couvrirent le fracas de son armure et l’informèrent que sa monture n’avait pas eu sa chance. Mais l’enfant… Avant qu’il ait pu lui-même se remettre sur pied, Masashige chercha du regard l’enfant qu’il avait failli piétiner. Il la trouva sur le côté de la rue. Elle était à genoux et tentait misérablement d’implorer son pardon. Une jeune fille d’à peu près douze ans, vêtue d’un simple kimono et du hakama d’une apprentie bushi. Elle pressait son front contre la boue recouverte de glace. « Mirumoto-ue, je vous supplie de pardonner votre imprudente servante ! » Masashige l’aida à se relever sans attendre et la scruta, à l’affût de la moindre blessure. « Es-tu blessée ? » «Non mon Seigneur. Je n’ai aucune excuse pour mon imprudence…pardonnez-moi ! »

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